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Saint-Nazaire, ville port L’histoire d’une reconquête PLACE PUBLIQUE Philippe Dossal Frédérique de Gravelaine Ariella Masboungi

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l'histoire d'une reconquete

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9 782848 091440

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Saint-Nazaire, ville portL’histoire d’une reconquête

Ville meurtrie, ville-courage, Saint-Nazaire a tellement changé ! Elle aretrouvé la mer, elle a renoué avec son port. Elle a su tirer profit de la basesous-marine léguée par les Allemands et ne craint plus de jouer aussi lescités balnéaires.Ville-port est une opération exemplaire que nous conte Frédérique deGravelaine, auteur de nombreux livres sur l’urbanisme tandis que le journa-liste Philippe Dossal brosse des portraits de Nazairiens confrontés à la méta-morphose de leur ville. Dans sa préface, Ariella Masboungi, l’une des meil-leures spécialistes des projets urbains, tire les leçons de l’expérience nazai-rienne. Les photos sont de Dominique Macel, « l’œil » de Saint-Nazaire depuisune vingtaine d’années.

Place Publique

www.revue-placepublique.fr

ISBN 9782848091440

Couverture : Dominique Macel

Saint-Nazaire,ville port

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PLACE PUBLIQUE

Philippe Dossal Frédérique de Gravelaine Ariella Masboungi

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L’histoire d’une reconquête

Philippe Dossal, Frédérique de Gravelaine, Ariella Masboungi

Place Publique

Saint-Nazaire, ville port

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SAINT-NAZAIRE, VILLE PORT | 5

PréfaceSaint-Nazaire ou la ligne claire

Saint-Nazaire confirme l’intérêt des situations de crise, qui sont autantde leviers pour agir. La ville a subi tous les malheurs : la guerre, la des-truction, une reconstruction peu aboutie, le poids de la base sous-marine,des crises économiques à répétition, une image peu flatteuse. Ville ré-siliente à l’instar de sa grande sœur lointaine, Bilbao, Saint-Nazaire a uti-lisé ses vides et ses friches comme autant d’opportunités. Elle a osé, enpleine crise, lancer une action jugée superflue et coûteuse (l’œuvre deYann Kersalé mettant en lumière la base et le port) à la manière de Bil-bao se payant un Guggenheim dessiné par Gehry. Investir sur la qualitédes espaces publics ou sur des actions culturelles n’était pas plus facileà faire comprendre ici qu’à Bilbao. Mais l’intuition était juste. Ces actionspionnières ont modifié le regard des habitants sur leur ville, ont changédurablement son image, rendant possible la reconversion urbaine dansla durée.

Inventer ses atouts en partant de ses handicaps, c’est révéler l’originalitédu site, valoriser l’architecture de la Reconstruction et son échelle hu-maine, faire de la base sous-marine, héritage détesté de la guerre, unmonument habité, transformer un vide immense en succession de places.

Inventer un autre usage des procédures en les réinterprétant au pro-fit de ses propres projets.

Inventer une maîtrise d’ouvrage sans aménageur. La Ville conduitelle-même les projets, de l’intention à la réalisation. La cohésion pro-fessionnelle serait-elle plus aisée dans une ville moyenne?

Inventer l’argent qui n’existe pas. Credo nazairien: « Avec un projetcrédible et de qualité, le financement ne fait pas problème ». Les faits,à ce jour, semblent le démontrer.

Inventer, par conséquent, un partenariat avec le privé, c’est-à-direpratiquer un urbanisme du contrat, fondé sur la confiance en une po-litique urbaine affirmée.

SAINT NAZAIRE ON A CLEAR LINE

Saint Nazaire is a shining example of resilience. It has hadits share of disaster: war, destruction, incompletereconstruction, a massive U-boat base, economic crashes,a wretched image… But voids and wastelands can beopportunities. It dared launch a spectacular, costlyoperation in mid-crisis that paid off brilliantly. Investing inpublic areas and cultural activities seemed a long shot butit changed the way the locals saw their city and paved theway for a fresh start.Making assets of its handicaps meant turning the hatefullegacy of the war into a living monument and a wastelandinto a series of busy squares.Saint Nazaire has invented its own methods, run its ownprojects from start to finish, snatched money out of theair, developed partnerships with the private sector… It hascreated new poles of attraction to claw commerce andculture back from the outskirts. Ville-Port as a vibrant citycentre is a viable alternative to urban sprawl.

Des espaces publics de qualité dans tous les quartiers, comme ici àSaint-Marc, sur la plage où Tati tourna Les Vacances de Monsieur Hulot.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

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Dans Les 7 Boules de cristal, Tintin part de Saint-Nazaire pour le Pérou.

Inventer des centralités nouvelles qui prolongent le centre existant, lut-tent contre la fuite en périphérie des pôles commerciaux et culturels.Ville-Port crée une alternative à l’étalement urbain.

Être pleinement soi Assumer son identité, c’est le propre des projets urbains d’aujourd’hui.

Saint-Nazaire est allé chercher Manuel de Solà Morales à Barcelonesans prétendre singer La Mecque catalane de l’urbanisme. Le style na-zairien est une œuvre collective due à l’accumulation de talents d’iciet d’ailleurs. Il est fait d’une modernité assumée, d’une identité double– ville de la Reconstruction et ville portuaire – marquée par la lumière,la simplicité, la blancheur, les références navales… Une ligne claire,en somme, comme on l’a dit de l’école de bande dessinée de Hergé,dont le héros, Tintin, prend ici le paquebot pour l’Amérique. Ou com-ment être soi – à la façon d’Anvers, dont le maire, Patrick Janssens, re-vendique d’être « le plus anversois possible », sans trop se soucier desréférences aux autres villes.

Saint-Nazaire a le goût de l’architecture contemporaine au pointd’en constituer un laboratoire. Le durable consiste ici à échapper auxmodes et à agir avec sobriété, comme l’illustrent les dignes espaces publicsde Gérard Penot, le centre commercial de Bernard Reichen ou encore,et c’est plus rare, les logements riches de balcons et d’attentions à l’usage.

Une ligne claire : retrouver la mer et le port, vocation première de laville. Ce qui confirme le credo de Paul Chemetov: défendre une idéesimple comme un « but de guerre », afin de tenir dans la durée du pro-jet urbain. Ce cap n’interdit pas, bien sûr, de s’adapter aux évolutions etau jeu du marché.

Il faut rendre hommage à la démarche stratégique de Manuel deSolà Morales : proposer des interventions minimalistes qui changent lesens des choses et leur échelle, préparent le territoire à ses vocations fu-tures. Chaque action forte rend les autres possibles. L’évolutivité et la lé-gèreté de cette stratégie s’illustrent dans l’occupation de la base où lesconcepteurs se succèdent sans se contredire, Finn Geipel ajoutant unecouche conceptuelle à l’œuvre de Manuel de Solà Morales, autour denouveaux programmes comme le VIP et le LiFE. La ville n’est jamais fi-nie et le programme vient du projet, comme le démontre AlexandreChemetoff sur l’Île de Nantes.

Cette alchimie particulière est le fait d’un maire, Joël Batteux, qui asu se jeter à l’eau et oser l’improbable. Elle est aussi une histoire

IdentityIdentity is the key to urbanisation today. The Saint Nazairestyle is a collective work: modern, with a dual identity (areconstruction and a port), characterised by the play oflight, simplicity, white skies, references to shipping. Saint Nazaire is almost a laboratory for contemporaryarchitecture. A sober farsighted approach that ignoresfashion. It has set its sights on the sea and the port.Manuel de Solà Morales’ strategy: minimalist operationsthat change the meaning and scale of things and pave theway for other actions. A mayor who dared the improbable mobilised manytalented people. Together, they worked to open the city upto the sea. Now they face the challenge of Estuaire, a pioneeringproject on a regional scale, to construct an enduring 21stcentury city.

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Une ville marquée par la lumière, la blancheur, les références navales

d’hommes, d’équipes de statut public et de compagnons au long courstels Gérard Penot qui a su recomposer les espaces de cette ville blessée,Manuel de Solà Morales qui assemble les ingrédients les plus inattenduspour réussir l’ouverture de la ville vers la mer, Finn Geipel qui enrichitl’occupation de la base et lui donne une urbanité, Bernardo Secchi etPaola Viganò qui amplifient le projet urbain pour lui donner une ampleurmétropolitaine, Bernard Reichen qui réalise ici son plus bel ouvragemariant urbanisme et architecture, et tant d’autres… Conjuguer les ta-lents n’est pas évident. Ils peuvent se détruire mutuellement, et le chocdes personnalités a parfois fait quelques dégâts dommageables tel le dé-part de Bernardo Secchi.

Reste à présent à réussir le pari de l’estuaire avec d’autres compa-gnons de route, pour faire œuvre utile et pionnière à la bonne échelle ter-ritoriale, celle de l’espace métropolitain, en attente de projets et deméthodes, pour construire la ville durable du 21° siècle.

Ariella Masboungi

PRÉFACE

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La place de l’Amérique latine et la base sous-marine, vues depuis le balcon du centre commercial Ruban bleu

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PARTIE #1

Part #1

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

La ville sous un tapis de bombes.

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Saint-Nazaire est une ville qui ne faitpas de manières. Elle ne trahit pas sonidentité, aussi difficile soit-elle parfois àassumer : cité « grise » par son architec-ture, et « rouge », ouvrière, mal vue par labourgeoisie régionale. Pourtant, il suffitde venir à sa rencontre pour être conquispar cet effet de « ville réelle » qui touchaitJulien Gracq « jusqu’à l’exaltation ». Il y aici une authenticité, une respiration par-ticulière des espaces, les mouvements delumières, l’âpreté et la simplicité…

Et puis une histoire héroïque qui forcel’admiration : au-delà de toutes lesépreuves, Saint-Nazaire persiste.

Construite de toutes pièces par la volonté des deux Napoléon, réduiteen cendres moins d’un siècle plus tard, re-née de ses ruines, indus-trieuse, combative, menacée à nouveau avec la grande crise des chan-tiers navals à la fin des années 1970, à nouveau redressée autour d’unprojet à la fois économique, urbain et culturel qu’elle cultive depuis plusde vingt ans, avec opiniâtreté et avec talent.

Cette énergie prométhéenne fait de Saint-Nazaire un emblème dela capacité à transformer l’impossible en possible – alors que tant d’au-tres s’évertuent à rendre impossible le possible.

De cette histoire brève et tourmentée, Joël Batteux, maire de la mé-tamorphose, tire une leçon qui influence toute son action : « L’his-toire, nous l’avons pour l’essentiel devant nous. Cela a un avantage :contrairement aux cités anciennes dont le charme s’impose, ici onpeut se sentir acteur de l’histoire. » À condition d’aimer la bagarre.

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Comment rendre possible l’impossible

DOING THE IMPOSSIBLE

Saint Nazaire does not put on airs: its walls are grey, itspolitics, red, but the city has a genuine feel, a particularway of breathing, rough and simple. And a heroic past:it was built by two Napoleons and fire-bombed a centurylater; was knocked down by the shipbuilding crisis inthe late 1970s and then launched a vast economic, urbanand cultural project. Saint Nazaire embodies the ability to do the impossible:as the mayor who piloted the metamorphosis, JoëlBatteux, said, its history lies ahead. But it will be a fight.

Avec la Reconstruction, l’axe de la ville pivote à 90° et Saint-Nazaire perd sa relation à la mer et aux docks ; la base sous-marineédifiée par l’armée allemande sur l’ancienne darse des transatlantiques bloque tout développement du port.

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La ville du 19e siècle, socle des mutations en cours« Avant dix ans, Saint-Nazaire sera le Liverpool de l’Ouest. »Henri Chevreau, préfet de la Loire-Inférieure de 1853 à 1863.

La légende place parfois ici le port antique de Corbilo. Grégoire deTours en cite la basilique au 6e siècle. En 1808, lorsque Napoléon 1er vi-site Saint-Nazaire, ce n’est qu’un village pauvre, abri des pilotes quiguident les bateaux dans l’estuaire. Après avoir décidé les développementsdu Havre et de Cherbourg, l’Empereur imagine ici un vaste port, dontles premiers travaux commencent en 1812, interrompus par les chan-gements politiques puis freinés par l’hostilité de Nantes, qui craint de per-dre son positionnement portuaire et la prééminence de ses armateurs.Le Second Empire passe outre – stimulé par l’essor des lignes transat-lantiques – et un premier bassin à flot est inauguré en 1857. La « petiteCalifornie bretonne » se développe alors spectaculairement : de 2 500âmes en 1857 à 15 000 en 1865 et 21 000 à l’ouverture du second bas-sin, en 1881 (36 000 en 1940). Son commerce maritime atteint 500 000tonnes en 1864 et 2 700 passagers sur les 14 paquebots de la Compagniegénérale transatlantique vers les Antilles et Panama. Ce mouvementdonne aussi naissance aux chantiers navals des frères Pereire. La villeneuve rectiligne déborde rapidement le Petit Maroc et ses venelles,s’étend autour des quais et dans la campagne. Sur le front de mer, les pro-moteurs, encouragés par l’arrivée du chemin de fer, édifient des villasde style victorien et un casino, indispensable à toute cité balnéaire.

