retour à l’orthoptie : parcours parallèles !

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Retour à l'orthoptie : Parcours parallèles ! Laurence Serra a,b , Virginie Prunier c a Orthoptiste, exercice libéral à Allauch, route des quatre saisons, 13190 Laurence Serra, France b 2010 route de la sainte baume, villa la Marijan, 13390 Auriol, France c Exercice en libéral, ZA Les Paluds, 13430 Eyguières, France Deux orthoptistes, expliquent leur retour à l'orthoptie, les motifs de leurs choix et l'apport de leurs par- cours parallèles. Des logiques de métiers différentes sont évoquées C'est la difculté à concilier vie person- nelle et vie professionnelle qui est à l'ori- gine de nos changements d'orientation. Diplômées en même temps à 21 ans et 24 ans de la faculté de Marseille, nous avons exercé l'orthoptie tantôt comme salariée d'un cabinet de groupe d'oph- talmologistes, tantôt à l'hôpital, ou alors en tant que collaboratrice dans un cabi- net d'orthoptie en libéral, et même comme titulaire d'un cabinet libéral. Suite à des déménagements, et chan- gement de vie nous avons été contrain- tes d'arrêter cette profession ; S'installer en libéral était trop compliqué dans une région ou nous n'étions qu'en « transit » et les places a l'hôpital étaient toutes pourvues. . .. Nous voila donc, sans nous concerter, postulant dans l'industrie pharmaceu- tique qui était orissante à l'époque et le travail ne manquait pas ! Un pari : Visiteuses médicales Nous sommes alors devenues Visiteu- ses Médicales, chacune dans deux régions différentes. Nous voila parties sur les routes avec notre sacoche, van- ter les mérites de nos médicaments auprès des médecins, qui ne man- quaient pas d'être « grassement » remerciés pour leurs prescriptions. Non ce n'est pas une légende !!!. Quels changements avec notre ancienne vie ! Liberté des horaires, voi- ture de fonction, séminaires somptueux à l'étranger, soirées avec les médecins dans les plus grands restaurants et sur- tout des revenus et très confortables. . .. et quasiment toutes les vacances sco- laires payées ! La belle vie quoi ! Cependant, nous qui avions, à l'origine, une formation « technique fondée sur des bases scientiques » et une forma- tion de « soignant » centrée sur le patient, nous étions quand même gênées par un petit détail. Nous avons rarement eu l'impression, lors de la pré- sentation des campagnes, que l'on se préoccupait du patient, de sa patholo- gie ; il était surtout question de rentabi- lité, d'évolution du CA, comment faire prescrire les médecins ? Comment gagner des Parts De Marché ? Comment « tuer » le concurrent ? Un raisonnement purement marketing et si peu scientique ! Mais peut-on vrai- ment le reprocher ? Les labos sont aussi pour gagner de l'argent, non ? Ceci est un débat dans lequel nous n'entre- rons pas ici . . . Donc pendant quelques années, nous avons bien prode tous ces avanta- ges, eu beaucoup de plaisir à travailler avec certains médecins : relations cor- diales, discussions intéressantes. . . mais les choses ont beaucoup changé ces derniers temps, moins de primes, moins de moyens nanciers pour les relations publiques, beaucoup de stress, relations détériorées avec la hiérarchie qui demande toujours plus de résultats . . . C'était devenu invivable et toujours sans nous concerter, nous avons décidé de mettre un terme à cette si belle carrière ! Retour à l'orthoptie Mais plus question d'être à la merci d'un patron trop exigeant aux humeurs chan- geantes : Avec notre diplôme nous avions la possibilité de travailler de façon indépendante, ce que nous avons fait en créant chacune un cabinet dans la région Marseillaise et Aixoise. Après nous être perdues de vue pen- dant plusieurs années, nous nous som- mes retrouvées à ce moment là, une ayant déjà commencé son activité libé- rale, et l'autre pas tout a fait libérée de son laboratoire, mais bien décidée de passer à quelque chose d'intellectuelle- ment plus intéressant. Nous avons alors élaboré un « Plan d'Action » (vieux exe de visiteur médical !) pour développer notre activité : Se faire connaitre et faire connaitre notre profession auprès des prescripteurs d'orthoptie, maintenant : Nous voila reparties avec argumentaires à l'appui dans les cabinets médicaux, dont certains étaient déjà bien connus, médecins généralistes, pédiatres, oph- talmologistes, vantant cette fois ci les mérites de l'orthoptie, du dépistage visuel, de la rééducation, bref, de notre activité au quotidien ! Nous avons appliqué ce que nous avions appris dans l'industrie pharma- ceutique, mais ainsi la démarche était plus noble et nous posait beaucoup moins de problème. Nous avions un objectif commun avec les médecins : améliorer la qualité de vie des patients. Nous avons été bien reçues et, en plus, confortées dans notre décision de reve- nir à l'orthoptie, qu'ils considéraient comme un « vrai métier ». . . Les relations que nous avons mainte- nant avec eux, en leur envoyant nos compte rendu et en discutant de nos patients communs sont beaucoup plus saines et surtout plus enrichissantes, des deux cotés semble-t-il. . . Notre passé de visiteuse médicale nous est utile également avec nos patients à la fois au niveau technique et relationnel : Ayant travaillé dans plusieurs domaines tels que la cardiologie, la neurologie, la pneumologie, l'orl, l'antibiothérapie, la psychiatrie, etc. . . nous avons acquis des connaissances utiles sur des patho- logies et des médicaments, des interac- tions médicamenteuses, des effets Auteur correspondant : L Serra, Adresse e-mail : [email protected] Revue francophone d'orthoptie 2012;5:134135 Actualités / Témoignage 134 http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2013.01.004

