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Science and Technology Options Assessment
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
Résumé
Evaluation des choix scientifiques et technologiques
Direction générale des services de recherche parlementaire
Parlement européen
Octobre 2013
PE 513.515
FR
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
Résumé
IP/A/STOA/FWC/2008-096/Lot7/C1/SC2 - SC4
Octobre 2013
PE 513.515
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
Le projet "Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes - Options pour réduire le
gaspillage alimentaire" de l'unité STOA a été réalisé par l'Institut pour l'évaluation technologique et
l'analyse des systèmes (ITAS), de l'Institut de technologie de Karlsruhe, tous deux membres de l'ETAG.
AUTEURS
Carmen Priefer, responsable du projet (ITAS)
Juliane Jörissen (ITAS)
Klaus-Rainer Bräutigam (ITAS)
ADMINISTRATRICE DE LA RECHERCHE STOA
Lieve Van Woensel
Évaluation des choix scientifiques et technologiques (STOA)
Direction de l'évaluation de l'impact et de la valeur ajoutée européenne
Direction générale des services de recherche parlementaire du Parlement européen
Rue Wiertz 60 - RMD 00J012
B-1047 Bruxelles
Courriel: [email protected]
VERSION LINGUISTIQUE
Original: EN
À PROPOS DE L'ÉDITEUR
Pour contacter l'unité STOA, veuillez écrire à [email protected]
Ce document est disponible sur l'internet à l'adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/stoa/
Manuscrit achevé en août 2013.
Bruxelles, © Union européenne, 2013.
CLAUSE DE NON-RESPONSABILITÉ
Les opinions exprimées dans ce document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la
position du Parlement européen.
Reproduction et traduction autorisées, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source,
information préalable de l'éditeur et transmission d'un exemplaire à celui-ci.
PE 513.515
ISBN 978-92-823-5114-7
DOI 10.2861/43095
CAT BA-03-13-508-FR-N
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
Le présent document est le résumé pour les non-initiés de l'étude STOA "Options
technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes – Options pour réduire le gaspillage
alimentaire". L'étude complète et une note d'information sur la thématique sont disponibles sur
le site de l'unité STOA.
Contenu de l'étude
La réduction du gaspillage alimentaire est considérée comme un levier important pour garantir
la sécurité alimentaire mondiale, car elle permettrait de libérer des ressources épuisables pour
d'autres utilisations, de réduire les risques environnementaux, et d'éviter des pertes financières.
Dans sa feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation de ses ressources, la
Commission européenne s'est fixé pour objectif de réduire de moitié le gaspillage alimentaire
d'ici 2020.
La présente étude formule des approches visant à éviter le gaspillage alimentaire après une
analyse minutieuse de l'ampleur, des raisons, et des modalités du gaspillage alimentaire dans
l'Union européenne des 27. Elle met l'accent sur les mesures et les instruments considérés dans
la littérature ou dans le débat actuel comme particulièrement utiles, faciles à mettre en œuvre
et/ou ayant déjà prouvé leur efficacité dans la pratique. Il est entre autres proposé d'améliorer
et d'harmoniser la base de données disponible, de fixer des objectifs de réduction au niveau
national et régional, de réviser la réglementation existante sur l'étiquetage des dates
alimentaires, de mettre sur pied des campagnes de sensibilisation, d'introduire des incitants
économiques, d'améliorer les flux de travail et, enfin, de mettre en œuvre une gestion intégrée
de la chaîne d'approvisionnement dans le secteur de la fabrication et du commerce de
gros/détail, et en particulier de réaliser des innovations technologiques susceptibles de réduire
le gaspillage alimentaire.
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
TABLE DES MATIÈRES
1. CONTEXTE ET MISSION DE L'ÉTUDE ....................................................................................................... 1
2. LES CONCEPTS DE "PERTE ALIMENTAIRE" ET DE "GASPILLAGE ALIMENTAIRE" ................. 2
3. ÉTAT ACTUEL DE LA RECHERCHE............................................................................................................ 2
4. ORIGINES ET CAUSES DES PERTES ALIMENTAIRES LE LONG DE LA CHAÎNE
ALIMENTAIRE ........................................................................................................................................................ 4
4.1 Pertes dans la production primaire ........................................................................................................ 4 4.2 Pertes lors de la transformation et du conditionnement...................................................................... 4 4.3 Pertes lors de la distribution, du commerce de gros et de détail ........................................................ 5 4.4 Pertes dans le secteur de l'hôtellerie-restauration ................................................................................ 6 4.5 Pertes dans les ménages ........................................................................................................................... 7
5. DONNÉES DISPONIBLES ET LEUR FIABILITÉ ...................................................................................... 9
5.1 Calculs fondés sur les données FAOSTAT et la méthodologie du SIK.............................................. 9 5.2 Résultats des calculs par rapport aux conclusions de BIOIS ............................................................. 10
6. COMPORTEMENT DES MÉNAGES EN MATIÈRE DE GASPILLAGE ............................................ 13
7. INCIDENCES DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE ................................................................................. 16
7.1 Consommation de ressources ................................................................................................................ 16 7.2 Hausse de la quantité de biodéchets .................................................................................................... 17 7.3 Retombées économiques ........................................................................................................................ 19
8. MESURES POSSIBLES POUR RÉDUIRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE ................................. 19
RÉFÉRENCES ......................................................................................................................................................... 24
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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RÉSUMÉ POUR LES NON-INITIÉS
1. CONTEXTE ET MISSION DE L'ÉTUDE
Bien que l'évaluation des pertes alimentaires mondiales tout au long de la chaîne d'approvisionnement
soit compliquée par les nombreuses incertitudes, il ne fait aucun doute que ces pertes sont considérables.
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu'environ un tiers
des aliments produits pour l'alimentation humaine est perdu ou gaspillé dans le monde, ce qui
représente la perte de 1,3 milliard de tonnes de nourriture par an. Ces denrées sont perdues ou gaspillées
le long de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, depuis la production agricole initiale jusqu'à la
consommation finale des ménages. Selon la FAO, le gaspillage alimentaire par habitant en Europe et en
Amérique du Nord oscille entre 95 et 115 kg/an (Gustavsson et coll. 2011). Le Parlement européen
estime que d'ici 2020, le gaspillage alimentaire augmentera de 40 % si aucune action ou mesure
préventive supplémentaire n'est prise (Parlement européen 2012).
Comme plus d'un milliard de personnes souffrent de malnutrition, la thématique du gaspillage
alimentaire revêt une dimension éthique particulière. Si la façon dont le comportement des
consommateurs des pays industrialisés pèse sur le problème de la faim et de la pauvreté rurale dans les
pays en développement fait l'objet de débats, on peut raisonnablement émettre l'hypothèse que
l'utilisation inappropriée des denrées alimentaires dans les pays riches exerce des pressions à la hausse
sur la demande mondiale de denrées alimentaires. La poussée de la demande dans toutes les parties du
monde entraîne la hausse des prix sur le marché mondial, hausse qui réduit encore le pouvoir d'achat
des populations pauvres des pays en développement. Les perspectives à moyen terme des Nations unies
pour la croissance démographique mondiale prévoient que la population mondiale atteindra
9,3 milliards de personnes d'ici 2050. Cette croissance démographique exercera une pression accrue sur
l'approvisionnement alimentaire mondial.
La production alimentaire, qu'elle soit consommée ou gaspillée, a des incidences négatives sur
l'environnement. Le gaspillage alimentaire implique donc la perte non seulement de nutriments
essentiels à la vie, mais aussi de ressources limitées comme les terres, l'eau, et l'énergie, utilisées pour la
production, la transformation et la distribution des denrées alimentaires. Ces pertes sont aggravées par
le passage d'un régime basé essentiellement sur les céréales à une consommation importante de produits
d'origine animale. Vu l'accroissement de la prospérité dans les pays en développement, l'apport
calorique par personne dû à la consommation de viande devrait en effet augmenter de 40 % d'ici 2050
(IMECHE 2013). La production de ces produits d'origine animale nécessite des ressources beaucoup plus
importantes que la production d'aliments à base de céréales.
Outre les incidences négatives sur l'environnement, le gaspillage alimentaire entraîne d'importantes
pertes monétaires, à la fois pour les consommateurs particuliers et pour les économies nationales. Outre
les conséquences écologiques, les pertes économiques s'accumulent tout au long de la chaîne
d'approvisionnement, de sorte qu'une tonne de denrées gaspillées au niveau des ménages (c'est-à-dire à
la dernière étape de la chaîne) a un coût environnemental et économique bien supérieur à une tonne de
denrées gaspillées dans le secteur manufacturier.
Dans ce contexte, la réduction du niveau actuel de gaspillage alimentaire représente une chance unique
de parvenir à la sécurité alimentaire, de réduire les risques environnementaux, de préserver les
ressources limitées pour les affecter à d'autres usages, et d'éviter les pertes financières. La mise en œuvre
de mesures préventives visant à lutter contre le gaspillage alimentaire exige toutefois une analyse
minutieuse de l'ampleur, des modalités, et des incidences du gaspillage alimentaire, analyse qui
constitue l'un des thèmes de cette étude. Son objet principal est d'examiner les mesures et instruments
susceptibles de contribuer à la prévention du gaspillage alimentaire, en tenant compte des expériences
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
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déjà constituées dans les divers pays. L'étude a mis l'accent sur les approches considérées par la
littérature ou dans le débat actuel comme particulièrement utiles, faciles à mettre en œuvre et
susceptibles d'apporter des bénéfices à long terme. Sur la base de cet examen, des options d'action ont
été élaborées à l'attention des instances de l'Europe et des gouvernements nationaux responsables de
leur mise en œuvre.
