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PHOTO DU JOUR La petite fille au visage couvert de sable m’intrigue à mon premier jour au Sénégal. Au bord de la plage de Ngor, à Dakar, elle se cache au fond des pirogues. Elle ressort avec un air parfois songeur, parfois comique. Son regard se porte parfois vers les vagues, parfois vers la ville. Avec sa belle robe, ses petites couettes et ses scintillants bijoux, elle regarde vers l’avenir. — PHOTO JULIEN RENAUD VOUS AVEZ UNE NOUVELLE OU UNE OPINION? [email protected] TWITTER twitter.com/lequotidien_cyb FACEBOOK facebook.com/LeQuotidienProgresDimanche chronique du Québec doit plutôt travailler avec des chercheurs indépen- dants pour établir un discours efficace qui dénonce l’idéologie fondamentaliste islamique au lieu de faire peser la menace sur tous ceux et celles voulant exercer leur liberté d’expression. Normand Bernier Directeur général Saguenéens et Jeannois pour les droits de la personne Une image M. François St-Gelais, J’ai bien aimé votre éditorial, publié samedi dernier dans Le Quotidien, au sujet de l’annonce du retrait de la vie politique muni- cipale du maire de Saguenay Jean Tremblay. Une sage décision en effet ! En juin dernier, j’ai eu une conver- sation avec un Saguenéen d’un certain âge, et je lui avait dit que, sans doute, Jean Tremblay allait annoncer qu’il ne demanderait pas un autre mandat. Qu’il se reti- rerait en voulant laisser une belle image de sa personne et qu’il quit- terait ainsi, voyant aussi ses chan- ces s’amoindrir d’être à nouveau élu comme maire en 2017. Mon interlocuteur fut étonné de ma prédiction. Voilà que c’est fait maintenant. Et, effectivement, M. Tremblay nous la joue à la douce, voulant nous montrer que son héritage laissera des traces positives dans la région et qu’il fut un bon maire. J’ai eu l’occasion de converser deux fois, par hasard, avec M. Tremblay, et chaque fois, j’ai eu devant moi un homme simple, attentionné et à l’écoute. Tout à fait l’image contraire qu’on nous fait de cet homme public. Il y a toujours une marge entre ce qu’on nous dit d’un politicien et ce qu’il est réellement en privé. M. Tremblay a toujours eu un côté spectacle en lui et j’ai toujours eu l’impression qu’il était en repré- sentation dans le cadre de ses fonctions comme certains autres politiciens d’ailleurs. On verra bien ce que retiendra l’histoire de ce maire coloré que plusieurs ont surnommée « Le Maire là là ». Yvan Giguère Saguenay Une petite erreur Je constate qu’une erreur de « quel- ques » milliers de milliards de dollars s’est glissée dans ma lettre ouverte, intitulée « Les bouts de chandelle », publiée la semaine dernière dans Le Quotidien. À cet égard, ce n’est pas 5,3 G $ (rien de « méga »), mais bien 5300 G $ qui sont versés en subventions publi- ques aux industries pétrolières et autres. Marcel Lapointe Saguenay « Bouh, j’ai des amis qui sont partis en Libye pour traverser en Italie. » Mercredi, un ami du Sénégal m’a partagé cela comme si de rien n’était. Il parlait même d’une voix empreinte d’une certaine jalousie. Rapidement, je lui ai fait promettre de ne pas les imiter, de ne pas ris- quer sa vie. Pourtant, cet ami est bien conscient des dangers de la migra- tion. Il m’a raconté qu’il a déjà tenté de s’exiler en Espagne en pirogue quand il était enfant, mais que les passagers ont manqué de nourri- ture. À cette époque, il était frustré et voulait quitter l’Afrique. Il avait suivi quelqu’un de sa famille. Certains sont morts sur le bateau après quelques jours en mer. Finalement, les survi- vants ont été