regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

60
1 COMITE TI-JO MAUVOIS RECUEIL DE TEXTES POUR LA 3 ème EDITION DU JEU-CONCOURS ANNEE 2018 Catégorie Scolaires : CM2, 6 ème et 5 ème Regards sur l’habitation, des débuts de la colonisation à nos jours Espaces, mémoire collective et construction identitaire

Upload: others

Post on 24-Jun-2022

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

1

COMITE TI-JO MAUVOIS RECUEIL DE TEXTES POUR LA 3ème EDITION DU JEU-CONCOURS

ANNEE 2018 Catégorie Scolaires : CM2, 6ème et 5ème

Regards sur l’habitation,

des débuts de la colonisation à nos jours Espaces, mémoire collective et construction identitaire

Page 2: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

2

L’explication du passé se fonde sur les analogies avec le présent, mais elle nourrit à son tour l’explication du présent. Si nous voulons être les acteurs responsables de notre propre avenir, nous avons d’abord un devoir d’histoire.

Antoine PROST - Douze leçons sur l’histoire, Editions Le Seuil, 1996.

Ces deux citations auraient pu être de Ti-Jo Mauvois. Elles explicitent bien le rôle du présent dans la compréhension du passé sans méconnaitre le rôle du passé dans l’explication du présent. Elles disent la place de l’histoire pour celui qui veut être acteur de son présent. Habiter un territoire, c’est, au-delà de s’y installer, le comprendre, l’aimer, et se l’approprier tout entier. Telle était la pensée qui habitait Ti-Jo Mauvois. Au Vétiver, entre la plage de Fonds Bourlet, la rue André Aliker et celle de Georges Mauvois père, dans une maison animée par la culture, l’histoire et la libre expression, sur ces lieux habités par des mémoires, est né, sur une idée de Georges Aliker, le Comité célébrant la mémoire de Ti-Jo. Composé d’historiens et de passionnés d’histoire de tous horizons, ce qui participe à la qualité de ses réflexions, le Comité Ti-Jo Mauvois a choisi, pour l’année 2018*, le thème de « L’habitation » et a souhaité, comme à chaque fois, rester maître de ses thèmes et de l’organisation de ses travaux. Il veut conserver, ce principe fondamental qui a toujours caractérisé et guidé les recherches de Ti-Jo : la liberté d’action.

Le Comité Ti-Jo Mauvois *2015, premier jeu-concours Ti-Jo Mauvois sur le thème : le Code Noir. *2016, deuxième jeu-concours Ti-Jo-Mauvois sur le thème : les résistances des esclaves au système esclavagiste aux Antilles, du XVIIe siècle à l’abolition. * 2018, troisième jeu-concours Ti-Jo Mauvois sur le thème : Regards sur l’habitation, des débuts de la colonisation à nos jours – Espaces, mémoire collective et construction identitaire.

Page 3: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

3

Table des matières

1 – QU’EST-CE QU’UNE HABITATION ? ................................................. 5 L’habitation : unité de base de la plantation. .................................. 6 La première concession « habitation » en Martinique .................... 6 Des premières cultures aux premières habitations ......................... 8 Différents types d’habitations et statistiques ................................ 10

2 - QUELS LIENS ENTRE L’HABITATION ET LE SYSTEME ESCLAVAGISTE ? .................................................................................. 11

L’esclavage suit la sucrerie ............................................................. 12 3 - QUI SONT LES PROPRIETAIRES DE L’HABITATION ? QUELLE EST SON ORGANISATION INTERNE ? ......................................................... 13

La révolution sucrière : vers la « fabrique du sucre », le temps des seigneurs propriétaires .................................................................. 13 Les libres de couleurs à la Martinique (1802-1860) : une élite propriétaire et esclavagiste. ........................................................... 14 L’organisation spatiale de l'habitation sucrière esclavagiste ......... 15 Esclaves sur l’habitation ................................................................. 16 La condition des femmes dans l’habitation ................................... 24 L’encadrement du travail sur l’habitation ...................................... 25

4 - DES HABITATIONS SUCRIERES ESCLAVAGISTES AUX USINES CENTRALES : CAPITALISME ET SOCIETE INDUSTRIELLE ...................... 27

La fièvre de placement dans les sucreries ..................................... 29 Les conséquences sociales ............................................................. 31

Page 4: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

4

5 - L’HABITATION DU 20EME SIECLE A LA MARTINIQUE ...................... 34

La régression de la canne à sucre et la fermeture des usines centrales à vapeur .......................................................................... 34 La grève de 1900 à la Martinique ................................................... 35 La grève des travailleurs agricoles de 1974 ................................... 35 La « race » comme construction sociale de « différents » groupes socio-raciaux .................................................................................. 38 Les terres et les réparations ........................................................... 39 Quelles en sont les conséquences aujourd’hui ? ........................... 40

ANNEXES ............................................................................................. 41 Annexe 1 : L’archéologie à la découverte d’une histoire cachée : les fouilles sur l’habitation Crève-cœur en Martinique....................... 41 Annexe 2 : Liste de quelques habitations ...................................... 44 Annexe 3 : Implantation des usines centrales à vapeur à la Martinique (1862-1890) ................................................................. 50 Annexe 4 - Chronologie du mouvement ouvrier en Martinique : de 1848 à 1999 .................................................................................... 51

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................... 58

Page 5: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

5

1 – QU’EST-CE QU’UNE HABITATION ? Le terme habitation est indiscutablement français, sans doute d'usage provincial (Normandie), puisqu'on le retrouve employé partout où se fait l'implantation française, avant la genèse du créole. En Haïti particulièrement, l'habitation demeure la plus petite unité pratique de vie et de reconnaissance sociale pour le paysan qui demandera à celui qu'il ne connaît pas : Ki bitation ou soti ? (de quelle habitation es-tu ? ) Après l'installation d'une autorité permanente dans les territoires occupés par les Français - Compagnie des Indes, Seigneurs propriétaires, puis Administration royale - les hommes libres recevaient une concession appelée "place" d'une étendue de 20 ha environ d'abord, de 10 ha environ ensuite. La concession avait la forme d'une lanière limitée en aval par "le battant des lames" de l'océan et en amont par le "sommet des montagnes". Aux Antilles sont très vite apparus les "étages" sans accès à la mer, limités par une rivière ou une ravine. Pour conserver sa "place", le concessionnaire devait "s'habituer" c'est-à-dire, en ancien français, construire sa demeure et résider sur sa terre, la défricher et la mettre en culture. Le concessionnaire résidant et exploitant prenait alors le nom d'habitant et la concession mise en valeur celui d'habitation. L'exploitation domaniale appelée "habitation" n'est pas nécessairement de vaste étendue ni cultivée par de nombreux esclaves, elle se consacre à diverses cultures et spéculations selon le lieu et le temps. On distingue la petite habitation vivrière familiale sans esclave, l'habitation en pétun (tabac) exploitée par d'anciens engagés associés, l'habitation sucrière esclavagiste, l'habitation caféière, l'habitation cacaoyère et plus récemment l'habitation bananière mécanisée.

La société d'habitation : une civilisation historique. Vincent HUYGHUES-BELROSE - Site Kapes kreyol (kapeskreyol.potomitan.info/dissertation.php).

Page 6: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

6

A la Martinique, vers la fin de la période 1636-1685, tout le monde a une habitation ou est « sur » une habitation. La plupart des agents du pouvoir qui ont passé la ligne - Gouverneur, intendant, commis général, juge procureur, receveur sans parler des religieux - ont été absorbés par l’habitation qu’ils ont acquise.

La société d’habitation à la Martinique, un demi-siècle de formation. Thèse de Jacques PETIT JEAN-ROGET

Compte-rendu critique de Jean-Luc BONNIOL, Revue Persée, 1980.

L’habitation : unité de base de la plantation. L’habitation est un système économique, social, et politique. On a affaire à une concentration verticale, de la propriété de la terre jusqu’à la commercialisation du produit semi-fini. Les esclaves habitaient en périphérie de l’habitation du maître (appelé « habitant »). Même le moulin à sucre faisait partie de l’habitation. Tout était contrôlé par l’habitant et par la collectivité des grands blancs (par opposition aux petits blancs) qui sont des blancs non propriétaires d’habitation. L’habitation structure l’espace, le pouvoir, l’économie et la société.

Le sucre : histoire et géographie d’un esclavage. Marcel DORIGNY, Olivier MILHAUD

Cafés géographiques de Paris, 30 mai 2000.

La première concession « habitation » en Martinique La première concession de terre fut la première habitation et le premier concessionnaire le premier habitant. L’habitant, dit le docteur Rufz* dans ses études historiques et statistiques sur la population de la Martinique, est un type qui n’existe qu’aux colonies : sur l’habitation le travail de la terre était tout, c’est le but de la société coloniale. Ce travail de la terre, discrédité et méprisé en Europe dans les mains du fermier et du métayer, est réhabilité et anobli dans les colonies sous la conduite de l’habitant, car à cette époque c’est l’habitant qui conduit lui-même l’habitation.

Page 7: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

7

L’habitation offre le triple caractère, de la manufacture et de la caserne ou gouvernement d’hommes, c’est presque un petit Etat… C’est le travail ouvert et fermé par la prière, mené au son du tambour et de la cloche… Sur l’habitation, vous trouverez beaucoup de la simplicité des mœurs antiques, un courage naturel, une hospitalité proverbiale, la franchise, l’indépendance individuelle, un tableau tel enfin que des utopistes, après bien des détours de leur imagination, y sont venus reconnaître beaucoup de leurs rêveries. Ce tableau, à notre sens, est bien celui que l’on se fait de l’habitation dans les premiers temps. « C’était un petit hameau au centre duquel se trouvait la case à pétun, grand bâtiment, qui mesurait 8 à 10 toises de longueur » dit Daney. Tout autour s’élevaient les maisons des maîtres, celles des engagés, puis, plus loin, sous le vent, les cases des esclaves. La maison des maîtres était ordinairement faite en bois du pays, couverte en tuiles et pavée de briques qu’apportaient les Hollandais. Elle était généralement basse, quelques-unes pourtant avaient un seul étage. Celle de Duparquet, la Montagne, qui se trouvait exactement sur l’emplacement occupé actuellement par la maison du géreur de M. Depaz, était construite en pierre et avait un étage. Les cases des engagés étaient palissadées de roseaux et comportaient trois pièces. Sur chaque habitation vivaient trois éléments de classes bien différentes : l’habitant, les engagés blancs auxquels on a joint, plus tard, les esclaves noirs. *Rufz de Lavison (1806-1884) fut Maire de Saint-Pierre de 1854 à 1856, Président du Conseil Général de la Martinique, Directeur du jardin d’acclimatation à Saint-Pierre. Médecin de formation, il fut directeur de la Maison Coloniale de Santé à Saint-Pierre en 1860.

La Martinique au premier siècle de la colonisation (1635-1742). Maurice de LAVIGNE SAINTE-SUZANNE, Editions Chantreau, 1935.

Page 8: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

8

Des premières cultures aux premières habitations La Martinique a été, comme d’ailleurs toutes les Antilles, une terre de culture du tabac (pétun) au XVIIe siècle. Dans ses mémoires, le père Labat affirme que le tabac a été le facteur de la colonisation des Antilles en raison du succès que sa consommation avait rencontré en France comme ailleurs en Europe. On l’appelait l’herbe à Nicot ou l’herbe de la reine car Catherine de Médicis, elle-même, montrait qu’elle en était une consommatrice exemplaire.

