rapport annuel du hcsf (juin 2015)
DESCRIPTION
Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a publié le 10 juin 2015 son premier rapport annuel. Ce rapport permet au HCSF de présenter son diagnostic et ses analyses qui sous-tendent sa politique macroprudentielle.TRANSCRIPT
-
Rapport annuel Juin 2015
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 1
Avant-propos du Prsident
Cest un grand plaisir pour moi dintroduire aujourdhui le rapport annuel du Haut Conseil de stabilit financire. Le Haut Conseil a t cr par la loi de sparation et de rgulation des activits bancaires de
juillet 2013, pour prendre la suite du Conseil de Rgulation Financire et du Risque Systmique. Il a
pour mandat formel de veiller la stabilit financire de notre conomie et de dfinir la politique
macroprudentielle quil convient de conduire dans ce but. ces fins, le Haut Conseil a vu ses prrogatives renforces. En particulier, il sest vu confier des pouvoirs contraignants en plus des avis et des recommandations quil pourrait souhaiter formuler.
La crise a mis en vidence la ncessit de surveiller et danalyser le risque systmique, et je suis heureux que la France ait aujourdhui une autorit macroprudentielle, dote des pouvoirs ncessaires laccomplissement de son mandat. Le financement de l'conomie est une activit intrinsquement risque. Nous ne pouvons pas prtendre qu'il n'y aura plus d'accident. Mais nous devons faire en sorte
que ces accidents n'auront pas de consquences "systmiques", c'est dire que ces accidents n'entranent
pas d'effets en chaine, ne se propagent pas d'autres acteurs et, finalement, ne s'amplifient pas jusqu'
avoir des consquences non seulement financires mais aussi macroconomiques.
Pour ce faire, laction du Haut Conseil est double. Nous devons d'abord contribuer renforcer la robustesse et la rsilience de notre systme financier : identifier et rsoudre les fragilits structurelles de
notre systme. Nous devrons ensuite veiller rquilibrer les dsquilibres qui pourraient se
dvelopper au sein de notre conomie, viter le dveloppement de bulles et contribuer au dgonflement
maitris de celles qui se seraient dj dveloppes.
Ce premier rapport annuel, qui marque la premire anne de fonctionnement du Haut Conseil, prsente
le diagnostic et lanalyse qui sous-tendent la politique macroprudentielle poursuivie. Il dveloppe aussi des analyses sur certains des sujets que le HCSF examin au cours de la dernire anne, notamment les
risques associs lenvironnement de taux bas, les risques lis la liquidit de march, le modle de financement de limmobilier en France et ltat des lieux du systme financier parallle en France. Je vous en souhaite une bonne lecture.
Michel Sapin
Prsident du Haut Conseil de stabilit financire
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 2
Ce rapport a t adopt par les membres sur Haut Conseil de Stabilit Financire loccasion de la sance du 10 juin 2015.
Michel Sapin
Ministre des Finances et des Comptes publics
Prsident du Haut Conseil de Stabilit Financire
Christian Noyer
Gouverneur de la Banque de France et Prsident
de lAutorit de Contrle Prudentiel et de Rsolution
Membre es qualit
Grard Rameix
Prsident de lAutorit des Marchs Financier
Membre es qualit
Patrick de Cambourg
Prsident de lAutorit des Normes Comptables
Membre es qualit
Raphalle Bellando
Professeur, Universit dOrlans
Personnalit qualifie
Agns Bnassy-Qur
Professeur, Universit Paris I, et Prsidente
dlgue du Conseil dAnalyse conomique
Personnalit qualifie
Hlne Rey
Professeur, London Business School
Personnalit qualifie
La rdaction de ce rapport a t arrte au 1er juin 2015.
Ce rapport a t prpar sous la responsabilit de Jean Boissinot et Laurent Clerc, secrtaires gnraux,
par le Ple dAnalyse conomique du Secteur Financier de la Direction Gnrale du Trsor et la Direction de la Stabilit Financire de la Banque de France, qui assurent conjointement le secrtariat du
Haut Conseil de Stabilit Financire, avec des contributions de lAutorit de Contrle Prudentiel et de Rsolution (Direction des tudes) et de lAutorit des Marchs Financiers (Division tudes, stratgie et risques).
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 3
Table des matires
Ch. 1 Prsentation du HCSF 7
A. La politique macroprudentielle 8
B. Les outils du HCSF 12
C. Cadre international et europen 16
Ch. 2 Dveloppements rcents 17
A. Dveloppements macroconomiques et financiers 17
B. Agents non financiers 22
C. Agents financiers 32
Ch. 3 Dossiers thmatiques 39
A. Risques associs lenvironnement de taux dintrt bas 39
B. Risques lis la liquidit de march 48
C. Le financement de limmobilier rsidentiel en France 54
D. tat des lieux du systme financier parallle en France 66
Annexe 1 : Liste des membres 73
Annexe 2 : Articles de loi de rfrence 74
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 4
Rsum
La zone euro a montr des signes de reprise sur lensemble de lanne 2014. Si la croissance sest amplifie dans la plupart des conomies, les situations demeurent contrastes selon les pays. LIrlande et dans une moindre mesure lAllemagne ont affich des taux de croissance suprieurs la moyenne de la zone euro. LEspagne a enregistr une croissance assez robuste aprs cinq annes de croissance ngative. linverse, lItalie a encore connu un taux de croissance ngatif. Dans cet environnement, la France a connu une croissance assez modeste qui sacclre nanmoins sur la priode la plus rcente. Paralllement, linflation en zone euro comme en France a fortement baiss en 2014.
Dans cet environnement macroconomique encore fragile, les volutions des marchs financiers ont t
largement influences par les annonces des grandes banques centrales avec en zone euro une baisse
historique des taux observe pour lensemble des maturits (aplatissement de la courbe) avec une compression des carts de rendements priphriques dans un contexte dassouplissement de la politique montaire de la BCE et la mise en place de programmes dachats de titres tandis quaux tats-Unis, la Fed a engag un arrt progressif du programme dachat de titres mme si les taux sont rests autour de leur plus bas historique.
En 2014, les mnages franais ont conserv un taux dpargne similaire sa moyenne de long terme mme si les nouveaux placements ont t plutt en baisse jusqu fin 2014. Lenvironnement de taux bas a cependant eu un impact marqu sur lallocation de leurs placements avec une reprise de la collecte sur les supports long terme (assurance-vie, pargne logement) et une certaine dsaffection pour les
produits les plus courts (livrets). Paralllement, la progression de lendettement est reste modre pour la 3e anne conscutive mme si lon assiste nanmoins une r-acclration progressive du crdit immobilier et du crdit la consommation sur les derniers trimestres. En revanche, la baisse des taux a
t lorigine de mouvement de rachat de crdits et de rengociation dune ampleur indite soutenant la production de crdit. Dans lensemble, les mnages franais prsentent une situation patrimoniale solide.
Aprs 3 annes de baisse, les entreprises ont enregistr une progression de leur taux de marge en 2013
qui permet une augmentation de lautofinancement dans un contexte de reprise de linvestissement aussi soutenu par le dynamisme des encours de dette (quil sagisse des crdits octroys par les banques ou des missions de titres, particulirement dynamiques ces dernires annes). Lendettement des entreprises progresse donc mme si la progression parallle de leurs fonds propres (assure par des
financements internes mais aussi externes suite la reprise de lactivit de capital investissement) et la baisse des taux assurent la matrise de leur levier dendettement dune part et de leurs charges financires dautre part.
Dans ce contexte, le secteur bancaire a poursuivi le renforcement de son passif avec une amlioration
de ses ratios de solvabilit et de sa liquidit et confirm la robustesse des actifs son bilan notamment
loccasion des exercices dvaluation intervenus en amont de la mise en uvre de lunion bancaire (examen des actifs, stress test). Nanmoins, la rentabilit des banques franaises et, plus largement, celle
de leurs homologues europennes ne sest pas totalement rtablie depuis la crise et alors que lenvironnement de taux bas pse sur leurs rsultats. Face cette situation, la plupart des acteurs ont annonc et engag des transformations.
De son ct, le secteur de lassurance a enregistr de bonnes performances en 2014 avec un chiffre daffaire en hausse et une nette progression de la valeur des actifs dtenus. En ce qui concerne la solvabilit du secteur, lassise de fonds propres apparat solide, y compris au regard des stress tests qui ont t conduits. Nanmoins, la perspective possible dun environnement de taux dintrt durablement bas constitue un dfi significatif pour le secteur en particulier pour lassurance-vie.
Enfin, la gestion dactifs sest redresse en 2014 avec une progression du nombre de socits de gestion, du nombre de fonds et des encours sous gestion. Les volutions ont cependant t assez contrastes sur
les diffrents segments alors que le contexte de taux suscite un regain dintrt certains segments (actions notamment) mais savre peu favorable pour dautres (en particulier, montaires).
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 5
Suite cet examen, la dernire partie du rapport prsente lanalyse du Haut Conseil sur certains des aspects de ce diagnostic densemble.
Globalement, lenvironnement de taux dintrt bas joue donc un rle structurant pour la plupart des acteurs et des marchs. Dans ce contexte, tout en soulignant que cet environnement est adapt au
contexte macroconomique actuel et propice aux ajustements des acteurs non financiers, le Haut Conseil
a analys avec attention les risques pour la stabilit financire qui y sont associs. Dune manire gnrale, cet environnement pse sur la rentabilit des diffrentes institutions financires (rduction de
la marge dintermdiation des banques, tension sur le business model de lassurance-vie et de certains segments de la gestion dactif). Poussant fortement de nombreux acteurs la recherche de rendements un peu plus importants, il induit aussi un risque accru de mauvaise apprciation des risques et de
mauvaise fixation des prix.
Alors que ces derniers mois ont t marqus par certains pisodes dajustement brusques sur les marchs, le Haut Conseil a aussi examin lvolution de la liquidit de march et les risques qui pourraient y tre associs et qui se trouvent renforcs par le contexte financier de taux bas. On observe ainsi un certain
repli des activits de tenue de march, qui a entran une bifurcation entre les marchs les plus liquides,
qui le sont rests, et des marchs moins liquides, dont la liquidit sest davantage rduite. Si ces volutions ont pu indirectement rsulter de certaines volutions rglementaires, dautres facteurs sont aussi luvre.