retrouvés, affaiblis, près de la côte marocaine. Ils ont ensuite été renvoyés au Sénégal par avion. Après notre discussion, je suis retourné lire cet extrait dans mon journal de bord. Cet ami n’a pas été le seul à nous parler de ce désir de quitter le Sénégal. Mario avait donné rendez-vous à un marin rencontré la veille. L’homme lui a raconté son histoire. Une histoire triste et bouleversante. L’histoire du capitaine d’une pirogue bondée de gens désireux de s’exiler, malgré un voyage en mer risqué. Franchir des murs couverts de fils de fer barbelés, prendre la mer dans des embarcations impropres à la navigation ou voyager clandes- tinement dans des conteneurs : les histoires d’horreur en lien avec la migration s’accumulent quotidien- nement. Ce sujet dégage une terri- ble odeur de mort. Chaque jour, des réfugiés et des migrants risquent leur vie, dans une quête désespérée. Mon ami est peut-être conscient des dangers du voyage, mais l’est-il des conditions qui l’attendraient de l’autre côté de la mer ? Le rêve occidental est bien présent au Sénégal. Je devrais même dire le mirage occidental. Car le Sénégal a beau avoir un Indice de dévelop- pement humain très bas (163 e rang sur 187 pays en 2013), la pauvreté y est organisée, pour reprendre l’ex- pression de mon confrère Mario Gagné. Une pauvreté organisée. Génial comme concept ! À Missirah, je n’ai pas vu de cas probants de malnutrition. Non. Je n’ai pas vu la misère. Non plus. Je n’ai pas vu la soif ni la faim. Du moins, pas dans leurs extrêmes. Je n’ai pas vu des gens se battre pour leur vie. Je n’ai pas vu la maladie. Et je n’ai sur- tout pas vu l’angoisse, la tristesse, le malheur. Non, non et encore non! Bien évidemment, je n’ai pas vu le luxe. Je n’ai pas vu un flot tech- nologique, ni même un « all-you- can-eat » ou encore un magasin à grande surface. Mais j’ai vu une richesse culturel- le, une solidarité, une entraide, une résilience et un bonheur. Un bon- heur candide et simple. Bégué ! Que du bonheur ! Chers amis du Sénégal, comptez- vous chanceux – même si cela peut parfois être difficile – d’être nés au pays de la teranga et continuez de défendre vos belles valeurs. Nous, nous en avons perdu, obnubilés par notre bonheur matériel. La richesse culturelle est plus bel- le que la richesse économique. Le savoir-être est plus admirable que le savoir-faire. L’être est plus riche que l’avoir. Sachez, par ailleurs, qu’être pau- vre au Sénégal, ce n’est pas comme être pauvre en Occident. Chez nous, la pauvreté est plus marginalisée et plus cruelle. Les inégalités sont immenses entre les pauvres et les riches. Les moins bien nantis sont souvent des sans-voix. Mon chez- moi n’est qu’un mirage. Le Sénégal, c’est un pays rempli de potentiel qui a besoin de sa jeunes- se, de ses femmes et de ses hommes pour se développer. Se développer à l’africaine en ne négligeant ni les traditions ni les valeurs au coeur de la richesse culturelle du pays. Se développer à l’image de chaque Sénégalaise et de chaque Sénéga- lais. Se développer à la « manière bégué » ! Notre journaliste Julien Renaud s’est envolé pour le Sénégal cet été afin de participer à un stage de coopération internationale organisé par l’Université du Québec à Chicoutimi. Il a notamment mené un projet d’alphabétisation fonctionnelle en français auprès de femmes du village de Missirah, en plus d’enseigner le français dans une classe du secondaire. Voici la quatrième de cinq chroniques relatant cette expérience hors du commun. JULIEN RENAUD CHRONIQUE [email protected] Bégué MARDI 13 OCTOBRE 2015 leQuotidien 13

