rapport education nationale - cour des comptes - mai 2010

Download Rapport Education Nationale - Cour des comptes - Mai 2010

If you can't read please download the document

Upload: paco-alpi

Post on 19-Jun-2015

213 views

Category:

Documents


5 download

DESCRIPTION

Rapport public 2010 - Cour des comptes -"L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves" – mai 2010

TRANSCRIPT

Rapport public thmatique

Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves

TABLE DES MATIERES

I

pages

Introduction. I - Les rsultats et les cots de lenseignement scolaire.A - Les objectifs fixs lenseignement scolaire B - Les indicateurs de rsultats.. 1 - La matrise des connaissances et des comptences de base. 2 - Les taux de diplms, de non diplms, et de non qualifis. 3 - Les ingalits sociales dans la russite scolaire 4 - Les ingalits entre tablissements.. C - Les indicateurs de cots. 1 - La dpense intrieure dducation 2 - Les comparaisons internationales.. D - Les valuations du systme ducatif et leur utilisation.. 1 - Les inspections du ministre de lducation nationale.. 2 - La direction de lvaluation, de la performance et de la prospective 3 - Une valuation des valuations supprime en 2005..

1 99 12 12 23 28 32 36 36 39 45 45 46 46

II - La gestion budgtaire de lenseignement scolaire 49A - Une dconnexion par rapport lobjectif de gestion par la performance.. 1 - La mission interministrielle de lenseignement scolaire. 2 - Les procdures dallocation des moyens. 3 - Des marges de manuvre limites pour les tablissements 4 - Des incohrences dans lallocation des moyens. B Une connaissance insuffisante du cot des politiques ducatives 1 - La lutte contre lchec scolaire. 2 - Lducation prioritaire C - Le cot de lparpillement de loffre de formation. 49 49 52 58 63 64 65 66 68

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

II

COUR DES COMPTES

Pages

III - Laffectation et le service des enseignants.A - Les procdures daffectation des enseignants 1 - Laffectation des enseignants dans les tablissements. 2 - La rpartition des classes entre les enseignants. B - La dfinition du service des enseignants dans le premier degr 1 - Les imprcisions.. 2 - Les problmes lis au travail temps partiel. C - La dfinition du service des enseignants dans le second degr. 1 - Une dfinition du service inadapte aux missions des enseignants.. 2 - Les inconvnients pratiques de linadaptation de la dfinition du service des enseignants 3 - La dualit entre personnel denseignement et personnel dducation. 4 - Les consquences de la logique hebdomadaire du service des enseignants.

7171 71 73 75 75 76 79 79 87 94 97

IV - Llve dans lorganisation de lenseignement scolaire 105A - La dfinition du temps scolaire.. 1 - Le rythme scolaire lcole primaire. 2 - Les emplois du temps au collge et au lyce. B - La gestion des parcours scolaires des lves. 1 - Les lacunes dans les tudes et statistiques nationales sur les parcours scolaires 2 - Un systme scolaire discontinu 3 - Une composition des classes peu contrle.. 4 - Une procdure dorientation mal matrise.. 5 - Une offre de formation insuffisamment matrise 6 - Les risques lis lassouplissement de la carte scolaire. 105 105 108 116 116 119 125 129 137 139

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

TABLE DES MATIERES

III

Pages

C - La prise en compte des lves en difficult.. 1 - Les dispositifs de prise en charge de la difficult scolaire. 2 - Les sanctions de lchec scolaire.

144 144 160

Conclusion

165

Recommandations 173Annexes 1 - Liste des sigles utiliss dans le rapport .. 2 Principales caractristiques du systme ducatif franais.. 3 - Apports et limites des enqutes PISA lvaluation de lcole.... 4 - Exemples trangers dorganisation scolaire... 5 - Liste des personnes rencontres lors de lenqute. Rponse du Ministre de lEducation nationale.. 176 180 181 185 192 201

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

IV

COUR DES COMPTES

La prparation du rapport et la procdure Les travaux dont ce rapport est issu ont t principalement effectus par Mmes Marie-Pierre Cordier, conseillre matre, Marie Ange Mattei, conseillre rfrendaire, Jacqueline Barro, attache. Le texte du rapport a t tabli par Mme Marie-Pierre Cordier, conseillre matre, et Mme Marie Ange Mattei, conseillre rfrendaire, rapporteurs, M. Pascal Duchadeuil, conseiller matre, tant contre-rapporteur. La Cour a assur la contradiction et procd aux auditions des administrations concernes. Elle a galement recueilli, au cours dune quinzaine dauditions, lavis dune soixantaine de personnalits, dexperts et reprsentants de ladministration, ainsi que de fdrations de parents dlves et de fdrations syndicales denseignants et de personnels de direction de lducation nationale. Le projet de rapport a t dlibr par la 3me chambre les 23 et 25 fvrier 2010, sous la prsidence de M. Jean Picq, en prsence de M. Guy Mayaud, Mme Anne Froment-Meurice, MM. Pascal Duchadeuil, Francesco Frangialli, Jacques Tournier, Mme Jeanne Seyvet, MM. Edouard Couty, Christian Sabbe, Yann Petel, Robert Korb, Bernard Levallois, Jean-Louis Bourlanges, Antoine Schwarz, et Michel Clment, conseillers matres, et M. Louis Zeller, conseiller matre en service extraordinaire. Ce projet a ensuite t arrt le 23 mars 2010 par le Comit du rapport public et des programmes, prsid par M. Didier Migaud, premier Prsident, avant dtre communiqu au ministre de lducation nationale.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

DELIBERE

V

DLIBR La Cour des comptes publie un rapport thmatique intitul Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves . Conformment aux dispositions lgislatives et rglementaires du code des juridictions financires, la Cour des comptes, dlibrant en chambre du conseil, a adopt le prsent rapport public. Ce texte a t arrt au vu du projet qui avait t communiqu au pralable au ministre de lducation nationale, afin de recueillir ses ventuelles observations destines tre insres en annexe de ce prsent rapport. Etaient prsents : M. Migaud, Premier prsident, MM. Pichon, Picq, Babusiaux, Mme Ruellan, MM. Hespel, Bayle, prsidents de chambre, Mme Bazy Malaurie, prsident de chambre, rapporteur gnral, MM. Sallois, Hernandez, Mme Cornette, prsidents de chambre maintenus en activit, MM. de Mourgues, Mayaud, Richard, Devaux, Gillette, Troesch, Thrond, Mmes Froment-Meurice, Bellon, MM. Gasse, Moreau, Duchadeuil, Lebuy, Lesouhaitier, Lefas, Johanet, Durrleman, Frangialli, Andrani, Dupuy, Mme Morell, MM. Gautier (Louis), Braunstein, Brochier, Mme Dayries, MM. Levy, Bernicot, Vermeulen, Tournier, Mme Seyvet, MM. Bonin, Vachia, Vivet, Mme Moati, MM. Cossin, Diricq, Davy de Virville, Sabbe, Ptel, Mme Camby, MM. Valdigu, Martin (Christian), Tnier, Lair, Mme Trupin, MM. Ravier, Rabat, Doyelle, Mnard, Korb, Metzger, Mme Saliou (Monique), MM. Guibert, Uguen, Gudon, Martin (Claude), Bourlanges, Le Mn, Dahan, Castex, Schwarz, Baccou, Mme Malgorn, MM. Spulchre, Mousson, Mmes Bouygard, Vergnet, M. Chouvet, Mme Dmier, MM. Clment, Machard, Mme Cordier, MM. Le Mer, Rolland, conseillers matres, MM. Zeller, dAboville, Cadet, Andr, Schott, Cazenave, Hagelsteen, Klinger, Dubois, conseillers matres en service extraordinaire. Etait prsent et a particip aux dbats : M. Bnard, Procureur gnral, assist de M. Vallernaud, avocat gnral. Etait prsent en qualit de rapporteur et na pas pris part aux dlibrations : Mme Mattei, conseiller rfrendaire. Madame Mayenobe, secrtaire gnral, assurait le secrtariat de la chambre du conseil. Fait la Cour, le 11 mai 2010.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

IntroductionScolarisant 10 millions dlves, employant plus de 730.000 enseignants, dot dun budget de prs de 53 milliards deuros en 2010, lenseignement scolaire public est un enjeu central pour lavenir de notre pays. Le dveloppement des socits actuelles dpend en effet de plus en plus du niveau de formation de leur population, dans un contexte mondial o laccs la connaissance constitue un facteur concurrentiel dterminant. Lcole est aussi lun des fondements de la cohsion sociale. Cest ce titre que lui a t assign lobjectif dassurer la russite de tous les jeunes, dans la perspective de leur insertion professionnelle et de leur devenir citoyen. Plus que jamais, un dbat sur les rsultats de lenseignement scolaire est ncessaire. Par le prsent rapport, et tout en restant dans son domaine de comptence, la Cour des comptes entend y apporter sa contribution.

