ruine romaine de tigzirt

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Étude sur les ruines romaines de Tigzirt / par Pierre Gavault ; [édité par Stéfane Gsell] Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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ruine de tigzirt

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  • tude sur les ruinesromaines de Tigzirt / parPierre Gavault ; [dit

    par Stfane Gsell]

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Gavault, Pierre (1864-1895). tude sur les ruines romaines de Tigzirt / par Pierre Gavault ; [dit par Stfane Gsell]. 1897.

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  • BIBLIOTHEQUE D'ARCHEOLOGIE AFRICAINEPUBLIE SOUS LES AUSPICES, DU

    MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

    FASCICULE II

    TUDESUR

    LES RUINES ROMAINESDE TIGZIRT

    PAR

    PIERRE GAVAULT

    PARISERNEST LEROUX, DITEUR

    28, RUE BONAPARTE 28,

    1897

  • BIBLIOTHQUE D'ARCHOLOGIE AFRICAINEPUBLIEE SOUS LES AUSPICES DU

    MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

    FASCICULE II

    TUDESUR

    LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT

  • ANGERS, IMPRIMERIE DE A. BURDIN, RUE GARNIER, 4.

  • TUDESUR

    LES RUINES ROMAINES

    DE TIGZIRT

    PAR

    PIERRE GAVAULT

    PARISERNEST LEROUX, DITEUR

    28, RUE BONAPARTE 28,

    1897

  • Pierre Gavault, architecte, inspecteur des difices dpartementaux d'Alger,est mort le 25 octobre 1895, sans avoir pu achever le mmoire dans lequelil rendait compte des fouilles et recherches dont le Ministre de l'Instruc-tion publique l'avait charg Tigzirt, en 1894-1895. Notre regrett ami a

    exprim le dsir que cette publication ft faite par nos soins. Une grandepartie du travail tait presque entirement rdige; pour le reste, nous avonstrouv en gnral des notes peu prs compltes. C'est dire que notretche a t assez aise. Nous sommes all nous-mme Tigzirt, pour y fairediverses vrifications et complter certains plans et dessins. Les planchesque Gavault n'avait pas pu excuter lui-mme l'ont t par M. Francastel,architecte. Comme le manuscrit que nous avions entre les mains n'avaitpoint, aux yeux de l'auteur, un caractre dfinitif, nous avons cru pouvoiren disposer avec quelque libert, faisant les additions et modifications quinous ont paru ncessaires. Nous avons essay dfaire ce que Gavault auraitfait lui-mme, s'il l'avait pu. Nous devons cependant prendre ici l'entireresponsabilit de quelques pages qui peuvent prter discussion : il s'agitde celles o nous nous efforons de dterminer la date de la construction dela grande basilique (Premire partie, chapitre v). Nous n'avons trouv aucuneindication ce sujet dans les papiers laisss par Gavault.

    Stphane GSELL.

  • TUDESUR

    LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT

    Le village moderne de Tigzirt 1, fond en 1888, occupe unepartie de l'emplacement de la ville romaine de Rusuccuru. Cetteidentification, longtemps combattue , nous parat tablie d'unefaon certaine par la dcouverte Tigzirt de plusieurs inscrip-tions portant le nom antique 3.

    Rusuccuru est cite par Pline l'Ancien, qui nous apprend qu'ellefut honore du droit de cit par Claude 4; Ptolme la mentionneaussi 5. Une inscription du commencement du IIIe sicle la qua-lifie de municipe 6, et cette appellation se retrouve dans l'Ano-nyme de Ravenne 7. D'autre part, Rusuccuru est appele colo-nie dans l'Itinraire d'Antonin 8et sur la Table de Peutinger .En outre, on a trouv dans les ruines de Taksebt, qui sont situes 3 kilomtres environ de Tigzirt et dont nous aurons parler

    1. On peut dire volont Tagzirt ou Tigzirt. Ce dernier nom a prvalu ;il signifie la petite le, tandis que le premier veut dire simplement l'le.

    2. En dernier lieu par Cat, Essai sur la province de Mauritanie Csarienne,p. 100-102.

    3. C. I. L., VIII, 8995; Pallu de Lessert dans le Bulletin des Antiquaires deFrance, 1889, p. 176, n 1, et 178, n 6; Gavault, Bulletin archologique duComit, 1894, p. 279, n 4.

    4. Hist. nal., V, 2, 20 : Busucurium civitate honoralum a Claudio.5. Livre IV, 2, 8:6. C. I. L., 8995.7. Livre V, 4.8. P. 7 et 16, dition Parthey et Pinder.9. Rusuccuru oolon{ia), avec l'indication de deux tours.

    1

  • 2 TUDE

    plus tard, une inscription contenant l'ethnique Rusuccuritamis 1,et une autre mentionnant un quaestor coloniae 2. De ces docu-

    ments, M. Pallu deLesserta conclu avec quelque vraisemblance3

    que le nom de Rusuccuru tait commun aux deux villes dontles ruines se voient Taksebt et Tigzirt, mais que la premiretait une colonie, institue par Claude, et la seconde un muni-

    cipe, qui existait certainement au temps de Septime Svre.Les Actes de sainte Marcienne, mise mort Csare une

    poque inconnue, nous apprennent que la jeune martyre taitoriginaire de Rusuccuru*. Les listes piscopales nous font con-natre les noms de plusieurs vques de la cit. Ce sont : en 411,

    Fortunatus, catholique, et Optatus, son concurrent donatiste; en

    419, Ninellus ou Nicellus (Nigellus?) qui fut dlgu au concile deCarthage par ses collgues pour y reprsenter la province; enfin

    en 484, Metcun(Mettun?), qui fut envoy en exil par le roi vandaleHunric 5. On voit par ces textes que la ville eut, l'poque chr-

    tienne, une existence active ; l'inspection des ruines conduit d'ail-leurs la mme conclusion, car, sur son territoire trs peu tendu,nous avons relev dj quatre glises, dont une peut compterparmi les plus grandes et les plus belles de l'Afrique du Nord.

    Les ruines de Rusuccuru taient abandonnes depuis dessicles lorsque les Franais prirent possession du pays. Aussiles vestiges de la cit antique taient-ils trs apparents. A plu-sieurs reprises, ils ont attir l'attention des chercheurs 6, mais

    1. Comptes rendus de l'Acad. des inscriptions, 1886, p. 273, n 1 Ephem.epigr., VII, 481).

    2. Ibid., p. 273, n 2 Eph. ep., VII, 482). Lignes 6-7, nous lisons :qu[aest(ori) quon]dam colon[iae).

    3. Comptes rendus de l'Acad.des inscriptions, 1886, p. 274.4. Acta Sanctorum des Bollandistes, I (au 9 janvier), p. 569.5. Morcelli, Africa christiana, I, p. 268.6. Barbier, dans la Revue africaine, I, p. 146 (extrait du journal La Co-

    lonisation du 3 octobre 1856). En mme temps que cette courte description,Barbier publia une vue vol d'oiseau qui n'est pas sans intrt, bien qu'ellerenferme plus d'un erreur. Berbrugger, Revue afric, I, p. 497 (conf. ibid.,p. 230); il ne s'occupe que de l'inscription du temple (C. I. L., 8995). Thomas, Revue afric, II, p. 445. Devaux, Les Kebales du Djedjera (1859),p. 337 (copie Barbier). De Neveu, Revue afric, VI, p. 75 ; VII, p. 314.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 3

    c'est seulement partir de 1886 que des fouilles mthodiques yfurent pratiques par MM. Bourlier, Pallu de Lessert et nous-mme 1. Le temple, l'difice le plus visible, fut entirement d-

    blay. Depuis lors, la construction du village franais est venue

    rendre, il est vrai, plus facile l'accs des ruines, mais aussi faire

    disparatre bien des restes encore distincts il y a huit ans.M. Belloir, administrateur de la commune mixte de Dellys (quin'a d'ailleurs jamais cess d'tre pour nous un collaborateur aussidvou qu'intelligent), a pu prserver la grande basilique et laville byzantine. Mais le reste, livr aux constructeurs, a singu-lirement souffert. Une basilique a compltement disparu, etl'on chercherait en vain son emplacement; une autre est rase

    presque au niveau du sol : on n'a pu en sauver que quelquesdbris. Actuellement, le village s'lve entre les deux enceintesromaine et byzantine; la partie en de (du ct de la mer) formela rserve, contenant, la vrit, les principaux difices promis un prochain classement. Tout n'est donc pas perdu.

    Nous verrons plus loin ce qu'il y a lieu d'ajouter aux descrip-tions dj parues des ruines de Tigzirt'; pour le moment, nousne considrerons que la grande basilique sur laquelle a port notreeffort principal.

    Vigneral, Ruines romaines de l'Algrie, Kabylie du Djurdjura (1868), p. 20-27, dont la description est assez dtaille. Cat, Bulletin de Correspon-dance africaine, I, p. 142-146. Les inscriptions trouves avant 1881 sontrunies au Corpus, ns 8995-9001.

    1. Voir Comptes rendus de VAcad. des inscriptions, 1886, p. 270-276; Revuede l'Afrique franaise, IV, 1886, p. 144-150 ; Bull, des Antiquaires de France,1889, p. 174.

    2. Les inscriptions que nous avons releves rcemment Tigzirt ont tpublies dans les Comptes rendus de l'Acad. des inscriptions, 1894, p. 264-265 (communication de M. Hron de Villefosse) et dans le Bulletin du Comit,1895, p. 278-280 et p. 304-307.

  • PREMIRE PARTIE

    LA GRANDE BASILIQUE

    Ce monument avait dj frapp l'attention de plusieurs de nosdevanciers, qui, sauf un ou deux d'entre eux, n'avaient pas su enreconnatre la vritable destination 1. En 1888, nous nous ren-dmes Tigzirt en compagnie de MM. Bourlier et Pallu de Les-sert, et nous fmes pratiquer de nombreux sondages dans la

    basilique en question. Nous pmes ainsi prvoir l'intrt excep-tionnel que devait offrir un dblaiement mthodique et completde l'difice. En octobre 1893, M. le ministre de l'Instruction pu-blique, sur le rapport de M) Hron de Villefosse et la proposi-tion de la Commission de l'Afrique du Nord, voulut bien affecterune somme de 1000 francs, bientt porte 1,500, aux fouilles

    archologiques de Tigzirt, dont il nous confia la direction.Par suite des mauvais temps qui marqurent l'hiver, ce fut

    seulement en mai 1894 que nous pmes commencer les fouilles ;elles ont t acheves au printemps de l'anne 1895. Non seule-ment le primtre de l'glise proprement dite fut entirementdblay, mais l'extrieur de l'abside, les sacristies, le baptistrefurent galement explors. La chapelle crypte, situe cin-quante mtres environ au sud de l'glise, fut mise dcouvert etdes sondages furent pratiqus dans la basilique de la ncropole.

    1. Barbier, l. c. et Vue vol d'oiseau(o la basilique est indique sous len VI); De Neveu, l. c. ( grand monument en ruines, dont les colonnessont accoupleset qui sans doute fut une glise au temps pass); Desvaux, l. c. ; Vigneral, l. c, p. 22 (avec des erreurs); Cat, l. c, p. 144.

