si c'est un homme - primo levi

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Si c’est un homme –Résumé de chaque chapitre INTRODUCTION: L’Humanité a vu se passer au XXe siècle des atrocités qui ont profondément marqué l’Histoire et l’évolution des mentalités. Les régimes totalitaires ont mené une politique de destruction de l’homme partout dans le monde. Primo Lévi, un jeune italien, est une des victimes de la Shoah nazie, étant envoyé au camp d’Auschwitz. Après sa libération par les soviétiques, il décide de rédiger un récit autobiographique intitulé Se questo è un uomo (Si c’est un homme ) qui témoigne de son expérience au Lager. Paru pour la première fois 1947, l’ouvrage fut à peine observé, et seulement quinze ans plus tard on comprit sa vraie valeur. Si c’est un homme est composé de dix-sept chapitres, portant des noms en relation directe avec le sujet, et suivant l’ordre chronologique des événements. Nous essayerons de faire une analyse linéaire du récit par le résumé de chacun des chapitres et en choisissant à chaque fois des citations pertinentes pour rendre compte du contenu. PREFACE La préface de l’ouvrage, rédigée par Primo Lévi lui-même, débute par une affirmation quelque peu paradoxale et cynique (« j’ai eu la chance ») qui annonce le ton de son œuvre. Il donne à comprendre à son lecteur qu’il ne vise pas tant ‘’d’avancer de nouveaux chefs d’accusation’’ mais plutôt de considérer les actions nazies, non pas comme des événements isolés, mais comme une réalité susceptible de se reproduire. Cette préface fait office de mise en garde contre ‘’l’infection latente’’ de la xénophobie. Primo Levi procède également à se parer contre d’éventuelles critiques quant au « caractère

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Resume de chaque chapitre

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Si c’est un homme –Résumé de chaque chapitre

INTRODUCTION:

L’Humanité a vu se passer au XXe siècle des atrocités qui ont profondément marqué l’Histoire et l’évolution des mentalités. Les régimes totalitaires ont mené une politique de destruction de l’homme partout dans le monde. Primo Lévi, un jeune italien, est une des victimes de la Shoah nazie, étant envoyé au camp d’Auschwitz. Après sa libération par les soviétiques, il décide de rédiger un récit autobiographique intitulé Se questo è un uomo (Si c’est un homme) qui témoigne de son expérience au Lager. Paru pour la première fois 1947, l’ouvrage fut à peine observé, et seulement quinze ans plus tard on comprit sa vraie valeur.

Si c’est un homme est composé de dix-sept chapitres, portant des noms en relation directe avec le sujet, et suivant l’ordre chronologique des événements. Nous essayerons de faire une analyse linéaire du récit par le résumé de chacun des chapitres et en choisissant à chaque fois des citations pertinentes pour rendre compte du contenu.

PREFACE

La préface de l’ouvrage, rédigée par Primo Lévi lui-même, débute par une affirmation quelque peu paradoxale et cynique (« j’ai eu la chance ») qui annonce le ton de son œuvre. Il donne à comprendre à son lecteur qu’il ne vise pas tant ‘’d’avancer de nouveaux chefs d’accusation’’ mais plutôt de considérer les actions nazies, non pas comme des événements isolés, mais comme une réalité susceptible de se reproduire. Cette préface fait office de mise en garde contre ‘’l’infection latente’’ de la xénophobie. Primo Levi procède également à se parer contre d’éventuelles critiques quant au « caractère fragmentaire » de son œuvre et rappelle par le moyen d’une prétérition (« il me semble inutile d’ajouter ») l’absolue véracité des faits rapportes.

POEME

L’auteur choisit de précéder son récit par un poème de vingt-trois vers, portant le titre-même de l’ouvrage. Ce poème comporte quatre mouvements principaux :

1. Une interpellation directe du lecteur : « Vous qui vivez en toute quiétude » (v.1). Le poète insiste particulièrement sur le confort et la sécurité de la vie du lecteur, ce qui crée un grand contraste avec la suite ;

2. Le deuxième mouvement évoque les figures emblématiques des prisonniers, hommes et femmes, et pousse le lecteur à décider s’il s’agit véritablement d’êtres humains.

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3. Le poète insiste ensuite sur le devoir de ne jamais oublier ces événements, et d’en transmettre le souvenir aux générations futures à tout prix.

4. Enfin, le quatrième mouvement prend la forme d’une malédiction envers quiconque ne respecterait pas la mémoire de ces faits : « Ou que votre maison s'écroule; / Que la maladie vous accable, / Que vos enfants se détournent de vous. » (v.21-23) La récurrence des pronoms personnels et possessifs, deuxième personne du pluriel, souligne l’idée que le lecteur est directement concerné par cette menace.