Les colonies françaises sous l'ancien régime. Jérôme LOISEAU Site : http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/IMG/pdf/ColoniesAR-2.pdf

Les premiers colons, ne disposant pas de fortes ressources, s’adonnaient avec acharnement à la culture du tabac qui se récoltait dans des terres vierges (les concessions obtenues). Quatre mois suffisaient à une bonne récolte ; ce qui permettait par conséquent de faire trois récoltes par an. Le coton martiniquais était également très prisé en France. En 1756 une grande partie du sud de la Martinique était plantée en coton, « les terres arides » écrit Thibault de Chavallon. Le roucou et l’indigo furent ensuite cultivés. La canne à sucre existait à la Guadeloupe et la Martinique bien avant la colonisation. Ce serait à l’initiative des marins espagnols du XVIe siècle qui en auraient semé les plants. C’est en 1639, qu’un flamand du nom de Daniel Trezel introduisit à la Martinique la fabrication du sucre. Trezel avait obtenu une concession de 2 400 arpents de terre, à prendre en un ou plusieurs endroits, pour la culture de la canne et la fabrication du sucre. Mais il fallait beaucoup d’argent, son exploitation périclita et ses habitations furent vendues. Vers 1654, les juifs hollandais chassés de la colonie hollandaise du Brésil reconquise par les Portugais, arrivèrent en Martinique, en emportant avec eux toutes leurs richesses (c’est-à-dire leurs esclaves et leurs ustensiles de manufacture). Ils furent refoulés à leur arrivée

Page 9: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

9

en Martinique parce que les jésuites firent remarquer à Duparquet que l’autorisation accordée à ces hérétiques était contraire aux ordres du Roi. Cependant, trois cents d’entre eux revinrent à la Martinique. Cette fois, Duparquet passa outre et, comme le fit le gouverneur Houel en Guadeloupe, il leur accorda une concession dans les environs de Fort-Royal, pour qu’ils puissent y créer une habitation. Ce quartier appelé « Petit Brésil » comprenait dans une zone humide et de mangrove, le quadrilatère fermé par la rue du Canal (ex rue Ernest Renan dénommée Moreau de Jonnes), la rue Saint-François, (aujourd’hui rue de la République), la Levée (Boulevard du Général de Gaulle) et la rivière Madame. Il s’agit d’une partie du centre-ville du Fort-de-France d’aujourd’hui. Ils y fondèrent une sucrerie, mais deux ans après, décimés par la fièvre, ils se fixèrent à Saint-Pierre pour faire du négoce. Le cacao : la première habitation cacaoyère fut créée en 1660, dix ans après la création de la première sucrerie. Un certain Dacosta fut un des premiers à le cultiver. Tout le monde connait la romanesque histoire du café, elle se confondait le plus souvent avec la légende. Trois pieds de café furent mis dans une cage vitrée à destination de la Martinique. Les trois pieds, naturellement, moururent avant leur arrivée. Trois nouvelles tentatives se soldèrent par un échec. C’est alors que le chevalier de Clieu tenta un quatrième essai, il embarqua, en prenant grand soin du plant qui lui avait été confié. Arrivé à la Martinique, de Clieu planta son pied dans une habitation au Prêcheur. Il réussit à le multiplier, si bien qu’il distribua gratuitement les plants qu’il avait obtenus dans toutes les colonies. Ces plants de café procurèrent aux colonies un revenu plus considérable que celui de toutes les autres cultures.

La Martinique au premier siècle de la colonisation (1635-1742). Maurice de LAVIGNE SAINTE-SUZANNE, Editions Chantreau, 1935.

Page 10: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

10

Différents types d’habitations et statistiques Peut-être avons-nous pris l’habitude d’assimiler d’emblée l’habitation à l’habitation sucrerie. Mais il existe plusieurs types d’habitations sur lesquels s’effectue le travail des esclaves. De précieuses statistiques nous sont données par Leo Elisabeth. En 1671, selon le cadastre de l’époque à la Martinique :

A cette date, le chiffre des habitations où l’on cultive le tabac, appelé alors pétun, est important ; il équivaut au total des habitations sucrières et des habitations plantées en cannes (33%). Mais ce chiffre décline après le 17e siècle. Toutefois au 18e siècle, le tabac de Macouba, à la Martinique, demeure réputé. Au 18e siècle, en 1787, les habitations se répartissaient ainsi à la Martinique :

Habitations caféières 57 %

Habitations sucrières 20 %

Habitations cotonnières 15 %

Habitations cacaoyères 7 %

La voix des esclaves, Foi et société aux Antilles XVIIe-XIXe siècle.

Liliane CHAULEAU, Editions L’Harmattan, 2012.

Habitations à pétun 33 %

Habitations sucrières 16 %

Habitations plantées de cannes 17 %

Habitations vivrières 5 %

Page 11: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

11

2 - QUELS LIENS ENTRE L’HABITATION ET LE SYSTEME ESCLAVAGISTE ?

Les Portugais et les Espagnols, premiers conquérants, sont aussi les premiers à implanter l’esclavage dans le Nouveau Monde. Ils s’inspirent de pratiques et de circuits existants en Afrique même, et entre l’Afrique et l’Europe, mais

donnent à l’esclavage colonial une dimension et des caractères inédits du fait de l’exploitation économique à grande échelle. Pour la France, ce n’est qu’en 1642 que Louis XIII donne son aval à la traite esclavagiste, même si des expéditions sont déjà pratiquées par des Français dès 1594. Les premiers esclaves africains débarquent à la Martinique en 1605, après un naufrage. Le nombre d’Africains introduits en Martinique fluctue considérablement d’une année sur l’autre, mais la période la plus active se situe entre 1725 et 1760, avec une moyenne de 2500 « pièces d’Inde » par an ! On estime que plus de 216 000 esclaves sont arrivés dans l’île du début du XVIIe siècle aux années 1830, dont plus de 30 000 entre 1815 et 1848, pourtant période de traite clandestine. En 1848, les nés en Afrique représentent environ 7% de la population esclave.

Site : http://esclavage-martinique.patrimoines-martinique.org/traite-essor-plantation.html.

Page 12: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

12

L’esclavage suit la sucrerie

A la Martinique, le nombre d'habitations est resté stationnaire de 1671 à 1685, celui des sucreries a augmenté de 54 %, celui des esclaves de 57 % pour atteindre 10 343 âmes. Dans les mêmes temps, la population blanche a

augmenté de 21 % pour atteindre 4 882. La culture du pétun qui avait été la base de l'occupation des îles d'Amérique n'impliquait pas l'utilisation d'esclaves. Les besoins de l'extraction et de la transformation du sucre exigeant une organisation proto-industrielle* a provoqué un besoin de main-d'œuvre que l'on n'a su trouver que dans les esclaves. Comme le constate Gilberto Freyre "l'esclavage suit la sucrerie". *proto-industrielle : activité de fabrication rurale, domestique et saisonnière pour des marchés extérieurs à la région de production, qui a précédé en Europe la révolution industrielle

La société d'habitation : une civilisation historique. Vincent HUYGHUES-BELROSE - Site Kapes kreyol (kapeskreyol.potomitan.info/dissertation.php).

L’activité sucrière aux Antilles repose sur les deux piliers que sont l’esclavage et l’habitation sucrerie. L’habitation sucrerie est une entreprise agro-manufacturière de grande dimension (plus de 100 ha et plusieurs dizaines d’esclaves) intégrée (plantation de canne et manufacture sucrière) et autonome (elle ne manipule et ne transforme que ses propres cannes).

Rapport de la commission de BROGLIE de 1843.

Page 13: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

13

3 - QUI SONT LES PROPRIETAIRES DE L’HABITATION ? QUELLE EST SON ORGANISATION INTERNE ?

La révolution sucrière : vers la « fabrique du sucre », le temps des seigneurs propriétaires Les religieux furent aussi à la Martinique aux origines de l’industrie du sucre. Les jésuites construisirent un moulin au nord de Saint-Pierre. Selon le père René Saint-Gilles, une « grande sucrerie » employant une trentaine d’esclaves fonctionnait pour distiller le jus de canne en 1652, mais il ne s’agissait pas encore de production de sucre, la technique hollandaise n’ayant pas encore pénétré la Martinique. Ce fut fait par les jésuites vers 1654 quand un Hambourgeois, Pierre L’Hermitte, alors venu du Brésil, installa sur leur habitation un moulin à eau et des chaudières. A peu près à la même date, les seigneurs propriétaires accueillirent les sucriers hollandais. Les Du Parquet installèrent, toujours à Saint-Pierre, une habitation de 260 hectares avec une sucrerie capable de produire environ 100 000 livres de sucre par an. L’exemple des jésuites et des Du Parquet fut suivi par plusieurs habitants suffisamment aisés pour disposer des quelques 25 esclaves que Jacques Petit Jean-Roget estime nécessaires au montage de la sucrerie. En 1660, 18 habitants en Martinique possédaient ce nombre d’esclaves, ils étaient devenus sucriers depuis le milieu de la décennie 1650. On trouve parmi eux plusieurs étrangers comme Pierre L’Hermitte ou le Hollandais Vanool. Le nombre d’esclaves travaillant chez les Du Parquet s’élevait à 161, celui détenu par les jésuites à 89 ; l’ancien engagé et flibustier Jean Roy, au Prêcheur, en avait plus de 50.

Histoire des Antilles françaises XVIIe-XXe siècle. Paul BUTEL, Editions Perrin, Collection Tempus, Avril 2007.

Page 14: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

14

Les libres de couleurs à la Martinique (1802-1860) : une élite propriétaire et esclavagiste. L’implication des « libres » dans l’économie est totale. Au sein de ce groupe, certains réussissent à devenir d’importantes figures de la classe des Libres de couleurs. A la fin du XVIIIe siècle certaines grandes fortunes appartiennent à des hommes de couleur libres. Selon Moreau de Jonnès, la grande réussite des affranchis s’explique par leurs liens « immoraux » avec les Blancs. (Les rapports immoraux consistent à condamner le métissage entre blanc et gens de couleur.) Ce qui frappe un grand nombre d’administrateurs est le fait que de nombreux affranchis possèdent d’importantes propriétés. L’ascension des hommes de couleur dans la haute société martiniquaise repose sur le système colonial. La société esclavagiste continue de tourner à plein régime, et comme les Blancs, les affranchis achètent des esclaves. En l’an XII, on recense 36 économes de couleurs contre 35 en 1807. Cinq économes se trouvent sur les habitations du Lamentin. L’économe ou géreur est le poste le plus important après celui de maître sur la plantation. (Il gère l’habitation en l’absence de celui-ci et délègue les ordres envers les commandeurs et les esclaves). Les économes de couleurs sont souvent d’anciens esclaves de l’habitation ayant été affranchis par le maître. Tout au long du XVIIIe siècle, les économes blancs sont progressivement remplacés par des hommes de couleur. Une fois encore, leur intégration dans la plantocratie renforce leur place dans la société esclavagiste. D’autres acquièrent et achètent des terres afin de se lancer dans les productions vivrières ou de coton. Ils achètent des esclaves et gèrent leurs habitations comme des blancs. Certains ont réussi à devenir propriétaires et ont même le statut d’habitant.

La Martinique napoléonienne 1802-1809. Lionel TRANI, Editions S.P.M, juin 2014.

Page 15: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

15

L’organisation spatiale de l'habitation sucrière esclavagiste

Page 16: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

16

Esclaves sur l’habitation

Habitation sucrerie - Lithographie couleur de V. Janson. XIXe siècle représentant des esclaves au travail dans les différents ateliers de production d’une habitation sucrerie : coupe et transport de la canne, broyage des cannes dans le moulin, cuisson du sucre dans la sucrerie

Le contremaître et l’esclave à la houe - Dessin aquarellé d’Adrien de Beauchamps. XIXe siècle. Scène réunissant une ouvrière agricole et un contremaître. Le contremaître, esclave désigné pour surveiller et encadrer le travail aux champs et dans les ateliers, portait toujours un fouet

Page 17: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

17

Le fouet.