  • 6 TUDE SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT

    Avant d'exposer en dtailles rsultats de ces fouilles, on nous

    permettra de remercier M. l'administrateur Belloir du concours

    qu'il a bien voulu nous prter pendant la dure des travaux.Grce lui, nous avons pu disposer d'un chemin de fer Decau-ville appartenant la commune et d'un personnel laborieux etdisciplin, recrut sur place et dirig avec intelligence parM. Le-halle. Les difficults vaincre taient en effet relles; le monu-ment se composait de pierres de taille normes dont beaucoupdpassaient un mtre cube et qui, en s'croulant, ont couvert lesol d'un monceau de blocs d'un maniement singulirement ardu.La couche de dbris ainsi forme atteint par endroits jusqu'4 mtres d'paisseur. Si l'on ajoute cela la surface considrable fouiller plus de mille mtres carrs et la prsence sur troiscts de chemins bords d'arbres et qu'il nous tait interdit d'en-combrer, on concevra que le dplacement de 1000 1,200 m-tres cubes de dbris dans de telles conditions demandait unesomme d'efforts apprciable.

    I

    DISPOSITION GNRALE DE L'DIFICE

    La grande basilique de Rusuccuru nous pouvons dire la

    cathdrale, car il parat certain qu'une glise de cette grandeura contenu le sige de l'vque lui-mme, la cathdrale doncs'lve entre le rempart byzantin et le rempart romain, mais bien

    plus prs de ce dernier, dont elle n'est loigne que de quelquesmtres (n I de notre plan des ruines de Tigzirt, fig. 16, p. 92).Deux autres glises que nous connaissons dans la ville (nosK et Jde notre plan) laient places de mme. Souvent, en effet, ce futdans les faubourgs, prs des murs d'enceinte, que l'on plaa lesdifices du culte nouveau. Sans doute, dans ces parties extrmes

  • Fig.1.

  • 8 TUDE

    des cits, le terrain, moins disput par les habitations, offraitencore des emplacements disponibles assez vastes. A Tipasa,l'glise cathdrale est ainsi place, mais avec cette circonstance

    aggravante que, par suite des ncessits de l'orientation, ce n'est

    pas l'abside, mais la faade principale qui regarde la murailleA Rusuccuru, au contraire, le portail parat avoir donn sur unerue ou une place, comme l'indiquent les pavs, assez irrguliersd'ailleurs, qui recouvrent le sol au devant de l'entre.

    Le plan de l'difice forme un vaste rectangle de 38 mtres de

    long sur 21 de large, sur lequel l'abside dessine une saillie en arcde cercle de 2 mtres environ. Sur la face gauche, est accoteune construction que nous aurons tudier sparment, d'unesilhouette trs mouvemente et qui mesure 11 mtres sur 22dans ses plus grandes dimensions.

    L'axe longitudinal, conformment au rituel, est dirig sur la

    ligne est-ouest. Cette orientation tait facile trouver Rusuc-curu, o les voies principales, comme dans la plupart des villesde la cte, suivaient gnralement cette direction, qui tait cellede la route mme du littoral.

    La construction des murs extrieurs est en petit appareil assez

    irrgulier, avec des chanes en pierres de taille, distantes lesunes des autres de 2m,20 2m,70. II faut excepter la faade de lanef centrale, dont nous parlerons tout l'heure, et les deux tiersdu mur du sud. Cette partie est btie en pierres de taille de diff-rentes grandeurs, ranges en assises mal ordonnes; et lde petits blocs bouchent les interstices. Nous ne saurions dires'il y a en cet endroit un remaniement ou un procd particulierde construction. La premire hypothse est plus probable.

    La nef tait spare des bas-cts, droite comme gauche,par une double colonnade. On sait que les basiliques chrtiennessont, cet gard, de quatre sortes : celles colonnes simples, de

    beaucoup les plus nombreuses; celles piliers carrs; celles

    1. Gsell, Mlanges de l'cole de Rome, XIV (1894), p. 359..

    2. Par exemple, celles de Reparatus Orlansville, de Sainte-Salsa Ti-pasa, et la basilique principale du mme lieu.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 9

    colonnes et piliers 1; celles doubles colonnes, dont les exemplesconnus en Afrique sont encore peu nombreux' 2. La basilique deRusuccuru appartenait cette dernire catgorie; il faut remar-

    quer cependant que, dans les deux files les plus rapproches desbas-cts, des piliers prennent parfois la place des colonnes. Lanef tant la partie la plus leve du btiment, celle o la portetait la plus grande, l'architecte a cru devoir lui donner une forteossature : huit gros piliers en pierres de taille, quatre dans lafaade, deux au milieu, deux en avant de l'abside don t les quatreplus petits ont un mtre de ct, la limitaient par des points so-lides destins assurer la stabilit de l'ensemble. Deux de cespiliers tant placs au milieu de la longueur, il s'ensuit que lanef est divise en apparence en deux parties. Cette division estaccentue, actuellement, par la construction d'un mur transver-sal de trs basse poque, qui s'est appuy sur ces deux piliers.La disposition des piliers centraux, pour singulire qu'elle soit,n'est cependant pas sans exemple. La basilique de Saint-Clment Rome est ainsi conue et il est remarquer que les traves ysont en mme nombre qu' Tigzirt 3.

    La faade principale de notre glise se composait d'une partiecentrale en pierres de taille, correspondant la nef,et o les mursont un mtre d'paisseur, et de deux parties latrales de 0m,60seulement, correspondant aux bas-cts. L'ossature de chacunede ces dernires parties est forme d'un pilier ou chane en pierreplace dans l'axe, entoure d'une maonnerie de moellons si n-glige que les ouvriers l'ont dmolie en partie sans s'en aperce-voir.

    Aucune porte ne donne accs dans les bas-cts ; au contraire,une triple baie s'ouvre sur la nef : ce sont trois portes en plein

    1. Hollzinger, Die altchristliche Architektur, p. 39. En Afrique, lesgrandes basiliques de Thelepte et de Theveste prsentent des colonnesadosses des piliers (Annuaire de Constantine, 1860, pl. V; Bull, duComit, 1885, p. 137).

    2. Grande basilique deTimgad, rcemment fouille. Basilique de Satafis(Mlanges de l'cole de Rome, XV, p. 38).

    3. Corroyer, Architecture romane, fig. 58.

  • 10 TUDE SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT

    cintre, celle du milieu large de 2m,50, les deux autres de lm,65,limites par quatre gros piliers, dont nous avons dj parl, etqui sont conservs des hauteurs variables. Celui qui est gau-che de la porte centrale, le plus complet, jette une vive lumiresur la disposition de toute la faade : nous en reparlerons plusloin.

    Ces trois portes n'avaient aucune feuillure, contrairement l'u-

    sage peu prs constant en Afrique. Celle du milieu possdaitun bti li chaque pidroit par deux scellements d'une profon-deur de 0m,06. Lorsque la porte tait ferme, on la maintenaitde l'intrieur l'aide d'une barre transversale qui parat avoirt un rondin de 0m,08 de diamtre sur 2m,65 de longueur. Cette

    barre, lorsque l'on voulait ouvrir, ne rentrait pas en. totalitdans le mur (comme dans une porte latrale de la basilique deSainte-Salsa Tipasa)1,mais se mouvait dans une rainure hori-zontale creuse dans le ct gauche et tait entirement enleve 2.Il y avait sans doute deux vanteaux. La porte de droite avaitun bti fix chaque pidroit par un seul scellement en fer,plac lm,35 de hauteur; mais il y avait un second scellement,aussi en fer, encastr dans le seuil lui-mme. L aussi, unebarre maintenait aussi le vantail, probablement unique. La porte de gauche avait deux scellements et une barre. Maiselle ne comportait pas de pierre de seuil. Dans les pierres ni-veau du sol qui remplacent ce seuil absent, on ne voit que deux

    scellements, l'un intrieur, l'autre extrieur, sur la droite. Cetindice semble dceler une baie condamne que l'on n'ouvraitpoint et qui n'tait l que pour la symtrie. Bien plus, cette baiea t mure une poque postrieure. Il faut donc croire quecette porta sinistra a bien peu servi, peut-tre jamais. Les deuxautres taient d'ailleurs bien suffisantes pour les besoins du public,mme aux jours de grandes crmonies.

    Nous avons dit que la partie centrale de la faade se compo-

    1. Gsell, Recherchesarchologiques en Algrie, p. 45.2. Conf. Gsell, l. c, p. 17, et p. 202 (fig. 43).

  • Fig. 2.

  • 12 TUDE

    sait de quatre piliers. Les deux plus extrmes ont 1m,85 de largeet se composent en ralit chacun de deux piliers, de 1 mtre etde 0m,85, absolument distincts, dont les joints ne correspondentmme pas entre eux. Quelle tait la raison d'une telle irrgula-rit? Un remaniement sans doute, mais lequel?Un examen atten-tif des mesures va nous donner la vraie solution : les trois portesavaient primitivement la mme dimension, 2m,50, et les piliersavaient tous quatre 1 mtre de large. En cours d'excution ce

    plan fut jug trop grandiose : on rtrcit les portes latrales pardes contrepiliers, et, l'intrieur, les deux doubles colonnadesfurent rapproches l'une de l'autre pour que leur position rpon-dt au rtrcissement des portes : ainsi la largeur projete de lanef fut quelque peu diminue. Les assises de ces piliers de lafaade sont de fortes pierres de taille, variant de 0in,20 0m,57de hauteur d'assise. Leur hauteur totale est de 2m,40* A ce ni-veau, tait la naissance des arcs en plein cintre qui les reliaiententre eux, comme le prouvent deux sommiers de dpart encore en

    place. Au dessus, tout l'ensemble de la construction deviendrait

    hypothtique, si trois pierres n'taient restes en place, par unmiracle d'quilibre, sur la pile place gauche de la porte prin-cipale. Ce sont d'abord deux blocs cubiques de 0m,60 et 0m,65 dehaut, placs dans l'axe, puis une pierre horizontale de 2m,20 de

    long sur 0m,40 d'paisseur, dont les cts sont coups oblique-ment 45. L'ensemble forme exactement la figure de la lettre T.

    L'aspect est extraordinaire et nous aurions eu quelque peine

    l'expliquer, si nous n'avions retrouv terre, au pied mme de la

    faade, deux blocs de la mme forme qui compltent l'ensembletabli en pointill sur notre lvation (voir fig. 2, en bas). Il fauty reconnatre des espces de claveaux dont le but est de soulagerles arcs sous-tendus, en reportant le poids sur les piliers. Ce sontl des proccupations constructives et une- ingniosit d'inven-tion dont nous retrouverons d'autres exemples et qui contrastentavec la barbarie de l'excution.

    Les sommiers d'arcades dont nous venons de parler reposenteux-mmes sur des assises non moins intressantes de 0m,48 de

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 13

    hauteur, et dont la face in-trieure au lieu d'tre verti-cale est incline en surplomb.Ce sont donc des cornichesou des corbeaux. Si nousnous plaons latralement

    (voir la coupe longitudinale,fig. 3), nous remarqueronsque ces assises d'encorbelle-ment occupent toute l'pais-seur des murs, tandis queles assises de dessus n'entiennent que la moiti ext-rieure.

