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Le projet MAP à Montréal. Pour favoriser l’insertion socioprofessionnelle de femmes chefs de familles monoparentales.
Rapport d’évaluation d’implantation
Rapport d’activités scientifiques présenté au CQRS
Geneviève Turcotte Claire Chamberland Marie-France Blais Jean-François René
Isabelle Sanchez Valérie Tremblay
Institut de recherche pour le développement social des jeunes Mai 2007
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre :
Le projet MAP à Montréal : pour favoriser lʹinsertion socioprofessionnelle de femmes chefs de familles monoparentales : rapport dʹévaluation dʹimplantation
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 978‐2‐922588‐36‐1
1. Mères de famille monoparentale ‐ Intégration ‐ Québec (Province) ‐ Montréal. 2. Mères de famille monoparentale ‐ Travail ‐ Québec (Province) ‐ Montréal. 3. Mères de famille monoparentale, Services aux ‐ Québec (Province) ‐ Montréal. I. Turcotte, Geneviève, 1951‐ . II. Institut de recherche pour le développement social des jeunes.
HV700.5.P762 2007 362.82ʹ9480971428 C2007‐941156‐8
Institut de recherche pour le développement social des jeunes 1001, boul. de Maisonneuve Est 7e étage Montréal Québec H2L 4R5 irds@cjm‐iu.qc.ca
On peut télécharger gratuitement ce document sur le site www.irds.ca
RAPPORT D’ACTIVITÉS SCIENTIFIQUES
NUMÉRO DU DOSSIER
RS‐3199
TYPE DE SUBVENTION
Subvention de recherche évaluative
TITRE DU PROJET
Titre initial : L’intégration sociale et professionnelle de jeunes mères prestataires de la sécurité du revenu : évaluation d’implantation du projet MAP à Montréal.
Titre retenu : Le projet MAP à Montréal. Pour favoriser l’insertion socioprofessionnelle de femmes chefs de familles monoparentales. Rapport d’évaluation d’implantation
PERSONNE RESPONSABLE DU PROJET
Madame Geneviève Turcotte Institut de recherche pour le développement social des jeunes 1001, boul. de Maisonneuve Est, 7e étage Montréal (Québec) H2L 4R5
En remplacement de :
Madame Claire Chamberland École de service social Université de Montréal C.P. 6128 Succursale Centre‐Ville Montréal (Québec) H3C 3J7
COMPOSITION DE L’ÉQUIPE
Les chercheurs :
Claire Chamberland. Université de Montréal. École de service social.
Geneviève Turcotte. Institut de recherche pour le développement social des jeunes
Jean‐François René. Université du Québec à Montréal. Département de travail social
Ginette Lamarre. DSP Montérégie
Les partenaires
Margaret Bain Inter‐loge Centre‐Sud
Louis Bériau Inter‐loge Centre‐Sud
Johanne Bouchard CEAF
Louise Brousseau CLSC des Faubourgs
Robert Corbeil Centre jeunesse de Montréal‐Institut universitaire
Michel Doray Centre jeunesse de Montréal‐Institut universitaire
Michèle Issa MAP
Marie Leahey SORIF
Francine Moreau Centre Dollard‐Cormier
André Rémillard CPE Le Carrefour
Danièle Trusler Réseau habitation femmes
La professionnelle de recherche
Marie‐France Blais (Maîtrise criminologie) IRDS 2000‐2004
Les étudiants
Marie‐Anne Dubé (2003‐2004) Collégial Tech. de rech. Cégep Rosemont
Louise Lemay (1997‐2005) Troisième cycle Sciences humaines appliquées UdeM
Marie‐Claude Simard (2001‐2002) Deuxième cycle Travail social UdeM
Valérie Tremblay (2001‐2004) Premier cycle Psychologie communication UQAM
DURÉE DU PROJET
Début : avril 1998
Fin prévue : avril 2001
Fin réelle : juin 2005
LE MONTANT DE LA SUBVENTION ACCORDÉE PAR LE FONDS
77 814 $
Table des matières
Description des activités scientifiques .....................................................................................................................1
1. Contexte de la recherche....................................................................................................................................1
1.1 Problématique ...............................................................................................................................................1
1.2 Le projet MAP : principaux paramètres ....................................................................................................3
2. Les objectifs..........................................................................................................................................................5
3. Méthodologie ......................................................................................................................................................6
3.1 Les sources de données................................................................................................................................7
3.2 Le traitement et lʹanalyse des données ......................................................................................................8
3.3 La validité ......................................................................................................................................................8
4. Les résultats scientifiques : quelques constats de l’évaluation d’implantation..........................................9
4.1 Les trois phases d’implantation de MAP...................................................................................................9
4.2 Mobilisation des acteurs et évolution du partenariat ............................................................................10
4.3 Modalités et déroulement de l’intervention............................................................................................12
4.4 Processus de sélection et caractéristiques de la clientèle rejointe par le projet ..................................14
5. Leçons à tirer de l’expérience..........................................................................................................................18
Références bibliographiques ...................................................................................................................................20
La formation d’étudiants et d’étudiantes ..............................................................................................................24
Résumé des résultats de la recherche.....................................................................................................................25
Activités de diffusion et de transfert des connaissances ....................................................................................27
Publications .......................................................................................................................................................27
Communications...............................................................................................................................................28
Formations .........................................................................................................................................................29
Description des activités scientifiques
1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE
Nous présentons dans ce rapport les résultats de l’évaluation d’implantation du projet MAP (Mères avec du pouvoir) dans le site de Montréal. Ce projet piloté par les ressources du milieu propose une approche globale pour favoriser lʹinsertion socioprofessionnelle de femmes chefs de familles monoparentales avec jeunes enfants (0‐5 ans) vivant en contexte de pauvreté, ceci dans le but ultime d’assurer une amélioration de leurs conditions de vie ainsi que le développement optimal de leurs tout‐petits.
1.1 Problématique
1.1.1 Le problème : la pauvreté et ses conséquences
Les transformations qui ont marqué le marché de l’emploi au cours des deux dernières décennies à la suite du développement de nouvelles technologies et de la globalisation des marchés entraînent lʹappauvrissement dʹune fraction importante de la population. Les familles monoparentales figurent parmi les ménages les plus précarisés dans nos sociétés. Dans la région de Montréal par exemple, 57,7 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de faible revenu comparativement à 20,2 % des familles biparentales.
Ces données sont préoccupantes si on pense aux conséquences de la pauvreté et de l’exclusion pour les familles, les enfants et la société. La pauvreté compromet l’accès à un logement décent et à une bonne alimentation. Elle force à évoluer dans des milieux de vie non sécuritaires aux qualités environnementales approximatives. Elle limite l’accès aux transports, d’où un plus faible recours aux services et moins de participation aux loisirs. La précarité financière compromet de plus la possibilité de jouer un rôle social valorisant : elle rend plus difficile l’exercice des droits sociaux et la participation à la vie collective, et signifie souvent isolement social, anonymat et perte d’identité sociale (Gauthier et Mercier, 1994).
Il est également bien démontré aujourdʹhui que le niveau de pauvreté et la dégradation des conditions de vie qui en résulte ont un impact important sur la santé et le développement social des enfants (Conseil canadien de développement social, 1996 ; Gouvernement du Québec, 1991). En effet, on observe chez les familles vivant sous le seuil de pauvreté une plus forte proportion d’enfants présentant des retards au plan cognitif et langagier (Bouchard, 1999 ; Japel et coll., 2001), de sorte que les enfants de familles pauvres se retrouvent plus souvent en difficulté ou en échec scolaire (Zaouche‐Gaudron, 2005). Les expériences d’échecs scolaires et la perte d’estime de soi qui en résulte peuvent par ailleurs se traduire par davantage de troubles de comportement (Barton, Watkins et Jarjoura, 1997 ; Black et Krishnakumar,1998 ; Bouchard, 1994 ) et un taux de décrochage plus élevé à l’école secondaire. Plus la pauvreté est sévère et plus elle dure, plus ses effets dévastateurs se font sentir. Par ailleurs, tout un autre
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champ d’étude fait ressortir que certains enfants, bien que vivant en contexte d’extrême pauvreté, se développent bien, différents facteurs présents dans leur environnement les protégeant des effets délétères de la précarité économique. L’un de ces facteurs notamment est un attachement sécurisant avec le parent ou une personne significative ou des pratiques parentales adéquates (Baron, 1999).
1.1.2 Les solutions proposées
La reconnaissance des graves conséquences de la pauvreté sur la santé et le bien‐être des enfants est à lʹorigine dʹun consensus national et international sur la nécessité de développer des mesures de réduction de la pauvreté des familles. Une des solutions privilégiées par les politiques sociales à partir des années 1980 est de favoriser lʹintégration en emploi par des programmes dʹemployabilité inscrits dans une perspective de workfare ou de learnfare qui tendent à faire porter à lʹindividu la responsabilité de ses difficultés antérieures dʹinsertion et du travail à accomplir pour sʹen sortir (René, Goyette, Bellot, Dallaire et Panet‐Raymond, 2001; Ulysse & Lesemann, 2004).