Les termes du dbatLe dfi actuel de lenseignement scolaire nest plus de faire face laccroissement des effectifs dlves. Le nombre dlves scolariss a doubl entre 1960 et 1985. Cette tendance a pris fin avec les annes 1990 et, depuis lors, les effectifs fluctuent selon les volutions dmographiques, sans que soit remis en cause le principe de laccueil scolaire de lensemble des jeunes gnrations. Cette volution de lenseignement scolaire, souvent dsigne par le terme de massification , a permis lcole de remporter dindniables succs au cours des dernires dcennies, ainsi quen tmoigne la progression remarquable du niveau de formation de la population franaise. Si lon compare, par exemple, la tranche dge des 55-64 ans celle des 25-34 ans, les niveaux de diplme atteints sont respectivement de 11% et 24% pour lenseignement suprieur long1, et de 5% et 18% pour lenseignement suprieur court. De mme, ldition 2009 de Regards sur lducation publie par lOCDE montre que, de faon gnrale, la France a atteint un niveau dducation analogue ceux qui sont constats dans les pays comparables : 69% des Franais gs de 25 1) Les niveaux denseignement sont dfinis au sein de lOCDE selon la classification internationale type de lducation (CITE) de 1997. Les formations suprieures courtes (CITE 5B) sont dune dure de deux ans au minimum et dbouchent sur une entre directe sur le march du travail (BTS, DUT,). Les formations suprieures longues (CITE 5A) ont une dure de trois ans an minimum (licence, master, doctorat).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

2

COUR DES COMPTES

64 ans ont un niveau de formation gal ou suprieur au deuxime cycle de lenseignement secondaire, contre 70% en moyenne dans lOCDE et 71% dans lUnion europenne. Ces rsultats favorables ne sauraient toutefois masquer un chec persistant du systme scolaire conduire la russite tous les lves qui lui sont confis. Alors que, selon les objectifs fixs par la loi, lenseignement scolaire vise donner tous les lves un socle commun de connaissances et de comptences lissue de la scolarit obligatoire, leur assurer une qualification reconnue , et contribuer lgalit des chances2, aucun de ces objectifs nest atteint aujourdhui. Une proportion considrable dlves - de lordre de 20% - ne matrise pas les comptences de base en lecture au terme de la scolarit obligatoire. De nombreux jeunes quittent le systme scolaire sans diplme : en 2007, 18% des jeunes gs de 20 24 ans navaient ni baccalaurat, ni brevet dtudes professionnelles, ni certificat daptitude professionnelle. Enfin, de fortes ingalits sociales subsistent dans le systme ducatif : 18% des lves issus dun milieu social dfavoris obtiennent un baccalaurat gnral contre 78% pour les lves de familles favorises. Les ingalits sociales face la russite scolaireUne tude de lINSEE3 souligne le dterminisme trs fort des volutions des lves entre le cours prparatoire (CP) et la sixime, selon leur milieu dorigine : Quand leur niveau de comptences lentre au CP les situe parmi les 10% dcoliers les plus faibles, 27% des enfants de cadres ou de professions intermdiaires, mais seulement 7% des enfants douvriers atteignent aux valuations nationales de sixime la mdiane en franais, cest--dire figurent parmi la moiti des lves qui russit le mieux. Rciproquement, les lves de milieux dfavoriss sont plus exposs au risque dune rgression de leurs performances scolaires. Ainsi, quand ils faisaient partie des 10% dlves aux comptences les plus assures, 18% des lves de familles ouvrires natteignent pas la mdiane aux valuations nationales de franais de sixime, contre seulement 3% des enfants de familles de cadres ou de professions intermdiaires .

Le Haut conseil de lvaluation de lcole (Hc) a pu parler des annes 1985-1995 comme des Dix Glorieuses pour le systme scolaire, car le taux daccs dune gnration au niveau du baccalaurat a

2) Articles L111 et L122 du code de lducation. 3) INSEE - France, portrait social - Les ingalits de russite lcole lmentaire 2006

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

INTRODUCTION

3

doubl pendant cette dcennie, en passant de 35,0% 71,2% : depuis lors, toutefois, les indicateurs stagnent, et parfois mme rgressent. Face ces rsultats, le regard collectif port sur lcole a volu dans le sens dun moindre optimisme vis--vis dune institution qui, si elle a su relever le dfi de la massification , nest pas parvenue surmonter celui de la dmocratisation. Cette perception est, au demeurant, partage par les acteurs du systme scolaire, dont au premier chef les enseignants qui, malgr leur investissement dans leur mtier, se sentent trop souvent dmunis pour lutter efficacement contre les difficults qui entravent le parcours scolaire de leur lves. Cest le processus scolaire lui-mme qui, de ce fait, est mis en cause du point de vue de son impact sur lgalit des chances : les lves des milieux sociaux les plus dfavoriss sont beaucoup moins nombreux suivre des cursus scolaires sans redoublement, intgrer les filires denseignement gnral, ou obtenir des diplmes. Dautres ingalits de russite, selon le sexe et les territoires notamment, demeurent galement importantes. Enfin, les enqutes menes par lOCDE montrent que les lves franais sont parmi ceux qui expriment le plus danxit vis--vis de linstitution scolaire et prouvent le moins dattachement lgard de leur tablissement. En dautres termes, si, depuis de nombreuses annes, la lutte pour la russite de tous les lves constitue un impratif affirm par les rformes des ministres successifs de lducation nationale, elle nest pas parvenue prendre corps dans la ralit de lenseignement scolaire. Lensemble de ces lments a conduit la Cour sinterroger sur la pertinence actuelle de lorganisation du systme scolaire public, qui natteint pas les objectifs que lui fixe la loi, qui ne compense pas de faon suffisamment efficace les consquences des ingalits sociales et culturelles, et qui engendre trop frquemment un sentiment dinsatisfaction chez ceux qui y tudient et y travaillent. Certes, plusieurs facteurs de la russite et de lchec des lves chappent dans une large mesure linstitution scolaire : origine socioprofessionnelle des familles, rle ducatif des parents, environnement gographique, social et culturel, ou encore problmes individuels de toute nature qui peuvent affecter les lves. Dautres facteurs, en revanche, dpendent directement des politiques ducatives. Le ministre de lducation nationale dispose de leviers daction essentiels : il rpartit les moyens denseignement entre acadmies et tablissements ; il recrute les enseignants, organise leur formation et fixe leurs missions et leurs services ; il affecte les lves dans les tablissements et les oriente dans les diffrentes filires ; il

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

4

COUR DES COMPTES

dfinit les rythmes scolaires et les modalits de prise en charge des lves en difficult. Ce sont l autant de domaines dans lesquels les dcisions administratives psent, de manire parfois dcisive, sur lavenir des enfants et des adolescents. Dautres dcisions, relevant des tablissements denseignement, peuvent tre tout aussi essentielles pour la russite ou lchec des lves : il en va ainsi de la composition des classes, de la dsignation des enseignants qui leur sont affects, ou de llaboration des emplois du temps.

La dmarche de la CourLe dernier rapport public de la Cour consacr lenseignement scolaire a t publi en avril 2003 sous le titre La gestion du systme ducatif. Lapproche alors retenue tait dapprcier, dun point de vue national, comment le ministre de lducation nationale assumait ses responsabilits en matire de gestion, notamment en ce qui concerne les procdures de prparation de la rentre scolaire, daffectation des enseignants, et dorganisation des formations lchelle du territoire. Le prsent rapport a une autre vise, puisquil entend apprcier si le systme ducatif, dans le champ de lenseignement scolaire public allant de la maternelle au baccalaurat, est bien conu et organis en fonction des lves , ainsi que laffirme le premier article de loi du code de lducation, et sil est de nature favoriser la russite scolaire de chaque lve, quelle que soit son origine sociale, culturelle, ou gographique. La mthode utilise par la Cour sest dlibrment fonde, depuis le dbut de ses travaux mens sur trois annes, sur des observations recueillies sur le terrain, au sein des tablissements denseignement et dans les services dconcentrs du ministre. Les enqutes ont t conduites principalement dans six acadmies (Paris, Aix-Marseille, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montpellier, et Orlans-Tours) et auprs dune cinquantaine dcoles, de collges et de lyces4. La Cour a galement analys sur place le fonctionnement de trois systmes ducatifs trangers - lEspagne, le Royaume-Uni, la Suisse -, afin dtablir des lments de comparaison fonds sur des observations concrtes. Plusieurs thmes ont t examins au cours de ces enqutes, notamment la mesure de l'efficacit des tablissements scolaires par le ministre de l'ducation nationale, la mesure des cots de l'enseignement scolaire, le parcours des lves au sein des coles et des tablissements publics locaux denseignement, les obligations de service des4) Voir lannexe relative aux personnes rencontres et auditionnes.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

INTRODUCTION

5

enseignants, les affectations des enseignants du premier et du second degrs, ou encore le rle des inspections du ministre de lducation nationale. Au terme de ses investigations, et compte tenu de la nature du sujet, la Cour a dcid, par-del les modes habituels de contradiction mens avec les responsables du ministre de lducation nationale, Paris et dans les acadmies, de confronter ses principales observations et propositions, dune part des experts dans le domaine de lducation, et dautre part tous les acteurs de lenseignement scolaire. Elle a ainsi auditionn des enseignants, des chefs dtablissements, des inspecteurs dacadmie responsables de services dpartementaux, des inspecteurs pdagogiques, des recteurs, des responsables de ladministration centrale du ministre, des reprsentants de syndicats des personnels de lducation nationale et dassociations de parents dlves.

Le primtre de lenquteLenqute de la Cour a port sur lenseignement scolaire public plac sous la tutelle du ministre de lducation nationale. Ce champ couvre 80,5% de la population scolarise - soit environ 10 millions dlves sur 12,4 millions , affects dans quelque 50.000 coles primaires, 5.300 collges et 2.600 lyces. Il ne comprend pas lenseignement scolaire public relevant dautres ministres (2,3% des lves)5, ni lenseignement scolaire priv sous tutelle du ministre de lducation nationale ou du ministre de lagriculture (17,2% des lves). Lenseignement privUn lve sur cinq frquente un tablissement scolaire priv. Cette proportion, qui reste stable au fil des annes, varie fortement dune acadmie lautre (5% en Corse, contre 40% en Bretagne et dans les Pays-de-Loire). Il existe de nombreux allers-retours dlves entre enseignements public et priv, ce qui rend le recours lenseignement priv plus frquent que ne le laissent penser les effectifs constats chaque anne : prs de 40 % des lves passent au moins une anne dans lenseignement priv entre le CM2 et la fin de leurs tudes secondaires. La loi Debr du 31 dcembre 1959 dfinit trois types d'tablissements d'enseignement priv : les tablissements hors contrat, les tablissements sous contrat simple dont les enseignants, salaris de droit priv, sont rmunrs par lEtat, et les tablissements sous contrat dassociation, dont les enseignants, contractuels de droit public, sont galement rmunrs par lEtat, tout en tant5) Dont principalement lenseignement agricole, ainsi que les lyces franais ltranger.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

6

COUR DES COMPTES

recruts par des concours distincts. Le contrat dassociation entrane la prise en charge par lEtat du financement de certaines charges de fonctionnement dans le cadre du forfait dexternat. Dans le premier degr priv, on compte, en 2008-2009, 5.377 coles et 37.336 classes, et, dans le second degr, 3.494 tablissements et 47.536 classes. 95% des tablissements relvent de lenseignement catholique. En janvier 2009, 141.700 enseignants taient rmunrs au sein des tablissements privs sous contrat. Laide de lEtat lenseignement priv sous contrat reprsente, en 2010, 7,04 milliards deuros, qui sont inscrits au programme 139 enseignement priv des premier et second degrs . Ce montant reprsente 11,6% des crdits de la mission interministrielle enseignement scolaire .