Cette ville-là a été perdue avec la Seconde Guerre mondiale. Lesbombardements alliés l’ont rasée faute de réussir à détruire l’énormebase sous-marine bâtie par l’armée allemande1. Puis la Reconstruc-tion, opérée sous la houlette du Grand Prix de Rome Noël Le Mares-quier, l’a détournée de son axe : la ville ne descend plus vers son port,

PARTIE #1

THE 19TH-CENTURY CITY BENEATH THE CURRENT CHANGES

In 1812 Napoleon I launched construction of a vast portat Saint Nazaire. Despite political upheavals and thehostility of Nantes, the first wet dock opened under theSecond Empire in 1857. The city prospered withmaritime trade and liners crossing the Atlantic: thePereire shipyards flourished, the railway arrived andVictorian villas and a casino lined the seafront.That city was razed by Allied bomb attacks in WWIItrying to destroy the huge German U-boat base. Thereconstruction directed by Noël Le Maresquier turnedthe city inwards parallel to the docks. A green beltseparated residential and port areas and the massivebase blocked the view and access to the sea. Saint Nazaire lived on shipbuilding and the aeronauticalindustry. It became a pugnacious working class cityrather than a seaside resort. But, faced with a newcrisis, it analysed its history and decided to reclaim thesea and its port. So the 19th century city underlies thechanges of the last twenty years.

1. Saint-Nazaire a été la dernière ville libérée (la résistance allemande tombe seulement le 11 mai 1945) et les travaux dedéblaiement, commencés en 1946, durent deux ans.

La naissance d’une ville : vues de Saint-Nazaire en 1830, 1886, 1933.D’abord, un simple promontoire rocheux, puis un port et une ville nou-velle. En 1933, la ville au plan déjà orthogonal gagne vers l’ouest.

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UNE VILLE À L’UNISSON ?

mais se compose parallèlement aux bassins, vers l’intérieur. Les fonc-tions sont dissociées, une coulée verte est même prévue pour séparerl’habitat des docks. La gare n’amène plus les voyageurs sur les quais –faute de trafic transatlantique. La base, symbole de la destruction, im-pose sa masse (300 mètres de long, 18 de haut), verrou qui bloque lavue sur le port et coupe l’accès à l’eau.

Saint-Nazaire vit ensuite au rythme de ses industries, constructionnavale et aéronautique essentiellement car les activités portuaires se dé-

La ville a été rasée par les bombardements alliés qui cherchaient à dé-truire la base sous-marine. Sans succès : elle est restée quasi intacte.

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placent vers Montoir et Donges. Sa culture ouvrière puissante, forgéedans des luttes vigoureuses et dans la fierté constructive (symbolisée parle paquebot France), la détourne d’une identité balnéaire que La Baule,à quelques kilomètres de là, développe avec succès.

Pourtant, dès que Saint-Nazaire analysera son histoire pour survivreà la crise qui la menace à nouveau, l’objectif de la reconquête de la meret du port va s’imposer. Ainsi la ville du 19e siècle est-elle devenue lesocle des mutations en cours depuis une vingtaine d’années.

PARTIE #1

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Saint-Nazaire a été le seul chantier fran-çais à survivre à la crise de l’industrie na-vale grâce au marché des paquebots decroisière.

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Survivre à la crise:retrouver le sens de la ville« Ce qui donne sens au projet, c’est l’idée d’origine de retourner la ville vers la mer. Cette idéea su fédérer car elle répondait aux besoins des Nazairiens, qui avaient vécu tant de difficultés. »Bernard Sébilo, ingénieur en chef à la ville de 1973 à 2009.

À la fin des années 1970, la construction navale française connaît unmarasme gravissime dû à la fin des supertankers et à la concurrence deschantiers asiatiques : des milliers d’emplois sont menacés et la restruc-turation complète de l’outil industriel s’opère au cours des années 19802.

Saint-Nazaire sera le seul chantier français à renaître, grâce aux im-menses paquebots de croisière. Mais, avant la commande du premier deces géants, le Sovereign of the Seas3, la ville cumule les handicaps : plusde 20 % de chômeurs, taux alors rarement atteint en France ; appareilcommercial vieilli ; urbanisation diffuse dans la campagne et le longde la voie rapide qui contourne la ville pour atteindre rapidement lesplages de Pornichet et de La Baule ; rapports difficiles avec Nantes, quicapte tout le développement tertiaire, les services, l’enseignement su-périeur, la recherche… « C’était à se demander si cette ville avait en-core un avenir », rappelle Jean-François Guitton, architecte impliquédans les équipes nazairiennes dès 1972. Ce proche collaborateur deJoël Batteux a en particulier été à l’origine du Plan de référence qui, dèsle début de la décennie 1980, a mis la ville en ordre de bataille.4

Les dysfonctionnements diagnostiqués : absence d’un centre iden-tifié et départ de l’activité commerciale vers l’extérieur, espaces pu-blics peu valorisés, front de mer et docks ignorés… À partir de cesconstats, le Plan de référence définit des axes de travail : ouvrir la villesur son port et l’océan, conforter le centre, mieux vivre dans les quar-tiers, diversifier l’économie, investir sur la formation.

Cette vision perdure jusqu’à aujourd’hui. « Mais faire admettre auxNazairiens cette identité maritime n’a pas été facile, aussi étonnantque cela puisse paraître ! », analyse Joël Batteux.

PARTIE #1

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WEATHERING THE STORM: FACING THE SEA AGAIN

The crisis in the French shipbuilding industry in the late1970s left Saint Nazaire with 20% unemployment,antiquated facilities and scattered urban development.Relations with Nantes, which drew all tertiary activities,services, higher education and research, were strained.Orders for gigantic cruise ships in the mid-80s gave thecity a new lease on life. But a diagnosis in the early1980s pinpointed the lack of a clearly identified citycentre, the migration of business activities to theoutskirts, unattractive public areas, neglect of theseafront and the docks. The master plan aimed to openthe city to the port and the sea, consolidate the centre,improve living conditions, diversify the economy andinvest in training. “Strange as it may seem, it was not easy to get thepeople of Saint Nazaire to accept this maritime identity,”Joël Batteux.

2. 1983 : naissance d’Alsthom-Atlantique-Dubigeon-Normandie ; 1987 : fermeture des Chantiers Dubigeon à Nantes. 3. Commande signée le 29 juillet 1985, livraison en décembre 1987, un tour de force. Ce marché de la croisière reste flo-rissant jusqu’en 2004 : 40 navires livrés jusqu’en 2010. Aujourd’hui, une nouvelle crise menace les chantiers européens. 4. Il a en particulier dirigé la délégation au développement urbain en 1995 puis la Carene (Communauté d’agglomération dela région nazairienne et de l’estuaire) jusqu’à son départ en retraite, en 2010.

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PARTIE #1

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Le Paquebot:redonner vie au centre« Je découvrais cette ville inachevée, pleine de vides. Mon diagnostic : il faut crever l’abcèslà où il est, c’est-à-dire marquer d’un élément fort l’endroit même où l’activité périclite. » 6

Claude Vasconi, architecte

La construction du « Paquebot », c’est à la fois le premier signal de la re-naissance nazairienne et le symbole de ses méthodes – ou comment rele-ver des paris fous. L’aventure commence en 1986, quand la Chambre decommerce et d’industrie, à la recherche de solutions pour sauver le cœurde ville, consulte Claude Vasconi. L’architecte imagine une halle, posée aucroisement des deux avenues principales. La CCI propose l’idée au maire,d’abord méfiant puis convaincu: le projet devient celui de toute la ville.

Ce n’était pas une mince affaire. « Les grands opérateurs de centrescommerciaux que nous avions contactés refusaient d’investir ici » : se-lon Laurent Théry, alors délégué au développement, la qualité du pro-jet urbain et architectural a beaucoup joué dans le succès.

Décisive aussi, la manière dont l’équipe a su lever les obstacles et as-surer la faisabilité administrative, financière et technique du projet,présenté clé en mains – les promoteurs n’ayant plus qu’à assumer lerisque commercial. Il a fallu obtenir le déclassement de la route natio-nale qui traversait la ville, trouver les subventions qui ont permis d’ins-taller au premier étage du bâtiment la délégation à l’aménagement,convaincre les investisseurs de respecter le projet de l’architecte, ré-aménager l’ensemble des espaces publics du « centre République »…

Vrai tour de force, tout cela s’est fait en trois ans – fin 1988, le Pa-quebot est inauguré.

« On a travaillé dans l’urgence mais créer la première constructionmoderne à Saint-Nazaire a tout déclenché », raconte Bernard Sébilo,alors ingénieur en chef à la ville. Claude Vasconi, se souvenant decette opération « avec tendresse », a expliqué que le bâtiment, « en mo-difiant l’échelle des espaces, donnait aux gens l’envie de s’y retrouver,de se frotter ». Il est devenu évident, pour les habitants comme pour lesvisiteurs, que la ville commençait à se transformer.

THE PAQUEBOT: REVIVING THE CITY CENTRE

The Paquebot was the first sign of Saint Nazaire’s rebirthand a symbol of its fighting spirit. Wanting to regeneratethe city centre, the Chamber of Commerce and Industryasked architect Claude Vasconi to design a market placeat the intersection of the two main avenues; the projectwas quickly adopted by the city. There were majorhurdles to be overcome to ensure its administrative,financial and technical feasibility and present a turnkeyoperation to reluctant investors, but the Paquebotopened only three years later, in 1988. It was thespearhead of Saint Nazaire’s transformation. The changein scale was a powerful attraction and the partnershipbetween the city and the Chamber of Commerce wasconsolidated with the university project in 1989 or theRuban Bleu ten years later.

Grâce au Paquebot, centre commercial conçu par Claude Vasconi aucœur de la ville, le centre change d’image. Ce projet fondateur com-mence à dessiner le style nazairien.

5. In Projet Urbain n°17, « Saint-Nazaire – Assumer sa modernité » (dir. A. Masboungi, réd. F. de Gravelaine), ministère del’Équipement, juillet 1999.

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PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

Bruno Hug de LarauzeLa mer, c’est aussi la plage

Patron d’une entreprise de logistique portuaire et président de la Chambre de commercede Saint-Nazaire, Bruno Hug de Larauze est un observateur attentif des changements à vuequi s’opèrent autour du port. Toutes les facettes de cette mutation intéressent ce Ligériend’adoption, implanté dans la métropole Nantes/Saint-Nazaire depuis une petite vingtained’années. « J’ai été conquis par les valeurs humaines de l’Ouest, par la qualité des savoir-faire – la métropole abrite une industrie très haut de gamme – et par le fait qu’ici il n’y apas de caste, mais une volonté commune de réfléchir à l’avenir. Bref, je suis tombé en amourde Saint-Nazaire, comme disent les Québecois ».La mutation du quartier Ville-Port, Bruno Hug de Larauze l’observe sur trois principaux registres:la métamorphose physique du quartier, la nouvelle géographie du commerce et la place desactivités industrielles autour des bassins. À la fois enthousiaste – « il est important deconstruire des points d’ancrage forts pour cette ville » – et inquiet pour l’avenir de cer-taines activités – « j’ai peur que ça ne se fasse au détriment de l’industrie » –, il plaidepour le respect des intérêt bien compris des uns et des autres dans un quartier qui a com-plètement changé de visage mais aussi de vocation en quelques années.« Tout ce qui participe à redonner de la vie me semble positif, à l’image de Cinéville ou de Ru-ban Bleu. Il faut attirer les jeunes, les étudiants, dans le centre, montrer que Saint-Nazaireest une ville jeune. Pour autant la cité portuaire ne doit pas oublier qu’elle est une place in-dustrielle de premier plan, qui a besoin de ses entreprises. Or un certain nombre de ces en-treprises sont implantées autour des bassins ». Bruno Hug de Larauze redoute que lesnuisances « même si on peut les limiter », sonores et olfactives, provoquées par certainesindustries, soient mal vécues par les nouveaux arrivants dans le quartier et souhaite qu’unezone tampon soit instituée entre les résidences et la zone industrialo-portuaire. « Le retour versla mer, ce n’est pas seulement les bassins, c’est aussi la plage. Le front de mer est désormaisplus beau que celui de La Baule. C’est, de mon point de vue, de ce côté-là qu’il faut étirer laville. La densification de l’habitat au sud me paraît une bonne chose. »Le président de la Chambre de commerce se réjouit, en revanche, de la place de choix ré-servée aux activités commerciales près de la base sous-marine. « Ruban bleu est une réus-site architecturale. Il faudrait maintenant parvenir à l’arrimer au centre-ville en créant uncontinuum commercial avec le Paquebot de Vasconi, de façon à créer une véritable cen-tralité ». Mais le responsable économique ne boude pas son plaisir lorsqu’il contemple lechemin parcouru depuis une dizaine d’années autour de la base. « C’est un espace ouvertet plutôt réussi. » Et de confesser une réelle fascination pour les éclairages de Kersalé quiont été, dans les années quatre-vingt-dix, le signal de départ des bouleversements qui voientprogressivement le jour sur le port.

BRUNO HUG DE LARAUZETHE SEA MEANS BEACHES TOO

Director of a logistics company and chairman of the localChamber of Commerce, Bruno Hug de Larauze isparticularly attentive to the physical transformation ofthe port, the new business venues and the place ofindustry around the docks. He is both enthusiastic andanxious, wanting to anchor the city in the docks, but notat the expense of industry. The Ruban Bleu and Cinévilleare fine, but Saint Nazaire cannot do without itsindustries. A buffer zone between the housing blocksand the industrial park would attenuate noise andsmells. But the sea means beaches as well as docks. Theseafront now outclasses La Baule and housing shouldbe developed to the south. “Ruban bleu is a great complex. Now it needs to bemoored to the city centre to make a business continuumwith Vasconi’s Paquebot.” Delighted with theachievements of the last ten years, he confesses to areal fascination for Kersalé’s lighting of the docks in the1990s, which triggered the whole process.

