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8/17/2019 Sciences Humaines Ndeg267 - Sciences Humaines

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Sciences humaines

N° 267, 2015/2

Inégalités : pourquoi elless'accroissent, comment les

combattre ?Pages : 18

Éditeur : Ed. Sc. Humaines

Site internet

http://www.scienceshumaines.com/

http://www.scienceshumaines.com/

http://www.cairn.info/editeur.php?ID_EDITEUR=SH



Sommaire



Des inégalités au

pays des idées

out intellectuel en rêve au fond de lui passer de l'ombre à la lumière. Ayanconsacré des années à accumuler de

données, des chiffres, affiner leconcepts, déployer patiemment sa thèsdans des publications adressées jusqueà à petit un cénacle de spécialistes, qu

ne rêverait de voir ses travaux accéder a reconnaissance universelle ? C

fantasme d'intellectuel vient d'arriver

'économiste Thomas Piketty, avec so

T



ivre Le Capital au 21e siècle. Aprintemps 2014, quelques semaineaprès sa parution aux États-Unis, so

eune auteur est devenu la coqueluche d'Amérique intellectuelle. Puis le livre

été proposé à la traduction dans 2

angues, dont le chinois, le coréen'arabe, le tchèque. T. Piketty a alorentamé une tournée mondiale. Sovisage a fait la une des magazines. So

ivre a été exposé partout en vitrine deibrairies.

Le succès du livre T. Piketty, qui port

ustement suhttp://www.scienceshumaines.com/le-capital-selon-thomas-piketty_fr_33898.html le mécanisme d



production des inégalités économiquesnvite à réfléchir sur la formation de

« grosses fortunes » dans un tout autr

domaine : celui des idées. Nul doutque T. Piketty est un économiste doué equi a beaucoup travaillé : son travaistatistique monumental sur trois siècled'économie mérite d'être salué. Mêmses critiques reconnaissent le travaiaccompli. Mais il est évident aussi qu

sa consécration personnelle va bien audelà de sa contribution au savoirD'autres économistes ont réalisé deravaux similaires, les critiques qu

mettent en doute sa conceptualisatiodevraient affecter sa renommée. Secollaborateurs restés dans l'ombrdevraient recevoir une part de gloir



proportionnelle à leur contribution. Maia répartition des biens symboliquepour parler comme Pierre Bourdieu

n'est pas égalitaire. La starification d'uivre et de son auteur obéit à une logiqu

semblable à celle qui fixe les salairemirobolants des grands dirigeants et dquelques stars de cinéma ou du sport.

l y a d'abord la logique des « titres

académiques : les deux récents priobel français, Patrick Modianlittérature) ou Jean Tirole (économie)

viennent d'en donner l'exemple. L

consécration par les médias est un autrfacteur déterminant. S'y ajoute lphénomène de « buzz » typique demécanismes de propagation d



'audience. Quand un livre (mais aussune chanson, un titre en bourse...commence à grimper, il se produit u

phénomène d'agglutination des fouleautour de lui. Le public ne choisit plus lproduit en fonction de sa valeur proprmais en fonction de sa réputation : lsuccès appelle le succès selon un cyclnflationniste. Et les livres commencen

à se vendre comme des petits pains

même s'ils restent très difficiles à lire eà comprendre. Arrivé à un certain stadece n'est plus la valeur de l'œuvre quexplique son succès, c'est le succès qu

détermine sa valeur. Bientôt on nretiendra de T. Piketty que deux idées 'augmentation criante des inégalités e

ce début du 21

e

siècle et la nécessair



axation des riches à l'échelle mondialeSa théorie sous-jacente, largemendiscutée parmi les économistes, ser

vite oubliée au profit d'un slogasimplifié.

Au pays des idées, les inégalités d

fortunes ont la vie belle et ne sont paprêtes de se réduire. C'est paradoxaquand cela arrive à des gens qu

s'emploient tant à les dénoncer et veulenes réduire...



Comprendre



Où sont passés les

paranos ? par Sarah Chiche

ourquoi la paranoïa a-t-elle totalemendisparu des catégories psychiatrique

actuelles pour être absorbée par lschizophrénie ? Cela veut-il dire qu'in'y a plus de paranoïaques ? À moinque l'on nous cache quelque chose...

S'il vous est déjà arrivé de dire « t'aentendu ce bruit dans l'avion ? », « j'a

croisé le nouveau voisin. Dis donc, il

P

http://www.cairn.info/publications-de-Chiche-Sarah--71051.htm



'air bizarre », ou « pourquoi prends-ton portable pour aller aux toilettes. T

me trompes ou quoi ? », ou à peu prè

n'importe quoi d'autre qui témoignerad'une inquiétude quelconque de votrpart, il y a fort à parier qu'on vouréponde un jour « arrête ta parano ! Tout comme le mot hystérique désignaujourd'hui n'importe quel individucomportement ou item un peu excessi

dans la presse, on parle aussi bien deemen hystéro » que d'un « filmhystérique »), le qualificatif « parano est totalement passé dans le langag

courant. Or, au même moment, lparanoïa a déserté les classificationpsychiatriques contemporainesJusqu'aux années 1980, la paranoï



caractérisait un « délire systématissans idées bizarres » (car impliquandes situations en théorie plausibles dan

a vie réelle, comme être espionnépoursuivi, empoisonné, infecté, aimé distance, trompé par son partenaire oêtre atteint d'une maladie) d'une duréd'au moins un mois. Le paranoïaque étadonc considéré comme un individenant des raisonnements à la logique

riori implacable, mais au contencomplètement délirant. Exemples Georges [1] est persuadé que sa femme trompe ; dans la rue, les gens l

regardent en ricanant ; à toute heure dour, il entend des voix lui siffler 'oreille « cocu ! cocu ! » (délire dalousie). Depuis trois ans, Mireill

http://www.cairn.info/magazine-sciences-humaines-2015-2-page-16.htm#no1



envoie chaque semaine la même lettreécrite en capitales et soulignée astabylo, à toutes les maisons d'édition d

a capitale. Elle veut, elle ordonne, ellexige que soit publié un livre sur sochanteur favori. Ne pas l'avoir farelève du préjudice. Un jour, Mireilldébarque au standard de l'une demaisons d'édition et menace de toucasser (délire de revendication)

Hedwige en est certaine : son médecigénéraliste est fou amoureux d'elle et luadresse en permanence des signenvisibles aux yeux des autres pour le lu

signaler (délire passionneérotomaniaque). Max est en procèdepuis deux ans contre son voisin. Iestime que les plantes de ce dernie



empiètent d'un mètre cinquante sur sopropre jardin et que ce dernier fait toupour lui nuire. Il est prêt à tout pou

obtenir réparation (délird'interprétation). Pourtant touconservent leurs facultés intellectuellesAinsi une personne peut-elle croire, ort, qu'elle est persécutée par so

voisin, ou que tel chanteur, qui ne lui pourtant jamais adressé la parole, lu

veut du mal ou est passionnémenamoureux d'elle, tout en ayant une viprofessionnelle, sociale, ou amoureusqui, vue de l'extérieur, semble tout à fa

adaptée.

Tous schizophrènes ?



Or, désormais, dans le Manuediagnostique et statistique des troublementaux, l'incontournable DS

concocté par l'Association américainde psychiatrie (APA), la paranoïa n'esplus une catégorie nosographique à parentière mais un trouble de lpersonnalité dont la prévalence seraiestimée entre 0,4 % et 3,3 % de lpopulation générale. Selon les critère

du DSM, une personnalité paranoïaqupeut donc rester stable toute sa vie, sandécompenser (c'est-à-dire sans se mettrà délirer). L'entourage dira simplemen

de cette personne qu'elle estsychorigide », « méfiante », qu'elle

ne fait pas confiance » et qu'ellemanque d'empathie ».



L'effritement de la paranoïa dans lchamp de la clinique a contribué 'essor d'autres catégorie

nosographiques, à commencer par lschizophrénie, le schizophrène devenanaujourd'hui l'archétype de ce que l'oentend par « fou ».

Reste que cette disparition de lparanoïa comme maladie psychiatrique

des retentissements médico-légaucertains : dorénavant, on affichera unclémence bien moindre pour les crimepassionnels paranoïaques, pour le

érotomanes qui menacent l'objet de leupassion délirante de représailles, poues revendicateurs procéduriers.

(entretien ci-dessous).



Cette disparition de la paranoïa a aussdes impacts en termes de prise en chargdes patients paranoïaques. Comme le

raitements neuroleptiques ont une trèfaible efficacité sur les mécanismes dedélires paranoïaques, investir sur cerrain-là n'est pas très rentable pour leaboratoires pharmaceutiques

Concrètement : il leur est bien plufacile de vendre des médicaments qu

calment certains symptômes de lschizophrénie (hallucinations acousticoverbales, morcellement dissociatif, etc.mais n'ont aucun effet sur les symptôme

de la paranoïa. De là à dire que c'est lraison pour laquelle on parle de plus eplus de schizophrénie et de moins emoins de paranoïa, il n'y a qu'un pas...



De même, l'accès direct des patients eur dossier depuis la loi Kouchner d

2002 a-t-il sans doute aussi contribué

a réduction du diagnostic de paranoïaqui n'est plus évoqué tel quel dans lecourriers médicaux, les certificats, lecomptes rendus. Quand un patienparanoïaque arrive dans la consultatiod'un service hospitalier, c'est, le plusouvent, pour se plaindre parce qu'il s

sent, dira-t-il, « très déprimé ». On scontentera dans les dossiers médicaud'évoquer le caractère particulièremen« sensitif » de la « dépression » d

Monsieur X ou de Madame Z ou'hyperesthésie » de ses contacts ave

autrui - c'est-à-dire sa susceptibilité osa sensibilité totalemen



disproportionnée, et chaque soignancomprendra de quoi il s'agit. En fait, leservices de psychiatrie regorgent d

patients paranoïaques : certainprésentant une pathologie très bruyanteau délire interprétatif foisonnand'autres un délire couvant à bas brudepuis des années mais qui peuvent, ebien des occasions, se montrer affablesd'un bon contact. Certains de ce

patients pouvant passer de l'un à l'autrde ces états. Ils se font hospitaliser epleine crise et, en quelques joursparfois même sans traitement, ils von

mieux, beaucoup mieux, se sentent nouveau aptes à travailler et à sortir d'hôpital... pour pouvoir continuer leuuste combat contre, par exemple, de



forces maléfiques.

Aux origines d'un trouble

Pendant longtemps, sous l’impulsion dCharles Lasègue, l’école françaisassimile la paranoïa au délire dpersécution puis au délir

d’interprétation (Paul Sérieux et JosepCapgras), tandis que l’école allemandenfluencée par le kantisme, met l’accen

sur l’altération de l’entendement et dugement (Karl Kahlbaum, JohanHeinroth).

En 1899, Emil Kraepelin fixe le cadr



de la paranoïa, trouble mental où lmalade développe, « selon unévolution continue », un système d

pensée « durable et impossible ébranler », tout en conservant sefacultés intellectuelles, sa volonté et so

autonomie. Au début du 20

e

siècle, PSérieux et J. Capgras en France, EKraepelin en Allemagne, et EugeniTanzi en Italie rétrécissent les limites d

a paranoïa. La disparition progressivde la paranoïa de la nosographipsychiatrique est l’aboutissement d’unbataille avec la psychiatrie américaine

aquelle, depuis le début du 20e siècleparle de « schizophrénie », là où lpsychiatrie française parle de « paranoï

».



Pour toute une tradition psychiatriqufrançaise, de Gaëtan de Clérambault Henri Ey, en passant par Jacques Laca

qui, en 1932, fit sa thèse sur un cad’érotomanie avec paranoïd’autopunition, la paranoïa, décrite paSigmund Freud dans son « cas Schrebe», est bien le paradigme des psychoseet ne doit pas être confondue avec lschizophrénie. À l’inverse, certain

psychiatres administrent les mêmeraitements à tous, paranoïaques eschizophrènes. D’autres trouveront lsituation regrettable, car dire qu’un

psychose est une psychose revient à dirque le Sénégal ou l’Éthiopie c’espareil, puisque c’est en Afrique. Ce quentraîne une autre question : un clinicie



doit-il écouter le récit d’un paranoïaqude la même façon qu’il écoute celui d’uschizophrène ?

Sarah Chiche

La paranoïa, ça se soigne ?

Tout dépend de quelle paranoïa l’oparle, souligne Alain Mercuel, chef dservice à l’hôpital Sainte-Anne. « Est-cde la paranoïa à l’ancienne, dstructure, ou bien de la personnalit

aranoïaque, telle qu’on la retrouvaujourd’hui dans le DSM ? D

nombreuses formes de paranoïa sont e



effet induites par des circonstancearticulières (camp de concentrationrise d’otage…).Les situations d

survie quotidienne – comme dans le cade SDF [2] – rendent aussi “parano”car il faut se méfier de tout pousurvivre à la rue. Il existe égalemendes paranoïas liées à des agentextérieurs (la drogue, la jalousialcoolique) ou bien à un diabète qu

eut soudain faire décompenser. Unois toutes ces causes écartées, restenes vrais délires paranoïaque

extrêmement difficiles à traite

uisque, par définition, un paranoïaqune se considère pas comme malade. »

Psychiatre à l’hôpital André-Mignot




Mathieu Urbach souligne également lfaible accès aux soins des personnesouffrant d’idées de persécution. « L

méfiance est un facteur déterminant quexplique que ces sujets ont finalemenrès peu de suivi psychiatrique. » Le

soins visent plutôt, explique-t-il, soigner une dépression (anxiolytiquesantidépresseurs) que les délireparanoïaques en tant que tels. Et il es

rare qu’ils se prolongent après lguérison de la dépression. Enfin, il espossible que les soignants eux-mêmesoient réticents à prendre en charge c

ype de troubles ; il a en effet été prouvqu’ils s’accompagnent souvent d’acteviolents, notamment à l’égard deprofessionnels de santé.



Sarah Chiche

Du voisin belliqueux auterroriste

extrémiste...Questions àBenjamin Levy

Ancien élève de l’École normalsupérieure, Benjamin Levy espsychologue clinicien. Doctorant e

psychologie clinique et philosophie desciences aux universités Paris VII eParis V, il consacre ses recherches aunotions de paranoïa et de délir



paranoïaque et tient un blog trèfouillé sur la question http://benjaminlevy.wordpress.com

Visiblement, les paranoïaques ondéserté les hôpitaux… Pourtant, on le

retrouve dans les procès : querelles dvoisinage, affaires médico-légales, etcComment expliquer cette situation ?

Pour répondre à cette question, il faurappeler un point qui n’est pas nouveauet que tous les cliniciens soulignent : leparanoïaques sont rares dans les lieu

de soin. Cela est dû au fait que, d’euxmêmes, ils vont peu consulter : ils n’evoient pas la nécessité. Lorsqu’ils son

hospitalisés d’office ou à la demand



d’un tiers, il y a, de plus, absence dconscience du trouble ou déni.

Ces facteurs, que nous pourrions dirstructurels, puisqu’ils sont liés à lnature même du délire paranoïaque, sonrenforcés par d’autres, plu

conjoncturels et idéologiquesAujourd’hui, on tend à considérer ques pathologies psychiques s

caractérisent par dedysfonctionnements, des déficitcognitifs, tout ce qui empêche dfonctionner correctement (comprenez

ravailler correctement !). Or, leparanoïaques fonctionnent très bien. Ilpeuvent être d’excellents cadresdirigeants d’entreprise, voire de



scientifiques de renom. Comme lsoulignait déjà Emil Kraepelin, célèbrpsychiatre allemand du début du 20

siècle, ils tendent à adopter deraisonnements biaisés, mais ces biais draisonnement (biais cognitifs, dirions

nous aujourd’hui) ne sont pas vraimenaccompagnés de déficits ou ddéficiences. Donc, aujourd’hui moinencore qu’hier on voit la nécessité d

es hospitaliser.

Cela a pour conséquence que le délirne devient visible que lorsqu’il pouss

a personne à s’en prendre aunstitutions telles celles représentant lustice. Il est difficile de donner de

chiffres précis, mais les professionnel



du droit connaissent tous des sujetpersuadés qu’ils ont subi un préjudiceet qui sont prêts à multiplier les recour

avec la certitude d’être dans leur bodroit. On parle alors de « quérulencprocessive ». Vous avez également lerès classiques querelles de voisinage

questions de propriété (foncièrentellectuelle, etc.) et enfin des situation

plus dramatiques dans laquelle l

paranoïa entraîne un passage à l’actviolent – pensez à Anders BehrinBreivik (terroriste norvégien d’extrêmdroite auteur de l’attentat du 22 juille

2011 en Norvège, qui fit 77 morts et 15blessés, ndlr) qui est un exemplypique.



Quel est l’impact de la disparition da paranoïa en termes pénaux ?

Le fait que la paranoïa tende à deveninvisible entraîne une diminution de l

clémence des juges envers les sujetaffectés.

Pour revenir à l’exemple de Breivik, iest clair que l’on a choisi, délibérément

de le déclarer sain d’esprit (après deuexpertises contradictoires) parce que seconcitoyens avaient besoin de savoiqu’il serait puni, et pas hospitalisé

L’hospitalisation de Breivik aurait été unouveau traumatisme infligé aux prochedes victimes : il fallait le juger, lcondamner, l’emprisonner. En amon



procéder de la sorte découlait d’undécision politique.

Cet exemple est assez représentatif de cqui se passe dans le monde depuis leannées 1980 : aux États-Unis, c’est e1984, suite à la tentative d’assassinat d

Ronald Reagan par John Hinckley, qu’été adopté l’Insanity Defense Refor Act. Cette loi a rendu beaucoup plu

difficile d’obtenir un verdict de « nouilty by reasons of insanity ». Lencore, la décision était politique : on décidé de sévir. La populatio

’exigeait. La même chose s’est produitaprès l’assassinat de Yitzhak Rabin, e1995, par Yigal Amir, un paranoïaqunotoire.



On en est ainsi arrivé au point où êtrdéclaré « fou » entraîne ualourdissement des peines de prison, e

non leur réaménagement (même si, eFrance, l’article 122-1 du Code pénastipule, en théorie : « N’est pa

énalement responsable la personnqui était atteinte, au moment des faitsd’un trouble psychique oneuropsychique ayant aboli so

discernement ou le contrôle de seactes. » ndlr)

Lorsque l’on sait qu’en 1800, Jame

Hadfield, qui avait attenté aux jours dGeorges III, fut acquitté « by reason onsanity », cela peut ressembler à u

formidable retour en arrière. Mais il es



vrai que les acquittements pour cause dfolie soulevaient déjà de virulentecontroverses dans les années 1820, dan

a France de la Restauration. La voides experts psychiatres est donaisément réduite au silence, au profit dceux qui exigent un châtiment.

Propos recueillis par Sarah Chiche

Notes

1] Les individus cités ont étanonymisés mais leurs histoirerenvoient à des situations réelles.

2] Alain Mercuel, La Souffranc

http://www.cairn.info/magazine-sciences-humaines-2015-2-page-16.htm#re2no2




sychique des sans-abri. Vivre osurvivre, Odile Jacob, 2012.



Entretien



Mourir...et après ?

Rencontre avec Maurice Godelier Propos recueillis par Nicolas Journet

es imaginaires de l'au-delà soncertes très différents selon les cultureet les religions. Mais ils ont en commude refuser que la mort soit autre chos

que le passag e à une forme de vidifférente.

Maurice Godelier est un anthropologuqui aime s'attaquer à de grandequestions avec l'outil préféré d

http://www.cairn.info/publications-de-Godelier-Maurice--26121.htm

http://www.cairn.info/publications-de-Journet-Nicolas--32452.htm

http://www.cairn.info/publications-de-Godelier-Maurice--26121.htm



navigateur de haute mer : la longue-vuequi permet aussi bien de se tourner verdes horizons lointains que de ramener l

focale sur les derniers développementdes sociétés occidentales. Et lcomparaison vaut aussi dans le tempsentre les Baruyas (Nouvelle-Guinéed'hier et ceux d'aujourd'hui. À procédeainsi, son regard s'est aiguisé à lrecherche de ce qui, à travers l

déroutante variété des pratiques, decroyances et des institutions humainesen constitue le leitmotiv récurrent : lforce des imaginaires et le poids de

symboles. En une trentaine d'années, il successivement exploré les ressorts da domination masculine ( La productio

des grands hommes, 1982), le



fondements symboliques du doL'Énigme du don, 1997), l'évolution da filiation dans la famille modern

Métamorphoses de la parenté, 2004)es imaginaires du pouvoir ( Aondement des sociétés humaines

2007), et donné lecture des aspects leplus importants de l'œuvre de ClaudLévi-Strauss ( Lévi-Strauss, 2013). Sodernier essai, nourri par de

contributions d'anthropologues ed'historiens, porte sur un sujet non moinuniversel : les imaginaires de la mort ede l'au-delà. Et la leçon qu'il en tire es

qu'en dépit de la sagesse d'un Montaign pour lequel philosopher, c'es

apprendre à mourir -, l'humanité danson ensemble préfère penser que c'es



apprendre à survivre.

ourquoi avoir trait conjointement de la

mort et de ses au-delà? L'une est unhénomène physique

l'autre est unecroyance à laquelle on

eut ou non adhérer.

En fait, la question est venue d



médecins qui s'interrogeaient sur lmeilleure manière de faire face à lmort, car aujourd'hui, l'hôpital est le lie

où beaucoup de personnes âgées vonmourir et parfois elles sont très seulepour affronter la situation. On a doncréé des départements de soins palliatifpour accompagner la fin de vie des gensMais pour les médecins qui les suiventc'est perturbant : par tradition, ils voien

eur rôle comme celui de quelqu'un quredonne la vie aux malades. Dans leunités palliatives, ils sont délégués 'accompagnement vers la mort. L

personnel soignant est amené à jouer derôles d'amis ou de parents, de proches.Un certain nombre d'entre eux m'ondemandé de mener une réflexion ave



des anthropologues et des historiens sua manière dont la mort pouvait êtr

décrite et vécue dans des cultures et

des époques différentes et j'ai sollicitun certain nombre de collègues. C'est cqui a donné ce recueil de textes quatorze articles décrivant ce que l'osait de la mort et de l'au-delà dandifférentes sociétés du mondoccidental, oriental, océanien

amazonien, et pour certaines appartenanà l'Antiquité et au Moyen-ÂgeL'échantillon est partiel, bien répartcependant l'Afrique est absente.