Aux États‐Unis, ces programmes ont fait lʹobjet dʹévaluations dʹenvergure. Les résultats de ces études, presque uniquement centrées sur l’impact économique (taux dʹintégration en emploi et de sortie de lʹaide sociale), montrent que ces mesures sont relativement peu efficaces et ne peuvent à elles seules réduire la pauvreté ou l’exclusion sociale de façon notable (Dechêne, 1994 ; Morel, 1996).
Au Québec, les études de relance menées par le ministère de la Sécurité du revenu au début des années 1990 montrent que les programmes dʹemployabilité ont permis des taux de placement dʹau plus 25 % un an et demi après le début de la participation (Gouvernement du Québec, 1994). Lʹétude de Duclos et coll. (1996) montre par ailleurs que, quatre ans après la réforme de 1988, les familles monoparentales avaient toujours la plus longue durée de séjour à lʹaide sociale et les plus faibles taux de sortie du programme. Dans le cadre d’une enquête transnationale (Canada, Australie, Nouvelle‐Zélande et Grande‐Bretagne) sur les programmes sociaux visant les mères à faible revenu, Baker et Tippin (1999) constatent que dans l’ensemble les programmes existants ont un impact mitigé quant à l’insertion professionnelle des mères. Les auteurs soulignent entre autres que les avenues d’insertion débouchent trop souvent sur des emplois peu payés, précaires et entraînant d’importantes dépenses, que ce soit en termes de déplacement, de frais de garderie, de vêtements, etc.
Lʹinefficacité relative de ce type de mesures tient sans doute au fait quʹelles proposent le plus souvent des solutions unidimensionnelles ne tenant pas compte dʹune des conditions jugées essentielles à la réussite des programmes de prévention/promotion : celle dʹintervenir sur lʹensemble des déterminants dʹun problème social, en lʹoccurrence ici celui de lʹexclusion du monde du travail. C’est notamment une des principales conclusions de l’impressionnant projet « Family Welness Project Team ». Au terme d’une vaste recension des écrits sur les programmes de promotion du bien‐être des familles, de prévention des mauvais traitements et de divers problèmes affectant les adolescents (toxicomanie, grossesse à l’adolescence, délinquance, échec scolaire, fugues), Prilleltensky et ses collaborateurs (1999) concluent que les programmes les plus prometteurs mettent l’accent sur des approches globales qui incitent à agir sur tous les fronts à la fois (la famille, l’école, la communauté). Dans le champ de l’insertion, plusieurs auteurs estiment que les politiques et les programmes visant à contrer l’exclusion sociale doivent prendre en compte lʹensemble des difficultés des jeunes (emploi, scolarité, sécurité du revenu, famille, santé, etc.) et proposer un travail sur les dimensions identitaire, sociale, relationnelle et politique (de Gaulejac et Taboada‐Léonetti, 1994, René et coll, 2001).
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Différents projets et programmes tenant compte de ces principes se sont développés depuis quelques années : on pense notamment au réseau de foyers de jeunes travailleurs avec soutien social, aux entreprises dʹinsertion, aux plateaux de travail, aux interventions développées dans le cadre des CDEC ou au programme Solidarité jeunesse. C’est dans cette foulée que s’est développé le projet MAP à la fin des années 1990.
1.2 Le projet MAP : principaux paramètres
1.2.1 Le cadre de référence
Le cadre de référence de MAP propose trois paramètres pour guider l’action : 1‐ un cadre théorique pour tenir compte de la complexité des besoins et des rôles des femmes chefs de familles monoparentales : le modèle écologique ; 2‐ une approche d’intervention axée sur le développement du pouvoir d’agir et 3‐ une stratégie d’implantation basée sur l’action intersectorielle.
Au fondement du cadre de référence de MAP, un postulat : les solutions pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle doivent être à l’image de la complexité des rôles et des besoins des femmes et de leurs familles. Cela conduit à adopter un cadre théorique inspiré de lʹapproche écologique selon laquelle tout problème social est le résultat d’un système d’interrelations complexes entre les caractéristiques des individus et les propriétés changeantes de leur environnement proximal (contexte familial) et distal (caractéristiques du milieu de travail, de l’environnement des services, des politiques sociales) (Brofenbrenner, 1979; Mayer, 1999).
Au plan de la pratique, la perspective écologique appelle une approche globale qui consiste à agir sur plusieurs fronts à la fois. L’approche conduit d’une part à viser plusieurs cibles d’action (les femmes, leurs enfants, le milieu de vie et la communauté) et, d’autre part, à multiplier les stratégies d’action. Le modèle proposé par MAP vise notamment (1) à améliorer la capacité d’action des femmes par un travail qui renforcera leurs ressources personnelles et sociales dans plusieurs sphères de leur vie (personnelle, professionnelle et citoyenne) ; (2) à enrichir leur milieu de vie de façon à ce qu’il soit plus propice à leur insertion socioprofessionnelle (en favorisant l’accessibilité au logement, au transport, aux services de garde et aux ressources du milieu) et (3) à influencer l’environnement global de façon à ne pas faire porter tout le poids du changement aux familles qui vivent en contexte de vulnérabilité.
L’adoption d’une perspective axée sur le développement du pouvoir d’agir conduit pour sa part à donner une place centrale aux notions de projet et d’action (Boutinet, 1990 ; René, Turcotte & Blais, 2002 ; René, Ouellet, Durand, Dufour & Garon, 1999). Le cadre de référence de MAP postule que le développement du pouvoir d’agir passe par la formalisation et la réalisation de un ou de plusieurs projets pouvant prendre des formes diverses selon les besoins des femmes et leur trajectoire de vie. Le projet peut être individuel (obtenir un diplôme d’études secondaires) ou collectif (mettre en place une cuisine collective). Sur l’axe professionnel, le projet inclut les objectifs relatifs au processus d’acquisition de compétences (dont l’amélioration du niveau de scolarisation) permettant l’accès à l’emploi. Dans sa composante sociale, le projet englobe tout type d’objectifs relevant de l’intégration plus large à la collectivité et à la société : développement de liens sociaux (réseaux de soutien, entraide et solidarité), expériences d’implication dans l’amélioration du bien commun. Sur l’axe personnel, enfin, le projet inclut les objectifs relevant du renforcement de la capacité d’action des femmes (estime de soi, développement identitaire, aptitude à faire des choix).
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Dans ce contexte, l’intervention vise à favoriser un passage à l’action dans un projet qui a du sens pour les résidantes. La notion d’action évoque quant à elle un mouvement, un déplacement, un enchaînement d’activités et de démarches (individuelles ou collectives) afin de réaliser ce projet.
Adopter une approche axée sur le développement du pouvoir d’agir, c’est aussi adopter certains principes d’action. Le premier principe est la reconnaissance des forces et des compétences des femmes : cela suppose de les considérer comme les mieux placées, en tant quʹexpertes de leur bien‐être, pour déterminer leurs besoins, leurs projets, les actions à prendre pour les réaliser ainsi que les critères de succès compatibles avec leur situation (Breton, 1994 ; Le Bossé, 2000 ; Rappaport, 1987). Un deuxième principe est d’établir des rapports égalitaires entre acteurs impliqués dans la démarche de changement, des rapports fondés sur la réciprocité et la négociation plutôt que sur le contrôle (Mullender & Ward, 1991). Le troisième principe repose sur l’idée que « la responsabilité du changement ne peut être attribuée uniquement à la personne concernée puisque la réalisation d’un projet personnel est conditionnelle à la disponibilité des ressources dans le milieu. » (Le Bossé, 2000) ; cela implique 1‐ d’encourager une réflexion critique sur les obstacles structurels à l’insertion socioprofessionnelle (développement d’une conscience critique) et 2‐ de viser à la fois les changements individuels et collectifs.
L’action intersectorielle est une condition essentielle de réalisation des interventions basées sur une approche globale et la perspective écologique (Ouellet, Paiement & Tremblay 1995 ; White, Jobin, McCann & Morin, 2002). Pour soutenir lʹimplantation du modèle d’intervention, le projet mise sur la mobilisation de plusieurs partenaires représentant divers secteurs dʹactivité de la communauté et possédant des mandats complémentaires.
1.2.2 Le contexte d’implantation : la création d’une ressource
Le modèle d’intervention est implanté dans deux sites aux contextes fort différents, Longueuil1 et le quartier Centre‐Sud à Montréal. À Montréal, l’approche globale se concrétise par la création d’un complexe résidentiel offrant divers types de soutien aux projets d’insertion des femmes. La ressource offre :
Un logement subventionné. Les 30 logements offerts à MAP ont un caractère transitoire et sont subventionnés pour la durée du séjour (dans le cadre du programme Accès Logis) de façon à ce que les femmes n’aient pas à débourser plus de 25 % de leurs revenus pour se loger. Dans ce concept, le logement est considéré comme un moyen de favoriser la transition vers l’autonomie et une condition pour que les femmes s’approprient leur rôle de citoyenne à part entière, pour qu’elles puissent participer pleinement à la vie démocratique et avoir accès aux services de leur communauté. Par ailleurs, en les libérant d’une partie de leurs soucis matériels et de la nécessité de travailler tout en étudiant, l’accès à un logement subventionné leur a permis de mieux se concentrer sur le projet scolaire.
