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Rapport d’observations définitives DÉPARTEMENT DE L’EURE – AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE (Eure) Exercices 2010 et suivants Observations délibérées le 14 avril 2016

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Rapport d’observations définitives

DÉPARTEMENT DE L’EURE – AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

(Eure)

Exercices 2010 et suivants

Observations délibérées le 14 avril 2016

SOMMAIRE

SYNTHÈSE ........................................................................................................................... 1

OBLIGATIONS DE FAIRE .............................. ...................................................................... 2

I - RAPPEL DE LA PROCÉDURE ............................ .......................................................... 2

II - ÉLÉMENTS DE CONTEXTE DU DÉPLOIEMENT DES RÉSEAUX À H AUT ET TRÈS HAUT DÉBIT DANS L’EURE ....................... ....................................................... 3

A - Le département a efficacement contribué à l’ouvertu re à la concurrence du réseau haut débit sur son territoire… .................... ............................................................................. 3

1 - La construction d’un réseau départemental de collecte ....................................................................... 3

2 - La qualité de service pour l’accès à internet dans l’Eure en 2015 ....................................................... 4

B - … et a initié le déploiement de la fibre optique ju squ’à l’abonné en 2012 ......................... 5

1 - Le schéma directeur territorial d’aménagement numérique n’organise pas concrètement le déploiement du réseau de desserte ..................................................................................................... 5

2 - La compétence a été transférée à une structure dédiée en 2014 : le syndicat mixte Eure numérique ............................................................................................................................................ 6

III - LE TRANSFERT DE LA COMPÉTENCE NUMÉRIQUE SANS MISE À DISPOSITION DU RÉSEAU AFFECTE L’INFORMATION COMPTABLE ......... .................................... 7

IV - LA GESTION DÉLÉGUÉE DU RÉSEAU DÉPARTEMENTAL HAUT DÉ BIT ................ 9

A - Les prestations déléguées à la société Net 27 ..... ............................................................... 10

1 - La réalisation et la mise en service des équipements de premier établissement ............................... 10

2 - L’exploitation du réseau et la commercialisation des services ........................................................... 11

B - L’exécution du contrat : des résultats commerciaux inférieurs aux prévisions initiales.......................................... ........................................................................................... 13

1 - L’exploitation du réseau n’a jamais trouvé son équilibre .................................................................... 13

2 - La situation financière du budget annexe « réseau haut débit » ........................................................ 16

C - Le suivi du service délégué par le département .... ............................................................. 17

1 - Le comité de suivi s’est régulièrement réuni ...................................................................................... 17

2 - Les rapports annuels produits par le délégataire ............................................................................... 18

3 - La présentation des rapports d’activité aux élus n’a pu être vérifiée .................................................. 19

V - LA RÉSILIATION ANTICIPÉE DE LA CONVENTION DE DÉLÉGA TION ....................19

A - La décision du département de mettre un terme antic ipé au contrat ............................... 19

1 - Le risque d’atteinte au droit de la concurrence .................................................................................. 19

2 - Le suivi du réseau hertzien WiMAX ................................................................................................... 20

B - Le protocole transactionnel et sa mise en œuvre ... ............................................................ 20

ANNEXES ............................................................................................................................23

Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Normandie sur la gestion du département de l’Eure – Aménagement numérique du territoire

1

SYNTHÈSE

Au début des années 2000, devant le constat de carence de l’initiative privée

dans le domaine du haut débit sur son territoire, le département de l’Eure a construit une infrastructure passive destinée à améliorer l’accès à internet de sa population. Il a ainsi permis aux utilisateurs finaux de choisir leur fournisseur d’accès à internet et a contribué à pallier l’absence ou l’insuffisance de service de communications électroniques en haut débit pour une très large part des foyers.

En 2005, il a décidé de gérer le déploiement complémentaire, l’exploitation et la

commercialisation de son réseau par un contrat d’affermage conclu pour une durée de quinze ans avec le groupement CPOD-Groupe Altitude. La société ad’ hoc Net 27 a été créée en qualité de fermier. Au total, l’infrastructure a été réalisée pour un montant d’environ 26 millions d’euros (M€).

Le réseau a été développé, mis en service et exploité conformément aux

engagements contractuels. Des avenants ont ajusté les objectifs fixés et les moyens alloués dans le contrat à l’évolution des besoins du territoire.

En revanche, le plan d’affaires prévisionnel joint en annexe à la convention a été

révisé à la baisse à plusieurs reprises, et de manière significative, en raison de l’insuffisance persistante des recettes d’exploitation : entre 2007 et 2014, le délégataire a ainsi réalisé moins du quart des prévisions initiales. Par conséquent, entre 2007 et 2013, la société Net 27 a enregistré, en moyenne annuelle, un résultat d’exploitation déficitaire de 2 M€, ce qui a fortement dégradé son équilibre financier.

Pour autant, la situation financière de la société ad’ hoc, dégradée dès les

premières années d’exécution du contrat, n’a pas fait l’objet d’une prise en considération particulière de la part du département, ce qui l’a conduit in fine à supporter le risque d’exploitation.

En 2014, le département a résilié de manière anticipée le contrat de délégation

de service public afin d’être en mesure de procéder au déploiement du très haut débit sur son territoire, dans le respect des réglementations nationales et européennes applicables.

Le protocole transactionnel, aujourd’hui soldé entre les parties, apparaît

déséquilibré au détriment du département dans la mesure où ce dernier a assumé le risque d’exploitation du réseau en acceptant une réduction substantielle du montant de la surtaxe négociée au contrat initial.

Comme le prévoit la loi, le département s’est doté d’un schéma directeur

d’aménagement numérique (SDTAN) en juin 2012, dont les objectifs s’inscrivent dans la stratégie développée au plan régional. Ce document prévoit l’établissement d’un réseau en fibre optique jusqu’à l’abonné. Il contient un objectif chiffré en termes de locaux éligibles à l’horizon 2020 mais est dépourvu de projet concret de déploiement des réseaux de desserte sur le territoire.

En 2014, la collectivité a transféré au syndicat mixte Eure Numérique, créé à cet

effet, sa compétence en matière d’aménagement numérique du territoire, à l’exception de l’élaboration du SDTAN. Néanmoins, ce transfert de compétences n’a pas été assorti de la mise à disposition des équipements afférents pourtant prévue par le code général des collectivités territoriales (CGCT) et les statuts du syndicat. Cette situation n’est pas sans conséquence financière pour le département.

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OBLIGATIONS DE FAIRE La chambre rappelle au département qu’il doit : 1 - dans le respect de l’article L. 5721-6-1 du CGCT, opérer la mise à disposition des biens

et équipements nécessaires à l’exercice du service public local relatif aux réseaux et aux services locaux de communications électroniques, objet du syndicat mixte Eure Numérique dont il est membre fondateur.

I - RAPPEL DE LA PROCÉDURE La chambre a inscrit à son programme l’examen de la gestion du département de

l’Eure pour la compétence de l’aménagement numérique du territoire, dans le cadre de l’enquête commune aux juridictions financières sur les politiques en faveur du haut débit et du très haut débit. Ce contrôle porte sur les années 2010 et suivantes.

L’examen a concerné l’exercice de la compétence prévue par l’article

L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Par lettres en date du 26 juin 2015, le président de la chambre en a informé M. Sébastien Lecornu, président en fonctions du conseil départemental de l’Eure, ainsi que M. Jean Louis Destans, président jusqu'au 1er avril 2015. Les entretiens de fin de contrôle ont eu lieu les 12 et 20 novembre 2015 entre M. Jean-Louis Destans d’une part, et M. Sébastien Lecornu d’autre part, et le rapporteur.

Lors de sa séance du 4 décembre 2015, la chambre a arrêté ses observations

provisoires portant sur les années 2010 à 2015. Celles-ci ont été transmises dans leur intégralité à M. Sébastien Lecornu et à M. Jean-Louis Destans et, pour les parties qui les concernent, aux personnes nominativement ou explicitement mises en cause. Les ordonnateurs ont répondu et, sur sa demande, le président de la société Net 27, délégataire de service public, a été entendu par la chambre.

Après avoir entendu le rapporteur et pris connaissance des conclusions du

procureur financier, la chambre a arrêté, le 14 avril 2016, le présent rapport d'observations définitives.

Le rapport a été communiqué au président en fonctions le 20 avril 2016. En

l’absence de réponse, ce rapport devra être communiqué par le président en fonctions à son assemblée délibérante dès la plus proche réunion suivant sa réception. Il fera l'objet d'une inscription à l'ordre du jour, sera joint à la convocation adressée à chacun de ses membres et donnera lieu à un débat. Ce rapport sera, ensuite, communicable à toute personne qui en ferait la demande en application des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.

L’article R. 241-18 du code des juridictions financières dispose qu’ « à réception

du rapport d’observations définitives, la collectivité ou l’établissement public concerné fait connaître à la chambre régionale des comptes la date de la plus proche réunion de l’assemblée délibérante ou de l’organe collégial de décision et communique, en temps utile, copie de son ordre du jour. »

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La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 a introduit un no uvel article du code des juridictions financières rédigé comme suit : « Art. L. 243-7.-1- Dans un délai d’un an à compter de la présentation du rapport d’observations définitives à l’assemblée délibérante, l’exécutif de la collectivité territoriale ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre présente, dans un rapport devant cette même assemblée, les actions qu’il a entreprises à la suite des observations de la chambre régionale des comptes. Ce rapport est communiqué à la chambre régionale des comptes, qui fait une synthèse annuelle des rapports qui lui sont communiqués. Cette synthèse est présentée par le président de la chambre régionale des comptes devant la conférence territoriale de l’action publique. Chaque chambre régionale des comptes transmet cette synthèse à la Cour des comptes en vue de la présentation prescrite à l’article L.143-10-1. »

II - ÉLÉMENTS DE CONTEXTE DU DÉPLOIEMENT DES RÉSEA UX À HAUT ET TRÈS HAUT DÉBIT DANS L’EURE

Les principaux éléments de contexte sont présentés en annexe 1. Les termes du

domaine des communications électroniques utilisés dans le présent rapport sont ceux recommandés au Journal officiel de la République française. Ils sont répertoriés dans un glossaire en annexe 2.

Plusieurs technologies permettent aux utilisateurs particuliers et professionnels

de disposer d’internet :

- l’ADSL, qui utilise le réseau « cuivre » du téléphone, est encore la plus répandue ;

- la fibre optique dont le déploiement à grande échelle est prévu par le plan « France Très haut débit » présenté en février 2013 ;

- le câble, les technologies radio (par faisceaux hertziens), de type WiMAX, et, dans une moindre mesure, le satellite.

A - Le département a efficacement contribué à l’ou verture à la

concurrence du réseau haut débit sur son territoire …

1 - La construction d’un réseau départemental de collecte

Le département de l’Eure comptait 591 616 habitants au 1er janvier 2015. Il connaît une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale. La part des habitants de 60 ans et plus est comparable à celle constatée au niveau du pays (près de 23 % en 2013) et progresse. Le territoire se caractérise par un habitat épars, seuls 22 % de la population résident dans des villes de plus de 10 000 habitants, contre un sur deux au plan national.