2. LES CONCEPTS DE "PERTE ALIMENTAIRE" ET DE "GASPILLAGE
ALIMENTAIRE"
Il n'existe à ce jour aucune définition communément admise des concepts de "perte alimentaire" et de
"gaspillage alimentaire", ni dans les cadres juridiques nationaux, ni dans la littérature scientifique. En
accord avec d'autres auteurs connaissant bien ces questions, on propose ici d'établir la distinction entre
"perte alimentaire" et "gaspillage alimentaire". On entend par perte alimentaire l'exclusion de la chaîne
d'approvisionnement d'une certaine quantité de denrées produites pour la consommation humaine,
pour diverses raisons. Le gaspillage alimentaire est un sous-ensemble de la perte alimentaire et
représente la quantité des denrées encore propres à la consommation qui sont mises au rebut en raison
de l'action ou de l'inaction humaine. Il est essentiel d'établir cette distinction, car les résidus et les
produits triés aux stades antérieurs de la chaîne alimentaire peuvent être réutilisés dans le processus de
production. Ainsi, toutes les pertes alimentaires ne sont pas gaspillées. En revanche, les aliments
initialement destinés à la consommation humaine qui sont accidentellement exclus de la chaîne
alimentaire sont classés dans la catégorie des gaspillages alimentaires, même s'ils font par la suite l'objet
d'une réutilisation non alimentaire. Les produits qui ne peuvent plus être vendus, mais qui sont recyclés
pour la consommation humaine et restent ainsi dans la chaîne d'approvisionnement ne sont considérés
ni comme pertes alimentaires, ni comme gaspillages alimentaires (par exemple la transformation des
produits de boulangerie invendus en chapelure).
Par ailleurs, la communauté scientifique complète la distinction entre la perte alimentaire et le gaspillage
alimentaire en établissant une nouvelle distinction entre gaspillage alimentaire "évitable" et gaspillage
"inévitable". Le gaspillage alimentaire évitable renvoie aux produits encore propres à la consommation
humaine qui sont mis au rebut ou aux produits qui auraient été comestibles s'ils avaient été consommés
à temps. Le gaspillage alimentaire inévitable renvoie aux produits ou ingrédients impropres à la
consommation humaine, notamment les composants non comestibles (par exemple les pelures de
bananes, les os, les coquilles d'œufs), ainsi qu'aux produits qui ont été endommagés par des intempéries,
des maladies ou des ravageurs et qui ne peuvent par conséquent être consommés. La troisième catégorie
utilisée dans le débat actuel, "gaspillage alimentaire potentiellement/partiellement évitable", fait
référence aux produits ou ingrédients qui ne sont pas consommés en raison des préférences des
consommateurs (par exemple les croûtes de pain, la peau des pommes) ou qui peuvent se manger
lorsque l'aliment est préparé d'une certaine façon et pas d'une autre (la peau des volailles rôties se mange
généralement, tandis que celle des volailles bouillies ne se mange pas, en principe). Nous pensons que
cette catégorie devrait être négligée, car les quantités respectives concernées ne jouent qu'un rôle mineur
par rapport à la quantité totale des aliments gaspillés.
3. ÉTAT ACTUEL DE LA RECHERCHE
En janvier 2012, le Parlement européen a adopté une résolution "Éviter le gaspillage des denrées
alimentaires: stratégie pour une chaîne alimentaire plus efficace dans l'Union européenne", dans laquelle
la Commission est invitée à élaborer des actions concrètes visant à réduire de moitié le gaspillage
alimentaire d'ici 2025. La Commission est également invitée à procéder à une analyse de l'ensemble de la
chaîne alimentaire, du champ à l'assiette des consommateurs, afin de déterminer dans quels secteurs
alimentaires il y a le plus de gaspillage alimentaire. Sur la base de cette analyse, il conviendra de fixer
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Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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des objectifs précis de prévention du gaspillage alimentaire dans les États membres, dans le cadre des
objectifs de prévention des déchets que les États membres doivent atteindre d'ici 2014 (directive-cadre
sur les déchets de 2008). Se référant à ces initiatives dans sa "Feuille de route pour une Europe efficace
dans l'utilisation des ressources", la Commission européenne s'est fixé pour objectif de réduire le
gaspillage des aliments encore propres à la consommation dans l'Union européenne de moitié d'ici 2020
(Commission européenne 2011).
Au niveau européen, un nombre important d'études ont été réalisées, qui s'intéressent à l'ampleur, aux
causes et aux conséquences de la génération de gaspillage alimentaire. Des enquêtes nationales sont
disponibles au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Finlande et en Norvège, en
France, en Italie, au Portugal, en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Les recherches et les initiatives
politiques proviennent en grande partie des pays de l'Ouest, du centre et du Nord de l'Europe, et moins
souvent des pays du Sud de l'Europe. Les pays du Sud de l'Europe et la plupart des pays d'Europe
orientale sont peu représentés dans le débat actuel. Des études sur le gaspillage alimentaire ont été
publiées par diverses institutions, et notamment par des universités, des instituts de recherche, des
ONG, des entreprises industrielles, des ministères nationaux, des organisations internationales et
européennes. Il convient de signaler que, même si ces études ont le même objet, il est difficile de
comparer leurs résultats, en raison de la diversité des hypothèses formulées concernant la définition des
concepts de "perte alimentaire" et de "gaspillage alimentaire", la délimitation du système, la conception
et la portée de l'enquête, ainsi que les méthodes utilisées pour recueillir et analyser les données.
Il n'existe à ce jour qu'une seule étude importante qui concerne l'ensemble de l'Europe: "l'étude
préparatoire sur les déchets alimentaires dans l'UE des 27" (Monier et coll. 2010). Les auteurs y évaluent
l'ampleur des pertes alimentaires en Europe, d'après les données EUROSTAT et les données provenant
des études nationales. Plusieurs études mondiales réalisées par le WWF et la FAO (Grethe et coll. 2011;
Gustavsson et coll. 2011) et des études américaines (Buzby & Hyman 2012; Gunders 2012; Hall et al.
2009) sont également disponibles.
Deux projets européens portent actuellement sur le gaspillage alimentaire: dans le projet "Green Cook",
des pays comme la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique, et l'Allemagne collaborent en
vue d'élaborer un modèle de gestion durable de l'alimentation adapté à l'Europe du Nord. Il s'agit,
notamment, de parvenir à une définition homogène du terme de "gaspillage alimentaire" et de mettre sur
pied un cadre d'évaluation du gaspillage alimentaire. Le projet européen FUSIONS (Food Use for Social
Innovation by Optimising Waste Prevention Strategies/l'alimentation au service de l'innovation sociale
via l'optimisation des stratégies de prévention du gaspillage), mis en œuvre dans le cadre du
7e programme-cadre, implique 21 institutions issues de 13 États membres. Il contribuera à
l'harmonisation de la surveillance du gaspillage alimentaire, à la faisabilité sociale de mesures
innovantes visant à optimiser la consommation des aliments produits pour la chaîne alimentaire, et à
l'élaboration de lignes directrices pour une politique commune des déchets alimentaires au sein de
l'Union des 27.
Le Royaume-Uni joue un rôle moteur dans l'Europe grâce au programme WRAP (Waste & Resources
Action Programme/programme d'action relatif aux déchets et aux ressources), lancé en 2000. L'objectif
de cette initiative financée par les autorités publiques est de réduire tous les types de déchets dans le
secteur privé et industriel. La thématique du "gaspillage alimentaire", qui joue un rôle important dans le
programme WRAP, constitue une priorité depuis quelques années. L'objectif premier est ici d'évaluer
l'ampleur des pertes alimentaires au Royaume-Uni, de rassembler les parties prenantes, et d'attirer
l'attention des consommateurs sur cette question à l'aide de campagnes telles que "Love Food Hate
Waste".
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4. ORIGINES ET CAUSES DES PERTES ALIMENTAIRES LE LONG DE LA
CHAÎNE ALIMENTAIRE
Au cours des dernières décennies, la chaîne alimentaire s'est allongée et progressivement complexifiée
avec la mondialisation du marché, les attentes plus élevées des consommateurs en matière de choix et la
demande accrue de viande, de fruits, de légumes et d'autres denrées facilement périssables.
L'urbanisation accrue de la population augmente les distances entre les lieux de production et les lieux
de consommation, ce qui implique de plus longues distances de transport, un allongement de la chaîne
frigorifique, et un nombre plus important d'intermédiaires. Par ailleurs, la façon dont les citadins traitent
les denrées alimentaires se distingue fortement de celle des habitants des habitants des zones rurales.
Une étude autrichienne basée sur une analyse des déchets a révélé que la quantité de denrées
alimentaires présente dans les poubelles des citadins est beaucoup plus importante que dans les zones
rurales (Obersteiner & Schneider 2006).
4.1 Pertes dans la production primaire
Dans les pays industrialisés, les pertes dans le domaine de la production primaire (agriculture,
opérations et stockage après récolte) sont relativement faibles, par rapport aux pays en développement
ou émergents. Dans les pays industrialisés, on estime que les pertes peuvent entre autres être dues à
l'orientation de la production en fonction des besoins du marché, ce qui peut entraîner une offre
supérieure à la demande. Les exigences contractuelles et les normes de qualité rigoureuses fixées par la
grande distribution peuvent également donner lieu à des excédents de production.