CHAPITRE 1 : Le voyage

Le premier chapitre nous apprend que Primo Lévi avait été arrêté par la milice fasciste à l’âge de 24 ans, pour avoir fait partie de la résistance réfugiée dans les montagnes italiennes. D’abord envoyé au camp transitoire de Fossoli, en fin janvier 1944, il fait parti d’un convoi de six cent cinquante personnes déportées à Auschwitz.

En parlant de ce départ pour le camp de concentration et d’extermination, le narrateur raconte les préparations fébriles des mères, qui essayent d’affronter la situation avec le plus de calme possible.

« N'en feriez-vous pas autant vous aussi? Si on devait vous tuer demain avec votre enfant, refuseriez-vous de lui donner à manger aujourd'hui? » p14

Le narrateur interpelle le lecteur à travers ces deux questions rhétoriques, qui nous font comprendre le drame vécu par ces mères. L’amour pour leurs enfants les oblige à agir comme devant des circonstances normales, à répondre aux besoins de ces-derniers, malgré la fin certaine et immédiate qui les attend.

Cette apostrophe a pour effet l’empathie du lecteur qui se sent plus lié aux personnages qui ont vécu ces moments.

Le voyage dure quinze jours de cauchemar et finit par leur arrivée au fameux camp polonais. Le narrateur passe alors par la première sélection faite selon le sexe, l’âge et la condition physique des prisonniers. Etant considéré comme bon pour le travail, il est envoyé avec d’autres hommes vers le camp Monowitz.

Toute la révolte et la confusion des hommes devant ces événements sont exprimées par le narrateur à travers deux questions oratoires :

« Et puis, finalement, de quoi aurions-nous du nous repentir ? Qu’avions-nous à nous faire pardonner ? » P13

La majorité des prisonniers sont innocents, le seul motif de leur condamnation étant leur origine.

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CHAPITRE 2 : Le fond

A leur arrivée dans le camp, les prisonniers Italiens doivent attendre dans une salle mal chauffée, où ils doivent lutter contre la soif qui les ronge.

L’humiliation commence lorsqu’on leur demande de renoncer à leurs vêtements et aux objets personnels.

« Un coup de vent referme la porte :   l’Allemand la rouvre et reste là à regarder d’un air pénétré les contorsions que nous faisions pour nous protéger du froid les uns derrière les autres. Puis il s’en va en refermant derrière lui. » (p. 22) 

Ce passage est révélateur de la cruauté avec laquelle ils sont traités. Ils sont perçus comme des êtres inférieurs qui ne méritent aucune forme de respect ou de pitié.

La volonté de rompre ces hommes de leur passé et de détruire leur dignité explique le fait qu’ils sont par la suite rasés, puis laissés attendre nus, dans une salle de douche sans eau ni chauffage. Le comble de leurs humiliations vient lorsqu’ils se voient obligés de courir une centaine de mètre dans la neige, nus et déchaussés.

Les nouveaux arrivés reçoivent leurs numéros et leur classification. Le narrateur reçoit les siens :

" Haftling: j'ai compris que je suis un Haftling. Mon nom est 174 517; nous avons été baptisés et aussi longtemps que nous vivrons nous porterons cette marque tatouée sur le bras gauche" p27

Il s’agit de son premier contacte avec cette nouvelle identité qui va le hanter pour le reste de sa vie.

Il parle ensuite de sa première journée au Lager et de l’organisation du camp en décrivant les Blocks qui le constituent, les différentes catégories de prisonniers, les lois internes du Lager, les horaires et ainsi de suite.

«J’ai donc touché le fond. On apprend vite en cas de besoin à effacer d’un coup d’éponge passé et futur.» (p. 37)

Le titre du chapitre nous est ici expliqué : le Lager descend l’être humain à sa plus basse condition, en l’arrachant de son passé, de son futur, en l’obligeant à penser seulement à sa survie immédiate.

CHAPITRE 3 : Initiation

Le troisième chapitre décrit la première nuit passée par le narrateur au Block 30 et son «initiation» à la vie au Lager. Il parle par exemple de l’importance du pain, devenu une véritable monnaie d’échange, du mauvais état des lavabos et de l’importance paradoxale accordée par la politique du camp à l’hygiène. A ce sujet, il choisit de raconter une discussion échangée avec un ancien prisonnier nommé Steinlauf, qui gardait sa propreté avec ardeur, attitude considérée comme inutile par le narrateur. Mais l’explication de Steinlauf est surprenante et marque profondément le jeune Haftling.