Les initiatives du département en matière d’aménagement numérique

commencent en 20021 dans le contexte de l’ouverture du secteur des communications électroniques à la concurrence, initiée en France en 1998. L’accès à la boucle locale cuivre, c’est-à-dire les actions des collectivités en faveur du dégroupage des nœuds de raccordement d’abonnés (NRA), apparaît alors comme l’enjeu majeur pour le développement du haut débit fixe sur les territoires.

1 Le 26 juin 2002, l'assemblée départementale a adopté un programme d'actions en faveur du développement des technologies de l'information et de la communication dans l'Eure, dont l'action structurante a été le développement du haut débit devant permettre, à terme, une couverture totale du département.

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À cette fin, le département s’est engagé dans la réalisation d’une infrastructure passive en fibre optique (dorsale) mise en service durant l’été 2006. Son exploitation a été déléguée au groupe Altitude Télécom, créateur de la société ad’ hoc Net 27 dont l’objet social était expressément dédié à l’exécution du contrat.

Le département a individualisé les activités liées à l’aménagement numérique de

son territoire dans un budget annexe intitulé « Réseau haut débit ».

En parallèle, un autre réseau d’initiative publique déployé dans l’agglomération Seine-et-Eure, « Euraseine », a été créé en 20032. Cette infrastructure est toujours en activité, dans l’attente de sa connexion avec le réseau d’initiative publique (RIP) en cours d’établissement.

Par ailleurs, afin d’améliorer la qualité de service et la résorption des zones

blanches, le département a eu recours à différentes technologies visant à accroître la montée en débit au profit des utilisateurs finaux.

Ainsi, en 2008, il a initié le déploiement du réseau hertzien WiMax3 dans

certaines communes. En outre, un dispositif d’aide pour favoriser l’accès à une solution satellitaire était proposé aux foyers non couverts par l’ADSL ou le réseau radio.

2 - La qualité de service pour l’accès à internet dans l’Eure en 2015

En octobre 2015, les actions de dégroupage des nœuds de raccordement

d’abonnés (NRA), permettant l’ouverture à la concurrence pour l’accès au haut débit, sont pratiquement terminées, ce qui situe le département dans une position favorable en comparaison de ses homologues.

Le bouclage physique du réseau départemental de collecte a été réalisé entre

2014 et 2015 par le syndicat. Les extensions et la sécurisation du réseau étaient le préalable indispensable au déploiement des réseaux de desserte à très haut débit dans l’Eure.

En avril 2016, l’Observatoire de la mission France Très haut débit montrait que si

98,6 % des logements de l’Eure disposaient d’une offre de service située entre deux et 100 mégabits par seconde (Mbit/s), près de 18 % disposaient de moins de trois Mbit/s, soit un niveau proche de la zone blanche, et environ 4 000 logements demeuraient en zone blanche4 (1,4 % des logements).

Ce résultat, qui peut paraître modeste après une dizaine d’années d’action du

département pour améliorer la qualité du service par le réseau cuivre, peut s’expliquer par les caractéristiques du territoire, à savoir une proportion d’habitat individuel élevé, un nombre important d’entreprises de très petite taille, des taux de ruralité et de dispersion de l’habitat parmi les plus élevés de l’ensemble des départements français.

2 Il s’appuie sur une boucle optique de 23 km reliant les communes de Louviers, Val-de-Reuil et Incarville et desservant trois nœuds de raccordement d’abonnés et neuf parcs d’activité. 3 Il s’agit de Wi-Fi fonctionnant sur grandes distances en extérieur, qui repose sur l’installation d’antennes relais sur les points hauts (château d’eau …) et d’une antenne chez l’utilisateur final. La technologie WiMax nécessite une autorisation accordée par le régulateur pour l’utilisation de fréquences de la boucle locale radio. 4 Le seuil en dessous duquel une zone est considérée « blanche » évolue avec l’augmentation globale de la qualité de service. Selon la nature des activités qu’il exerce, un débit inférieur à huit Mbit/s peut être considéré comme insuffisant par l’utilisateur final. Ainsi, l’accès à une offre « triple-play » (service commercial combinant l'accès à internet, à la téléphonie fixe et à la télévision par l'intermédiaire d'un boîtier multiservice, communément appelé « box ») exige un service d’au moins six Mbit/s.

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Source : Observatoire France Très haut débit, avril 2016

B - … et a initié le déploiement de la fibre optiq ue jusqu’à l’abonné en

2012

1 - Le schéma directeur territorial d’aménagement numérique n’organise pas concrètement le déploiement du réseau de desserte

L’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales impose la

réalisation d’un schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN)5. Ce dernier permet de recenser les infrastructures et les réseaux, d’identifier les zones desservies, de relever les carences des territoires et présenter une stratégie de développement.

Comme le prévoyait la stratégie de cohérence d’aménagement numérique6

(SCORAN) en 2011, le conseil départemental de l’Eure a adopté le schéma directeur du département le 27 juin 2012. Aucune actualisation n’en a été produite depuis lors.

Le schéma de l’Eure repose sur cinq actions : accompagner les opérateurs

privés dans leurs déploiements en zones conventionnées, compléter le réseau de collecte à l’échelle départementale, améliorer le niveau de service haut débit du département, aménager progressivement le département en très haut débit, en lien avec les collectivités locales et généraliser le très haut débit.

Le document contient un état des lieux détaillé de l’accès au haut débit par la

technologie ADSL et par le réseau hertzien, ainsi qu’une analyse des besoins en matière de technologie de l’information et de la communication (TIC) par catégorie d’utilisateurs. Il recense les initiatives publiques et privées, initiées ou projetées sur le territoire. Il rappelle les stratégies d’aménagement numérique des acteurs publics locaux. En cela, il reprend les prescriptions du guide réalisé par la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) en 2011.

5 Il s’agit d’un document opérationnel, établi à moyen ou long terme (cinq à 20 ans), qui décrit les objectifs à atteindre pour le territoire considéré. Le document constitue un outil de cadrage de la montée en débit des territoires et de leur évolution vers le très haut débit, essentiellement au moyen d'une densification de la capillarité des réseaux en fibre optique. Il favorise la cohérence des actions à mener par les différents acteurs. 6 La stratégie de cohérence d’aménagement numérique est une instance de concertation qui permet aux acteurs locaux de l'aménagement numérique de définir une stratégie commune à l’échelle de la région.

1,4 %

16 %

12,3 %

48,5 %

21,7 %

Département de l'Eure

Pourcentage de logements et locaux

professionnels par classes de débit

Inéligibles

Moins de 3 Mbits/s

3 à 8 Mbit/s

8 à 30 Mbit/s

30 à 100 Mbit/s

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6

Le schéma directeur recommande une appréhension différenciée des réseaux de collecte et de desserte, selon l’organisation suivante7 :

- l’établissement et l’exploitation du réseau de collecte d’une part, ainsi que l’exploitation des réseaux de desserte d’autre part, pourraient être confiés à une structure dédiée mutualisée8 ;

- l’établissement des réseaux de desserte pourrait être confié aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)9, sur la base de règles d’ingénierie communes.

Le document présente l’objectif global de couvrir en très haut débit 100 % des

lignes du département en 2025-2030, en s’appuyant sur un plan de financement de près de 400 M€. Un objectif intermédiaire prévoit que 70 % de la population seront bénéficiaires du très haut débit à l’horizon 2020. Il repose sur une première phase de travaux, estimée à 200 M€, qui comprend une extension du réseau de collecte réalisée en deux temps10 :

- des travaux de montée en débit sur le réseau hertzien ;

- des déploiements locaux de desserte très haut débit.

Pour autant, contrairement aux préconisations formulées par la DATAR en 2011, le schéma du département de l’Eure ne traduit pas ses objectifs en besoin d’infrastructures et de réseaux. Il ne propose pas non plus une évaluation des coûts et des revenus potentiels du projet. Les priorités visant à concilier les objectifs de la collectivité et celles du marché ne sont pas énoncées. Plus généralement, le document ne contient pas de critères permettant de concilier l’optimisation technicoéconomique du projet et l’homogénéité du déploiement à long terme.

En outre, le schéma recense les modèles économique, juridique et financier

envisageables pour déployer le très haut débit dans le département mais ne tranche pas en faveur d’un mode de gestion particulier.

Il n’évoque pas davantage la nécessité de réaliser la complétude des zones

arrière des points de mutualisation dans les délais impartis11, alors même que la conformité du réseau avec la décision de l’ARCEP de 2010 est l’une des conditions de l’octroi de subventions par le fonds national pour la société numérique12.

2 - La compétence a été transférée à une structure dédiée en 2014 : le

syndicat mixte Eure numérique

Initialement, le département prévoyait d’assurer la maîtrise d’ouvrage pour le réseau de collecte, les intercommunalités prenant en charge les réseaux de desserte en fibre optique jusqu’à l’abonné et un syndicat dédié gérant le réseau ainsi déployé.

7 Il est mentionné que le réseau de collecte est de dimension départementale et commun à l’ensemble des territoires concernés et que la capillarité du réseau (desserte) est spécifique à chaque territoire. 8 Les missions de la structure consisteraient à créer et à mutualiser un pôle d’ingénierie et de conseils pour assister les collectivités membres (réalisation des schémas d’ingénierie…), à coordonner l’ingénierie technique, ainsi qu’à piloter la procédure publique d’exploitation et de commercialisation du réseau. 9 Il est précisé que ces structures de portage distinctes « permettront d’impliquer les acteurs locaux dans la définition du projet et dans les choix de priorité locale de déploiement. Les acteurs locaux auraient ainsi la pleine maîtrise de leur projet et de leur priorité sur leur territoire. » Leurs actions consisteraient à réaliser les études d’ingénierie, définir les priorités et les calendriers d’équipement Très haut débit sur leur territoire et à gérer les marchés de travaux. 10 Une première phase de sécurisation du réseau, par la construction de 100 km de fibre et une seconde phase de finalisation (300 km) pour réaliser la collecte de l’ensemble des futures plaques FTTH (fibre jusqu’à l’abonné). 11 Décision n° 2010-1312 de l’ARCEP, en date du 14 dé cembre 2010, précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire, à l’exception des zones très denses. 12 Le fonds national pour la société numérique est un fonds créé par l’État dont les ressources sont, notamment, affectées au développement des réseaux à très haut débit.

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Après concertation avec la Mission Très haut débit, l’ensemble de la maîtrise d’ouvrage des réseaux a été confiée à une structure dédiée, le syndicat mixte Eure Numérique, créé par l’arrêté préfectoral du 13 janvier 2014. Les membres fondateurs en sont le département de l’Eure et neuf communautés de communes.

Au 1er mars 2016, le syndicat regroupait 26 EPCI sur les 32 que compte le

département (hors la communauté d’agglomération du Grand Évreux13), représentant 88 % de la population concernée par le déploiement du RIP.