    Pntrons dans l'intrieur.A gauche, la colonnade a

    presque entirement dis-paru, et il n'en reste que de

    vagues vestiges. A droite,cette colonnade existe engrande partie, mais elle esttombe terre. En gnral,les colonnes, hautes de 2,95 3ro,05, n'ont pas de base :elles reposaient sur un d fleur de terre qui leurservait de fondement. Oncompte jusqu'au gros piliersix traves ; mais la pre-mire, plus courte que lesautres (ln\85), est bouchepar un large mur, qui estsans liaison avec les pilesde la faade et dont la fonc-tion pouvait tre simplement

  • 14 TUDE

    de contrebuter la premire arcade 1. Sur les ruines de ce mur s'ap-puyait, avant la fouille, une demi-colonne tombe. Le premier etle second groupe de colonnes doubles se retrouvent terre; letroisime de mme, mais avec cette particularit que la colonnede derrire tait remplace par un gros pilier carr. Dans unplan, un pareil artifice parat grossier et d'un effet intolrable.Mais en excution, il devait tre fort peu apparent : la colonne dedevant, faisant ombre sur le pilier, le cachait sans doute presquecompltement. On doit se souvenir en outre que les difices decette poque, comme une grande partie de ceux du moyen ge,furent construits avec des matriaux antiques. A Tigzirt, le faitest vident. Un des inconvnients d'une telle mthode, c'est uneirrgularit force, qui, souvent, il faut bien le dire, n'est pasd'un effet dsagrable. Le groupe suivant se composait de deuxcolonnes, mais celle de devant a disparu. L'autre est intacte,bien que couche terre. Elle est tombe, entranant avec ellel'arc tout entier. Grce cet heureux hasard, nous connais-sons d'une faon certaine l'arrangement de celui-ci. Nous en

    reparlerons plus loin. Le cinquime groupe n'existe plus;puis vient le pilier du centre, conserv dans toute sa hauteur.Comme ceux de la faade, celui-ci garde son couronnement,c'est--dire sa corniche-corbeau surmonte d'un double som-

    mier, n'occupant (encore ici) que la moiti de l'paisseur du mur,du ct de la nef. A partir des piliers jusqu'au fond, tous lesgroupes de colonnes, droite comme gauche de la nef, sont en

    place, plus ou moins inclins sur leur d, mais non tombs. Surces huit groupes (quatre de chaque ct), trois comportent unft rond et une pile carre, au lieu de deux fts. On constate et l, dans la partie centrale, divers remaniements que nous au-rons examiner. Contre le mur de droite de l'abside, deux pe-tites colonnes d'gale hauteur sont encore debout sur leur soclecommun. Elles n'ont aucun rle constructif et paraissent du restetre une addition postrieure : l'une d'elles est place l'envers.

    1. Nous verrons plus tard que ce mur servait peut-tre aussi constituerune sorte de vestibule intrieur.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 15

    L'abside n'est pas de niveau avec la nef; elle est surleved'un mtre environ, et on y accde par deux escaliers, situs droite et gauche, de quatre marches chacun. Mais cette diff-rence de hauteur n'a pas paru suffisante encore pour sparer lesdeux parties de l'glise : une range de doubles colonnes, aunombre de huit, et formant trois traves, celle du milieu pluslarge, s'lve sur le mur d'appui. Cette disposition rappelle lacolonnade place sur le devant de l'abside de Saint-Pierre de

    Rome 1; l'iconastase des glises grecques n'en est que le dve-

    loppement.Examinons-la en dtail. Six des bases sont encore leur place.

    Les deux dernires droite manquaient, mais elles ont t re-trouves d'une faon peu prs certaine'. Du ct des deuxtraves latrales, les bases de la seconde range portent desrainures verticales trs soigneusement tailles, qui montrent dela faon la plus vidente que le haut des escaliers tait ferm parune barrire dont les dormants taient encastrs dans ces rai-nures, tandis que la partie centrale pouvait s'ouvrir volont.La trave centrale comportait aussi une clture semblable, mais

    place, celle-ci, entre les colonnes de devant 3. Dans cette trave,trois trous sont percs dans le sol de l'abside : deux sont desencastrements de montants; celui du milieu, beaucoup plusgrand, a d recevoir un pilier en pierre, utile pour consolider labalustrade sur une aussi grande porte. Sous les bases, dans lapartie centrale, court une corniche qui se retournait le long desescaliers. Elle se compose de morceaux htrognes, ayant peu prs mme hauteur, mais de profils diffrents et provenantavec vidence del dmolition d'difices antrieurs. Devant lapartie mdiane de l'abside se dresse un massif en pierres de

    L H. Holtzinger, Die altchristliche Architektur, p. 155. Au vme sicle,Grgoire III doubla cette colonnade qui prsentait primitivement sixcolonnessur une seule file transversale.

    2. Nous avons cru pouvoir les faire remettre leur place.3. La disposition des barrires (par consquent des rainures) dans lestraves latrales tait impose par l'emplacement de la dernire marche del'escalier : voir le plan de l'glise.

  • 16 TUDE

    taille de mme largeur, mais un peu moins haut; c'est un rema-niement (voir chapitre v).

    L'abside est, comme il arrive gnralement, de forme circu-laire. Le mur qui la limite n'a pas moins de 1 mtre lm,60 d'-

    paisseur ; il est construit en petits matriaux. Dans ce mur sont

    perces, contre les piliers d'angle, deux portes encore visibles etdont l'une est dans un bel tat de conservation (voir l'ensemblede la porte sur la coupe longitudinale, fig. 3). Chacune estforme par trois blocs; sur la face desquels est sculpt un cham-branle d'un profil classique assez correct et d'une bonne excu-tion. Nous avons figur cette moulure sur notre fig. 10, n 11.Sur le linteau, on remarque trois trous de scellement fort petits,o se plaaient les crochets servant supporter le rideau quimasquait la porte.

    Au milieu de l'abside, chose fort rare en Afrique, s'levait

    l'autel, sans doute en bois 1, car aucune trace n'en est reste,sauf peut-tre quelques dbris de revtement (menus fragmentsde plaques de marbre, trouvs en ce lieu)2. Mais son emplace-ment nous est certifi par quatre colonnes en place, dont deuxintactes. Disposes en carr, elles formaient sans nul doute le

    support d'un ciborium. Sortant du sol, o elles sont encastressans l'intermdiaire d'aucune base, elles mergent de lm,60 seu-lement. En faisant fouiller leur pied, nous avons constat

    qu'elles taient plus ou moins brises la partie infrieure : c'estce qui a sans doute oblig les encastrer ainsi.

    Dans cette abside, on a trouv un fragment sculpt, en marbre,qui parat provenir d'un pied de sige. Son paisseur est de0m,05, sa longueur de 0oe,18. La face est dcore d'une lgantepalmette trois branches, encadre d'un lisr en saillie quisuit la courbe des cts. Ce fragment a pu tre employ commemoellon dans le mur; peut-tre aussi a-t-il appartenu au sigede l'vque.

    1. On sait qu'en Afrique les autels chrtiens taient souvent en bois (Gsell,Recherches, p. 29).

    2. Leur appartenance l'autel est du reste des plus douteuses.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 17

    Le sol de l'abside tait form par un bton fort mdiocre, qui,actuellement, n'est plus qu'une poudre blanchtre. Il s'ensuit

    que le niveau n'tait donn que par les seuils et les marchesd'arrive des escaliers, et aussi par la dcouverte d'une trs pe-tite portion de la mosaque, le long du mur arrondi.

    Extrieurement et contre ce mme mur, les fouilles nous ontrvl des contreforts 1. Le plus important, celui de l'axe, esttrs large et consiste en pierres de taille assez bien ajustes : ilparat contemporain de la construction. Les deux autres, situs droite de celui-ci, semblent avoir t bouleverss, ils sont fort

    irrguliers et ne font pas corps avec le mur. Par suite de la d-clivit du terrain, le sol autour de l'abside se trouve beaucoupplus bas, non seulement que le sol de l'abside elle-mme, mais

    que celui de la nef. Le mur de chevet avait de ce fait supporterune pousse de terres de lm,65 de haut. Aussi les constructeursavaient-ils largi ce mur, vers la base, par un empattement cir-culaire. La mme raison explique l'existence des contreforts.

    Les deux portes que nous avons dcrites un peu plus hautdonnent accs dans deux sacristies. Ce sont deux pices peuprs carres. Celle de droite est spare du bas-ct correspon-dant par un mur trs remani. Il est trs possible qu'il y ait eul autrefois une porte. Ce qui est plus certain, c'est que cette sa-cristie possdait une autre porte donnant sur l'extrieur, portedont un des pidroits est orn d'un chrisme grav, de la formedite coustantinienne. L'vque et son clerg pouvaient ainsientrer et sortir sans traverser la partie occupe par les fidles.Un pavement en mosaque recouvrait le sol; le dessin en estbien conserv, sauf dans les parties o des tombes y ont tcreuses. Cette mosaque nous donne avec certitude le niveau dusol ancien, qui est beaucoup plus bas que celui de l'abside : ilest peu prs de niveau avec celui du bas-ct. De l'abside, ondevait y descendre par un escalier, sans doute en bois, qui, enraison de la matire dont il tait fait, ne s'est pas conserve.

    l.Conf. le contrefort plac derrire l'abside de la grande basilique deTipasa : Mlanges de Rome, XIV, p. 358-359.

  • 18 TUDE

    La sacristie de gauche est exactement symtrique, mais le murqui la spare du bas-ct est bien construit et n'a pas t rema-ni; de ce ct, il n'a jamais exist de baie. La sacristie a i'ail-leurs, outre la baie de l'abside, une porte sur le dehors et une

    porte latrale conduisant au baptistre. Le niveau est encore icidiffrent de celui de l'abside (d'environ lm,40). A cet endroit,gisait, avant nos fouilles, un dessus de porte dcor de mono-grammes chrtiens que Vigneral a dj: publi , et dont nousdonnons une nouvelle reproduction fig. 10, n 5. 11 est pos-sible qu'il ait t plac au-dessus de la porte qui mettait encommunication l'abside et la sacristie de gauche. Cette arcadeaurait servi de dcharge au linteau de la porte.

    Ntre basilique prsentait-elle un vestibule, un narthexl A2m,20 en avant de la faade, nous avons constat la trace d'unmur en moellons, avec chanes en pierres de taille. Il s'inter-

    rompt en face de la porte du milieu. Etait-ce simplement uneclture ne s'levant qu' hauteur d'appui, ou le front d'un vesti-bule? Dans ce dernier cas, il aurait t reli la faade de la ba-

    silique par un toit en charpente. Il est impossible de rien affirmeren l'tat actuel. Le mur transversal qui se dtache de l'angle dela porte de gauche est certainement un remaniement.

    II

    LA SCULPTURE

    Peu de monuments de cette poque ont donn une aussi richemoisson de sculptures architectoniques. Nous valuons deuxcents le nombre des pierres dcores que contenait l'difice.Cette abondante dcoration se rpartissait sur quatre sortes demembres d'architecture : les chapiteaux, les dosserets, les arcs

    1. PlancheIII, au milieu.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 19

    Fig. 4.

  • 20 TUDE

    triangulaires et les corniches. Les troisimes ont tous t sp-cialement taills pour l'glise ; il en est de mme de la plupart desseconds ; parmi les premiers et les derniers, il faut distinguerceux qui sont des remplois. En mme temps que des chapiteauxde colonnes, nous parlerons des bases et des fts.