En fait, il ne faudrait pas parler de lmort, mais de ses étapes : le mourant, lmoment de la mort proprement dit, e



'au-delà de la mort. En ce qui concernes mourants, il y a deux attitude

principales : soit on dramatise l

moment, on pleure déjà la disparition dfutur défunt, soit on ne montre rien, ofait preuve du plus grand calme, omaîtrise toute émotion. Ensuite, après ldécès, le corps doit obligatoiremenrecevoir un traitement, il faut disposedu cadavre. Là, il y a plusieurs genre

de procédés : inhumation, crémationexposition. Puis vient une période ddeuil, qui est un comportement sociacontraint, mais aussi une croyanc

métaphysique, qui est que les mortcontinuent d'exister sous une forme oune autre.



es croyancesconcernant les mortsne sont-elles pas trèsdiverses selon lesreligions ?

l y a bien sûr des différencemportantes, entre les religions tribaleSulkas, Baruyas, Australiens, Miraña

d'Amazonie), les religions civique

romaine, grecque), et les religionuniverselles, monothéistes ou non (d'hindouisme à l'islam). Mais bien qu'i

s'agisse de systèmes de croyances bie

différents, l'idée m'est apparue, en lisan



ce qu'écrivait Jean-Claude Galey sur lerites de crémation en Inde, qu'on pouvagénéraliser une remarque qu'il fait à leu

propos. C'est l'idée que la mort ns'oppose pas à la vie, mais à lnaissance, dont elle est l'inverse. Dane contexte indien, c'est lié à l

réincarnation. Les vivants sont deréincarnations et eux-mêmes sréincarnent après leur mort dans un autr

corps. Mais dans d'autres civilisationsoù n'existe pas la croyance en « la Roudes Renaissances », on retrouve lmême schème qui oppose la mort à l

naissance et non à la vie puisque toutees religions - et c'est un invariant queur est commun à toutes - postulent qu'i

existe une vie après la mort.



e quels éléments'agit-il ?

ulle part dans le monde, la mort n'esconsidérée purement et simplemen

comme la fin de la vie, mais comme lséparation des éléments réunis à lnaissance. Ces éléments ne sont paseulement les contributions sexuelled'un homme et d'une femme, maicomprennent toujours une composantqui vient des ancêtres, ou du monde de

esprits ou encore, dans les grandereligions, des dieux ou d'un dieu uniqueDans la conception chrétienne, c'es'âme. À l'inverse, lors de la mort, c

même élément poursuit une existenc



après avoir été disjoint des autres : c'esun reste, que l'on appellera « esprit », âme » ou « double », ou encor

autrement. Chez les Chinois impériauxon affirmait que chaque être humaipossédait dix âmes, sept lourdes et troiégères. À la mort, les trois légère

montaient au ciel, et les sept lourdeallaient en terre. La mort disjoint ce qua naissance a conjoint.

ais à quo

correspond cette idéequi peut surprendre ?

Elle naît du refus de la mort. C'est l'idé



que la mort n'est pas normale : dans dnombreux mythes, elle résulte d'uaccident ou d'une erreur humaine. O

pourrait attendre que le spectacle offerpar la nature empêche les hommes dpenser qu'ils sont différents des animauet des plantes, qu'ils voient mourir toues jours. Mais c'est une vue trop simpl

des choses, car l'imaginaire travaillaussi à propos de la nature. Pa

exemple, il y a un mythe néoguinéen, el n'est pas seul dans son genre, seloequel les humains, avant de deveni

mortels, étaient comme les serpents : il

changeaient périodiquement de peau, eainsi restaient toujours jeunes. Et puisun jour, une vieille femme a fait unerreur, et les hommes sont devenu



mortels. En réalité, les gens douvelle-Guinée savent aussi bien qu

nous que les serpents meurent un jour

mais ce schème imaginaire, puisé dan'observation de la nature, permet d

penser que les hommes, si les choseavaient continué comme avant, nseraient pas irrémédiablement mortels enous n'aurions pas besoin d'élaborer demondes imaginaires compliqués pou

expliquer comment les morts continuend'exister et sous quelle forme. Dans lmythologie grecque, c'est lresponsabilité d'épiméthée, le frèr

mprudent de Prométhée, que d'avoiamené Pandora avec lui, et d'avoir ainsrépandu parmi les hommes l'obligatiode travailler pour se nourrir, de s



marier et surtout de mourir. Adam et vchassés du paradis pour avoir vouldérober le fruit de l'arbre de l

connaissance, c'est un peu la mêmhistoire...

ourtant tous ces récitsn'ont pas grand-chose

en commun ?L'infinie diversité et complexité de

rites et des mythes ne devrait pas fairobstacle à leur compréhensionL'invariant fondamental, l'idée que lmort s'oppose à la naissance, entraîn

qu'il faut concevoir une forme de vi



autre que celle des vivants. Le plusouvent, c'est une existencmmatérielle, mais obéissant à de

contraintes assez semblables à celle dmonde d'ici-bas. Il faut imaginer un lieoù les morts continuent d'exister, et derites entourant le passage vers ce lieuMais cela ne concerne pas tous les mort

les ennemis, les condamnés ou lesuicidés, éventuellement ceux qui n'on

pas été correctement accompagnéspeuvent très bien être voués à devenir dmauvais morts, des morts qui vont hantees vivants et chercher à leur nuire. Nou

parlons donc des morts proches, aveesquels les vivants vont continue

d'entretenir une relation après leudisparition.



l y a des conceptionsde l'au-delà trèsdiscriminatoires, desugements derniers e

des enfers pour lesmauvais, des paradis

our les bons. Est-ceune différence

importante ?Beaucoup de religions sont en fa

ndifférentes à la notion de jugement, e



ne croient pas que le destin des mortdépende de la vie qu'ils ont menée : toue monde, ou à peu près, est logé à l

même enseigne, et on imagine un lieunique où séjournent les morts. C'est lcas de la plupart des religions tribalenon converties à une religiouniverselle, l'islam, le christianisme, lbouddhisme. En Océanie, ce lieu essouvent une île ou un village lointain.

De grandes et anciennes religionscomme le védisme, considèrent que ldestin des morts est la conséquence d

eurs actions passées. Dans lbouddhisme, par exemple, lréincarnation dépend des mérites et dedémérites que l'individu aura accumulé



dans son existence, tandis que le nirvanest le sort du mort qui a atteint l'éveiparfait. Cette façon de juger les mort

peut être liée à l'époque ddéveloppement des États et des empireset au constat que les souverainerrestres étaient incapables d'applique

une véritable justice, et que seuls ledieux en étaient capables.

Le judaïsme, le christianisme et l'islamensuite, imaginent que les âmes sonugées par Dieu en fonction de leur

péchés et de leurs bonnes actions, à l

suite de quoi elles souffrenéternellement en enfer ou atteignent abonheur céleste et éternel. C'est lprincipe du salut, assez différent d



celui de la délivrance. Le christianisma inventé tardivement le purgatoire, qupermettait de monnayer l'accès au ciel

Quoi qu'il en soit, toutes ces religionpartagent le principe que la mort n'espas la fin de l'existence, mais l'inversde la naissance.

l y a donc des

religions où les dieuxne jugent pas les morts

en fonction de leursmérites. L'au-delà y a-

t-il pour autant moins



d'importance ?

Dans les religions où les dieux existenmais où les ancêtres ont plud'importance dans la vie quotidienneces derniers - selon le culte qui leur esrendu - peuvent protéger ou punir levivants. On a des raisons de pensequ'avec l'agriculture et l'élevage, le

hommes ont été plus exposés aux aléade la nature que l'étaient leurprédécesseurs chasseurs-cueilleurs, qusoit dit en passant, pratiquaient raremen

e culte des ancêtres, et avaient d'autreformes de relations aux morts. On voalors se multiplier les dieux eapparaître des panthéons ou de



ensembles de dieux hiérarchisés. L'idéque les morts ont un pouvoir normatif equ'il est nécessaire d'entretenir un

relation avec eux est donc très ancienneLes morts protègent et en même temppunissent : ce sont des partenaires touautant que les autres vivants.

'invocation de l'au-

delà n'est-elle pas unemanière de gouverner

les hommes, uneidéologie en somme ?



Bien sûr, cela peut servir à gouvernees hommes, et la menace d'un

mauvaise réincarnation ou de l'enfer fa

partie des moyens imaginés par depouvoirs religieux pour faire valoieurs exigences morales et sociales

Cela dit, Emmanuel Kant, qui n'était paparticulièrement dévot, a écrit que lcroyance dans la survie de l'âme était upostulat de la raison pure pratique, soi

une croyance nécessaire au souveraibien. Ce qui veut dire qu'il estimait qusi nous n'étions pas convaincus d'existence d'un au-delà, et du salu

possible, nous échapperions à toutobligation morale. C'est une conceptiorès chrétienne et punitive, mais qu

pour lui, relevait de la raison. Et Kan



gnorait tout des sociétés tribales dones religions supposent la survie de

humains après la mort mais excluent tou

ugement post mortem.

utrement dit, lesimaginaires de l'au-delà seraient des

réponses à desinterrogations

existentielles ?Fondamentalement, je pense qu'il y

quelque chose d'inadmissible dan



'obligation d'avoir à mourir. Celsignifie un refus profond d'acceptenotre condition. C'est transhistorique e

universel. Sigmund Freud distinguadeux forces dans l'homme : éros ehanatos. Nous vivons une dualité, l

mort c'est la fin de la jouissance de lvie. Le refus de la mort, c'est le désir dcontinuer à connaître les plaisirs de lvie. Les sagesses les plus poussée

doivent idéaliser la mort pour la rendracceptable. Elles doivent proposequelque chose, une valeur, donc unforme d'existence. Certains mystiques s

sont persuadés que la mort est le débude la vraie vie. La vie après la mordevrait être plus belle que la vie, et ifaut donc s'y préparer. C'est le produ



d'un imaginaire puissant qui vise encorune fois à nier la mort. Il ne faut pas'étonner s'il est aussi difficile d

déclarer la mort de Dieu et l'extirpatiode toutes les croyances. L'humanité besoin de croire que l'impossible espossible.

erait-il impossible

d'affronter l'idéequ'après la mort, tou

est fini ?Bien sûr, intellectuellement, c'es

pensable : certains philosophes d



'Antiquité grecque et latine l'ont penséet Platon, par exemple, s'est dresscontre eux en affirmant qu'il y avait un

part de l'âme qui était immortelle. Cettdée a toujours été présente, mais elle

été refusée, et à la même époque orouve d'autres imaginaires concurrents

comme la transmigration des âmes. Maisi on considère les attitudes les plurépandues dans le monde, on voit qu'il

a un refus de la mort comme terme de lvie. Le 18e siècle et les philosophes deLumières en Europe, puis la séparatiode l'État et de la religion en France

mais aussi l'individualisme promcomme façon de vivre, le délitement deiens familiaux étendus, tout cela fait qu

beaucoup de gens ont une attitud



ambiguë face à la mort. Dans la sociétcontemporaine, la tendance est à évacuea mort, à limiter les rites funéraires,

es dépouiller de leur dimensiométaphysique. Mais on ne peut pas'empêcher de localiser les morts, de levisiter et de leur offrir des fleurs. C'esune forme de croyance dans leuexistence. Dans des sociétés pluritualistes, on offre aux morts de

aliments. Les Chinois brûlent du papiermonnaie pour les morts, et même demages d'ordinateurs portables et d

voitures.

On ne peut pas être

incèrement



matérialiste ?

Croire qu'il existe une vie après la morest tout à fait contre-intuitif. Nul n'amais vu une âme sortir du corps d'u

mort. Mais y croire, c'esobligatoirement inventer des pratiques'adressant aux défunts, et toutes ne sonpas liées à la religion. Par exemple, l

fait de respecter la parole des défunts dmanière scrupuleuse en matièrd'héritage ou de rite funéraire est touaussi symbolique que croire e

'existence de l'âme. Alors que ledéfunts perdent leurs autres droits, celuià est maintenu, et c'est une forme d

survie. Nous avons tous des rapport



sentimentaux avec les objets laissés panos proches, dont nous n'avons aucuusage, mais que nous gardons. Ils fon

partie de ces objets que l'on ne peut nvendre ni donner. Aujourd'hui, il existdans certains cimetières la possibilitd'accéder au site personnel du défuncelui où il avait déposé ses photos, semusiques favorites, les traces de seamitiés. Même en l'absence d'u

maginaire développé au sujet de l'audelà, le symbolisme de nos attitudes epratiques soutient une forme d'existencdes morts parmi nous.



Inégalités :

pourquoi elless'accroissent,

comment lescombattre ?



Inégalités :

pourquoi elless'acroissent,

comment lescombattre ?

par Maud Navarre

ans l'édition 2014 Les Revenus et latrimoine des ménages français'Insee dresse un constat alarmant : le

négalités économiques augmenten

D

http://www.cairn.info/publications-de-Navarre-Maud--127326.htm



Entre 2010 et 2011, 40 % des ménagees plus modestes se sont appauvri

alors que 40 % des plus aisés ont v

eurs revenus progresser. De plus eplus mal tolérée par l'opinion, cettsituation crée du ressentiment et fragilisa cohésion sociale.

Pourquoi les inégalités resurgissentelles aujourd'hui ? Peut-on encor

aspirer à l'égalité ? D'ailleurs, lsouhaite-t-on ? L'une des grandes leçondes économistes actuels, comme ThomaPiketty ( Le Capital au 21e siècle) o

Christophe Darmangeat (Conversatiosur la naissance des inégalités), est ques inégalités n'ont rien de naturel. Elle

sont créées par l'humain, par ses choi



politiques, économiques, sociauxmoraux. C'est pourquoi la crise de 200et la conjoncture actuelle n'expliquen

pas tout : des tendances plus profonderavaillent la société française. C

dossier les met au jour, les analyse et lediscute. En sondant notre propre relatioà l'égalité, plus ambiguë qu'il y paraîtcomme le souligne François Dubet. Eenquêtant sur la dynamique de

négalités de revenus, avec RenauChartoire. En étudiant le poids dedisparités territoriales, entre le Sud et l

ord de la France, l'Est et l'Ouest, ave

e démographe Hervé Le Bras. Maiaussi en évaluant les solutions apportéepar les pouvoirs publics et par le droide l'école à la santé en passant pa



'entreprise, avec Marie Duru-BellatFlorence Jusot et Fabien Trécourt.



Nous avons choisi

l'inégalité par François Dubet

u-delà des facteurs économiques, lenégalités résultent aussi - et peut-êtr

avant tout - d'un choix individuel.

Durant près d'un siècle, les sociéténdustrielles ont « choisi » - pour autan

que des sociétés choisissent - de réduires inégalités sociales. Depuis unrentaine d'années, la tendance s'es

nversée et nous observons partout u

A

http://www.cairn.info/publications-de-Dubet-Fran%C3%A7ois--2528.htm



creusement des inégalités socialesGénéralement, ce retournement esexpliqué par des mécanisme

économiques engendrés par lmondialisation et la mise en concurrencdes économies : le coût du travail noqualifié s'alignerait sur les salaires depays émergents, le développement d'unéconomie financière expliquerait lformation de revenus « obscènes » et l

mise en concurrence des Étatprovidence jouerait à la baisse fiscale esociale. Le différentiel de rentabilitentre les revenus du capital et ceux d

ravail expliquerait, dans les sociétécondamnées à une croissance faible, lretour de la rente et du patrimoine contres revenus du travail. Le creusemen



des inégalités sociales serait une fatalitéconomique heurtant nos convictionsmais à laquelle il serait difficile d

s'opposer sans rompre radicalemenavec un système devenu mondial.

La quête del'entre-soiCette analyse est peu contestable quanl s'agit d'expliquer les formations d

'extraordinaire fortune des 1 %, voirdes 0,1 %, les plus riches. Cependantes économistes évoqués ici soulignen

eux-mêmes que cette explication est loi

de suffire, car elle n'implique pas qu



es tats cèdent aussi facilement devanes forces qui poussent aux inégalités

Plus encore, si l'explication de

négalités par les seuls mécanismeéconomiques peut nous permettre dcomprendre la fortune des « superriche» et la multiplication du nombre des superpauvres », elle ne dit pas grandchose de l'ensemble des inégalitésociales, celles qui concernen

directement l'écrasante majorité dendividus et qui n'ont qu'un lien trèointain avec la concurrence généralisé

des économies. Rappelons d'ailleurs qu

Margaret Thatcher et Ronald Reagan onété élus sur des programmes résolumennégalitaristes, que Barack Obama n'

pas réussi à instaurer une protectio



sociale universelle et qu'en Europe, l'aidu temps n'est pas à la priorité à l'égalitsociale.

l n'est pas nécessaire de valoriser uquelconque principe d'inégalité pouaccepter les « petites » inégalités et pou

choisir les conduites qui les engendrentAu fond, notre attachement de principe 'égalité de tous ne nous conduit plu

nécessairement à vouloir véritablemenréduire les inégalités sociales.

Ceux qui le peuvent, et qui ne sont pa

nécessairement les plus richeschoisissent de vivre dans des quartiersocialement homogènes qui leugarantissent une certaine sécurité, un



école de qualité&shy ;, des voisinpaisibles et semblables... Pendant ques centres-villes se gentrifient, le

classes moyennes qui le peuvenchoisissent les banlieues pavillonnairesceux qui sont un peu moins pauvres'éloignent parfois de la ville afin dcreuser la distance avec ceux leuparaissent trop pauvres et tropdangereux. De manière générale

personne ne choisit de fabriquer deghettos urbains, mais le choix de vivravec des semblables a pour conséquenc« objective » la production de ghetto

dans lesquels se concentrent les plupauvres, les victimes du chômage, ceuque l'on stigmatise pour leurs origineses familles « monoparentales »... Plu



ces ghettos constituent des repoussoirsplus les inégalités spatiales se creusenau sein de la ville, mais aussi entre le

erritoires qui captent les ressourceéconomiques et culturelles et ceux qui ssentent abandonnés et qui en appellent eur tour à l'exclusion des plus pauvres

comme le montre l'implantation du votFront national dans ces zoneabandonnées.

Chacun ses

intérêtsLe choix de l'inégalité ne procède pa

seulement d'un désir d'entre-soi et d



distinction culturelle, il résulte aussi da concurrence des intérêts, comme l

montre bien le cas des inégalité

scolaires, alors que nous sommesouvent prompts à dénoncer la faillitdémocratique de l'école républicaineLongtemps, ces inégalités ont étperçues comme la conséquencmécanique des inégalités sociales eculturelles sans que les individu

choisissent véritablement en la matièreMais le long processus ddémocratisation scolaire a sensiblemenchangé les règles du jeu. Dans la mesur

où tout le monde, ou presque, va 'école et longtemps, dans la mesure oe diplôme joue un rôle décisif dan'accès à l'emploi et où il détermine l



niveau du revenu initial, l'utilité dequalifications scolaires joue un rôldécisif dans le parcours des individus

Chacun le sait pour ses propres enfantet sait qu'il a intérêt à chercher leformations et les diplômes les pluefficaces. Dès lors, les famillenformées et celles qui le peuven

choisissent résolument les inégalitéscolaires afin que leurs enfants s'e

irent mieux que ceux des autres. Il nsuffit plus de laisser jouer naturellement » le capital culturefamilial, il faut aussi développer le

stratégies qui créent des inégalitéavantageuses : choix des établissementet des filières, multiplication desoutiens scolaires, y compris grâce à de



oisirs bien choisis, choix des filièresélectives qui feront la différence esurtout, mise à distance des élève

supposés trop faibles. Derrière depolitiques de massification scolairplutôt égalitaires se déploie un ensemblde stratégies familiales accentuant denégalités scolaires qui deviendront denégalités sociales plus ou moinégitimes. Au bout du compte, en dép

de déclarations égalitaires, l'écolfrançaise connaît l'un des taux dreproduction sociale des inégalitéscolaires parmi les plus élevés.

La peur du



déclassement

La crainte du déclassement conduit défendre les inégalités sociales quprotègent des risques de chute e

maintiennent des positions relativemenavantageuses. Chaque professionchaque secteur économique, chaqufilière de formation, chaque régio

parfois, défend ardemment des inégalitéqui paraissent justes. Le thème obsédande la défense des classes moyennescelui du refus du « matraquage fiscal et celui des avantages acquis ne sonsouvent rien d'autre qu'un choix efaveur des inégalités installées et qu'u

refus de les réduire dès lors que cel



mpliquerait quelques sacrifices efaveur des moins bien lotis. Or les vraidéclassés, et les plus nombreux, sont le

ravailleurs et les jeunes déjà exclus dmarché du travail.

ous acceptons d'autant mieux toutes ce

négalités que, bien souvent, elles nousemblent justes parce qu'elles reposensur un idéal d'égalité des chance

méritocratiques. Pour que les unméritent leurs succès et leur positiosociale grâce à leur travail et à leuvertu, il faut nécessairement que le

autres méritent aussi leurs échecs tenanà leur absence de mérite. Ainsi, plu'égalité des chances méritocratiqueend à devenir la norme de justic



dominante de nos sociétés, plus lenégalités issues d'une compétitio

méritocratique semblent acceptables e

ustes. Depuis les années 1970, leenquêtes nationales et internationalemontrent que le pourcentage de ceux quexpliquent la pauvreté par la culture depauvres et par leur absence de couragne cesse de croître, pendant que lpourcentage de ceux qui pensent que l

pauvreté résulte du fonctionnement d'économie ne cesse de diminuer. Lriomphe de la croyance dans l'égalit

des chances invite donc à « blâmer le

victimes ».

La recherche de l'égalité sociale nsuppose pas seulement que nous nou



pensions fondamentalement égaux, seloes termes de la Déclaration des droit

de l'homme, elle exige aussi que nou

voulions que cette égalité de principdevienne une égalité « réelle » et, poucela, il faut nous reconnaître commétant relativement semblables esolidaires. Pour vouloir l'égalitsociale, il faut accepter de payer poues autres, y compris pour ceux que l'o

ne connaît pas et dont on se sencependant proches. En ce sens, lsolidarité est une des conditionélémentaires de la lutte contre le

négalités sociales. En France, pluqu'au triomphe des idéologienégalitaristes, nous assiston

aujourd'hui à l'épuisement des liens d



solidarité et de fraternité qui reposaiensur trois grands piliers.

Les trois piliers de

la solidaritéL'ordre social

Le premier d'entre eux était ldivision du travail organisant lsociété, et les inégalités, en u

système de classes sociales econflits et cependaninterdépendantes, liées de manièr« fonctionnelle » comme l'a affirm

toute une traditio



durkheimienne&shy ;. C'est parcque nous dépendrions tous du mêmensemble que le modèle solidarist

a pu s'imposer comme un ensemblde dettes et de créances fondant lsolidarité de la société salarialeCette vision, trop idyllique pouêtre parfaitement vraie, a cependan porté le développement de l'Éta providence. Or, aujourd'hui, le

inégalités se développent au-delde l'ordre des classes sociales esemblent détruire toutes ces figurede la solidarité, puisque nou

savons que nous sommes inégausur une multitude de registres : ltravail, l'éducation, le sexe, l'âgela santé, la résidence, les origine



et les choix culturels... Dès lors pourquoi participer à l'ensemblquand l'idée même de former u

ensemble semble s'éteindre. Lrefus de contribuer par l'impôt eles cotisations sociales ne cesse ds'étendre ; il s'étend d'autant pluque le système des contributions edes prestations sociales est devensi profondément illisible que le

groupes et les individus ne saven plus ce qu'ils donnent et ce qu'ilreçoivent et peuvent toujours ssentir grugés.

La confiance dans les institutions

Le deuxième pilier de la solidarit



est la confiance dans les institutiondémocratiques et, au-delà, lconfiance dans les autres. Or cett

confiance décline dangereusemencomme le montrent l'absentéismélectoral, le vote « contre » pluque le vote « pour » et, partout eEurope, la croissance demouvements populistes qui eappellent au rejet des étrangers, de

immigrés et des minorités, et qurêvent du retour des solidariténationales et traditionnelledétruites, à leurs yeux, par l

modernité, l'individualisme et ldémocratie.