Bien que la sélection des végétaux permette d'utiliser des plantes présentant les caractéristiques
souhaitées, les agriculteurs ne peuvent prévoir avec précision le rendement de leurs récoltes, en raison
principalement de la variabilité des conditions météorologiques. Malgré cela, un agriculteur doit fournir
la quantité prévue au contrat, de qualité parfaite, s'il veut recevoir le prix qui a été fixé. Il en résulte
qu'une quantité considérable des récoltes produites est laissée dans les champs. Il convient toutefois de
noter que les agriculteurs et les entreprises de transformation cherchent généralement d'autres
débouchés commerciaux pour les surplus de ce genre.
Les conditions du cadre juridique constituent un autre aspect important de l'analyse des pertes
alimentaires. L'objectif sociétal que représente la prévention des risques pesant sur la vie et la santé des
consommateurs, ancré dans les diverses réglementations et directives de l'UE, peut aller à l'encontre de
l'ambition d'éviter le gaspillage alimentaire. Il faudrait établir une distinction entre la contamination des
denrées alimentaires lors de la production, les résidus des pesticides sur les récoltes, et les résidus des
médicaments vétérinaires dans les denrées d'origine animale. Des limites de concentration maximale ont
été fixées au niveau européen pour tous ces types de contamination. Une étude de la Wageningen UR
(Waarts et coll. 2011) a révélé que ces contraintes juridiques fixées par la législation européenne
constituaient d'importants facteurs de gaspillage alimentaire dans la production primaire.
4.2 Pertes lors de la transformation et du conditionnement
Le problème de la surproduction existe aussi en partie dans l'industrie de transformation. Même si de
nombreuses entreprises de production essaient d'éviter les niveaux élevés de stocks grâce à des
livraisons "à flux tendu", il n'est pas possible d'éviter entièrement les excédents de production.
L'industrie agroalimentaire exige des dimensions et des normes précises pour la transformation des
produits. Certains choix lors des différentes étapes de la transformation entraînent des taux élevés de
déchets. Les légumes et les fruits, souvent vendus sous emballage, sont sélectionnés lors de la
transformation de manière à obtenir des unités d'emballage de forme et de poids uniformes. L'utilisation
d'unités emballées entraîne également des pertes au niveau de la vente au détail, car il est trop coûteux
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Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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d'ouvrir les emballages quand une partie des produits est endommagée et de mettre en vente les
marchandises restantes. La transformation des aliments produit également des sous-produits qui
pourraient être utilisés pour la consommation humaine. Ces sous-produits sont parfois utilisés dans
d'autres domaines, mais ils sont généralement jetés parce que cette option représente moins d'efforts et
moins de coûts.
La production de marques différentes et de certaines marques déposées d'un produit entraîne également
des pertes. Les produits laitiers, par exemple, qui sont proposés sur le marché par de très nombreuses
marques, font partie des produits alimentaires périssables. En raison des différentes recettes, des
changements de composition sont nécessaires pour la production des différentes marques. Ainsi, la
phase mixte produite dans la machine de remplissage est souvent mise au rebut pour des raisons de
gestion des allergènes. Les changements de composition fréquents donnent aussi lieu à des quantités
accrues de résidus de nettoyage. Par ailleurs, les producteurs des marques des grands distributeurs ne
peuvent pas écouler leur surproduction ailleurs.
Le traitement des produits d'origine animale comme le lait, les produits laitiers, la viande et les saucisses,
est régi par diverses réglementations européennes imposant un ensemble de règles d'hygiène strictes.
Les réglementations européennes stipulent également une documentation claire de la chaîne alimentaire,
qui doit être traçable au moyen d'un signe d'identification sur l'emballage. La viande et les saucisses sont
des marchandises extrêmement périssables en raison de leur sensibilité au développement microbien. La
transformation des matières premières requiert un strict respect des règles de la chaîne frigorifique. Dans
les supermarchés et les magasins discount qui proposent toujours des produits à base de viande crue très
divers en quantités importantes, le risque de mise au rebut est particulièrement élevé en raison des
courts délais de rotation. Ce sont essentiellement les ruptures de la chaîne frigorifique, les excès de
température, et les contaminations qui entraînent la mise au rebut de ces produits.
4.3 Pertes lors de la distribution, du commerce de gros et de détail
En fixant les normes de qualité applicables aux produits agricoles, le secteur marchand exerce une forte
pression sur la production primaire et laisse les marchandises rejetées aux bons soins des producteurs.
Les normes fixées en matière de dimension, de forme, de couleur et d'apparence des produits exigent
une sélection qui provoque des pertes.
Bien que le nombre des normes européennes précises de commercialisation des fruits et des légumes
frais ait été réduit en 2009, passant de 36 à 10, le secteur marchand exige toujours des produits
normalisés, car les processus logistiques de stockage, de conditionnement et de distribution ne peuvent
traiter les marchandises de dimensions ou de formes irrégulières. Par ailleurs, le secteur marchand a
intérêt à maintenir ces normes qui représentent un critère objectif facilitant les relations commerciales
avec les producteurs, les fabricants et les détaillants. Les normes légales initiales sont par ailleurs
utilisées par différentes entreprises agroalimentaires sous la forme de normes privées.
Avant que les marchandises ne soient commercialisées, elles doivent être transportées et distribuées. Des
pertes peuvent se produire lorsque les entreprises de transport dépassent le délai prévu pour la livraison
et le déchargement des marchandises. Par ailleurs, les pertes ou les dommages occasionnés aux
marchandises ou aux emballages peuvent résulter d'un mode de transport inapproprié. Des dommages
peuvent également se produire au moment du chargement ou du déchargement des marchandises ou
pendant l'empilement. L'entreposage constitue un autre problème de logistique, lorsque, en raison du
surstockage des marchandises, la date de péremption ne correspond plus aux exigences de vente ou
lorsque les marchandises sont avariées.
L'expiration des dates de péremption provoque également du gaspillage alimentaire dans les secteurs de
la vente de gros et de détail. Il n'est pas interdit de réétiqueter et de vendre des produits sur lesquels les
dates de consommation recommandées sont arrivées à expiration, tant que cela ne représente pas de
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risque sanitaire. Mais pour des raisons de responsabilité civile, ce n'est tout simplement pas une pratique
courante. Waarts et coll. (2011) ont découvert que les producteurs fixaient avec beaucoup de prudence
les dates de consommation recommandées afin de limiter leur risque de responsabilité en matière de
produits et les atteintes potentielles à leur réputation. Pour la même raison, les détaillants décident de ne
pas réétiqueter les produits ayant dépassé la date de consommation recommandée. On estime également
que les stratégies de marketing telles que "deux pour le prix d'un" génèrent du gaspillage alimentaire au
niveau des ménages, car elles encouragent l'achat de produits superflus.
Malgré les nombreuses raisons considérées comme responsables des pertes alimentaires dans la grande
distribution et le commerce de gros et de détail, les quantités concernées semblent comparativement
faibles. D'après les estimations de BIOIS et d'autres études, le secteur marchand représente seulement
5 % de la quantité totale de gaspillage alimentaire dans l'Union européenne. Toutefois, les données
empiriques sont particulièrement rares dans ce domaine. Des recherches plus détaillées sont donc
indispensables pour évaluer le gaspillage alimentaire de manière plus rigoureuse.
4.4 Pertes dans le secteur de l'hôtellerie-restauration
En ce qui concerne les restaurants et les autres fournisseurs de services d'alimentation, la quantité de
gaspillage alimentaire est largement déterminée par le volume des portions proposées. Lorsque le
volume des portions augmente – tendance que l'on observe ces dernières années aux États-Unis ainsi
qu'en Europe –, le nombre des clients incapables de finir leur repas augmente. Dans les restaurants de
type buffet, la majorité du gaspillage provient des trop grandes quantités de nourriture produites qui ne
peuvent être conservées ou servies plus tard dans un autre plat. Cela s'explique en partie par le fait que
les clients s'attendent souvent à ce qu'il n'y ait pas de produits épuisés, en particulier sur le marché haut
de gamme, ce qui contraint les opérateurs à préparer beaucoup plus de nourriture qu'il n'en sera
consommé.
Certains problèmes logistiques favorisent par ailleurs les pertes alimentaires dans le secteur hôtelier. Le
nombre variable de clients entrave la gestion et ne permet pas d'acheter des quantités précises
d'aliments. Les réservations facilitent l'estimation des quantités nécessaires, mais elles ne sont pas
courantes dans certains types de restaurants, comme les cafétérias par exemple. Dans les buffets, les
réservations ne permettent de prévoir la demande que dans une mesure très limitée.
Si les restes de nourriture doivent être réutilisés ou resservis, il est nécessaire de disposer d'un espace de
réfrigération suffisant. Toutefois, en situation de stress, il est souvent plus facile de jeter la nourriture que
de l'emballer et de la réfrigérer. Par ailleurs, il est difficile de réutiliser les restes, parce que de nombreux
opérateurs planifient leur offre quotidienne et ne disposent donc pas de la flexibilité nécessaire pour
modifier leur menu. Dans la plupart des établissements, les déchets alimentaires ne sont ni collectés ni
pesés séparément. Il n'y a donc aucune certitude concernant la quantité de nourriture gaspillée, et il
n'existe donc aucune mesure et aucune réflexion n'est possible concernant les possibles améliorations des
procédures internes qui pourraient rationaliser l'utilisation des denrées alimentaires.
Les dispositions juridiques jouent également un rôle important dans le secteur de l'hôtellerie-
restauration. Vu les exigences en matière d'hygiène, la réutilisation des restes n'est légale que si la
nourriture n'a pas quitté les cuisines. La garantie des deux heures pour les produits non réfrigérés (qui
fait partie du paquet "hygiène des denrées alimentaires" de l'Union) entraîne un gaspillage alimentaire,
car les restaurateurs doivent jeter des produits qui devraient normalement être stockés au réfrigérateur,
s'ils sont proposés à la vente pendant plus de deux heures. En outre, Waarts et coll. (2011) ont révélé que
les restaurateurs, détaillants et transformateurs de flux résiduels appliquent souvent des normes plus
strictes que les normes imposées par la loi, afin d'éviter les risques de responsabilité et les atteintes à leur
réputation.
