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Préface de JANINE TAVERNIER

Chevalier de la Légion d’HonneurPrésidente de l’U.N.A.D.F.I. de 1993 à 2001

“SECTE”SUR ORDONNANCE

SERGE TOUSSAINT

Grand Maître de l’A.M.O.R.C.

Les Rose-Croix témoignent

DÉDICACE

Ce livre est dédié à tous les membres de l’A.M.O.R.C.,à tous leurs sympathisants, et à tous les penseurs libres.

CITATION

«Je crois sentir dans cette timidité l’effet de deux étatsd’esprit souvent présents chez l’intellectuel de type pure-ment rationaliste, et peut-être surtout en France, l’un,une crainte presque superstitieuse du mot “mystique”,comme si ce mot signifiait autre chose qu’adepte de doc-trines restées plus ou moins secrètes ou chercheur dechoses demeurées cachées... Le second de ces deux étatsd’esprit n’est autre qu’un certain dédain du mot “matière”,celle-ci étant trop souvent considérée comme la substanceà l’état brut, placée aux antipodes du mot “âme”...».

Extrait du discours prononcé parMarguerite Yourcenar, lors de sonadmission à l’Académie Française,en janvier 1981.

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TABLE DES MATIÈRES

. Préface ................................................................. 5

. Avant-propos ...................................................... 11

PREMIÈRE PARTIE

1. Origine historique des Rose-Croix ................ 172. Émergence de l’A.M.O.R.C. .............................. 293. Structure actuelle de l’A.M.O.R.C. ................... 354. Enseignement rosicrucien ............................. 395. Philosophie rosicrucienne .............................. 456. Éthique rosicrucienne .................................... 577. Salons de la Rose-Croix ................................. 738. Université Rose-Croix Internationale ........... 85

DEUXIÈME PARTIE

9. A.M.O.R.C. et O.T.S. ......................................... 10110. A.M.O.R.C. et commissions parlementaires .. 11911. A.M.O.R.C. et M.I.V.I.L.U.D.E.S. ........................ 14912. A.M.O.R.C. et associations anti-sectes .......... 16313. A.M.O.R.C. et religions ................................... 17714. A.M.O.R.C. et politique ................................... 18715. Rose-Croix et Francs-Maçons ...................... 20316. A.M.O.R.C. et médias ..................................... 22117. Détracteurs de l’A.M.O.R.C. ........................... 22718. Lettre ouverte aux membres de l’A.M.O.R.C. 233

. Conclusion ........................................................ 237

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PRÉFACE

Si j’ai accepté de préfacer ce livre écrit par SergeToussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordrede la Rose-Croix, c’est parce que sa réaction face àl’injustice dont l’A.M.O.R.C. est victime me permet dem’exprimer sur ce qui fut l’une de mes préoccupationsessentielles durant mon mandat de présidente del’U.N.A.D.F.I., à savoir ne pas attribuer le qualificatif«secte» à tort et à travers, ou à tout organisme qui sortde la “pensée unique”...

À partir de la fin des années 70, on assista à la créa-tion de nombreux groupes “new age”, pseudo-religieux,religieux, etc. Très vite, l’U.N.A.D.F.I.* pressentit que cer-tains de ces groupes, sous des appellations trompeuseset derrière des masques rassurants, pouvaient être dan-gereux et piéger des personnes en quête d’une certainespiritualité ou d’un certain bien-être : église, temple,culte, cénacle, fondation, communauté, famille, frater-nité, etc.

Si l’U.N.A.D.F.I. alerta différentes instances et per-sonnalités sur ces groupes, elle précisa néanmoins ques’il y avait parmi eux des sectes destructrices, dossierset preuves à l’appui, il y avait aussi des mouvementsn’ayant rien de sectaire, même si, parfois, il y avaitdes dérapages, comme dans tout groupe humain. Cette

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* Union Nationale des Associations pour la Défense des Familleset de l’Individu.

précision n’a pas été retenue ; il était plus facile demettre la même étiquette sur ces nouvelles structures,à savoir «Nouveaux Mouvements Religieux» (N.M.R.).

En procédant ainsi, on a laissé supposer que tous lesNouveaux Mouvements Religieux étaient des sectes, cequi n’est absolument pas le cas. Par manque de rigueur,on en est donc venu à confondre des groupes inoffensifsavec d’autres qui présentaient un réel danger et selivraient à du prosélytisme pour recruter de nouveauxadeptes. Ce flou, cette imprécision, font qu’aujourd’huion est plongé dans la confusion la plus totale.

Les choses étant ce qu’elles sont, certains voient dessectes partout : dans les statuts de cette entreprise, il ya le mot «holistique»… Attention ! ! ! Cette personneprend des granules homéopathiques… Méfiance !!! Ceprofesseur de Yoga parle de chakras... Danger !!! Cepsychologue certifié est spiritualiste... Prudence !!! etc.J’ai toujours été sensible aux risques de dérapage queles A.D.F.I. elles-mêmes auraient pu commettre. C’estpourquoi je leur rappelais régulièrement les buts aux-quels j’étais particulièrement attachée :

«Nous, Associations A.D.F.I., dans le droit fil desDroits de l’Homme, respectueux de toute liberté (laliberté de pensée, la liberté de croire ou de ne pascroire ou de croire autrement, la liberté d’associa-tion, la liberté d’expression) quand nous qualifionsde «secte» un groupe quelconque, nous ne tenons pascompte des idéologies, des doctrines, des croyances,des religions, des églises. Nous ne considérons que lesagissements et les comportements qui portent grave-ment atteinte à la liberté ou à la dignité de la per-sonne humaine. En un mot, le seul critère que nousretenons est celui de la nocivité, de la dangerosité : de

6 “Secte” sur ordonnance

la violation des Droits de l’Homme». (Bulletin BULLESN° 23 / 1989).

Dans l’Éditorial du bulletin BULLES n° 69 / Premiertrimestre 2001, à l’occasion des 25 ans des A.D.F.I., j’écri-vais ceci :

«... Nous le répétons à loisir : nous ne jugeons pasles doctrines ou les idéologies véhiculées par lesgroupes, nous refusons d’entrer dans les discussions«théologiques». En revanche, ce qui nous mobilise , cesont les faits... Pourtant, parce que nous sommes deshommes et des femmes avec nos convictions, noscroyances, nos philosophies les plus diverses — ce qui,soulignons le à nouveau, fait notre richesse — nouspourrions être tentés de juger les groupes à l’aune denos propres références morales, religieuses et philoso-phiques. Se laisser aller dans cette voie serait péril-leux à bien des égards».

L’on constate que l’homme a toujours été à larecherche de spiritualité, de transcendance. C’est pour-quoi j’ai été choquée un jour lorsque j’ai entendu unepersonne très impliquée dans la lutte contre les sectesdire avec beaucoup de conviction : «Il faut éradiquerl’idée de Dieu». J’en suis restée interloquée, sans voix.En quoi une quête religieuse, spirituelle ou philoso-phique est-elle systématiquement condamnable ? Enquoi est-elle nécessairement “sectaire” ? Que de grou-pes alors il faudrait mettre à l’index... Assurément, onassiste depuis quelque temps en France à une dérivequi met en danger la liberté de croyance, ce que jecondamne.

C’est pour rester fidèle à moi-même, à mes convic-tions, refusant le silence et la lâcheté, que j’ai acceptéde m’associer à ce livre qui dénonce l’injustice dont

7Préface

l’A.M.O.R.C. a été victime en ayant été classé comme sec-tes. Les explications de l’auteur, son érudition, permet-tent de mieux connaître et comprendre les racines de cetOrdre, son évolution, son enseignement, sa philosophie.À l’évidence, il n’a rien d’un Nouveau Mouvement Reli-gieux, et encore moins d’une secte. Mais il a suffi qu’unecommission parlementaire, ou plutôt quelques députésd’une commission, le mettent à l’index dans un rapport,pour que l’opprobre, relayé par l’emballement média-tique, devienne une condamnation publique.

Toutes les personnalités politiques et autres que j’airencontrées lorsque j’étais militante puis présidente del’U.N.A.D.F.I., de même que tous les journalistes, saventbien que je n’ai jamais été complaisante à l’égard dessectes avérées, car je sais le danger qu’elles représen-tent pour l’individu, la famille et la société elle-même.Mais il est temps que la France se ressaisisse dans lalutte qu’il faut mener contre de tels groupes, car sousprétexte de cette lutte légitime, certains combattent lescroyances religieuses, spirituelles et philosophiques.L’injustice subie par l’A.M.O.R.C. est selon moi un par-fait exemple de cette dérive.

Depuis quelque temps, on parle beaucoup de la laï-cité en France, peut-être même trop, car la grandemajorité des citoyens de ce pays la tiennent pour unacquis définitif. Il ne faudrait donc pas que ce principeessentiel de laïcité, pour des raisons plus idéologiquesque républicaines, devienne le fondement d’un inté-grisme tout aussi dangereux que l’intégrisme religieux.Là encore, je pense que ce livre met bien ce danger enévidence. Veillons donc à ce que la lutte contre les sec-tes ne devienne pas elle-même un vecteur de secta-risme !


Enfin, pour terminer, j’en appelle à une réhabilita-tion officielle de l’A.M.O.R.C., souhaitée d’ailleurs parJacques Guyard lui-même, président de la commissionparlementaire de 1999. Chacun sait que «l’erreur esthumaine». À la lumière de ce livre, que ceux et cellesqui ont le pouvoir de réhabiliter les Rose-Croix le fas-sent, ne serait-ce qu’au nom de l’article I de la Consti-tution de la République Française : «La France est uneRépublique indivisible, laïque, démocratique et sociale.Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens,sans distinction d’origine, de race ou de religion. Ellerespecte toutes les croyances» .

Janine TavernierChevalier de la Légion d’HonneurMembre de l’U.N.A.D.F.I. dès 1984,

Présidente de 1993 à 2001

9Préface

AVANT-PROPOS

Actif dans le monde entier, l’Ancien et MystiqueOrdre de la Rose-Croix menait ses activités sans pro-blèmes majeurs jusqu’en octobre 1994, où l’actualitéfut défrayée par deux drames successifs survenus auQuébec et en Suisse : les “massacres” de l’Ordre duTemple Solaire. Comme tous les autres dirigeants del’A.M.O.R.C. à travers le monde, c’est ce jour là que j’aiappris l’existence de cette secte. Sur les images diffu-sées à la télévision, j’avais bien remarqué la présenced’une Rose-Croix, mais on pouvait voir aussi un sym-bole maçonnique, une étoile de David, un portrait deJésus, etc. À ce moment précis, jamais je n’aurais puimaginer que l’A.M.O.R.C. subirait dès les jours suivantsdes amalgames avec l’O.T.S., et encore moins qu’unecampagne de dénigrement s’ensuivrait. En effet, cettesituation ne cessa d’empirer, d’autant plus qu’un dra-me analogue se produisit en France en décembre 1995.Plus de dix ans se sont écoulés, mais on ignore toujoursce qui s’est réellement passé...

Pour des raisons évidentes, les drames de l’O.T.S.ont entraîné dans les pays concernés une enquête poli-cière et judiciaire. En France, cette enquête et le procèslui-même ont donné naissance à nombre d’articles depresse, d’émissions de radio et de reportages à la télé-vision. À plusieurs reprises, les Rose-Croix en général etl’A.M.O.R.C. en particulier ont été mis en cause directement

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ou indirectement, mais à aucun moment on ne nous acontactés pour vérifier les informations données. Or,ces informations, dont je ne sais si elles provenaient desenquêteurs eux-mêmes, des parties civiles ou de quel-qu’autre source soi-disant “officielle” ou “autorisée”,étaient le plus souvent mensongères, calomnieuses etmême diffamatoires. À cela s’ajoute le fait que l’affaireO.T.S. a déclenché en France une véritable “sectophobie”et que l’A.M.O.R.C. lui-même en a été victime, alors qu’ilest l’antithèse d’une secte.

Dans les siècles passés, l’Ordre de la Rose-Croixétait véritablement une société secrète, car il devaitprotéger ses membres contre les persécutions religieu-ses ou politiques. Chacun sait en effet qu’à certainesépoques, il était risqué de s’écarter du cadre religieuxou politique en vigueur. C’est ainsi que les Rose-Croixfurent victimes de l’Inquisition durant le Moyen-Âge.Au XVIIe siècle, ils subirent l’acharnement des Jésuites,qui voyaient en eux des ennemis de la foi catholique.Plus près de nous, ils furent persécutés par les nazis,comme le furent également les Martinistes et les Francs-Maçons. Sous le gouvernement de Vichy, l’Ordre de laRose-Croix fut interdit, au motif qu’il était considérécomme une société secrète. Hélas, l’Histoire semble serépéter, tout du moins en France.

Depuis sa résurgence en 1909, l’A.M.O.R.C., qui serattache traditionnellement aux Rose-Croix du passé,fonctionne plutôt comme une organisation discrète.Autrement dit, il ne cache pas son existence, maiss’adresse à des chercheurs intéressés par le mysti-cisme, au sens le plus noble de ce terme, c’est-à-dire ausens d’«étude des mystères de la vie». N’étant ni unereligion ni une secte mais un mouvement philoso-phique, il est ouvert aux femmes comme aux hommes,


sans distinction de race, de croyance religieuse ou declasse sociale. Il est également apolitique. Quant à sadevise, elle est : «La plus large tolérance dans la plusstricte indépendance». Précisons enfin qu’il est reconnud’utilité publique dans plusieurs pays du monde, notam-ment en raison de sa contribution à la culture et à lafraternité entre les peuples.

Membre de l’A.M.O.R.C. depuis 1977, Grand Maîtrede la juridiction française depuis 1993 (j’ai été réélu àcette fonction en 1998 et en 2003), je connais la profon-deur philosophique de ses enseignements et la noblessede ses idéaux humanistes. Comme des dizaines de milliersd’autres Rosicruciens à travers le monde, et comme descentaines de milliers de personnes qui le connaissent, jesais qu’il est à l’opposé d’une secte. Ceux qui prétendentle contraire le font, soit par ignorance de ce qu’est vrai-ment l’A.M.O.R.C., soit dans le but délibéré de lui nuire.J’ai toujours pensé que tolérer l’intolérable n’était pasune preuve de sagesse, mais une marque de faiblesse.Si j’ai décidé d’écrire ce livre, c’est précisément pourexprimer mon profond sentiment d’injustice face à tantd’acharnement contre les Rose-Croix, et expliquer en quoiils sont victimes de préjugés négatifs, de malveillance etde sectarisme. C’est aussi pour montrer à travers eux quela France est en proie depuis quelques années à une nou-velle inquisition menée, non plus par des fanatiques reli-gieux, mais par des intégristes laïcistes.

Ce livre comporte deux parties. La première estconsacrée à des explications générales sur l’A.M.O.R.C. :son histoire, sa structure, son enseignement, sa philo-sophie, etc. En effet, de telles explications sont néces-saires pour mieux comprendre la seconde partie,laquelle traite de points divers liés notamment auxconfusions et aux amalgames que l’A.M.O.R.C. a subis au

13Avant-propos

cours des mois et des années passés : A.M.O.R.C. et O.T.S.,A.M.O.R.C. et commissions parlementaires, A.M.O.R.C. etM.I.V.I.L.U.D.E.S., A.M.O.R.C. et associations anti-sectes...En lisant cet ouvrage dans son intégralité, j’espère quevous comprendrez mieux les raisons qui l’ont motivé etque vous aurez une meilleure idée de ce que les Rose-Croix sont vraiment.


PREMIÈRE PARTIE

— Origine historique des Rose-Croix

— Émergence de l’A.M.O.R.C.

— Structure actuelle de l’A.M.O.R.C.

— Enseignement rosicrucien

— Philosophie rosicrucienne

— Ethique rosicrucienne

— Salons de la Rose-Croix

— Université Rose-Croix Internationale

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1.

ORIGINE HISTORIQUE DES ROSE-CROIX

Pour bien comprendre le procès d’intention auquelcertaines personnes se sont livrées et se livrent encorecontre l’A.M.O.R.C., il est utile de rappeler brièvementl’histoire des Rose-Croix. Officiellement, elle remonte auXVIIe siècle, avec la publication en Allemagne, en Angle-terre et en France de trois Manifestes* intitulés : «FamaFraternitatis», «Confessio Fraternitatis» et «Noces chymi-ques de Christian Rosenkreutz», parus respectivementen 1614, 1615 et 1616. Pendant longtemps, on a cru quel’auteur de ces Manifestes était Jean-Valentin Andreae(1586-1654). De nos jours, grâce aux études approfondiesmenées par des historiens de l’ésotérisme, notammentpar Roland Édighoffer et Antoine Faivre, nous savonsqu’ils sont plutôt l’œuvre d’un Collège de Rose-Croix, lefameux Cercle de Tübingen. Quelques années plus tard,en 1623, une affiche émanant du «Collège Principal de laRose-Croix» fut placardée dans les rues de Paris. Cetteaffiche marqua le début d’un nouveau cycle d’activité del’Ordre de la Rose-Croix. En voici le texte :

«Nous, Députés du Collège principal de la Rose-Croix, faisons séjour visible et invisible en cette Villepar la grâce du Très-Haut, vers Lequel se tourne le cœur

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* L’A.M.O.R.C. a publié en 2001 un quatrième Manifeste intitulé«Positio Fraternitatis Rosae Crucis», que des historiens de l’éso-térisme situent dans la lignée des trois précédents.

des Justes. Nous montrons et enseignons à parler sanslivres ni marques, à parler toutes sortes de langues despays où nous voulons être pour tirer les hommes, nossemblables, d’erreur et de mort.

S’il prend envie à quelqu’un de nous voir par curio-sité seulement, il ne communiquera jamais avec nous,mais si la volonté le porte réellement à s’inscrire sur leregistre de notre Confraternité, nous qui jugeons despensées, lui ferons voir la vérité de nos promesses ; telle-ment que nous ne mettons point le lieu de notre demeureen cette cité, puisque les pensées jointes à la volontéréelle du chercheur, seront capables de nous faireconnaître de lui, et lui de nous».

Dans le cadre de cet ouvrage, mon propos n’estpas d’analyser le contenu de ces Manifestes, et encoremoins d’expliquer le contexte sociologique qui entouraleur parution. Ce qui importe avant tout, c’est de com-prendre que l’Ordre de la Rose-Croix, auquel l’A.M.O.R.C.se rattache, n’est pas de création récente, puisqu’ilremonte sur le plan historique à plusieurs siècles. Onne peut donc pas l’assimiler à un nouveau mouvementreligieux ou à un mouvement “new-age”, comme il enexiste tant de nos jours. Soit dit en passant, la prolifé-ration de tels mouvements, dont je n’ai pas à juger lesérieux, l’authenticité ou la légitimité, montre que deplus en plus de personnes aspirent à la spiritualité, cequi est positif en soi. En effet, le matérialisme excessifqui prévaut dans les sociétés modernes ne peut menerqu’au déclin de la civilisation, car il est fondé sur lesdésirs les moins nobles de la nature humaine : désir deposséder, désir de dominer, etc.

Si j’ai précisé plus haut que l’Ordre de la Rose-Croixremonte au XVIIe siècle sur le plan historique, c’est


parce que son origine traditionnelle est beaucoup plusancienne. Elle remonte en effet aux Écoles de Mystèresde l’Antiquité, Écoles, comme leur nom l’indique, danslesquelles on étudiait les mystères de l’univers, de lanature et de l’homme lui-même. De nos jours, nombred’historiens et d’égyptologues admettent l’existence deces Écoles. Dans cet ordre d’idée, on sait que Pythagoreétudia plus de 20 ans en Égypte, dans l’École de Mystè-res de Thèbes, avant de revenir à Crotone, en Italie, etd’y fonder sa propre École. Michael Maier, célèbre Rose-Croix du XVIIe siècle, affirmait déjà dans ses écrits quela Tradition rosicrucienne était en quelque sorte l’héri-tière des Mystères égyptiens, grecs, esséniens et mêmebrahmaniques.

À propos des Écoles de Mystères de l’Égypte anti-que, voici ce que l’on peut lire dans l’un des ouvrages deE. A. Wallis Budge, célèbre égyptologue : «Un dévelop-pement progressif a dû avoir lieu dans les Écoles deMystères, et il semble que certaines d’entre elles étaiententièrement inconnues sous l’ancien règne. Il est impos-sible de douter que ces “Mystères” faisaient partie desrites égyptiens. On peut donc affirmer que l’Ordre élevédes Khéri-Hebs possédait une connaissance ésotériqueet secrète que ses Maîtres gardaient jalousement. Cha-cun d’eux, si j’interprète bien l’évidence, possédait uneGnose, une Connaissance supérieure, qui ne fut jamaisconfiée à l’écriture, et ils étaient ainsi à même d’accroî-tre ou de réduire son champ d’action selon les circons-tances. Il est par conséquent absurde de s’attendre àtrouver sur les papyri égyptiens la description dessecrets qui formaient la Connaissance ésotérique desKhéri-Hebs».

Comme le montrent les quelques explications précé-dentes, l’Ordre de la Rose-Croix ne fut pas véritablement

19Origine historique des Rose-Croix

créé au XVIIe siècle. Il faut plutôt considérer qu’il futl’École de Mystères majeure de cette époque et que l’en-seignement qu’il dispensait alors prenait sa sourcedans un héritage culturel et spirituel beaucoup plusancien. Or, cet héritage ne s’est pas perdu par la suite,pas plus qu’il n’est tombé dans l’oubli. Des penseurs etdes philosophes éclairés se le transmirent de siècle ensiècle, lui ajoutant chaque fois le fruit de leurs propresrecherches et de leurs propres connaissances. De nosjours, l’A.M.O.R.C. en est l’un des dépositaires. C’est pré-cisément pour cette raison qu’il est une organisationphilosophique véritablement traditionnelle. Résolumenttourné vers l’avenir, il continue à œuvrer à l’enrichisse-ment de la culture et de la spiritualité, notamment àtravers l’Université Rose-Croix Internationale.

Dans un livre ayant pour titre «Rose-Croix d’hier etd’aujourd’hui», Serge Hutin, docteur ès-lettre, ancienattaché de recherches au C.N.R.S., historien de l’ésoté-risme, présente un historique général de l’Ordre de laRose-Croix. Plutôt que de paraphraser ce qu’il a écritavec tant de concision et de clarté, permettez-moi de leciter et de vous donner un aperçu limité mais suffisantde la manière dont s’est forgée l’histoire des Rose-Croix :

«Passons donc en revue les principaux courantsinitiatiques pouvant être considérés comme les sourceslointaines du Rosicrucianisme, tout du moins sur leplan historique. Nul doute que l’alchimie a beaucoupinfluencé les doctrines rosicruciennes. Elle constituait,surtout à partir du XIVe siècle, une interprétation ésoté-rique du Christianisme. Rien de plus obscur, de plusdéconcertant pour le non-initié, que l’art d’Hermès, quiremonterait lui-même à l’Égypte antique... À la fin du


Moyen-Âge, l’alchimie tendit à reprendre sa formealexandrine lorsque, sous l’influence des doctrinesgnostiques, elle groupait en conventicules des «frères»et des «sœurs» recherchant l’Illumination à traversl’étude des Mystères. C’est ainsi que Nicolas Flamel(1330-1418) se révéla très proche en esprit de Zozime,un des plus célèbres alchimistes grecs d’Alexandrie. Àla même époque, des commentaires ésotériques desLivres sacrés se révélèrent de plus en plus dans la litté-rature alchimique. Parallèlement à cette divulgationcroissante de doctrines mystiques, on assista au déve-loppement des sociétés secrètes, qui finiront par cou-vrir toute l’Europe, malgré l’opposition toujours aussiforte de l’Église. [...]

C’est surtout vers Paracelse (1493-1541) que l’histo-rien doit se tourner pour avoir la plus complète révéla-tion, au XVIe siècle, des doctrines rosicruciennes. Aveccet illustre médecin, l’alchimie se présente comme l’Artpar excellence, celui qui permet d’opérer des transmu-tations aussi bien spirituelles que matérielles, l’opé-ration de Dieu dans la nature étant identique à sonopération dans le Royaume de la Grâce. Tout ce qui serévélera être la théosophie rosicrucienne et maçon-nique se trouve formulé dans les écrits de ce grandmystique, dont l’importance dans l’histoire de l’ésoté-risme en Occident est capitale ... Ce sont d’ailleurs sesdisciples allemands qui furent les promoteurs de laPansophie, au sein de laquelle devaient être lancés lesManifestes rosicruciens de 1614, 1615 et 1616. [...]

Toutes les doctrines qui seront exposées par lesRosicruciens du XVIIe siècle sont celles des Pansophis-tes de la fin du XVIe siècle : Simon Studion, HeinrichKhunrath, Aegidius Gutmann, Julius Sperber... Avec laPansophie, c’est vraiment le courant rosicrucien qui se


révèle pleinement. Sous son influence, les Rose-Croixdu début du XVIIe siècle s’emploieront à donner plusd’ampleur à leur Fraternité, afin d’en faire un Ordreregroupant davantage de membres, répartis partoutdans le monde, et non plus un groupement extrême-ment restreint dans ses effectifs. Les Rose-Croix consi-déraient en effet que le moment était venu pour eux derépandre la Lumière parmi leurs semblables. C’estaussi à cette époque que Jean-Valentin Andreae (1586-1654) et ses frères rosicruciens s’efforceront de faireentrer dans la réalité la «Réforme Universelle» que tousles Initiés attendaient depuis longtemps.

Précisons également que John Dee (1527-1608), queGustave Meyrink a pris pour héros de son roman ésoté-rique “L’Ange à la fenêtre d’Occident”, a joué un rôletrès important dans toutes les sociétés initiatiqueseuropéennes de la fin du XVIe siècle et du début dusiècle suivant. Ses voyages le menèrent jusqu’à Prague,qui était alors l’un des plus grands centres pour l’alchi-mie et les activités rosicruciennes. Les enseignementssecrets de John Dee se retrouveront au cœur des révéla-tions rosicruciennes supérieures, telles qu’elles furenttransmises à l’«Ordre Hermétique de l’Aube Dorée». Cesenseignements figurent aussi dans les degrés termi-naux de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, oùils sont peu à peu révélés aux membres, du moins àceux qui se révèlent dignes de ce privilège.

L’existence des Rose-Croix fut rendue publique auXVIIe siècle par la publication des trois Manifestes aux-quels nous nous sommes déjà référés. S’il semble établique Jean-Valentin Andreae fut l’auteur des «Noces chy-miques de Christian Rosenkreutz» (1616), la «FamaFraternitatis» (1614) et la «Confessio Fraternitatis» (1615)auraient été rédigées par un Collège de Rose-Croix, le


Cercle de Tübingen, auquel Andreae lui-même appar-tenait. Si ce dernier fut le plus célèbre des Rose-Croixallemands de cette époque, il ne faut pas négliger pourautant les grands alchimistes rosicruciens que furentHadrian von Mynsicht et Michael Maïer (1568-1622),dignes successeurs de Gutmann et de Figulus. Men-tionnons également Johann Faulhaber, probablementl’initiateur de Descartes (1596-1650) au Rosicrucianis-me, ainsi que Joachim Morsius (1593-1643), importantpar ses relations avec le grand théosophe chrétienJacob Bœhme (1575-1624), qui écrivit plusieurs livresfondamentaux pour tous ceux qui s’intéressent à l’éso-térisme.

Pour comprendre le Rosicrucianisme, il faut savoirque l’Ordre de la Rose-Croix a toujours fait alterner descycles d’occultation complète (où les secrets ne sontpartagés que par quelques hauts Initiés dissimulantleur existence mais conservant un Cercle Intérieurdont l’accès, privilège insigne, demeure extrêmementdifficile) et des cycles où il révèle son existence augrand jour et s’ouvre aux initiables. Périodiquementdonc, des Initiés sont mandatés pour faire connaître laFraternité à tous les chercheurs qui sont dignes derecevoir ses enseignements. Telle fut précisément lamission du Cercle de Tübingen. En cela, la découvertedu tombeau de Christian Rosenkreutz ne fut qu’uneallégorie signifiant que le moment était alors venu deprocéder à la résurgence de l’Ordre en Allemagne.

D’Allemagne, le Rosicrucianisme se répandit vers lespays voisins. D’après l’Allemand Konrad Orvius, il exis-tait en 1622, à La Haye, une Loge de Rose-Croix ayantdes groupes correspondants à Amsterdam, Nuremberg,Dantzig, Erfurt, Mantoue et Venise. Dans leurs assem-blées, ils portaient un grand cordon bleu soutenant une


croix d’or ayant en son centre la rose hermétique, unsymbole rosicrucien typique. En France, les Frères dela Rose-Croix commencèrent à faire parler d’eux en1623, date de l’apposition inopinée sur les murs deParis d’affiches manuscrites. Parmi les Rose-Croixfrançais de cette époque, on peut inclure avec certitudeMichel Potier, David de Planiscampy et le fameux abbéMonfaucon de Villars. [...]

Le Rosicrucianisme trouva en Angleterre une nou-velle terre d’élection. Robert Fludd (1574-1637), quiavait été initié à la Rose-Croix vers 1600 au cours deses voyages en Allemagne, se consacra à répandre età développer les doctrines rosicruciennes. Parmi lesRosicruciens anglais de cette génération et de la sui-vante, il faut mentionner notamment Francis Bacon(1561-1626), auteur de la «Nouvelle Atlantide», ainsique le célèbre astrologue et alchimiste Élias Ashmole(1617-1692). Précisons que tous deux jouèrent un rôleimportant dans les relations historiques existant entrela Rose-Croix et la Franc-Maçonnerie. Mentionnonségalement les deux frères jumeaux Henri et ThomasVaughan, deux célébrités de la Littérature anglaise del’époque, ainsi que Robert Boyle (1627-1691). [...]

Après avoir cherché vainement à rencontrer lesRose-Croix parfaits, détenteurs d’enseignements secrets,le public se lassa de les rechercher. Le bruit courutmême qu’ils s’étaient retirés dans cet Orient mysté-rieux qui a toujours fasciné les Européens... Cepen-dant, l’Ordre subsistait en Occident, à l’abri desregards indiscrets. Et au début du XVIIIe siècle, SamuelRichter, dit Sincerus Renatus, le sortira à nouveaude son silence. Le Rosicrucianisme se présente alorscomme une systématisation de la Pansophie du siècle


précédent, c’est-à-dire comme la systématisation ulti-me de l’alchimie, tant spirituelle que matérielle. Nous nepouvons l’aborder en détails, mais nous allons en rap-peler les principes généraux, qui sont au cœur del’ésotérisme rosicrucien. [...]

Nous devons bien reconnaître qu’en ce qui concerneles rites d’initiations et, d’une manière plus générale,les enseignements de l’Ordre, les Rose-Croix d’hier etd’aujourd’hui se sont toujours montrés réticents pouren parler, ce qui explique entre autres pourquoi leurFraternité a toujours été considérée par les historienscomme une société secrète. Mais cette discrétion n’est-elle pas légitime, en ce monde où la spiritualité est sisouvent tournée en dérision et où sévit toujours unecertaine “chasse aux sorcières” ? Notons aussi que lesRose-Croix ont souffert jadis de l’Inquisition et plusprès de nous du nazisme. On peut donc comprendrequ’ils soient plutôt discrets sur leurs activités et qu’ilsn’attirent pas l’attention sur eux». [...]

Pour nous résumer en ce qui concerne les originesdu Rosicrucianisme, tout du moins sur le plan his-torique, nous devons admettre l’existence de «Frèresde la Rose-Croix» durant le Moyen-Âge. Par ailleurs, ilest indéniable que certains mouvements rosicruciensactuels sont bien les héritiers de toute une suite demouvements initiatiques médiévaux. S’il est faux decroire à un mouvement ésotérique restant extérieure-ment toujours le même au cours des âges, la filiationinitiatique, la transmission d’un mouvement à un autre,n’en est pas moins une réalité fondamentale dans l’his-toire des doctrines et rites rosicruciens. C’est ainsi queles Frères de la Rose-Croix, dont les Manifestes de1614, 1615 et 1616 devaient révéler l’existence au public


européen, furent les héritiers directs des idéaux de leursprédécesseurs».

Pour clore ce chapitre, je souhaiterais simplementpréciser que si vous souhaitez approfondir l’histoire duRosicrucianisme en général et de l’A.M.O.R.C. en particu-lier, vous pouvez lire l’ouvrage «Rose-Croix — Histoireet Mystères», publié en 2003 par la Diffusion Tradition-nelle. De nos jours, il est considéré comme l’un des plussérieux écrits sur le sujet.


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Couverture intérieure de la «Fama Fraternitatis»,publiée en 1614.


En mars 2001, l’A.M.O.R.C. a publié un Manifeste que des histo-riens de l’ésotérisme de renommée mondiale situent dans lalignée des trois Manifestes parus au XVIIe siècle.

2.

ÉMERGENCE DE L’A.M.O.R.C.

Comme je l’ai indiqué dans le chapitre précédent,l’héritage des Rose-Croix du XVIIe siècle se perpétua àtravers le temps. Au XVIIIe siècle, le mouvement rosi-crucien le plus connu était l’Ordre de la Rose-Croixd’Or d’Ancien Système, et au XIXe siècle l’Ordre Kab-balistique de la Rose-Croix. Harvey Spencer Lewis(1883-1939), dont les ancêtres venus du Pays de Gallesavaient émigré en Amérique, s’intéressait depuis denombreuses années à l’ésotérisme occidental et connais-sait la Tradition rosicrucienne. En 1909, il se rendit enFrance pour rencontrer les Rose-Croix qui résidaientdans ce pays. Après l’avoir éprouvé comme il se doit, ilsl’initièrent dans un château situé dans la banlieue deToulouse. Mieux encore, ils lui confièrent une grandepartie de leurs archives et lui demandèrent de retour-ner avec en Amérique. Parallèlement, il reçut la mis-sion de procéder à la résurgence de l’Ordre dans leNouveau Monde et de mettre ses enseignements sousune forme écrite. Il faut en effet préciser qu’en Franceet dans les pays voisins, ils n’avaient été transmis jus-qu’alors que d’une façon orale, dans des lieux tenussecrets en raison des risques de persécutions.

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Harvey Spencer Lewis ne fut pas seulement ungrand penseur, et il ne se limita pas à écrire les premiè-res monographies de l’A.M.O.R.C. à partir des archivesque les Rose-Croix d’Europe lui avaient confiées. Ilavait également un esprit très inventif et créa le pre-mier planétarium et le premier musée d’égyptologie dela côte ouest des États-Unis. Ce musée existe toujoursactuellement. Reconnu par le Conseil International desMusées (I.C.O.M.) et par le Musée Égyptien du Caireentre autres, il accueille chaque année des centaines demilliers de visiteurs et reçoit régulièrement la visited’égyptologues éminents. Quelques années auparavant,Spencer Lewis avait fondé l’une des premières radiosprivées de New-York, consacrée surtout à des program-mes d’ordre culturel et philosophique. À cela s’ajoutentles nombreuses peintures qu’il réalisa sur des thèmesésotériques et symboliques, certaines ayant acquis unerenommée nationale.

Avec le recul, on peut se demander pourquoi lesRose-Croix d’Europe confièrent une telle mission à unésotériste américain. L’Histoire permet de répondre àcette question. En effet, le 28 juillet 1914 éclatait enEurope la Première Guerre mondiale, avec son cortèged’horreurs et de destructions. Il faut croire que lesRose-Croix, auxquels on a toujours prêté une certaineaptitude à anticiper l’avenir, avaient prévu cette guerreet l’état de ruines qui en résulterait. En faisant en sor-te que leurs archives soient acheminées en Amérique,ils évitèrent qu’elles ne soient détruites. Parallèlement,ils permirent à l’Ordre de la Rose-Croix de renaître surce continent au moment même où il entrait en sommeilen Europe. Quoi qu’il en soit, Harvey Spencer Lewiss’acquitta avec compétence de la mission qui lui avaitété confiée, et c’est alors qu’il fit connaître l’Ordre sous


le nom d’«Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix»,afin de mettre en évidence ses origines historiques ettraditionnelles.

Ce n’était pas la première fois que l’Ordre de laRose-Croix entrait en sommeil dans une partie dumonde pour s’éveiller dans une autre. Cela s’était déjàproduit à plusieurs reprises dans les siècles passés.À ce sujet, il faut savoir que Christian Rosenkreutz,personnage auquel on attribue parfois la création dela Fraternité rosicrucienne, n’a pas vécu au XVe sièclecomme le laisse supposer la «Fama Fraternitatis». Enréalité, il correspond à un mythe qui se rattache préci-sément au fait que l’Ordre fonctionnait jadis selon descycles alternant des périodes d’activité et d’inactivité.Pour être plus précis, lorsque les circonstances nécessi-taient qu’il entre en sommeil dans un pays, on faisaitsavoir que le moment était venu de mettre en tombe uncertain Christian Rosenkreutz. Inversement, lorsquele moment était venu de l’activer ou de le réactiver enquelque contrée du monde, on publiait un Manifesteannonçant qu’on avait découvert une tombe contenantle corps d’un mystérieux Christian Rosenkreutz et quele moment était venu de l’exhumer.

Comme chacun sait, une Deuxième Guerre mon-diale allait décimer l’Europe et en faire le théâtred’atrocités dont seul l’homme est capable lorsqu’il selaisse dominer par la recherche du pouvoir et par lahaine. Dans cette tourmente dont nous connaissonstous l’ampleur, le continent américain fut épargné, desorte que Harvey Spencer Lewis put poursuivre le tra-vail commencé dès 1909. Entre les deux guerres, il serendit régulièrement en Europe, afin d’y rencontrer lesRose-Croix qui vivaient en France et dans les pays voi-sins. Au cours de ces visites, signalons qu’il fut invité

31Émergence de l’A.M.O.R.C.

plusieurs fois dans des cercles maçonniques, notammenten septembre 1926, à Paris, où il reçut les honneurs duGrand Orient de France. Comme nous le verrons dansla deuxième partie de ce livre, cette obédience maçon-nique a pris depuis une orientation plutôt matérialisteet laïciste, au point que la plupart de ses Loges interdi-sent désormais aux Rose-Croix d’en faire partie. Il enest d’ailleurs de même du Droit Humain, qui lui sembleinféodé...

C’est juste après la Deuxième Guerre mondiale quel’A.M.O.R.C. put s’établir sur le continent européen etmettre son enseignement à la disposition de tous leschercheurs susceptibles d’être intéressés. En France,l’A.M.O.R.C. existait déjà à l’état embryonnaire depuis1931, mais c’est le 19 juin 1948 qu’il commença vérita-blement son cycle actuel d’activité, sous la responsabi-lité de Jeanne Guesdon (1884-1956). Dans les mois quisuivirent, il rayonna dans les pays francophones limi-trophes, c’est-à-dire en Belgique et en Suisse. Puis ils’étendit rapidement au Québec, aux DOM-TOM et àl’Afrique francophone, où il contribua et contribueencore à lutter contre la superstition et les divisionsethniques. De nos jours, la juridiction française estl’une des plus importantes du monde.


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Extrait de la lettre que Harvey Spencer Lewis adressa à sonépouse en date du 13 août 1909, depuis Toulouse. Il luidéclare notamment qu’il a été initié à la Rose-Croix et qu’ilen remercie Dieu, ajoutant que les engagements furent sévères.

3.

STRUCTURE ACTUELLE DE L’A.M.O.R.C.

L’A.M.O.R.C. s’étend actuellement au monde entier,mais il comprend plusieurs juridictions, chacune cou-vrant, par-delà les frontières, tous les pays de mêmelangue. C’est ainsi qu’il existe une juridiction allemande,anglaise, espagnole, française, grecque, italienne, japo-naise, néerlandaise, nordique, portugaise, russe, etc.Le siège de chaque juridiction, traditionnellement dési-gné sous le nom de «Grande Loge», est dirigé par unGrand Maître, lequel est élu pour un mandat renouve-lable de 5 ans. Précisons que ce titre est symbolique etne veut absolument pas dire que celui ou celle qui leporte est un être supérieur et qu’il détient un pouvoirabsolu sur les membres. En fait, il désigne simplementcelui ou celle qui dirige une juridiction à un momentdonné. Je dois préciser également que les responsablesde l’A.M.O.R.C. comme ses membres sont opposés à toutculte de la personnalité.

Dans son ensemble, l’A.M.O.R.C. est dirigé par unConseil Suprême qui se compose des Grands Maîtresde toutes les juridictions du monde. Ce Conseil est pla-cé sous l’autorité et la présidence de l’Imperator, titresymbolique qui ne veut pas dire “Empereur”, comme onle croit souvent. Sur le plan traditionnel, il provient du

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terme latin «Imperare sibi», qui signifie «Maître de soi».Déjà, en 1710, Sincerus Renatus (Samuel Richter), quise disait disciple de Paracelse et de Bœhme, utilisa ceterme dans l’un de ses ouvrages pour nommer le res-ponsable des Rose-Croix. De nos jours, il désigne celuiou celle qui assume la plus haute fonction dans l’Ordre.En tant que tel, l’Imperator supervise les activités detoutes les Grandes Loges. Comme chaque Grand Maître,il est élu à cette fonction pour une durée renouvelablede 5 ans. Le Conseil Suprême de l’Ordre comporte actuel-lement 17 membres, parmi lesquels plusieurs femmes,et se réunit au moins une fois par an dans l’une ou l’au-tre des juridictions.