Dans un tout autre domaine, le Haut Conseil a analys avec attention le financement de limmobilier en France. Il constate la robustesse dun modle qui repose avant tout sur lanalyse de la solvabilit des emprunteurs et qui a corrig la drive de certaines pratiques observes au cours des annes 2000
(allongement des maturits, augmentation de la part des oprations finance par lemprunt). Il a examin galement un certain nombre de points dattention (niveau lev des prix, pondration des risques, prise en compte du risque de taux, large recours la caution) ainsi que le rle que pourrait jouer la titrisation
dans ladaptation de ce modle de financement.
Enfin, conscient des risques de migration de certaines activits au-del du primtre traditionnel de
lactivit bancaire, le Haut Conseil a dress un premier tat des lieux du systme financier parallle (shadow banking) en France et des risques qui pourraient en rsulter.
Par ailleurs, lissue de sa premire anne dexercice, le Haut Conseil de stabilit financire a jug utile de consacrer la premire partie de ce rapport une prsentation de la politique macroprudentielle, de
son cadre institutionnel et de la stratgie que le Haut Conseil a labor et formalis dans un document
rendu public en dcembre 2014.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 6
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 7
Ch.1 Prsentation du HCSF
Ch. 1 Prsentation du HCSF
Le Haut Conseil de stabilit financire (HCSF) a t tabli par la loi de sparation et de rgulation des
activits bancaires du 26 juillet 2013 pour succder au Conseil de la rgulation financire et du risque
systmique (Corefris) dont il reprend la composition. Sous la prsidence du ministre des Finances et des
Comptes publics, le Haut Conseil runit en effet le gouverneur de la Banque de France, prsident de
lAutorit de Contrle Prudentiel et de Rsolution (ACPR), le vice-prsident de lACPR, le prsident de lAutorit des Marchs Financiers (AMF), le prsident de lAutorit des Normes Comptables (ANC) ainsi que trois personnalits qualifies choisies en raison de leurs comptences dans les domaines
montaire, financier ou conomique par le prsident de lAssemble nationale, le prsident du Snat et le ministre des Finances et des Comptes publics. Il est charg de veiller la stabilit financire en France
et de dfinir la politique macroprudentielle quil convient de conduire pour limiter les risques systmiques. Le HCSF dispose de pouvoirs rglementaires pour mettre en uvre son mandat. Laction du HCSF sinscrit galement dans le cadre institutionnel europen.
En 2014, llaboration de la stratgie macroprudentielle du HCSF a clarifi ses objectifs et dfini le cadre institutionnel de ses comptences. Ce cadre institutionnel dcoule de la loi de sparation et de
rgulation des activits bancaires du 26 juillet 2013 et du cadre juridique europen : directive CRD IV
et rglement CRR1 ; rglement relatif au Mcanisme de supervision unique (MSU ou Single Supervisory
Mechanism SSM)2 mettant en place le premier pilier de lunion bancaire ; recommandations du Comit europen du risque systmique (CERS ou European Systemic Risk Board ESRB) sur le mandat macroprudentiel des autorits nationales et sur les objectifs intermdiaires et les instruments de la
politique macroprudentielle.
La stratgie macroprudentielle dtaille le champ de la surveillance et de laction du Haut Conseil, qui englobent lensemble des acteurs du secteur financier. Elle prcise galement lobjectif final du HCSF, contribuer au maintien de la stabilit du systme financier , ainsi que cinq objectifs intermdiaires
qui permettent la poursuite de cet objectif ultime et guident les dcisions de politique macroprudentielle.
La stratgie souligne galement que le HCSF prend ses dcisions selon le principe du pouvoir
discrtionnaire orient : il sappuie la fois sur des rgles et des indicateurs, tout en exerant un pouvoir dapprciation (jugement dexpert) permettant de tenir compte dautres lments dinformation et dapprciation de la situation. Il rend publiques ses dcisions, dans la mesure o leur publication ne constitue pas un risque pour la stabilit financire. Lefficacit des mesures de politique macroprudentielle adoptes par le Haut Conseil est rgulirement value par ce dernier.
Cette stratgie a t rendue publique, sur le site internet du HCSF3. Cette publication doit permettre une
meilleure comprhension de son fonctionnement, favoriser lefficacit de ses interventions et soutenir sa communication, sa transparence et son degr de responsabilit. Cette stratgie pourra tre rvise et
enrichie mesure que lexprience en matire macroprudentielle augmentera, notamment en vue de la slection dindicateurs prcis guidant lactivation et le relchement des instruments disponibles.
1 Directive 2013/36/UE concernant laccs lactivit des tablissements de crdit et la surveillance prudentielle des tablissements de crdit et des entreprises dinvestissement (CRD IV) et Rglement n 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux tablissements de crdit et aux entreprises dinvestissement (CRR). Le paquet CRR/CRD IV transpose les accords de Ble III en droit de lUE. 2 Notamment le rglement n 1024/2013 confiant la BCE des missions spcifiques ayant trait aux politiques en matire de
surveillance prudentielle des tablissements de crdit. 3 Disponible ladresse http://www.economie.gouv.fr/files/strategie_macroprudentielle_du_hcsf.pdf.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 8
A. La politique macroprudentielle
A.1. Dfinition de la politique macroprudentielle
La politique macroprudentielle a pour objectif de prvenir et limiter le risque systmique, cest--dire le risque de perturbations majeures dans la fourniture de services financiers ayant des consquences
srieuses sur lconomie relle 4. Ce type de risque affecte gnralement le systme financier dans son ensemble (ou une large part de celui-ci) et peut se manifester au travers des effets de contagion,
damplification des chocs (par exemple, en raison des expositions un risque commun de plusieurs acteurs du systme financier) ou des dsquilibres financiers (comme lexistence de bulles ou une croissance excessive du crdit).
Dans la poursuite de son objectif, le HCSF dispose dune capacit dintervention reposant sur des instruments qui peuvent tre mobiliss pour prvenir des dveloppements susceptibles de se traduire par
lapparition de risques systmiques. Les facteurs de risques qui, individuellement ou conjointement, peuvent conduire une fragilisation du systme financier, comprennent notamment :
i. une expansion du crdit et un effet de levier excessifs au sein du systme financier comme au sein des secteurs non financiers ;
ii. un trop fort degr de transformation (de maturit, de liquidit, etc.) opr par les acteurs financiers ;
iii. une concentration excessive des expositions directes et indirectes des acteurs financiers ;
iv. des incitations inappropries conduisant un ala moral, y compris les consquences potentielles du caractre (individuellement ou collectivement) systmique de certains
acteurs ;
v. le caractre systmique des infrastructures financires.
Ces facteurs de risques ont conduit le HCSF adopter une srie de cinq objectifs intermdiaires (non
exclusifs)5 qui guident de faon plus oprationnelle laction macroprudentielle, en accord avec la recommandation du CERS/ESRB en la matire6 :
i. attnuer et prvenir une expansion du crdit et un effet de levier excessifs ;
ii. limiter la dpendance excessive au financement de court terme ou un trop fort degr de transformation et maintenir la liquidit sur les marchs financiers ;
iii. limiter la concentration des expositions directes et indirectes (quil sagisse dinterconnexions entre acteurs ou dexposition dun certain nombre dacteur un facteur de risque commun) ;
iv. limiter limpact systmique dincitations inappropries afin de rduire lala moral (y compris en visant un renforcement de la rsilience des tablissements dimportance systmique qui peut tre coupl, lorsque cela est pertinent, la mise en place de dispositifs
de liquidation et de rsolution ordonnes des dfaillances visant rduire la systmicit de
ces institutions) ;
v. renforcer la rsilience des infrastructures financires.
De faon gnrale, lapproche macroprudentielle recouvre deux dimensions, impliquant des rponses distinctes7. Elle consiste dune part renforcer la rsilience du systme financier, cest--dire sa capacit
4 Committee on the Global Financial System, CGFS (2012), Operationalising the selection and application of macroprudential instruments 5 Au vu des facteurs de risque particuliers et des caractristiques structurelles du systme financier en France, il ne parat pas,
ce stade, ncessaire dajouter cette liste dautres objectifs intermdiaires. Le HCSF se rserve cependant le droit de modifier ces objectifs mesure que lexprience en matire macroprudentielle augmentera, et pour rpondre aux volutions des systmes financiers franais, europen et mondial. 6 Cf. recommandation du CERS/ESRB du 4 avril 2013 sur les objectifs intermdiaires et les instruments de la politique
macroprudentielle (CERS/2013/1)
7 Cf. Crockett, A. (2000), Marrying the micro- and macroprudential dimensions of financial stability, Borio, C., Furfine, C.,
Lowe, P. (2001), Procyclicality of the financial system and financial stability: issues and policy options, Borio, C. (2003),
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 9
absorber les chocs financiers ou conomiques sans rpercussions graves. Il sagit de la dimension structurelle ou transversale de la politique macroprudentielle. Elle doit dautre part, dans sa dimension temporelle, permettre de rduire la procyclicit du systme financier conduisant une amplification
des cycles financier et rel. Pour cela, elle doit pouvoir limiter laccumulation et la sous-valuation excessives des risques lors de phases dexpansion du cycle dont les retournements sont particulirement coteux pour lconomie. De faon symtrique, elle doit faciliter une reprise conomique en priode de contraction contribuant ainsi viter une volution excessivement ngative des risques et assurer un
financement soutenable de lconomie.
La surveillance du HCSF couvre ainsi un champ potentiellement trs large : elle englobe a priori
lensemble des acteurs du secteur financier, des banques et assurances au systme financier parallle (shadow banking), en passant par les infrastructures de march et les systmes de paiement, etc. La
surveillance macroprudentielle vise aussi renforcer la coopration entre les autorits
microprudentielles de surveillance financire, dans le respect de leurs indpendance et prrogatives
respectives, ce qui constitue un lment essentiel de lefficacit densemble du cadre de surveillance et de rgulation. Cette approche permet de limiter les angles morts de la surveillance en incluant dans son
champ plus dacteurs, ainsi que de mieux prendre en compte les risques lis aux interconnexions entre les diffrents acteurs/secteurs et aux interactions entre les rglementations.