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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4.5 Pertes dans les ménages
Plusieurs études révèlent que le gaspillage alimentaire tend à augmenter avec l'accroissement de la
prospérité. Même dans les pays dotés d'un revenu moyen faible à modéré, les classes supérieures ont
tendance à gaspiller plus les aliments. Par ailleurs, les prix mondiaux des denrées alimentaires n'ont
cessé de diminuer au cours du siècle dernier et n'ont que peu augmenté pendant les dix premières
années de ce siècle. En conséquence, le montant dépensé pour l'alimentation représente une partie
toujours moins substantielle du revenu des ménages. Alors qu'au début du XXe siècle, un ménage moyen
devait dépenser plus de la moitié de son revenu disponible pour se nourrir, cette proportion varie
aujourd'hui entre moins de 10 % et 20 % des revenus, dans l'ensemble des 27 pays de l'Union. Cette
évolution a fait reculer l'importance généralement prêtée aux aliments par les consommateurs
(Gerstberger & Yaneva 2013).
Les changements démographiques exercent également une influence sur le gaspillage alimentaire. Le
nombre croissant de ménages d'une seule personne dans les pays industrialisés augmente la quantité de
déchets alimentaires. Les ménages d'une seule personne produisent en effet plus de déchets par habitant
que les ménages composés, ces personnes n'ayant pas la possibilité de partager leur repas. Une troisième
tendance influençant l'utilisation de la nourriture concerne la proportion croissante de femmes sur le
marché du travail. En raison de leurs obligations professionnelles et familiales multiples, le temps
disponible pour faire les courses est limité, et il est plus difficile de faire des achats quotidiens. Les
ménages achètent donc de grandes quantités qui doivent survivre toute la semaine; la probabilité que
certains de ces articles alimentaires soient jetés ou inutilisés est donc plus élevée. Il ressort des données
empiriques que les personnes ayant un emploi à temps plein jettent plus de nourriture.
Les attitudes comportementales des ménages jouent également un rôle important dans le gaspillage
alimentaire. Les consommateurs planifient mal leurs courses quotidiennes et achètent plus qu'ils n'ont
besoin. L'offre variée de produits d'épicerie et d'aliments prêts à l'emploi invite les consommateurs à
essayer de nouveaux produits qu'ils ne connaissent pas. Une certaine quantité d'aliments, que les
consommateurs ont achetés pour la première fois et n'ont pas aimés, est jetée. Les grands
conditionnements réduisent au minimum le besoin de matériaux d'emballage et la quantité de déchets
d'emballage. Il arrive toutefois qu'ils ne puissent être entièrement consommés pendant que le produit est
encore frais. Les conditionnements de petite taille sont beaucoup plus coûteux que les grands. D'autre
part, les consommateurs sont souvent mal informés sur la façon correcte de stocker et de conserver les
aliments.
Selon les réglementations européennes en matière d'étiquetage alimentaire, la durabilité minimale des
produits préemballés doit être indiquée sur le conditionnement. Il existe principalement deux étiquettes
importantes indiquant la date de péremption: la mention "À consommer de préférence avant" et la
mention "À consommer jusqu'au". Alors que la mention "À consommer jusqu'au" indique la date limite
jusqu'à laquelle il est recommandé de consommer un produit dans une perspective de sécurité
alimentaire (par exemple pour la viande hachée, le poisson cru), la mention "À consommer de
préférence avant" ne renvoie pas à la sécurité alimentaire. Elle peut être considérée comme une garantie
de responsabilité de la part du producteur, et les produits ne sont pas supposés présenter de danger
après cette date. Toutefois, il existe une sérieuse confusion concernant la signification des étiquettes, ce
qui provoque encore plus de gaspillage alimentaire. Diverses études empiriques sur le comportement
des ménages dans l'Union ont révélé que les dates "À consommer de préférence avant" constituent une
cause importante de mise au rebut des denrées alimentaires dans les ménages, car les consommateurs
concluent de ces termes que les produits sont gâtés et impropres à la consommation.
Le tableau 1 présente un résumé des principaux facteurs favorisant le gaspillage des denrées
alimentaires aux différentes étapes de la chaîne alimentaire
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
8
Tableau 1: Résumé des principaux facteurs favorisant le gaspillage des denrées alimentaires aux
différentes étapes de la chaîne alimentaire dans les pays industrialisés
Étape Facteurs favorisant le gaspillage alimentaire
Production agricole
Tri des produits au départ de l'exploitation en raison des normes de
qualité rigoureuses fixées par la grande distribution en matière de
poids, taille, forme et apparence
Prix du marché qui ne justifient pas les dépenses liées aux récoltes
Surproduction due aux accords de fourniture avec les chaînes de
distribution
Récoltes endommagées lors des récoltes
Fabrication
Les produits de taille irrégulière sont adaptés pour correspondre aux
normes ou rejetés
Manque de constance des processus de fabrication entraînant des
produits difformes ou des dommages
Contamination pendant le processus de production entraînant une
perte de qualité
Détérioration des aliments à cause de problèmes de conditionnement
Excédents de la production des marques des distributeurs des
supermarchés qui ne peuvent être vendus ailleurs
Excédents de stocks dus aux systèmes de "reprise" et à l'annulation
des commandes
Distribution, commerce
de gros/détail
Absence de chambre froide/interruption de la chaîne frigorifique
Défauts de conditionnement entraînant des dommages aux produits
Surstockage dû à des commandes imprécises et à des erreurs de
prévision de la demande
Obligation pour les détaillants de commander de larges éventails de
produits et de marques auprès du même producteur afin d'obtenir
des prix réduits
Non-respect des normes alimentaires minimales (par exemple
contamination microbienne, résidus de pesticides)
Stratégies de marketing comme "deux pour le prix d'un"
Secteur de l'hôtellerie et
de la restauration
Assiettes surdimensionnées
Offre de buffets à prix forfaitaire encourageant les clients à prendre
plus qu'ils ne peuvent manger
Séparation des emballages dans les hôtels et restaurants (par ex.
confitures, céréales, jus et lait) ou utilisation de portions
individuelles qui ne répondent pas aux besoins des clients
Difficultés à évaluer la demande (nombre de clients)
Règles européennes en matière d'hygiène, par exemple garantie des
deux heures relative aux produits non réfrigérés
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
9
Ménages
Absence de planification/connaissances relatives à l'achat et au
stockage des denrées alimentaires
Achats impulsifs (achat d'articles qui ne sont pas nécessaires)
Achat de nouveaux produits que le consommateur "n'aime pas"
Conditionnement inadapté (par exemple repas prêts à l'emploi
surdimensionnés)
Mauvaise gestion des stocks (par exemple emballage inapproprié)
Confusion concernant les étiquettes indiquant les dates de
consommation ("À consommer de préférence avant", "À consommer
jusqu'au")
Manque de techniques et de compétences pour la préparation de la
nourriture
Peu d'expérience en matière de planification des repas
Préparation d'un trop grand nombre de repas
Manque de compétences pour recombiner les restes et en faire de
nouveaux repas
Sources: Parfitt et coll. (2010); Monier et coll. (2010); Gustavsson et coll. (2011); BFCN (2012); IMECHE (2013)
5. DONNÉES DISPONIBLES ET LEUR FIABILITÉ
Il existe deux études principales utilisant des données valables pour l'ensemble de l'Europe concernant le
gaspillage alimentaire: l'étude réalisée par Bio Intelligence Service (BIOIS) pour le compte de la
Commission européenne (Monier et coll. 2010) et l'étude réalisée par l'institut suédois pour
l'alimentation et les biotechnologies (SIK) pour le compte de la FAO (Gustavsson et coll. 2011, 2013). Ces
deux études comportent des points forts et des faiblesses. L'étude BIOIS examine l'apparition des déchets
alimentaires à toutes les étapes de la chaîne alimentaire dans les 27 pays de l'Union européenne. Cette
étude exclut toutefois la production agricole et ne tient pas compte des différents groupes de produits.
L'étude du SIK examine la production de déchets à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, y compris
dans la production agricole, et ventile ses conclusions par types de produits. À l'inverse de l'étude BIOIS,
l'étude du SIK adopte une perspective globale, en subdivisant la planète en plusieurs régions. Le groupe
des pays à revenu modéré/élevé rassemble l'EU-27, la Russie, et les autres pays européens qui ne sont
pas membres de l'Union. L'étude du SIK se base sur les données FAOSTAT de 2007, alors que l'étude
BIOIS a construit sur les données EUROSTAT de 2006 et diverses sources nationales.
5.1 Calculs fondés sur les données FAOSTAT et la méthodologie du SIK
L'étude BIOIS a réalisé un mix de données variées tirées d'EUROSTAT, d'études nationales et de ses
propres extrapolations. Tous les graphiques présentés par BIOIS doivent être considérés comme des
estimations approximatives représentant les meilleures données disponibles. Mais on est en droit de se
demander si elles permettent d'apprécier correctement les quantités de déchets alimentaires produites
aux différentes étapes de la chaîne alimentaire. Les données EUROSTAT (principalement utilisées pour
le secteur manufacturier) sont soumises par les États membres, mais il n'existe aucune méthode
normalisée de collecte et de traitement de ces données. Les extrapolations de BIOIS (principalement
utilisées pour le secteur du commerce de gros et de détail et pour le secteur des services
d'alimentation/hôtellerie-restauration) tiennent compte de valeurs moyennes se basant sur un très petit
nombre d'études nationales. Cette méthode gomme en outre les éventuelles différences qui pourraient
exister entre les États membres. On considère que les études nationales sont réalisées avec plus de soin et
fournissent des données plus fiables; toutefois, les définitions et les méthodes de calculs varient
considérablement d'un État membre à l'autre, ce qui limite la comparabilité des résultats.