Son objet porte sur l’exercice des compétences visées à l’article L. 1425-1 du

CGCT et, notamment, celles relatives à la conception, la réalisation, la gestion et le développement d’une infrastructure très haut débit dans le département. La collectivité a choisi de conserver la compétence prévue à l’article L. 1425-2 du CGCT.

Le déploiement du réseau très haut débit par le syndicat mixte Eure numérique a

fait l’objet d’un rapport distinct de la chambre.

*

En conclusion, la chambre constate que le réseau départemental de l’Eure a permis d’une part, l’ouverture des centraux téléphoniques à la concurrence et d’autre part, un meilleur accès de la population aux communications électroniques en haut débit.

Par ailleurs, en juin 2012, le département s’est doté d’un schéma directeur

d’aménagement numérique qui prévoit l’établissement d’un réseau en fibre optique jusqu’à l’abonné. Cependant, si ce document contient un objectif chiffré en termes de locaux éligibles à horizon 2020, il est dépourvu de projet concret de déploiement des réseaux de desserte sur le territoire.

III - LE TRANSFERT DE LA COMPÉTENCE NUMÉRIQUE SANS MISE À DISPOSITION DU RÉSEAU AFFECTE L’INFORMATION COMPTAB LE

S’agissant de la fiabilité de l’information budgétaire et financière, la chambre

relève que l’information portée au budget annexe ne présente pas d’anomalie.

L’encours de la dette qui figure au bilan est cohérent avec le montant repris en annexe au compte administratif, ainsi qu’avec le tableau d’amortissement de l’emprunt. Ce dernier, contracté auprès de Dexia, d’un montant initial de 10,5 M€, est à taux fixe simple et ne présente pas de risque particulier.

L’article L. 5721-6-1 du CGCT14 pose le principe selon lequel, en cas de transfert

d’une compétence d’une collectivité à un syndicat mixte, les biens nécessaires à l’exercice de ladite compétence sont également transférés de plein droit.

La procédure entraîne la prise en charge, par le bénéficiaire, de l’intégralité des

dépenses d’entretien courant et des réparations nécessaires à la préservation des biens. Ainsi, le syndicat devrait poursuivre leur amortissement selon le plan initial ou conformément à ses propres règles15.

13 L’EPCI est l’une des zones préemptées par un opérateur privé pour y opérer le déploiement (s’y ajoutent les villes de Vernon et de Louviers). 14 L’article L. 5721-6-1 prévoit que le transfert d’une compétence à un syndicat mixte entraîne de plein droit l'application des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5 à l'ensemble des biens et équipements nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert. 15 En application des articles L. 2321-2 27° et R. 23 21-1 du CGCT.

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Cette disposition est reprise à l’article 4 des statuts du syndicat Eure Numérique. Pour autant, en contradiction avec l’article susmentionné et les statuts de l’établissement, la collectivité n’a pas mis son réseau de collecte à disposition du syndicat créé en 2014.

Au contraire, le département a initié une convention16, en 2014, qui définit les

conditions d’utilisation des biens en cause par l’établissement, sur le fondement de l’article L. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Néanmoins, cet article ne s’applique pas dans le cadre d’un transfert de compétences.

Plus précisément, l’article 2 de la convention précise que « le transfert de

gestion » entraîne l’exercice de l’ensemble des droits et obligations du propriétaire par le syndicat, pour la durée de la convention, soit 20 ans, alors même que les statuts précisent que l’établissement est créé pour une durée illimitée.

L’article 6 dispose que « la présente convention ne confère aucun droit réel au

SMO [syndicat mixte ouvert Eure Numérique] s’agissant des infrastructures, objet de cette convention, » alors que la loi prévoit que le bénéficiaire de la mise à disposition assume l’ensemble des droits et obligations du propriétaire, des biens et équipements considérés, à l’exception du droit d’aliéner.

L’article 13 intitulé « Indemnisation du département » prévoit une contrepartie

« compte tenu du dessaisissement que le transfert de gestion engendre pour le département, » alors que la mise à disposition, sans transfert de propriété, ne donne lieu à aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire.

L’article 17 prévoit la résiliation de la convention à la seule initiative du

département « de manière anticipée par suite d’un changement d’affectation des infrastructures passives objet du présent transfert, »17 alors que le CGCT énonce les conditions par lesquelles le bien mis à disposition est restitué à la collectivité propriétaire18.

Il en résulte que le réseau figure au bilan du budget annexe du département au

compte « réseaux divers », alors que le transfert de l’infrastructure aurait dû entraîner son inscription au compte « mise à disposition dans le cadre d’un transfert de compétence ». De même, les autres opérations comptables devant accompagner ce transfert n’ont pas été réalisées19.

*

Par conséquent, la chambre remarque que le département n’a pas observé les

dispositions qui organisent le transfert des biens d’une collectivité à un syndicat mixte en cas de transfert de compétence. Il lui incombe donc de procéder à la mise à disposition du syndicat mixte Eure Numérique des biens et équipements nécessaires à l’exercice du service public local relatif aux réseaux et aux services locaux de communications électroniques. La convention dite « de mise à disposition et de transfert de gestion d’infrastructures » ne saurait se substituer aux dispositions légales.

16 Intitulée « Convention de mise à disposition et de transfert de gestion d’infrastructures de communications électroniques ». 17 L’article 17.4 prévoit la résiliation de la convention « pour faute ». 18 Il s’agit de la désaffectation du bien, la réduction de compétence du groupement, le retrait de la collectivité du groupement et la dissolution du groupement. 19 Ces opérations concernent les amortissements de l’infrastructure, les subventions transférables et les emprunts l’ayant financée.

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Il découle de ce qui précède que le département a supporté le remboursement de l’annuité de l’emprunt d’un montant de 1,06 M€ en 2014, en lieu et place du syndicat mixte Eure Numérique20, créé cette même année, et auquel il a transféré sa compétence. La chambre rappelle que le montant des annuités restant dues d’ici l’échéance de l’emprunt s’élève à 4,6 M€.

Dans sa réponse, le président du conseil départemental en fonctions a souligné

les conséquences budgétaires et patrimoniales du régime de la mise à disposition des biens, dans le cadre du transfert de la compétence prévue à l’article L. 1425-1 du CGCT.

Pour autant, la chambre rappelle qu’il appartient aux parties prenantes de

respecter l’ensemble des dispositions qui leur sont applicables afin de garantir que le bilan du syndicat, désormais compétent, reflète de manière exhaustive les effets du transfert.

IV - LA GESTION DÉLÉGUÉE DU RÉSEAU DÉPARTEMENTAL H AUT DÉBIT

Pour mémoire, il est rappelé que la convention examinée ci-après a fait l’objet

d’une résiliation anticipée en 2014, à l’initiative du département.

Le rapport présenté en séance du 8 mars 2004 portant sur l’adoption du principe d’une délégation de service public, précise que le département avait engagé une réflexion préalable au déploiement en 2001, afin de déterminer les besoins en offres haut débit sur le territoire.

En mars 2003, un constat de carence de l’initiative privée a été validé. En 2004,

le marché de travaux a été notifié au groupement CSI-Altitude Télécom. Le département a ainsi construit une infrastructure passive pour un montant global de 11,3 M€ HT.

A l’issue des travaux, la dorsale devait être complétée en vue de son activation.

Par délibération du 13 juin 2005, le département a délégué l’extension physique de son infrastructure passive de télécommunications21, son activation, son exploitation et sa commercialisation par la voie d’un affermage22 à la société CPOD-Groupe Altitude. Le délégataire était soumis à des engagements de couverture à remplir par la mise en œuvre du réseau hertzien WiMAX.

La convention prévoyait la constitution d’une société ad’ hoc fermière, dédiée à la

seule gestion du service, objet de l’affermage, et substituée de plein droit à la société signataire du contrat en sa qualité de fermier. Net 27, société par actions simplifiée au capital de 4 M€ à la date de substitution, a ainsi été immatriculée le 8 juillet 2005. Elle avait alors pour associée unique la société Altitude Infrastructure. Le 2 juillet 2008, la caisse des dépôts et consignations est entrée au capital social à hauteur de 30 %, soit 1,2 M€. Fin 2014, elle a cédé ses titres et ses comptes courants pour 1 € à son coactionnaire qui détenait ainsi, à nouveau, 100% du capital de la société Net 27.

20 Au compte administratif 2014 du budget annexe « réseau haut débit », le montant des opérations d’ordre relatives au réseau s’élevait à 97 951 € pour la dotation aux amortissements et à 197 548 € pour la reprise au résultat des subventions amortissables. 21 L’architecture complémentaire a pour finalité de permettre la mise en service du réseau départemental initial dans les règles de l’art (bouclage de sécurisation). Elle inclut le raccordement du réseau de la communauté d’agglomération Seine-Eure (CASE), le dégroupage des répartiteurs téléphoniques et la mise en place d’un réseau hertzien Wimax. 22 Le contrat d’affermage permet la réalisation de travaux par le délégataire, dès lors que ces derniers consistent en l’extension d’infrastructures existantes (au contraire, en cas d’équipements nouveaux, il convient de recourir à une autre modalité contractuelle.

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10

A - Les prestations déléguées à la société Net 27

Le contrat signé le 20 juin 2005, pour une durée de 15 ans, prévoit explicitement deux phases :

- une première phase d’extension et d’activation du réseau initial, incluant la réalisation de l’infrastructure complémentaire et l’accueil des équipements actifs ;

- une seconde phase d’exploitation du réseau et de commercialisation des services.

1 - La réalisation et la mise en service des équipements de premier

établissement

Le délégataire s’est engagé à réaliser les travaux d’extension de la dorsale pour un montant estimé au plan d’affaires, à l’issue de la convention, à 14,3 M€ (immobilisations brutes). Ajouté à l’engagement initial du département, le montant global d’investissement devait donc s’établir à 25,6 M€ HT.

Dans un objectif d’aménagement du territoire et pour tenir compte des

contraintes qui pèsent sur le fermier23, la collectivité s’est engagée à participer au financement de l’infrastructure complémentaire, pour un montant maximum de 6,5 M€ « représentant 43,19 % du coût total prévisionnel des investissements de premier établissement. »

En outre, elle a transféré au délégataire son droit à déduction de la taxe sur la

valeur ajoutée (TVA)24, facturée sur l’infrastructure initiale, soit un montant total à déduction de 2,2 M€.

Enfin, le département a accompagné l’extension du réseau WiMAX et de la

technologie satellitaire en contribuant aux dépenses d’équipement pour 1 M€25.