Il convient de souligner la trs grande faiblesse actuelle des donnes et des tudes conduites par le ministre de lducation nationale sur le secteur de lenseignement priv. En effet, dans ses projets et rapports annuels de performance, le ministre de lducation nationale a retenu, pour lenseignement priv sous contrat, un ensemble dindicateurs qui sont le dcalque de ceux utiliss pour lenseignement public, au motif que les objectifs et programmes denseignement sont les mmes dans les deux secteurs denseignement. Un tel choix aurait d permettre la mise en uvre dvaluations comparatives. Pourtant, ce nest que depuis 2008 que les indicateurs de lenseignement priv sont renseigns un niveau comparable celui de lenseignement public. En outre, les tudes disponibles au sein du ministre sur lenseignement priv sont en nombre trs limit, ne sont pas actualises6 et nont pas t compltes par des travaux spcifiques des inspections gnrales. Lorsquelles existent, ces tudes ne permettent pas de comparer de faon pertinente les performances des enseignements priv et public. En effet, elles portent sur les comptences et les rsultats des lves un moment prcis de leur parcours, mais ne donnent aucune information sur le niveau initial des lves, ni sur leur progression au cours du cursus scolaire, alors mme que les tablissements privs peuvent slectionner leurs lves. Une telle lacune - qui interdit toute comparaison - doit tre imprativement corrige. Il appartient au ministre de lducation de mettre en place un systme dvaluation rgulire des modalits dorganisation et des rsultats de lenseignement priv sous contrat. Pour6) Cf. par exemple le numro 69 de la revue Education et formations de juillet 2004 Public-Priv : quelles diffrences ?

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

INTRODUCTION

7

lheure, et compte tenu de cette absence dinformation, il convient souligner que le prsent rapport, centr sur lorganisation lenseignement scolaire public qui scolarise plus de 80% des lves, porte aucune apprciation sur lenseignement scolaire priv, puisque dernier na pas t contrl.

de de ne ce

La Cour prcise galement que ce rapport, qui examine lorganisation du systme scolaire en matire de parcours des lves et de service des enseignants, ne peut prtendre lexhaustivit. Dautres thmes, non traits ici mais tout aussi cruciaux, seront au cur de ses prochaines investigations : il en va ainsi de la formation des enseignants, ou encore de lencadrement territorial de lducation nationale. En outre, la dmarche de cette enqute se fonde uniquement sur lanalyse de lorganisation du systme scolaire, value tant du point de vue de son efficacit - cest--dire sa capacit atteindre les objectifs assigns par la Nation - que de son efficience - c'est--dire son aptitude le faire en matrisant ses cots, la Cour nayant aucune comptence en matire de pdagogie et de didactique. Il convient enfin de souligner que les critres dapprciation de la russite de lenseignement scolaire sont multiples. Le rapport de la commission du Dbat sur lavenir de lcole, conduit de novembre 2003 janvier 2004, rpondait ainsi la question Que faut-il entendre par russite de tous les lves ? : La russite dune cole tient dabord ce quelle arme tous les lves et les futurs citoyens de connaissances, de comptences et de rgles de comportement juges aujourdhui indispensables une vie sociale et personnelle russie. () La russite de lcole sapprcie galement en termes ducatifs, psychologiques et moraux. Les critres de la russite proprement ducative sont la fois individuels et collectifs. Au plan individuel, lcole doit aider les lves grandir, devenir des adultes, des personnes autonomes et responsables, cultiver le respect de soi et celui des autres, dvelopper la confiance en soi et dans les autres. Au plan collectif, il importe que les lves apprennent reconnatre lminence des valeurs partages, notamment de la lacit, et la ncessit des rgles et des usages communs, afin de faire de lcole le lieu dintgration de toute une gnration, et o la mixit sociale, ethnique et culturelle demeure possible . Cette numration de critres montre que lapprciation de la russite de lcole ne saurait se rduire une seule approche.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

8

COUR DES COMPTES

Le prsent rapport comporte quatre parties qui examinent successivement : les rsultats et les cots de lenseignement scolaire ; la gestion budgtaire de lenseignement scolaire ; les procdures daffectation et la gestion du service des enseignants ; llve dans lorganisation de lenseignement scolaire.

Il sachve par une conclusion qui rsume le diagnostic de la Cour et formule des recommandations. A ce titre, les auditions quelle a tenues lui ont permis de constater que ses constats sont largement partags par les acteurs, les responsables et les experts de lenseignement scolaire, mais restent en revanche insuffisamment connus de lopinion publique. Au regard de lurgence des modifications apporter lorganisation de lenseignement scolaire, la Cour sest galement assure, auprs de ses interlocuteurs, que ses recommandations taient susceptibles denclencher un processus favorable dvolution.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

9

I - Les rsultats et les cots de lenseignement scolaireA - Les objectifs fixs lenseignement scolaireLe premier article de loi du code de lducation dfinit les principaux objectifs de lenseignement scolaire sans les hirarchiser : contribution lgalit des chances , transmission des connaissances , partage des valeurs rpublicaines , matrise de la langue franaise , insertion sociale et professionnelle , exercice de la citoyennet , etc.Article L111-1 du code de lducation L'ducation est la premire priorit nationale. Le service public de l'ducation est conu et organis en fonction des lves et des tudiants. Il contribue l'galit des chances. Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission premire l'cole de faire partager aux lves les valeurs de la Rpublique. L'cole garantit tous les lves l'apprentissage et la matrise de la langue franaise.() Le droit l'ducation est garanti chacun afin de lui permettre de dvelopper sa personnalit, d'lever son niveau de formation initiale et continue, de s'insrer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyennet.() L'acquisition d'une culture gnrale et d'une qualification reconnue est assure tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou gographique.

De nombreux autres objectifs sont fixs par le code de lducation ou par des textes non codifis, que ce soit en termes trs gnraux 7 ou en sens inverse extrmement prcis, par exemple dans le cadre des programmes nationaux denseignement8.

7) Les lois de finances annuelles retiennent par exemple, pour lenseignement scolaire, lobjectif de favoriser la poursuite dtudes ou linsertion professionnelle des jeunes lissue de leur scolarit secondaire . 8) Larrt du 24 juillet 2007 sur le programme denseignement des langues anciennes fixe ainsi pour lenseignement du latin lobjectif de donner un bagage de 1.600 1.800 mots aux lves de terminale.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

10

COUR DES COMPTES

Des objectifs majeurs peuvent tre vagues : ainsi lobjectif de lgalit des chances est mentionn par le code de lducation sans tre dfini9. De mme, lobjectif essentiel de russite de tous les lves est dpourvu de base juridique : le texte aux termes duquel la Nation fixe au systme ducatif l'objectif de garantir que 100 % des lves aient acquis au terme de leur formation scolaire un diplme ou une qualification reconnue, d'assurer que 80 % d'une classe d'ge accdent au niveau du baccalaurat, de conduire 50 % de l'ensemble d'une classe d'ge un diplme de l'enseignement suprieur , qui devait initialement tre inscrit dans la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'Ecole, a d en tre retir la suite dun vice de procdure 10, et ne figure donc pas dans le code de lducation. Un autre objectif majeur, relatif aux connaissances et comptences que llve doit acqurir au terme de la scolarit obligatoire, est bien inscrit, en revanche, dans le code de lducation (article L122-1-1). Pour autant, la dlimitation de cet objectif est imprcise : le code de lducation dfinit linstruction obligatoire par lge des lves (de 6 16 ans), alors que les textes sur le socle commun visent de fait tous les lves leur sortie du collge, indpendamment de leur ge.Article L122-1-1 du code de lducation La scolarit obligatoire doit au moins garantir chaque lve lacquisition dun socle commun , constitu dun ensemble de connaissances et de comptences quil est indispensable de matriser pour accomplir avec succs sa scolarit, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel, et russir sa vie en socit. Ce socle comprend : la matrise de la langue franaise ; la matrise des principaux lments de mathmatiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyennet ; la pratique d'au moins une langue vivante trangre ; la matrise des techniques usuelles de l'information et de la communication . () Paralllement l'acquisition du socle commun, d'autres enseignements sont dispenss au cours de la scolarit obligatoire . Les comptences du socle commun ont t dfinies par dcret (article D122 du code de lducation) : 1) la matrise de la langue franaise ; 2) la pratique d'une langue vivante trangre ; 3) les principaux lments de9) Selon une dfinition retenue par lUnion europenne, un systme est quitable si les rsultats de l'ducation et de la formation sont indpendants du milieu socioconomique et d'autres facteurs conduisant un handicap ducatif et que le traitement reflte les besoins spcifiques des individus en matire d'apprentissage . 10) Ces objectifs figuraient dans une annexe au projet de loi, qui na finalement pas t maintenue, la suite dune dcision du Conseil constitutionnel qui avait relev labsence de consultation du Conseil conomique et social.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

11

mathmatiques et la culture scientifique et technologique ; 4) la matrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ; 5) la culture humaniste ; 6) les comptences sociales et civiques ; 7) l'autonomie et l'esprit d'initiative .