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Initié grâce au Paquebot, le partenariat entre la Ville et la Chambrede commerce s’est conforté ensuite, par exemple lorsqu’il a fallu par-tager l’investissement pour faire venir l’université, en 1989 ; ou, dixans plus tard, pour imaginer le Ruban Bleu, un nouveau pari urbainet commercial.

PARTIE #1

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Le traitement des espaces publics autour du Paquebot a contribué à relancer les commerces.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

L’invention de l’espace public: le style nazairien« C’était une effervescence fabuleuse. En quelques mois il fallait transformer complètementle centre-ville, faire d’une route nationale une avenue. L’Atelier dessinait le projet au fur età mesure. On avançait ensemble, pour la qualité urbaine, avec une foi de charbonnier. » Gérard Penot, urbaniste

« Ce fut la deuxième reconstruction. La ville fonctionnait – l’eaucoulait dans les tuyaux mais il fallait qu’elle devienne plus agréable àvivre », raconte Bernard Sébilo. Comme lui, l’ingénieur, Gérard Penotl’urbaniste décrit « l’esprit pionnier » avec lequel a été réalisé le cen-tre République, le maire arbitrant sur le terrain les désaccords entre lui,Vasconi et les services techniques. « L’enjeu était simple, aménager lacroisée de la ville, mais il fallait inventer des pratiques, mettre au pointdes outils. En France, à l’époque, il n’y avait aucune démarche surles espaces publics. Il n’y avait même pas de catalogues – il fallait pio-cher dans les catalogues allemands (simples, solides et gris) ou parmiles produits barcelonais, colorés, inspirés par la tradition de la céra-mique et qui se sont avérés peu résistants au gel… »

Barcelone, alors en pleine mutation, est en train de devenir la ré-férence en matière de projet urbain : Gérard Penot y amène Joël Bat-teux, Laurent Théry, les patrons des services techniques, BernardLehoussine et Bernard Sébilo… Un voyage qui a soudé l’équipe.

Le centre République a été une révolution culturelle dans cetteville fière de son savoir technicien. Respect réciproque et vives en-gueulades ont forgé les relations entre les services et l’Atelier Ruelle deGérard Penot. « Nous n’étions pas habitués à voir des architectes in-téressés par le paysage urbain, dit Bernard Sébilo. On s’est fâchés sou-vent. C’est difficile pour celui qui se sent tenant des lieux de voir arriverdes concurrents… Mais je voulais construire, changer cette ville mo-notone. » Gérard Penot : « C’est important de concevoir avec ceuxqui font la ville et qui l’entretiennent, tout comme il est essentiel queles services partagent une culture de projet. » Choisi par Joël Batteuxjustement en raison de son expérience de travail avec des services tech-niques, l’urbaniste a ensuite été impliqué dans les autres aménage-ments (« Personne ne répondait aux consultations, les professionnels

DESIGNING PUBLIC AREAS:THE SAINT NAZAIRE STYLE

Chief engineer, Bernard Sébilo, urban planner GérardPenot, the mayor Joël Batteux and the city’s engineeringand design departments hammered out a concertedapproach to embellish the city. The development ofpublic areas was new in France at the time. A trip toBarcelona bound the multidisciplinary team together andthey worked in a pioneering spirit to design andimplement a characteristic style for vast areas in thecentre of Saint Nazaire on a tight budget, economising insome areas to make a special effort in others, such asthe station square. So the Saint Nazaire style is simple: asphalt footpathsthat gleam after the rain, a few strips of paving stones,lines of trees and palms as an echo of the greattransatlantic voyages. The architecture takes itsinspiration from the shipyards, the 1930s and theReconstruction. The idea is to show the ever-changingskies of the estuary: here the style truly expresses thecity’s personality.Few communes have enjoyed such continuity: the samespirit is found in the housing estates, in Ville-Port andthe seafront built by other architects.

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ne connaissaient pas Saint-Nazaire »), ce qui lui a permis d’animerdans la durée une équipe de maîtrise d’œuvre urbaine.

Cette manière de fabriquer l’espace public joue un rôle clé dans ladéfinition du « style nazairien », tout comme l’élaboration d’une « stra-tégie de la dépense » que Gérard Penot juge essentielle car elle donneforme à la stratégie du projet : « Compte tenu de la quantité des espacesà traiter – ici, les territoires sont vastes – il fallait travailler avec peud’argent, en économisant suffisamment pour se payer un effort parti-culier sur certains sites, comme la place de la gare. »

Le style nazairien sera donc simple : des asphaltes sur les trottoirs, quisavent prendre la lumière après la pluie, quelques bandes de pavéscontinues, des lignes d’arbres, mais aussi des palmiers, en écho auxvoyages transatlantiques. Dans le même esprit, l’architecture s’inspirede la Navale, des années 30, de la Reconstruction. L’idée est de don-ner à voir ces émouvants ciels d’estuaire sans cesse en mouvement.On est loin des images fabriquées pour les médias : le style, ici, ex-prime la personnalité de la ville.

Peu de communes connaissent une telle continuité. C’est le même es-prit qui inspire les aménagements dans les quartiers d’habitat social, surles espaces de Ville-Port ou le front de mer avec d’autres concepteurs.

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PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

Martin Depaule et Aurore DebierreLa ville prend de la gueule

« La muséification de certaines villes me fait peur. Ici la norme est inversée, on casse leplan de l’après-guerre pour donner un nouveau visage à Saint-Nazaire. Du Petit Caporalà la base, la ville est en train de prendre de la gueule. » Martin Depaule exprime un véri-table attachement pour Saint-Nazaire, cette ville qu’il a adoptée récemment, lorsque sacompagne, Aurore Debierre, a pris ses fonctions au lycée expérimental, à la rentrée 2007.Ils n’ont pas hésité une seconde, eux les jeunes nomades, familiers des grandes métro-poles – Martin a vécu quelques années au Caire – mais aussi amoureux des grands espacescomme la montagne ardéchoise, lorsqu’il s’est agi de poser leurs valises, avec leursdeux jeunes enfants, en bordure de l’Atlantique. « On aime bien cette ambiance de portsreconstruits, comme Le Havre ou Brest, cette atmosphère de ville portuaire où l’on entenddu bruit, où l’on voit de la fumée, des bouts de bateaux… ». Pour ce peintre en bâtiment,titulaire d’une licence de sociologie, qui fut décorateur de cinéma dans une autre vie,« Saint-Nazaire, c’est la ville anti-parisienne type. Elle n’est pas glamour, mais elle aune forte identité ouvrière, sociale, solidaire, où l’on trouve de la douceur et de la simplicitédans les rapports humains, des gens gentils, à l’écoute, faciles d’accès. »Le hasard des annonces immobilières les a conduits à s’installer dans un grand appartement,avenue de la République, donnant sur le Paquebot. Ils apprécient tous deux l’espace que leuroffre ce logement d’après-guerre tout comme l’ouverture des perspectives de la ville quis’étend à leurs pieds. « Ici, en une demi-heure tout est réglé à pied ». Et leurs pas lesconduisent volontiers vers les bassins, via Ruban Bleu. Certes, Martin Depaule se dit unpeu attristé par le fait que ce soit un « pont commercial » qui relie le centre au quartierVille-Port, mais concède, finalement, que ce passage « marche bien ». Son lieu de promenadepréféré reste toutefois le bord des bassins. Il a d’ailleurs travaillé à la décoration du Base-bar, installé dans l’une des alvéoles de la base, qui s’est imposé comme l’un des joyeuxlieux de rendez-vous du quartier. Aurore, qui a vécu quelques années en Écosse, a d’ail-leurs mis sur pied une soirée pop avec Habib le créateur de l’établissement, également fon-dateur de l’Appart. « Il y a une vue extraordinaire sur le port depuis le bar », ajoute Martin,qui confie que l’un de ses grands plaisirs est, à l’occasion d’une performance au LiFE, « d’al-ler fumer une cigarette en bordure du bassin. ». La petite famille fréquente également Cinéville« dans cette ville où l’offre culturelle est assez incroyable, avec le VIP, le LiFE ou le Grand Café. »Une interrogation toutefois : que feront-ils lorsque leurs enfants atteindront l’adoles-cence, eux qui ont vécu leur jeunesse dans de grandes métropoles, profitant du foisonnementdes grandes cités ? Aurore et Martin ne le savent pas encore. Saint-Nazaire n’est pas, à leursyeux, une ville de rêve pour les jeunes gens, faute de proposer la joyeuse effervescencedes cités étudiantes le soir. Il est encore un peu tôt pour écrire la suite mais, quoi qu’il ensoit, aujourd’hui, « pour des trentenaires avec enfants, c’est parfait ».

MARTIN DEPAULE AND AURORE DEBIERRESTARTING TO LOOK GOOD

“I hate to see a city turned into a museum. Here it’sthe opposite: the post-war plan is being broken up togive the city a facelift. It is starting to look good.”Martin Depaule and his teacher partner AuroreDebierre moved here in 2007 with their two smallchildren. “We like the atmosphere of a port that hasbeen rebuilt, with its noise and smoke and bits ofboats…” For this house painter, sociologist, formerfilm-set maker, Saint Nazaire is the opposite of Paris.No gloss, but a strong working class culture,solidarity and gentle, simple relationships. Nicepeople, good listeners, easy to get to know.”They have a spacious apartment overlooking thePaquebot, with everything they need in the vicinity.Martin is sorry to see “a commercial bridge” link thecentre to Ville-Port, but concedes that it works. Butthe docks are their favourite haunt – the Base Bar,Cinéville. “There are incredible cultural activities onoffer here: VIP, Life or the Grand Café.”Perfect for couples with young children, but perhapsnot so good for teenagers

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André Simon L’estuaire vu de sa fenêtre

« Je n’en reviens pas du trafic qu’il peut y avoir sur le fleuve. Les remorqueurs sont toutle temps sortis.» André Simon ne cache pas le plaisir qu’il éprouve à contempler la viede l’estuaire depuis l’appartement qu’il occupe désormais, avec son épouse Marylène, auseptième étage de la résidence Calao, au Petit-Maroc.Ce plombier, d’origine brestoise mais installé à Saint-Nazaire depuis près de quarante ans,découvre autour du port une activité qu’il ne soupçonnait pas. « Et pourtant nous avonsdéménagé huit fois depuis notre premier logement dans une tour, au quinzième étage àla Chesnaie. Toujours dans des logements HLM. C’est un choix que nous avons fait assezvite, après une expérience malheureuse d’accès à la propriété. » Leur précédent loge-ment, situé dans le quartier de Kerlédé, était devenu trop grand après le départ des en-fants. André et Marylène, coiffeuse à domicile, ont donc souhaité bénéficier d’unappartement plus petit. « Au bout de deux ans, on nous a proposé celui-là, sur plans, auPetit-Maroc. C’était difficile de se rendre compte. » Depuis, André Simon le confie volontiers, il se félicite chaque matin de ce choix, qui luipermet d’embrasser un panorama unique et toujours changeant au travers des grandesbaies vitrées qui trouent son salon. « Je suis heureux ici. Et puis le quartier est sympa.Il y a tous les commerces au pied du Building : boulangerie, pharmacie, bureau de tabac,PMU… » André Simon, qui n’aime guère les grandes zones commerciales, se réjouit ausside la présence d’un supermarché près de la base, qui lui évite de se rendre dans des« zones industrielles » comme celle de Trignac. Ces quelques mois passés au Petit-Marocont complètement changé sa représentation du port. « Tous ces bateaux, ce trafic, cesont des choses que je ne connaissais pas. Quand on est de l’autre côté de la pointe, onne voit pas tous ces mouvements. » Le plombier se remémore même une certaine réti-cence à venir se promener aux abords des bassins. « On a mis trois ou quatre ans avantde venir visiter Escal’Atlantic. C’était froid, ça ne donnait pas envie. C’était du béton. Labase, quoi. »

ANDRÉ SIMONTHE ESTUARY FROM HIS WINDOW

“Amazing how much traffic there is on the river. Thetugs are always out.”André Simon, a plumber, and Marylène, a homehairdresser, never tire of the view over the estuaryfrom their seventh-floor flat in the Calao housingestate in Petit Maroc. Forty years in Saint Nazaire,and eight moves.“I’m happy here. It’s a nice area. All the shops youneed just outside the Building.” He does not care for huge shopping malls but likesthe supermarket at the base. The Simons now have adifferent idea of the port and its ships, but it wasthree or four years before they went to seeEscal’Atlantic. “It was cold, not very inviting. Allconcrete. It’s the base, eh?”

PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

La méthode globale« Il fallait construire un projet global, à la fois urbain, économique, social, culturel, afin decombiner tous les atouts de ces territoires – une réponse à tous ses handicaps. »Laurent Théry, délégué au développement jusqu’en 1995, directeur de la Samoa à Nantesdepuis 2003.

Le Projet global de développement (PGD) est préparé en 1989 aprèsl’analyse pluridisciplinaire d’experts qui dressent un état des lieux peuenthousiasmant: pas d’avenir pour les Chantiers, une économie sous per-fusion, un très lourd problème d’image… Exemple: si Lille et Saint-Na-zaire obtenaient des crédits de l’État, la Voix du Nord titrait : « Bienjoué M. Mauroy » et Ouest-France : « Une bouée pour la Navale ».