Au 31 décembre 2013, le bilan du budget annexe « Réseau haut débit » du département comprenait des immobilisations (les éléments du réseau) pour un montant brut de 11,3 M€. Celui du délégataire affichait un montant d’actif immobilisé brut de 16,6 M€, qui se décomposait comme suit :

23 La convention précise que les contraintes découlent de l’obligation faite au fermier de raccorder l’ensemble des clients et de leur facturer des tarifs identiques, quelle que soit leur localisation géographique sur le périmètre contractuel. 24 Jusqu’au 1er janvier 2014 (Loi de Finance rectificative pour 2010), une collectivité qui confiait l’exploitation d’un service public à un fermier se trouvait placée hors du champ d’application de la TVA. Elle ne pouvait pas récupérer la TVA ayant grevé ses investissements par la voie fiscale et n’était pas éligible au fonds de compensation (FCTVA), les biens étant mis à disposition d’un tiers non éligible. Un mécanisme, le transfert des droits à déduction, avait donc été mis en place pour lui permettre de récupérer, par le biais du fermier, la TVA ayant grevé les investissements utilisés dans le cadre de la délégation de service public. Depuis 2014, la situation de la collectivité au regard de la TVA dépend de la mise à disposition de ses investissements à titre onéreux ou non. 25 Les avenants n° 6 et n° 7 prévoyaient, respectivem ent, le versement d’une subvention d’équipement au fermier de 30 000 € pour le satellite et de 970 000 € pour réaliser les extensions du réseau hertzien dans sept communes du département.

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Tableau n° 1 : immobilisations brutes au bilan de N et27 arrêté au 31 décembre 2013

en milliers d’euros Au 31 décembre 2013

Immobilisations incorporelles 4 189

Système d'information 2 400

Fibre (IRU) 1 785

Autres 4

Immobilisations corporelles 12 384

Infrastructure boucle locale radio (BLR) 466

Infrastructure WiMAX 3 986

Infrastructure DSL 3 264

Infrastructure backbone FH 806

Génie civil fibre 15

Équipement backbone réseau 1 222

Construction points hauts 1 004

Matériel opérateur CPE 1 101

Autres 520

Total immobilisations brutes 16 573 Source : rapport annuel du délégataire Net 27 pour l’année 2013

Les investissements du réseau hertzien WiMAX ont représenté environ 40 % du

total26. Le réseau hertzien comptait 1 617 abonnés fin octobre 201427, au terme de la convention.

Au final, les réalisations d’investissement par les parties ont été conformes aux

prévisions contractuelles.

Le réseau de l'Eure est intégralement activé et opérationnel depuis 2007. Il a permis d’offrir une couverture WiMax à la population, par l’installation de 31 stations émettrices et une offre ADSL pour 77,5 % des lignes téléphoniques du département, au travers du dégroupage des NRA et le déploiement de plus de 400 km de fibre optique.

*

En conséquence, la chambre constate que la première phase d’extension et

d’activation du réseau initial s’est déroulée conformément aux prévisions et n’a pas soulevé de contentieux entre les parties.

2 - L’exploitation du réseau et la commercialisation des services

De manière classique le fermier, la société ad’ hoc Net 27, devait gérer le service

public délégué à ses risques et périls et se rémunérer sur les recettes de commercialisation.

En contrepartie du droit d’utiliser l’ouvrage, le délégataire devait verser au département, après une période de franchise expirant le 31 décembre 2008, une surtaxe dont le montant était fixé à 930 470 € par an, pendant 12 ans, soit un montant total de 11 165 640 € pour la durée du contrat devant couvrir l’amortissement technique de la dorsale construite par le département.

26 Montant de l’infrastructure WiMAX, ajouté à la construction des points hauts, à l’infrastructure BLR et au matériel opérateur CPE, soit un total de 6,5 M€. 27 55 abonnés à la technologie WiMAX Pro par l’opérateur Completel et 1 562 abonnés WiMAX grand public par l’opérateur Ozone. Source : département de l’Eure.

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Le délégataire devait également contribuer aux frais de contrôle de la bonne exécution du contrat en versant au département une redevance spécifique de 60 000 € la première année, 35 000 € la seconde et 20 000 € les années suivantes.

En cas de surplus de rentabilité par rapport aux prévisions initiales, un

mécanisme de retour à meilleure fortune était prévu avec la création d’un compte de réserve au bilan de l’affermage.

Les besoins évoluant, le périmètre de l’affermage a été modifié en cours

d’exécution par 14 avenants, avec des incidences financières.

Les cinq premiers d’entre eux, signés entre le 15 juin 2006 et le 12 septembre 2007, concernaient les modifications apportées au catalogue de services et à la grille tarifaire qui s’y rattache. Ces avenants ont diversifié l’offre commerciale au fur et à mesure du déploiement des infrastructures. En réponse à la concurrence, ils ont également décomposé les tarifs en proposant, par exemple, une dégressivité établie en fonction de la durée de location.

L’avenant n° 6 avait pour objet de prévoir les moda lités de mise en œuvre de la

technologie satellitaire pour les foyers restés inéligibles à l’ADSL et au réseau hertzien. L’avenant prévoyait un dispositif d’aide pour l’installation de kits satellitaires, soit le versement d’une contribution de 30 000 € au fermier, ainsi qu’une aide de 300 € aux utilisateurs finaux.

Fin 2008, l’avenant n° 7 a étendu le réseau Wimax à sept communes, faiblement

peuplées, ne bénéficiant pas d’une couverture locale suffisante28. Pour ce déploiement complémentaire, le département a augmenté sa participation aux investissements de 968 794 € et s’est engagé à contribuer aux coûts d’exploitation induits, pour un montant maximum de 850 000 €, hors révisions annuelles.

Ce soutien du département était rendu possible par l’article L. 1425-1 IV29 du

CGCT, qui dispose que : « Quand les conditions économiques ne permettent pas la rentabilité de l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public […], les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent […] compenser des obligations de service public par des subventions accordées dans le cadre d'une délégation de service public ou d'un marché public. »

En l’espèce, l’avenant précise la nature des dépenses d’équipement soutenues

par la collectivité30. Au plan d’affaires prévisionnel, les produits d’exploitation cumulés s’élevaient à 317 245 €, les charges à 1 145 458 €. La subvention d’exploitation allouée par le département était destinée à couvrir l’insuffisance brute d’exploitation générée par l’extension du réseau dans les communes concernées. Cette contribution cumulée était estimée au plan d’affaires à 828 213 €.

En 2008 également, le département a décidé d’étendre le réseau de collecte à la

ZAE des Granges de Bernay. L’avenant n° 8 du 2 mars 2009 a mis la nouvelle infrastructure à disposition du fermier qui, en contrepartie, s’est engagé à verser au délégant une surtaxe supplémentaire fonction de son chiffre d’affaires et pour un montant plafonné à 93 650 € HT.

28 Les communes dans lesquelles la couverture se révélait très faible, voire nulle, sont Letteguives (207 habitants), Aizier (134 habitants), Berthenonville (248 habitants), Villegats (341 habitants), Chaise-Dieu-du-Theil (207 habitants), Tosny (685 habitants), Mouettes (709 habitants). Pour compléter encore l'action du département pour les localisations et foyers qui resteraient non couverts en WiMAX ou DSL à l'issue de l’extension physique du réseau, un dispositif d'aide à l'équipement permettant de bénéficier de solutions satellitaires apparues sur le marché au printemps 2008, a été mis en place, comme cela est le cas pour l’équipement WiMAX. 29 Dans sa rédaction antérieure au 1er avril 2016. 30 La participation du département, limitée à 968 794 €, concerne les coûts d’études (86 280 €), le renouvellement des équipements (236 322 €) et les dépenses liées aux nouveaux équipements nécessaires (732 472 €), inscrits aux biens de retour de la délégation.

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En 2010, la société Net 27 s’est trouvée dans l’incapacité de verser au département la surtaxe annuelle initialement prévue. Un neuvième avenant a été conclu qui a décomposé la redevance du fermier en une part fixe annuelle de 409 407 €, payable jusqu’en 2020, et une part variable annuelle fonction du chiffre d’affaires versée à partir de 2011, pour la durée du contrat. En contrepartie de ces aménagements, le délégataire s’est engagé à prendre des mesures concrètes pour améliorer sa situation financière.

Ainsi, le montant de la surtaxe cumulée à l’issue du contrat fixé initialement au

plan d’affaires à 11,5 M€, a été ramené à 4,5 M€, soit une diminution de 7 M€ environ. Il en résulte que, contrairement à ce qui était initialement prévu dans le contrat31, les charges d’amortissement de l’infrastructure départementale utilisée par le délégataire n’étaient plus couvertes par la surtaxe versée par ce dernier, en l’absence d’un chiffre d’affaires suffisant soumis à la part variable.

Les avenants n° 10 et n° 11 avaient respectivement pour objet la modification

d’une des implantations du réseau hertzien et l’évolution du catalogue et de la grille tarifaire, notamment pour adapter l’offre aux zones d’activités commerciales ayant obtenu le label « Zone d’activité très haut débit ».

En 2013, le département a décidé de mettre un terme au contrat d’affermage de

manière anticipée afin de gérer le réseau en régie directe. Les circonstances et les modalités de cette résiliation (prévues aux avenants n° 12 à n° 14) font l’objet de développements ultérieurs dans le présent rapport.

*

En conclusion, la chambre souligne que les modifications successives apportées

au contrat ont conduit à une remise en cause substantielle de son économie générale par la réduction importante de la surtaxe versée à la collectivité par le délégataire.

Le risque d’exploitation a ainsi été supporté, in fine, par le département et non

pas par le délégataire.

Dans sa réponse à la chambre, le délégataire a expliqué que les difficultés qu’elle soulevait trouvaient leur origine dans la faible rentabilité du marché, s’agissant notamment du réseau hertzien.

B - L’exécution du contrat : des résultats commerc iaux inférieurs aux

prévisions initiales

1 - L’exploitation du réseau n’a jamais trouvé son équilibre

L’examen de la situation financière de la société Net 27 repose sur les informations présentées en 2005 dans le plan d’affaires prévisionnel annexé à la convention (annexe n° 10 « Plan d’affaires prévisionnel ») et sur les rapports annuels d’activité remis au département.