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Auteur correspondant :L Serra,Adresse e-mail : [email protected]

Revue francophone d'orthoptie 2012;5:134–135Actualités / Témoignage

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Retour à l'orthoptie : Parcoursparallèles !

Laurence Serra a,b, Virginie Prunier c

aOrthoptiste, exercice libéral à Allauch, route des quatre saisons, 13190 LaurenceSerra, Franceb2010 route de la sainte baume, villa la Marijan, 13390 Auriol, FrancecExercice en libéral, ZA Les Paluds, 13430 Eyguières, France

Deux orthoptistes, expliquent leurretour à l'orthoptie, les motifs deleurs choix et l'apport de leurs par-cours parallèles. Des logiques demétiers différentes sont évoquées

C'est la difficulté à concilier vie person-nelle et vie professionnelle qui est à l'ori-gine de nos changements d'orientation.Diplômées en même temps à 21 ans et24 ans de la faculté de Marseille, nousavons exercé l'orthoptie tantôt commesalariée d'un cabinet de groupe d'oph-talmologistes, tantôt à l'hôpital, ou alorsen tant que collaboratrice dans un cabi-net d'orthoptie en libéral, et mêmecomme titulaire d'un cabinet libéral.Suite à des déménagements, et chan-gement de vie nous avons été contrain-tes d'arrêter cette profession ; S'installeren libéral était trop compliqué dans unerégion ou nous n'étions qu'en « transit »et les places a l'hôpital étaient toutespourvues. . ..Nous voila donc, sans nous concerter,postulant dans l'industrie pharmaceu-tique qui était florissante à l'époque etoù le travail ne manquait pas !

Un pari : Visiteuses médicalesNous sommes alors devenues Visiteu-ses Médicales, chacune dans deuxrégions différentes. Nous voila partiessur les routes avec notre sacoche, van-ter les mérites de nos médicamentsauprès des médecins, qui ne man-quaient pas d'être « grassement »remerciés pour leurs prescriptions.Non ce n'est pas une légende !!!.Quels changements avec notreancienne vie ! Liberté des horaires, voi-ture de fonction, séminaires somptueuxà l'étranger, soirées avec les médecinsdans les plus grands restaurants et sur-tout des revenus et très confortables. . ..

et quasiment toutes les vacances sco-laires payées ! La belle vie quoi !Cependant, nous qui avions, à l'origine,une formation « technique fondée surdes bases scientifiques » et une forma-tion de « soignant » centrée sur lepatient, nous étions quand mêmegênées par un petit détail. Nous avonsrarement eu l'impression, lors de la pré-sentation des campagnes, que l'on sepréoccupait du patient, de sa patholo-gie ; il était surtout question de rentabi-lité, d'évolution du CA, comment faireprescrire les médecins ? Commentgagner des Parts De Marché ?Comment « tuer » le concurrent ? Unraisonnement purement marketing etsi peu scientifique ! Mais peut-on vrai-ment le reprocher ? Les labos sont aussilà pour gagner de l'argent, non ? Ceciest un débat dans lequel nous n'entre-rons pas ici . . .Donc pendant quelques années, nousavons bien profité de tous ces avanta-ges, eu beaucoup de plaisir à travailleravec certains médecins : relations cor-diales, discussions intéressantes. . .mais les choses ont beaucoup changéces derniers temps, moins de primes,moins de moyens financiers pour lesrelations publiques, beaucoup de stress,relations détériorées avec la hiérarchiequi demande toujours plus de résultats. . .C'était devenu invivable et toujours sansnous concerter, nous avons décidé demettre un terme à cette si belle carrière !