Croiser les expertises a amené l’idée que la ville est un sujet de déve-loppement à part entière. « Il fallait attirer les investisseurs en faisantconnaître la réalité de la ville, ses atouts, son paysage futur », résume JoëlBatteux: « Nous avons décidé de faire la ville pour la ville, pour la vie etpour le plaisir. La ville, ce costume inconfortable, dont l’architecture raideet froide n’était pas bien acceptée, mais qui avait la capacité d’évoluer. »

Le PGD, réactualisé à chaque mandat municipal, est un outil straté-gique, qui permet de mobiliser les acteurs et les financements, autourd’une planification territoriale matérialisée dans des opérations spécifiques.

La cohérence du projet est le fruit de la rencontre entre un territoire,une démarche, des hommes – et le premier d’entre eux, Joël Batteux,élu depuis 1977, d’abord adjoint à l’urbanisme puis premier adjoint,maire en 1983, président de la Communauté d’agglomération dès sacréation en 20016. Ingénieur chimiste de formation, jacobin, forte têtedu parti socialiste (qu’il a quitté à deux reprises), il a impulsé la mu-tation, fédérant les énergies, sachant se nourrir des rencontres, cha-rismatique – et autoritaire. L’avenir de Saint-Nazaire, il l’a rêvé autantque fabriqué, avec des intuitions décisives, un sens du risque politiquedont peu de maires font preuve. En cela, il compare le travail du po-litique à celui de l’artiste : « Leur talent est de révéler au collectif ce qu’iln’exprime pas de manière explicite. Ils ont en commun la créativité,comme le chercheur, dont la seule certitude est de savoir que, s’il necherche pas, il ne trouvera rien. »

A GLOBAL APPROACH

The global development project (PGD) was drawn up in1989. The outlook was bleak: no future for the shipyards,a heavily subsidised economy, a disastrous image. Thecity itself became the project. The PGD, updated afterthe local elections, is a strategic instrument formobilising operators and investors for specificoperations within a global approach. The key figure in the approach is Joël Batteux, achemical engineer, mayor in 1983, chairman of the urbanjoint authorities since 2001. The future of Saint Nazaireis his dream and his handiwork. He sees the politician asan artist who reveals to the community what it knowsimplicitly.Yann Kersalé’s lighting of the docks and the U-boat basein 1990 was brilliant illustration of this unusual attitude.A costly operation which acted like an electric shock,boosting the locals’ pride, attracting visitors, bringingthe city closer to the port, changing the perception ofindustrial facilities and the submarine base. “It is all inthe telling.”From then on, “something new” was possible on theport. Resident writers, music festivals, art exhibitionsare now part of life in Saint Nazaire.The lighting of the docks was emblematic of the city’sapproach. Firstly, the idea that money is not a problem.The mayor had to demonstrate that an attractive urbanproject can create the funding: subsidies of all kinds,European grants, local partnerships, innovationincentives, sustainable development commitments andso on.For Laurent Théry, it is a matter of priorities: “why?”comes before “how?” He is convinced that an urbanproject must be given as much freedom as possible tojuggle with procedures and set up complex fundingarrangements.Saint Nazaire has been particularly inventive in itsmethods. This creativity was incarnated in 1989 by the6. Ses mandats en cours seront les derniers, a-t-il annoncé.

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Une aventure incarne cette posture rare, la mise en lumière desdocks et de la base par Yann Kersalé, en 1990: l’artiste a imaginé un pro-jet à l’occasion d’une fête, beaucoup trop cher pour une seule soirée.Mais Joël Batteux comprend la puissance de l’idée, qu’il décide deréaliser de façon pérenne. Sept millions de francs, pour une œuvred’art, en pleine crise des chantiers navals… Le maire a mis sa démis-sion dans la balance pour obtenir l’accord du conseil municipal, puiss’est démené pour trouver l’argent. L’effet produit le récompense, « unélectrochoc », qui a réveillé la fierté des habitants, attiré les visiteurs,rapproché la ville de son port, transformé le regard porté sur l’outilindustriel et sur la base, dont Joël Batteux est convaincu qu’il faut la voircomme un monument et non plus comme une cause de souffrance :« Si nous avions eu une cathédrale, nous l’aurions éclairée ». Il citel’écrivain italien Guiseppe O. Longo – « tout est dans la narration » –pour expliquer : « Nous ne percevons la réalité que lorsqu’elle est ra-contée, et la force des artistes est de voir l’essentiel. »7

PARTIE #1

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Mise en lumière du port et de la base sous-marine : Yann Kersalé, « La Nuit des docks », 1990.

Les logements réalisés par le promoteur ING avec l’architecte Nicolas Michelin : pas de poteaux dans les angles, des balcons comme des plongeoirs sur la Loire, isolation par l’extérieur (panneaux d’aluminium), capteurssolaires sur les toits pour l’eau chaude, jardin conçu par West 8 (paysagistes hollandais) sur le socle.

city’s regional development team, headed by LaurentThéry, (La Délégation au développement de la régionnazairienne). The team looks at the big picture. Itconsults experts but is not a design office. It advises thecity councillors who are the sole decision makers. Itworks with public and private operators of all kinds anddraws up specifications. This transversal strategystructure became an urban planning agency (Addrn) in2007, working for two joint urban authorities, Carene andCap Atlantique. The “Déleg’” has been involved in major projects in SaintNazaire. But its great work is Ville-Port.

7. In Penser la ville par la lumière, (dir. A. Masboungi, réd. F. de Gravelaine), Projet Urbain, ministère de l’Équipement, Édi-tions de La Villette, 2003.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTEUNE VILLE À L’UNISSON ?

Des vues du festival Les Escales qui témoignent bien de la place tenue par les artistes dans le projet urbain.

À partir de l’intervention de Kersalé, « quelque chose de nouveau » de-venait possible sur le port8. Depuis, Saint-Nazaire entretient avec les artistesune relation intime, pour inviter des musiciens (en particulier au festivalles Escales), accueillir des écrivains en résidence (dans la Maison des écri-vains étrangers et des traducteurs), exposer des plasticiens (au Grand Café ouà l’occasion de la biennale Estuaire)... Leur travail à tous fait partie inté-grante du projet nazairien, « d’une manière magique, indicible mais es-sentielle car elle a influencé notre regard sur la ville », dit Laurent Théry.

L’histoire de la mise en lumière est emblématique de la démarchenazairienne. D’abord l’idée que l’argent n’est pas un problème. Joël Bat-teux l’affirme : « Ce qui manque, ce n’est jamais l’argent mais les pro-

8. « La Nuit des docks » a été éteinte en 2009, à la demande de l’artiste, faute du renouvellement qui aurait maintenu l’in-tégrité de l’œuvre.

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PARTIE #1

jets enthousiasmants, qui séduisent les investisseurs et emportent les dé-cisions. » Il y a eu des moments de doute, le maire a été accusé de fo-lie des grandeurs… Il a fallu démontrer, cas par cas, la justesse decette règle qui semble provocatrice : en urbanisme, le projet peut créerle financement. Au fil des années, ont été mobilisés les fonds euro-péens, les participations pour l’aménagement du territoire, les sub-ventions de toutes sortes, les partenariats locaux, les soutiens àl’innovation, les engagements en faveur du développement durable…

Laurent Théry voit, là aussi, un ordre des priorités: se poser la questiondu « comment faire » seulement après celle du « pour quoi ». Aujourd’huiencore, alors qu’il dirige la Samoa en charge de l’Île de Nantes et de di-vers projets métropolitains, il revendique l’idée du projet urbain comme« une figure libre », qui demande de jongler avec les procédures et d’in-venter des montages complexes, avec le plus de liberté possible.

Saint-Nazaire, de ce point de vue, a été un lieu d’inventivité métho-dologique, reconnu dans le milieu de l’urbanisme français. Cette créati-vité s’incarne en 1989 dans la Délégation au développement de la régionnazairienne, sous la direction de Laurent Théry: « L’équipe s’intéressaità la globalité des choses, évitant les structures dissociées qui favorisentles politiques sectorielles et l’éclatement de la ville; nous ne nous sommesposé ni la question de nos compétences ni celle des moyens; pas davan-tage celle des frontières territoriales, en inventant la notion de « région na-zairienne ». La Délégation, qui consulte des experts, n’est pas un bureaud’études; elle n’est pas plus un organe de décision – seulement un outilauprès des élus, à qui la décision appartient entièrement – ni un maîtred’ouvrage: elle travaille avec toutes sortes d’opérateurs, publics comme pri-vés, dont elle prépare les cahiers des charges.

Cette « structure de stratégie, transversale et proche » selon la for-mule de Loïc Jauvin, qui l’a ralliée en 2001, est devenue en 2007 uneagence d’urbanisme, l’Addrn (Agence pour le développement dura-ble de la région nazairienne), au service de deux communautés d’ag-glomération, la Carene et Cap Atlantique9.

La « Déleg’ » est intervenue sur les dossiers majeurs de Saint-Nazaire.Son grand œuvre reste cependant Ville-Port.

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9. La Carene (Communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire) associe dix communes dont Donges,Montoir et Pornichet ; Cap Atlantique regroupe quinze communes autour de La Baule. La Chambre de commerce et d’industrie,le Syndicat mixte du SCOT Nantes/Saint-Nazaire et l’État sont également membres et financeurs de l’Agence.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTEPORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

Patrick Deville Un livre ouvert

« Les villes se lisent à livre ouvert sur leur port. Le seul endroit véritablement lisible deSaint-Nazaire, c’est là. » La formule claque, simple et évidente, devant la vue sur legrand bassin qui s’offre au regard depuis la fenêtre du Building où travaille Patrick Deville,le directeur de la Meet (Maison des écrivains étrangers et des traducteurs). L’écrivain n’a pas besoin de chercher bien loin ses mots pour évoquer ce quartier qu’il connaîtdepuis son enfance. Lui qui a vécu ses premières années au lazaret de Mindin, avant de pren-dre chaque jour le bac pour aller au lycée « au milieu d’un nuage d’ouvriers à vélo et à mo-bylette qui s’égayaient vers les Chantiers, alors que nous filions vers le pont levant. » Lebac accostait devant les Ducs d’Albe, l’embarcadère, quai de Kribi, aujourd’hui trans-formé en statue en mémoire à l’abolition de l’esclavage. Ce paysage portuaire dont ilavait conservé « un souvenir assez sombre, assez noir », Patrick Deville, parti étudier àNantes, puis se frotter au monde sous d’autres cieux, l’a retrouvé au milieu des annéesquatre-vingt-dix, lorsqu’il a commencé à collaborer avec la maison des écrivains. « C’està ce moment que, progressivement, les choses ont changé, du côté du paquebot de Vas-coni dans un premier temps, puis autour du port. » Cette transformation, il l’a, en quelque sorte vécue en direct, en compagnie des écri-vains étrangers qui ont, tour à tour, porté un regard singulier sur ce paysage. « Il s’agissaitde remplacer les monuments de pierre, qui avaient disparu de la ville, par des monumentsde papier. Le seul moyen que Saint-Nazaire reste dans l’histoire de la littérature, c’était deles inviter, et des traduire. » Monuments de pierre disparus ? Pas tous. Et s’il ne devait enrester qu’un, Patrick Deville n’hésiterait pas une seconde : ce serait la gare transatlan-tique, cette coquille vide mais miraculeusement préservée qui va prochainement accueil-lir un théâtre. L’écrivain a longtemps craint que les derniers vestiges de cette gare,transformée en « gare des rêves » par l’auteur colombien Orlando Sierra Hernandez dansun ouvrage posthume, ne soient gommés par l’enthousiasme de quelque architecte emportépar son crayon. « Il faut impérativement que l’on sente cette gare, qu’on la voie. Il faut sesouvenir qu’elle a vu le passage des plus grands artistes du 20e siècle, en partance pour l’Amé-rique Latine : Artaud, Nabokov, Gauguin, Dos Passos, qui a débarqué là en 1917… » Et l’au-teur de rappeler que la gare, terminus de la ligne, était équipée d’une plate-forme tournantequi permettait de retourner les locomotives. « Que ce lieu devienne un théâtre, c’est une bonnenouvelle. Mais il faut que la gare reste lisible », insiste-t-il. Pour lui, pas de doute, le centre de gravité de la ville est bel et bien en train de se déplacerdoucement vers le port. La preuve : « Aujourd’hui, le mètre carré le plus cher à Saint-

PATRICK DEVILLE

AN OPEN BOOK

“A port is an open book.” Patrick Deville, director ofMeet (Maison des écrivains étrangers et destraducteurs) gazes over the docks from his office inthe Building.He spent his early childhood in the former lazaret atMindin and later took the ferry to school with a crowdof shipyard workers, landing at Kribi quay where amonument to the abolition of slavery now stands. Hehad a bleak memory of the docks. When he cameback to Saint Nazaire in the mid 1990s, things werebeginning to change. He works with foreign writers and translators,erecting paper monuments to replace vanished stone.But if there were one real monument to preserve itwould be the railway station. The greatest creators ofthe 20th century transited there en route for LatinAmerica: Artaud, Nabokov, Gauguin… “Let it be atheatre. That’s good news. But the station must stillbe legible.” The city’s centre of gravity is slowly shifting towardsthe port. The Building is now the most expensive realestate in Saint Nazaire. It was built with warreparations but nobody wanted to live there. Patrick Deville is worried about the future. The portenvironment is powerful only because it is genuine.It must not become a stage set.

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Nazaire est au Building. Il y a un côté docks de Londres sur Ville-Port. Il faut se souvenirqu’on dû arrêter la construction de cet ensemble, construit avec les dommages de guerre,parce qu’à l’époque de sa construction personne ne voulait venir y habiter. Venir au Buil-ding, c’était la déportation. » On mesure effectivement le chemin parcouru. Le risque decet engouement, toutefois, c’est que le quartier se dénature progressivement, pour virerau décor de carton-pâte. « Aujourd’hui tout est vrai. Ce sont encore les capitaines quichoisissent les noms et les couleurs des bateaux de pêche qui mouillent dans le bassin.Je dois confesser une certaine inquiétude pour l’avenir. Ce paysage portuaire n’a de forceque parce qu’il est vrai.»