Dans tous les pays du monde, l’A.M.O.R.C. est uneorganisation à but non lucratif. Il n’a en effet aucuncaractère commercial. En vertu de ce principe, l’ensei-gnement rosicrucien ne peut être acheté et n’est pasvendu, mais prêté sous forme de monographies. Com-me toute association fraternelle ou culturelle, l’Ordredoit subvenir à ses propres besoins et il le fait grâce àla cotisation annuelle que lui versent ses membres.Malgré les frais considérables engendrés par l’en-seignement écrit qui leur est transmis (secrétariat,informatique, envois postaux, imprimerie, etc.), cettecotisation annuelle est raisonnable. En France, elle estactuellement de 254 €* et peut être versée par fractiontrimestrielle ou semestrielle. Il faut savoir égalementque les membres résidant dans des pays défavoriséssur le plan économique bénéficient d’une cotisationréduite. Certains en sont même exonérés lorsqu’ils tra-versent une période trop difficile sur le plan financier.

En France, l’A.M.O.R.C. a le statut d’association loi1901. Il est donc dirigé par un Conseil d’Administra-tion, dont les 5 membres sont élus dans leurs fonctions


* Année 2006.

respectives et régulièrement remplacés. Le Grand Maîtrelui-même ne fait pas partie de ce Conseil et ne possèdeaucun pouvoir administratif, financier ou juridique,son rôle concernant la direction et la supervision desactivités purement philosophiques. Conformément auxstatuts de l’Ordre, aucun profit financier ne peut êtreréalisé par l’un de ses membres ou de ses dirigeants,les fonds de l’A.M.O.R.C. étant utilisés uniquement pourcouvrir les dépenses liées à son fonctionnement géné-ral. Par ailleurs, tous ses comptes sont supervisés etauthentifiés par un expert-comptable et un commissai-re aux comptes qui n’en sont pas membres, ceci dansune volonté de transparence. Ajoutons que tout mem-bre peut y avoir librement accès.

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Sigle de l’A.M.O.R.C. depuis sa résurgence en 1909.

Structure actuelle de l’A.M.O.R.C.

4.

ENSEIGNEMENT ROSICRUCIEN

Étant donné que les origines traditionnelles del’A.M.O.R.C. remontent aux Écoles de Mystères de l’Égypteantique, l’enseignement qu’il perpétue de nos jours intè-gre la Gnose égyptienne, telle qu’elle était transmisedans les Écoles de Mystères de l’époque. Mais il ne selimite pas à cette Gnose. En effet, les grands philoso-phes de la Grèce antique, puis les néoplatoniciens, luiajoutèrent leurs propres préceptes. Ensuite, ce sont lesalchimistes du Moyen-Âge et les penseurs de la Renais-sance qui l’ont enrichie, parmi lesquels Nicolas Flamel,Cornélius Agrippa, Paracelse, Pic de la Mirandole,Léonard de Vinci, John Dee, etc.

Au XVIIe siècle, des Rose-Croix éminents ont préciséet développé certains aspects de l’antique héritage,parmi lesquels Francis Bacon, Michael Maier, auquel jeme suis référé dans le premier chapitre, Robert Fludd,Élias Ashmole, Coménius (père spirituel de l’U.N.E.S.C.O.),etc. À des époques plus récentes, des personnagesimportants ont été membres de l’Ordre ou en contactavec lui. On peut citer entre autres Jacob Bœhme,René Descartes, Baruch Spinoza, Isaac Newton,Wilhelm Leibniz, Cagliostro, Benjamin Franklin, leComte de Saint Germain, Michel Faraday, Papus,

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Stanislas de Guaita, Joséphin Péladan, Claude Debussy,Éric Satie…

Depuis 1909, début du cycle actuel de l’A.M.O.R.C.,d’autres Rosicruciens spécialisés dans divers domainesdu savoir ont apporté leur contribution à son enseigne-ment. Parmi eux, nous trouvons naturellement ceuxqui ont assumé ou assument encore des fonctions ausein de l’Ordre, mais également des membres qui, entant que physiciens, chimistes, biologistes, psycholo-gues, médecins, artistes ou philosophes, travaillentconstamment à l’enrichissement culturel et spirituel dela connaissance rosicrucienne. En ce sens, la TraditionRose-Croix n’est pas figée dans le passé, car elle estcontinuellement enrichie.

Comme je l’ai déjà précisé, l’enseignement rosicru-cien était transmis uniquement de bouche à oreille dansles siècles passés. Désormais, il s’échelonne sur douzedegrés et se présente sous forme de monographies quisont envoyées tous les mois aux membres de l’A.M.O.R.C.Le but de ce livre n’étant pas de présenter en détail cequi est enseigné dans l’Ordre, je me limiterai à direqu’ils traitent de sujets auxquels les mystiques se sonttoujours intéressés : la nature du Divin, l’origine del’univers, la structure de la matière, les concepts detemps et d’espace, le but de l’existence, les lois de la vie,l’âme humaine et ses attributs, les phases de la cons-cience, les phénomènes psychiques, les mystères de lanaissance, de la mort et de l’après-vie, le karma et laréincarnation, le symbolisme traditionnel, les grandestraditions ésotériques du passé… Parallèlement à cessujets philosophiques et mystiques, l’enseignementrosicrucien intègre également l’apprentissage de tech-niques fondamentales en matière de mysticisme, tellesque la relaxation, la concentration, la visualisation, la


création mentale, la méditation, la prière, l’alchimiespirituelle, etc.

Une question que l’on peut se poser à propos del’enseignement de l’A.M.O.R.C. est de savoir s’il estréservé uniquement à des personnes qui possèdent déjàun certain acquis culturel et philosophique. La réponseest non, car le style des monographies et le vocabulaireemployé ne posent aucun problème de compréhension.Par ailleurs, les sujets sont traités graduellement, nonseulement à l’intérieur de chaque degré, mais égale-ment d’un degré à l’autre. J’ajouterai que l’enseigne-ment rosicrucien n’a pas pour but de développerl’intellect, mais d’éveiller l’intelligence du cœur, carc’est elle qui fait la valeur et la dignité de tout êtrehumain.

Il est important également de comprendre que l’en-seignement de l’A.M.O.R.C. n’est pas spéculatif. Certes,certains sujets traités dans les monographies sontnécessairement abstraits. À titre d’exemple, lesconcepts de Dieu, de l’âme humaine, du temps et del’espace, etc. font appel à des notions que l’on ne peutréduire à des données cartésiennes. Cela dit, chaquefois que cela est possible, les explications données ontun caractère pragmatique et font référence à la viecourante. Par ailleurs, la plupart des monographiess’achèvent par une “Application Pratique” destinée àexpérimenter les principes étudiés. À cet égard, le Rosi-crucianisme ne véhicule pas une connaissance purementthéorique, auquel cas il se limiterait à une forme d’intel-lectualisme sans grand intérêt.

Peut-être est-il utile de préciser que l’enseignementrosicrucien n’a absolument aucun caractère dogma-tique. Autrement dit, il est dénué de tout dogme et ne

41Enseignement rosicrucien

comporte aucun credo sectaire. Ainsi, dès le début deson affiliation, il est demandé à chaque Rosicrucien detoujours rester un “vivant point d’interrogation” parrapport à la connaissance qui lui est transmise. À toutmoment, il reste libre de refuser les principes qui heur-tent sa compréhension personnelle ou qui n’ont pas sonapprobation. En cela, le but du Rosicrucianisme estdavantage d’amener les membres de l’Ordre à se poserdes questions qu’à leur apporter des réponses catégori-ques sur tel ou tel sujet. Une telle démarche cultive unesprit tolérant tout en posant les bases d’une person-nalité indépendante dans le choix de ses convictionsphilosophiques.

Bien que l’enseignement rosicrucien se présentedésormais sous une forme écrite, l’A.M.O.R.C. continuenéanmoins à perpétuer l’aspect oral de la Traditionrosicrucienne, telle qu’elle s’est transmise à travers lesâges. Ainsi, les membres qui le souhaitent peuvent serendre dans des Loges de l’Ordre. Il s’agit de lieux deréunion où ils se consacrent à des travaux mystiques.Sans entrer dans les détails, disons que les Rosicruciensqui les fréquentent échangent sur les sujets qu’ils étu-dient chez eux et peuvent ainsi évaluer la compréhensionqu’ils en ont. Mais les Loges servent aussi de cadres àdes rencontres fraternelles basées sur la tolérance et lerespect de l’autre. En cela, l’A.M.O.R.C. constitue uneFraternité mondiale qui ne fait aucune distinction derace, de nationalité, de religion et de classe sociale.


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Ce texte officiel résume en douze lois majeures l’Ontologie des Rose-Croix, c’est-à-dire l’idée qu’ils se font de la Création en général et del’homme en particulier. Précisons néanmoins que ces lois n’ont aucuncaractère dogmatique.

5.

PHILOSOPHIE ROSICRUCIENNE

Indépendamment de l’enseignement que l’A.M.O.R.C.perpétue à travers les monographies, en quoi consistela philosophie rosicrucienne ? Pour répondre à cettequestion, le mieux est peut-être de porter à votreconnaissance un exposé que j’ai adressé en octobre1998 aux Loges de l’Ordre et qui traite précisément dece thème. À l’origine, cet exposé était destiné unique-ment aux Rosicruciens, mais je pense qu’il a sa placedans ce livre :

«Si j’ai souhaité m’adresser à vous aujourd’hui,c’est parce que j’en ai ressenti le besoin intérieur.Sachez d’ores et déjà que ce n’est pas pour vous donnerdes nouvelles particulières au sujet de notre Ordre, carje le fais régulièrement dans le bulletin mensuel quevous recevez avec les monographies. C’est tout simple-ment pour partager avec vous une réflexion sur unthème qui m’est cher, à savoir la philosophie. En effet,les Rosicruciens que nous sommes aiment se définircomme étant des philosophes, et notre Ordre lui-mêmeest de nature philosophique. C’est pourquoi j’aimeraisvous faire part de mon point de vue sur ce sujet et vousconfier en toute fraternité ce qu’il m’inspire.

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En premier lieu, il est peut-être utile de rappeler quele mot «philosophie» peut être défini de deux manières.Littéralement, il veut dire «amour de la sagesse», maispar extension, il signifie également «science de la vie».Bien que ces deux définitions soient complémentaires,elles expriment néanmoins des notions, des concepts etdes idéaux quelque peu différents. Je vous proposedonc de les examiner et de voir ce qu’elles impliquentau niveau de notre quête spirituelle. De cette manière,nous pourrons mettre en évidence l’idéal de comporte-ment qui devrait nous animer, non seulement lorsquenous sommes entre nous, mais également dans notrevie quotidienne, au contact de nos frères et sœurs dumonde que nous qualifions de «profane», à défaut d’unterme plus approprié.

Si nous considérons la première définition du mot«philosophie», à savoir, je le répète, «amour de la sagesse»,nous en déduisons qu’un philosophe, au sens noble dece terme, est quelqu’un qui «aime la sagesse». Pourl’anecdote, sachez que c’est Pythagore qui est à l’originedu mot «philosophie». Avant lui, les philosophes de laGrèce antique étaient appelés «sages». Le «Conseil desSages» était d’ailleurs une institution à Athènes. CeConseil réunissait les plus grands penseurs du moment,lesquels étaient chargés de réfléchir et de légiférer surles problèmes de société qui se posaient alors, que cesoit dans le domaine de la morale, de l’économie, de lapolitique, de la religion, etc. C’est ainsi que Pythagorelui-même fut qualifié de «sage». Mais comme il étaitparticulièrement modeste, il considérait qu’il étaitencore trop imparfait pour mériter un tel qualificatif.Il demanda par conséquent qu’on ne dise pas de luiqu’il était sage, mais qu’il «aimait la sagesse», ce qu’il


jugeait déjà très louable. Ainsi naquit le mot «philo-sophie».

Comme le suggèrent les quelques explications pré-cédentes, on ne peut être véritablement philosophe sil’on manque d’humilité. Cela, nous le savons tous. Maisqui d’entre nous peut dire en son âme et consciencequ’il est vraiment humble en pensée, en parole et enaction ? Qui, parmi nous, n’éprouve jamais le besoind’attirer l’attention, d’occuper le centre d’une conversa-tion, de donner un avis qu’on ne lui a pas demandé, defaire état de ses mérites, de montrer sa supérioritédans tel ou tel domaine, etc. ? Cela dit, nous ne devonspas nous culpabiliser à l’idée de savoir que nous nesommes pas aussi humbles que nous le voudrions, carnous sommes nécessairement imparfaits et évoluonsprécisément dans le but de nous parfaire. Si nous avonsle sentiment de manquer d’humilité, nous devons plutôtaccepter cet état de fait avec philosophie et travaillersans relâche sur nous-mêmes pour acquérir cette vertu.Parallèlement, et c’est là me semble-t-il une priorité,nous devons faire tout notre possible pour que lesautres ne subissent pas les effets négatifs de nos élansd’orgueil. Ce faisant, non seulement nous leur témoi-gnons le respect ou l’affection qui leur est dû, maisnous manifestons également notre désir de devenirmeilleur dans notre comportement. À cet égard, rappe-lez-vous toujours que ce n’est pas le fait d’être impar-fait qui est coupable karmiquement, mais le manqued’effort à se parfaire.

De toute évidence, la sagesse ne se limite pas àfaire preuve d’humilité. Être sage, c’est en fait expri-mer dans son comportement toutes les vertus que l’onattribue à l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plusdivin. Dans l’absolu, c’est donc être patient, confiant,

47Philosophie rosicrucienne

tolérant, altruiste, intègre, non violent, etc. Cela dit,être philosophe, au sens premier que nous avons rappe-lé précédemment, ne consiste pas à être réellementsage, bien que ce soit l’idéal à atteindre, mais à aimerla sagesse. Autrement dit, c’est d’abord et avant toutêtre animé par l’amour de ce qui est bien dans le com-portement humain. Cela suppose que l’on peut êtrephilosophe tout en étant imparfait, à condition, natu-rellement, de s’évertuer à se parfaire. En tant que Rosi-cruciens, nous sommes donc bien des philosophes, cars’il est un fait que nous ne sommes pas véritablementdes sages, nous aspirons effectivement à devenir meil-leurs et à exprimer la Sagesse divine dans notre manièrede vivre.

Mais les philosophes que nous sommes ne doiventpas se limiter à aimer ce qui est bien dans le comporte-ment humain, ni même à tout faire pour s’y conformerdans la vie quotidienne. Nous devons également trans-mettre cet amour aux autres et leur donner le désir des’intéresser à la philosophie. Autrement dit, nous devonsfaire en sorte qu’eux-mêmes en viennent à aimer et àrechercher la sagesse, but ultime de la quête humaine.Le meilleur moyen d’y parvenir consiste à nous com-porter aussi dignement que possible en toutes circons-tances et à être pour eux l’exemple vivant de la sérénitéque procure un tel comportement. Cela implique pournous de manifester les idéaux éthiques et philosophi-ques qui nous animent, afin que ces idéaux se réflé-chissent à travers nous et deviennent pour autrui uneréférence morale et spirituelle. Telle est la conditionpour que nous devenions le miroir de ce qu’il y a de plusnoble dans la nature humaine.

De ce qui précède, vous déduirez que la philosophie,au sens d’«amour de la sagesse», implique également


l’amour des autres, au point de souhaiter qu’ils deviennentencore plus vertueux que nous dans leur comporte-ment et qu’ils connaissent les plus belles bénédictionsdivines, avec tout ce qui en résulte en termes de bon-heur et de Paix Profonde. Être philosophe, c’est doncaimer la sagesse pour soi-même, mais également pourautrui. Autrement dit, c’est aimer que les autres l’ai-ment et la possèdent. C’est même prier pour qu’ilsl’acquièrent, car quiconque la détient est un instru-ment de Bien parmi les hommes et rend le mondemeilleur. En effet, n’oublions jamais que l’humanitéentière s’élève chaque fois qu’un seul être humain faitpreuve de sagesse. Cela revient finalement à dire quela philosophie, dans l’expression la plus pure de sonsens littéral, est l’amour de l’homme pour l’homme, cequi fait d’elle un vecteur d’humanisme.

Venons-en maintenant au sens second du mot «phi-losophie», c’est-à-dire au sens de «science de la vie». Lavie, comme vous le savez, sert de support à l’évolutionde l’âme humaine. En effet, c’est parce qu’elle possèdeun corps physique qu’elle est capable d’évoluer sur leplan terrestre. Sans lui, elle ne pourrait acquérir lesleçons grâce auxquelles elle doit se parfaire et prendregraduellement conscience de sa perfection latente, envue de sa réintégration finale et définitive dans l’Omni-science divine. Pour nous, une telle chose est évidente,mais la grande majorité des hommes sont encore dansl’ignorance de cette évidence. Pour la plupart d’entreeux, la vie est l’interlude conscient que tout être humainconnaît entre la naissance et la mort, avec ses joies, sespeines et ses épreuves. Ne sachant pas vraiment pour-quoi ils vivent, ils ne peuvent donner à leur existence ladimension spirituelle qu’elle devrait avoir. Certes, nom-bre d’entre eux ont une quête religieuse, mais cette


quête est fondée essentiellement sur la croyance, etnon sur la connaissance. Or, la science de la vie n’estautre que la connaissance.

Mais qu’est-ce que la connaissance, au sens philoso-phique de ce terme ? En premier lieu, c’est savoir enquoi consiste le but ontologique de la vie, tel que nousvenons de le définir. Autrement dit, c’est savoir quenous vivons pour évoluer vers la perfection de notrepropre nature divine. En second lieu, c’est connaître leslois spirituelles qui régissent cette évolution. C’est doncà la fois la science et la conscience du pourquoi et ducomment de l’existence humaine. Cependant, une telleconnaissance ne suffit pas à rendre l’homme meilleurdans son comportement. Il doit pour cela la mettre enpratique, non seulement pour son propre bien-être,mais également pour celui des autres. Vu sous cetangle, on ne peut être philosophe qu’en appliquantdans la vie quotidienne ce que l’on sait et connaît enmatière de mysticisme. Si on ne le fait pas, la philo-sophie que l’on croit posséder se réduit à des préceptesthéoriques qui peuvent satisfaire le mental, mais quine répondent en aucun cas aux aspirations de l’âme.Elle se limite alors à nous donner l’illusion d’être desphilosophes.

Nous venons de dire qu’être philosophe, c’est appli-quer la connaissance des lois qui régissent l’évolutionspirituelle de l’homme. Parmi ces lois, il en est une quevous connaissez tous et qui est extrêmement impor-tante, à savoir le karma. Comme vous le savez, cetteloi, que l’on appelle également «loi de compensation»,opère de telle manière que chacun récolte tôt ou tardce qu’il a semé, en négatif comme en positif. Or, vousconviendrez que le fait d’en avoir conscience n’est passuffisant pour nous inciter à toujours bien penser, bien


parler et bien agir, que ce soit d’ailleurs entre Rosicru-ciens ou non. Autrement dit, cela ne nous empêche pasd’entretenir parfois des pensées négatives, d’avoir despropos malveillants et de commettre des actes répré-hensibles. Si tel est le cas, c’est précisément parce quenous n’avons pas toujours la volonté d’appliquer ce quenous savons, non seulement au regard de la loi kar-mique, mais également au regard d’autres lois se rap-portant à notre évolution intérieure. De toute évidence,nous devons cultiver cette volonté et en faire le supportde notre existence, afin de vivre conformément à notrephilosophie.

Les remarques précédentes me conduisent à évo-quer un autre point indissociable de la philosophie.Vous connaissez tous l’adage «science sans consciencen’est que ruine de l’âme», que l’on attribue à Rabelais.Appliqué à la science matérialiste, il signifie naturelle-ment qu’elle est une source de mal et de destruction sielle n’est pas utilisée dans un but humaniste, c’est-à-dire au service de l’homme, tant sur le plan matérielque spirituel. Mais cet adage nous éclaire égalementsur ce que nous avons dit précédemment. En effet, ilillustre le fait que posséder la «science de la vie» n’estutile au Bien que si nous l’employons réellement pourcontribuer à l’évolution de la conscience, que ce soitd’ailleurs dans son expression individuelle ou collec-tive. Dans le cas contraire, elle ne profite pas à l’épa-nouissement de l’âme. Pour reprendre le même adageen le positivant et en le paraphrasant quelque peudans son application purement philosophique, je diraipar opposition que «science et conscience font le bonheurde l’âme».

Étant donné que la philosophie est à la fois l’«amourde la sagesse» et la «science de la vie», nous pouvons


combiner ces deux définitions pour en trouver une troi-sième. Il en est une qui apparaît immédiatement, àsavoir l’«amour de la vie». Il est un fait que l’on ne peutêtre philosophe si l’on n’aime pas la vie car, commenous l’avons dit précédemment, elle sert de support àl’évolution de l’âme humaine et lui permet de s’éleververs la Perfection, jusqu’à atteindre l’état de Puretéabsolue. Mais elle est davantage encore : elle est l’unedes plus belles manifestations des lois divines ; elle estle Souffle grâce auquel Dieu vit et Se contemple à tra-vers nous. Pour toutes ces raisons, nous devons aimerla vie et faire tout ce qui est en notre pouvoir pourqu’elle soit belle, heureuse et utile, et ce, malgré les dif-ficultés et les épreuves auxquelles elle nous confronteparfois. En un mot, nous devons en faire le fondementde notre philosophie et nous rappeler constamment quela grandeur de l’homme se situe dans le fait qu’il est,non seulement un être vivant, mais également et sur-tout une âme vivante.

Mais la vie ne se manifeste pas uniquement à tra-vers l’homme. Elle s’exprime également à travers tousles êtres vivants qui peuplent notre planète. Cela veutdire qu’un philosophe véritable aime et respecte tousles règnes de la nature, car chacun d’eux sert de véhi-cule à l’Âme universelle et participe pleinement à sonévolution. Dans cet ordre d’idée, nous devons considé-rer les animaux comme nos “petits” frères, d’autantplus qu’il est évident pour moi que les plus évoluésd’entre eux sont des hommes en devenir. À cet égard,toutes les souffrances qu’on leur impose pour des rai-sons injustifiées sont une offense à Dieu et génèrentdes karmas négatifs à l’encontre de l’humanité elle-même, notamment dans le domaine des maladies. Ilen sera ainsi aussi longtemps que nous ferons souffrir


inutilement les animaux, car nous devons apprendre àles aimer et à les considérer comme une extension denous-mêmes, au même titre que nos frères humains.Dans son application la plus noble, la philosophieinclut donc l’amour de tous les êtres que la vie a mis aumonde, ce qui donne au mot «fraternité» une dimensionuniverselle, pour ne pas dire divine.

À présent, je voudrais insister sur un point qui mesemble très important. En effet, vous savez tous que laphilosophie rosicrucienne est profondément spiritua-liste. Autrement dit, elle prône l’existence de Dieu et lapossibilité pour l’homme d’étudier les lois divines, ausens de lois naturelles, universelles et spirituelles. Jesuis d’ailleurs convaincu que c’est dans cette étude querésident la raison de notre présence sur Terre et la clédu bonheur auquel nous aspirons. Par ailleurs, nosenseignements nous apprennent comment agir sur leplan spirituel pour contribuer au Bien, ce qui, naturel-lement, n’exclut pas de le faire également sur le planmatériel. Dans cet ordre d’idée, nous avons tous undevoir d’entraide envers tous ceux qui souffrent, que cesoit physiquement ou moralement. Je voudrais doncsaisir cette occasion pour vous rappeler combien cedevoir est important. En fait, il est le fondement del’œuvre humaniste à laquelle les Rosicruciens se consa-crent depuis des siècles, en application même de leurphilosophie. Dans l’absolu, pas une journée ne devraitpasser sans que nous ayons œuvré au service de l’hu-manité souffrante.

Si j’ai souhaité vous parler aujourd’hui du sensqu’un Rosicrucien doit donner au mot «philosophie»,c’est tout simplement parce que j’aimerais que chacunde nous se comporte véritablement en philosophe. Eneffet, je suis convaincu que c’est dans la philosophie


que réside le fondement de la quête que nous avonsentreprise sous les auspices de la Rose-Croix. En cela,comprenez bien que ce n’est en aucun cas dans l’acqui-sition de “pouvoirs” psychiques, paranormaux, trans-cendantaux ou autres. Certes, l’homme possède de tels“pouvoirs” à l’état latent, et il est possible de les déve-lopper graduellement, je pense notamment à l’intuitionou à la prémonition. Mais ce développement est tout-à-fait secondaire par rapport à l’éveil de nos facultésspirituelles, lesquelles correspondent précisément auxvertus de l’âme elle-même. Vous noterez d’ailleurs quenombre de Grands Initiés du passé, je pense en parti-culier à Socrate, Plotin, Milarépa, Rûmi, Spinoza,Louis-Claude de Saint-Martin, Gandhi et tant d’autres,n’accordaient aucun intérêt aux “pouvoirs” psychiques.Pourtant, ils font partie des plus belles âmes que l’hu-manité ait connues et demeurent à jamais des témoinsde la Sagesse divine. À ce titre, ils furent des philoso-phes hors du commun».

En plus des points traités dans cet exposé, je sou-haiterais préciser qu’en application de la philosophieprônée par l’A.M.O.R.C., les Rosicruciens ont à cœur decontribuer au bonheur des autres. C’est pourquoi nom-bre d’entre eux s’investissent dans des actions carita-tives et s’emploient à aider ceux qui en ont besoin. Encela, ils sont vraiment humanistes et participent plei-nement à la vie sociale. On ne peut donc leur reprocherde vivre en autarcie ou de se couper du monde, ce quiest le cas des adeptes de certaines sectes, mais égale-ment de ceux et celles qui vivent dans des monastères,des couvents, etc.


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Ce document officiel constitue en lui-même un hymne à la paix, idéalauquel Nicolas Roerich (1874-1947), membre éminent de l’A.M.O.R.C.,consacra toute sa vie. Sa célèbre «bannière de la paix» reste un témoi-gnage vivant de son implication dans ce domaine.

6.

ÉTHIQUE ROSICRUCIENNE

La philosophie rosicrucienne accorde une grandeimportance à l’éthique. Cela signifie qu’elle est fondéesur un idéal de comportement, c’est-à-dire sur le res-pect de certaines valeurs et sur le désir de se parfaire.Ayant traité ce sujet dans un ouvrage intitulé «L’idéaléthique des Rose-Croix», je vous propose d’en découvrirquelques extraits qui vous permettront de mieuxappréhender en quoi consiste cet idéal :

«En tant qu’êtres humains, nous sommes tous impar-faits. Autrement dit, nous avons tous des défauts, lesuns étant apparents, les autres moins visibles. Quoiqu’il en soit, nous savons en notre âme et conscienceque nous sommes perfectibles. Si vous admettez que lebut de notre évolution spirituelle est de nous parfaireet d’exprimer dans notre comportement les vertusinhérentes à notre âme, la première chose à faireconsiste à admettre nos faiblesses et à accepter de lestransmuter, non seulement pour notre propre bien-être, mais également pour ne plus les imposer auxautres. Le seul moyen d’y parvenir consiste à nous ana-lyser nous-mêmes et à essayer de définir ce que nous

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devrions penser ou ne pas penser, dire ou ne pas dire,faire ou ne pas faire, pour manifester le meilleur denotre nature profonde et nous comporter aussi digne-ment que possible sur le plan humain. Cela impliquede nous livrer à une profonde introspection et d’agir enconséquence. [...]

LA PATIENCE

«Comme toutes les vertus inhérentes à l’âmehumaine, la patience contribue à notre bien-être etfacilite les relations avec autrui. C’est pourquoi les per-sonnes patientes sont à la fois une bonne compagniepour elles-mêmes et pour les autres. Sachant parfai-tement que la vie est faite d’imprévus qui retardentcertaines échéances ou engendrent des contretempsindépendants de notre volonté, elles savent attendre ets’adapter aux circonstances, ce qui constitue une formede maîtrise de soi. À l’inverse, les impatients s’irritentlorsque les choses ne se déroulent pas comme ilsl’avaient prévu, notamment lorsqu’ils subissent unquelconque retard dans leurs activités, qu’elles soientprofessionnelles ou autres. Ce faisant, ils perturbentinutilement leur harmonie intérieure et se mettentdans un état mental et émotionnel négatif, ce qui leurattire bien souvent une série de désagréments.

De toute évidence, la patience est liée à l’impor-tance que chacun accorde au temps. Dès lors que l’onen fait un élément fondamental de son existence, on nepeut être que désemparé lorsqu’on ne le maîtrise plus.Par extension, l’impatience se manifeste lorsqu’on a lesentiment de “perdre son temps”, que ce sentiment soitfondé ou non. À l’idée de devoir attendre ou de ne paspouvoir faire ce qu’il avait prévu à un moment donné,l’impatient s’exaspère, se stresse et, bien souvent,


devient désagréable avec son entourage. Plutôt que des’adapter aux circonstances et de les accepter avecphilosophie, il les refuse et s’y oppose, créant avec ellesun rapport de force dont il ne peut être vainqueur. Cer-tes, il n’est jamais agréable de remettre à demain ceque l’on devait faire aujourd’hui, mais n’est-il pas plussage de «faire contre mauvaise fortune bon cœur ?». [...]

LA CONFIANCE

«Comme c’est le cas de toutes les vertus, laconfiance doit s’appliquer dans tous les domaines del’existence et devenir une partie intégrante de notrepersonnalité, afin de se manifester pleinement dansnotre comportement. En premier lieu, il faut apprendreà avoir confiance en soi-même, car nous possédons tousdes qualités, des facultés, des aptitudes et des dons quifont de chacun de nous un être utile au bien commun.Nombre de personnes se sous-estiment et, par timiditéou par manque d’assurance, manquent des occasionsde partager avec d’autres leurs connaissances ou leursavoir-faire. Le plus souvent, cette timidité et ce man-que d’assurance sont dus à des blocages psychologiquesrésultant de leur éducation ou de leur tempérament.Quiconque est sujet à de tels blocages doit donc s’effor-cer de les transcender, afin de pouvoir exprimer sespotentialités et acquérir plus de confiance en lui, condi-tion nécessaire pour révéler ce qu’il a de meilleur etmettre ses talents au service des autres.

S’il est vrai que la confiance en soi mérite d’êtredéveloppée, il faut prendre garde à ne pas se montrertrop sûr de soi, car l’excès d’assurance est lui-mêmeune faiblesse. En fait, présumer de nos forces physiques,de nos aptitudes mentales, de nos facultés psychiques

59Éthique rosicrucienne

ou de notre degré d’évolution spirituelle est une formed’orgueil ou d’inconscience. Dans les cas extrêmes, unetelle présomption peut avoir des conséquences gravespour nous-mêmes ou pour autrui, notamment lors-qu’elle conduit à s’investir dans des activités qui dépas-sent nos possibilités réelles. Comme en toute chose, c’estla loi du juste milieu qui doit guider notre état d’espritet notre comportement. Dans ce domaine, il convientdonc de faire la part des choses et d’être à la fois cons-cient de ses capacités et de ses lacunes, ce qui évite dese laisser griser par les unes ou décourager par lesautres. Cela implique naturellement de se connaître etde gérer avec discernement cette connaissance de soi».[...]

LA TEMPÉRANCE

«Comme vous le savez certainement, la tempéranceest une vertu à laquelle il est souvent fait mention dansles écrits des sages. D’une manière générale, elle cor-respond à la voie du juste milieu, telle que l’hommedevrait l’appliquer dans les différents aspects de sonexistence. Autrement dit, elle s’apparente à un compor-tement qui évite les extrêmes en toute chose et en toutecirconstance, un tel comportement traduisant en lui-même un besoin et un désir constants de modération.Certaines personnes, en raison même de leur tempéra-ment et de leur caractère, sont d’un naturel tempéré etn’ont donc aucun effort à faire dans ce domaine. D’au-tres ne le sont pas et ont tendance à être excessives,non seulement dans leur choix, mais également dansleur manière de se comporter. Cette tendance est sou-vent préjudiciable à leur bien-être, car elle les incite àchercher leur équilibre dans des situations paradoxa-les, ce qui est impossible.


Puisque la tempérance correspond à la voie du justemilieu, elle se situe entre deux faiblesses extrêmes,l’une étant le laxisme et l’autre l’agitation. Comme lemontre l’observation, le propre des individus laxistesest une passivité exagérée qui résulte, soit d’un manqued’enthousiasme ou de motivation, soit d’une paresse“maladive”, au sens péjoratif ou pathologique de ceterme. Dans tous les cas, ils se laissent porter par lesévénements et choisissent la solution du moindre effort.Autrement dit, ils recherchent la facilité et fuient lesresponsabilités ou n’assument pas celles qui leur sontconfiées. De toute évidence, une telle attitude ne peutapporter aucune satisfaction intérieure, car elle est enopposition avec l’âme, laquelle éprouve un besoin cons-tant d’agir et de connaître des expériences nouvelles,afin de parfaire son évolution. Dans une certaine mesu-re, nous pouvons considérer que le laxisme est uneforme de démission à l’égard de soi-même, d’autrui etdu but même de la vie». [...]

LA TOLÉRANCE

«Dans son sens le plus général, la tolérance est lavertu qui consiste à accepter que d’autres aient des opi-nions différentes des nôtres et puissent les exprimer, etce, dans quelque domaine que ce soit. Cela impliqueune certaine ouverture d’esprit et un sens aigu de lafraternité. Cela nécessite également d’avoir l’humilitéde reconnaître que l’on ne détient pas le monopole de lavérité. En dernière analyse, l’intolérance est souventl’expression d’un ego non maîtrisé. Dans les cas extrê-mes, elle est tout simplement le résultat de la bêtise,c’est-à-dire d’un manque réel d’intelligence. Quoi qu’ilen soit, il faut savoir écouter les autres et puiser dansleurs propos une opportunité de remettre en cause nos


propres points de vue. Certes, cela est parfois difficile,notamment lorsque notre interlocuteur est lui-mêmeintolérant ou de mauvaise foi. Mais c’est précisémenten de telles circonstances qu’il faut se montrer tolérantet faire preuve de sagesse.

Avant de poursuivre, une remarque importantes’impose néanmoins, pour ne pas dire une mise engarde. En effet, il ne faut surtout pas confondre tolé-rance et faiblesse, ce qui est malheureusement tropsouvent le cas. Cela signifie qu’il y a des situations etdes comportements intolérables, au sens propre duterme. Dans cet ordre d’idée, il me semble que tout dis-cours ou toute action qui constitue une menace pourl’intégrité ou le bien-être d’autrui ne doit pas êtretoléré, tant sur le plan individuel que collectif. Dans lecas contraire, on se rend complice de toutes les formesque le mal peut prendre sur notre Terre. En ce sens,tous les extrémismes, qu’ils soient politiques, religieuxou autres, sont une atteinte à la dignité humaine et nedoivent être cautionnés sous quelque forme que cesoit». [...]

LE DÉTACHEMENT

«En comparaison des vertus que nous avons étu-diées dans les chapitres précédents, le détachementpeut sembler de moindre importance, car la nécessitéd’acquérir cette qualité ne paraît pas évidente a priori,notamment pour ceux qui ont une conception matéria-liste de l’existence et qui se laissent dominer par l’ins-tinct de possession. Certes, il est normal d’éprouver uncertain attrait envers les choses matérielles, car ellesfont partie intégrante de notre existence et contribuentà notre bien-être. Cela dit, il faut veiller à ce que cet


attrait ne se transforme pas en un attachement exces-sif aux biens terrestres et ne devienne pas un idéal devie. D’un point de vue philosophique, le meilleur moyend’éviter ce risque consiste à se recentrer constammentsur la spiritualité et à se rappeler régulièrement que cemonde n’est que le support de notre évolution inté-rieure.

Chacun sait que l’on ne peut emporter dans l’au-delà ce que l’on a acquis matériellement sur cetteTerre. Pourtant, nombre de personnes se comportentcomme si une telle chose était possible, accumulantsans cesse des richesses, parfois malhonnêtement ouau détriment des autres. La plupart d’entre elles n’enprofitent d’ailleurs pas, soit parce que la mort ou lamaladie vient les en priver, soit parce que leur vie est“empoisonnée” par la crainte de les perdre. Quoi qu’ilen soit, les biens que l’homme peut acquérir sur le planterrestre ne lui sont utiles que s’ils répondent auxbesoins légitimes de son corps physique tout en contri-buant à l’épanouissement de son âme. Dans le cascontraire, ils n’ont aucun intérêt au regard de son évo-lution intérieure et sont un fardeau qui ralentit samarche sur le sentier de sa propre spiritualisation». [...]

L’ALTRUISME

«L’altruisme, au sens philosophique de ce terme, estla vertu que pratiquent tous ceux qui œuvrent au ser-vice d’autrui ou d’une cause utile à l’humanité, d’unemanière totalement désintéressée et dans le seul butde contribuer au bien. Cette vertu témoigne de l’intérêtque l’on accorde à son prochain et traduit en elle-mêmeun haut niveau de conscience. C’est précisément pourcette raison qu’il y a relativement peu de personnes


vraiment altruistes. Certes, nombre d’individus fontpreuve de gentillesse, de serviabilité et d’entraide àl’égard des autres, mais il est rare que cet élan soitl’idéal permanent de leur vie, au point de lui sacrifierleurs intérêts personnels et leur propre bien-être. Or,c’est dans cet esprit d’abnégation et dans ce don de soique résident les fondements de l’altruisme.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser a prio-ri, une personne altruiste n’est pas nécessairementquelqu’un qui croit en Dieu et qui, sous l’effet de cettecroyance, se consacre à faire le bien autour d’elle. Eneffet, il y a des athées qui font preuve de beaucoup d’al-truisme, car bien que n’étant pas croyants, ils ont foi enla vie et en l’homme lui-même. Dans leur cas, cette foi“non religieuse” est suffisante pour leur inspirer ledésir d’aider leur prochain chaque fois que l’occasionleur en est donnée. En ce sens, on peut tout à fait êtrebienveillant et charitable sans pour autant adhérer àune religion ou à une école mystique particulière. Cequi importe avant tout dans ce domaine, c’est l’intérêtque l’on porte à ses semblables et le sens que l’on donneà la fraternité humaine. Autrement dit, c’est le degréd’humanisme que chacun a atteint, et ce, indépendam-ment de ses convictions religieuses, philosophiques oupolitiques». [...]

L’INTÉGRITÉ

«Comme toutes les vertus que l’homme doit appren-dre à développer pour exprimer sa perfection latente,l’intégrité constitue l’un des fondements de la dignitéhumaine. Dans l’absolu, quiconque en est dépourvuest donc indigne de lui-même et de la confiance queles autres lui accordent. Cela dit, il est relativement


difficile d’être totalement intègre en pensée, en paroleet en action. S’il en est ainsi, c’est parce que les circons-tances de la vie nous confrontent constamment à notrepropre imperfection et nous soumettent à des tenta-tions multiples. D’un point de vue rosicrucien, ces ten-tations ont leur raison d’être et sont utiles à notreévolution spirituelle, car elles nous mettent face ànous-mêmes et sont le miroir de notre propre moralité.De ce fait, elles contribuent à notre prise de consciencegraduelle de ce qui est bien et de ce qui est mal dans lecomportement humain.

Qu’est-ce que l’intégrité ? D’une manière générale,nous pouvons considérer que c’est le respect desvaleurs morales auxquelles nous croyons, étant enten-du que ces valeurs soient conformes au bien-être phy-sique, mental et spirituel d’autrui. Être intègre, c’estdonc vivre conformément à ses idéaux, dès lors qu’ilsne s’opposent pas aux intérêts des autres. À l’inverse,ne pas être intègre, c’est se mentir à soi-même, soitpour se conforter à mal agir tout en essayant de se don-ner bonne conscience, soit pour tromper ceux qui ontmoins d’expérience, et ce, dans quelque domaine que cesoit. Il en résulte que l’intégrité va de pair avec l’honnê-teté, vertu qui est en elle-même l’expression d’une âmepure. Elle fait également appel à l’équité, c’est-à-direau sens de la justice, telle que nous pouvons l’appliquerdans notre vie quotidienne». [...]