A.2. Interactions avec les autres politiques
Parce quelles peuvent toutes avoir un impact sur la stabilit financire, la politique macroprudentielle interagit avec la politique microprudentielle, la politique montaire, la politique budgtaire et fiscale et
la politique conomique au sens large. On peut observer des synergies, mais aussi parfois des conflits
dobjectifs entre la politique macroprudentielle et ces autres politiques.
Interactions entre la politique macroprudentielle et les autres politiques conomiques
Source : FMI, Key aspects of macroprudential policy, 2013.
Towards a macroprudential framework for financial supervision and regulation?, Borio, C., Drehmann, M. (2009),
Towards an operational framework for financial stability: fuzzy measurement and its consequences.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 10
Interactions avec la politique microprudentielle
A priori, les approches microprudentielle et macroprudentielle sont troitement lies. La rvision des
principes fondamentaux du Comit de Ble a t loccasion dinsister sur la ncessit dintgrer une perspective macroprudentielle dans la supervision microprudentielle. Un partage dinformations, danalyse des risques et un dialogue nourri peuvent renforcer la complmentarit entre la supervision microprudentielle et la politique macroprudentielle. Il sagit l dun changement fondamental de perspective pour les superviseurs bancaires devant permettre de minimiser les conflits dobjectifs. En cas doccurrence de tels conflits, lenseignement de la crise conduit toutefois retenir la prvalence de la politique macroprudentielle qui, sans prjudice de la stabilit individuelle des institutions financires,
vise contenir des risques dont les consquences macroconomiques et sociales sont de premier ordre.
En effet, des tensions peuvent apparatre entre la supervision microprudentielle et la politique
macroprudentielle. Ainsi, en priode dexpansion, lautorit macroprudentielle pourra considrer que la dynamique du crdit est excessive et quil serait prfrable que les banques constituent des coussins de fonds propres suprieurs ceux exigs par le superviseur microprudentiel pour limiter cet excs. De
mme, en priode de crise, alors que le superviseur microprudentiel pourra tre amen demander un
renforcement des fonds propres des banques, la politique macroprudentielle pourra considrer au
contraire quil faut rduire temporairement le niveau des coussins de capital additionnels et assouplir les conditions doctroi de crdit afin dviter un rationnement du crdit et de prserver lactivit conomique et la stabilit financire.
Ces interactions trs fortes entre la supervision microprudentielle et la politique macroprudentielle
plaident pour une organisation institutionnelle permettant le dialogue entre les autorits de surveillance.
Le FMI recommande en particulier que le superviseur microprudentiel soit membre de lautorit macroprudentielle lorsque celle-ci est constitue dun comit.
Interactions avec la politique montaire
La politique montaire prsente de nombreuses complmentarits avec la politique macroprudentielle,
et ces deux politiques ont tendance se renforcer mutuellement : des mesures pour favoriser la stabilit
financire renforcent galement la politique montaire en protgeant lconomie des perturbations financires. Rciproquement, la stabilit macroconomique et montaire peut jouer un rle positif du
point de vue de la stabilit financire. Cest ce qui explique que les banques centrales aient un fort intrt promouvoir la politique macroprudentielle et jouent gnralement un rle prpondrant dans les
autorits macroprudentielles.
Cependant, des interventions dans un de ces domaines ont des effets sur les conditions conomiques et
financires et doivent donc tre coordonnes. En particulier, la politique montaire peut avoir des effets
secondaires indsirables sur la stabilit financire. Par exemple, mme si des taux dintrt bas peuvent tre cohrents avec une faible inflation, ils peuvent contribuer une croissance excessive du crdit ou
des dveloppements indsirables sur les prix des actifs financiers cet gard, le rle dterminant de la
Banque de France dans les prises de dcisions du HCSF constitue un point important de larchitecture macroprudentielle institutionnelle franaise.
Interactions avec les politiques de la concurrence
La concurrence entre institutions financires peut crer des incitations pour une prise de risque accrue,
conduisant dventuelles tensions entre la politique macroprudentielle et les politiques de la concurrence.
Si la concurrence conduit gnralement une production de biens et services plus efficace, et avec des
cots plus rduits, au sein du secteur financier elle peut aussi contribuer au risque systmique en crant
des incitations une prise de risque excessive. Ainsi, une concurrence plus forte peut conduire les
banques rduire leurs marges et augmenter leur prise de risque afin daugmenter leur part de march.
A linverse, la perspective macroprudentielle peut parfois conduire des dcisions plus svres que ce qui serait justifi en raison de considrations de concurrence. Par exemple, les autorits
macroprudentielles peuvent avoir intrt limiter les fusions-acquisitions entre institutions financires,
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 11
afin dviter lapparition dinstitutions trop importantes pour faire faillite (too big to fail), ou forcer une sparation des institutions financires complexes, afin de faciliter leur ventuelle mise en rvolution.
Dune faon gnrale, une perspective macroprudentielle peut ainsi tre utile lors de la mise en uvre de politiques de la concurrence.
Interactions avec la politique conomique : lexemple de la fiscalit
La politique macroprudentielle interagit plus gnralement avec la politique conomique, notamment
avec la fiscalit. En introduisant des distorsions de comportements, la politique fiscale peut avoir un
impact sur la stabilit financire. Par exemple, la dductibilit des intrts dans le paiement de limpt sur les socits peut crer un biais vers la dette et inciter les entreprises sendetter. La fiscalit peut aussi avoir un effet sur le prix des actifs : une diminution de limposition des plus-values immobilires peut, par exemple, contribuer une augmentation des prix immobiliers. Dans ces conditions, lautorit macroprudentielle peut contribuer lanalyse des risques et dsquilibres macroconomiques qui peuvent tre associs certaines caractristiques de la fiscalit et donc informer le choix des autorits
en charge. Elle peut aussi promouvoir une fiscalit plus mme de contribuer la stabilit financire.
En France, la prsidence du HCSF assure par le ministre des Finances et des Comptes publics, permet
de prendre en compte assez directement ces interactions entre politique fiscale et politique
macroprudentielle.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 12
B. Les outils du HCSF
B.1. Les trois types dinstruments, et leur usage
Le Haut Conseil de stabilit financire dispose dune gamme tendue dinstruments macroprudentiels pour atteindre ses objectifs. Une typologie de ces instruments permet de distinguer trois types
dintervention : des interventions douces (soft par exemple, la communication du HCSF), intermdiaires (par exemple, les avis et recommandations quil peut formuler) ou enfin contraignantes (les pouvoirs juridiquement contraignants dont il dispose). Ces trois types
dintervention sont complmentaires et peuvent se combiner pour permettre une politique macroprudentielle efficace. Si les interventions contraignantes permettent lautorit dagir rapidement et efficacement et sont importantes pour asseoir sa crdibilit, les interventions
intermdiaires ont lavantage de couvrir un champ trs large tandis que les interventions douces permettent dtendre linfluence de la politique macroprudentielle au-del des outils prudentiels existants. Ces pouvoirs sont galement complts par des pouvoirs daccs linformation8, ncessaires pour assurer une surveillance du risque systmique.
Mme sils ne relvent pas dune forme dintervention juridiquement contraignante, la communication du HCSF et son pouvoir de formuler des avis ou dadresser des recommandations sont essentiels la mise en uvre de sa politique macroprudentielle. Ces deux premiers types dintervention peuvent tre utiliss afin datteindre chacun des cinq objectifs intermdiaires mais ont galement une porte trs large en contribuant une transmission plus efficace de la politique macroprudentielle. En particulier, la
communication permet de donner une meilleure comprhension tous les agents conomiques de la
ncessit et de limportance de cette politique, et peut permettre de prparer le march des interventions contraignantes. De plus, la communication du HCSF peut influencer lensemble des politiques conomiques afin de les orienter dans une direction qui contribue limiter le risque systmique. En
complment, lmission davis et de recommandations constitue un moyen dintervention pouvant inciter le systme financier dvelopper des pratiques lui permettant de retrouver le chemin de la
stabilit et jouer un rle dans la coordination de laction des institutions charges de la rgulation et surveillance financires.
B.1. Les pouvoirs contraignants
Le HCSF dispose de quatre types de pouvoirs juridiquement contraignants : (i.) le coussin pour risque
systmique ; (ii.) le coussin contra-cyclique ; (iii.) les pouvoirs additionnels pour risque macroprudentiel
ou systmique prvus par larticle 458 CRR ; (iv.) les contraintes sur les pratiques doctroi de crdits. Ces pouvoirs sont prsents ci-dessous, en fonction des objectifs intermdiaires quils permettent datteindre.
Premirement, pour attnuer et prvenir une expansion du crdit et un effet de levier excessifs, le Haut
Conseil aura la possibilit, de manire progressive partir de janvier 2016, et sur proposition du
gouverneur de la Banque de France, dimposer aux tablissements de crdit, aux socits de financement et aux entreprises dinvestissement un coussin de capital contra-cyclique, compris entre 0 % et 2,5 % des actifs pondrs en fonction du risque et pouvant aller au-del de 2,5 % si lanalyse le justifie9 (L. 631-2-1 4, transposition des articles 130 et 135-140 de la directive CRD IV). La fixation de ce taux est
fonde sur une analyse de la Banque de France qui prendra en compte le ratio du crdit rapport au PIB
par rapport sa tendance long terme et dautres variables pertinentes mais aussi sur un jugement dexpert. Par ailleurs, sur la base dune proposition du gouverneur de la Banque de France, prsident de lACPR, le Haut Conseil pourra imposer aux tablissements de crdit, aux socits de financement et aux entreprises dinvestissement des exigences de fonds propres sectorielles (L. 631-2-1 4 ter,
8 Le Haut Conseil peut recevoir des informations de lAutorit de contrle prudentiel et de rsolution et de l'Autorit des marchs financiers couvertes par le secret professionnel. Il peut galement entendre des reprsentants de socits financires. 9 Le cadre de Ble III et la lgislation de lUnion europenne prvoient un rgime transitoire en quatre tapes pour le coussin contra-cyclique (et le coussin de conservation des fonds propres) partir de 2016, de sorte que le taux plein ne sappliquera qu partir de janvier 2019.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 13
correspondant larticle 458 du rglement CRR) dont le respect sera contrl par lACPR. Afin de contrer les risques pour la stabilit financire pouvant maner du secteur de limmobilier, le Haut Conseil peut galement, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, dterminer des
exigences concernant les ratios prt-valeur, prt-revenu ou service de la dette-revenu, et, plus
gnralement, fixer les conditions d'octroi de crdit par les entits soumises au contrle de lACPR, en vue de prvenir l'apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature
ou d'un endettement excessif des agents conomiques (L. 631-2-1 5). Ces mesures viennent renforcer
celles disposition de lACPR permettant daccrotre les exigences en fonds propres des expositions scurises par de limmobilier rsidentiel ou commercial.