Le fouet est une partie intégrante du régime colonial, le fouet en est l’agent principal ; le fouet en est l’âme ; le fouet est la cloche des habitations, il annonce le moment du réveil et celui de la retraite ; il marque l’heure de la tâche ; le fouet encore marque l’heure du repos ; et c’est au son du fouet qui punit les coupables,

qu’on rassemble, soir et matin, le peuple d’une habitation pour la prière ; le jour de la mort est le seul où le nègre goûte l’oubli de la vie sans le réveil du fouet. Le fouet, en un mot, est l’expression du travail aux Antilles. Si l’on voulait symboliser les colonies telles qu’elles sont encore, il faudrait mettre en faisceau une canne avec un fouet d’un commandeur.

Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années. Victor SCHOELCHER, Editions Désormeaux, 1973.

Le Code Noir

Le Code Noir a été promulgué à des dates différentes dans les colonies françaises : 1685, pour les Antilles françaises, septembre 1688 à Saint Domingue, 5 mai 1704 à Cayenne. Les différents domaines de l’esclave africain font l’objet de groupes d’articles. On y trouve d’abord les rapports avec la religion catholique, apostolique et romaine dans les articles 2 à 14 ; ensuite, les défenses diverses faites aux esclaves et les sévices pouvant être organisés par les maîtres de manière à organiser une discipline, dans les articles 15 à

Page 18: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

18

43, puis la définition de l’esclave comme meuble et les conséquences que ce statut juridique impose dans les articles 44 à 54, enfin six articles, 55 à 60, concernant les affranchissements. Dépouillé de volonté, l’esclave « meuble » doit être entièrement soumis à son maître et ne peut rien posséder en propre, c’est l’objet de l’article 28. De plus, l’article 12 précise dans la première partie du texte que « les enfants qui naîtront de mariage entre esclaves seront également esclaves ». Il est prévu des affranchissements, mais la période des XVIIe et XVIIIe siècles pendant laquelle s’installe le système esclavagiste en comporte un nombre très limité dans les colonies françaises, contrairement à l’Amérique coloniale espagnole. La religion La religion est un rouage du dispositif mis en place pour la soumission de l’esclave. L’habitude de baptiser les esclaves remonte au XVIIe siècle, lorsque les Portugais vendent à l’Amérique des esclaves déjà baptisés sur la plage en Afrique.

Eléments d’histoire des habitations de la Martinique, du XVIIe au XXe siècle.

Emile EADIE, SCEREN CRDP Martinique, décembre 2007. Le Code noir précise le rôle de la religion catholique comme encadrement de la vie des esclaves. Article 2 du Code Noir : Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux habitants qui achètent des nègres nouvellement arrivés d'en avertir dans huitaine au plus tard les gouverneurs et intendants desdites îles, à peine d'amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et baptiser dans le temps convenable.

Page 19: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

19

Les conditions sanitaires Les maladies courantes auxquelles les esclaves sont confrontés Les maux les plus courants auxquels ils s’exposaient étaient les maux de tête ou fièvres d’une extrême violence. Ce mal qui en a emporté plus d’un trouverait son origine dans leur exposition continuelle pendant leurs travaux sous le soleil brulant. On trouve aussi au nombre des maux qui les rongeaient les vers. Outre ces vers, il y eut le scorbut dont on dénombre l’existence de deux variétés. Le premier type, qui serait la principale cause de mortalité des esclaves qui débarquaient nouvellement dans la colonie est le scorbut de mer. Ils auraient contracté les germes de cette maladie dans les cales insalubres des navires négriers qui les emmenèrent des côtes africaines dans la colonie (…) Ainsi, on y trouvait, entre autres, certains maux comme l’épian ou pian. Elle se manifestait par des « boutons purulents, qui s’élèvent de toutes les parties de la peau et qui, plein de virus, indiquent le mal le plus enraciné ». Une autre maladie dont on les voyait souffrir était le spasme : c’est une maladie qui crispe les nerfs et qui, les raidissant, empêche leur flexibilité. Si l’on ne trouve le secret d’arrêter promptement l’effet de ce mal, il se communique bientôt dans toute la partie nerveuse et le malade devient raide comme une barre de fer. Ils souffraient aussi du mal de Siam plus connu sous l’appellation de fièvre jaune. On y a aussi vu des nègres souffrir fréquemment de diarrhées, du malingre, une espèce de plaie qui se forme elle-même d’une humeur scrofuleuse*, par pourriture des chairs. Ce mal, s’attaque le plus communément aux jambes. Il en a résulté de nombreuses infirmités parmi les esclaves qui les rendaient inutiles sur l’habitation. Certains, comme le mal d’estomac auquel ils étaient aussi forts enclins, dégénéraient des fois en hydropisie** faute de soins rapides. Les esclaves atteints de cette maladie avaient pour la plupart leur

Page 20: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

20

teint et toute leur peau qui « deviennent olivâtres, ou couleur de feuille morte ; la langue blanchit : ils sont essoufflés dès qu’ils marchent (…). Après avoir langui quelques mois, les jambes commencent à gonfler ; ensuite les cuisses, le ventre, et la poitrine venant enfin à s’engorger, ils meurent étouffés ». On trouve deux raisons principales à ce mal. La première cause serait la mauvaise qualité du régime alimentaire auquel ils étaient soumis et qui les poussait à se nourrir de tout ce qu’ils trouvaient sur leur passage. La seconde serait le fait que certains mangeaient de la terre, ce qui les rendait hydropiques. Comment soignait-on les esclaves sur l’habitation ? Lorsqu’il arrivait qu’un esclave tombe malade, le maître toujours aussi calculateur voyait plus ce que lui coûterait cet arrêt de travail de son nègre plutôt que la santé de ce dernier et refusait d’admettre ce mal, car il y voyait une feinte, un refus de se rendre à ses tâches quotidiennes… c’est après une longue hésitation, mais surtout après avoir vérifié qu’il s’agissait réellement d’une maladie que le maître acceptait ce fait. Lorsque cela se faisait, le premier soin qu’on leur donnait était une meilleure nourriture. Lorsque le mal persistait, le maître pensait à le faire admettre à l’hôpital… Sur chaque habitation il y a une case désignée pour servir d’hôpital aux nègres malades ; c’est là qu’ils se retirent pour être soignés et prendre des remèdes. L’esclave y était admis, son sort étant confié à d’autres esclaves, des négresses de préférence, dont le mérite n’était point d’être exercées à l’art de la médecine, mais plutôt celui d’avoir servi pendant plusieurs années le même maître et à qui on donnait l’opportunité d’y aller finir ses vieux jours. Plusieurs autres critères, outre l’âge avancé, sembleraient cependant avoir été requis aux esclaves pour exercer cette fonction… La négresse chargée de l’administration de cet hôpital doit être

Page 21: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

21

intelligente dans cette partie ; il faut qu’elle sache à propos les remèdes indiqués par le chirurgien, et qu’elle ait assez de fermeté pour faire suivre exactement aux malades le régime qui leur est prescrit. *Abcès, infection **Œdème, gonflement

La vie quotidienne des esclaves sur l'habitation dans la Saint-Domingue française au XVIIIe siècle :

regards de planteurs, de voyageurs et d'auteurs européens. Neba Fabrice YALE, Editions Histoire, 2010.

Le logement : la case des esclaves

Le père Labat rapporte que les cases des nègres doivent toujours être sous le vent de la maison du maître et de tous les autres bâtiments à cause des accidents de feu, ce danger permanent, et lui épargner le bruit et les mouches. Il souligne aussi le rôle de l’eau : « une grande abondance

d’eau, ruisseau, source, canal, mare ou puits, était tenue pour indispensable, et c’était une des difficultés du choix de leur quartier. Il fut toujours impossible d’assurer la propreté de l’eau dont se pourvoyaient les esclaves » Dans le quartier réservé aux nègres le regroupement des cases entraîne leur alignement. Le groupement aligné des cases devient une pratique courante du XVIIe siècle. Des chemins assez larges séparent les lignes de cases protégées par une barrière contre le petit bétail et souvent des arbres ou des bananiers contre les incendies. Il semble qu’après 1780, des cases préfabriquées provenaient de Louisiane et qu’il suffisait de construire des charpentes pour les monter.

Page 22: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

22

Les espaces entre cases s’en trouvèrent réduits pour permettre l’installation d’une rue centrale… Par ailleurs, dans les grandes habitations, les esclaves sont appelés à changer de secteur selon le travail à accomplir. Ils étaient alors tenus à l’écart de leurs jardins auxquels ils tenaient pour leur alimentation. Les esclaves spécialisés, encore appelés esclaves à talents (forgerons, tonneliers, cabrouettiers, raffineurs…), considérés comme des ouvriers, logent dans le même type de case que les esclaves des champs, mais à proximité de leur lieu de travail. Les commandeurs d’habitation sont aussi logés en cases plus grandes, dotées d’une fenêtre et à l’écart des « cases de l’atelier » Cette hiérarchisation du logement se retrouve dans le vêtement et la nourriture.

Habitation des nègres, Nicolas COLIBERT, 1795 Musée d'Aquitaine, Bordeaux

Les vêtements

L’esclave reçoit une dotation annuelle de deux casaques et de toile à la veille de Noël ou quelques semaines plus tôt. Par ailleurs, les habits des domestiques sont particulièrement choyés, les cochers qui portent le renom de la maison au loin, sont mieux vêtus encore, les domestiques portent de la toile et du drap choisis fins. Les chemises des ouvriers sont de toile blanche. Les esclaves des champs ou de jardins allaient en haillons, au moins sur la semaine, presque nus. Les dimanches et fêtes, l’esclave portait le vêtement qui était bien à lui, qu’il avait acquis avec des pourboires du maître ou des produits de son jardin.

Page 23: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

23

Quels furent les ingrédients de la nourriture des esclaves ? Des bananes, des pois, des patates et des salaisons. Le maître prend en charge la nourriture qu’il achète aux négociants ou il fait planter des vivres tels que manioc, ignames, patates, maïs, pois, riz, qui pouvaient être emmagasinés dans la grand-case. Les rations, avec du sel, sont données le dimanche ou en début de semaine. Le bœuf salé ou la morue étaient assortis de farine de manioc, de pois, ou de bananes. Cette distribution est dirigée par un commandeur ou un esclave âgé, de confiance. Sur toutes les habitations, les esclaves ont à se pourvoir de vivres verts : piments, gombos, giromons. A ces ingrédients, il faut ajouter les crabes de terre et de mer, les produits de la pêche des esclaves quand cela était possible. Gabriel Debien souligne l’importance de la canne dans la nourriture des esclaves. Les nègres ont le samedi libre pour cultiver leur jardin ou chercher des journées à faire. Cette utilisation du jardin de l’esclave a subi du recul après l’introduction du Code Noir et le départ des juifs. Les Jésuites, en particulier, protestent auprès du gouverneur Blénac contre cette liberté accordée le samedi aux esclaves, qui ne l’étaient plus le dimanche afin d’aller à la messe. Pour ce qui est de la boisson, elle est constituée par le tafia, l’eau, le Ouicou ou le Masbi. Le Ouicou est de l’eau bouillie avec des morceaux de canne, le Masbi de l’eau bouillie avec des morceaux de patate. L’eau de pluie était recherchée pour la consommation des esclaves. On la recueille dans de grandes jarres de Provence qui contiennent jusqu’à 200 pintes, des gouttières sont disposées pour recevoir l’eau pluviale.

