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B r a h m p e CHINE INDE BOUTHAN BANGLADESH Lhassa Chef-lieu de la région autonome du Tibet et capitale spirituelle du bouddhisme tibétain. Dharamsala Siège depuis 1959 du dalaï-lama et du gouvernement tibétain en exil. Xigaze Kodari Hetauda Pokhara Bhopal KATMANDOU NEW DELHI Indus G ange Y arloung / Brah m a poutre RÉGION AUTONOME DU TIBET Thakal Bhotia Bhotia Sherpa Pahari Pahari Tharu Tharu Madeshi Madeshi Madeshi Newar Pahari Gurung Tamang Limbu Rai Magar Magar Naxalbari Berceau du naxalisme indien (révolte de 1967), qui a dans un second temps inspiré les chefs maoïstes népalais. B r r a a h h m m p e INDE BA BA NG NG LA LA DE DE SH SH G G G a n g e Madeshi hi i h sh es de d ad Ma M M dans un second temps ins inspir pirél éles che chefs fs in in ins maoïstes népalais. ma maoïstes maoïstes né m SOURCES : JEAN SELLIER, ATLAS DES PEUPLES D’ASIE, LA DÉCOUVERTE, 2008 ; CENTRAL TIBETAN ADMINISTRATION ; GILLES BOQUÉRAT, « MAOÏSME ET FAIT ETHNIQUE DANS LA GUERRE DU PEUPLE NÉPALAISE », IN L.GAYER ET C. JAFFRELOT, MILICES ARMÉES D’ASIE DU SUD, PRESSES DE SCIENCES PO, 2008 ; UNHCR ; AFP ; LE MONDE - INFOGRAPHIE LE MONDE Un petit Etat miné par les rivalités internes… Frontière ouverte à la libre circulation des biens et des personnes depuis 1950 (traité de paix et d’amitié) L’INDE CONSERVE SON INFLUENCE HISTORIQUE LA CHINE CHERCHE À SE POSITIONNER DANS LE PAYS … théâtre des luttes d’influence entre les géants indien et chinois... ... et du contentieux tibétain Frontière très fermée à la suite de pressions chinoises, pour limiter le flux de réfugiés tibétains Répression de manifestations protibétaines Projet de prolongement de la ligne de train Pékin-Lhassa Elargissement de l’Araniko Highway et construction d’un deuxième pont à Kodari, pour favoriser le passage de marchandises chinoises vers l’Asie du Sud Construction de la route Rasuwagadhi-Syabru Besi Nouvel aéroport de Pokhara Construction d’un port à sec de conteneurs Développement du site bouddhique sacré de Lumbini Projet hydroélectrique Structure hydroélectrique indo-aryens tibéto-birmans groupes revendiquant la création d’un Etat fédéré autonome Division éthno-linguistique Flux de réfugiés tibétains opposés au gouvernement chinois Camps accueillant les réfugiés tibétains Projet d’infrastructure chinoise Projet d’infrastructure indienne autonomistes au nord Ces populations tibéto-birmanes, marginalisées par les castes dirigeantes de Katmandou, ont été mobilisées par la guérilla maoïste avec la perspective d’une autonomie fédéraliste. Cette option est critiquée par la Chine, qui craint la multiplication d’entités politiques népalaises fragilisant le contrôle de la frontière par le gouvernement central. autonomistes au sud Les populations de la plaine du Teraï, issues de migrations anciennes venant d’Inde, ont été les premières à soulever la question du fédéralisme, en réclamant un Etat madeshi autonome. Illustration de la boîte de Pandore ouverte par ces revendications identi- taires, le groupe autochtone tharu réclame lui aussi un Etat fédéré propre. Lumbini Lieu de naissance du Bouddha. En 2011, la proposition de développement du site par une ONG chinoise a rencontré une forte opposition locale, vue d’un bon œil par l’Inde. Frontière ouverte à la libre circulation des personnes et des biens depuis 1950. L’Inde est le principal partenaire commercial du Népal (55 % des exporta- tions népalaises et 49,5 % des importa- tions). Le Népal appartient à l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale : zone d’influence indienne. 200 km Principaux groupes népalais Gurung 2 1 1 2 GÉOPOLITIQUE Frédéric Bobin Pokhara (Népal), envoyé spécial A ssis sur le banc d’un local exi- gu, Debi Raj Gurung arrive à peine à caser une phrase. Ses partisans ne cessent de l’in- terpeller, son téléphone son- ne sans répit, il sort parfois dans la ruelle commerçante donner l’accola- de, revient s’asseoir sur le bois fendillé en soufflant dans un sourire. En ces faubourgs de Pokhara, cité du Népal central entourée de massifs himalayens, Debi Raj Gurung mène campagne pour les élections constituantes du 19 novembre. Dhaka topi (calot traditionnel) enfoncé sur la tête, épais collier de fleurs jaunes lui cou- vrant le torse, le tribun est un chef gurung (d’où son patronyme). Il n’a pas de mots assez durs pour dénoncer les méfaits du « centralis- me » au Népal, le « déclin » de l’« identité » des Gurung – l’une des minorités tibéto-birma- nesdu pays –, le « détournement» des ressour- ces locales (l’eau notamment) par l’élite de Katmandou. Aux yeux de Debi Raj Gurung, nul doute : l’avenir du Népal réside dans le modèle fédéral qui permettrait de créer une quinzaine d’Etats épousant la mosaïque eth- nique du pays. Dont, bien sûr, un « Etat gurung » jouissant d’une large autonomie. C’est peu dire que la petite nation agrippée à flanc d’Himalaya, coincée entre l’Inde et la Chine, est à un tournant de son histoire. La nouvelle Assemblée constituante censée sor- tir des urnes le 19 novembre aura pour man- dat de remettre sur le métier un ouvrage juri- dique – une Loi fondamentale révisée – jus- qu’à présent inabouti. L’affaire est cruciale car elle met en jeu la cohésion nationale d’un pays d’une grande diversité (on compte une centaine d’ethnies ou de castes) à l’heure où le réveil des identités communautaires attise les forces centrifuges. La précédente Assemblée constituante, élue au printemps 2008, a échoué à redessi- ner l’architecture institutionnelle du Népal. La fragmentation du paysage politique, où s’illustrent notamment des acteurs nou- veaux (émanations d’ethnies ou de castes), rend de plus en plus difficile l’élaboration d’un consensus. La controverse sur le fédéralisme s’est substituée à la question du communisme comme ligne de clivage principale structu- rant le champ politique. Jusqu’à la fin des années 2000, le parti maoïste – Unified Com- munist Party of Nepal (Maoist) (UCPN-M) – avait réussi à dicter l’agenda politique népa- lais. D’abord quand il était dans l’insurrec- tion (1996-2006), en plongeant le pays dans une guerre civile qui aura fait 13 000 tués. Puis comme principal protagoniste de l’ac- cord de paix de 2006 conclu avec les partis parlementaires libéraux. Aux élections constituantes de 2008, il émerge comme le principal parti, doté d’une majorité relative. Cette position dominante lui permet d’impo- ser sans mal la dissolution de la monarchie vieille de 239 ans, la dernière qui existait en Asie du Sud (avec le Bhoutan). Le climat toutefois ne tardera pas à se cris- per autour de plans occultes prêtés à l’U- CPN-M, en particulier une supposée stratégie de conquête du cœur de l’Etat dans la grande tradition bolchevique. La volonté des maoïs- tes de recycler en grand nombre de leurs anciens combattants dans l’armée nationale avait notamment cristallisé toutes les frayeurs,les partis libéraux y voyant un puts- chisme rampant. Devant les résistances, la direction de l’UCPN-M a finalement dû com- poser avec le jeu parlementaire et renoncer aux rêves de « grand soir ». Son chef suprê- me, Pushpa Kamal Dahal, devint ainsi une figure omnipotente – il fut premier ministre – et très à son aise dans le jeu politicien de Kat- mandou. En réaction à cette institutionnalisation des anciens chefs de la guérilla, l’aile dure du mouvement a fait sécession. Un parti maoïs- te dissident s’est créé en 2012, reprenant le titre originel de Communist Party of Nepal (Maoist) (CPN-M). Dirigée par Mohan Baidya, cette faction rebelle a débauché près du tiers de l’ex-comité central du parti et l’essentiel des ex-combattants. « Nos anciens dirigeants se sont servis, eux et leurs familles, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ils ont oublié la révolu- tion », dénonce Rupesh Wangle, le dirigeant de cette « faction Baidya » à Pokhara. Dans la pièce où il reçoit, les murs sont tapissés de drapeaux rouges et de portraits des patriar- ches de la révolution (Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao). S’ils entendent boycotter acti- vement le scrutin du 19 novembre – des inci- dents sont à redouter –, ces gardiens du dog- me n’ont pas encore tranché la question d’une éventuelle reprise de la lutte armée. Dans ce contexte d’affadissement du « péril » rouge, la question du fédéralisme domine désormais le débat politique. Certes, la revendication est un sous-produit de la montée du maoïsme qui, très tôt, avait joué sur le sentiment d’aliénation des groupes marginalisés – dalits (intouchables) et mino- rités ethniques – désireux de s’affranchir de la tutelle historique des hautes castes hin- doues brahmanes ou kshatriyas. Afin d’atti- rer ces groupes dominés dans les rangs de la révolution, des promesses leur avaient été faites sur leur future émancipation. Mais le réveil identitaire qui a suivi chez les Gurung, Tamang, Magar, Rai et Limbus (tibéto-birmans) ou les Tharus et Madeshi de la plaine du Teraï (frontalière de l’Inde) est devenu comme une boîte de Pandore. Les for- ces nouvelles qui s’en échappent ne sont plus contrôlées par les maoïstes. Il flotte en ce moment au Népal une animosité – à tout le moins verbale – entre ethnies et castes qui dérape souvent en « discours de haine sur les réseaux sociaux », regrette, à Katmandou, le journaliste Kunda Dixit, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Nepali Times. La crise népalaise est scrutée par les deux grands voisins, l’Inde au sud et la Chine au nord. Les deux géants d’Asie partagent la même anxiété de voir un chaos au Népal déborder ses frontières. Pékin est obsédé par la stabilité de la frontière entre le Népal et le Tibet. Et New Delhi veut éviter toute connexion entre l’aile dure des maoïstes népalais et les naxalites (insurgés d’extrême gauche) en Inde même. Mais au-delà, Chinois et Indiens ne cessent de se livrer à une lutte d’influence sur ces flancs stratégiques de l’Hi- malaya, une lutte qui semble tourner de plus en plus à l’avantage du « dragon » du nord. p L’Inde et la Chine partagent la même anxiété de voir un chaos dans le pays déborder de ses frontières Vertige politique au Népal La question du fédéralisme agite cet Etat himalayen, ethniquement fragmenté, à la veille des élections constituantes du 19 novembre 4 0123 Vendredi 15 novembre 2013