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« Nous sommes des esclaves, certes, privés de tout droit, en butte à toutes les humiliations, voués à une mort   presque   certaine,   mais   il   nous   reste   encore   une   ressource   et   nous   devons   la   défendre   avec acharnement parce que c’est la dernière : refuser notre consentement. » p. 42

L’ex-sergent fait comprendre au narrateur que le maintien de l’hygiène individuelle reflète beaucoup plus qu’une simple habitude inutile. Il s’agit de conserver sa dignité, de se respecter soi-même pour ne pas devenir une bête inhumaine. Renoncer à la civilisation de cette sorte signifierait donc renoncer à lutter.

CHAPITRE 4 : K.B.

Deux mois après son arrivée au camp, le narrateur est gravement blessé au pied pendant une journée de travail. Cet accident finit par une visite à l’infirmerie (« Krankenbaum », abrévié KB) où, après avoir été sommairement examiné, il est interné. Son premier contacte avec le KB est marqué par l’humiliation qu’il subit de la part d’un des infirmiers. Ce-dernier, après l’avoir regardé de tous les cotés avec mépris, lui annonce une fin prochaine.

Les 20 jours passées au KB rendent au narrateur ses forces et ses idées, mais l’aident aussi à comprendre la vraie signification des sélections : il voit un de ses compagnons partir pour la chambre à gaz.

Les horreurs qui s’accumulent devant ses yeux lui permettent de réfléchir sur le sens de la vie qui leur est réservée au Lager :

« S’il est un message que le Lager eût pu transmettre aux hommes libres, c’est bien celui-ci : Faites en sorte de ne pas subir dans vos maisons ce qui nous est infligé ici. » p. 58

Il parle ici de la valeur de contre-exemple que pourraient prendre pour les hommes libres les événements passés entre les barbelés du camp. Ces derniers doivent comprendre l’importance de la liberté dont ils disposent, l’importance de la chérir et de la protéger.

« Personne ne sortira d’ici, qui pourrait porter au monde, avec le signe imprimé dans sa chair, la sinistre nouvelle de ce que l’homme, à Auschwitz, a pu faire d’un autre homme. » p. 59

Le narrateur parle d’une mort cette fois-ci non pas physique mais de l’esprit, qui se poursuit jour après jour et qui prive les prisonniers de l’image de leur futur. Cette dégradation progressive ne leur permettrait pas de parler et de témoigner ce qu’ils ont vécu, même s’ils en portent les preuves sur leurs corps.

CHAPITRE 5 : Nos nuits

A la sortie du KB, le narrateur doit se réadapter au rythme de travail du Lager et au nouveau Block qui l’accueille. Par chance, il s’agit du Block de son meilleur ami Alberto, qu’il décrit à cette occasion.

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Suit la description d’une nuit typique d’hiver, avec tous les rituels qui précèdent le sommeil et les difficultés rencontrées (telles que les lits qui sont trop étroits pour accueillir deux hommes dans des bonnes conditions).

 « La faculté qu'a l'homme de se creuser un trou, de sécréter une coquille, de dresser autour de soi une fragile barrière de défense, même dans des circonstances apparemment désespérées, est un phénomène stupéfiant qui demanderai à être étudié de prés. " p. 60

Il analyse ici l’instinct d’adaptation de chaque prisonnier qui se manifeste dans le Lager par l’appropriation du milieu de vie (limité le plus souvent à son lit) et l’adaptation à ses voisins et aux lois de son Kommando. Toutes ces démarches donnent aux hommes l’impression d’équilibre et plus de confiance face à l’imprévu.

Pendant la nuit, les prisonniers font tous les mêmes rêves. Ils ont le plus souvent l’impression de manger, ce qui prouve la faim continue et affreuse qui les ronge. Mais parfois le rêve est celui du retour à sa famille, au milieu des êtres aimés. Ce rêve se transforme très vite en un cauchemar : les proches écoutent les prisonniers parler, mais ne peuvent pas les comprendre. Ce rêve revient nuit après nuit et inflige aux prisonniers des sentiments douloureux :

« Alors une désolation totale m’envahit, (…) une douleur à l’état pur, que ne tempèrent ni le sentiment de la réalité ni l’intrusion des circonstances extérieures (…) ; j’ouvre délibérément les yeux, pour avoir en face de moi la garantie que  je suis bien réveillé. » p. 64 

L’idée que le retour dans le monde libre ne serait pas la fin de leur isolement du monde terrorise les prisonniers et les blesse plus que tout.

Parmi les autres éléments qui hantent leurs nuits se trouve aussi la corvée du vidage du seau d’urine, qui fait sortir un des prisonniers dans la nuit et le froid, et surtout la terreur du réveil, qui se fixe dans un coin de leurs têtes et les empêche de tomber dans un vrai sommeil reposant.