Eléments d’histoire des habitations de la Martinique, du XVIIe au XXe siècle.

Emile EADIE, SCEREN CRDP Martinique, décembre 2007.

Page 24: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

24

La condition des femmes dans l’habitation

Liliane Chauleau souligne que les femmes affectées aux travaux des champs connaissaient des conditions d’autant plus difficiles que souvent elles « emportaient leurs enfants sur le dos et les maintenaient dans cette position durant toute la durée des travaux… » Vers 1670, en effet, se développe aux Antilles, supplantant peu à peu la culture du tabac, celle de la canne ; ainsi les esclaves sont répartis en plusieurs équipes ou ateliers : le jardin, le moulin et la sucrerie, elle-même contenant trois équipes : l’une enfourche, la deuxième cuit et la troisième met en place les formes, lave et blanchit le sucre. Les femmes travaillent essentiellement aux champs ou à la sucrerie. Sapotille Sormoy - héroïne de Michèle Lacroisil dans le roman Sapotille et le Serin d’argile - se remémore la vie de sa grand-mère esclave Elodie qui travaillait sur l’habitation Grandier, dans les champs où « les feuilles de canne coupent comme lames de rasoir ». Le père Labat explique que le travail à la sucrerie peut s’avérer extrêmement dangereux, surtout de nuit, lorsque les femmes épuisées s’endorment en poussant les cannes ou en repassant les bagasses à l’endroit où les tambours se touchent.

Page 25: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

25

Il arrive qu’elles soient écrasées par le moulin, en général un moulin à eau, dont le mouvement est très rapide. Lorsqu’elles se penchent et suivent involontairement les cannes qu’elles tiennent dans les mains, pour éviter que le corps tout entier ne suive ce mouvement et qu’elles ne soient totalement écrasées, il n’était pas rare que l’on fût contraint de couper le membre qui était resté coincé dans le moulin. Quant au sort des esclaves de la maison du maître telles la cuisinière, et bien entendu la « da » ou nourrice, il est beaucoup moins tragique. Mieux nourries, mieux habillées et plus proches du maître, ces esclaves de maison sont souvent considérées par les esclaves des champs comme des privilégiées ; privilèges supposés car elles étaient le plus souvent en butte aux tracasseries et humeurs de leurs maîtresses ou aux espiègleries des enfants. Cependant, dans tous les cas, la toute-puissance du maître est absolument incontestée, au point que souvent l’esclave vit dans la crainte d’éventuels châtiments ou sévices pouvant s’avérer d’une extrême barbarie. Car outre les risques encourus en raison de la dureté des « travaux forcés » imposés dès cinq heures du matin, durant dix heures par jour et parfois de nuit, le rythme de travail doit être soutenu et maintenu à coups de fouets ou de rigoise.

L’habitation/Plantation Héritages et mutations Caraïbe-Amérique. Sous la direction de Maurice BURAC et Danielle BEGOT,

Editions Karthala, 2011.

L’encadrement du travail sur l’habitation L’encadrement du travail des esclaves sur l’habitation utilise une hiérarchie de responsables sectoriels dans laquelle on trouve géreurs, économes et commandeurs. Le gérant, également appelé géreur, dirige l’habitation en présence du propriétaire de l’habitation comme il peut être son représentant en cas d’absence. Il est lié à l‘habitation par un contrat qui fixe son indemnité annuelle en fonction de la dimension des terres et du type

Page 26: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

26

d’habitation…. C’est lui qui fait la loi aux esclaves, qui règle l’allure de leur vie et de leur travail. Sa tâche est de presser la machine agricole et industrielle par tous les moyens pour en augmenter le rendement. L’économe a des fonctions diverses : il tient les livres, dresse la liste des esclaves, tient le journal des travaux mais avant tout il conduit les esclaves, il surveille tous les esclaves : les cabrouettiers, les tonneliers, les charpentiers, les gardiens, les malades, il a l’œil sur les travaux, sur les jardins, sur le bétail, les places à vivre, les magasins, les cases des esclaves, l’état du moulin, l’embarcadère et l’entrepôt. Le commandeur, au bas de la hiérarchie, commande les ateliers d’esclaves. Les commandeurs recrutés parmi les esclaves, venaient de ceux qui étaient considérés comme des ouvriers spécialisés. Les commandeurs étaient soumis aux économes… Le commandeur remplissait les fonctions subalternes de direction du travail, réglant les occupations et donc le train des tâches, réprimandant ou fouettant les paresseux et les dociles… Cet encadrement du travail dans l’habitation a été maintenu après l’abolition de l’esclavage avec les nouveaux travailleurs salariés et les engagés indiens, bien que les tâches conservées fussent seulement déterminées par la culture de la canne à sucre. La culture de la banane dans le cadre de l’habitation utilise cet encadrement de nos jours. Texte adapté de Eléments d’histoire des habitations de la Martinique

du XVIIe au XXe siècle. Emile EADIE, SCEREN CRDP Martinique, Décembre 2007.

Page 27: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

27

4 - DES HABITATIONS SUCRIERES ESCLAVAGISTES AUX USINES CENTRALES : CAPITALISME ET SOCIETE INDUSTRIELLE Le système colonial entre en crise à partir du milieu des années 1830, crise qui va aller s’aggravant jusqu’en 1848. Le système esclavagiste est ruineux et inefficace. Maintenir l’esclavage « c’est consolider la routine et perpétuer l’inertie, c’est couper court à toutes chances de progrès »

Rapport de la commission de BROGLIE de 1843. Jean-François Cail*, veut remplacer le système en vigueur depuis l’origine des habitations sucreries par des usines centrales qui sont basées sur une division du travail : activité de culture sur les plantations et activité de production du sucre réalisée dans l’usine centrale qui traiterait les cannes de plusieurs producteurs. En 1845, la première usine centrale s’implante à Fort-de-France à la Pointe Simon. *Entrepreneur industriel, constructeur mécanicien français, né le 8 février 1804 à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres) et mort le 22 mai 1871 au Domaine des Plants à la Faye (Charente). Il était à la fois producteur de sucre et financier des industriels locaux.

Page 28: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

28

L’usine de la Pointe Simon L’usine de la Pointe Simon est, avec les Forts Desaix, Saint-Louis et les arsenaux de la Marine, l’une des curiosités de Fort-de-France ; il n’est pas un voyageur, un étranger qui traverse la ville sans aller la visiter... Placée sur une pointe avancée de la mer, baignant presque les pieds de la rivière Levassor, elle offre, vue de la rade, de la Savane ou des collines environnantes, une agréable perspective. C’est une de ces merveilles de l’industrie moderne qui étonnent et charment tout à la fois, quand on les examine avec soin et qu’on se rend un compte exact des ingénieuses combinaisons qui la font mouvoir. Sortie tout entière de la Maison Cail et Cie, elle se compose d’un moulin de 16 chevaux, de deux chaudières à cuire dans le vide avec leurs deux machines à vapeur, de 12 filtres, 3 monte-jus, 6 défécateurs, 3 condensateurs, un lavoir, un four à revivifier le noir et les étuves. Les générateurs sont de la force de 90 chevaux. Un bateau à vapeur, des chalands en fer et des gros bois pour le transport des cannes complètent ce magnifique ensemble. L’usine emploie quotidiennement près de cent ouvriers et quelques esclaves résidant à Fort-Royal, elle paie en salaires près de 1 500 francs par semaine, ce qui contribue à alimenter le commerce de détail de cette ville.

Journal Le Moniteur de la Martinique, 1845. L’usine des frères Sinson En 1845 et 1846, les deux frères Sinson ont créé la seconde usine centrale à sucre du pays sur leur habitation du François. Ce sont des colons de vieille souche, héritiers d’un domaine qui ne compte pas moins de 230 hectares. Après avoir vainement tenté d’obtenir du Gouvernement un prêt de 200 000 francs pour créer leur usine et se lancer dans une expérience de travail libre avec leurs esclaves, ils se heurtent à la méfiance des autorités administratives et du Gouverneur Mathieu. Ils s’adressent donc à une Maison de Paris - les Etablissements Guatel - pour se

Page 29: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

29

procurer les fonds nécessaires. Bien vite la sucrerie des deux frères, qui s’avère plus que suffisante à leurs propres besoins, va proposer de broyer aussi les cannes des exploitations voisines. L’usine tourne alors à plein rendement et l’argent rentre dans les caisses... Ils vont être les premiers à tenter sur leurs terres un essai de « colonat partiaire ». Ayant constaté que leur atelier n’était pas capable de mettre en valeur la totalité des terres, ils décident de libérer leurs esclaves et de les installer comme colons partiaires sur l’habitation qu’ils lotissent en parcelles d’un à trois hectares. Ces nouveaux « colons » doivent signer un contrat extrêmement détaillé qui les oblige à ne planter que de la canne à sucre et à fournir exclusivement l’usine des deux frères. Le règlement du prix des cannes est effectué tous les quinze jours sur la base de la mercuriale de Saint-Pierre et, autre innovation, les cannes sont dorénavant payées selon leur richesse en jus. Pour inciter les anciens esclaves à bien soigner leur production, les propriétaires effectuent régulièrement des prélèvements de jus dont la densité est mesurée à l’aéromètre Baumé.

L’épopée de la canne à sucre. Bernard PETIT JEAN-ROGET, Editions Le Mémorial Martiniquais,1979.

La fièvre de placement dans les sucreries 1860 : un nouvel espoir s’offre enfin à la Martinique. Le Gouvernement français vient de créer le Crédit Colonial... Il s’agit là d’une société anonyme au capital de trois millions de francs dont l’objet est de prêter à long terme les sommes nécessaires à la construction de sucreries dans les colonies françaises ou à l’amélioration de celles qui existent déjà. Une vraie fièvre de placement va alors saisir tous ceux qui possèdent quelque argent ou suffisamment de biens pour garantir un emprunt. La bourse de Saint-Pierre connaît une invraisemblable

Page 30: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

30

fièvre et l’on voit même certains prêtres séculiers investir sans vergogne dans les sucreries... le denier du culte !

Des voies de chemin de fer destinées au transport des cannes font leur apparition dans l’île. La première année suivant sa construction, l’usine de la société Bougenot, Quenesson, Guiollet & Cie réalise 600 000 francs-or de bénéfice brut. C’est la stupéfaction ! Et ce n’est qu’un début : tous les ans, l’usine distribuera en effet 25 % de son capital sous forme de dividendes et se payera même le luxe d’affecter 6 % de ses profits à un fonds de réserve. Le chemin de fer est amorti dix mois après son achat. On commence à parler d’or blanc... Les usines surgissent comme champignons d’un bout à l’autre de l’île et rien ne semble alors pouvoir freiner cette frénésie d’investir et de construire... Le pays est bientôt recouvert de cannes comme il ne l’avait jamais été auparavant.

L’épopée de la canne à sucre. Bernard PETIT JEAN-ROGET, Editions Le Mémorial Martiniquais,1979.

Page 31: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

31

Les conséquences sociales Dans toutes les îles, les planteurs vont essayer de maintenir, après l'abolition, les anciennes structures de l'époque de l'esclavage. En général, sauf dans les Guyanes et à la Jamaïque où ils avaient de l'espace pour s'établir, les anciens esclaves libérés ont dû, dans un premier temps, rester comme salariés sur les habitations de leur ancienne servitude. Il y a des départs, certes, mais on ne peut pas parler de "désertion des habitations". Dans les Petites Antilles, 90 à 95 % des affranchis sont restés sur les habitations pour deux raisons : 1) Il n'y avait pas assez d'espace pour qu’ils s'établissent tous 2) Les planteurs ont obtenu des administrations coloniales des réglementations contraignantes pour obliger les affranchis à rester, sous peine de répression judicaire : "apprentissage" dans les colonies anglaises de 1834 à 1838 ; "organisation du travail" (= police du travail) aux Antilles françaises de 1852 à 1860 ; à Cuba, "patronage" de 1880 à 1886. Toutes ces tentatives échouent en raison de la résistance des affranchis, mais elles retardent d'autant la modernisation des sociétés antillaises.