La fraternité



Le troisième pilier de la solidaritest de nature symbolique eimaginaire ; c'est l'ensemble de

récits qui peuvent constituer desentiments de fraternité. Lreligion, puis la nation ont été lesocles de ces grands récits de lfraternité. Or, nous savondésormais que l'identification de lsociété et d'une nation homogène e

parfaitement souveraine n'est plu possible. Nous savons que nouvivons dans des société pluriculturelles tenues d

reconnaître les singularités degroupes et des individus. Parce qunous sommes condamnés à vivrensemble et à affirmer notre égalit



au-delà de nos différences, biedes citoyens, à commencer par ceuqui craignent d'être les perdants de

mutations, refusent l'égalité socialde ceux qui ne sont pas comme euet qu'ils perçoivent comme demenaces.

À terme, les supports économiquesinstitutionnels et symboliques de l

solidarité semblent se défairlentement et la recherche dl'égalité sociale recule obstinémenten dépit de l'affirmation réitérée d

l'égalité de tous. Mais, en fait, cettcroyance semble ne plus nouengager envers les autres.



Le creusement des inégalités n'es pas réductible aux forceincontrôlables de l'économie et à l

défaillance des hommes politiquesIl semble avoir des racines plu profondes dans le recul des liende solidarité et des sentiments dfraternité. Plutôt que de croire auillusions de ceux qui promettent uretour de l'égalité au prix d

l'exclusion des étrangers et du replsur une société fermée aumutations du monde, plutôt que dcroire aussi qu'une croissanc

miraculeuse règle tous le problèmes, il nous faudraiconstruire pas à pas les liens dsolidarité qui nous feront vouloi



de nouveau l'égalité sociale. Il faurappeler sans cesse que lesociétés relativement égalitaire

sont plus paisibles, plus confiantes plus tolérantes, plus démocratiqueset pas moins dynamiques, que lesociétés qui s'accommodent d'uretour des inégalités que l'ocroyait à jamais révolues.

François Dubet

Sociologue et directeur d’études ’EHESS, il a récemment publié L

Préférence pour l’inégalité. Comprendr

a crise des solidarités, Seuil, 2014.



Des différences perçuecomme légitimes

64% des Français pensent que s'ille voulaient, la plupart dechômeurs pourraient retrouver u

emploi



74% des Français pensent que lFrance est en déclin

74% des Français pensent qu'ilcontribuent plus au système qu'iln'en bénéficient

45% des Français «comprennentl'exil fiscal

Source régis Bigot, émilie Daudeet Sandra Hoibian, « En 2014, lsoutien à l’état providence vacill», crédoc, note de synthèse n° 11

septembre 2014 ; sondages ipsodes 15 octobre et 12 décembr2013.



La force des

solidarités localesEntretien avec Hervé Le Bras

Propos recueillis par Maud Navarreuand l'État se désengage, le

solidarités locales ressurgissent... Ave

une plus ou moins grande efficacitselon les territoires.

Pourquoi publier unatlas des inégalités ?

Q



http://www.cairn.info/publications-de-Le%20Bras-Herv%C3%A9--28451.htm



Contrairement à de nombreux pays, lenégalités de revenu ont assez pe

augmenté en France depuis la crise d

2008. Mais cela masque un neaccroissement des inégalités spatialesElles prennent deux formes : lmétropolisation, c'est-à-dire lconcentration des richesses et decapacités dans les grandeagglomérations, et l'accroissement de

différences entre de vastes régions dpays. Seul un atlas pouvait disséquer cdouble phénomène.

L'atlas montre, d'une part, que lmétropolisation s'accentue : cadresrevenus élevés, jeunes diplômés sont dplus en plus fréquents dans les grande



villes, de moins en moins dans les zonerurales. Ainsi les cadres qui étaienencore souvent présents comm

ngénieurs dans des régionndustrielles, il y a trente ans, se sont-il

regroupés maintenant dans lemétropoles où ils occupent souvent deemplois tertiaires. D'autre part, dephénomènes comme le chômage, ldécrochage scolaire, les faibles revenus

a fréquence des famillemonoparentales... se sont accentués eville comme à la campagne dans dvastes zones du Nord-Est de la France

dans la vallée de la Garonne, et autoude la Méditerranée. à l'inverse, cedifficultés ont été mieux jugulées dans lgrand Ouest, une large partie du sud



Ouest, le Lyonnais et l'Alsace.

Les deux mouvements, métropolisatio

et régionalisation, se différenciensocialement. Les professionntermédiaires et les cadres sont d'autan

plus diplômés qu'ils résident plus prè

du centre des métropoles - ceci danoute la France, à Toulouse comme

Lille ou à Paris. Au contraire, les plu

diplômés des classes populaireemployés et ouvriers pour l'Insee) sconcentrent dans les régions les plufavorisées qui viennent d'être citées

villes et campagnes confondues. Lmétropolisation s'explique aisément paa concentration des activité

supérieures dans les grande



agglomérations, sièges de grandgroupes, de laboratoires de recherchesd'universités, de grande

administrations. Mais l'existence et lrenforcement de vastes zonehomogènes, soit en bonne, soit emauvaise condition, sont a priori pluétranges.

Pourquoi les inégalitésrégionales sedéveloppent-elles ?

Les zones les plus favorisées aujourd'husont soit les anciennes région

catholiques, soit les anciennes région



où la famille traditionnelle comprenarois générations (familles souches)

Religion et famille ont, en effet

développé de plus forts liens d'entraidentre proches. Elles ont ainsi contribué a constitution de « couches protectrice

», pour reprendre la terminologie dJoseph Schumpeter. Les classepopulaires y trouvent une entraide qu'État ne peut plus assurer, entraid

moins développée dans les régions leplus anciennement républicaines eaïques.

C'est au sud de la Loire et en Alsace qudomine ce type de structure familiale a famille souche. Elle est liée au

coutumes anciennes d'héritag



négalitaire selon lesquelles un seuenfant héritait de l'exploitation artisanalou agricole. Dans ces régions, un

relative égalité entre les propriétés s'esmaintenue pour cette raison. Au nord da Loire, la structure familiale est dit

nucléaire. L'héritage était divisé entrous les enfants. Cet héritage égalitaire

par division successive, entraîne undispersion des biens, conséquence d

nombre variable d'enfants par familleAu bout d'un certain nombre dgénérations, une foule de paysans npossèdent plus de quoi conduire un

exploitation alors que quelques-uns onde vastes domaines. Ces différenceanthropologiques ont eu derépercussions directes sur l



développement économique. Au mêmrecensement de 1851, 80 % des paysande la Somme ou du Pas-de-Calai

étaient journaliers ou ouvriers agricolesls ont fourni la main-d'œuvre d'industrie naissante, tandis que la petit

propriété du Sud a bloqué toudéveloppement industriel.

Et quel rôle a joué lareligion catholiquedans la distributiondes richesses ?

À la Révolution, une coupure s'opèr



entre des régions où les prêtres prêtenserment à la constitution, les « jureurs »et des régions où les prêtres

réfractaires » refusent de le faire. Danes régions du refus, des forme

d'autonomie subsistaient : la Bretagne ee Languedoc avaient un parlement qu

devait voter l'impôt ; l'Alsace faisapartie du Saint Empire romaigermanique ; les Flandres et l'Artoi

étaient des provinces « réputéeétrangères », car elles n'étaienrattachées à la France que depuis lrègne de Louis XIV. Lors de l

Révolution, ces provinces ont perdeurs particularismes, ce qui a produit u

sentiment hostile envers Paris et soacobinisme. L'historien Paul Bois



montré dans son livre sur la Sarthe qua coupure se produit à ce moment-là

ceux qui s'opposent au jacobinisme s

ournent vers l'Église. La coupure esravivée à la fin du 19e siècle. La Franccatholique n'accepte guère l

République. Une grande partie d'histoire politique française du siècldernier tourne autour de cette oppositioentre les zones catholiques qui passent

droite et les zones déchristianisées qupassent à gauche, exception faite dBassin parisien. Certaines, comme lProvence, basculent rapidement

gauche. Il ne faut pas oublier qu'il y rente ans à peine, le Parti communist

obtenait ses meilleurs scores dans l

Gard. Depuis lors, la pratiqu



catholique a fortement diminué, mais lezones qui étaient arc-boutées sur lreligion ont développé de forte

solidarités locales. C'est très net dan'ouest. La pratique catholique s'es

évaporée, mais la coopération et lsolidarité entre les habitants onconservé leur force. Montesquieu&shy constatait déjà que quand le pouvoipolitique disparaît, les mœurs subsisten

un moment. La famille et la religiostructurent ainsi en profondeur lemœurs françaises. Quand l'État sdésengage comme il le fait actuellemen

faute de moyens, ces institutions localesà où elles existent, prennent en partie l

relais.



Concrètement, quellesformes prennentaujourd'hui cessolidarités ?

Tous les aspects de la vie sociale sonconcernés. Par exemple, les réseau

familiaux favorisent l'obtention d'uemploi localement, ou, comme dan'Ouest, la garde d'enfants et le recours

une nourrice. Dans les région

anciennement catholiques, lecoopératives et les associations sonplus nombreuses. à une échelle un peplus large, les intercommunalités se son



mmédiatement mises en place eBretagne, dans tout l'Ouest et en Alsacealors qu'il a fallu attendre qu'une loi le

rende obligatoires pour qu'elles sforment dans le Bassin parisien. Danes régions de famille souche, l

continuité des générations se traduit paune plus grande aide aux personneâgées, souvent prises en charge par leurproches. Au niveau individuel, ce

phénomènes ont été peu étudiés car ils'accordent difficilement à la visiofondée sur les classes sociales et ldivision du travail. Mais au nivea

collectif ou statistique, ils sont très nets es régions qui se portent le mieu

appartiennent soit à une zone de famillsouche, soit à une zone anciennemen



catholique, soit les deux, et celles o'on ne trouve aucune des deux figuren

parmi les plus fragiles.

Finalement, la

cartographie appellel'histoire. Elle montre

que les inégalitésd'aujourd'hui se

fondent sur desfacteurs très anciens...

Des structures anciennes entretiennen



es inégalités, mais elles apparaissenplus criantes aujourd'hui à cause ddésengagement de l'État. Les politique

peuvent inverser la tendance asserapidement, s'ils le souhaitent. Prenone cas des inégalités scolaires. L'Oues

était la zone la moins éduquée de Francusqu'à une période récente. Elle es

devenue une zone où la scolarisation esa plus longue et la proportion d

personnes sans diplôme la plus faibleLa situation a beaucoup changé e'espace d'une génération. En revanchea répartition géographique du chômag

est demeurée assez stable au moindepuis 1982, ce qui signifiemalheureusement, qu'une culture dchômage s'est construite : dans certaine



familles, parents puis enfants et mêmpetits-enfants ont vécu l'expérience dchômage. Aujourd'hui, ils le considèren

comme une fatalité. Chaque formd'inégalité a une histoire et udéveloppement différent. On 'impression que le chômage est plu

facilement maîtrisable que d'autrenégalités, alors que l'éducation offr

davantage de prise à l'action politique.

Quelles sont les

conséquences desdifférences desolidarité selon les



territoires ?

Les inégalités se renforcent les unes ees autres. Dans l'atlas, j'ai construit undice général d'inégalité à partir de se

principaux facteurs : la proportion de sans-diplôme », le taux de chômage, lmonoparentalité - vecteur de pauvreté -es écarts de revenus entre les 20 % le

plus riches et les 20 % les plus pauvreet enfin, les revenus des 10 % les plupauvres.

La carte qui en résulte est proche dcelle des votes pour le Front nationaors des dernières élections : leerritoires les plus défavorisé



plébiscitent le parti de Marine Le PenAuparavant, le vote pour l'extrêmdroite correspondait aux région

d'immigration. Aujourd'hui, il escaractéristique des régions les plufrappées par les inégalités socialescelles qui ne bénéficient pas decouches protectrices, la régioméditerranéenne et la frontière nord-esen particulier. En revanche, entre 200

et 2012, à proportion nationalconstante, le vote FN a nettemenrégressé en Alsace et dans la régioyonnaise. Ces territoires ont ét

marqués par la religion catholique et/opar une tradition de famille souche.



Peut-on lutter contreles inégalitésterritoriales ?

La France, extrêmement diverse 'origine, s'est unifiée grâce à undéologie égalitaire prônée à partir de l

Révolution. Les particularisme

provinciaux hérités de l'Ancien Régimont été progressivement effacés. Ledifférences géographiques qusubsistent, particulièrement celles que jviens de détailler ne correspondent pluà celles des provinces d'Ancien RégimeDésormais, il n'y a pratiquement plus d

risque sécessionniste en France, mêm



en Corse.

Ce n'est pas le cas partout. En Espagne

a Catalogne et le Pays basque, deurégions indépendantistes, sont les pluriches. En Belgique, la situation essimilaire avec la Flandre. La France n'

pas une telle configuration. L'Île-deFrance est la région la plus riche. Ellne va pas réclamer son indépendance

Ses frontières ne délimitent pas uerritoire historique. On pourraaccorder plus de pouvoir aux régionsElles sont les mieux armées pou

combattre les inégalités. La création dezones urbaines sensibles ou des zoned'éducation prioritaire ont déjà été deréponses locales et nécessaires même s



'on peut déplorer leur timidité.

On peut agir plus largement et plu

profondément. Par exemple, le RSA, lendemnités de chômage, les minimausociaux, les aides à l'autonomie (APAsont les mêmes partout. Il n'y a pas d

décentralisation des normes maiseulement leur exécution. Les régionpourraient fixer librement le montant de

aides, selon les spécificités localesDans certaines régions, le chômage esrépandu. Les besoins de formatioprofessionnelle et d'agences de l'emplo

sont plus pressants. Dans d'autres, csont les problèmes de vieillissement oencore d'éducation. Et quand ceproblèmes se cumulent, leur traitemen



plus complexe demande une compétencocale ou régionale plutôt que des règle

nationales.

Presque toujours, la marche vers plud'égalité demande le recours 'inégalité. Toutefois, il faut reste

prudent. Les différences économiques esociales ne doivent pas être confondueavec des différences culturelles car cel

pourrait réveiller des leurredentitaires. La culture occitane peut êtrencouragée, mais ce n'est pas elle quapportera une solution aux difficulté

sociales du Languedoc. La récente emaladroite fusion des régions a réveilldes sentiments identitaires car elle négligé cet aspect des choses.



Le capital selon

Thomas Piketty par Renaud Chartoire

our Thomas Piketty, le rendement dcapital est supérieur au taux d

croissance de l'économie. C'est ce quexpliquerait l'accroissement exponentiedes inégalités. Sa thèse est discutée dane monde entier.

Au printemps 2014, il a suffi dquelques semaines pour qu'un jeun

économiste français devienne un

P

http://www.cairn.info/publications-de-Chartoire-Renaud--84870.htm



coqueluche intellectuelle planétaireThomas Piketty, 43 ans, est l'auteur dCapital au 21e siècle, un pavé de 97

pages plutôt arides dont le succès peusurprendre. Ce livre a été proposé à lraduction dans 25 langues, dont l

chinois, le coréen, l'arabe, le tchèqueSon auteur a fait la une des magazines, même été reçu à la Maison BlancheDans les colloques économiques, on n

parle plus que de lui. Ses thèses se sonmposées dans les débats du Congrèaméricain. Le célèbre magazin

olitico, aux États-Unis, le compt

même parmi les trois penseurs les plunfluents du monde [1].

Mais qu'y a-il donc dans ce livre




L'essentiel de la thèse de T. Piketty esprécisé dans l'introduction de 68 pagesprécédant la minutieuse analys

historique du capitalisme. L'économistpart d'une question relativement simple pourquoi les inégalités, à certainmoments de l'histoire, augmentent-elleou, à l'inverse, se résorbent-elles) ?

Posséder outravaillerPour répondre à cette question, TPiketty a collecté, rassemblé, comparésynthétisé les données sur l'évolutio

des revenus du capital et du travail a



cours de trois siècles de capitalisme. Ien déduit une tendance générale : sur long terme, le rendement du capita

progresse plus vite que celui du travailpoussant ainsi à un creusement denégalités. En d'autres termes, pou

s'enrichir, mieux vaut posséder dcapital (foncier, industriel ou financierplutôt que de travailler. T. Piketty pensavoir découvert une véritable loi d

répartition du capitalisme :'entrepreneur tend inévitablement à sransformer en rentier, et à dominer dlus en plus fortement ceux qui n

ossèdent que leur travail. Une foiconstitué, le capital se reproduit touseul, plus vite que s'accroît l

roduction. Le passé dévore l'avenir. »



Mais cette tendance peut être infléchiedans un sens ou dans l'autre. T. Piketts'intéresse aux forces de convergence

qui amènent à une réduction denégalités, et aux forces de divergence

qui conduisent au contraire à leuaccroissement. Les premières reposennotamment sur la formation e'éducation. Par exemple, les pays le

moins développés ont investi dans l

formation et la diffusion deconnaissances, ce qui a pu leupermettre de rattraper une partie de leuretard sur les pays les plus riches

L'élévation du niveau de formatiocontribue à une hausse du capital humaides travailleurs, ce qui est d'autant pludécisif que l'évolution technologiqu



end à réduire, au fur et à mesure qu'upays se développe, la part du travail noqualifié dans le processus productif.

Le grand retour

du capitalÀ l'inverse, il existe des forces d

divergence. La première vient de lrépartition inégalitaire des capitaunitiaux : les revenus du capital étant e

partie proportionnels au montant détennitialement, une petite différence ddépart peut amener à des écartmportants à l'échelle d'une ou d

plusieurs générations. C'est ce que l'o



nomme « l'effet saint Matthieu », qureprend un passage de son Évangile :Car on donnera à celui qui a, et il ser

dans l'abondance, mais à celui qui n'as on ôtera même ce qu'il a. » D

même, une croissance économique faiblend à reproduire les inégalités, caustement il y a peu de transformation

dans la structure de l'activité, donc pede nouveaux emplois et pe

d'opportunités pour les plus démunis.Aujourd'hui, la principale source ddivergence, génératrice d'inégalité

croissantes, viendrait de là : les revenudu capital augmentent toujours plus vitealors que les revenus du travail onendance à stagner, plombés par la faibl



croissance économique. Les courbemontrent qu'en ce début de 21e siècle, oest revenu à la situation du début du 20siècle où une minorité de rentieraccumulent la plus grosse part derevenus et du patrimoine, alors que le

négalités s'étaient considérablemenréduites dans le cours du 20e siècle.

ous aurions donc affaire à un gran

retour du capital, tant sur le plaquantitatif que qualitatifQuantitativement, d'abord ; le rapporcapital/revenu a pris la forme d'uncloche en U depuis 300 ans. Au début d18e siècle en France, le montant total dcapital détenu par l'ensemble des agent

économiques représentait plus de sep



fois le revenu annuel du pays. Cmontant va rester historiquement stablusqu'à la Première Guerre mondiale, où

es ravages du conflit se traduisent, entrautres, par une destruction nette dcapital, dont la valeur tombe alors seulement trois fois le revenu national La Seconde Guerre mondiale n'arrangrien, et ce n'est qu'au début des année1950 que le rapport capital/revenu s

redresse progressivement.Structurellement, ensuite. S'il y a troisiècles, le capital était majoritairemen

constitué de terres agricoles, ce sonaujourd'hui l'immobilier et les actionqui en représentent la quasi-totalité. Useul chiffre pour illustrer ce fait



actuellement, le revenu annuel moyepar habitant en France s'élève à 30 00euros environ, et chaque habitan

possède en moyenne 180 000 euros dcapital, répartis grosso modo en deugrandes moitiés égales : 90 000 euros dcapital logement, et 90 000 euronvestis dans les entreprises via de

placements financiers.

Selon T. Piketty, ce retour du capitarépond à ce qu'il estime être l'une degrandes lois du capitalisme : un pays endance à épargner davantage lorsqu

sa croissance ralentit. Structurellemente capital risque donc de prendre unmportance encore plus grande dans le

pays riches au cours du 21e siècle. À



cela, s'ajoutent deux autres phénomènes un mouvement de privatisation importande la richesse publique vers la richess

privée depuis les années 1970, et unremontée des prix des actifs immobilieret boursiers depuis la même période.

Le risque est alors grand de revenir une société « bloquée » : ceux qudisposent déjà au départ d'un capita

élevé verront leur patrimoine s'accroîtrdurablement, tandis que les autres seroncondamnés à faire du surplace. Dèaujourd'hui, aux États-Unis, les 10 % le

plus riches possèdent déjà 72 % dpatrimoine total de ce pays. Ils gagnensur les deux tableaux, revenus epatrimoine : ils font fructifier leu



patrimoine et en tirent des revenus ; els augmentent leur patrimoine e

épargnant une partie de ces revenus.

Pour une

révolution fiscaleSelon T. Piketty, contrairement à c

qu'avançait Simon Kuznets, l'évolutiodes inégalités n'a donc rien d'uphénomène naturel. Au contraire : il n'

a en ce domaine aucun déterminismhistorique, aucune loi universells'imposant en tout lieu et en tout tempsCes évolutions sont le produit de choc

exogènes pour reprendre le langage de



économistes : guerres, crises, choix dpolitiques économiques... Sans lPremière Guerre mondiale et la mise e

place de l'impôt sur le revenu, paexemple, il n'y aurait jamais eu eEurope la baisse des inégalités que l'o

a connue au 20

e

siècle. Et sans ldérégulation des marchés financiers et lmise en concurrence fiscale des Étatnées de la libre circulation des homme

et des capitaux, les inégalités ne seraiensans doute pas autant reparties à lhausse.

Alors, que faire ? Introduire une taxe sua fortune au niveau mondial (pour évite'exil fiscal), afin de mieux répartir le

patrimoines, propose T. Piketty. Null



accointance avec un quelconqucollectivisme derrière cette propositio

si les rendements du capital sont plu

élevés que le taux de croissance, ce quest actuellement le cas, alors lprélèvement d'une partie de crendement n'appauvrirait pas ledétenteurs du capital ; simplement, iréduirait leur enrichissement. Cette taxpourrait porter sur les successions e

pourrait alors être élevée, ou êtrannuelle, et dans ce cas le taux devrêtre bien plus faible, mais progressifafin de faire participer davantage le

hauts patrimoines. Ainsi, à titrd'exemple, T. Piketty montre qu'avec uaux nul sur les patrimoines inférieurs

1 million d'euros, un taux de 1 % sur l



partie comprise entre 1 et 5 milliond'euros et 2 % au-delà, au niveau d'Union européenne, 2,5 % de l

population seraient touchés pour unrecette publique annuelle équivalente à % du PIB européen, ce qui redonnerade réelles marges de manœuvre 'action publique en matière d

financement de d'éducation ed'investissement.