CHAPITRE 6 : Le travail  

Le sixième chapitre du livre traite, comme le titre l’indique, d’une journée de travail au Lager.

Il s’agit plus précisément de construire une voie de traverses pour rouler un cylindre de fonte jusqu’à l’intérieur de l’usine. Les prisonniers doivent porter ces traverses et les mettre en place. Le narrateur fait équipe avec Resnyk, un Polonais de grande taille, ce qui représente un avantage important.

Ensemble ils font deux voyages, puis le jeune Lévi demande la permission d’aller aux latrines : c’est la seule façon de s’échapper à travail terrible.

Les prisonniers puisent leur énergie dans l’attente de la pause midi. Lorsque celle-ci arrive enfin, ils peuvent tromper leur éternelle faim, puis tomber dans la béatitude du repos. Mais tout est vite effacé

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par l’angoisse croissante du signal de fin de pause. Lorsque l’attente prend fin, les prisonniers doivent reprendre leur travail et affronter les mauvaises conditions météorologiques.

« Oh, pouvoir pleurer ! Oh, pouvoir affronter le vent comme nous le faisons autrefois, d’égal à égal, et non pas comme ici, comme des vers sans âme ! » p. 75 

Cette plainte douloureuse du narrateur exprime parfaitement l’état de faiblesse dans lequel se trouvent les hommes, qui rend tout obstacle presque infranchissable : ils ont perdu même la force, physique et morale, nécessaire pour affronter le vent.

Les prisonniers essayent de retrouver leur force dans les souvenirs de leur passé. Au sujet des histoires qu’ils se racontent entre eux, le narrateur dit :

« Elles se sont déroulées en Norvège, en Italie, en Algérie, en Ukraine, et elles sont simples et incompréhensibles comme les histoires de la Bible. Mais ne sont elles pas à leur tour les histoires d’une nouvelle Bible ? » p. 70 

Par cette question rhétorique, le narrateur soulève le problème de la naissance d’un nouveau système de valeurs et de principes. Son expérience au Lager a généré l’effondrement de son ancienne perspective de la vie, et il comprend que les événements que les prisonniers vivent vont bouleverser irrémédiablement la face du monde et l’évolution des mentalités.

CHAPITRE 7 : Une bonne journée

Cette bonne journée racontée par Lévi est principalement marquée par l’arrivée du printemps. La nature renait sous les yeux des prisonniers, mais la Buna reste la même :

« Nul brin d’herbe ne pousse à l’intérieur de son enceinte, la terre y est imprégnée des résidus vénéneux du charbon et du pétrole et rien n’y vit en dehors des machines et des esclaves, et les esclaves moins encore que les machines. » p. 77 

La Buna nous apparaît comme le symbole de toute l’horreur de la vie au Lager, comme un corps compact qui détruit lentement la vie depuis son intérieur. Le narrateur descend les prisonniers au rang d’esclaves et à un niveau de vie inférieur aux machines.

Echappés au froid, le narrateur et ses camarades concentrent toute leur attention sur leur autre grand ennemi : la faim. Ils laissent leurs pensées voler vers leurs vrais repas dans le passé, ce qui aggrave leur état. Mais la journée offre un autre cadeau : ils reçoivent un grand supplément de soupe, et chacun a le droit à trois litres en plus pour achever leur faim provisoirement.

« Pendant quelques heures, nous pouvons êtres malheureux à la manière des hommes libres. »p. 82 

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Les prisonniers vivent une de leurs meilleures journées depuis l’arrivée dans le camp, le froid et la faim disparaissant de leurs pensées. Nous comprenons que leur meilleur état était l’équivalent du malheur pour les hommes libres, ce qui montre à quel point leur vie quotidienne était misérable.

CHAPITRE 8 : En deçà du bien et du mal

Le huitième chapitre comprend une description détaillée du vaste système d’échange dans le cadre du camp : une Bourse interne au Lager. Des objets qui pourraient paraitre insignifiants, tels que des cuillères, des brosses, des sacs ou des clous, deviennent sur ce marché des objets très recherchés et de grande valeur. Les plus courants articles d’échange sont les chemises, la soupe et les rations de pain, la faim étant le facteur majeur qui pousse les prisonniers vers la Bourse.

L’économie intérieure du camp est principalement soutenue par le trafic avec les civils, travaillant dans la Buna avec un statut spécial. Au sujet de ces-derniers, le narrateur dit :

« S’ils pouvaient communiquer avec nous, cela constituerait une brèche dans le mur qui fait de nous des morts au monde, et contribuerait un peu à éclairer les hommes libres sur le mystère de notre condition. » p. 89  

On comprend que les civils sont attentivement tenus sous observation pour éviter une vraie communication entre eux et les prisonniers. Ces-derniers sont donc complètement isolés du reste du monde et aucune information sur le drame qu’ils vivent ne s’échappe vers l’extérieur.