L’accès à un centre de la petite enfance, adjacent aux logements. Le centre de la petite enfance du Carrefour offre 80 places dont 30 sont réservées aux enfants des locataires de MAP. En plus de favoriser la conciliation entre les activités extérieures et les responsabilités familiales, l’accès au CPE offre la
1 À Longueuil, le modèle d’intervention est implanté dans la communauté par l’initiative 1, 2, 3 GO!. Il prend la forme d’un programme d’activités structurées dispensées par un organisme en employabilité pendant une période de 38 semaines.
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possibilité de bénéficier des échanges formels et informels avec éducatrices et conseillères pédagogiques pour améliorer les habiletés parentales. Les enfants y trouvent par ailleurs la possibilité de participer à des activités éducatives destinées à promouvoir leur développement cognitif et social.
Le soutien d’une équipe d’intervention. Le rôle attendu de l’équipe d’intervention est d’accompagner le parcours d’insertion, de favoriser un processus d’empowerment, de susciter l’entraide entre les résidantes et d’animer le milieu.
2. LES OBJECTIFS
Ce projet de recherche visait initialement à suivre le déroulement du projet MAP et à en documenter le processus de mise en œuvre pendant une période de deux ans suivant l’ouverture de la ressource résidentielle prévue pour le mois de mars 1998. Des modifications ont dû être apportées à la période couverte par notre analyse d’implantation du projet. La complexité des étapes préalables au démarrage du projet (réalisation du volet immobilier et recherche de financement pour l’intervention) ont conduit à reporter l’ouverture du complexe résidentiel au mois de juillet 2000. Nous avons revu nos objectifs et nos étapes de réalisation en conséquence. Grâce à la subvention obtenue du CQRS et d’un financement complémentaire du Centre national de prévention du crime (CNPC), il nous a été possible de suivre et d’analyser l’implantation du projet MAP depuis sa conception par un groupe d’intérêt de l’IRDS en 1997 jusqu’en juillet 2003, année où s’est terminé le financement du volet intervention.
L’évaluation d’implantation du projet a deux objectifs. Le premier est de soutenir et de guider l’intervention. Il s’agit de suivre le déroulement du programme et de transmettre les données recueillies au comité de partenaires et aux intervenantes associées au projet afin de faire le point sur la démarche et, s’il y a lieu, de la réorienter en cours de route. Toute notre démarche d’évaluation du projet est conduite selon une approche participative, une perspective de recherche qui s’avère particulièrement bien adaptée à l’évaluation des initiatives qui, comme c’est le cas ici, s’implantent selon un modèle d’action négociée et adoptent une perspective d’empowerment (Fetterman, 1994 ; Guba & Lincoln, 1990 ; Monnier, 1987 ; Whitemore, 1990).
Le deuxième objectif de l’évaluation d’implantation est de produire des connaissances sur l’intervention et d’en dégager les éléments à retenir dans lʹéventualité dʹune généralisation à dʹautres environnements. Le but de l’évaluation est de dégager la théorie de lʹaction du projet MAP (Patton, 1990), c’est‐à‐dire de mettre en lumière le lien entre le processus de structuration de l’action et ses effets sur la population cible.
D’entrée de jeu, il convient de situer l’approche retenue pour guider l’analyse d’implantation du programme. Lʹanalyse du processus de structuration de l’intervention est abordée selon le modèle dit de traduction (Callon, 1986 ; Callon et Latour, 1986).L’approche repose sur le principe que la transformation du programme est inhérente à tout processus dʹimplantation. D’abord, parce que le programme est perméable aux éléments de contexte dans lequel il est introduit, donc aux changements susceptibles de se produire dans l’environnement tant proximal que distal (changements dans les ressources, la clientèle, l’orientation des politiques sociales ou la dynamique de l’organisation). Ensuite, parce qu’il met généralement en jeu un ensemble dʹacteurs hétérogènes dont on peut supposer quʹils ont des intérêts et des objectifs divers, voire antagonistes. Par conséquent, lʹimplantation peut soulever des résistances et donner lieu à des stratégies de négociation entre acteurs, qui se solderont inévitablement par des alignements dʹintérêts et des aménagements plus ou moins importants au programme initialement
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planifié. Le programme est donc saisi comme un produit en évolution soumis à la pluralité des visions, à l’intérieur d’un environnement en perpétuelle mouvance.
Ce modèle constitue une alternative au modèle classique en évaluation dʹimplantation (logique dite de diffusion) qui, partant du présupposé que le programme à implanter est un produit achevé, stable dans le temps et l’espace, considère toute modification du produit original comme un handicap en altérant lʹefficacité. Alors que le modèle classique dʹévaluation dʹimplantation met lʹaccent sur lʹécart entre le modèle planifié et le modèle implanté (en en recherchant lʹexplication), le modèle retenu (logique dite de traduction) suit le déroulement du projet à travers ses différentes transformations en mettant en évidence le processus dʹadaptation mutuelle du programme à implanter et du contexte dʹimplantation. Par contexte dʹimplantation, nous entendons les caractéristiques des milieux dʹimplantation, de lʹenvironnement global, des acteurs (intérêts, atouts, rôles, stratégies de négociation) et du sens que les acteurs confèrent à l’action.
La théorie part du principe que les projets innovateurs se construisent tant sur les consensus que sur la résolution des controverses et les ajustements qui en découlent. L’analyse consiste à comprendre les processus par lesquels des acteurs aux cultures, ressources, positions sociales et intérêts divers peuvent parvenir à converger vers un accord, « une solution, un compromis qui leur permet de coopérer » (Bilodeau, 2000).
Lʹapproche proposée nous paraît particulièrement cohérente avec les hypothèses conceptuelles de notre modèle dʹintervention : puisque ce modèle suppose la participation des acteurs dans la définition de lʹintervention ; celle‐ci est par conséquent sujette à des modifications en cours de route. Le recours au concept dʹempowerment appelle une approche constructiviste de la recherche (Rappaport, 1990).
Le cadre d’analyse apparaît à la figure 1. Il présume que la qualité de l’intervention telle qu’implantée découle de son processus de construction qui, lui‐même, est le résultat dʹune négociation et éventuellement de compromis entre acteurs sur leurs problématisations respectives (construction de la coopération). Il suppose de mettre en évidence les différentes configurations que prend lʹintervention en cours dʹimplantation et de les analyser comme « autant de solutions contingentes traduisant lʹétat des rapports de forces entre acteurs à un moment donné » (Demers, 1993) et dans un contexte donné (rapports stratégiques entre acteurs). Ce processus doit lui‐même être rapporté (1) à la stratégie initiale de constitution du partenariat et aux caractéristiques des acteurs impliqués dans la démarche (intérêts, position sociale, culture, ressources) ; (2) aux dynamiques de participation instaurées au début du projet ; (3) au cadre de référence du projet et (4) aux caractéristiques de lʹenvironnement dans lequel est implanté le projet (environnement global et contexte local).
3. MÉTHODOLOGIE
Pour suivre l’évolution du projet, l’équipe d’évaluateurs s’inspire de la méthodologie de l’étude de cas, une stratégie qualitative de recherche reconnue, qui combine rigueur, souplesse et profondeur dans la collecte et l’analyse des données (Huberman et Miles, 1991 ; Yin, 1994, 1998). Cette méthodologie s’avère particulièrement indiquée lorsqu’il s’agit, comme dans le cas présent, d’analyser le déroulement d’un projet qui est indissociable du contexte dans lequel il s’élabore. Plus précisément, un devis à cas multiples
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est utilisé2. La puissance explicative de la méthode repose sur deux aspects : un cadre d’analyse de départ pour guider la collecte de données et le recours à de multiples sources de données analysées de façon convergente sur un mode de triangulation.
3.1 Les sources de données
Quatre sources de données ont été utilisées : des entrevues semi‐structurées avec les principaux acteurs du projet (résidantes, intervenantes et partenaires) à différents moments de l’évolution du projet MAP, des entrevues de groupe avec ces acteurs, la documentation écrite sur le projet, des fiches de suivi de l’intervention, des observations directes des activités de groupe et de lʹobservation participante.
Des entrevues semi‐structurées avec les principaux acteurs du projet
Au cours de la période de référence, nous avons rencontré à deux reprises au moins dans le contexte d’une entrevue individuelle tous les acteurs engagés dans cette initiative (13 partenaires, 5 intervenantes et 35 résidantes). Lʹintervieweuse disposait dʹun canevas construit à partir des variables du cadre d’analyse. Le canevas est adapté au type dʹacteur interviewé et à la période étudiée. Le canevas de l’entrevue avec les résidantes est conçu pour l’évaluation qualitative des effets de la participation au projet, mais certaines des thématiques visent à documenter la mise en œuvre du projet.
Des entrevues de groupe avec divers acteurs du projet
Quatre entrevues de groupe ont été réalisées avec les partenaires et les intervenantes afin de documenter des thèmes émergeant en cours d’année ou moins explorés durant les entrevues individuelles. Ces thèmes étaient les suivants : 1) les représentations du concept d’empowerment ; 2) les critères de succès du projet ; 3) le processus de sélection et le déroulement de l’intervention après un an de mise en œuvre du projet ; 4) les caractéristiques de l’interventionau CPE (éducatrices du CPE). De plus, des entrevues ont été réalisées en petits groupes de 4 ou 5 résidantes afin de documenter le rapport entre intervenantes et résidantes.
La documentation écrite sur le projet
Tous les documents produits depuis 1997 ont été rassemblés : procès‐verbaux des différents comités d’implantation du projet, documents des concepteurs, bilans et matériel promotionnel.