Site : http://site.ac-martinique.fr/histoire géographie/wp-content/ Christian SCHNAKENBOURG,

Professeur émérite de l’Université des Antilles Après l’abolition de l’esclavage en 1848, il y eut plusieurs vagues d’immigration. Tout d’abord, pour combler le manque de main d’œuvre sur les habitations, on eut recours à une immigration largement forcée de travailleurs venant principalement d’Inde, d’Afrique et de Chine.

Page 32: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

32

Les Indiens

Les premiers immigrants indiens arrivèrent en Martinique le 6 mai 1853. Leur nombre total, pour une immigration jusqu’en 1890,

est estimé à environ 25 000. Leur contrat fixait la durée de l’engagement à cinq ans, avec rapatriement gratuit au terme du contrat. Mais la plupart des Indiens restèrent. Seulement environ 4000 furent rapatriés. Selon Michel Leiris, le groupe des Indiens constitue une quatrième catégorie qui s’est surajoutée aux trois catégories traditionnelles – les Noirs, les Mulâtres et les Békés – de la population martiniquaise… Ils sont également appelés « Coolie ». Ce terme a cependant une connotation péjorative. Les Indiens de la Martinique proviennent du Sud de l’Inde (Madras et régions tamoules) : le périmètre de recrutement accordé à la France comprenait, vers 1880, quatorze des vingt-deux districts de la Province de Madras, une partie du Kérala, de l’Andra-Pradesh et du Mysore… Les premières expériences d’installation dans leur nouvel environnement furent douloureuses, voire traumatisantes. Ils étaient confrontés à l’hostilité de beaucoup de « Noirs ». Car la plupart des Indiens étaient des travailleurs assidus et rigoureux. Ils gagnaient ainsi la confiance du Béké et beaucoup d’Indiens devinrent des géreurs d’habitation. De ce fait, ils étaient souvent perçus par les autres travailleurs de la plantation comme « collaborationnistes ». Il n’était pas rare d’ailleurs que lors de conflits sociaux ils jouent le rôle

Page 33: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

33

de briseurs de grève…. Ainsi, les Indiens, surnommés « coolies », devinrent objets de mépris et furent soumis aux pires humiliations… Les réactions dans le monde indo-martiniquais furent de divers types : suicide, « marronnage », révoltes impuissantes, vagabondage, développement de pathologies mentales. Les Africains Une communauté s’est rapidement intégrée à la population des anciens esclaves, même s’il reste ici ou là des endroits sur l’île où l’on dit pouvoir encore retrouver une prédominance de cette population – appelée couramment les « Kongos » ou « Nèg Kongos » - qu’on reconnaîtrait par leur couleur de peau très foncée. D’autre part, les stéréotypes et les préjugés existant à leur encontre ne sont pas dirigés collectivement – c’est-à-dire contre eux en tant que groupe – mais individuellement contre des personnes au phénotype auquel les autres Martiniquais associent l’image de « Nèg Kongo ». Les Chinois Les premiers migrants chinois sont arrivés à la même époque que les Indiens, mais en nombre beaucoup moins élevé, estimé à environ 1000 personnes. On peut souligner la forte prédominance masculine de cette population qui provoqua bien évidemment, dès le départ, le contact et le métissage avec la population martiniquaise. Cependant, quand l’occasion leur fut offerte, certains Chinois firent venir des femmes de Chine pour les épouser. Contrairement aux Indiens, les Chinois eurent tendance à déserter les plantations pour s’installer à Fort-de-France afin de créer des commerces Pour cette raison, mais aussi parce qu’ils étaient beaucoup moins nombreux que les Indiens, ils n’attiraient pas l’hostilité des nouveaux Libres.

La hiérarchie « socio-raciale » en Martinique, entre persistances postcoloniales et évolution vers un désir de vivre ensemble.

Ulrike ZANDER, Revue Asylon(s), N°11, Quel colonialisme dans la France d’outre-mer ? Mai 2013.

Page 34: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

34

5 - L’HABITATION DU 20EME SIECLE A LA MARTINIQUE

La régression de la canne à sucre et la fermeture des usines centrales à vapeur Le tonnage de cannes récoltées de 1963 à 1993, soit sur une période de trente années, indique une baisse considérable : de 1 218 025 à 228 090 milliers de tonnes, c’est-à-dire équivalente à 18 % de la récolte de 1963. Sur les six usines centrales de 1966, il n’en subsiste qu’une seule en 1994 : Le Galion. Pour ce qui concerne les distilleries, sur les 28 de 1966, il n’en reste que 11 en 1994… L’habitation assure le maximum d’emplois, en particulier avant 1946, elle est une unité de production économique où le salaire permet de s’approvisionner, au moins en partie, à la « boutique » avec possibilité de crédit. De là une très grande dépendance économique du travailleur vis-à-vis de son employeur. Cette situation a permis de considérer le milieu de la canne comme un enfer où règnent la misère, les bas salaires, et l’utilisation d’enfants pour le travail de la terre. Aussi les grèves des travailleurs agricoles organisées chaque année autour du syndicat Confédération des travailleurs de la Martinique, sont l’arme utilisée pour obtenir l’amélioration du salaire, de la pension des vieux travailleurs, de la couverture sociale en général. La répression policière, les brutalités, les morts, les

arrestations de grévistes ont toujours marqué ces grèves de 1960 à 1974. Après la canne, la culture de la banane n’a cessé de monter dans l’économie de l’habitation de 1960 à 1980.

Eléments d’histoire des habitations de la Martinique du XVIIe au XXe siècle.

Emile EADIE, SCEREN CRDP Martinique, décembre 2007.

Page 35: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

35

La grève de 1900 à la Martinique Le 6 février 1900 éclate, dans cinq communes du Nord-Est de l’île, une grève des travailleurs agricoles qui s’étend rapidement à la majorité des communes. En quelques jours, le travail cesse sur la quasi-totalité des exploitations. Les grévistes contraignent les usines à s’arrêter. Le 8 février, devant l’usine du François, la troupe tire, faisant dix morts et douze blessés : provocation ou accident, l’affaire a un retentissement considérable tant dans l’île que dans la métropole. Quoiqu’il en soit, les travailleurs agricoles ne cèdent pas. Les représentants de la base qu’ils mandatent, alors même qu’il n’y a aucun syndicat agricole, vont négocier avec les propriétaires et les usiniers qui jusque-là avaient considéré cette grève comme un mouvement insurrectionnel. De larges concessions leur sont arrachées qui s’avèreront d’ailleurs éphémères, la grève n’ayant pas entraîné la création d’un mouvement de la classe ouvrière. La répercussion judiciaire qui suivra ne pourra cependant faire oublier que, désormais, rien ne sera plus comme avant.

Revue française d’histoire d’outre-mer. Bernard PETIT JEAN-ROGET, Vol 62, N° 228, 1975. (voir aussi l’ouvrage de Jacques ADELAIDE

MERLANDE sur Les origines du mouvement ouvrier à la Martinique, de 1870 à la grève de 1900. Editions Karthala, 2000.

La grève des travailleurs agricoles de 1974 Le contexte économique, si spécifique des années 1970 dans les Antilles françaises, voit le déclin précipité de l'industrie sucrière (supplantée irrémédiablement par la betterave française. La crise a débuté depuis la fin du XIXe siècle et achève son lent processus dans ces années-là). Et certes, ce déclin fut rapide et spectaculaire, comme l'attestent les fermetures successives des usines en seulement quelques années. C'est dans ce contexte que la culture de la banane se voit tout aussi rapidement développée, pour tenter de compenser la fin de la

Page 36: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

36

manne sucrière, sans parvenir pour autant à endiguer un chômage de masse aggravé par le récent choc pétrolier de 1973. Ce à quoi il convient d'ajouter les exigences de productivité de la culture bananière, en comptant la concurrence difficilement égalable de la véritable industrie de la banane de la zone dollar et des champs à perte de vue d'Amérique du sud sous contrôle de la multinationale américaine United Fruit - moyennant notamment l'exploitation d'une main d'œuvre sous-payée. Mais ce contexte, c'est également celui du choc de la modernité consumériste qui, sans transition avec la fin de la société d'habitation, s'impose en Martinique avec son corrélat qu'est la hausse vertigineuse des prix. Les travailleurs martiniquais, dont le pouvoir d'achat moyen s'est effondré, ne peuvent plus faire face, tout en constatant amèrement la rapide réadaptation de la caste békée aux nouvelles normes de l'économie locale, notamment dans l'import-export. Le sentiment d'injustice est très grand et les mouvements sociaux seront légions dans ces années, avec notamment de mémorables grèves générales et de fortes tensions. C'est aussi à cette époque, et consécutivement, que les mouvements nationalistes et d'extrême gauche prospèrent. En 1978, est fondé le MIM (Mouvement indépendantiste martiniquais), dirigé par Alfred Marie-Jeanne. Le PPM (Parti progressiste martiniquais, fondé par Aimé Césaire), qui a opté pour l'autonomie, emprunte des accents de radicalité qui, en tout état de cause, sont dans l'air du temps. Dans ce contexte, de jeunes intellectuels issus des mouvements gauchistes, trotskystes ou maoïstes, occupent l'espace du débat public en se réclamant justement d'une radicalité dans les luttes sociales afin de précipiter l'éclatement du système colonial et en s'opposant d'ailleurs à la situation générée par la départementalisation de 1946. L'une des figures de la radicalité de ces années, c'est l'essayiste Guy Cabort-Masson, ancien insoumis en Algérie ayant rejoint comme

Page 37: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

37

Fanon les rangs du FLN (Front de libération nationale). C'est aussi les membres de l'OJAM (Organisation de la jeunesse anticolonialiste martiniquaise), collectivement acquittés en 1964 après leur procès. Mais ce qui caractérise certainement la grève des travailleurs agricoles de 1974 c'est, en amont, le rôle clé qu'y auront joué des groupes de jeunes militants politiques issus de la mouvance nationaliste qui vit là l'un de ses moments clés. Car conformément au modèle maoïste, ces militants vont se consacrer à ce qu'ils nomment la "conscientisation" des travailleurs agricoles, leur assurant des cours d'alphabétisation et en les guidant vers la lutte syndicale. Ces différentes organisations vont se rassembler dans le collectif UPSOA (Union patriotique de soutien aux ouvriers agricoles)

Les dossiers du Tout monde, Chalvet 1974, quand le colonialisme tuait en Martinique. Loïc CERY

Le défilé des ouvriers agricoles lors de la grève générale du 12 février 1974 à Fort-de-France

Rénor Ilmany et Georges Marie-Louise, assassinés lors de la grève de 1974.

Page 38: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

38

La « race » comme construction sociale de « différents » groupes socio-raciaux La société martiniquaise a été fondée dans le contexte de l’habitation coloniale, sur l’idéologie raciste. Les catégories « raciales » ont été complètement intériorisées par les Martiniquais. En témoigne notamment un vocabulaire très particulier, élaboré pour satisfaire des préjugés et des stéréotypes. En témoignent également des attitudes de rejet ou de préférence selon la couleur de peau de l’individu. Il faut rappeler que la mise en contact, dans toute sa brutalité, des populations européennes et africaines sur cette terre eut un caractère strictement fonctionnel, en raison des besoins économiques, dont l’aboutissement fut la mise en place d’une société de plantation. L’appartenance « raciale » était au temps de l’esclavage régie par le Code Noir – système juridique propre précisant les règles de la servitude et réglant le statut de l’esclave. De nos jours, elle n’a plus aucune valeur juridique. Mais, de manière générale, la société martiniquaise reste « caractérisée par l’obsession coloriste, l’identification raciale pouvant resurgir à tout instant, en particulier lors de toutes les crises politiques graves ». Les structures idéologiques héritées de l’esclavage restent gravées dans les mémoires, malgré l’évolution liée au cours de l’histoire…

La hiérarchie « socio-raciale » en Martinique, entre persistances postcoloniales et évolution vers un désir de vivre ensemble.