En dfinitive, la multiplicit des finalits assignes lenseignement scolaire traduit lampleur des attentes et des demandes qui lui sont adresses. Mais leur dispersion dans de nombreux textes de porte juridique ingale, la formulation imprcise des objectifs essentiels et labsence de hirarchisation conduisent obscurcir le dbat sur lefficacit du systme scolaire. En se fondant sur le code de lducation, certains mettent en avant lobjectif de transmission des connaissances ; dautres insistent sur celui des comptences ncessaires pour la vie en socit ; dautres encore assignent le premier rang lobjectif dgalit des chances ; certains, en sappuyant sur les engagements europens de la France11, mettent laccent sur le rle central de lducation dans la croissance et la comptitivit conomique du pays, en privilgiant les objectifs de taux de diplms de lenseignement suprieur ou dinsertion professionnelle ; dautres enfin pondrent ces diffrents critres selon des proportions variables. Par ailleurs, aux cts des objectifs explicites fixs dans des textes, des objectifs implicites, parfois difficilement compatibles, imprgnent fortement lorganisation scolaire. Le systme ducatif franais est ainsi travers de contradictions, dont celle, fondamentale, entre une vision mritocratique de lcole, conduisant une slection des meilleurs lves, et une vision plus globale, oriente vers la russite de lensemble des lves. Cette situation cre des tensions non rsolues dans la gestion du systme scolaire qui oscille entre le dveloppement de filires ou de dispositifs spcifiques et le maintien dune organisation fonde principalement sur la transmission de connaissances un ensemble indiffrenci dlves. Dans ce contexte, le socle commun de connaissances et de comptences, dfini par la loi du 23 avril 2005, peine merger dans un systme qui reste largement structur par des enseignements disciplinaires cloisonns. De mme, toutes les consquences nont pas t tires de lobjectif de russite de tous les lves pour la dfinition des missions des enseignants ou de lorganisation de leur service. Ds lors, larticle L111-1 du code de11) Les chefs dEtat et de gouvernement de lUnion europenne, runis Lisbonne en 2000, ont dclar vouloir faire de lEurope l'conomie de la connaissance la plus comptitive et la plus dynamique du monde , et ont assign en ce sens lducation des objectifs prcis de production de qualifications et de diplmes. Toutefois, ces objectifs nont pas t repris dans les textes nationaux : ils restent en ce sens implicites, alors mme quils orientent dsormais fortement la politique ducative.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

12

COUR DES COMPTES

lducation, qui prcise la suite de la loi dorientation sur lducation de 1989 que le service public de l'ducation est conu et organis en fonction des lves , nest pas encore mis en uvre de faon systmatique, alors que plus de vingt ans se sont couls depuis sa rdaction. Lors de lenqute mene par la Cour, de nombreux responsables de lducation nationale ont reconnu que la russite de tous les lves, certes souhaite par tous, ntait pas encore devenue un objectif vritablement partag : elle ne sest pas traduite par une organisation adapte la ncessit, dsormais clairement reconnue, de conduire chacun un diplme ou une qualification.

B - Les indicateurs de rsultatsLa Cour a examin les rsultats de lenseignement scolaire dans trois champs : la matrise du socle commun de connaissances et de comptences au terme de la scolarit obligatoire, les proportions dlves diplms ou sortant du systme scolaire sans diplme ni qualification, et la capacit de conduire les lves dorigine sociale dfavorise dans les voies de la russite scolaire. Comme indiqu en introduction, les indicateurs disponibles mesurant les rsultats de lcole dans ces domaines essentiels peuvent couvrir lensemble du service public de lducation sans distinguer, selon les cas, entre lenseignement public et lenseignement priv, ou bien entre les diffrents ministres de tutelle (ducation nationale ou agriculture).

1 - La matrise des connaissances et des comptences de basePlusieurs dispositifs, nationaux ou internationaux, valuent les connaissances et les comptences des lves. Ils diffrent selon les populations testes (un chantillon ou lensemble des lves), les mthodologies utilises (questions choix multiples ou ouvertes, corrections effectues par les enseignants ou par des tiers) et les objectifs viss (valuations destines aux professeurs pour adapter lenseignement au niveau des lves, ou aux autorits nationales et acadmiques pour conduire leurs politiques). Les rsultats de lenqute internationale PISA12 de lOCDE sur les comptences des lves de quinze ans en lecture, mathmatiques et sciences sont souvent utiliss, car ils permettent des comparaisons entre pays et dans le temps. Par ailleurs, dans le cadre du budget de lEtat, les12) Programme international pour le suivi des acquis des lves (PISA).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

13

rapports annuels de performances de la mission interministrielle de lenseignement scolaire , dcoulant de la mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), contiennent des donnes sur la matrise du socle commun de connaissances et de comptences par les lves de CM2 et de 3me. Les tests passs par tous les Franais de dixsept ans lors de la journe dappel de prparation la dfense (JAPD) constituent une autre source dvaluation des acquis scolaires fondamentaux. Bien que diverses dans leurs modalits, ces enqutes livrent des rsultats convergents. Ainsi, elles montrent toutes quau terme de linstruction obligatoire, la proportion dlves prouvant des difficults srieuses en lecture est de lordre de 21 % : - 21,5 % des lves de 3me ne matrisent pas les comptences de base en franais, selon un indicateur prsent pour 2008 dans le cadre des lois de finances13 ; - 21,7 % des lves de 15 ans ont dimportantes difficults de lecture, selon lenqute internationale PISA mene par lOCDE en 200614 ; - 21,3% des jeunes de 17 ans sont des lecteurs mdiocres ou des lecteurs difficults svres , selon le test de 2007 de la journe dappel de prparation la dfense (JAPD). Ces enqutes montrent galement des volutions analogues pour la part de mauvais ou trs mauvais lecteurs : mesure par les tests PISA de lOCDE, elle est passe de 15% en 2000 21,7% en 2006 ; mesure par le test de la JAPD, elle est passe de 20,5% en 2005 21,3% en 2007.

a) La matrise du socle commun de connaissances et de comptencesEn 2007, le ministre de lducation nationale a mis en place des indicateurs destins mesurer la proportion dlves matrisant les comptences de base en franais et en mathmatiques. Renseigns annuellement dans le cadre de la loi de finances, ces indicateurs exploitent les rsultats dune valuation mene sur un chantillon reprsentatif dlves de CM2 et de 3me. Les comptences sont values partir de tests bass sur des questions choix multiples (QCM) : de ce fait, en franais, les comptences lies lexpression crite ou orale ne13) Cet indicateur 1.5 du programme n141 enseignement scolaire public du second degr de la mission interministrielle de lenseignement scolaire (MIES) porte sur un chantillon dlves des collges publics. 14) Les indicateurs PISA portent sur un chantillon dlves de lenseignement scolaire public et priv.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

14

COUR DES COMPTES

sont pas prises en compte ; de mme, en mathmatiques, la construction de figures gomtriques ou la production de dmonstrations ont t cartes. Cette valuation montre que le pourcentage dlves de CM2 de lenseignement public ne matrisant pas les comptences de base slevait en 2007 14,8% pour le franais et 10,7% pour les mathmatiques, et, en 2008, respectivement 12,6% et 9,6%. Le mme indicateur, calcul pour les lves de 3me, aboutissait en 2007 des pourcentages de 22,1% en franais et 11,6% en mathmatiques, puis en 2008 respectivement 21,5% et 11,6%. Sil est difficile dinterprter les variations annuelles en raison de la marge dincertitude de lindicateur, en revanche lampleur de la hausse du pourcentage dlves en difficult constate entre le CM2 et la 3me ne laisse pas de place au doute. Il convient de prciser quen 2009 un autre indicateur, visant mesurer lensemble des sept comptences du socle commun acquises par les lves de CM2 et de 3me, a t mis en place. Toutefois, les rsultats, publis pour la premire fois dans le projet de loi de finances pour 2010, ne sont pas fiables en raison du taux lev de rponses incompltes, de la faible qualit des donnes recueillies, et de diverses approximations mthodologiques15. Par ailleurs, en 2009 galement, lensemble des lves de CE1 et de CM2 - et non seulement un chantillon - ont pass des tests visant mesurer lacquisition des connaissances et comptences du socle commun : le bilan de ces valuations ntait pas encore disponible au moment de la rdaction du prsent rapport. Le ministre dispose galement dautres indicateurs tels que ceux fournis par lenqute Lire, crire, compter mene tous les dix ans sur un chantillon dlves en fin de CM2 dans 150 coles publiques. Les rsultats montrent un creusement de lcart entre les lves obtenant de bons rsultats et ceux obtenant de moins bons rsultats.

b) La matrise des programmes nationaux denseignementDes valuations-bilans ont t mises en place par le ministre de lducation nationale compter de la fin des annes 197016. Relances en 2003 et ralises sur un chantillon national de quelques milliers dlves en CM2 et en 3me, dans lenseignement public et priv sous contrat, elles visent mesurer lacquisition des connaissances dfinies par

15) Ainsi, lindicateur est renseign, selon les comptences, par les rsultats dun chantillon dlves ou bien par les remontes des rsultats au brevet. Par ailleurs, les annes scolaires de rfrence ne sont pas homognes. 16) En 1979 dans les coles, en 1980 dans les collges, et en 1984 dans les lyces.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

15

les programmes nationaux denseignement. Elles couvrent un cycle de six matires, au rythme dune discipline value chaque anne17. Ces valuations montrent quune proportion considrable dlves ne matrisent pas les connaissances des programmes denseignement. Les rsultats de ces valuations rvlent une proportion considrable dlves ne matrisant pas les connaissances des programmes denseignement. Ainsi, il ressort de lvaluation de 2006 en histoire, gographie et ducation civique que les trois-quarts des lves (72 % en fin dcole, 75 % en fin de collge) ne matrisent pas les acquis attendus du programme18. Pour les mathmatiques, qui ont fait lobjet dune valuation en 2008, la proportion est de 72% en fin dcole primaire comme en fin de collge19. La direction de lvaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministre de lducation nationale estime toutefois que, sagissant des coliers, 31% des lves peuvent tre considrs comme ayant dvelopp les concepts de mathmatiques leur permettant de suivre une scolarit sans difficults majeures, de sorte que, compte tenu de la part des lves dont lvaluation montre quils matrisent les acquis attendus du programme (28%), ce ne seraient plus que 41% des lves de CM2 qui, en mathmatiques, nauraient pas le niveau requis. Selon la DEPP, ces pourcentages levs ne surprendraient pas outre mesure les enseignants, ceux-ci considrant le programme davantage comme une rfrence idale que comme un ensemble de connaissances obligatoires pour tous les lves.

c) La mesure des comptences des lves de quinze ans par les tests PISALes tests internationaux PISA de lOCDE, mens pour la premire fois en 2000, visent mesurer les comptences acquises par les lves de quinze ans. Les trois enqutes PISA ralises en 2000, 2003 et 2006 ont port, titre principal, respectivement sur la lecture, les mathmatiques, et les sciences. En 2006, cette enqute a t ralise dans 56 pays, dont les 30 Etats membres de lOCDE. Un nouveau cycle dvaluation a t lanc en 2009 : son terme, en 2015, les Etats disposeront dlments de comparaison dans le temps dans chacun des trois domaines tudis (lecture, mathmatiques et sciences).