L’observation participante
Des notes d’observation sont rédigées sur le déroulement et le contenu des réunions des comités auxquels participent les chercheurs à titre d’acteurs du processus.
2 L’autre cas étudié est le site de Longueuil, qui est financé par d’autres sources.
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3.2 Le traitement et lʹanalyse des données
Chaque entrevue a été retranscrite intégralement. Le corpus de données fait lʹobjet dʹune analyse qualitative basée sur la condensation et la présentation des données (Huberman et Miles, 1991). La notion de condensation des données renvoie à l’ensemble des opérations de transformation, de catégorisation et de mise en relation des données. La méthode utilisée ici a été celle des mémos dʹanalyse. Ces mémos synthétisent l’information des multiples sources de données en fonction des variables du cadre d’analyse, dégagent lʹessentiel du secondaire, retracent les évolutions et font des liens entre les variables du modèle. Des résumés intermédiaires ont été élaborés autour des principales variables du modèle d’analyse. Ces résumés ont servi à la rédaction de rapports d’étape qui décrivent, en grande partie sous forme narrative, l’implantation du projet. Ces mémos ont été rédigés au fur et à mesure de la réalisation des entrevues et constamment révisés pour intégrer les nouvelles données aussitôt qu’elles étaient disponibles afin d’approfondir l’analyse. La notion de présentation des données renvoie à l’élaboration de tableaux (matrices processus‐changements) destinés à rassembler l’information et à l’organiser sous une forme synthétique immédiatement accessible (Huberman et Miles, 1991).
3.3 La validité
La validité de la démarche repose sur le principe de saturation théorique des données. La notion fait référence au fait dʹexplorer toutes les explications possibles dʹun phénomène en sʹappuyant sur des données de sources diverses. La triangulation des données, la multiplication des informateurs et la communication régulière des résultats aux informateurs (résidantes, intervenantes et membres des comités de pilotage) pour fins de validation constituent des facteurs favorables à la validité de construit
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(Huberman et Miles, 1991). Si lʹétude de cas est reconnue pour la richesse de l’information quʹelle produit, elle ne prétend pas à la généralisation statistique des résultats. Lʹanalyse en profondeur de la dynamique dʹun programme, parce quʹelle permet de connaître les facteurs contextuels qui facilitent lʹatteinte des résultats, conduit à poser un jugement sur lʹefficacité probable dʹune généralisation analytique de lʹétude (Champagne, et al., 1990).
4. LES RÉSULTATS SCIENTIFIQUES : QUELQUES CONSTATS DE L’ÉVALUATION D’IMPLANTATION
Nous proposons dans cette section une synthèse des principaux constats qui se dégagent de la recherche en faisant la part des succès et des difficultés de l’implantation de MAP au cours de la période de référence. Cette synthèse s’articule autour de trois thématiques : (1) la mobilisation des acteurs et l’évolution du partenariat (atouts et intérêts des acteurs, dynamique de participation instaurée, identification des zones de controverse et de convergence, modalités de construction de la coopération) ; (2) les modalités et le déroulement de l’intervention ; (3) les enjeux du processus de sélection et les caractéristiques des résidantes.
4.1 Les trois phases d’implantation de MAP
MAP s’est développé selon un processus en trois étapes comportant des enjeux et des défis particuliers dont l’analyse doit tenir compte : 1‐ une phase d’émergence qui est celle de la conception du projet ; 2‐ une phase de planification où se sont mises en place les ressources matérielles et financières nécessaires à sa mise en œuvre et 3‐ une phase d’expérimentation qui marque le véritable démarrage du projet avec la constitution de l’équipe d’intervention et l’entrée des femmes dans la ressource résidentielle.
La phase d’émergence (1996‐1998)
La phase d’émergence est celle de la conception du projet par un groupe d’intérêt de l’IRDS réunissant des chercheurs et des intervenants animés par la volonté de travailler à l’amélioration des conditions de vie des familles vivant sous le seuil de pauvreté. Soutenue par deux chercheurs de l’IRDS, cette phase du développement du projet est consacrée à la recherche dʹun consensus sur la cible, la philosophie et les objectifs dʹaction ainsi qu’à lʹélaboration des principes directeurs du modèle dʹintervention. Les forces du projet à cette étape sont les suivantes : (1) l’établissement des bases du partenariat qui allait se constituer autour du projet à Montréal et à Longueuil ; 2) des apprentissages mutuels à la faveur d’allers et retours entre théorie et faits d’expérience ; (3) le développement d’une théorie de la solution partagée par tous.
La phase de planification (1998‐2000)
La phase de planification est consacrée à la mobilisation des acteurs de la communauté autour du projet, à la recherche de financement pour la mise en œuvre de ses différents volets (habitation, intervention et recherche) ainsi qu’aux diverses démarches entourant l’achat d’un terrain, la construction des logements et la création de places en garderies. Si MAP a été conçu par un groupe dʹintérêt de lʹIRDS, il s’est développé et a été implanté avec la collaboration d’une vingtaine de partenaires représentant divers secteurs dʹactivité de la communauté : le logement social, l’emploi, les droits des femmes, le soutien aux familles et aux enfants, la lutte à la toxicomanie et à l’itinérance. On retrouve neuf organismes
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institutionnels ou gouvernementaux, neuf organismes communautaires et un institut de recherche. La naissance de MAP est le fruit de cet effort collectif. Au cours de cette période, les chercheurs de l’IRDS assument la responsabilité du volet scientifique des demandes de subvention, animent la réflexion sur les critères de succès du projet, définissent les paramètres de l’évaluation du modèle d’intervention et participent aux présentations destinées à convaincre d’éventuels bailleurs de fonds de contribuer de façon concertée au financement de ses activités.
La phase d’expérimentation (juillet 2000 à juillet 2003).
Cette phase s’ouvre avec l’octroi, en juillet 2000, du financement de l’intervention qui permettra d’embaucher les membres de l’équipe d’intervention. Elle marque le véritable démarrage du projet avec la constitution de l’équipe d’intervention, l’entrée des femmes dans la ressource et l’ouverture du CPE.
4.2 Mobilisation des acteurs et évolution du partenariat
Au nombre des défis que le projet MAP a réussi à relever, il faut compter le processus de mobilisation des partenaires à l’étape de la planification du projet. Notre analyse a montré qu’une des grandes réussites du projet est d’avoir su convaincre et réunir dans une assemblée de partenaires les représentants de divers organismes de la communauté (1) ayant des champs d’expertise pertinents et complémentaires pour le développement du projet ; (2) souvent situés aux postes de direction de leur organisme ; (3) prêts à mettre leurs forces en commun afin d’adapter la réponse à offrir à la clientèle cible du projet et (4) ayant un parti pris pour des actions concrètes.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce succès. Le caractère innovateur du projet, l’adoption d’une approche globale comme solution au problème de la pauvreté et le fait d’axer l’intervention sur une logique émancipatoire (le développement du pouvoir d’agir) recèlent un fort potentiel mobilisateur et ont beaucoup facilité l’adhésion au projet. Dans certains cas, l’alliance avec des chercheurs a été perçue comme une opportunité de favoriser le partage des expertises. Il faut également mentionner le rôle décisif dans ce processus d’un des concepteurs du projet : sa connaissance des réseaux, son expérience et son leadership ont été des atouts importants à cette étape.
Cette mobilisation de partenaires a donné plusieurs résultats impressionnants. D’abord, elle est certainement un des facteurs à l’origine de l’appui apporté par plusieurs leaders de la communauté, appui qui a facilité l’accès à des sources de financement diversifiées permettant ainsi au projet de voir le jour. Ensuite et surtout, les partenaires ont su conjuguer leur expertise et leurs ressources pour arriver à concrétiser l’approche globale, à créer une ressource offrant des mesures incitatives et divers types de soutien au parcours d’insertion des résidantes : un logement neuf, un soutien financier (logement subventionné, remboursement des frais de garde), l’accès et la proximité du CPE, le soutien d’intervenantes à MAP et d’éducatrices au CPE, le soutien logistique (accès à des ordinateurs, à Internet) et l’accès aux réseaux des partenaires. Des mesures et un soutien qui sont à l’origine de belles réussites chez les résidantes3.
3 Pour plus de détails sur les effets du projet MAP à Montréal, voir Turcotte, Blais, Sanchez, Tremblay, Chamberland & Lemay , 2005.
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Au début de la phase d’expérimentation du projet, le partenariat à MAP entre cependant dans une période de choc culturel. La cohabitation d’un nombre aussi important d’acteurs fait émerger des différends quant à la façon de concrétiser l’intervention dans un contexte de logement transitoire. Le problème prend sa source dans certaines zones d’ambigüité du projet. Le cadre de référence soumis aux partenaires est peu explicite en ce qui concerne les moyens à mettre en place pour atteindre les objectifs : dans l’esprit des concepteurs, en toute logique avec une approche basée sur le développement du pouvoir d’agir, il s’agit essentiellement d’un canevas dont le contenu reste à définir et à construire dans un processus impliquant l’ensemble des acteurs associés au projet. En soi, cette approche de planification génère toujours beaucoup d’insécurité au moment du démarrage des projets. Dans le cas de MAP, le problème est exacerbé par la confusion qui entoure la définition du concept d’empowerment et sa traduction dans la pratique et par l’absence de lignes directrices sur la façon de travailler en intersectorialité. Ces zones d’ambigüité ouvraient la porte à des interprétations diverses qui furent à l’origine de certaines tensions entre les partenaires.