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Page 1: redaction@lequotidien.com Bégué...PHOTO DUJOUR Lapetitefilleauvisagecouvertdesablem’intrigueàmonpremierjourauSénégal.Aubord delaplagedeNgor,àDakar,ellesecacheaufonddespirogues

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La petite fille au visage couvert de sablem’intrigue àmon premier jour au Sénégal. Au bordde la plage deNgor, à Dakar, elle se cache au fond des pirogues. Elle ressort avec un air parfoissongeur, parfois comique. Son regard se porte parfois vers les vagues, parfois vers la ville. Avecsa belle robe, ses petites couettes et ses scintillants bijoux, elle regarde vers l’avenir. —PHOTOJULIENRENAUD

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duQuébec doit plutôt travailleravec des chercheurs indépen-dants pour établir un discoursefficace qui dénonce l’idéologiefondamentaliste islamique au lieude faire peser lamenace sur tousceux et celles voulant exercer leurliberté d’expression.NormandBernierDirecteur généralSaguenéens et Jeannois pour lesdroits de la personne

Une imageM. François St-Gelais,J’ai bien aimé votre éditorial,publié samedi dernier dans LeQuotidien, au sujet de l’annoncedu retrait de la vie politiquemuni-cipale dumaire de Saguenay JeanTremblay. Une sage décision eneffet !En juin dernier, j’ai eu une conver-sation avec un Saguenéen d’uncertain âge, et je lui avait dit que,

sans doute, Jean Tremblay allaitannoncer qu’il ne demanderaitpas un autremandat. Qu’il se reti-rerait en voulant laisser une belleimage de sa personne et qu’il quit-terait ainsi, voyant aussi ses chan-ces s’amoindrir d’être à nouveauélu commemaire en 2017.Moninterlocuteur fut étonné demaprédiction.Voilà que c’est fait maintenant. Et,effectivement,M. Tremblay nousla joue à la douce, voulant nousmontrer que son héritage laisserades traces positives dans la régionet qu’il fut un bonmaire.J’ai eu l’occasion de converserdeux fois, par hasard, avecM.Tremblay, et chaque fois, j’ai eudevantmoi un homme simple,attentionné et à l’écoute. Tout àfait l’image contraire qu’on nousfait de cet homme public. Il ya toujours unemarge entre cequ’on nous dit d’un politicien etce qu’il est réellement en privé.M.Tremblay a toujours eu un côté

spectacle en lui et j’ai toujours eul’impression qu’il était en repré-sentation dans le cadre de sesfonctions comme certains autrespoliticiens d’ailleurs. On verrabien ce que retiendra l’histoire decemaire coloré que plusieurs ontsurnommée «LeMaire là là».YvanGiguèreSaguenay

Une petite erreurJe constate qu’une erreur de «quel-ques»milliers demilliards dedollars s’est glissée dansma lettreouverte, intitulée «Les bouts dechandelle», publiée la semainedernière dansLeQuotidien. À cetégard, ce n’est pas 5,3G$ (rien de«méga»),mais bien 5300G$quisont versés en subventions publi-ques aux industries pétrolières etautres.Marcel LapointeSaguenay

«Bouh, j’ai des amis qui sontpartis en Libye pour traverseren Italie.»

Mercredi, un ami du Sénégalm’a partagé cela comme si de rienn’était. Il parlait même d’une voixempreinte d’une certaine jalousie.Rapidement, je lui ai fait promettrede ne pas les imiter, de ne pas ris-quer sa vie.Pourtant, cet ami est bien

conscient des dangers de lamigra-tion. Il m’a raconté qu’il a déjà tentéde s’exiler en Espagne en piroguequand il était enfant, mais que lespassagers ont manqué de nourri-ture. À cette époque, il était frustré etvoulait quitter l’Afrique. Il avait suiviquelqu’unde sa famille.Certains sontmorts sur le bateau après quelquesjours en mer. Finalement, les survi-vants ont été retrouvés, affaiblis, prèsde la côte marocaine. Ils ont ensuiteété renvoyés au Sénégal par avion.Après notre discussion, je suis