Un concert de

louanges et decritiques



Le livre de T. Piketty peut ainsi se lircomme la preuve scientifique de ce qubeaucoup, surtout à gauche, affirmen

depuis longtemps : le capitalisme est panature inégalitaire et il faut imposedavantage les plus riches. PauKrugman, prix Nobel d'économie, salué Le Capital au 21e siècle commee livre économique le plus importan

de l'année, voire de la décennie »

Joseph Stiglitz, autre prix Nobed'économie et figure de proue du nouveau keynésianisme » a, quant à luaffirmé : « L'analyse de Piketty soulèv

des questions fondamentales à la foisur la théorie économique et su'avenir du capitalisme. Elle met e

évidence une importante hausse d



rapport capital/production. La théoristandard associe une telle hausse à unchute des revenus du capital et un

hausse des salaires [2]. » La revuScience, qui n'aborde presque jamais lequestions économiques, a mis ecouverture un article de T. Piketty eEmmanuel Saez : « Inequality in the lonrun » [3]. Et pour David Harvey, chede file de la géographie critique

'économiste français montre très biequ'« en l'absence d'interventioredistributive massive de la part d'État, le capitalisme de marché produi

nécessairement des oligarchieantidémocratiques ».

Mais le concert de louange ne doit pa





cacher les critiques parfois très durequi ont été émises. La première esvenue du Financial Times. Le journal

dépêché deux fins limiers qui ondébusqué des failles et approximationdans la constitution des courbehistoriques construite par T. PikettyCelui-ci a dû reconnaître certaineerreurs mais en soulignant qu'elles nremettaient pas en cause ses conclusion

d'ensemble. Bon joueur, le FinanciaTimes a finalement décerné au Capitaau 21e siècle le titre de meilleur livre d'année 2014. Elle ne retire pas se

critiques mais admet que le livre a faavancer le débat...

Xavier Timbeau et Guillaume Allègre



ous deux économistes à l'OFCE ncontestent pas les données (montrant urendement du capital supérieur à l

croissance), mais l'ordre des causes :a causalité est inverse : c'est parc

que les entrepreneurs arrivent à sransformer en rentiers qu'ils peuvenirer un rendement excessif de leu

capital. » Pour eux c'est donc lmécanisme global de production de

négalités qui est en cause.

Une défense desinégalités « utiles »

De son côté, Xavier Sala i Martin



économiste américain spécialiste de lcroissance endogène, remet en questio'hypothèse de T. Piketty selon laquell

es taux de croissance par habitandevraient durablement décroître au 21siècle : selon lui, il n'existe pas d

endance allant dans ce sens. Paailleurs, pourquoi s'inquiéter que le taude rendement du capital soit supérieuau taux de croissance économique

Pour X. Sala i Martin, c'est l'une deconditions de l'épargne, sans laquelle ine pourrait y avoir ni investissement ndonc, à terme, croissance.

Étienne Wasmer, qui enseigne lmacroéconomie à l'IEP-Paris, récusaussi l'idée d'un grand « retour d



capital », et particulièrement en France 'augmentation du capital y es

essentiellement liée à une hausse de

prix de l'immobilier, note-t-il, et cetthausse des prix ne se reflète pas dans lerevenus du capital (c'est-à-dire leoyers).

Enfin, signalons la critique, marginalmais peut-être la plus agressive, d

quelques sociologues français'inscrivant dans le sillage de PierrBourdieu. Dans des articles publiérespectivement dans Le Monde et dan

ibération, Didier Eribon et Geoffrode Lagasnerie accusent T. Piketty dpromouvoir une « idéologie inégalitair», puisqu'il dénonce non pas le



négalités en soi, mais le fait qu'ellesoient fondées sur le patrimoine. « Toue projet du livre pourrait être résum

ainsi : atténuer les inégalités datrimoine pour "redonner du sens

aux inégalités de salaires, pourelégitimer et perpétuer ces inégalitéassimilées à des inégalités de mérite »nterprète ainsi G. de Lagasnerie [4]. T

Piketty avait, semble-t-il, anticipé cett

critique, puisqu'il écrit dans sa préface « Je suis vacciné à vie contre lediscours anticapitalistes convenus e

aresseux (...). Cela ne m'intéresse pa

de dénoncer les inégalités ou lcapitalisme en tant que tels. (...) Lenégalités sociales ne posent pas droblème en soi, pour peu qu'elle




soient justifiées, c'est-à-dire fondéesur l'utilité commune. »

Qu'est-ce que le capital ?

Les économistes distinguent plusieurypes de capital : le capital foncier oerrien (terrains, propriétés agricoles)

e capital immobilier (bâtimentsappartements), industriel (machineséquipements, brevets) et financier (or

es réserves de monnaie ou des titrecomme les actions). Au 18e siècle, lcapital était essentiellement foncier eerrien. Il s’est déplacé vers un capita

mmobilier et industriel, puis financie



au cours des trois siècles suivants.

180 000 euros par habitants

La somme de tous les capitaureprésente un patrimoine.

Dans les pays riches, le patrimoinmoyen par habitant est de 180 000 eurosCette moyenne cache bien sûr dedifférences importantes : certains npossèdent rien, d’autres accumulent defortunes colossales.

Le patrimoine dégage des revenuannuels : loyers (pour les propriétaires)dividendes (pour les actionnaires)ntérêts (issus de l’épargne) qu

représentent 30 % du revenu nationa



(1).

Les revenus du travail (salaires

honoraires, primes, issus de l’activitéreprésentent 70 % du revenu nationadans les pays riches.

Le taux de rendement du capital

Pour un patrimoine de 200 000 euros, laux de rendement moyen actuel est e

moyenne de 10 000 euros, soit 5 % l’an

(1) Le revenu national = revenu d

capital + revenu du travail.Jean-François Dortier



Imposer les hauts revenusest-ce vraiment utile ?

Les inégalités de revenu n’ont cessd’augmenter sur la planète depuis trentans, annonce une étude de Federic

Cingano, économiste pour l’OCDE. LFrance est relativement épargnée, bieque la situation reste moins équitabl

qu’en Allemagne et dans les payscandinaves.

Les analyses de l’expert révèlent que l

croissance est pénalisée principalemenpar les écarts entre les faibles revenus ea moyenne. Autrement dit, taxer les plu

riches a peu d’effet, sauf symbolique.



F. Cingano estime que ce n’est pas lminorité la plus pauvre, mais les 40 %des foyers qui gagnent le moins qu

freinent la croissance. Ils renonceraienà l’instruction, restreignant ainsi lechances de mobilité sociale eprofessionnelle.

Le spécialiste propose de combinemesures économiques et lutte contre le

négalités. Les politiques dredistribution, elles aussi utiles pour pequ’elles se centrent sur des publicpertinents, devraient cibler, selon lui, le

eunes et les familles avec enfants : depublics amenés à prendre des décisionmajeures quant à la scolarité. F. Cinganpromeut aussi la formation tout au lon



de la vie pour développer lecompétences et la mobilitprofessionnelle, lorsque l’école

échoué.

Sources : OCDE, « Focus - Inégalités ecroissance », décembre 2014 ; « Lenégalités coûtent cher en croissance au

pays de l’OCDE », Le Monde, 1décembre 2014.

Renaud Chartoire

Notes

1] Voir le site http://www.politico.com




2] Joseph Stiglitz, « La démocratie a21e siècle », Les Échos.fr , 2 septembr2014. Consulter auss

http://www.project-syndicate.org/commentary/joseph-e--stiglitz-blames-rising-inequality-on-an-

ersatz-form-of-capitalism-that-benefits-only-the-rich/french3] Thomas Piketty et Emmanue

Saez, « Inequality in the long run »

Science, vol. CCCXLIV, n° 6186, 2mai 2014.4] Geoffroy de Lagasnerie, « L

manifeste inégalitaire  dThomas Piketty », Libération, 1octobre 2013.






Les inégalités en

chiffres

La France en

milieu de tableau2e, c'est le rang européen de l

France en matière d'égalité, selon lrapport de la fondation Bertelsmanpublié en septembre 2014. Elle esdevancée par les pays du Nord d

1



'Europe (Suède, Finlande, Danemark ePays-Bas). Les pays du Sud (PortugaEspagne ou Italie) se placent parmi le

derniers. Ce rapport remet en question lien entre richesse nationale e

solidarité. Les États aux niveaux de vies plus élevés ne sont pa

nécessairement les plus égalitaires. Paexemple, l'Irlande dont la richesse pahabitant équivaut à celle de la Suède, s

place selon le rapport seulement au 18rang alors que la Suède est première. Lrapport distingue deux lacunes dans lsociété française : l'inefficacité d

système scolaire pour combattre leeffets de l'origine sociale et le systèmde santé. Concernant la capacité d'école à infléchir l'influence de l'origin



sociale, la France arrive 26e. Seules lBulgarie et la Slovaquie font moins biequ'elle. Quant à la santé, le pays s

classe en 9e position, juste devan'Allemagne. Ce résultat s'explique e

partie par un taux de mortalité infantilassez élevé, plus qu'en Slovénie paexemple (2,4 contre 1,6 pour millnaissances). La performance esdécevante, car le système français d

protection sociale est souvent considércomme un point fort national ( Le Monde16 septembre 2014).

Le sentiment

d'injustice



progresse

73 % de la population estiment lsociété française « plutôt injuste »d'après l'enquête barométrique réalisé

par l'Institut BVA, contre 68 % en 2000Plus de huit Français sur dix estimenque les inégalités ont progressé et autansont convaincus qu'elles vont continue

de s'accroître.

Les Français jugent que les inégalitéd'emploi, de soin et de logement sont leplus graves et les plus répandues.

79 % des Français pensent que tout l

monde n'a pas les mêmes chances d



rouver la place qu'il mérite et dréaliser ce qu'il souhaite dans sa vieLes jeunes (18-24 ans) sont plu

optimistes que les plus âgés : 28 %d'entre eux croient en l'égalité dechances, contre seulement 17 % d'ensemble de la population.

De grands écarts

10 % des actifs sont au chômage. Cphénomène progresse depuis 2008. Cett

situation concerne presque aussi souvenes femmes (9,5 %) que les homme10,0 %). En revanche, elle frappnégalement les individus selon l'âge

23 % des actifs de 15-24 ans, mai



seulement 6,6 % des 50-64 ans.

50 % des ménages français connaissen

au moins une difficulté de logemencomme le surpeuplement, l'absence dsalle de bains, de toilettes, d'eau chaudede chauffage, une taille trop petite, d'humidité ou du bruit. En 2010, leocataires du secteur privé les plu

modestes consacrent en moyenne 34 %

de leurs revenus aux charges dogement contre seulement 19 % parmes plus aisés. Depuis la fin des année

1990, les charges de logement on

augmenté, pour les premiers (+ 3 pointsalors qu'elles ont baissé pour leseconds (- 1,5 point). Contrairement auplus aisés, les ménages modeste



consacrent une part de plus en plumportante de leurs revenus au logement

6 ans d'écart. À 35 ans, un cadre peuespérer vivre encore 47 ans contre 4ans pour un ouvrier. Les femmes meurenplus tard (à 90 ans pour une ouvrière dmême âge, à 99 ans pour une cadre)Dans les années 1970, les écartd'espérance de vie entre ouvriers e

cadres étaient déjà de six années poues hommes et trois pour les femmes.

Que faire ?60 % des Français estiment qu'il es

crucial de combattre les inégalité



entre tous les individus, d'après lsondage de la TNS Sofres. Selon euxes principaux acteurs de l'égalité son

'école et l'État. Les responsables dressources humaines sont perçus comma profession la plusdiscriminante

devant les enseignants, les politiqueses forces de l'ordre et les acteurs dogement.

Les enquêtés considèrent qu'il faut cibleen priorité les faibles revenus, lepersonnes en situation de handicapmoteur ou vivant dans des quartiers

forte insécurité.



Données :

Enquête barométrique BVA pour lDrees, 2013 ; http://www.insee.fr/fremploi, santé et logement) ; « Le

revenus et le patrimoine des ménage

français », Insee, 2014 ; rapport de lFondation Bertelsmann, septembre 201sondage « La société inclusive », TN

Sofres pour la Fédération des PEP

2014.

Bibliographie

Observatoire des inégalités



http://www.inegalites.fr/

Dictionnaire des inégalités

Alain Bihr et Roland Pfefferkor(dir.), Armand Colin, 2014.

Le Système des inégalités

Alain Bihr et Roland PfefferkornLa Découverte, coll. « Repères »2008.

Conversation sur la naissance de

inégalitésChristophe Darmangeat, Agone2013.



La Société des égaux

Pierre Rosanvallon, Seuil, 2011.

Atlas des inégalités.

Les Français face à la crise

Hervé Le Bras, Autrement, 2014.

Le Capital au 21e siècle

Thomas Piketty, Seuil, 2013.



Les ressources

insoupçonnées del'école par Marie Duru-Bellat

es inégalités scolaires s'accroissenplus en France que chez la plupart dnos voisins européens. Mais l'écolfrançaise n'a pas dit son dernier mot...

Qu'il y ait des inégalités sociales 'école passe pour une évidence : le

sociologues Pierre Bourdieu et Jean

L

http://www.cairn.info/publications-de-Duru-Bellat-Marie--4296.htm





Claude Passeron et toute une sociologide l'éducation relativement féconde dannotre pays ont amplement décr

comment se conjuguent des inégalités dréussite et des stratégies qui leamplifient, portées par des parents pluou moins familiers de la chose scolaireMais si, de fait, les « héritiers » sonpartout des « initiés », il existe des payqui parviennent bien mieux que l

France, par leur école, à réduire lenégalités.

Ce qui intrigue, au vu des comparaison

nternationales, c'est qu'il n'existe pas drelation automatique entre l'importancdes inégalités sociales et l'ampleur denégalités sociales scolaires. Certes, l



modèle de la reproduction des inégalitésociales par l'école se vérifie dannombre de pays, quand on observe à l

fois de fortes inégalités de revenus et dfortes inégalités scolaires : c'esnotamment le cas des États-Unis. Cecvaut aussi, à l'inverse, quand scombinent de faibles inégalités scolaireet sociales, essentiellement dans lepays scandinaves. Mais il y a de

situations a priori moins attendues. ACanada ou au Japon notamment, lenégalités scolaires apparaissent faible

alors que les inégalités de revenus son

bien plus marquées. Au contraire, eFrance, les inégalités scolaires srévèlent assez fortes tandis que lenégalités de revenus sont relativemen



modérées. L'école peut donc accentueou, au contraire, atténuer leconséquences des inégalités sociales su

es inégalités scolaires.

Ce que font lessystèmes

égalitaires/inégalitParmi les caractéristiques des système

associés à des inégalités socialescolaires plus ou moins fortes, une deplus constantes est la longueur du troncommun unifié (pendant lequel tous le

élèves sont scolarisés ensemble) ;



'inverse, les pays ayant des filièredistinctes dès l'âge de 14 ans (ou mêmavant) ont les systèmes scolaires le

plus inégalitaires. Les inégalités entres élèves dépendent aussi d'importance de la ségrégation sociale e

scolaire entre les établissements, qui, son tour, relève à la fois des politiquescolaires et du niveau de ségrégatiospatiale, selon que s'opposent plus o

moins nettement des quartiers « chics et des quartiers populaires. Lségrégation scolaire et sociale entrécoles, toujours vecteur de forte

négalités, peut elle-même résulter dpolitiques éducatives, telles que le librchoix de l'école qui laisse aux plufavorisés la possibilité de se regrouper



l'opposé, dans les systèmes les moinnégalitaires, le choix de l'école es

régulé, la décentralisation est encadré

et la part du privé est faible.

Et l'école française dira-t-on ? Elle depuis longtemps instauré un tron

commun au collège, un facteur a priorfavorable. Mais elle continue à fairredoubler les élèves en difficulté, plu

souvent de milieu social défavoriséCeci tire le niveau moyen vers le bas ees inégalités sociales vers le haut danes enquêtes comme Pisa qui comparen

es élèves de 15 ans puisque ceux-cidans notre pays, peuvent être scolariséà des niveaux scolaires différentsD'autres facteurs jouent également



notre système de grandes écoles - verrode l'accès à l'élite - qui durcit lcompétition dès le secondaire ; de

contenus de formation très académiqueune formation des enseignant

usqu'alors très lacunaire au niveapédagogique ; des relations maîtreélèves bien plus mauvaises qu'ailleurs.

Les comparaisons internationale

éclairent les racines de la spécificitfrançaise, et même si elles montrenaussi qu'il n'existe pas un « one best way», elles peuvent suggérer des piste

politiques. Les évolutions constatéeentre les dernières enquêtes Pisa (20092012 notamment) constituent deexpériences en vraie grandeur : dan



certains pays, les performances deélèves ont significativement évoluéalors que certaines politiques étaien

mises en œuvre. En Allemagne, leperformances sont à la fois plus élevéeet moins inégales, alors qu'ont étdéveloppés des standards nationaufaisant l'objet d'évaluations, et que l'on accru le nombre d'écoles offrant unournée complète de cours. La Pologne

créé un cycle secondaire inférieur unifià l'instar de notre collège) qui est sandoute à l'origine de la nette amélioratiodes résultats scolaires. Au Portugal, o

peut évoquer pêle-mêle la fortaugmentation des ressources pour lepublics défavorisés, la réduction dretard scolaire, le pilotage plus strict d



système sur la base d'évaluationnationales. A contrario, un pays comma Suède a connu une dégradatio

sensible de ses performances jadiélevées et égalitaires. Ce pays a condudepuis les années 1990 une politique ddécentralisation et de libéralisationavec un système de chèques scolairepermettant aux élèves de choisir leuécole. Il s'est ensuivi une ségrégatio

accrue des établissements, dont leélèves les plus défavorisés ont payé lprix.

Même s'il faut rester prudent car touchangement doit être en cohérence avees autres rouages du système, le

comparaisons internationales suggèren



certains enseignements clairs mportance d'un pilotage des résultat

sur la base d'évaluations nationale

alors qu'en France celles-ci sont à lfois contestées et peu mobilisées)mpact de l'organisation du temp

scolaire sur les performances, caractèrdélétère de la ségrégation des publicscolaires et de la concurrence entrécoles (deux phénomènes accrus depui

a suppression de la carte scolaire)...

L'urgence del'égalité

Certaines réformes en cours, notammen



a remise en route de la formation dmaîtres sont donc a priori orientéedans le bon sens, mais d'autres, pa

exemple la restauration d'une forme dcarte scolaire sont au point mort poudes raisons qui n'ont rien à voir avec leprogressions des élèves...

Cependant, il ne faudrait pas que lfocalisation sur les acquis des élèves d

15 ans (qu'entraîne la médiatisation deenquêtes Pisa) fasse oublier que tout nse joue pas à cet âge et à l'école : lerelations entre les diplômes et le

emplois, les perspectives d'insertion ede formation continue sont deparamètres importants. Dans un paycomme le nôtre où les diplômes jouen



un rôle important dans la carrièrprofessionnelle et où les possibilités dformation continue sont pe

développées, les inégalités scolaires onun fort impact. Cela renforce l'urgencqu'il y a à les combattre si l'on entenpréserver, au moins en partie, l'idéad'égalité des chances crucial en termede cohésion sociale.



Comment réduire

les inégalités desanté ? par Florence Jusot

ne partie de la population ne se fait pasoigner régulièrement, paméconnaissance des acteurs de la santet par peur des frais à engager. On peunverser la tendance !

Si tout le monde consulte un médeci

généraliste, les inégalités surgissent dè

U

http://www.cairn.info/publications-de-Jusot-Florence--37914.htm





qu'il est question de soins spécialisés opréventifs. Par exemple, les 25 % de lpopulation disposant des revenus le

plus élevés recourent près de deux foiplus à des soins de spécialistes ou à deactes de dépistage comme lmammographie et la coloscopie que le25 % les plus pauvres. La France fapartie des pays où les inégalités face ausoins préventifs sont les plus élevées

Or, les difficultés d'accès audiagnostics médicaux et aux traitementet les renoncements aux soins qui edécoulent sont clairement des facteur

de dégradation de l'état de santé.

Une moindre connaissance des filièremédicales, un rapport particulier a



corps et à la maladie, des attitudedifférentes à l'égard du risque ou encorun horizon temporel spécifique peuven

out d'abord expliquer que lepopulations les plus pauvres et lemoins éduquées se soignent moinfréquemment, plus tardivement es'orientent davantage vers les soincuratifs.

Mais ce sont surtout les barrièrefinancières qui sont en cause. D'aprè'enquête « Santé protection sociale » d'Irdes en 2012, 26 % de la populatio

déclarent avoir renoncé à au moins usoin pour des raisons financières. Caux décroît substantiellement avec l

revenu : 37 % des plus pauvres disen



avoir renoncé à un soin contre 13 % deplus riches. Les renoncementconcernent principalement les acte

coûteux et peu couverts par la Sécuritsociale : les soins dentaires, auxquels 1% de la population renoncent, lunetterie (10 %) et les consultations d

médecin (6 %). La privation est deufois plus fréquente au sein des 5 % de lpopulation non couverts par un

assurance complémentaire. Parmi ceuqui le sont, les renoncements diminuenavec la qualité des contrats. Enfin'ampleur des dépassements d'honoraire

et la moindre densité de spécialistedans les zones rurales ou périurbaineexpliquent les inégalités (encadré cidessous).



Les difficultés d'accès à la santrelèvent aussi du système de soins luimême. La distance sociale et culturell

entre le médecin et les patients les plumodestes réduirait la qualité deéchanges durant la consultation et doncelle du diagnostic.

Les inégalités ne

sont pas unefatalitéPar ailleurs, les inégalités sont les plufortes dans des pays comme la France

ayant mis en place un systèm



d'assurance financé par les cotisationsociales, où une part importante du coûdes soins est laissée à la charge de

patients et où les médecins sonrémunérés à l'acte. Elles diminuent danes pays disposant de services nationau

de santé, comme le Royaume-Uni, où ledépenses publiques, financées pa'impôt, représentent une proportion plumportante. Les soins y sont le plu

souvent gratuits et le médecigénéraliste a un rôle de coordinateur ed'orienteur dans le système.

Les inégalités sociales de santé ne sonpourtant pas une fatalité. En effet, cellesci se réduisent aujourd'hui dans certainpays, comme le Royaume-Uni ou le



Pays-Bas, engagés depuis plus d'undizaine d'années dans des politiqueglobales, s'attaquant à l'ensemble de

causes d'inégalité tout en impliquanfortement les professionnels de santéPar exemple, en France, une premièrétape consisterait à mieux contrôler ledépassements d'honoraire et généraliser le recours à uncomplémentaire santé de qualité pou

ous. Par ailleurs, des interventions dane secteur des soins primaires ont montreur efficacité pour réduire les inégalité

les actions de prévention ciblée

menées dans les milieux de vie (ateliersanté-ville et associations de femmerelais jouant les médiatrices avec lecommunautés) ou encor



'accompagnement personnalisé, paentretien téléphonique entre lenfirmières et les malades chroniques

comme le programme Sofia proposé pa'Assurance-maladie aux diabétiques.

À LIRE

« Les inégalités de recours ausoins : bilan et évolution »

Florence Jusot, Revu

d'épidémiologie et de sant publique, vol. LXI, n° 3, aoû2013.

« La complémentaire santé : un



source d'inégalités face à la sant? »

Florence Jusot, Les Tribunes de l santé, n° 43, 2014/2.