Comme le soulignent Prilleltensky et ses collaborateurs « Les conflits et la confusion ne sont pas des pathologies de l’implantation. Ce sont des phénomènes normaux qui n’en nécessitent pas moins beaucoup d’habiletés pour éviter des glissements irréversibles. » (Prilleltensky et al., 1999). Pour éviter de tels glissements, il faut, par un processus de débats et de négociation, en arriver à des compromis acceptables pour tous du point de vue des bénéfices que peut en retirer la population cible (Bilodeau, 2000). Plusieurs des problèmes soulevés par l’implantation du projet ont trouvé une solution au cours de cette période. Cependant, au cours de la période qui fait l’objet de ce rapport, les partenaires ont eu de la difficulté à trouver des compromis sur des questions aussi essentielles que le partage de l’information sur les résidantes, l’utilisation et le partage des ressources matérielles et financières, les caractéristiques de l’intervention et le leadership du projet. Un rapport de forces s’est engagé à travers un jeu d’alliances plus ou moins évident faisant obstacle à une véritable collaboration intersectorielle. Au cours de la période de référence, les partenaires n’ont pas réussi à surmonter les tensions de la phase de démarrage, et la méfiance a continué à marquer les rapports entre acteurs, ceci, en dépit de deux exercices de médiation. Le poids de la sectorisation est resté très présent à MAP.
L’analyse a permis d’identifier de déterminer trois facteurs pour expliquer ces difficultés du partenariat au cours de la phase d’expérimentation du projet.
(1) Le facteur temps
Au cours de la phase de planification du projet, les activités entourant la recherche de financement et l’implantation du volet immobilier ont pris le pas sur celles qui visent à se donner une conception commune du projet et à construire la coopération. Au début de la phase d’expérimentation, c’est la pression d’entrer en action qui est en cause. Les retards accumulés dans l’implantation du projet ont créé sur certains acteurs du projet une pression diffuse pour entrer rapidement en action. Il y a eu, chez les partenaires, très peu de démarches formelles ou de temps consacré 1‐ à confronter les valeurs des uns et des autres sur les fondements conceptuels du modèle d’intervention ou sur ses critères de performance ; 2‐ à se doter d’une conception commune et de définitions claires et partagées des notions principales à la base du projet (en l’occurrence ici celles d’insertion, de projet, d’empowerment) ; 3‐ à débattre sereinement des controverses qui s’installaient ; et 4‐ à favoriser la connaissance mutuelle et le développement d’une solidarité de groupe.
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(2) Un facteur structurel
Des règles de fonctionnement et d’imputabilité imprécises et un leadership ambigu n’ont pas facilité le travail conjoint ou l’efficacité collective au cours de la période de référence. Mal défini au départ, le rôle de coordination du projet n’a pas revêtu toutes les dimensions attendues d’un véritable porteur de l’entité MAP donc susceptible non seulement d’animer le projet, mais aussi de voir à harmoniser les intérêts et les approches des différents partenaires, à mobiliser les énergies des uns et des autres et à susciter la complicité et la cohésion entre les acteurs impliqués dans le projet.
(3) Un facteur culturel
Misant sur l’intérêt général pour une même cause et sur le consensus autour des principes généraux du cadre de référence du projet, les partenaires de la première heure ont sous‐estimé l’impact des frontières historiques entre certains des acteurs en présence, celui des différences de statut entre les acteurs en présence, celui de la concurrence voire des conflits traditionnels entre acteurs du communautaire et de l’institutionnel, celui enfin des luttes historiques pour la reconnaissance et l’utilisation de l’approche féministe. Gilles Bibeau évoque à ce sujet la difficulté de « briser les frontières souvent opaques qui ont été historiquement édifiées et qui subsistent entre les institutions et services, entre les secteurs d’activité, entre les modèles disciplinaires […] entre les pratiques d’intervention et entre les modes de gestion. » (Bibeau, 2002). Ce faisant, ils ont aussi sous‐estimé ou négligé l’importance des débats à faire autour des questions névralgiques posées par l’implantation du projet.
En dépit des problèmes, le partenariat a connu une stabilité impressionnante au cours de la phase d’expérimentation du projet. Cependant, le financement de l’intervention n’a pas été reconduit, et plusieurs partenaires se sont par la suite retirés du projet.
Il importe de resituer les difficultés qu’a connues le partenariat dans le cycle de développement de projets innovateurs. Au moment où s’est achevée la collecte de données, la mise en œuvre de MAP dans toutes ses composantes était relativement récente. Les études montrent qu’un laps de temps considérable (de 5 à 10 ans selon les études) est nécessaire avant qu’un programme puisse surmonter les défis de l’implantation et atteindre la stabilité. Des ajustements sont toujours à l’ordre du jour. À cet égard, l’incorporation de MAP apparaît d’ores et déjà comme une solution efficace aux problèmes structuraux de MAP et facilite beaucoup les rapports entre acteurs.
4.3 Modalités et déroulement de l’intervention
Les difficultés du démarrage auront cependant des répercussions importantes pour les intervenantes qui se trouvent au point de rencontre des intentions des concepteurs du projet, des attentes tacites des partenaires, des objectifs des bailleurs de fonds et des préoccupations des résidantes. Au cours de cette période, les intervenantes ont souvent l’impression de faire les frais de l’absence de concertation sur les éléments essentiels du projet et des attentes plus ou moins exprimées ou formalisées des partenaires. Les particularités du soutien à offrir aux résidantes dans le contexte du logement social transitoire sont au centre des controverses qui marquent les rapports entre les acteurs au cours de cette période. Les imprécisions de la structure d’imputabilité constitueront par ailleurs un obstacle au soutien et à l’encadrement au quotidien de l’équipe d’intervention. Le fait notamment que la coordonnatrice de l’intervention ait cumulé plusieurs rôles au cours de cette période a entraîné des retards dans l’élaboration d’une politique d’intervention ou de lignes directrices sur la façon de traduire le cadre de référence en moyens concrets et efficaces pour l’action. Ces difficultés se soldent, à l’automne 2001, par la
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démission de deux intervenantes qui seront remplacées par une nouvelle équipe dont l’expertise et l’approche sont différentes à maints égards. Il en résulte une discontinuité de l’intervention au cours de la première année de séjour à MAP qui sera préjudiciable à quelques résidantes plus vulnérables.
La création d’un poste de responsable de l’intervention permettra d’améliorer le fonctionnement de l’équipe et conduira à l’élaboration d’une politique d’intervention au cours de la deuxième année d’expérimentation du projet. La politique d’intervention énonce que le rôle principal de l’équipe d’intervention doit être celui « d’accompagner les résidantes dans la réalisation de leurs projets de vie », mais il est aussi entendu qu’elle doit favoriser un processus d’empowerment, susciter l’entraide entre les résidantes et animer le milieu. Cela s’est fait selon plusieurs modalités avec un succès variable : 1‐ un suivi individuel obligatoire au moins une fois par mois ; 2‐ la référence aux ressources du milieu pour les résidantes qui présentent des problématiques complexes (toxicomanie ou difficultés psychosociales) ou dans les cas où une spécialisation est requise (une démarche structurée d’orientation professionnelle ou le développement de l’employabilité) ; 3‐ une rencontre mensuelle obligatoire en grand groupe, organisée autour des enjeux liés à la régulation de la vie collective ; 4‐ des ateliers éducatifs ponctuels structurés autour de thèmes spécifiques ; et 5‐ des activités de groupe organisées sur une base volontaire autour des objectifs de participation sociale et d’action collective (comités de travail, activités de défense des droits, structure de représentation aux instances décisionnelles de MAP).
Au nombre des forces de l’intervention, il faut souligner le travail d’accompagnement du parcours d’insertion et de relais aux ressources dans le cadre du suivi individuel : l’aide à la formulation du projet, le travail sur le réalisme du projet, le soutien dans les démarches d’insertion (sans faire les choses pour elles), la valorisation des efforts et des réussites, le relais aux ressources de la communauté. Le seul fait de se sentir accompagnées dans leur parcours a été pour certaines participantes un atout important dans leurs succès. Certaines évoquent en particulier l’importance du soutien « moral » offert par l’intervenante à des moments clés du parcours, notamment lors de périodes de découragement qui auraient pu conduire à l’abandon du projet scolaire.
La politique d’intervention mise en place par l’équipe d’intervention met l’accent sur la solidarité, la prise de parole, la défense des droits, la participation sociale et le développement de la citoyenneté. Cette approche s’est traduite en actions concrètes dont certaines sont à l’origine des avancées de résidantes dans l’axe social. L’équipe d’intervention a joué un rôle positif sur ce plan en créant des occasions de participation citoyenne dans le milieu de vie à MAP (les comités de travail et de négociation et les structures de participation au processus consultatif et décisionnel de MAP), en suscitant la participation des résidantes à ces instances, en offrant un soutien au fonctionnement de ces comités et en y intégrant des procédures et des mécanismes démocratiques. L’introduction d’une dynamique de participation sociale et de défense des droits dans le cadre du travail en groupes restreints reste une des grandes forces du modèle d’intervention qui s’est développé à MAP.