Le trafic dans le Lager est basé sur des objets volés durant le travail à la Buna, une pratique observée avec indulgence par les SS, alors que le trafic en sens inverse est sévèrement puni.

« Nous voudrons dès lors inviter le lecteur à s’interroger : que pouvaient bien justifier au Lager des mots comme « bien », « mal », « juste » et « injuste » ? » p.92

Le narrateur-auteur nous invite à réfléchir sur les notions de moralité dans le contexte du Lager, pendant cette lutte perpétuelle pour la survie. Pour essayer de comprendre ce que les prisonniers ont vécu, nous devons nous détacher des règles de vie et des principes moraux qui s’appliquent au monde tel que nous le connaissons, car les actions de ces hommes-là se positionnent «en deçà du bien et du mal»1.

CHAPITRE 9 : Les élus et les damnés

Ce chapitre représente une analyse des typologies humaines rencontrées dans le Lager. Le narrateur-auteur nous fait comprendre que lorsque les hommes sont dépourvus de toute distinction sociale et de toute marque d’individualité, ils peuvent être facilement divisés en « élus » et « damnés ».

1 Ce qui explique le titre du chapitre

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« Dans la vie, il existe une troisième voie, c’est même la plus courante ; au camp de concentration, il n’existe pas de troisième voie. » p. 96

Le narrateur nous explique ici que cet aspect de la nature humaine est d’autant plus important dans le contexte du camp de concentration, puisque l’enjeu n’est ni plus ni moins que la survie. Il n’y a donc pas lieu d’une troisième voie entre la vie et la mort.

« Survivre sans avoir renoncé à rien de son propre monde moral, à moins d’interventions puissantes et directes de la chance, n’a été donné qu’à un tout petit nombre d’êtres supérieurs, de l’étoffe des saints et des martyrs. » p.99

Devant ce nouveau mode de vie, pour lequel ils ne sont pas prêts, les hommes sont contraints à employer tous les moyens possibles pour continuer de lutter contre la mort, ce qui justifie leur distancement par rapport aux principes de vie qu’ils avaient adoptés en tant que civils. Le narrateur parle de ceux qui ont réussi à survivre sans pour autant faire des compromis moraux avec un grand respect. Il continue par faire le portait de quatre personnages remarquables dans le cadre du Lager par leurs modalités impressionnantes de lutter pour leurs survies.

CHAPITRE 10 : Examen de chimie  

Les prisonniers apprennent la création d’un Kommando spécialisé de chimie, pour lequel seulement quinze Haftlinge sont recrutés. Parmi ceux-ci se trouvent le narrateur et son meilleur ami, Alberto. Avant de pouvoir obtenir les nouveaux postes, ils doivent passer un examen de chimie et sont donc convoqués dans le bureau du docteur Pannwitz pour être interrogés.

« Et moi, le Haftilng 174517, je suis debout  dans son bureau, qui est un vrai bureau, net, propre, bien en ordre, et il me semble que je laisserais sur tout ce que je pourrais toucher  une trace malpropre. »  p. 113

C’est le premier contacte du narrateur depuis son arrestation avec un endroit bien entretenu. Ce contraste le fait comprendre à quel point son état est misérable et l’humilie davantage. La rencontre du docteur est un coup difficile pour lui :

« Car son regard ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium, entre deux êtres appartenant à deux mondes différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence  de la grande folie du Troisième Reich. » p. 113 

A travers le regard et l’attitude du docteur, le narrateur perçoit les fondements de la politique antisémite des nazis et comprend que ses bases reposent dans leur façon déformée de voir le monde. Il sait que pour le docteur il ne pourrait jamais être un vrai Homme.

Cet épisode a néanmoins une importance particulière pour lui : il s’agit d’une grande révélation, puisqu’il retrouve soudainement toutes ses connaissances intactes.

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« C’est la fièvre des examens, ma fièvre, celle de mes examens, cette mobilisation spontanée de toutes les facultés logiques et de toutes les notions qui faisaient tant envie à mes camarades. » p. 114

A travers ce flot de souvenirs qui lui reviennent il se retrouve lui-même, il retrouve son individualité et toutes les caractéristiques qui lui démontrent que malgré les épreuves qu’il a du affronter, il reste un homme.