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
10
Afin d'évaluer la plausibilité des résultats de l'étude BIOIS, on a procédé à des modélisations basées sur
les données FAOSTAT et la méthodologie adoptée par le SIK (Gustavsson et coll. 2013). Ces calculs ont
été réalisés séparément pour différents groupes d'aliments et différentes étapes de la chaîne
d'approvisionnement dans les 27 pays de l'Union. Afin de permettre la comparaison avec les résultats de
l'étude BIOIS, les calculs ont été réalisés sur base des données FAOSTAT concernant l'année 2006.
La méthodologie utilisée permet de recenser les "points chauds" (par exemple, pays, types d'aliments,
étapes de la chaîne d'approvisionnement) qui produisent le plus de déchets alimentaires. Comme toutes
les étapes de la chaîne alimentaire peuvent être modélisées de manière cohérente, les pertes alimentaires
essuyées à une étape de la chaîne alimentaire influencent directement les données d'entrée de toutes les
étapes suivantes. Cela permet d'éviter les conflits dus à l'utilisation de données issues de différentes
sources.
Il convient toutefois de noter que de nombreuses restrictions viennent limiter la fiabilité des résultats.
Les pourcentages de pertes alimentaires fournis par le SIK pour chaque étape de la chaîne
d'approvisionnement sont, pour la plupart, des valeurs moyennes pour l'ensemble des pays européens et
ne tiennent donc pas compte des conditions propres à chaque pays. Les résultats traduisent avant tout
les différences de régimes alimentaires d'un pays à l'autre. Cette approche permet cependant d'évaluer la
plausibilité des résultats des autres études et de mieux interpréter les données disponibles.
5.2 Résultats des calculs par rapport aux conclusions de BIOIS
Le graphique 1 montre la contribution de chacune des étapes de la chaîne d'approvisionnement à la
quantité totale de déchets alimentaires produite dans les 27 pays de l'Union. Il montre que ce sont la
première et la dernière étape de la chaîne d'approvisionnement qui génèrent les plus grandes quantités
de déchets alimentaires. Le constat que la production agricole et les opérations et le stockage après
récolte dans l'Union des 27 contribuent pour une part importante au total des déchets alimentaires en
Europe vient, dans une certaine mesure, contredire les résultats d'autres études. Il est communément
admis en effet que les pays industrialisés connaissent des pertes négligeables dans la production
primaire, contrairement aux pays en développement.
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Options pour réduire le gaspillage alimentaire
11
Graphique 1: Proportion des différentes étapes de la chaîne alimentaire dans la production de déchets
alimentaires dans les 27 pays de l'Union (calculs ITAS)
Les calculs montrent que les taux de déchets sont très élevés dans les pays du Sud de l'Europe (Chypre,
Espagne, Grèce et Italie), ainsi qu'aux Pays-Bas, en Belgique et en Pologne. Tous ces pays disposent d'un
secteur de production agricole intensive, ce qui signifie qu'une grande partie des aliments produits sont
exportés et ne sont, par conséquent, pas consommés dans le pays. Ce résultat permet de penser qu'il
faudrait intéresser le secteur agricole à la formulation d'une stratégie européenne visant à réduire le
gaspillage alimentaire. Conformément aux conclusions d'autres études, les calculs de l'ITAS montrent
que le secteur des ménages génère la plus grande partie du gaspillage alimentaire, par rapport à toutes
les autres étapes de la chaîne alimentaire. Le comportement du consommateur final devrait donc être au
cœur de la formulation des mesures préventives, sans négliger toutefois les étapes précédentes de la
chaîne alimentaire.
Le graphique 2 présente la quantité de déchets alimentaires en kilogrammes par habitant pour l'année
2006, par ordre décroissant d'après les calculs réalisés. Comme l'étude BIOIS ne tient pas compte des
deux premières étapes de la chaîne d'approvisionnement (production agricole et opérations et stockage
après récolte) et qu'elle renvoie uniquement aux étapes en aval, les calculs réalisés dans la présente étude
utilisent le même cadre de référence. Le graphique indique une conformité assez bonne des résultats
obtenus, sauf en ce qui concerne les Pays-Bas, la Belgique, et la Pologne, pays pour lesquels les chiffres
de BIOIS, basés sur les données EUROSTAT, ne sont pas plausibles parce qu'ils ne peuvent s'expliquer
par des inefficacités sur le plan technologique ou par l'ampleur du secteur alimentaire dans ces pays.
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
12
Graphique 2: Quantité totale d'aliments par habitant, hors agriculture et opérations après récolte
– comparaison entre les calculs ITAS et les résultats BIOIS pour les 27 pays de l'Union en 2006
Les résultats présentent également des écarts importants pour, par exemple, la Grèce, la Roumanie, la
Slovénie, Malte et la République tchèque (les données de l'étude BIOIS sont bien inférieures) ainsi que
pour l'Estonie et Chypre (les données de l'étude BIOIS sont bien supérieures). Ces écarts peuvent
s'expliquer par le fait que les données utilisées par BIOIS ont été extrapolées à partir des résultats
provenant d'autres pays, en raison du manque de preuves empiriques. On peut également invoquer le
fait que les pourcentages fournis par le SIK pour les différentes étapes de la chaîne d'approvisionnement
ne font pas de distinction entre les pays. Ces résultats viennent souligner la nécessité de disposer de
données de meilleure qualité et plus fiables sur le gaspillage alimentaire dans les États membres,
ventilées par étape de la chaîne alimentaire et par groupe d'aliments.
Pour conclure la comparaison entre les calculs de l'ITAS et les résultats de l'étude BIOIS, le graphique
3 montre les déchets alimentaires produits au niveau des ménages. Pour ce graphique, les 27 pays de
l'Union ont été regroupés en fonction des sources de données relatives au secteur des ménages utilisées
par l'étude BIOIS. Pour les pays à gauche du graphique (de la Grèce à la Bulgarie), les déchets
alimentaires ont été calculés par BIOIS sur la base d'un "scénario minimal". Pour tous ces pays, la
quantité de déchets alimentaires (kg par habitant) estimée par BIOIS est bien inférieure à celle calculée
par l'ITAS. Ce résultat peut s'expliquer par la valeur trop faible choisie par BIOIS pour le scénario
minimum.
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Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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Graphique 3: Déchets alimentaires par habitant produits au niveau des ménages – comparaison entre
les calculs ITAS et les résultats BIOIS pour les 27 pays de l'Union en 2006
Pour les pays à droite du graphique 3, l'étude BIOIS a utilisé des données tirées des études nationales ou
d'EUROSTAT. Dans l'ensemble, la conformité des résultats est bien meilleure que pour les pays situés à
gauche. Les principaux écarts se situent au niveau de l'Italie, de la Pologne, de l'Irlande et de l'Estonie, ce
qui peut être imputé au manque de fiabilité des données EUROSTAT. Par exemple, le chiffre concernant
l'Italie dans l'étude BIOIS est bien inférieur au résultat des autres pays disposant d'un niveau de vie et de
revenu disponible par ménage similaire et ne semble donc pas plausible.
6. COMPORTEMENT DES MÉNAGES EN MATIÈRE DE GASPILLAGE
Le comportement des ménages en matière de déchets selon les groupes d'aliments présente
d'importantes différences et peut être examiné à l'aide de diverses approches. Les études nationales
disponibles ont recouru aux enquêtes auprès des ménages, parfois associées à des inventaires des
ménages ou à des analyses de la composition des déchets. Les deux approches présentent des avantages
et des inconvénients.
Les enquêtes auprès des ménages sont simples à mettre en œuvre sur le plan méthodologique, mais elles
ne fournissent généralement que des informations qualitatives, car les estimations quantitatives de
mémoire concernant le poids des aliments achetés et mis au rebut sont fortement sujettes aux erreurs.
L'expérience montre également que les consommateurs sous-estiment considérablement leurs pertes
lorsqu'ils doivent les évaluer eux-mêmes. La tenue d'inventaires dans les ménages fournit des données
fiables, mais elle demande beaucoup de temps aux personnes sondées et peut entraîner, en raison de la
sensibilisation qui résulte de cette participation, des changements d'attitude concernant le traitement des
denrées alimentaires; c'est d'autant plus vrai quand le thème du "gaspillage alimentaire" est associé à des
jugements émotionnels et moraux. Les analyses de la composition des déchets, qui peuvent être réalisées
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
14
à l'insu et sans la participation active des ménages, sont considérées comme la méthode la plus objective
et la plus précise pour déterminer la quantité de déchets alimentaires générée par les consommateurs.
Toutefois, cette approche présente l'inconvénient de ne pas disposer d'une méthodologie de collecte
normalisée à l'échelle internationale et de ne pas utiliser de définitions homogènes.
La grande majorité des études disponibles appliquent la deuxième approche et précisent la quantité de
déchets sous forme de pourcentage des déchets ménagers. Le tableau 2 donne un aperçu de la
composition des déchets ménagers dans les pays européens.