Par contre, malgré toute l’importance qu’accordait la politique d’intervention aux activités collectives, la pratique de groupe est tout compte fait restée assez limitée dans le temps. La plupart des comités d’implication n’ont pas survécu à la première année de mise en œuvre du projet et la structure de participation des résidantes au processus de prise de décision à MAP ne s’est mise en place que dans les derniers mois de la phase d’expérimentation de MAP. Ce retard est à l’origine d’une certaine insatisfaction des résidantes, qui évoquent un sentiment d’impuissance quant à leur place dans le processus décisionnel. De plus, sauf exception, la participation à MAP n’a pas permis de s’investir dans la mise sur pied de projets collectifs visant le mieux‐être des résidantes (comme une cuisine collective ou des groupes d’achat) ou des changements plus structurels dans la communauté. De l’avis de tous les
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acteurs impliqués dans le projet, l’absence d’outils (budget et salle commune) et de soutien pour l’organisation d’activités de groupe plus conviviales, récréatives ou sociales a contribué à limiter les possibilités de création de réseaux d’entraide et de solidarité plus formels à l’intérieur du complexe.
Par ailleurs, l’établissement d’un système de règles ouvrant sur la possibilité d’une éviction des résidantes soulève la question de la place de la « prescription » dans une démarche centrée sur le développement du pouvoir d’agir. Le système de règles mis en place à MAP a conféré un caractère obligatoire aux rencontres de groupe mensuelles et introduit la prescription d’un terme et d’un rythme dans la définition et la réalisation du projet, toutes choses qui apparaissent difficilement compatibles avec la création d’un rapport égalitaire entre intervenantes et résidantes et en général avec les principes d’action qui sont au fondement d’une pratique centrée sur le développement du pouvoir d’agir. Certaines résidantes y ont vu une fonction de contrôle social et en retirent l’impression de ne pas avoir beaucoup de pouvoir dans leur rapport aux intervenantes. Cette activité a eu un effet démobilisateur parce qu’elle était imposée.
Au cours de la période de référence, le défi pour l’intervention à MAP aura été de répondre aux besoins des résidantes les plus vulnérables Les intervenantes elles‐mêmes évoquent la difficulté à concilier certains des principes qui guident l’approche axée sur le développement du pouvoir d’agir – le respect des choix et du rythme des résidantes, notamment – avec un besoin « d’encadrement » plus important. Les démarches à entreprendre pour rebâtir la confiance en soi, sortir d’une dépendance affective ou se réapproprier son identité – qui sont des conditions essentielles de la capacité à faire des choix pour l’avenir – nécessitent par ailleurs un travail en profondeur qui ne semble pas toujours avoir été possible à MAP. Sont en cause ici 1‐ une discontinuité de l’intervention au cours de la première année d’expérimentation du projet (avec le départ des premières intervenantes et les nombreux changements au poste de coordination de l’intervention) ; 2‐ un manque d’intensité du suivi individuel (conséquence des impératifs du démarrage et d’une conception très large de la gestion participative qui se sont soldés par une trop grande dispersion des activités au détriment de l’intervention directe) et enfin 3‐ une conception de l’intervention qui excluait la dimension psychosociale, l’équipe d’intervention ayant privilégié la référence aux ressources du milieu pour les résidantes qui présentaient des problématiques plus complexes.
4.4 Processus de sélection et caractéristiques de la clientèle rejointe par le projet
4.4.1 Recrutement et sélection des résidantes
Critères de sélection
Le processus de sélection retenu à MAP s’est illustré par sa grande rigueur et est demeuré le même au fil des ans. Il comporte quatre étapes : (1) annonce de la tenue de réunions d’information sur le projet dans le réseau des partenaires et les médias locaux ; 2) participation à une rencontre d’information ; 3) demande écrite de participation au projet et 4) entrevue de sélection. La sélection des résidantes se fait selon quatre critères inhérents au cadre de référence du projet. Pour être admissible au projet, la candidate doit (1) être chef de famille monoparentale ; (2) avoir au moins un enfant entre 0 et 5 ans (mais pas plus de deux à cause de la taille du logement et des critères d’éligibilité de l’Office municipale d’habitation de Montréal — OMHM) (3) démontrer une motivation à s’engager dans la formulation et la réalisation d’un projet d’insertion socioprofessionnelle et (4) avoir un revenu annuel inférieur à 22 000 $
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selon les critères d’admissibilité au programme Accès‐logis de l’OMHM donnant droit au logement subventionné.
Si, à première vue, la signification de ces critères peut paraître évidente, leur interprétation au moment de la sélection et une fois que la candidate est admise dans le projet soulève certaines questions et fait émerger le besoin de définitions plus opérationnelles.
♦ Avoir au moins un enfant entre 0 et 5 ans
La question qui se posée est la suivante : dans quelle mesure l’enfant doit‐il résider avec sa mère ? Sont en cause ici les situations de garde partagée et de placement temporaire en famille d’accueil. De façon générale, on s’entend pour préciser que pour être admissibles au projet, les femmes doivent avoir un enfant résidant avec elles plus de 50 % du temps. Dans les cas de placement en cours de projet, l’orientation prise par les partenaires propose de redéfinir le projet de vie de façon à ce qu’il englobe l’objectif de réintégration de lʹenfant dans sa famille.
♦ Être chef de famille monoparentale
La difficulté dans ce cas vient d’ambigüités entourant la définition de monoparentalité. Le critère démographique définit la monoparentalité par l’absence de conjoint, mais la notion est d’autant plus incertaine qu’elle recouvre des structures familiales très complexes (recompositions familiales). L’enjeu ici est celui de la présence d’amis de cœur, d’ex‐conjoints ou du père de l’enfant dans le logement. Dans quelles limites peut‐on tolérer la cohabitation informelle dans les logements ? La réponse n’est pas simple surtout lorsqu’il s’agit du père de l’enfant. Il faut faire en sorte que les règles concernant les visiteurs, dans un contexte de logement transitoire, ne se traduisent par un décrochage du père (ou figure paternelle) de l’enfant.
♦ Démontrer de la motivation à s’engager dans un projet d’insertion
La mise en œuvre de ce critère conduit à s’interroger sur le type de projet permettant d’accéder et de demeurer à MAP. Les questions qui se posent sont les suivantes : la candidate doit‐elle obligatoirement avoir un projet centré sur le développement de son employabilité ? Quel poids peut‐on accorder aux projets axés sur le développement du soi ou sur le rôle maternel dans la sélection et l’évaluation du parcours de la résidante ? Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité que la politique de sélection adoptée à MAP spécifie que le projet doit être « réaliste et réalisable à l’intérieur d’une limite de trois ans puisque le logement est offert sur une base transitoire4. Si la cible du changement est l’atteinte de l’autonomie économique en trois ans, cela a bien sûr des implications sur le profil recherché chez les candidates. Cela peut mener à choisir des femmes qui ne sont pas trop marquées par leur histoire personnelle ou qui sont sur le point de s’en sortir.
4 La convention de logement que les résidantes sont appelées à signer à leur arrivée dans leur logement stipule que le logement offert à MAP l’est sur une base transitoire et que la durée maximale de séjour à MAP ne devrait pas dépasser trois ans. Il ne s’agit toutefois pas d’un critère immuable. Il est en effet possible de demander une prolongation de séjour dans certains cas, prolongation qui ne doit toutefois pas aller au‐delà de deux ans (voir à cet effet le document « Politique relative aux demandes de prolongation du séjour à MAP, 2004 »).
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Profil recherché
L’enjeu sous‐jacent à ces questionnements est celui de la correspondance entre les résultats attendus à MAP, le contenu de l’intervention et le profil recherché chez les résidantes compte tenu du délai de trois ans prévu à la convention MAP. Or, tout porte à croire que les divers acteurs du projet n’ont pas trouvé de terrain commun quant au profil recherché chez les résidantes.
Deux positions s’affrontent sur cette question. Un groupe de partenaires — majoritaire — vise un profil de groupe diversifié en fonction de l’âge, des besoins et des difficultés des candidates. Trois objectifs sont visés : (1) se donner des chances de succès minimales en accueillant un certain nombre de femmes plus proches de l’insertion ; (2) favoriser une dynamique de groupe intéressante et (3) prévenir la surcharge de travail au cours de la phase de démarrage du projet.
Le deuxième groupe voit dans cette position le risque d’exclure les femmes plus vulnérables qui ont le plus besoin de ce type de soutien pour arriver à s’en sortir. Les deux positions comportent certains risques. D’une part, en choisissant « des personnes qui sont sur le point de s’en sortir dans le but de s’assurer un succès minimal, on participe au mouvement de marginalisation des personnes qui auraient le plus besoin de soutien » (LeBossé, 2000). D’autre part, en ne recrutant que des femmes très vulnérables on risque de faire vivre des échecs aux résidantes et aux intervenantes.
Est‐ce que le risque d’exclure les femmes les plus vulnérables est avéré ? Les données sociodémographiques inscrites dans la fiches de participation et le contenu des récits de vie des résidantes nous fournissent certaines réponses à cette question.