    Bases. Elles appartiennent la colonnade de l'entre de l'ab-side ou aux colonnades suprieures dont nous parlerons plus tard,caries colonnes des deux doubles files infrieures reposent, nousl'avons dit, sur des ds. Presque toutes ces bases sont du profilattique et il en est sans doute bien peu qui n'aient pas t prises des difices antrieurs. Voir fig. S, nos8 et 9, et fig. 10, n 14,(en bas, droite). Les plus rcentes sont probablement les moinsrefouilles, celles o le profil est le plus camard. Encore faut-iltenir compte de ce que le niveau de fart n'a jamais t bien bril-lant Rusuccuru. Les bases des colonnes du temple, du

    IIIe sicle, sont dj bien plates .Chapiteaux. La srie des chapiteaux est beaucoup plus va-

    rie : les ordres dorique ou toscan, ionique et corinthien y sont

    reprsents. L'ordre composite seul manque : on sait que cetteordonnance fut peu en faveur en Afrique, du moins le compositeclassique, celui de l'arc de Titus, car les Africains se sont donncarrire dans la cration de composites indits : tel celui du

    temple de Rusuccuru dont nous venons de parler 2.Les chapiteaux toscans ne sont pas trs nombreux ; nous en

    reproduisons quelques-uns, fig. 5, nos 1,2,3, et fig. 10, n 9. Ilsemble que les constructeurs de la basilique les aient employs peu prs indiffremment comme bases ou comme chapiteaux.Nous estimons qu'on doit taxer de toscans tous ces chapiteaux ;le seul fait du remplacement de l'chin ou du quart-de-rond parune doucine renverse empche absolument de les classer dansl'ordre dorique. Ils s'cartent d'ailleurs beaucoup du toscan de la

    Renaissance, qui est, comme l'on sait, une invention des matresde cette poque et n'a rien voir avec le toscan antique. Tous

    1. Voir Rvue africaine, XXXV, p. 17.2. L. c.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 21

    les chapiteaux de cette premire srie, sans exception, sont

    ara

    emprunts des difices antrieurs.

  • 22 TUDE

    Les chapiteaux ioniques sont en plus grand nombre et surtoutbien plus varis. Il semble que les Africains aient prfr cet ordreau corinthien, qui tait, pour ainsi dire,l'ordonnance officielle de

    l'empire romain. L'origine de cette prfrence peut s'expliquer,croyons-nous, par le fait que l'ionique est le seul type qu'ait connul'art punique. Dans une contre aussi profondment pntre del'influence phnicienne que l'tait la cte de Maurtanie, les usagesde l'poque punique ont persist ; au dclin de l'Empire l'art chr-tien, essentiellement populaire, revint aux thmes anciens, en

    croyant peut-tre faire du nouveau. Nous dirions qu'il y et alorsune sorte de renaissance punique, si le terme n'tait pas trop fort

    pour une manifestation d'art dont la valeur intrinsque n'est pasgrande et qui, d'ailleurs, n'eut pas de lendemain.

    A ce point de vue, deux types, les nos 1 et 2 de la fig. 4,sont spcialement intressants. Contemporains de la constructionde l'glise, ils offrent ces formes lourdes, brutales, mais puissantesque nous avons dj retrouves Tipasa 1. Ajoutons le n 3, detaille beaucoup plus petite et d'aspect moins caractristique, etnous aurons cit les seuls chapiteaux ioniques qui soient dans le style de l'difice.

    Les autres, pour tre d'un intrt moins direct, tant antrieurs,devaient nanmoins tre reprsents, afin de donner une ide dela souplesse, dfaut de la grce que les ornemanistesrusuccuritains apportaient dans le maniement des ordres. Il enest un cependant que nous n'avons pas donn, cause de son tat

    fragmentaire ; il reprsenterait le premier chelon de la srie, le

    type classique. La volute est large, rgulirement diminue entrois tours. Dans le n 4 de la fig. 4, les oves restent clas-

    siques, les perles aussi, mais ces oves envahissent tout le haut :

    plus d'abaque, la volute sort on ne sait d'o et se recoquille surelle-mme sans aucun intervalle. Dans le n 1 de la fig. 10,il n'y a plus d'oves ni de perles, ni mme de volutes; celles-ci

    1. Voir nos dessins, dans Gsell, Recherches,pi. VII, en haut ; conf. aussiMlangesde Rome,XfV, p. 356, fig. 21.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 23

    sont remplaces par des cercles contenant une fleur. Dans le n 10de la mme figure, la fleur, trs largie, cinq ptales, envahitla volute qui se rduit un seul tour; ni abaque, ni gorgerin.Le n 5 de la fig. 4 a quatre oves au lieu de trois; le listelsous les perles est devenu si grand qu'il occupe la moiti du gor-gerin, les volutes sont comme dtaches, les oves sont compl-tes. Le n 6 de la mme planche a bien une abaque, mais sansaucune moulure, les oves sont des ovales complets; quant aux

    volutes, elles sont renverses et partent carrment du bas, l'imitation des caulicoles corinthiennes. Quelque fantaisistes quesoient ces cinq types, on voit d'un coup d'oeil quelle distance les

    spare des deux premiers, qui n'ont ni oves, ni perles, ni fleurs,ni gorgerins, ni moulures, mais quatre volutes au lieu de deux,et un fleuron en forme de coeur que Vitruve et t fort tonn devoir sur un chapiteau ionique.

    Les chapiteaux corinthiens, nombreux, sont beaucoup moinsvaris. L'un d'eux, reproduit fig. 10, n 5, est de type clas-sique. Signalons-en un qui porte une palme sur le ct, d'au-tres qui ont en guise de feuilles d'normes crochets retourns(fig. 4, nos7 et 8; fig. 10, n 12). Parmi les chapiteaux de cetordre, plus d'un a t recoup ; dlibrment, on lui a supprimle rang de feuilles infrieur, pour le rduire la hauteur deman-de. Presque tous ont subi une autre mutilation; sur un des cts,on leur a abattu toutes les saillies, fait qui se constate aussi surdes ioniques et des toscans. Pour nous expliquer cette amputa-lion, nous n'avons qu' regarder les bases doubles encore enplace : les faces qui se touchent sont arranges d'une faon ana-logue. Il suffit aussi de constater le peu d'cartement des colonnesaccouples de la nef, qui sont encore en place : on voit assez quedes chapiteaux ayant quelque saillie ne pouvaient tenir sur cesfts sans tre pralablement rogns.

    Le seul type de chapiteau corinthien qui puisse tre contem-porain de l'difice est trop mutil pour tre reproduit. Par sondessin ferme et lourd, surtout par la forme cubique de la partiesuprieure, il rentre assez dans les ides de simplification de cette

  • 24 TUDE

    poque, mais il est loin d'atteindre la sauvage rudesse des typesioniques prcdemment tudis.

    Enfin, un certain nombre de bases et de chapiteaux (on hsitevraiment les classer) ne paraissent correspondre aucun ordreconnu. Nous en avons retrouv une demi-douzaine de ce genre,tous appartenant des colonnes plus petites que les autres.Quatre d'entre eux sont reproduits fig. 5, nos 4, 5, 6 et 7.

    Fts de colonnes. En dehors des treize colonnes encore en

    place, nous avons mesur six colonnes entires, tombes, et plusde cent fragments variant de,0m,30 de long lm,60. Treize de ces

    fragments runis forment encore six colonnes. Nous avons doncen tout vingt-cinq colonnes compltes. Quant au reste des frag-ments, ils sont loin de reprsenter la totalit des colonnes man-

    quantes. D'abord nous avons nglig tous ceux qui avaient moinsde 0m,30 de longueur ; beaucoup, devenus mconnaissables, ontd nous chapper. D'autres ont pu tre emports et servir demoellons dans des constructions postrieures. Nous avons cons-tat que tous les morceaux qui restent pouvaient se rpartir entrois groups : le premier comprend 34 portions de 0m,40 0m,46de diamtre, lesquelles ont d appartenir des colonnes sembla-bles a celles qui sont encore debout dans l'glise ; dans le second

    (39 fragments) les dimensions oscillent entre 0in,30 et 0m,37 ; enfinle troisime ne contient que des dbris de colonnettes de 0m,20

    0m,26, au nombre de vingt. L'utilit de ces dtails minutieux

    apparatra lorsque nous tenterons un essai de restauration del'difice. Dans la seconde srie figurent six fragments canneluresdroites, dans la troisime un fragment cannelures torses. Tousles autres sont lisses. Parmi les colonnes canneles, il y en avait artes vives, d'autres listels, d'autres godrons. Dans tousces fts, le haut se reconnat un boudin surmontant un listel,le bas un large listel. Cette rgle est absolue ici. Elle montre

    peut-tre que la plupart des colonnes appartiennent l'poqueclassique ; mais il est certain que les constructeurs plus rcents

    s'y sont docilement conforms.Les demi-colonnes taient aussi assez nombreuses. Trois, en-

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 28

    core compltes, mesurent 2m,31 de hauteur et 0m,41 de largeuren bas. Parmi les fragments retrouvs (une vingtaine environ),les uns se rapportent des demi-colonnes semblables, les au-tres, moins nombreux, des fts plus larges.

    Dosserels. Ce qui frappe le plus dans les dbris de la ruine

    dblaye, ce sont deux sries de pierres d'une forme insolite, sur

    lesquelles semble s'tre port tout l'effort de la dcoration sculp-turale.

    Les pierres de la premire srie ont gnralement 1 mtre de

    long, et 0m,50 de large ; leur hauteur varie de 0m,35 0m,50, etla face orne de dessins se trouve sur un des petits cts. Cedernier parement n'est pas vertical, mais oblique, et inclin enavant de 10 20 degrs.

    Ces pierres sont analogues celles qu'ont dj publies Dela-mare 1,Ravoisi 3,Saladin 3,et qui ont t trouves en divers pointsde l'Algrie et de la Tunisie. Du tmoignage des auteurs il r-sulte que ce genre de matriaux se rencontre d'ordinaire dansles monuments chrtiens, mais non dans tous. Quant savoirquel tait leur rle dans la construction, c'est ce que les au-teurs prcits ne disent pas ; ils n'en ont vu aucune en place, etnul indice probant ne leur a sans doute permis de se pronon-cer avec certitude. M. Saladin, qui, le premier, s'est occup pr-cisment de la question, a t amen, par la forme mme, y voirdes corbeaux , c'est--dire des pierres saillantes destines

    porter une charge place hors de l'aplomb du mur. Il signalaiten mme temps leur ressemblance avec les consoles trouves dansles glises de Syrie par MM. Dulhoit et de Vogu. Mais il s'abs-tenait de leur assigner dans l'difice une place dtermine en sebornant recommander spcialement l'tude de ces corbeauxaux futurs explorateurs des glises africaines *.

    1. Exploration archologique de l'Algrie, pi. 59, fig. 3. .2. Exploration archologique de l'Algrie, I, pi. 56, fig. 5.3. Archives des missions, srie III, tome XIII, fig. 203, 213, 244, 246, 251,

    256, 350 ; nouvelle srie, tome I, fig. 31.4. L. c, srie III, tome XIII, p. 115.

  • 26 TUDE

    La question est aujourd'hui tranche par les constatations quenous avons faites Tigzirt. Les pierres dont il s'agit sont des dos-serets ; elles taient toujours destines recevoir des retombesd'arcades, soit sur des pilastres, soit sur des murs, soit enfin surdes colonnes simples ou jumeles. Mais, contrairement ce qu'onpouvait supposer, la retombe se fait, en rgle gnrale, non passur la face antrieure, mais sur la ou les faces latrales. Dansle cas de colonnes, qui semble tre le plus gnral, nos pierrestiennent la place de ces ds, en forme de pyramides tronques,qui couronnent les chapiteaux bien connus de Ravenne, de

    Thessalonique, etc. 1. Ces ds ne sont pas d'invention byzan-tine, puisqu'on en voit un figur sur un sarcophage romainde 3532, mais ce sont les Byzantins surtout qui en ont fait

    usage. Les Byzantins, disent MM. Texier et Pallan, pour donner

    aux arcades laforme lance qu'ils affectionnaient..., ont imaginde surmonter le chapiteau des colonnes d'une pierre cubique 3,ou abacus supplmentaire, qui repose sur l'abacus de la colonneet qui reprsente le dosseret de la retombe d'une vote. Nousdonnerons donc ce membre de l'ordre byzantin le nom de dos-seret

    Ce nom nous parat tre en effet, de tous ceux qui ont t

    proposs, le mieux appropri. On l'a appel tour tour abaque, sommier , corbeau , console . Mais il n'est ni une abaque,puisque le chapiteau en a dj une, ni un corbeau, puisqu'il nesupporte pas un porte--faux, ni une console, puisqu'il n'a pastoujours la forme arrondie.