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Brahm p e

CHINE

INDE

BOUTHAN

BANGLADESH

LhassaChef-lieu de la région

autonome du Tibetet capitale spirituelle

du bouddhisme tibétain.

DharamsalaSiège depuis 1959du dalaï-lamaet du gouvernementtibétain en exil.

Xigaze

Kodari

Hetauda

Pokhara

Bhopal

KATMANDOU

NEW DELHI

Indus

Gange

Yarloung / Brahmapoutre

RÉGION AUTONOME DU TIBET

T h a k a l

B h o t i a

B h o t i a

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M a g a r

NaxalbariBerceaudu naxalisme indien(révolte de 1967), qui adans un second tempsinspiré les chefsmaoïstes népalais.

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INDE

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Gange

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SOURCES : JEAN SELLIER, ATLAS DES PEUPLES D’ASIE, LA DÉCOUVERTE, 2008 ;CENTRAL TIBETAN ADMINISTRATION ; GILLES BOQUÉRAT, « MAOÏSMEET FAIT ETHNIQUE DANS LA GUERRE DU PEUPLE NÉPALAISE », IN L.GAYERET C. JAFFRELOT,MILICES ARMÉES D’ASIE DU SUD, PRESSES DE SCIENCES PO,2008 ; UNHCR ; AFP ; LE MONDE - INFOGRAPHIE LE MONDE

Un petit Etat miné par les rivalités internes…

Frontière ouverte à la libre circulation des bienset des personnes depuis 1950 (traité de paix et d’amitié)

L’INDE CONSERVE SON INFLUENCE HISTORIQUE

LA CHINE CHERCHE À SE POSITIONNER DANS LE PAYS

… théâtre des luttes d’influenceentre les géants indien et chinois...