Deuximement, pour limiter la dpendance excessive au financement de court terme ou un trop fort
degr de transformation et maintenir la liquidit sur les marchs financiers, le Haut Conseil peut, sur
proposition du gouverneur de la Banque de France, prsident de lACPR, ajuster les exigences de liquidit qui simposent aux tablissements de crdit (L 631-2-1 4 ter, correspondant larticle 458 du rglement CRR).
En outre, afin de limiter la concentration des expositions directes et indirectes, le Haut Conseil peut fixer
un coussin pour le risque systmique, sur la base dune proposition du gouverneur de la Banque de France (L. 631-2-1 4 bis, transposition des articles 133 et 134 de la directive CRD IV). Le taux peut
tre fix soit pour toutes les institutions, soit pour un ou plusieurs sous-ensembles ; il peut tre fix la
fois pour les expositions situes en France et pour celles situes dans un autre tat. Le Haut Conseil peut
galement, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, prsident de lACPR, moduler temporairement les exigences relatives aux grands risques ou imposer temporairement aux
tablissements de crdit des exigences additionnelles de fonds propres pouvant tre sectorielles (L. 631-
2-1 4 ter, correspondant larticle 458 du rglement CRR).
Pour ce qui concerne lobjectif de limitation de limpact systmique dincitations inappropries et de rduction de lala moral, quatre types dinstruments peuvent tre mis en uvre. Le HCSF peut dcider, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, de recourir au coussin pour le risque systmique
(L. 631-2-1 4 bis, transposition des articles 133 et 134 de la directive CRD IV). LACPR, en troite collaboration avec le Haut Conseil, peut mettre en place des exigences de fonds propres supplmentaires
pour les tablissements financiers dimportance systmique mondiale et les autres tablissements financiers dimportance systmique ou pour un ensemble dtablissements prsentant un profil de risque similaire ( pilier 2 transversal ). Enfin, toujours dans le cadre de cet objectif intermdiaire, le Haut
Conseil a la possibilit, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, prsident de lACPR, dajuster temporairement les exigences de liquidit qui simposent par exemple aux tablissements dimportance systmique ou de moduler temporairement les exigences de fonds propres (L. 631-2-1 4 ter, correspondant larticle 458 du rglement CRR).
Enfin, afin de renforcer la rsilience des infrastructures financires, le Haut Conseil peut, sur proposition
du gouverneur de la Banque de France, employer le coussin pour le risque systmique (L. 631-2-1 4 bis,
transposition des articles 133 et 134 de la directive CRD IV). Dautres lments peuvent galement concourir ce dernier objectif intermdiaire ( titre dexemple : le systme de garantie des dpts10 et les dispositifs de rtablissement et de rsolution qui renforcent la capacit de rsistance des
infrastructures financires en contribuant empcher des retraits massifs de fonds et accrotre la
confiance dans le systme financier, ou encore le rglement EMIR11 qui prvoit que, lors de
ltablissement de dcotes et de marges initiales, les contreparties centrales doivent tenir compte de la liquidit du march, des effets procycliques et des risques systmiques). Ces mesures, de nature plutt
10 Cr par la loi du 25 juin 1999 sur lpargne et la scurit financire, le Fonds de Garantie des Dpts et de Rsolution (FGDR) intervient lorsquune banque est en faillite. Il est charg dindemniser les dposants dans un dlai de 20 jours, jusqu 100 000 par personne et par tablissement, si ltablissement auquel ils ont confi leurs avoirs ne peut plus faire face ses engagements. 11 Le rglement europen n648/2012 sur les produits drivs de gr gr, les contreparties centrales et les rfrentiels centraux
(EMIR), publi au Journal officiel de lUnion europenne le 27 juillet 2012 et entr en vigueur le 16 aot 2012, est la dclinaison europenne des engagements du G20 au sommet de Pittsburgh (septembre 2009) concernant les marchs de produits drivs.
Il vise rendre ces derniers plus srs et plus transparents. Il a t complt par des standards techniques, publis au Journal
officiel de lUnion europenne le 23 fvrier 2013 et entrs en vigueur le 15 mars 2013.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 14
structurelle, ne relvent pas directement dune comptence gnrale du Haut Conseil mais peuvent faire lobjet dune recommandation du HCSF.
Certains instruments macroprudentiels (ncessitant pour leur mise en uvre une apprciation individuelle sur certains acteurs) sont du ressort de lACPR (par exemple les surcharges en capital pour les tablissements dimportance systmique ou les pondrations plus strictes concernant les expositions scurises par de limmobilier rsidentiel ou commercial). La structure collgiale du HCSF, dont lACPR est membre, permet une troite collaboration entre ces deux institutions, ds lors que la mise en uvre de ces instruments rpond aux objectifs de la politique macroprudentielle.
B.2. Principes rgissant la prise de dcision et la mise en uvre des pouvoirs du Haut Conseil
Le Haut Conseil veille dvelopper les mthodes et indicateurs les plus adapts pour surveiller et
valuer au mieux les contributions des diffrents acteurs et secteurs au risque systmique ainsi que leurs
interconnexions. Le processus de prise de dcision du HCSF est constitu dun cycle continu de quatre tapes : (i.) valuation du risque systmique, (ii.) slection et calibrage des instruments, (iii.) mise en
uvre de la politique macroprudentielle, et (iv.) valuation de la politique.
La premire phase est lvaluation du risque systmique. Le HCSF conduit une surveillance rgulire du secteur financier dans son ensemble, la fois de ses volutions conjoncturelles, mais aussi des
potentielles fragilits structurelles. Plus prcisment, les analyses du Haut Conseil doivent intgrer des
indicateurs et analyses appropris guidant lactivation et le relchement des instruments disponibles. Si des rgles de dcision automatiques peuvent tre utiles pour surmonter dventuels biais vers linaction ou oppositions politiques, elles ne peuvent pas prendre en compte lensemble de linformation disponible, et les changements de nature du risque systmique. Cest pourquoi la prise en compte de ces informations quantitatives doit tre complte par un jugement plus qualitatif sur la situation de la
stabilit du secteur financier et sur une ventuelle exacerbation du risque systmique. Les dcisions du
HCSF se font donc selon une approche de pouvoir discrtionnaire orient (guided discretion), dans
laquelle un ensemble de rgles et dindicateurs signalent quels ajustements pourraient tre ncessaires, la dcision finale relevant dune apprciation discrtionnaire prenant en compte toute linformation disponible.
la suite dune analyse des vulnrabilits et dans le cas o le risque systmique se trouve avr, le HCSF slectionne alors un ou plusieurs instruments dont il dispose afin dy rpondre. Dans cette dmarche, le HCSF sattache vrifier la pertinence de linstrument choisi vis--vis de la vulnrabilit identifie et analyse le calibrage de son intensit qui doit tre cohrent avec lvaluation du niveau du risque.
La troisime tape consiste en la mise en uvre de la politique macroprudentielle dtermine prcdemment. Le HCSF communique alors clairement les raisons de son action, notamment la source
du risque systmique, les instruments choisis ainsi que leur mcanisme de transmission et leur impact.
Dans la mise en uvre de la mesure macroprudentielle, le HCSF accorde une attention particulire la fentre temporelle de mise en uvre afin de sassurer de son efficacit maximale.
La dernire tape du processus de prise de dcision du HCSF sattache valuer la politique macroprudentielle mise en uvre. Il sagit alors de vrifier ex post que la mesure a eu les effets escompts en termes de diminution du risque systmique, et le cas chant, lajuster si besoin. Le HCSF veille notamment dtecter les ventuelles fuites provoques par sa politique travers lesquelles
loctroi de financement sopre par exemple, suite un resserrement, via des zones du secteur financier hors de la porte de linstrument activ. Il en va de mme pour les fuites passant par des secteurs financiers trangers. Si la prsence de telles fuites est avre, le HCSF sattache dterminer le meilleur moyen den corriger les effets, via une coordination avec dautres autorits si ncessaire.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 15
Tableau 1 - Principaux instruments macroprudentiels
Instrument Autorit en
charge
Base lgale Union
europenne
Base lgale France
Coussin de capital contra-cyclique Autorit dsigne
(HCSF), sur
proposition du
gouverneur de la
Banque de France
Art. 130 et 135-140
CRD IV
Art. L. 631-2-1 CMF
Coussin pour le risque systmique Autorit dsigne
(HCSF), sur
proposition du
gouverneur de la
Banque de France
Art. 133 et 134 CRD
IV
Art. L. 631-2-1 CMF
flexibility package : mesures
nationales plus strictes en termes
d'exigences de fonds propres,
dexigences relatives aux grands risques,
dexigences de publication d'information,
de niveau du coussin de conservation de
fonds propres, dexigences de liquidit,
de pondrations de risque pour faire face
aux bulles immobilires et dexpositions
au sein du secteur financier
Autorit dsigne
(HCSF), sur
proposition du
gouverneur de la
Banque de France,
prsident de
lACPR
Art. 458 CRR Applicabilit directe
Fixation des conditions d'octroi de
crdit (incluant ratios prt/valeur,
prt/revenu ou service de la
dette/revenu)
Autorit dsigne
(HCSF), sur
proposition du
gouverneur de la
Banque de France
Art. L. 631-2-1 CMF
Exigences de fonds propres
supplmentaires pour les tablissements
financiers dimportance systmique :
coussins EISm et autres EIS
Autorit
comptente
(ACPR)
Art. 131 CRD IV Art. L. 612-1 CMF
Pondrations plus strictes concernant les
expositions scurises par de
limmobilier rsidentiel ou commercial
Autorit
comptente
(ACPR)
Art. 124 CRR Applicabilit directe
Relvement des valeurs minimales de
LGD prvues pour des expositions
garanties par un bien immobilier
rsidentiel ou commercial
Autorit
comptente
(ACPR)
Art. 164 CRR Applicabilit directe
Exigences de fonds propres
supplmentaires au titre du Pilier 2
transversal
Autorit
comptente
(ACPR)
Art. 103 CRD IV Article L.511-41-1-C
CMF
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 16
C. Cadre international et europen
La politique macroprudentielle franaise sinscrit galement dans le contexte institutionnel europen et amnag, pour les pays de la zone euro12, dans le cadre du mcanisme de surveillance bancaire unique
(MSU/SSM).
