rassinier-le mensonge d'ulysse

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    Paul Rassinier

    Le mensonge dUlysse

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    LE MENSONGE DULYSSE

    Le livre de Paul Rassinier, Le Mensonge dUlysse, qui est paru dabord auxEditions bressanes en 1950. Cette premire partie tait parue auparavant sous le titrePassage de la ligne en 1948. Lensemble a t plusieurs fois rdit par diffrentsditeurs, de droite comme de gauche. Nous utilisons ldition procure en 1980 par

    La Vieille Taupe, Paris. Signalons quil existe une traduction anglaise un peuabrge (il y manque les trois premiers chapitres) parue, avec dautres textes deRassinier, sous le titreDebunking the Genocide Myth, parue en 1978 aux Etats-Unis.

    Revue de presse concernantLe passage de la ligne(1948)

    Dposition saisissante lheure o les camps de concentration, devenusmoyen de gouvernement, se multiplient dans le monde.

    (Franc-Tireur)

    Le rquisitoire objectivement circonstanci dun pacifiste et dun socialisteinternationaliste... Le premier tmoignage froidement et calmement crit, contre lessollicitations du ressentiment et de la haine imbcile ou chauvine.

    (La Rvolution proltarienne)

    Paul Rassinier, en nous rapportant ces choses, nenfle pas la voix. Il les ditsimplement. Plus encore : il les dit sans haine. Et cest peut-tre par l que cessouvenirs de bagne se distinguent le plus de tous les autres.

    (J.-B. Sverac,La Rpublique libre)

    Lucide, intransigeant, terriblement honnte, Rassinier poursuit une srie detableaux cruels et vrais, des photographies dun justesse, dune exactitude quitonnent tout au long du rcit. Bourreaux comme concentrationnaires passent aucrible de sa raison toujours prsente. Il compare les deux tats avec un esprit critiquetoujours froid.

    (Le Populaire-Dimanche)

    Lauteur a su garder la plus pure objectivit dans ces pages qui nous livrentenfin une interprtation humaine dun phnomne qui ne se situe que tropnormalement dans le cycle habituel aux frnsies guerrires. lire et faire lire pourdbourrer les crnes.

    (SERGE,Dfense de Monime)

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    Une mise au point discrte certains tmoignages o la passion politique, lahaine ou le ressentiment lont trop souvent emport sur lobjectivit.

    (Le Progrs de Lyon)

    Passage de la ligne, de Paul Rassinier, ajoute un document tous ceux quenous connaissons, avec cette originalit quau lieu de sen prendre ses bourreaux,cest la pratique mme des camps de concentration quil sattaque et toutes les

    bassesses quelle engendre. Il ne parle que de ce quil a vu, de ce quil a endur, et ilen parle avec une mouvante bonne foi.

    (Parisien libr)

    Ce qui ajoute ce rcit qui prendra sa place ct de ceux de David Roussetet dEugen Kogon, ce sont les trois croquis du camp, un schma de la hirarchie, etsurtout une srie absolument tonnante darticles cueillis dans les journaux de 47-48et qui visent dmontrer, sans commentaires, que les horreurs des camps allemandsne sont pas un fait unique - que partout, dans ce monde, les S.S. ont fait et fontencore des adeptes, que ces invraisemblables nouvelles des abmes du sadisme nousarrivent de tous les horizons et spcialement des plus inattendus ou des plusvolontairement oublis.

    (Le Libertaire)

    Le document qui manquait la collection littraire sur les camps deconcentration.

    (cole libratrice)

    Importante mise au point aprs tant de rodomontades communistes ! (Le Crapouillot)

    Ce livre est un livre rare. Il est rare parce quil est un tmoignage trs fortdans sa nudit, parce que la sincrit de ses accents est frappante, parce que Rassiniera pass la ligne au-del de laquelle la haine na plus de sens. Vous sortirez de salecture maudissant seulement la servilit, limbcillit, le fanatisme, la haine et la

    guerre. Cest donc un livre, bienfaisant et fondamentalement humain... (J. Carrez,Bulletin du Syndicat des Instituteurs du Doubs)

    Ce Rassinier pousse lobjectivit la provocation. Il assure quil ny avaitpas de chambre gaz Dora, ni Buchenwald. Et puis non, je nose pas direjusquo il va, cest du dlire et a ferait pleurer tous les Mauriac.

    (Albert Paraz, Valsez Saucisses, chez Amiot-Dumont)

    Un livre bien crit, et o lesprit de vrit domine sans faiblir toute vaine

    imagination, tout faux lyrisme, la partialit politique et la haine. (LEuropen)

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    Revue de presse concernantLe mensonge dUlysse(1950-1976)

    Cest une utile et premire contribution critique cette histoire rationnelle etsolide des camps qui est encore dans les langes. Tant de mauvaise foi contre unhomme qui a le courage de la sincrit ne peut quinciter lire Le MensongedUlysse.

    (Maurice Dommanget,Lcole mancipe, octobre 50)

    Rassinier a raison dtre svre pour ceux qui brodent, qui romancent, qui enajoutent : la vrit suffit sana quon la sollicite, et elle meu est que plus frappante.

    (Jean Puissant (ex-Buchenwald), Faubourgs, juillet 51)

    On ne pourra pas ne pas considrer comme lment Important du dossier

    louvrage de Rassinier, dport Buchenwald et Dora, ce qui lui donne quelquedroit dire les choses comme il les comprend.

    (Georges Lefranc,Rpublique libre, 13 mai 1955)

    Paul Rassinier, qui a dcrit son exprience de dport dans Le Passage de laligne et qui dans Le Mensonge dUlysse a tent de refaire sur le thmeconcentrationnaire le travail accompli par Norton Cru au sujet des tmoignages deguerre dans la littrature europenne de 1914 1930. Paul Rassinier nest pas unInconnu dans les milieux davant-garde. Ancien rdacteur en chef du Travailleur de

    Belfort, pass lopposition communiste avec Souvarine et Rosmer, collaborateur dela presse S.F.I.O. puis divers organes libertaires et pacifistes, Il est rest un franc-tireur du journalisme et de la politique, en marge de toutes les orthodoxies de parti etde secte.

    (Andr Prudhommeaux, Tmoins, 1954)

    La souffrance suffit la souffrance rance ! Si le crime clabousse, sonexploitation avilit. La vrit, telle la coule dun mtal ardent, gagne stredbarrasse des scories qui, ternissent son clat. Paul Rassinier la compris. Sous son

    burin, les formes ont perdu leur lourdeur, et il nous a livr une visionconcentrationnaire copieusement barbe. Pour cela, il lui fallait reconstituerlhistoire. Il la fait avec une rigueur qui carte du sujet le modelage douteux destcherons de la veine concentrationnaire.

    (Maurice Joyeux,LUnit, fvrier 51)

    Ces lignes ont seulement pour but de dire tout le bien que je pense de l uvrede Rassinier et cela pour la seule raison qui linspire et qui la justifie : la fidlit lavrit. Nous nous devons de dfendre son uvre et de la faire connatre.

    (L. Roth,Lcole mancipe, avril 55)

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    Lorsque, en 1950, Paul Rassinier, militant chevronn du socialismeinternational, publia Le Mensonge dUlysse, nous avons dit ici que cette sorte dethse sur le rgime concentrationnaire allemand saccordait remarquablement avecles thses constantes du socialisme sur la rpression capitaliste, dans la tradition des

    Blanqui, Louise Michel, Guesde, Vaillant, etc., et rejoint dans ses conclusions AlbertLondres (Dante navait rien vu), le Dr Louis Rousseau (Un mdecin au bagne),Belbenoit (Les compagnons de la belle), Mesclon (Comment jai fait quinze ans debagne), Ville de la Ware, etc..

    (Correspondance socialiste internationale, octobre 54)

    Oui, daccord avec Rassinier : Jai souffert dans ma chair, et du S.S., et descads quils avaient choisis surtout (...) Constater, comme lont fait Rousset, Kogon,Martin-Chauffier puis Rassinier, ne peut que nous donner raison nous, chair dedports, et vous, chair de dports en puissance, quand nous accusons ltatTOTALITAIRE, quel quil soit, qui fait de lhomme un robot maniaque et cruel, son image...

    (Henri Pouzol (ex-Dachau), Faubourgs, juillet 51)

    Les actions judiciaires contreLe mensonge dUlysse : checcomplet

    Bourg-en-Bresse M. Edmond Michelet, dput, qui avait introduit uneaction en dommages et intrts contre Le Mensonge dUlysse, de M. Paul Rassinier,

    sest dsist de cette action... M. Michelet a, en outre, offert le remboursement desfrais occasionns par la partie adverse.

    (Nouvelle Rp. du c.-ouest, 14 dcembre 50)

    Paul Rassinier, en nous remerciant pour notre soutien, nous informe que lestrois organisations de la Rsistance qui avaient engag des poursuites contre luiviennent dtre dboutes et condamnes aux dpens de la procdure, au tribunal deBourg-en-Bresse. Nous ne pouvons que nous en fliciter. Le Mensonge dUlysse adonc droit de cit.

    (Le Libertaire, mai 51)

    M. Paul Rassinier, auteur de louvrage que la FNDIR, partie civile,considrait comme une atteinte porte la Rsistance, a t condamn quinze joursde prison avec sursis et 100 000 francs damende et solidairement 800 000 francsde dommages et intrts la FNDIR. La saisie et la destruction de tous lesexemplaires du livre ont t ordonnes.

    (Franc-tireur, 3 novembre 1951)

    Pour ne pas ignorer ce que veut dire la bureaucratisation (dans non sensPolitique et asiatique ), sa progression et sa prennit, trois livres qui semblent se

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    suivre apportent des claircissements : Sans patrie ni frontire, de Jan Valtin. rditpar J.C. Latts ;

    Le Mensonge dUlysse, de Paul Rassinier, livre maudit sur les camps deconcentration, qui ne risque pas dtre rdit parce quil montre bien lhorreur, non

    seulement des faits, mais du systme concentrationnaire dans ses composantesbureaucratiques. (Errata, avril 1976)

    Poursuivis en diffamation depuis 1951 lauteur, le prfacier et lditeur duMensonge dUlyssesont finalement relaxs par la cour de Grenoble.

    Laffaire fut appele en premire instance devant le tribunal correctionnel deBourg-en-Bresse, qui, le 9 mai 1951, avait rendu un jugement de relaxe condamnantles parties civiles aux dpens.

    Sur appel des deux associations et du ministre publie, la cour dappel de Lyondevait rendre un arrt de culpabilit le 2 nov. 1951 M. Rassinier tait condamn quinze jours de prison avec sursis et 100 000 F damende, M. Paraz huit jours de

    prison et 100 000 F damende, M. Greusard 50 000 F damende. Les parties civilesobtenaient 800 000 F de dommages et intrts. En outre, les exemplaires du

    Mensonge dUlyssefurent saisis par la police et dtruits.Cependant un pourvoi en cassation fut sign contre larrt de la cour de Lyon,

    et le 16 dcembre dernier la Cour suprme lannulait et renvoyait laffaire devant lacour de Grenoble, o le dbat recommena le 29 avril dernier.