Tableau 2: Composition en % des déchets alimentaires ménagers dans sept pays européens
Région
visée
Viande et
poisson
Produits
laitiers
Légumes
frais
Fruits
frais
Produits
de
boulanger
ie
Repas Autres
Royaume-
Uni1
9 8 27 16 11 10 19
Pas-Bas2 6 13 23 10 17 18 13
Suède3 10 3 38 15 27 8
Norvège4 10 6 31 27 15 11
Finlande5 7 17 19 13 13 18 6
Autriche6 12 15 13 8 13 15 24
Allemagne7 7 9 27 19 16 13 9
1(Johnson & Quested 2009), 2(van Westerhoven & Steenhuisen 2010), 3(Andersson 2012), 4(Syversen & Marthinsen
2010), 5(Silvennoinen et al. 2012), 6(Schneider 2008), 7(Hafner et coll. 2012)
Le tableau montre que les fruits et légumes frais représentent, dans tous les pays étudiés, le groupe le
plus important dans la composition des ordures ménagères, suivis par les produits de boulangerie et les
repas. Ces résultats sont confirmés par les calculs réalisés pour la présente étude. Le graphique 4 indique
les pourcentages des différents types de déchets alimentaires produits dans le secteur des ménages pour
différents pays. Dans la majorité des États membres de l'Union, les fruits et les légumes constituent le
groupe d'aliments le plus fourni, suivi par les céréales. La proportion de viande et de poisson dans la
quantité totale de déchets alimentaires est relativement faible, et la proportion des oléagineux et des
légumineuses est négligeable.
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Options pour réduire le gaspillage alimentaire
15
Graphique 4: Pourcentages des différents groupes d'aliments dans la quantité totale des déchets
alimentaires produits par les ménages dans les 27 pays de l'Union en 2006 (calculs ITAS)
Si l'on examine plus en détail les déchets alimentaires produits par les ménages, par pays et par types
d'aliments, les résultats des calculs réalisés pour la présente étude dressent le tableau suivant: les taux de
déchets les plus élevés pour les fruits et légumes concernent les pays du Sud de l'Europe (Chypre, Italie,
Grèce, Espagne, Malte et Portugal), mais aussi le Luxembourg, la France, la Hongrie et la Roumanie. Les
taux de déchets de céréales sont les plus élevés dans les pays d'Europe orientale (Bulgarie, Slovaquie et
République tchèque). Les pays d'Europe orientale comme la Pologne, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie,
mais aussi le Danemark et le Royaume-Uni affichent les taux de déchets les plus élevés pour les légumes,
racines, et tubercules. Les taux les plus élevés de déchets concernant le lait et les œufs sont affichés par
les pays du Nord de l'Europe (Suède, Finlande et Pays-Bas), ainsi que par les pays d'Europe centrale
(Luxembourg et Allemagne), mais aussi par la Lituanie. Les taux de déchets de viande sont les mêmes
dans l'ensemble des 27 pays de l'Union. Les taux de déchets de poisson les plus élevés concernent les
pays du Sud de l'Europe (Portugal et Espagne), ainsi que les pays d'Europe du Nord, centrale et
orientale (Suède, Finlande, France et Lituanie). Le gaspillage des oléagineux et des légumineuses est
négligeable dans tous les États membres.
Les résultats des calculs sont également conformes aux conclusions des études relatives aux différentes
habitudes alimentaires dans les 27 pays de l'Union. Depuis leur adhésion, les pays du Sud (Espagne,
Portugal, Italie, Grèce et Chypre) ont progressivement abandonné leur régime traditionnel et adopté les
habitudes alimentaires des États membres fondateurs. Au cours des 40 dernières années, les pays
méditerranéens ont fortement augmenté leur consommation de viande et semblent aujourd'hui dépasser
les pays du Nord et du centre de l'Europe en ce qui concerne la disponibilité de la viande rouge. De
même, les fortes disparités concernant la consommation de légumes et de fruits entre les pays
méditerranéens et les pays du Nord et du centre de l'Europe relevées dans les années 60 se sont
aujourd'hui estompées (Naska et coll. 2006). Mais malgré l'harmonisation des habitudes alimentaires,
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
16
certaines différences importantes persistent. Les Méditerranéens par exemple consomment de plus
grandes quantités de viande rouge, de poisson, et de fruits de mer, ainsi que de fruits et légumes que le
reste de l'Europe. Ces aliments extrêmement périssables, surtout dans les conditions météorologiques
qui prévalent dans le Sud, expliquent les pertes plus élevées que la moyenne.
7. INCIDENCES DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE
La production alimentaire est l'une des industries les plus consommatrices de ressources et grande
émettrice de polluants. Les émissions directes dues à l'agriculture se présentent en particulier sous la
forme de méthane et d'oxyde d'azote, lesquels ont des effets bien plus prononcés sur le climat que le
CO2. Les principales sources d'émissions de gaz à effet de serre dans l'agriculture sont l'utilisation des
fertilisants minéraux, l'élevage, et la culture du riz. La conversion des prairies en terres cultivées peut,
dans une large mesure, mener à l'émission de gaz à effet de serre. L'agriculture irriguée consomme
environ 70 % des ressources mondiales d'eau douce. L'utilisation des engrais et des pesticides ainsi que
le compactage du sol dû aux engins agricoles lourds ont un effet néfaste sur les terres et les nappes d'eau
souterraines. L'expansion de l'agriculture intensive, la progression des monocultures et la pénétration de
la production agricole dans certaines zones sensibles sur le plan environnemental entraînent un déclin
de la biodiversité et une dégradation des services écosystémiques. Le gaspillage alimentaire a non
seulement des effets néfastes sur l'environnement, mais il génère également des pertes économiques tout
le long de la chaîne alimentaire.
7.1 Consommation de ressources
Une utilisation plus responsable et plus efficace des denrées alimentaires produites permettrait une
économie de ressources en termes de terres, d'eau, d'énergie, d'équipement et de main-d'œuvre. La
capacité de production agricole ainsi libérée pourrait être affectée à d'autres usages.
Les changements indirects d'affectation des sols constituent un point important à conserver à l'esprit
s'agissant de l'utilisation des sols et de la production alimentaire. Le fait d'importer vers l'Europe des
aliments produits dans les pays émergents et en développement déplace les sites de production à
l'étranger. Comme la demande de produits agricoles ne cesse de croître et que les améliorations
apportées à la productivité des terres sont limitées, la conversion des terres se traduit, dans d'autres
régions, par une déforestation des forêts tropicales humides, la présence de cultures au lieu des prairies
naturelles, et l'extension des exploitations agricoles aux dépens des zones protégées. Les changements
des préférences alimentaires, dont la hausse de consommation de produits carnés est un bon exemple,
peuvent aggraver les changements d'affectation des sols dans certaines parties du monde.
De même, la prévention des pertes alimentaires réduirait "l'empreinte hydrique". L'empreinte hydrique,
qui est enregistrée partout dans le monde de manière systématique depuis plusieurs années, intègre la
consommation d'eau directe et indirecte. La consommation directe est la quantité d'eau utilisée aux fins
domestiques: la boisson, la cuisson, le lavage et le nettoyage. La consommation indirecte fait référence à
la quantité d'eau utilisée dans le pays concerné et dans d'autres pour produire les biens consommés au
niveau national. On utilise parfois le terme d'"eau virtuelle" pour qualifier cette eau cachée dans les
produits de toutes sortes (aliments, vêtements, papier, produits techniques.
La consommation d'eau indirecte en Allemagne par exemple est environ trois fois supérieure à la
consommation d'eau directe. Plus des deux tiers de la consommation d'eau indirecte allemande sont
imputables à la production de cultures arables, près d'un tiers à la production de produits d'origine
animale. La majorité des produits agricoles arables consommés en Allemagne (près de 59 %) sont
importés et ont consommé de l'eau pour leur culture et leur transformation; cela signifie que les
ressources nationales d'eau sont économisées aux dépens des pays producteurs (Sonnenberg et coll.
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
17
2009). Il s'agit là d'un point particulièrement problématique, dans la mesure où une partie des produits
importés provient de zones arides connaissant des conditions hydrologiques défavorables. L'irrigation
artificielle est de plus en plus utilisée pour les cultures en zones arides. Cette pratique exerce une
pression sur les ressources naturelles d'eau et provoque des conflits avec les autres utilisateurs d'eau. Les
produits affichant une très forte empreinte hydrique sont le cacao, le café, le bœuf, le riz, le blé, le lait et
les pommes. Une utilisation plus consciente de ces produits pourrait atténuer les pressions sur les
ressources d'eau.
En plus des économies de ressources qu'elle générerait, la gestion efficace des aliments réduirait
également les émissions agricoles. Différentes études attestent que les plus fortes émissions proviennent
de l'approvisionnement en produits d'origine animale, même s'ils sont mis au rebut en quantités
relativement faibles par rapport aux fruits, aux légumes et aux produits de boulangerie. Le
graphique 5 montre l'empreinte sur les produits de base et l'empreinte carbone des différents groupes
d'aliments dans le gaspillage alimentaire annuel global en Allemagne.
Graphique 5: Empreinte sur les produits de base et empreinte carbone des aliments gaspillés en
Allemagne, par habitant et par an, étapes en amont de la chaîne comprises, par groupe de produits
Source: Göbel et coll. 2012
Le diagramme montre que l'Allemagne jette surtout des fruits et des légumes; les produits céréaliers
viennent ensuite, mais assez loin derrière. Même si les produits carnés sont moins gaspillés, l'empreinte
sur les produits de base due à leur production et à leur transport est aussi élevée que celle des fruits et
légumes. Les produits laitiers sont également de grands consommateurs de ressources. Les produits
céréaliers ont l'empreinte sur les produits de base la plus faible, même s'ils sont plus gaspillés que les
produits laitiers. De même, la plus forte empreinte carbone est due à la production et au transport des
produits carnés, suivis par les produits laitiers et par les fruits et légumes.