Le cadre institutionnel europen de la surveillance du risque systmique a t mis en place
conformment aux recommandations du groupe dexperts de haut niveau prsid par Jacques de Larosire : le CERS/ESRB, cr en dcembre 2010 et install en 2011, est charg de la surveillance
macroprudentielle au niveau de lUE et assure, en tant que de besoin, la coordination des interventions des autorits nationales.
La mise en place du HCSF rpond aux exigences fixes par la lgislation de lUnion europenne (directive CRD IV et rglement CRR13) et aux recommandations du CERS/ESRB14 qui prvoient que
les tats membres dsignent une autorit macroprudentielle et dfinissent des pouvoirs juridiquement
contraignants dans la perspective de la mise en uvre dune politique macroprudentielle.
Paralllement, la mise en place de lunion bancaire et plus particulirement du mcanisme de supervision unique, a conduit confier la BCE un rle en matire de surveillance macroprudentielle
et a ncessit une adaptation des comptences en matire de surveillance et de conduite de la politique
macroprudentielle pour les pays ayant rejoint ce dispositif. En effet, si la comptence demeure
principalement au niveau national dans la mesure o les autorits macroprudentielles nationales
conservent la responsabilit premire dune intervention, la BCE a galement la possibilit de durcir les mesures macroprudentielles dfinies dans le cadre de CRDIV/CRR et prises dans les tats ayant rejoint
le MSU, en coopration troite avec lchelon national et en respectant un dlai dinformation suffisant et une prise en compte des spcificits nationales.
La rglementation europenne prvoit donc un dialogue important entre le HCSF et les autorits
europennes. Pour la mise en uvre des instruments macroprudentiels disposition du HCSF prvues dans la directive CRD IV et le rglement CRR, le Haut Conseil doit consulter ou informer, suivant
linstrument auquel il a recours, le Parlement europen, le Conseil, la Commission, le CERS/ESRB, l'Autorit bancaire europenne (ABE, ou European Banking Authority, EBA) ainsi que, le cas chant,
les autorits des autres tats membres de l'Union europenne ou parties l'accord sur l'Espace
conomique europen ou les pays tiers exerant des fonctions homologues. En outre, dans le cadre du
MSU/SSM, la BCE est systmatiquement avertie avant la mise en uvre de ces mesures macroprudentielles par le HCSF. Enfin, le HCSF doit prendre en considration les avertissements et
recommandations mis par le CERS/ESRB lattention de la France.
12 Lunion bancaire est galement ouverte la participation des tats membres de lUE hors zone euro. Cf. article 7 du rglement confiant la BCE des missions spcifiques ayant trait aux politiques en matire de surveillance prudentielle des
tablissements de crdit (rglement n 1024/2013). 13 Directive 2013/36/UE concernant laccs lactivit des tablissements de crdit et la surveillance prudentielle des tablissements de crdit et des entreprises dinvestissement (CRD IV) et Rglement n 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux tablissements de crdit et aux entreprises dinvestissement (CRR). Le paquet CRR/CRD IV transpose les accords de Ble III en droit de lUE. 14 Recommandation du CERS/ESRB du 22 dcembre 2011 concernant le mandat macroprudentiel des autorits nationales
(CERS/2011/3) et recommandation du CERS/ESRB du 4 avril 2013 sur les objectifs intermdiaires et les instruments de la
politique macroprudentielle (CERS/2013/1).
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 17
Ch.2 Dveloppements rcents
Ch. 2 Dveloppements rcents
A. Dveloppements macroconomiques et financiers
A.1. Croissance et inflation
Une croissance modeste
La zone euro a montr des signes de reprise sur lensemble de lanne 2014 : le produit intrieur brut (PIB) a progress de 0,9 %, aprs -0,4 % en 2013 et -0,8 % en 2012. La reprise entame au deuxime
trimestre 2013 sest poursuivie en 2014. Si la croissance sest amplifie dans la plupart des conomies de la zone euro, les situations demeurent contrastes selon les pays. LIrlande (4,8 %) et dans une moindre mesure lAllemagne (1,6 %) ont affich des taux de croissance suprieurs la moyenne de la zone euro. LEspagne a enregistr une croissance assez robuste (1,4 %) aprs cinq annes de croissance ngative. linverse, lItalie a encore connu un taux de croissance ngatif en 2014 (-0,4 %).
Dans cet environnement contrast, la France a connu un tassement de la croissance en 2014, avec une
progression du PIB de +0,2 % aprs +0,7 % en 2013. Parmi les composantes de la demande, la
consommation des mnages a augment de 0,6 % en 2014 (aprs une hausse de 0,5 % en 2013) et celle
des administrations publiques (APU) de 1,5 % (aprs +1,7 % en 2013). Linvestissement a en revanche diminu au cours des quatre trimestres de lanne et enregistre une baisse de 1,2 % en moyenne sur 2014 (aprs -0,4 % en 2013), en lien notamment avec le recul marqu de linvestissement des mnages de -5,3 % (aprs -1,5 % en 2013) et des APU de -6,9 % (aprs +0,2 % en 2013). Les exportations ont par
ailleurs augment de 2,4 % tandis que les importations ont progress de 3,9 %. Si le rythme de croissance
a t globalement modr en France en 2014, le second semestre a t lgrement plus dynamique
(croissance de 0,2 % et 0,0 % resp. aux 3e et 4e trimestres, aprs -0,2 % et -0,1 % resp. aux 1er et 2e
trimestres).
Au total, le niveau du PIB en France dpasse de 1,3 % au quatrime trimestre 2014 son niveau davant crise (au premier trimestre 2008), tandis quil reste encore de 1,9 % infrieur pour la zone euro dans son ensemble.
Tableau 2 - Le PIB franais et ses composantes (volumes chans, variations trimestrielles et moyennes annuelles en %, donnes CVS-CJO)
T2
2014
T3
2014
T4
2014
T1
2015 2013 2014
PIB -0,1 0,2 0,0 0,6 0,7 0,2
Importations 0,9 1,8 1,5 2,3 1,8 3,9
Dpenses de consommation des mnages 0,5 0,3 0,1 0,8 0,5 0,6
Dpenses de consommation des
administrations publiques
0,4 0,5 0,5 0,4 1,7 1,5
FBCF totale -0,6 -0,5 -0,4 -0,2 -0,4 -1,2
dont entreprises non financires 0,2 0,2 -0,1 0,2 0,8 2
dont mnages -1,5 -1,3 -1,1 -1,4 -1,5 -5,3
dont administrations publiques -2,8 -2,1 -0,3 0,3 0,2 -6,9
Exportations 0,2 0,9 2,5 0,9 1,8 2,4
Contributions
Variations de stocks et objet de valeur -0,1 0,3 -0,3 0,5 0,2 0,2
Source : Insee, comptes nationaux trimestriels.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 18
et une forte baisse de linflation en 2014
Comme en 2013, linflation en zone euro a continu de baisser nettement en 2014 : lindice des prix la consommation harmonis (IPCH) a progress de seulement 0,4 % en moyenne annuelle, aprs 1,3 %
en 2013. En glissement annuel, lIPCH a ralenti tout au long de lanne 2014, pour stablir -0,2 % en dcembre, aprs 0,8 % au mme mois de lanne 2013. Cette baisse sexplique notamment par la forte diminution des prix des produits nergtiques (-1,9 % en moyenne annuelle, aprs 0,6 % en 2013), lie
surtout la chute du prix du ptrole observe au second semestre, ainsi que par le ralentissement des
prix des produits alimentaires (0,5 % en moyenne annuelle, aprs 2,7 % en 2013). Linflation
sous-jacente, qui exclut les prix des biens nergtiques, alimentaires, lalcool et le tabac, a baiss en zone euro de faon plus modre 0,8 % en moyenne annuelle (0,7 % en glissement annuel en
dcembre), aprs 1,1 % en 2013. Cette baisse est due notamment au ralentissement des prix des biens
industriels non nergtiques, qui ont progress de seulement 0,1 %, aprs 0,6 % en 2013. Quant aux prix
des services, la progression de lindice a t relativement stable (1,2 %, aprs 1,4 % en 2013).
Il en est de mme en France o linflation (IPCH) sest inscrite seulement 0,6 % en moyenne annuelle en 2014, aprs 1,0 % en 2013. En glissement annuel, lIPCH est pass de 0,8 % en dcembre 2013 0,1 % en dcembre 2014. Comme pour la zone euro, la baisse sexplique par la forte diminution des prix des produits nergtiques (-0,8 %, aprs 0,9 % en 2013), ainsi que par la baisse des prix des produits
alimentaires et boissons non alcooliss (-0,8 %, aprs 1,2 % en 2013). Les prix des produits
manufacturs ont t galement en baisse (-0,3 %, aprs 0,2 % en 2013), cause notamment du moindre
dynamisme des prix des produits imports. En revanche, les prix des services ont progress en 2014 de
1,8 % en moyenne annuelle, aprs 1,0 % en 2013. Linflation sous-jacente a progress de 1,0 % en moyenne annuelle en 2014 (0,7 % en glissement annuel en dcembre), aprs 0,7 % en moyenne annuelle
en 2013.
La faible croissance nominale et les perspectives de reprise modre de lactivit sont une source de vulnrabilit financire pour les agents conomiques alors que plusieurs annes datonie de lactivit ont pu contribuer la dgradation du bilan de certaines entreprises ou de certains mnages.