31 Article 35.1 de la convention « Le fermier est tenu de verser à la collectivité une surtaxe destinée à couvrir les frais d’amortissement de l’infrastructure départementale. »

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Tableau n° 2 : Exploitation du réseau par le déléga taire entre 2007 et 2014

Exercice 2007 2008 2009 2010 2011 2012 20131 20141

(en milliers d’euros) Prévisions initiales Prévisions révisées

Prévisions recette d’exploitation 3 249 7 509 9 137 9 556 2 804 3 011 3 275 3 564 Recettes d'exploitation 3 249 7 509 9 137 9 556 1 997 2 454 2 886 3 206 Subvention reprise au résultat et OSP 807 557 389 358 Réalisé 2 167 2 219 2 358 2 596 2 187 2 001 1 950 1 749 Chiffre d'affaires 1 095 1 024 1 204 1 415 1 348 1 412 1 459 1 213 Subvention d'exploitation - - 122 167 154 108 122 254 Subvention reprise au résultat 1 072 1 195 1 032 1 014 685 481 369 282 Taux de réalisation ns 30% 26% 27% 78% 66% 60% 49% Prévisions charges d’exploitation 4 908 5 757 6 562 6 338 2 175 2 271 2 110 2 191

dont redevances et surtaxe 436 436 465 468 Réalisé 2 075 2 012 3 134 1 905 2 340 2 233 3 065 1 271 Taux de réalisation ns 35% 48% 30% 96% 98% 116% 96% Amortissements Prévisionnel 1 737 1 108 741 666 Réalisé 2 335 2 484 2 276 2 255 1 662 1 091 856 639 Résultat d’exploitation Réalisé - 2 244 - 2 276 - 3 052 - 1 565 - 1 816 - 1 323 - 1 972 - 161 Résultat courant avant impôts Réalisé - 2 320 - 2 505 - 3 300 - 1 842 - 2 107 - 1 628 - 2 286 - 438 Résultat net Réalisé - 2 290 - 2 780 - 3 286 - 1 500 - 2 115 - 1 501 1 819 410

1 Les exercices 2013 et 2014 intègrent les éléments financiers du protocole transactionnel mis en œuvre à l’occasion de la résiliation anticipée du contrat. Source : rapport annuel d’activité du délégataire pour l’année 2014, annexe financière

Le plan d’affaires initial prévoyait un montant de recettes d’exploitation cumulées

au terme du contrat de 145 M€. L’excédent brut d’exploitation32 devait être positif après les deux premières années du contrat, soit à l’issue de la période de travaux d’extension du réseau (2008).

Le catalogue de services contenait une typologie des offres selon la répartition

suivante : l’accès DSL (ménages et entreprises) représentait 74 % des recettes prévisionnelles cumulées sur la durée du contrat, l’accès WiMAX dans les zones blanches du DSL (20 %) et les autres services – fibre noire, hébergement … – (6 %).

Néanmoins, au cours du contrat, le contexte concurrentiel a conduit à des

modifications successives et significatives de la grille tarifaire à la baisse.

En 2011, l’ARCEP33 a mené une consultation publique ouverte afin de dresser un état des lieux actualisé de la boucle locale radio et de ses développements. Le régulateur constatait que le déploiement du WiMAX était en retrait par rapport aux engagements. Les services proposés se limitaient principalement aux accès internet fixes, notamment dans les zones blanches privées d’ADSL. En outre, il était constaté que les grands opérateurs nationaux ne commercialisaient pas leurs offres sur les réseaux de la boucle locale radio.

En dépit des ajustements au contrat, les charges d’exploitation, bien que réduites

par rapport aux prévisions initiales, restaient proportionnellement plus élevées que les recettes.

32 L’excédent brut d’exploitation (EBE) représente la ressource générée par l’exploitation de l’entreprise, abstraction faite de la politique d’amortissement et de financement. 33 « Boucle locale radio - état des lieux et perspectives d’utilisation et de développement », ARCEP juillet 2011.

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En 2008, le rapport d’activité contenait un plan d’affaires entièrement révisé : les recettes d’exploitation, telles qu’initialement prévues sur la période restant à courir (de 2009 à 2020), sont ramenées de 133 M€ à 51 M€. La Caisse des dépôts est entrée au capital de la société, resté inchangé, à hauteur de 30 %. Le résultat courant restait négatif de 2,5 M€.

Le résultat courant de 2009, négatif de plus de 3 M€, était presque conforme aux

prévisions actualisées (- 3,2 M€). Les capitaux propres de la société sont passés de 679 000 € à la clôture 2008, à une situation négative de 2,5 M€ fin 2009, notamment en raison du report à nouveau34 qui s’élevait à - 10 M€.

Il n’est pourtant fait aucune allusion à la situation financière préoccupante de la

société délégataire dans son rapport annuel d’activité, alors même que l’article L. 225-248 du code du commerce, qui s’applique aux SAS, forme de société de Net 27, dispose que : « Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, le conseil d'administration […] est tenu dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de convoquer l'assemblée générale extraordinaire à l'effet de décider s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société […]. »

En outre, en août 2009, la société a annoncé qu’elle n’était pas en mesure de

verser la redevance au département.

Entre 2010 et 2012, le chiffre d’affaires s’est stabilisé à 1,4 M€ et les produits d’exploitation sont passés de 2,6 M€ en 2010 à 2 M€ en 2012. Le résultat courant à évolué de - 1,8 M€ à - 1,6 M€, grâce à la maîtrise des charges d’exploitation. À partir de 2011, le délégataire a versé une redevance de 429 407 €, conformément aux termes de l’avenant n°9. Le bilan de la société, au 31 décembre 2013, a ffichait des capitaux propres négatifs de 8,1 M€, situation qui s’expliquait par un report à nouveau négatif de 15,4 M€.

Les comptes de la société montrent l’encaissement des subventions

d’exploitation prévues aux avenants n° 6 et n° 7, à partir de 2009, pour un montant cumulé d’environ 550 000 € sur la durée du contrat.

Pour l’année 2012, le rapport d’activité mentionne le terme anticipé de la

convention et la mise en œuvre du protocole transactionnel qui l’accompagne. A ce stade, sur un chiffre d’affaires total de 1,4 M€, le WiMAX représentait 47 %, la fibre 30 %, le DSL 14 % et la bande passante 9 %.

L’exercice 2013 intègre le versement, en recettes exceptionnelles, de l’indemnité

de rupture de la clause d’exclusivité versée à la société par la collectivité, conformément au protocole de résiliation du contrat, ce qui a pour effet de rendre le résultat net positif.

Entre 2007 et 2013, la société Net 27 a enregistré un résultat d’exploitation

annuel moyen négatif de 2 M€. Les dettes qui figurent au bilan de la société, à la clôture 2014, étaient uniquement composées des comptes courants d’associés (7,7 M€).

Dans sa réponse à la chambre, le délégataire a confirmé que les difficultés

soulevées par la mise en œuvre du réseau hertzien avaient contribué à déséquilibrer l’exploitation du réseau, forçant de ce fait les parties à rechercher de nouvelles solutions afin de pérenniser la rentabilité du marché.

34 Le report à nouveau représente la somme des résultats des exercices antérieurs qui n'a ni fait l'objet d'une distribution de dividendes, ni fait l'objet d'une mise en réserve, ni fait l'objet d'une incorporation dans le capital.

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La chambre constate cependant que la rémunération des comptes courants d’associés, parmi lesquels Altitude Infrastructure, a représenté environ 260 000 € en moyenne annuelle, entre 2007 et 2014, soit un montant total, sur la durée du contrat, de plus de 2 M€.

2 - La situation financière du budget annexe « réseau haut débit »

En 2010, première année de la période sous revue, la situation financière du

budget annexe était le reflet de celle des comptes de la délégation : les recettes réelles de fonctionnement étaient inexistantes, faute de versement de la redevance par le délégataire. En dépenses, la section de fonctionnement enregistrait principalement le paiement des intérêts de la dette et la dotation aux amortissements pour les opérations d’ordre. La section d’investissement enregistrait uniquement le remboursement du capital de l’emprunt.

Le résultat cumulé à la clôture de l’exercice (fonctionnement et investissement)

présentait un déficit de 6,5 M€ qui trouvait principalement son origine dans le paiement des annuités de la dette, pour un montant cumulé, fin 2011, de 4,8 M€35 qu’aucune recette ne venait compenser.

En 2011, le département, par son budget principal, a pris en charge le déficit

cumulé, et a ainsi ramené le résultat à zéro à la clôture de l’exercice.

Les exercices 2013 et 2014 ont enregistré les opérations liées à la mise en œuvre du protocole transactionnel décrit ci-après.

En 2014, comme il l’a déjà été mentionné, le budget annexe a supporté les

charges inhérentes à l’infrastructure que le département n’a pas pleinement transférée au syndicat mixte, soit plus de 1 M€.

*

En conclusion, la chambre constate que l’offre de services proposée aux usagers a évolué dès le début du contrat et que la grille tarifaire a été modifiée à la baisse. Par ricochet, le montant des recettes prévu au plan d’affaires initial annexé à la convention a été sensiblement réduit.

Il est également relevé que la commercialisation du réseau s’est avérée très

inférieure aux prévisions. Ainsi, entre 2007 et 2014, le délégataire a réalisé 24 % du montant des recettes prévues au plan d’affaires initial. Dans le même temps, les charges prévisionnelles étaient réalisées à hauteur de 36 %. Le niveau des coûts fixes (amortissements, maintenance, redevances et droits divers) est resté élevé et n’a pu être couvert par les recettes constatées.

L’absence de rentabilité du réseau a entraîné un déséquilibre des comptes de la

société Net 27, illustré par un report à nouveau négatif de plus de 15 M€, à la clôture de l’exercice 2013, qui intègre la rémunération des comptes courants d’associés versée aux actionnaires, pour un montant cumulé d’environ 2 M€.

Pourtant, le plan d’affaires initial prévoyait une consommation des fonds propres

fin 2007 et un redressement en 2008, grâce à un résultat net positif qui devait poursuivre sa croissance jusqu’au terme du contrat.

Aucun commentaire n’est apporté par le délégataire sur la situation de la société

dédiée dans ses rapports annuels d’activité.

35 Le versement du capital emprunté a eu lieu le 1er février 2008. Les quatre premières annuités de remboursement ont représenté un montant total (capital et intérêts) de 4 790 872 €.

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Par conséquent, la chambre constate que la construction du réseau s’est élevée à un montant total de 26 M€, dont 18,8 M€ ont été apportés par le département.

En l’absence du versement par le délégataire de la surtaxe prévue au contrat

initial, le budget principal de la collectivité a également pris en charge le déficit du budget annexe « Réseau haut débit », à hauteur de 6,5 M€, montant auquel s’est ajouté le versement au délégataire de 550 000 € au titre des subventions d’exploitation prévues par les avenants n° 6 et n° 7. Dans le même temps, la r émunération des comptes courants d’associés s’élevait sur la période à 2 M€.

Ainsi, la construction et les extensions du réseau de collecte, ajoutées aux

dépenses liées à son exploitation, ont représenté un montant d’environ 26 M€ pour le département. S’y ajoute le solde du protocole transactionnel, présenté ci-après, versé par le département à la société, pour un montant de 1,750 M€.

C - Le suivi du service délégué par le département

1 - Le comité de suivi s’est régulièrement réuni

Le chapitre VI de la convention de délégation de service public organisait les

modalités de contrôle de son exécution.

Pour la durée de son exécution, le contrat prévoyait la mise en place de deux comités chargés de s’assurer du bon fonctionnement du service délégué.

Le premier, intitulé « comité de suivi »36, devait être créé « dans un délai de sept

jours à compter de la date d’effet du contrat. » Présidé par une personnalité indépendante, il réunissait des représentants du département pour deux tiers et de Net 27 pour un tiers.

Le second comité, intitulé « comité de contrôle », était, quant à lui, exclusivement

composé de représentants de la collectivité. Il lui incombait de s’assurer que l’exploitation du réseau départemental était opérée par le fermier, conformément aux dispositions contractuelles.