L’HUMILITÉ

«L’humilité est l’une des vertus les plus difficiles àdévelopper, car elle est fondée sur la maîtrise de l’ego.La question qui se pose est donc de savoir ce qu’estl’ego ? Au regard de la psychologie, il correspond à


notre Moi objectif, c’est-à-dire à notre personnalitéconsciente. Autrement dit, il est le «je» auquel nousnous identifions constamment à l’état de veille. En tantque tel, il est le centre de notre activité mentale et lefondement de notre individualité. C’est pourquoi il està la fois notre propre source de référence et le supportde nos relations avec autrui. En raison même de sanature, il est très difficile de dissocier l’ego de notreapparence physique. Vous remarquerez d’ailleurs quelorsque nous pensons à nous-mêmes ou à une situa-tion dans laquelle nous sommes impliqués, nous nousvoyons sur l’écran de notre conscience, ne serait-ce quequelques secondes. Dans le même ordre d’idée, vousavez certainement remarqué que lorsque nous parlonsd’une autre personne, son visage nous vient régulière-ment à la pensée tout au long de notre conversation.

Au regard de la philosophie rosicrucienne, l’ego necorrespond pas uniquement au Moi objectif. Autrementdit, il n’est pas le produit exclusif de nos fonctions céré-brales et des processus de conscience qui en résultent.Il est également le reflet de notre âme et traduit sondegré d’évolution. Cela signifie que les qualités et lesdéfauts qui transparaissent dans notre comportementquotidien sont l’expression de notre personnalité inté-rieure. Quoi qu’il en soit, l’ego fait partie intégrante dela nature humaine. Contrairement à ce qu’affirmentcertaines écoles de philosophie, il est donc impossiblede l’annihiler. Il est vain également de le combattre,car un tel combat aboutirait nécessairement à un rap-port de force qui ne ferait qu’accroître son emprise. Ondoit plutôt lui accorder toute notre attention et appren-dre à le maîtriser. Comment ? En ne lui permettant pasde dominer notre comportement, en le canalisant versdes objectifs, et en transmutant chacun de nos défauts


en sa qualité opposée. Tel est précisément le fondementde l’alchimie spirituelle à laquelle tout être humaindevrait se consacrer». [...]

LE COURAGE

«Bien que le courage ait a priori une connotationmoins spirituelle que la plupart des vertus que nousavons considérées dans les chapitres précédents, il n’endemeure pas moins que celui qui en est dépourvu nepeut s’épanouir pleinement sur le plan intérieur, car ilse prive alors d’un grand nombre d’expériences utiles àson évolution intérieure. Dans les cas extrêmes, laparesse favorise l’apparition des défauts les plus com-muns à la nature humaine, tels l’égoïsme, la jalousie, lamalhonnêteté, etc. En cela, l’adage «L’oisiveté est mèrede tous les vices» est parfaitement significatif. Certes, ily a des individus plus ou moins courageux de nature,cette différence pouvant être liée à l’éducation ou avoirune origine physiologique, psychologique, voire patho-logique. D’autre part, selon le tempérament de chacun,ce que d’aucuns vont considérer comme un acte ou unepreuve de courage semblera normal ou naturel à d’au-tres. Il n’y a donc aucune règle précise dans ce domaine.

D’une manière générale, le courage est indisso-ciable de la notion d’effort. C’est précisément pour cetteraison que l’on associe généralement cette vertu autravail. Il est un fait que travailler nécessite d’êtrecourageux, et ce d’autant plus que les difficultés àaffronter sont grandes. À cet égard, nous ne pouvonsnier que certaines activités, qu’elles soient profession-nelles ou domestiques, sont plus pénibles que d’autreset nécessitent par conséquent davantage d’efforts. Parailleurs, la motivation joue un rôle important, en ce


sens qu’il est plus facile d’accomplir une tâche qui nousplaît que de faire quelque chose qui ne présente aucunintérêt pour nous. C’est pourquoi tous ceux qui exer-cent un métier qu’ils n’aiment pas sont particulière-ment méritants, car cela leur demande encore plus decourage et d’abnégation. Mais soyons confiants enl’avenir de l’humanité et gageons que le jour viendra oùla société sera organisée de telle manière que chacuntrouvera la place qui correspondra le mieux à sescompétences et à ses aspirations profondes». [...]

LA NON-VIOLENCE

«Lorsqu’on évoque la notion de non-violence, onpense tout d’abord à l’absence de guerre, c’est-à-dire àla paix. Or, depuis que les hommes sont apparus surTerre, nous devons malheureusement reconnaître qu’ilsn’ont jamais cessé de s’agresser mutuellement et des’entre-tuer, le plus souvent pour s’approprier le biend’autrui ou pour exercer leur domination sur les autres.À cet égard, l’espèce humaine est la seule à s’auto-détruire sous l’influence de la haine. S’il en est ainsi,c’est parce qu’elle est également la seule à posséder laconscience de soi et son corollaire : le libre arbitre.Chaque être humain a donc le pouvoir d’agir en opposi-tion avec sa nature divine et de donner libre cours à sesinstincts les plus destructeurs, lesquels sont inhérentsaux aspects les plus primitifs de sa personnalité. L’undes buts de son évolution spirituelle est précisément demaîtriser le guerrier qui sommeille en lui et de devenirun agent de la Paix universelle.

S’il est vrai que toutes les guerres ont leur originedans les instincts les plus destructeurs de la naturehumaine, la plupart d’entre elles sont générées par des


idéologies partisanes qui sont généralement d’ordreéconomique, politique ou religieux. Autrement dit,nombre d’entre elles résultent du fait que l’homme atendance à défendre ses propres intérêts et à imposerses croyances aux autres, au besoin par la force. L’égoïs-me et l’intolérance sont donc les deux causes majeuresdes conflits qui ravagent le monde. Dans l’absolu, celasignifie que la paix ne sera possible qu’à partir dumoment où chacun se sentira pleinement concerné parle bonheur d’autrui et acceptera l’idée qu’il ne détientpas le monopole de la vérité, et ce, dans quelque domai-ne que ce soit. En conséquence, les guerres durerontaussi longtemps que les hommes se laisseront guiderpar des idéaux purement matérialistes et manquerontd’humanité, au sens le plus noble de ce terme». [...]

LA BIENVEILLANCE

«Comme son nom l’indique, la bienveillance est lavertu qui consiste à être bienveillant, c’est-à-dire àfaire le bien. Par opposition, on est malveillant à partirdu moment où l’on fait intentionnellement le mal. Maisqu’est-ce que le bien ? D’une manière générale, nouspouvons considérer qu’il s’agit de toute pensée, touteparole ou toute action contribuant au bonheur desautres. Par opposition, le mal correspond à tout com-portement mettant en cause leur intégrité physique,mentale ou spirituelle. Pour paraphraser ce que tousles sages du passé ont enseigné à ce sujet, la bienveil-lance consiste donc à faire à autrui ce que l’on voudraitqu’il nous fasse et à ne pas lui faire ce que l’on ne vou-drait pas qu’il nous fasse. Cela implique, sinon d’aimernotre prochain, du moins de le respecter et de ne jamaischercher à lui nuire, de quelque façon que ce soit et pourquelque raison que ce soit.


D’un point de vue philosophique, il est plus difficilede faire le bien que le mal, tout du moins tant qu’on n’apas atteint un niveau de conscience suffisamment éle-vé. En effet, faire le bien implique un effort constantpour mettre le meilleur de soi-même au service d’autruiou d’une noble cause. À l’inverse, pour faire le mal, ilsuffit de laisser nos défauts se manifester dans notrecomportement, voire même de nous limiter à êtrepassifs. À titre d’analogie, il est impossible d’avoir unbeau jardin si l’on ne s’emploie pas régulièrement à lecultiver et à l’entretenir, ce qui nécessite un travail per-manent. Dans le cas contraire, les mauvaises herbesl’envahissent rapidement, le dénaturent et le transfor-ment en friche. De même, la bienveillance nécessite,non seulement de faire le bien, mais également de s’op-poser au mal, d’où le symbolisme traditionnel de l’Épéeflamboyante». [...]

LA SAGESSE

«Si la sagesse est la dernière des douze vertus trai-tées dans ce livre, c’est parce qu’elle les contient toutes.Pour être plus précis, elle en est la synthèse. Dansl’absolu, cela signifie qu’être sage, c’est être patient,confiant, tempéré, tolérant, détaché, altruiste, intègre,humble, courageux, non violent et bienveillant, ce quinécessite une grande maîtrise de soi et un degré cer-tain de perfection. C’est pourquoi très rares sont lespersonnes qui peuvent être qualifiées de «sages». Eneffet, le commun des mortels ne réunit au mieux quequelques-unes de ces qualités, ce qui est déjà appré-ciable. En outre, certains défauts sont plus négatifs qued’autres, en particulier l’envie, l’égoïsme et l’orgueil.Mais quiconque en “souffre” et réussit à s’en défaire abeaucoup de mérite, tant sur le plan humain que sur le


plan divin. À cet égard, il faut toujours se rappeler quece n’est pas le fait d’être imparfait qui est karmique-ment coupable, mais le manque d’effort à se parfaire.

Indépendamment des vertus dont elle est la syn-thèse, nul ne peut nier que la sagesse est indissociablede la connaissance. C’est précisément pour cette raisonqu’un ignorant ne peut être sage. Cela dit, encore faut-ils’entendre sur ce que l’on appelle «connaissance». D’unpoint de vue rosicrucien, il ne s’agit pas du savoir intel-lectuel que certaines personnes se targuent de posséderet dont elles font étalage, le plus souvent sous l’impul-sion de leur ego. En fait, un tel savoir est nécessaire-ment relatif, arbitraire et limité, tant est vaste ce qu’ilest possible d’apprendre sur le plan purement culturel.Par ailleurs, il est le propre de nos fonctions cérébraleset non de nos facultés spirituelles. Autrement dit, ilconcerne notre mental et ne dure par conséquent qu’uneseule vie, alors que la véritable connaissance fait partieintégrante de notre âme et demeure en elle au-delà decette incarnation».

Voici donc une approche de l’éthique des Rose-Croix, telle qu’ils essaient de l’appliquer dans leur viequotidienne. Certes, on peut ne pas y souscrire ou latrouver utopique, mais je pense qu’il faudrait être demauvaise foi pour y voir l’idéologie d’une secte dange-reuse pour la société. En effet, cultiver la patience, laconfiance, la tempérance, la tolérance, le détachement,l’altruisme, l’intégrité, l’humilité, le courage, la non-violence, la bienveillance et la sagesse n’a rien de sec-taire, mais traduit au contraire un profond respect desautres.



Ce texte officiel exprime l’importance que les Rose-Croix accordent àl’éthique, fondée sur l’éveil des vertus les plus positives qu’ils prê-tent à l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus divin.

7.

SALONS DE LA ROSE-CROIX

Les Rose-Croix se sont toujours intéressés à l’art,qu’ils considèrent comme le langage de l’âme. Au coursdes siècles passés, ils ont d’ailleurs compté parmi euxdes artistes célèbres, notamment de grands musiciens,tels Claude Debussy et Érik Satie. À une époque plusrécente, Édith Piaf fut membre de l’A.M.O.R.C. (quelquetemps après son admission dans l’Ordre, elle chanta«Soudain, une Vallée...», chanson* dans laquelle elle seréfère à la «Paix Profonde» des Rose-Croix). De nosjours encore, certains Rosicruciens œuvrent égalementdans divers domaines artistiques, mais conformémentaux règles de l’Ordre, leur affiliation est confidentielle.Il ne nous appartient donc pas de révéler leur identité,d’autant plus que la “chasse aux sorcières” qui sévit enFrance depuis quelque temps pourrait leur causer degraves préjudices.

En raison de l’intérêt que l’A.M.O.R.C. accorde à l’art,il perpétue de nos jours une activité qui remonte à lafin du XIXe siècle : les Salons de la Rose-Croix. En sep-tembre 1996, un texte retraçant l’histoire de ces Salonsa été publié dans la revue Rose-Croix, revue officielle del’Ordre. Vous en trouverez ci-après un large extrait. En

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* Cette chanson fut écrite par le célèbre compositeur Jean Dréjac, quifut lui aussi membre de l’A.M.O.R.C. jusqu’à sa mort en 2003.

le lisant, vous pourrez mieux comprendre l’esprit quiles animait et les anime toujours :

«En 1892, les Parisiens pouvaient admirer uneaffiche qui invitait les curieux à une manifestationpublique de l’Ordre de la Rose-Croix : les «Salons dela Rose-Croix». En quoi consistaient ces mystérieuxSalons et quelle est leur relation avec la Rose-Croixd’aujourd’hui ? C’est ce que nous vous proposons dedécouvrir en feuilletant quelques pages de l’histoire duRosicrucianisme moderne.

À la fin du XIXe siècle, l’Occident s’émerveille desnouveaux pouvoirs que lui apportent la science etl’industrie. La science triomphe et l’homme sent qu’àl’approche du XXe siècle, la modernité va lui apporter lebonheur. Cependant, quelques esprits éclairés, philo-sophes, mystiques et artistes s’inquiètent des pers-pectives qu’offre ce progrès. Cette tendance s’affirmeparticulièrement chez les Symbolistes, un mouvementartistique qui regroupe des artistes de toutes discipli-nes. Joséphin Péladan, qui se rangera du côté des Sym-bolistes, pose lui-même le problème en ces termes : «Lavitesse matérielle accélère-t-elle la vie intérieure, etl’homme avec des ailes n’aura-t-il pas le même cœur etles mêmes peines ?». C’est à son frère Adrien (1844-1885), l’un des premiers homéopathes français, queJoséphin doit sa formation mystique et son entrée dansla Rose-Croix.

En 1884, le jeune Joséphin part à la conquête deParis en publiant «Le Vice suprême», premier roman del’époque où apparaissent des thèmes ésotériques. Cetouvrage, publié avec une préface de Barbey d’Aurevilly,connaît un succès rapide et lui assure immédiatement


la célébrité. Péladan est avant tout passionné par lesarts. Il participe à de nombreuses revues artistiques dela fin du XIXe siècle, comme «La Plume», «Le Mercure deFrance», «La Gazette artistique», ainsi que «Studio»,une revue internationale lue par l’élite intellectuelle del’époque. Il collabore aussi à «L’Artiste», premier jour-nal français exclusivement consacré à l’art. ThéophileGautier en fut le rédacteur en chef et les articles yétaient signés des plus grands noms de l’époque :Blanc, Baudelaire, les Goncourt, Huysmans. Péladanassura pour cette revue la critique des Salons pendantquatorze ans. Parallèlement à ses romans et à ses livresésotériques, il consacrera plusieurs études aux peintrescomme Rembrandt, Dürer, Herbert, Frans Hals, etc. Sonouvrage, «Léonard de Vinci, textes choisis», lui valut leprix Charles Blanc de l’Académie française.

En mai 1891, Péladan crée l’«Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal», dont il avait déjà tracél’esquisse dans son premier roman en 1884. Sa créationfit l’objet de plusieurs articles dans «Le Figaro». Enjuin, il se présente comme étant le Grand Maître de cenouvel Ordre rosicrucien sous le nom de Sâr MérodackPéladan et le définit comme «une Confrérie de charitéintellectuelle, consacrée à l’accomplissement des œuvresde miséricorde selon le Saint-Esprit, dont il faut aug-menter la Gloire et préparer le Règne». Péladan juge lacivilisation latine en état de dégénérescence. Pour lui,seul l’art peut encore sauver l’Occident d’un désastreimminent. Il voit en lui un instrument propre à inver-ser la tendance. L’activité essentielle de l’Ordre de laRose-Croix du Temple et du Graal est donc consacrée àl’organisation d’expositions et de soirées dédiées auxbeaux-arts. Selon le Sâr, son but est de «restaurer entoute splendeur le culte de l’Idéal, avec la Tradition pourbase et la Beauté pour moyen».

75Salons de la Rose-Croix

Le Salon de la Rose-Croix organisé du 10 mars au10 avril 1892 est le premier «geste esthétique» de Péladan.Il convie tous les artistes de son époque à exposer auxSalons rosicruciens par un mandement publié dans «LeFigaro». Il demande à un artiste dont il a déjà remar-qué le talent, de composer l’affiche de cette première.Celle-ci, réalisée dans une tonalité de bleu, évoque lerêve. Elle suggère la hiérarchie ternaire de l’humanitéau travers de trois figures féminines. La première estenchaînée dans des eaux fangeuses et regarde un esca-lier décoré de lys blancs et de roses, qui monte vers lalumière. Cette première femme représente l’humanitéaspirant à une vie meilleure, mais enchaînée au mondede la matière. La seconde vient de se dégager de seschaînes et monte la première marche de l’escalier. Ellefigure l’Initié en chemin vers l’Illumination. La troi-sième, transparente de lumière, reçoit dans sa main uncœur descendant du ciel. Elle représente la Maîtrise decelui qui est relié au Divin.

L’époque où les Salons rosicruciens ouvrent leursportes est en pleine effervescence artistique. Nous som-mes au cœur de ce qu’on appelle dans l’histoire de l’artle «Symbolisme». Influencés par les idées d’EmmanuelSwedenborg, que Balzac appelle «le Bouddha du Nord»,les Symbolistes veulent devenir les mystiques de l’art.À cette époque, les peintres s’opposent au réalisme aca-démique et beaucoup de salons privés s’installent enmarge des manifestations officielles. Parmi ceux-là, lesSalons de la Rose+Croix ne passèrent pas inaperçus, etde nos jours encore il y est fait référence dans les ency-clopédies et les ouvrages consacrés à la peinture decette époque.

Les Salons de la Rose-Croix s’inscrivent dans lemouvement Symboliste. Péladan, à l’image de John


Ruskin pour les Préraphaélites anglais, se donne lerôle de mentor des peintres symbolistes. Dans sonouvrage «Comment on devient artiste», il développel’ensemble de sa théorie sur l’esthétique. Pour lui, l’arta une mission spirituelle et se doit, tout comme la reli-gion, de magnifier le Principe divin et d’y faire partici-per autrui. Il est la recherche de Dieu par la beauté,et l’œuvre parfaite est celle qui réunit toutes les perfec-tions. Il ne suffit pas qu’elle satisfasse seulementl’intellect ; il faut également qu’elle soit, pour celui quila contemple, un tremplin qui permette l’élévation del’âme. Péladan qualifie l’homme «d’animal artistique».Il voit en lui un attrait irrésistible vers le beau. Cetterecherche du beau est motivée par la nostalgie d’uneharmonie perdue, qu’instinctivement l’homme recher-che en toutes choses.

Dans son livre «L’Art idéaliste et mystique», Péladaninvite l’artiste à une réflexion. Pour lui, l’artiste véri-table est celui qui possède la faculté de sentir, par lacontemplation, les qualités immatérielles des objets,qui réussit à capter l’influx céleste du Verbe Créateur :«Artiste... sais-tu que l’art descend du ciel, comme la viecoule du soleil ? Sais-tu qu’il n’est pas de chef-d’œuvrequi ne soit le reflet d’une idée éternelle ? Ce que l’onnomme abstrait, peintre ou poète, le sais-tu ? C’est unpeu de Dieu même dedans une œuvre. Apprends que si tucrées une forme parfaite, une âme viendra l’habiter, etquelle âme ! une parcelle de l’Archée...». C’est à cettequête mystique que Péladan invite les artistes.

Ceux qui souhaitent participer aux Salons ne sontpas tenus d’adhérer à l’Ordre de la Rose-Croix du Templeet du Graal. La condition unique de leur participationest que leurs œuvres répondent aux caractéristiquesgénérales d’un règlement sévère qui bannit certaines


représentations : les scènes militaires ou historiques,les représentations d’animaux domestiques et les «acces-soires et autres exercices que les peintres ont d’ordinairel’insolence d’exposer». La sélection est assurée par unjury dont les membres portent le titre de «Magnifiques».Il se compose de différentes personnalités dont les plusconnues sont :

— le comte Antoine de la Rochefoucauld, qui est lefinancier des Salons (après le dernier Salon de la Rose-Croix, il deviendra le protecteur des peintres Nabis) ;

— le comte de Larmandie, le "Commandeur deGeburah", qui est l’historiographe du mouvement etfut pendant longtemps secrétaire des gens de lettres enFrance ;

— Élémir Bourges, de l’Académie Goncourt, écrivaindont certaines œuvres, comme «La Nef», sont emprein-tes des idées du Sâr ;

— Saint-Pol Roux, dit justement «le Magnifique»,écrivain proclamé par les Surréalistes comme l’un desmaîtres de l’art moderne. L’ensemble des œuvres qu’ilélabora sous le nom d’«Idéoréalisme» est nettementempreinte de la philosophie rosicrucienne de Péladan ;

— Gary de Lacroze, le "Commandeur de Tiphereth".

Le premier Salon ouvre ses portes le 10 mars 1892à la galerie Durant-Ruel, rue Lepelletier, à Paris. Soixanteartistes ont répondu à l’appel lancé par Péladan, et lecatalogue de l’exposition comprend 250 œuvres. Rémyde Gourmont, dans sa chronique du «Mercure de France»,qualifie ce Salon comme étant «la grande manifestationartistique de l’année». Malgré certaines critiques - il estvrai que les œuvres exposées ne sont pas toutes à la


hauteur de l’idéal souhaité par le Sâr -, le public afflue.La foule est si importante que la préfecture doit inter-venir pour régler la circulation, car la rue est obstruéepar les visiteurs attendant d’être admis dans la galerie,qui ne peut contenir que 200 personnes à la fois. Aprèsla fermeture des portes, on compte 22.600 visiteurs. Lesuccès est considérable et la présence d’artistes étran-gers lui donne un retentissement mondial.

Le Salon est inauguré avec cérémonial, sur unemusique spécialement composée par Érik Satie, le com-positeur officiel de l’Ordre. Les journées sont prolon-gées par les «Soirées de la Rose-Croix», consacrées à lamusique et au théâtre. On y écoute des conférences dePéladan sur l’art et la mystique. La musique occupeune place importante ; on peut écouter des œuvres deVincent d’Indy, de César Franck, de Richard Wagner,de Palestrina, d’Érik Satie et de Benedictus. JoséphinPéladan rêvait de redonner au théâtre sa fonctionantique de drame rituel, dont l’exemple le plus remar-quable était, selon lui, les Mystères d’Éleusis, de laGrèce antique. Il écrivit lui-même quelques drames :«Le Prince de Byzance», «Babylone» et «Le Fils des étoi-les», accompagné par une musique d’Érik Satie.

Parmi les nombreux artistes qui participèrent à ceSalon comme aux suivants, signalons :

— Luc-Olivier Merzon, plus connu du public pouravoir dessiné les célèbres billets de 50 F et de 100 F ;

— Henri Martin, dont le désir d’expression mys-tique le rapproche parfois de Gustave Moreau (il existedes toiles de ce peintre dans la Salle des Illustres, auCapitole de Toulouse) ;


— Charles Filligier, qui exposa au Salon de 1892(André Breton, qui possédait plusieurs de ses toiles, luitrouvait un accent précurseur du Surréalisme) ;

— Jean Delville, qui se lia d’amitié avec Péladan etsera le Consul de la Rose-Croix en Belgique. (Certainesde ses œuvres sont inspirées des «Grands Initiés»d’Édouard Schuré) ;

— Aman-Jean, dont le tableau «La Jeune Fille aupaon» eut un immense succès au salon rosicrucien en1895. (Il dessina l’affiche du Salon de 1893 et fut trèslié avec Péladan et Mallarmé) ;

— Émile Bernard, l’ami de Toulouse-Lautrec et deGauguin, qui rejoindra le groupe de Pont-Aven. (Il estconsidéré comme l’un des pères du Symbolisme) ;

— Georges de Feure, le plus élégant des Symbolis-tes, qui fut également un grand décorateur de livres etde mobilier, et un créateur de l’Art Nouveau ;

— Eugène Grasset, l’un des plus intéressants illus-trateurs et propagateurs de l’Art Nouveau ;

— Ferdinand Hodler, dont le tableau «Les Las devivre» eut beaucoup de succès aux Salons rosicruciens ;

— Fernand Khnopff, que Péladan considérait commeun maître. Devenu son ami, il sera le premier disciplebelge de Péladan, et lors du second Salon, il exposerasa célèbre toile inspirée d’un poème de C. Rossetti : «Ilock my door upon myself». (Il sera également l’un desfondateurs du Groupe des XX) ;

— Carlos Schwabe, qui fut le dessinateur de l’affichedu premier Salon. (Après s’être éloigné de Péladan, ilillustra magnifiquement «Le Rêve» de Zola) ;


— Parmi les 193 artistes qui exposèrent aux Salons(1892-1897), signalons également Edgard Maxence,Félicien Rops, George Minne, Alphonse Osbert, EugèneDelacroix, Gaetano Previati, Alexandre Séon, Jan Toorop,Georges Rouault, Antoine Bourdelle.

Il y eut au total six Salons de la Rose-Croix. Chacund’entre eux était placé sous les auspices d’un dieu chal-déen : Samas (Soleil) pour le premier, Nergal (Mars)pour le second, Mérodack (Jupiter) pour le troisième,Nebo (Mercure) pour le quatrième, Istar (Vénus) pourl’avant-dernier et Sin (Lune) pour le sixième. Après lesixième Salon, en décembre 1897, Joséphin Péladanprononça la mise en sommeil de l’Ordre. Il faut direque les autorités, qui étaient très gênées par le succèsrépété de chacun des Salons, faisaient tout ce qu’ellespouvaient pour empêcher qu’ils ne se tiennent. Ledirecteur des bâtiments publics, M. Jules Comte, s’ar-rangeait pour qu’il n’y ait pas de salle disponible. «Jerends les armes», dira Péladan : «La formule d’art quej’ai défendue est maintenant admise partout, et pour-quoi se souviendrait-on du guide qui a montré le gué,puisque le fleuve est passé». Son effort ne demeura pasvain, comme le précisa Pierre Jullian : «Dans l’ensemble,les Symbolistes, en dépit de quelques différences demétier, ne s’écartèrent pas trop des édits de Péladan :point d’anecdotes, de natures mortes, de paysages pitto-resques ; mais la peinture religieuse fut entièrement renou-velée». Curieusement, en 1898, le mouvement symbolistecommença à perdre de son influence. Cette année futmarquée par la mort de G. Moreau, de Puvis de Chavanneset de Burnes Jones.

Après la mise en sommeil de l’Ordre, JoséphinPéladan continua ses conférences sur l’art, en Franceet en Europe. Ses œuvres littéraires devinrent plus


importantes, et même si elles furent d’inégale valeur,certaines sont magnifiques. L’ensemble de son œuvrene comporte pas moins de quatre-vingt-dix volumesincluant romans, pièces de théâtre, études sur l’art oul’ésotérisme. Il est aussi l’auteur d’une multitude d’ar-ticles pour des revues artistiques. Trois de ses ouvragesseront couronnés par l’Académie française et en 1917, àune voix près, il faillit succéder à Octave Mirebeau àl’Académie Goncourt. Paul Verlaine lui trouvait untalent considérable et Anatole France voyait en lui unécrivain de race. D’autres, comme Alfred Jarry, PaulValéry, André Breton, Raymond Queneau, Montherlantou Kandinsky, appréciaient son œuvre. Oublié du grandpublic, le Sâr Mérodack Péladan était devenu plusmodeste. Lorsqu’Alexandra David-Neel le rencontraplus tard au «Mercure de France», il n’était plus ques-tion de Sâr, mais simplement de Monsieur JoséphinPéladan. Il continua son activité littéraire jusqu’à samort, le 27 juin 1918.

Après la mort de Péladan, Émile Dantine, connusous le nom de Sâr Hiéronymus, se présenta commel’un de ses disciples, mais il ne revendiqua pas d’initia-tion venant de lui. Il lui consacra un ouvrage où l’admi-ration cache souvent un manque d’objectivité, et créa laRose-Croix de Belgique. Rapidement, ce fut un jeuneavocat, Jean Mallinger, qui prit la direction de laRose-Croix Belge pour en faire plutôt un mouvementpythagoricien. La philosophie et les enseignements dece mouvement n’avaient rien à voir avec l’Ordre fondépar Joséphin Péladan. Ses rites théurgiques et sesréférences constantes au pythagorisme étaient à l’opposédes préoccupations mystiques et artistiques prônéespar Péladan. Cet Ordre sans filiation sérieuse eut d’ail-leurs toutes les peines du monde à faire admettre sa


valeur auprès des mouvements ésotéristes de l’époque,notamment des Martinistes, des Francs-Maçons, desThéosophes et des Antroposophes».

De nos jours, c’est l’A.M.O.R.C. qui perpétue les Salonsde la Rose-Croix. Ils se tiennent régulièrement dansune galerie située à Paris, ouverte au public. C’est ainsique des peintres de renommée nationale ou internatio-nale, mais aussi des artistes débutants et inconnus,membres ou non de l’Ordre, y exposent régulièrementleurs œuvres, lesquelles ont toujours un rapport directou indirect avec le symbolisme, le mysticisme et l’ésoté-risme. Je dois préciser que cette galerie est mise gra-cieusement à la disposition des exposants, ceci afin defavoriser cette branche particulière de l’art.



Couverture du catalogue des Salons R+C tenus à Paris en1893. Y figure notamment la mystérieuse formule rosicru-cienne : «Ad Rosam per Crucem ; ad Crucem per Rosam».

8.

UNIVERSITÉ ROSE-CROIX INTERNATIONALE

L’A.M.O.R.C. ne se limite pas à perpétuer l’enseigne-ment traditionnel, philosophique et initiatique dont il ahérité du passé. Il œuvre également au service de laculture contemporaine à travers une Université interne,connue dans le monde sous le nom d’«Université Rose-Croix Internationale». Créée au tout début du XXe

siècle, cette Université, composée essentiellement deRosicruciens spécialisés dans un domaine particulierdu savoir, sert de cadre à des recherches effectuéesdans des branches aussi diverses que l’art, l’astrono-mie, l’écologie, l’égyptologie, l’informatique, la médecine,la musique, la psychologie, les sciences physiques, lestraditions ésotériques du passé, etc.

Dans la juridiction française, l’U.R.C.I. regroupeenviron 50 conférenciers intervenant sur près de 250thèmes différents. En principe, les travaux entreprissous son égide sont réservés aux Rosicruciens et leursont communiqués au moyen de fascicules rédigés dansce but. Mais en raison de l’intérêt qu’ils peuvent sus-citer auprès des personnes intéressées par la culturespiritualiste, ils sont désormais ouverts en partie aupublic, notamment par le biais de séminaires, de confé-rences et même de livres. Je dois préciser également

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que certains travaux de l’U.R.C.I. sont présentés dans larevue Rose-Croix, accessible aux non-membres.

Bien que les séminaires et les conférences propo-sés par l’U.R.C.I. soient dirigés par des Rosicruciens,leur but n’est pas d’exposer ce que l’A.M.O.R.C. ensei-gne précisément sur les thèmes concernés, car un telenseignement ne peut être reçu qu’en étudiant lesmonographies internes à l’Ordre, lesquelles sontadressées exclusivement aux membres. Il est plutôt deprésenter à chaque participant une vision spiritualistedes sujets traités, cette vision étant nécessairementempreinte de la philosophie rosicrucienne.

À titre d’information, voici quelques-uns des nom-breux sujets traités par les Conférenciers de l’U.R.C.I. :

— L’écologie et la spiritualité— La conscience animale— L’héritage spirituel de l’ancienne Égypte— Les mythes et les dieux en ancienne Égypte— L’évolution biologique de l’être humain— La santé : un concept holistique— Stress et vie quotidienne— Les quatre tempéraments— L’énergie spirituelle de la musique— Musiques savantes et musiques populaires— L’homme, la musique et le cosmos— La connaissance de soi— L’alchimie des rêves— Psychologie et spiritualité— De l’atome à l’étoile— La science et Dieu— Les mystères de l’espace et du temps— Les grandes théories de l’univers


— L’informatique et le mysticisme— Au sources de la philosophie grecque— La voie soufie, mystique de l’Islam— L’architecture sacrée— Les mystères de la Kabbale— Les lettres hébraïques— Le Catharisme— Etc.

Pour vous donner un aperçu des travaux effectuésdans le cadre de l’U.R.C.I., voici un texte que la sectionÉgyptologie a rédigé il y a quelque temps à l’intentiondes Rosicruciens et qui a pour thème : «Le monothéismeen Égypte antique». Je n’ai pas choisi ce texte par hasard.Outre son intérêt culturel, il se réfère aux origines tra-ditionnelles du Rosicrucianisme et rend hommage àAkhénaton, pharaon qui fut longtemps considéré commeun hérétique, alors qu’il fut à l’origine d’une révolutionsans précédent dans le domaine de l’art et de la reli-gion.

«Aborder le thème du monothéisme en Égypteancienne est un exercice aussi passionnant que péril-leux. Si les spécialistes sont d’accord sur de nombreuxpoints, leurs conclusions divergent sensiblement, etnous n’avons pas la prétention de donner ici une répon-se définitive, mais seulement de proposer quelqueséléments de réflexion. Appartenant nous-mêmes à unmonde judéo-chrétien, de nombreux préjugés peuventnous empêcher d’analyser sainement d’autres formesde pensée religieuse que la nôtre. Les spécialistes ontsouvent eux-mêmes une religion et jugent celles desautres avec condescendance. D’un autre côté, il seraitégalement vain de vouloir à tout prix faire de l’Égypte

87Université Rose-Croix Internationale

ce que nous voudrions qu’elle soit. Mieux vaut la pren-dre telle qu’elle est : elle a bien plus à nous apprendreainsi.

D’après les dictionnaires, le monothéisme désignela forme de religion selon laquelle il n’existe qu’un Dieuunique, ce qui exclut explicitement tout autre dieu.L’histoire des religions ne retient généralement quetrois grandes religions monothéistes : le Judaïsme, leChristianisme et l’Islam. Le polythéisme, lui, admetl’existence de plusieurs dieux. Mais cette dernière défi-nition est celle des monothéistes eux-mêmes, qui luiont presque toujours donné une connotation négative.En fait, ils ont cherché le plus souvent à rejeter et àridiculiser des formes de pensées différentes auxquel-les ils ne comprenaient pas grand-chose mais quiétaient cependant très riches, et à imposer par la forcel’idée de leur “vrai Dieu”. Par ailleurs, ils ont souventfait l’amalgame entre croyances populaires, certesgrossières, et systèmes de pensée où l’homme commu-niait avec les grandes forces de l’univers, manifesta-tions multiples d’un Principe unique.

La frontière entre polythéisme et monothéismen’est pas simple à placer pour un observateur athée oustrictement neutre. C’est ainsi que le monothéismechrétien peut ne pas présenter des caractéristiquesd’une rigueur absolue. La notion de Trinité, par exem-ple, pose problème. Le Catholique ordinaire lui-même asouvent du mal à comprendre la nature exacte de Dieule Père. Les différences qui existent entre Dieu, Jésus,le Christ et le Sacré Cœur sont pour lui des plus confu-ses. Il considère simplement que "tout cela, c’est unpeu pareil". De même, on pourrait trouver une connota-tion polythéiste à la vénération des saints ou au cultedifférencié de Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de


Lourdes ou encore Notre-Dame de Fatima. Pourtant, leCatholique n’y voit que des représentations différentesde la seule et unique Vierge Marie, ce qui est tout à faitrespectable. Même l’Islam, pour qui l’Unicité divine estévidente, se réfère à Dieu sous 99 adjectifs. Dans leJudaïsme, Il est désigné également sous des nomsdivers. Ces quelques remarques montrent bien quepolythéisme et monothéisme recouvrent des notionsqui ne sont pas nécessairement contradictoires dans lefond.

De nombreux égyptologues ont vu dans les textes“polythéistes” qu’ils étudiaient des tournures inatten-dues. Quand on lit les fameux «Livres de Sagesse» quifurent rédigés depuis l’Ancien Empire jusqu’à l’époqueptolémaïque, on est stupéfait de constater que lesauteurs parlent simplement de «Dieu» au singulier,sans autre précision. Étienne Drioton va jusqu’à penserque «le monothéisme est en fait l’apanage des Livres deSagesse». Par exemple, on lit dans les Maximes dePtahhotep, vers 2500 avant J.-C. : «Ce ne sont pas lesdispositions des hommes qui se réalisent, mais le des-sein de Dieu». Sous la Xe dynastie, dans l’Instructionpour le roi Mérikarê, on trouve encore : «Dieu connaîtcelui qui agit pour Lui». Plus surprenant encore : Bienavant Akhenaton, le pharaon mystique et monothéiste,les «Textes des Pyramides» déclarent que le dieu Néfer-toum (le Lotus primordial) est «sans égal». Plus loin, denombreux hymnes à des dieux très divers s’adressent àeux dans ces termes : «Dieu unique qui n’a pas son égal !».Sous Amenhotep II (1430 avant J.-C.), le fameux hym-ne à Amon-Rê conservé au Caire déclare : «Il estl’Unique, il n’y en a pas d’autre à part Lui parmi lesdieux». Et plus loin, à deux reprises, Amon est appelé«Unique des Uniques».


Pour l’Égyptien, aucune contradiction dans toutcela. Pour lui, chaque divinité, en un instant précis, estle Dieu unique sans égal, car chaque dieu n’est que l’undes aspects du Divin tout entier. Il n’est pas possiblede Le réduire à un seul nom, à un seul aspect, à uneseule définition. Max Guilmot parle de «monothéismeà facettes» et Serge Sauneron déclare : «Ainsi y eut-iltoujours en Egypte, à l’arrière-plan du polythéismeincontestable, la croyance très générale en l’universalité etl’unicité d’un Être divin, sans nom, sans forme, maissusceptible de les revêtir toutes». Cette forme de penséeoù chaque dieu est compris comme unique peut sur-prendre, mais elle cache une grande sagesse, car à toutmoment, «un fidèle égyptien pouvait créditer de tousles attributs du pouvoir divin une quelconque divinitéqui était à ses yeux le dieu le plus important. Un dieuqui pour lui signifie tout à un moment précis».

Un autre phénomène très intéressant attire l’at-tention de tout égyptologue : le syncrétisme. Contraire-ment à une idée reçue, l’Égypte et sa religion ont beau-coup évolué au cours des siècles, et les théologiens onttenté, souvent avec un grand bonheur, de réunir plu-sieurs divinités en une seule lorsqu’ils leur trouvaientdes fonctions proches ou complémentaires. C’est ainsique l’on voit des représentations de Hathor (coiffée decornes enserrant un soleil) avec un texte hiérogly-phique d’accompagnement la décrivant sans ambiguïtécomme étant Isis. Nombreuses sont les représentationsde Hathor allaitant Horus, alors que ce rôle devraitêtre dévolu à Isis. Le soleil lui même, pourtant uniquedans son aspect, est appelé «Khépri» à son lever, «Rê»lorsqu’il atteint son zénith et «Atoum» à son coucher.On sent bien ici que l’Égyptien a besoin de multiplierles noms et les qualificatifs d’un dieu pour mieux en


comprendre la nature, tout comme les Chrétiens conçoi-vent la nature de Dieu à travers le Père, le Fils et leSaint-Esprit. Selon le même processus, certaines pein-tures égyptiennes nous montrent une divinité auxattributs composites, dont les textes nous disent qu’ils’agit de Ptah-Sokaris-Osiris. Trois en un, en quelquesorte.

Une scène de la merveilleuse tombe de la reineNéfertari, épouse de Ramsès II, montre Isis et Nephtysprotégeant Osiris, dont la tête est curieusement celledu bélier solaire. Mais le plus extraordinaire est lalégende qui encadre la scène. À droite, on peut lire :«C’est Rê qui repose en Osiris» et à gauche : «C’est Osirisqui repose en Rê». Voilà bien un texte des plus admira-bles où l’Égypte nous montre sa compréhension duDivin. Rê, c’est le dieu solaire par excellence, dieu dela renaissance éternelle à travers le cycle solaire, etOsiris, souverain de l’éternité, celui de la renaissanceéternelle à travers les cycles terrestres et végétaux. Lesforces de la lumière et celles de l’obscurité de la terre secomplètent donc et se fondent totalement les unes dansles autres tout en gardant leur identité propre : deuxdivinités réunies pour manifester une grande loi del’univers.

Enfin, une dernière citation pour montrer commentl’Unique se manifeste dans le Multiple, selon uneconception datant de l’époque de Ramsès II et qui pré-sente un caractère évident de parenté avec le conceptchrétien de la Trinité : «Trois sont tous les dieux :Amon, Rê et Ptah. Ils n’ont pas leur semblable, Son nomest caché en tant qu’Amon, Son visage, c’est Rê et Soncorps, c’est Ptah... Ainsi donc, Amon, Rê et Ptah, celafait trois». Il est question de trois dieux, mais l’adjectifpossessif Son est employé comme s’il s’agissait d’une


seule entité. Ici, on est tenté de comparer Amon auNoûs et à Dieu le Père, Ptah au Logos et au Fils-Verbe,et Rê au Pneuma et à l’Esprit-Saint, bien que de telsrapprochements n’aient pas de caractère vraiment scien-tifique. On peut seulement évoquer un air de parenté...