CHAPITRE 11 : Le chant d’Ulysse

Ce chapitre est marqué par la présence de Jean, un étudiant alsacien, avec lequel le narrateur va chercher la marmite de soupe pendant la pause d’une journée de travail. Lévi décide de lui donner pendant leur chemin une leçon d’Italien, en lui récitant un extrait de la Comédie Humaine, Le Chant d’Ulysse, appartenant à l’Enfer. Mais les deux hommes se rendent rapidement compte qu’il ne s’agit pas d’une simple récitation de vers, mais d’un lien puissant que le narrateur arrive à faire avec son passé et d’une redécouverte de soi.

« […] peut-être qu’il a reçu le message, il a senti que ces paroles le concernent, qu’elles concernent tous les hommes qui souffrent, et nous en particulier ; qu’elles nous concernent nous deux, qui osons nous arrêter à ces choses-là avec les bâtons de la corvée de soupe sur les épaules. » p. 122 

Profondément émus, Lévi et Jean se réunissent dans un effort de comprendre, de saisir ce nouveau sens des mots, donné par tout ce qu’ils ont vécu au camp. Le contraste entre la hauteur de leurs pensées et leur situation prosaïque donne davantage de la grandeur à l’événement.

CHAPITRE 12 : Les événements de l’été

Comme son nom l’indique, ce chapitre est un résumé de ce qui c’est passé durant l’été à la Buna. Plus précisément, le narrateur nous fait part des événements du mois d’août. Les prisonniers sont envahis d’un espoir violent mais éphémère généré par les bruits qui courent sur le débarquement en Normandie, l’offensive Russe ainsi que sur l’attentat contre Hitler.

« Nous étions de vieux Haftlinge : notre sagesse, c’était de « ne pas chercher à comprendre », de ne pas imaginer l’avenir, de ne pas nous mettre en peine pour savoir quand et comment tout cela finirait : de ne pas poser de questions, et de ne pas nous en poser. » p. 124

Cette explication de l’auteur justifie le manque d’enthousiasme des prisonniers face aux nouvelles sur les progrès de la guerre. Avec une certaine marque d’ironie (il n’était au camp que depuis 5 mois et il se considérait déjà comme un vieux du Lager), il nous laisse comprendre que la vie au Lager est pleine d’incertitudes et que rien de peut être prévu ou calculé logiquement.

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C’est dans la même période que commencent les attaques aériennes contre le camp, qui créent des dégâts considérables. Toute la main d’œuvre est utilisée à la réparation de la Buna qui tombe en morceaux.

Le narrateur rencontre Lorenzo, un ouvrier civil italien qui devient son protecteur et ami, et qui l’aide à survivre avec des donations alimentaires. Cet homme rend surtout au narrateur sa foi dans l’être humain. Son attitude représente néanmoins une exception parmi les civils :

« Car pour les civils nous sommes des parias. […] il faut que nous soyons souillés de quelque faute mystérieuse et irréparable. » p. 129

Le narrateur nous explique ici les conclusions tirées par les civils qui voient l’état extrême de dégradation physique et psychologique des prisonniers. La seule explication qu’ils peuvent se donner est qu’un tel traitement ne peut que punir des actions atroces : « […] prenant l’effet pour la cause, (ils) nous jugent dignes de notre abjection. » p. 129

Pour finir, le narrateur nous révèle le point commun de tous les membres de la hiérarchie du camp (les SS, Kapos, prisonniers politiques) : ils ont tous irrémédiablement perdu leur humanité.

CHAPITRE 13 : Octobre 1944

Dans cette période de l’année, les prisonniers ne pensent qu’à l’approche de l’hiver. Le narrateur nous explique comment ils résistaient au froid, et nous parle en même temps de la relance de l’économie du Lager qui s’enchaine : par exemple, une ration de pain peut s’échanger contre des gants.

« Nous disons « faim », nous disons « fatigue », « peur » et « douleur », nous disons « hiver », et en disant cela nous disons autre chose, des choses que ne peuvent exprimer les mots libres, créés par et pour des hommes libres qui vivent dans leurs maisons et connaissent la joie et la peine. » p. 132

L’expérience du Lager diffère de tout ce que l’Humanité a vu auparavant. Les prisonniers éprouvent des sensations qui par leur intensité dépassent les simples sens des mots. Pour exprimer vraiment les expériences vécues dans le camp, un nouveau vocabulaire devrait se créer, un vocabulaire complètement détaché des mots de la vie quotidienne.

Le camp est surpeuplé, ce qui signifie qu’une nouvelle sélection approche. Tout le monde se prépare, certains essayent même de corrompre les médecins, mais surtout, chacun console ses camarades sur leur sort sans pour autant vraiment y croire.

« Ils ne prendront pas les spécialistes. Ils ne prendront pas les petits numéros. Ils te prendront toi, pas moi. » p. 135

Nous voyons qu’en vérité, la seule idée de chaque prisonnier est d’échapper lui-même, sans se soucier du sort des autres.