4.4.2 Un portait des résidantes
Au cours de la phase d’expérimentation du projet, MAP a accueilli 47 femmes chefs de familles monoparentales et 51 enfants. L’échantillon de notre étude est cependant constitué des 35 résidantes pour lesquelles nous avons deux temps de mesure. Nos données indiquent que, au moment de leur arrivée à MAP, les résidantes partagent certaines fragilités : elles sont seules avec un très jeune enfant, ont un revenu se situant sous le seuil de pauvreté, très peu d’expérience de travail et un manque de confiance en leurs capacités qui trouve sa source dans certaines expériences douloureuses du passé. Au‐delà de ces constantes qui justifient à elles seules le besoin de soutien, les résidantes présentent des profils de vulnérabilité différents.
À une extrémité, nous retrouvons un groupe de résidantes (près du tiers) qui sont plus proches de l’insertion professionnelle avec en mains un diplôme d’études secondaires ou d’études professionnelles, et cinq d’entre elles ont, dans un passé récent, amorcé des études postsecondaires. Elles connaissent par ailleurs certaines difficultés qui font temporairement obstacle à leur insertion : très jeunes, sans expérience de travail et avec un très faible revenu, elles arrivent à MAP au terme d’une rupture conjugale souvent liée à des problèmes de violence familiale qui les ont conduites en maison d’hébergement.
À l’autre extrémité se trouve un groupe de femmes (un tiers) qui cumulent plusieurs difficultés. Elles ont vécu dans un contexte familial marqué par l’instabilité du mode de vie des parents et la violence conjugale. Leur histoire est ponctuée de ruptures qui les laissent brisées. Dix femmes ont connu des épisodes de placement à l’extérieur de la famille naturelle pour mauvais traitements ou troubles de comportement à l’adolescence. Leurs récits font souvent état de relations amoureuses précoces, éphémères, instables et tendues qui orientent leur vie et leurs choix. Pour la majorité de ces femmes, la
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grossesse n’est pas planifiée et survient avant l’âge de 20 ans Toutes ces expériences les ont menées au décrochage scolaire, huit d’entre elles ayant moins d’une 3e secondaire à leur arrivée à MAP. Le cumul de la maternité précoce, de la monoparentalité et du décrochage scolaire multiplie les risques dʹêtre pauvre et de le demeurer longtemps. Pour ces résidantes, le défi pour accéder à l’emploi est grand : le parcours vers un emploi qui leur tient à cœur sera long et peut s’avérer décourageant, la persévérance devenant un objectif de changement en soi.
Plus globalement, le portrait sociodémographique qui se dégage de nos données est le suivant. Au moment de leur inscription à MAP, les résidantes ont entre 17 ans et 38 ans, pour une moyenne de 23 ans. Le groupe compte dix femmes âgées de moins de 20 ans, pour qui la participation au projet représente souvent une première expérience en logement autonome et un défi particulier au plan de l’insertion. Les résidantes n’ont en général qu’un seul enfant (31 sur 35) souvent très jeune, un peu plus du tiers des enfants (n=12) ayant moins de un an à l’arrivée à MAP. Cet enfant, les résidantes l’ont souvent eu assez tôt dans leur vie, l’âge moyen des mères à la naissance de l’enfant étant de 21 ans. En fait, près de la moitié (48,6 %) des résidantes ont eu leur premier enfant entre 17 ans et 19 ans.
Pour une majorité des résidantes, l’école a été une expérience difficile, source de frustration et parfois de dévalorisation. Leurs récits font état de parcours scolaires chaotiques, marqués par une aversion pour les études et les structures scolaires, des difficultés d’adaptation, des périodes d’absentéisme, des échecs scolaires et des redoublements. C’est souvent au moment d’entrer au secondaire que se font jour les difficultés d’ordre scolaire qui semblent liées chez plusieurs résidantes à une crise d’adolescence particulièrement marquée. Des trajectoires apparemment sans problèmes jusque là sont bouleversées par des attitudes de rébellion face à l’autorité, l’indiscipline et dans certains cas l’affiliation à des groupes plus déviants. Au moment de s’inscrire à MAP, près des deux tiers (62,9 % ; n=22) des résidantes n’avaient pas obtenu leur diplôme d’études secondaires. Les expériences vécues à l’école sont souvent source d’anxiété, un état d’anxiété qui est encore très perceptible au moment où nous les rencontrons en entrevue.
La jeunesse des résidantes n’est sans doute pas étrangère au fait que 10 d’entre elles n’ont aucune expérience de travail au moment d’amorcer leur participation au projet MAP. Les autres mentionnent quelques expériences généralement très brèves, dans des emplois peu qualifiés et précaires souvent à temps partiel pendant les études ou dans un travail d’été. Au moment d’arriver à MAP, elles sont sans emploi depuis 21 mois en moyenne.
Si ces femmes ont certaines vulnérabilités, elles ont aussi des forces importantes. La plupart ont développé des stratégies de survie au quotidien : avec beaucoup d’imagination et de débrouillardise, elles réussissent à s’organiser avec le peu de ressources matérielles dont elles disposent. Plusieurs résidantes ont une bonne connaissance des ressources du milieu et savent également les utiliser, comme en témoigne leur compte rendu des différentes démarches qu’elles ont faites pour boucler leur budget ou trouver des solutions aux problèmes de leurs enfants. Par ailleurs, plusieurs femmes sont en relation assez étroite avec un membre de leur famille ou des amis. S’ils sont peu nombreux à verser une pension alimentaire, les pères des enfants restent assez présents dans la vie de ces derniers. Dans certains cas, cette présence ne se manifeste que par des appels téléphoniques ou l’envoi de cadeaux, mais au total près de la moitié (46,9 %) des enfants de MAP continuent à voir leur père de façon régulière.
Interrogées sur les succès dont elles sont particulièrement fières dans leur vie, c’est sans détour que les résidantes évoquent la naissance de leurs enfants. Avec du recul, elles estiment que l’arrivée d’un enfant dans leur vie leur a apporté plus de maturité, leur a permis de rompre avec certaines difficultés du passé
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ou a donné un sens à leur vie. Si la plupart des résidantes estiment être de bonnes mères, le rapport aux enfants n’en est pas moins traversé par certaines angoisses. La perspective de ne pas arriver à donner à l’enfant tout ce dont il aura besoin pour se développer est au cœur de leurs préoccupations.
5. LEÇONS À TIRER DE L’EXPÉRIENCE
L’évaluation de l’expérience vécue à MAP a permis de dégager certains repères d’action pour favoriser l’insertion socioprofessionnelle de femmes chefs de familles monoparentales tout en établissant quels sont les défis qui restent à relever.
Les conditions à réunir pour favoriser la collaboration intersectorielle sont bien documentées, mais trop souvent oubliées au moment d’entrer en action. L’expérience vécue à MAP a montré que pour relever le défi de faire cohabiter un aussi grand nombre d’acteurs aux intérêts et paradigmes d’action différents, trois grandes conditions doivent être réunies :
1. Du temps et un espace pour se situer, mettre des mots sur ce qui unit et ce qui divise les acteurs, autoriser la confrontation des valeurs personnelles et mettre en commun les règles d’éthique et de déontologie propres aux différentes instances professionnelles représentées.
2. Un mode de régulation des rapports entre acteurs. L’expérience de MAP fait ressortir l’importance de disposer d’ententes négociées précisant le champ des responsabilités communes et spécifiques des partenaires ainsi que leurs zones d’autonomie. Il s’est également révélé important de se doter de règles de fonctionnement formelles au sein des comités d’implantation. Dans un partenariat qui réunit autant d’acteurs si différents en termes d’intérêts et de pouvoir, la collaboration intersectorielle ne saurait se concrétiser sans imputabilité.
3. Un leadership clair. Pour favoriser le sentiment d’efficacité collective, il faut pouvoir compter sur un porteur de projet expérimenté, capable d’instaurer un climat de travail basé sur le respect mutuel et la confiance, et apte à susciter la complicité et la cohésion entre tous les acteurs impliqués dans le projet.
La conjugaison des types de soutien offerts à MAP a permis le passage à l’action et la persistance dans la démarche de plusieurs résidantes, et nous avons pu constater que la durée du séjour avait sans doute contribué aux avancées de ces femmes dans la sphère professionnelle. En ce qui concerne les modalités d’intervention, le travail d’accompagnement du parcours d’insertion et de relais aux ressources dans le cadre du suivi individuel a été une des grandes forces du projet, comme l’ont été les activités de développement de la citoyenneté dans le cadre du travail en groupes restreints. Certains défis restent cependant à relever dont celui de répondre aux besoins des femmes qui cumulent plusieurs indices de vulnérabilité. Cela nous conduit à recommander de moduler les caractéristiques et l’intensité de l’intervention en fonction des besoins à l’arrivée dans la ressource et des progrès réalisés en cours de route. Pour les femmes les plus vulnérables, cela peut signifier un suivi individuel plus intensif et une diversification des sphères de compétence et d’expertise des membres de l’équipe d’intervention de façon à intégrer la perspective psychosociale aux modalités d’intervention offertes par le projet.