Dans toute étude sur le monothéisme, la religiond’Akhenaton, qui régna de 1371 à 1354 environ avantnotre ère, prend toujours une dimension particulière.Son histoire reste aujourd’hui très méconnue et pose denombreuses énigmes. Il reste encore à fouiller plus desdeux tiers du site où il a vécu. Dans cette XVIIIe

dynastie qui a fait d’Amon, dieu jusqu’alors assez obs-cur, la divinité prédominante de l’État, les prêtres ontacquis une puissance telle, par manque de vigilancedes rois, qu’ils empêchent le pharaon de régner commeil le voudrait. Amenhotep III et son fils Amenhotep IVsont d’accord pour mettre un terme à ce pouvoir exorbi-tant et inacceptable, et qui d’ailleurs n’existe que pardécision royale. En l’an 5 ou 6 de son règne, AmenhotepIV abandonne Thèbes, la capitale traditionnelle de ladynastie, et fonde une ville nouvelle où il va demeurer :Akhetaton («l’Horizon d’Aton»). Puis il dépossède leclergé d’Amon, le privant de ses privilèges, de ses bienset de son autorité.

Fait unique jusqu’alors dans le passé égyptien, ilchange également son nom d’Amenhotep («Amon estsatisfait») en celui d’Akhenaton («Serviable enversAton» ou encore «Âme divine d’Aton»), les deux traduc-tions étant complémentaires. Le dieu Amon devientproscrit et son nom effacé, martelé, jusqu’au sommetdes obélisques. Tous les dieux ancestraux sont éliminéspour n’en conserver qu’un seul, le dieu solaire Aton,représenté par un soleil dont les rayons se terminentpar des mains. Devant les narines des personnages


royaux, les rayons présentent des Croix de Vie éter-nelle. Aton, Père et Mère des hommes, se manifeste entant que tels dans le roi et dans la reine Néfertiti. Cettenouvelle religion s’inspire fortement de la théologied’Héliopolis, la «Cité du Soleil», mais elle présente unecaractéristique révolutionnaire : il existe un Dieu solai-re unique, toutes les autres divinités étant ignorées.Sans vouloir entrer dans des polémiques de spécialistes,nous pouvons admettre qu’il s’agit bien là de mono-théisme.

Fait exceptionnel, la définition théologique du nomd’Aton est inscrite dans deux cartouches, comme pourun roi terrestre célébrant son jubilé. Durant les huitpremières années du règne d’Akhenaton, ces cartouchesdéclarent : «Il est vivant, Rê-Horakhty, qui se réjouit àl’horizon en son nom de Chou qui est dans le DisqueSolaire». Nous y trouvons les noms de Rê, d’Horus et deChou (la Lumière). Rê et Horus sont associés par syncré-tisme pour former Rê-Horus-de-l’Horizon, en égyptien :Rê-Horakhty. Cette première constatation n’incite pasà penser qu’il s’agit d’un monothéisme très rigoureux.Par ailleurs, Akhenaton fait souvent suivre son pre-mier cartouche de l’expression «vivant selon Maât», carMaât, fille de Rê, est toujours à l’honneur en sa qualitéde Justice, de Vérité et d’Équilibre cosmique. De plus, àcette époque, elle symbolise aussi le souffle vital. Il fautencore ajouter qu’une des stèles frontières qui entou-rent le site de Tell-el-Amarna déclare : «La tombe dutaureau Mnévis sera creusée dans la montagne orien-tale de l’Horizon d’Aton, et il y sera enterré».

Rê, Horus, Chou, Maât, fille de Rê, et le taureauMnévis, que d’éléments insolites et troublants dans uncontexte que nous avons déclaré monothéiste ! Cetteremarque n’aurait pas échappé à Akhenaton lui-même,


car il a dû agir progressivement pour préparer l’Égypteà une nouvelle étape, celle qui commence en l’an 9 deson règne. En effet, la théologie évolue et deux nou-veaux cartouches pour Aton apparaissent : «Il estvivant, Rê, Souverain de l’Horizon, qui se réjouit à l’hori-zon en son nom de Rê, le Père, qui vient dans le DisqueSolaire». Cette fois, les noms d’Horus et de Chou dispa-raissent, mais celui de Rê subsiste. En fait, seul estadoré le Principe divin universel : Rê, Créateur et Pèrede tous les hommes. Aton, le Disque solaire, en est lamanifestation visible sur toute la surface de la Terre etaccessible à tous les peuples. Ainsi donc, le soleil, Aton,fait l’objet d’un culte parce que le Principe absolu divin,Rê, le Père, vient s’y manifester.

Seul le pharaon connaît les desseins de ce Dieu quin’est même pas nommé «Netjer» comme les autres divi-nités. «Tu es dans mon cœur, et personne ne Te connaît,excepté Ton fils Nefer-Kheperou-Rê Wa-en-Rê, car Tul’as rendu savant dans la connaissance de Tes plans etde Ta puissance». Ainsi, Akhenaton est le seul intermé-diaire entre Dieu et les hommes, et c’est à ce titre qu’ildispense un enseignement. On pourrait dire : «il n’y a pasd’autre Dieu qu’Aton et Akhenaton est son intermédiaire».Longtemps après, l’Islam adoptera une profession de foifort similaire. Le Christ lui-même s’exprimera en ter-mes presques identiques : «Je suis le Chemin, la Véritéet la Vie. Nul ne va au Père que par moi. Si vous meconnaissez, vous connaîtrez aussi mon Père». Un pointcependant qui ne peut que surprendre, voire créer uncertain malaise : la religion amarnienne ignore, commeon s’en doute, le dieu Osiris. Et si Akhenaton se faitreprésenter en posture osirienne, l’au-delà ne semblemontrer rien d’autre que le pharaon lui-même, toujoursintermédiaire entre Dieu et les hommes.


Akhenaton s’adonne entièrement à l’Amour divin etfinit par négliger les affaires de l’État. Il s’illustre sur-tout en déclarant que le soleil brille pour tout le monde,que tous les hommes sont égaux, même si les races pré-sentent des caractères spécifiques. C’est le premierhomme de l’Histoire, surtout en tant que chef d’État, aavoir proclamé l’égalité de tous les hommes devantDieu : «Tous les pays étrangers, Tu fais qu’ils vivent, carTu as placé un Nil dans le ciel pour qu’il descende sureux et forme des vagues pour irriguer leurs champsdans leurs territoires». Son plus beau titre de gloire estpeut-être celui d’«humaniste». Autre élément importantet positif de sa nouvelle religion : la tolérance. Celas’inscrit bien dans la tradition égyptienne. Akhenatondépossède les prêtres d’Amon, mais ne les fait pas tuer.Les proches du roi adoptent ses idées et suivent sesenseignements souvent par simple opportunisme, maisparfois aussi avec sincérité et conviction. Quant à lamasse populaire, elle ne comprend rien à ces réformeset continue à adorer discrètement les divinités qui luiétaient familières. Toutefois, Akhenaton ne sévit pas.Les fouilles d’Amarna ont montré l’existence de sanc-tuaires privés consacrés à Amon au sein même de lacité d’Aton.

Cette brève expérience de dix-sept ans environ,goutte d’eau dans l’océan de l’Histoire, va pourtantmarquer les siècles futurs d’une façon profonde, mêmesi les successeurs d’Akhenaton, surtout à partir deRamsès II, ont tout fait pour en détruire la mémoire.Précurseur de la pensée de Moïse, de Jésus et de Mahomet,son amour de Dieu et des hommes fascine les mysti-ques d’aujourd’hui et tous les hommes épris de tolé-rance et de paix. Les Rosicruciens de l’A.M.O.R.C. luivouent une admiration particulière, car ils voient en


lui, non seulement le fondateur du monothéisme en tantque religion d’Etat, mais également l’un des Initiés quimarquèrent le plus leur Tradition. Quoi qu’il en soit, lemeilleur hommage qu’on puisse rendre à Akhenatonconsiste à mieux s’informer encore sur sa vie et sonœuvre, et surtout à s’inspirer des qualités morales dontil a fait preuve «en vivant selon Maât».

Il nous reste à tirer les leçons que nous propose ceprodigieux passé. Dieu ne peut être limité à un seulconcept, et personne ne peut affirmer que l’idée qu’il sefait de Dieu est la meilleure. Pendant trois millénaires,l’Égypte n’a pas connu de graves guerres de religion.Dans notre monde qui a souffert tant de maux du faitde persécutions religieuses, qui a inventé l’Inquisitionet le bûcher pour les “hérétiques”, qui a converti despeuples dits “païens” au “vrai Dieu” par la force, on estencore capable aujourd’hui d’emprisonner et de tuerd’autres êtres humains pour des motifs religieux. Parailleurs, des intégristes de tous ordres distillent de parle monde le détestable venin de leur intolérance. Dansce domaine, la civilisation égyptienne nous offre unmodèle à suivre. Elle nous apprend aussi que la seuleapproche intellectuelle n’apporte pas une connaissancesuffisante de Dieu. Que de noms, que d’épithètes, quede périphrases pour tenter de Le décrire ! Pourtant, «Lecœur de l’homme est son propre Dieu». C’est sans doutejustement son cœur qui donnera à l’homme la clé del’énigme du Divin».

Ce texte, parmi tant d’autres, traduit l’esprit qui ani-me les travaux effectués dans le cadre de l’UniversitéRose-Croix Internationale et le but qu’ils poursuivent :promouvoir la culture spiritualiste, c’est-à-dire mettre


en évidence l’influence que la spiritualité a exercée surl’histoire de l’humanité et sur l’évolution des arts, dessciences, de la littérature et, d’une manière générale,des différents domaine du savoir.

C’est donc avec ce chapitre consacré à l’U.R.C.I. ques’achève cette présentation générale de l’A.M.O.R.C. J’es-père que ces quelques chapitres vous auront permis decomprendre si besoin était qu’il ne s’apparente aucu-nement à une secte, mais qu’il est une organisation phi-losophique qui œuvre à l’élévation des consciences etdans le plus grand respect de la personne humaine.Comme nous allons le voir dans la deuxième partie dece livre, cela ne l’empêcha malheureusement pas desubir des amalgames pernicieux qui me semblent pro-fondément injustes et qu’il est de mon devoir de dénon-cer, non seulement dans l’intérêt des Rose-Croix, maisdans celui de tous ceux et de toutes celles qui sont atta-chés à la liberté de croyance.


Sigle de l’Université Rose-Croix Internationale

DEUXIÈME PARTIE

— A.M.O.R.C. et O.T.S.

— A.M.O.R.C. et commissions parlementaires

— A.M.O.R.C. et M.I.V.I.L.U.D.E.S.

— A.M.O.R.C. et associations anti-sectes

— A.M.O.R.C. et religions

— A.M.O.R.C. et politique

— Rose-Croix et Francs-Maçons

— A.M.O.R.C. et médias

— Détracteurs de l’A.M.O.R.C.

— Lettre ouverte aux membres de l’A.M.O.R.C.

99

9.

A.M.O.R.C. ET O.T.S.

Après avoir expliqué ce qu’est l’A.M.O.R.C., en quoiconsistent son enseignement, sa philosophie, son éthi-que, etc., venons-en maintenant aux raisons précisesqui m’ont poussé à écrire ce livre et qui, me semble-t-il,le justifient.

Comme je l’ai dit dans l’avant-propos, l’A.M.O.R.C. asubi des amalgames avec l’O.T.S. dès le début des dramesliés à cette affaire, et ce, pour trois raisons majeures.Tout d’abord, les gourous de cette secte, en l’occurrenceJoseph Di Mambro et Luc Jouret, se sont référés à laRose-Croix. Or, ils ne sont malheureusement pas lespremiers à l’avoir fait et ne seront probablement pasles derniers. En effet, les mots «Rosicruciens» et «Rose-Croix» sont très porteurs dans le domaine de l’ésoté-risme et véhiculent un certain mystère. C’est pourquoides individus peu scrupuleux les ont utilisés et les uti-lisent encore pour donner une légitimité traditionnelleà leur mouvement, même lorsque celui-ci n’a aucunlien réel avec la Tradition Rose-Croix. Indépendam-ment de l’O.T.S., qui était d’ailleurs de nature templièreet non rosicrucienne, il existe de nos jours quelquesmouvements pseudo-rosicruciens, la plupart de créa-tion récente. En quoi l’A.M.O.R.C. est-il responsable de ce

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genre de récupération abusive ? Combien de mouvementsplus ou moins sectaires intègrent-ils le mot «Église» dansleur appellation ? Doit-on considérer que ces mouvementset leurs dérives éventuelles impliquent la responsabilitédu Christianisme officiel ?

La deuxième raison que l’on trouve à l’origine desamalgames entretenus avec l’O.T.S. est liée au fait queDi Mambro fut membre de l’A.M.O.R.C. dans les années60, tout comme il appartenait à d’autres mouvementsplus ou moins traditionnels. Soit dit en passant, il n’apas été Rosicrucien jusqu’en 1989, comme j’ai pu le liredans certains articles de presse. Cette affirmation estabsolument fausse, comme en témoignent d’ailleurs desdocuments que nous avons adressés à Luc Fontaine,Juge d’Instruction chargé de l’enquête. Dans notrefichier informatique, qui compte environ 260.000 nomsincluant les membres actuels de l’A.M.O.R.C., les sympa-thisants et les ex-membres, son dossier se résume àune fiche d’identité, comme tous ceux qui n’étaient plusmembres de l’A.M.O.R.C. en 1970, date à laquelle l’Ordrea commencé à s’informatiser. Mais s’il est vrai que DiMambro a été Rosicrucien dans un lointain passé, ceque nous n’avons jamais caché, ce qu’il fit par la suitedans le cadre de l’O.T.S. ne peut en aucun cas impli-quer la responsabilité de l’A.M.O.R.C. Là encore, faut-ilpenser à titre de comparaison que l’Église catholiqueest responsable des crimes commis chaque jour à tra-vers le monde par des baptisés catholiques ?

Enfin, la troisième raison qui explique les amalga-mes subis par l’A.M.O.R.C. est liée au fait que certainsont prétendu que l’O.T.S. provenait de l’Ordre Renové duTemple (O.R.T.), mouvement templier créé en 1970 parRaymond Bernard, alors qu’il était Grand Maître de lajuridiction française de l’A.M.O.R.C. (il quitta l’O.R.T. en


1972 et n’occupa plus la moindre fonction officielle ouofficieuse dans l’A.M.O.R.C. à partir de 1987). Naturelle-ment, la création de ce mouvement fut une graveerreur, d’autant plus qu’il n’avait aucune légitimité tra-ditionnelle et sema la confusion parmi les Rosicruciens.Cela dit, une étude approfondie et impartiale sur lesorigines de l’O.T.S. montre qu’il ne provient pas del’O.R.T., mais de l’Ordre Souverain du Temple Solaire(O.S.T.S.), lui-même issu de l’Ordre Souverain et Mili-taire du Temple de Jérusalem (O.S.M.T.J.), créé en 1945,reconnu par le Vatican, et dont Di Mambro a étémembre. En faisaient surtout partie des aristocrates,des politiques, des prélats et des Francs-Maçons. Faittrès important : d’après ce que l’on sait, Di Mambro n’ajamais appartenu à l’O.R.T. Quoi qu’il en soit, prétendreou insinuer qu’il y ait eu un lien entre l’O.T.S. etl’A.M.O.R.C. via l’O.R.T. est donc mensonger et traduit un“raccourci” pernicieux.

En relation avec ce qui précède, il est peut-êtreutile de préciser que l’A.M.O.R.C. n’est pas et n’a jamaisété un mouvement templier. En premier lieu, la Tradi-tion rosicrucienne est beaucoup plus ancienne que laTradition templière et n’a pas suivi la même évolutionà travers l’histoire. En second lieu, tout mouvementtemplier se rattache au Christianisme et voue un culteà Jésus, en tant que Christ et “Fils de Dieu”, souventmême à Marie, en tant que “Mère du Seigneur”. Or,Jésus ne fait l’objet d’aucune vénération particulièredans les enseignements rosicruciens. Il est considérécomme l’un des prophètes ayant marqué l’histoirereligieuse de l’humanité, à l’instar de Moïse, Bouddha,Mahomet, etc. Enfin, la plupart des organisations tem-plières (il en existe actuellement des centaines) œuvrentimplicitement à l’instauration dans le monde d’une

103A.M.O.R.C. et O.T.S.

hégémonie de l’Église chrétienne. Les Rosicruciens pen-sent plutôt qu’il existera dans un avenir lointain uneReligion universelle qui sera en quelque sorte une syn-thèse de ce que toutes les religions actuelles ont demeilleur à offrir à l’humanité, hors de tout dogmatismeet de tout fanatisme.

Si certains auteurs ont laissé entendre que l’A.M.O.R.C.était un mouvement templier, c’est également parceque Raymond Bernard, auquel je me suis référé précé-demment, renouvela l’erreur de l’O.R.T. en créant en1988 un nouveau mouvement templier : l’Ordre Souve-rain du Temple Initiatique (O.S.T.I.), “noyau spirituel”du Centre International de Recherches et d’ÉtudesSpirituelles (C.I.R.C.E.S.). Ces deux mouvements, qu’ilcréa de sa propre initiative, semèrent à nouveau laconfusion et furent condamnés officiellement par leConseil Suprême de l’A.M.O.R.C. Aussi, tout ce queRaymond Bernard a pu faire dans le cadre de l’O.S.T.I. oudu C.I.R.C.E.S. n’engage que lui et en aucun cas les diri-geants ou les membres de l’A.M.O.R.C. Cela étant, je suisabsolument convaincu qu’il n’a strictement rien à voiravec les drames de l’O.T.S. Si certains se sont employéset s’emploient encore à le faire croire, c’est uniquementpour nuire à l’A.M.O.R.C. à travers lui. C’est là un procé-dé aussi lâche qu’injuste.

Partant du principe qu’il existait un lien entrel’A.M.O.R.C. et l’O.T.S., certains n’ont pas hésité à direque les principes fanatiques prônés par la secte s’inspi-raient des enseignements rosicruciens. De tels propostraduisent, au mieux une ignorance de la philosophiedes Rose-Croix, au pire une certaine malveillance, pourne pas dire une malveillance certaine. Pour prendre unexemple précis, j’ai lu dans plusieurs articles de presseque le fameux “transit” qui aurait conduit les adeptes


de l’O.T.S. à se suicider correspondait à ce que les Rosi-cruciens appellent «transition». Cette confusion est à lafois grotesque et très grave. En effet, dans la termino-logie rosicrucienne, le mot «transition» traduit depuistoujours l’idée qu’au moment de la mort, l’âme quitte lecorps et se rend dans le monde invisible, où elle attendde se réincarner. Autrement dit, il désigne le fait qu’ellepasse d’un plan de conscience à un autre. Certes, leterme «transit» existe en mysticisme, mais il appar-tient à l’astrologie et désigne le déplacement d’uneplanète sur une autre planète ou sur un point-clé duthème natal.

Dans un livre intitulé «L’Ontologie des Rose-Croix»,j’ai consacré un chapitre à la conception rosicruciennede la mort, et je vous propose d’illustrer les remarquesprécédentes par quelques extraits de ce chapitre :

«Parmi tous les mystères auxquels l’homme estconfronté depuis la nuit des temps, la mort est certai-nement celui qui l’intrigue et le fascine le plus, car elleconstitue une échéance à laquelle nul ne peut se sous-traire. En effet, nous sommes tous destinés à mourirun jour et à quitter les êtres chers avec lesquels nousavons partagé notre vie. Dans ce domaine, nousignorons uniquement où, quand et comment cela seproduira. Pour beaucoup de personnes, cet événementinéluctable de l’existence est redoutable et redouté, neserait-ce qu’en raison des souffrances morales et phy-siques dont il est souvent précédé. À cette angoissenaturelle et compréhensible s’ajoute le fait qu’aucunindividu ne peut décrire l’après-vie en parfaite connais-sance de cause ou témoigner de sa propre mort. Encela, elle fait véritablement partie de l’inconnu, au


sens le plus philosophique de ce terme. Pourtant, lesRose-Croix du passé nous ont transmis un savoir quiéclaire considérablement ce grand mystère. [...]

Par définition, toute personne spiritualiste admetl’existence de l’âme, considérée le plus souvent commeune essence immortelle ayant son origine en DieuLui-même. Cela dit, cette croyance ne suffit pas pourcomprendre ce qu’est la mort et encore moins ce qui luifait suite. C’est donc vers les religions que nombre depersonnes se tournent pour avoir une réponse à cettequestion fondamentale pour elles : «Que se passe-t-ilaprès la mort ?». Sous des formes quelque peu différen-tes, la plupart des credos religieux enseignent quel’âme du défunt se rend au paradis ou en enfer, selon lebien ou le mal qu’il a fait durant sa vie terrestre. Dansle premier cas, après avoir subi généralement unepériode de purification au purgatoire, elle jouit dans leciel d’une félicité absolue et y demeure éternellement,en compagnie de Dieu et des anges. Dans le second, ellese rend dans les entrailles de la terre et y subit à jamaisles tourments réservés aux impies, sous la garde duDiable et des démons. C’est cette conception religieusede l’après-vie qui conditionne encore la foi et le compor-tement de centaines de millions d’individus. [...]

Pour les Rosicruciens, la mort intègre une dimen-sion métaphysique qui transcende son aspect physiqueet constitue ce qu’ils désignent plutôt sous le terme de«transition». En effet, lorsque l’homme rend son der-nier souffle, il se produit un phénomène inverse à celuiqui a lieu lors de la naissance. Au moment où il expirepour la dernière fois, son âme se libère graduellementde son corps. Selon le degré d’éveil spirituel du défunt,cette libération se produit en quelques heures ou néces-site plusieurs jours. Quelle qu’en soit la durée, elle est


marquée par trois étapes majeures. Au cours de lapremière, l’âme revoit d’abord une multitude de scènesliées à la vie qu’elle vient d’achever, la plupart consis-tant en des souvenirs épars et fugitifs des périodesmarquantes de son incarnation. Ensuite, elle perçoitson corps et les personnes qui se trouvent à proximité.Cependant, cette vision ne lui semble pas réelle, carelle n’est pas vraiment consciente d’avoir transité,notamment si la mort a été violente. Elle a plutôt l’im-pression de rêver. Pour un spiritualiste, ce rêve post-mortem est toujours agréable et s’apparente à un songeinitiatique. En revanche, un matérialiste le vit souventcomme un cauchemar et se sent désemparé face à unetelle situation. [...]

D’un point de vue rosicrucien, la mort ne marquepas la fin définitive de ce que nous sommes en tant quepersonnalité. Comme le suggèrent les quelques explica-tions précédentes, elle correspond à une transition del’âme et à une renaissance spirituelle. Il est doncimportant de comprendre qu’elle n’existe pas dans l’ab-solu et qu’elle constitue l’une des deux phases de la Vie,en l’occurrence sa phase invisible. Aussi, plutôt que dela craindre ou de la redouter, le mieux est de l’envisa-ger avec philosophie. En outre, elle ne nous éloigne quetemporairement des êtres chers que nous avons aiméset avec lesquels nous avons partagé notre vie, car nousles retrouvons dans l’au-delà et, dans l’attente mutuellede nous réincarner, connaissons ensemble une autreforme d’existence. C’est en ayant cette perspective à lapensée que nous devons nous employer à vivre ici-bas,le plus heureusement et le plus dignement possible».


Pour prendre un autre exemple de confusion ayantdonné lieu à des amalgames entre l’A.M.O.R.C. et l’O.T.S,on a prétendu également que les enseignements rosi-cruciens prônaient le suicide. Cette affirmation on nepeut plus mensongère m’a profondément choqué, carelle porte gravement atteinte au fondement même dela philosophie rosicrucienne, laquelle est au contrairebasée sur l’amour de la vie et son respect sous toutesses formes. Certes, nous ne condamnons pas le suicide,car nous pensons que les personnes qui mettent fin àleur vie le font par désespoir. De ce fait, elles méritentdavantage notre compassion que notre condamnation.Cela dit, nous le désapprouvons sans aucune équivoque,et ce pour au moins deux raisons. En premier lieu, nouspensons que la vie, malgré les vicissitudes qu’elle com-porte, est le bien le plus précieux que nous ayons. Ensecond lieu, la plupart des Rosicruciens admettent leprincipe de la réincarnation et considèrent que toutepersonne qui se suicide sera confrontée dans sa pro-chaine vie aux épreuves ou aux difficultés auxquelleselle a voulu échapper en se donnant la mort. À titreexceptionnel, voici des extraits d’une monographie rosi-crucienne qui traite de ce sujet douloureux :

«Nous devons d’abord préciser qu’il ne nous appar-tient pas de juger ceux qui se suicident, car un tel juge-ment n’est pas de notre ressort et ne présente aucuneutilité pratique. Certains considèrent qu’il s’agit d’unacte de lâcheté et ne lui trouvent aucune excuse. Pour-tant, ne faut-il pas avoir un certain courage pour sejeter volontairement d’un étage, s’ouvrir les veines, sependre, s’empoisonner ou se tirer une balle dans latête, avec le risque de se manquer et d’être handicapéle restant de sa vie ? De toute évidence, les personnes


qui se livrent à de tels gestes le font parce qu’ellespensent que leur existence ne vaut plus la peine d’êtrevécue et que la mort mettra un terme définitif à leursproblèmes. Autrement dit, elles agissent ainsi pardésespoir ou pour échapper à un désarroi qu’elles ne sesentent plus capables de supporter. Nous ne devonsdonc pas les blâmer, mais plutôt les assister sur le planspirituel, afin de les aider à s’élever dans l’invisible et àtrouver la paix à laquelle elles aspiraient plus ou moinsconsciemment. À ce sujet, nous pouvons déplorer quecertaines religions aient longtemps refusé de leur don-ner les derniers sacrements, de les absoudre ou de leuraccorder une véritable sépulture. Un tel refus témoi-gnait d’un manque de compassion à l’égard des suicidéset constituait souvent une offense à leur famille. [...]

D’un point de vue rosicrucien, les souffrances mora-les que l’homme est susceptible d’endurer résultent deproblèmes pouvant être résolus par une applicationpositive de son libre arbitre. À l’exception des person-nes ayant perdu la raison ou profondément déséquili-brées, celles qui se suicident pour mettre fin à de tellessouffrances transgressent donc les lois physiques etmétaphysiques de la vie. En vertu de ce principe, ellesse créent un karma négatif qu’elles devront compenserdès leur incarnation suivante. Elles connaîtront alorsdes expériences identiques à celles qu’elles ont refuséd’assumer dans leur vie présente. À titre d’exemple, siun individu se donne la mort pour échapper à dessoucis familiaux ou des ennuis professionnels, il seraconfronté à des difficultés de même nature, car il seradans l’obligation karmique de prendre conscience de lagravité de son acte et d’intégrer définitivement la leçoncorrespondante. En ce sens, le suicide ne fait que repor-ter les problèmes auxquels on a voulu se soustraire.


Certaines personnes considèrent que le suicide estun droit légitime, prétextant que si l’homme n’a paschoisi de vivre, il est libre de mourir comme bon luisemble. Or, que nous en ayons conscience ou non, cha-cune de nos incarnations correspond à un choix déli-béré et comprend des épreuves évolutives que nousavons acceptées avant même de renaître sur ce plan ter-restre. Se suicider revient donc à refuser d’affronter cesépreuves et à remettre en cause notre processus d’évo-lution. D’autre part, un tel geste se traduit souvent parune mort violente et constitue un profond traumatismepour l’âme. En effet, celle-ci est brutalement privée deson véhicule physique par un acte qu’elle désapprouvetotalement et qui s’oppose à sa mission spirituelle.C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle éprouve degrandes difficultés à s’élever ensuite dans l’invisible età rejoindre le niveau qui lui est imparti. En outre, ellereste longtemps marquée par cette expérience drama-tique et ne l’oublie qu’au terme d’une longue période depurification. [...]

En dernière analyse, la vie est le bien le plus pré-cieux que nous ayons, car elle fait de tout être humainune manifestation des lois divines et un acteur du GrandŒuvre. D’un point de vue mystique, elle est le supportde l’Évolution cosmique, telle qu’elle s’exprime surTerre. Nous devons donc la respecter et nous efforcerde la conserver le plus longtemps possible. D’autre part,s’il vous arrive un jour de côtoyer une personne quisonge à se suicider en raison de problèmes moraux oud’un profond désarroi intérieur, il faut être secourableet tout faire pour l’en dissuader. À cet effet, le mieuxest de vous mettre à son écoute et de lui donner lapossibilité de partager ses angoisses, ce qui lui per-mettra de se libérer momentanément de leur emprise


négative. Parallèlement, vous devez lui montrer lesaspects positifs de son existence et lui expliquer quetoute épreuve, aussi pénible soit-elle, peut être sur-montée lorsqu’on le veut vraiment».

Pour comprendre l’acharnement que l’A.M.O.R.C. a subidurant l’enquête menée dans le cadre de l’O.T.S., il fautsavoir également que le Juge d’Instruction (Luc Fontaine)et le Commandant de Police (Gilbert Houvenaghel), char-gés de l’enquête, se sont longtemps appuyés sur les diresde trois personnes : Roger Facon, Jean-Luc Chaumeilet Jean-Marie Abgrall. Or, Monsieur Facon, qui étaitPolicier à l’époque, a été exclu de l’A.M.O.R.C. le 17 avril1980 pour propos délirants, notamment à travers cer-tains de ses courriers. Ayant l’écoute des enquêteurs,on peut supposer qu’il ne s’est pas privé de diffamerl’A.M.O.R.C. pour se venger. Je dois préciser à ce sujetqu’il a été condamné en février 1984 pour diffamationenvers l’A.M.O.R.C. Fait curieux, il est cité dans un rap-port parlementaire belge d’avril 1997 en tant que GrandMaître de l’Ordre des Chevaliers du Temple du Christet de Notre Dame (O.C.T.C.N.D.), mouvement templierauquel certains prêtent des liens avec l’O.T.S. Quand onsait également qu’il écrivit en 1997 un roman policierextravagant ayant pour thème l’affaire O.T.S. et qu’il ledédicaça «À Gilbert Houvenaghel pour sa confiance», ily a de quoi être très perplexe.

Monsieur Chaumeil, de son côté, fut écouté soi-disant en tant que spécialiste des Templiers, sousprétexte qu’il avait écrit plusieurs ouvrages (trèscontestables) sur l’Ordre du Temple. On oublie de direqu’il est également l’auteur de livres qui me semblent


plutôt délirants, parmi lesquels «L’apocalypse» (1981),«L’alphabet solaire» (1984), «Le temps et les O.V.N.I.»(1992). Par ailleurs, il est présumé avoir lui-mêmeappartenu à un mouvement templier. Je ne fus doncpas surpris d’apprendre qu’il fut écarté de l’enquête endécembre 1998, mais je me demande encore pourquoicette décision n’a pas été prise plus tôt. Par la suite, j’aisu que lui aussi avait profité du crédit qu’on lui accor-dait pour diffamer l’A.M.O.R.C., auquel il n’a jamaisappartenu. À ce jour, j’ignore totalement les raisons deson animosité envers les Rose-Croix.

Quant à Monsieur Abgrall, psychiatre de profes-sion, spécialiste auto-proclamé du comportement sec-taire, tout laisse à penser qu’il a utilisé l’affaire O.T.S.pour attirer sur lui la lumière des projecteurs médiati-ques, ce qui traduit un besoin évident de reconnais-sance, voire de publicité. J’ai appris depuis qu’il futmembre de l’A.M.O.R.C. à l’époque où Raymond Bernarden était le Grand Maître, et qu’il ne l’appréciait pas,ce qui était naturellement son droit. Après en avoirdémissionné dans les années 1970 (ce qui prouve audemeurant que l’A.M.O.R.C. n’est pas une secte), on peutsupposer que l’enquête menée dans le cadre de l’O.T.S.lui permit également de dénigrer Raymond Bernard,et à travers lui l’A.M.O.R.C. Ayant violé le secret del’Instruction, le procès fut repoussé plusieurs fois àcause de lui, ce que je déplore autant que les famillesdes victimes.

Lorsque je vis l’ampleur que prenaient les amal-games entre l’A.M.O.R.C. et l’O.T.S., j’ai demandé à êtreentendu par le Juge d’Instruction et le Commandant dePolice, afin de leur expliquer en quoi ces amalgamesétaient grotesques. Cette rencontre eut lieu à Paris, le20 octobre 1997, dans les locaux de l’A.M.O.R.C. Au cours


de cette rencontre, le Juge, plutôt affable et courtois,m’affirma qu’il savait que l’A.M.O.R.C. n’avait aucuneimplication dans les drames de l’O.T.S. et me demandamon opinion sur les causes de ces drames. Je lui aidonc donné mon point de vue, à savoir qu’il s’agissaitprobablement d’un suicide collectif, avec peut-être l’as-sassinat des récalcitrants par certains adeptes qui sesuicidèrent ensuite*. Pour ce qui est du Policier, il semontra plus vindicatif et “prêcha le faux pour savoir levrai”, multipliant les non-sens et les invraisemblances.Au cours de notre entretien, il alla même jusqu’à affir-mer que l’A.M.O.R.C. avait été créé par la C.I.A. et que sesmembres en étaient des agents !!! Je dois avouer quetant d’élucubrations me laissèrent très perplexe quantau sérieux de l’enquête. À l’issue de nos échanges, ilcrut bon également de me dire qu’il était athée et quedes organisations comme les Rose-Croix et les Francs-Maçons ne devraient pas exister.

Une autre tentative pernicieuse pour prolonger lesamalgames consista à dire que 130 membres de l’O.T.S.appartenaient également à l’A.M.O.R.C., et qu’il y avaitdonc nécessairement un lien entre les deux. Là encore,la volonté de nuire est évidente. Tout Rosicrucien étantlibre d’appartenir à d’autres mouvements, qu’ils soientd’ailleurs religieux, philosophiques, culturels, politiquesou autres, il est possible que quelques membres del’A.M.O.R.C. aient fait partie de l’O.T.S., ou inversement.Mais j’en doute beaucoup, d’autant plus que les enquê-teurs eux-mêmes m’ont dit que Luc Jouret, qui n’ajamais été membre de l’A.M.O.R.C., interdisait à ceuxqui en faisaient partie d’adhérer à l’O.T.S. Il ne pourraitdonc s’agir que d’ex-Rosicruciens ayant cru bon derejoindre les rangs de l’O.T.S. Cela étant, en supposantqu’il y eut quelques personnes ayant appartenu à la

113

* Certains pensent aujourd’hui que les victimes furent assassinéespar un “commando” extérieur, pour des raisons politico-mafieuses.

A.M.O.R.C. et O.T.S.

fois à l’A.M.O.R.C. et à l’O.T.S., en quoi cela est-il coupable ?Parmi les adeptes de cette secte, n’y avait-il pas desCatholiques, des Francs-Maçons, des fonctionnaires,etc. ?

Plus récemment, on a prétendu également qu’undocument retrouvé comme par enchantement stipulaitqu’un cabinet d’avocats aurait été chargé en 1997 derépartir 5 MF entre l’O.T.S., l’A.M.O.R.C. et certainspartis politiques. Que d’ignominie dans un telle alléga-tion ! Le cabinet d’avocats concerné nous a fait savoirpar courrier que ce document était un faux grossier etqu’une Instruction était ouverte pour savoir qui enétait à l’origine. Pour des raisons évidentes, j’attendsavec une certaine impatience le résultat de cette Ins-truction, car elle devrait établir clairement que cettedramatique affaire ne cesse d’alimenter des manipula-tions pernicieuses visant notamment à discréditerl’A.M.O.R.C. Malheureusement, on trouve toujours despersonnes pour relayer ce genre de calomnie, soit parintérêt, soit par manque de déontologie. Mais je meconsole quelque peu à l’idée que Yves Boisset a reconnudans une attestation datée du 25 octobre 2005 : «Auterme d’une enquête approfondie pour la chaîne detélévision France 2 sur la tragédie de l’Ordre duTemple Solaire, il me paraît infondé de construire desamalgames artificiels entre l’O.T.S. et l’A.M.O.R.C... Ilm’apparaît injustifié de relier les dérives mortifairesde l’O.T.S. avec la philosophie de l’A.M.O.R.C...».

Très sincèrement, je comprends l’émoi que les dra-mes de l’O.T.S. ont suscité dans l’entourage des victimeset dans l’opinion publique. Mais je trouve profondé-ment injuste et indigne que l’on ait voulu faire del’A.M.O.R.C. le bouc émissaire de cette affaire. Qui avaitintérêt à le faire ? Dans quel but ? Je ne sais pas


vraiment, mais il y a nécessairement “quelqu’un à quiprofite le crime”. L’enquête avait été classée rapide-ment en Suisse et au Québec. Elle l’a été en France endécembre 1999, le Juge d’Instruction ayant transmisses conclusions au Parquet. Compte tenu de l’acharne-ment que nous avons subi, il est évident qu’elle ne l’au-rait pas été si l’A.M.O.R.C. avait été impliqué de quelquefaçon que ce soit. À la décharge des enquêteurs, lemonde de l’ésotérisme leur était totalement étranger,et je comprends que leur ignorance en la matière ait pules égarer dans leurs jugements. Je dois préciser égale-ment qu’à aucun moment ils n’ont laissé supposer quel’A.M.O.R.C. était une secte à leurs yeux. Par ailleurs,aucun de ses dirigeants ni aucun de ses membres n’aété mis en cause lors du procès, ni même mis en exa-men. Et malheureusement, nous n’avons pas pu nousporter partie civile dans cette affaire.

Suite aux drames de l’O.T.S., plusieurs auteurs ontécrit des ouvrages sur cette affaire. Certains l’ont faitavec objectivité et dans le souci de relater la genèsed’une dérive sectaire ; d’autres par opportunisme et àdes fins mercantiles, tant il est vrai que les sectes neprofitent pas uniquement aux gourous sur le planfinancier. Dans certains de ces ouvrages, l’A.M.O.R.C. aété diffamé à travers les confusions et les amalgamesque je viens de dénoncer. Or, aucun de leurs auteursn’a pris la peine de me contacter pour vérifier ses“informations” ou me poser des questions. Assurément,il y a de quoi s’interroger sur le sérieux et l’objectivitéde leur “enquête”. Le procès ne cessant d’être reportéet de défrayer la chronique, il est certain que d’autresauteurs écriront à nouveau sur ce sujet. Je ne peuxqu’espérer qu’ils prendront contact avec moi...


10.

A.M.O.R.C.

ET COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

En 1995, une commission parlementaire présidéepar Alain Gest travailla sur le phénomène sectaire etcrut bon d’établir une liste noire de 172 sectes dans sonrapport* (rendu public en janvier 1996). L’A.M.O.R.C. n’yfigurait pas, ce qui ne veut pas dire pour autant quetous les mouvements mis à l’index soient des sectes.En effet, il n’existe aucune définition juridique du mot«secte», de sorte que l’usage que l’on en fait est néces-sairement subjectif et très souvent abusif. En 1996fut créé un Observatoire interministériel sur les sectes,qui fut remplacé en 1998 par une Mission Interminis-térielle de Lutte contre les Sectes (M.I.L.S.), avec AlainVivien pour président. En janvier 1999, une nouvellecommission d’enquête sur les sectes fut constituée, avecJacques Guyard pour président. Elle rendit son rapportsix mois plus tard, le 9 juin. Stupeur : l’A.M.O.R.C. yétait cité. Suite à cette “sectarisation” soudaine, j’aiécrit à Laurent Fabius, alors président de l’AssembléeNationale, afin de lui exprimer mon sentiment surcette injustice flagrante. Parallèlement, une copie dece courrier fut adressée à Jacques Chirac, président dela République, à Lionel Jospin, premier Ministre, à

119

* Le précédent rapport parlementaire sur les sectes datait de 1983(rapport “Vivien”).

tous les députés, et à d’autres personnalités d’horizonsdivers.

Étant donné que cette lettre résume parfaitementla situation de l’époque et que j’estime n’avoir aucuneraison de ne pas la rendre publique, la voici dans son inté-gralité :

« Le 1er septembre 1999

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Si je m’adresse à vous aujourd’hui, c’est au nom detous les membres de la juridiction française de l’Ancienet Mystique Ordre de la Rose-Croix. En effet, c’est avecconsternation que nous avons appris que l’A.M.O.R.C. aété “sectarisé” dans le rapport publié le 9 juin dernierpar la commission parlementaire présidée par JacquesGuyard. Certes, votre responsabilité n’est pas impliquée,mais compte tenu de la haute fonction que vous occu-pez à l’Assemblée Nationale, je souhaitais vous écrirepour vous faire part de notre indignation.