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L’atmosphère générale est marquée par la résignation et le désespoir, parce que chacun sait qu’être choisi signifie l’envoi à la mort. Lorsque les choix sont enfin faits, les condamnés reçoivent une double ration de pain. Le narrateur souligne le caractère absurde de cette sélection : des paysans robustes peuvent être envoyés vers les chambres à gaz alors que des vieux affaiblis restent.

La réaction de Kuhn, un des prisonniers de son Block, est de remercier Dieu pour ne pas avoir été choisi.

« Si j'étais Dieu, la prière de Kuhn, je la cracherais par terre.» p. 139

Le narrateur dénonce violemment cette attitude qui est blessante pour ceux qui ont eu le malheur d’être choisis et qui ne se justifie pas dans le contexte du Lager, où l’horreur ne laisse plus la place pour des miracles divins.

CHAPITRE 14 : Kraus

L’action du chapitre se passe en novembre, dans des conditions météorologiques très difficiles. Le moral des prisonniers tombe dans un état lamentable :

« […] si vraiment on n'avait plus rien dans le cœur que souffrance et dégout, comme il arrive parfois dans ces moments où on croit vraiment avoir touché le fond, eh bien, même alors, on pense que si on veut, quand on veut, on peut toujours aller toucher la clôture électrifiée, ou se jeter sous un train en manœuvre. Et alors il ne pleuvrait plus. » p. 141

Le narrateur parle des sentiments éprouvés lorsque les prisonniers se sentent au comble de leurs souffrances et au fond de leur condition. Le suicide apparait alors comme la chute finale, décisive, qui pourrait tout anéantir et mettre fin au cauchemar qu’ils vivent.

Lors de la journée de travail décrite dans le chapitre, le narrateur se trouve dans la boue avec Kraus, un ouvrier hongrois maladroit et qui ne sait pas doser son énergie.

« Il ne sait pas encore qu'il vaut cent fois mieux être battu, parce que généralement les coups ne tuent pas, alors que le travail si, et d'une vilaine mort, car lorsqu'on s'en aperçoit il est déjà trop tard » p.141

L’attitude de Kraus face au travail implique de grands risques. Ne pas savoir économiser ses forces et s’impliquer pleinement dans le travail au Lager signifie aller à coup sûr vers la détérioration progressive et certaine du corps, qui avance rapidement et qui ne s’arrête que lorsque la mort arrive.

« Kraus peut bien se tuer au travail si ça lui chante, mais pas aujourd'hui, pas quand nous travaillons à la chaine et que notre rythme de travail dépend du sien » p. 142

Le problème majeur est que le rythme de Kraus a un impacte sur tous ceux qui travaillent avec lui. Ces-derniers sont entrainés dans cette course sans pouvoir arrêter le jeune hongrois. Mais quelque chose frappe le narrateur : il arrive à retrouver dans regard de Kraus un regard humain, non altéré par la vie au

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Lager. Il décide alors de rassurer ce jeune homme en lui racontant un rêve inexistant dans lequel ils allaient se retrouver sains et saufs en Italie, lorsque la guerre sera finie.

« Savez-vous comment on dit « jamais » dans le langage du camp? « Morgen fruh », demain matin. » p.143

Cette remarque du narrateur a un sens subtile et touchant. Il nous fait part d’une expression propre au Lager qui traduit l’incertitude du futur par donner au mot « demain » le sens de « jamais ». Tout peut arriver, les prisonniers sont vulnérables devant l’inconnu et le hasard.

CHAPITRE 15 : Die drei Leute vom Labor  (Les trois hommes du laboratoire)

C’est le début de l’hiver 1944, mais les prisonniers ont perdu tout repère temporel. On dresse un bilan humain choquant concernant les prisonniers italiens choquant et qui risque de s’empirer avec l’arrivée du froid.

« Nous étions quatre-vingt-seize quand nous sommes arrivés, nous, les Italiens du convoi soixante-quatorze milles ; parmi nous, vingt-neuf seulement on survécu jusqu'en octobre, et sur ce nombre huit sont passés à la sélection. A présent, nous sommes vingt-et-un, et l'hiver vient juste de commencer. Combien d'entre nous arriveront vivants l'année prochaine? Combien au printemps? » p.145

L’horreur est cette fois-ci chiffrée. Les questions rhétoriques du narrateur cachent une vraie certitude : il suffit de regarder ces données pour comprendre à quel point les chances de survie sont réduites.