PARTIE #2

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PARTIE #2

Part #2

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La réussite de Ville-Port, ce grand projet qui occupe Saint-Nazairedepuis vingt ans, se mesure à ses objectifs : réconcilier la ville avec sonport, engager une mutation d’image qui favorise la diversification éco-nomique et permette de se positionner comme centre d’une aire de250 000 habitants.

Aussi démesurée l’ambition a-t-elle pu sembler parfois, à l’échelled’une ville de 69 000 habitants seulement et d’une agglomération de150 000 habitants, la stratégie du pas à pas a évité de brûler les étapes.D’abord 15 hectares de friches dont la municipalité se rend progressi-vement propriétaire. Ensuite, des études multiples, dont des réflexionssur la base sous-marine. Puis, entre 1994 et 1996, l’organisation d’unconcours de stratégie urbaine destiné à réorienter la ville et à enclen-cher une dynamique. Le projet lauréat de l’architecte urbaniste Manuelde Solà Morales sera mis en œuvre jusqu’en 2003. Ville-Port 2 pro-longe l’opération jusqu’en 2012, pour fabriquer un cœur d’agglomé-ration attractif. Le troisième mouvement est maintenant en gestation.

SAINT NAZAIRE WANTS TO BE ATTRACTIVE

Ville-Port, Saint Nazaire’s major project over the lasttwenty years aimed to reconcile city and port, changethe city’s image and make it the centre of a region witha population of 250,000.Big ideas for a city with a population of 69,000 and anurban area of 150,000, but taken step-by-step. The citybought up wasteland and studied the question from allangles. Manuel de Solà Morales’ urban project wasimplemented until 2003, Ville-Port 2 extends theoperation until 2012 and the third phase is on thedrawing board.

ET SI LA MUSIQUE AIDAIT À VIVREPARTIE # 2

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Saint-Nazaire en quête d’attractivité

Une aquarelle de Manuel de Solà Morales : l’intérieur de la base.

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Aquarelles de Manuel de Solà Morales : entre la base et la ville, une place qui est aussi un parking ; l’intérieur de la base, imaginé comme un lieu urbain et animé.

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ET SI LA MUSIQUE AIDAIT À VIVREPARTIE # 2

Domestiquer la base« La base a bouleversé la perception de la pente qui descendait tranquillement vers l’eau. Donc,lui apporter une transparence et accéder à son toit conditionne l’urbanisation du lieu. » 10

Manuel de Solà Morales, architecte urbaniste

La détruire ou pas? Comment malgré elle dégager la perspective surl’eau, ouvrir une relation entre la ville et le port? Autrement dit, que fairede la base, de ses tonnes de béton et des 4 hectares qu’elle occupe? Cettequestion est au cœur de la consultation d’urbanisme lancée en 199411. LeBarcelonais Manuel de Solà Morales y répond avec une étonnante sim-plicité: percer ses alvéoles pour ouvrir la vue sur l’eau ; monter sur son toitpour l’intégrer au tissu de la ville. Grâce à cette longue rampe, le toitdevient une place haute, belvédère prodigieux sur l’océan, les bassinsdu chantier naval et leurs navires en construction, le pont, l’estuaire…

Domestiquer ce gigantesque bunker plutôt que le détruire, c’estfaire écho au slogan qui résume bien l’état d’esprit nazairien : « trans-former les handicaps en atouts ». C’est aussi répondre au désir de JoëlBatteux : « On n’a pas le droit de détruire des vestiges aussi évocateursde l’histoire. » Le maire les compare aux fortifications de Vauban et yvoit le monument qui manque à Saint-Nazaire – « Nos châteaux ce sontles paquebots, qui s’en vont lorsqu’ils sont finis ». Autre argument : ceténorme bunker explique la structure de la ville, qui cesse d’être com-prise sans sa présence.

Entre l’architecte catalan et lui, la relation a été intense : « Il estma plus belle rencontre, un homme complet, d’une admirable cul-ture, un grand artiste et un citoyen, qui définit l’espace public commeun espace civique. » La vision de « Manuel » a su mobiliser avec fer-veur et emporter l’adhésion des partenaires. Joël Batteux rend ainsihommage au préfet de région et au trésorier payeur général de l’époque:sans leur compréhension, chaque obstacle à la norme aurait pu tout blo-quer. Par exemple, le chantier de percement des alvéoles a mis aujour des métaux lourds, qu’il a fallu traiter à part, hors du marché ini-tialement prévu.

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DOMESTICATING THE U-BOAT BASE

The key question in the 1994 urban planning competitionwas what to do with the base. Manuel de Solà Morales’idea was to domesticate it: four pens were pierced andfilled with water and visitors climbed on the roof for asplendid view of the sea, the wet docks and shipyards,the bridge and the estuary. Perfectly in line with thecity’s motto: turn handicaps into assets. And with thecity’s history: it is the monument that Saint Nazairelacks because its castles are the big liners thatinevitably sail away. The architect’s vision for the city won the support of theregional partners. Together they overcame all theobstacles. Access to the roof turned the bunker into anattraction, admired for the complexity and beauty of its

Manuel de Solà Morales et Oriol Clos, responsable du projet.

10. In Projet Urbain n°17, op. cité.11. Hormis le lauréat, Solà Morales, ont été consultés en deuxième phase Ch. Devillers et Reichen & Robert. Trois autreséquipes avaient participé à la phase 1 : A. Grumbach, Lundten & Cochy, C. Vasconi.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTEUNE VILLE À L’UNISSON ?

Percer les alvéoles de la base, c’est lui donner une transparence et retrouver une relation entre la ville et l’eau.

Grâce à cette mobilisation, quatre alvéoles ont été percées et re-mises en eau, et le toit de la base ouvert au public dès l’été 1997. Là-haut, le panorama coupe le souffle, le regard sur la ville change.« Accéder au toit permet de convertir cette machine de guerre en lieud’attraction, esthétique grâce à la complexité et à la beauté de sa struc-ture », explique Manuel de Solà Morales. Devenue fréquentable, danstous les sens du mot, la base se fait pivot de la nouvelle relation entre laville et les docks. Elle stimule l’émergence d’un nouveau quartier por-tuaire, avec ses logements (350 construits dès 2000), la reconversion de10 hectares de friches et la création d’une destination touristique nouvelle,portuaire.

Pour autant, les débats sur son avenir ne sont pas clos. Son esthétiquea exercé sur les architectes une fascination que les habitants partagentmoins12. « En revanche, la décision de la conserver a eu l’immenseavantage d’accélérer la dynamique du projet. Elle a apporté au quar-tier une épaisseur et une urbanité qu’un terrain vide (et qui le serait restélongtemps) n’aurait pu lui donner. Ce temps gagné n’a pas de prix »,estime Jean Haëntjens, qui a dirigé la DDRN de 2003 à 2009. L’ave-

structure. The base became the pivot of the newrelationship between the city and the docks: aresidential quarter and tourist attraction. But the debate goes on. Appreciated less by theresidents than by the architects, the renovated basecertainly boosted the project, but its future depends onits technical management because maintenance costsfor the ageing building are high. Solà Morales’ project brought a new concept of publicareas. The former wasteland and industrial zone is nowa place for culture and tourism, with housing units,shops and factories. Good use has been made the slopeand the strong diagonal lines of the streets. A paseo or promenade is not part of the culture of thisregion, so a large car park has been laid out in front ofthe bunker – a choice for which the architect takes fullresponsibility. It is not primly disguised but has its ownaesthetic, a hybrid esplanade-car park of a new kindwhich corresponds to the scale of the hypermarket ormultiplex movie theatre in the vicinity. 12. Selon une enquête de 2008, elle reste loin dans la liste des monuments considérés comme emblématiques de la cité.

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nir à long terme de la base dépend des solutions qui vont être trou-vées à sa gestion technique, car son vieillissement pèse sur ses coûts d’en-tretien.

Manuel de Solà Morales a apporté une façon nouvelle de concevoirl’espace public. La masse du bunker avait généré autour d’elle unquartier où se mêlaient friches et activités industrielles. Une périphé-rie aux abords du centre, à laquelle l’urbaniste catalan a voulu « don-ner une personnalité ». Ici il y a maintenant de la culture et dutourisme, de l’habitat, des commerces, des industries13. Le nouveaucaractère du lieu profite des dénivelés (six mètres de pente entre lecentre-ville et l’eau, et la base qui culmine à 19 mètres) autant quedes grandes diagonales qui croisent les perspectives.

Pièce majeure du dispositif, l’espace au pied du bunker est un par-king. «Dans cette région il n’y a pas comme en Espagne de tradition dupaseo, on ne se promène pas, et ce vaste espace risquait de rester désert.Alors mieux valait y mettre des voitures », explique Stéphanie Labat, res-ponsable de projet puis directrice de la DDRN jusqu’en 2001. N’avoirni honte ni peur des voitures, accepter l’époque telle qu’elle est et ima-giner qu’un parking puisse être « agréable », dit Manuel de Solà Mo-rales, lui revendiquant une esthétique propre, « sans les petits détails dudéguisement aimable ». Des plantations, une organisation quasi aléa-toire, des luminaires dispensant une très vive lumière blanche… Espacehybride, cette esplanade-parking d’un nouveau type répond à l’échellede l’hypermarché ou du multiplexe implantés à ses abords.

PARTIE # 2

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La terrasse sur le toit et son garde corps en verre transparent, tour deforce à réaliser car il est parfaitement plan sur la surface très irrégu-lière du toit et résiste à des vents de 180 km/h.

Sur le toit, l’architecte Finn Geipel a posé le radôme récupéré de l’aéroport de Berlin.

13. Une usine de soja occupe quatre alvéoles ; son départ est prévu dans le cadre du développement du port à Montoir. Demême que le terminal frigorifique voisin de la base.

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PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

Dominique MacelPhotos avant et après

Dominique Macel has been photographing SaintNazaire for twenty years. Even he was surprised tosee the spectacular changes in Ville-Port.

la base

« Cette vue en perce de la base montre, s’il était be-soin, à quel point le quartier a été transformé depuisle milieu des années quatre-vingt-dix. La premièreimage a dû être prise entre 1990 et 1995. Les com-merces à gauche sont fermés et un bazar occupe unhangar qui a déjà perdu sa vocation industrielle. Il ya encore de l’herbe sur le toit de la base, dont lesalvéoles sont murées. J’ai adopté exactement lemême point de vue pour réaliser la seconde image,fin 2009. La rue n’existe plus, le panorama est com-plètement dégagé et les alvéoles de la base sont ou-vertes. On voit la passerelle à la gauche de l’imageet le dôme sur la base à droite. D’un univers de fricheon est passé à un décor de ville. »

The base

The first shot shows how much the quarter haschanged since the mid 1990s: there is still grass onthe roof and the pens are walled up. In 2009, thestreet has gone, and the pens are open. You can seethe footbridge and the dome on the roof.

Dominique Macel fixe depuis une vingtaine d’années la mémoire visuelle de Saint-Na-zaire. L’évolution du décor est particulièrement spectaculaire dans le quartier Ville-Port.Le photographe nazairien est lui-même surpris en comparant certaines images prises aumilieu des années quatre-vingt dix et les vues les plus récentes.

DOMINIQUE MACELBEFORE AND AFTER PHOTOS

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PARTIE # 2

Vue aérienne

« Je réalise tous les ans une série de vues aériennes, en hélicoptère. Cesdeux images ne sont pas prises exactement sous le même angle, et il fautfaire attention parce qu’une voie a disparu au centre de la première vue, priseen 1995, où l’on voit encore la friche qui s’étendait derrière la base. Il manqueseulement un bloc, déjà démoli, en bas de l’image. On reconnaît les ateliersmunicipaux à droite et les hangars Thiriet à gauche. Le paysage était com-plètement transformé en 2008 lorsque la seconde image a été prise, avecl’hôtel, au premier plan à droite, et les immeubles de logements voisins. Ausecond plan, il y a désormais la grande esplanade qui se situe entre Rubanbleu, dont on aperçoit l’entrée à gauche, et la base. On aperçoit plus loinl’ancienne gare qui sera prochainement transformée en théâtre. »

Aerial photograph I do a set of aerial shots every year. In 1995, we still have the wasteland, the workshops and hangars. In2008, we have the hotel and the flats next to it, then the esplanade of the Ruban Bleu.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTEUNE VILLE À L’UNISSON ?

Inventer des programmes

« Manuel Solà Morales a transformé le cadre, dressé la grande esquisse préparant le ta-bleau dans lequel inscrire progressivement les détails. Notre stratégie : concentrer là deséquipements, pour générer des flux et attirer l’initiative privée, notamment les com-merces. » Joël Batteux

Ville-Port a commencé à exister grâce à un mélange détonnant :une exposition spectacle sur les paquebots, un multiplexe, un hyper-marché, des logements sociaux… Les partenaires privés, alors, ne sebousculent pas, d’où l’idée d’un équipement culturel. Au même mo-ment, la Chambre de commerce réfléchit à un équipement touris-tique sur le thème des paquebots, ces réalisations prestigieuses capablesd’inverser l’image négative de la ville. L’agence britannique L&Rconseille de l’implanter dans la base. Ville et CCI s’associent doncpour monter le projet touristique dans une logique de destination, ap-puyée sur un équipement phare et des visites du site portuaire. « Es-cal’Atlantic est bien le fruit d’une approche globale et d’une visionconvergente entre tourisme et urbanisme », résume Loïc Jauvin.