Au cas où vous l’ignoreriez, sachez que l’A.M.O.R.C.est une organisation philosophique dont les originesremontent au XVIIe siècle, lorsque les Rose-Croix sefirent connaître pour la première fois en rédigeant troisManifestes qu’ils firent publier en France, en Angleterreet en Allemagne : «La Fama Fraternitatis» (1614), «LaConfessio Fraternitatis» (1615) et «Les Noces chymiquesde Christian Rosenkreutz» (1616). En 1623, ils placardè-rent dans les rues de Paris une affiche devenue célèbre,afin de faire savoir que leur Fraternité était présentedans cette ville et qu’elle était ouverte à tous ceux quisouhaitaient se joindre à elle pour instaurer un mondeplus humaniste et plus spiritualiste. Au cours de son


histoire, l’Ordre compta des personnages éminents, parmilesquels Nicolas Flamel, Cornélius Agrippa, Paracelse,Francis Bacon, Michael Maier, Ashmole, Coménius(Père spirituel de l’U.N.E.S.C.O.), Jacob Bœhme, RenéDescartes, Baruch Spinoza, Wilhelm Leibniz, Cagliostro,Papus, Claude Debussy, Érik satie…

De nos jours, l’A.M.O.R.C. est considéré par deshistoriens de l’ésotérisme comme l’héritier actuel desRose-Croix du passé. En application de sa devise : «Laplus large tolérance dans la plus stricte indépendance»,il est ouvert aux hommes comme aux femmes, sans dis-tinction de races, de religions ou de classes sociales.C’est ainsi qu’il y a des Rosicruciens chrétiens, juifs,bouddhistes, musulmans, animistes,… Étant apoli-tique, ses membres appartiennent à tous les courantspolitiques “classiques” et sont naturellement libres deleurs opinions dans ce domaine. Actuellement, l’Ordreest actif dans le monde entier, et sa réputation huma-niste est telle qu’il est reconnu d’utilité publique dansplusieurs pays. Je dois préciser également qu’il existaitun lien étroit au XVIIIe siècle entre la Rose-Croix et laFranc-Maçonnerie, à tel point que l’un des plus hautsdegrés maçonniques est toujours celui de «ChevalierRose-Croix». Cela dit, ces deux organisations tradition-nelles sont désormais indépendantes, bien qu’il y aitnaturellement des Rose-Croix francs-maçons, et parconséquent des Francs-Maçons rose-croix.

L’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix nefigure pas dans les rapports parlementaires publiés en1983 et en 1996. Et pour cause : il ne répond à aucundes critères retenus par les commissions en questionpour qualifier un mouvement de «secte», au sens péjo-ratif et négatif qu’elles ont donné à ce terme (l’Églisecatholique était considérée comme une secte à ses

121A.M.O.R.C. et commissions parlementaires

origines ; de nos jours, on parle encore de la secte desBonnets jaunes et de la secte des Bonnets rouges dansle Bouddhisme, de la secte des Soufis dans l’Islam, …).Pour rappel, voici ces critères :

1- Une secte est dirigée par un gourou autoprocla-mé à vie : Tous les dirigeants de l’A.M.O.R.C. à travers lemonde sont élus pour un mandat renouvelable de 5 anset peuvent être destitués s’ils ne remplissent pas cor-rectement leur fonction.

2- Une secte incite ses adeptes à se couper dumilieu familial et social : L’A.M.O.R.C. respecte la familleau plus haut point et encourage ses membres à en pré-server l’harmonie. Par ailleurs, les Rose-Croix se fontun devoir de participer positivement à la vie sociale etnombre d’entre eux s’investissent dans des associationscaritatives.

3- Une secte exige beaucoup d’argent de ses adep-tes : La cotisation de l’A.M.O.R.C. s’élève à 1500 F par an*,étant entendu que tout membre de l’Ordre reçoitchaque mois 4 manuscrits et un bulletin de liaison, etchaque trimestre une revue d’environ 40 pages : larevue Rose-Croix, accessible au public.

4- Une secte pratique l’embrigadement, de sortequ’il est très difficile de la quitter : Tout membre del’A.M.O.R.C. peut mettre fin à son affiliation à quelquemoment que ce soit, sans devoir se justifier. En fait,20 % seulement des membres atteignent le 12e etdernier degré de l’Ordre, ce qui prouve que 80 % l’ontquitté auparavant.

5- Une secte porte atteinte à l’ordre public : L’A.M.O.R.C.est très respectueux des lois et de nombreux témoigna-ges attestent qu’il en est de même de ses membres, tantsur le plan individuel que collectif.


* Année 1999.

C’est donc avec consternation que les Rose-Croixde la juridiction française de l’A.M.O.R.C. ont appris quecelui-ci figurait dans le rapport paru en juin 1999 sur“les sectes et l’argent”. En effet, comment comprendre etadmettre que l’A.M.O.R.C., qui n’a jamais été considérécomme une secte, que ce soit d’ailleurs en France oudans tout autre pays du monde, puisse l’être soudaine-ment en raison de critères purement financiers, d’autantplus que ceux qui lui sont appliqués dans ce rapporttraduisent une manipulation évidente, sont complète-ment sortis de leur contexte, et comportent des inexac-titudes importantes. Quoi qu’il en soit :

1- L’étendue du patrimoine de l’A.M.O.R.C. est loind’être démesurée et correspond uniquement aux besoinsde ses membres, notamment à travers ses Loges, quisont de simples lieux de réunions. En outre, son patri-moine est insignifiant comparé à celui de la Franc-Maçonnerie, de l’Église catholique, etc, qui ne sontpourtant pas considérés comme des sectes.

2- Effectivement, en tant qu’association, l’A.M.O.R.C.a subi plusieurs contrôles fiscaux. En quoi cela fait-ilde lui une secte ? Dans ce cas, toute association ayantfait l’objet de tels contrôles doit être considérée a prioricomme une secte. Précisons également que l’A.M.O.R.C.est en contentieux depuis environ 10 ans avec l’Admi-nistration Fiscale, et que ce contentieux n’a pas encoreété jugé à ce jour. (À aucun moment l’honnêteté desresponsables de l’Ordre ni même le fonctionnementfinancier de l’Ordre lui-même n’ont été mis en cause).

3- Le financement de l’A.M.O.R.C. est on ne peut plustransparent. Pour preuve, ses finances sont supervi-sées par un expert-comptable et authentifiées par uncommissaire aux comptes qui ne sont pas membres de


l’Ordre. Pour ce qui est de la cotisation, il n’y a environqu’un membre sur deux qui règle le montant de 1500 F,les autres bénéficiant de tarifs réduits, parfois mêmed’exonération quand ils sont dans une situation écono-mique difficile. Quant aux dons reçus par l’A.M.O.R.C.,ils ne représentent environ que 4,9 % des entrées obte-nues par les cotisations.

4- Le budget de l’A.M.O.R.C. est tout à fait raison-nable, compte tenu du nombre de membres dans lajuridiction française et de ses dépenses de fonctionne-ment, lesquelles ont d’ailleurs été jugées tout à faitnormales par les Vérificateurs fiscaux. En outre, l’A.M.O.R.C.est déficitaire depuis plusieurs années, ce qui n’est pasmentionné dans le rapport parlementaire.

Nous avons été convoqués à l’Assemblée Nationalele 9 juin dernier. Je m’y suis rendu en compagnie duprésident de l’A.M.O.R.C., de l’expert-comptable et duconseiller fiscal, l’un et l’autre n’étant pas membres,pas plus d’ailleurs, comme je l’ai indiqué précédem-ment, que le commissaire aux comptes qui supervise etauthentifie tous les comptes de l’Ordre. Nous savionsen effet que le but de cette convocation était de répon-dre à des questions d’ordre financier. À notre surprise,nous n’avons été entendus que par Monsieur Guyard,président de la commission, et non par la commissiondans son ensemble, ce qui nous semble anormal (seulun fonctionnaire accompagnait Monsieur Guyard). Lemode de fonctionnement et la situation financière del’A.M.O.R.C. lui ont été expliqués très clairement et lapreuve de l’honnêteté de l’Ordre et de ses dirigeants luia été apportée. À plusieurs reprises, il nous a laisséentendre que tout semblait effectivement très clair etque nous n’étions entendus que par simple formalité.Or, ce même jour, c’est-à-dire le 9 juin, le rapport en


question (347 pages !!!) était adopté à l’unanimité parla commission. Cela laisse supposer que notre auditionne servait strictement à rien et qu’elle n’avait d’autrebut que d’accréditer le fait que nous avions été enten-dus.

À ce jour, nous avons toutes les raisons de penserque l’on a voulu mettre l’A.M.O.R.C. dans ce troisièmerapport parlementaire consacré aux sectes, afin de lediscréditer aux yeux de l’opinion publique, des médiaset de certaines instances. Le “rapporteur” a d’ailleurspris soin d’employer aussi souvent que possible l’ex-pression «secte A.M.O.R.C.», afin de bien l’implanter dansla conscience du lecteur. Certes, cette manœuvre nousa atteints dans notre honneur et nous ressentons unprofond sentiment d’injustice face à une telle impos-ture. Cela nous rappelle aussi des périodes sombres del’histoire des Rose-Croix : au Moyen-Âge, ils ont subil’Inquisition ; au XVIIe siècle, l’acharnement des Jésui-tes ; durant la Deuxième Guerre mondiale, les persé-cutions nazies,… Le gouvernement de Vichy lui-mêmeavait fait interdire l’Ordre de la Rose-Croix et l’OrdreMartiniste Traditionnel, que l’A.M.O.R.C. parraine tou-jours aujourd’hui. Mais comment comprendre et admet-tre qu’une commission parlementaire qui engage laresponsabilité de l’État français actuel ait pu se ren-dre coupable d’une telle discrimination à l’égard del’A.M.O.R.C. ? Que lui reproche-t’on exactement ? D’êtreindépendant de tout mouvement politique, écono-mique, social, religieux ou autre ? D’être profondémenthumaniste et de contribuer à l’élévation des conscien-ces ? De véhiculer une philosophie permettant à chacund’être, non pas nécessairement un libre-penseur, maisun penseur libre ? De lutter contre la superstition, lefanatisme, l’intégrisme et l’intolérance ?


Les choses étant ce qu’elles sont, je constate qu’àl’exception des religions “officielles”, de l’Opus Dei(Ordre intégriste lié directement à l’Église catholique)et de la Franc-Maçonnerie (le Grand Orient de Franceétait d’ailleurs très bien représenté dans la commissionen la personne de Monsieur Guyard), les autres mouve-ments religieux, spirituels et philosophiques majeurssont désormais dans l’un ou l’autre des trois rapportsparlementaires. Il s’agit là d’un cas de figure uniquedans le monde, et cela est d’autant plus regrettable quela France se dit la “patrie des droits de l’homme”. Enfaisant de l’A.M.O.R.C. une secte, la commission s’estdiscréditée, car des centaines de milliers de personnesà travers la France, l’Europe et le monde savent par-faitement qu’il s’agit d’un mouvement philosophiqueprofondément humaniste. Certes, je savais que notrepays avait été condamné plusieurs fois par l’O.N.U. etl’U.N.E.S.C.O. pour atteinte à la liberté de croyance etoppression des minorités religieuses, spirituelles et phi-losophiques, mais de là à “sectariser” les Rose-Croix… !À moins qu’il ne s’agisse d’une mesure idéologiqueayant pour but de les censurer et d’institutionnaliseren France un certain “religieusement correct” ?

A priori, il nous est impossible de poursuivre la“commission Guyard”, car elle n’existe plus sur le planjuridique. Il en est de même pour les Députés qui laconstituaient, car ils bénéficient de l’immunité parle-mentaire. Cela dit, nous étudions d’autres recourspossibles avec nos avocats. Indépendamment de cesrecours éventuels, nous avons rédigé une charte quiréaffirme les principes traditionnels, éthiques et huma-nistes sur lesquels repose l’A.M.O.R.C. depuis toujours.Cette charte, qui sera adressée à qui de droit, a étédéposée chez un Huissier de Justice pour qu’elle soit


légalement protégée. En outre, nous l’avons intégrée ànos statuts pour lui donner un caractère officiel vis àvis des autorités publiques de la France. Vous en trou-verez ci-joint une copie.

Monsieur le président de l’Assemblée Nationale, jene souhaitais pas abuser de votre temps, et je sais quece courrier ne pourra rien changer quant à l’injustice queles Rose-Croix ont subi à travers le “rapport Guyard”,mais faisant confiance à votre jugement et à votreouverture d’esprit, il m’a semblé important et néces-saire de vous l’adresser.

Veuillez recevoir, cher Monsieur, mes pensées lesplus respectueuses.

Serge ToussaintGrand Maître »

En réponse à cette lettre, le secrétariat de MonsieurFabius m’a fait savoir qu’il l’avait transmise à Mon-sieur Guyard, lequel en avait de toutes façons reçuune copie. Ce dernier m’a lui-même répondu le 24 sep-tembre 1999 en précisant que la commission qu’il pré-sidait ayant été dissoute le jour même où le rapportavait été publié, il ne pouvait reconsidérer le cas del’A.M.O.R.C. Il me suggéra néanmoins de solliciter unrendez-vous auprès d’Alain Vivien, président de laMission Interministérielle de Lutte contre les Sectes(M.I.L.S.). Jean-Pierre Brard, rapporteur de cette mêmecommission, répondit également à ma lettre en affir-mant de façon quelque peu péremptoire que ce rapportétait définitif, stipulant notamment que la commissions’était réunie sous le sceau du secret et que son rapport


avait été placé sous embargo trentenaire !!! Chacunjugera le caractère démocratique de la méthode. Quantau ministère de l’Intérieur, il me fit savoir dans uncourrier en date du 14 octobre 1999 : «Il n’appartientpas au Gouvernement d’apprécier les critères qui ontguidé une commission parlementaire dans sa réflexion.Son rapport parlementaire ne constitue qu’un élémentd’information et de proposition ; il ne prétend pas avoirvaleur normative et ne saurait fonder ni des distinc-tions entre les associations qualifiées de “sectaires” etcelles qui ne le sont pas au regard dudit rapport, ni dessanctions quelconques».

À propos de la “commission Guyard”, je voudraisrappeler qu’elle a été créée le 15 décembre 1998 etqu’elle a rendu son rapport le 9 juin 1999. Or, c’estprécisément le 9 juin que nous avons été convoqués àl’Assemblée Nationale, et seul Monsieur Guyard étaitprésent, accompagné d’un fonctionnaire. Pourquoi doncavoir attendu le dernier moment pour entendre lesRose-Croix ? Parce que leur sort était décidé et que lerapport en question était déjà rédigé. N’oublions pasqu’il a été approuvé à l’unanimité par la commission lejour même de notre audition, et que l’A.M.O.R.C. y estmentionné en tant que secte dès la 20e page (le rapporten compte 347). Assurément, son ou ses auteurs ontfait preuve d’une célérité extrême pour le rédiger. Com-ment ne pas être indigné par une telle procédure ? Est-ce digne d’une démocratie ? Certes, nous avons reçu le29 avril 1999 un questionnaire de 29 pages à renvoyerdûment rempli à la commission pour le 15 mai au plustard (ce qui représente un délai très court), mais cequestionnaire concernait uniquement des points juridi-ques et financiers, et en aucun cas les réponses appor-tées ne pouvaient laisser supposer que l’A.M.O.R.C. était


une secte. Le 9 juin, lors de notre audition à l’AssembléeNationale, j’ai même eu l’impression que M. Guyard nel’avait pas lu !

Pour montrer le manque de sérieux dont la commis-sion a fait preuve dans ses “enquêtes”, il faut savoirque dans un entretien accordé à un journal régional,Chantal Robin-Rodrigo, député qui était membre decette commission et qui en était même l’un des deuxsecrétaires, déclara que si l’A.M.O.R.C. n’avait pas étécité dans le rapport parlementaire de 1996, c’est parcequ’il «faisait partie d’un vaste mouvement ésotérique,considéré alors comme peu important». Or, il était àcette époque un mouvement ésotérique à lui-seul etavait la même importance qu’en 1999, que ce soit parson nombre de membres, sa structure matérielle, sonimplantation, son patrimoine, etc. En fait, il étaitdéjà l’une des organisations philosophiques les plusimportantes en Occident. De toute évidence, MadameRobin-Rodrigo ne savait pas ce qu’était l’A.M.O.R.C. aumoment où elle se prononça à son sujet et contribuaà le faire classer comme secte. Dès lors, commentpouvait-elle être objective ? À un tel niveau de respon-sabilité, on est pourtant en droit d’espérer que les per-sonnes concernées connaissent leurs dossiers...

À ma demande, j’ai rencontré Catherine Picard,autre membre de cette commission, à sa permanence,à Vernon, le 6 janvier 2000. Elle aussi me donna l’im-pression qu’elle ne connaissait pas l’A.M.O.R.C., à telpoint qu’elle fut incapable de m’expliquer précisémentpourquoi il avait été classé comme secte dans le rap-port de juin 1999. Pour tenter de justifier ce classe-ment, elle se limita à me brandir une page du journal«Le Monde», où l’A.M.O.R.C. était cité dans un articleconsacré aux drames de l’O.T.S., sans d’ailleurs être


qualifié de “secte”. À la suite de cette rencontre quelquepeu tendue, j’ai compris que l’idéologue qu’elle étaits’acharnerait désormais contre l’A.M.O.R.C., ne serait-ceque pour justifier a posteriori que la commission àlaquelle elle avait appartenu avait fait un travailsérieux. Comme nous le verrons plus loin, l’avenir m’amalheureusement donné raison. Cela dit, elle a aumoins eu le mérite de bien vouloir me rencontrer, cequ’aucun autre membre de la commission n’a accepté defaire, hormis Jacques Myard, vice-président.

L’A.M.O.R.C. ne répondant à aucun des critèresretenus par la commission de 1995 pour classifier unmouvement de “secte” (destabilisation mentale, carac-tère exhorbitant des exigences financières, ruptureinduite avec l’environnement d’origine, atteintes à l’inté-grité physique, etc.), il fut cité dans le rapport de juin1999 pour des questions d’argent. Pourtant, comme jel’ai précisé dans la lettre adressée à Monsieur Fabius,le patrimoine de l’Ordre n’est en aucun cas excessifpour une association aussi ancienne. Par ailleurs, tousles édifices qu’il possède sont mis à la disposition deses membres et servent à des lieux de réunions, deconférences ou de séminaires. Certes, il a subi deuxcontrôles fiscaux effectués en 1991 et 1995, mais enaucun cas cela ne peut faire de l’A.M.O.R.C. une secte.Dans le cas contraire, cela voudrait dire que toutes lesassociations et entreprises qui ont été contrôlées parle Fisc sont de nature sectaire !!! Je voudrais préciserégalement qu’il n’y a jamais eu de poursuites pénalescontre les dirigeants de l’Ordre, ce qui prouve qu’il n’y ajamais eu de fraudes fiscales ou de manœuvres fraudu-leuses. Par ailleurs, la bonne foi de l’Association a étéreconnue par la Direction des services fiscaux de Haute-Normandie.


En résumé, l’Administration Fiscale est partie duprincipe que l’A.M.O.R.C. serait une école d’enseignementpar correspondance de type commercial, ce qu’il n’estpas et n’a jamais été. En conséquence, elle lui réclamel’I.S. et la T.V.A. sur les cotisations encaissées durant lesannées contrôlées, ainsi que l’I.S. et la T.V.A. sur lesfonds comptabilisés par l’A.M.O.R.C. depuis 1949. Ajou-tez à cela une taxation d’office (80 % de pénalités), lesintérêts moratoires liés à la durée de la procédure(depuis 1991), et les intérêts de retard : au total, unesomme exhorbitante que l’A.M.O.R.C. ne possède pas. Àce jour, le second contrôle a été totalement abandonné.Le premier l’a été partiellement, et la partie restanteest toujours en contentieux, puisque portée au niveaudu Conseil d’État. Comme chacun sait, l’arme fiscalepeut être redoutable, et je suis convaincu que ces deuxcontrôles ont été diligentés dans le but délibéré denuire à l’A.M.O.R.C. et même de le faire disparaître. Onm’a d’ailleurs rapporté qu’ils auraient été déclenchéspar Michel Charasse, Ministre du budget en 1992, donton sait l’aversion qu’il éprouve à l’égard des religionset des mouvements spiritualistes. Si c’est vrai, et s’il litce livre, qu’il sache simplement que c’est un membre del’A.M.O.R.C. qui contribua à lui sauver la vie lorsqu’il fitun malaise très grave à l’Assemblée Nationale, alorsqu’il était le secrétaire général du groupe socialiste.

Suite à l’intervention d’un député qui m’avait faitsavoir qu’il jugeait anormal que l’A.M.O.R.C. ait été clas-sé parmi les sectes, j’ai eu un entretien téléphoniqueavec Jacques Guyard, président de la commission par-lementaire de 1999, le 3 décembre 2001, vers 17h00,alors qu’il se trouvait au S.A.N.E. (Syndicat d’Agglomé-ration Nouvelle d’Évry). Lui ayant fait part de mon sen-timent quant à l’injustice dont les Rose-Croix étaient


victimes à travers leur “sectarisation”, et après avoirinsisté pour en connaître les raisons véritables, ilreconnut que des pressions avaient été exercées pourque l’A.M.O.R.C. soit mentionné dans le rapport de juin1999. Lorsque je lui ai demandé par quel “miracle”l’Opus Dei, considéré par beaucoup comme une sectecatholique intégriste, n’y figurait pas, il laissa supposerque d’autres pressions avaient été exercées pour qu’ilne soit pas mentionné. Après avoir tenté de me rassu-rer en me rappelant que le rapport en question n’avaitpas force de loi, il me promit de faire en sorte quej’obtienne un rendez-vous auprès de Monsieur Vivien,alors président de la Mission Interministérielle de Luttecontre les Sectes.

Finalement, j’ai rencontré Alain Vivien à l’Assem-blée Nationale le 12 décembre 2001. L’entretien s’estdéroulé en toute courtoisie, en présence d’autres mem-bres de la M.I.L.S. Au cours de la discussion, il reconnutque l’A.M.O.R.C. n’était pas une secte à ses yeux. Quel-ques jours plus tard, je recevais de lui une lettre stipu-lant : «La Mission depuis sa création en novembre 1998n’a été saisie d’aucune plainte concernant l’A.M.O.R.C.».En 1982, alors qu’il était député, il avait déjà eu l’occa-sion de déclarer dans un interview : «Je ne connais pasparfaitement les obédiences maçonniques, ni la Rose-Croix. Cependant, pour ce que j’en sais de l’extérieur, ils’agit de sociétés essentiellement philosophiques quidéclarent un but de philanthropie, et qui, contraire-ment à l’opinion généralement répandue, ne sont passecrètes, mais simplement discrètes».

Sans doute pris de remords, Jacques Guyard m’adres-sa un courrier daté du 18 février 2002, dans lequel ilreconnut : «Je tiens à témoigner qu’aucun fait n’a pu vousêtre reproché qui vienne conforter ce classement... Je


souhaite que votre réhabilitation se confirme dans letemps et atteste d’ores et déjà de votre situation d’asso-ciation exerçant dans le cadre légal sa liberté depensée». Près d’un an plus tard, suite à une rencontre,Jacques Myard, vice-président de la commission, eut àson tour le courage et l’honnêteté de déclarer dans unelettre datée du 17 décembre 2002 : «Il m’apparaît quevotre Association est un mouvement philosophique quine répond pas à la définition d’un groupement sec-taire».

Suite à mes démarches en vue d’une réhabilitationofficielle de l’A.M.O.R.C., j’ai reçu d’autres courriers éma-nant de personnalités civiles, politiques et religieuses,confirmant ou attestant qu’il ne s’agit pas d’une secte.Voici les extraits majeurs des courriers les plus mar-quants :

. « Je viens vous donner acte, sans m’immiscer dansl’activité de votre Association, que vous êtes honorable-ment connu dans notre secteur et qu’aucune plainte nem’est jamais parvenue dans mes fonctions d’élu localet national. » (Alfred Recours, député de l’Eure - 23octobre 2001).

. « Les statuts de votre Association, comme son fonc-tionnement public, ne laissent pas trace de pratiquessectaires. » (Michel Tubiana, président de la Ligue desDroits de l’Homme - 15 mai 2002).

. « À mes yeux, l’A.M.O.R.C. n’est ni une secte, ni uneorganisation religieuse, ni un mouvement s’adonnantà des pratiques sectaires. Mais une société de pensée etune organisation humaniste. » (Jean Vernette, déléguéépiscopal de l’Église catholique pour la question dessectes - 4 juillet 2002).


. « L’A.M.O.R.C. est une organisation ésotérique, doncdiscrète, qui n’a pas d’autre but que le perfectionnementde l’individu et celui de la société. » (Yves Masfaraud,secrétaire de l’A.D.F.I. de Paris - 18 juillet 2002).

. « L’A.M.O.R.C. n’est pas une secte, ni une religion, maisun mouvement philosophique. » (Jean-Pierre Kucheida,député - 30 décembre 2002).

. « Il m’apparaît que votre Association est un mouve-ment philosophique que les membres sont parfaitementlibres d’intégrer comme de quitter, ce qui à l’évidence n’estpas le cas d’un groupe sectaire. » (Jean-Pierre Nicolas,député - 26 février 2003).

. « Je puis vous indiquer que tant au cours de macarrière de magistrat confronté au phénomène sectaire,qu’à l’occasion de réflexions et travaux menés à cesujet, je n’ai eu à connaître de faits ou de positions pou-vant préjudicier à votre éthique. » (Georges Fenech,député - 8 octobre 2003).

. « L’éclectisme et la tolérance qui caractérisent cetOrdre (l’A.M.O.R.C.) ne peuvent en aucun cas permettrede le ranger au nombre des sectes. » (Docteur RolandEdighoffer, historien de l’ésotérisme, professeur à laSorbonne - 20 octobre 2003).

. « Je me réjouis de voir paraître le Manifeste publiésous l’égide de l’A.M.O.R.C… Manifeste qui me paraîtprésenter un intérêt tout particulier dans l’histoired’un des courants spirituels les plus intéressants (ausens positif du terme) des Spiritualités en Occident. »(Antoine Faivre, historien de l’ésotérisme, directeurd’étude émérite à la Sorbonne - 20 octobre 2003).


. « Je certifie qu’à ma connaissance la Rose-Croix(A.M.O.R.C.) est une association dont les activités sontessentiellement d’ordre philosophique et spirituel, etqu’elle ne trouble en rien l’ordre public. Je n’ai jamaisété saisi d’une quelconque plainte à son sujet. » (ClaudeLise, sénateur - 16 juillet 2004).

. « Je certifie que l’Association Rose-Croix A.M.O.R.C.est une Association dont les activités sont d’ordre spiri-tuel et philosophique. Sur le plan local et régional, jen’ai jamais été saisi d’une quelconque plainte à l’encon-tre de cette Association. » (Philippe Edmond-Mariette,député - 11 août 2004).

. «J’atteste que l’Ancien et Mystique Ordre de laRose-Croix (A.M.O.R.C.) n’est pas une secte, mais unmouvement traditionnel et philosophique. Je n’ai d’ail-leurs jamais reçu de plaintes à son encontre. » (JanineTavernier, membre de l’U.N.A.D.F.I. dès 1984, présidentede 1993 à 2001 - 18 mai 2005)».

Ayant eu connaissance de ces courriers positifs pourl’A.M.O.R.C., Jean-Pierre Brard, rapporteur de la commis-sion de 1999, ainsi que Philippe Vuilque et CatherinePicard, tous deux membres de cette commission, s’em-pressèrent de “monter au créneau” et d’affirmer que jeles avais obtenus en exerçant des pressions sur leursauteurs ou en les manipulant. Outre qu’elle est men-songère, une telle affirmation de leur part revient fina-lement à dire que tous ceux qui me les ont adresséssont des êtres faibles, influençables et mal informés.Les personnes concernées apprécieront... Cela dit, auregard de la nouvelle mise à l’index de l’A.M.O.R.C. dansle rapport publié par la M.I.V.I.L.U.D.E.S. en avril 2006,j’espère qu’elles auront l’honnêteté et le courage demaintenir leurs propos. Quoi qu’il en soit, où donc se


trouve la manipulation ? Naturellement, s’ils lisent celivre, il va de soi que les trois idéologues précités vontredoubler de virulence à l’encontre de l’A.M.O.R.C. et lediffamer encore plus.

N’ayant plus d’existence juridique, il a été impos-sible de poursuivre la commission sur le plan judiciairepour ce que j’estime être de la diffamation. Il en a étéde même pour les députés qui la constituaient, car ilsbénéficiaient de l’immunité parlementaire. Ne s’agit-ilpas d’un abus de pouvoir inacceptable dans une démo-cratie ? De nombreuses voix se sont d’ailleurs élevéespour dire que cette commission, comme la précédented’ailleurs, a manqué de sérieux et d’objectivité. Parmices voix, il n’y a pas uniquement celles des mouve-ments qui ont été classés injustement parmi les sectes,auquel cas elles seraient tournées en dérision. Il y acelles aussi de sociologues, d’universitaires, d’historiens,de journalistes, et même de personnes impliquées dansla lutte contre les sectes. Dans ces conditions, il n’estpas étonnant que Jean-Pierre Raffarin, alors qu’il étaitpremier Ministre, en soit venu à rendre leurs “travaux”quelque peu caducs dans une circulaire datée du 27mai 2005.

En réponse à la “sectarisation” de l’A.M.O.R.C. dansle rapport parlementaire de juin 1999, il nous a semblénécessaire et opportun de rédiger une charte réaffirmantles principes traditionnels, éthiques et humanistes surlesquels l’A.M.O.R.C. repose depuis toujours. Cette chartefait désormais partie intégrante des statuts de l’Ordreet constitue en soi un engagement vis à vis du Gouver-nement français et de l’opinion publique. En voici letexte :


TRADITION - ÉTHIQUE - HUMANISME

L’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix déclare que :

L’extension et la diversification du phénomène sec-taire ont entraîné la plus grande confusion dans l’espritde nos concitoyens, ainsi qu’une incompréhension et unamalgame de la part de certains organes d’informationet même d’autorités étatiques. Ce trouble, par ailleurscompréhensible, tend à englober dans une même réa-lité des groupes présentant une réelle dangerosité,publique ou individuelle, avec des organisations tradi-tionnelles et humanistes respectueuses de la loi. Fauted’une définition juridique des sectes, de telles dérivesconduisent aujourd’hui à des qualifications abusiveset discriminatoires. Ceci constitue une atteinte auxprincipes fondamentaux de la démocratie et de laRépublique. Si l’État est garant de la sécurité et desvaleurs collectives, il reste aussi garant des libertésprimordiales que sont la liberté d’opinion et la libertéd’association. Celles-ci ne sont pas divisibles, et nul nedoit faire l’objet d’un traitement d’exception.

L’A.M.O.R.C. condamne sans réserve et sans ambi-guïté les pratiques contraires à la dignité humaine, àl’intégrité des personnes et à la propriété des biens. Parailleurs, il s’insurge contre le galvaudage des valeursphilosophiques ou traditionnelles par des imposteursqui les discréditent aux yeux de l’opinion et des pou-voirs publics. C’est pourquoi il réaffirme dans cetteCharte les principes éthiques qui ont toujours été lessiens :

1 — Il est légalement constitué et déclaré en tantqu’association, et accepte de rendre compte de ses acti-vités à l’autorité publique.


2 — Il exerce son activité associative dans ledomaine de la pensée qui lui est propre, de façon paisi-ble et en s’interdisant toute manifestation suscepti-ble de porter atteinte à l’ordre public ou à l’autorité del’État.

3 — Il n’impose jamais à ses membres un dogme ouune pensée unique, et respecte la pluralité des croyan-ces religieuses et philosophiques.

4 — Il s’interdit toute activité ou discussion d’ordrepolitique, tout en laissant dans ce domaine la libertéd’opinion à chacun de ses membres.

5 — Il n’utilise aucune méthode de persuasion oude manipulation pouvant porter atteinte au libre arbi-tre ou à la volonté de l’individu.

6 — Il ne présente jamais à ses membres la penséeou l’œuvre de l’un quelconque de ses dirigeants commeseule expression de la vérité.

7 — Il laisse chacun de ses membres entièrementlibre de quitter l’organisation à tout moment, sans êtreinquiété de quelque manière que ce soit.

8 — Il s’oppose à toute forme de ségrégation racialeou ethnique.

9 — Il condamne formellement l’embrigadementdes enfants, ainsi que toute infraction aux lois sur lascolarité et l’éducation.

10 — Il ne spécule pas sur la menace de tragédiesapocalyptiques imminentes (fin du monde, guerrenucléaire, cataclysme, etc.), ni ne se fonde sur descontacts extra-planétaires.


11 — Il se refuse à toute apologie du mal, désap-prouve le suicide et condamne toutes les formes de vio-lence, qu’elles soient individuelles ou collectives.

12 — Il n’impose aucun mode de vie particulier àses membres, que ce soit en matière de régime alimen-taire ou autre, et ne les engage dans aucune pratiqueou spéculation d’ordre sexuel.

13 — Il n’incite aucunement ses membres à rompreavec leur milieu familial ou social.

14 — Il respecte la science et la médecine, et ne dis-suade jamais ses membres d’y avoir recours.

15 — Il n’impose jamais à ses membres l’abandonou la cession de leurs biens ou de leurs revenus auprofit de qui que ce soit, et interdit toute transmissionpersonnelle des biens ou des revenus de ses membresaux dirigeants de l’organisation.

16 — Il utilise le plan comptable prévu par la légis-lation en vigueur, et fait contrôler ses comptes par unexpert-comptable et un commissaire aux comptes, exté-rieurs à l’organisation.

17 — Il ne poursuit aucun but lucratif et n’exige deses membres qu’une cotisation annuelle, comme c’est lecas dans toute association.

18 — Il exclut tout membre condamné par une juri-diction pénale pour faits contraires à la probité ou auxbonnes mœurs.

19 — Héritier des Rose-Croix du passé, il œuvredans le seul but de transmettre ses enseignements tra-ditionnels et de perpétuer ses idéaux humanistes.

Omonville, le 9 août 1999


L’A.M.O.R.C. étant conforme à chacun des points decette charte, il ne peut donc être considéré comme unesecte. Il en est même l’antithèse, que ce soit par sanature, son enseignement, sa philosophie et son éthi-que. On peut donc comprendre le sentiment d’injusticeque les Rose-Croix éprouvent depuis quelque tempsface à l’acharnement dont ils font l’objet en France,et uniquement en France. Assurément, cette nouvelleillustration de “l’exception française” ne fait pas hon-neur à notre pays.


11.

A.M.O.R.C.

ET M.I.V.I.L.U.D.E.S.

C’est à nouveau avec consternation que j’ai apprisque l’A.M.O.R.C. était cité dans le rapport annuel que laM.I.V.I.L.U.D.E.S. publia le 21 avril 2006, d’autant plusqu’il ne l’avait jamais été les années précédentes, nimême dans les rapports de la M.I.L.S. Cela dit, je le pres-sentais, car je savais que Jean-Pierre Brard, membre dela M.I.V.I.L.U.D.E.S., exerçait une forte influence sur lestravaux de cette Mission, tout comme Philippe Vuilque,président du groupe parlementaire d’études sur les sec-tes, et Catherine Picard, présidente de l’U.N.A.D.F.I. Com-me je l’ai déjà dit, ces trois idéologues ont en communde vouloir nuire à l’A.M.O.R.C. et justifier a posteriori lesérieux des travaux effectués par “leur” commission de1999. On retrouve également chez eux une propensionà voir des sectes partout et une tendance à l’intégrismelaïc. Ce savant mélange des genres montre à quel pointil y a en France un consensus inique et cynique dans lamanière de gérer le phénomène sectaire, y compris etsurtout lorsqu’il s’agit de cultiver l’art de la confusionet de l’amalgame. En effet, aucun “chasseur de sectes”se déclarant comme tel ne veut être en reste lorsqu’il

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s’agit de montrer au peuple qu’il fait tout pour le proté-ger de leur influence pernicieuse, même au risque decommettre des injustices flagrantes. De toute évidence,les plus virulents y voient une opportunité d’occuper lascène médiatique et un créneau porteur dans la pers-pective d’élections à venir...

Comme je l’ai expliqué dans le chapitre précédent,Alain Vivien, président jusqu’en 2002 de la M.I.L.S.,ancêtre de la M.I.V.I.L.U.D.E.S., confirma par écrit qu’iln’avait jamais reçu de plaintes à l’encontre de l’A.M.O.R.C.En novembre 2003, j’ai rencontré également Jean-LouisLanglais, successeur de Monsieur Vivien à la prési-dence, non plus de la M.I.L.S., mais de la M.I.V.I.L.U.D.E.S.Lors d’un entretien très courtois dans son bureau àParis, il me confia qu’il savait de source sûre quel’A.M.O.R.C. n’était pas une secte et me rassura quant àl’avenir. Dans un journal paru en 2004, un correspon-dant de la M.I.V.I.L.U.D.E.S. avait d’ailleurs déclaré quel’A.M.O.R.C. ne méritait pas d’avoir été classé commesecte. Jean-Michel Roulet ayant succédé à MonsieurLanglais en juin 2005, je lui ai écrit également afin delui demander un rendez-vous. Il me répondit courtoi-sement en me priant de reprendre contact avec lui unpeu plus tard, compte tenu du fait qu’il était quelquepeu débordé. Il alla même jusqu’à terminer son courrieren disant : «Je vous prie d’agréer, Monsieur le GrandMaître, l’expression de ma considération la plus dis-tinguée». Est-ce ainsi que l’on s’adresse au gouroud’une secte ?

Dans le rapport de la M.I.V.I.L.U.D.E.S., il n’est pasdit pourquoi l’A.M.O.R.C. est une secte. Et pour cause...À partir de textes anciens, sortis de leur contexte etmême tronqués, on fait simplement remarquer qu’ilparraine un Institut Culturel de l’Enfance ainsi qu’un


Ordre des Porte-Flambeaux, et qu’il organise des séjoursde vacances pour les enfants des membres (et des non-membres d’ailleurs) dans un domaine qu’il possède enAuvergne. Pour ce qui est de l’I.C.E., son activité serésume à envoyer aux futurs parents qui le souhaitent(membres de l’A.M.O.R.C. ou non) deux brochures, l’uneconsacrée à des conseils leur permettant de se préparerpsychologiquement et spirituellement à la naissance deleur futur enfant, l’autre à des recommandations desti-nées à l’éveiller le mieux possible durant les premiersmois de son existence. Si l’A.M.O.R.C. a été précurseuren la matière, ces conseils et ces recommandations seretrouvent désormais dans des livres en vente libre,écrits par des pédiatres, des psychologues et des éduca-teurs reconnus que personne ne songerait à incriminer.Dès lors, pourquoi en faire le reproche à l’A.M.O.R.C.,d’autant plus que très peu de parents demandent àrecevoir les brochures de l’I.C.E., et qu’ils restent entiè-rement libres d’en tenir compte ou non ?

La M.I.V.I.L.U.D.E.S. semble également reprocher auxRose-Croix de croire qu’une future maman peut attirerpar ses pensées une âme qui correspondra autant quepossible à la personnalité qu’elle souhaite pour sonenfant à naître. Les Égyptiens et les Grecs de l’anti-quité étaient convaincus de ce principe et l’appliquaientcouramment. Certes, on peut ne pas partager cettecroyance. Mais en quoi est-elle négative ou sectaire ?Dans le pire des cas, elle est tout simplement naïve,fantaisiste ou utopiste. Ou alors, que dire de tous ceuxet de toutes celles qui croient au pouvoir du baptême,de la prière, de la confession, de la communion, del’extrême-onction, de la Providence divine... Il y a donclà une dérive très grave dans la lutte contre les sectes(avérées ou supposées), car on en est venu à porter un

151A.M.O.R.C. et M.I.V.I.L.U.D.E.S.

jugement sur les croyances elles-mêmes, ce qui estcontraire à l’article I de la Constitution française et àl’article X de la Déclaration des droits de l’homme. Ils’agit selon moi d’une forme d’inquisition et d’unedéviance fasciste. L’Histoire a pourtant montré ce quedonnaient les idéologies destinées à «faire le bonheurdes gens malgré eux». Faut-il désormais que les mem-bres de l’A.M.O.R.C. portent une rose-croix cousue surleurs vêtements ?

Quant à l’Ordre des Porte-Flambeaux, il avait pourvocation de promouvoir l’idéal de fraternité qui devraitprévaloir, non seulement entre tous les enfants dumonde, mais également entre tous les hommes et tou-tes les femmes, et ce, indépendamment de leur race, deleur nationalité et de leur religion. Les enfants qui enfaisaient partie (leurs parents n’étaient pas nécessaire-ment membres de l’A.M.O.R.C.) recevaient chaque moisdes monographies traitant de sujets culturels, tels queles origines de l’univers, l’apparition de la vie sur Terre,les règnes de la nature, les grandes civilisations anti-ques, les grandes religions, les grands philosophes dupassé, le temps et l’espace, les arts, etc. Je pense trèssincèrement que n’importe quel enfant, de quelquemilieu que ce soit, que ses parents suivent ou non unereligion, aurait pu lire sans aucun problème ces mono-graphies, tant elles étaient dénuées de tout sectarisme,de tout dogmatisme et de toute idéologie. Si je précise«aurait», c’est parce que l’Ordre des Porte-Flambeauxn’existe plus, tout simplement parce que trop peu d’en-fants avaient encore la motivation voulue pour lire cequi leur était adressé. En effet, chacun sait qu’ils préfè-rent désormais passer des heures à regarder la télévi-sion, à jouer à des jeux vidéos, à “surfer” sur Internet,etc. Est-ce vraiment mieux pour eux ?