    (Le Monde, 26 mai 1955)

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    TABLE DES MATIERES

    Table des matires ___________________________________________________________7

    Prologue __________________________________________________________________ 10

    Premire partie : Lexprience vcue ___________________________________________ 17

    Chapitre I ______________________________________________________________ 17

    Un grouillement dhumanits diverses aux portes des enfers_____________________ 17Chapitre II _____________________________________________________________ 32

    Les cercles de lenfer____________________________________________________32

    Chapitre III_____________________________________________________________ 44La barque de Charon ____________________________________________________44

    Chapitre IV_____________________________________________________________ 62

    Un havre de grce antichambre de la mort ___________________________________ 62Chapitre V _____________________________________________________________ 73

    Naufrage _____________________________________________________________ 73Chapitre VI_____________________________________________________________ 77

    Terre des hommes libres ______________________________________________77Deuxieme partie : Lexprience des autres_______________________________________ 93

    Chapitre I ______________________________________________________________ 93

    La littrature concentrationnaire ___________________________________________93Chapitre II ____________________________________________________________ 103

    Les tmoins mineurs ___________________________________________________103I Frre Birin ______________________________________________________ 103Le dpart en Allemagne (de la gare de Compigne) ______________________ 104Larrive Buchenwald____________________________________________ 104Le rgime du camp _______________________________________________ 104 Dora _________________________________________________________ 105Des erreurs graves ________________________________________________106Le destin des dports _____________________________________________ 107

    II Abb Jean-Paul Renard ___________________________________________ 108III Abb Robert Ploton _____________________________________________109

    Appendice au Chapitre II ________________________________________________ 112

    La discipline la Maison Centrale de Riom en 1939 __________________________ 112Dans les prisons de la libration _______________________________________ 113 Poissy_____________________________________________________________ 114Allemands prisonniers en France _________________________________________ 114

    Chapitre III____________________________________________________________ 116

    Louis Martin-Chauffier _________________________________________________116Type de raisonnement________________________________________________ 116Autre type de raisonnement ___________________________________________118Le rgime des camps ________________________________________________118Mauvais traitements _________________________________________________121

    Chapitre IV____________________________________________________________ 123

    Les psychologues _____________________________________________________ 123David Rousset et LUnivers concentrationnaire ______________________________ 123

    Le postulat de la thorie ______________________________________________125

    Le travail__________________________________________________________126La Hftlingfhrung__________________________________________________ 127Lobjectivit _______________________________________________________ 131

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    Tradutore, traditore__________________________________________________ 136Appendice au Chapitre IV _______________________________________________138

    Dclaration sous la foi du serment ________________________________________ 138Le rapport dun sous-lieutenant un lieutenant ______________________________ 139

    Chapitre V ____________________________________________________________ 142

    Les sociologues _______________________________________________________ 142

    Eugen Kogon et LEnfer organis_________________________________________142Le dtenu Eugen Kogon ______________________________________________143La mthode________________________________________________________ 144La Hftlingfhrung__________________________________________________ 146Les arguments______________________________________________________ 148Le comportement de la S.S. ___________________________________________ 152Le personnel sanitaire________________________________________________ 156Dvouement _______________________________________________________ 157Cinma, sports _____________________________________________________ 159La maison de tolrance_______________________________________________ 159Mouchardage ______________________________________________________ 160Transports_________________________________________________________ 162

    Tableau ___________________________________________________________ 162Apprciations ______________________________________________________ 164Nota bene _________________________________________________________ 165

    Conclusion _______________________________________________________________ 168

    Avant-propos de lauteur pour la seconde et la troisime dition ____________________ 178

    La hirarchie dans un camps de concentration __________________________________ 196

    Prface dAlbert Paraz la premire dition ____________________________________ 197

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    LE MENSONGE DULYSSE

    Laissez dire ; laissez-vous blmer,condamner, emprisonner ; ce nest pas undroit, cest un devoir. La vrit est toute tous... Parler est bien, crire est mieux ;imprimer est excellente chose Si votrepense est bonne, on en profite ; mauvaise,on la corrige et lon en profite encore. Maislabus ? Sottise que ce mot ; ceux qui lontinvent, ce sont eux vraiment qui abusent dela presse, en imprimant ce quils veulent,trompant, calomniant et empchant de

    rpondre. Paul-Louis Courier.

    cris comme si tu tais seul danslUnivers et que tu naies rien craindre desprjugs des hommes. La Mettrie

    Albert LONDRES Hommageposthume

    et JEAN-PAUL pour quil sacheque son pre neut point de haine

    Avec une grande abondance de dtails et plus ou moins de bonheur ou detalent, un certain nombre de tmoins ont fait, depuis la Libration, le tableau deshorreurs des camps de concentration. II ne peut avoir chapp lopinion quelimagination du romancier, Les excs de lyrisme du pote, la partialit intresse du

    politicien ou les relents de haine de la victime, servent tour tour ou de concert, detoile de fond aux rcits jusquici publis. Jai pens, pour ma part, que le momenttait venu dexpliquer ces horreurs avec la plume froide, dsintresse, objective, lafois impartiale et impitoyable, du chroniqueur tmoin, lui aussi, hlas ! uniquement proccup de rtablir la vrit lintention des historiens et dessociologues de lavenir.

    P.R.

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    PROLOGUE1

    Ble, 19 juillet. Buchenwald, que lon croyait relgu au rang des mauvaissouvenirs laisss par la pgre nazie, est redevenu un camp de la mort lente, osteignent les individus jugs dangereux pour le rgime. Avec sept autres camps dont les plus tristement fameux sont ceux dOrianenburg et de Torgau il abriteraitenviron 10.000 dports.

    Deux journalistes danois qui, au risque de leur vie, ont pu entrer en contactavec les prisonniers, rapportent des scnes effarantes. Torgau, par exemple, dansdes cases de 25 mtres carrs, sont entasses, comme des btes, de 10 18

    personnes, dans des conditions dhygine pitoyables. Pour tout repas, on sert cesmalheureux une soupe et un morceau de pain sec. Plusieurs rescaps ont expliququils avaient t arrts en pleine nuit par des militaires russes qui opraient encollaboration avec la police allemande, et soumis, pendant des heures, sous lalumire intense des projecteurs, aux violences dont on pensait que les Allemandsdtenaient seuls le secret.

    Militaires, anciens fonctionnaires, nazis, gros propritaires terriens, directeursdusines et intellectuels, sont particulirement viss.(Les Journaux, 20 juillet 1947)

    Londres, 21 juillet (Reuter). Le Comit central de lE.A.M. a inform lesgouvernements amricain, russe, britannique et franais, ainsi que le Conseil deScurit de la Fdration syndicale mondiale, que les quinze mille personnesrcemment arrtes et dportes par le Gouvernement central de Grce, se trouvaientactuellement dans diffrentes les, sans abris et sans nourriture.

    Le message de lE.A.M. dit notamment : Nous prenons tmoin le mondecivilis en lui demandant de nous prter son appui pour mettre un terme auxsouffrances du peuple grec. La situation qui existe dans ce pays est une honte pour lacivilisation.

    (Les Journaux, 22 juillet 1947)

    Washington, 20 aot. Des rapports rcemment parvenus de Roumanie auDpartement de lEtat ont rvl que prs de 2000 victimes de la rcente rafle desdirigeants des partis de lopposition, qui sest tendue tout le pays et a t dirige

    par le rgime Groza, contrl par les communistes, se trouvent actuellement dans des

    1Partie intgrante de la premire dition de Passage de la Ligne(1918)

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    prisons ou dans des camps de concentration o ils sont soumis des traitementscruels et inhumains, apparemment dans un but dextermination .

    (Les Journaux, 22 aot 1947)

    Dsireux de jeter un coup d il sur les prisonniers qui se rendaient leurtravail, je me levai de bonne heure. Une pluie froide tombait. Un peu aprs sixheures, je vis arriver un contingent denviron quatre cents prisonniers des deux sexes,ils marchaient en colonne par dix, sous bonne garde, et se dirigeaient vers les atelierssecrets.

    Il y avait des annes que je voyais des malheureux de cet acabit et je ne pensaispas quil mtait rserv de contempler un jour des cratures dun aspect plustragique encore que celles que jai vues dans lOural ou en Sibrie. Lhorreur avaitici quelque chose de proprement diabolique et dpassait tout ce quon pouvaitimaginer. Les visages exsangues et dune horrible couleur jauntre des dtenusressemblaient des masques mortuaires. On et dit des cadavres ambulants,empoisonns par les produits chimiques quils manipulaient dans leur affreux

    purgatoire souterrain.Parmi eux, il y avait des hommes et des femmes qui pouvaient bien avoir

    cinquante ans et plus, mais aussi des jeunes ayant peine dpass leur vingtimeanne. Ils allaient dans un silence accabl, comme des automates, sans regarderautour deux, ils taient vtus dune faon effarante. Plusieurs dentre eux portaientdes galoches de caoutchouc attaches avec des ficelles, dautres avaient les piedsenvelopps de chiffons. Certains taient affubls de vtements de paysans ; quelques

    femmes portaient des manteaux dastrakan dchirs, et je reconnus sur certainsprisonniers les vestiges de vtements de bonne qualit et de provenance trangre.Au moment o la sinistre colonne passait devant limmeuble do je lobservais, unefemme saffaissa soudain. Deux gardes la tirrent hors des rangs, mais pas un des

    prisonniers neut lair de sen apercevoir. Toute sympathie, toute raction humainetaient mortes en eux.

    Mais peut-tre des hommes de bonne foi se demanderont-ils sil ne sagit pasl de situations exceptionnelles, de faits atroces mais isols. Jusque dans les milieuxouvriers les plus sincres, des hommes ont cru voir tre ainsi perscuts en Russie,

    uniquement une minorit de mcontents, minorit qui serait trs restreinte. Or, il estimpossible tout esprit se refusant au parti pris, de ne pas apercevoir le caractredextension, de tendance vers la gnralisation du travail forc qui saffirme enRussie.

    Voici les donnes de Kravchenko quant la masse humaine qui est lobjet dece travail forc :

    Dautres contingents, arrivant de diffrentes directions, se rendaient lenfersouterrain. Ils venaient des colonies du N.K.V.D., caches au loin, dans les forts,

    plusieurs kilomtres de distance. Le soir, je vis une colonne deux fois plus longue

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    que celle du matin, qui pataugeait dans la boue et sous la pluie, en route pour letravail de nuit.