17) Le cycle est le suivant : 2003 pour la lecture ; 2004 pour les langues vivantes ; 2005 pour la vie en socit et les attitudes des lves ; 2006 pour lhistoire, la gographie, et lducation civique ; 2007 pour les sciences exprimentales ; 2008 pour les mathmatiques ; 2009 pour la reprise du cycle dvaluation avec la lecture. 18) Repres et rfrences statistiques (RERS) 2007, DEPP, pages 266-269. 19) Repres et rfrences statistiques (RERS) 2009, DEPP, pages 270-273.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

16

COUR DES COMPTES

La dmarche de PISA cherche valuer les comptences considres comme indispensables 15 ans pour pouvoir vivre dans des socits dmocratiques et conomie de march 20, et non vrifier le degr relatif datteinte des objectifs affichs par les programmes scolaires des pays qui y participent . Les valuations PISA, fondes sur la mesure des comptences, sont donc complmentaires des valuations-bilans nationales mentionnes ci-dessus, qui cherchent dabord valuer les connaissances des lves par rapport aux objectifs dtermins par les programmes denseignement. Elles sont menes en France sur un chantillon dlves de lenseignement public et priv sous contrat, sans distinction entre les deux secteurs21. Comme pour toute comparaison internationale, les rsultats de PISA doivent tre interprts avec prudence. Ils nont pas pour objet dtablir des classements entre pays, mais de donner, conjointement avec dautres lments danalyse, des informations pertinentes sur ltat des systmes ducatifs : les enqutes PISA sont rvlatrices de lorganisation des enseignements, et ne doivent pas tre htivement rduites un ventuel palmars entre des systmes aux histoires scolaires diffrentes, et qui ne peuvent de ce fait tre compars sans prcautions. Les comparaisons internationales nont pas vocation rendre compte elles seules de lensemble des particularits, non seulement des systmes ducatifs, mais galement des systmes sociaux auxquels ils sont confronts. En revanche, les informations recueillies par PISA permettent danalyser les facteurs de contexte associs aux rsultats de chaque pays, les diffrentes variables lies llve, son milieu familial, son tablissement, mais galement aux choix de politique ducative. Ainsi, pour lpreuve de comprhension de texte, les lves franais de quinze ans ont obtenu en 2000 des rsultats se situant dans la moyenne des pays de lOCDE. Mais ces lves se rpartissaient en deux ples trs contrasts : ceux qui taient au lyce, parce quils navaient encore jamais redoubl, avaient des rsultats qui les plaaient au-dessus du niveau moyen des pays les plus performants ; en revanche, ceux qui taient toujours au collge, parce quils avaient redoubl au moins une fois, se situaient au niveau des pays les moins bien classs. Ces diffrences amnent sinterroger sur la signification de la moyenne globale franaise, tant lcart entre ces sous-groupes dlves est important , et constater que les diffrences selon le retard scolaire sont amplifies,20) Rapport remis au Haut conseil pour lvaluation de lcole - mai 2005. 21) En France, le champ de lenqute PISA porte sur tous les lves de 15 ans scolariss dans les tablissements publics et privs, sous tutelle de lducation nationale ou de lagriculture. Lchantillon de PISA 2006 a t constitu par 4.700 lves rpartis en 187 tablissements.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

17

puisque les lves de 3me, par exemple, nont pas bnfici du programme de la 2nde gnrale et technologique 22. Les tests PISA rvlent en outre certaines caractristiques des conceptions nationales de lenseignement, comme le montre lexemple de la lecture, dvelopp ci-aprs.PISA et lenseignement de la lecture en France La France se positionne au-dessus de la moyenne internationale pour les comptences sinformer (qui renvoie la capacit des lves prlever des informations dans un texte ) et interprter (qui apprcie leur capacit dgager du sens et tablir des infrences partir de l'crit ). En revanche, les lves franais obtiennent un score infrieur la moyenne pour la comptence ragir (qui mesure leur capacit mettre le texte en relation avec leurs connaissances, leurs ides et leurs expriences ). La France obtient en fait des rsultats satisfaisants pour les deux comptences qui sont le plus travailles dans lenseignement de la lecture et qui sont traditionnellement soumises aux valuations nationales. En revanche, la comptence ragir est peu prsente dans les pratiques franaises, la diffrence de nombre de pays anglo-saxons. Une autre particularit rvle par les enqutes PISA est que les lves franais sont rticents prendre le risque dune rponse fausse et prfrent donc parfois ne pas rpondre, la diffrence des lves dautres pays. Les chercheurs expliquent ce comportement par la crainte des lves franais que leurs erreurs appellent une sanction, ce qui constituerait une caractristique de notre systme scolaire.

Au total, les comparaisons internationales effectues par lOCDE font apparatre une efficacit moyenne de lenseignement scolaire franais. Quil sagisse de la comprhension de lcrit, des mathmatiques ou des sciences, la France se situait en 2006 juste au-dessous de la moyenne de lOCDE. Ainsi, sur les 30 pays figurant sur le tableau ciaprs, la France figure au 17me rang pour la comprhension de lcrit et les mathmatiques et au 19me rang pour les sciences.

22) O. Cosnefroy - T. Rocher - Le redoublement au cours de la scolarit obligatoire : nouvelles analyses, mmes constats . Education et formations, n166 mai 2005.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

18

COUR DES COMPTES

Score moyen en comprhension de lcrit, mathmatiques et sciencesmathmatiques Finlande 548 Core 547 Pays-Bas 531 Suisse 530 Canada 527 Japon 523 Nouvelle-Zlande 522 Australie 520 Belgique 520 Danemark 513 Rp. tchque 510 Islande 506 Autriche 505 Allemagne 504 Sude 502 Irlande 501 Moyenne OCDE 498 France 496 Pologne 495 Royaume-Uni 495 Rp. slovaque 492 Hongrie 491 Luxembourg 490 Norvge 490 Espagne 480 Etats-Unis 474 Portugal 466 Italie 462 Grce 459 Turquie 424 Mexique 406 Source : PISA 2006 Comprhension de lcrit 547 556 507 499 527 498 521 513 501 494 483 484 490 495 507 517 492 488 508 495 466 482 479 484 461 472 469 460 447 410 sciences 563 522 525 512 534 531 530 527 510 496 513 491 511 516 503 508 500 495 498 515 488 504 486 487 488 489 474 475 473 424 410

De faon gnrale, la pratique du redoublement en France constitue un des facteurs explicatifs de ce rsultat moyen, car les enqutes PISA se situent par rapport un ge (15 ans), et non par rapport un niveau (la 3me ou la 2nde, par exemple). Lors de lenqute PISA 2003, prs de 40 % des lves franais gs de 15 ans avaient ainsi dj redoubl une fois ou plus au cours de leur scolarit : les lves franais qui navaient aucun retard dans leur scolarit obtenaient en fait dexcellents rsultats, suprieurs aux performances moyennes des pays placs en tte (Finlande, Core du Sud, Pays-Bas, Japon) ; linverse, les lves ayant un an de retard se situaient juste devant les rsultats moyens de la Grce, et les lves ayant deux ans de retard taient au niveau moyen du Mexique, pays qui obtenait les moins bons rsultats.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

19

Scores en mathmatiques - PISA 2003Elves franais lheure (en 2nde gnrale et technologique) Finlande Core du Sud Pays-Bas Japon Canada Belgique Australie Rpublique Tchque Islande Danemark Moyenne des lves franais (15 ans) Sude Royaume-Uni Autriche Allemagne Irlande Moyenne OCDE Norvge Pologne Hongrie Elves franais lheure (en 2nde professionnelle) Espagne tats-Unis Portugal Italie Elves franais en retard dun an (3me) Grce Turquie Elves franais en retard de deux ans (4me) Mexique Source : Education et Formation n 78 novembre 2008 564 544 542 538 534 532 529 524 516 515 514 511 509 508 506 503 503 500 495 490 490 486 485 483 466 466 454 445 423 401 385

Ce tableau met en lumire lcart entre deux fractions opposes de la population scolaire : dans lenqute PISA 2003, environ 60% des lves de 15 ans se situaient dans les meilleurs rangs de lOCDE, et 40% dans les plus mauvais. Cest en effet lcart entre les rsultats extrmes des lves - plus que la situation moyenne de notre pays - qui caractrise le systme scolaire franais en fin de scolarit obligatoire : ainsi, en 2006, lcart interdcile23, reprsentatif de la diffrence entre lves forts et faibles, tait, par rapport la moyenne des pays de lOCDE, suprieur de 15 points en France pour la comprhension de lcrit, de 12 points pour les mathmatiques et de 17 points pour la culture scientifique.23

Cet cart mesure, sur un chantillon, la diffrence entre les rsultats obtenus par le premier dcile (10%) et par le neuvime dcile (90%).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

20

COUR DES COMPTES

Ces rsultats saccompagnent par ailleurs du constat dune diminution relative des performances de la France. En ce qui concerne par exemple la comprhension de lcrit, on constate ainsi depuis 2000 une tendance la baisse des moyennes dans de nombreux pays de lOCDE, mais cette tendance est un peu plus marque en France : sur les 23 pays figurant sur le tableau ci-aprs, la France se classe au 19me rang en ce qui concerne la variation de son score.volution des scores en comprhension de lcrit depuis PISA 2000Score PISA 2006 Core Finlande Canada Nouvelle-Zlande Irlande Australie Pologne Sude Belgique Japon Allemagne Danemark Moyenne OCDE Autriche France Islande Norvge Rpublique tchque Hongrie Portugal Italie Espagne Grce Mexique Source : PISA 2006 556 547 527 521 517 513 508 507 501 498 495 494 492 490 488 484 484 483 482 472 469 461 460 410 de PISA 2000 PISA 2006 31 0 -7 -8 -9 -15 29 -9 -6 -24 11 -2 -6 -2 -17 -22 -21 -9 2 2 -19 -32 -14 -11

Cette baisse sexplique essentiellement par laggravation des rsultats des lves en difficult, ce que montre le tableau suivant.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