    Le nom importe moins, la vrit, que la fonction. Ce qu'iltait ncessaire de constater, c'tait l'identit de nos dosserets

    1. Voir Holtzinger, l. c, p. 46 et suiv. Des ds analogues ont t signalsen Afrique : Gsell, Recherches, p. 181, fig. 29 et 30.

    2. Holtzinger, p. 47.3. Lisez : en forme de pyramide renverse .4. Architecture byzantine, p. 4,pl. XXII XXV. Ces dosserets... forment

    comme un chapiteau suprieur. C'est ainsi qu'on aboutira bientt la su-perposition de deux chapiteaux (Bayet, L'art byzantin, p. 30 et fig. 15).

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 27

    africains avec les dosserets byzantins, malgr la diffrence desformes. Ce n'est pas nous que revient l'honneur d'avoir fait le

    premier cette constatation ; c'est l'illustre de Rossi, qui, mis enprsence du dessin, pourtant bien informe, d'un dosseret d'An-Beda, n'a pas hsit y reconnatre la surabaque byzantine 1,alors que des architectes de profession, tromps par la forme deces pierres, n'osaient se prononcer sur leur rle constructif. A lavrit, il tait permis d'hsiter sur ce rle, et de Rossi, tout en

    apportant une vive lumire dans la question, ne l'a pas entire-ment rsolue, n'ayant pas en mains tous les lments du problme.D'ailleurs, il existe entre les dosserets byzantins et les ntres, au

    point de vue de la forme, une diffrence radicale. Aussi n'avons-nous pas dit qu'il y et entre les uns et les autres parit complte,mais seulement que leur raison d'tre tait la mme : mieux as-seoir sur le chapiteau le poids de l'arc, qu'il est malsant de voir

    porter sans transition sur un membre aussi dlicat. De mme queles architectes grecs ont interpos, entre la tte des cariatides etl'architrave un coussinet qui semble amortir la pression, de mmeles constructeurs chrtiens ont mis, entre l'archivolte et le cha-piteau ionique ou corinthien, une manire de coussin. Ajoutonsenfin que, dans la pratique, ces dosserets avaient un trs grandavantage : comme on pouvait varier leur hauteur, on se servaitd'eux pour rattraper les diffrences qui existaient entre les co-lonnes ou entre les chapiteaux de celles-ci. En effet, en Orient aussibien qu'en Occident, les glises taient bties avec ce que nous ap-pelons des matriaux de dmolition. Il tait bien rare de trouverdes colonnes parfaitement gales, des chapiteaux ayant exacte-ment mme hauteur. Les variations du dosseret compensaientces ingalits. C'est ainsi qu' Tigzirt, bien que tous fussent surune mme ligne, leur hauteur oscille, nous l'avons dit, entre0m,35 et 0m,50.

    Il est remarquer qu'en pannelant galement les quatre ctsdu dosseret, on l'amenait ainsi par une pente fatale rpter la

    1. La capsella argentea africana, p. 8, et pl. III, n 6.

  • 28 TUDE

    figure du chapiteau, tandis que nos constructeurs, mieux aviss,n'ont obliqu et dcor qu'une seule des faces, et cette face, la-

    quelle pouvait-elle tre, sinon la principale, celle qui regarde le

    spectateur plac dans la nef 1? Dans la pratique certes, la fautecommise en abattant les quatre faces pouvait tre rachete en

    partie par un contraste entre la richesse du chapiteau et la simpli-cit du dosseret. Mais en ne regardant que le principe, ce sontles Africains qui sont dans le vrai.

    La forme oblique de la face a elle-mme sa raison d'tre.D'abord, elle sert prsenter plus normalement au spectateur le

    sujet reprsent : c'est ce que nous faisons tous les jours en ac-crochant au mur un tableau. Puis cette inclinaison rappelle lemouvement gnral de la mouluration classique, qu'elle sup-prime et remplace. Les architectes chrtiens, fatigus de cesternelles lignes droites, si longues tailler, dont l'effet gnraltait devenu si banal et si monotone dans l'art grco-romain,ont pris le parti de les remplacer par une surface plane (qui n'estque l'pannelage du profil ancien) et de confier au sculpteur ouau peintre le soin de les orner. Ce mode de dcoration s'observefrquemment, une autre extrmit du monde chrtien, dansles difices du Haurana ; d'une manire gnrale, l'Occident ne

    parat pas l'avoir beaucoup got.Si l'on partage notre manire de voir au sujet de cette innova-

    tion, on reconnatra que l'origine de nos dosserets est la foisdans l'imposte de l'arc romain et dans Varchitrave corinthienne,qui ont mme fonction, l'une par rapport au pilier, l'autre enversla colonne, et dont la mouluration est d'ailleurs identique dansle style du Haut-Empire.

    Revenons la question d'emplacement. Elle est, nous l'avonsindiqu, rsolue par l'tat mme des ruines. En effet, six dosserets

    1. Il et t mieux encore de dcorer galement la face postrieure, quiregarde le bas-ct. Mais nos artistes disposaient de peu de moyens, qu'ilsont voulu concentrer sur le ct le plus important, celui de la nef.

    2. De Vogu et Duthoit, Syrie centrale, p. 92, pl. 45, 46, 49, 100.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TUGZIRT 29

    ont t retrouvs en place Tigzirt 1, un Taksebt2 ; enfin lesfouilles ont mis dcouvert un ensemble tomb d'un seul bloc,o le dosseret tait sa place, entre le chapiteau et le sommierde l'arc'. Cette dernire dcouverte rsout les derniers doutes : le

    pilier de Taksebt nous offre le dosseret surmontant une colonne

    cantonne; ceux de Tigzirt nous le font voir plac l'impostedes portes, sur le pilier central, toujours sous une naissance d'ar-cade; enfin l'arc tomb du bas-ct droit le montre runissant latte de deux colonnes jumeles et portant une double retombede cintres. La dmonstration est faite ipso facto, d'une faoncomplte et irrfutable. Dans le dernier cas, le dosseret a unefonction de plus : assurer la runion de deux colonnes, tablirune liaison entre elles.

    En rsum, les corbeaux africains, dont l'usage est dsor-mais connu, ont une grande analogie avec les dosserets en formede pyramide tronque, employs surtout par les Byzantins. Maisils s'en loignent comme forme et leurs fonctions sont plus va-ries. Ils suffiraient eux seuls pour constituer un style particu-lier, si d'autres caractres ne venaient pas, comme nous le ver-rons, s'ajouter eux pour former un ensemble bien dfini.

    Examinons maintenant les sculptures de ces dosserets, dontles plus intressants sont reproduits fig. 6 et fig. 7, nos1-9. Sou-vent les motifs sont purement dcoratifs et nos dessins nousdispensent de les dcrire. Sur d'autres, on voit des croix mono-grammatiques : au n 3 de la fig. 6, la couronne qui ceint cemonogramme est flanque en haut de deux colombes ; au n 5de la mme figure sont tracs l'alpha (avec la forme cursiveordinaire en Afrique) et l' omga; quanta la lettre verticale quifait partie de la croix, ce n'est un P (rh) grec, mais un R latin,dont la forme est presque cursive et dont la queue se confond

    1. Un sur le pilier central de droite (voir p. 14), cinq sur les piliers dela faade qui flanquent la porte de droite et la porte du milieu (voir p. 13).

    2. Revueafricaine, XXXVII, fig. 11 (contre la p. 135). Voir aussi plus loin notre description de la basilique de Taksebt.

    3. Conf. plus haut, p. 14.

  • Fig. 6.

  • Fis. 7.

  • 32 TUDE

    avec le premier jambage de l' omga. Or M. de Rossi a montr 1

    que, dans la croix monogrammatique, la forme de l'R latin ad'abord t usite en Orient, vers la fin du IVe sicle et le com-mencement du ve, et que, de l, elle se rpandit en Occident.Pour ce qui est de l'Afrique, ce savant la signale sur des monu-ments de la fin du ve sicle et de la premire moiti du VIe mais onla trouve dj, autant qu'il semble, sur une mosaque de Stif,date de l'anne 4542. Le dosseret n 9 de la fig. 7 prsenteun monogramme du Christ d'une disposition toute particulire.Au lieu d'un P unique, plac verticalement en travers du X, le

    sculpteur s'est amus en figurer cinq qui se dtachent commedes rameaux des branches de ce X. Sur un dosseret (mmefigure, n 4), on voit un dicule,. form de trois colonnes, querunissent des arcades, et d'un fronton, au milieu duquel est poseune colombe. Cette image rappelle l'esprit le texte bien connude Tertullien : Nostrae columbae domus simplex, in editis sem-

    per et aperlis et ad lucem'. Le n 6 de la mme figure nousmontre deux dauphins, poissons trs frquents, comme l'on sait,sur les monuments chrtiens primitifs; le ri0 7, un lion, symbolede force et, au dessous, un livre, symbole de vigilance (le livredormant les yeux ouverts). Sur le n 3 apparat un aigle et surle nl, malheureusement mutil, un quadrupde ail, On peutsupposer que c'est un veau; nous aurions ainsi, sur ces deux dos-

    serets, les symboles des vanglistes saint Luc et saint Jean.Un autre dosseret, malheureusement trs mutil et que nousn'avons pas reproduit, nous montre la tte et les pattes d'un lion,peut-tre du lion de saint Marc. Un quatrime dosseret, aujour-d'hui perdu, aurait pu reprsenter l'homme de saint Matthieu.Voici sur les nos5 et 8, Daniel entre les lions, les bras levs dansl'attitude de la prire : ce sujet a t assez souvent trait en bas-relief par les Africains 4.Le n 8 le montre nu, autant qu'il semble;

    1. La capsella, p. 12. Conf. Bull, diarch. cristiana, 1894, p. 55.2. Bull, du Comit, 1892, pi. XV.3. Adversus Valentinianum, 3.4 Voir Doublet, Muse d'Alger, p. 46-47 ; Revue africaine, XXXVI, p. 395;

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 33

    le n 5, vtu d'une longue tunique ceinte la taille. Enfin le n 2offre l'image d'un homme que 1' artiste semble avoir voulu

    jucher sur un ne, qu'il s'vertue faire avancer force de coupsde bton. Serait-ce une reprsentation de l'aventure arrive Balaam 1? Ces symboles et ces sujets se rapportent donc, commeon le voit, l'Ancien et au Nouveau Testament.