Comme évoqué précédemment, le coût du contrôle de la bonne exécution du

contrat était en partie assumé par le fermier qui versait une redevance spécifique au département.

Un comité de suivi a bien été mis en place dès septembre 2005. Cependant, les

documents transmis par l’ordonnateur ne permettent pas de vérifier que ledit comité s’est réuni conformément aux dispositions contractuelles, soit au moins quatre fois par an pendant la phase d’exploitation, débutée en 2007, pendant la période sous revue.

Les réunions du comité de suivi ont régulièrement abordé la progression du

déploiement du réseau, notamment hertzien, de sa commercialisation et des difficultés rencontrées, des actions de communication mises en œuvre et des évolutions contractuelles.

En revanche, le comité de contrôle n’a pas été réuni. Selon l’ancien ordonnateur,

les deux comités ont été confondus dans les faits.

36 Le comité de suivi a, notamment, pour mission de s’assurer du respect du contrat, de contrôler la mise en œuvre des recommandations formulées par le second comité présenté ci-après et de concilier les parties en cas de différend. La périodicité de ses réunions varie en fonction de la phase d’exécution du contrat.

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2 - Les rapports annuels produits par le délégataire

La convention précise le contenu des rapports d’activité en application de l’article L. 1411-3 du CGCT. L’article R. 1411-7 du même code recense les informations obligatoires relatives aux données comptables de la délégation et à l’analyse de la qualité du service. Le document doit, en outre, comprendre un compte rendu technique et financier comportant les informations utiles relatives à l’exécution du service.

Les rapports ont été élaborés sur un modèle unique et présentaient les

réalisations commerciales, techniques et financières de l’année.

Ils comprenaient les états financiers de la délégation. La liasse fiscale de la société ad’ hoc était annexée au rapport ; l’état de variation du patrimoine immobilier était présenté, ainsi que le montant des amortissements. Les rapports contenaient un inventaire détaillé des biens de retour qui, toutefois, ne mentionnait pas leurs valeurs comptables brute et nette à la clôture de l’exercice.

Le compte rendu financier était conforme à la convention. Il contenait le compte

de résultat prévisionnel de l’exercice suivant. Le plan de financement et le bilan prévisionnel actualisés sur la durée résiduelle du contrat étaient présentés. Pour autant, la situation financière alarmante de la société Net 27 n’a suscité aucun commentaire dans les documents annuels.

Le compte rendu technique37 recensait les évènements susceptibles d’affecter la

qualité de service. Le compte rendu d’exploitation contenait les indications mentionnées au contrat.

S’agissant du volet commercial de l’activité, les résultats étaient présentés par

services et les perspectives commerciales étaient abordées.

La chambre observe que les rapports annuels du délégataire (rapports financiers) précisent tous que l’assemblée générale ordinaire de la société étant postérieure à la rédaction du rapport d’activité, le rapport du commissaire au compte et l’approbation des comptes seront produits ultérieurement. Pour autant, ces documents n’apparaissent pas dans les informations produites par l’ordonnateur, lors de l’instruction.

Conformément à l’article L.223-42 du code du commerce, la société était censée

régulariser sa situation au plus tard à la clôture du second exercice suivant celui au cours duquel ces pertes ont été constatées, soit en l’espèce au plus tard au 31 décembre 2011.

Hormis le comblement du déficit du budget annexe « réseau haut débit », en

2011, pour plus de 6,5 M€ par le budget principal, le département n’a pas montré de réaction face à la situation financière dégradée de la société Net 27.

Dans sa réponse, le délégataire a allégué que les parties connaissaient

parfaitement les difficultés financières de la délégation, ce qui ne remet pas en cause l’observation de la chambre.

37 Le document traite de l’historique des incidents, par niveau de sévérité, et de la responsabilité de résolution des incidents.

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3 - La présentation des rapports d’activité aux élus n’a pu être vérifiée

L’article L. 1411-3 du CGCT précise que : « Le délégataire produit, chaque année, avant le 1er juin, à l’autorité délégante, un rapport comportant, notamment, les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation de service public et une analyse de la qualité de service…. Dès la communication de ce rapport, son examen est mis à l’ordre du jour de la prochaine réunion de l’assemblée délibérante qui en prend acte. » Selon le même article, l’examen du rapport annuel établi par les délégataires incombe à la commission consultative des services publics locaux (CCSPL).

Il ressort de l’instruction que le fermier a remis au département les rapports

d’activité et financiers prescrits.

Cependant, l’ordonnateur n’a pas été en mesure de produire les documents attestant de leur présentation à la CCSPL et à l’assemblée délibérante, en dépit des demandes réitérées de la chambre.

En outre, le département n’a pas produit les comptes rendus de la commission

de contrôle imposée par l’article R. 2222-3 du CGCT, dont l’objet est de contrôler les comptes détaillés de la mission confiée au délégataire et, en particulier, les flux financiers qui s’établissent entre les parties au contrat.

Enfin, la note de synthèse présentée lors du débat d’orientations budgétaires

n’abordait pas spécifiquement la situation financière et les perspectives du budget annexe « Réseau haut débit », y compris pour le budget 2011, alors même que le budget principal du département prenait en charge le déficit cumulé du budget annexe pour 6,5 M€. Seules des informations succinctes et générales étaient produites à l’occasion de la présentation des projets d’aménagement du territoire.

*

En conclusion, la chambre observe que l’instance de suivi prévue au contrat a

été créée et qu’elle s’est effectivement réunie durant la période sous revue, comme en attestent les comptes rendus produits.

La chambre constate également que les rapports annuels produits par le

délégataire étaient conformes aux dispositions du CGCT et de la convention. Pour autant, les informations financières qu’ils contenaient auraient dû amener le département à manifester plus d’intérêt à la dégradation régulière des comptes de la société ad’ hoc.

La présentation annuelle des rapports du délégataire aux membres de la

CCSPL, ainsi qu’aux élus de l’assemblée délibérante n’a pu être vérifiée au cours de l’instruction.

L’ordonnateur n’a pas été en mesure d’attester du respect de l’information

régulière des membres de la CCSPL et des élus de l’assemblée délibérante par la présentation annuelle des rapports d’activité du délégataire.

V - LA RÉSILIATION ANTICIPÉE DE LA CONVENTION DE D ÉLÉGATION

A - La décision du département de mettre un terme anticipé au contrat

1 - Le risque d’atteinte au droit de la concurrence

Le rapporteur rappelle que la convention d’affermage par laquelle le département a délégué l’extension et l’exploitation de son réseau haut débit devait initialement rester en vigueur jusqu’en 2020. Elle a été résiliée à l’initiative de la collectivité en 2014.

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Cette décision du département s’explique de la manière suivante : à l’instar d’autres collectivités, le département prévoyait de réaliser la desserte de son territoire en très haut débit par avenant à la première convention de délégation de service public. Cette solution, tout d’abord encouragée par la Mission France Très haut débit, s’est révélée incompatible avec le droit européen à l’issue de l’examen juridique du dispositif au regard du droit de la concurrence.

L’analyse juridique demandée par la France à l’Union européenne a mis à jour

un risque important, à la fois au regard du droit communautaire et au regard du droit interne : les déploiements des réseaux de première génération à l’initiative des départements avaient principalement pour objet de raccorder des nœuds de raccordements d’abonnés (les NRA regroupent les connexions ADSL) et des zones d’activité. Il a été estimé que la demande adressée aux mêmes entreprises de déployer la fibre jusqu’à l’abonné était de nature à modifier de manière substantielle les contrats en cours.

En reprenant la gestion de l’infrastructure optique existante en régie directe, le

département l’a exclue du périmètre du projet de RIP initié pour le déploiement du très haut débit, ce qui a permis la remise en concurrence pour le déploiement suivant. Ce faisant, il a levé un risque juridique important.

2 - Le suivi du réseau hertzien WiMAX

La convention de délégation de service public signée en 2005 prévoyait pour le

fermier, outre l’activation et la commercialisation de l’infrastructure passive construite par le département, des engagements de couverture géographique selon les technologies de desserte WiMAX et DSL (94,6 % du territoire départemental).

Malgré la faiblesse de ses résultats économiques, le département a choisi de

conserver son réseau WiMAX. Ainsi, le SDTAN prévoyait, en 2012, le renforcement du réseau de desserte haut débit par le passage à dix Mbps sur l'ensemble des stations de base WiMax.

Le réseau hertzien a été intégré au périmètre de la convention de délégation de

service public en régie intéressée pour l’exploitation et la commercialisation du nouveau réseau très haut débit, notifiée par le syndicat mixte Eure Numérique le 1er novembre 2014 à l’entreprise retenue, le groupe Altitude Infrastructure.

B - Le protocole transactionnel et sa mise en œuvr e

Le 18 février 2013, le département et la société Net 27 ont signé un avenant au

contrat d’affermage portant protocole transactionnel. Cet accord négocié fixe les modalités de résiliation anticipée de la convention, prévue initialement le 1er mars 2014, et repoussée à deux reprises par la collectivité jusqu’au 1er novembre 2014.

Le protocole recense les sommes dues par les parties au titre des dispositions

contractuelles et conclut au versement, par le département au délégataire, de la somme de 1,750 M€ de la manière suivante :

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Tableau n° 3 : Synthèse financière du protocole tra nsactionnel (en euros)

Montant dû et à devoir par le conseil départemental Montant Montant dû et à devoir

par Net 27 Montant

A. Indemnité rupture clause d'exclusivité 4 281 627 A. Transfert de droit à déduction de TVA - 2 188 465

VNC des actifs immobilisés au 31 décembre 2012 3 685 268

moins amortissements prévus au 31 décembre 2013 - 744 000

VNC fin 2013 2 941 268

Subvention d'investissement au 31 décembre 2012 1 784 861

moins reprise des subventions prévues au 31 décembre 2013 - 320 754

Subventions non reprises au résultat fin 2013 1 464 107

B. VNC du réseau net de subventions 1 477 161 B. Redevance d'affermage 2009, 2012, 2013 - 1 168 162

C. Indemnité de résiliation anticipée 1 029 624 C. Redevances de contrôle (2009, 2012 et 2013) - 50 000

D. produits constatés d'avance - 1 631 785

Montant dû par le délégant 6 788 412 Montant dû par le délégataire - 5 038 412

Solde de la proposition à verser par le département au délégataire 1 750 000

Source : avenant n° 12 au contrat d’affermage, 11 f évrier 2013

S’agissant du montant dû et à devoir par le délégant :

- l’indemnité de rupture de la clause d’exclusivité38 (A) compense la perte, pour la société, du bénéfice prévisionnel estimé jusqu’au terme du contrat, sur la base de la dernière actualisation du plan d’affaires ;

- les montants portés en rubrique B sont cohérents avec les informations du bilan de la société Net 27 à la clôture de l’exercice 2012 ;

- en application de l’article 56 prévoyant la résiliation pour motif d’intérêt général par la collectivité, le fermier a été indemnisé à hauteur de 1 029 624 €. Interrogé sur les modalités de fixation de ce montant, l’ordonnateur n’a pas apporté de réponse.