L’expérience vécue à MAP a également montré l’importance de soutenir les femmes dans le développement d’activités sociales et récréatives informelles qui, pensons‐nous, sont susceptibles de
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favoriser une prise de parole chez les plus timides, de créer une ouverture aux activités de groupe plus formelles ou de contribuer à l’émergence de projets collectifs. Un des défis qui restent à relever est celui de favoriser l’émergence de projets collectifs – définis et pris en charge par des groupes de résidantes – visant les changements plus structurels dans la communauté – notamment le développement de politiques de développement de l’emploi – afin que les femmes chefs de familles monoparentales ne soient pas seules à porter la responsabilité de leur insertion socioprofessionnelle.
La référence aux ressources extérieures reste une solution à privilégier pour plusieurs raisons : (1) combler certaines limites de l’intervention ; (2) éviter de dédoubler le travail réalisé dans d’autres ressources de la communauté ; (3) contrer le risque de ghettoïsation et (4) aider les femmes à s’identifier comme membre d’une communauté. Il s’avère cependant important, pour éviter de perdre le lien privilégié avec la résidante, d’accompagner le processus de référence d’un suivi serré et continu de l’intervention offerte par ces ressources.
En définitive, nos résultats plaident pour une réelle concertation de tous les acteurs impliqués dans la vie des résidantes plus vulnérables, à MAP (équipe d’intervention, éducatrices du CPE, personnel spécialisé en logement) et dans la communauté (CLSC, centre jeunesse, écoles pour adultes, milieux de stages). Dans ce processus, l’intervenante de MAP est appelée à jouer un rôle pivot, assurant en quelque sorte la coordination des types de soutien offerts à la résidante. Force est de constater que ce type de pratique a été difficile à mettre en place à MAP. Les difficultés du partenariat et une certaine rigidité dans l’interprétation de la notion de confidentialité de l’information ont fait obstacle à la collaboration intersectorielle dans l’intervention. Le comité de coordination terrain (regroupant les intervenantes des trois volets de MAP) mis en place dans les derniers mois de la phase d’expérimentation du projet a été une belle avancée sur ce plan. Cette expérience mérite d’être reprise, mais devra impliquer, si le besoin se fait sentir, d’autres intervenants du milieu. Nous rejoignons les conclusions d’autres études récentes sur la question en affirmant que c’est dans ce type de pratique que réside le succès auprès des clientèles les plus vulnérables (Assogba, 2000 ; Le Bossé, 2000 ; Panet‐Raymond , Bellot et Goyette, 2003).
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La formation d’étudiants et d’étudiantes
Quatre étudiantes ont bénéficié d’une expérience de recherche et d’une formation pratique dans le cadre de leur participation à ce projet. Marie‐Anne Dubé a pu faire un stage de recherche dans le cadre de sa formation en technique de recherche au Cégep Rosemont et elle a par la suite été embauchée en tant que technicienne de recherche au cours de l’année qui a suivi l’obtention de son diplôme. Étudiante au baccalauréat en psychologie de la communication, Valérie Tremblay a travaillé comme assistante de recherche de ce projet pendant les trois années de ses études. Elle a acquis une expérience de recherche qui lui a par la suite valu de nombreux contrats comme technicienne de recherche avec des chercheurs de l’IRDS. Marie‐Claude Simard a travaillé comme assistante de recherche pendant près de une année alors qu’elle complétait une maîtrise en travail social à l’Université de Montréal. Sous la direction conjointe de Claire Chamberland, professeure à l’École de service social de l’Université de Montréal, et de Deena White, professeure au Département de sociologie de la même université, Louise Lemay a complété un doctorat en sciences humaines appliquées de l’Université de Montréal à partir des données de cette étude.
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Résumé des résultats de la recherche
Ce rapport présente les résultats de l’évaluation d’implantation du projet MAP (Mères avec du pouvoir) dans le site de Montréal. MAP propose une approche globale pour aider des femmes monoparentales ayant de jeunes enfants (0‐5 ans) à se sortir du cycle de la pauvreté. Implanté dans le cadre d’une ressource résidentielle dotée d’un Centre de la petite enfance (CPE), le projet vise par des pratiques d’empowerment à favoriser lʹinsertion sociale et professionnelle de ces femmes dans le but ultime d’assurer le bien‐être de leurs enfants. Nous proposons ici une synthèse des principaux constats qui se dégagent de l’analyse en faisant la part des succès et des difficultés de l’implantation de MAP au cours de la période de référence (1996 à 2003). Cette synthèse s’articule autour de trois thématiques : (1) la mobilisation des acteurs et l’évolution du partenariat ; (2) les modalités et le déroulement de l’intervention ; (3) les enjeux du processus de sélection et les caractéristiques de la clientèle rejointe par le programme.
Au nombre des défis que le projet MAP a réussi à relever, il faut compter le processus de mobilisation des partenaires. Notre analyse a montré qu’une des grandes réussites du projet est d’avoir su convaincre et réunir dans une assemblée de partenaires les représentants de divers organismes de la communauté ayant des champs d’expertise pertinents et complémentaires pour le développement du projet, souvent situés aux postes de direction de leur organisme, prêts à mettre leurs forces en commun afin d’adapter la réponse à offrir à la clientèle cible du projet. Cette mobilisation de partenaires a donné plusieurs résultats impressionnants. Les partenaires ont su conjuguer leur expertise et leurs ressources pour arriver à concrétiser l’approche globale, à créer une ressource offrant des mesures incitatives et divers types de soutien au parcours d’insertion des résidantes qui sont à l’origine de belles réussites chez les résidantes. La conjugaison des types de soutien a en effet permis le passage à l’action et la persistance dans la démarche chez plusieurs résidantes et nous avons pu constater que la durée du séjour avait sans doute contribué aux avancées de ces femmes dans la sphère professionnelle.
En ce qui concerne les modalités d’intervention, le travail d’accompagnement du parcours d’insertion et de relais aux ressources dans le cadre du suivi individuel a été une des grandes forces du projet, comme l’ont été les activités de développement de la citoyenneté dans le cadre du travail en groupes restreints. Certains défis restent cependant à relever dont celui de répondre aux besoins des femmes qui cumulent plusieurs indices de vulnérabilité. Cela peut signifier un suivi individuel plus intensif et une diversification des sphères de compétence et d’expertise des membres de l’équipe d’intervention de façon à intégrer la perspective psychosociale aux modalités d’intervention déjà offertes par le projet.
L’expérience vécue à MAP a également montré l’importance de soutenir les femmes dans le développement d’activités sociales et récréatives informelles qui, pensons‐nous, sont susceptibles de favoriser une prise de parole chez les plus timides, de créer une ouverture aux activités de groupe plus formelles ou de contribuer à l’émergence de projets collectifs. Un autre défi à relever reste celui de favoriser l’émergence de projets collectifs – définis et pris en charge par des groupes de résidantes – visant les changements plus structurels dans la communauté afin que les femmes chefs de familles monoparentales ne soient pas seules à porter la responsabilité de leur insertion socioprofessionnelle.
En définitive, nos résultats plaident pour une réelle concertation de tous les acteurs impliqués dans la vie des résidantes plus vulnérables, à MAP (équipe d’intervention, éducatrices du CPE, personnel spécialisé
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en logement) et dans la communauté. Dans ce processus, l’intervenante MAP est appelée à jouer un rôle pivot, assurant en quelque sorte la coordination des types de soutien offerts à la résidante. Force est de constater que ce type de pratique a été difficile à mettre en place à MAP. Les difficultés du partenariat et une certaine rigidité dans l’interprétation de la notion de confidentialité de l’information ont fait obstacle à la collaboration intersectorielle dans l’intervention. Nous rejoignons les conclusions d’autres études récentes sur la question en affirmant que c’est dans ce type de pratique que réside le succès auprès des clientèles les plus vulnérables (Assogba, 2000 ; Le Bossé, 2000 ; Panet‐Raymond, Bellot et Goyette., 2003).
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Activités de diffusion et de transfert des connaissances
Publications
Livres et contributions à un ouvrage collectif
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Articles
Turcotte, Geneviève (accepté pour publication, 2007). Le projet MAP à Montréal. Pour favoriser l’insertion socioprofessionnelle de femmes chefs de familles monoparentales. Revue de psychoéducation.
Turcotte, Geneviève, Marie‐France Blais, Isabelle Sanchez et Valérie Tremblay. 2005 « Le projet MAP à Montréal. Les changements dans la trajectoire d’insertion socioprofessionnelle des résidantes », Défi jeunesse, vol. XI, no 3.
Doray, Michel et Geneviève Turcotte. 2001. « Le projet MAP… une aventure partenariale », Défi jeunesse, vol. VII, no 2, 7‐13.
Rapports de recherche
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Thèse de doctorat
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Formations
Turcotte, Geneviève et Ginette Lamarre. Le projet M.A.P. Du pouvoir comme femme, mère, citoyenne et travailleuse, conférence présentée dans le cadre du cours Atelier d’observation en psychologie communautaire (Sylvie Jutras), UQAM, Département de psychologie communautaire, novembre 2000.
Turcotte, Geneviève. Le projet M.A.P. Du pouvoir comme femme, mère, citoyenne et travailleuse, conférence présentée à deux reprises dans le cadre de cours de Camil Bouchard, UQAM, Département de psychologie communautaire, octobre 2000.
Turcotte, Geneviève et Ginette Lamarre. Le projet M.A.P. Du pouvoir comme femme, mère, citoyenne et travailleuse, conférence présentée dans le cadre d’un cours de Claire Chamberland, Université de Montréal, École de service social, 14 mars 2000.