A.2. volutions montaires et financires en 2014
volutions similaires des agrgats montaires en zone euro et en France
Le taux de croissance annuel de lagrgat montaire M3 de la zone euro est remont +3,8 % en 2014 aprs +1,0 % en 2013 et +3,3 % en 2012. La croissance de la composante franaise de lagrgat europen M3 a suivi un profil similaire et sest tablie +3,6 % en 2014 aprs +0,8 % en 2013.
Le dynamisme des dpts vue sest renforc dans la zone euro (+8,2 %, aprs +5,9 %) dans un contexte de taux dintrt particulirement bas qui rduit le cot dopportunit de leur dtention. En revanche, la contraction des autres dpts montaires sest poursuivie (-2,4 %, aprs 1,8 %) tandis que les instruments ngociables nont corrig que partiellement leur recul de lanne prcdente (+5,5 %, aprs -16,4 %).
linstar de ce qui a t observ au niveau de la zone euro, la croissance de la contribution franaise M3 a t principalement porte par les dpts vue (+8,6 % en 2014, aprs +3,4 % en 2013) alors que
lencours de lensemble des comptes sur livrets (rubrique Dpts pravis infrieur ou gal 3 mois de la nomenclature europenne) a recul (-1,5 %, aprs +2,2 %) et que lrosion des titres dOPC montaires en France sest poursuivie (-5,9 %, aprs -13,2 %).
Une progression plus dynamique des crdits aux entreprises
La distribution du crdit est reste plus dynamique en France que dans les autres grands pays de la zone
euro. La croissance annuelle des crdits accords aux socits non financires (SNF) franaises a
acclre, +2,2 % en 2014, aprs +0,2 % en 2013.
Lvolution des crdits de trsorerie (+1,7 %, aprs -4,9 %) est redevenue positive aprs deux ans de contraction. La progression des crdits linvestissement sest renforce lgrement, passant de +2,0 % en 2013 +2,4 % en 2014. La France sest ainsi distingue des autres grandes conomies de la zone
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 19
euro qui ont subi une contraction du crdit aux socits non financires, notamment lEspagne (-7,2 % en 2014, aprs -11,5 %) et lItalie (-2,4 %, aprs -5,5 %).
Lendettement des SNF a aussi t port par un recours dynamique au march avec une progression importante de lencours de titres de dette (+10,1 % sur un an fin 2014 aprs +4,4 % en dcembre 2013).
comme aux mnages
Le taux de croissance annuel des crdits aux
mnages est quasi inchang en France (+ 2,2 % en
2014, aprs + 2,5 % en 2013). Le ralentissement
des crdits lhabitat (+2,2 % en 2014, aprs 3,3 % en 2013) est contrebalanc par la reprise des
crdits la consommation (+2,2 %, aprs -2,0 %).
Comme les annes prcdentes, la France connat
une distribution de crdits aux mnages plus
dynamique quen Allemagne (+1,6 %) alors que la contraction se poursuit en Espagne (- 3,8 %) et
en Italie (- 0,5 %).
A.3. Les marchs de capitaux et de matires premires
Les marchs de capitaux
En 2014, les volutions sur les marchs financiers ont t largement influences par les annonces des
grandes banques centrales. Aux tats-Unis, ces dernires ont inclus larrt progressif du programme dachats de titres ( tapering ) de la Fed, qui sest traduit entre janvier et octobre par une rduction des achats de 10 milliards de dollars par mois, rpartie entre les titres dtats et les MBS ( mortgage-backed securities , titres hypothcaires immobiliers). Cette premire tape de la stratgie de sortie de la
politique montaire trs accommodante de la Fed na nanmoins pas empch les taux amricains de rester autour de leur plus bas historique. En zone euro, lanne 2014 sest caractrise par lamplification du mouvement de compression des carts de rendements priphriques amorc mi-2012 et par une baisse
historique des taux dans un contexte dassouplissement de la politique montaire de la BCE et de la mise
Taux de croissance annuel du crdit aux SNF (en %)
Endettement des SNF par instruments (taux de croissance annuel, en %)
Source : Banque de France, BCE. Source : Banque de France, BCE. Dernier point : mars 2015
Taux de croissance du crdit aux mnages en France, corrig de la titrisation (en %)
Source : Banque de France, BCE.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 20
en place de programmes dachats de titres adosss des actifs ( Asset Backed Securities , ABS, et Covered Bonds ).
Alors que la fin de lanne 2013 stait caractrise par des remontes des taux sur les parties intermdiaire et longue des courbes, les taux ont diminu tout au long de lanne 2014. Un resserrement des carts de taux dintrt a galement t enregistr dans un contexte de recherche de rendements li cet environnement de taux bas. En Europe, dans un contexte danticipations de la poursuite dune politique montaire trs accommodante avec de nouvelles mesures non conventionnelles, les taux
allemands ont baiss significativement sur lensemble des maturits tout au long de lanne, le rendement du titre souverain 10 ans tant pass de 1,93 % 0,54 % en fin danne ; lquivalent franais a connu des volutions similaires mais dune ampleur encore plus importante, passant dun point haut en dbut danne 2,56 % un point bas en fin danne 0,82 %.
Globalement, la contraction des carts de
rendements obligataires entre les pays
priphriques et les pays du cur de la zone euro sest poursuivie tout au long de lanne et sest acclre aprs le discours prononc le 22 aot
2014 par le prsident de la BCE Mario Draghi lors
du symposium de Jackson Hole ddi la
rvaluation des dynamiques du march de
lemploi . Les rendements souverains du Portugal, de lEspagne et de lItalie ont atteint des niveaux historiquement bas en raison
principalement de lamplification de laction accommodante de la BCE (mise en uvre des TLTRO15, baisse des taux directeurs et forte
attente dun programme dachats massif de titres dit dassouplissement quantitatif), de lamlioration des fondamentaux et des perspectives conomiques de certains pays priphriques ainsi que des avances de lUnion bancaire. En dcembre, lannonce dune lection prsidentielle anticipe en Grce (le 9 dcembre), puis lchec de llection du prsident grec (le 29 dcembre), ont dclench un mouvement de dfiance qui est demeur largement confin aux actifs grecs, les marchs de la zone
euro anticipant de plus en plus la mise en place dun assouplissement quantitatif ( Quantitative Easing ) par lEurosystme. En outre, les conditions de financement des socits de la zone euro se sont nettement amliores au cours de lanne.
Sur le march des changes, leuro a dbut son mouvement de dprciation partir du mois de mai. Sur lanne 2014, en moyenne, son taux de change effectif nominal16 a baiss de 4,56 %. Celui du dollar sest linverse apprci de 9,73 %, principalement partir du mois de juillet. Ces volutions refltent des anticipations divergentes de croissance et de politique montaire entre les deux zones conomiques.
la fin de lanne la parit euro/dollar stablissait 1,21 contre 1,36 en dbut danne.
Sur lanne 2014, les bourses mondiales ont progress modrment, lindice MSCI monde affichant une hausse de 2,9 % en 2014. En Europe, lEurostoxx 50 a connu une hausse de 2,8 %, les indices allemands et franais progressant respectivement de 4,3 % et 1,1 %. En revanche, lindice MSCI mergents a enregistr un recul de 4,6 %, et les valeurs bancaires ont perdu 3,5 %17 au cours de lanne 2014.
Les marchs de matires premires
En 2014, les principaux indices de prix des matires premires ont diminu de manire importante, en
rponse un ralentissement non anticip de la demande mondiale au deuxime semestre mais aussi
15 Targeted longer-term refinancing operations , oprations cibles de refinancement plus long terme. 16 Le taux de change effectif dune zone montaire est une mesure synthtique des taux de change avec ses diffrents partenaires commerciaux et concurrents. Le taux de change effectif nominal (TCEN) est calcul partir des parits nominales, tandis que
le taux de change effectif rel (TCER) tient compte des indices de prix et de leurs volutions. 17 Lindice europen des valeurs bancaires est driv de lEurostoxx 600 (+5,1 % sur lanne 2014).
volution des rendements des titres souverains 10 ans face au Bund (en %)
Source : Bloomberg.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 21
des facteurs doffre. En particulier, les prix du ptrole brut Brent ont chut de 43 % entre juin et dcembre 2014, pour atteindre $55,8 le baril au 31 dcembre. Cependant, en moyenne annuelle sur 2014,
la baisse du Brent na t que de 9 % car les prix du ptrole sont rests relativement stables au cours du premier semestre et proches de la moyenne de l'anne prcdente, qui tait de $108,9 le baril. la fin
du mois de juin, le prix du baril de Brent a atteint son niveau le plus lev de l'anne avant dentamer un profond recul au cours du second semestre qui sexplique par une combinaison de facteurs ayant trait la fois la demande et loffre.
Les estimations du FMI concluent que la chute du
prix du ptrole devrait se traduire par un effet
globalement positif sur la croissance mondiale en
2015 (entre 0,3 et 0,7 point de PIB)18 masquant
toutefois des asymtries entre pays, notamment
entre pays importateurs et exportateurs de ptrole.
Dans les pays importateurs de ptrole inflation
faible et taux directeurs proches de zro, la
baisse du prix du ptrole pourrait toutefois se
traduire par une hausse des taux dintrt rels et limiter, au moins court terme, leffet positif de prix nergtiques plus bas. Enfin, la baisse du prix
du ptrole nest pas sans consquence en matire de stabilit financire. Par exemple, dans le cas
des conomies mergentes, la dprciation des
monnaies des pays importateurs et exportateurs de
ptrole par rapport au dollar a conduit une hausse
des vulnrabilits de bilan, impliquant des
difficults de remboursement de leur dette pour
certains pays.
18 Estimation FMI par R. Arezki et O. Blanchard, Seven question about the recent oil price slump , blog FMI 22/12/2014.
Cours du Brent en dollars et en euros (moyennes mensuelles)
Source : Bloomberg.
Note : Courbe en euros constants (2010) : prix en valeur
relle, c'est--dire corrig de la variation des prix la
consommation (IPCH France) par rapport 2010.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 22
B. Agents non financiers
B.1. Mnages
Le revenu des mnages progresse en 2014, le taux dpargne reste lev
Dans un environnement dinflation durablement faible (+0,5 % en moyenne annuelle, aprs +0,9 % sur 2013), le revenu disponible brut des mnages progresse sur lanne 2014 (+1,1 %, aprs +0,7 % en 2013). Selon les prvisions de lInsee, le revenu disponible resterait bien orient au 1er semestre 201519.