    Je ne fus pas autoris descendre sous terre et, en vrit, je nen avais gureenvie, mais les conversations que jeus pendant les deux journes que je passai l, me

    permirent de me faire une ide assez prcise de toute la misre qui rgnait dans cetendroit. Lusine souterraine tait mal are, ayant t construite en plein affolementet sans quon se soucit le moins du monde de la sant des ouvriers. Aprs quelquessemaines passes respirer ses vapeurs nocives et sa puanteur, lorganisme humaintait empoisonn jamais. Le taux de la mortalit tait extrmement lev. Lusineconsommait la matire humaine presque aussi vite que les matires premiresquelle transformait.

    Le directeur de lentreprise tait un communiste au visage rbarbatif, quiportait sur sa tunique je ne sais quel ordre et toute une range de dcorations.Lorsque jen vins linterroger sur ses ouvriers, il me regarda dune faon trange,comme si je lui eusse demand des nouvelles dun lot de mules destines lquarrissage.

    (V. A. Kravchenko,Jai choisi la Libert)

    Lyon, 15 juin. Le Commissaire Jovin a t crou, lenqute mene sonsujet ayant tabli que le prvenu y tait mort de coups reus pendant soninterrogatoire.

    (Les Journaux, 16 juin 1947)

    Paris, 31 juillet. Vingt-deux femmes dtenues pour des peines lgres onttrouv la mort hier soir, vers 23 heures, dans un incendie qui, pour des causes encoreindtermines, sest dclar dans le dortoir-atelier 12 de la prison des Tourelles.

    Lex-caserne des Tourelles, situe boulevard Mortier, la Porte des Lilas,ntait pas faite pour abriter des dtenus. Construction lamentable, elle avait tdepuis longtemps abandonne par la troupe, et ce nest quaux Allemands quelle dutson utilisation. Construction lpreuse et pratiquement dpourvue de toute installationsanitaire, lennemi y entassa pendant des annes les patriotes quil allait dfrer auxcours spciales. Puis, la Libration, les coupables taient incarcrs par milliers :

    aux premiers jours de lpuration, les autorits franaises expdirent l de nombreuxcollaborateurs. Les geles taient trop peu nombreuses alors. Mais cela remonte trois ans.

    Depuis, avait-on apport quelque changement la dtention des jeunes,hommes et femmes, inacceptables par Fresnes ou la Petite Roquette ? Aucune. Lesdtenues vivaient l dans des dortoirs (comportant des lits tages identiques ceuxdes P.G. en Allemagne), spars par des cloisons en planches, le bois tant lematriau principal de la construction.

    Cette prison, qui occupe le btiment central de la caserne, abrite actuellement

    380 dtenus, employs dans la journe des travaux manuels consistant confectionner des colliers de paillettes de cellulod et de matire plastique.

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    Par groupes de 25 ou 30, ces femmes, il faut le souligner, toutes prvenues demenus dlits, sont enfermes de 7 heures du soir 9 heures du matin.

    Or, hier soir, vers 22 h 15, un passant aperut dans la rue de longues flammesqui apparurent immdiatement aprs une courte explosion et donna lalarme,

    cependant que les dtenues affoles se cramponnaient aux barreaux des fentres enappelant au secours.Les gardiens, par veulerie, lchet, ou afin de se conformer aux ordres quils

    avaient reus, refusrent douvrir les portes, et ce furent les soldats du centre derassemblement du personnel 202 (C.R.A.P.) qui durent enfoncer les portes dudortoir-atelier n12, situ au premier tage, pour se porter au secours desmalheureuses.

    Mais cette man uvre prit du temps, et lorsque les soldats purent entrer, ils netrouvrent que 21 cadavres. Seule une 22e dtenue, atrocement brle, vivait encore,mais, transporte lhpital Tenon, elle ne tarda pas succomber son tour.

    (Les Journaux, 1er aot 1947)

    Ceux de lExodus , jets dune cage lautre, roulent dans les camps Quelle dtresse et quelle rage se peignent sur les visages de ces migrants crisps aux

    barreaux de leurs cages, cependant que, sur la passerelle du navire, les soldatsassomment ceux qui rsistent. Dans une bagarre furieuse, les soldats assomment lesmigrants du Runnymede-Park qui se refusaient dbarquer Hambourg coupsde matraque, on persuade les migrants de descendre des bateaux-cages, etc., etc..

    (Les Journaux, 9 et 10 septembre 1947)

    Aprs la mutinerie du camp de La No. Au cours de son vasion du campde dtenus politiques de La No, 30 km de Toulouse, Roger Labat, ex-capitaine decorvette, intern pour faits de collaboration, a t tu dune balle en plein c ur parun gardien M. Amor, directeur de ladministration pnitentiaire, a dclar : Ledtenu stait dj rendu aux gardiens lorsquil fut abattu. Il y a donc eu meurtre.

    (Les Journaux, 18 septembre 1947).

    La Rochelle, 18 octobre 1948. Instruit de faits scandaleux dont il stait

    rendu coupable lancien officier Max-Georges Roux, 36 ans, qui fut adjoint aucommandant du camp de prisonniers allemands de Chtelaillon-Plage, le jugedinstruction de La Rochelle en a saisi le tribunal militaire de Bordeaux o Roux at transfr. Lancien officier purge actuellement une peine de 8 mois de prison, quilui fut inflige en aot dernier La Rochelle, pour abus de confiance et escroqueriesau prjudice de diverses associations.

    Infiniment plus graves sont les dlits commis par Roux au camp de prisonniers.Il sagit de crimes authentiques et dune telle ampleur quil apparat difficile queRoux en porte seul la responsabilit devant les juges. Chatelaillon, lignoble

    personnage avait fait notamment dvtir plusieurs P.G. et les avait battus coups decravache plombe. Deux des malheureux succombrent ces sances de knout.

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    Un tmoignage accablant est celui du mdecin allemand Clauss Steen, qui futintern Chatelaillon. Interrog Kiel, o il habite, M. Steen a dclar que, de mai septembre 1945, il avait constat au camp de P.G. les dcs de cinquante de sescompatriotes. Leur mort avait t provoque par une alimentation insuffisante, par

    des travaux pnibles et par la crainte perptuelle dans laquelle les malheureuxvivaient dtre torturs.Le rgime alimentaire du camp, qui tait plac sous les ordres du commandant

    Texier, consistait, en effet, en une assiette de soupe claire, avec un peu de pain. Lereste des rations allait au march noir. Il y eut une priode o le pourcentage dedysentriques atteignit 80 p. 100.

    Texier et Roux, avec leurs subordonns, procdaient, en outre, des fouillessur leurs prisonniers, leur enlevant tous leurs objets de valeur. On value centmillions le montant des vols et des bnfices effectus par les gangsters galons, quiavaient si bien organis leur affaire que les billets de banque et les bijoux taientenvoys directement en Belgique, par automobile.

    On veut esprer quavec Roux les autres coupables seront bientt incarcrs aufort du H et quune sanction exemplaire sera prise contre ces vritables criminels deguerre.

    (Les Journaux, 19 octobre 1948)

    Au cours de lanne 1944, une jeune femme de nationalit serbe, YellaMouchkaterovitch, ne le 11 janvier 1921, a Lyon, avait t abattue par la Rsistance

    pour avoir dnonc par lettre onze personnes de Pont-de-Veyle. Quelques jours plus

    tard, son bb de 8 mois tait abattu son tour dans lcurie dune ferme, au hameaude Mons, Griges.

    La police mobile de Lyon apprhenda, au mois de mars, deux des auteurs de cemeurtre : Gaston Convert, 31 ans, rue du Tonkin, Lyon, et Louis Chambon, 37 ans,originaire de Grand-Croix (Loire), propritaire de lHtel de la Gare, Pont-de-Veyle.

    Le Parquet de Bourg vient dtre dessaisi de cette affaire au bnfice duTribunal militaire. Les deux prvenus ont t transfrs la prison de Montluc.

    (Les Journaux, 28 avril 1948)

    Se rendant parfaitement compte que tout le parti communiste est compromispar laffaire Gastaud, ses dirigeants marseillais ont essay avec violence de justifierlassassinat du commissaire de lEstaque. Non sans quelque maladresse dailleurs.

    Ils ont organis en faveur de Marchetti un meeting de masses , au coursduquel un orateur a eu le front de dclarer :

    Gastaud tait impopulaire , et la population lui aurait fait un mauvaisparti si on le lui avait livr

    Marchetti sest content de lui tirer une balle dans la nuque aprs lui avoir fait

    couper la langue et brler les organes sexuels avec la flamme dune bougie.(Les Journaux, 27 octobre 1948)

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    Le camp de concentration de Buchenwald, en zone sovitique, reoit, depuis le14 septembre, de nouveaux dtenus.

    Les nouveaux prisonniers sont arrivs la gare de Weimar dans trente-six

    wagons de marchandises. Chaque wagon contenait de 40 50 hommes et femmes detous ges, ainsi que des enfants et des vieillards, les prisonniers se sont rendus piedde Weimar au camp de concentration.

    Bien que les rues aient t vacues sur lordre de la police sovitique, lesdtenus cherchaient ameuter la population en criant quils taient membres de

    partis dmocratiques de Berlin.Les jours qui suivirent, quatorze trains, comprenant 30 40 wagons, ont

    conduit directement les dtenus de Weimar au camp de Buchenwald.(A. F. P., 11 novembre 1948)

    Treize cents personnes dplaces, vivant dans le camp de Dachau (zoneamricaine), ont demand aujourdhui au gouvernement de Bavire de les asphyxierdans les chambres gaz utilises par les nazis pour que leurs misres prennentfin .

    Pour attirer lattention sur leur sort et protester contre leurs conditionsdexistence, les rfugis ont dj hier fait la grve de la faim.

    (Reuter, 14 novembre 1948)

    Il existe dans le Sud-Algrien, exactement An-Sefra, un camp o lon a

    parqu, ple-mle, des condamns de droit commun et de jeunes condamns desCours de justice qui, ayant purg leur peine, doivent accomplir leur service militaire.Ce nest pas, bien sr, un camp de dports . Cest un camp d exclus .

    Nuance !(Carrefour, 2 dcembre 1948)

    Etc., etc.

    Voici maintenant deux opinions :

    Aprs la Libration, les dtenus politiques se sont compts par dizaine demilliers, voire, au dbut, par centaines de milliers. Ils ont t entasss dans des campsdont lorganisation est dplorable, dans des conditions quon a le droit de direinsupportables. Si le public connaissait ces conditions, il sortirait sans doute de sonindiffrence, quon lui reproche souvent, qui est en effet blmable mais qui, le plussouvent, tient son manque dinformation Le nombre et la condition de ces dtenus

    posent un problme angoissant du quadruple point de vue du christianisme, de lajustice, de la concorde nationale et du relvement du pays.

    (Journal de Genve, 19 fvrier 1949.)

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    Puisque les camps demeurent, gris et grouillants abattoirs, nous sommes encoredans les camps.