    Nous, mentionnerons encore ici quelques dosserets moins in-tressants que nos dessins ne reproduisent pas : a) Les quatrequi sont encore en place sur les piliers flanquant la porte princi-pale : on y voit une rosace six branches enferme dans un cercle. b) Deux autres avec une large volute cinq enroulements,flanque de quatre petites rosaces. c) Un autre o est sculpteune rosace six ptales, enf rme dans un cercle ; les extr-mits des ptales sont relies par des demi-cercles. d) Ungrand cercle ombilic central, d'o divergent de nombreux

    rayons.Pour ce qui est du style de nos dosserets, l'ornementation est

    peu prs correcte et parfois assez lgante ; on n'a eu qu' copierdes modles connus. Quant aux animaux, l'aigle est assez biencamp; les dauphins, plus mdiocres, sont encore facilementreconnaissables ; les autres, ainsi que les bonshommes , sontd'un dessin enfantin, excrable. L' art de ces dosseretsrappelle beaucoup les carreaux en terre cuite chrtiens, qui, dansles parties orientales des provinces africaines, tapissaient fr-quemment les murs des basiliques2.Nous aurons du reste reve-nir sur cette question de style, quand nous essaierons de fixer

    l'poque de la construction de notre difice.Nous n'avons pas encore parl d'un certain nombre de dos-

    serets dont le mode de dcoration est diffrent. Au-dessus dupilier central de droite, le devant du dosseret (qui est double,

    XXXVII, p. 114 ; Comptes rendus de l'Acadmie d'Hippone, 1889, p. III-IV(sarcophages, vasque, ciborium, chapiteau).

    1. Ancien Testament, Nombres, chap. XXII.2. La Blanchre, dans la Revue archologique, 1888,1, p. 303 et suiv. ; Gsell,

    Revueafricaine, XXXVIII, p. 220.

    3

  • 34 TUDE

    cause de la largeur du pilier), au lieu de prsenter, comme lesautres, une surface plane incline, nous montre une moulurationde type classique : bandes et filets entre lesquels sont interpossune doucine, un quart-de-rond et un cavel. Les dosserets des-sins, fig. 7, nos 10 et 11, offrent, aussi des moulures paral-lles superposes, mais qui ne sont pas dans le got classique.Deux autres, non reproduits, sont dcors dans le mme style :on y voit ( partir du haut) une bande unie, une suite de che-vrons, une bande o alternent des sries de traits verticaux etdes diagonales croises, une range de perles, un mandre ondemarine, un filet, une corde, deux bandes. Un autre ne nous offre

    qu'une srie de bandes et de filets.Outre tous ces dosserets, nous avons trouv une dizaine de

    blocs sculpts ayant sans doute rempli le mme office, mais quis'en distinguent en ce qu'ils sont dcors, non seulement sur laface, mais aussi sur une moiti des cts latraux ; en outre,l'ornementation consiste toujours en moulures horizontalessuperposes. Plusieurs sont d'un got classique et d'un profilassez ferme; ils paraissent tre des remplois : dans leur destina-tion primitive, ils taient peut-tre placs sur des pilastresadosss des murs. Nous donnons le profil de deux d'entre eux,fig. 10, nos2 et 4. D'autres prsentent une dcoration lafois plus complique et plus barbare. Nous en avons reproduitun sur la mme figure, n 7; trois autres, dont les mouluressont les mmes, ont des dimensions plus petites (la largeur enhaut est de 0m,42, la hauteur ne dpasse pas 0m,25). D'aprs leurstyle, ces corniches doivent tre contemporaines de la construc-tion de notre glise. Au point de vue architectural, elles formenten quelque sorte la transition entre les corniches classiques dontnous venons de parler et les dosserets dcors sur une face,incline de haut en bas.

    En rsum, nous avons recueilli :1 Des corniches prsentant sur trois de leurs faces une mou-

    luration classique : ce sont des remplois.2 Des corniches de mme forme et dont l'ornemenlation con-

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 35

    siste de mme en moulures parallles superposes, mais d'ungot qui n'a plus rien de classique.

    3 Des dosserets dcors seulement sur leur face antrieure,avec des moulures superposes et non classiques.

    4 Des dosserets dont la face antrieure offre un tableau inclinque remplissent soit une ou plusieurs figures, soit un motifd'ornementation. Ce dernier groupe reprsente en quelque sorte

    l'mancipation complte de nos artistes dcorateurs.Frontons. Une seconde srie de pierres, d'une forme encore

    plus bizarre, et non moins nombreuses que les dosserets, corn-,prend des blocs de lm,20 lm,40 de longueur, de 0m,50 d'pais-seur, dcors sur leur face longue, et termins par deux pointesingales, l'une plus aigu que l'autre. Le ct dcor est, tanttdroit, tantt (plus souvent) inclin comme celui des dosserets.Voir, sur les fig. 8 et 9, la reproduction d'un certain nombrede ces morceaux d'architecture.

    Lorsque nous trouvmes les premires de ces pierres, l'idenous vint qu'elles avaient t autrefois plus longues et qu'on lesavait diminues. En effet, le dessin tait coup brutalement, sansbordure. Nous souvenant de plus d'avoir vu dans l'ouvrage deMM. Duthoit et de Vogu des linteaux d'une forme analogue,dcors des mmes rosaces 1, nous avions pens avoir sous les

    yeux des dessus de portes, recoups plus tard pour un autre

    usage. A la vrit, cette supposition n'tait pas entirementsatisfaisante et laissait subsister de graves difficults. Comment

    expliquer, par exemple, que les angles eussent t dcoups, aulieu d'y laisser subsister l'coinon, comme dans" les pierressyriennes, alors qu'il et fallu ensuite le remplacer par un rem-

    plissage. Puis le progrs des fouilles nous faisant voir que nos

    pierres taient doubles et symtriques deux par deux, nous tionsamen supposer ces linteaux en deux morceaux. Mais il man-

    quait alors chaque couple un morceau trapzodal interm-

    diaire, qui ne se rencontrait nulle part. Enfin, les pierres se re-

    1. Syrie centrale, p. 82, pi. 32, 46.

  • 36 TUDE

    trouvaient raison de deux par traves, et la basilique n'avait

    que trois portes. Fallait-il les placer sur des fentres?

    L'hypothse donc craquait de toutes parts; il fallait chercher

    Fig.8. S.

    autre chose. Nous en tions l,lorsqu'une dcouverte inattendue, toujours dans le riche bas-ct droit, vint rsoudre tousnos doutes, comme dans le cas des dosserets. Dans la troisimetrave, les deux pierres taient tombes en place, l'une joignant

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 37

    l'autre et formant, par leur runion, un fronton ou arc triangu-laire, dont la face tait tourne vers la grande nef. D'ailleurs, le

    Fig. 9.

    mot de l'nigme une fois trouv, toutes les obscurits disparais-saient : l'ingalit des angles devenait ncessaire; le dessincommenc sur une pierre se continuait sur l'autre; le recoupe-

  • 38 TUDE

    ment de l'coinon tait impos; mme les monogrammes sculptssur quelques pierres prenaient une position plus naturelle.

    Le principe de la dcoration est en gnral le mme que dansles dosserets : remplacer les sries de moulures parallles par dessurfaces planes, librement dcores. Quant la disposition de cesfrontons, elle est assurment intressante. Nous ne connaissons,ni dans la Syrie centrale, ni dans l'art byzantin antrieur auvie sicle, aucun exemple de membres architecturaux de cette

    espce. Cependant il est impossible de croire que les ntresaient constitu une manifestation isole. Les basiliques africainesont t peu explores jusqu' ce jour; en France et en Allemagne,il ne reste que bien peu de vestiges de l'architecture chrtienne

    primitive ; les glises les plus anciennes d'Espagne sont malconnues; en Italie, o elles sont nombreuses, les exemples citer nous font dfaut, il est vrai, mais de plus rudits que nousles trouveraient peut-tre. En tout cas, ce qui n'est pas contes-table, c'est que les difices mrovingiens et carolingiens nousoffrent quelques-uns de ces frontons encastrs dans les murs.Nous citerons ceux du baptistre de Saint-Jean Poitiers (vie ouvne sicle) ', de l'abbaye de Lorsch, prs Heidelberg (vin 0 sicle)',du clocher de Saint-Front de Prigueux (xe sicle) 3, de Saint-Gnroux dans les Deux-Svres , et enfin de l'glise de Mont-mille, prs de Beauvais (xi 6 sicle), un des derniers souvenirsde ces frontons mrovingiens 5. Nous sommes donc fixs sur lafortune ultrieure du motif : il a t en faveur jusqu'aprsl'an 1000. Ses antcdents sont moins clairs et il serait assur-.ment trs hasard d'y voir une cration de l'cole africaine.

    Nous avons dit que les frontons de France et d'Allemagnedont nous venons de parler taient encastrs dans des murs. Lesntres l'taient-ils aussi? Examinons-les attentivement. Leurs

    1. Lenorr, Architecture monastique, II, p. 50 et fig. 336.2. Ibid.,l, p. 69 et fig. 41.3. Corroyer, Architecture romane, fig. 54.4. Lenoir, op. cit., II, p. 51, fig. 337.5. Ibid., II, p. 55, fig. 341.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 39

    faces infrieures ne sont pas dresses, elles offrent mme defortes saillies : donc elles taient certainement maonnes. Lesfaces suprieures au contraire sont dresses la pointe, maissur l'une d'elles nous retrouvons un paquet d'excellent mortierencore adhrent la pierre. Pour le moment, nous ne pouvonsdonc dire que ceci; nos frontons taient poss sur de la maon-nerie et ne semblent pas avoir t destins en supporter; tou-tefois l'un au moins d'entre eux a t maonn en dessus.

    Remarquons enfin les dtails suivants : 1 l'paisseur des fron-tons est celle d'un mur ordinaire (0m,50) ; 2 leur angle suprieurbeaucoup de ces pierres portent une entaille horizontale qui laisseintact le profil ; 3 aucun des angles aigus n'est vif; bien quel'on puisse les supposer tous casss par leur propre chule, ilsemble plus probable, au moins pour quelques-uns, que ces anglesont t abattus exprs sur une longueur de 0m,05 0m,12.

    L'originalit de nos frontons consiste dans leur fonction cons-tructive hasardeuse qui, elle, n'a rien d'analogue dans les di-fices de la premire priode romane. Cette fonction, nousverrons plus loin que, malgr toutes les rpugnances, il fautabsolument l'admettre, consistait soutenir des colonnes.C'est l un renversement hardi et complet de l'ordre classique,qui bouleverse de fond en comble, on peut le dire sans mta-

    phore, toute l'esthtique architecturale des Grecs. Ceux-ci fai-saient porter leurs frontons sur des colonnes ; nos Africains

    imaginent de faire porter les colonnes sur des frontons. Tentative

    audacieuse, nous le rptons, mais plus bizarre encore, et quin'a eu d'ailleurs aucun succs en Occident, si. toutefois elle y at connue.

    Nous n'entrerons pas dans le dtail de la dcoration de nos

    frontons : il nous suffira de renvoyer nos fig. 8 et 91.

    1. Nous avons retrouv deux frontons du type n 1 de la fig. 8, quatredu n 2, deux du n 3, deux du n 4, trois du n 1 de la fig. 9, deux dun 2, quatre du n 3, deux du n 4 et deux du n 5. Quatre frontonsd'un type non reproduit nous montrent quatre cordes superposes. Troisautres prsentent ( partir du haut) une range de perles, un mandre onde marine, une corde, une bande de chevrons, une range de perles.