Le taux dpargne des mnages20 atteint 15,1 % en 2014, soit un niveau proche de celui constat sur les vingt dernires annes (15,3 % en moyenne entre 1993 et 2014), constitu pour 6,1 % dpargne financire et pour le reste dinvestissements immobiliers (comprenant lachat de logements neufs, les acquisitions nettes de logements anciens auprs dautres secteurs institutionnels ainsi que les dpenses de gros entretien du logement). Le taux dpargne reste nettement suprieur la moyenne de la zone euro (12,7 % en 2014).
Les flux des principaux placements financiers des mnages se redressent sur la fin danne 2014 tandis que lenvironnement de taux bas a contribu dimportants mouvements de rallocation
Paralllement la relative stabilit du taux dpargne financire des mnages, les principaux flux nets de placements financiers des mnages enregistrent une baisse assez sensible entre 2012 et 2014. Aprs
un point bas au dbut de lanne 2014 (+40 Md en cumul annuel au 1er trimestre, aprs prs de +55 Md fin 2013, +70 Md fin 2012, contre autour de 95 Md sur 2010-2011 et +120 Md avant la crise, hors actions non cotes et autres participations), les principaux flux de placements se redressent sur le
dernier trimestre de lanne, revenant au-dessus de +60 Md en cumul annuel.
En termes dallocation, les mnages semblent avoir, depuis le dbut de la crise, rvis leur choix de portefeuille privilgiant davantage des actifs liquides et peu risqus, dans un contexte de baisse
gnralise des taux dintrt. Plus spcifiquement, lavnement dun environnement de taux trs bas dbut 2013 sest accompagn dun rchelonnement des rendements ainsi que dune accentuation des caractristiques spcifiques, notamment fiscales, de chaque produit dans le choix des mnages. La
collecte de lassurance vie et du plan dpargne logement (PEL) redmarre. La baisse des taux courts particulirement bas, ainsi que, dans le cas de lassurance-vie, la confirmation de la stabilit du cadre fiscal, contribuent rtablir lattractivit relative de ces deux placements de long terme, tandis quil
19 Le revenu disponible reprsente la part du revenu qui reste la disposition du mnage pour consommer et pargner aprs
dduction des prlvements sociaux et des impts. 20 Le taux dpargne est le rapport entre lpargne des mnages et le revenu disponible brut. Dfinitions et donnes issues du Compte de revenu des mnages, base 2010, INSEE. Donnes Eurostat pour la zone euro.
Taux dpargne et principaux flux nets de placements financiers des mnages
Taux crditeurs sur placements des mnages
Sources : Banque de France, Insee. Dernier point : 2014T4.
Champ : principaux flux nets de placement hors actions non
cotes et autres participations.
Source : Banque de France. Dernier point : mars 2015.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 23
pse, au contraire, sur la collecte des livrets. Lencours des dpts vue gonfle, la baisse des taux courts tendant rduire leur cot de dtention non rmunr.
La progression de lendettement des mnages reste modre pour la 3e anne conscutive
Aprs un fort dynamisme en 2013 (+151 Md en cumul annuel), la production brute de crdits nouveaux lhabitat des mnages a ralenti sur lanne 2014 (+122 Md), tout en restant au-dessus des points bas de 2009 et 2012, et se roriente la hausse depuis la fin danne 2014. Dans un contexte de taux historiquement bas, les oprations de rachats de crdits, qui avaient quelque peu ralenti sur les neuf
premiers mois de 2014 aprs avoir reprsent un peu plus de 18 % de la production en moyenne sur
2013, enregistrent de nouveau un fort dynamisme : le montant des rachats de crdits externes a ainsi
atteint un montant sans prcdent de 4,1 milliards deuros au mois de mars 2015 et ces derniers reprsentaient la mme date prs de 32 % de la production totale de crdits lhabitat ; de faon analogue, les rengociations concernent une part sans prcdent des encours de certaines banques.
Les encours de crdit immobilier aux mnages poursuivent leur progression en 2014 un rythme annuel
toujours suprieur celui observ dans les autres grands pays de la zone euro mais en net ralentissement
depuis la mi-2011 (+2,2 % en rythme annuel fin 2014, contre +8,7 % mi-2011 et +12,3 % en moyenne
de 2003 2008), dans un contexte de ralentissement du march immobilier rsidentiel.
Production de crdit (y. c. rachats rengociations, en Md) et taux dintrt
Part des rachats de crdit externe dans la production
Source : Banque de France. Dernier point : mars 2015. Source : ACPR, enqute annuelle sur le financement de
lhabitat (moyenne) et suivi de la production de crdits lhabitat. Dernier point : mars 2015.
Encours de crdits aux mnages (en Md)
Taux de croissance annuelle des crdits lhabitat en comparaison europenne
Source : Banque de France. Dernier point : mars 2015. Sources : Banque de France et BCE, calculs Banque de France.
Note : crdits aux mnages corrigs de la titrisation
Dernier point : dcembre 2014.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 24
Paralllement, lvolution du crdit la consommation reste modre depuis son repli entam lt 2011, lencours de crdits de trsorerie des mnages oscillant autour de 157 Md (contre 162 Md en juin 2010), malgr la baisse des taux pratiqus sur les crdits nouveaux (-170 points de base environ
entre fvrier 2012 et 2015). La croissance des crdits de trsorerie aux mnages a subi une conjoncture
conomique peu favorable, dans un contexte de mise en uvre de la Loi Crdit Consommation (LCC), qui a notamment conduit un meilleur encadrement du processus doctroi et une substitution des prts personnels aux crdits renouvelables. Un regain de dynamisme est cependant observ sur la priode
rcente, avec une acclration des encours en rythme annuel sur la seconde moiti danne 2014 (+2,2 % en glissement annuel fin 2014, contre -2,0 % fin 2013).
Au total, les flux demprunts des mnages se rduisent en 2014 (+20,3 Md, +21,2 Md en 2013, +24,9 Md en 2012, contre +54,8 Md en 2011 et +85,3 Md en 2007, cvs) si bien que le niveau dendettement rapport au revenu disponible brut sest stabilis depuis mi-2013 juste en de de 85 %. Lenvironnement indit de taux bas a significativement contribu allger la charge dintrt des nouveaux emprunteurs ainsi que celle dune partie des emprunteurs existants travers les oprations de rachats et de rengociations, et na donc pas donn lieu un arbitrage en faveur de lendettement. Le recours un effet de levier plus important, essentiellement dans une optique patrimoniale, a t faible
et contenu certaines catgories demprunteurs aiss21.
Dans lensemble, les mnages franais prsentent une situation patrimoniale solide
Le patrimoine agrg brut des mnages franais slve 11 769 Md fin 2013. Il est compos 56 % dimmobilier, 39 % dactifs financiers et pour le reste (5 %) principalement de biens professionnels. En termes de seule richesse financire, la situation des mnages franais apparat structurellement solide,
avec un patrimoine net financier ramen au revenu disponible lgrement suprieur la moyenne de la
zone euro (ratio de 2,3 pour la France et 2,1 pour la zone euro au 4e trimestre 2013).
De plus, si lendettement immobilier des mnages franais connat un niveau historiquement lev
(930 Md en 2014), il apparat globalement soutenable et port par une population
demprunteurs saine dans lensemble. Lendettement immobilier rsidentiel des mnages franais, bien que croissant, demeure
modr relativement aux autres pays dvelopps.
Les politiques doctroi de prts lhabitat des banques franaises, accordant une place centrale
la solvabilit de lemprunteur, permettent aussi de limiter la charge de la dette immobilire pour la
grande majorit des emprunteurs, mme si le
constat gnral recouvre des situations et
trajectoires trs diverses au sein de cette
population.
21 Daprs les donnes provisoires de lACPR sur le financement de lhabitat, le montant moyen dun prt lhabitat a progress dun peu moins de 2 % en 2014, le ratio prt-valeur (loan-to-value - LTV) moyen est quant lui pass de 83,4 % fin 2013 82,5 % fin 2014 (mais il est rest quasi stable si lon exclut les rachats de crdits externes, passant de 81,5 % 81,3 % sur la mme priode) alors mme que les prix immobiliers reculaient lgrement (-2,1 % en 2012, -1,8 % en 2013 et -2,26 % en 2014
au niveau national, source Insee). cet gard, les travaux de lACPR ont montr que, si le risque de dfaut de lemprunteur tait croissant avec la LTV, cette relation nest plus vrifie pour des LTV suprieures 100 % ; les oprations menes au-dessus de ce seuil concernent gnralement des clients disposant dun revenu et/ou dun patrimoine important, cf. Dietsch M. et C. Welter-Nicol, Do LTV and DSTI caps make banks more resilient, Dbat conomique et financier de lACPR, n13, juin 2014.
Dette immobilire des mnages en % du revenu disponible brut
Sources : BCE, Banque de France, Eurostat.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 25
Sur le seul champ de laccession, les primo-accdants et les accdants dj propritaires ont
par exemple un taux dendettement globalement similaire mais prsentent un profil demprunt bien distinct, les premiers consentant un apport
personnel nettement infrieur, sendettant en moyenne pour un montant plus faible mais sur une
dure plus longue que les seconds. Par ailleurs, on
observe, depuis deux ans, une tendance un
ajustement progressif des profils de risque de la
part des banques avec la normalisation des
pratiques doctroi notamment attaches aux primo-accdants. Les oprations trs longue
maturit se sont rarfies (cf. II-A), les oprations
de surfinancement dans la production de prts leur
tant accords se stabilisent aprs avoir enregistr
un net recul depuis fin 201022, tandis que le revenu
(net) moyen des bnficiaires de crdits lhabitat affiche une nette progression depuis 2010,
approchant dsormais le 6e dcile alors quil voluait plutt en-dessous du revenu disponible brut mdian avant la crise. Enfin, la sinistralit des
crdits immobiliers demeure contenue mme si elle est de tendance ascendante.
22 Cf. Enqute sur le financement de lhabitat, ACPR.
Profil moyen demprunteur sur la production nouvelle de crdit lhabitat, rsidence principale
Source : ACPR, Suivi mensuel de la production de crdits
lhabitat ; calculs DG Trsor.