21

Evolution des scores par centiles de PISA 2000 PISA 2006 pour la comprhension de l'crit5e Pologne Finlande Suisse Allemagne Danemark Nlle Zlande Portugal Hongrie Irlande Core Australie Belgique Canada Moyenne OCDE Sude Norvge Autriche Rep. tchque Islande Grce Mexique Espagne France Japon Italie Source : PISA 2006 31 19 15 15 13 2 -1 -2 -3 -3 -5 -11 -13 -13 -19 -19 -19 -30 -31 -33 -37 -40 -47 -49 -55 10e 31 12 18 14 11 -1 2 5 -6 7 -6 -7 -8 -10 -13 -18 -11 -32 -28 -21 -26 -36 -35 -46 -43 25e 27 2 13 12 4 -6 5 8 -11 21 -5 -4 -4 -7 -11 -24 -8 -25 -24 -11 -12 -31 -23 -38 -26 75e 28 -5 -1 10 -9 -11 2 0 -11 44 -23 -6 -7 -4 -6 -21 6 6 -20 -12 -4 -30 -7 -13 -6 90e 30 -5 -6 5 -12 -10 2 -3 -8 55 -27 -3 -8 -3 -2 -18 8 12 -18 -12 -5 -28 -5 -2 -2 95e 32 -6 -9 7 -12 -10 3 -3 -8 59 -29 -2 -7 -2 1 -17 10 15 -15 -12 -6 -26 -7 4 0

En dfinitive, le systme scolaire franais, mesur par PISA un stade proche de la fin de linstruction obligatoire, est caractris, non seulement par le fait que llite scolaire est proportionnellement moins importante en France que dans les pays qui obtiennent les meilleurs rsultats, mais aussi par un cart particulirement lev entre les meilleurs lves et les plus faibles : la proportion des lves qui se situent dans les niveaux les plus bas est deux fois plus importante que dans les pays qui obtiennent les meilleures performances. Quel que soit le domaine valu (comprhension de lcrit, mathmatiques, culture scientifique), la France compte peu prs 50% 60% dlves aux rsultats satisfaisants (niveau 3 des tests PISA et au dessus), 20% 30% dlves aux rsultats insuffisants (niveau 2), et 20% dlves en grande difficult scolaire (niveau 1 et en dessous).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

22

COUR DES COMPTES

Pourcentage dlves chaque niveau de comptence sur lchelle de comprhension de lcrit< ou = niveau 2 Scores Core Finlande Canada Irlande Nouvelle-Zlande Australie Pays-Bas Sude Pologne Belgique Suisse Allemagne Japon Danemark Royaume-Uni Moyenne OCDE France Autriche Islande Norvge Hongrie Rpublique tchque Luxembourg Portugal Italie Rpublique slovaque Grce Espagne Turquie Mexique Source : PISA 2006 552,89 54,5 48,5 41,7 36,8 40,4 35,5 34,7 33,9 34,7 35,7 30,3 32,4 30,9 26,5 29,6 29,3 29,1 30,3 24,8 26,7 23,5 28,5 24,6 21,4 22,7 21,1 17,8 14,4 12,4 5,9

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

23

De surcrot, la France est un des pays de lOCDE o cette diffrenciation sest le plus accrue au cours de la priode rcente. Lcart interdcile tait encore infrieur en 2000 la moyenne de lOCDE en mathmatiques et en comprhension de lcrit : il est devenu suprieur en 2006 dans les trois domaines analyss par PISA (sciences, mathmatiques, et comprhension de lcrit). La DEPP observe galement quen 2006, les lves les moins performants reprsentaient 8,5% des lves franais, alors quils taient 4,2% en 2000 , tandis que pour lensemble des pays de lOCDE, ce pourcentage est pass de 6% en 2000 7,4% en 2006 : il y a donc eu une dgradation relative de la situation des lves en difficult dans notre pays. En dautres termes, les comparaisons internationales de lOCDE entre lves de quinze ans ne rvlent pas un problme global du systme ducatif franais, mais un problme aigu, spcifique, et croissant de traitement de la difficult scolaire24.

2 - Les taux de diplms, de non diplms, et de non qualifisAux termes de larticle L331-1 du code de lducation, lEtat sanctionne par des diplmes nationaux les formations secondaires . Les six principaux diplmes nationaux sont le diplme national du brevet (DNB), le certificat daptitudes professionnelles (CAP), le brevet dtudes professionnelles (BEP), le baccalaurat gnral, le baccalaurat technologique, et le baccalaurat professionnel25. Trois indicateurs prsents lappui des lois de finances mesurent : - la proportion dans une gnration de diplms du brevet, - la proportion dans une gnration de diplms du baccalaurat, - la proportion, au sein de la population des jeunes de 20 24 ans, des diplms du second cycle du secondaire (CAP, BEP ou baccalaurat). Ces indicateurs portent sur lensemble des lves, sans distinguer les rsultats selon la nature des tablissements, publics ou privs. Le24) En sens inverse, les enseignements de PISA montrent que les pays qui obtiennent les meilleurs rsultats (Canada, Japon, Finlande, Sude) ont le plus souvent men des stratgies actives de lutte contre la difficult scolaire, passant par un soutien individualis systmatique, par un tronc commun de longue dure, par de trs faibles taux de redoublement, et par un financement privilgi de lcole primaire, cest-dire le niveau o sacquirent les savoirs fondamentaux. 25) Il existe cinq autres diplmes nationaux : le certificat de formation gnrale (CFG), les mentions complmentaires (MC), le brevet des mtiers dart (BMA), le brevet professionnel (BP) et le brevet de technicien (BT).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

24

COUR DES COMPTES

ministre considre en effet que la grande mobilit des lves au cours de leur scolarit ne permet pas dattribuer leur russite ou leur chec aux examens tel ou tel mode de gestion de lenseignement : la DEPP rappelle ainsi qu au cours dune scolarit, 40 % des lves du secteur public sont passs par le secteur priv, et 90 % des lves du secteur priv sont passs par le secteur public . De mme, dans une rponse en date du 1er fvrier 2010, le secrtaire gnral du ministre de lducation nationale a indiqu qu il est dlicat de comparer lefficacit de lenseignement public par rapport lenseignement priv, car les trajectoires sont frquemment mles : cest ainsi que chaque anne environ 5% des lves changent de secteur, passant du public vers le priv, ou du priv vers le public.

a) Les taux de diplms de lenseignement secondaireLa proportion des lves ayant obtenu un diplme de second cycle du secondaire (CAP, BEP ou baccalaurat) est en 2008 de 83,7%26. Si lon considre le seul diplme du baccalaurat, le taux de bacheliers dans une gnration slve 63,8% en 2008. Calcul par type de baccalaurat, il est de 34,6% pour la filire gnrale, 16,6% pour la filire technologique et 12,6% pour la filire professionnelle. Ainsi, le tiers seulement dune classe dge obtient un baccalaurat gnral, et les baccalaurats ayant vocation ouvrir laccs lenseignement suprieur (baccalaurat gnral et baccalaurat technologique) ne sont obtenus que par une moiti des lves. En outre, si le taux de bacheliers a vivement progress entre 1980 et 2000 (20,1% en 1970, 25,9% en 1980, 43,5% en 1990, 62,8% en 2000), en raison notamment de la cration du baccalaurat professionnel en 1987, il stagne depuis lors. La progression du nombre de bacheliers pendant les annes rcentes - de 492.000 en 1995 518.000 en 2008 - est essentiellement due la hausse continue du taux de russite (73,1% en 1990, 79,5% en 2000, 83,5% en 2008), et non un plus grand accs des lves la classe de terminale. Au total, la baisse de la proportion globale de bacheliers gnraux et technologiques par gnration, observe de 1995 2008 - de 54,8% 51,2% -, alors mme que celle des bacheliers professionnels augmentait de 7,9% 12,6%, est directement dfavorable lobjectif de 50% de diplms de lenseignement suprieur, que sest assign la Nation dans le cadre des engagements europens de Lisbonne. Ce constat na cependant entran aucune rorientation stratgique de la part du ministre.26) Cet indicateur mesure la part des diplms chez les jeunes gs de 20 24 ans.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

25

volution de la proportion de bacheliers dans une gnration par type de baccalaurat (%) (France mtropolitaine)baccalaurat Gnral technologique professionnel Ensemble1995 1998 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

37,2 17,6 7,9 62,7

33,8 32,9 32,6 32,6 33,6 32,3 33,7 34,8 34,7 34,6 18,3 18,5 18,2 17,8 17,9 17,8 17,3 17,2 16,8 16,6 10,5 11,4 11,2 11,5 11,3 11,7 11,5 12,3 12,8 12,6 62,6 62,8 62,0 61,8 62,8 61,8 62,5 64,3 64,2 63,8

Source : RERS 2009

b) Les sorties sans diplme ni qualificationQuatre indicateurs mesurent, avec une prcision relative, la proportion des lves ayant quitt lenseignement scolaire sans diplme et sans qualification27. 1) Un premier indicateur, portant sur les jeunes sans diplme , est calcul dans le cadre des objectifs de lUnion europenne. Il est en effet le symtrique dun indicateur mesurant au sein de la population ge de 20 24 ans la proportion dlves ayant obtenu un diplme de second cycle de secondaire (CAP, BEP, baccalaurat), soit en France un taux de 83,7% en 2008, pour une cible europenne fixe 85%. Symtriquement, lindicateur des jeunes sans diplme tait donc de 16,3%. Il convient de prciser que cet indicateur est tabli par le ministre de lducation nationale (DEPP) partir de lenqute Emploi de lINSEE. Un inconvnient de cette source est la faiblesse des effectifs des jeunes interrogs : si lenqute Emploi porte en effet sur un chantillon de la population active et interroge ce titre environ 72.000 personnes, seuls quelques milliers de personnes sont questionnes au titre de la tranche dge des 20-24 ans (environ 5.500 pour lenqute Emploi 2007). Par consquent, les indicateurs estims partir de ces effectifs rduits sont imprcis, et peuvent fluctuer de manire significative dune anne lautre : la part des sans diplme est ainsi passe de 18% en 2007 16,3% en 2008. Au total, le nombre de sorties sans diplme du

27) De mme que les indicateurs relatifs aux diplms du secondaire, les donnes portent sur lensemble du champ scolaire (enseignement public et priv, relevant de la tutelle de lducation nationale ou de lagriculture, y compris les apprentis).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