Une offre de soin marépartie

Les professionnels libéraux préfèrens’installer dans certaines régions plutô

que dans d’autres : Paca comprend 12médecins généralistes pour 100 00habitants alors que la Région Centre’une des moins couvertes, n’en compt



que 86. Plusieurs facteurs expliquent cphénomène comme la préférence poudes territoires où il fait bon vivre o

encore le critère économique (fortdemande de soin locale, en raison d’unpopulation vieillissante, par exemple)Cependant, la cause essentielle reste lieu d’études. C’est pourquoi, selon le

économistes Éric Delattre et Anne-LaurSamson, lutter contre la désertio

médicale nécessite d’adapter lenumerus clausus aux besoinerritoriaux. De leur côté, le

collectivités locales, aidées de l’État e

de l’Assurance maladie, financent touou partie de la formation à condition que diplômé s’installe dans le territoire

Elles offrent aussi des avantages fiscau



aux cabinets installés dans les zones drevitalisation rurale ou créent demaisons de santé pour rompr

’isolement des professionnels.

« Offre de soin : commenréduire la fracture territoriale ? »

Rapport de la commission deAffaires sociales du Sénat, 2008.

« Stratégies de localisation demédecins généralistes français »

Éric Delattre et Anne-LaurSamson, Économie et statistique, ° 455/456, 2012.

Maud Navarre



Des dispositifs pour les pludémunis

Deux dispositifs viennent en aide auplus démunis. La Couverture maladiuniverselle complémentaire (CMU-C)mise en place en 2000, couvr

gratuitement les 6 % de la populatiodisposant des revenus les plus faiblesEt l’Aide à la complémentaire sant(ACS), depuis 2005, finance en partie l

complémentaire santé pour les ménagedépassant de 35 % maximum le seuil drevenus donnant droit à la CMU-C

Grâce à ces deux dispositifs, seuls 5 %



de la population ne sont pas couverts.

Cependant, les bénéficiaires essuient le

refus de certains professionnels dsanté. Les médecins ont dereprésentations stéréotypées des patientCMU-C : ils seraient exigeants, e

pourraient gêner les autres patientsMais, surtout, ces patients sont moins rentables » car le prix des acte

médicaux est plafonné.Le dispositif ACS pose aussi problème à peine la moitié des personnes éligible

feraient valoir leurs droits, fautd’information. Par ailleurs, il ne couvrque 50 % du prix d’un contrat dcomplémentaire santé. Le montant rest



rop élevé pour les ménages les plumodestes qui préfèrent y renoncer.

La loi du 14 juin 2013 prévoit qu’’horizon 2016, tous les employeurs desecteurs privés devront participer afinancement d’une complémentaire sant

minimale pour les salariés. Mais cettavancée ne concerne pas ceux qui ont lplus de difficultés d’accès à l’assuranc

complémentaire : les chômeurs, lehandicapés, les bénéficiaires dminimum vieillesse ou encore leétudiants.

Florence Jusot



La discrimination

positive, unesolution d'avenir ? par Fabien Trécourt

a discrimination positive existe depuides décennies. Mais elle s'impose pludifficilement en France qu'ailleurs.

Au moins 40 % de femmes dans leconseils d'administration des grandeentreprises : c'est l'un des objectifs fixé

par le gouvernement à travers la loi pou

L

http://www.cairn.info/publications-de-Tr%C3%A9court-Fabien--113251.htm





'égalité réelle entre les femmes et lehommes, adoptée en juillet dernier. st-ce de la discrimination positive

Oui, et je l'assume ! », tranchait NajaVallaud-Belkacem [1], qui portait lprojet en tant que ministre aux Droitdes femmes. Or, deux tiers des Françaisont contre, selon le dernier sondage edate [2]. Politiquement, les partisand'un « universalisme républicain

dénoncent un outil contre-productif emême... « inégalitaire » ! Il instaureraun régime préférentiel pour une partie da population.

« Un problème de





catégories »

Pourtant, la loi semble s'inscrire dancette tradition républicaine. Il y esquestion de « mixité », concept qu

bénéficie à tout le monde et non à ugenre en particulier. Les termes ont étsoigneusement choisis pour ne parompre avec la rhétorique universaliste

Les fameux 40 % de sièges au sein deconseils d'administration sont réservéaux « personnes de chaque sexe article 63). Comme le constataient déjes sociologues Laure Bereni e

Éléonore Lépinard, lorsque des quotade candidates ont été imposés au

élections, « le coup de forc



argumentatif des partisans de la parita consisté à ancrer leur revendicatio...) dans le cadre même d

'universalisme républicain, en lrésentant comme la conséquencogique de la singulière universalit

qui est celle de la différence des sexe[3] ».

La discrimination positive est-ell

aboue ? Des lois de ce type existendepuis les années 1980 et même avant.n 1924, rappelle le philosophe Patric

Savidan, président de l'Observatoire de

négalités, il était question d'unolitique de ce type, avec les mutilés duerre : il fallait que les entreprises dlus de dix salariés en emploient 10 %




» Même logique en 2005 : la loi sur lhandicap impose aux entreprises de plude vingt salariés d'employer au moins

% de personnes en situation dhandicap. « Il est vrai que cela met eension l'idéal républicain d'uniformit

de la loi et d'égalité face à elle »poursuit P. Savidan.

Pour résoudre cette tension, le dro

français s'est donc fondé sur deucritères. D'une part, les catégories dpersonnes visées sont jugées objectivement » diminuées. En outre - e

c'est peut-être le plus important -, lequotas définis concernent théoriquemenn'importe quel individu, tout le mondpouvant être victime d'un accident, d'un



maladie... En ce sens, cette approche nrompt pas fondamentalement ave'optique universaliste, ce qui expliqu

qu'elle ait suscité moins dcontroverses.

Légitimer desstigmatisations ?Le débat public ne devient houleux quorsqu'il est question de critères qui n

semblent pas « interchangeables »comme le genre, la couleur de peau oencore l'origine « ethnique ». Le risquserait en effet de légitimer ains

certaines formes de stigmatisation : s



'on considère que « les Noirs connaissent des conditions d'existencspécifiques, par exemple, d

nombreuses dérives et outrancedeviennent possibles : l'extrême droitnstrumentalise ainsi régulièrement des

statistiques ethniques » officieuses sur lpopulation carcérale, afin d'établir dfaçon biaisée un lien entre « origine » o« couleur de peau » et délinquance

Selon Linda Hamilton Kriegerprofesseur de droit à l'université dBerkeley [4], la politique d'égalitfrançaise est cependant confrontée à u

véritable « problème de catégories »puisqu'elle « s'efforce de lutter contre racisme sans reconnaître la race e

contre l'ethnocentrisme san




reconnaître l'ethnicité ». Pour autanpoursuit-elle, « l'universalismmonolithique des militants antiraciste

et des intellectuels français s'esnettement fissuré ».

Le privé participeEn 2008, l'Ined et l'Insee ont men

'enquête « Trajectoires et origines »première grande étude démographiquapparentée à des statistiques ethnico

culturelle, et présentée comme un outide lutte contre les discriminations. Denitiatives privées ont vu le jour durana même période : l'IEP-Paris a, pa

exemple, créé une procédure spécial



d'admission pour les lycéens issus d'unzone d'éducation prioritaire, sanconcours, sur dossier et sur entretien

Des entreprises de médias audiovisuelont favorisé le recrutement de personne« de couleur », afin de « diversifier » lprofil de leurs journalistes : la chaînTF1 a fait figure de pionnière enommant le journaliste Harry Roselmacprésentateur du journal de 20 heures.

Une approche

systémiqueCes actions « officieuses » on

'avantage d'avoir des effets immédiat



et particulièrement visibles, mais sonrégulièrement critiquées commmarginales ou trop partielles. S'il y

plus de journalistes « de couleur » à lélévision, cela n'affecte pas la

reproduction sociale » en profondeu[5] : même origine sociale egéographique, même façon de parler ophysique avenant. Toujours aussi peu dfils d'ouvriers, de provinciaux ou encor

de personnes au physique jugé « ingrat à des postes de présentation. « On peurès bien faire jouer un critère d

diversification sans s'attaquer à l

racine des inégalités », tranche PSavidan.

Pour le sociologue Alain Bihr




codirecteur d'un récent Dictionnaire denégalités [6], cette approch

catégorielle ne permet pas de lutte

efficacement pour l'égalité. « Si l'oveut s'attaquer aux conditions d'accèau logement par exemple, on ne peu

as le faire sans se pencher su'emploi et même sur l'éducation ! » I

n'existe selon lui aucune inégalité dont ldynamique soit indépendante d'autres

aussi bien comme cause que commeffet, et qui puisse être traitée isolément« Malheureusement, regrette-t-icomme le montrent les noms de no

ministères, la tendance n'est pas à lransversalité... » Seule une approche

systémique » permettrait de mieuhiérarchiser les inégalités et d'instaure




des politiques publiques pour lecombattre à la base.

Trois modèles de

discrimination positiveDans le Dictionnaire des inégalités, l

politiste Daniel Sabbagh distingue troismodèles de discrimination positive :

l’action positive intervient

l’étape du processus drecrutement, en vue de diversifiel’ensemble des candidats à u poste. Mais il n’oblige pas, a



final, à sélectionner un candidaissu d’une minorité. C’est, paexemple, le CV anonyme ;

la discrimination positive, erevanche, vise à influencer ldécision finale. C’est ce qui s passe lorsque, à compétenceégales, le candidat appartenant telle ou telle catégorie es

privilégié par rapport aux autres ;la discrimination positivindirecte consiste à rester le plu

neutre possible, du moinformellement, tout en sachant qules conséquences du dispositif straduiront par un rééquilibrage



C’est, par exemple, l’esprit de lréforme récente du cong parentalité : en encourageant le

deux parents à y recourir pour unmême durée, afin d’éviter d pénaliser les carrières des femmes

Fabien Trécourt

Notes

1] Les Échos , 23 août 2013.2] Sondage BVA pour iTélé et Larisien, 8  février 2014.

3] Laure Bereni et Éléonor

Lépinard, « Les femmes ne sont pas un






catégorie. Les stratégies de légitimation de la parité en France »evue française de science politique

vol. LIV, n° 1, 2004.4] Linda Hamilton Krieger, « U

problème de catégorie. Stéréotypes eutte contre les discriminations »ntervention au programme « Égalité de

chances », IEP-Paris/French-AmericaFoundation, 2008.

5] Voir Dominique Marchetti eGéraud Lafarge, « Enquête sur lprovenance des étudiants en journalism», MédiaMorphoses, n° 24, 2008.

6] Alain Bihr et Roland Pfefferkornictionnaire des inégalités, Arman

Colin, 2014.






Références



Cornelius

Castoriadis, à lacroisée des

sciences humaines par François Dosse

hilosophe et psychanalyste, CorneliuCastoriadis (1922-1997) a remis ldémocratie au centre de la pensépolitique, en s'appuyant sur les notiond'institution, d'imaginaire e

d'autonomie.

P

http://www.cairn.info/publications-de-Dosse-Fran%C3%A7ois--5765.htm



S'il est une œuvre qui se situe au cœudes sciences humaines, c'est bien cellde ce philosophe français d'origin

grecque, Cornelius Castoriadis, en exien France depuis la fin 1945 et qui s'esdonné le projet prométhéen de penseout ce qui est pensable. Quelque pe

oublié, il a pourtant traversé espécialiste de nombreux champdisciplinaires, puisqu'après avoir suiv

un cursus de droit et de scienceéconomiques à Athènes, tout eacquérant très tôt (à partir de 13 ansune solide culture philosophique, i

devient économiste professionnel eentrant à l'OCDE, où il occupe un postde fonctionnaire international, allanusqu'à diriger 120 personnes. I



s'installe en 1973 comme psychanalysteEn 1980, il est élu à l'EHESS où ioccupe la chaire de « Recherches sur le

régimes sociaux contemporains », sanamais se départir de l'élaboration d'un

œuvre philosophique dont le projenachevé a été de réaliser une somme sua Création humaine.

Ce qui est paradoxal est que cette œuvr

proliférante, labyrinthique a été quelqupeu oubliée, alors que ce marginal, ceoutsider qu'a été C. Castoriadis pourtant été qualifié de « génie » pa

'historien helléniste Pierre Vidalaquet qui voyait en lui un gran

philosophe avec lequel il pouvait parleà égalité de la Grèce antique dont il éta



spécialiste. Edgar Morin n'a cessé de lconsidérer comme un frère d'armes daneur combat commun pour un mond

meilleur. Il a vu en son ami « un Titade l'esprit » et un « Aristote en chaleu».

Le psychanalyste André Green, pourtanpeu porté à l'emphase, disait n'avoiamais rencontré « un homme auss

ntelligent ». Jacques Ellul, avec lequeC. Castoriadis partage la critique d'autonomisation de la technoscience, lu

écrit : « Je suis toujours saisi, lorsqu

e vous lis, non seulement par lrofondeur et la richesse de la pensée

mais aussi par la beauté de la forme. »



Exilé en France dès 1945, alors qu'engouement pour l'URSS était à so

zénith, il a contribué à déniaiser le pet

nombre de ceux qui ont pu accéder à soargumentation quant à la mystificatiocommuniste construite à l'Est. Cettsituation d'exilé lui a permis d'être pluucide, plus ferme dans se

dénonciations, illustrant ce qu'EnzTraverso a appelé « le privilèg

épistémologique de l'exil [1] » :'existence de l'intellectuel en exiorte les traces d'un déchirement, d'urauma profond qui, très rapidement, l

rive de son contexte social et culturelde sa langue, de ses lecteurs, de sométier et de ses sources de subsistanc[2]. »





1. La traversée de

la tragédiegrecqueC. Cornelius est né en 1922 à IstanbuSes parents se sont très vite réfugiés eGrèce, à Athènes, alors que leur fil

n'avait encore que 3 mois. CCastoriadis aura donc vécu toute seunesse à Athènes où il résidera jusqu'

'âge de 23 ans. Élève particulièremenbrillant, il compte de deux à trois annéed'avance sur ses camarades. Il découvravec passion très tôt la musique, l

ittérature, la philosophie. À l'âge de 12



14 ans, il dévore déjà les livres dPlaton, Baruch Spinoza et RomaiRolland, aiguillé dans ses goûts par un

gouvernante d'origine françaisehellénophile, Maximine Portas, quprépare une thèse d'épistémologie et quournera mal, devenant la « prêtress

d'Hitler ». Avant ses 18 ans, le jeunCastoriadis a déjà découvert l'œuvrepour lui décisive, de Karl Marx et il

déjà pris connaissance des grandmaîtres de ce qu'il dénommera « lensée héritée » : Aristote, Emmanue

Kant, Georg Hegel, Edmund Husserl. I

a même déjà réalisé une traduction egrec d'un texte de Max Weber. En 1938l s'engage dans des études de droit, d

sciences économiques et politiques, a



grand désespoir de son père qui voulaifaire de lui un médecin. Avant mêmd'être étudiant, à 15 ans, C. Castoriadi

adhère aux Jeunesses communistes, puiau PC grec. Mais il devient vite critiqudu stalinisme et se convertit peu à peu arotskisme.

La traversée de la tragédie par laquellpasse la Grèce avec la dictature d

oannis Metaxas, puis sous l'occupatioallemande et la guerre civile, sans issuau sortir de la guerre mondiale, beaucoup compté dans la prise d

conscience précoce de C. Castoriadisur la nature du stalinisme. Arrêté e1939, il est vite relâché. C'est dans cettsituation qu'il fonde, quelques moi



après l'occupation allemande de lGrèce, avec deux de ses camaradesdont un ancien cadre des JC, Giorgo

Lianopoulos, une revue et un groupclandestins. Cette petite revue, Ne pokhi se démarque du PC en soulignan

son chauvinisme et son caractèrpseudo-démocratique, fondamentalemenbureaucratique. La revue acquiert uncertaine influence auprès de l

mouvance communiste.Mais le succès du PC grec dan'organisation de la résistance national

éloigne ces sympathisants qui rejoignenmassivement les rangs du PC. CCastoriadis prend acte de cette situatiodifficile et adhère à l'aile la plus



gauche du trotskisme grec, dirigée paSpiros Stinas qui devient la référencpolitique de C. Castoriadis. C'est dan

ce groupe trotskiste, qui ne dépasseramais les limites de l'extrêm

marginalité, que C. Castoriadidécouvre la thèse du rejet du mot d'ordrde la « défense de l'URSS ».

À l'époque, le PC grec (le KKE)

réussi à fédérer toutes les forcerésistantes grecques contre l'occupannazi. Il a créé avec l'EAM/ELAS urassemblement national qui a e

vocation à regrouper des milieux dsensibilités différentes. Ce Fronnational de libération est même parvenà contrôler des régions entières et



gouverner toute une partie de la « Grècibre ». Cette hégémonie communiste n

débouche cependant sur rien, car Stalin

a cédé à Winston Churchill la Grèce aprofit d'une domination exclusive nocontestée par les pays occidentaux su'Europe centrale. D'où l'affrontemen

sans issue possible de décembre 194au cours duquel le PC grec aurait psans problème prendre le pouvoir, mai

pour C. Castoriadis s'il l'avait fait, in'aurait sûrement pas établi lsocialisme, mais instauré sa dictaturbaptisée « démocratie populaire ».

Traqué par les deux camps qus'opposent à Athènes, C. Castoriadibénéficie d'une aide française accordé



à 180 jeunes boursiers grecs : ils vonpouvoir être exfiltrés, quitter Le Pirée edécembre 1945 à bord d'un batea

devenu légendaire, le Mataroa suequel vont se retrouver dans le mêm

voyage vers la France trois philosophequi vont compter : outre C. CastoriadisKostas Axelos et Kostas Papaoïannoumais aussi le peintre ConstantiByzantinios, le sculpteur Kosta

Coulentianos ou le chef d'orchestrDimitri Chorafas... Cette mission a étconduite par un Français passionné paa culture grecque, directeur de l'Institu

français d'Athènes, Octave Merlieréminent helléniste très intégré à la vintellectuelle grecque.



2. Socialisme ou

arbarieÀ peine arrivé à Paris, C. Castoriadi

rejoint la section française de la IVnternationale, le PCI, où il fait lconnaissance de Claude Lefort aveequel il constitue une tendanc

oppositionnelle face à l'État soviétique.

Selon C. Castoriadis et C. Lefort'URSS n'a plus rien de socialiste n

d'ouvrier. Le pouvoir soviétique n'esrien d'autre qu'un pouvoibureaucratique qui exploite à tous le

niveaux les ouvriers dans les usines e



es paysans dans le monde rural. Cettnouvelle classe dominante détient upouvoir totalitaire. Il n'est donc pa

question de la soutenir mais d'edénoncer l'imposture. C'est ainsi que lendance Castoriadis/Lefort va conteste'idée chère au mouvement trotskiste da nécessaire « défense de l'URSS »

malgré les critiques de sofonctionnement bureaucratique.

En même temps qu'il consacre beaucoude son temps au militantisme dans lerangs trotskistes, C. Castoriadis poursu

un cursus de philosophie à la Sorbonnet s'inscrit en thèse sous la direction d'épistémologue René Poirier. La thès

qu'il dépose s'intitule Vers une logiqu



axiomatique. Introductiohilosophique. Cette recherche s

propose d'élaborer une synthèse entre l

ogique philosophique et la logiqumathématique. Il entend déjà, dès cpremier travail personnel, prendre sedistances avec l'ambition démesuréd'Hegel de parvenir à un savoir absolet montrer au contraire que l'effectuatiohistorique ne peut se résorber dans c

savoir absolu.En 1948, C. Castoriadis entre à l'OCDEcomme fonctionnaire international où i

restera jusqu'en 1970 en gravissant toues échelons.

La rupture intervient entre C



Castoriadis, C. Lefort et la direction dPCI à l'occasion de la session du Comitcentral du parti trotskiste en janvie

1949. La tendance Chaulieu/Montal, aquelle appartiennent C. Castoriadis e

C. Lefort, qui représente suivant levotes entre 30 et 40 militants, annoncson départ et son intention de publier spropre revue, Socialisme ou BarbarieLe premier numéro paraît au printemp

1949 et le nouveau groupe rend publisa rupture avec la doxa trotskiste eaffirmant que la bureaucratie staliniennn'est en rien une simple excroissanc

emporaire d'un État ouvrier dégénérémais bel et bien le vecteur d'une classqui entend moderniser à son seul prof'économie contemporaine. On s'



réclame d'une analyse marxiste.

Le premier objectif est de sauve

'espérance socialiste de ce destifuneste qui a vu triompher un régimenglobant désormais 400 milliond'habitants condamnés à l

surexploitation et aux camps dconcentration.

Sortir de cette mystification en 1949alors que l'URSS est au faîte de sgloire n'est pas un message facile à fairpasser. Un premier déplacemen

essentiel par rapport aux analyses dMarx est réalisé dès la naissance de lrevue. Le discriminant n'est plu'abolition de la propriété privée qu



permet au régime stalinien de se paredes atours du socialisme, mais ldistinction fixe et stable entre dirigeant

et exécutants dans la production et dana vie sociale en général. Le projet es

ambitieux, puisqu'il est question drefonder une organisatiorévolutionnaire en lui donnant les armede la critique qui sont aloressentiellement d'ordre théorique.

La revue Socialisme ou Barbarie prêchdans le plus grand désert et il fauattendre les soubresauts qui affectent l

bloc de l'Europe de l'Est en 1956 pouqu'il conquière une petite audience. Lrévolution hongroise est pour CCastoriadis une divine surprise, car ell



rend évidente la coupure entre leouvriers et la bureaucratie.

À cette fissure s'ajoute la même année lrouble provoqué par le Rapport dikita Khrouchtchev au XXe congrès d

PCUS. C'est le moment où toute un

série d'intellectuels s'émancipent dPCF, sortent du stalinisme avec unnouvelle revue importante, Arguments

créée par E. Morin, Jean DuvignaudColette Audry, François Fejtö, KAxelos, Dionys Mascolo et PierrFougeyrollas. De ce rapprochemen

naîtra une amitié jamais démentie entrC. Castoriadis et E. Morin.

Dans le début des années 1960, C



Castoriadis s'éloigne progressivemendes catégories d'analyse marxistes eélabore une nouvelle approche de l

société. Il affirme de plus en pluclairement qu'il faut repenser lmodernité, qui est en train de rendrobsolètes un certain nombre de conceptmarxistes. Cette critique de Marxpubliée d'abord dans les livraisons de lrevue en 1964 et 1965, constituera l

première partie de son maître-ouvrag'Institution imaginaire de la sociétéparu en 1975.