Ulrike ZANDER, REVUE Asylon(s), N°11, mai 2013, Quel colonialisme dans la France d’outre-mer ?

Page 39: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

39

Les terres et les réparations Le principal terrain de discorde autour duquel se greffent en réalité tous les autres est celui de la propriété des terres, lié par ailleurs étroitement à la question des réparations de la traite et de l’esclavage. Les esclaves n’ont jamais été indemnisés. De fait, les seules réparations versées au lendemain des abolitions l’ont été aux anciens propriétaires d’esclaves. En France, une loi d’avril 1849 leur a octroyé 6 millions de francs pour indemniser la perte de leurs esclaves. Elle avait été votée sous la pression des planteurs, au nom de la paix sociale et pour dédommager des petits propriétaires qui se disaient menacés de faillite. Victor Schœlcher (l’initiateur du décret d’abolition) a réclamé en vain que l’indemnité fût aussi octroyée aux esclaves… Le grand drame des abolitions est qu’elles n’ont pas été accompagnées d’une redistribution des terres, ce qui aurait permis aux anciens esclaves et à leurs descendants de s’en sortir. En Martinique, les békés possèdent toujours 70 % des terres. Finalement, les abolitions ont été à demi réalisées, en sauvegardant les intérêts des élites locales.

Page 40: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

40

Quelles en sont les conséquences aujourd’hui ? La principale conséquence est que la structure sociale des régions concernées est encore marquée par l’esclavage. Faulkner, homme du Mississippi, a écrit que « le passé n’est pas mort. En fait, il n’est même pas passé ». Les élites sont, dans l’ensemble, issues des anciens propriétaires, tandis que les descendants d’esclaves sont, dans l’ensemble, dans les positions les plus modestes. Il y a bien entendu des trajectoires exceptionnelles, permises par le développement de l’éducation secondaire et supérieure. Il existe aussi toutes sortes de groupes intermédiaires et les migrations ont joué leur rôle pour complexifier le « feuilletage » social. Néanmoins, il est frappant de constater à quel point le passé esclavagiste imprime sa marque sur les sociétés contemporaines. L’esclavage a disparu mais la hiérarchie sociale et raciale s’est maintenue. L’histoire des sociétés post-esclavagistes mérite autant d’attention que celle de l’esclavage.

Site : http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/06/l-esclavage-a-disparu-la-hierarchie-sociale-et-raciale-s-est-maintenue -

Pap NDIAYE.

Page 41: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

41

ANNEXES

Annexe 1 - L’archéologie à la découverte d’une histoire cachée : les fouilles sur l’habitation Crève-cœur en Martinique

À Crève-Cœur, le village est placé sur le sommet et les pentes d’une colline située derrière et au-dessus du site de la maison de maître et des bâtiments industriels. Selon la Carte de Moreau du Temple datant du XVIIIe siècle, le village était aligné sur les deux côtés d’un chemin menant à la maison de maître et longeant la crête. Une prospection archéologique a permis d’identifier le site du village d’esclaves et de déterminer qu’il ne s’étendait que sur la colline et qu’il existait plus de deux rangées de maisons. Les fouilles archéologiques subséquentes démontrèrent que le village consistait en des maisons éparpillées sur les pentes de la colline dans les endroits où la pente est moins raide avec, entre les maisons, des dépôts anthropiques* bien conservés. La disposition du village des travailleurs à Crève-Cœur est donc peu rigide et plutôt opportuniste. Nous n’avons trouvé aucune structure en maçonnerie mais il y avait des trous de poteaux marquant la présence de constructions. Étant donné l’absence de ruines en maçonnerie sur le site, on en conclut que les maisons de ce village étaient construites en matériaux végétaux, probablement des kaz en gaulettes (Guadeloupe) ou ti baum (Martinique). Après 1848, on remarque peu de changement dans les conditions de l’habitat, les maisons sont toujours d’une construction relativement légère, apparemment éparpillées sans logique sur le site très raide du village. Même au milieu du XIXe siècle, les travailleurs sont encore logés dans des kaz en gaulettes. D’une façon générale, dans les contextes du XVIIIe siècle, on trouve des récipients de cuisson en terre cuite vernis au plomb du type Vallauris, engobés et vernis au plomb du type Huveaune, et de la faïence de table blanche et brune. Les dépôts du XVIIIe siècle contiennent relativement peu de verre de table ou de bouteilles et les couverts aussi sont rares. En général, les

Page 42: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

42

objets métalliques sont peu nombreux et comprennent quelques morceaux de marmites en fonte mais peu de clous – ce qui n’est pas très surprenant compte-tenu du mode de construction des maisons…

On trouve de nombreux tessons de céramiques en terre cuite fabriquées en Martinique dans une tradition dite « africaine ». Ces céramiques culinaires, que l’on appelle « coco neg » aujourd’hui en Martinique, sont analogues aux céramiques

« colonowares » du sud des États-Unis et sont présentes aussi sur d’autres habitations martiniquaises. Le coco neg est présent dès le début de la période coloniale mais devient plus fréquent, au moins jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1848…

On remarque la réutilisation de céramiques industrielles, entre autres des pots à mélasse et des formes à sucre de diverses manières, par exemple, en tant que cruche à eau. L’accès et la participation au commerce local sont démontrés par la diversité des céramiques utilisées dans le village et par la variété des boutons, perles et autres petits objets vestimentaires y compris aiguilles et autres objets de mercerie.

Page 43: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

43

Dans les dépôts anthropiques*, les vestiges de faune comprennent des coquillages et autres ressources du littoral, dont des os de lamantins et de petit gibier, opossum et mangouste. On peut donc conclure que les travailleurs furent obligés de compléter les rations vivrières insuffisantes fournies par le maître. *Anthropiques : se dit d'un paysage, d'un sol, d'un relief dont la formation

résulte essentiellement de l'intervention de l'homme. La vie quotidienne des habitations sucrières aux Antilles :

l’archéologie à la découverte d’une histoire cachée. Kenneth G. KELLY. Site : https// insitu.revues.org.10160.

Page 44: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

44

Annexe 2 : Liste de quelques habitations

Habitation la Sucrerie (Anses d’Arlets) Dominant le bourg des Anses d’Arlets et construite en 1763, elle a appartenu à la famille Delpech, dont une des filles fut l’épouse de Bertrand Ancinelle. Ce nom a été porté par un commissaire de police très connu dans les années trente et qui a inspiré une biguine célèbre. Michel Hayot fut le nouveau propriétaire de cette habitation. Habitation Leyritz (Basse-Pointe) Originaire d’Autriche, la famille Leyritz se fixe à la Martinique. Sur cette habitation, on pratiqua la culture du tabac, des épices, du manioc, de la canne, puis elle devient sucrerie et ensuite distillerie, avant d’alimenter l’usine Gradis. La maison consacrée ensuite au tourisme a reçu la visite des présidents Ford et Giscard d’Estaing et du secrétaire d’état Henry Kissinger, en 1974. Habitation Lajus (Carbet) Fondée en 1774 par le baron de Lajus, Jacques Bally la racheta en 1919 pour installer une distillerie. Jean BALLY, ancien maire du Carbet de 1967-1973 l’habitat, malgré l’avertissement donné naguère par les Carbètiens, selon lequel une mystérieuse dame blanche hantait ses jardins. Habitation O’Mullane (Maison du Gaoulé) (Diamant) Cette habitation, appelée autrefois l’habitation Bourgeot, a été le théâtre de la séquestration, par les colons, le 17 mai 1717, des représentants royaux venus en Martinique pour imposer des restrictions aux sucriers. Les colons les emmenèrent à l’habitation l’anse Latouche au Carbet où ils les déposèrent de force dans un navire pour la France

Page 45: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

45

Habitation la Frégate (François) Répertoriée en 1704, elle a appartenu à Claude François d’Alesso, Marquis d’Eragny, dont le grand père, gouverneur des Iles du vent à la fin du XVIIe siècle, est inhumé dans le chœur de la cathédrale de Fort-de-France. Le général Brière de l’Isle, qui se distingua en 1870 à Bazeilles, est né dans cette habitation. Habitation La Monnerot (François) L’habitation doit son nom actuel à Jean-François Monnerot, maire du François en 1844. Cette famille donna naissance au sociologue Jules-Marcel Monnerot qui, en 1938, fonda, avec Georges Bataille, le collège de Sociologie. Charles Clément racheta le domaine en 1932 et en fit son lieu de villégiature Habitation Clément (François) Cette habitation appartenait, dans les années 1880, à Virginie de Franqueville et à Georges du Prey de la Ruffinière. Saisi après la grande crise sucrière, le domaine fut racheté en 1887 par le docteur Homère Clément, maire du François et député de la Martinique. Son fils, Charles Clément (1901- 1973) ingénieur de formation, assura la relève. Cette habitation, ouverte au public, a accueilli, en mars 1991, pour une rencontre au sommet, les présidents Georges Bush senior et François Mitterrand. Habitation Beauséjour (Grand-Rivière) Située à Grand-Rivière, pointe extrême de la Cabesterre, véritable Nord du Nord de la Martinique, l’habitation, fondée vers 1670 par Desruisseaux, doit beaucoup à la baronne Catherine de Courcy qui fit creuser, entre 1800 et 1820, le canal qui alimentait une distillerie en activité de 1824 à 1958. A la fin du XIXe siècle, l’habitation devient la propriété d’Amédée KNIGHT (1852- 1916), ingénieur et sénateur de la Martinique. Le domaine a été racheté en 1928 par Louis Lucy de Fossarieu.

Page 46: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

46

Habitation Grand case (Lamentin) C’est en 1671, dans les premiers temps de la colonisation, que la propriété de l’habitation Grand Case fut attribuée à madame Gemozat, veuve d’un ancien Gouverneur de Grenade. D’un autre mariage, elle aura un fils Abraham Macharis, dénommé Sieur de Lamentin. Les Gémosat-Macharis et leurs descendants resteront sur ces terres pendant un siècle entier. En 1770, la famille Gaigneron prend possession de cette propriété. Elle y restera pendant cinquante ans. On trouve sur cette habitation : des vestiges de moulins, des traces de voies ferrées, des voies d’eau. C’est dans cette habitation, qu’est né, en 1797, Léon Papin-Dupont dont une rue porte le nom au Lamentin et à Fort-de-France. La propriété sera vendue en 1920 à Arthur Duplessis, puis en 1944 à M. de Clauzel. En 1958, M. Hughes-Despointes prend possession du domaine. En 1971, soit trois siècles après l’installation dans ses lieux du Sieur de Lamentin, la famille Gros-Désormeaux y prend place. Habitation Rivière Lézarde (Lamentin) Sucrerie au XVIIe siècle, distillerie au XVIIIe siècle, l’habitation a cessé toute activité agricole. Une usine électrique a fonctionné jusqu’en 1945. Une chapelle, la première du Lamentin, se dressait sur ses terres. Aujourd’hui, les terres fertiles sont consacrées à l’horticulture. La Rivière Lézarde qui traverse cette habitation a donné son titre à un roman qui a valu le prix Renaudot à Edouard Glissant. L’Habitation Anse Couleuvre (Prêcheur) C’est autour des années 1906/1908 qu’Asthon Tardon (1882-1944) fit l’acquisition de cette habitation située au nord de la Martinique sur la commune du Prêcheur. Sur le domaine de l’Anse Couleuvre, de 700 hectares environ, s’élevaient une rhumerie et une distillerie. Les terres de l’Anse Couleuvre étaient riches d’arbres aux essences variées. Raphael et Manon, deux des enfants d’Asthon, jouissaient d’une excellente réputation. Asthon Tardon fut aussi maire et conseiller général de la commune du Prêcheur pendant vingt ans.