retourné lire cet extrait dans monjournal de bord. Cet ami n’a pasété le seul à nous parler de ce désirde quitter le Sénégal.Mario avaitdonné rendez-vous à un marinrencontré la veille. L’homme lui araconté son histoire. Une histoiretriste et bouleversante. L’histoire ducapitaine d’une pirogue bondée degens désireux de s’exiler, malgré unvoyage enmer risqué.Franchir des murs couverts de

fils de fer barbelés, prendre la merdans des embarcations impropresà la navigation ou voyager clandes-tinement dans des conteneurs : leshistoires d’horreur en lien avec lamigration s’accumulent quotidien-nement. Ce sujet dégage une terri-ble odeur demort. Chaque jour, desréfugiés et des migrants risquentleur vie, dansunequêtedésespérée.Mon ami est peut-être conscient

des dangers du voyage, mais l’est-ildes conditions qui l’attendraient del’autre côté de lamer?Le rêveoccidental est bienprésent

au Sénégal. Je devraismêmedire lemirage occidental. Car le Sénégal abeau avoir un Indice de dévelop-pement humain très bas (163e rang

sur 187 pays en 2013), la pauvreté yest organisée, pour reprendre l’ex-pression de mon confrère MarioGagné. Une pauvreté organisée.Génial comme concept !À Missirah, je n’ai pas vu de cas

probants de malnutrition. Non. Jen’aipasvu lamisère.Nonplus. Jen’aipas vu la soif ni la faim. Dumoins,pas dans leurs extrêmes. Je n’ai pasvudesgens sebattrepour leur vie. Jen’ai pas vu lamaladie. Et je n’ai sur-tout pas vu l’angoisse, la tristesse, lemalheur. Non, non et encore non!Bien évidemment, je n’ai pas vu

le luxe. Je n’ai pas vu un flot tech-nologique, ni même un « all-you-can-eat » ou encore un magasin àgrande surface.Mais j’ai vu une richesse culturel-

le, une solidarité, une entraide, unerésilience et un bonheur. Un bon-heur candide et simple. Bégué!Quedu bonheur !Chers amis du Sénégal, comptez-

vous chanceux –même si cela peutparfois être difficile – d’être nés aupays de la teranga et continuez dedéfendre vos belles valeurs. Nous,nous en avonsperdu, obnubilés parnotre bonheurmatériel.La richesse culturelle est plus bel-

le que la richesse économique. Lesavoir-être est plus admirable quele savoir-faire. L’être est plus richeque l’avoir.Sachez, par ailleurs, qu’être pau-

vre au Sénégal, ce n’est pas commeêtrepauvre enOccident.Cheznous,la pauvreté est plus marginaliséeet plus cruelle. Les inégalités sontimmenses entre les pauvres et lesriches. Les moins bien nantis sontsouvent des sans-voix. Mon chez-moi n’est qu’unmirage.Le Sénégal, c’est unpays rempli de

potentiel qui a besoin de sa jeunes-se, de ses femmesetde seshommespour se développer. Se développerà l’africaine en ne négligeant ni lestraditions ni les valeurs au coeurde la richesse culturelle du pays.Se développer à l’image de chaqueSénégalaise et de chaque Sénéga-lais. Se développer à la «manièrebégué» !

Notre journalisteJulienRenauds’estenvolépour leSénégal cetétéafindeparticiper àunstagedecoopération internationaleorganisépar l’UniversitéduQuébecàChicoutimi. Il a notammentmenéunprojetd’alphabétisationfonctionnelleen français auprèsde femmesduvillagedeMissirah, enplusd’enseigner le françaisdansuneclassedusecondaire.Voici laquatrièmedecinqchroniques relatant cetteexpériencehorsducommun.

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Bégué

MARDI 13 OCTOBRE 2015 leQuotidien 13