3. De Marx à

Freud et Lacan



En même temps qu'il s'éloigne de MarxC. Castoriadis se rapproche d'un autrmassif, celui de l'œuvre de Sigmun

Freud, avec le souci de prospecter levoies d'accès à l'autonomie, tant au plandividuel que collectif. Lui-même pass

sur le divan à partir de 1960 avecomme analyste Nathalie Zaltzman, lpremière femme de François Perriermembre de l'École freudienne de Paris

donc membre de l'École lacanienneLorsque Jacques Lacan se fait exclure d'IPA et crée sa propre école en 1964, C

Castoriadis y adhère et suit alors no

seulement le séminaire de Lacan, courpar le Tout-Paris, mais aussi ceux dSerge Leclaire, Jean Clavreul, F. Perrieet de celle qui deviendra sa femme e



1968, Piera Aulagnier. Cette évolutiode C. Castoriadis vers la psychanalysest fondamentale dans la valorisatio

qu'il va faire de la dimensiomaginaire, en double rupture avec l

marxisme, car pour lui l'imaginaire ne sréduit pas à l'idéologique et avec lacanisme car il ne se réduit pas no

plus à sa dimension spéculaire, celle dstade du miroir. Le grand apport de C

Castoriadis, non seulement pour lpensée philosophique mais pour toutees sciences humaines et pour l'histoire

c'est le primat qu'il accorde à cett

dimension imaginaire. Pour lu'imaginaire est le véritable moteur d'histoire. Ce recours à l'imaginair

remonte à 1963-1964, moment où i



remet en question beaucoup de postulatmarxistes. La dimension imaginairprend une valeur ontologique qui v

devenir pour lui la source même de lcréativité individuelle et sociale. Iaffirme alors le primat de l'imaginairpour rendre intelligible le socialhistorique : « L'histoire est impossiblet inconcevable en dehors d'imagination productive ou créatrice

de ce que nous avons appel'imaginaire radical tel qu'il smanifeste à la fois indissolublemendans le faire historique [3]. » Selon C

Castoriadis, il a fallu attendre Kant et snotion d'imagination transcendantaldans la Critique de la raison pure pouvoir cette dimension de l'imaginair




sortir enfin de son purgatoire. Elle serpourtant, sitôt reconnue, laissée efriche, puis reprise par la traditio

phénoménologique, par HusserlMaurice Merleau-Ponty... mais cettradition ne satisfait pas pour autant C

Castoriadis, car elle s'appuie sur unllusion réaliste selon laquelle l

conscience est conscience de quelquchose et en reste à une conceptio

étroitement [4] égologique*, incapabld'un véritable accès à l'autre.

L'imaginaire pour C. Castoriadis perme

de faire le pont entre le chaos originairet l'institution. Chaque société se dotd'un sens, fonde son être-ensemble suune singularité qu'elle crée. C'est ce je




entre l'instituant et l'institué qui est à lracine du bougé, du changement, d'historicité.

Le second grand apport de CCastoriadis tient à sa double compétencde philosophe et de psychanalyste et a

fait qu'il met son savoir au service d'unambition : œuvrer dans le sens d'émancipation, de la libération de

forces créatives. Il pense ensemble earticule la dimension individuelle d'humain et sa dimension collective

sociale. Longtemps, les science

humaines se sont heurtées à ce vastproblème de penser le lien socialopposant une démarche [5] holiste* 'individualisme méthodologique, mai




aucun de ces deux pôles n'est satisfaisanet l'on généralise trop souvent dmanière mécanique, rabattant un nivea

sur l'autre de manière déterministe. CCastoriadis offre des voies suggestivepour sortir de cette aporie, grâce à lnotion qu'il emprunte à la psychanalysmais qui trouve un champ d'applicatioau plan social, la notion d' [6] étayage*Si C. Castoriadis peut être considér

comme radical au plan politique, au plade la pensée, il privilégie au contraires espaces médians, les médiations. I

s'efforce de penser ainsi la ce qui s

oue entre l'institué, ce qui est, e'instituant, ce qui est en devenir, e

potentialité. À ce titre, C. Castoriadirompt avec les divers déterminismes qu




réduisent la complexité de la société des schémas mécaniques inadéquats. Sprise en compte des contraintes, mai

sur le mode de la sous-détermination esd'un apport essentiel dans le domaindes sciences humaines.

Cette pensée de C. Castoriadis ne faamais système, et pourtant elle constitu

un bloc très cohérent, une œuvre ouvert

sur l'avenir et nous donne quelques clépour penser le 21e siècle. Il a en effet tôpressenti notre basculement de régimd'historicité, ce que l'on appelle l

présentisme, qui se caractérise pa'effondrement d'un des trois termes qu

composent le temps : le futur, l'avenir. Iappartient à notre époque, à l'orée d



21e siècle, de repenser un projed'avenir qui ne soit pas funeste, dréagir là encore contre les tentation

barbares. Comment ? En redynamisant ldémocratie et là encore C. Castoriadipeut nous être utile. Il invite à fair

retour sur notre passé, non dans unperspective muséographique eouristique, mais avec l'idée de rendr

plus déterminé ce que Reinhar

Koselleck appelle notre « horizod'attente » et ce qu'il appellerait notre maginaire social-historique ». À citre, le germe grec peut potentiellemen

faire sortir l'Occident de son gransommeil et nourrir un véritable horizod'attente capable d'aller à l'encontre de

évolutions en cours vers toujours plu



d'insignifiance et de rejet de l'autre.

La conquête de l'autonomie

Le thème de l’autonomie est majeur cheCornelius Castoriadis. Il doit êtrentendu doublement. D’une part commconquête de l’individu capable d

donner le maximum de sa puissancd’être, de ce que Baruch Spinozappelle le Conatus. D’autre part

’autonomie est aussi et surtout, selon CCastoriadis, le fait qu’une société doendre vers son autodétermination : s

doter de limites, de règles à chaqu

moment contrôlées et révisables par le



citoyens. Le thème de l’autonomiexprime la conviction que la sociéthumaine peut s’autogouverner, tant a

plan politique que dans le domaine d’économie, en décidant elle-même c

qu’elle juge bon. De ce point de vue, CCastoriadis défend une position athéradicale en récusant toute forme dranscendance, toute hétéronomie seloaquelle la société aurait des règle

extérieures à elle-même, ce qui n’empêche pas de dialoguer avec dentellectuels chrétiens. Sa vision e

appelle à la responsabilité humaine dan

a mesure où une société autonome esune société responsable d’elle-même ede ses orientations. À l’horizon d’autonomie, il y a donc la libert



humaine. Cela renvoie à ce qu’affirmaThucydide lorsqu’il disait qu’il fauchoisir : « Se reposer ou être libre ».

François Dosse

Le germe démocratique : laGrèce antique

Si Cornelius Castoriadis a toujours éttrès critique sur la Grèc

contemporaine, il considère erevanche que les Grecs anciens ont créquelque chose de tout à fait neuf et suequel nous devrions réfléchir. La Grèc



du 5e siècle av. J.-C. a en effet créé ldémocratie politique avec l’émergencdes cités, de la polis avec s

communauté citoyenne qui s’est dotéd’institutions qui n’ont d’autrfondement que celui qu’elle veut bie

eur donner. Il ne s’agit pas, pour CCastoriadis, de faire de cette expérienchistorique un modèle, mais de s’eressaisir pour en faire un germe fécon

pour instituer une vraie démocratie. Pouétayer sa thèse, C. Castoriadis a drompre avec la vision continuiste seloaquelle la Grèce aurait été l’esquiss

de la future démocratie occidentale certes elle est bien notre berceau, maia démocratie moderne serait allé

beaucoup plus loin dan



’épanouissement des valeurdémocratiques. À rebours de cettconception, C. Castoriadis s’inspire d

’anthropologie historique, celle dMoses Finley, Jean-Pierre VernanPierre Vidal-Naquet, Marcel DetienneClaude Mossé, pour faire voir un regarplus singulier sur l’expérience grecqueCe qui naît, selon C. Castoriadis, entres 8e et 5e siècles av. J.-C., la polis, es

de l’ordre d’une invention radicale. Csentiment de commune appartenance, esa traduction politique, n’est pas qu’unquestion de territoire, puisqu

Thémistocle dit être prêt à refondeAthènes ailleurs. La raison majeure dcette invention se trouve dan

’imaginaire politique d’un



communauté autonome qui s’est ainsconstituée à partir d’un acte collectivolontaire qui a rejeté toutes les forme

d’hétéronomie. Ces Grecs de l’Antiquitont ainsi créé une démocratie directpour la première fois dans l’histoire d’humanité. La politique n’y était pa

réservée à une catégorie sociale formépour l’exercice de l’autorité. CCastoriadis insiste sur le fait que l

régime démocratique authentique sdéfinit par opposition à toute forme ddélégation de pouvoir ou dreprésentation. C’est pourquoi l

démocratie moderne n’est selon luqu’une oligarchie.

François Dosse



4 livres clés’institution imaginaire de la sociét

(1975)

rééd. Seuil, coll. « Points », 1999.

Maître-ouvrage de Corneliu

Castoriadis qui comporte une premièrpartie de critique de l’économicisme dmarxisme et une seconde qui ouvre su

’imaginaire. Il s’y intéresse à la façodont une société peut s’autoinstituerc’est-à-dire se donner ses propres loisvaleurs et significations.



es carrefours du labyrinthe (1996)

Tome IV. La Montée de l’insignifiance

Rééd Seuil, coll. « Points », 2007.

Réflexion critique sur la tendance d

notre société moderne à la privatisatioaccélérée des individus, de plus en plucoupés les uns des autres, ce qui conduà une perte générale du sens et à ungrave crise de notre régime d’historicité

es carrefours du labyrinthe (1997)

Tome V. Fait et à faire

Rééd Seuil, coll. « Points », 2008.



C. Castoriadis définit l’ambitioprométhéenne qu’il entend donner à lphilosophie comme prenant en charg

out ce qui est pensable.

Quelle démocratie ?

Tomes I et II

éditions du Sandre, 2013.

Reprise des écrits politiques de CCastoriadis couvrant la période de 194à 1997 déjà parus dans les années 197

en 10/18, avec des inédits.



Notes

1] Enzo Traverso, L'Histoire commchamp de bataille. Interpréter leviolences du 20e siècle, La Découverte2010.

2] Ibid.3] Cornelius Castoriadis, 1975'Institution imaginaire de la société

rééd. Seuil, 1999.4] Égologie - Approche du suje

singulier, refermé sur lui-même.5] Holisme - Approche selon laquell

'individu, ses comportements, secultures sont le produit de la société. Lsocial est pensé comme totalitcohérente.








6] tayage - Concept repris à SigmunFreud qui désigne la manière dont lepulsions sexuelles s'appuient sur le

pulsions d'autoconservation. CorneliuCastoriadis reprend cette notion pousouligner que l'organisation du sociaaltère et transforme la strate sur laquellelle s'appuie.




Changer le travail



Travail : le

syndrome de ladispersion par Achille Weinberg

a dispersion au travail déboussolefatigue et démoralise. La capacité contrôler son attention devient un enjeu a fois personnel et organisationne

Récit d'un séminaire de réflexioconsacré à l'attention au travail.

« Je n'ai pas arrêté de la journée et j'a

L

http://www.cairn.info/publications-de-Weinberg%20-Achille--43694.htm





e sentiment de n'avoir rien fait. » Qun'a fait ce constat accablé au terme d'unournée de travail, où se sont succéd

réunions (pas vraiment productives)rendez-vous (qui ont pris plus de tempque prévu), problèmes inattenduInternet en panne), courriels e

cascades, interruptions impromptues (e peux te déranger deux minutes ? »

et, avouons-le aussi, des moments d

flânerie passés sur Internet à regardeune vidéo ou préparer les prochainevacances ? Le soir venu, on est fatiguéa tête vide, avec le sentiment d'avoi

papillonné sans avancer.

Le syndrome de la dispersion est un mauniversellement partagé dans d



nombreux secteurs de travaiparticulièrement dans les activitéd'encadrement. Dans les années 1970

déjà Henry Mintzberg avait montré ques activités des cadres étaient marquée

par la fragmentation en tâches brèves ediverses. Il avait même calculé que lplupart de ces activités duraient moinde neuf minutes. Des professionibérales aux enseignants chercheurs, d

développeur informatique au chef dchantier, le phénomène s'est étendaujourd'hui à de nombreuses professionet atteint son paroxysme chez les femme

actives qui gèrent en parallèle leuactivité professionnelle et l'essentiel da vie de famille. Il s'est renforcé ave'arrivée d'Internet et des smartphone



que l'on consulte dix, vingt ou trente foipar jour.

Le 3 décembre 2014 avait lieu à Parissur l'esplanade de la Défense, uséminaire consacré au problème d'attention/dispersion, coorganisé pa

Sciences Humaines et l'Anvie (Agencnationale pour la valorisation desciences humaines auprès de

entreprises).

Entre exploitationet exploration

À la tribune tout au long de la journée s



sont succédé chercheurs eprofessionnels, pour exposer lesolutions envisagées.

Jean-Philippe Lachaux, chercheur 'Inserm et auteur du Cerveau attenti2011), a d'abord rappelé que le

zapping attentionnel » est une réactionPour survivre, tout animal doit à la foise concentrer sur ce qu'il fait (suivre s

piste) et se montrer attentif à soenvironnement. Le cerveau humain ncesse d'osciller entre une attentiofocalisée sur ce qu'il est en train de fair

lire, conduire, cuisiner, manger) et unvigilance aux sollicitations de soenvironnement. Le mode « multitâche du cerveau est ainsi quasiment constant



J.&#8209 ;P. Lachaux évoque ldilemme du « chercheur d'or » en traid'exploiter son petit filon tout en étan

enté d'aller voir plus loin s'il n'y a pamieux. Ce dilemme entre l'exploitatiopoursuivre le travail en cours) e'exploration (aller voir ailleurs) es

notre lot quotidien.

Dominique Boulier, directeur d

recherche CNRS au Médialab de l'IEPParis, distingue quant à lui quatre régimes d'attention ». L'un relève d'alerte : il survient quand un messag

mportant et urgent fait irruption danvotre activité ordinaire. Il est à hautntensité émotionnelle mais à duré

faible. Le régime de l'immersion es



celui de la « veille » : tout salaris'informe en permanence su'environnement, consulte des document

professionnels, recherche des donnéesAlors que l'immersion relève d'ouverture à l'environnement, le régim

de la projection consiste à traitersélectionner, cadrer des problèmecomme on le fait en général quand orépond à ses courriels : travail n

otalement répétitif ni totalemennouveau. Le régime de la fidélité relèvde la sélection des données d'environnement pour les ramener à de

problèmes connus. Les tâcheadministratives, les tâches dfabrication, de vérification supposend'appliquer des procédures connues. L



problème de l'organisation du travaiexige le passage d'un régime attentionneà l'autre. Les professions qui réclament

a fois une forte intensité et une alerteou exigent de concilier des objectifcontradictoires - être rigoureux dans soravail, respecter des procédures et e

même temps être créatif - sonépuisantes.

Michel Kalika pointe de son côtplusieurs facteurs qui poussent à la surcharge informationnelle »L'aplatissement des structure

pyramidales, qui consiste à réduire leignes hiérarchiques, est sans doute un

bonne chose sur le plan deresponsabilités individuelles, mais ell



pousse aussi à multiplier les tâches. Insiste beaucoup sur l'intrusion de

outils de communication : en 2002, 2 %

recevaient plus de 50 courriels par joure niveau est monté à 30 % aujourd'hu

Or ces nouveaux outils dcommunication n'ont pas remplacé leanciens, comme les réunions et lerendez-vous, ils s'y sont surajoutés. Cqu'il nomme le « mille-feuill

nformationnel ».

Que faire ?Une fois le diagnostic établi, ses effetreconnus, reste à savoir ce qu'il convien

de faire. Plusieurs intervenants l'on



souligné : il est vain de vouloir à luttecontre la dispersion, il faut apprendre a gérer.

Pour cela, il faut apprendre à corriger lir à chaque fois que notre attention a ét

déportée, un peu comme un capitaine d

bateau qui cherche à maintenir le capmalgré des vents et des courants quendent à le faire dériver. Cela passe pa

'observation et la compréhension de sepropres mécanismes cognitifs. Oparvient à détecter les moments ddérive attentionnelle, quand on quitte pa

exemple l'écriture en cours pour allevérifier une source. Ce moment où l'ose détourne de son but est l'occasion dnombreuses « dérives ». Ramener so



attention vers la cible visée est unopération mentale qui peut s'entraîneapprendre par exemple à ne pas s

aisser entraîner par une dérive sunternet).

Pour la sociologue Caroline Datchary, l

dispersion fait partie intégrante de nomodes de travail. Gérer en parallèlplusieurs activités, répondre au

urgences et imprévus, « faire le pompie» font partie du travail des cadres et dnombreuses professions. Ce sont mêmdes tâches centrales qui devraient êtr

mieux reconnues. Par contre, il esnécessaire d'apprendre à gérer cettdispersion. Cela passe par ldéveloppement de compétence



spécifiques : lorsque l'on saute d'unactivité à une autre, il est utile de savoir par ou commencer » avan

d'entreprendre de nouvelles tâches (aveun cahier des charges précis, qu'is'agisse de gérer ses courriels od'organiser sa journée de travail)Richard Drouin rappelle à ce propoque les to do lists ne sont efficaces qusi l'on affecte à chaque tâche un délai e

un horaire, ce que font peu de gens. Dmême qu'il faudrait prévoir de l'imprévdans l'emploi du temps, car il y en oujours. C'est parce que l'on ne sait pa

ntégrer les débordements dans soagenda que l'on se laisse toujourdéborder par rapport aux objectifnitiaux.



Le rôle des

organisationsOutre la gestion personnelle de l

dispersion, nombre d'intervenants onsouligné la nécessité d'agir à l'échelldes organisations. Si M. Kalilka invite se déconnecter et à résister à la tentatio

frénétique de consulter et envoyer, isouligne aussi la nécessité de fixer derègles et des normes. C'est ainsi qu'efévrier 2014 la branche professionnellSyntec a signé un accord pour un droit a déconnexion le soir et le week-end.

Beatriz Arantes, psychologue d



aboratoire Steelcase (un leader dmobilier de bureau), souligne aussi lrôle d'aménagement des espaces d

ravail. L'alternative entre le bureaprivatif et l'open space n'est plus dmise. La plupart des gens ont besoin dravailler par moment seul et pa

moments en groupe. D'où l'idée de créedes « écosystèmes » de travaimodulables, afin de respecter l'intimit

par moments et la collaboration d'autre. À Schneider Electric commdans d'autres grandes sociétés, commOrange, on explore le télétravail, qu

présente de nombreux avantages : gainde temps (pour le transport), d'énergiemeilleure conciliation viprofessionnelle-vie privée. Les étude



réalisées en interne, citées par BenoîDonon, montrent qu'une journée ou deuen télétravail ne nuisent en rien à l

productivité.

En fin de journée, des contacts étaienpris pour poursuivre la réflexion sur u

enjeu, soulignait Jean-François Dortierqui appelle autant l'apport d'experts que partage d'expériences et la réflexio

collective.

Contrôler son attention : 7règles pour changer



S’il est vain de tenter d’éliminer ldispersion, on peut apprendre à lgérer grâce à quelques règles d

travail.

Savoir par ou commencer

Avant de débuter une journée oune nouvelle activité, il est bon dsavoir où l’on va. La to do lis

conçue comme une suite de chose faire est insuffisante. Pour éviteles débordements, il est utile de sdonner des limites et des objectif

(quand ? Combien ? Quo?).Répondre aux mails, avancedans le dossier X sont des objectiftrop imprécis.



Tenir le cap

En travaillant, notre attention es

sans cesse attirée par des stimulextérieurs captant notre attention le regard qui se porte sur ucourrier, un appel, une idée qusurgit, l’envie d’aller aux toilettesPlutôt que de vouloir éviter cesauts attentionnels, il faut repére

les débordements (se retrouver à ldérive sur Google par le jeu derenvois). Tenir le cap, c’esapprendre à se recentrer après un

courte interruption plutôt que dchercher une inaccessiblconcentration systématique.



Rythmer son activité

« Le temps de vrai travail es

court » (Jean Guitton). D’ol’importance de repérer le momende la journée où l’on est le plu productif (en général le matin) pouexécuter les tâches qui demandende la concentration et de l’effortSanctuariser un temps et un espac

autour d’un objectif précis et sménager de vrais moments d pause. Le papillonnage consiste ne pas séparer le vrai travail et le

vraies pauses, le travail intensif ele travail au ralenti.

Se déconnecter



Mails, sms, tweets, nous sommesubmergés du soir au matin. Cettavalanche informationnelle es

toxique et stresse inutilement. Ifaut donc apprendre à refuser l’infobésité », aussi dangereuse poule cerveau que l’excès de sucre ede graisse pour le reste du corpsUne technique simple pour débuterSe désabonner à la multitude de fil

d’info en bas des messages reçuautomatiquement… (il y a unfonction désabonnement en bas demailings automatique). Apprendre

mettre son portable dans un tiroi pendant une heure, plutôt que sur ltable.



Gérer les imprévus

L’imprévu fait partie du travail. Il

aura toujours des panned’imprimante, des collèguemalades, des urgences de dernièreminutes, etc. Régler au fur et mesure ces petits problèmes fa partie du travail de la vie deorganisations. Il faut donc prévoi

l’imprévu dans son planning. N pas l’ignorer, ne pas se laisseenvahir par lui.

Contrôler les réunions et lerendez-vous

86 % des cadres se plaignent d



participer à des réunions à rallongou l’on parle beaucoup san prendre de décision. Il existe de

méthodologies éprouvées dréunions efficaces : ordre du jourtemps de parole maîtrisérécapitulatif. De même, les rendezvous impromptus sont des pièges. Ifaut savoir mettre fin à une petitentrevue (« bien sûr, mais

minutes pas plus » ou « bien sûrmais ça peut attendre une demiheure le temps que je termine ? »)Une façon de ne pas interrompr

votre activité en cours (toujourcoûteux).

Fixer des règles communes



La dispersion est aussi une affaircollective : les réunions trolongues, les interruptions entr

collègues, les informations touazimuts… La question de ldispersion/attention doit êtrrégulée collectivement. En parler e partager son expérience est u premier pas qui brise la solitud(non, ce n’est pas un défau

personnel). C’est ensuite lcondition pour fixer des règlecommunes : organisation deréunions, des rendez-vous, gestio

de l’information interne.



«Changer le travail», unenouvelle rubrique dan

ciences HumainesÀ partir de ce mois, cette nouvell

rubrique, « Changer le travail », serprésente dans Sciences Humaines.

Elle s’inscrit dans un projet à plus lon

cours : une enquête collaborative sur lravail et les organisations, et fait suitau numéro des Grands Dossiers n° 36paru en septembre (« Changer le travai

»).

Le constat est simple : la plupart degens aiment leur travail et y sont trè



nvestis. Mais le travail devient aussplus dur à vivre. En témoigne l’essodes risques psychosociaux et d

burnout .

Les marges de manœuvre existent. Ellesont diverses et le jeu est ouvert. Une

une, mois par mois, cette rubriquprésentera des propositions en vud’améliorer le travail. Elle s’appuier

sur des propositions d’experts, denitiatives, des partages d’expériences.

Cette rubrique n’est qu’une ouverture

Elle se prolonge sur le site Changer lravail (changerletravail.fr) quaccompagne cette initiative. Vous rouverez des dossiers plus approfondis



des témoignages, des références. Edemain peut-être votre proprcontribution… Des séminaires

conférences et formations seronorganisés sur chacun des thèmes traitédans ces cahiers.

Ce mois-ci nous, nous ouvrons avec lcompte-rendu d’une première journéorganisée en partenariat avec l’Anvie l

3 décembre, consacrée au phénomène ddispersion au travail.