    La pense que dautres hommes, en ce prsent instant, rampent sous les mmesfouets, tremblent sous les mmes froids, meurent sous les mmes faims, est-ce pour

    nous une pense supportable, pour nous qui savons ?(Lon Mazaud,Bulletin de la Fdration des Dports de la Rsistance, mars1949)

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    PREMIERE PARTIE: LEXPERIENCE VECUE1

    La vrit, cest que la victimecomme le bourreau taient ignobles : que laleon des camps, cest la fraternit danslabjection ; que si toi, tu ne tes pas conduitavec ignominie, cest que seulement letemps a manqu et que les conditions nont

    pas t tout fait au point ; quil nexistequune diffrence de rythme dans ladcomposition des tres ; que la lenteur durythme est lapanage des grands caractres ;mais que le terreau, ce quil y a dessous etqui monte, monte, monte, cest absolument,affreusement, la mme chose. Qui le croira ?Dautant que les rescaps ne sauront plus. Ilsinventeront, eux aussi, de fades imagesdEpinal. De fades hros de carton-pte. Lamisre de centaine de milliers de mortsservira de tabou ces estampes. (David

    Rousset,Les Jours de notre mort)

    CHAPITRE I

    Un grouillement dhumanits diverses aux portes desenfers

    Six heures du matin : au jug. Nous sommes l, une vingtaine dhommes detous ges et de toutes conditions, tous Franais, affubls des plus invraisemblablesoripeaux et sagement assis autour dune grande table trteaux. Nous ne nousconnaissons pas et nous nessayons pas de faire connaissance. Muets ou peu prs,nous nous contentons de nous dvisager et de chercher, quoiquavec paresse, nousdeviner mutuellement. Nous sentons que, lis un sort dsormais commun, noussommes destins vivre ensemble une preuve douloureuse et quil faudra bien nousrsigner nous livrer les uns aux autres, mais nous nous comportons comme si nous

    voulions le plus possible en retarder le moment: la glace a peine se rompre.1Paru en 1948 sous le titre Passage de la ligne

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    Absorbs chacun par son propre soi-mme, nous essayons de reprendre nosesprits, de raliser ce qui vient de nous arriver : trois jours et trois nuits cent dans lewagon, la faim, la soif, la folie, la mort ; le dbarquement dans la nuit, sous la neige,au milieu des claquements de revolvers, des hurlements des hommes et des

    aboiements des chiens, sous les coups des uns et les crocs des autres ; la douche, ladsinfection, la cuve ptrole , etc. Nous en sommes tout abrutis. Nous avonslimpression que nous venons de traverser un No mans land, de participer a unecourse dobstacles plus ou moins mortels, savamment gradus et mticuleusementminuts.

    Aprs le voyage et sans transition, une longue enfilade de halls, de bureaux etde couloirs souterrains, peupls dtres tranges et menaants, ayant chacun sa nonmoins trange et humiliante formalit. Ici, le portefeuille, lalliance [15], la montre,le stylo ; ici, la veste, le pantalon ; l le caleon, les chaussettes, la chemise ; endernier lieu le nom : on nous a tout vol. Puis le coiffeur qui a fait coupe blanchedans tous les coins, le bain de crsyl, la douche. Enfin lopration inverse : ceguichet, une chemise en lambeaux, celui-ci un caleon trous, cet autre un

    pantalon rapic, et ainsi de suite jusquaux claquettes et la bande qui porte lematricule en passant par la redingote lime ou la vareuse hors dusage, et le bonnetrusse ou le chapeau bersaglier. On ne nous a redonn ni un portefeuille, ni unealliance, ni un stylo, ni une montre.

    Cest comme Chicago, a laiss tomber en brandissant son numro, lundentre nous qui voulait faire un mot : lentre de lusine ils sont cochons, lasortie botes de conserves. Ici, on entre en homme et on sort numro.

    Personne na ri : entre le cochon et la bote de conserves de Chicago, il ny asrement pas plus de diffrence quentre ce que nous tions et ce que nous sommesdevenus.

    Quand nous sommes arrivs, tout ce premier groupe, dans cette grande salleclaire, propre, bien are, premire vue confortable, nous avons prouv comme unsoulagement : le mme, sans doute, quOrphe remontant des Enfers. Puis, nous noussommes laiss aller nous-mmes, nos proccupations, celle qui domine etrefrne toute envie de spculations intrieures et qui se lit dans tous les yeux :

    Aurons-nous manger aujourdhui ? Quand pourrons-nous dormir ?

    Nous sommes Buchenwald,Block 48, FIgel a. Il est six heures du matin : aujug. Et cest dimanche dimanche 30 janvier 1944. Sombre dimanche.

    Le Block 48 est en pierre bti en pierre, couvert en tuiles et,contrairement presque tous les autres qui sont en planches, il comprend un rez-de-chausse et un tage. Aisances et commodits en haut et en bas : toilettes avec deuxgrandes vasques circulaires dix ou quinze places, et jet deau retombant endouches, w.-c. avec six places assises et six debout. De chaque ct, communiquant

    par un entre-deux, un rfectoire (Ess-Saal) avec trois grandes tables trteaux, et undortoir (Schlaf-Saal) qui contient trente ou quarante chlits en tage. Un dortoir et un

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    rfectoire jumels composent une aile ou Flgel : quatre Flgel, a et b au rez-de-chausse, c et d ltage. Le btiment couvre environ cent [16] vingt centcinquante mtres carrs, vingt vingt-cinq de long sur cinq six de large : lemaximum de confort dans le minimum despace.

    Hier, en prvision de notre arrive, on a vid le Block 48 de ses occupantshabituels. Il nest rest que le personnel administratif qui fait corps avec lui : leBlockltesterou doyen, cest--dire le chef de Block, son Schreiberou comptable, lecoiffeur et les Stubendienst deux par Flgel ou hommes de chambre. En tout,onze personnes. Maintenant et depuis laube, il semplit nouveau.

    Notre groupe, qui est arriv le premier, a t cas dans le Flgel mme du chefde Block. Petit a petit, il en arrive dautres. Petit petit aussi, latmosphre sanime.Des compatriotes arrts en mme temps ou dans la mme affaire se retrouvent. Leslangues se dlient. Pour ma part, jai retrouv Fernand qui vient sasseoir ct demoi.

    Fernand est un de mes anciens lves, un ouvrier solide et consciencieux.Vingt ans. Sous loccupation, il sest tout naturellement tourn vers moi. Nous avonsfait le voyage, enchans lun lautre jusqu Compigne, et Compigne dj,nous avions form un lot sympathique parmi les dix-sept arrts dans la mmeaffaire que nous. vrai dire, nous les avions plaqus : dabord, il y avait celui quistait mis table linterrogatoire ; ensuite, linvitable sous-officier de carriredevenu agent dassurances et qui, en mme temps quil stait dcor de la Lgiondhonneur, avait jug indispensable sa dignit de se promouvoir de lui-mme augrade de capitaine. Enfin, il y avait les autres, tous gens rangs et srieux, dont le

    silence et le regard disaient chaque instant la conscience quils avaient de stre misdans un mauvais cas. Lagent dassurances, surtout, nous agaait avec samgalomanie, ses manires grandiloquentes, ses airs entendus dtre dans le secretdes dieux, et les bobards btement optimistes dont il ne cessait de nous abreuver.

    Viens, mavait dit Fernand, cest pas des gens de notmonde. Buchenwald, o nous tions arrivs dans le mme wagon, nous nous

    sommes nouveau accrochs lun lautre, et nous avons profit dun momentdinattention du groupe pour filer langlaise et offrir nos personnes lune derrirelautre ce quil faut quand mme appeler les formalits dcrou. Un instant spars,

    nous nous sommes retrouvs ensemble ici. huit heures du matin, il ne reste pas la place pour [17] caser un uf autour

    des tables, et les bavardages, si bruyants quils incommodent le chef de Block et lesStubendienst, vont leur train. Les prsentations se font, les professions sannoncent,les unes aux autres par dessus les ttes, accompagnes des postes occups dans larsistance : des banquiers, de gros industriels, des commandants de vingt ans, descolonels peine plus gs, des grands chefs de la rsistance ayant tous la confiancede Londres et dtenant ses secrets, en particulier la date du dbarquement. Quelques

    professeurs, quelques prtres qui se tiennent timidement lcart. Peu savouent

    employs ou simples ouvriers. Chacun veut avoir une situation sociale plus enviableque celle du voisin, et surtout avoir t charg par Londres dune mission de la plus

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    haute importance. Les actions dclat ne se comptent pas. Nos deux modestespersonnes sen trouvent crases

    Du gratin, de la haute vole Mazette, me glisse Fernand loreille et tout,tout bas.

    Au bout dun quart dheure, vraiment gns, nous prouvons une irrsistibleenvie de pisser. Dans lentre-deux qui conduit aux w.-c, une conversation trs anime cinq ou six. En passant, nous entendons agiter des millions.

    Dieu, dans quel milieu sommes-nous donc tombs ?Aux w.-c. toutes les places sont occupes, on fait la queue et nous sommes

    obligs dattendre. Au retour, une bonne dizaine de minutes aprs, le mme groupeest toujours dans lentre-deux et la conversation roule toujours sur les millions. Il estquestion de quatorze maintenant. Nous voulons en avoir le c ur net et nous nousarrtons ; cest un pauvre vieux qui se rpand en lamentations sur les sommesfabuleuses que son sjour au camp lui fera perdre.

    Mais enfin, Monsieur, risqu-je, quest-ce que vous faites donc dans le civilpour manipuler des sommes pareilles ? Vous devez avoir une situation considrable.

    Jai pris un air de commisration admirative pour dire cela,Ah ! Mon pauvre Monsieur, ne men parlez pas : a !Et il me montre les claquettes quil a aux pieds. Je nai pas la force de ne pas

    clater de rire. Il ne comprend pas et il recommence pour moi ses explications.Vous comprenez, ils men ont dabord command mille paires quils sont

    venus chercher sans contrler ni le nombre, ni les factures. Puis mille autres paires,puis deux mille, puis cinq mille, puis... Ces temps derniers, les commandes

    affluaient. Et jamais ils ne contrlaient. Alors, jai commenc tricher un peu sur lesquantits, puis sur [18] les prix. Dame : plus on leur prenait dargent, plus on lesaffaiblissait, et plus on facilitait la tche des Anglais. Ces sales boches, tout demme ! Un beau jour, ils ont collationn les factures et les comptes rendus de leursrceptionnaires : il faut sattendre tout de la part de ces gens-l. Ils ont trouv quilsavaient t vols dune dizaine de millions. Alors ils mont envoy ici. Directement.Et sans le moindre jugement, Monsieur. Mais vous vous rendez compte : moi, unvoleur ? Ruin, je vais tre ruin. Monsieur ! Et sans le moindre jugement.