Cette exposition spectacle, conçue par François Confino et FrançoisSeigneur, réussit à « faire entrer un paquebot dans deux alvéoles de labase sous-marine ». Depuis son ouverture, en 2000, elle a attiré 1 mil-lion de visiteurs et va se renouveler en 2012, en exposant une collec-tion unique d’objets venant en particulier du Normandie et du France,chinés avec passion par Daniel Sicard, directeur de l’écomusée.

Ensuite, une grande surface va s’installer sous la rampe de la base. Ila fallu pour cela négocier avec une chaîne de magasins, limiter toutenouvelle implantation en périphérie, gagner les recours devant la Com-mission départementale d’équipement commercial, rassurer les com-merçants du centre en réservant l’hypermarché à l’alimentaire…

Depuis, l’expérience pionnière de Saint-Nazaire a été suivie parbeaucoup d’autres villes. Même chose avec le multiplexe. L’idée d’ins-taller les cinémas dans le bunker s’est avérée trop difficile en raisonde questions de sécurité et des coûts d’aménagement. Le groupe Ci-néville, qui gère 70 salles dans l’Ouest de la France, a accepté deconstruire au pied de la base un véritable équipement urbain qui attire450 000 personnes par an.

INVENTING THE PROGRAMMES

Ville-Port came into being through an explosive mix: aneco-museum, a multiplex, a hypermarket, housing… TheChamber of Commerce wanted a show about liners tocounter the city’s negative image. Escal’Atlantic was theresult of converging views of tourism and urbanplanning. The show designed by François Cofino andFrançois Seigneur “squeezed a liner into two pens”. Ithas clocked up a million visitors since 2000 and will beupdated in 2012 with a display of objects from theNormandie and the France. After much negotiation, a supermarket was installedunder the ramp. Next came the multiplex cinema, builtoutside the bunker for safety reasons, which attracts450,000 people a year. The city repeated this strategy of urban concentration afew years later, associating the base with whatever wasnew: VIP (contemporary music) and LiFE (emerging artforms) in pens 14 and 13.Ironically, a German architect, Finn Geipel, won the 2004competition with the idea of prolonging the rudimentaryaspect of the existing building with elementaryinstallations. He even salvaged a geodesic dome fromthe radar tower at Tempelhof airport in Berlin to put ontop.Tourism is no substitute for Saint Nazaire’s industry, butthe city now attracts 4 million visitors a year.

Escal’Atlantic : un paquebot raconté dans deux alvéoles de la base.

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Andrea KloseUne Allemande à la base

Un beau clin d’œil de l’his-toire a fait en sorte que cesoit une Allemande qui as-sure la promotion d’Es-cal’Atlantic, le premieréquipement installé dans labase sous-marine. AndreaKlose est depuis dix ans lavoix et le visage du muséevivant du paquebot auprèsde la presse et des touristesétrangers, et elle confie ne

pas se lasser de ce travail, qui se renouvelle chaque année grâce aux expositions tempo-raires. « On se sent tellement bien à l’intérieur du paquebot. La sonorisation a été faite detelle façon qu’on s’imagine toujours un peu sur le départ. » En 2010 Escal’Atlantic fête ses dix ans en célébrant le France, avant un grand toilettageprévu pour 2012. Et Andrea n’a pas perdu une miette de toutes ces années puisqu’elle asuivi l’ensemble des travaux qui ont progressivement conduit à la métamorphose deslieux. « L’un des grands moments a été le percement de l’une des alvéoles. Lorsqu’on avu l’eau apparaître, on s’est dit : c’est ça qu’il fallait faire. » Le pari d’installer un grandéquipement touristique dans la base même, en laissait en revanche, plus d’un perplexe.« De fait, on se demandait bien ce qui allait sortir de ce chantier, lorsqu’on le visitait enpataugeant dans la boue. ». Mais la belle surprise est là, le jour de l’inauguration durantlequel elle se souvient avoir vécu un grand moment d’émotion. « Je me suis dit qu’onétait au cœur de quelque chose d’important, que j’apportais une petite pierre à la trans-formation de Saint-Nazaire. ». Le succès ne s’est pas démenti depuis lors puisqu’Escal’Atlantic a fêté en 2009 son mil-lionième visiteur payant. Autour de la base les grands équipements ont poussé très vitedans la foulée du musée, le cinéma, le supermarché, et Andrea confie avoir vécu la mu-tation progressive du quartier « comme quelque chose d’assez naturel ; un immeuble quipoussait par ci, un hangar qui disparaissait par là. » Le véritable grand changement aucours de ces dix années, qui lui paraissent bien courtes avec le recul, a été la construc-tion de Ruban bleu. « Cette ouverture a modifié les perspectives. Depuis la terrasse deRuban bleu, avec l’esplanade plantée, la base est un peu relativisée, ça allège le tout vi-suellement. »

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PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

ANDREA KLOSEA GERMAN IN THE BASE

Ironically, the face and voice of Escal’Atlantic isGerman. Andrea Klose has handled public relationsfor the museum of the great ocean-going liners in theold U-boat base for the last ten years. She feels goodinside the liner – ready to sail away.An exhibition is held each year and major renovationsare planned for 2012.Andrea has followed the construction of the museumand the transformation of the docks step by step.Knocking a hole in one of the pens to give a view ofthe sea was a thrilling moment. Another high pointwas the construction of the Ruban Bleu and itslandscaped esplanade, which “puts the base intoperspective and lightens the whole thing.”

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PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

Cinéville, complexe de salles face à la base

Remy SérillonLa belle surpriseRemy Sérillon ne s’en cache pas, iln’avait pas conservé, de son enfancenantaise, un grand souvenir de Saint-Nazaire. La surprise n’en a été que plusagréable lorsqu’il a pris les commandesde Cinéville en octobre 2001, à deux pasde la base sous-marine. « Il y a ici unequalité de rapports étonnante ; les Na-zairiens sont très directs, très simples,ils adorent leur ville. Et puis, contraire-ment à ce que redoutaient certains, cesont de véritables amateurs de cinéma.La fréquentation à Saint-Nazaire estcomparable à celle des grandes villes.Les films plus exigeants attirent, en proportion, un public aussi nombreux qu’à Nantes.On le voit dans les chiffres. »Enchanté par la qualité de l’espace – « c’est un lieu ouvert, les gens peuvent se garer fa-cilement » – le directeur de Cinéville a vu, avec plaisir, le quartier s’animer progressive-ment ces dernières années, avec notamment la construction de Ruban bleu. « Au débuton était dans une zone mal définie, il y avait encore des squats. » Désormais, avec l’im-plantation du VIP, du LiFE, de la grande surface alimentaire, des restaurants de Rubanbleu, la physionomie des lieux a changé et durant la journée il y a du monde dans lesrues. « On voit même des retraités qui achètent des appartements. C’est une bonne idéepour leurs vieux jours, il y a tout ici. » Mais cette densification est aussi porteuse d’in-quiétudes pour le directeur du multiplex, qui diffuse neuf films à chaque séance : « lescommerces génèrent beaucoup de trafic, et les parkings commencent à saturer. J’ai peurque le stationnement devienne payant, ce qui nous serait très dommageable. »Lui, a choisi de vivre à Saint-Brévin, d’où il regarde Saint-Nazaire sous un autre angle. « Ilme semble que l’avenir de Saint-Nazaire est du côté du front de mer. Là les gens com-mencent à se dire : on a vraiment un bel espace. »

REMY SÉRILLONA GREAT SURPRISE

Remy Sérillon does not remember much of SaintNazaire from his childhood in Nantes. So he waspleasantly surprised when he took charge of Cinévillein 2001. “The local people are very straightforward.They love their city – and the cinema.”Initially delighted by the spacious surroundings, hehas watched the quarter take shape, more peoplemove in and traffic build up. With nine films at each session, parking facilities arequickly full and he fears the impact of parking fees.From his home in Saint Brévin he sees Saint Nazairefrom another angle and believes the city’s future liesin the development of the seafront.

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La ville répète cette stratégie de condensation urbaine quelques années plus tard, avec l’idée du maire de « mettredans la base ou à côté tout ce qu’il y a de nouveau ». Ainsi le VIP, scène de musiques actuelles qui existait déjà, et leLiFE, Lieu des formes émergentes, s’implantent dans les alvéoles 14 et 13, des espaces inouïs : une alvéole est un vo-lume totalement libre, sans poteau, large de 20m, haut de 11m et long de 117m.

Ironie de l’histoire, c’est un architecte allemand, Finn Geipel qui emporte le concours de 2004 grâce à la simpli-cité de sa réponse : « Prolonger la nature rudimentaire et intense de l’existant par des installations élémentaires ». Ilpropose d’entrer dans le monument par le côté et de mettre en valeur sa rue intérieure, une ancienne voie de cheminde fer qui desservait les alvéoles, par un sol spécifique et un plafond lumineux. Voyage à travers l’impressionnante struc-ture, un escalier traverse la toiture et conduit vers une plateforme, coiffée d’un dôme géodésique – que Finn Geipela récupéré sur la tour radar de l’aéroport berlinois de Tempelhof.

La base devient la porte d’entrée de la destination touristique et culturelle. « Non pas pour bâtir une économie tou-ristique – difficile d’imaginer le tourisme comme une alternative à notre industrie – mais pour faire aimer la ville »,dit le maire. Le mouvement opère lentement : Saint-Nazaire attire maintenant quelque 4 millions de visiteurs par an.Après son port il lui reste encore à faire connaître un capital étonnant, ses vingt plages, le chemin côtier, les marais deBrière...

Concert dans le LiFE. Pas de capitonnage, des ponts-roulants costauds, la salle peut s’ouvrir sur le bassin portuaire à l’aide d’une grande porte en accordéon.

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Béton brut et volumes simple : un hôtel trois étoiles et des logements, conçus par le même architecte, Christian Hauvette.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

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Fabriquer un quartier complet« Le plan de développement de la ville nous a séduits, maîtrisé, mené avec constance etlogique, depuis longtemps, avec des projets intelligents, à taille humaine. »Adrien Alkabes et Jean-Paul Bondaz, investisseurs suisses.

Ville-Port 2, c’est une nouvelle avancée dans la fabrication d’une villesur ces espaces autrefois si distendus qu’ils donnaient un sentimentd’abandon. Un vrai quartier se sédimente, avec ses logements, com-merces, équipements et espaces publics…

Lancée en 2002, la seconde étape du projet affiche quatre grandesambitions : devenir le cœur d’une agglomération élargie, réunir deuxpolarités majeures pour tirer le centre-ville vers les quais, développer uneoffre de services attractive et conforter la vocation culturelle du quar-tier, poursuivre la reconquête des friches. L’équipe franco-italiennede Bernardo Secchi, Paola Vigano14 et Olivier Chaumont, est choi-sie pour mener cette stratégie amplifiée, prolonger le travail de Manuelde Solà Morales. La nouvelle stratégie préconise de compléter et met-tre en relation les pièces du puzzle avec une démultiplication signifi-cative d’opérations. Quelques malentendus, des désaccords : les relationsentre la Ville et l’équipe Secchi-Vigano vont tourner court et c’est laDDRN qui va piloter la mise en œuvre, à partir de fin 2004.

Pour devenir un moteur, le quartier doit atteindre une taille cri-tique, réaliser de nombreuses opérations (dix-huit lancées en cinq ans),donc changer de méthode : à la DDRN, Jean Haëntjens, Loïc Jauvinet Sophie Minssart s’emploient alors à capter des investissements pri-vés. « Il y a de l’argent. Notre travail consiste à convaincre ceux qui enont de l’investir ici, avec un projet crédible. »

Bel exemple de cette mission, l’histoire de l’hôtel. La DDRN com-mence dès 2001 à démarcher des chaînes hôtelières. « Une erreur,reconnaît Loïc Jauvin : ce ne sont pas elles qui investissent et leursétudes se contentent d’évaluer le marché déjà existant. Un trois-étoilessemble alors impossible. » Philippe Descorps, « promoteur artisan » quitravaille surtout en région parisienne et s’est engagé sur Ville-Port pour

CONSTRUCTING A COMPLETE QUARTER

Ville-Port 2 was the next step in making a real city outof a desert. It aimed to become the core of an enlargedurban area, reunite two major poles to draw the centrecity towards the quays, offer an attractive range ofservices and cultural facilities and continuedevelopment of wasteland. The project was launched in2002 with Bernardo Secchi, Paola Vigano and OlivierChaumont, charged with implementing the new strategy.A large number of projects were needed for the port toreach a critical size. After some misunderstandings, theDDRN took over from the initial team in 2004 and wentin search of private investors. The hotel project was agood example. At first they approached hotel chains, butdiscovered that they were not the investors. PhilippeDescorps (DS Immo), a small promoter, who hadcommitted himself to a housing and hotel programme atthe port, discovered a Swiss group interested in investingin France. Adrien Alkabes and Jean-Paul Bondaz of CofisHolding SA judged the city’s development plan “steadilyand logically implemented, with intelligent projects ona human scale”. As a result, the Swiss group Apolloniainduced Holiday Inn to build a 75-room hotel on thewaterfront. The hotel opened in 2008, the housing unitswere delivered in 2009.The architect, Christian Hauvette, treated the hotel andhousing block as a simple volume to counterbalance the

PARTIE # 2

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14. Studio 03 lors du concours : l’agence change de chiffre chaque année.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

une opération de logements couplée avec cet hôtel, découvre ungroupe suisse, Cofis, qui souhaite investir en France – mais plutôtdans le Sud.15 Le hasard de la rencontre amène ses dirigeants à Saint-Nazaire, Adrien Alkabes et Jean-Paul Bondaz, à la fin 2005 : « C’étaiten hiver et pourtant le site m’a plu. Je sentais le développement autourde la base et Loïc Jauvin a été aussi persuasif que le maire. » En troissemaines, leur décision est prise. Apollonia amène la chaîne HolidayInn, qui n’avait pas non plus l’intention de s’implanter dans cette régionmais qui se laisse convaincre, « d’autant que, avec 75 chambres seu-lement, le risque restait raisonnable ». Pari réussi, l’hôtel tourne bien.