26

COUR DES COMPTES

systme scolaire reprsente environ 130.000 jeunes par an, mais avec un degr dimprcision important28. Ces donnes tant essentielles pour lvaluation du systme scolaire, il nest pas satisfaisant de devoir se contenter destimations rsultant denqutes effectues sur quelques milliers de jeunes plusieurs annes aprs leur sortie du systme scolaire, dautant plus quil existe un lien trs fort entre labsence de diplme et les difficults dinsertion professionnelle. En effet, si, il y a quarante ans, les jeunes sortaient de lcole sans diplme ni qualification dans des proportions nettement plus importantes quaujourdhui, ils trouvaient en rgle gnrale du travail : le taux de chmage des jeunes sans diplme ntait que de 5% en 1971. Tel nest plus le cas de nos jours : le diplme est, sinon une condition suffisante, du moins une condition ncessaire pour linsertion professionnelle. Ainsi en 2007, parmi les jeunes gs de 15 24 ans actifs - cest--dire recherchant ou occupant un emploi -, le taux de chmage des jeunes sans diplme atteignait 45%, alors quil tait de 12% pour les jeunes diplms de lenseignement suprieur29. 2) Un deuxime indicateur, galement calcul dans le cadre des objectifs fixs par lUnion europenne, porte sur les sorties prcoces . Il mesure au sein de la population ge de 18 24 ans le taux de jeunes qui nont ni CAP, ni BEP, ni diplme plus lev, et qui ne poursuivent ni tudes ni formation30. Il tait en France de 12,7% en 2007 pour une cible europenne fixe 10%. Les principaux pays europens qui ont russi atteindre les objectifs europens sont la Finlande, la Sude, ainsi que certains pays rcemment entrs dans lUnion europenne (Rpublique tchque, Pologne, Lituanie, Rpublique slovaque,). Les performances les plus faibles sont ralises

28) La DEPP travaille depuis plusieurs annes apprhender directement les flux de sortants, mais elle se heurte plusieurs obstacles lis aux systmes dinformation. Les informations relatives aux catgories socioprofessionnelles figurent ainsi dans les fichiers des bases SCOLARITE, mais celles-ci, comme lidentifiant de llve recens, sont acadmiques, et non pas nationales. Les rsultats des lves aux examens sont pour leur part enregistrs dans une autre base de donnes (OCEAN), qui nutilise pas toujours lidentifiant acadmique des fichiers SCOLARITE. La DEPP dveloppe actuellement un projet destin lui permettre de disposer des informations individuelles contenues dans les fichiers SCOLARITE, tout en prservant lanonymat des lves : elle pourra alors mieux connatre les caractristiques des sorties sans diplme du systme scolaire. 29) Donnes DEPP et INSEE - Ltat de lEcole, 2009. 30) Les deux objectifs europens (85% de diplms, 10% de non diplms) ne sont pas symtriques en raison de la diffrence de leurs primtres : dans le premier cas, la population concerne est celle des 20-24 ans poursuivant ou non une formation, et dans lautre celle des 18-24 ans ne poursuivant pas de formation.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

27

notamment par lAllemagne (taux de russite du secondaire de 74,1% et sorties prcoces de 12,7%) et par lEspagne (60% et 31%).Les objectifs europens de Lisbonne (2007)en % Allemagne Autriche Belgique Bulgarie Chypre Danemark Espagne Estonie Finlande France Grce Hongrie Irlande Italie Lettonie Lituanie Luxembourg Malte Pays-Bas Pologne Portugal Rpublique tchque Roumanie Royaume-Uni Slovaquie Slovnie Sude Source : RERS 2009 Russite du secondaire (objectif : 85%) 74,1 84,5 82,2 83,7 85,1 71,0 60,0 82,2 86,2 83,7 82,1 83,6 87,4 76,5 80,0 89,1 72,8 54,2 76,2 91,3 54,3 91,6 78,3 78,2 92,3 90,2 87,9 Sorties prcoces (objectif : 10%) 12,7 10,9 12,3 16,6 12,6 12,4 31,0 14,3 7,9 12,7 14,7 10,9 11,5 19,3 16,0 8,7 15,1 37,3 12,0 5,0 36,3 5,5 19,2 17,0 7,2 4,3 8,6

3) Un troisime indicateur, national, porte sur les sortants sans qualification . Il est proche des deux indicateurs europens prcits, sans pour autant tre identique. La notion de qualification , introduite dans les statistiques franaises en 196931, se fonde en effet sur la dernire classe frquente par llve, et non sur le diplme obtenu : les lves ayant obtenu une qualification sont ceux qui sont sortis du systme ducatif en classe de terminale ou en dernire anne de CAP ou BEP, quils aient on non obtenu les diplmes correspondants. A linverse, les lves sortant sans qualification sont ceux qui quittent31) Cette notion a t introduite dans le cadre dune classification des niveaux de formation reposant sur la nomenclature des mtiers fixe en 1969 par la commission statistique nationale de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

28

COUR DES COMPTES

lenseignement scolaire en 3me ou bien en premire anne de CAP ou de BEP32. Les jeunes sortant sans qualification taient au nombre de 44.000 en 2006, ce qui, rapport une gnration de 730.000 jeunes, reprsentait 6% dune classe dge. Si lon ajoute cet effectif les 42.000 lves qui sont sortis en 2nde ou en 1re, on obtient un total de 86.000 lves sortis en cours de cycle - soit 12% dune gnration -. 4) Un dernier indicateur est enfin issu des enqutes ralises par le centre dtudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ), qui analysent la situation des jeunes trois ans aprs leur sortie de formation initiale, quel que soit leur niveau de sortie (enseignement scolaire ou suprieur). En 2007, le CEREQ a interrog un chantillon denviron 33.000 jeunes sortis de formation initiale en 2004 (enqute dite Gnration 2004 ) : le taux de jeunes sans diplme est de 17%, ce qui est cohrent avec les indicateurs europens et nationaux prcits.

3 - Les ingalits sociales dans la russite scolaire a) Les indicateurs nationauxSi lorigine sociale des lves sortant du systme ducatif sans diplme et sans qualification nest pas connue, de nombreuses donnes rvlent de fortes ingalits sociales face la russite scolaire : - Ainsi, par exemple, lvaluation-bilan mene en 2008 pour les mathmatiques montre que, dans le secteur public, la proportion des collgiens de 3me ne matrisant pas les acquis attendus est de 81,4% dans lducation prioritaire, contre 70,4% en dehors ; la proportion des lves en grande difficult y est par ailleurs de 20,6%, contre 14,3%. - De mme, lindicateur de la loi de finances mesurant le pourcentage des lves scolariss matrisant les comptences de base en franais est, en 2008, infrieur de 38% dans les

32) Un lve peut donc tre sans diplme tout en tant qualifi au sens de lducation nationale : cest le cas de llve qui a quitt le systme ducatif en 2nde ou aprs la premire anne de CAP ou BEP, sans avoir obtenu le brevet, le CAP, ou le BEP. Un lve peut aussi tre sans qualification tout en tant diplm au sens de lducation nationale : cest le cas de llve qui abandonne lcole en fin de 3me ou en premire anne de CAP ou de BEP, aprs avoir obtenu le brevet. Enfin, un lve peut tre sans diplme et sans qualification : il quitte lcole en fin de collge ou en premire anne de CAP ou de BEP, sans avoir obtenu le brevet.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

29

tablissements relevant dun rseau ambition russite au pourcentage atteint dans les autres tablissements33. - En 2008, 78,4% des lves provenant de catgories sociales favorises ont obtenu un baccalaurat gnral, contre seulement 18% des lves dorigine sociale dfavorise34. La DEPP parle dune distillation sgrgative 35 pour dcrire les effets de cette influence sociale : La distillation sgrgative est continue depuis la scolarit lmentaire jusqu laccs un baccalaurat gnral avec mention : les milieux familiaux influencent la qualit des parcours dans lenseignement primaire et secondaire, mais aussi les choix dorientation aux diffrentes tapes de la scolarit et, en particulier, lentre dans lenseignement suprieur. 55 % des bacheliers qui entrent dans les classes prparatoires aux grandes coles ont un pre cadre, chef dentreprise, professeur ou membre dune profession librale : ils sont trois fois et demi plus nombreux que dans lensemble de la cohorte des lves de sixime, tandis que les enfants dorigine ouvrire le sont quatre fois moins . Ces constats montrent la progression que doit encore accomplir linstitution scolaire pour jouer pleinement son rle dans le sens dune plus grande galit des chances.

b) Les enseignements des indicateurs internationaux PISALes indicateurs PISA cherche analyser les facteurs qui influent sur la performance des lves et les comparer entre les pays . Dans cette perspective, lOCDE prend en considration les informations relatives au milieu socio-conomique des lves, leur statut dautochtone ou dallochtone, et au patrimoine culturel familial. Ces informations permettent de constituer un indice de statut conomique,

33) Lindicateur rapporte le pourcentage dlves des collges rseau ambition russite atteignant le seuil de comptences du socle commun au pourcentage des lves des autres tablissements atteignant ce seuil. Cet indicateur serait gal 1 si la proportion dlves des collges ambition russite matrisant les comptences tait la mme que chez les autres lves : or, sa valeur tait en 2008 de 0,62 en franais pour les lves de 3me. 34) Les catgories dfavorises regroupent les ouvriers, les retraits ouvriers et employs, et les personnes qui nont jamais eu dactivit professionnelle. Lorigine sociale des bacheliers est tablie au niveau des acadmies qui font remonter linformation la DEPP. 35) Note dinformation n8-16 - mars 2008 - Disparits daccs et parcours en classes prparatoires

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

30

COUR DES COMPTES

social et culturel (SESC)36. Cet indice nest pas dune fiabilit totale en raison des lacunes constates dans les dclarations des lves relatives la profession des parents. Il peut nanmoins donner un ordre de grandeur des ingalits sociales, qui est confirm par les rsultats obtenus dans ce domaine par la DEPP. Le tableau suivant dcrit la relation entre la performance des lves et lindice SESC. Ces donnes font apparatre que, dans tous les pays de lOCDE, les lves issus de milieux favoriss tendent obtenir des scores plus levs aux preuves de lenqute PISA. Trois autres constats doivent toutefois tre souligns : Les pays les plus performants sont le plus souvent ceux o lcart de rsultats entre les lves de statut favoris et de statut dfavoris est le plus faible (Finlande, Core, Canada, Japon) : un des enseignements de lenqute PISA est que la performance scolaire va de pair avec une plus grande galit des chances. La France est, sur les 30 pays figurant sur le tableau ci-aprs, celui o lcart de rsultats entre les lves de statuts favoris et dfavoris est le plus important - de lordre du double de celui du Japon, du Canada, ou de la Finlande : la France se trouve dans la situation la plus dfavorable de lOCDE du point de vue de lquit scolaire. La France est enfin au 22me rang en ce qui concerne laccentuation entre lenqute PISA 2000 et lenqute PISA 2006 des carts de rsultats entre les lves de statuts favoris et dfavoris. Le caractre inquitable du systme scolaire franais tend saggraver.