Retour à l'orthoptieMais plus question d'être à la merci d'unpatron trop exigeant aux humeurs chan-geantes : Avec notre diplôme nousavions la possibilité de travailler defaçon indépendante, ce que nous avonsfait en créant chacune un cabinet dansla région Marseillaise et Aixoise.Après nous être perdues de vue pen-dant plusieurs années, nous nous som-mes retrouvées à ce moment là, une

ayant déjà commencé son activité libé-rale, et l'autre pas tout a fait libérée deson laboratoire, mais bien décidée depasser à quelque chose d'intellectuelle-ment plus intéressant.Nous avons alors élaboré un « Pland'Action » (vieux réflexe de visiteurmédical !) pour développer notreactivité :Se faire connaitre et faire connaitre notreprofession auprès des prescripteursd'orthoptie, maintenant :Nous voila reparties avec argumentairesà l'appui dans les cabinets médicaux,dont certains étaient déjà bien connus,médecins généralistes, pédiatres, oph-talmologistes, vantant cette fois ci lesmérites de l'orthoptie, du dépistagevisuel, de la rééducation, bref, de notreactivité au quotidien !Nous avons appliqué ce que nousavions appris dans l'industrie pharma-ceutique, mais ainsi la démarche étaitplus noble et nous posait beaucoupmoins de problème. Nous avions unobjectif commun avec les médecins :améliorer la qualité de vie des patients.Nous avons été bien reçues et, en plus,confortées dans notre décision de reve-nir à l'orthoptie, qu'ils considéraientcomme un « vrai métier ». . .Les relations que nous avons mainte-nant avec eux, en leur envoyant noscompte rendu et en discutant de nospatients communs sont beaucoup plussaines et surtout plus enrichissantes,des deux cotés semble-t-il. . .Notre passé de visiteuse médicale nousest utile également avec nos patientsà la fois au niveau technique etrelationnel :Ayant travaillé dans plusieurs domainestels que la cardiologie, la neurologie, lapneumologie, l'orl, l'antibiothérapie, lapsychiatrie, etc. . . nous avons acquisdes connaissances utiles sur des patho-logies et des médicaments, des interac-tions médicamenteuses, des effets

http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2013.01.004

Revue francophone d'orthoptie 2012;5:134–135 Actualités / Témoignage

secondaires. . . Différente de celle del'orthoptiste, cette approche du milieumédical, dans une certaine diversité per-met une meilleure compréhension de lalogique thérapeutique. Nous avons sansdoute une approche plus holistique de laplainte du patient et il nous accorde peutêtre plus de crédibilité, c'est en tout casnotre ressenti.Sans compter notre sens relationnel quinous aide beaucoup dans les relationshumaines, tout simplement ; l'écoute etl'empathie sont très importantes dansnotre profession et nous avons pu avectout cela tisser des liens particuliersavec nos patients, ce qui est trèsagréable !

Une volonté de nous former sanscesseAutre point important, nous avons gardéde notre passé de visiteuse, pendant

lequel nous étions sans cesse en forma-tion, la volonté de nous former, de nousremettre à niveau, de nous tenir au cou-rant des nouveautés ; nous faisonsdonc régulièrement des stages courtsà l'UNRIO, Union Nationale pour laRecherche et l'Information en Orthoptie,entre autres.Certes nous avons fait pas mal deconcessions, surtout au niveau finan-cier, nous roulons dans une petite voi-ture qui nous coute quand même pasmal chaque mois, nous allons beaucoupmoins souvent au restaurant aux frais de« la princesse » (c'est bon pour laligne !) nous n'avons plus de congéspayés, plus de primes, mais nous avonsrepris notre activité d'orthoptiste avecbeaucoup de plaisir, sommes plusdétendues, nous aimons le contact avecles patients et avons surtout le

sentiment d'avoir un métier valorisantet de servir à quelque chose !Pour nous, comme pour d'autres orthop-tistes, le parcours professionnel estsinueux mais chaque expérience déve-loppe des connaissances et des compé-tences transférables et/ou réutilisableslors du retour à l'orthoptie. En effet,chaque activité, chaque métier a ses« logiques d'action » indispensableà rechercher et prendre en compte dansl'interaction et la coopération, ce quipeut être plus difficile à réaliser pourcelui qui a une activité linéaire unicen-trée. C'est de la richesse de cet apportdont nous voulions témoigner. Nos ren-contres, lors des stages, nous permet-tent de penser que les retoursà l'orthoptie sont courants. Souhaitonsqu'ils contribuent à l'évolution del'orthoptie.

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