En ce qui concerne le domaine que l’A.M.O.R.C. met-tait à la disposition des enfants durant les vacancesscolaires, il me semble important de préciser qu’il étaitagréé par le ministère de l’Éducation Nationale et parle ministère de la Jeunesse et des Sports. Là encore,si je dis «était», c’est parce qu’il a cessé toute activitédepuis juillet 2005. En effet, cette structure étant deve-nue trop lourde financièrement, nous avons décidé denous en séparer, au grand désespoir des enfants quis’y rendaient chaque année (environ la moitié d’entreeux avaient des parents non membres). En outre, tou-tes les inspections effectuées de façon impromptue sesont traduites par de très bons rapports. Dans la conclu-sion de l’un d’eux, on peut même lire : «Les conditionsd’accueil sont très satisfaisantes. Le projet pédago-gique est bien structuré et bien mis en œuvre. Ladémarche propre à cette association rosicruciennesemble convenir à l’équipe d’encadrement ainsi qu’auxenfants accueillis». Comme peuvent en témoigner lesparents non-membres de l’A.M.O.R.C., jamais les enfantsn’ont subi la moindre pression ou influence au cours deces séjours, tout simplement parce que cela est contrai-re à notre éthique. Et si le fait d’organiser des vacancespour enfants est l’indice d’une activité sectaire, il fautconsidérer alors que l’Église catholique, le Scoutisme, laFranc-Maçonnerie, les Comités d’entreprises, les Syndi-cats et autres sont autant de sectes...

En dernière analyse, la mise à l’index de l’A.M.O.R.C.dans le rapport de la M.I.V.I.L.U.D.E.S. est fondée sur descritères totalement subjectifs et traduit là encore unerétorsion purement idéologique. Faute d’argumentssérieux permettant de justifier qu’il s’agit d’une secte,on sous-entend que les Rose-Croix ont une approchespiritualiste de l’éducation et qu’une telle approche est


par elle-même sectaire. Que dire alors des écoles pri-vées placées sous le giron de telle ou telle religion,pourtant reconnues par l’État français ? Et à proposd’éducation*, permettez-moi de reproduire un texte quej’ai écrit à l’intention des membres de l’A.M.O.R.C., suiteà un courrier dans lequel l’un d’eux me demanda laconception que j’en avais. J’ai d’autant plus apprécié depouvoir répondre à cette question que j’ai été institu-teur plusieurs années. Naturellement, on peut là enco-re ne pas être d’accord avec mes propos, mais à moinsd’être de mauvaise foi, je doute que l’on puisse y décelerun fond de sectarisme. Voici la réponse apportée :

«Tout d’abord, il me semble important d’établir unedistinction entre l’éducation et l’instruction, car on atendance à confondre les deux. Éduquer un enfant,c’est lui inculquer des valeurs civiques et éthiques, afinqu’il se comporte aussi dignement que possible dansson milieu familial et dans la société. Il appartient avanttout aux parents d’assumer ce rôle et cette responsabili-té à l’égard de leurs propres enfants, d’autant plus qu’ilsvivent ensemble au quotidien. Instruire un enfant, c’estlui transmettre des connaissances en vue de contribuerà sa culture générale, puis de le préparer à entrer dansle monde professionnel et ce qu’on appelle communé-ment «la vie active». Cette mission revient aux ensei-gnants, qui sont formés dans ce but. Cela ne veut pasdire que ces derniers ne doivent pas intervenir sur leplan éducatif, mais ce n’est pas leur responsabilitépremière. Malheureusement, nombre de parents sedéchargent sur eux pour éduquer leurs enfants, incapa-bles qu’ils sont de le faire eux-mêmes, le plus souventparce qu’ils n’en ont pas la volonté ou n’ont plus les


* En 2003, l’A.M.O.R.C. a fait publier «L’éducation, une alchimiesubtile». Écrit par l’un de ses membres, ce livre est aujourd’huiune référence.

repères voulus pour le faire. On ne peut que le déplo-rer, car une société sans éducation porte en elle lesgermes de la décadence, ce qui fit dire à Platon, àl’aube du déclin de la civilisation grecque : «Lorsqueles pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsqueles fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsqueles maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent lesflatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les loisparce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’au-torité de rien et de personne, alors, c’est là en toute beau-té et en toute jeunesse le début de la tyrannie».

Qu’en est-il des valeurs civiques qu’il faut inculqueraux enfants ? D’une manière générale, elles concernentle respect que l’on doit manifester aux autres, que cesoit dans le cadre familial, dans le milieu scolaire oudans l’environnement social. Dire «bonjour», «au revoir»,«s’il vous plaît», «merci», «pardon», etc., fait partie desrègles de politesse et de courtoisie qui permettentd’exprimer ce respect dû à autrui et qui participent enfait à ce qu’on appelle «le civisme». Pour ce qui est desvaleurs éthiques que l’on doit éveiller chez les enfants,il s’agit naturellement des qualités qui font la dignitéde l’être humain, telles la patience, la tolérance, l’hu-milité, la générosité, le courage, la bienveillance, la non-violence, etc. Vous noterez que l’éveil de ces qualités neprofite pas uniquement aux autres ; il contribue égale-ment à faire de l’enfant une personnalité évoluée, au sensmystique de ce terme. À ces valeurs civiques et éthi-ques, il convient d’ajouter que les enfants ont besoin derepères, ce qui suppose de ne pas les laisser agir com-me ils l’entendent. Penser qu’ils sont capables par eux-mêmes de faire la part entre ce qui est bien et ce qui estmal dans le comportement humain est illusoire. Ilrevient donc aux parents et aux éducateurs en général


de poser des interdits et des obligations, étant entenduqu’il faut toujours expliquer aux enfants pourquoi illeur est demandé de faire ou de ne pas faire telle outelle chose. Comme l’enseignait déjà Pythagore, toutesociété digne de ce nom doit promouvoir un parfaitéquilibre entre les droits et les devoirs de chacun.

D’un point de vue rosicrucien, l’éducation parentaledevrait également intégrer une dimension mystique.L’idéal en la matière serait que les parents sensibili-sent leurs enfants à l’existence de Dieu, non pas entant que Surhomme siégeant quelque part dans le cielet décidant Seul de notre destin, mais en tant qu’Intel-ligence universelle et impersonnelle œuvrant à traversla Création selon des lois immuables et parfaites. Par-mi ces lois, on devrait leur expliquer en quoi consiste lekarma, afin qu’ils sachent dès leur plus jeune âge quechacun récolte tôt ou tard ce qu’il a semé, en positif com-me en négatif. Cela ne pourrait que les inciter à bienagir vis-à-vis d’eux-mêmes et d’autrui. Par extension,on devrait également les initier à l’existence de l’âme etleur expliquer que le but fondamental de la vie est derendre cette âme meilleure. Comment ? En éveillant lesqualités qui lui sont propres, ce qui nous ramène à ceque nous avons dit précédemment au sujet des valeurséthiques qu’il faut éveiller en eux. Mais cette éducationspiritualiste serait incomplète si elle était dépourvued’humanisme. C’est pourquoi il faudrait inculquer auxenfants l’idée que l’humanité entière est leur famille etque tous les êtres humains sont des âmes-sœurs envoie d’évolution. C’est précisément cette dimensionspiritualiste et humaniste qui fait la différence entreéduquer un enfant et l’élever véritablement, au sensd’élever sa conscience vers de nobles idéaux. En l’étatactuel des choses, il faut malheureusement reconnaître


que nous sommes loin de cette vision idéale, voire uto-piste, de l’éducation».

Alors que nombre d’observateurs indépendants etde personnalités impliquées dans la lutte contre lessectes s’étaient finalement accordés pour dire quel’A.M.O.R.C. n’en était pas une, Monsieur Roulet s’estlaissé aller jusqu’à citer l’A.M.O.R.C. dans “son” rapport.S’il est toujours président de la M.I.V.I.L.U.D.E.S. en2007, et s’il est envisagé qu’il rende à nouveau un rap-port, je peux d’ores et déjà lui donner une autre bonnemauvaise raison de citer une nouvelle fois l’A.M.O.R.C. :Les Rosicruciens pensent qu’il est possible d’accroîtrenotre potentiel de santé et d’accélérer la guérison de laplupart des maladies courantes. Ils utilisent pour celades techniques héritées des Esséniens, fraternitémystique qui vivait en Israël au début de l’ère chré-tienne. Connus en Grèce sous le nom de «Thérapeutes»,ils étaient reconnus par tous comme étant des méde-cins et des guérisseurs hors pairs. Par les temps quicourent, il va de soi que cela n’est pas “médicalementcorrect”. Mais que Monsieur Roulet se rassure tout demême : Dans les monographies qui traitent de ce sujet,il est précisé à maintes reprises que les méthodes pro-posées ne constituent en aucun cas un substitut à lamédecine officielle, mais un complément. Qu’il sacheégalement que parmi les scientifiques qui ont le pluscontribué au développement de la médecine à traversles âges, certains d’entre eux, et non des moindres, furentRose-Croix (Paracelse, Robert Fludd, Jean-BaptisteVan Helmont, William Crookes, William Harvey, CharlesW. Littlefield, etc.). De nos jours encore, l’A.M.O.R.C.compte parmi ses membres un nombre relativement


important de médecins* et de chirurgiens diplômés desplus grandes universités.

Pour faciliter le travail des nouveaux inquisiteurset leur donner encore plus de bonnes mauvaises raisonsde s’acharner sur l’A.M.O.R.C., je peux leur dire égalementque les Rose-Croix croient à la télépathie, au pouvoircréateur de la pensée, aux vertus de la prière et de laméditation, à la possibilité de contacter l’âme desdéfunts, de nous rappeler certains événements mar-quants de nos vies antérieures, etc. Au train où vont leschoses en France, le seul fait d’avoir la foi sera bientôtconsidéré comme une attitude sectaire. À quand les tri-bunaux anti-religions ?


* Le responsable de la section médecine de l’Université Rose-CroixInternationale, médecin, Ancien chef de clinique, a écrit plu-sieurs livres reconnus pour leur sérieux.

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Extrait d’un rapport d’inspection du centre rosicrucien de vacances(août 2004).

12.

A.M.O.R.C.

ET ASSOCIATIONS ANTI-SECTES

L’émoi compréhensible suscité par les drames del’O.T.S. a conduit les associations anti-sectes à se mobi-liser davantage encore. Comme tous les dirigeants del’A.M.O.R.C., je comprends la nécessité de lutter contreles sectes dangereuses, au sens de mouvements quiportent véritablement atteinte à l’intégrité physique,mentale et morale de leurs adeptes, ou qui représen-tent un danger réel pour la famille et la société. Eneffet, nul ne peut nier que de tels mouvements consti-tuent un poison social et sont une offense à la dignitéhumaine. Soit dit en passant, on ne les trouve pas uni-quement dans la mouvance religieuse ou spiritualiste.Il y a également des organisations politiques, scientifi-ques, commerciales, etc., qui constituent elles-mêmesdes sectes, au sens que je viens de préciser. Mais cesorganisations ne subissent ni la vindicte des associationsanti-sectes, ni la traque qu’elles mènent contre les mou-vements religieux ou spiritualistes qu’elles estimentêtre des sectes. Faut-il s’en réjouir ou au contraire ledéplorer ? À chacun sa réponse...

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Sur le plan étymologique, le mot «secte» provient dulatin «sectare», qui veut dire «suivre». Cette origine éty-mologique est d’autant plus vague qu’on peut suivre,certes un gourou (pas nécessairement malveillant),mais également un idéal, un enseignement ou une phi-losophie, ce qui n’a rien de péjoratif ou de négatif apriori. Dans certains dictionnaires, ce mot a pour défi-nition : «ensemble des personnes qui professent la mêmedoctrine», ce qui n’est pas répréhensible en soi. Au coursde ces dernières années, on l’a volontairement “diabo-lisé”, le plus souvent à des fins idéologiques. Faute depouvoir lui donner une définition juridique, la signifi-cation qu’on lui attribue est devenue totalement sub-jective et dépend des critères retenus pour en justifierl’usage. Cela explique pourquoi il est appliqué actuelle-ment à des organisations qui n’ont rien de sectaire.Dans cet ordre d’idée, rappelons que l’Église catholiqueétait considérée comme une secte au début de son his-toire, par opposition à la religion en vigueur à l’époque,en l’occurrence le polythéisme romain. De même, dansle Bouddhisme, on parle encore de nos jours de la “sectedes bonnets rouges” et de la “secte des bonnets jaunes”,sans pour autant que cela ne soit suspect.

Il existe en France deux associations anti-sectesmajeures : le Centre Contre les Manipulations Mentales(C.C.M.M.), connu également sous le nom d’«Associa-tion Roger Ikor», et l’Union Nationale des Associationspour la Défense des Familles et de l’Individu (U.N.A.D.F.I.).Dans un courrier émanant du C.C.M.M. et datant du 20avril 1993, on peut lire, en réponse à une personne quidemanda son avis sur l’A.M.O.R.C. : «L’A.M.O.R.C. est uneassociation philosophique d’inspiration maçonniqueet n’a aucun rapport avec une secte». Bien qu’en partieinexacte, cette définition a au moins le mérite de ne pas


qualifier l’Ordre de «secte», au sens négatif de ce terme.L’A.M.O.R.C. n’a pas changé depuis, mais ayant été citédans le rapport parlementaire de juin 1999, puis danscelui de la M.I.V.I.L.U.D.E.S. d’avril 2006, j’ignore si leC.C.M.M. a toujours le même avis à son sujet. Si oui, j’endéduirai que cette association ne se laisse pas influen-cer par des rapports prétendument objectifs. Mais j’endoute beaucoup dans le contexte actuel, tant le consen-sus est de mise sur le sujet. En outre, Daniel Groscolas,président du C.C.M.M. depuis 2004, a toujours refusé deme rencontrer.

Quant à Alain Vivien, ancien président du C.C.M.M.,il écrivit dans un courrier en date du 5 mai 1997 : «Nousn’avons pas répertorié l’A.M.O.R.C. parmi les associa-tions de type sectaire...». Tandis qu’il était président dela Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes(M.I.L.S.), rappelons également qu’il déclara dans uncourrier daté du 20 décembre 2001 : «La Mission, depuissa création en novembre 1998 n’a été saisie d’aucuneplainte concernant l’A.M.O.R.C.». Enfin, il me sembleutile de préciser que dans son rapport de 2000, il proposaune définition plutôt pertinente du mot «secte» : «Asso-ciation de structure totalitaire, déclarant ou non desobjectifs religieux, dont le comportement porte attein-te aux droits de l’homme et à l’équilibre social». Detoute évidence, l’A.M.O.R.C. ne répond en aucun cas àcette définition.

Qu’en est-il maintenant de l’U.N.A.D.F.I. ? Person-nellement, j’ignorais l’existence de cette associationjusqu’à l’affaire O.T.S. C’est alors que j’ai appris qu’elle“surveillait” l’A.M.O.R.C. De mon côté, j’ai donc décidéd’en savoir davantage sur elle et sur ce qu’elle disait del’Ordre. C’est ainsi que nous avons recueilli de nom-breux courriers adressés par des A.D.F.I. régionales à des

165A.M.O.R.C. et associations anti-sectes

personnes qui les avaient contactées pour avoir leuravis sur l’A.M.O.R.C., parmi lesquelles des membres, desconjoints non membres ou des sympathisants. Dansnombre de ces courriers, j’ai découvert des propos abso-lument mensongers et des informations totalementerronées ou complètement dépassées. On laissait sup-poser que l’A.M.O.R.C. était, sinon une secte, du moinsun mouvement occulte, secret, suspect... Étaient jointstrès souvent les quelques articles de presse négatifsou diffamatoires ayant été écrits contre l’A.M.O.R.C.Comme par hasard, on n’y trouvait jamais les droits deréponse obtenus, pas plus que les nombreux articlespositifs dont les Rose-Croix ont bénéficié dans les annéespassées.

Entre temps, j’avais appris que lors d’une conférencedonnée à Paris en 1998, Janine Tavernier, alors prési-dente de l’U.N.A.D.F.I., avait dit que l’A.M.O.R.C. n’étaitpas une secte, mais un mouvement philosophique.Devant cette position quelque peu contradictoire parrapport à celle de certaines A.D.F.I. régionales, je lui aiécrit en septembre 2000, afin d’obtenir un rendez-vous.Je n’ai jamais reçu de réponse. C’est alors qu’en mars2002, Yves Masfaraud, secrétaire de l’A.D.F.I. de Paris,chargé du “dossier Rose-Croix”, me contacta et meproposa de nous rencontrer, ce qui fut fait à Paris, en“terrain neutre”. Homme sympathique et ouvert, il m’ex-pliqua combien il était évident pour lui que l’A.M.O.R.C.n’était pas une secte et confirma que celui-ci faisaitmalheureusement l’objet de confusions et d’amalgamesavec des mouvements jugés sectaires (à tort ou à rai-son). Suite à cette rencontre, je l’invitai à venir visiter lesiège de l’A.M.O.R.C., ce qu’il accepta. Ayant appris qu’ilconnaissait bien Madame Tavernier, je le chargeai, auterme de cette visite, de lui proposer de venir également,


mais sans trop y croire. Contre toute attente, elle acceptacette invitation et vint à la Grande Loge, accompagnéede Monsieur Masfaraud.

Contrairement à ce que je pensais a priori, j’ai alorsdécouvert en Madame Tavernier une personne, certesprudente, mais ouverte également. Je lui fis donc visi-ter les locaux du siège de l’A.M.O.R.C. et répondit àtoutes les questions qu’elle souhaita me poser. Uneconfiance mutuelle s’étant établie au cours de laconversation, elle déclara n’avoir jamais reçu de plain-tes à l’encontre de l’A.M.O.R.C., mais quelques demandesde renseignements de la part de gens curieux ouinquiets. Cela peut se comprendre d’autant mieux quel’on était en plein cœur de la “sectophobie” provoquéepar l’affaire O.T.S. À un moment donné de notre entre-tien, je lui ai demandé pourquoi elle avait quitté laprésidence de l’U.N.A.D.F.I. en 2001. Le contenu et lafranchise de sa réponse m’étonnèrent vraiment : parcequ’elle sentait qu’une dérive s’amorçait dans la luttecontre les sectes et qu’elle ne voulait pas la cautionner.Pour être plus précis, elle avait remarqué que sousl’influence de certains idéologues, on ne luttait plusvraiment contre les sectes, mais contre les croyancesreligieuses ou spirituelles elles-mêmes, ce à quoi elle serefusait. Toujours est-il qu’elle attesta par écrit quel’A.M.O.R.C. n’était pas une secte à ses yeux mais unmouvement philosophique, et qu’elle n’avait jamaisreçu de plaintes à son encontre. Rappelons qu’elle futmembre de l’U.N.A.D.F.I. dès 1984, puis présidente de1993 à 2001.

Les mois qui suivirent prouvèrent à quel pointMadame Tavernier avait raison. En effet, en mars 2004,on apprenait que Catherine Picard avait été “élue”présidente de l’U.N.A.D.F.I. Cette association, que je ne


portais pas spécialement dans mon cœur, tombait alorsdans les mains d’une personne très engagée politi-quement et idéologiquement, ce qui lui retirait touteneutralité et toute objectivité, et donc toute crédibilité.On notera d’ailleurs l’orientation de plus en plus laï-ciste de son bulletin “BULLES”. Il faut savoir égalementque Madame Picard fait partie du Droit Humain et queBernard Le Héritte, qui l’a précédée à la présidence del’U.N.A.D.F.I., appartient au Grand Orient de France. Quantà Jean-Pierre Jougla, vice-président actuel, il a été mem-bre de la Grande Loge de France, mais s’est reconvertidepuis en sympathisant zélé du Grand Orient. Faitcurieux, on trouve dans les A.D.F.I. régionales de plus enplus de personnes appartenant à l’une ou l’autre de cesdeux obédiences maçonniques (D.H. et G.O.F.). Parallèle-ment, j’ai remarqué que nombre de personnes impli-quées dans la lutte contre les sectes ont ou avaientcette appartenance.

Quoi qu’il en soit, il me semble évident que sousprétexte de lutter contre les sectes, certains idéologuesse sont employés et s’emploient encore en France àcombattre la spiritualité, tout du moins dans ses for-mes marginales, les grandes religions étant intoucha-bles en raison de leur puissance politique et financière.Or, chacun sait que le Droit Humain et le Grand Orientde France font de la laïcité le fondement de leur idéo-logie, ce qui est naturellement leur droit. Ce qui poseproblème, c’est que nombre de leurs membres les plusinfluents confondent «laïcité», valeur essentielle de laRépublique, et «laïcisme», vecteur d’oppression et dediscrimination. À ce propos, je souhaiterais vous fairepart de mon point de vue en la matière, là encoreen portant à votre connaissance un texte destiné àl’origine aux membres de l’A.M.O.R.C. À la question :


«La laïcité et la spiritualité sont-elles compatibles ?»,voici ce que j’ai répondu :

«Pour répondre aussi simplement que possible àvotre question, il faut d’abord définir ce que l’onentend par les termes «laïcité» et «spiritualité». Pardéfinition, la laïcité est le principe selon lequel ilexiste une séparation entre la société civile et la sociétéreligieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieuxet la Religion n’exerçant aucun pouvoir civil. En vertude ce principe, une société laïque ne favorise aucunereligion particulière, mais, parallèlement, ne fait aucu-ne différence entre les communautés religieuses, etnaturellement entre leurs membres. Ainsi, tous lescitoyens, qu’ils soient croyants ou non, qu’ils appartien-nent à une religion ou non, font alors partie d’une seuleet même nation, ont les mêmes droits civiques etdoivent s’acquitter des mêmes devoirs. Au cours del’Histoire, la plupart des pays du monde furent sousl’influence d’une religion dominante, de sorte qu’ilsétaient dirigés le plus souvent en fonction des croyan-ces propres à cette religion et des exigences de leurclergé. À titre d’exemple, la plupart des pays européensfurent gouvernés pendant des siècles par des monar-chies soumises à l’Église catholique, le roi lui-mêmeétant couronné par le pape ou par l’un de ses représen-tants directs. À juste titre, on pouvait alors parler de«religion d’État», avec toutes les dérives et toutes lesoppressions qui en ont résulté.

La spiritualité, de son côté, peut être définie commela croyance en une dimension spirituelle de l’existence,dimension qui s’apparente à l’âme dans l’homme, et àDieu dans la Création. Au cours des âges, cette croyance


a donné naissance à des religions qui l’ont entretenuesous forme de doctrines et de dogmes, générant ainsi ceque l’on peut désigner sous le nom de «religiosité». Mal-heureusement, la plupart des religions ainsi créées ontcherché à étendre leur hégémonie et à revendiquer lemonopole de la foi, et même de la vérité. Comme cha-cun sait, cela a entraîné et entraîne encore nombre deconflits à travers le monde. Précisons également quel’on peut être spiritualiste sans être pour autant reli-gieux, en ce sens que l’on peut croire en Dieu sansappartenir à une religion particulière. Enfin, ajoutonsque si la religiosité est la forme la moins élevée de spi-ritualité, la forme la plus élevée est le mysticisme, carun mystique authentique ne se limite pas à croire enDieu et à suivre un credo nécessairement dogmatique ;il étudie aussi les lois par lesquelles Il se manifestedans la Création. Autrement dit, il aspire à la Connais-sance. Contrairement à la religiosité, le mysticisme estdonc un vecteur de paix, car il est fondé sur le désird’étudier, de comprendre et de connaître, ce qui impli-que d’avoir l’esprit ouvert et d’être tolérant. À cetégard, nul ne peut nier que l’intolérance est la causemajeure des guerres qui ont ravagé et ravagent encorel’humanité.

Compte tenu de ce qui précède, vous conviendrezqu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la laïcité et laspiritualité, à condition que chacune respecte l’autreet opère dans le domaine qui lui est propre. En effet, onpeut être laïc pour ce qui concerne le fonctionnementet les institutions de l’État, tout en étant spiritualisteau niveau de ses convictions personnelles. Malheu-reusement, certains idéologues confondent «laïcité» et«athéisme», et sous prétexte de garantir la première,s’emploient à instaurer le second sous la forme d’un


laïcisme exclusif. C’est précisément cette confusion quiexplique pourquoi la spiritualité est menacée danscertains pays. Pourtant, s’il est indéniable que la reli-giosité a généré des conflits et des guerres au coursdes siècles, elle a donné à l’humanité des valeurs mora-les et a contribué au développement des arts, de lalittérature et même des sciences. À cet égard, on peutse poser la question de savoir comment le mondeaurait évolué s’il s’était laissé guider uniquement parl’athéisme. Pour ma part, je suis convaincu qu’il auraitconnu davantage de périodes sombres et qu’il ne seserait pas élevé au niveau de conscience qui est le sienactuellement, même s’il est vrai que celui-ci est encoreloin d’être idéal. En outre, l’athéisme est le lit du maté-rialisme, lequel est fondé sur le rejet de toute forme despiritualité et sur la satisfaction des désirs les moinsnobles de la nature humaine (pouvoir, possession, domi-nation, etc.). C’est pourquoi il porte en lui les germes dela discorde et de l’avilissement. Il me semble donc quel’idéal en la matière est d’être un laïc spiritualiste ou,si vous préférez, un spiritualiste laïc».

Pour en revenir à Madame Picard, présidente del’U.N.A.D.F.I., elle a une autre raison de s’acharner contrel’A.M.O.R.C. En effet, ayant prétendu dans un livre qu’ils’agissait d’un mouvement mafieux, fasciste, raciste,antisémite, privatif de liberté et autres outrances, nousl’avons poursuivie pour diffamation, car si elle bénéfi-ciait de l’immunité parlementaire au moment d’écrire celivre, elle n’en disposait plus lorsqu’il parut en librairie(septembre 2002), n’ayant pas été réélue député. Cer-tes, nous n’avons obtenu qu’à moitié gain de cause, carsi les propos tenus à l’encontre de l’A.M.O.R.C. ont étéjugés diffamatoires en première instance, Madame


Picard n’a pas été condamnée, au motif qu’elle les atenus de bonne foi !!! Nous avons fait appel de ce juge-ment, pour aboutir aux mêmes conclusions de la partde la Cour. Devant ce que nous considérons comme uneinjustice, nous avons donc décidé de nous pourvoir encassation. Chacun comprendra qu’au cas où nous obtien-drions gain de cause, Madame Picard a tout intérêt àutiliser sa fonction au sein de l’U.N.A.D.F.I., ainsi que sesréseaux politiques, maçonniques et médiatiques, pourobtenir toujours plus de “témoignages” à charge contrel’A.M.O.R.C. Dans cet ordre d’idée, j’ai appris qu’ellesouhaitait ardemment la création d’une nouvelle com-mission parlementaire sur les sectes. Si on lui donnesatisfaction, on peut être assuré qu’elle fera tout ce quiest en son pouvoir pour que l’A.M.O.R.C. figure en bonneplace dans le rapport. Une nouvelle liste noire parordre alphabétique fera l’affaire : A / A.M.O.R.C.

Outre le C.C.M.M. et l’U.N.A.D.F.I., il existe en Franced’autres associations anti-sectes mineures. En règlegénérale, les unes sont laïcistes et considèrent a priorique tout mouvement religieux ou spiritualiste est,sinon une secte avérée, du moins une secte virtuelle.Les autres sont intégristes et œuvrent au service detelle ou telle grande religion, en général chrétienne.Dans la propagande de l’une d’elles, on peut lire : «Laspiritualité est un danger pour la démocratie». Uneautre alla jusqu’à déclarer dans un courrier : «Il n’estpas possible d’être à la fois Rosicrucien et Catholiqueà moins de s’illusionner soi-même». Une autre encorecrut bon devoir préciser dans un écrit public : «Cen’est pas la rose qui devrait figurer au centre de lacroix, mais le corps du Christ». Je pense que de tellesaffirmations se passent de commentaires et traduisentl’esprit de leurs auteurs.


Une fois encore, je ne nie absolument pas qu’il puis-se exister dans la mouvance religieuse ou spiritualistequelques mouvements présentant une réelle dangero-sité pour leurs adeptes ou la société elle-même. Il estdonc légitime de lutter contre ces mouvements. Cela dit,les associations anti-sectes actuelles, soutenues directe-ment ou indirectement par les commissions parlemen-taires qui se sont succédé, ainsi que par la M.I.L.S. puisla M.I.V.I.L.U.D.E.S., donnent à ce phénomène une ampleurexagérée, se livrent à des amalgames pernicieux et pra-tiquent une forme de manipulation mentale sur l’opi-nion publique, d’où la “sectophobie” ambiante. En fait,la plupart font preuve d’un véritable sectarisme etnourrissent la discrimination.


13.

A.M.O.R.C. ET RELIGIONS

L’A.M.O.R.C. n’est pas et n’a jamais été une religion.C’est précisément pour cette raison qu’il compte parmises membres des Chrétiens (catholiques, protestants ouorthodoxes), des Juifs, des Musulmans, des Bouddhistes,des Hindouistes, des Taoïstes, des Animistes, etc., maiségalement des personnes n’appartenant à aucune reli-gion particulière. J’en connais même qui sont, sinonathées, du moins agnostiques. Certes, le symbole del’Ordre est une Rose-Croix, mais ce symbole n’a aucuneconnotation religieuse et n’est lié en aucune façon auChristianisme. La croix représente en effet le corps del’homme, et la rose son âme en voie d’évolution. Préci-sons d’ailleurs que la croix, contrairement à l’opinioncourante, n’est pas d’origine chrétienne. Sous une for-me ou sous une autre, elle existait dans de nombreuxpays plusieurs siècles avant l’apparition de l’Églisechrétienne, que ce soit en Égypte, en Grèce, en Inde...En fait, le symbole des premiers Chrétiens était unpoisson, appelé «ichtus» en grec. Ce n’est qu’au IVe

siècle après l’ère chrétienne que les Pères du Christia-nisme lui ont substitué la croix.

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Par définition, toute religion est fondée sur un Pro-phète ou un Messie, tels que Moïse pour le Judaïsme,Bouddha pour le Bouddhisme, Jésus pour le Christia-nisme, Mahomet pour l’Islam, etc. Parallèlement, ellerepose sur un Livre sacré comme la Bible, le Coran, lesVédas, etc. L’A.M.O.R.C., quant à lui, ne doit son exis-tence à aucun Prophète ou Messie, et ne s’appuie suraucun écrit considéré comme sacré. Il est un mouve-ment philosophique non religieux dont les enseigne-ments sont le fruit d’un héritage culturel et spirituelqui s’est transmis à travers les âges. Par ailleurs, com-me je l’ai déjà précisé, il est dépourvu de tout dogme,chaque Rosicrucien étant entièrement libre de refusertel ou tel principe proposé à son étude et à sa réflexion.En cela, l’A.M.O.R.C. regroupe véritablement des pen-seurs libres. Si tel est le cas, c’est précisément parceque la liberté de penser est le fondement même de laphilosophie rosicrucienne.

Contrairement à ce que prétendent certains détrac-teurs de l’A.M.O.R.C., le fait d’en être membre n’empêchenullement de suivre une quelconque religion si on lesouhaite. Cela veut dire qu’il n’y a aucune incompatibi-lité entre le Rosicrucianisme et le Judaïsme, le Chris-tianisme, le Bouddhisme, etc. Très sincèrement, je n’aijamais entendu un Rosicrucien dire qu’il avait quitté lareligion à laquelle il appartenait après s’être affilié àl’A.M.O.R.C. En revanche, j’en connais qui avaient aban-donné leur religion d’origine et qui l’ont réintégrée à lalumière des enseignements rosicruciens. J’ajouterai qu’enapplication de sa devise, l’Ordre se montre très tolérantenvers toutes les religions, à tel point qu’un précepte rosi-crucien énonce : «Respecte toutes les croyances religieusesou philosophiques, dès lors qu’elles ne portent pas attein-te à la dignité humaine. Ne soutiens ni ne cautionne le


fanatisme ou l’intégrisme, sous quelque forme que ce soit.Dans la manière de vivre ta foi, prends garde toi-mêmeà n’être ni dogmatique, ni sectaire». Hélas, l’inversen’est pas vrai, car des représentants et des fidèles decertaines religions font preuve d’une grande intoléran-ce à l’égard de l’A.M.O.R.C. Voici d’ailleurs quelques extraitsd’un pamphlet qui circule depuis des années contre lesRose-Croix :

«Peut-on être Chrétien et Rosicrucien ? Non ! ...L’A.M.O.R.C. veut transmettre une connaissance sur Dieu,l’homme et le monde. Une telle attitude est radicalementopposée à celle de Jésus qui est venu au milieu deshommes pour révéler le Mystère de Dieu, c’est-à-dire leDessein arrêté de toute éternité par la Sagesse divinede sauver tous les hommes en Jésus-Christ». On peut lireplus loin, dans le même esprit : «L’A.M.O.R.C. professe laréincarnation d’un homme à travers plusieurs existences.Croire à cela ou l’enseigner, c’est nier le caractère uni-que et définitif du salut que le Christ accorde à chaquehomme pour la Vie éternelle». Plus loin encore, il est ditégalement : «Mais l’incompatibilité la plus profonde, laplus radicale entre un Chrétien et un Rosicrucien, portesur la personne même de Jésus. Pour l’A.M.O.R.C., Jésusn’a été qu’un messager divin parmi beaucoup d’autres.Nous sommes ici en plein arianisme, cette hérésie rejetéepar les Chrétiens du IVe siècle, au Concile de Nicée. SiJésus n’est qu’un messager de Dieu, alors Dieu ne s’estpas fait homme».

Un autre extrait de ce pamphlet résume bien l’ani-mosité que certains Chrétiens éprouvent à l’encontre del’A.M.O.R.C. et traduit malheureusement l’intolérancequ’ils manifestent à l’égard des Rose-Croix : «En fait, ily a derrière les Rosicruciens l’attitude tout humained’un savoir absolu, non pas révélé par Dieu, mais

179A.M.O.R.C. et religions

conquis par l’homme lui-même. Il y a le refus d’être sau-vé par Dieu, mais la volonté de se sauver soi-même parla connaissance». Enfin, citons un passage que jetrouve à la fois grave et pathétique : «On trouve chezles Rosicruciens le vieux péché d’Adam. On reconnaît eneux les affirmations que saint Paul et saint Jean ontrejetées parce qu’elles ruinaient la foi chrétienne : “Pre-nez garde qu’il ne se trouve quelqu’un pour vous réduireen esclave par le mensonge d’une philosophie selon latradition humaine, selon les éléments du cosmos et nonselon le Christ” (Col. 2, 8)».

Dans la plupart des pays d’Afrique, les autoritéschrétiennes (catholiques et protestantes), vont jusqu’àaccuser les Rose-Croix d’être des sorciers, de prati-quer des rites sataniques, et même de faire des sacrifi-ces humains !!! Outre qu’elles sont graves, de tellesaccusations sont d’autant plus ridicules que les ensei-gnements rosicruciens ont toujours affirmé que la sor-cellerie, la magie noire, etc., n’ont pas d’autre effet quecelui qu’on leur attribue et que quiconque ne croit pasen leur pouvoir n’a rien à craindre de telles pratiques.De même, l’A.M.O.R.C. nie l’existence du diable, desatan, des démons, etc., considérant que le diable n’estautre que l’homme lui-même lorsqu’il agit avec malveil-lance et commet des actes destructeurs. Quant à direque les Rose-Croix font des sacrifices humains, c’estignorer qu’ils considèrent la vie comme le bien le plusprécieux qui soit. Où donc se trouve l’obscurantisme ?

L’intolérance, dans quelque domaine que ce soit, asouvent pour cause l’ignorance ou la peur de l’inconnu.C’est pourquoi l’un des degrés de l’A.M.O.R.C. est consa-cré à l’étude des religions majeures. De cette manière,chaque Rosicrucien est familiarisé avec les doctrinesqui les caractérisent et comprend en quoi elles sont


toutes respectables, exceptions faites, naturellement,des intégrismes et des fanatismes qui s’en réclament.En fait, les Rose-Croix considèrent que chacune d’ellesest comparable à l’un des sentiers menant au sommetd’une même montagne. Malheureusement, nombre deguerres ont été commises et le sont encore en leur nom.À l’aube du XXIe siècle, il faut absolument qu’ellesdeviennent des vecteurs de paix. Comme je l’ai suggérédans un chapitre précédent, l’idéal serait qu’elles met-tent en commun ce qu’elles ont de meilleur et qu’elless’unissent dans une Religion universelle non sectaire etnon dogmatique, fondée sur le respect de chacun et surle désir sincère d’élever l’humanité entière vers le Dieude tous les hommes. Pour illustrer ces quelques remar-ques, voici à nouveau l’extrait d’une monographie del’A.M.O.R.C. traitant de ce thème :

«Le sujet des religions est extrêmement complexe,car il est lié directement à l’évolution de la consciencehumaine et aux efforts qu’elle a déployés pendant desmillénaires pour connaître l’inconnu, pour ne pas direl’Inconnaissable. De nos jours encore, ce sujet fait naî-tre de nombreuses polémiques et les spécialistes en lamatière sont souvent en désaccord lorsqu’il s’agit dedéfinir les croyances religieuses qui ont jalonné l’his-toire de l’humanité. Un tel état de fait est normal, carces croyances sont avant tout le reflet des émotions quel’homme a ressenties alors qu’il tentait de comprendrela Divinité qu’il vénérait, parfois par amour, souventpar crainte. Or, il est très difficile d’expliquer intellec-tuellement ce que ces émotions ont pu être et même cequ’elles sont encore. En conséquence, il est pratique-ment impossible de définir tous les credo religieuxexistants car, dans une certaine mesure, ils sont aussi


nombreux que les hommes et les femmes qui, depuisles origines de la pensée, ont élevé leur cœur vers leDieu qu’ils essayaient de connaître.

Nous allons donc poursuivre notre étude en consi-dérant uniquement les courants religieux issus destrois grandes religions primitives que nous avons étu-diées dans la monographie précédente. Les définitionsqui vont vous être données seront volontairement suc-cinctes, car nous considérons qu’une étude exhaustivede ce sujet ne présenterait aucun intérêt particulierdans le cadre de notre travail actuel. Cependant, sivous souhaitez l’approfondir, vous pouvez naturelle-ment vous reporter à un ouvrage de référence et menervos propres recherches. Nous devons préciser aussique, pour les raisons qui ont été évoquées précédem-ment, ces définitions ne doivent pas être prises à lalettre car, en matière de Religion, elles ne peuvent êtreque générales. Autrement dit, comme nous l’avons indi-qué, elles ne constituent qu’une approche intellectuelledes pensées et des émotions que le concept de Dieu afait naître en l’homme, ces émotions et ces penséesétant liées nécessairement à l’éducation, aux croyan-ces, au vécu et à l’évolution de chacun. Ceci étant dit,celles que nous vous présentons ci-après sont pratique-ment acceptées par l’unanimité des anthropologues etdes théologiens. [...]

Il est à noter également que la manière de définirles caractéristiques des grandes religions actuellesvarie en fonction des spécialistes qui les étudient. Pourprendre un exemple simple, la plupart des théologiensconsidèrent que le Christianisme est une religion mono-théiste. Cependant, une minorité d’entre eux affirmentqu’elle est polythéiste car, à l’image de l’Hindouisme, elleest basée sur une Divinité triple qui se manifeste selon


les voies du Père, du Fils et du Saint-Esprit. D’autresencore considèrent qu’elle est une religion dualiste, carelle oppose un Dieu bienveillant à un Dieu malveillantassimilé au diable. Enfin, certains vont même jusqu’àdire qu’il s’agit d’une religion monothéiste à tendanceanthropomorphique, car la Divinité chrétienne est sou-vent assimilée à un Surhomme ayant les vertus que lemeilleur des êtres humains ne pourra jamais posséder.Ces quelques remarques s’appliquent d’ailleurs à laplupart des grands mouvements religieux que nousconnaissons actuellement. Ainsi, certains théologiensdéfinissent le Judaïsme comme un monothéisme théisteet anthropomorphique, car ils considèrent que le Dieudes Hébreux est vénéré comme un Père unique ayantles qualités et les défauts des hommes. [...]

Malgré la difficulté du sujet, nous espérons que cerapide voyage à travers les grands courants religieuxayant marqué l’histoire de l’humanité vous aura inté-ressé. En relation avec cette monographie, nous voussuggérons de réfléchir vous-même à la manière dontvous concevez la Divinité. Les Rosicruciens ont tou-jours considéré que l’idée que l’on s’en fait est propre àchacun et qu’elle ne doit être prétexte à aucune mésen-tente entre les hommes. À cet égard, si tous ceux quicroient en Dieu se comportaient à l’image de ce qu’il ya de meilleur dans leur credo religieux, nombre de guer-res disparaîtraient et la paix serait possible sur cetteTerre...».