POUR ALLER PLUS LOIN

sur le sit



http://www.changerletravail.fr

ATTENTION ET DISPERSION AU

TRAVAIL

Accédez à des contenus:

articles, témoignages, bibliographie

Participez à l'enquête collaborative

POUR SE FORMER

Les formations Sciences Humaines

PROCHAINEMENT



◊ Surcharge de travail : que faire ? ournée (7 heures)

◊ Peut-on motiver autrui ? 1 journée (heures)

◊ Autorité : les nouvelles règles du je

1 journée (7 heures)

◊ Innover : les ressorts invisibles

ournée (7 heures)◊ Attention-dispersion au travail ournée (7 heures)

Programme, dates, lieux, conditiond’inscription et convention de formation

sur demande



[email protected]

possibilité de s’inscrire à la journée o

au cycle complet)

Conférences, séminaires, formationntraentreprise

sur commande, écrire [email protected]



Livre du mois



Neuroscepticisme

Neuroscepticisme . Lessciences du cerveau

sous le scalpel del’épistémologue. Denis

Forest, Ithaque, 2014,208 p., 20 €.

par Nicolas Journet

out matérialiste que l'on soit, on peuT

http://www.cairn.info/publications-de-Journet-Nicolas--32452.htm



douter qu'un scanner de cerveau nouapprenne ce que c'est que penser. Maipeut-on pour autant proclamer l'échec d

projet des neurosciences ?

sabella Walker, veuve anglaise encoroyeuse, convola en 1844 avec u

certain Robinson qui se révéla un marfâcheux. Tombée amoureuse d'un jeunvoisin, elle consigna les détails de cett

passion partagée dans un carnehabitude qui allait lui attirer un crueprocès en divorce quelque temps aprèsCette histoire vraie est parfois citée e

llustration du bovarysme de l'époque edes risques que comporte la tenue d'uournal intime. Mais un autre détai

retient l'attention de Denis Forest : e



1850, Isabella consulte le plus célèbrpsychiatre phrénologue du pays. Celui-câte son crâne et lui trouve un cervele

d'une taille exceptionnelle. C'est lsiège, selon Franz Gall, de l'« amousexuel ». Mrs. Robinson s'en retournerconvaincue qu'il lui faudra désormaiutter non pas contre elle-même, mai

contre les bosses de son encéphale.

Aujourd'hui, la phrénologie a sombrdans l'oubli. Mais les sciences dcerveau ont connu depuis dedéveloppements autrement plus solides

devenus proliférants au seuil du 21siècle : pas un mois ne passe san'annonce d'une découverte sur les

neurones de la décision » ou le « sièg



de l'attirance sexuelle ». Au-delà de touprojet thérapeutique, les neurosciencese présentent comme les clés d'accès

a compréhension des comportementhumains, et se déclinent en spécialitéplus ou moins assurées : neuroéconomieneuroéthique, neuroesthétiqueneuropsychanalyse...

La question, qui fait tout le sujet du livr

de D. Forest, est celle de la confiancque l'on peut avoir dans leurs résultats eprétentions. Car le doute existe : il pèssur la solidité, sur la valeur explicativ

et sur l'utilité des neurosciencecognitives, et c'est à partir de ceregards « neurosceptiques » que l'auteunstruit leur procès. La procédure es



minutieuse, dense, argumentée et accusatoire » au sens anglo-saxon : lparole est donnée au pour et au contre

'auteur faisant office d'avocat et de jugeLes débats portent sur trois points, pluun appendice.

D'abord, sur la méthode et ses outils. LRolls de l'observation du cerveau, c'es'imagerie fonctionnelle (IRMf), qu

depuis 1990 fournit de spectaculaireclichés de l'activité du cerveau aravail. C'est ce qui permet, aux dire

des spécialistes, d'associer à coup sû

une tâche physique ou mentale à unstructure cérébrale. Mais de nombreusoupçons planent sur la fiabilité dprocédé, tant au plan biologique qu



echnique : le rapport entre le débsanguin, l'activité neurale et le signaperçu n'est pas bien élucidé, l'imag

obtenue dépend de la résolution edemande un gros travail d'interprétationl y a plus grave : quel rapport cettmage entretient-elle avec ce qui s

passe mentalement chez le sujet Prenons un cerveau « déprimé », paexemple : l'image obtenue traduit-elle l

cause de la dépression ? Ou biemontre-t-elle une conséquence, voirune réaction à la dépression ? Selocertains critiques, l'IRMf n'aurait qu'u

rapport très ténu avec ce qu'elle prétenobserver, voire ne servirait qu'fabriquer des résultats conformes auhéories localisationnistes du cerveau



Faut-il jeter le bébé ? D. Forest n'est pad'accord : malgré ses failles, l'IMRf a urôle sérieux à jouer lorsqu'elle entre e

cohérence avec d'autres méthoded'investigations directes ou indirectescomme l'étude des lésions epathologies.

Deuxième doute : les neurosciencedisent-elles quelque chose sur nos état

mentaux ? Ou bien, comme l'affirmJerry Fodor, « ne font que poser dequestions que personne ne se pose »Par exemple : « À quoi ressemblent le

neurones du lever du coude ? » ou bie« Où est localisée l'idée d'oiseau ? » Lfait est que lorsque les spécialistes noumontrent une zone active sur un cortex



nous avons du mal à admettre que c'esce cortex qui agit ou qui pense, et nonous-mêmes. Plus d'un philosophe

rouvé difficile de concevoir qu'ucerveau puisse former des intentions seul un sujet peut le faire. Il y auradonc un moi distinct du cerveau. Prendre cerveau pour le tout de la personne

voilà qui serait l'erreur, et leneurosciences seraient, au bout d

compte, inutiles à l'étude de lpsychologie humaine. Faut-iabandonner l'affaire ? D. Foresn'accepte pas cela : de nombreuse

observations, comme celle du membrfantôme, montrent que notre cerveau peunous jouer des tours. Même si nousavons qu'il nous manque une main, nou



continuons d'en ressentir la présenceL'existence d'un schéma corporel inscrdans notre cerveau rend possible le sen

du toucher, la localisation d'une douleuretc. Cela suffit à ne pas exclure que lneurologie et la psychologie aient dechoses à se dire.

Troisième doute : imaginons qu'ucerveau puisse survivre dans un boca

Quel genre d'existence aurait-il ? Poucomprendre ce qu'est un être humain, ifaut encore lui adjoindre un systèmnerveux, un corps, voire tout u

environnement extérieur qui lui permede penser et d'agir comme il le faitPourquoi s'obstiner à faire comme s'esprit était dans le cerveau, et null



part ailleurs ? Cette critique a donné lieà des théories nommées cognitioncarnée, énactivisme ou externalism

environnemental, qui s'opposent aréductionnisme neuronal, et soutiennendes programmes concurrents. Maimalgré leur attrait, aucune n'est, selon DForest, vraiment en mesure ddécourager les pratiquants de l'IRMfPourquoi ? Parce qu'en dernier recours

sans le cerveau, aucun esprit n'existe, equ'à l'inverse, nous pouvons cultiver depensées intérieures qui ne doivent rien notre expérience présente du monde.

Quatrième doute, suite du précédent serions-nous ce que nous sommes sanes autres, les institutions, la morale



bref, la société ? D'où l'idée avancépar certains spécialistes d'un « cerveasocial » que l'on pourrait explorer ave

es mêmes moyens que le cerveau « toucourt ». En fait, cette notion mal définirecouvre une palette de recherches assediverses. D'un côté, l'idée est d'observece qui se passe lorsque nous sommes enteraction avec autrui, de l'autre, d

repérer les soubassements neuraux d

nos dispositions relationnelles romperie, égoïsme, générosité, sens d'équité, empathie, sens moral, imitation

etc. Vaste projet, marqué par l

découverte des « neurones miroirs » qupendant un temps, ont passé pour la cledu problème, avant de retrouver unplace plus modeste. Le problème d



cerveau social, D. Forest ne le cachpas, est ailleurs, et certains sociologuene se sont pas privés de l'écrire. L

neuroimagerie est une technologie dcabinet : elle ne peut observer que danun cadre contrôlé, et le social, ne peutêtre, pour elle, qu'une expérience dpensée ou une interaction entre deundividus. Elle est loin de pouvoi

appréhender la réaction d'un sujet e

situation vécue et de tenir compte de lvariété des cadres sociaux. En ce sensreconnaît D. Forest, ses analyses sontacunaires », et beaucoup de chemi

reste à faire.

À l'heure de tirer le bilan, D. Foresprononce un jugement de Salomon :



'heure actuelle, les neuroscienceconstituent un champ de savoir hétérogène », théoriquement instable e

peu intégré à d'autres branches de noconnaissances. Mais il n'existe aucunraison, sinon idéologique, de les rayed'un trait de plume « neuronihiliste »Quant au « neuroscepticisme argumenté, pas de problème : il fapartie de la marche normale d'un

science poppérienne, qui à chaqunstant, fait bien de douter d'elle-mêmeMême si son écriture est parfois trèexigeante, on peut remercier D. Fores

d'avoir su éclairer les raisons pouesquelles le fait d'avoir en nous un hôt

aussi encombrant qu'un cerveau noupose quelques questions.



Denis ForestProfesseur à l’université Paris X, ienseigne la philosophie de l’esprit e

’histoire de la psychologie. Il a publiune Histoire des aphasies, Puf, 2005, edirigé L’Innéité aujourd’hui, Éditionmatériologiques, 2013.



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Révolutions précaires- Révolutionsrécaires. Patrick

Cingolani, Laécouverte, 2014, 148

. 13 €.

ini le temps où le prolétariat réclamaiF



avant tout une augmentation de sopouvoir d'achat. Pour le sociologuPatrick Cingolani, aujourd'hui, le

ravailleurs aspirent surtout à davantagd'autonomie. Le mot « précaire », don'introduction en sociologie date de

années 1980, apparaît avec lmassification de formes atypiques dcontrat (CDD, intérim, temps partiel...)l présente aussi une dimension positiv

celle de la recherche d'une alternativà la logique tayloriste, jugée aliénantePlus diplômés que leurs aînés, les jeunedes classes populaires et des classe

moyennes recherchent un travail leupermettant de s'épanouir, de « faire cqui leur plaît ». En parallèle de lsociété salariale, se développe la



polyactivité » : certains travailleurmènent de front une activité alimentaire » et une activité « passion »

peu ou pas rémunérée dans l'espoir erme de se reconvertir et de vivre d

celle-ci. P. Cingolani s'intéresse eparticulier au cas des travailleurs dendustries culturelles. Ces « intellorécaires » cherchent à accomplir deâches « gratifiantes » même si cel

mplique un mode de vie simple et uncertaine instabilité économiqueCependant, ces dernières années, avec lcrise et une féroce concurrence, l

valeur de leur travail s'est dépréciée. Opense, par exemple, aux revenus dephotographes réduits à la portiocongrue face à l'essor du numérique. Le



négalités se creusent parmi ceravailleurs atypiques entre ceux dont le

proches peuvent assurer le soutie

financier et les autres. L'autonomie dendividus est en fait limitée par leu

dépendance économique, au fur et mesure que se développe une formsystématique d'exploitation de leuravail. Indépendants et intérimaires son

en effet mal défendus par les syndicats

La naissance d'espaces de coworking ede nouvelles formes de mobilisatioaisse entrevoir, selon l'auteur, un

première forme de résistance et d

solidarité de ces travailleurs face à lprécarité.

Florine Galéron



Voyage de classes -Voyage de classes. Des

étudiants de Seine-aint-Denis enquêtendans les beauxquartiers. NicolasJounin, La Découverte2014, 248 p., 16 €.

Voyage de classes offre un triple nivea



de lecture. Le premier, qui transparaîdans le titre, est une plongée dans la vibourgeoise du 8e arrondissemen

parisien, dans le prolongement deravaux du couple de sociologue

Michel et Monique Pinçon-Charlot. Lecteur pourra se délecter d'anecdoteriviales sur cet arrondissement. O

apprend ainsi que le 8e est l'un demoins pourvus en toilettes publiques.

pour éviter les SDF. Le deuxième niveade lecture proposé est celui d'un guidd'enquête pour jeunes sociologues. Dnombreuses anecdotes livrent quelques

ficelles du métier », dans lprolongement du travail de StéphanBeaud et de Florence Weber dans LGuide de l'enquête de terrain (1997)



Maître de conférences, Nicolas Jounirelate avec humour les aventures de seétudiants apprentis&#8209 ; chercheur

du 93 (Seine-Saint-Denis) parachutédans les quartiers chics parisiens. C'es'occasion de rappeler les technique

d'enquête et de livrer quelques astucesur le savoir-faire de chercheur, commorsque l'auteur souligne au sujet de

désistements des enquêtés que si « l

questionnaire est l'outil du sociologuee râteau est son plus fidèle compagno». Les expériences plus ou moinmalheureuses des étudiants illustren

habilement l'un des principes de survifondamental pour tout apprenti :

'observateur en sociologie est unespèce d'omnivore qui se nourrit d



outes les péripéties, y compris de seropres déboires. » En conclusion, u

dernier niveau de lecture se révèle

celui de l'engagement de l'auteur pour uenseignement supérieur moins cliventre grandes écoles et universités dbanlieue. Voyage de classes se terminpar un vivant plaidoyer pour unpédagogie universitaire dynamique eégalitaire : « N'importe qui devrai

ouvoir étudier n'importe qui »rappelle N. Jounin, s'inspirant dsociologue américain Everett C. Hughes

Maud Navarre



Du temps acheté - Dutemps acheté. La criseans cesse ajournée du

capitalismedémocratique.Wolgang Streeck

aris, Gallimard, 378 ., 29 €.

Comment interpréter la criséconomique en cours ? Pour lsociologue allemand Wolgang Streeck



c'est seulement à la lumière du divorcengagé dès les années 1970 entrcapitalisme et démocratie qu'on peut e

rendre compte. En effet, à la fin derente glorieuses, le plein-emploi et le

revendications sociales qui en résultenfont baisser le taux de profit en deçà dseuil considéré comme raisonnable paes détenteurs du capital. Sous l

bannière du néolibéralisme, ces dernier

mènent alors une contre-attaque contres régulations étatiques qui avaienassuré jusqu'alors le partage des fruitde la croissance. Le retour au march

qu'ils réussissent à imposer se trouvcependant confronté à une doublmpasse : l'État se heurte à la « révolt

fiscale » des contribuables et ne peu



donc plus financer par l'impôt sedépenses ; les travailleurs voient leurevenu stagner en raison de l

dérégulation du marché du travail et da montée du chômage, ils ne peuven

donc pas consommer plus. Les marchéfinanciers apporteront la solution : ilvont prêter massivement à la fois auÉtats et aux ménages, permettant de

agner du temps ». C'est au

conséquences de cet endettement, publiet privé, rendu nécessaire par lnéolibéralisme lui-même, auxquellenous sommes confrontés.

Le monde se divise dès lors en débiteuret créditeurs. Or l'État fait partie dedébiteurs. Son rôle change : il ne do



plus seulement répondre aux attentes dses électeurs qui payent des impôts eattendent des politiques publiques e

échange, mais aussi au « peuple dmarché ». Ce dernier, constitué pa'ensemble des détenteurs e

gestionnaires de sa dette publique, esnternational. Il peut en permanenc

retirer sa confiance à l'État en questioen vendant la dette publique qu'i

détient. Dans l'esprit des gouvernantscomme l'a montré la « crise des dettesouveraines » en Europe (2010-2014)e rapport de force a basculé en s

faveur. L'État débiteur devient alors cque W. Streeck appelle un « État dconsolidation fiscale ». Sa priorité esd'assurer le service régulier de sa dett



publique. Dans le cadre de la zone euroe Traité sur la stabilité, la croissance ea gouvernance (2012) engage ains

chaque État à s'organiser en vue d'apuresa dette. La satisfaction des besoins, compris les plus essentiels, de sepropres citoyens - s'ils ne sont papropriétaires de cette dette publiqucomme épargnants - devient secondaireL'argumentation de W. Streeck, comme i

e dit lui-même, ne laisse aucun espoiaux Européens qui doivent s'attendre oujours moins de redistribution, oujours moins de services publics, et

des engagements étatiques en matière dretraites qui passeront après le paiemende la dette publique.



ssu de trois conférences prononcées euin 2012, ce livre aussi brillant qu

documenté n'a pas pu tenir compte de

développements les plus récents. Deréactions, aux tonalités politiques trèdiverses, laissent désormais penser ques aspirations des Européens à voieurs besoins pris en compte n

succomberont pas aussi facilement quW. Streeck l'affirme sous le coup d

diktat des marchés financiers relayés pades gouvernants oublieux de leur mandapopulaire.

Christophe Bouillaud



Manifeste du nouveauréalisme/ Pourquoi lemonde n'existe pas

anifeste du nouveauréalisme. MaurizioFerraris, Hermann

2014, 122 p., 18 €. -ourquoi le monde

n’existe pas. MarkusGabriel, Lattès, 2014

302 p 19 €



Maurizio Ferraris raconte que, lors d'udéjeuner en juin 2011, son jeuncollègue allemand Markus Gabriel lu

posa une question : « À votre avis, queserait le bon titre pour un colloqunternational sur le caractèrondamental de la philosophi

contemporaine ? » Réponse dprofesseur italien : « New realism », soe « nouveau réalisme ». Ce qu'il enten

par là n'est pas une doctrine, mais un étade l'art : « Le nom de l'époque qui suia postmodernité. » Son idée premièr

est que la réalité n'est pas seulement un

construction. Il existe des faits et noupouvons essayer de les connaîtreJusque-là, nos deux philosophes'accordent. Chacun développ



néanmoins une version personnelle, epas vraiment consensuelle, de ce nouveau réalisme ». Dans son Manifest

du nouveau réalisme, M. Ferraris réagà trois propositions du discourpostmoderne, pour les critiquerPremièrement, contre l'idée que l'être sréduit au savoir que nous en avons, iaffirme qu'il n'en est rien : ce qu'il y n'est pas identique à ce que nous savon

de ce qu'il y a. Autrement dit, le réerésiste au regard que nous portons suui : l'eau mouille, que nous l

regardions ou non. Deuxièmemen

contre l'idée que tenir quelque chospour vrai c'est l'accepter : en faivérifier ce qui est en le décrivann'implique aucunement de l'accepte



comme tel. Au contraire, soutient MFerraris, la description du réel est lcondition de sa critique et de s

ransformation. Un médecin qudiagnostique une maladie ne cherche paà l'accepter : il se donne les moyens da soigner. Troisièmement, contre l'idé

que tout savoir est une forme de pouvoirM. Ferraris rappelle que le savoir libèrplus qu'il opprime. Par ces troi

objections, le philosophe redonne aréel la consistance qu'il avait perduavec les postmodernes, mais ne perd pade vue que l'on puisse lutter contre

Cette perspective critique, proche d'Aufklärung d'Emmanuel Kant, laiss

d'ailleurs planer un doute sur lcaractère tout à fait nouveau d'un te



réalisme.

Markus Gabriel porte l'estocade plu

vivement contre la thèse de Kant, qudans la Critique de la raison pureaffirme que nous ne pouvons paconnaître les choses en soi. Dans ustyle « pop » réjouissant combinant leexemples concrets aux expériences dpensées, M. Gabriel entend démontre

ourquoi le monde n'existe pas : « Touexiste, affirme-t-il , excepté le monde. D'une part, nous pouvons connaître dechoses et des faits en so

ndépendamment de nous, qui sont donbien réelles. Cela concerne aussi biennotre planète, mes rêves, les chassed'eau, les espoirs », l'État, bref, tout c



qui apparaît. Mais d'autre part, ces faitet choses en soi n'appartiennent pas à uunique domaine qui serait « le monde »

Pourquoi le monde n'existe pas, donc C'est une question de logique. Existerc'est apparaître dans un champ de sensOr ce champ de sens doit bieapparaître lui aussi quelque part. Il smanifeste donc à son tour dans un autrchamp de sens, et ainsi de suite. Ainsi,

out surgit sur un arrière-plan qun'apparaît pas lui-même ». Cettréfutation de l'existence du monde noudélivre, selon M. Gabriel, « de cett

obsession qu'il y aurait un champ dsens qui englobe tout » et nous livre 'inverse à « une explosion infinie d

sens qui se produit en plein néant »



ous savons désormais que tout peuoujours être autrement, car « tout esnfiniment plus »... En dépit d'une grand

habileté logique au prétendu « côtdévastateur », ce néoréalisme-là a deairs de néoconstructivisme inoffensifHum !

Thimothée Eliot

Apprendre avec le

numérique pprendre avec le



numérique. Mythes eréalités. Franck

madieu, et Andr Tricot, Retz, 2014, 112 ., 5,10 €.

Le numérique va-t-il vraimenrévolutionner notre manière d'enseigne? Franck Amadieu et André Tricotprofesseurs en psychologie, passent a

crible quelques évidences sur le sujet (on apprend mieux à jouer avec lnumérique », « ça va coûter moins che»...) et dressent un bilan nuancé. Ce n'es

pas parce que les élèves sont plu



motivés quand ils utilisent une tablettqu'ils vont progresser davantage eclasse. Pour être vraiment utiles, le

eux numériques doivent répondre à deobjectifs pédagogiques clairs. Quant aurobots, ils sont loin de concurrencer leenseignants. Les seules machineabordables se contentent de fairravailler les élèves sur des QCM. E

revanche, le numérique apporte un

vraie plus-value dans l'acquisition dcertains savoir-faire. Ainsi, les étudianten médecine sont plus efficaces pouaccomplir un acte chirurgical s'ils l'on

pratiqué une première fois sur usimulateur. De la même manière, levidéos et animations permettent unmeilleure compréhension des processu



dynamiques (ex : le galop du cheval)Plus surprenant, les outils numériqueconçus pour les élèves souffran

d'autisme ou de dyslexie fournissent derésultats très encourageants. Uentraînement audiovisuel a ainsi permià des dyslexiques de faire de groprogrès en lecture. Pour les auteurs, lnumérique est « une immense familld'outils ». Aux enseignants d'en fair

bon usage.Florine Galéron

Fascisme français ? -



Fascisme français. Lacontroverse. Serge

erstein et MicheWinock (dir.), CNRS2014, 256 p., 20 €.

En 1978, l'historien israélien ZeeSternhell publiait La Droitrévolutionnaire (1885-1914). Leorigines françaises du fascisme. I

portait alors un regard nouveau sucertains cercles intellectuels français ni gauche, ni droite » du début du 20siècle, et en arrivait à la conclusio



suivante : bien avant les chemisenoires, la France avait déjà inventé lfascisme. Il prenait très violemment l

contre-pied de la thèse dite mmunitaire », soutenue par Ren

Rémond et quelques autres : de par sradition démocratique solidemenmplantée, la France aurait su évite'écueil du fascisme. Radicalisant so

propos de livre en livre, Z. Sternhell es

formel : non seulement la France a conne fascisme, mais elle a inventé ufascisme plus pur que le fascismtalien. Fascisme français, ouvrag

réunissant une douzaine de contributionréunies par Michel Winock et SergBernstein, est une contre-attaque erègle au sein d'un débat dont l'enje



héorique suffirait à justifier l'intérêt decteur. Z. Sternhell revendique en effe

une position « idéaliste », cherchant

montrer qu'il existerait un type pur dfascisme, une idée au sens platonicienqui aurait trouvé son incarnation la pluparfaite, non dans la politique du régimtalien, mais sous la plum

d'intellectuels français du début du 20siècle et de l'entre-deux-guerre

Maurice Barrès, Georges Sorel, lcercle Proudhon). On comprend bien leaspects problématiques d'une tellposture : peut-on être fasciste si l'on n

s'est jamais revendiqué du fascisme, s'on n'a jamais agi en fasciste, et si l'on

seulement développé des idée

présentant une parenté de structure ave



cet idéal-type fabriqué par Z. Sternhell Emilio Gentile, dans un texte de 200réédité ici, met en garde contre l

caractère ahistorique et élastique d'unelle approche du fascisme. L'issue de c

débat est lourde de conséquences. LParti social français, le plus gros partde masse de l'histoire de France, était-ifasciste ? Son idéologie présente-t-elldes parentés avec l'idéal-type d

fascisme ? Oui, soutient Jean-PauThomas, à condition de sélectionner sesources et de considérer le PSF commun bloc homogène. Au-delà de ce ca

particulier, l'idéalisme de Z. Sternhelrelance un autre débat, celui d'unhistoire conçue comme une arène os'affronteraient progrès et réaction, l



réaction tendant naturellement, d'aprèui, au fascisme.