  • TUDE

    On remarquera fig. 8, n 4, et fig. 9, n 4, les croix monograrn-

    Fig. 10.

    matiques enfermes dans un double carr et un cercle : le

    Remarquez, fig. 8, n 3, et fig. 9, n 5, les guirlandes figures -gauche.Elles se retrouvent souvent sur les stles paennes d'Afrique et on a voulu yvoir tort des gteaux.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 41

    rh y est retourn 1. Nous aurons nous occuper longuementdu n 2 de la figure 8, d'une importance capitale pour l'-tude architecturale de notre basilique. La dcoration de ces

    frontons, qui parat souvent s'inspirer de la technique du bois,est riche, surcharge mme, quoique d'ordinaire assez bienconue : elle prsente des ressemblances assez frappantes aveccelle des difices chrtiens de la Syrie 2.

    Corniches. Les fouilles nous ont fait dcouvrir une quin-zaine de fragments de corniches droites. Les unes peuvent tre

    simplement des matriaux provenant d'difices antrieurs et

    employs au hasard dans la construction 3. Les autres ont pu tre

    places d'une manire rgulire, vraisemblablement au fate desmurs, sous le toit. Tantt les moulures sont de type classique;tantt elles ressemblent celles d'un certain nombre de dosse-rets et frontons : on doit sans doute admettre que ces dernirescorniches ont t sculptes exprs pour l'glise. Telles sont cellesqui prsentent des sries superposes de cordes (voir fig. 10,n 8) ou bien ( partir du haut) une bande unie, une suite deperles, un mandre onde marine, une corde, une range dechevrons, une suite de perles, une bande unie.

    ni

    LES MOSAQUES

    Toute la surface du sol de l'glise, nef, bas-cts, abside, ainsique la sacristie de droite.tait pave en mosaques. Il n'est pasun seul point en effet o, dfaut du pavement lui-mme, on n'en

    1. Disposition qui n'est pas rare.2. Voir plus loin, chapitre v.3. Tel tait peut-tre aussi le cas de la corniche dcore sur trois facesqui est reprsente sur notre fig. 10, n 3. On en a trouv plusieurs sem-blables.

  • 42 TUDE

    ait trouv les traces, sous la forme de petits cubes pars. De cetteriche dcoration il subsiste malheureusement bien peude chose.Mais ce qui en reste suffit nous donner une ide de la varittonnante des motifs qui la composaient. Mme cette varit, quinuit un peu l'homognit de l'ensemble, permettrait de sup-poser que tout n'a pas t conu et excut d'un seul jet, maissuccessivement, au fur et mesure des ressources et des dona-tions.

    Plusieurs causes ont contribu la destruction du pavage. La

    premire est l'croulement de l'difice et la chute des colonnes

    suprieures, des corniches, des pierres normes qui formaient lesmurs. Tous ces gros matriaux ont produit en tombant, il estfacile de le constater, des dpressions et des brisures dans la

    mosaque. D'autre part, la charpente enflamme, en continuantde brler sur le sol, a d calciner beaucoup des petits cubes etcontribuera leur dsagrgation.Ensuite, il semble qu'en dblayantl'aire du monument, pour le restaurer, les fidles des derniers

    temps de l'Afrique chrtienne en aient encore dtruit une par-tie ; soient qu'ils en aient volontairement bouch les trous avecdu mortier, soit qu'ils l'aient recouvert dans toute sa superficiepar une couche d'argile. En dernier lieu, la mosaque eut subirune dernire mutilation lorsque notre basilique fut transformeen campo santo : alors des sarcophages furent placs sur le dal-

    lage au fond du bas-ct nord ; des tombes nombreuses se creu-srent dans le sol, au hasard des dessins et des traves. Une

    grande partie de la dcoration disparut ainsi.Mais, malgr tant de causes d'anantissement, des parties im-

    portantes de la mosaque subsisteraient encore si la forme enbton sur laquelle elle reposait avait t mieux conditionne.Nous n'avons jamais vu, dans le cours de nos recherches, uneaire aussi mal tablie. C'est peine un bton, presque un mor-tier, de quelques centimtres d'paisseur tout au plus, sansbriqueconcasse, et reposant directement sur la terre naturelle. On con-oit qu'avec une pareille base, la mosaque n'ait pas oppos une

    grande rsistance aux divers lments de destruction qui ont

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 43

    amen sa perte partielle. Nous devons dplorer la faon htive et

    peu scrupuleuse dont les constructeurs l'ont tablie, plus soucieuxsans doute de faire grand et brillant, que d'assurer leur oeuvrel'assentiment des sicles futurs 1.

    L'tat o nous sont parvenus les fragments conservs est g-nralement trs prcaire. Les cubes sont disjoints, ils ont presqueperdu leur coloration. Pour les dcouvrir, les plus grandes pr-cautions ont t ncessaires ; il fallait maintenir d'une main etgratter de l'autre. Souvent une sorte de bton recouvrait ledessin, et la mosaque adhrait bien plus cette gangue qu'son propre ciment. Dans certaines parties, ce n'tait pas unbton, mais une cristallisation calcaire, forme par l'infiltrationlente des eaux travers les matriaux amoncels, qui recouvraitle dessin d'une couche opaque et tenace de 0m,002 0m,003 d'-paisseur. Il est tel fragment d'inscriplion qui nous a cotquinze seize heures d'un travail personnel des plus pnibles.

    Les couleurs, nous l'avons dit, sont souvent trs difficiles

    distinguer: le rose, le jaune, le gris, le vert se confondent. Quantau noir, ou plutt la teinte neutre qui en tient lieu, il a presquetoujours disparu et on n'en trouve comme trace qu'une sorte depte grise. Ce noir bleu, que l'on retrouve dans toutes les mosa-ques africaines, tait, croyons-nous, form d'une pte d'ardoisepile. Le blanc et le jaune taient des marbres ; le rouge, uneterre cuite ; le rose, un marbre ou une terre ; le violet (?), un grsferrugineux; le vert,le gris, le brun, des calcaires plus ou moinsmarmodes.

    Mosaques de la nef. La partie centrale a t la plus mal-traite: prs des portes, on n'a trouv que de vagues indices,sous forme de cubes dpars. A droite, en avant du cinquimegroupe de colonnes, un morceau assez bien conserv nous mon-tre un oranger charg de fruits et flanqu de deux plantes, dans

    1. M. Gsell a signal, et nous avons pu constater nous-mme la mauvaisefabrication du bton de la mosaque de Sainte-Salsa, Tipasa, mais aumoins, il y avait sous le mortier un lit de briques et de pierrailles (fie-cherches,p. 22, n. 1).

  • 44 TUDE

    un cadre form par deux carrs entrelacs, dont l'ensemble des-sine une toile huit rayons. En avant de la huitime trave (partir des portes), toujours droite, on distinguait un poisson et,en avant de la neuvime, les dbris d'un navire mont parunma-rin qui se tenait debout contre le mt. Vers l'abside, quelquestraces ont t releves, et en deux endroits, dans la dixime tra-ve, le dessin a pu tre reconnu. C'tait ici, comme l, une guir-lande compose de trois rangs de feuilles de couleur rouge ', et

    qui formait videmment des cadres au centre desquels se trou-vaient des motifs, aujourd'hui disparus. D'aprs la direction desdeux fragments, il est permis de supposer qu'ils faisaient partied'un grand cadre rond ou hexagonal qui occupait le centre deshuitime et neuvime traves.

    La nef nous rservait cependant une importante trouvaille,bien propre faire regretter la perte de tout le reste ; au milieumme de l'glise, entre les deux gros piliers, nous avons dcou-vert les trois fragments d'un vaste tableau en trois parties, sortede triplyque, qui devait occuper toute la largeur de la nef :

    1 Un fragment gauche reprsentant un tronc d'arbre avec

    quelques feuilles de couleur verte ;2 Un fragment situ droite, en haut, comprenant quelques

    lignes courbes, dont l'interprtation est incertaine;3 Enfin un troisime fragment central, beaucoup plus grand

    que les deux autres, figurant un jeune homme nu, imberbe,tourn droite, un genou en terre, les mains lies derrire le

    dos, devant un autel de forme carre, d'o sortent des flammes

    (fig. H).L'interprtation de ce dernier morceau, si mutil qu'il soit, en

    saurait tre douteuse. Le sujet ainsi trait tait le sacrifice d'A-braham, un des motifs favoris des artistes chrtiens des premiers

    1. Cette guirlande tait absolument identique celle qui encadre l'inscrip-tion du baptistre de Tipasa, publie par nous (Rwue africaine, XXVII,planche notre article, p. 400), les inscriptions de l'glise d'Alexandre,dcouvertes par l'abb Saint-Grand {Bull, du Comit, p. 466-484, sansplanche), et probablement aussi celle qui forme la couronne de la plancheXI de l'Annuaire de la Socit archologique de Constanline, anne 1862.

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZ1RT 45

    sicles ; on y voyait un symbole de salut et de dlivrance, on yretrouvait surtout l'image du sacrifice de la croix et de Dieu le

    Pre livrant la mort son Fils bien-aim \ A gauche d'Isaac age-nouill, devait se dresser le patriarche ; plus gauche, et au-des-

    sus, devait tre l'ange ou plutt la main divine sortant desnues ; enfin, droite du sujet et en bas, apparaissait sans doute,dans des buissons, le blier aux cornes entraves.

    Fig. 11

    En ce qui concerne les fragments de droite et de gauche, ilssont trop mutils pour qu'on puisse se permettre aucune conjec-ture leur gard. Il n'est pas possible, en effet, de les rattacher la scne prcdente, car entre celui qui porte l'arbre et celuid'Isaac, on retrouve un fragment de la bordure verticale qui s-

    parait les deux sujets.On

    remarquera enfin que les piliers allongs que notre plan(fig. 1) montre au milieu de la nef, en avant des piliers centraux,semblent avoir t placs dessein, lors de la restauration de

    1. En Afrique, outre les lampes, on connat des briques reprsentant cesujet: voir Bulletin du Comit, 1885, pi. VIII; Bull, di archeologia cristiana;1884, p. 53 et pi. III ; Revue archologique, 1888, I, et pl. XI; 1893, II, p. 277,% 4; Doublet et Gauckler, Muse de Constantine, p. 65. Pour la posed'Isaac dans notre mosaque, conf. en particulier Le Blant, tude sur lessarcophages d'Arles, pl. VI, et le verre grav reproduit par Martigny, Dic-tionnaire des Antiquits chrtiennes, l'article Abraham.

  • 46 TUDE

    l'glise, pour mnager le tableau du sacrifice, qui sans doute, cette poque,tait encore en bon tat de conservation. Ce mor-ceau de mosaque aurait alors form une sorte de seuil, qui a

    pu tre protg par un auvent.

    Mosaques du bas-ct droit. C'est le bas-ct droit qui nousa fourni la plus riche moisson. A part quelques lacunes, on peutreconstituer la dcoration qui couvrait le sol. Cette dcoration ne

    parat pas avoir t faite en une seule fois : on n'y constate pasl'adoption d'un grand parti d'ensemble ; au contraire, la lon-

    gueur totale est fractionne en un certain nombre de parties': audbut, ces divisions concident avec les traves successives de la

    colonnade, mais ensuite, elles englobent deux ou trois traves la fois. D'aprs le sens o sont places les figures et les inscrip-tions, on voit, et l'observation est applicable aussi au bas-ct oppos que cette partie de l'difice tait dcore longitu-dinalement, c'est--dire que, pour voir les mosaques dans leurvrai sens, le visiteur devait partir du mur de faade et se dirigeren ligne droite vers le fond. C'est donc dans cet ordre que nous

    procderons pour notre description : voir les planches I et II.Le premier tableau partir du mur est purement ornemental :

    il reprsente deux grandes toiles huit pointes, constitues pardeux carrs entrelacs, dont les cts sont forms par une bandeo court une tresse simple. Le centre de chaque toile se trouvetre un octogone rgulier, occup par une inscription en lettresblanches sur fond noir. Voici ce qui reste de ces deux inscrip-tions, en quasi-versus.