Comme le montre ce texte extrait des enseigne-ments rosicruciens, l’A.M.O.R.C. ne critique pas les reli-gions et ne s’y oppose pas. Cela dit, aucune n’a lemonopole de la foi ni l’apanage de la spiritualité, car la


croyance en Dieu n’est la propriété morale ou intellec-tuelle de quiconque. Elle appartient à toute personnequi est convaincue de Son existence et qui puise danscette conviction un idéal de vie. Par ailleurs, il a tou-jours existé des organisations non religieuses qui sesont consacrées à perpétuer leur propre héritage spiri-tuel à travers les âges. L’Ordre de la Rose-Croix faitpartie de ces quelques rares organisations traditionnel-les et mérite de la part des religions le même respectque celui qu’il manifeste à leur égard.


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Couverture d’un pamphlet écrit par un responsable chrétiencontre l’A.M.O.R.C.


Note : ce courrier, difficile à lire dans sa version manuscrite origi-nale, a été dactylographié pour le rendre plus lisible. Rappelonsque Monseigneur Vernette était le délégué épiscopal de l’Églisecatholique pour la question des sectes.

4.07.02

Jean VERNETTE

36, bis rue du Lycée

82000 MONTAUBAN (France)

E.mail : [email protected]

A Monsieur Serge Toussaint

Grand Maître

Cher Monsieur,

Je vous confirme ce que je vous ai dit dans

notre conversation téléphonique du 1er juillet, dont

j’ai bien apprécié l’esprit et la teneur.

A mes yeux, l’A.M.O.R.C. n’est ni une secte, ni

une organisation religieuse, ni un mouvement s’adonnant à

des pratiques sectaires. Mais une société de pensée et

une organisation humaniste visant en particulier à la

formation de ses membres, dans sa propre ligne de

pensée. La “sectarisation” de l’A.M.O.R.C. dans le rap-

port parlementaire de juin 1999, à mes yeux, n’est pas

justifiée.

Les divergences entre les enseignements de

l’A.M.O.R.C. et ceux de l’Eglise catholique invitent

chacun à approfondir sa propre foi et sa propre croyance,

en respect du dialogue inter-religieux.

Par avance, je vous remercie de l’envoi des

documents que vous m’annoncez, et serai très heureux de

poursuivre notre échange, dans la vérité.

Avec mes sentiments les meilleurs.

14.

A.M.O.R.C. ET POLITIQUE

L’A.M.O.R.C. est depuis toujours apolitique, ce quiexplique pourquoi ses membres proviennent de tous leshorizons socio-culturels et représentent tous les courantspolitiques. En vertu de ce principe, les enseignementsrosicruciens ne véhiculent absolument aucune idéologiepolitique. De même, il est strictement interdit d’avoirdes discussions politiques dans le cadre des activitésinternes à l’Ordre, notamment lors des réunions tenuesen Loge. Comme cela est rappelé régulièrement dans lebulletin interne que les membres reçoivent chaquemois avec leurs monographies, quiconque enfreint cetterègle prend le risque d’être exclu de l’A.M.O.R.C.

Le fait que l’A.M.O.R.C. soit apolitique ne veut natu-rellement pas dire que les Rosicruciens n’ont pas d’opi-nion dans ce domaine ou qu’ils se désintéressent desproblèmes de société. Chacun sait que l’idéal en lamatière est d’assumer au mieux ses devoirs de citoyen(le vote en fait partie) et de participer pleinement à lavie sociale. Par ailleurs, beaucoup de membres del’Ordre, en application de sa philosophie humaniste,s’impliquent dans des œuvres caritatives allant del’aide aux plus démunis jusqu’à la protection de l’envi-ronnement, etc. Cela dit, il faut malheureusement noter

187

que depuis que l’A.M.O.R.C. a été classé comme “secte”,certaines associations, après avoir appris incidemmentque tel ou tel de leurs membres était Rosicrucien, voiresimple sympathisant, lui ont fait comprendre qu’iln’était plus désirable. Il y en a même qui ont été exclusau nom du “principe de précaution”, expression com-mode que l’on utilise désormais à des fins discrimi-natoires.

Certains détracteurs de l’A.M.O.R.C. ont prétendu etprétendent encore que son apolitisme est une façade etqu’en réalité il s’implique sur le plan politique, notam-ment en Afrique. Ceci est absolument faux. Ce qui estvrai, c’est que lorsqu’un dirigeant de l’Ordre va dans unpays étranger pour rencontrer les Rosicruciens qui yrésident, il rend généralement une visite de courtoisieaux Autorités. Ce genre de visite est purement protoco-laire et n’a absolument aucune connotation politique.Dans le cadre de ma fonction, il m’arrive régulièrementd’en faire, et je ne parle jamais de politique avec lespersonnes concernées, ne serait-ce que parce que je nepartage pas nécessairement leur manière de gouver-ner. Je me limite toujours à des échanges concernantles activités de l’A.M.O.R.C., en particulier celles qui ontlieu dans leur pays.

À propos d’Afrique, je voudrais préciser égalementque la Constitution du Mali, considérée comme l’unedes plus démocratiques des pays africains, a été rédi-gée par Demba Diallo, bâtonnier de l’Ordre des avo-cats, qui fut membre de l’A.M.O.R.C. jusqu’à sa mort en2001. Il fut également président de la Ligue des Droitsde l’Homme pour ce pays, et membre d’honneur decette Ligue pour toute l’Afrique de l’Ouest. À son décès,nombre de journaux et de magazines lui rendirenthommage et saluèrent son combat, soulignant en cela


que son appartenance à l’A.M.O.R.C. avait été détermi-nante. De nos jours encore, nombre de Rosicruciens etde Rosicruciennes sont impliqués dans ce domaine, cequi prouve que l’Ordre œuvre et a toujours œuvré dansl’intérêt de tous les hommes, quels qu’ils soient. Danscet ordre d’idée, je suis membre de la L.I.C.R.A.* depuisplusieurs années et je fais partie du comité d’honneurde l’association Fraternité Sans Frontières, connue pourson sérieux et son humanisme.

Puisque je viens d’évoquer mon appartenance àdeux associations qui œuvrent contre le racisme, ilme semble opportun de porter à votre connaissancela réponse écrite que j’ai faite à la question «Quellessont les causes du racisme ?», posée par un membre del’A.M.O.R.C.

«Avant de répondre à cette question, on doitd’abord se demander s’il existe plusieurs races dansl’espèce humaine. Sur ce point, les avis divergent ausein même de la communauté scientifique. Certainsanthropologues continuent de penser et de dire qu’ilexiste trois races prédominantes : la race blanche, larace jaune et la race noire, auxquelles ils ajoutent par-fois la race rouge. D’autres considèrent que cette classi-fication est une ineptie et qu’il n’existe en fait que laRace humaine dans son ensemble. Je pense en fait queces deux positions ne sont pas nécessairement contra-dictoires dès lors qu’on les considère sous un anglehumaniste et qu’on ne les utilise pas à des fins discri-minatoires. En effet, on ne peut nier qu’il existe, sinondes races d’hommes, du moins des types d’hominidés. Atitre d’exemple, si l’on compare un Africain, un Asia-tique et un Européen, il est indéniable qu’ils sont typés

189

* Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme.

A.M.O.R.C. et politique

et caractéristiques de peuples différents. Ne pas lereconnaître n’est que pure hypocrisie et constitue enfait une forme de racisme, car nier les différences ne lesfait pas disparaître pour autant et traduit souvent uneincapacité à les accepter. Vous noterez d’ailleurs quecertains “anti-racistes” sont les premiers à faire preuvede discrimination à l’égard des individus qui ne parta-gent pas leurs croyances religieuses, leurs opinionspolitiques, leur idéal philosophique...

En dernière analyse, ce n’est pas être raciste que depenser qu’il existe plusieurs races humaines. Ce quil’est, c’est de mépriser les personnes qui appartiennentà une autre race que la sienne, au point de faire preuvede discrimination et d’oppression à leur encontre. Mal-heureusement, le racisme est une réalité quotidienneet constitue un vecteur de haine entre les hommes, quece soit d’ailleurs entre pays ou à l’intérieur d’une mêmenation. Quant à savoir quelles en sont les causes, jepense que ce serait une erreur de chercher à les définirprécisément, car cela laisserait supposer qu’il peut yavoir de bonnes ou de mauvaises raisons d’être raciste.En ce qui me concerne, je préfère penser que rien nejustifie le racisme et qu’il est une expression de labêtise ou de la méchanceté humaines. Vous noterezd’ailleurs que la plupart des actes racistes sont commispar des individus très limités sur le plan intellectuelou(et) foncièrement méchants, ce qui ne constitue enaucun cas une excuse. L’orgueil étant une forme debêtise, le racisme est également le fait de gens qui pen-sent ou font semblant de penser que la race à laquelleils appartiennent est supérieure aux autres. Cet étatd’esprit est généralement le propre d’individus faiblesqui se donnent l’illusion d’être forts à travers leur grou-pe d’appartenance. Il s’agit en fait d’une perversion de


l’instinct grégaire. Quant à ceux qui font du racisme lesupport d’une idéologie, ils sont une insulte à leur statutd’être humain.

Affirmer qu’une race est supérieure à une autre n’aaucun fondement, que ce soit d’ailleurs d’un point devue scientifique ou mystique. Certes, il existe des diffé-rences évidentes entre certains peuples, mais ces diffé-rences sont d’ordre culturel et résultent du contextehistorique, géographique et économique qui leur estpropre. Il est vrai également que certains individus ontun degré d’intelligence et un niveau de consciencesupérieurs à d’autres, et ce, indépendamment de larace ou du peuple auquel ils appartiennent. Maismême dans ce cas, il serait pernicieux de voir en euxdes êtres “supérieurs”. En termes rosicruciens, nousdirons plutôt qu’ils sont plus évolués, ce qui ne fait pasdu tout appel au même concept. En effet, si la notion desupériorité est arbitraire et traduit une position sou-vent idéologique, notamment lorsqu’elle s’applique àla notion de race, celle d’évolution correspond à un pro-cessus mystique, lequel résulte du fait que tout êtrehumain possède une âme qui évolue graduellementgrâce aux expériences de la vie. Ajoutons que ce proces-sus est individuel, de sorte qu’il serait faux égalementde penser que telle race ou tel peuple est plus évoluéque tel ou tel autre. Que l’on admette ou non l’existencede plusieurs races, chacun devrait donc privilégier lesnotions d’espèce humaine et de genre humain, et consi-dérer l’humanité entière comme sa famille d’âmes. Enfait, telle est la position que devrait adopter tout huma-niste véritable».

191A.M.O.R.C. et politique

Pour en revenir à la politique, il est un fait que desmembres de l’A.M.O.R.C. assument des fonctions dans cedomaine, à différents niveaux et dans divers pays. Pourcertains d’entre eux, il s’agit même de leur “profession”.Mais en quoi les personnes concernées n’auraient-ellespas le droit de s’intéresser à la philosophie et à la spiri-tualité ? Pourquoi faire un procès d’intention à l’A.M.O.R.C.et le soupçonner a priori de vouloir exercer une influencepolitique à travers elles ? Se pose-t-on ce genre de ques-tions lorsqu’il s’agit de cultivateurs, de commerçants,d’artisans, d’ingénieurs... ? Quoi qu’il en soit, les déci-sions et les actions politiques de ces membres n’impli-quent aucunement l’A.M.O.R.C., pas plus, j’imagine, quecelles des politiciens chrétiens, juifs, musulmans... n’im-pliquent le Christianisme, le Judaïsme, l’Islam... Celadit, je ne peux qu’espérer qu’ils puisent dans l’huma-nisme rosicrucien l’inspiration et la volonté de mettreleur fonction au service du bien commun.

Les quelques remarques précédentes me rappellentà la mémoire un article diffamatoire paru il y a quel-ques années dans un hebdomadaire, où il était dit quel’A.M.O.R.C. infiltrait l’État français, et d’une manièregénérale la fonction publique. Comment peut-on écrirede telles inepties quand on se dit journaliste ? L’Ordreétant ouvert à tous les milieux socio-culturels, il compteeffectivement parmi ses membres des agriculteurs,des ouvriers, des médecins... et des fonctionnaires. Làencore, existe-t-il en France une loi interdisant à cesderniers de s’intéresser au mysticisme ? Précisons éga-lement que la grande majorité d’entre eux étaient poli-ciers, gendarmes, infirmiers, enseignants, etc., avantd’être Rosicruciens, de sorte que la logique voudraitque ce soit eux qui aient infiltré l’A.M.O.R.C. Pourreprendre le même raisonnement que précédemment,


doit-on considérer que l’Église elle-même infiltre le corpsétatique sous prétexte que la majorité des hauts fonc-tionnaires français sont de religion catholique ? Qued’absurdité dans ce genre de désinformation !

Avant de travailler au siège de l’A.M.O.R.C., j’ai étéinstituteur plusieurs années, et je ne pense pas avoirété un mauvais enseignant, ni avoir présenté un quel-conque danger pour les enfants. De même, je ne croispas avoir été un collègue de travail dérangeant ousectaire, et en tant que Rosicrucien, je n’ai jamais eu ledésir ni même le sentiment d’infiltrer l’Éducation Natio-nale. À titre d’information, je voudrais dire aussi que le23 novembre 1977, le brigadier Abbou Hammache futtué en empêchant un fanatique d’entrer au Palais del’Élysée, où se trouvait le Président de la République,Valéry Giscard d’Estaing. Le 29 novembre 1977, unecérémonie officielle eut lieu à la Préfecture de Police,en présence du ministre de l’Intérieur, qui prononçaune allocution à la mémoire du défunt. Or, ce Brigadierde confession musulmane était membre de l’A.M.O.R.C.Aurait-il fallu l’empêcher de le devenir ? À la question :«Pourquoi souhaitez-vous devenir membre ?», voici cequ’il avait répondu dans sa demande d’affiliation :«Jedésire m’affilier à votre Ordre dans le but de m’instruired’une façon plus approfondie des lois naturelles et desmystères de la Vie. Armé de cette Force divine, je memets à la disposition de ceux qui souffrent, j’aide ceuxqui sont faibles et je lutte pour la justice et le respect del’humanité».

Assurément, l’État français n’a rien à craindre desRose-Croix, d’autant plus qu’ils ne recherchent ni lepouvoir politique, ni le pouvoir économique. En revan-che, ils peuvent lui apporter leur humanisme et leurbonne volonté...


Depuis des décennies, certains prétendent quel’A.M.O.R.C. est orienté politiquement “à droite”, d’au-tres “à gauche”, d’autres encore “à l’extrême droite” ouà “l’extrême gauche”. Certains idéologues ont mêmeaffirmé qu’il avait été créé dans le but de lutter contrele marxisme !!! Ceux-là doivent ignorer que PatriceLumumba, figure emblématique du marxisme enAfrique, fut membre de l’A.M.O.R.C. jusqu’à sa mort. Enoutre, j’ai rarement lu ou entendu dire qu’il y avaitparmi les Rose-Croix beaucoup d’écologistes, ce qui estpourtant le cas. Cette divergence d’opinion montre bienqu’on ne peut classer l’A.M.O.R.C. politiquement. Si telest le cas, c’est précisément parce qu’il est totalementapolitique, et ce, une fois encore, en application de sadevise. Je pense d’ailleurs que cette indépendancedérange beaucoup et qu’elle est à l’origine de certainsdéboires que l’Ordre a connus au cours de ces dernièresannées. Mais chacun sait que la liberté s’est toujourspayée au prix fort !

En relation avec la politique, je souhaiterais porterà votre connaissance la «Déclaration rosicrucienne desdevoirs de l’homme», que l’A.M.O.R.C. a publiée sur unplan mondial en septembre 2005. La voici :

DÉCLARATION ROSICRUCIENNE DES DEVOIRS DE L’HOMME

PROLOGUE

Dès lors que les hommes ont pris conscience de lanécessité de vivre en sociétés organisées, ils ont générédiverses formes de gouvernement pour en assurer lefonctionnement. À ce jour, il apparaît que c’est à tra-vers la démocratie que s’expriment le mieux les inté-rêts et les aspirations des individus en particulier, et


des peuples en général. En effet, bien que ce systèmesoit imparfait et comporte nombre de faiblesses, ce sontactuellement les sociétés démocratiques qui garantis-sent le mieux les droits de l’homme, tels qu’ils ont étédéfinis dans la Déclaration universelle.

Mais si le respect des droits de chacun est le fonde-ment de toute démocratie, toute démocratie qui n’en-courage pas le respect des devoirs correspondants porteen elle les germes de la décadence et favorise l’émer-gence d’une dictature. Ainsi que l’histoire l’a montré, lebon fonctionnement d’une société dépend d’un justeéquilibre entre les droits et les devoirs de tout individu.Lorsque cet équilibre en vient à être rompu, que ce soitd’ailleurs au niveau des gouvernants ou des gouvernés,les totalitarismes les plus extrêmes s’emparent de lasituation et plongent les nations concernées dans lechaos et la barbarie.

À l’aube du XXIe siècle, nous constatons que dansnombre de pays où la démocratie est devenue un acquisde longue date, les droits des citoyens priment sur lesdevoirs qui leur incombent en tant qu’hommes, de sorteque l’équilibre est, sinon rompu entre les uns et lesautres, du moins très menacé. Craignant que ce désé-quilibre ne s’amplifie et n’aboutisse dans ces mêmespays à une régression de la condition humaine, noussoumettons cette Déclaration des devoirs de l’homme àtous ceux et à toutes celles qui partagent notre inquié-tude :

DÉCLARATION

Article 1 : Tout individu a le devoir de respectersans prévention les droits de l’homme, tels qu’ils sontdéfinis dans la Déclaration universelle.


Article 2 : Tout individu a le devoir de se respecterlui-même et de ne pas avilir son corps ou sa consciencepar des comportements ou des pratiques mettant encause sa dignité ou son intégrité.

Article 3 : Tout individu a le devoir de respecterautrui, sans distinction de race, de sexe, de religion, declasse sociale, de communauté ou de tout autre élémentapparemment distinctif.

Article 4 : Tout individu a le devoir de respecter leslois du pays dans lequel il vit, étant entendu que ceslois doivent avoir pour fondement le respect de sesdroits les plus légitimes.

Article 5 : Tout individu a le devoir de respecter lescroyances religieuses et les opinions politiques d’au-trui, dès lors qu’elles ne portent atteinte, ni à lapersonne humaine, ni à la société.

Article 6 : Tout individu a le devoir d’être bienveil-lant en pensée, en parole et en action, afin d’être unagent de paix sociale et un exemple pour les autres.

Article 7 : Tout individu en âge, en état ou en condi-tion de travailler, a le devoir de le faire, que ce soit poursubvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille, pourêtre utile à la société, pour s’épanouir sur le planpersonnel, ou tout simplement pour ne pas sombrerdans l’oisiveté.

Article 8 : Tout individu ayant en charge l’éducationd’un enfant a le devoir de lui inculquer le courage, latolérance, la non-violence, la générosité et, d’unemanière générale, les vertus qui feront de lui un adulterespectable et responsable.


Article 9 : Tout individu a le devoir de porter assis-tance à quiconque est en danger, soit en intervenantdirectement, soit en faisant le nécessaire pour que lespersonnes habilitées à intervenir le fassent.

Article 10 : Tout individu a le devoir de considérerl’humanité entière comme sa famille, et de se compor-ter en toute circonstance et en tout lieu comme uncitoyen du monde, faisant ainsi de l’humanisme le fon-dement de son comportement et de sa philosophie.

Article 11 : Tout individu a le devoir de respecter lesbiens d’autrui, qu’ils soient privés ou publics, indivi-duels ou collectifs.

Article 12 : Tout individu a le devoir de respecter lavie humaine et de la considérer comme le bien le plusprécieux qui soit en ce monde.

Article 13 : Tout individu a le devoir de respecter lanature et de la préserver, afin que les générations pré-sentes et futures puissent en bénéficier sur tous lesplans et voir en elle un patrimoine universel.

Article 14 : Tout individu a le devoir de respecter lesanimaux et de les considérer véritablement comme desêtres, non seulement vivants, mais également cons-cients et sensibles.

ÉPILOGUE

Si tous les individus s’acquittaient de ces devoirsfondamentaux, il resterait peu de droits à revendiquer,car chacun bénéficierait du respect qui lui est dû etpourrait vivre heureux dans la société. C’est pourquoitoute démocratie ne doit pas se limiter à promouvoir un«État de droits», auquel cas l’équilibre évoqué dans le


prologue ne peut être maintenu. Il est impératif égale-ment qu’elle prône un «État de devoirs», afin que toutcitoyen exprime dans son comportement ce que l’hommea de meilleur en lui. Ce n’est qu’en s’appuyant sur cesdeux piliers que la civilisation pourra assumer pleine-ment son statut d’humanité.

Le 21 septembre 2005».

Au cours de ces derniers mois, j’ai adressé un exem-plaire de cette Déclaration à des personnalités politi-ques des pays francophones, accompagné d’un courrierexplicatif sur papier à entête de l’A.M.O.R.C., portantma signature. Nombre d’entre elles m’ont répondu etm’ont fait savoir qu’elles en avaient apprécié le contenu,je pense notamment à un haut responsable du PartiSocialiste, qui déclara dans un courrier en date du 4avril 2006 : «J’ai pris connaissance de votre publica-tion relative à la déclaration rosicrucienne des devoirsde l’homme que vous venez de publier à l’échelle mon-diale. Je tiens à vous féliciter pour la qualité de soncontenu». En 2003, j’avais également adressé à cesmêmes personnalités un exemplaire du livre intitulé«Rose-Croix / Histoire et Mystères», rédigé par l’un denos archivistes. Là encore, nombre d’entre elles, touspartis politiques confondus, m’avaient répondu courtoi-sement. Comment penser qu’elles l’auraient fait si ellespensaient que l’A.M.O.R.C. était une secte ? En effet, àun tel niveau de l’État, on ne peut douter que les per-sonnes concernées soient bien informées...

Si des personnalités politiques lisent ce livre (dépu-tés, sénateurs, etc.), je souhaiterais leur dire qu’ilsauraient tort de penser que la lutte contre les sectes,telle qu’elle est pratiquée en France depuis quelques


années, est bien perçue par nos concitoyens. En raisonde ma fonction, je voyage fréquemment et rencontre denombreuses personnes, notamment lors des conféren-ces publiques que je présente régulièrement. La plupartd’entre elles savent parfaitement ce qu’est l’A.M.O.R.C.et ne comprennent pas qu’on ait pu le classer parmi lesmouvements sectaires. Cette incompréhension nourritchez beaucoup un mécontentement qui vient s’ajouterà d’autres. Qu’on le veuille ou non, des milliers de per-sonnes s’intéressent à l’ésotérisme, et des centainesprennent contact chaque mois avec l’A.M.O.R.C. Essayerde leur faire croire qu’il s’agit d’une secte est une insulteà leur intelligence et constitue à leurs yeux un men-songe d’État, puisque cautionné par ses plus hautsreprésentants. Tôt ou tard, les citoyens qu’ils sontferont savoir ce qu’ils en pensent à qui de droit, si cen’est déjà fait...


15.

ROSE-CROIX ET FRANCS-MAÇONS

Dans l’opinion publique, on confond parfois Rose-Croix et Francs-Maçons, probablement parce que lesuns comme les autres faisaient partie autrefois de ceque l’on désignait sous le nom de «sociétés secrètes».Comble d’ironie, certaines A.D.F.I. ont longtemps entre-tenu cette confusion, puisqu’on peut lire dans un cour-rier émanant de l’une d’elles, en date du 9 juin 1995 :«Les Francs-Maçons se défendent énergiquement d’uneressemblance avec les Rose-Croix ! Cependant, mêmehiérarchie, mêmes chemins initiatiques, même secretou plutôt, schémas semblables - mais sur deux voiesdifférentes - Rivales ?». Il est vrai qu’il existe entre euxdes liens traditionnels et historiques, à tel point quedans certaines obédiences, l’un des plus hauts gradesmaçonniques est celui de «Chevalier Rose-Croix». AuXVIIIe siècle, ces deux fraternités avaient d’ailleursen commun des mystiques célèbres, parmi lesquelsCagliostro, Jean-Baptiste Willermoz et Martinès dePasqually, Maître de Louis-Claude de Saint-Martin,auquel se rattache l’Ordre Martiniste Traditionnel,parrainé depuis le début du XXe siècle par l’A.M.O.R.C.

Au début de ce livre, je me suis permis de citer unextrait relativement important de «Rose-Croix d’hier et

203

d’aujourd’hui», écrit par Serge Hutin, historien de l’éso-térisme. Or, cet ouvrage comporte un chapitre completsur les liens ayant existé jadis entre la Rose-Croix et laFranc-Maçonnerie. Ce chapitre étant plutôt court, levoici dans son intégralité :

«La Franc-Maçonnerie, qui constitue l’une des raresorganisations initiatiques qui subsistent en Occident,apparaît comme un immense édifice composite où, àl’initiation corporative des trois degrés fondamentaux(Apprenti, Compagnon, Maître) sont venus s’adjoindretoute une série de hauts grades faisant revivre lesanciens Ordres de Chevalerie, les Templiers, les Her-métistes, les Rose-Croix, la Gnose et même le TribunalSecret de la Sainte-Vehme. À première vue, il n’y a riende plus hétéroclite que tous ces degrés aux noms plusbizarres les uns que les autres et qui ont éveillé les rail-leries, non seulement des profanes, mais également desathées qui se sont infiltrés dans la Maçonnerie et quine cessèrent de tourner en dérision ces hauts grades,où ils ne voyaient que des superstitions ridicules. Enfait, une étude impartiale des 33 degrés du Rite Écos-sais Ancien et Accepté, c’est-à-dire du Rite le plus cou-ramment pratiqué en France, conduit à y voir, non pasun assemblage d’inepties, mais une structure logique-ment ordonnée. C’est vrai aussi des autres systèmes(Rite Écossais Rectifié, Rite de Memphis-Misraïm, etc.).

Il n’est pas dans mon propos de développer l’histo-rique de la Maçonnerie, ses initiations et sa philosophieocculte, dont l’existence est niée par les Maçons “ratio-nalistes” mais qui n’en est pas moins une réalité essen-tielle. Je voudrais simplement montrer que le rôle jouépar les Rosicruciens dans l’évolution de la Maçonnerie


n’est pas une légende, mais qu’il est un fait incontes-table. Le rôle déterminant joué par le Rosicrucien ÉliasAshmole et ses amis dans la transformation de laMaçonnerie opérative (celle des constructeurs) en laMaçonnerie spéculative, est attesté par les historiensles plus sérieux. Même dans les trois premiers degrés,la marque de l’influence rosicrucienne est manifeste, etcomme l’a fort bien montré Goblet d’Alviella, c’est auxalchimistes rosicruciens qu’est dû le profond ritueld’initiation au «grade de Maître», qui fait revivre aurécipiendaire la mort et la résurrection d’Hiram, assas-siné par les trois mauvais compagnons.

Les hauts grades qui se développèrent dans laMaçonnerie durant tout le XVIIIe siècle portent engrande partie l’empreinte du Rosicrucianisme. Je dis«en grande partie» et non pas exclusivement, car on ytrouve également trace d’autres doctrines initiatiquesdu passé. Une étude exhaustive des éléments rosicru-ciens dans les rituels maçonniques des hauts gradesreste encore à faire et mériterait tout un ouvrage.Disons simplement quelques mots du grade maçon-nique spécifiquement rosicrucien, le 18e degré du RiteÉcossais Ancien et Accepté, qui groupe dans ses Cha-pitres les «Souverains Princes Rose-Croix», appelés aussi«Chevaliers de l’Aigle et du Pélican» ou «Rose-Croixd’Heredom». En dépit de tout ce que l’on a pu dire, lesrites et les symboles de ce grade sont des survivancesauthentiques du Rosicrucianisme.

Loin d’être une création des Jésuites, tout le rituel du18e degré semble bel et bien reproduire, d’une manièretrès fidèle, les enseignements et les pratiques des Rosi-cruciens du XVIIe siècle. Pas un détail, pas un objet, pasun geste qui ne soit hautement significatif pour celuiqui connaît un tant soit peu le Rosicrucianisme. À ce

205Rose-Croix et Francs-Maçons

grade, l’Initié retrouve entre autres la signification éso-térique des initiales «I.N.R.I.», celles du nom du Christ,abréviation de la phrase latine : «Igne Natura RenovaturIntegra» («La nature est entièrement régénérée par lefeu»), qui indique l’accomplissement du Grand Œuvreparmi les hommes, c’est-à-dire la Rédemption de toutel’humanité. Quant au bijou symbolique que les Sou-verains Princes Rose-Croix portent en sautoir, il estanalogue à celui que les Rosicruciens du XVIIe siècle uti-lisaient entre eux comme signe de reconnaissance.

Dans cette brève étude du Rosicrucianisme àl’intérieur de la Franc-Maçonnerie, il ne faut pas négli-ger de mentionner les deux célèbres thaumaturges duXVIIIe siècle, le Comte de Saint-Germain (1743-1784) etCagliostro (1743-1795), qui furent de grands Initiés etdes missionnés de la Rose-Croix. Cagliostro organisatout un système maçonnique particulier : le Rite Égyp-tien, accessible aux femmes et aux hommes. Commec’est le cas dans le Rosicrucianisme pratiqué par quel-ques organisations actuelles, l’accent était mis sur l’ori-gine orientale des enseignements rosicruciens. Il fautsignaler également un autre personnage très impor-tant, Martinès de Pasqually (1727-1774), auquel l’éso-térisme occidental doit beaucoup.

En dernière analyse, Martinez de Pasqually voulutrétablir la Franc-Maçonnerie sur ses bases spirituelles.Animé d’un zèle réformateur ardent, il fonda l’«Ordredes Élus Cohen», dont le plus haut degré était celui des«Réaux-Croix», où l’on étudiait des doctrines quelquepeu différentes de celles des Rose-Croix. Précisons queses enseignements eurent une très grande influencesur Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), «le Phi-losophe Inconnu», que l’on peut considérer comme leplus grand théosophe du XVIIIe siècle et auquel se


rattache le «Martinisme», Ordre philosophique perpé-tuant l’ésotérisme judéo-chrétien. Par ailleurs, Pasquallyinspira profondément Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), qui joua lui aussi un rôle très important dans laFranc-Maçonnerie.

En relation avec les remarques précédentes, il fautégalement mentionner que si Louis-Claude de Saint-Martin et Martinez de Pasqually furent membres de laFranc-Maçonnerie, le Martinisme comme le Martiné-zisme ne sont nullement des branches exclusives del’arbre maçonnique, mais sont plutôt issus du Rosicru-cianisme, tel qu’il se présentait à l’époque. Par ailleurs,nous pouvons nous poser la question suivante : Existe-t-il une survivance de la Rose-Croix en-dehors de laFranc-Maçonnerie ? La réponse est affirmative, sansaucune restriction».

Qu’en est-il maintenant des relations actuellesentre les Rose-Croix et les Francs-Maçons ? En applica-tion de sa devise, l’A.M.O.R.C., tout en étant totalementindépendant de la Franc-Maçonnerie, se montre tolé-rant à son égard et la considère comme une organisa-tion traditionnelle et initiatique. Malheureusement,force est de constater que l’inverse n’est pas toujoursvrai, tout du moins en ce qui concerne le Grand Orientde France et le Droit Humain , dont trop de membress’emploient systématiquement à critiquer l’A.M.O.R.C.,soit par ignorance de ce qu’il est vraiment, soit dans lebut délibéré de lui nuire. Au regard de ce que j’ai expli-qué dans le chapitre 12, je suis d’ailleurs convaincu quecertains Maçons de ces deux obédiences sont directe-ment ou indirectement à l’origine de sa “sectarisation”en 1999, et de sa nouvelle mise à l’index en 2006. Étant


donné qu’ils sont probablement agnostiques, athées,rationalistes ou matérialistes (ce qui naturellement estleur droit), et que les Rose-Croix sont spiritualistes, ilsne peuvent avoir agi ainsi pour éliminer une organisation“concurrente”. Je suppose donc qu’ils l’ont fait dans lebut de “laïciser” ou d’“athéïser” encore un peu plus laFrance. Ceux-là doivent ignorer que Harvey SpencerLewis (1883-1939), alors Imperator de l’A.M.O.R.C., aété reçu lors d’un Grand Chapitre maçonnique tenu àParis en 1926, avec les honneurs dus à son rang. Parailleurs, Camille Savoire (1869-1951), haut responsablede la Franc-Maçonnerie, lui avait adressé un courrieren 1928, dans lequel il lui faisait part de toute sa sym-pathie et de l’intérêt qu’il portait aux enseignementsrosicruciens.

La dérive laïciste du Grand Orient de France, ou dumoins de certains de ses membres les plus influents,devenant à mes yeux de plus en plus marquée, j’ai écritle 17 juin 2004 à Bernard Brandmeyer, alors GrandMaître de cette obédience, afin de lui faire part de monsentiment. Il ne m’a jamais répondu. En revanche, laplupart des Grands Maîtres des obédiences spiritua-listes, auxquels j’avais adressé une copie de ce courrier,m’ont répondu en termes très fraternels, me confiantqu’ils partageaient mon analyse et nourrissaient éga-lement des inquiétudes. Voici ce courrier, qui résumeparfaitement les relations existant actuellement entrel’A.M.O.R.C. et le Grand Orient de France, et par exten-sion avec le Droit Humain, qui lui semble inféodé :


«Le 17 juin 2004

Grand Orient de FranceMonsieur Bernard Brandmeyer16, Rue Cadet75009 PARIS

Très Vénérable Grand Maître,Cher Monsieur,

Ce courrier va sans doute vous surprendre, mais ilm’a semblé nécessaire de vous l’adresser, en mon nompropre, mais aussi au nom de tous les Rosicruciens deFrance.

Depuis quelques années, l’Ancien et MystiqueOrdre de la Rose-Croix, dont je suis le Grand Maîtreactuel pour la juridiction française, est soumis enFrance à une oppression croissante de la part de per-sonnes malintentionnées qui agissent le plus souventpour des raisons idéologiques. Or, je sais que parmi cespersonnes se trouvent des "frères et sœurs" du GrandOrient de France, qui utilisent leurs relations et leurposition pour discréditer l’A.M.O.R.C. et lui nuire surtous les plans. Il me semble donc nécessaire de vousfaire part de ce que cette situation m’inspire.

Par définition, l’A.M.O.R.C. est un mouvement philoso-phique non religieux, non sectaire et apolitique. Plutôtque de m’étendre dans ce courrier sur son histoire, jepréfère vous adresser par pli séparé un ouvrage qui entraite de manière exhaustive («Rose-Croix / Histoire etMystères» - 448 pages). Si vous en prenez connaissance,vous noterez au passage que la Franc-Maçonnerie doitbeaucoup aux Rose-Croix du XVIIe siècle, ce que voussavez certainement, et que le G.O.F. entretenait debonnes relations avec l’A.M.O.R.C. au début du XXe


siècle. C’est ainsi que Harvey Spencer Lewis (1883-1939), son responsable de l’époque sur le plan mondial,fut reçu avec les honneurs lors d’un Grand Chapitretenu à Paris le 20 septembre 1926. Depuis, force est deconstater que des Francs-Maçons de cette obédiencetraitent aujourd’hui en ennemis ceux que leurs Aînésaccueillaient hier en amis, à tel point que les Rosicru-ciens se voient désormais rejetés de certaines de sesLoges.

Alors qu’il est à l’opposé d’une secte, l’A.M.O.R.C. aété "sectarisé" en juin 1999 par une commission parle-mentaire dont le président, Jacques Guyard, est mem-bre du G.O.F. Certes, il a eu depuis le courage etl’honnêteté de se raviser en déclarant dans un courrierqu’il m’a adressé en date du 13 mars 2002 : «Je tiens àtémoigner qu’aucun fait n’a pu vous être reproché quivienne conforter ce classement… Je souhaite que votreréhabilitation se confirme dans le temps et atteste d’oreset déjà de votre situation d’association exerçant dans lecadre légal sa liberté de pensée». Je dois reconnaîtreégalement qu’un autre membre influent du G.O.F.,Alain Vivien, qui fut le président de la commission par-lementaire de 1983, puis le président de la MissionInterministérielle de Lutte contre les Sectes (M.I.L.S.),m’avait déjà attesté dans un courrier en date du 20décembre 2001 : «La Mission, depuis sa création ennovembre 1988, n’a été saisie d’aucune plainte concer-nant l’A.M.O.R.C.». D’autres personnalités civiles, politi-ques et religieuses faisant autorité m’ont écrit au coursdes mois et des années passés pour confirmer quel’A.M.O.R.C. n’a rien d’un mouvement sectaire.

À propos de la “sectarisation” de l’A.M.O.R.C., je vou-drais vous préciser ou vous rappeler que la commissionparlementaire a mené ses travaux «sous le sceau du


secret républicain», pour reprendre les propos d’undéputé qui en faisait partie, de sorte qu’il nous a étéimpossible de répliquer aux “témoignages” à chargerapportés à notre encontre. Par ailleurs, nous n’avonsété entendus par cette commission que le 9 juin 1999,c’est-à-dire le jour même où le rapport était adopté.Or, celui-ci comporte 347 pages et l’A.M.O.R.C. y est citédès la 20e. Cela suppose qu’il n’y a eu aucun débatcontradictoire et que la cause était entendue… Vousconviendrez certainement que si l’on jugeait la Franc-Maçonnerie à travers les nombreux articles et ouvra-ges négatifs écrits sur elle depuis tant d’années, onpourrait en déduire qu’il s’agit d’une secte d’autantplus puissante que certains prétendent qu’elle a desréseaux internationaux et qu’elle a infiltré les institu-tions majeures de la République française, les admi-nistrations, la magistrature, les médias, etc. De touteévidence, un tel jugement vous semblerait à la foisinjuste et indigne.

Incidemment, j’ai appris que certaines Loges duG.O.F. faisaient cause commune avec les A.D.F.I., associa-tions anti-sectes quelque peu intégristes à l’encontredes minorités spirituelles, allant même jusqu’à poserdans leurs locaux des affiches encourageant la délationcontre toute personne censée appartenir à une secte,affiches rappelant par leur graphisme celles que l’onutilisa durant l’Occupation pour inciter la populationfrançaise à dénoncer les Juifs et les Francs-Maçons.Ironie de l’Histoire, la plupart de ces mêmes A.D.F.I.étaient jusqu’alors d’obédience catholique. Quand onsait que les Francs-Maçons étaient jadis excommuniéspar l’Eglise, on ne peut qu’être perplexe devant unealliance aussi contre nature. Il est vrai que depuispeu, le Droit Humain, en la personne notamment de


Catherine Picard, a “noyauté” l’U.N.A.D.F.I. au plus hautniveau, puisqu’elle en est désormais la présidente,aidée en cela par Bernard Le Héritte, membre du G.O.F.Quant au C.C.M.M., autre association anti-secte notoire,elle est présidée par Daniel Groscolas, lui aussi mem-bre du G.O.F. Pour ma part, je vois dans ce “noyautage”une guerre idéologique menée contre la spiritualité etayant pour but d’instituer en France un laïcisme pur etdur, la lutte contre les sectes n’étant qu’un prétexte.L’intégrisme laïc étant tout aussi destructeur que l’in-tégrisme religieux, l’Histoire jugera…

Dans un Manifeste que l’A.M.O.R.C. a publié en mars2001, Manifeste que les plus grands historiens de l’éso-térisme (Antoine Faivre, Roland Edighoffer, etc.)situent dans la lignée des Manifestes rosicruciens duXVIIe siècle, on peut lire en page 10 : «Les courants depensée comme le Rosicrucianisme ne sont pas monologi-ques, mais dialogiques et pluralistes. Autrement dit, ilsencouragent le dialogue avec autrui et favorisent lesrelations humaines. Parallèlement, ils acceptent la plu-ralité d’opinions et la diversité des comportements. Detels courants se nourrissent donc d’échanges, d’interac-tions et même de contradictions, ce qu’interdisent ets’interdisent les idéologies totalitaires. C’est d’ailleurspour cette raison que la Pensée rosicrucienne a toujoursété rejetée par les totalitarismes, quelle qu’en soit lanature ». Si je ne doute pas que ces quelques ligness’appliquent également au Franc-Maçonnisme, je crainsnéanmoins que certains membres du G.O.F., quoi qu’ilsen disent, aient des comportements quelque peu fas-cistes à l’encontre de la spiritualité. Pourtant, on peuttout à fait être spiritualiste et profondément laïc, ceque sont d’ailleurs les Rosicruciens.