7.2 Hausse de la quantité de biodéchets
Parmi les incidences du gaspillage alimentaire sur l'environnement, il faut également mentionner les
émissions de méthane dues à la décomposition des déchets organiques ainsi que la nécessaire
augmentation de la capacité mondiale des décharges. Les quantités importantes de déchets alimentaires
provenant des ménages entraînent d'importants coûts de collecte et de transport, de tri et de purification
dans les usines de traitement des déchets. Les déchets biodégradables présentent souvent de fortes
teneurs en eau et, par conséquent, un faible pouvoir calorifique qui réduit la production énergétique des
usines d'incinération. Or, les déchets municipaux biogéniques sont principalement mis en décharge
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
18
partout dans le monde. En dehors de l'Europe, un petit nombre des décharges seulement sont équipées
d'installations pour la collecte et l'utilisation des émissions de méthane.
En Europe, la mise en décharge des déchets organiques non traités fait l'objet de restrictions prévues par
la loi. La directive relative à la mise en décharge des déchets de 1999 impose aux États membres de
limiter la proportion de déchets municipaux biodégradables mis en décharge. En vertu de quotas
juridiquement contraignants précisés dans la directive, la quantité maximale de déchets organiques mis
en décharge devait être progressivement réduite à 75 % (en poids) pour 2006, à 50 % (en poids) pour
2009, et à 35 % (en poids) d'ici 2016, par rapport à l'année 1995. Les États membres qui dépendent
fortement des décharges disposent de quatre années supplémentaires pour respecter les objectifs fixés
par la directive.
Une analyse transnationale récente réalisée par l'Agence européenne pour l'environnement montre que
seulement onze pays ont réduit leur quantité de déchets municipaux par habitant entre 2001 et 2010,
tandis que 21 pays ont produit encore plus de déchets municipaux par habitant en 2010 par rapport à
2001. Cependant, certains éléments indiquent clairement une désaffection des décharges au profit
d'approches de gestion des déchets privilégiées axées sur la prévention, la réutilisation, le recyclage et la
valorisation énergétique. Le nombre des pays qui mettent en décharge plus de 75 % de leurs déchets
municipaux a fortement chuté, tandis que le nombre des pays qui recyclent plus d'un quart de leurs
déchets municipaux a augmenté. Toutefois, les pays ont majoritairement continué à mettre en décharge
plus de 50 % de leurs déchets municipaux en 2010 (EEA 2013). Le graphique 6 propose un aperçu des
pourcentages de déchets municipaux solides (DMS) mis en décharge, incinérés, recyclés et compostés en
2010 au sein des 27 pays de l'Union.
Graphique 6: Traitement des DMS dans les différents pays européens en 2010
Source: calculs propres fondés sur les données EUROSTAT1
1 http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_SDDS/en/env_wasmun_esms.htm, 31.7.13
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
19
Les progrès indiqués par les taux de recyclage des déchets solides municipaux sont principalement
attribuables au recyclage des matériaux tels que le verre, le papier, les métaux, le plastique et les textiles,
alors que les biodéchets accusent encore un retard. Selon la Commission européenne (2010), 40 % des
biodéchets produits dans les 27 pays de l'Union en moyenne sont encore mis en décharge (jusqu'à 100 %
dans certains États membres). En 2009, onze pays respectaient l'objectif de 50 %, tandis que sept avaient
déjà atteint en 2010 l'objectif de 35 % fixé pour 2016 (EEA 2013).
7.3 Retombées économiques
Outre les incidences négatives sur l'environnement, le gaspillage alimentaire entraîne également
d'importantes pertes d'argent, à la fois pour les consommateurs et pour les économies nationales. À
l'instar des incidences écologiques, les pertes économiques s'accumulent tout au long de la chaîne
alimentaire; ainsi, une tonne de denrées alimentaires gaspillée au niveau des ménages (c'est-à-dire à la
dernière étape de la chaîne) a un coût économique bien supérieur à une tonne de denrées gaspillée dans
le secteur agricole. Les données disponibles sur les pertes économiques renvoient essentiellement aux
ménages. L'étude britannique WRAP "Waste arisings in the supply of food and drink to households"
(Lee & Willis 2010) estime que les ménages britanniques jettent environ 5,3 millions de tonnes d'aliments
par an, ce qui correspond à une valeur économique de 12 millions de livres.
8. MESURES POSSIBLES POUR RÉDUIRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE
Dans le débat national et international ambiant, des approches très diverses ont été proposées et en
partie appliquées pour encourager les divers acteurs le long de la chaîne d'approvisionnement à une
utilisation économe et responsable des denrées alimentaires. L'étude dans son ensemble propose un
aperçu des mesures et des instruments actuellement débattus, en tenant compte des expériences déjà
acquises dans les différents pays. Elle met l'accent sur les mesures et les instruments considérés par la
littérature ou dans le débat actuel comme particulièrement utiles, faciles à mettre en œuvre et
susceptibles de générer des bénéfices à long terme. Les options proposées ci-dessous sont considérées
comme urgentes pour atteindre l'objectif fixé par la Commission européenne. Elles s'adressent aux
instances européennes et aux gouvernements nationaux chargés de la mise en œuvre des options
suggérées.
Fixation des objectifs
En vertu de la directive-cadre sur les déchets de l'Union, les États membres sont tenus de formuler des
plans de prévention d'ici 2013. Dans le cadre de ces plans, les États membres devraient fixer des objectifs
obligatoires de réduction des volumes de déchets alimentaires. Les autorités régionales et locales
devraient ventiler les objectifs nationaux dans leur zone d'influence. Pour mesurer et évaluer l'efficacité
des diverses mesures, un suivi régulier des déchets alimentaires tout au long de la chaîne alimentaire
devrait être mis en place dans les 27 États membres de l'Union. Chacun des secteurs, comme le secteur
manufacturier, la vente au détail, et l'hôtellerie-restauration, devrait prendre des engagements
volontaires en vue de réduire les volumes de déchets alimentaires.
Amélioration de la base de données
Toutes les études disponibles révèlent que le manque de données fiables constitue le principal obstacle à
l'élaboration et à la mise en œuvre de mesures visant à réduire le gaspillage alimentaire. Pour surmonter
cet obstacle, une définition acceptée et contraignante du concept de "gaspillage alimentaire" faisant une
distinction entre le gaspillage alimentaire évitable et le gaspillage inévitable (qui renvoie aux parties non
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
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comestibles des produits crus) et les sous-produits devrait être proposée dans le cadre d'EUROSTAT. Il
conviendrait par ailleurs de normaliser les méthodes utilisées par les États membres pour la collecte et le
calcul des données concernant les déchets alimentaires produits. Afin de faciliter le suivi, il est nécessaire
de mettre en place une collecte séparée, volontaire ou obligatoire, des déchets alimentaires produits à
toutes les étapes de la chaîne d'approvisionnement alimentaire.
Révision de la législation européenne sur la sécurité alimentaire
L'objectif sociétal de prévention des risques pesant sur la vie et à la santé des consommateurs, ancré dans
diverses réglementations européennes, peut aller à l'encontre de l'ambition d'éviter le gaspillage
alimentaire. Les normes strictes en matière de contamination, les doses résiduelles maximales de
pesticides et de médicaments vétérinaires dans les aliments, et les règles d'hygiène concernant
l'emballage et le stockage des aliments doivent être considérées comme d'importants facteurs favorisant
la mise au rebut d'aliments comestibles. Il faudrait donc réviser le régime actuel des réglementations
relatives à la sécurité alimentaire, afin d'identifier les dispositions qui ne sont pas obligatoires à la
protection de la vie humaine, mais génèrent un gaspillage alimentaire inutile. De plus amples recherches
sont nécessaires pour décider quelles contraintes réviser sans pour autant réduire la sécurité alimentaire.
Modification des normes européennes de commercialisation
Comme l'abrogation de certaines normes de commercialisation en 2009 n'a pas eu les résultats
escomptés – à savoir réduire le gaspillage alimentaire et augmenter le choix des consommateurs –, le
législateur européen devrait envisager d'abandonner entièrement le système actuel. Les critiques exigent
la mise en place d'un autre type de normes non liées à l'apparence externe d'un produit, mais à ses
qualités pour la consommation humaine en matière de goût, de pureté naturelle et de conditions de
culture. La forme que devrait adopter ce nouveau système soulève un certain nombre de problèmes
complexes qui devront être résolus en étroite coopération avec les producteurs, les détaillants, les
organisations de la société civile, et les experts scientifiques.
Ouverture de circuits de commercialisation alternatifs pour les produits agricoles
Afin de faciliter la commercialisation des fruits et légumes qui ne répondent pas aux normes
européennes de commercialisation, il conviendrait d'encourager la mise en place de stratégies de
commercialisation alternatives. Le fait d'éviter les intermédiaires de la chaîne d'approvisionnement en
recourant à des systèmes de commercialisation directe sous forme de marchés fermiers, de coopératives
de producteurs, de groupes d'achats solidaires, et d'agriculture soutenue par la communauté, peut par
exemple contribuer utilement à prévenir le gaspillage alimentaire dans la production primaire. Ces
approches créent un lien étroit entre les producteurs et les consommateurs, réduisent les distances de
transport et sensibilisent les consommateurs aux conditions fragiles de production des aliments et à leurs
limites naturelles et saisonnières. De plus amples recherches sont nécessaires pour évaluer plus en détail
les avantages et les inconvénients de ces approches, et notamment leurs possibles effets de rebond.