Note : valeurs normalises partir du profil des acqureurs
dj propritaires en 2011.
Estimation du revenu net annuel moyen des bnficiaires de crdit lhabitat loctroi
Poids des encours douteux dans lencours des crdits lhabitat aux mnages (en %)
Sources : Banque de France, INSEE, ACPR, enqute
annuelle sur le financement de lhabitat; calculs ACPR. Source : ACPR, enqute annuelle sur le financement de
lhabitat.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 26
Le march de limmobilier dentreprise
Un march caractris par une forte htrognit et une financiarisation accrue
Le march de limmobilier dentreprise recouvre des biens trs diffrents : bureaux, commerces, immeubles
industriels et locaux dactivit, biens de service, avec des biens regroups dans un mme secteur dactivit eux-mmes trs htrognes ( titre dexemple, le secteur des commerces regroupe les boutiques de pied
dimmeuble, les hypermarchs ou les centres commerciaux). Il est par ailleurs marqu par la
prsence dune diversit dinvestisseurs et le rle important dacteurs financiers. Le rle des investisseurs institutionnels sest accentu au cours des annes 2000, du fait notamment de lincitation croissante des socits non financires externaliser
leurs biens immobiliers (mises en application de
normes comptables IFRS, instauration de socits et
Ventilation de linvestissement en immobilier dentreprise (hors immobilier de service) par type
dinvestisseur
Source : CBRE.
vhicules dinvestissement en immobilier (SIIC, OPCI)) et du retour dinvestisseurs nationaux (socits dassurance, SCPI) sur le march. Enfin, ce march est galement trs htrogne en termes de rpartition gographique, prsentant une forte dichotomie entre la capitale et la province : lIle-de-France concentre en moyenne plus de 70 % des investissements.
Le march de limmobilier dentreprise en France apparat relativement dynamique
Les prix de limmobilier dentreprise franais ont fortement augment au cours des annes 2000 et ils se sont maintenus pendant la crise, contrairement ceux dautres pays europens (Espagne, Royaume-Uni). Paralllement, les volumes dinvestissement observs en 2014 affichent un fort dynamisme et contrastent avec latonie du march de la construction. Cette situation sexplique notamment par la bonne tenue des loyers faciaux dans un contexte de baisse des taux obligataires ; les investisseurs ont
eu accs des financements taux bas leur permettant dinvestir sur un march immobilier prsentant des rendements attractifs. Si les valorisations paraissent en ligne avec les fondamentaux, la forte
htrognit du march appelle faire preuve de prudence quant lexistence de dsquilibres potentiels sur certains marchs spcifiques (secteurs, zones gographiques).
Investissement en immobilier dentreprise en France couverts par BNP Real
Estate (en Md)
Indice des prix immobilier commercial en France, par secteur dactivit (base
100 = 2003)
Source : BNP Real Estate. Sources : BCE, Investment Property Database.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 27
Indice des prix des bureaux en France (valeurs dexpertise) et des loyers faciaux en le-de-France (base 100 = T4 2006)
Taux de rendement net des actifs prime des bureaux Paris et La
Dfense et taux dintrt annuel moyen des OAT 10 ans
ce stade, les risques pour la stabilit financire semblent contenus
Les expositions des principales banques franaises sur les professionnels de limmobilier (en France et ltranger) sont stables depuis 2010 autour de 180 Md, tandis que les encours restent concentrs sur les investisseurs et socits foncires (regroupant prs de 45 % des encours) et, dun point de vue gographique, sur les rsidents (pour plus de deux tiers) selon lenqute de lACPR sur les professionnels de limmobilier. En augmentation de 2004 2010, les encours dclars grands risques 23 lis aux professionnels de limmobilier se sont stabiliss entre 2010 et 2013, et ne constituent par ailleurs que 5 % des grands risques corporate fin 201324. En ce qui concerne la qualit des expositions bancaires, les taux
dencours douteux sest de nouveau rduit en 2014 alors que le taux de provisionnement sest stabilis autour de 37 %, son plus haut niveau depuis 2008. Enfin, la revue du portefeuille Commercial Real
Estate des banques franaises dans le cadre de la revue des actifs de la BCE (AQR) na pas mis en vidence de sous-valuation manifeste du risque sur les expositions France .
Les compagnies dassurance franaises sont de plus en plus directement exposes au march de limmobilier dans son ensemble et les investissements immobiliers comptent pour une part importante des plus-values latentes des assureurs. Cependant, selon des tests de rsilience raliss par lACPR (janvier 2013), limpact dune baisse de 25 % des prix de limmobilier sur les ratios de solvabilit resterait limit.
La connaissance et la surveillance du march immobilier dentreprise doivent tre approfondies
Lexamen du march de limmobilier dentreprise fait ressortir un besoin dinformations supplmentaires. Les donnes disponibles, principalement fournies par des oprateurs privs,
noffrent quune couverture limite certains segments de march et ne permettent pas, lheure actuelle, de dresser une cartographie prcise du parc existant ni de mener une analyse conjoncturelle
sur lensemble du march. Des discussions ont ainsi t engages avec les diffrents acteurs en charge de la production de donnes afin didentifier les travaux en cours et les pistes damlioration envisageables dans ce domaine. Ainsi, lenqute de lACPR sur le financement des professionnels de limmobilier sera enrichie compter de juin 2015. Par ailleurs, la collecte dinformation auprs des socits dassurance devrait voluer pour permettre une collecte des donnes sur les expositions du secteur plus fine.
23 Un grand risque est un risque sur un client, ou un groupe de clients, qui excde 10 % des fonds propres de l'tablissement
prteur. La somme des grands risques ne peut pas dpasser huit fois les fonds propres et aucun grand risque ne peut excder
25 % des fonds propres de l'tablissement prteur. Ces grands risques sont soumis des exigences de reporting dtaill auprs
du superviseur. 24 Source : ACPR, remises sur les Grands Risques.
Sources : BCE, IPD, Immostat, CBRE. Sources : BCE, IPD, Immostat, CBRE.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 28
B.2. Entreprises
Le taux de marge des SNF progresse en 2013, pour la premire fois depuis 2010
Le taux de marge des entreprises non financires (rapport de lexcdent brut dexploitation -EBE - sur la valeur ajoute) a entam un timide rebond en 2013 22,7 % contre 21,9 % en 2012 daprs des donnes collectes et exploites de la Banque de France25. Il reste nanmoins trs largement infrieur
son niveau davant crise (26,7 % en 2007). Lamlioration est mettre au compte dune hausse de lEBE (+5,1 % entre 2012 et 2013, aprs un recul de -8,1 % entre 2011 et 2012) suprieure celle de la valeur
ajoute.
En 2014, selon les donnes de la comptabilit nationale26, le taux de marge des socits non financires
sest maintenu. Malgr le soutien apport par le CICE, la progression du taux de marge a t pnalise par la stagnation des gains de productivit et par le dynamisme des salaires rels, en raison notamment
de la surprise la baisse sur linflation.
ce qui entrane une reprise du taux dautofinancement et du taux dpargne, notamment pour les PME
La rentabilit financire nette des entreprises27 rebondit nettement en 2013 (+5,9 % aprs +4,4 %) en
lien avec une hausse importante de la capacit nette dautofinancement (+20,4 % aprs -20,9 %) aprs deux annes de repli. Lvolution ventile par taille dentreprise est cependant contraste : la rentabilit financire augmente pour les PME (8 % 9,3 %) et les grandes entreprises (3 % 5,5 %), alors quelle continue de diminuer pour les ETI (4,7 % aprs 5,2 % en 2012 et +8,5 % en 2011). Dans ce contexte,
en se limitant aux entreprises qui investissent, le taux dautofinancement (autofinancement / investissements) repart la hausse en 2013 (+72,4 % contre +66,3 % en 2013). Par ailleurs, le taux
dpargne se stabilise pour lensemble des entreprises (+14,2 %), mais acclre pour les PME et ETI, respectivement de 11,5 % 13,2 % et de 13,8 % 14,5 %.
Pour 2014, les donnes de la comptabilit nationale signalent un investissement des socits non
financires plus dynamique en 2014 quen 2013 (+ 1,7 % aprs + 1,2 %). La progression de lpargne tant plus forte, le taux dautofinancement progresse, pour la deuxime anne conscutive.
25 Donnes de bilan des entreprises franaises recenses dans la base FIBEN, soit environ 250 000 bilans, qui permettent
dactualiser lapprciation de la situation financire des PME-ETI fin 2013. 26Une analyse comparative des donnes de compatibilit dentreprises (donnes FIBEN) et de comptabilit nationale (donnes INSEE) fait apparatre certaines diffrences conceptuelles. Le calcul du taux de marge fait intervenir un excdent brut
dexploitation (EBE) au numrateur et une valeur ajoute (VA) au dnominateur. Or, la VA et lEBE issus de la statistique dentreprises sont rehausss par les estimations faites par les comptables nationaux de lactivit dissimule par certaines entreprises afin dobtenir une estimation plus juste du niveau exact de lactivit, ce qui accrot mcaniquement le taux de marge. Par ailleurs, certains retraitements peuvent galement affecter les volutions (cf. rapport lObservatoire du financement des entreprises, portant sur la situation conomique et financire des PME janvier 2014). 27 La rentabilit financire nette est gale la capacit d'autofinancement nette rapporte aux capitaux propres.
Taux de marge des entreprises
volution du taux dautofinancement
Source : Banque de France (donnes FIBEN).
Dernier point : 2013.
Source : Banque de France (donnes FIBEN).
Dernier point : 2013.
-
RAPPORT ANNUEL 2015 Haut Conseil de Stabilit Financire 29
Mesur par rapport la valeur ajoute, le taux dendettement acclre sur la priode rcente
Lendettement des socits non financires a acclr en 2014 (encours de 1 354 Md fin dcembre 2014, en hausse de +5,1 % en glissement annuel aprs +1,7 % fin 2013). Port par une hausse de
lendettement bancaire et plus rcemment obligataire des entreprises, il stablit autour de 65 % du PIB en 2014.
Cette hausse de lendettement ne sest cependant pas accompagne dune aug