L’affaire a été rondement menée: hôtel ouvert dès avril 2008, loge-ments livrés début 2009. La maîtrise d’ouvrage a été déléguée aux pro-moteurs des logements et tout le monde a accepté de travailler avec le

monolithic base – an austere, contemporary designwhich had a mixed reception.Private investment (2/3 of the total €200 M) boosted theentire project; subsidies have dwindled, publicinvestment is concentrated on a few major amenitiesand the numerous construction sites have brought newvisibility and improved credibility. The changes are based on the transformation of thepublic areas and the introduction of cultural facilities. In2012, a theatre will be installed in the highly symbolicrailway station building, a complex but significantproject because it helps “reverse a painful destiny”.

La Place de l’Amérique latine, devant le Ruban bleu (atelier Ruelle urbanistes).

15. Cofis est propriétaire du Crown Plazza à Genève (le plus gros hôtel suisse) et sa filiale française, Apollonia, gère plu-sieurs hôtels à Marseille, Montpellier…

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même architecte, Christian Hauvette, qui a traité l’ensemble (hôtel et 76logements16 sur le même îlot) comme un volume simple, en réponse aumonolithe de la base sous-marine. Pour les opérateurs privés, une archi-tecture inhabituelle, qui mélange l’austérité à une certaine chaleur, dansun esprit très nazairien. Selon Philippe Descorps, ce style « contemporain »n’était pas évident: « Il faut argumenter, les gens n’y adhèrent pas spon-tanément. Nous avons vendu plus à des investisseurs qu’à des accédants. »

Ville-Port 2 et ses franges représentent plus de 800 logements, réali-sés avec une diversité de promoteurs, privés et publics, locaux et natio-naux,17 mais toujours avec un souci de sobriété architecturale et un artde s’ouvrir sur la ville pour lui apporter des espaces verts de cœur d’îlot.

L’intervention du privé dans Ville-Port, c’est un coup d’accéléra-teur : les sources de subventions se sont raréfiées, l’investissement pu-blic reste mobilisé sur quelques grands équipements et, grâce auxmultiples chantiers ouverts, l’aventure prend une nouvelle visibilitéet gagne en crédibilité.

Trouver des partenaires, oui, mais pas à n’importe quel prix. Ainsi,des propositions qui auraient installé dans l’alvéole 12 une offre de

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16. DS Immo (Philippe Descorps) et Ataraxia, groupe immobilier basé à Nantes et actif surtout dans le Grand Ouest. Le per-mis de construire de l’ensemble, sur le projet Hauvette, a été déposé dès septembre 2005, sans connaître l’hôtelier – il adonc fallu ensuite un permis modificatif. 17. Hormis les lauréats, le groupe Balkany avec une équipe d’architectes anglais, ING avec Brunet-Saunier (architecture in-novante mais programme commercial trop lourd), MAB avec J.P. Viguier (mais qui souhaitait un môle fermé).

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Coupe de Finn Geipel (LIN) sur la base.

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Théâtre du Fanal – projet de K-Architecture(concours 2008). En façade, les vestiges de l’an-cienne gare des transatlantiques sont conservés etrestaurés. Derrière, le cube du théâtre, en béton ci-selé et sculpté, propose une toiture terrasse d’oùdécouvrir une nouvelle vision de la ville.

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restauration surdimensionnée ont été refusées. Au fil du temps, l’in-vestissement public améliore ses effets de levier. Entre 1996 et 2001,68 millions € sont investis (un tiers d’argent public), dont une grandepart de logements sociaux. Ville-Port 2, ce sont 200 millions investis,deux tiers privés (dont le Ruban Bleu pour plus de 50 millions €).

La mutation prend appui sur la métamorphose de l’espace public –poursuite du travail de couture – et sur des équipements culturels ma-jeurs, qui concentrent l’attraction autour de la base et espèrent y atti-rer aussi une clientèle locale. Au VIP et au LiFE, inaugurés en 2007,va s’ajouter en 2012 un théâtre, dans l’ancienne gare ferroviaire, lieuhautement symbolique du port transatlantique. Les équipes nazai-riennes travaillent depuis des années sur ce projet, complexe mais ma-jeur car il participe à « l’inversion d’un destin douloureux », selon laformule des concepteurs du futur bâtiment, K-Architecture.

En résumé, quelques ingrédients indispensables au changementde dimension : la patience et la ténacité, l’ambition de qualité et lechoix de partenaires avec qui les relations s’avèrent solides – tous les ac-teurs insistent sur une valeur humaine partagée, la confiance, le plai-sir d’avoir travaillé ensemble.

La rue intérieure, mise en valeur par Finn Geipel. Joël Batteux songe à lui donner le nom de Serge Gainsbourg, en hommageà sa chanson  La beauté des laids.

Concerts et installations de la Biennale Estuaire dans le LiFE, volumetotalement libre, sans poteau, large de 20m et long de 117m.

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Le Ruban bleu, un événement dans l’agglomération« Bernard Reichein, l’architecte de notre projet, a senti l’ADN de la ville ; il a proposé unevraie vision. » Maurice Bansay, président d’Apsys, opérateur du Ruban Bleu.

Comment devenir le cœur d’un bassin de 250 000 habitants ? AvecVille-Port 2, Saint-Nazaire se pense à l’échelle métropolitaine. De-puis 2001, la ville prend sa place à la fois comme moteur de la com-munauté d’agglomération et comme partenaire de Nantes dans lamétropole bipolaire.

Le diagnostic de l’économiste Laurent Davezies bouleverse dis-cours et stratégies : il montre que l’économie résidentielle représente lamoitié des revenus dans la Carene , pour un bassin d’emploi qui a suse renouveler, avec la Navale ramenée à 8% des emplois salariés.

Première leçon : Saint-Nazaire doit encore diversifier son écono-mie, donc être attractive… En effet, un problème majeur est apparu :les revenus se dépensent surtout à Nantes18. Ainsi s’est étoffée l’idée deconstruire un complexe commercial.

Il a fallu trois ans de travail pour rendre ce projet fiable, comme leraconte Loïc Jauvin : d’abord multiplier les études, qui confirment lanécessité de réaliser un équipement important – le groupe Apsys19 pré-conise ainsi 20 000 m2, pour fixer la clientèle dans le centre ; l’idée sem-ble folle, avant de convaincre le maire et la Chambre de commerce.

Deuxième étape, lever les obstacles politiques et symboliques : ilfallait accepter de déménager la Maison du Peuple ! Mais grâce àl’installation des associations dans un nouveau bâtiment, le futur pas-sage commercial pouvait s’avancer sur la place et jouer pleinementson rôle de lien entre le centre République et Ville-Port.

Troisième acte, attirer des investisseurs, en leur garantissant qu’au-cune grande surface ne serait autorisée autour et qu’il n’y aurait pas de

THE RUBAN BLEU, AN EVENT IN THE GREATER CITY

How to become the heart of an urban area with apopulation of 250,000? With Ville-Port 2, Saint Nazairesought to take its place as the locomotive of the urbanarea and a partner for Nantes in a bipolar metropolis.The diagnosis made by economist Laurent Davezies wasa shock: the residential economy accounted for half ofthe income in the Carene, with a renewal of the labourpool and only 8% employed in the shipyards. Firstly, Saint Nazaire had to diversify its economy andincrease its attractiveness. Nantes drained mostexpenditure: hence the idea of a shopping complex. Secondly, political and symbolic obstacles had to beremoved, such as the relocation of the Maison du Peupleused by numerous associations. Thirdly, investors needed to be reassured that othershopping centres would not be opened in the vicinity.Lastly, the operators had to be consulted and asked towork with talented architects. The winning proposal byApsys (with Reichen & Robert and Platform) was an openshopping complex, integrating the trade union buildingand housing to create the effect of a small city quarter.The last step was attracting shops, a real challengeconsidering the city’s poor image. Visitor numbers aresatisfactory (3 million a year) but turnover is lower thanexpected. Pleased to have created an event in the urbanarea, Apsys CEO Maurice Bansay recommends inventivecommercial management to stimulate synergiesbetween the shops and the leisure activities in thecentre.

Le Ruban bleu joue des matériaux métalliques qui piègent les lumièresdes ciels océaniques, et des couleurs vives en écho au monde portuaire.(Reichen&Robert, Platform)

18. 40% de l’agglomération consommait à Nantes, taux d’évasion très supérieur aux 5-10% habituels dans les villes moyennes. .19. Opérateur en immobilier commercial, le groupe créé en 1996 investit, conçoit, construit, commercialise et gère des es-paces de commerces et de loisirs en France et en Pologne.

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recours contre le projet. Puis consulter des opérateurs, choisis pourleur capacité à tenir dans la durée et à rester gestionnaires, en leur de-mandant de s’associer à des architectes de talent (dont la Ville a payéles études, procédure peu courante mais garante de qualité). Parmiles candidats20, la proposition d’Apsys (avec Reichen & Robert, associésà l’équipe Platform) s’est imposée : un centre commercial à ciel ou-vert, bien inséré dans la ville, intégrant la maison des syndicats et deslogements21, qui confirment un caractère de « petit quartier » diffé-rent des centres commerciaux classiques.

Bernard Reichen résume le défi : « être à la fois un objet identifia-ble et un morceau de ville ». Le projet y répond en s’enracinant dansla trame urbaine, prolongeant les rues, se laissant traverser par elles, touten offrant des façades très ludiques. Côté centre, un grand auvent at-tire vers la rue intérieure. Côté port, la différence de niveau entre la villehaute et la ville basse est utilisée pour créer un effet balcon ouvert surla place et la base sous-marine (cette façade sud est aussi celle où ontété regroupés les restaurants et leurs terrasses).

Restait à attirer des enseignes. « Un vrai challenge compte tenu dela mauvaise image de la ville », dit Maurice Bansay, satisfait d’avoir« créé un événement dans l’agglomération » en y amenant les grandesenseignes qui en étaient absentes, celles qui font l’attractivité des villesmoyennes, les H&M, Zara, Go Sport… Le succès de fréquentationrépond, rapidement (avec 3 millions de visiteurs par an). Jusque-là in-connue, une clientèle venue de La Baule et de la presqu’île décou-vre Saint-Nazaire. Mais le chiffre d’affaires reste inférieur aux objectifs :la crise y est pour beaucoup, ainsi que le temps nécessaire à tout cen-tre commercial pour trouver son rythme de croisière. Maurice Bansaysouhaiterait que la Ville l’aide, avec un management commercial in-ventif, qui stimule des synergies entre les différents acteurs de com-merces et de loisirs du centre. Il verrait bien aussi une place del’Amérique latine moins austère : il en a payé l’essentiel de l’aména-gement mais l’aurait préférée « plus festive, avec une fontaine, del’eau ». N’empêche qu’elle accomplit déjà sa mission de lien entre leRuban bleu et les docks.

Un centre commercial à ciel ouvert, conçu comme un morceau de ville,sa rue intérieure croisée par une rue ancienne, des logements, la maisondes syndicats réhabilitée, les restaurants au sud…

Ruban bleu attire à Saint-Nazaire de nouveaux publics, en particulier lesjeunes.

20. Hormis les lauréats, le groupe Balkany avec une équipe d’architectes anglais, ING avec Brunet-Saunier (architecture in-novante mais programme commercial trop lourd), MAB avec J.P. Viguier (mais qui souhaitait un môle fermé).21. 93 logements dont 20% sociaux. Nexity – GeorgeV promoteur.

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L’HISTOIRE D’UNE RECONQUÊTE

Le Petit Maroc est une presqu’île emblématique : c’est le lieu d’origine de la ville.

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A METROPOLIS BY THE SEA

There is still much to be done. Ville-Port must beconsolidated, developing special areas such as PetitMaroc. Then the dynamic must be extended to the restof the city. Changes have begun with Operation Callao,a low-cost housing complex. Towards the port the ideais to keep public areas for cultural, festive and nauticalactivities. This spectacular site has great potential.Ville-Port 3 aims to develop the seafront as far as theestuary. A restaurant and a walk along the seafront arealready under construction. The future will be played out in the large expanse fromthe U-boat base to the railway station. The first piece of the puzzle is already going up beside thenew Maison des Associations: an environmentally friendlyhousing programme directed by architect Philippe Madec.