    I. Inscription de droite.

    LAborIBVS EX

    VLTimis NOMEN

    NON supere ST VMQVAMHIC LABor EST COEP

    TIS SED FINIS CVNC

    TA DECORAbiT

  • SUR LES RUINES ROMAINES DE TIGZIRT 47

    II. Inscription de gauche.

    NON OPVS ESTTIS CVM FACVNCTA PROV

    COnPLEVTTQVNEM DINVM

    HONOREM

    Les vides laisss par les toiles dans le rectangle du cadre sont

    remplis : au centre, par deux demi-rosaces; dans les angles, pardes vases anses vides'. La demi-rosace du haut est une croixtresse" enferme dans un cercle de postes, celle du bas offre aucentre quatre fleurs et, comme bordure, d'autres fleurs alterna-tivement droites et renverses. Il et t de meilleur got demettre partout le mme motif, mais les artistes africains de cette

    poque en jugeaient autrement 3. Nous avons dj fait une re-marque analogue propos des chapiteaux; mais l, la diversitsejustifiait mieux.

    L'encadrement de ce grand rectangle se compose de croix

    gammes et de losanges enfermant un cercle. Ce cadre se con-tinuait autour des trois premiers tableaux, ce qui semblerait leurassurer une origine commune.

    La seconde trave est un vritable tableau dont il ne manquegure que la partie droite; c'est le fragment le mieux conservde la mosaque, et si le dessin en est barbare, la facture en esttrs bonne. Il reprsente deux barques de grandeur ingale, quisemblent voguer de conserve; celle de gauche est la plus impor-

    1. Ces vases ont ici un rle dcoratif, mais il est vraisemblable que leursignification eucharistique n'a pas entirement t perdue de vue par lecompositeur.

    2. Sur cette croix, voir Gsell, Recherches,p. 22, n. 3. Nous prfrons notrednomination celle de croix branches recourbes .

    3. L'exemple le plus frappant de ce got particulier est la mosaque deSainte-Salsa (voir notre planche V dans Gsell, Recherches), o l'artiste a en-tass tous les motifs de son album, de faon produire un ensemble bienmoins riche qu'incohrent,

  • 48 TUDE

    tante; elle possde un mt (rendu trs court parles ncessits del'emplacement) muni d'une vergue horizontale, qui porte elle-mme une grande voile carre, enfle par le vent qui vient de

    gauche; des lignes la divisent en trente-six petits carrs qui figu-rent sans doute les morceaux de toile cousus ensemble dont elle

    est constitue. Un personnage peu proportionn avec le mt,

    qu'il gale presque en hauteur, est debout prs de la poupe re-

    courbe du bateau. Il tient en main deux rames plates guberna-

    cula), l'aide desquelles il gouverne. Derrire, une secondebarque sans voile, vritable coquille de noix, est monte aussi

    par un personnage, moins grand que le premier, qui est assis dans

    l'attitude du rameur ; on ne distingue que l'un de ses avirons,l'autre tant forcment cach par la coque. Sur la droite, on

    aperoit dans le ciel deux toiles; nous en verrions sans doute

    cinq autres si la mosaque n'tait brise en cet endroit '. Il semble

    que ces toiles soient le but lointain vers lequel se dirigent lesnavires et qu'elles remplacent ici le phare souvent plac de lamme faon. On sait que parfois, la place du phare, se trouvele monogramme du Christ 2.

    Les deux figures reprsentes offrent un certain intrt. Les

    personnages tant assez rares dans les mosaques chrtiennes

    d'Afrique , les ntres contribuent nous donner une ide du stylede cette poque. A vrai dire, cette ide n'est pas trs haute. Sile masque est trait avec habilet, sans doute d'aprs un modle,les corps sont informes et sans model, rduits une simplesilhouette. Les mosaques du Vieil-Arzeu 4, barbares ct decelles de Pompi, sont des chefs-d'oeuvre au regard des ntres. Nos deux hommes ne paraissent pas nus, comme l'Isaac de

    1. En iconographie chrtienne, les toiles sont presque toujours au nombrede sept (Martigny, op. cit., article toiles), et la place restant libre sur ladroite est exactement celle qui suffit pour les loger.

    2. Perret, Les catacombes de Rome, V, pi. LUI, 6; Martigny, s. v. Navire.3. Mosaques funraires de Tbessa (Recueil de Constantine, 1870, pl. XI),

    de Tabarka (Revue de l'Afrique franaise, 1887, planches VI et VII; Collec-tions du Muse Alaoui, pi. Vil), de Sertei (Bull, du Comit, 1888, pi. XIII), deSfax (Revue archologique, 1887, II, p. 182).

    4. La Blanchre, Muse d'Oran, pl. II et suiv.

  • SUR LES RUINES HUMAINES DE TIGZIRT 49

    la grande nef ; ils sont vtus, semble-t-il, d'une sorte de maillottrs collant. Le plus petit porte un collier. Les cheveux sontcourts, si ce n'est pas un bonnet plat que l'artiste a voulu leurmettre sur la tte. En somme, ce sont des marins tels qu'ondevait en voir sur les quais de Rusuccuru. Quant au symboledu navire, reprsentant l'Eglise, qui se dirige vers le but divin, travers les mille dangers de la mer, il est trop connu pour quenous ayons besoin d'y insister.

    Au-dessus du tableau que nous venons de dcrire, s'tendaitune grande inscription de cinq lignes, probablement mtrique. Iln'en subsiste que de misrables fragments :

    Tableau et inscription ont un contre-cadre commun. Faut-ilen induire que l'une est l'explication de l'autre? Le sens desmots conservs ne s'y prte gure. Il semble plutt que la lgenderappelle la donation de celte partie de la mosaque.

    Plus loin (troisime trave), se trouvait un second tableau,dont il reste bien moins que du premier : le quart environ. Le

    fragment subsistant est celui de droite ; il reprsente un arbre etune panthre paraissant s'lancer en avant : la tte et les membresantrieurs manquent. Le corps est parsem de taches en formede croissants qui ne laissent pas de doute sur l'espce laquelleappartient l'animal. Il n'en est pas de mme pour l'arbre dont letronc et les feuilles sont d'une forme si peu naturelle que l'onpeut lgitimement hsiter entre le figuier et le palmier-nain. Quelletait la scne reprsente dans ce compartiment? On pourraitpenser un Orphe qui se serait trouv au centre, tandis qu'unautre animal aurait fait pendant la panthre du ct gauche.Mais le sujet tait bien dmod au vre sicle ; en outre, dans cemotif, les animaux sont habituellement assis.

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  • 50 ETUDE

    Au-dessus, nouvelle inscription de cinq lignes, dans laquellechacune des lignes correspond un vers. Il n'en reste quequelques mots et fragments de mots :

    A la fin, le mot Severus est trs probablement le nom du

    donateur, qui, avec sa femme, accomplissait ainsi un voeu qu'ilavait fait. Toute la partie de la mosaque dcrite jusqu' pr-sent est reproduite sur la planche I.

    A la trave suivante (la quatrime), l'encadrement change :c'est maintenant une alternance de cercles et de carrs placssur l'angle, avec de petites toiles au centre. Dans l'intrieur decette bordure, nous voyons deux animaux disposs l'un au-dessusde l'autre et tourns gauche (fig. 12) : celui d'en haut est un boeufou un veau de couleur rouge, celui d'en bas un lion ou plutt unelionne jaune. Le veau se cabre et tourne la tte vers le spectateur.Ses yeux sont ronds, sa tte informe, son corps lourd et mal pro-

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    portionn. Le dessin du lion n'est pas plus heureux, et la faon dontsont reprsents les poils du mufle est plus que maladroite : cesont d'ailleurs l des images plates et conventionnelles et la bor-dure blanche qui les silhouette sur le fond dcoup contribue accentuer ce caractre. Faut-il voir dans ce veau et dans ce lion,bien qu'ils ne soient pas ails, les symboles de deux vanglistes?Le vide qui reste leur gauche, et dans lequel l'homme et l'aigleont pu trouver place, semble bien cadrer avec cette hypothse.Cependant il ne faut pas oublier que des boeufs, des lions, deschevaux, des tigres, des cerfs, etc., se retrouvent partout dansl'art chrtien primitif, sans qu'on puisse leur assigner d'autreraison d'tre qu'un vague sens symbolique attach au caractrede chacun d'eux. Le lion parat reprsenter la force, le veau l'in-nocence. Dans le cas qui nous occupe, il faudrait donc connatreavec certitude le reste du tableau pour hasarder une explication.

    Ce motif du boeuf et du lion, qui dcore la quatrime trave,fait partie d'un nouvel ensemble. Comme nous l'avons dit, ilpossde une bordure diffrente, qui va englober galement lescinquime, sixime et septime traves. De la cinquime il nereste rien; mais, par induction, nous sommes amen supposerqu'elle devait tre orne du mme motif que les deux suivantes,o des fragments sont conservs (voir la septime sur la pi. II).Ici, nous revenons l'ornement pur: ce sont des cercles et descarrs, disposs en quinconces; ces derniers sont cantonns dedemi-cercles, figurant des conques ou pavillons hmisphriquesalternativement rouges et verts. Les carrs sont occups parune tresse ingnieuse, mais dj connue 1, qui se compose decinq brins, deux verts, deux rouges et un jaune. Les cercles, sontremplis par des motifs dont deux seulement sont visibles, maisqui devaient tre peu varis : croix tresse entoure de fleurs tri-ptales alternativement droites et renverses; croix de mmetype borde de chevrons jaunes et verts.

    t. A Tipasa,dans la basilique principale, dans la basilique de Sainte-Salsa,dans la chapelle de l'vque Alexandre (Gsell, Mlangesde l'coledeRome,XIV, p. 361; Recherches,pi. V, en haut, droite).

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    Aprs la septime trave, la bordure de ronds et de carrs seferme et un nouveau cadre entoure une nouvelle srie de motifs,occupant les traves 8, 9 et 10. Ce cadre est form d'une suite decrochets carrs, rouges et jaunes, entour de quatre lignes, deux deux noires et rouges. Quant au dcor central, il reproduit peude chose prs celui de la premire trave : grandes toiles huitpointes, bords tresss, avec cette diffrence que les inscriptionscentrales sont ici remplaces par des sujets. Les intervalles, surles cts, sont remplis par des demi-rosaces comme dans la pre-mire trave; mais,au milieu, les octogones forms par la ru-nion de quatre toiles contiennent des sujets comme les octo-gones centraux.

    De ces sujets, trois sont partiellement conservs. Le premierest un navire (symbole de l'glise, comme on le sait), qui res-semble beaucoup celui que nous avons dj dcrit; mais saforme est plus lgante; il a deux mts dont un inclin 40e surla verticale (dolon); il fait voile vers la gauche. Sa coque estjaune, son bordage est peint d'un double filet rouge; les mtssont gris, les voiles blanches, et le tout se dtache sur un fondnoir. La disposition des mts et des vergues est celle que l'on voitencore aux barques pontes d'Espagne et d'Italie ; elle est sem-blable celle d'un graffite de Tipasa 1. La vergue (antenna) dugrand mt (epidromus) est supporte par quatre balanciers (ceru-chi). On