Emmanuel Casajus

Le Prince absolu - Lerince absolu. Apogée

et déclin del’imaginaire

monarchique. ArletteJouanna, Gallimard



2014, 336 p., 22,50 €.

La complexité de la culture politiqufrançaise doit beaucoup au séisme d1789 et à ses répliques tout au long d19e siècle. Cette affirmation, ademeurant tout à fait pertinente, marchsouvent aux côtés de nombreuses idéereçues sur la monarchie absolue. L

période absolutiste souffre d'une imagassez monochrome. L'historienne ArlettJouanna se penche dans Le Princabsolu sur la dynastie bourbonienn

pour décrire l'élaboration, l'évolution e'affaiblissement de la signification

réelle et idéologique du pouvoir royaabsolu. Du roi Henri IV et de l



propagande qui entoura son image, à lmagnificence orchestrée par Louis XIen passant par Richelieu, Mazarin et l

Fronde, c'est bien du problème de légitimité politique dont il est questio

au sein d'un régime absolu.

Paradoxalement, le tiers état fut 'origine de l'absolutisation du pouvoir

L'Église, avant de s'y rallier, la refusa

La fracture entre protestants ecatholiques était si profonde qu'aucuncoexistence, nécessaire mainacceptable à l'époque, n'aurait pu êtr

décidée par un acteur temporel. Lpouvoir absolu représentait un « espac

olitique nouveau » où cette décisioserait possible. Cependant, le lien entr



a personne du roi et Dieu, la disparitentre les vertus que devait avoir cmédiateur et les vices dont il pouva

faire montre, les misères et les faminecausées par les décisions de creprésentant de la justice divinefaisaient l'objet d'une « recherchnquiète » et de remises en question.

ombreux furent ceux qui défendiren

'idée d'un contrôle du pouvoir absolu e Parlement, les cours souveraines, ees moralistes. L'évolution de l

monarchie absolue leur donna raison

elle engendra le concept d'État, pluautonome, et entraîna unedésacralisation du monde temporel »La pratique du pouvoir devint plu



pragmatique, plus technique et lquestion économique prit de plus en plud'importance. La personnalisation mis

en place par Louis XIV fragilisa un peplus la monarchie absolue qui portait eelle les contradictions quprécipiteraient son déclin.

Clémence Nasr

L'Atlas global - L’Atlas

lobal. ChristianGrataloup et Gilles



Fumey (dir.), Lesrènes, 2014, 150 p.

24,80 €.

En couverture, le globe vu comme ucœur. Cette cartographie « cordiforme sert à rendre lisible les lieux du bonheusur la planète. Elle peut aussi se lir

comme un clin d'œil à un événemenmarquant de la géographie moderne. Lplanisphère du cartographe MartiWaldseem&uuml ;ller, qui en 150faisait mention pour la première fois derme America, adoptait une projectio

similaire. Nul hasard en cela. L'Atla

lobal est un ouvrage dirigé par le



géographes Christian Grataloup et GilleFumey, qui ont sollicité une trentaind'auteurs, parmi lesquels l'historie

Patrick Boucheron, le démographEmmanuel Todd, le géographe JacqueLévy, le cartographe Alexandr

icolas... L'Atlas est hautemennnovant. Ses premières pages son

consacrées à des exposés d'histoirglobale, synthétisant de grand

événements - le peuplement de la Terrpar les Homo sapiens, l'hégémonicoloniale exercée par l'Europe... - ayanconstitué le Monde, au sens d

communauté planétaire contemporaineLes corps, les épidémies, la nourriturees sports ou les imaginaires sont autan

analysés que les grands processus qu



sont les traites négrières, le changemenclimatique. On y voit le Monde explordu point de vue de Jules Vernes, d'Hug

Pratt (auteur des Corto Maltese) ed'Hergé (géniteur de Tintin). Alternanavec brio les échelles d'analyse et leapproches disciplinaires, l'ouvrage offrun survol combiné de l'histoire globalet de la géographie contemporaine. Isynthétise excellemment la nature d

notre présente mondialisation, tissée densions entre local et global.

Laurent Testot

L'éthique protestante



et l'esprit de ladémocratie - L’éthique

rotestante et l’espride la démocratie. MaxWeber et la culture

olitique américaine

tephen Kalberg, Leord de l’eau, 2014

177 p., 20 €.Spécialiste de l'œuvre du sociologu

Max Weber, Stephen Kalberg propos



une thèse inspirée de la lecture des deuarticles de Weber, parus en 1904 e1905, et qui ont fait fortune sous le titr

de L'éthique protestante et l'esprit dcapitalisme. On trouve là, affirm'auteur, un modèle explicatif de l

culture politique américaine. Au 17siècle, les sectes protestantes onalimenté un individualisme orienté paa recherche du salut personnel. Véc

comme une vocation ( Beruf ), le travaides puritains est devenu une composantmajeure de la maîtrise rationnelle dmonde dont le capitalisme moderne es

'un des fruits emblématiques. Mai'individualisme « pratico-éthique » de

puritains avait ceci de particulier qu'i

s'articulait étroitement outre-Atlantiqu



avec la volonté de fortifier la vicommunautaire de manière à pouvoifaire advenir le royaume de Dieu su

erre. Ce « dualisme organique » fertilisé un esprit démocratique composd'idéaux multiples tels que lbienveillance mutuelle, la participatiocivique, la confiance sociale'égalitarisme ou la responsabilit

commune. S. Kalberg constate que l

culture politique américaincontemporaine porte les traces de cedeux composantes fondatrices. Mais leuarticulation est devenue problématique

On a pu constater la montée d'undividualisme tourné vers les intérêt

exclusifs de chacun, une réduction de lmobilité professionnelle et sociale e



une attirance pour la consommation et ldivertissement. Dissous par lcapitalisme d'aujourd'hui, les idéau

civiques d'hier ne sont plus capables dfaire barrage à un individualisme pratico-rationnel » dominé par cetethos consumériste ». Plutôt que dbasculer dans une forme de défaitisme'auteur esquisse, dans un espr

wébérien, trois scénarios pour le futu

de la société américaine : lredéploiement de la sphère civique, lmontée en puissance des ordreprofessionnels et la généralisation d

conflits entre groupes sociaux. Déjcritique, dans ses ouvrages antérieursde la lecture traditionnelle qui impute M. Weber une vision noire et homogèn



du devenir des sociétés modernes, SKalberg montre que si la culture est unvariable fondatrice et pérenne, l'aveni

n'en reste pas moins toujours ouvert.

Clément Lefranc

La composition desmondes - LaComposition desmondes. Philippe

escola et Pierre



Charbonnier,Flammarion, 2014380 p., 23 €.

Ce livre d'entretiens avec PierrCharbonnier, en même temps qu'unbiographie de chercheur, est unntéressante introduction à l'œuvre d

Philippe Descola, anthropologue eprofesseur au Collège de France. Nourrdès l'enfance de récits de voyages prisédans son milieu plutôt bourgeois, PDescola se démarque de ce dernier pa'impression de ne jamais être à s

place. Inscrit dans la génération de Ma

68, tenté un temps par le trotskisme, P



Descola découvre l'ethnologie à l'écolnormale avec Maurice Godelier. Il sance dans une thèse sous la direction d

Claude Lévi-Strauss, qui l'amène à vivrparmi les Jivaros Achuar, en pleinAmazonie. Ce qu'il y découvre relève dpur « scandale sociologique » : desociétés sans culte ni dieux, sans clan nignages, sans roi, indifférentes 'histoire et ayant un goût prononcé pou

a vendetta. Ces Indiens entretiennent urapport particulier à leur environnemenils considèrent les plantes et le

animaux comme des partenaires sociaux

pour ainsi dire des parents. Cettexpérience fondatrice fournira la matièrd'une monographie, d'un récit de voyagremarqué et de bon nombre d'articles



Ayant franchi les portes du Collège dFrance, P. Descola livre en 2006 unsynthèse théorique de ce que ses large

connaissances en anthropologie lui onnspiré. Il distingue, parmi les culture

humaines, quatre grands moded'identification à la nature : l'animismedécouvert en Amazonie mais qu'iretrouve en Patagonie et en Sibérie ; lotémisme, des Grands Lacs américain

à l'Australie ; l'analogisme, du Mexiquà la Chine ancienne ; enfin, lnaturalisme, mode de pensécaractérisant les Modernes, pour qui l

reste du vivant n'a au fond de commuavec lui qu'une conformation physiqueL'ouvrage se conclut par une perspectivécologique : que ces recherches aiden



es Européens à dépasser leur entreprisde destruction environnementale, et repenser le destin commun des homme

et des êtres vivants non humains qui leentourent.

Régis Meyran

Georges Balandier Georges Balandier. Un

anthropologue enremière ligne. Jean

Copans Puf 2014 313



., 29 €

Georges Balandier a 94 ans. Sa carrièrscientifique a débuté à 27 ans avec lcharge du Centre de l'institut françaid'Afrique française de Mauritanie, puia création de celui de la Guinée

Conakry. Une vie traversée par les échode l'Exposition coloniale (il avait 1

ans), la Seconde Guerre mondiale (et lRésistance), l'Union puis la Communautfrançaise (avec deux posteministériels), la construction d'un Centr

d'études africaines à l'École pratiqudes hautes études (devenue EHESS), lguerre d'Algérie, mai 1968, la fin d'Empire soviétique, l'ère de l



élévision, de la téléphonie, d'informatique et des biotechnologies, l

« réenchantement continuel par le

mages publicitaires », Fukushima et leprintemps arabes... autant de thèmes suesquels il a écrit. C'est au commentair

de ces textes que s'attache la lecturnformée et savante de l'anthropologu

Jean Copans, l'un de ses disciples. JCopans découpe la production de G

Balandier en six « vies ». La premièrrelève d'un souci autobiographique qu'on rencontre dès Tous comptes fait1947), jusqu'à certains passages d

Carnaval des apparences (2012). Lseconde manière est celle d'africaniste, auteur de la Vi

quotidienne au royaume du Kongo d



16e au 17 e siècle (1965) et de tand'autres pages. G. Balandier se faspécialiste du tiers-monde et de

questions de développement au courd'une troisième vie. Une quatrième,qui fait véritablement couri

'anthropologue », serait celle « de lmise en politique du monde ». Lcinquième est celle « d'un défricheudes chantiers inédits de la modernité »

ces nouveaux mondes fabriqués pa'après-communisme et les nouvelleechnologies du vivant et d'information. Un sixième Balandie

serait l'homme du Détour (1985), lpassage par un ailleurs dépaysant, maien mouvement. Si l'on ne revient pa

assez souvent sur ces textes, ce son



pourtant ceux d'un scientifique œuvranavec une grande originalité, adévoilement du monde et de la sociét

qui nous entoure.

Gérald Gaillard

Le code de laconscience - Le codede la conscience

tanislas DehaeneOdile Jacob, 2014, 432



., 25,90 €.

Si la conscience ne nous est accessiblqu'en première personne, et si la scienccontemporaine a pour principe dreposer sur des preuves publiques eaccessibles à tous, à quelles conditionpeut-il y avoir une « science de lconscience » ? C'est ce qu'entrepren

d'établir Stanislas Dehaene, professeuet chercheur en neuropsychologie aCollège de France, dans cet ouvragrésumant vingt ans de recherche

scientifiques. Selon S. Dehaene, troigrands tournants ont permis l'émergencd'une nouvelle approche du phénomènde la conscience. Le premier a été l



réhabilitation de l'introspection : alorque la psychologie behavioriste l'avaécartée pour son manque d'objectivité

a psychologie cognitive l'a réintroduitemais en tant que phénomène méritand'être expliqué plutôt que commméthode. En effet, même si nous n'avonpas accès directement aux penséed'autrui, nous pouvons toujour'interroger à ce sujet, et sa répons

constitue une donnée empirique ausssolide qu'une autre. Un deuxièmournant a été pris quand le

psychologues ont découvert qu'il

pouvaient aisément manipuler lconscience : présenter une imagrapidement parmi d'autres permet ddissimuler celle-ci à la conscience de



sujets, alors que leur cerveau réagitCela permet de comparer ce qudifférencie une image consciente d'un

mage inconsciemment perçue. Restait ntroduire un nouvel outil, à savoir leechniques d'imagerie fonctionnell

permettant d'observer l'activitcérébrale en situation d'expérience. Lerecherches ont permis d'établir qu'unnformation devient consciente quand l

signal qui lui correspond est diffusé epartagé dans l'ensemble du cerveausuggérant que la conscience a poufonction de rendre cette informatio

accessible à un ensemble de processumentaux. S'ouvre alors la possibilité dse pencher sur le cerveau de ceux qui nsont pas en mesure de décrire leurs état



mentaux, de l'animal au bébé en passanpar les personnes dans le coma. Un livrà la portée de tout lecteur intéressé.

Florian Cova

Le pouvoir de la

volonté - Le pouvoir dela volonté. La nouvelle

cience du self-controloy F. Baumeister e

John Tierney Markus



aller, 2014, 406 p., 25€.

Qu'est-ce que la volonté ? On peuenvisager la question d'un point de vu

métaphysique, en y voyant une facultqui permettrait à l'homme de transcendees lois de la nature. Mais on peut auss

rejeter cette approche et préférer traitea volonté comme un phénomène nature

et accessible à l'enquête scientifiqueC'est ce que font Roy Baumeister et Joh

Tierney dans cet ouvrage destiné rendre accessibles vingt ans drecherches psychologiques sur la naturde la volonté. Rejetant l'analogi

nformatique assimilant la pensée à un



forme de traitement de l'information, leauteurs renouent avec les métaphoreénergétiques chères à la psychanalys

freudienne. Pour eux, la volonté esavant tout la force de décider commenagir, de tenir cette décision, et drésister aux tentations extérieures - quces tentations prennent la forme brûlantdes désirs ou celle plus discrète de lprocrastination. Hélas, comme tout

force, celle de la volonté tend s'épuiser : faire l'effort de prendre undécision ou de résister à une tentatioépuise la volonté et nous rend plu

susceptibles de flancher la minutsuivante. Au bout du compte, une bonngestion de notre volonté requiert de luprocurer les ressources nécessaires (e



s'alimentant et dormant régulièrement)de maîtriser son environnement afid'éviter les tentations (plutôt qu'en s'

exposant et tentant de leur résister) et ddévelopper pas à pas de bonnehabitudes (qui, étant automatiques, sonmoins coûteuses pour notre volonté)Au-delà de son propos puremenscientifique et des conseils pratiques qu'émaillent, l'ouvrage de R. Baumeiste

et J. Tierney séduit aussi par lenombreuses anecdotes et exemplehistoriques qu'il développe : écrivainsexplorateurs et chefs d'entreprise, tou

ont eu besoin à un moment ou à un autrde développer leur volonté

Florian Cova



The Dyslexia Debate The Dyslexia Debate

Julian G. Elliott, elena L. GrigorenkoCambridge University

ress, 2014, 278 p., 26€ env.

Certains enfants ont, plus que d'autresdu mal à apprendre à lire. Selon le

roubles qu'ils présentent, ces enfant



sont parfois diagnostiqués dyslexiquesCe jugement médical a pour effet drassurer les parents, non seulemen

parce qu'il élimine la hantise d'un retarmental, mais aussi parce qu'il donn'impression que l'origine des problème

de leur progéniture ayant été identifiée'enfant pourra bénéficier d'un soutie

scolaire ou orthophonique appropriéOr, selon les auteurs de ce livre, c

diagnostic est inutile et même néfaste.Le point de départ de leur argumentatioest que la dyslexie n'est pas un problèm

bien identifié. Faudrait-il, par exempleconsidérer que tous les enfants ayant dedifficultés d'apprentissage de la lectursont dyslexiques ? Du même coup, l



qualification devient un fourre-tout sangrande signification, et il vaut donmieux être plus sélectif. Faut-il alors n

considérer comme dyslexiques qucertains d'entre eux ? Cela semble plusensé mais, dans ce cas, il faudras'entendre sur la nature des difficultés decture qui caractérisent la dyslexie. Or'examen de la littérature sur le suje

montre, selon nos auteurs, qu'il n'y a pa

de consensus chez les spécialistes. Lerme de dyslexie renverrait donc à urouble assez mal défini.

A-t-il un fondement organique ? Leneurosciences et la biologie semblenoutes désignées pour répondre à cett

question. Mais, là encore, les auteur



affirment qu'il est impossible ddistinguer, sur des baseneurobiologiques, les enfants réputé

dyslexiques des autres enfants edifficultés. Aucune spécificité dcerveau ou du génome que l'on puissassocier à l'attribution de dyslexin'aurait été repérée. On peut encorpenser que le diagnostic de dyslexiaidera les enfants concernés, simplemen

parce qu'ils pourront bénéficier d'usoutien approprié à la lutte contre leurroubles. Pourtant, toujours selon le

auteurs, les méthodes qui se son

révélées efficaces n'ont rien dspécifique : les enfants ayant du mal décoder un texte mais n'ayant pas étqualifiés de dyslexiques en profitent tou



autant. quoi sert donc ce diagnostic Pour les deux auteurs : non seulement rien, mais il est néfaste, car il a pou

conséquence de négliger la prise chargdes enfants qui, quoiqu'en difficultén'ont pas été désignés ainsi.

Le mythe de la dyslexie crée donc uvrai problème d'équité. C'est pourquoes auteurs préconisent d'abandonner c

concept mal fondé et de prendre echarge tous les enfants ayant dedifficultés d'apprentissage de la lecturel faudrait également intervenir dès qu'u

enfant manifeste des difficultés, plutôque d'attendre un diagnostic tardif esans valeur véritable. Bien sûr, cettcritique radicale du concept de dyslexi



ne plaira pas à tout le monde. Ellrisque de susciter des débats dans lcorps médical. Mais, au vu de l

documentation très fournie qu'apportcet ouvrage, ces débats semblent tout fait justifiés...

Thomas Lepeltier



En revue



Sociologie du bien-

être

radition anglo-saxonne, la recherchsur le bien-être a été délaissée en Francpar les sciences sociales. D'où l'intérê

d'un numéro sur ce thème. Un articlanalyse l'évolution du bien-être eFrance depuis vingt-cinq ans. Au-deldu PIB, la notion renvoie « à la fois 'état général de santé, la bonne formhysique, l'absence de détresssychologique et à la satisfactio

lobale de l'individu par rapport à s

T



vie ». Combinant autant les indicateurobjectifs (équipement en biens dconsommation, logement), que subjectif

aspirations, opinions), les chercheuront tenté d'effectuer une synthèseRésultat : s'ils observent unamélioration des conditions de vie eermes de confort matériel, d'éducatio

ou d'accès aux loisirs, ils remarquenque certaines dimensions du bien-être s

dégradent : hausse des contraintefinancières et de la précarité, sentimende mauvaise santé et d'insécuritérenforcement des « inégalités de mode

de vie » et de leur perception« Comment profiter pleinement de soemps libre lorsque le chômage, l

développement des contrats courts o



e temps partiel subi comprometten'accès à des biens essentiels tels que logement ? », s'interrogent le

économistes Régis Bigot et SandrHoibian. Parmi les autres articlenotables, une enquête en milieu scolairmontre l'impact du ressenti dediscriminations sur le bien-êtreL'analyse des politiques de préventiodu vieillissement révèle quant à elle un

« injonction au bien-être » rendan'individu responsable de son état. U« modèle quelque peculpabilisateur », selon les auteurs d

'article.



Sélection du mois

La Chine des question

sociales

nformations sociales , N° 185, 2014

146 p., 6,50 €.

L’avenir de la Chine dépend de spolitique sociale. La revue évalue le

mesures face aux migrations, ’inflation de l’immobilier ou pou’accès à la santé. Elle s’intéresse au

revendications populaires et au



échanges internationaux, notamment avea France. La culture chinoise considères aînés comme des sages : de quo

nspirer les politiques occidentales ! Ccolosse de la protection sociale peunous apprendre beaucoup.

Des sports et des jeunes

gora débats/jeunesses , N° 68, 2014168 p., 17 €.

Aux clubs de sports de jadis, les adopréfèrent aujourd’hui les pratiqueibres, « de rue », comme le hip-hop

ball. Ce sport de rue véhicule aussi un



sous-culture du basket-ball. Les jeune’associent aux ghettos afro-américains

pour exprimer leur relégation sociale

Au Québec, en Suisse, en France, de lpatinoire de rue au terrain de foot, lsport forge la jeunesse.

Dis-moi qui tu hais

e Diable probablement , N° 11, 2014224 p., 15 €.

e Diable probablement est une revud’orientation psychanalytique qui a lmérite d’être lacanienne

compréhensible et ouverte au dialogu



entre courants et disciplines. Le dernienuméro s’intéresse à la haine de l’autrà travers le racisme, l’antisémitisme o

’homophobie, mais aussi la haine dsoi, par exemple, dans le rap. On rouvera les éclairages de philosophes e

de sociologues ou, plus surprenant, dcinéastes.

Hiérarchies et conflictualitédans l’accueil des petit

enfants

ociétés contemporaines , N° 95, 2014

136 p., 19 €.



Le dossier sur l’accueil des petitenfants traite de trois professions assistante maternelle, éducatrice d

eunes enfants et auxiliaires dpuériculture. Ce rapprochement met erelief la « psychologisation » croissantde cet univers. Les savoirs psys sondevenus une marque de distinction mesure que les professionnelles de lpetite enfance cherchaient à se fair

reconnaître comme des expertes ddéveloppement de l’enfant.

Consommer, donners’adonner. Les ressorts de la



consommation

evue du mauss , N° 44, 2014, 252 p24 €.

La Revue du Mauss s'interroge sur le

dessous de la passion d'acheter. Elle adepuis les années 1930, cessé drépondre à nos besoins pour satisfairdes désirs variés, dont le marketing fai

son miel : distinction, relation auautres, reconnaissance, etc. « Lshopping est-il moins cher qu'un

sychothérapie ? » Pas forcément, maice numéro bien fourni suggère que lconsumérisme est un substitut 'exigence de donner et recevoir qu

fonde les relations humaines.



Police du genreGenèses , N° 97, 2014, 158 p., 21,30 €.

Ce dossier s'ouvre sur un texte décrivanes préférences de la police parisienn

en matière d'enquêtes sur la prostitutionComme par hasard, les prostituées sondes femmes et les proxénètes, dehommes, tous plutôt « blancs ». Lepoliciers sont à 90 % de sexe masculin

D'autres exemples, finement analysésmontrent que police et justice, en Francet au Québec, ne sont pas exempted'h bi d d' é

sciences humaines ndeg267 - sciences humaines

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