... et du contentieux tibétain

Frontière très fermée à la suite de pressions chinoises,pour limiter le flux de réfugiés tibétains

Répression de manifestations protibétaines

Projet de prolongement de la ligne de train Pékin-Lhassa

Elargissement de l’Araniko Highway et constructiond’un deuxième pont à Kodari, pour favoriser le passagede marchandises chinoises vers l’Asie du Sud

Construction de la route Rasuwagadhi-Syabru Besi

Nouvel aéroport de Pokhara

Construction d’un port à sec de conteneurs

Développement du site bouddhique sacré de Lumbini

Projet hydroélectrique

Structure hydroélectrique

indo-aryens

tibéto-birmans

groupes revendiquant la créationd’un Etat fédéré autonome

Division éthno-linguistique

Flux de réfugiés tibétains opposés au gouvernementchinois

Camps accueillant les réfugiés tibétains

Projet d’infrastructure chinoise

Projet d’infrastructure indienne

autonomistes au nord

Ces populations tibéto-birmanes,marginalisées par les castes dirigeantesde Katmandou, ont été mobilisées parla guérilla maoïste avec la perspectived’une autonomie fédéraliste. Cette optionest critiquée par la Chine, qui craintla multiplication d’entités politiquesnépalaises fragilisant le contrôle de lafrontière par le gouvernement central.

autonomistes au sud

Les populations de la plaine du Teraï,issues demigrations anciennes venantd’Inde, ont été les premières à souleverla question du fédéralisme, en réclamantun Etat madeshi autonome.Illustration de la boîte de Pandoreouverte par ces revendications identi-taires, le groupe autochtone tharuréclame lui aussi un Etat fédéré propre.

LumbiniLieu de naissancedu Bouddha.

En 2011, la proposition dedéveloppement du site par uneONG chinoise a rencontré uneforte opposition locale, vued’un bon œil par l’Inde.

Frontière ouverte à la libre circulationdes personnes et des biens depuis 1950.L’Inde est le principal partenairecommercial du Népal (55 % des exporta-tions népalaises et 49,5 % des importa-tions). Le Népal appartient à l’Associationsud-asiatique pour la coopérationrégionale : zone d’influence indienne.

200 km

Principaux groupes népalaisGurung

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1

2

GÉOPOLITIQUE

Frédéric Bobin

Pokhara (Népal), envoyé spécial

Assissurlebancd’unlocalexi-gu,DebiRaj Gurungarrive àpeineàcaserunephrase.Sespartisans ne cessent de l’in-terpeller,sontéléphoneson-ne sans répit, il sort parfois

dans la ruelle commerçantedonner l’accola-de, revient s’asseoir sur le bois fendillé ensoufflant dans un sourire. En ces faubourgsdePokhara,citéduNépalcentralentouréedemassifs himalayens, Debi Raj Gurungmènecampagne pour les élections constituantesdu19novembre.

Dhakatopi (calottraditionnel)enfoncésurla tête, épais collier de fleurs jaunes lui cou-vrant le torse, le tribun est un chef gurung(d’oùsonpatronyme).Iln’apasdemotsassezdurspourdénoncerlesméfaitsdu«centralis-me»auNépal, le«déclin»de l’«identité»desGurung – l’une des minorités tibéto-birma-nesdupays–,le«détournement»desressour-ces locales (l’eau notamment) par l’élite deKatmandou. Aux yeux de Debi Raj Gurung,nul doute : l’avenir du Népal réside dans lemodèle fédéral qui permettrait de créer unequinzained’Etats épousant lamosaïque eth-nique du pays. Dont, bien sûr, un «Etatgurung» jouissantd’une largeautonomie.

C’estpeudirequelapetitenationagrippéeà flanc d’Himalaya, coincée entre l’Inde et laChine, est à un tournant de son histoire. LanouvelleAssembléeconstituantecenséesor-tir des urnes le 19novembreaurapourman-datderemettresurlemétierunouvragejuri-dique – une Loi fondamentale révisée– jus-qu’à présent inabouti. L’affaire est crucialecarellemeten jeulacohésionnationaled’unpays d’une grande diversité (on compte unecentaine d’ethnies ou de castes) à l’heure oùleréveildesidentitéscommunautairesattiseles forcescentrifuges.

La précédente Assemblée constituante,élue au printemps 2008, a échoué à redessi-ner l’architecture institutionnelle du Népal.La fragmentation du paysage politique, oùs’illustrent notamment des acteurs nou-veaux (émanations d’ethnies ou de castes),rend de plus en plus difficile l’élaborationd’unconsensus.

La controverse sur le fédéralisme s’est

substituée à la question du communismecomme ligne de clivage principale structu-rant le champ politique. Jusqu’à la fin desannées2000,lepartimaoïste–UnifiedCom-munist Party of Nepal (Maoist) (UCPN-M) –avait réussi à dicter l’agendapolitique népa-lais. D’abord quand il était dans l’insurrec-tion (1996-2006), en plongeant le pays dansune guerre civile qui aura fait 13000 tués.Puis comme principal protagoniste de l’ac-cord de paix de 2006 conclu avec les partisparlementaires libéraux. Aux électionsconstituantes de 2008, il émerge comme leprincipal parti, doté d’unemajorité relative.Cettepositiondominanteluipermetd’impo-ser sans mal la dissolution de la monarchievieille de 239ans, la dernière qui existait enAsieduSud (avec leBhoutan).