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La métropole au bord de l’eau« À y regarder de plus près on voit comme Saint-Nazaire peu à peu se pose, comme le tempsse dépose sur ses façades et ses docks, comme l’océan l’a faite sienne à présent qu’ellene tourne plus le dos à ses plages qu’elle, la laborieuse, regardait jadis de travers… »Jean Rouaud, romancier.22

Il reste beaucoup à faire. D’abord conforter Ville-Port, selon une straté-gie qui prolonge celle précédemment mise en oeuvre, avec l’aménagementdes «lieux spécifiques» (comme le Petit Maroc), dont l’attractivité rayonneà l’échelle de l’agglomération. Ensuite étendre l’action, en écho à la visionde Joël Batteux: « La dynamique continue et déborde sur toute la ville. »

Sur le Petit Maroc, lieu d’origine de la ville, la mutation a commencéavec du logement locatif social, l’opération Callao, du nom d’un portpéruvien rallié par Tintin depuis Saint-Nazaire (dans Les Sept Boules decristal). Une étude de programmation urbaine portée par l’agence d’ur-banisme est en cours pour proposer enjeux et orientations éligibles à la dé-marche Éco-Cité. Sur son plateau, vers le port, l’idée est de maintenirsuffisamment d’espaces publics, pour un lieu à la fois culturel, festif et nau-tique Ce site spectaculaire est sous-utilisé et sous-valorisé. Sophie Mins-sart décrit l’ambition du projet : « En préserver la dimension publiqueet festive, réveiller la vie et l’animation quotidienne par une mixité defonctions attractives. Tout en cultivant sa singularité, son paysage, sonambiance. »

Ville-Port 3 c’est aussi la requalification du front de mer jusqu’àl’estuaire. Là encore, Saint-Nazaire avance pas à pas : la DDRN ac-compagne la Ville dès la fin des années 90, pour y implanter une pre-mière brasserie face à l’océan (propriété municipale confiée à unexploitant privé). Puis, la création d’une belle promenade en bord demer a été engagée dans la baie (déjà deux phases, livrées en 2006 et2010) : elle réussit à remodeler le paysage, à en révéler l’ambiancemaritime et océane, à dessiner une image urbaine contemporaine.

L’avenir se joue maintenant sur un vaste territoire qui va de la base à lagare. Cette zone que le plan de Le Maresquier avait dévolue à une bande

22. in Saint-Nazaire, ville maritime et portuaire, C. Nicol, D. Macel, préface J. Rouaud, Ed. Siloë, 2004.

La mutation du Petit Maroc a commencé avec les logements sociaux deCalao (Reichen&Robert, Platform).

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PORTRAIT DE NAZAIRIENS PAR PHILIPPE DOSSAL

Le Building, pièce majeure de l’architecture de la Reconstruction.

Christophe FrankowskiSurtout pas là-bas !

« Surtout pas là-bas ! ». C’est par ce cri du cœur que Christophe Frankowski a été accueillipar son banquier, en 1991, lorsqu’il a émis l’idée de créer un restaurant au pied du Buil-ding, face aux bassins. « J’ai été séduit par l’endroit au cours d’une promenade à vélo. Saint-Nazaire me plaisait, je n’avais plus qu’une chose à faire : changer de banque », expliqueaujourd’hui en souriant l’ancien joueur du FC Nantes, patron du Skipper, devenu l’un desétablissements les plus courus de Saint-Nazaire.Il est vrai qu’à l’époque le quartier n’avait pas grand-chose à voir avec ce qu’il est aujourd’hui.C’était le temps des cargos russes et des camions bulgares, des dockers du port et des pê-cheurs du bassin. « Mais j’aimais cette ambiance, qui me rappelait celle des villes portuairespolonaises, comme Gdanzk, où j’allais jouer au football, adolescent. » Christophe Frankowskiconfesse un attrait particulier pour ce type de lieu où la rumeur urbaine est estompée, « oùil n’y a pas trop de voitures, pas trop de passants », où la puissance, la mobilité du décorinvitent volontiers à la rêverie. De ces premières années sur le port, il conserve un sou-venir ému : « c’était très agréable. Les dockers, les pêcheurs sont des gens passion-nants, je les respectais, ils me respectaient. » Au fil des ans, les choses ont peu à peu changéaux abords des bassins, même si les constructions nouvelles sont peu visibles du Skip-per. La criée a disparu et les paquebots sont arrivés, drainant leurs cohortes d’hommes d’af-faires et d’ouvriers venus du monde entier. Les belles années. « L’ambiance a beaucoupchangé, et nous nous sommes adaptés. Ca s’est fait naturellement. Mon rêve était defaire un restaurant dans le style d’un paquebot, le reflet de ce qui se fait à Saint-Na-zaire, c’est dans cet esprit que nous avons conçu les lieux. »Aujourd’hui, les paquebots se font un peu désirer mais Christophe Frankowski ne s’affolepas pour autant : « Nous passons aussi les crises ensemble, c’est important. » L’homme,qui a conservé un fier accent polonais, se réjouit d’accueillir une clientèle extrêmementdiverse, même si son établissement affiche désormais un standing plus élevé que cen’était le cas au départ. « Beaucoup de Parisiens flashent sur les lieux. Ils se sentent bienici, ils ont l’impression d’être un peu en vacances. » Il ne cache pas non plus son plaisirdevant la multiplication des courses de bateaux, qui créent « un beau mélange » autourdes bassins. Seule ombre au tableau, les bâtiments industriels qui subsistent en bor-dure de la base. « Il y a des gens qui viennent au cinéma et qui ne savent pas qu’ils sontau bord des bassins ». La disparition des anciennes glacières dégagerait le panorama. Etpuis il y a l’avenir du Petit Maroc « où il y a une vue magnifique. C’est un endroit extra-ordinaire, il ne faut pas se planter. » Et d’ajouter : « Je suis quelqu’un qui aime bien ten-ter. Il faut faire quelque chose d’original, mais en prenant en compte la singularité du lieu. »

CHRISTOPHE FRANKOWSKINOT ON THE DOCKS!

Despite his banker’s cry of horror, former footballerChristophe Frankowski went ahead with plans for adockside restaurant. Things were different back inthe 1990s: Russian cargoes, Bulgarian trucks,dockers and fishermen. An atmosphere thatreminded him of the Polish ports where he playedfootball as a teenager. He likes places where therumble of the city fades, deserted, carless placeswhere the power and movement of the décor sets youdreaming. Then came the time of the great liners,bringing hordes of businessmen and labourers fromall over the world. Great years. These days, the liners are scarce, but ChristopheFrankowski is ready to sit out the crisis. Skipper has a mixed clientele, but it is classier thanat the beginning – lots of Parisians in a holiday mood.The yacht races draw a motley crowd. Just onedrawback: the industrial buildings that block theview. And he is excited by plans for Petit Maroc: anextraordinary place, a magnificent view. It calls forsomething original but just right for the site.

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Saint Nazaire’s new challenge is to invent the port-cityof the 21st century. The future EcoCité, constructed with Nantes and localauthorities around the estuary, will take shape throughmajor operations, such as Ville-Port-Gare in SaintNazaire, and long-term urban development in areas suchas culture, biodiversity, economic and leisure activities.Will Saint Nazaire become a “normal city”, no longerscarred by its past? Joël Batteux believes anotherchange of scale will make it a “metropolis with a realhistory, a magnificent coastline and a flourishingindustry and port which will dynamise one of France’sbiggest economic zones.” This new scale, which turnsSaint Nazaire towards the Loire and the Atlantic, alsoreaches back to its roots, the key to the estuary whosemotto is still Aperit et nomo claudit: “It opens butnobody closes”.

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verte entre la ville des bassins. Quelques squares y subsistent mais surtoutdes entrepôts et des locaux d’activités liés aux Chantiers et au port.

Une première pièce est en cours de construction, voisine de la nou-velle maison des associations, un programme de logements à forte qua-lité environnementale. « Un joli projet compliqué », dit son architecte,Philippe Madec. Le Crédit immobilier de Saint-Nazaire l’a contactéen 2006 pour répondre à un appel d’offre de la ville, 87 logements sur lesquare Delzieux, face au futur théâtre. Ce projet l’emporte pour sonambition: très haute performance énergétique et ventilation naturelle.Pour ce dispositif, Philippe Madec conçoit une cheminée étonnante: enacier, elle utilise le savoir faire des chaudronniers ; une girouette ani-mée par le vent de mer, une lèvre qui prend le moindre souffle d’air, dela peinture noire et un vitrage pour leurs effets de chaleur…

Cette opération exigeante participe des nouveaux défis que Saint-Na-zaire cherche à relever: inventer la ville portuaire du 21e siècle. « La stra-tégie Ville-Port opposait encore la ville à vivre et la ville productive, estimeLoïc Jauvin. Parler de ville portuaire, c’est donner davantage de poids à laville à vivre, dans un contexte de bonne conduite environnementale ».

En d’autres termes, déclare David Samzun, l’adjoint à l’Urbanisme :« L'enjeu porte désormais sur notre capacité à mettre en place un pi-lotage et une gouvernance inventifs pour la poursuite du projet et soninscription dans le concept global d'EcoCité. »

L’ÉcoCité doit se matérialiser à la fois grâce à des grandes opérationsemblématiques (telles Ville-Port-Gare ici, ou De la gare à la Loire àNantes) et à des projets qui vont concrétiser les thèmes fédérateurs dela ville durable, dans des domaines comme la culture, la biodiversité,le développement économique, les loisirs…

Dans ce nouvel avenir, Saint-Nazaire peut-elle devenir « une villenormale », qui ne serait plus blessée par son histoire ? Elle resteraitune ville bâtie pour bâtir mais en changeant encore une fois d’échelle,en assumant pleinement son rôle dans la métropole. « Cette métropoleoffre un ensemble d’une diversité unique, plaide Joël Batteux, avecune vraie capitale historique, un littoral magnifique et une belle plate-forme industrialo-portuaire, qui dynamise une des plus importanteszones économiques françaises. »23 Cette nouvelle échelle, qui tournedavantage Saint-Nazaire vers la Loire et l’Atlantique, c’est aussi une sortede retour aux origines, celles de la «clef de l’estuaire » dont la devisereste Aperit et nemo claudit : « Elle ouvre mais personne ne ferme ».

23. 900 entreprises sont regroupées autour de la Charte Nantes-Atlantique 2015, en vue de développer ce pôle autour del’estuaire de la Loire

L’architecte Philippe Madec a conçu pour un programme de logements àbasse consommation un dispositif complexe de ventilation naturelle as-sistée et contrôlée.

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Suite de triangles, anamorphose conçue par Felice Varini. Installée sur leport à l’occasion de la biennale Estuaire en 2007, elle est devenue pérennegrâce à la mobilisation de la municipalité, du Port et des entreprises nazai-riennes. Les mâts du Belem s’insèrent de manière surprenante dans ce pay-sage renouvelé.

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Préface Saint-Nazaire ou la ligne claireSaint Nazaire on a clear line

Partie 1 Comment rendre possible l’impossible Doing the impossible

13 La ville du 19e siècle, socle des mutations en cours The 19th-century city beneath the current changes

17 Survivre à la crise : retrouver le sens de la ville Weathering the storm: facing the sea again

19 Le Paquebot : redonner vie au centre The Paquebot: reviving the city centre

20 Bruno Hug de Larauze La mer c’est aussi la plageBruno Hug de Larauze The sea means beaches too

22 L’invention de l’espace public : le style nazairien Designing public areas: the Saint Nazaire style

24 Martin Depaule et Aurore Debierre La ville prend de la gueuleMartin Depaule et Aurore Debierre Starting to look good

25 André Simon L’estuaire vu de sa fenêtreAndré Simon The estuary from his window

26 La méthode globale A global approach

30 Patrick Deville A livre ouvertPatrick Deville An open book

Partie 2 Saint-Nazaire en quête d’attractivité Saint Nazaire wants to be attractive

37 Domestiquer la base Domesticating the u-boat base

40 Dominique Macel Photos avant et aprèsDominique Macel Before and after photos

42 Inventer des programmes Inventing the prorammes

43 Andrea Klose Une Allemande à la baseAndrea Klose A German in the base

44 Remy Sérillon La belle surpriseRemy Serillon A great surprise

47 Fabriquer un quartier complet Constructing a complete quarter

53 Le Ruban bleu, un événement dans l’agglomérationThe Ruban Bleu, an event in the greater city

57 La métropole au bord de l’eau A metropolis by the sea

58 Christophe Frankowski Surtout pas là-bas !Christophe Frankowski Not on the docks!

Table des matièresContents

Saint-Nazaire, ville port. L’histoire d’une reconquête est un numéro hors série de la revue Place publique. Textes : Frédérique de Gra-velaine et Philippe Dossal. Mise en page : Bernard Martin (joca seria). Traduction des textes en anglais Cabinet Martinez. Photographies :Dominique Macel (sauf mentions contraires). L’ouvrage a été achevé d’imprimer en mars 2010. © Place publique, 2010. ISBN 9782848091440 Dépôt légal : premier trimestre 2010.

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9 782848 091440

5€

Saint-Nazaire, ville portL’histoire d’une reconquête

Ville meurtrie, ville-courage, Saint-Nazaire a tellement changé ! Elle aretrouvé la mer, elle a renoué avec son port. Elle a su tirer profit de la basesous-marine léguée par les Allemands et ne craint plus de jouer aussi lescités balnéaires.Ville-port est une opération exemplaire que nous conte Frédérique deGravelaine, auteur de nombreux livres sur l’urbanisme tandis que le journa-liste Philippe Dossal brosse des portraits de Nazairiens confrontés à la méta-morphose de leur ville. Dans sa préface, Ariella Masboungi, l’une des meil-leures spécialistes des projets urbains, tire les leçons de l’expérience nazai-rienne. Les photos sont de Dominique Macel, « l’œil » de Saint-Nazaire depuisune vingtaine d’années.

Place Publique

www.revue-placepublique.fr

ISBN 9782848091440

Couverture : Dominique Macel

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PLACE PUBLIQUE

Philippe Dossal Frédérique de Gravelaine Ariella Masboungi

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