    Il est vraiment scandalis. Trs sincrement, il a limpression quil a accompli

    un acte dun patriotisme indiscutable et quil est, comme tant dautres, la victimedun dni de justice. Les autres compatissent manifestement sa douleur. Lun deuxenchane sans sourciller :

    Cest comme moi, Monsieur, jtais intendant conomique dans la ...Allez, viens, me dit Fernand, tu vois bien !

    Les jours passent. Nous nous familiarisons, autant que faire se peut, avec notrenouvelle vie.

    Dabord, nous apprenons que nous sommes ici pour travailler, que nous seronstrs prochainement affects un kommando vraisemblablement extrieur au camp et

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    qualors nous partirons en transport . En attendant, nous resterons en quarantainetrois ou six semaines, selon quil se dclarera ou non parmi nous une maladiepidmique.

    Ensuite, on nous donne connaissance du rgime provisoire auquel nous seront

    soumis. Pendant la quarantaine, interdiction absolue de quitter le Block ou sa petitecour dailleurs entoure de barbels. Tous les jours, rveil quatre heures et demie, en fanfare , par le Stubendienst, gummi a la main pour ceux qui seraient tentsde tranasser toilette au pas de course, distribution des vivres pour la journe (250g de pain, 20 g de margarine, 50 g de saucisson ou de fromage blanc ou de confiture,un demi-litre de caf-ersatz non sucr), appel cinq heures et demie et qui durera

    jusqu six heures et demie ou sept heures. De sept huit heures, corves denettoyage du Block. Vers onze heures, nous toucherons un litre de soupe derutabagas, et vers seize heures, le caf-trink. dix-huit heures, nouvel appel qui

    pourra durer jusque vers vingt-et-une heures, rarement au-del, mais ordinairementjusqu vingt heures. Puis cou[19]cher. Entre-temps, livrs nous-mmes, nouspourrons, assis autour des tables et condition de ntre pas trop bruyants, nousraconter nos petites histoires, nos dcouragements, nos craintes, nos apprhensions etnos espoirs.

    En fait, du matin au soir, la conversation roulera sur la date de la cessationventuelle des hostilits et la faon dont elles prendront fin : lopinion gnrale estque tout sera fini dans deux mois, lun dentre nous ayant gravement annonc quilavait reu un message secret de Londres lui donnant le dbut de mars comme datecertaine du dbarquement.

    Progressivement, Fernand et moi, nous faisons connaissance avec notreentourage, tout en gardant nos distances et en restant sur la rserve. En deux jours,nous avons acquis la certitude que la moiti au moins de nos compagnons dinfortunene sont pas ici pour les motifs quils avouent, et quen tout cas ces motifs nontquune parent assez lointaine avec la rsistance : le plus grand nombre des victimesnous parat venir du march noir.

    Ce qui est plus compliqu, cest de saisir le rythme de la ronde dans laquellenous venons dentrer. Par la personne interpose dun Luxembourgeois qui sait

    peine le franais, le chef de Block nous fait bien des discours explicatifs tous les

    soirs lappel, mais Ce chef de Block est le fils dun ancien dput communiste auReichstag, assassin par les nazis. Il est communiste, il ne sen cache pas ce quimtonne et lessentiel de ses palabres consiste dans laffirmation ritre que lesFranais sont sales, bavards comme des pies, et paresseux ; quils ne savent pas selaver et que ceux qui lcoutent ont la double chance dtre arrivs au moment o lecamp tait devenu un sanatorium, et davoir t affects un Block dont le chef soitun politique au lieu dtre un droit commun. On ne peut pas dire que ce soit unmauvais garon : il y a onze ans quil est enferm et il a pris les habitudes de lamaison. Rarement il frappe : ses manifestations de violence consistent gnralement

    en vigoureux Ruhe1

    lancs au milieu de nos bavardages et suivis dimprcations1Du calme !

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    dans lesquelles il est toujours question de Krematorium. Nous le craignons, maisnous craignons plus encore ses Stubendienst russes et polonais.

    Du reste du camp, nous ne savons rien ou presque, notre champdinvestigations se limitant aux quatre Flgel du Block. Nous pressentons quon

    travaille autour de nous, que le travail est dur, mais nous navons que radio-bobard[20] pour nous fixer sur sa nature. Par contre, nous connaissons trs rapidement tousles coins et recoins de notre Block et de ses occupants. Il y a de tout, l-dedans : desaventuriers, des gens dorigine et de condition sociales mal dfinies, des rsistantsauthentiques, des gens srieux, des Crmieux, le Procureur du Roi des Belges, etc.Inutile de dire que Fernand et moi, nous nprouvons pas le dsir de nous agglutiner lun quelconque des groupes daffinits qui se sont constitus.

    La premire semaine a t particulirement pnible.Parmi nous il y a des clops, des mutils dune jambe ou des deux, des

    estropis congnitaux qui ont d laisser leurs cannes, leurs bquilles ou leurs jambesartificielles lentre, en mme temps que leur portefeuille ou leurs bijoux : ils setranent lamentablement, on les aide ou on les porte. Il y a aussi de grands malades qui on a pris les mdicaments indispensables quils portaient toujours sur eux : ceux-l, incapables de salimenter, meurent lentement. Et puis, il y a la grande rvolution

    provoque dans tous les organismes par le changement brutal de la nourriture et satragique insuffisance : tous les corps se mettent suppurer, le Block est bientt unvaste anthrax que des mdecins improviss ou sans moyens soignent ou font

    semblant de soigner. Enfin, sur le plan moral, des incidents inattendus rendent plusinsupportable encore la promiscuit qui nous est impose : lintendant conomiqueavec grade de colonel sest fait prendre alors quil drobait le pain dun malade dontil avait voulu tre linfirmier ; une violente dispute a oppos le Procureur du Roi desBelges un Docteur, propos du partage du pain ; un troisime qui se promenait degroupe en groupe en brandissant sa qualit de Prfet pour aprs la Libration, a tsurpris en train de prlever sur la ration commune au moment de son arrive auBlock, etc. Nous sommes la Cour des Miracles.

    Tout cela provoque le rveil des philanthropes : il ny a pas de Cour des

    Miracles sans philanthropes et la France, riche en ce domaine, en a forcmentexport ici qui ne demandent qu rendre leur dvouement ostensible, et si possiblermunrateur. Un beau jour ils jettent un regard de commisration hautaine sur cettemasse dhommes en haillons, abandonns toutes les constructions de lesprit, etvictimes possibles de toutes les perversions. Notre niveau [21] moral leur parat endanger et ils volent son secours car, dans une aventure comme celle-ci, le facteurmoral est essentiel. Cest ainsi dans la vie : il y a des gens qui en veulent votre pain,dautres votre libert, dautres votre moral.

    Un Lyonnais, qui se dit rdacteur en chef deLEffort, voyez rfrence !

    un colonel, si jai bonne mmoire, un haut fonctionnaire du ravitaillement et un petitboiteux qui se dit communiste, mais que les Toulousains accusent de les avoir

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    donns la Gestapo lors de son interrogatoire, mettent sur pied un programme detours de chants et de confrences sur des sujets divers. Jusquau dimanche, nousentendons un expos sur la syphilis des chiens, un autre sur la production ptrolifredans le monde, et le rle du ptrole aprs la guerre, un troisime sur lorganisation

    compare du travail en Russie et en Amrique : ces discours narrivent pas jusqunousLe dimanche, un programme suivi de trois six, avec rgisseur. Une dizaine de

    volontaires y sont alls chacun de la sienne , les sentiments les plus divers sontremonts du fond des mes, les personnalits les plus varies se sont affirmes : duViolon bris au Soldat alsacienen passant par G.D.V., Margot reste au village, etCur de Lilas. Les gauloiseries les plus oses, les monologues les plus cocassesaussi. Ces pitreries jurent avec lendroit, le public, la situation dans laquelle nousnous trouvons, et les proccupations qui devraient tre les ntres : dcidment, lesFranais mritent bien la rputation de lgret que le monde leur a faite.

    Je sais une glise au fond dun hameau Des larmes montent aux yeux de tous, les visages reprennent des airs

    dhumanit, ces dsaxs redeviennent des hommes. Je ralise ce que le lentGaloubet de Bertrandou, le Fifre ancien Berger , fut pour les Cadets de Gascognede Cyrano de Bergerac. Je pardonne aux philanthropes et, sur le champ, je voue unereconnaissance ternelle Jean Lumire.

    La deuxime semaine, changement de dcor : il y a encore des formalits

    accomplir. Le lundi matin, les infirmiers font irruption dans le Block, la lancette lamain : les vaccinations. Tout le monde poil dans le dortoir ; au retour dans lerfectoire, on est cueilli au passage, piqu la chane. [22] Lopration se rpte troisou quatre fois, quelques jours dintervalle. Laprs-midi, cest le politische

    Abteilung bureau politique du camp qui opre une descente et procde uninterrogatoire serr sur ltat civil, la profession, les convictions politiques, lesraisons de larrestation et de la dportation : a prend trois ou quatre jours chevalsur les vaccinations et la corve de m .

    La corve de m... : ah ! mes amis ! Toutes les dfcations des quelque trente

    quarante mille habitants du camp convergent dans un contre-bas qui fait cne dedjection. Comme il faut que rien ne se perde, tous les jours, un kommando spcialrpand la prcieuse denre sur des jardins qui dpendent du camp et produisent deslgumes pour les S.S. Depuis que les convois dtrangers affluent jet continu, lesdtenus allemands qui ont la direction administrative du camp ont imagin de fairefaire ce travail par les nouveaux arrivs : a leur tient lieu de la traditionnelle farcequon fait aux bleus dans les casernes de France, et a les amuse normment. Cettecorve est des plus pnibles : les dtenus, attels deux deux une trague (bassin en bois en forme de tronc de pyramide base rectangulaire), contenant la

    chose, tournent en rond, du rservoir aux jardins, comme des chevaux de cirque,

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    pendant douze heures conscutives, dans le froid, dans la neige, et, le soir, rentrent auBlock, fourbus et empuantis.

    Un jour, on nous annonce que, sans que nous soyons pour autant affects unkommando, notre Block devra fournir chaque matin et chaque aprs-midi, pendant

    tout le reste de la quarantaine, une corve de pierres. Le chef de Block a dcid quaulieu denvoyer des groupes de cent hommes qui se relaieraient et travailleraientdouze heures daffile, il nous serait plus lger dy aller tous, cest--dire les quatrecents, et de ne rester que deux heures dehors pour chaque service. Tout le monde estdaccord.

    partir de ce jour, tous les matins et tous les soirs nous dfilons travers lecamp, pour nous rendre au Steinbruck la carrire o nous prenons une pierredont le poids est a la mesure de notre force : nous la ramenons au camp des quipesqui la cassent pour faire des avenues, et nous rentrons au Block. Ce travail est lger,surtout en comparaison de celui des carriers qui extraient la pierre sous les injures etles coups des Kapos K.A.Po., abrviation de Kontrolle Arbeit Polizeiou Police decontrle du travail. Quatre fois par jour, nous passons proximit des villas o larumeur veut que Lon Blum, Daladier, Raynaud, [23] Gamelin et la PrincesseMafalda, fille du Roi dItalie, soient gards vue. Nous envions tous le sort de ces

    privilgis. chaque passage, jentends des rflexions :Les loups ne se mangent pas entre eux !Selon que vous serez puissant ou misrableLes gros, mon vieux, tu te fais crever la peau pour eux et ils se font des

    politesses !