Il ressort de l’examen des comptes administratifs que le département a versé

l’indemnité pour rupture de la clause d’exclusivité, dans sa totalité en 2013, et la valeur nette comptable du réseau, ainsi que l’indemnité de résiliation anticipée ont été versées en 2014.

38 L’article 6 de la convention garantissait au délégataire le droit exclusif de déployer, activer et exploiter le réseau départemental, ainsi que de commercialiser les services.

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A l’inverse, le délégataire devait restituer :

- le droit à déduction de la TVA sur les investissements financés par la collectivité antérieurement à la convention et compris dans l’affermage, ainsi que les montants afférents, ce qu’il a fait courant 2013 ;

- la redevance d’affermage due au titre des exercices 2009, 2012 et 2013 ;

- les produits constatés d’avance qui figuraient au bilan de la société ont fait l’objet d’un titre de recettes inscrit au compte « clients » du budget annexe à la clôture de l’exercice 2014.

Le dernier rapport d’activité du délégataire, dont les comptes étaient arrêtés au

31 octobre 2014, montre que le réseau a été entièrement transféré au département, conformément aux dispositions de résiliation de la convention.

Par un avenant n° 14 du 22 janvier 2014, le départe ment a retardé l’échéance de

la convention au 30 septembre 2014. En contrepartie, il a versé 250 000 € au délégataire. Un nouveau report d’un mois a été demandé par la collectivité, sans occasionner de participation complémentaire pour la collectivité.

A la clôture de l’exercice 2014 (31 octobre), après le transfert du réseau au

département, le bilan de la société s’établissait comme suit :

- l’actif circulant s’élevait à 1,4 M€ (dont 1 M€ de créances et 0,4 M€ de disponibilités) ;

- le passif comprenait les capitaux propres négatifs de 9,2 M€ et les dettes de 10,6 M€ (dont les comptes courants d’associés de 7,7 M€ et les dettes fournisseurs de 2,5 M€), soit un solde de 1,4 M€.

*

En conclusion, la chambre constate que le département a dû résilier, avant

terme, la convention de délégation en raison de considérations juridiques qui s’imposaient à lui.

Elle observe cependant que le protocole, aujourd’hui soldé pour les deux parties,

apparaît dépourvu de lien avec l’exécution réelle du contrat. En effet, la convention se solde par le versement de 1,75 M€ par le département, alors même que celui-ci a assumé le défaut d’engagement contractuel du délégataire pour le versement de la surtaxe initialement prévue. Cette modification du contrat a représenté un manque à gagner pour la collectivité d’environ 3,3 M€ entre 2009 et 201439.

Par ailleurs, la chambre relève que la fragilité financière persistante de la société,

en ce qu’elle produisait une forte incertitude quant à sa capacité à poursuivre l’exploitation, aurait dû être de nature à soulever des interrogations de la part de la collectivité sur le devenir de la délégation de service public qui devait courir jusqu’en 2020.

39 Le montant de la surtaxe a été ramené d’un montant annuel de 930 470 € à moins de 500 000 €.

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ANNEXES

Annexe n° 1 : Cadre d’intervention des collectivité s territoriales dans le domaine des communications électroniques.

1 - Le rôle déterminant des réseaux d’initiative publique en complément de

l’initiative privée

Le Très haut débit (THD) correspond à un débit descendant supérieur à 30 Mbps. Il s’agit du seuil fixé par la Commission européenne et repris en France par l’ARCEP.

En 2004, la loi de confiance dans l’économie numérique a donné aux collectivités

territoriales la possibilité de contribuer à l’aménagement numérique de leur territoire par l’article L. 1425-1 du CGCT qui dispose que : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent […] établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de communications électroniques au sens du 3°40 et du 15°41 de l'article L. 32 du code des postes et communications électroniques […]. Ils peuvent mettre de telles infrastructures ou réseaux à disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants. L'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique (RIP)… »

L’article L. 1425-1 du CGCT crée un service public local relatif aux réseaux et

aux services locaux de communications électroniques. Il permet, en outre, aux collectivités territoriales de devenir opérateurs dotés, sous certaines conditions, des mêmes droits et obligations que tout opérateur de réseaux de communications électroniques.

Les plans nationaux successifs pour le développement de l’accès au THD en

France ont établi un zonage du territoire, selon la densité de population, distinguant les zones de concurrence : les zones dites « très denses » (106 communes), les zones conventionnées (dites « moins denses », de l’ordre de 3 500 communes) et les zones d’initiative publique où sont déployés les RIP.

Les RIP sont des réseaux physiques de fibre optique construits par les

collectivités pour pallier l’absence des opérateurs privés dans les territoires jugés insuffisamment rentables. Ainsi, l’investissement dans les zones denses est assuré par des opérateurs privés (57 % des foyers) et complété par un investissement public dans les zones moins denses, à l’initiative des collectivités (43 % des foyers).

En 2008, la loi de modernisation de l’économie42 a instauré le cadre juridique

pour favoriser le déploiement de la fibre optique dans les immeubles jusqu’à l’utilisateur final et sa mutualisation entre les opérateurs. Ces mesures ont encouragé le développement des RIP des collectivités et de leurs groupements.

L'intervention des collectivités doit garantir l'utilisation partagée du réseau, ainsi

que le respect des principes d'égalité entre opérateurs et de libre concurrence sur les marchés.

40 Article 32, 3° Réseau ouvert au public : « On entend par réseau ouvert au public, tout réseau de communications électroniques établi ou utilisé pour la fourniture au public de services de communications électroniques ou de services de communication au public par voie électronique. » 41 Article 32, 15° Opérateur : « On entend par opérateur, toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques. » 42 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

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Peuvent être ainsi chargés d’une mission de service public pour l’aménagement numérique du territoire :

- les collectivités territoriales exploitant en régie les RIP qu’elles ont déployés ou engagées dans un partenariat public-privé ;

- les opérateurs délégataires de service public43 exploitant un RIP pour le compte de la collectivité par contrat de concession ou d’affermage. Dans ce cas, la collectivité n’est pas opérateur et ne se déclare pas à l’ARCEP.

Les avancées technologiques dans le domaine des communications

électroniques se sont inscrites dans un cadre politique et juridique, européen et national, visant au développement de l’aménagement numérique des territoires.

2 - Le cadre européen et national de l’aménagement numérique des territoires

Dans une démarche de sortie de la crise de 2008, la Commission européenne a

proposé en 2010 la « Stratégie Europe 2020 » dont l’une des initiatives phares, « Une stratégie numérique pour l’Europe »44, a pour finalité de combler le retard du territoire dans les technologies de l’information et de la communication, ainsi que dans les activités économiques afférentes.

Cette stratégie a été déclinée en France par le Programme national Très haut

débit en 2010, suivi du Plan France Très haut débit lancé en février 2013. Ce dernier pose comme objectif final le déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire en procédant par étapes.

Ce plan confirme la responsabilité des collectivités dans la mutation vers le TDH

et a pour objectif la couverture intégrale du territoire en 202245. Il accorde la priorité à la fibre mais mobilise l’ensemble des technologies capables d’apporter le THD pour la réalisation de son objectif intermédiaire en 2017. Enfin, il recense des sites prioritaires pour le déploiement : les zones d’activités économiques et les services publics (établissements d’enseignement, hôpitaux, maisons de santé).

En matière de pilotage des initiatives, la loi a instauré un document de

planification territoriale de l’aménagement numérique, le schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN), élaboré à l’échelle du département ou de la région. Un schéma de cohérence régionale d’aménagement numérique (SCORAN) prévoit, quant à lui, la définition d’une stratégie conjointe d’aménagement numérique du territoire régional.

Selon l’ARCEP, le nombre total de logements éligibles aux offres à très haut

débit (supérieur ou égal à 30 Mbit/s), toutes technologies confondues, s'élevait au 31 décembre 2015 à environ 14,5 millions de logements et locaux professionnels. Ce nombre est à rapprocher des 30,2 millions de lignes du réseau cuivre et des 28,5 millions de foyers recensés par l’INSEE.

Haut débit Très haut débit Au moins 30 Mbps Au moins100 Mbps Nombre total de logements éligibles 30,2 millions de lignes « cuivre » 14,5 millions 9,4 millions

dont câble 8 819 000 6 999 000 dont fibre jusqu’à l’abonné 5 599 000 5 559 000

dont VDSL2 THD 5 308 000 Source : ARCEP

43 Par exemple Altitude, Axione, Covage, SFR Collectivités, Tutor… 44 Dans le prolongement de cette initiative, l’Agenda numérique pour l’Europe de la Commission européenne a défini une stratégie de déploiement du très haut débit fixant pour objectif une couverture de l’ensemble des ménages en 2020. 45 Le plan prévoit de généraliser le déploiement de réseaux fibre jusqu’à l’abonné, ce qui consiste à déployer la fibre optique jusqu’au logement, en remplaçant progressivement le cuivre du réseau téléphonique par de la fibre optique. En 2022, il est prévu que 80 % des logements soient éligibles au FttH. Le plan pose également l’objectif intermédiaire de THD pour 50 % des foyers en 2017.

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Fin décembre 2015, le taux d'abonnement46 au très haut débit via une offre fibre jusqu’à l’abonné atteignait 25 %47.

3 - Un environnement technologique en transition

La performance des réseaux de communications électroniques s’évalue

notamment au regard du débit48 qui mesure la vitesse à laquelle les données peuvent être envoyées et reçues depuis/sur un équipement terminal connecté à internet.

Le débit est exprimé en « bit » échangés par seconde (bps) et peut se

décomposer en trois classes (selon les valeurs actuellement en vigueur) :

Classes de débit Seuils Très haut débit Débit descendant supérieur à 30 Mbps Haut débit Débit descendant compris entre 2 Mbps et 30 Mbps Bas débit Débit descendant compris entre 128 Kbps et 2 Mbps

Dans les années 90, les réseaux de fibre optique sont apparus en France. Leur

déploiement est intervenu par étapes et a contribué à développer l’architecture physique d’internet : des « autoroutes optiques » ont d’abord structuré le territoire national, puis elles ont été complétées par des réseaux intermédiaires dits « de collecte initiés », notamment par les collectivités territoriales. Enfin le réseau de desserte, également appelé « boucle locale », a rendu les logements éligibles jusqu’à l’abonné (FTTH)49, dénommé utilisateur final, via un opérateur commercial, lui-même usager du réseau.

Dans les années 2000, la France a fait le choix du développement des

technologies dites de « haut débit », en réutilisant le réseau cuivre déployé pour le téléphone, par la mise en place à grande échelle des technologies DSL, dont l’ADSL50. Il s’agit de l’offre internet dominante en France aujourd’hui.