36) Lindice SESC est compos de plusieurs variables : le statut professionnel le plus lev du pre ou de la mre, le niveau de formation le plus lev du pre ou de la mre converti en annes dtudes, le patrimoine culturel familial, calcul partir des indications donnes par les lves sur les quipements dont ils disposent domicile pour leurs pratiques culturelles.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

31

Scores en culture scientifique, comprhension de l'crit, et culture mathmatique, selon le statut conomique, social et culturellves dont le statut conomique, lves dont le statut conomique, social et culturel est faible social et culturel est lev (quartile infrieur de l'indice (quartile suprieur de l'indice de statut conomique, de statut conomique, social et culturel) social et culturel) Culture Compr- Culture Culture ComprCulture scienhension mathscienhension mathtifique de l'crit matique tifique de l'crit matique 535 519 519 598 578 585 501 490 498 569 566 561 494 532 513 558 588 590 493 460 485 562 530 556 484 472 482 572 555 561 480 473 482 589 577 571 478 465 490 578 555 579 467 478 465 555 562 545 467 452 456 570 546 543 466 470 464 543 542 542 465 436 457 564 535 564 462 441 459 559 539 553 460 438 450 572 550 561 460 465 456 546 557 540 458 457 473 522 512 536 458 452 481 563 546 576 456 446 463 566 555 576 453 459 475 543 534 553 453 447 458 523 521 525 450 426 435 559 536 552 446 423 440 533 498 522 437 432 441 559 544 556 437 414 439 540 517 543 435 428 424 511 502 496 435 m 428 552 529 433 421 424 526 529 519 427 416 412 520 504 507 424 416 437 543 535 543 390 409 387 474 494 480 370 365 364 457 461 453 456 448 455 547 537 544 Ecart de score (culture scientifique)

PISA 2000 61 72 59 95 108 82 75 109 93 126 93 52 128 123 108 81 128 96 113 78 113 84 83

PISA 2006 63 68 64 69 88 109 100 88 103 77 99 97 111 86 64 105 110 90 69 108 87 122 103 76 117 93 93 119 84 87 92

Finlande Canada Core Japon Australie Nlle-Zlande Pays-Bas Irlande Royaume-Uni Sude Rp. tchque Autriche Allemagne Pologne Islande Suisse Belgique Danemark Norvge Hongrie Espagne France Rp. slovaque Italie Etats-Unis Portugal Grce Luxembourg Turquie Mexique Moyenne de l'OCDE Source: PISA 2006

79 93

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

32

COUR DES COMPTES

Les enqutes PISA fait donc apparatre que la France est un des pays o les destins scolaires sont le plus fortement corrls aux origines sociales et au statut culturel des familles37.

4 - Les ingalits entre tablissements a) Effet-tablissement, effet-pairs, et effet-classePar del leffet du milieu social ou culturel, le milieu scolaire exerce plusieurs influences sur les rsultats des lves. L effettablissement caractrise le fait que certains tablissements scolaires aboutissent, publics dlves comparables, de meilleurs rsultats dans lacquisition de connaissances ou la russite aux examens. Leffetpairs traduit lincidence de la composition sociale de ltablissement sur les rsultats des lves. Leffet-classe mesure enfin lincidence de lenseignant et de la composition de la classe sur les rsultats des lves. Les donnes disponibles, issues dtudes de cohortes dlves ou des indicateurs de valeur ajoute des lyces, montrent quen France leffet-tablissement est dune ampleur relativement limite38. Leffetpairs, en revanche, est important. Leffet-classe, quant lui, nest pas mesur, ce qui est regrettable, car cette carence limite les informations actuellement disponibles aux seuls effets des caractristiques de ltablissement et de sa population scolaire, mais non des enseignants.

b) Les indicateurs de valeur ajoute des lycesLa DEPP calcule depuis 1994 des indicateurs de valeur ajoute des lyces dans trois domaines : le taux de russite au baccalaurat, le taux dlves de 2nde parvenant en terminale dans le mme lyce, et la proportion de bacheliers parmi les sortants. Pour les deux premiers37) Ces constats ont pu amener une analyse rcente des rsultats de PISA, effectue par MM. Baudelot et Establet, qualifier la France de paradis de la prdestination sociale , o les enfants dorigine populaire sont davantage pnaliss que dans dautres pays . Ils prcisent de mme : Il y a moins dcart de russite scolaire entre un fils douvrier et un fils de cadre japonais ou sudois quen France entre un enfant de cadre intellectuel et un enfant douvrier. Le poids de lorigine sociale des lves sur leur performance est deux fois plus fort en France quen Finlande, ou en Core du Sud. Pour la premire fois le caractre litiste du systme scolaire franais est ainsi objectiv de faon comparative. ( Llitisme rpublicain, lcole franaise lpreuve des comparaisons internationales - Le Seuil, 2009) 38) Un des facteurs explicatifs de lampleur limite de leffet-tablissement en France est le caractre trs autonome du fonctionnement des classes par rapport la politique dtablissement (Cf. Pascal Bressoux - Sociologie du systme ducatif , PUF, 2009).

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

33

indicateurs, le ministre distingue le taux brut , qui est le taux constat de russite au baccalaurat ou daccs de 2nde en terminale, et le taux attendu , qui est le taux thorique qui dcoulerait de lapplication ltablissement, en fonction de ses caractristiques (origine sociale, ge, et, depuis 2009, niveau scolaire initial39 et composition du public dlves de ltablissement), des taux de russite au baccalaurat ou des taux daccs moyens nationaux. La diffrence entre taux constat et taux attendu permet de mesurer la valeur ajoute du lyce, cest--dire sa capacit obtenir des rsultats suprieurs (valeur ajoute positive) ou infrieurs (valeur ajoute ngative) ce qui tait attendu compte tenu de lorigine sociale, de lge, et du niveau initial de ses lves. Les donnes publies en 2009 sur le baccalaurat 2008 montrent des rsultats trs ingaux entre tablissements : Le taux brut de russite est compris entre 13% et 100% pour les lyces professionnels et entre 22% et 100% pour les lyces denseignement gnral et technologique. Le taux attendu de russite au baccalaurat est compris, pour les lyces professionnels, entre 43% et 93% dans la filire production et entre 53% et 90% dans la filire services, et pour les lyces denseignement gnral et technologique, entre 35% et 99%. Les rsultats des tablissements au baccalaurat sont en effet trs sensibles aux caractristiques de leurs lves : Le taux de russite au baccalaurat varie de 79,2% pour les enfants douvriers et dinactifs 91,1% pour les enfants de cadres suprieurs et denseignants. Il est compris entre 72,4% pour les lves ayant deux ans de retard ou plus et 92,7% pour les lves sans retard dans leur scolarit40. Il varie de 73% pour les lves ayant une note moyenne infrieure 10 au diplme national du brevet 92,8% pour les lves ayant obtenu une moyenne suprieure 1441 .

39) La mesure de la DEPP du niveau initial de llve entrant au lyce reste encore trs approximative. En effet, compte tenu de linsuffisance des donnes individuelles recueillies par les systmes dinformation, la DEPP attribue chaque lycen la moyenne des notes lcrit du brevet des lves du mme lyce, dont les notes ont pu tre identifies lors dun rapprochement entre les fichiers de la base SCOLARITE et ceux de la base OCEAN concernant les rsultats aux examens. 40) Indicateurs calculs pour la session 2008 du baccalaurat, France entire. 41) Cette mesure est imparfaite, puisque, pour les raisons prcites, le ministre ne peut pas encore apprhender le niveau initial de chaque lve.

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

34

COUR DES COMPTES

-La composition du public scolaire de ltablissement est aussi un facteur explicatif important : le taux de russite des enfants douvriers ou dinactifs42 est de 72,9% dans le dcile des lyces ayant le plus denfants douvriers et dinactifs, mais il est de 91,1% dans le dcile des lyces ayant le plus denfants de cadres suprieurs ; de mme, le taux de russite des enfants de cadres suprieurs est de 83,0% dans les lyces ayant le plus denfants douvriers et dinactifs, mais il est de 96,4% dans les lyces ayant le plus denfants de cadres suprieurs. Le calcul de lcart entre les taux bruts et les taux attendus montre par ailleurs que les valeurs ajoutes varient fortement selon les tablissements, par exemple entre -61 points et +25 points pour les lyces denseignement gnral et technologique43. Toutefois, la dispersion des valeurs ajoutes par rapport la moyenne est dune ampleur limite : par exemple, 95% des lyces denseignement gnral et technologique ont une valeur ajoute comprise entre -11 points et +11 points. Le tableau ci-aprs rcapitule les principales donnes de lindicateur de taux de russite au baccalaurat pour la session 2008.La russite au baccalaurat - session de juin 2008taux de russite valeur ajoute constat constate Lyces d'enseignement gnral et technologique Maximum Minimum Moyenne cart type Lyces professionnels (filire tertiaire) Maximum Minimum Moyenne cart type Lyces professionnels (filire production) Maximum Minimum Moyenne cart type

100 22 86,8 9,2 100 13 78,9 13,9 100 18 79,1 13,1

25 -61 -0,3 5,3 47 -67 -1,5 13,4 42 -58 -1,1 11,8

Source : Cour des comptes partir des donnes de la DEPP 42) Le ministre de lducation nationale dfinit conventionnellement les inactifs comme les personnes qui ne sont ni en emploi ni au chmage (tudiants, retraits, hommes et femmes au foyer, personnes en incapacit de travailler, etc.). 43) Une valeur ajoute positive de 25 points signifie quun tablissement a un taux de russite au baccalaurat 2008 suprieur de 25 points son taux attendu , compte tenu des caractristiques de ses lves

Cour des comptes Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves mai 2010 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

LES RESULTATS ET LES COUTS DE LENSEIGNEMENT SCOLAIRE

35

Sur la base de ces informations, publies chaque anne par le ministre, diverses publications laborent des classements de lyces, en pondrant, selon leurs propres critres, les diffrents indicateurs, privilgiant tantt le taux brut de russite au baccalaurat obtenu par ltablis