    Les lois raciales dHitler sappliquent tous les juifs sauf un.Etc., etc.Dans nos rangs, il y a un ancien premier Ministre de Belgique, un ancien

    Ministre franais, dautres personnages aussi, plus ou moins considrables. Ceux-lsont plus mortifis que nous du traitement dont bnficient les habitants des villas.On raconte quils ont chacun deux pices, la T.S.F., les journaux allemands ettrangers, quils font trois repas par jour. Et on a la certitude quils ne travaillent pas.

    Lon Blum est plus particulirement envi. Le hasard a voulu qu un voyage,Fernand et moi qui ne nous quittons jamais, nous nous trouvions ct du ministre

    franais :Pourquoi Lon Blum et pas moi ? nous dit-il. linflexion de sa voix, nous avons senti quil ne trouvait pas du tout trange

    que nous soyons affects ces basses besognes desclaves ; mais lui, voyons, Lui,Ancien Ministre !

    Fernand hausse les paules. Je suis perplexe.Un autre jour, au lieu de nous conduire la corve de pierres, on nous emmne

    au service de lanthropomtrie o on doit nous photographier (de face et de profil) etrelever nos empreintes digitales. Des individus gros et gras, bien fourrs, au reste

    dtenus comme nous, mais portant au bras linsigne dune autorit quelconque et lamain le gummi qui la justifie, hurlent nos chausses. Devant moi marchent le

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    Docteur X et le petit boiteux communiste qui est dans les grces du chef de Block etpasse pour son homme de confiance aux yeux des Franais. Jcoute la conversation.Le Docteur X, dont tout le monde sait que, dans son dpartement, il fut plusieursreprises candidat de lU.N.R., au Conseil gnral ou dautres lections, explique au

    petit boiteux quil nest pas communiste, mais pas non plus anticommuniste, bien aucontraire : la guerre lui a ouvert les yeux et peut-tre, quand il aura eu le tempsdassimiler la doctrine Depuis deux jours, on parle dun transport possible Dora etle Docteur X commence poser des jalons pour rester Buchenwald. Misre !

    Soudain, je reois un formidable coup de poing : absorb [24] dans lesrflexions nes de la conversation, jai d sortir un peu des rangs. Je me retourne et

    je reois en plein visage une avalanche dinjures en allemand dans lesquelles jedistingue : Hier ist Buchenwald, Lumpe, Schau mal, dort ist Krematorium . Cesttout ce que je saurai sur la raison du coup de poing. Par contre et comme pourmexpliquer combien il tait justifi, le petit boiteux sest retourn vers moi :

    Tu pouvais pas faire attention : cest Thaelmann !Nous arrivons lentre du btiment de lanthropomtrie. Un autre personnage

    brassard et gummi, nous colle brutalement en rangs contre la paroi. Cette fois,cest le petit boiteux qui reoit un coup de poing et qui est abreuv dinjures. Lorage

    pass, il se tourne vers moi :a mtonne pas de ce c-l : cest Breitscheid.Je nprouve pas le moins du monde le besoin de vrifier lidentit des deux

    lascars. Je me borne sourire la pense quils ont enfin ralis lunit daction dontils ont tant parl avant la guerre, et admirer ce sens aigu des nuances que le petit

    boiteux possde jusque dans ses rflexes.

    Je suis un pessimiste, du moins jen ai la rputation.Dabord, je me refuse prendre pour argent comptant les nouvelles optimistes

    que chaque soir Johnny rapporte au Block. Johnny est un ngre. Je lai vu pour lapremire fois Compigne o je lai entendu raconter avec un accent amricainfortement prononc, quil tait capitaine dune forteresse volante et quau cours dunraid sur Weimar, son appareil ayant t touch, il avait d sauter en parachute. Arriv

    Buchenwald, il sest mis parler le franais couramment et il sest donn commemdecin. Il parle deux autres langues peu prs aussi bien que le franais :lallemand et langlais. Grce cette supriorit, son imagination et uneindiscutable culture, il russit se faire affecter comme mdecin au Revier avantmme que la quarantaine soit finie. Les Franais sont persuads quil nest pas plusmdecin que capitaine de forteresse volante, mais ils sinclinent devant la matriseavec laquelle il a su se planquer. Chaque soir il est trs entour : le Revier passe pourtre le seul endroit do peuvent venir les nouvelles sres. Aussi, malgr sarputation de hbleur, Johnny est-il pris au srieux par tout le monde quand il parle

    des vnements de la guerre. Un soir, il revient avec la rvolution [25] Berlin, unautre avec un soulvement de troupes sur le front de lEst, un troisime avec le

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    dbarquement des allis Ostende, un quatrime avec la prise en charge des campsde concentration par la Croix-Rouge internationale, etc., etc. Johnny nest jamais court de bonnes nouvelles qui font que chaque soir, aprs son arrive au Block,lopinion gnrale est, en fvrier 44, que la guerre sera finie dans deux mois. II

    mexcde et les autres aussi avec leur crdulit. ceux qui mabordent avec lacertitude que leur insuffle Johnny, jai pris lhabitude de rpondre que, pour ma part,jtais persuad que la guerre ne serait pas finie avant deux ans. Comme je suis parailleurs de ceux, trs rares, qui navaient cru la chute de Stalingrad, pour ainsi direque sur le vu de la chose, et que je lai avou mme aprs coup, je suis tout de suitecatalogu.

    De fait, jaccueille tout avec un scepticisme inbranlable : les horreurs les plusraffines quon raconte sur le pass des camps, les suppositions optimistes sur lecomportement futur des S.S. qui sentent, dit-on, passer sur lAllemagne le vent de ladfaite, et qui veulent se racheter aux yeux de leurs futurs vainqueurs, les bruitsrassurants sur notre affectation ultrieure. Je nie mme ce qui parat tre lvidence,

    par exemple, la fameuse inscription qui se trouve sur la grille en fer forg qui fermelentre du camp. En allant la corve de pierres, jai lu un jour : Jedem dasSeine , et les rudiments dallemand que je possde mont fait traduire : chacunsa destine . Tous les Franais sont persuads que cest la traduction de la clbreapostrophe que Dante place sur la porte des Enfers : Vous qui entrez ici,abandonnez tout espoir 1.

    Cest le comble et je suis un mcrant.

    Le Block est partag en deux clans : dun ct, les nouveaux arrivs, de lautreles onze individus, chef de Block, Schreiber, Friseur et Stubendienst, Germains ouSlaves, qui constituent son armature administrative, et une sorte de solidarit qui faittable rase de toutes les oppositions, de toutes les diffrences de conditions ou deconceptions, unit [26] tout de mme dans la rprobation, les premiers contre lesseconds. Ceux-ci, qui sont des dtenus comme nous, mais depuis plus longtemps, et

    possdent toutes les roueries de la vie pnitentiaire, se comportent comme silstaient nos matres vritables, nous conduisent linjure, la menace et la trique. Il

    nous est impossible de ne pas les considrer comme des agents provocateurs, ou deplats valets des S.S. Je ralise enfin et seulement ce que sont les Chaouchs, prvtsdes prisons et hommes de confiance des bagnes, dont fait tat la littrature franaisesur les pnitenciers de tous ordres. Du matin au soir, les ntres, bombant le torse, setarguent du pouvoir quils ont de nous envoyer au Krematorium la moindreincartade et dun simple mot. Et, du matin au soir aussi, ils mangent et fument cequils drobent, au vu et au su de tous, insolemment sur nos rations : des litres de

    1 Immdiatement aprs ma libration, en mai 1945, alors que jtais encore en Allemagne et

    sur le chemin du retour, jai entendu une causerie radiophonique par un dport Gandrey Retty, sijai bonne mmoire et qui donnait cette traduction. Ainsi naissent les bobards.

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    soupe, des tartines de margarine, des pommes de terre fricasses loignon et aupaprika. Ils ne travaillent pas. Ils sont gras. Ils nous rpugnent.

    Dans ce milieu, jai fait la connaissance de Jircszah.Jircszah est tchque. Il est avocat. Avant la guerre il fut adjoint au maire de

    Prague. Le premier travail des Allemands prenant possession de la Tchcoslovaquiefut de larrter et de le dporter. Il y a quatre ans quil trane dans les camps. Il lesconnat tous : Auschwitz, Mauthausen, Dachau, Oranienburg. Un accident banal lasauv il y a deux ans et ramen Buchenwald, dans un transport de malades. sonarrive, un de ses compatriotes lui a trouv la place dinterprte gnral pour lesSlaves. Il espre quil la conservera jusqu la fin de la guerre quil ne croit pas toute

    proche, mais quil sent enfin venir. Il vit avec les Chaouchs du Block 48 qui leconsidrent comme tant des leurs, mais il nous donne tout de suite des gages quinous le font considrer comme tant des ntres : ses rations quil distribue, des livresquil se procure et quil nous prte.

    Jircszah prend pour la premire fois contact avec les Franais. Il les regardeavec curiosit. Avec piti aussi : cest a les Franais ? Cest a la culture franaisedont on lui a tant parl au temps de ses tudes ? Il est du il nen revient pas.

    Mon scepticisme et la faon dont je me tiens presque systmatiquement lcart de la vie bruyante du Block le rapprochent de moi.

    Cest a, la rsistance ?Je ne rponds pas. Pour le raccommoder avec la France, je lui prsente

    Crmieux.[27]Il napprouve certes pas le comportement des Chaouchs, mais il nen est plus

    choqu et il ne les mprise mme pas : ils font aux autres ce quon leur a fait.Jai vu pire, dit-il Il ne faut pas demander aux hommes trop dimagination

    dans la voie du bien. Quand un esclave prend du galon sans sortir de sa condition, ilest plus tyran que ses tyrans eux-mmes.

    Il me raconte lhistoire de Buchenwald et des camps.Il y a beaucoup de vrai dans tout ce quon dit sur les horreurs dont ils sont le

    thtre, mais il y a beaucoup dexagration aussi. Il faut compter avec le complexedu mensonge dUlysse qui est celui de tous les hommes, par consquent de tous lesinterns. Lhumanit a besoin de merveilleux dans le mauvais comme dans le bon,

    dans le laid comme dans le beau. Chacun espre et veut sortir de laventure aveclaurole du saint, du hros ou du martyr, et chacun ajoute sa propre odysse sansse rendre compte que la ralit se suffit dj largement elle-mme.

    Il na pas de haine pour les Allemands. Dans son esprit, les camps deconcentration ne sont pas spcifiquement allemands et ne relvent pas dinstincts quisoient propres au peuple allemand.