Rationalisation de l'étiquetage des dates sur les denrées alimentaires
Des enquêtes menées auprès des consommateurs dans divers États membres ont montré qu'il règne une
importante confusion parmi les consommateurs à propos de l'étiquetage des dates sur les denrées
alimentaires et des différences entre les mentions "À consommer de préférence avant" et "À consommer
jusqu'au". Le législateur européen devrait donc envisager de réviser les réglementations existantes sur
l'étiquetage des dates alimentaires, de manière à améliorer la présentation visuelle des dates de
péremption. En outre, il faut prévoir de mettre en place de nouvelles dates de consommation
recommandées, qui seront fondées sur la véritable durée de conservation des produits, et il faut
envisager de supprimer les dates de péremption pour les denrées stables. Les gouvernements nationaux
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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et les détaillants devraient lancer des campagnes d'information sur l'étiquetage. Le secteur de la vente au
détail, en collaboration avec l'industrie agroalimentaire, devrait songer à supprimer les étiquettes
supplémentaires de type "date de mise en vente" et à introduire des réductions de prix pour les produits
approchant leur date de péremption.
Amélioration des flux de travail et de la gestion de la chaîne d'approvisionnement
L'amélioration des flux de travail dans l'industrie agroalimentaire représente une approche importante
pour économiser les produits de base. Les fabricants devraient utiliser un équipement de production
conforme aux derniers progrès techniques, lequel devrait faire l'objet d'inspections régulières. Les
résidus devraient être suivis et les marchandises rejetées devraient être réintégrées dans le processus de
production. Il conviendrait d'organiser la production de manière à ce que les conteneurs subissent un
minimum de nettoyage et que le mélange des ingrédients soit lancé le plus tard possible. Les entreprises
agroalimentaires devraient chercher à améliorer la coordination avec les détaillants afin de parvenir à un
accord sur la gamme de produits et les quantités requises. Les gouvernements devraient soutenir ces
efforts en mettant en place des programmes spéciaux de conseils. L'objectif devrait être de parvenir à
une gestion intégrée de la chaîne d'approvisionnement.
Campagnes de sensibilisation
Toutes les études disponibles s'accordent sur le fait que l'information et l'éducation représentent des
mesures essentielles pour influencer le comportement des consommateurs. Les campagnes de
sensibilisation ont pour objectif d'attirer l'attention des consommateurs sur la problématique du
gaspillage alimentaire et de renforcer le respect qu'ils portent aux produits alimentaires. Elles enseignent
aux consommateurs comment être plus efficaces dans leur gestion des denrées, en proposant des
informations et des astuces concernant les achats, les durées de conservation, le stockage, la préparation,
et la valorisation. Les gouvernements nationaux devraient travailler en étroite coopération avec les
détaillants et le secteur de l'hôtellerie-restauration pour lancer des campagnes de ce type, adaptées aux
différents groupes cibles, et par l'intermédiaire des divers médias. L'éducation des consommateurs doit
commencer dès l'enfance; tous les États membres devraient donc intégrer la problématique de la gestion
économe et consciencieuse des aliments dans les programmes scolaires.
Lutte contre le gaspillage alimentaire dans le secteur de l'hôtellerie-restauration
L'adaptation du volume des portions aux besoins réels des clients serait une approche simple, mais
efficace, pour réduire le gaspillage alimentaire dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Pour ce faire,
plusieurs moyens peuvent être utilisés, par exemple proposer un choix de volumes de portions à prix
progressif ou remplacer les buffets "à volonté" par un système de "prix au poids". Les restaurants et
autres fournisseurs de services d'alimentation devraient être autorisés à tester différentes options
pendant un certain temps. S'il apparaît qu'ils n'appliquent pas ces options sur base volontaire, les
législateurs nationaux devraient envisager de les y contraindre. Outre l'adaptation de la taille des
portions aux besoins réels des consommateurs, il est essentiel d'améliorer les procédures internes
d'achat, de conservation et de réfrigération, de former le personnel, de prévoir les menus avec soin, et de
collecter et documenter les données relatives aux déchets alimentaires, afin de réduire le gaspillage
alimentaire dans le secteur de l'hôtellerie-restauration.
Incitants économiques
Il est largement admis que la dévalorisation de la nourriture découle de sa faible valeur marchande.
Dans ce contexte, de nombreux experts estiment que les instruments économiques constituent des
mesures particulièrement prometteuses pour rétablir l'estime que les consommateurs portent à la
nourriture. Les États membres devraient réviser leurs réglementations fiscales, en particulier la
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
22
réglementation relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), afin de supprimer tous les incitants qui
pourraient encourager à produire des déchets alimentaires. Il conviendrait d'envisager d'éliminer le taux
de TVA réduit sur les denrées alimentaires ou d'introduire des taux de TVA différents en fonction de
l'incidence des denrées sur l'environnement. Les éventuelles difficultés sociales, causées par
l'harmonisation fiscale, devraient être compensées par des aides gouvernementales au revenu ciblées,
financées par les recettes fiscales supplémentaires. À défaut de taxer la consommation des denrées
alimentaires, il peut s'avérer intéressant de taxer le gaspillage alimentaire.
Taxes et redevances sur le traitement des déchets
Les taxes et redevances sur le traitement des déchets comme les taxes de mise en décharge ou
d'incinération peuvent constituer un incitant économique pour encourager la prévention des déchets,
dans la mesure où elles augmentent le coût total du traitement des déchets. Toutefois, certaines
exigences doivent être respectées en cas d'imposition de taxes sur le traitement des déchets pour
prévenir le gaspillage alimentaire. Premièrement, il convient d'introduire le tri sélectif obligatoire des
déchets alimentaires, à la fois dans les ménages et dans les entreprises commerciales (essentiellement
dans le secteur de la vente au détail et de l'hôtellerie-restauration). Deuxièmement, le taux d'imposition
doit être assez élevé pour créer un incitant suffisamment fort en faveur de la réduction des déchets.
Troisièmement, il convient de réviser les réglementations existantes visant à promouvoir et
subventionner l'utilisation des énergies renouvelables en Europe afin d'identifier les incitants contraires
à l'objectif de prévention du gaspillage alimentaire. Le fait que les législateurs nationaux imposent, d'un
côté, de fortes taxes pour le traitement des déchets alimentaires et subventionnent, de l'autre, la
production d'énergie à partir des déchets peut donner lieu à des incitants contradictoires.
Promotion des programmes de redistribution des denrées alimentaires
Même si toutes les options de lutte contre le gaspillage alimentaire étaient mises à profit, il resterait
toujours une certaine quantité de nourriture excédentaire. Les programmes de redistribution des denrées
alimentaires constituent un instrument éprouvé pour utiliser cet excédent de manière efficace au profit
des personnes économiquement démunies. Il y a lieu de vérifier s'il est nécessaire de modifier la
législation alimentaire européenne dans la lignée de la loi américaine "Good Samaritan Act", en vue de
limiter la responsabilité des donneurs et des organisations caritatives qui redistribuent les denrées
alimentaires excédentaires. En l'absence d'un tel amendement de la législation alimentaire européenne,
ceux-ci pourraient être incités à jeter des marchandises non commercialisables en vue de se dégager de
leurs responsabilités éventuelles. Il conviendrait d'évaluer plus en détail si des incitants financiers sont
nécessaires pour stimuler le développement de la banque alimentaire européenne.
Réseaux de partage des denrées alimentaires excédentaires
Une approche raisonnable pour éviter de jeter des denrées alimentaires et les rendre disponibles à la
consommation humaine au niveau des particuliers consiste à donner gratuitement des denrées aux
personnes qui en ont besoin. Les réseaux de consommateurs ont pour but de fournir l'infrastructure
nécessaire au partage des aliments, mais aussi d'informer les consommateurs sur la bonne gestion des
produits. Les gouvernements nationaux devraient envisager de poursuivre le développement des
initiatives privées de partage des denrées alimentaires, en apportant un soutien financier et en
aplanissant les obstacles administratifs. Il convient de lancer des projets de recherche sur le travail des
réseaux de partage des denrées alimentaires, en vue de mesurer et d'améliorer leur efficacité.
Options technologiques pour nourrir 10 milliards de personnes –
Options pour réduire le gaspillage alimentaire
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Évaluation des évolutions technologiques
Des innovations technologiques visant à réduire le gaspillage alimentaire sont disponibles aux diverses
étapes de la chaîne alimentaire. Alors que des systèmes de commande intelligents pour la vente au détail
et la gestion des données à l'aide de la technologie RFID lors de la distribution sont utilisés à large
échelle aujourd'hui, diverses innovations comme les étiquettes intelligentes sur les emballages, les
réfrigérateurs intelligents, les chariots de supermarché intelligents ou les poubelles intelligentes sont des
technologies totalement nouvelles. Même si ces technologies sont prometteuses sur le plan des
améliorations et du confort, on ne sait pas encore si elles contribueront réellement à la réduction du
gaspillage alimentaire. Comme toutes ces innovations technologiques n'en sont encore qu'à leurs
balbutiements, il est absolument indispensable de procéder à des recherches et de peser soigneusement
leurs avantages et leurs inconvénients. Les instances européennes et les gouvernements nationaux
devraient par conséquent lancer des programmes de recherche visant à évaluer les différentes
technologies, en tenant compte des conditions propres à chaque pays. Il conviendrait, pour ce faire, de
procéder à des études pilotes qui testeraient expérimentalement ces dispositifs.
STOA - Evaluation des choix scientifiques et technologiques
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Évaluation des choix scientifiques et technologiques Direction générale des services de recherche parlementaire Octobre 2013 PE 513.515
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CAT BA-03-13-508-FR-N
ISBN 978-92-823-5114-7
DOI 10.2861/43095
Étude publiée par la Direction de l’évaluation de l’impact et de la valeur ajoutée européenne Direction générale des services de recherche parlementaire, Parlement européen