Page 47: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

47

Habitation Fonds Rousseau (Schoelcher) En 1660, le juge Gabriel Turpin possédait 360 hectares sur la paroisse qui allait devenir, plus tard, la commune de Schoelcher. Le Sieur Hurault de Manoncourt y pratiqua la culture du mûrier pour l’élevage du ver à soie, ce qui valut à sa terre d’être érigée en fief en 1687. A l’encontre de certaines idées reçues, le pouvoir royal tentait de freiner le développement de la monoculture de la canne. Pourtant, on y produisit du sucre, puis du rhum jusqu’au début de XXème siècle. Il semble que le nom actuel de l’habitation, d’abord appelée Fonds Plumet, soit dû à l’installation d’une colonne à distiller provenant d’une usine de Saint-Pierre et appartenant à Charles Rousseau (*) Habitation Grand Galion (Trinité) La célèbre famille Dubuc domine la région de Trinité à la fin du XVIIIème siècle. Après bien des aventures et diverses expériences (il fut mousse, matelot, etc…), Eugène Eustache (1807-1883) devient négociant à Saint-Pierre. Pensant que pour mener une « vie noble » à la Martinique il faut devenir « habitant » et pouvoir vivre de ses terres, Eustache achète le Grand Galion en 1853 et décide d’y construire une usine centrale. Son gendre, Emile Bougenot (1838-1925), sera un personnage de premier plan de l’économie locale : administrateur de neuf usines, actionnaires de quinze (sur les vingt et une en activité à la fin du XIXème siècle) et copropriétaire du Galion, dernière unité productrice de sucre à la Martinique.

Maisons des îles, Martinique. Brigitte MARY et Roland SUVELOR, 1998.

(*) Selon Michèle Léonard, Le Morne-Rouge, 300 ans d’histoire, la cheminée viendrait du Morne-Rouge (commune créée en 1890) où Charles Rousseau avait une distillerie détruite par le cyclone de 1891.

Page 48: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

48

Habitation sucrière de la pointe de la Caravelle (dite château Dubuc) (Trinité) L’habitation se trouve sur la face sud de la pointe de la Caravelle, au fond d’une baie protégée appelée aujourd’hui Baie du Trésor. Le domaine agricole occupait toute l’extrémité de la péninsule. L’activité sucrière était florissante puisqu’en 1720 la région de Trinité Tartane comptait quatre sucreries. Toutefois, la presqu’île conservait encore des forêts riches en bois d’inde (Père Labat, 1742) et ne fut défrichée qu’à partir de l’implantation de la famille Dubuc, dans le second quart du siècle. Résultat d’une série d’aléas climatiques et de mauvais choix financiers, l’histoire de l’habitation se limite au XVIIIe siècle. Son abandon, avant l’industrialisation moderne des sucreries, fait la singularité et l’intérêt scientifique du site. Les vestiges n’étant pas perturbés par des aménagements postérieurs. Fondée vers 1725, l’habitation est définitivement désertée en 1793. Néanmoins, jusque dans les années 1780, elle est une des plus prospères de la région. Sa situation géographique, à l’écart de tout contrôle et propice au commerce interlope, participe-t-elle à son expansion économique ? Quoi qu’il en soit, cette réussite transparaît aussi bien à travers les diverses constructions monumentales en pierre, la présence de vaisselle d’importation de grande qualité et le nombre très importants d’esclaves : 373 esclaves recensés en 1772. La maison principale est suffisamment imposante pour qu’en 1763 le gouverneur Fénelon juge « les bâtiments trop considérables et trop dispendieux pour l’entretien ». De même, on lit, dans un procès de 1781, que le propriétaire « faisait venir des marbres pour décorer ses habitations ».

Extrait de Les nouvelles de l’archéologie. Anne JEGOUZO, 2016.

Page 49: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

49

Un lieu chargé de mystères et de secrets La situation, l’importance et les activités du Château Dubuc en font une demeure au passé sombre… Sous ses airs de grande habitation sucrière du XVIIIe siècle, on y soupçonne certains agissements de contrebande, des trafics de marchandises et d’esclaves. Certains indices rendent évidentes les pratiques clandestines qui s’y sont déroulées : entrepôts surdimensionnés par rapport à la sucrerie, coffres, cachots d’esclaves. Abandonné après le passage du cyclone désastreux de 1766, le château Dubuc situé sur la réserve naturelle de la Caravelle, protégé et géré par le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM), est classé parmi les monuments historiques depuis 1992.

Parc naturel régional de la Martinique.

Page 50: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

50

Annexe 3 : Implantation des usines centrales à vapeur à la Martinique (1862-1890)

Page 51: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

51

Annexe 4 - Chronologie du mouvement ouvrier en Martinique, de 1848 à 1999 27 avril 1848 : abolition de l’esclavage dans les colonies françaises par décret du Gouvernement provisoire de la IIème République sous la pression des abolitionnistes français dont Victor Schœlcher, sous-secrétaire d’Etat à la Marine et aux Colonies. 22 mai 1848 : la révolution anti-esclavagiste. 22 mé neg pété chenn ! les émeutes ont provoqué la proclamation de l’émancipation 11 jours avant l’arrivée du décret d’abolition. La révolte trouva son point culminant avec la lutte armée des esclaves du Prêcheur et de Saint-Pierre. A partir de 1852 : arrivée des premiers travailleurs immigrés en provenance de l’Inde, de la Chine, de l’Indochine et de l’Afrique, à la demande des patrons pour abaisser le coût du travail. 1864 : loi française qui dépénalise la grève. Les travailleurs grévistes ne peuvent plus être poursuivis devant les tribunaux s’ils ne portent pas atteinte à la liberté du travail. Septembre 1870 : l’insurrection du sud à la Martinique. A l’origine, en février 1870, un jeune homme noir, Léopold Lubin, est cravaché par un blanc parce qu’il ne l’avait pas salué et qu’il voulait lui «apprendre à respecter les blancs». N’ayant pu trouver réparation auprès des tribunaux, Lubin décida de remettre au blanc arrogant sa correction. Arrêté aussitôt et emprisonné, il est condamné par la Cour d’Assises de Fort-de France – à la solde des békés - à 5 ans de bagne et à payer une forte somme à titre de dommages-intérêts. A partir du 20 septembre, le peuple du sud, indigné, se soulève : grèves, incendies d’habitations. Une révolte paysanne, sous la direction de Lacaille, de Telgard, de Lumina Sophie. La répression est féroce. Le 28 septembre, l’insurrection est écrasée. Du 16 au 18 Janvier 1882 : première grève marchante. Les travailleurs des habitations de Sainte-Marie et de Trinité arrêtent le travail. Ils revendiquent une augmentation de salaire (de 1f50 à 3f la

Page 52: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

52

tâche). Certains patrons blessent des travailleurs à coups de fusil. Le mouvement est bloqué par un renfort de troupes installées au Vert-Pré. Cinq grévistes sont arrêtés et condamnés à des peines de prison malgré la loi d’avril 1864. 21 mars 1884 : loi Waldeck-Rousseau. La légalité des syndicats est reconnue en France. 1ermai 1890 : la journée internationale des travailleurs est instituée, par la IIème internationale socialiste, comme journée de manifestations ouvrières revendicatives et internationales. Elle commémore les manifestations de travailleurs grévistes du 3 mai 1886 à Haymarket Square à Chicago, au cours desquelles furent tués trois grévistes. Aujourd’hui, elle unit les travailleurs du monde entier toujours en lutte contre l’exploitation et la reconnaissance de leurs droits. Elle a été officialisée en France en 1947 comme « fête du travail », journée fériée, chômée, payée. Septembre 1886 : création du premier syndicat ouvrier martiniquais, le syndicat des tonneliers. Du 05 au 13 février 1900 : grande grève des travailleurs de la canne. Grève marchante de Basse-Pointe à Trois Rivières Revendications : augmentation de salaire de 1f, 1f 50 ou 2f. 07 février 1900 : fusillade du François (10 morts – 12 blessés graves). La grève continue. Négociation : obtention de + 25% d’augmentation de salaire. Ce qui est nouveau : une très forte mobilisation - l’action solidaire des ouvriers d’usine et des ouvriers agricoles - les travailleurs prennent en charge leur propre défense. L’ensemble de la classe ouvrière s’organise, de nouveaux syndicats sont créés. 1917-1924 : la révolution russe. Décembre 1919 : création du Groupe Jean Jaurès. Naissance du mouvement communiste (Monnerot, Del, Bissol, Aliker…) Objectif : créer de nouveaux syndicats. 8 mai 1920 : création du journal Justice.

Page 53: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

53

29 janvier 1923 : grève des ouvriers agricoles. Grève marchante : Lorrain, Sainte-Marie, Basse-Pointe, Macouba, Trinité. Revendications salariales : passer de 3f à 4.5f pour salaire du coupeur 09 février 1923 : fusillade de Bassignac (deux morts et trois blessés). Poursuite de la grève mais échec : les patrons refusent l’augmentation de salaire. 24 mai 1925 : assassinat à Ducos de Charles Zizine, conseiller général socialiste, et de Louis des Etages, maire socialiste de Rivière Salée, par un gendarme, lors des élections municipales. Fusillade du Diamant : 12 morts, huit blessés. 1929 : crise économique mondiale. 1931 : pacte de la Poterie nouveau « bout de chemin avec l’usine » coalition Lagrosillère et Fernand Clerc pour les législatives. 12 janvier 1934 : assassinat d’André Aliker, journaliste communiste, pour avoir dénoncé le scandale Aubéry. Son cadavre fut découvert sur la plage de Fonds Bourlet, entre Case Pilote et Bellefontaine, déposé sur une feuille de tôle, les avant-bras ligotés et maintenus dans le dos. Les tueurs et leurs mandataires restèrent impunis. En 1935 : René Ménil, Victor Portel, Victor Lamon et Thélus Léro sont les fondateurs du Groupe Front commun. Ces derniers rejoindront plus tard ceux du Groupe Jean Jaurès. Unifiés, les militants des deux groupes vont se retrouver à la tête de la vague de grèves que connaîtra la Martinique à partir de 1935. Février 1935 : « La marche de la faim » des ouvriers de la canne. Contre la baisse de 20 % des salaires décidée par le gouverneur à la demande des usiniers. Arrestation de Surena, fondateur du syndicat des employés d’usine. Licencié pour militantisme. Rassemblement des travailleurs de la canne à Fort-de-France le 11 février : charge des gendarmes à cheval, des blessés. Négociation : salaire de 1934 maintenu pour les travailleurs effectuant 6 jours de travail, baisse de 15% pour les autres. Mai 1936 : Front Populaire en France. Mobilisation des travailleurs martiniquais pour l’application des Accords Matignon dans les

Page 54: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

54

colonies : courtes grèves et renforcement de la syndicalisation. Création de l’union des syndicats CGT. 1939-1945 : Deuxième Guerre Mondiale, tan Robè en Martinique. Certains jeunes Martiniquais partent en dissidence (comme Frantz Fanon, Marcel Manville…). Le Comité Martiniquais de Libération Nationale se constitue. La Martinique est libérée en juin 1943. 19 mars 1946 : loi de départementalisation. La Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane sont érigées en département français. 1946 – 1956 : Mouvement de grèves des dockers, personnels de la Transat, électriciens, fonctionnaires, ouvriers boulangers, ouvriers métallurgistes. Revendications : augmentation de salaires (primes) – alignement sur les travailleurs de France. 17 octobre 1947 : création de la Caisse de Sécurité Sociale de la Martinique. Mars 1948 : grève des ouvriers agricoles de l’habitation Lajus au Carbet. Le 02 mars, les coupeurs de cannes demandent l’application des conventions de l’année précédente. Le patron refuse de parlementer. 04 mars : fusillade du Carbet. Les forces de l’ordre, conduites par le béké Bally, tirent sur les grévistes : 2 morts (André Jacques et Mathurin Dalin) et 2 blessés (Yvonne Jacques et André Balmer). Septembre 1948 : l’affaire des 16 de Basse-Pointe. Rassemblement d’ouvriers agricoles à la suite du licenciement et de l’expulsion de trois travailleurs casés de l’habitation Leyritz. Intervention de la gendarmerie. Guy de Fabrique, économe béké, tué à coups de coutelas. Arrestation de 16 travailleurs. Acquittés le 13 août 1951. Mars 1950 : grève de 33 jours des fonctionnaires martiniquais pour l’extension de la prime de vie chère. Loi du 3 avril 1950.