    Les camps lesLagers, comme il dit sont un phnomne historique etsocial par lequel passent tous les peuples arrivant la notion de Nation et dEtat. Onen a connu dans lAntiquit, au Moyen Age, dans les Temps modernes : pourquoi

    voudriez-vous que lEpoque contemporaine fasse exception ? Bien avant Jsus-Christ, les Egyptiens ne trouvaient que ce moyen de rendre les Juifs inoffensifs leur

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    prosprit, et Babylone ne connut son apoge merveilleuse que grce auxconcentrationnaires. Les Anglais eux-mmes y eurent recours avec les malheureuxBoers, aprs Napolon qui inventa Lambessa. Actuellement, il y en a en Russie quinont rien envier ceux des Allemands ; il y en a en Espagne, en Italie et mme en

    France : vous rencontrerez ici des Espagnols et vous verrez ce quils vous diront, parexemple, du camp de Gurs, en France, o on les parqua au lendemain du triomphe deFranco.

    Je risque une observation : En France, tout de mme, cest par humanit quon a recueilli les

    Rpublicains espagnols, et je ne sache pas quils furent maltraits.En Allemagne aussi, cest par humanit. Les Allemands. quand ils parlent de

    linstitution, emploient le mot Schutzhaftlager, ce qui veut dire camp de dtenusprotgs. [28] Au moment de son arrive au pouvoir, le National-Socialisme, dans ungeste de mansutude, a voulu mettre ses adversaires hors dtat de lui nuire, maisaussi les protger contre la colre publique, en finir avec les assassinats au coin desrues, rgnrer les brebis gares et les ramener une plus saine conception de lacommunaut allemande, de sa destine et du rle de chacun dans son sein. Mais le

    National-Socialisme a t dpass par les vnements, et surtout par ses agents. Cestun peu lhistoire de lclipse de lune quon raconte dans les casernes. Le colonel ditun jour au commandant quil y aura une clipse de lune et que les grads devrontfaire observer le phnomne tous les soldats en le leur expliquant. Le commandanttransmet au capitaine et la nouvelle arrive au soldat par le caporal sous cette forme : Par ordre du colonel, une clipse de lune aura lieu ce soir 23 heures ; tous ceux

    qui ny assisteront pas auront quatre jours de salle de police . Ainsi en est-il descamps de concentration ; lEtat-Major national-socialiste les a conus, en a fix lerglement intrieur que danciens chmeurs illettrs font appliquer par des Chaouchs

    pris parmi nous. En France, le Gouvernement dmocratique de Daladier avait conule camp de Gurs et en avait fix le rglement : lapplication de ce rglement taitconfie des gendarmes et gardes mobiles dont les facults dinterprtation taienttrs limites.

    Cest le Christianisme qui a introduit dans le droit romain le caractrehumanitaire qui est confr la punition, et lui a assign comme premier but

    atteindre la rgnration du dlinquant. Mais le Christianisme a compt sans lanature humaine qui ne peut arriver la conscience delle-mme que sur un fond de

    perversit. Croyez-moi, il y a trois sortes de gens qui restent les mmes chacun dansson genre, tous les ges de lHistoire, et sous toutes les latitudes : les policiers, les

    prtres et les soldats. Ici, nous avons affaire aux policiers. videmment, nous avons affaire aux policiers. Je nai eu maille partir

    quavec les policiers allemands, mais jai souvent lu et entendu dire que les policiersfranais ne se distinguaient pas par une douceur particulire. Je me souviens qu cemoment du discours de Jircszah, jai voqu laffaire Almazian. Mais Almazian tait

    impliqu dans un crime de droit commun, et nous sommes des politiques. Les

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    Allemands, eux, ne semblent pas faire de diffrence entre le droit commun et le droitpolitique, et cette promiscuit des uns et des autres dans les camps.

    Allons, allons, me dit Jircszah, vous semblez oublier [29] que cest unFranais, un intellectuel dont la France est fire, un fin lettr, un grand philosophe,

    Anatole France, qui a crit un jour : Je suis partisan de la suppression de la peine demort en matire de droit commun, et de son rtablissement en matire de droitpolitique .

    Avant la fin de la quarantaine, les S.S. ne se mlant jamais de la vie propre ducamp qui semblait ainsi livr lui-mme, matre de ses lois et de ses rglements,

    jtais persuad que Jircszah avait en grande partie raison : le National-Socialisme,les S.S. taient revenus ce moyen classique de coercition, et les dtenus lavaientdeux-mmes rendu plus mauvais encore.

    Nous avons agit ensemble dautres problmes, notamment celui de la guerreet de laprs-guerre. Jircszah tait un bourgeois dmocrate et pacifiste :

    Lautre guerre a partag le monde en trois blocs rivaux, me disait-il : lesAnglo-Saxons capitalistes traditionnels, les Soviets et lAllemagne, cette derniresappuyant sur le Japon et lItalie : il y en a un de trop. Laprs-guerre connatra unmonde partag en deux, la dmocratie des peuples ny gagnera rien et la paix nensera pas moins prcaire. Ils croient quils se battent pour la libert et que lAge dornatra des cendres dHitler. Ce sera terrible aprs : les mmes problmes se poseront deux au lieu de se poser trois, dans un monde qui sera ruin matriellement etmoralement. Cest Bertrand Russell qui avait raison au temps de sa jeunessecourageuse : Aucun des maux quon prtend viter par la guerre nest aussi grand

    que la guerre elle-mme .Je partageais cet avis, et mme jenchrissais.Dans la suite, jai souvent pens Jircszah.

    10 mars, quinze heures : un officier S.S. entre au Block rassemblement dans lacour.

    Raus, los !Raus, raus !Nous allons partir, et les formalits vont commencer. Depuis une huitaine de

    jours, le bruit courait de ce transport et les suppositions allaient leur train : Dora,disaient les uns, Cologne pour dblayer les ruines et sauver ce qui pouvait encoreltre, rcuprer ce qui pouvait tre utilis, disaient les autres. Cest cette derniresupposition qui lemporte dans lopinion : les gens bien informs mettent en avantque maintenant lEtat-Major du National-Socialisme [30] sentant la partie perdue,laisse tomber le Kommando de Dora considr comme lenfer de Buchenwald et nyenvoie plus personne. Ils ajoutent quemploys dsormais aux travaux dangereux dedblaiement, nous serons bien traits. tout moment, on risquera lclatement dune

    bombe, mais on mangera sa faim, dabord la ration du camp, et ensuite ce quon

    trouvera dans les caves dont certaines sont pleines de denres comestibles.

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    Nous ne savons pas ce que cest que Dora. Aucun de ceux qui y ont tenvoys jusquici nest jamais revenu. On dit que cest une usine souterraine en

    perptuel tat damnagement, et dans laquelle on fabrique des armes secrtes. Onvit l-dedans, on y mange, on y dort et on y travaille sans jamais revenir au jour.

    Tous les jours, des camions ramnent des cadavres plein charroi pour tre brls Buchenwald, et cest de ces cadavres quon dduit les horreurs du camp.Heureusement, nous nirons pas l-bas.

    Seize heures : nous sommes toujours debout devant le Block, dans la positiondu Stillgestanden1sous les yeux du S.S. Le chef de Block passe dans les rangs et enfait sortir un vieillard ou un clop, et les juifs. Crmieux, qui remplit lui tout seulcette triple condition, est du nombre. Le petit boiteux aussi et quelques autres figuresqui nappartiennent ni des vieillards, ni des clops, ni des juifs, mais dont noussavons tous que leurs propritaires stant fait passer pour communistes, ou ltantrellement, sont dans les grces du chef de Block.

    Seize heures trente : direction de linfirmerie pour la visite de sant pour lavisite de sant, cest une faon de parler. Un mdecin S.S. fume un norme cigare,affal dans un fauteuil ; nous passons devant lui la queue-leu-leu, et il ne nousregarde mme pas.

    Dix-sept heures trente : direction de lEffektenkammer2 : on nous habille deneuf, pantalon, veste et capote rays, chaussures ad hoc (en cuir, semelle de bois)

    pour remplacer les claquettes impropres au travail.Dix-huit heures trente : appel qui dure jusqu vingt et une heures. Avant de

    nous coucher, nous devons encore coudre nos numros sur les effets que nous venons

    de toucher, hauteur du sein gauche pour la veste et la capote, sous la poche droitepour le pantalon.

    11 mars, quatre heures trente : rveil. [31]Cinq heures trente : appel jusque vers dix heures. Ah ! ces appels ! En mars,

    dans le froid, quil pleuve ou quil vente, rester des heures et des heures debout trecompts et recompts ! Celui-ci est un appel gnral de tous ceux, quelque Blockquils appartiennent, qui ont t dsigns pour le transport, et il a lieu sur la place delappel, devant la Tour.

    onze heures, la soupe.

    quatorze heures, nouvel appel qui dure jusqu dix-huit ou dix-neuf heures :nous avons perdu la notion de la dure.

    12 mars : rveil comme dhabitude, appel de cinq heures et demie dix heures.Appel, toujours appel. Ils veulent nous rendre fous. quinze heures, nous quittonsdfinitivement le Block 48 et, aprs un stage de quelques heures sur la place, noussommes dirigs sur le Block du cinma o nous passons la nuit, les plus favorissassis, le plus grand nombre debout.

    Rveil le lendemain matin, trois heures trente, une heure plus tt quedhabitude. On nous conduit sous la tour o nous attendons, debout, dans la nuit,

    1Garde--vous.2Magasin dhabillement.

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    dans le froid, rien au ventre depuis la veille onze heures, dtre embarqus. Entresept et huit heures, nous montons dans les wagons.

    Voyage sans histoire : nous sommes laise et nous bavardons. Thme : oallons-nous ? Le train prend la direction de louest : Cologne, a y est, nous avons

    gagn ! seize heures environ, il sarrte en pleins champs, dans une sorte de garede triage, o, sous la neige, pataugeant dans la boue, des malheureux, hves, sales, enguenilles rayes de la mme faon que nos habits neufs, dchargent des wagons,creusent des canalisations, vhiculent les dblais. Des gens brassard et numros,

    bien vtus, pleins de sant, les encouragent la menace, linjure et au gummi.Dfense de leur adresser la parole. En passant ct deux, si par hasard ils sont horsde porte de toute surveillance, nous risquons des questions voix aussi basse que

    possible :Dis, o est-on ici ? Dora, mon vieux, tas pas fini den ch... !Fernand et moi, qui nous tenons par la main, nous nous regardons. Nous

    navions cru que difficilement au bobard optimiste de Cologne. Un granddcouragement nous saisit cependant, les bras nous tombent des paules, noussentons passer sur nous lombre de la mort. [32]

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    CHAPITRE II

    Les cercles de lenfer

    Le 30 juin 1933, Buchenwald ntait que ce que le mot signifie : une fort dehtres, un lieudit perch sur une colline des contreforts du Harz, neuf kilomtres deWeimar. On y accdait par un sentier rocailleux et tortueux. Un jour, des hommessont venus en voiture jusquau pied de la colline. Ils ont gagn le sommet pied,comme en excursion. Ils ont gravement inspect lendroit. Lun deux a dsign unclair-fourr, puis ils sen sont retourns aprs avoir fait un bon djeuner, en repassant Weimar.