Trois types de technologies sont aujourd’hui disponibles pour proposer un accès

internet à très haut débit en France, le câble (environ 70 % de l’offre), la fibre optique (22 %) et le VDSL2 (8 %) qui s’appuie sur le réseau cuivre téléphonique. Le déploiement du THD via le câble et la fibre optique nécessite la construction ou la modernisation d’un réseau spécifique distinct du réseau cuivre.

La fibre optique présente des atouts par rapport aux technologies « cuivre » :

- elle augmente la quantité de données pouvant transiter par le réseau à un moment donné ;

- elle permet d’atteindre la symétrie entre les débits montants et ascendants ;

- elle est insensible aux émissions électriques des autres équipements.

46 Le taux d’abonnement correspond au nombre de logements abonnés sur le nombre de logements éligibles pour une technologie donnée. 47 Selon l’association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA), ce taux se situait autour de 15 % - 16 % depuis plusieurs années, il est passé au-dessus de 20 % en 2014. 48 Selon la méthode retenue par l’opérateur, la qualité du service peut varier de manière sensible. Les débits mesurés par l’autorité de régulation sont des débits moyens IP (« Internet protocole »), ce qui signifie qu’il s’agit d’une vitesse moyenne (et non d’une vitesse maximale) réellement disponible pour l’utilisateur. La vitesse mesurée par ce protocole ne correspond donc pas au débit crête (débit maximal), ni à la capacité de la ligne. 49 Il s’agit de l’acronyme anglo-saxon « Fiber to the home » traduit par « fibre jusqu’à l’abonné ». 50 La faiblesse de la technologie ADSL réside dans le fait que le débit qu’elle procure est d’autant plus faible que le client final est éloigné du central téléphonique dont il dépend. Des technologies de complément doivent donc être utilisées pour raccorder à l’internet des clients finaux situés dans des zones non desservies (notamment par recours aux réseaux hertziens terrestres).

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Enfin, si les réseaux mobiles connaissent une montée en puissance51, ils ne représentent pas à ce jour une alternative aux réseaux filaires. En effet, les licences accordées auxdits opérateurs ne créent d’obligations significatives, en étendue de couverture par département, qu’à partir de 2024. De surcroît, les nouvelles normes de réseaux mobiles (4G, 5G et 6G) nécessitent de raccorder les antennes de téléphonie à un central de réseau en fibre optique.

51 La 4G, quatrième génération de téléphonie mobile, commence à être déployée par l’ensemble des opérateurs mobiles. Les utilisateurs devraient pouvoir, en pratique, disposer de débits pouvant atteindre plusieurs dizaines de Mbit/s.

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Annexe n° 2 : Glossaire

Les définitions sont issues du code des postes et des communications électroniques, de l’ARCEP et du point d’appui national à l’aménagement numérique du territoire (PAN ANT).

Terme Définition

ADSL

(Asymmetric Digital Subscriber Line) - Service d'accès à internet utilisant les lignes téléphoniques classiques, sur une bande de fréquence plus élevée que celle utilisée pour la téléphonie. Le débit descendant est plus élevé que le débit ascendant.

ARCEP

L’ARCEP est une autorité indépendante chargée de réguler les communications électroniques et les postes en France. Créée en 1997 sous le nom d'autorité de régulation des télécommunications (ART), ses compétences ont été étendues en 2005 avec l'entrée en vigueur de la loi de régulation des activités postales. Les dispositions législatives encadrant le statut et le rôle de l’ARCEP figurent dans le code des postes et des communications électroniques (CPCE). Dans le secteur des télécommunications, son rôle est de veiller à l’exercice d’une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs sur le marché des communications électroniques.

Architecture physique d'internet

L'architecture physique d'internet repose sur trois niveaux : le transport, à l'échelle des continents et des pays, la collecte, à l'échelle des régions et des départements, et la desserte (ou boucle locale), à l'échelle des villes et des quartiers. Dans un département, les réseaux de collecte servent à relier les agglomérations, territoires intercommunaux ou communaux à un point du réseau de transport. Source : Point d’appui national à l’aménagement numérique des territoires (PAN ANT).

Bit

Le terme « bit » est la contraction des termes anglais « binary digit » qui signifie « chiffre binaire ». Le débit binaire est exprimé en bits par seconde (bps) ou par un de ses multiples en employant les préfixes du système international : Kbps : kilobits par seconde = 103 bps ; Mbps : mégabits par seconde = 106 bps ; Gbps : gigabits par seconde = 109 bps …).

Boucle locale

La boucle locale cuivre désigne la partie du réseau situé entre les répartiteurs et la terminaison chez les abonnés. Outre le téléphone, la boucle locale cuivre apporte des accès internet haut débit par ADSL. Les opérateurs s’appuient sur la boucle locale, propriété d’Orange. Ils y accèdent par le biais du dégroupage. Toutefois, en raison des caractéristiques des lignes de cuivre, la qualité de service est variable suivant les endroits. Les usages nouveaux d’internet, plus consommateurs de débit, rendent nécessaires le déploiement de la boucle locale optique.

Câble Initialement conçu pour distribuer les services de télévision, le câble est également une technologie filaire de transmission de données. Il permet des débits de 100 Mbit/s et plus.

Client final Désigne toute personne physique ou morale, cliente d'un opérateur.

Communications électroniques

On entend par communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons, par voie électromagnétique.

Débit

Le débit d’une connexion est la quantité de données transmise pendant une unité de temps. On l’exprime en bits par seconde. Le débit montant mesure la quantité de données envoyées depuis un ordinateur, un téléphone ou tout autre équipement terminal connecté à internet. La quantité de données reçues sur ces mêmes équipements s’apprécie par le débit descendant.

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Dégroupage

Le dégroupage peut être défini comme la séparation de la ligne de l'internaute et de l'abonnement au téléphone pour permettre aux opérateurs ADSL alternatifs (concurrents de l’opérateur historique) de proposer leurs propres services.

Dorsale haut débit

On entend par « dorsale haut débit », appelée aussi « backbone universel de services » (BUS) la partie principale d'un réseau de télécommunication ou de téléinformatique caractérisée par un débit élevé, qui concentre et transporte les flux de données entre des réseaux affluents.

DSL Le « Digital subscriber line » se traduit par « ligne numérique d’abonné » et concerne les techniques mises en place pour un transport numérique de l'information sur une ligne de raccordement filaire téléphonique.

Fibre noire Fibre non activée.

Fibre optique La fibre optique est un fil de verre très fin qui conduit la lumière. Elle permet de transporter d'immenses quantités de données sur plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres.

FTTx

Jusqu’à ce jour, surtout utilisée dans les réseaux de transport et de collecte, la fibre optique entre dans la partie desserte, s’approchant progressivement de l’usager final. Le FttX (Fiber to the..., la fibre jusqu’à...) permet d’augmenter le débit, la diversité et la qualité des services offerts aux abonnés tout en affranchissant du réseau téléphonique cuivre. Des solutions associant optique et cuivre favorisent un déploiement progressif de l’infrastructure optique. Pour les collectivités qui construisent leur propres réseaux, les équipements déployés (génie civil, câbles optiques voire matériels actifs) doivent être neutres et mutualisables, afin de favoriser une concurrence locale effective. FTTH pour « fibre jusqu’à l’abonné ».

Infrastructure Désigne l’infrastructure de transport et de collecte (dorsale ou BUS) mise à la disposition du délégataire dans les conditions définies dans la convention de délégation de service public.

Montée en débit Concept visant l’amélioration des accès haut débit en utilisant différentes technologies filaires ou hertziennes.

Mutualisation

Lors de l’établissement d’un réseau de communications électroniques, la mutualisation, dans le sens d’une utilisation partagée d’une infrastructure est essentielle : elle répond aux enjeux de couverture et de concurrence tout en diminuant les coûts, notamment ceux du génie civil.

Nœud de raccordement optique (NRO)

Point de concentration d'un réseau de fibre optique où sont installés les équipements actifs à partir desquels l'opérateur active les accès de ses abonnés.

Opérateur On entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques.

Opérateur commercial

Opérateur pouvant être choisi par l’utilisateur final pour la fourniture d’un service de communications électroniques ou par un fournisseur d'accès au service pour la fourniture d'un service de communications électroniques à son propre client final.

Réseau de communications électroniques

On entend par réseau de communications électroniques toute installation ou tout ensemble d'installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l'acheminement de communications électroniques…

Réseau d'initiative publique

Réseaux de communications électroniques établis et exploités par des collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de l’article L. 1425-1 du CGCT.

Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Normandie sur la gestion du département de l’Eure – Aménagement numérique du territoire

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SDTAN

L’article L. 1425-2 du CGCT inséré au code par l’article 23 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique (dite loi Pintat) dispose que : « Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique recensent les infrastructures et réseaux de communications électroniques existants, identifient les zones qu'ils desservent et présentent une stratégie de développement de ces réseaux, concernant prioritairement les réseaux à très haut débit fixe et mobile, y compris satellitaire, permettant d'assurer la couverture du territoire concerné. Ces schémas, qui ont une valeur indicative, visent à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l'investissement privé. »

Usager du réseau

Désigne tout opérateur ou tout utilisateur de réseaux indépendants au sens du premier alinéa du I de l'article L. 1425-1 du CGCT, souscrivant ou demandant à souscrire un contrat de service avec le délégataire en vue de la fourniture d’un des services objet de la convention.

Utilisateur final Désigne toute personne physique ou morale, cliente d'un opérateur usager, qui ne fournit pas elle-même de réseaux de communications électroniques ou de services de communications électroniques, accessibles au public.

VDSL2 Avec une bande de fréquence plus large que l’ADSL, le VDSL2 offre des débits plus élevés, ainsi qu’une possibilité de symétrie.

Zonage du territoire Plan France Très haut débit

En dehors des exceptions prévues dans les zones très denses (106 communes), conformément au cadre règlementaire de l'ARCEP, les réseaux sont mutualisés. Ainsi, un seul réseau est déployé puis partagé entre l’ensemble des opérateurs. Les zones conventionnées (auparavant nommées « zones AMII » pour zones d’appel à manifestation d’intérêt d’investissement) sont celles dans lesquelles les opérateurs privés ont manifesté leurs intentions d’investissement, le Plan France Très haut débit prévoit qu’ils s’engagent à déployer des réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné d’ici 2020 par des conventions tripartites signées avec les collectivités territoriales et l’État. Ces conventions permettent aux élus de définir des zones prioritaires de raccordement et d’effectuer un suivi des déploiements. Les zones dites « conventionnées » concernent 57 % de la population. En dehors des zones conventionnées, les collectivités territoriales déploient des réseaux d’initiative publique (RIP) - 43 % de la population. La moitié de l’investissement public sera financée par les recettes d’exploitation des RIP et le cofinancement des opérateurs privés.

Zone blanche

Il s’agit d’une zone du territoire non desservie par un réseau donné (téléphonie ou internet). La moindre densité de population de ces zones a souvent été un facteur de moindre qualité de service. Les évolutions technologiques augmentent progressivement le seuil en deçà duquel un territoire est considéré en zone blanche (de 512 Kbps à 2 Mbps, voire huit Mbps actuellement).