Page 55: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

55

Mars 1951 : grève des ouvriers des usines du François et du Robert, du Lamentin, de Basse-Pointe, de Rivière Salée. 7 mars 1951 : habitation Chassaing, les gendarmes, accompagnés du béké Hayot, tirent sur des grévistes : 2 blessés. 12 mars 1951 : procès de 23 ouvriers accusés d’entrave à la liberté du travail : prison ferme et sursis. Mai 1953 : grève de 65 jours des fonctionnaires pour l’égalité des droits. 80% de grévistes. Mouvement étendu à l’ensemble des DOM. Décret du 22 décembre 1953 : augmentation de 5% de la majoration de traitement, mais retenue sur salaire pour jours de grève. Grève des employés de la Transat, des travailleurs de l’Electricité. 1954 : grève des ouvriers agricoles. Extension à partir de Basse-Pointe : 38 ouvriers arrêtés pour entrave à la liberté du travail, arrestation de Cerland, conseiller général de Basse-Pointe. Grève générale : appel des centrales syndicales et du Cartel des fonctionnaires. Décret du 20 mars 1954 : SMIG pour les DOM. Début 1956 : succès de la grève des ouvriers agricoles pour augmentation de salaire et signature de la convention collective des ouvriers agricoles : 48 jours de lutte, 41 arrestations et des peines de prison. 1959 : la Révolution cubaine. Décembre 1959 : émeutes à Fort-de-France à la suite d’une altercation, intervention des CRS, affrontements jeunes/CRS pendant 3 jours, arrestations, des blessés et mort de 3 jeunes. Le gouvernement rappelle les CRS, annule le projet d’introduction de travailleurs étrangers pour la campagne sucrière, augmente le SMIG de 5% et prévoit une loi programme pour les DOM. Février-mars 1961 : grève marchante des ouvriers agricoles à travers le pays.

Page 56: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

56

24 mars 1961 : les gendarmes tirent sur la foule rassemblée au Lamentin : 3 morts, 25 blessés. Poursuites à l’encontre du maire, Georges Gratiant, pour son discours « Sur trois tombes » lors de l’enterrement des victimes. 1963 : création du BUMIDOM, organisation de l’émigration des jeunes Martiniquais vers la France. 1963 : affaire de l’OJAM : 18 arrestations. 25 novembre : procès pour atteinte à l’intégrité du territoire national, 13 acquittements et 5 condamnations avec sursis en appel. Février 1974 : mouvement social impliquant l’ensemble des travailleurs martiniquais. Grève des ouvriers agricoles qui s’étend de Grand-Rivière à Rivière-Pilote, appuyée par l’UPSOA (Union Patriotique de Soutien aux Ouvriers Agricoles). Revendications : salaire journalier de 50 francs. Grève générale à partir du 12 février à l’appel de l’intersyndicale. 14 Février 1974 : intervention des gendarmes, à l’appel du béké Fabre, contre un groupe de grévistes, à Chalvet, 1 mort Ilmany, des blessés. 15 février 1974 : découverte du cadavre torturé à mort de Marie-Louise, 19 ans. Négociations : augmentation de salaire (35,50 f), pas d’alignement sur le SMIC français. Juin 1983 : luttes paysannes, occupation de terres à divers lieux du territoire. L’occupation de la Providence, au Morne-Rouge, durera 20 ans (les agriculteurs ont obtenu un bail SAFER qui leur permet d’exploiter cette terre jusqu’à présent). Novembre 1992 : occupation de l’aéroport du Lamentin par les gros et les petits planteurs de banane. Du 23 novembre au 12 janvier 1999 : grève de la banane. Du côté patronal : la FDSEA, les groupements de planteurs de banane. Du côté des salariés : l’Intersyndicale des ouvriers de la banane et l’intersyndicale des centrales comprenant la CGTM, la CGTM-FSM, la CSTM et l’UGTM.

Page 57: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

57

A l’origine, l’échec des NAO (négociations annuelles obligatoires) à propos de la hausse du salaire horaire de 3 francs, la prime de fin d’année forfaitaire représentant un mois de salaire, la prime d’ancienneté de 3% après 3 ans de présence puis de 1% par année, cinq jours de fêtes martiniquaises chômés et payés Manifestations, opérations molokoy et blocage du port. Les planteurs manifestent contre le blocage du port et font appel aux forces de l’ordre qui font évacuer le port, malgré la solidarité active des dockers et des portiqueurs, le 6 décembre. Le port reste paralysé et l’intersyndicale appelle à la grève générale. Blocage de zones industrielles. Du côté patronal, manifestations, occupations de RFO, de l’Hôtel de Région, mises à sac des bureaux. Nouveau déblocage d’une entrée du port par la police. Création par le Préfet d’une commission technique restreinte le 5 janvier. Protocole d’accord de fin de conflit signé le 12 janvier : augmentation de salaire horaire de 1,80 francs étalée sur 6 mois, prime de fin d’année de 525 francs par conteneur. Pour les patrons une aide exceptionnelle de 9 millions accordée par la Région.

Site : http://www.cgt-martinique.fr/syndicat-cgt-martinique-dates-historiques.asp

Page 58: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

58

BIBLIOGRAPHIE ADELAIDE-MERLANDE Jacques, Les origines du mouvement ouvrier à la Martinique, de 1870 à la grève de 1900, Editions Karthala, 2000. BURAC Maurice et BEGOT Danielle (sous la direction de), L’habitation/plantation, héritages et mutations Caraïbe-Amérique, Editions Karthala, 2011. BUTEL Paul, Histoire des Antilles françaises XVIIe-XXe siècle, Editions Perrin, Collection Tempus, Avril 2007. CERY Loïc, Chalvet 1974 : quand le colonialisme tuait en Martinique ! Les dossiers du Tout Monde. CHAULEAU Liliane, La voix des esclaves, foi et sociétés aux Antilles XVIIe-XIXe siècle, L’Harmattan, 2012. Commission de Broglie, rapport de 1843. DE LAVIGNE SAINTE-SUZANNE Maurice, La Martinique au premier siècle de la Colonisation (1635-1742), Imprimerie de Mme Chantreau, Nantes, 1935. DORIGNY Marcel et MILHAUD Olivier, Le sucre : histoire et géographie d’un esclavage, Les cafés géographiques de Paris, 30 mai 2000. EADIE Emile, Eléments d’histoire des habitations de la Martinique du XVIIe au XXe siècle, SCEREN CRDP Martinique, décembre 2007. HUYGHUES-BELROSE Vincent, La société d'habitation : une civilisation historique - Site Kapes kreyol. JEGOUZO Anne, Les nouvelles de l’archéologie, 2016. KELLY Kenneth G., La vie quotidienne des habitations sucrières aux Antilles : l’archéologie à la découverte d’une histoire cachée (Site : https://insitu.revues.org/10160) LOISEAU Jérôme, Les colonies françaises sous l'ancien régime, Site : http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/IMG/pdf/ColoniesAR-2.pdf. Moniteur de la Martinique (Journal), 1845. MARY Brigitte et SUVELOR Roland, Maisons des îles, 1988. NDIAYE Pap, Site du journal le Monde. PETIT JEAN-ROGET Bernard, L’épopée de la canne à sucre, Editions Le Mémorial martiniquais, 1979. PETIT JEAN-ROGET Bernard, Revue française d’histoire d’outre-mer, vol. 62, N° 228, 1975. PETIT JEAN-ROGET Jacques, Thèse : La société d’habitation à la Martinique,

Page 59: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

59

un demi-siècle de formation. PROST Antoine, Douze leçons sur l’histoire, Editions Le Seuil, 1996. SCHNAKENBOURG Christian, Site de l’Académie de la Martinique. SCHOELCHER Victor, Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années. Editions Désormeaux, 1973. TRANI Lionel, La Martinique napoléonienne 1802-1809, Editions SPM, juin 2014. YALE Neba Fabrice, La vie quotidienne des esclaves sur l'habitation dans la Saint-Domingue française au XVIIIe siècle : regards de planteurs, de voyageurs et d'auteurs européens. Editions Histoire, 2010. ZANDER Ulrike, La hiérarchie « socio-raciale » en Martinique, Entre persistances postcoloniales et évolution vers un désir de vivre ensemble, REVUE Asylon(s), N°11, Quel colonialisme dans la France d’outre-mer ? mai 2013.

SITES INTERNET

ACADEMIE DE DIJON http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/IMG/pdf/ColoniesAR-2.pdf. ACADEMIE DE LA MARTINIQUE http://site.ac-martinique.fr/histoire géographie/wp-content/ BANQUE NUMERIQUE DES PATRIMOINES MARTINIQUAIS http://esclavage-martinique.patrimoines-martinique.org/traite-essor-plantation.html CGT MARTINIQUE http://www.cgt-martinique.fr/syndicat-cgt-martinique-dates-historiques.asp IN SITU Revue des patrimoines (Réf 10160) https://insitu.revues.org JOURNAL LE MONDE http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/06/l-esclavage-a-disparu-la-hierarchie-sociale-et-raciale-s-est-maintenue_3425569_3246.html KAPES KREYOL http://kapeskreyol.potomitan.info/dissertation.php (La société d’habitation : une civilisation historique, HUYGUES-BELROSE Vincent)

Page 60: Regards sur l’ha itation, des débuts de la colonisation à

60

Le jeu-concours, organisé par le Comité Ti-Jo Mauvois, honore la mémoire et le travail d’historien mené par Georges Bernard Mauvois surnommé Ti-Jo, professeur d’histoire, chercheur, militant politique et syndical (1949-2011). L’objectif du jeu-concours est de permettre au plus grand nombre de s’interroger sur les évènements qui ont structuré la société martiniquaise, de l’époque amérindienne à nos jours. Le présent recueil de textes, réalisé par le Comité Ti-Jo Mauvois, accompagne l’édition 2018 du jeu-concours pour la catégorie « Scolaires » (élèves de CM2, 6ème et 5ème des établissements scolaires de Martinique) et portant sur le thème :

Regards sur l’habitation, des débuts de la colonisation à nos jours Espaces, mémoire collective et construction identitaire.

Le Comité Ti-Jo Mauvois,

Juin 2017.