Nier le fait religieux ou vouloir réprimer le sentimentreligieux est à la foi illusoire, inutile et sectaire. Qu’onle veuille ou non, il y aura toujours de nombreuses per-sonnes qui s’intéresseront à la spiritualité tout en étantprofondément laïques, les unes par conviction profonde,les autres par réaction au matérialisme ambiant. Laplupart des religions n’ayant pas su s’adapter à l’évo-lution des consciences et des mentalités, c’est ailleursque beaucoup d’entre elles vont et iront mener leurquête spirituelle. Dès lors, on doit se poser la questionde savoir ce qui est le mieux pour ces personnes : s’af-filier à l’A.M.O.R.C. qui, quoiqu’on en pense, est un mou-vement philosophique sérieux, respectueux des lois etdes libertés fondamentales ; ou bien se laisser alpaguerpar des sectes véritables (car il en existe effectivement),avec tous les dangers que cela suppose pour elles-mêmes, leur famille et la société. Certes, la Franc-Maçonnerie spiritualiste peut également répondre àleur attente, mais toutes ne souhaitent pas et ne sou-haiteront pas y adhérer.

Si des Loges du G.O.F. refusent aujourd’hui l’initia-tion maçonnique aux membres de l’A.M.O.R.C., il n’en apas toujours été ainsi. Nombre de Rosicruciens y ontété admis dans le passé, et continuent à les fréquenterrégulièrement. Peut-être en seront-ils exclus dans unavenir plus ou moins proche ? Quoi qu’il en soit, ilssont consternés par ce qui se dit dans certaines d’en-tre elles à propos de l’A.M.O.R.C. : que de mensonges,que de calomnies, que de manipulations ! Alors que laFranc-Maçonnerie se réclame d’un idéal de justice,d’intégrité et de vérité, comment ne pas être choquépar de tels agissements. À l’inverse, un certain nombrede Francs-Maçons fréquentent librement les Loges rosi-cruciennes, et jamais ils n’ont pu entendre la moindre


critique malveillante à l’encontre de la Franc-Maçonnerie.Si tel est le cas, c’est parce que les Rosicruciens ont àcœur d’être conformes à leur éthique et d’appliquer ladevise de l’A.M.O.R.C. qui a toujours été : «la plus largetolérance dans la plus stricte indépendance».

À ce jour, je n’ai plus de doute sur la volonté de cer-tains Francs-Maçons du G.O.F. de nuire à l’A.M.O.R.C.,non seulement pour les raisons idéologiques que j’aimentionnées plus haut, mais également pour tenter des’approprier le patronyme «Rose-Croix» et tout ce quis’y rattache en termes de symbolisme traditionnel. J’enveux pour preuve les expositions organisées ça et làpar certaines Loges de cette obédience sur le grade deChevalier Rose-Croix. L’une d’elles m’a particulièrementmarqué, puisqu’elle eut lieu à La Rochelle en 2001, aumoment même où l’A.M.O.R.C. se voyait interdit d’y tenirson congrès annuel, ce qui fut une première dans sonhistoire, sur ordre de Maxime Bonno*, député-maire decette ville, sympathisant zélé du G.O.F. Certes, la Rose-Croix n’est pas la propriété de l’A.M.O.R.C., mais il estétonnant que des Francs-Maçons athées ou matérialis-tes, ce qui est naturellement leur droit, s’emploientavec autant de vigueur à s’octroyer un symbolisme aussispiritualiste.

À propos de la Rose-Croix, vous n’ignorez pas queles obédiences spiritualistes de la Franc-Maçonnerie(Grande Loge Nationale Française, Grande Loge deFrance, Memphis Misraïm, etc.) s’y réfèrent égale-ment, soit directement, soit indirectement. Contraire-ment à l’A.M.O.R.C., ces obédiences ont été préservéesde la vague de “sectarisation” déclenchée dans notrepays par certains membres du Grand Orient de Franceet du Droit Humain. On peut se demander pourquoi ? La


* Monsieur Maxime Bonno, à travers la Municipalité de LaRochelle, a été condamné pour décision illégale et abus de pouvoir.

première réponse qui vient à l’esprit est tout simple-ment : «parce qu’il ne s’agit pas de sectes», ce qui estexact. Mais en réalité, je pense surtout qu’elles doiventleur salut au fait que l’opinion publique ne fait pas ladifférence entre les diverses obédiences maçonniques,de sorte qu’il était inconcevable de les "sectariser" sansdiscréditer en même temps le G.O.F. et le D.H. Malheu-reusement, je ne suis pas sûr qu’elles soient pour autantà l’abri de manœuvres malveillantes émanant de cer-tains de leurs "frères et sœurs" laïcistes.

Les membres les plus avisés du G.O.F. connaissentl’A.M.O.R.C. et savent parfaitement qu’il ne s’agit pasd’une secte. Dans le monde entier, il est considérécomme un mouvement philosophique ouvert aux hom-mes et aux femmes, sans distinction d’aucune sorte.C’est ainsi qu’il réunit aussi bien des Chrétiens que desJuifs, des Bouddhistes, des Musulmans et même desAgnostiques. De même, tous les courants politiquesclassiques y sont représentés. Dès lors, pourquoi autantd’animosité contre lui ? Est-ce parce que les Rosicru-ciens, plutôt que d’être athées, admettent l’existenced’un Grand Architecte de l’Univers ? Est-ce parce qu’ilsprônent un humanisme, non pas matérialiste, mais spi-ritualiste ? Est-ce encore parce qu’ils accordent autantd’importance aux devoirs du citoyen qu’à ses droits ?Mais peut-être est-ce tout simplement parce qu’ils sontdavantage des penseurs libres que des libres-penseurs ?D’après ce que je sais, ceux qui fréquentent les Logesmaçonniques, toutes obédiences confondues, font pour-tant partie de leurs meilleurs éléments.

Comme vous l’aurez compris à travers ce courrier, lecomportement de certains membres du G.O.F. à l’encontrede l’A.M.O.R.C. me consterne et m’attriste à la fois. Aussi,j’espère qu’il ne s’agit là que de cas isolés (mais très


nuisibles) qui ne reflètent pas une “politique” généra-lisée au sein de cette obédience. Vous seul pourriezpeut-être me le dire. C’est pourquoi je sollicite de vousrencontrer, afin que nous puissions échanger en toutecordialité sur ce problème particulier.

Dans l’attente d’une réponse éventuelle de votrepart, je vous adresse, Très Vénérable Grand Maître,cher Monsieur, mes respectueuses pensées.

Sincèrement.

Serge ToussaintGrand Maître».

Comme je le rappelle dans ce courrier, les Francs-Maçons ont été victimes de persécutions au cours del’Histoire, comme ce fut malheureusement le cas desRose-Croix, des Martinistes et d’autres minorités. Dèslors, que penser de ceux parmi eux qui combattentaujourd’hui l’A.M.O.R.C. et d’autres mouvements spiri-tualistes n’ayant absolument rien de sectaire ? Ils sontune insulte à la liberté de croyance et de consciencequ’ils prétendent défendre haut et fort. Peut-être est-ilutile de leur rappeler l’article X de la «Déclaration desdroits de l’homme» : «Nul ne doit être inquiété pour sesopinions, même religieuses, pourvu que leur manifes-tation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi».Peut-être ignorent-ils également que cette Déclarationfut approuvée le 26 août 1789 «en présence et sous lesauspices de l’Être suprême». Naturellement, il ne s’agitpas de généraliser et de faire à mon tour des amalga-mes, car je sais que nombre de Francs-Maçons de toutesobédiences, dont certains sont également Rosicruciens,


n’apprécient pas du tout cette forme de sectarisme.Beaucoup m’ont d’ailleurs exprimé leur consternationlorsqu’ils ont su que l’A.M.O.R.C. avait été mentionnédans le rapport parlementaire de juin 1999, avantd’être à nouveau injustement stigmatisé dans celui dela M.I.V.I.L.U.D.E.S. en avril 2006. Certains d’entre euxm’ont même soutenu dans mes démarches en vue d’uneréhabilitation ; d’autres ont tenté de me faire inviterdans leur Loge maçonnique, afin que je puisse présen-ter l’A.M.O.R.C. à leurs frères et sœurs et leur expliquernos déboires. Mais cela leur a toujours été refusé jus-qu’à ce jour...

Si Madame Picard et consort lisent ces quelqueslignes, il est évident qu’ils s’emploieront à dire quel’A.M.O.R.C. est bel et bien une secte et que MonsieurToussaint, pour s’en défendre, n’a pas trouvé mieux quede reprendre notamment la fameuse thèse du complotmaçonnique. Sans doute ajouteront-ils qu’il s’agit làd’une réaction paranoïaque qui prouve bien que j’ai lapersonnalité d’un gourou sectaire. En réalité, je réaf-firme simplement que le Grand Orient de France et leDroit Humain nourrissent en leur sein des idéologuesqui confondent «laïcité» et «laïcisme», et qui, au nom decette confusion, sont des agents de discrimination etd’oppression. Sans doute sont-ils une minorité ? C’estdu moins ce qu’il faut espérer. Mais leur déterminationet leur aveuglement sont tels qu’ils sont très nuisibleset portent véritablement atteinte aux droits de l’hom-me. Je réaffirme également que certains membres deces deux obédiences maçonniques sont à l’origine de la“sectarisation” de l’A.M.O.R.C. et de la campagne dedénigrement dont il fait l’objet depuis quelque tempsdans notre pays.



Dans cet extrait d’un rapport du Grand Orient de France, il est faitmention de la visite de Harvey Spencer Lewis, alors Imperator del’A.M.O.R.C., lors d’un Grand Chapitre maçonnique tenu à Paris le20 septembre 1926.

219

Dans ce courrier daté du 12 juillet 1928, Camille Savoire(1869-1951), haut dignitaire de la Franc-Maçonnerie, expri-me toute sa sympathie à Harvey Spencer Lewis et lui faitpart de l’intérêt qu’il porte aux enseignements rosicruciens.

16.

A.M.O.R.C. ET MÉDIAS

Dans tous les milieux professionnels, il y a des gensconsciencieux, honnêtes, tolérants..., et d’autres qui nele sont pas. Le milieu médiatique n’échappe pas à cetterègle. Au cours des années passées, j’ai rencontré unnombre relativement important de journalistes, notam-ment durant le cycle de conférences publiques que j’aiprésentées à la suite des drames de l’O.T.S., afin d’expli-quer en quoi l’A.M.O.R.C. n’avait strictement aucun lienavec cette secte. En règle générale, ils ont toujours eul’honnêteté de rapporter mes propos dans leurs arti-cles, à l’exception de deux ou trois qui ont fait preuved’une mauvaise foi évidente et d’une extrême malhon-nêteté intellectuelle. S’ils lisent ce livre et s’ils laissentparler un tant soi peu leur conscience, ils se reconnaî-tront. De toute évidence, leur but était de nuire auxRose-Croix et de les diffamer, au sens moral que je donneà ce terme. Sur le plan juridique, il est en effet très dif-ficile d’obtenir gain de cause en matière de diffamation.

De toute évidence, il y a des journalistes que je n’aijamais rencontrés et qui eux aussi ont rédigé desarticles mettant en cause l’A.M.O.R.C. dans le cadre de l’af-faire O.T.S. Or, nombre de ces articles étaient menson-gers et ont malheureusement été repris par d’autres

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journalistes, ce qui nous a causé beaucoup de tort. Celadit, je pense sincèrement que le but recherché par laplupart de leurs auteurs n’était pas de nuire délibéré-ment aux Rose-Croix. À l’exception là encore d’un oudeux journalistes véritablement animés par cetteintention, à titre personnel ou sur ordre, je crois que lesautres se sont limités à rapporter des informations quileur ont été transmises. Mais je ne parviens pas à com-prendre, ou plutôt à admettre, qu’ils n’aient pris ni letemps ni la peine de contacter le siège de l’Ordre pouren vérifier la teneur. Pourtant, chacun sait que mêmeles sources “officielles” ou “autorisées” peuvent êtremensongères, quoi qu’on en dise.

Les remarques précédentes s’appliquent égalementà la radio. Certaines émissions et flashs consacrés àl’O.T.S. en particulier et aux sectes en général ont eulieu au cours de ces dernières années et de ces derniersmois. Dans certains cas, l’A.M.O.R.C. a été mis en causedirectement ou indirectement, mais à aucun moment jen’ai été contacté pour m’exprimer sur le sujet. Or, jesuis le responsable de la juridiction française depuis1993, mon mandat ayant été renouvelé en 1998 puisen 2003. Après m’être interrogé sur les raisons de cesilence, je me suis finalement décidé à écrire à toutesles radios majeures, afin de solliciter la possibilité dem’exprimer sur les confusions et les amalgames subispar l’A.M.O.R.C. À ce jour, je n’ai jamais reçu la moindreréponse. Pourtant, ce n’est pas parce que le sujet lui-même n’est pas intéressant sur le plan médiatique.Est-ce tout simplement parce que l’on ne souhaite pasdonner la parole aux Rose-Croix ?

Chaque fois que nous avons su qu’un article amal-gamant l’A.M.O.R.C. et l’O.T.S. était paru dans la presse,nous avons demandé un droit de réponse que nous avons


pratiquement toujours obtenu, avec souvent, il estvrai, le concours professionnel de Maître Michel Zaoui,notre Avocat. En règle générale, c’est bien la preuvequ’après une enquête plus approfondie, le journaliste oule responsable juridique concerné s’est rendu comptequ’il y avait eu confusions et amalgames. Cela dit, lemal était fait, car un droit de réponse est toujours trèslimité et ne permet pas de répondre à tous les pointsmensongers ou diffamatoires contenus dans l’article.Par ailleurs, chacun sait que «calomniez, calomniez, ilen restera toujours quelque chose !». C’est pourquoi jetrouve infiniment grave de publier des informationssans avoir pris soin de les vérifier auprès des personnesmises en cause. Il s’agit là d’un problème de déonto-logie. Qu’ils l’admettent ou non, les journalistes dispo-sent d’un très grand pouvoir. Chacun sait que selonl’usage qu’ils en font, soit ils informent, soit ils désinfor-ment, avec tous les préjudices qui en découlent.

Au cours de ces derniers mois et de ces dernièresannées, j’ai remarqué que les articles publiés dans lapresse à propos des sectes, que ce soit d’ailleurs ou nonen relation avec l’O.T.S., étaient pratiquement les mêmesau mot près. Cela veut dire que pour gagner du tempset être dans l’actualité, nombre de journaux reprennentsimultanément un même texte de base, le plus souventsans en avoir vérifié le fondement, et parfois mêmesans en connaître vraiment le contenu. Chacun com-prendra que si ce texte de base comporte des alléga-tions mensongères dès le départ, celles-ci se répandentensuite à travers tous les journaux concernés. Or, jesuis convaincu que les idéologues auxquels j’ai faitplusieurs fois allusion dans ce livre sont passés maî-tres dans l’art d’utiliser cette lacune, ce qui revientfinalement à manipuler les médias concernés. Par

223A.M.O.R.C. et médias

ailleurs, leur collusion avec certains journalistes ouresponsables de journaux est évidente.

Ces quelques remarques ne doivent surtout paslaisser supposer que l’A.M.O.R.C. cherche à obtenir desarticles ou des émissions pour promouvoir sa philo-sophie, bien qu’elle mériterait selon moi d’être mieuxconnue. Je ne souhaite d’ailleurs aucunement que celivre défraye la chronique, mais qu’il constitue un droitde réponse aussi exhaustif que possible aux proposmensongers et diffamatoires qui ont été tenus à l’en-contre des Rose-Croix au cours des mois et des annéespassés. Ce que je voudrais simplement dire, au risqued’ailleurs d’en subir le revers, c’est que lorsqu’un médiamet l’Ordre en cause, la moindre des choses est de per-mettre à ses responsables de réagir et de s’expliquer.Dans le cas contraire, l’information donnée est à sensunique et constitue en fait une manipulation de l’opinionpublique, avec toutes les conséquences négatives quien résultent inévitablement. Par ailleurs, je regretteégalement que depuis que l’A.M.O.R.C. a été injuste-ment classé comme “secte”, certains journaux en soientvenus à refuser de publier les annonces de ses confé-rences publiques, alors qu’ils le faisaient sans problèmedepuis des décennies.

Comme je l’ai déjà dit, une véritable “sectophobie”s’est installée en France depuis les drames de l’O.T.S.,et certains médias en portent une grande responsa-bilité. De leur côté, les commissions parlementairescréées dans ce contexte, de même que la M.I.L.S. puis laM.I.V.I.L.U.D.E.S., ont “surfé” sans discernement sur lavague anti-sectes et ont “sectarisé” des mouvementsqui n’auraient pas dû l’être. Les choses étant ce qu’ellessont, le grand public est plutôt désorienté, car il necroit plus que tous ceux qui ont été mis à l’index dans


les rapports parlementaires et autres soient véritable-ment des sectes, et il a bien raison. En effet, commentpenser qu’en dehors de la Franc-Maçonnerie et de l’OpusDei, tout autre mouvement philosophique, spiritualisteou religieux soit systématiquement une secte ?

Dans le contexte actuel, il faut beaucoup de discer-nement pour faire la différence entre les sectes vérita-blement dangereuses, qui sont très peu nombreuses etque les Services de Police connaissent parfaitement, etles mouvements inoffensifs qui n’ont en réalité rien desectaire. Dans ce domaine, les médias devraient aiderle public à faire la part des choses, mais en cultivantles confusions et les amalgames comme certains le fontdepuis trop longtemps, parfois pour de simples raisonsd’audimat ou de vente, ils produisent l’effet inverse àcelui qui devrait être recherché.

225A.M.O.R.C. et médias

17.

DÉTRACTEURS DE L’A.M.O.R.C.

Il est évident qu’une organisation comme l’A.M.O.R.C.ne peut plaire à tout le monde. Comme toute associa-tion culturelle, tout mouvement philosophique, toutereligion, tout parti politique, toute instance média-tique, etc., il a nécessairement des détracteurs. Onpeut les classer en plusieurs catégories :

— Comme c’est souvent le cas, c’est parmi les mem-bres qui ont été exclus de l’A.M.O.R.C. que l’on trouve sesdétracteurs les plus virulents. En raison de l’esprit detolérance qui caractérise l’Ordre, les exclusions sonttrès rares mais toujours justifiées, ce que l’on peutdémontrer sans problème. Elles sont motivées généra-lement par le fait que les quelques membres concernésutilisaient leur affiliation pour promouvoir des intérêtspersonnels, s’employaient à “gouroutiser” d’autres mem-bres, tenaient des propos délirants, ne respectaientpas les règles élémentaires de l’Ordre, etc. La naturehumaine étant ce qu’elle est dans ses aspects les plusnégatifs, certains de ces exclus s’emploient à critiquer,voire même à diffamer l’A.M.O.R.C., bien souvent aprèsl’avoir encensé pendant des années. Ce genre de com-portement n’est pas étonnant, mais il est regrettable quede tels détracteurs trouvent toujours des personnes

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attentives et complaisantes pour se faire l’écho de leursmensonges et de leurs calomnies, sans jamais, naturel-lement, en vérifier le fondement.

— Il y a également des détracteurs de l’A.M.O.R.C.parmi ses ex-membres, autres que les quelques exclus(environ deux cents dans la juridiction française). Lesraisons de leur animosité sont diverses : certains s’ima-ginaient que l’A.M.O.R.C. ferait d’eux des Maîtres spiri-tuels en quelques mois ; d’autres pensaient y acquérirdes “pouvoirs” extraordinaires ; d’autres encore croyaientqu’ils pourraient tisser des relations d’affaires oud’influence, etc. Plutôt que d’admettre qu’ils ont étévictimes de leurs propres illusions, de leurs propresdélires, de leur propre orgueil, de leur propre incons-tance, de leur propre manque de motivation, etc., ilsrendent l’Ordre responsable de leur aigreur, refusantde s’avouer qu’il s’agit en fait d’un échec personnel.Chacun connaît alors le célèbre adage : «Qui veutnoyer son chien l’accuse de la rage».

Je dois préciser aussi que parmi les ex-membres del’A.M.O.R.C., exclus ou ayant démissionné d’eux-mêmes,certains en viennent parfois à se sentir investis d’unemission et créent leur propre mouvement. En raison duprestige qu’ils véhiculent sur le plan ésotérique, ils luidonnent souvent une appellation intégrant les mots«Rose-Croix», «Rosicrucien», voire même «Maçonnerierosicrucienne». De même, ils utilisent en partie ce qu’ilsont appris dans l’A.M.O.R.C., après l’avoir transformé etdénaturé. Je le déplore profondément, d’autant plusque ces quelques mouvements, qui reposent uniquementsur la personnalité de leur fondateur, sont sujets à desdérives plus ou moins sectaires et entretiennent desconfusions avec l’A.M.O.R.C. Seule consolation : en règle


générale, ils disparaissent aussi rapidement qu’ils sontapparus.

— Les religions existantes comptent également desdétracteurs de l’A.M.O.R.C., tant parmi leurs fidèles queparmi leurs dirigeants. Sans vouloir porter atteinte àla religion chrétienne, que je respecte tout autant queles autres religions, c’est néanmoins dans ses rangs quel’on trouve les attaques les plus extrêmes contre lesRose-Croix. Comme nous l’avons vu dans le chapitre13, on leur reproche d’avoir dévié le sens de la croix, deconsidérer Jésus comme un prophète parmi d’autres etnon comme le Fils unique de Dieu, de préférer la réin-carnation à la résurrection des corps, de ne pas croireaux miracles, au sens religieux du terme, etc. Face àune telle mauvaise foi, chacun devrait admettre quel’A.M.O.R.C. est alors victime du sectarisme, voire mêmedu fanatisme ou de l’intégrisme des Chrétiens concer-nés.

— Plus étonnant, à la suite du rapport parlemen-taire publié en janvier 1996, des responsables et desmembres de mouvements ayant été “sectarisés” dans cerapport sont allés jusqu’à dire que l’A.M.O.R.C. n’y figu-rait pas parce qu’il avait exercé des pressions sur lacommission. J’espère au moins que le fait qu’il soitmentionné dans le rapport parlementaire de juin 1999,ainsi que dans celui de la M.I.V.I.L.U.D.E.S. d’avril 2006,aura apaisé leur rancœur et peut-être même suscitéleur compassion.

— Enfin, dans la dernière catégorie de détracteurs,on trouve tous ceux que l’A.M.O.R.C. dérange en raisonde ses idéaux et de sa philosophie. Étant spiritualiste,il attire l’opposition des athées, des matérialistes et desrationalistes, notamment de ceux qui gravitent dans

229Détracteurs de l’A.M.O.R.C.

les sphères du pouvoir. Prônant la pensée libre plutôtque la libre-pensée, il contrarie également les adeptesde la “pensée unique” et tous ceux qui, inconsciemmentou non, vont dans le sens du “politiquement correct”, del’“économiquement correct”, du “médicalement correct”,du “religieusement correct” et même du “médiatique-ment correct”. Enfin, il y a ceux qui, animés d’un anti-américanisme primaire, dénigrent l’A.M.O.R.C. à traversH. Spencer Lewis, qui œuvra à son émergence en 1909.Comme toutes les personnes hors du commun, il fut cri-tiqué et calomnié dès son époque, et certains individusmalveillants s’appuient de nos jours encore sur ces cri-tiques et calomnies pour nuire aux Rose-Croix actuels.

Les critiques émises par les détracteurs de l’A.M.O.R.C.varient selon leur personnalité, leur volonté de nuire etles raisons qu’ils pensent avoir à le faire. Parmi ceuxqui en ont été membres, très peu mettent en cause lecontenu philosophique et humaniste de ses enseigne-ments, à tel point, comme je l’ai indiqué précédem-ment, qu’ils s’en inspirent parfois pour fonder leurpropre mouvement. Quant à ceux qui n’ont jamais étéRosicruciens et qui s’emploient à critiquer l’A.M.O.R.C.,ils le font le plus souvent à la solde d’une quelconqueassociation anti-secte, et généralement par ignorancede ce qu’il est vraiment. “L’argent étant le nerf de laguerre”, ils lui reprochent notamment d’être riche. Quedoivent-ils penser alors des grandes religions ? Maisqu’ils se rassurent : l’A.M.O.R.C. n’est pas riche. Cela dit,les Rose-Croix n’ont jamais considéré que la richesseétait incompatible avec la spiritualité ; tout dépend deson origine et de l’usage que l’on en fait. Et pour mapart, je n’ai jamais rencontré de croyants qui priaientpour être pauvres...


Tout au long de son histoire, l’Ordre de la Rose-Croix a subi des railleries, des critiques, des opprobres,des oppressions, etc., mais il est toujours là. Naturelle-ment, je préférerais que les détracteurs de l’A.M.O.R.C.se limitent à l’ignorer, ce qui serait mieux pour tout lemonde. N’ayant pas le pouvoir de les ramener à de meil-leurs sentiments, je me suis résigné à accepter avecphilosophie leurs attaques malveillantes, car tel estsans doute le prix à payer lorsqu’on est vraiment unpartisan et un défenseur de la pensée libre.

231Détracteurs de l’A.M.O.R.C.

18.

LETTRE OUVERTE

AUX MEMBRES DE L’A.M.O.R.C.

Sachant que des membres de l’A.M.O.R.C. liront celivre, je souhaiterais l’utiliser pour leur adresser une“Lettre ouverte” dont les lecteurs non membres pour-ront être les témoins. À leur niveau, je sais qu’ils ontbeaucoup souffert et souffrent encore de la campagnede dénigrement que l’Ordre a subie depuis l’affaireO.T.S., mais également de sa “sectarisation”, tant elleest injuste.

Chers membres,

Vous savez mieux que quiconque à quel point jen’aime pas la polémique, et vous ressentez certaine-ment l’effort que j’ai dû faire sur ma nature pour écrireun tel livre, sans compter que le temps et l’énergie qu’ila fallu lui consacrer auraient pu être utilisés à des finsplus utiles pour nos activités rosicruciennes. Mais plu-tôt que de laisser les autres rapporter à leur manièreles événements qui ont marqué notre Ordre au cours deces derniers mois et de ces dernières années, j’ai pensé

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qu’il valait mieux le faire moi-même, à partir des infor-mations que je possède et de ce que je présume.

Étant membres de l’A.M.O.R.C. depuis plus ou moinslongtemps, vous savez parfaitement qu’il ne constitueen aucun cas un mouvement templier et qu’il est à l’op-posé d’une secte. Suite à sa “sectarisation”, vous avezd’ailleurs été nombreux à faire connaître votre indigna-tion à qui de droit. Naturellement, les “mauvaises lan-gues” diront probablement que ce genre de réaction estprécisément celui que l’on attend de la part des adeptesd’une vraie secte. Qu’importe. Dans ce domaine commedans bien d’autres, la vérité est toujours difficile à fairevaloir, mais je suis convaincu qu’elle finit tôt ou tardpar se manifester.

Si vous êtes toujours membres de l’A.M.O.R.C. aumoment où vous lisez cette lettre, c’est que votre atta-chement à l’idéal Rose-Croix vous a rendu suffisam-ment forts intérieurement pour ne pas vous laisseratteindre par l’adversité. Sachez cependant que cer-tains de vos frères et sœurs ont démissionné en raisondes mises en cause que nous avons subies. Dans ledoute, quelques-uns ont préféré nous quitter ; d’autresl’ont fait sous la pression de leur entourage familial ousocial ; d’autres encore par crainte de représailles surle plan professionnel... Cela doit certainement réjouirceux qui ont tout fait pour provoquer cela. Mais «Quisème le vent récolte la tempête !». Il s’agit d’une loiincontournable que tous les sages du passé, sous uneforme ou sous une autre, ont enseignée aux hommes.On peut ignorer cette loi ou ne pas y croire, mais celane l’empêche nullement de s’appliquer dans la vie dechacun.


En l’état actuel des choses, nous sommes confrontésà une épreuve à la fois individuelle et collective. Commevous le savez, les Rose-Croix en ont connu d’autres dansle passé, beaucoup plus terribles et dramatiques. Lemeilleur maître des hommes étant le temps, laissons-lepasser et accomplir son œuvre. Parmi les détracteursde l’A.M.O.R.C., certains le sont par conviction profondeou par idéologie ; il est donc impossible de leur fairecomprendre que notre Ordre n’est ni ce qu’ils en pen-sent ni ce qu’ils en disent. D’autres le sont par opportu-nisme et parce qu’ils ont un intérêt quelconque à lecritiquer, voire même à le diffamer. Mais d’autres lesont aussi parce qu’ils ignorent ce que l’A.M.O.R.C. estréellement et parce qu’ils disposent à son sujet d’infor-mations tronquées. Ce livre leur aura peut-être ouvertde nouveaux horizons.

Comme beaucoup d’entre vous, je sentais bien quel’intolérance montait en France et que, sous prétexte delutter contre les sectes, les uns cherchaient à instaurerle “religieusement correct” et les autres à “athéïser” laFrance, les grandes religions étant épargnées en raisonde leur puissance politique et financière. En cela, onnotera une fois encore que des personnes ou des “cha-pelles” opposées sur le plan idéologique savent s’unirlorsque leurs intérêts respectifs le nécessitent. Celaétant, on ne peut que regretter que le pays qui se ditla “Patrie des droits de l’homme” ait cautionné une telledérive, au point d’avoir livré les Rose-Croix à la vin-dicte, alors qu’ils ont toujours eu à cœur de respecterles lois, de montrer la plus large tolérance envers tou-tes les religions, et de contribuer au bien de la sociétédans laquelle ils vivent. Où donc est le sectarisme ?N’est-il pas chez ceux qui prétendent le combattre ?

235Lettre ouverte aux membres de l’A.M.O.R.C.

Nous avons connu des moments difficiles au coursdes mois et des années passés, et nous manquons derecul pour savoir ce que l’avenir réserve aux Rose-Croix.Comme on le dit couramment en pareille circonstance :l’Histoire jugera. En attendant, nous allons poursuivrenos activités avec la même force d’âme et dans le mêmebut, à savoir perpétuer notre héritage spirituel et œu-vrer pour l’avènement d’un monde plus humaniste.C’est à cela que l’A.M.O.R.C. s’est toujours consacré, etmalgré l’adversité, il n’y a aucune raison pour qu’ilchange d’orientation. Plus que jamais, il doit aucontraire persister dans son idéal et ne pas se préoc-cuper du jugement de ceux qui ne partagent pas sesvaleurs ou même s’y opposent.

Par le passé, je vous ai informés régulièrement detout ce qui concernait notre Ordre, que ce soit sur unplan interne ou externe. Je continuerai naturellementà le faire, car nos relations ont toujours été fondées surla communication et l’échange. De même, je continue-rai à vous entretenir de sujets philosophiques, car làest le fondement de notre quête commune. De votrecôté, j’espère que vous poursuivrez encore longtemps lecheminement spirituel que vous avez entrepris sur leSentier de la Rose-Croix.

Dans cet espoir, je vous adresse mes meilleursvœux de courage en ces temps difficiles et, plus quejamais, de Paix Profonde,

Sincèrement et fraternellement.

Serge ToussaintGrand Maître


CONCLUSION

Le but de ce livre n’était pas uniquement d’expri-mer le sentiment d’injustice que les membres del’A.M.O.R.C. éprouvent face à l’acharnement subi aucours des mois et des années passés. Il était égalementd’en laisser un témoignage écrit pour les Rose-Croixdu futur, et même peut-être pour l’Histoire. Naturelle-ment, j’espère aussi que sa lecture vous aura permis demieux comprendre en quoi consistent l’enseignement etla philosophie de l’Ordre. Ainsi que vous avez pu vousen rendre compte, on n’y trouve rien de sectaire ni dedogmatique. Malheureusement, comme je l’ai dit enintroduction, la liberté de croyance n’existe plus vrai-ment en France.

L’A.M.O.R.C. n’a ni la volonté ni l’intention de plaireà tout le monde, ce qui de toute façon serait impossible.En tant qu’organisation non pas secrète mais discrète,il ne souhaite pas non plus attirer sur lui l’attentiondes médias, d’autant plus qu’ils se sentiront toujoursobligés de rappeler que des rapports “officiels” ont faitde lui une “secte”. Il aspire simplement à poursuivreses activités dans la sérénité, comme il s’est toujoursefforcé de le faire. Étant constitué d’êtres humains,l’Ordre ne peut être parfait et ne prétend pas l’être.Néanmoins tous ceux qui le connaissent bien et quisont honnêtes avec eux-mêmes, qu’ils soient membres,ex-membres ou non membres, savent qu’il s’agit d’un

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mouvement respectable et que ses idéaux sont vrai-ment humanistes. Certes, on peut reprocher aux Rose-Croix d’être trop idéalistes, pour ne pas dire utopistes,mais Platon lui-même n’a-t-il pas déclaré dans la«République» : «L’utopie est la forme de société idéale.Peut-être est-il impossible de la réaliser sur Terre, maisc’est en elle qu’un sage doit placer tous ses espoirs».

Certains auteurs ont dit de l’Ordre de la Rose-Croixqu’il avait été au XVIIe siècle le «joyau de l’ésotérismeoccidental». Je pense sincèrement que l’A.M.O.R.C. estde nos jours l’une des organisations traditionnelles lesplus sérieuses. Je comprends parfaitement que l’on puis-se n’éprouver aucun intérêt pour la philosophie ou lemysticisme, mais ce n’est pas une raison pour tourneren dérision, critiquer et encore moins diffamer ceux quis’y intéressent. Comme je l’ai rappelé à plusieurs repri-ses, l’A.M.O.R.C. a pour devise : «La plus large tolérancedans le plus stricte indépendance». Ses membres sou-haitent simplement que l’on manifeste à leur égard latolérance qu’eux-mêmes essaient d’appliquer envers lesautres. Si je précise «essaient», c’est parce que les Rosi-cruciens n’ont pas la prétention d’être des sages. Ilss’évertuent à devenir meilleurs sur le plan humain, cequi est déjà appréciable. Ce sont plutôt des philoso-phes, c’est-à-dire, littéralement, des «amoureux de lasagesse».

Le monde est à la croisée des chemins, en ce sensque son destin dépend plus que jamais de l’orientationque les hommes vont lui donner au cours des prochai-nes décennies, tant sur le plan individuel que collectif.Si nous persistons dans le matérialisme excessif quisévit actuellement dans la plupart des sociétés, nousallons au-devant de problèmes beaucoup plus gravesencore que ceux auxquels nous sommes confrontés


depuis quelque temps. En effet, comme je l’ai déjà indi-qué, le matérialisme est fondé sur les désirs les moinsnobles de la nature humaine (désir de possession, désirde domination, etc.) et ne peut donc rendre le mondemeilleur. Certes, il est impossible d’être heureux sansun minimum de confort, et il est vrai que des centainesde millions de personnes ne bénéficient pas de ce mini-mum vital. Cela dit, faire du bien-être matériel le seulidéal de l’existence est un non-sens, car le bonheur estun état de conscience qui transcende ce seul bien-être.Il repose avant tout sur des valeurs, sinon spiritualis-tes, du moins humanistes. Or, les Rose-Croix n’ont pasd’autre ambition que d’œuvrer à l’avènement d’unmonde plus fraternel.

Au XVIIe siècle, les Rose-Croix lancèrent un appel àdavantage de spiritualité et d’humanisme, car la socié-té de l’époque leur semblait déjà trop matérialiste ettrop individualiste. À l’aube du XXIe siècle et du IIIe mil-lénaire, la situation n’a pas évolué positivement dansce domaine. Elle s’est même aggravée, d’autant plusque pour la première fois dans l’Histoire, l’humanité ales moyens de s’auto-détruire sous l’impulsion de sesinstincts les plus primitifs. L’appel lancé il y a près dequatre siècles est toujours actuel, et les Rose-Croix destemps “modernes” s’en font l’écho depuis le début duXXe siècle. Sans doute cela dérange-t-il ceux qui pen-sent que “tout est pour le mieux dans le meilleur desmondes”, ou bien encore ceux qui estiment que le bon-heur de l’homme ne réside que dans le matérialisme.Qu’importe, l’A.M.O.R.C. continuera à œuvrer à l’éveildes consciences, car il s’agit pour lui d’un devoir.

Depuis la publication de la «Fama Fraternitatis» en1614, les Rose-Croix font partie de la tradition occiden-tale et de la culture européenne. En cela, rappelons que

239Conclusion

l’un d’eux, en l’occurrence Coménius (1592-1670), estconsidéré de nos jours encore comme le Père spirituelde l’U.N.E.S.C.O. Et comme je l’ai dit à plusieurs repri-ses, l’A.M.O.R.C. a toujours encouragé ses membres àassumer au mieux leurs devoirs de citoyens et à mettrele meilleur d’eux-mêmes au service des autres. Enretour, la France les a mis au ban de la société à tra-vers des rapports impliquant directement ou indirec-tement ses institutions. C’est profondément injuste,honteux et révoltant, d’autant que ces rapports sontl’œuvre de quelques idéologues sectaires qui, à mesyeux, ne sont absolument pas représentatifs de l’Étatfrançais, ni des Français eux-mêmes. Malheureusement,on les a laissé faire. En cela, je ne peux que déplorerl’acharnement inique de quelques-uns et la neutralitécoupable de tant d’autres. Certes, il n’est jamais troptard pour réparer une injustice, ce qui fit dire à Spinoza,autre célèbre Rose-Croix du XVIIe siècle : «L’homme estfaible en ce qu’il commet des erreurs ; il est grand en cequ’il peut les réparer». Cela dit, au regard de ce quel’A.M.O.R.C. a subi, je ne me fais plus guère d’illusions...

Peut-être êtes-vous Rosicrucien, Franc-Maçon ouMartiniste ? Peut-être appartenez-vous à l’une desgrandes religions actuelles ? Peut-être faites-vouspartie d’une mouvement religieux, spiritualiste ouphilosophique jugé “marginal” ? Peut-être êtes-vous aucontraire agnostique, athée, rationaliste, voire mêmematérialiste ? À chacun son idéal et ses idées, au nom,précisément, de la liberté de pensée. Mais si vous igno-riez l’existence de l’A.M.O.R.C., ou si vous en aviez uni-quement entendu parler à travers l’affaire O.T.S. ou la“sectophobie” ambiante, j’espère que vous aurez com-pris le but, l’esprit et la nécessité de ce livre. J’espère


également qu’il vous aura permis de vous faire une idéeplus précise des idéaux et de la philosophie des Rose-Croix. Dans cet espoir, je vous adresse mes meilleurespensées.

Omonville, le 30 mai 2006

241Conclusion

Pour tout contact ou renseignement :

A.M.O.R.C.Château d’Omonville

27110 Le TremblayFrance

Téléphone : 02.32.35.41.28Télécopie : 02.32.35.66.03Courriel : [email protected] : www.rose-croix.org

Ce livre est accessible également sur Internet à l’adressesuivante : www.amorc.fr


LIVRES DU MÊME AUTEUR

— L’Ontologie des Rose-Croix, Éditions D.R.C. (1995).

— L’Idéal éthique des Rose-Croix, Éditions D.R.C. (1998).

— Humanisme et Spiritualité, Éditions L.P.M. (2000).

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Édition et impression : Diffusion Traditionnelle - 27110 Le Tremblay - FranceTous droits réservés pour tous pays, y compris des illustrations

ISBN 978-2-908353-23-7 - Dépôt légal : juillet 2006

Imprimé sur papier recyclé


Membre de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croixdepuis 1977, Serge Toussaint, auteur de ce livre, est leGrand Maître de la juridiction française depuis 1993 (il aété réélu à cette fonction en 1998 et 2003).

Depuis que l’Ordre du Temple Solaire a défrayé la chro-nique à travers les drames que l’on connaît, la France estdevenue le théâtre d’une véritable “chasse aux sorcières”.Sous prétexte de lutter contre les sectes, on en est venu àcombattre les croyances elles-mêmes et à instaurer un laï-cisme pur et dur, source d’oppression et de discrimination.Alors qu’il est reconnu dans tous les pays du monde commeun mouvement philosophique non religieux et non sectaire,l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix a lui-mêmeété victime de cette dérive, au point d’avoir été classé com-me “secte”.

Ce livre comporte deux parties. Dans la première, l’auteurexplique ce que sont les Rose-Croix, notamment à traversleur histoire, leur enseignement, leur philosophie, leuréthique... Dans la seconde, il montre, documents à l’appui,comment on a entretenu des mensonges, des confusions etdes amalgames à l’encontre de l’A.M.O.R.C., afin de le dis-créditer et de faire croire au grand public qu’il s’agit d’unesecte : A.M.O.R.C. et O.T.S., A.M.O.R.C. et commissions par-lementaires, A.M.O.R.C. et M.I.V.I.L.U.D.E.S., A.M.O.R.C. etassociations anti-sectes, A.M.O.R.C. et médias...

Ce livre est préfacé par Janine Tavernier, figure embléma-tique de la lutte contre les sectes. Membre de l’U.N.A.D.F.I.dès 1984, elle en fut la présidente de 1993 à 2001.

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