    Unser Fhrer wird zufrieden werden, ont-ils dclar1

    .Quelque temps aprs, dautres sont venus. Ils taient enchans par cinq les unsaux autres et constituaient un dtachement de cent units, encadrs par une vingtainede S.S., larme au point : il ny avait plus de place dans les prisons allemandes. Ilsont gravi le sentier sous les injures et les coups, comme ils ont pu. Arrivant ausommet, extnus, ils ont t mis au travail sans transition. Un groupe de cinquante aderechef mont des tentes pour les S.S. pendant que lautre mettait en place un cerclede barbels de trois rangs de hauteur et denviron cent mtres de rayon. Le premier

    jour, cest tout ce qui a pu tre fait. On a mang en hte, et presque sans arrter letravail, un maigre casse-crote et, le soir, trs tard, on sest endormi mme le sol,enroul dans une mince couverture. Le lendemain, le premier groupe de cinquante adcharg tout le jour des matriaux de construction, des lments de baraques en

    bois, que de lourds tracteurs russissaient amener jusqu mi-pente de la colline, etles a monts dos dhomme jusquau sommet, [33] lintrieur des barbels. Lesecond groupe lui, a abattu des arbres pour faire place nette. On na pas mang ce

    jour-l car on ntait parti quavec un jour de vivres, mais la nuit on a mieux dormi, labri des branchages et dans les anfractuosits des tas de planches.

    partir du troisime jour, les lments de baraques se sont mis arriver unrythme acclr et sentasser mi-pente. Sy trouvaient joints un attirail de cuisine,

    des habits rays en nombre, des outils et quelques vivres. Les S.S. ont fait valoir dansleur rapport quotidien quavec cent hommes ils ne russissaient pas dcharger aufur et mesure des arrives : dautres leur ont t envoys. Les vivres sont devenusinsuffisants. la fin de la semaine, une cinquantaine de S.S. se dbattaient avec ungrand millier de dtenus quils ne savaient o loger la nuit, quils pouvaient peinenourrir, et au milieu desquels ils taient dbords dans lorganisation du travail. Ilsavaient bien fait plusieurs groupes ou kommandos affects chacun une tche

    particulire : la cuisine des S.S. dabord, et lentretien de leur camp, la cuisine desdtenus, le montage des baraques, le transport des matriaux, lorganisation

    1Notre Fhrer sera content !

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    intrieure, la comptabilit. Tout cela sappelait S.S. Kche, Haftlingkche,Barrackenkommando, BauIeitung, Arbeitstatistik, etc. et, couch sur le papier, dansdes rapports, traduisait une organisation claire et mthodique. Mais, en fait, ctaitune grande pagaille, un horrible grouillement dhommes qui mangeaient pour la

    forme, travaillaient merci, dormaient, peine couverts, dans un fatras de plancheset de branchages. Comme ils taient plus faciles surveiller au travail quensommeil, les journes taient de douze, quatorze et seize heures. Les gardes-chiourmes en nombre insuffisant avaient t dans lobligation de choisir sur la mineun complment de co-adjuteurs dans la masse des dtenus, et comme ils se sentaientmal laise devant leur conscience, ils faisaient rgner la terreur en manire dexcuseet de justification. Les coups pleuvaient et non seulement les injures et la menace.

    Les mauvais traitements, la mauvaise et insuffisante nourriture, le travailsurhumain, labsence de mdicaments, la pneumonie, firent que ce troupeau se mit mourir une cadence effrayante et dangereuse pour la salubrit. Il fallut songer faire disparatre les cadavres autrement que par linhumation qui prenait trop detemps et se serait trop souvent rpt : on eut recours lincinration plus rapide et

    plus conforme aux traditions germaniques. Un nouveau [34] kommando devint sontour indispensable, le Totenkommando et la construction dun four crmatoiresinscrivit sur la liste des travaux effectuer avec lordre durgence command parles circonstances : ainsi se trouva-t-il quon construisit lendroit o ces hommesdevaient mourir, avant celui o on se proposait de leur permettre de vivre. Toutsenchane, le mal appelle le mal, et quand on est pris dans lengrenage des forcesmauvaises.

    Au surplus, le camp ntait pas conu dans lesprit de ltat-major national-socialiste pour tre seulement un camp mais une collectivit devant travailler soussurveillance ldification du IIIe Reich, au mme titre que les autres dtenus de lacommunaut allemande rests dans la libert relative que lon sait : aprs lecrmatoire, lusine, la Guszlow. Par quoi on voit que lordre durgence de tous lesamnagements tait dtermin dabord par le souci de tenir sous bonne garde, ensuite

    par celui de lhygine, en troisime lieu par les besoins du travail rentable. Enfin, eten dernier ressort, par les droits prescriptiblesde la personne humaine : le garde-chiourme, le crmatoire, lusine, la cuisine. Tout est subordonn lintrt collectif

    qui pitine lindividu et lcrase.Buchenwald fut donc, pendant la priode des premiers amnagements, un

    Straflager1o ntait envoye que la population des prisons rpute incorrigible, puis partir du moment o lusine, la Guslow, fut en tat de fonctionner, unArbeitslager2

    ayant des Straf-kommandos, enfin un Konzentrationslager3, cest--dire ce quil taitquand nous lavons connu, un camp organis avec tous ses services mis en place, otout le monde tait envoy indistinctement. partir de ce moment, il y eut des sous-camps ou kommandos extrieurs qui dpendaient de lui et quil achalandait en

    1Camp de punition.2Camp de travail.3Camp de concentration.

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    matriel humain ou tout court. Tous les camps ont pass par ces trois tapessuccessives. Il sest malheureusement produit que, la guerre tant survenue, lesdtenus de toutes origines et de toutes conditions, de toutes infractions et de toutes

    peines disciplinaires, furent au petit bonheur la chance, au gr de lhumeur des chefs

    ou du dsordre des circonstances, indiffremment dirigs sur le Straflager,lArbeitslager ou le Konzentrationslager. Il en rsulta un effroyable mlangedhumanits diverses qui constitua, sous le signe du gummi, un gigantesque panierde crabes sur [35] lequel le National-Socialisme si matre de lui, si mthodique dansses manifestations, mais dbord de toutes parts par les vnements quicommenaient le matriser, jeta un non moins immense et gigantesque manteau de

    No.

    Dora naquit sous le parrainage de Buchenwald et dans les mmes conditions. Ilcrt et prospra en suivant le mme processus.

    En 1903, des ingnieurs et des chimistes allemands staient aperus qu cetendroit la pierre du Han tait riche en ammoniaque. Comme aucune socit privenavait voulu risquer des capitaux dans son extraction, ltat sen chargea. Ltatallemand ne possdait pas, comme ses voisins, des colonies susceptibles de mettre sa disposition des Cayenne ou des Nouma : ses bagnards, il tait oblig de lesconserver lintrieur et il les parquait dans des endroits dtermins o il lesemployait des travaux ingrats. Cest dans ces conditions quun bagne semblable tous les bagnes du monde, quelques nuances en mieux ou en plus mal prs, naquit Dora. En 1910, on ne sait trop pourquoi, mais probablement parce que le rendement

    en ammoniaque tait bien infrieur celui quon avait escompt, lextraction de lapierre fut arrte. Elle fut reprise pendant la guerre de 1914-1918, sous les espcesdun camp de reprsailles pour P.G., en un moment o lAllemagne pensait dj senterrer pour limiter les dgts des bombardements. De nouveau, elle futinterrompue par larmistice. Pendant lentre-deux-guerres, on oublia totalementDora : une vgtation dsordonne masqua lentre de ce commencement desouterrain, et autour, dimmenses champs de betteraves poussrent pour alimenter lasucrerie de Nordhausen, six kilomtres de l.

    Cest dans ces champs de betteraves que, le 1er septembre 1943, Buchenwald

    dgorgea un premier kommando de deux cents hommes sous bonne escorte :lAllemagne sentant de nouveau le besoin de senterrer, denterrer au moins sesindustries de guerre, avait repris le projet de 1915. Construction du camp S.S., duKrematorium, amnagement du souterrain en usine, des cuisines, des douches, delArbeitstatistik, le Revier ou infirmerie en dernier lieu. Comme il y avait cesouterrain, on y dormit le plus longtemps possible, repoussant toujours plus tard letravail non rentable de construction des Blocks pour dtenus et lui prfrant le foragetoujours plus avant de la galerie du tunnel, pour permettre la mise labri dusines entoujours plus grand nombre menaces ciel ouvert.

    Quand nous sommes arrivs Dora, le camp tait encore [36] au stade duStraflager : nous en fmes un Arbeitslager. Quand nous lavons quitt avec ses 170

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    Blocks, son Revier, son Thtre, son Bordel, ses services en place, son tunnelachev, il tait sur le point de devenir un Konzentrationslager. Dj, lextrmit dudouble tunnel, un autre camp, Ellrich, tait n sous son parrainage et se trouvait, lui,au stade du Straflager. Car il ne pouvait y avoir de solution de continuit dans

    lchelle descendante de la misre humaine.Mais les Anglo-Amricains et les Russes en avaient dcid autrement et, le 11avril 1945, vinrent nous dlivrer.

    Depuis, le systme pnitentiaire de lAllemagne est aux mains des Russes quiny ont pas chang une virgule. Demain, il sera aux mains des

    Car il ne faut pas non plus quil y ait solution de continuit dans lHistoire.

    Un camp de concentration, quand il est au point, est une vritable cit isole dumonde extrieur qui la conue par une enceinte de barbels lectrifis quintuplesrangs de hauteur, au long de laquelle tous les cinquante mtres environ, des miradorsabritent une garde spciale arme jusquaux dents. Pour que lcran entre elle et luisoit plus opaque encore, un camp de S.S. est galement interpos et jusqu cinq ousix kilomtres alentour, des sentinelles invisibles sont disposes dans la priphrie ;celui qui tenterait de svader aurait ainsi un certain nombre dobstacles successifs surmonter et il vaut mieux dire que toute tentative est matriellement voue unchec certain. Cette cit a ses lois propres, ses phnomnes sociaux particuliers. Lesides qui y naissent isolment ou en courants viennent mourir contre les barbels etrestent insouponnes du reste du monde. De mme tout ce qui se passe lextrieur

    est inconnu lintrieur, toute interpntration est rendue impossible par lcran danslequel il ny a pas une faille1. Des journaux arrivent : ils sont tris sur le volet et nedisent que des vrits [37] spcialement imprimes pour les co