Le climat toutefoisne tarderapasà se cris-per autour de plans occultes prêtés à l’U-CPN-M,enparticulierunesupposéestratégiedeconquêteducœurde l’Etatdans lagrandetraditionbolchevique. La volontédesmaoïs-

tes de recycler en grand nombre de leursanciens combattants dans l’arméenationaleavait notamment cristallisé toutes lesfrayeurs,lespartislibérauxyvoyantunputs-chisme rampant. Devant les résistances, ladirectionde l’UCPN-Ma finalementdû com-poser avec le jeu parlementaire et renonceraux rêves de «grand soir». Son chef suprê-me, Pushpa Kamal Dahal, devint ainsi unefigureomnipotente– il futpremierministre–ettrèsàsonaisedanslejeupoliticiendeKat-mandou.

En réaction à cette institutionnalisationdes anciens chefsde la guérilla, l’aileduredumouvementa fait sécession.Unpartimaoïs-te dissident s’est créé en 2012, reprenant letitre originel de Communist Party of Nepal(Maoist) (CPN-M).DirigéeparMohanBaidya,cette faction rebelle a débauchéprèsdu tiers

de l’ex-comité central du parti et l’essentieldesex-combattants.«Nosanciensdirigeantsse sont servis, eux et leurs familles, lorsqu’ilsétaient au pouvoir, ils ont oublié la révolu-tion», dénonce RupeshWangle, le dirigeantde cette «factionBaidya» à Pokhara. Dans lapièce où il reçoit, les murs sont tapissés dedrapeaux rouges et de portraits des patriar-ches de la révolution (Marx, Engels, Lénine,Staline, Mao). S’ils entendent boycotter acti-vement le scrutindu 19novembre –des inci-dents sont à redouter –, ces gardiens dudog-me n’ont pas encore tranché la questiond’uneéventuelle reprisede la luttearmée.

Dans ce contexte d’affadissement du«péril» rouge, la question du fédéralismedominedésormais ledébatpolitique.Certes,la revendication est un sous-produit de lamontée dumaoïsme qui, très tôt, avait jouésur le sentiment d’aliénation des groupesmarginalisés– dalits (intouchables) etmino-rités ethniques – désireux de s’affranchir dela tutelle historique des hautes castes hin-doues brahmanes ou kshatriyas. Afin d’atti-rer ces groupes dominésdans les rangs de larévolution, des promesses leur avaient étéfaites sur leur futureémancipation.

Mais le réveil identitaire qui a suivi chezles Gurung, Tamang, Magar, Rai et Limbus(tibéto-birmans)ou lesTharusetMadeshidela plaine du Teraï (frontalière de l’Inde) estdevenucommeuneboîtedePandore.Lesfor-cesnouvellesquis’enéchappentnesontpluscontrôlées par les maoïstes. Il flotte en cemoment au Népal une animosité – à tout lemoins verbale – entre ethnies et castes quidérape souvent en «discours de haine sur lesréseaux sociaux», regrette, à Katmandou, lejournalisteKundaDixit, rédacteurenchefdel’hebdomadaireNepali Times.

La crise népalaise est scrutée par les deuxgrands voisins, l’Inde au sud et la Chine aunord. Les deux géants d’Asie partagent lamême anxiété de voir un chaos au Népaldéborder ses frontières. Pékin est obsédéparla stabilité de la frontière entre le Népal et leTibet. Et New Delhi veut éviter touteconnexion entre l’aile dure des maoïstesnépalais et les naxalites (insurgésd’extrêmegauche)enIndemême.Maisau-delà,Chinoiset Indiens ne cessent de se livrer à une lutted’influencesurcesflancsstratégiquesdel’Hi-malaya,uneluttequisembletournerdeplusenplusà l’avantagedu«dragon»dunord.p

L’Inde et la Chinepartagentlamêmeanxiété devoirun chaos dans le pays

déborder de ses frontières

VertigepolitiqueauNépalLaquestiondufédéralismeagitecetEtathimalayen,ethniquementfragmenté,

à laveilledesélectionsconstituantesdu19novembre

4 0123Vendredi 15 novembre 2013