Le narrateur travaille dans le Kommando spécialisé de chimie, travail dont il présente surtout les nombreux désavantages. Mais sa situation s’améliore nettement : il est choisi pour travailler dans un laboratoire avec deux autres Haftlinge. La présence des scientifiques allemands et polonais lui réveille des souvenirs de sa vie en civil et le blesse à cause de leur grand mépris pour lui.

La situation militaire est de plus en plus grave pour les Allemands. Même si les attaques aériennes ont cessé, on sent les Russes approcher rapidement, ce qui rend peu à peu la confiance aux prisonniers. Mais les nazi choisissent de maintenir, voire accélérer le rythme de travail et d’ignorer la menace russe.

« Que pourraient-ils faire d'autre? Ils sont allemands : leur manière d'agir n'est ni  réfléchie ni voulue, elle tient à leur nature et au destin qu'ils se sont choisi. Ils ne pourraient pas faire autrement: si on blesse le corps d'un agonisant, la blessure commencera malgré tout à se cicatriser, même si le corps tout entier doit mourir le lendemain » pp. 150-151

Le narrateur apporte une critique dure à l’égard des allemands. Il leur donne l’entière responsabilité de leurs choix et comprend que le système qu’ils ont mis en place eux-mêmes ne leur permet plus de s’arrêter et de réfléchir à leurs actes. Ils ne sont donc plus des hommes libres depuis le moment qu’ils ont choisi de suivre Hitler.

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« La Buna déchiquetée gît sous la première neige, silencieuse et rigide comme un immense cadavre. » p. 148

Il s’agit ici d’une personnification frappante de la Buna, dont la mort symbolise le déclin du nazisme.

CHAPITRE 16 : Le dernier

On approche la période de Noël. L’amitié d’Alberto occupe une place de plus en plus importante pour le narrateur, qui nous fait part de leurs prouesses pour améliorer leur sort dans le Lager.

Mais l’événement central du chapitre est la pendaison d’un des responsables de l’explosion d’un four crématoire de Birkeneau. Les prisonniers y assistent mais en étant profondément touchés par cette oppression de la Résistance.

« Il mourra aujourd’hui sous nos yeux : et peut-être les allemands ne comprendront-ils pas que la mort solitaire, la mort d'homme qui lui est réservée, le vouera à la gloire et non à l'infamie. » pp. 159-160

La volonté des allemands d’écraser toute opposition physique a certes été menée à bout, mais leur démarche à eu des conséquences plus importantes : les prisonniers respecteront pour toujours la mémoire des résistants et de leurs exploits.

« Camarades, je suis le dernier ! » p. 160

Cet appel du condamné secoue le lecteur par sa simplicité et la dure vérité qu’il transmet : on nous fait assister à la mort physique et symbolique de la Résistance à Auschwitz.

« Détruire un homme est difficile, presque autant que le créer: cela n'a été ni aisé ni rapide, mais vous y êtes arrivés, Allemands. Nous voici dociles devant vous, vous n'avez plus rien à craindre de nous: ni les actes de révolte, ni les paroles de défi, ni même un regard qui vous juge. » p.160

Le Troisième Reich tombe en ruines, mais son but est atteint : les nazis ont réussit plus que de prendre des vies ; ils ont anéanti l’humanité de millions de personnes. Le narrateur le comprend à ce moment plus que jamais : même le drame qui se déroule devant leurs yeux n’arrive pas à éveiller en eux l’étincelle de la révolte qui les animait jadis.

CHAPITRE 17 : Histoire de dix jours

Ce chapitre comprend le récit des événements passés à partir du 11 janvier 1945, lorsque Lévi est interné au KB, et jusqu’à la libération d’Auschwitz par les soldats soviétiques.

L’approche des Russes oblige les nazis à évacuer le camp en laissant derrière les malades trop affaiblis. Lévi apprend la nouvelle sans aucune émotion et assiste au départ de ses compagnons et amis.

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« La nouvelle n'éveilla en moi aucune émotion directe .Il y avait plusieurs mois que je n’éprouvais plus ni douleur, ni joie, ni crainte, sinon de cette manière détachée et extérieure, caractéristique du Lager, et qu'on pourrait qualifier de conditionnelle : si ma sensibilité était restée la même, pensais-je, je vivrais un moment d'émotion intense.» p. 164

Le narrateur éprouve une des conséquences de la vie au Lager, de l’incertitude du lendemain et du fait que les sentiments devenaient dans ce contexte dépourvus de sens. Il juge l’événement qui les attend avec la froideur et l’insensibilité caractéristiques des prisonniers.

Par rapport à l’organisation du départ des prisonniers, Lévi dit :

« Personne ne s'étonna de voir les Allemands conserver jusqu'au bout leur amour national pour les classifications, et il n'y eut plus aucun juif pour penser sérieusement qu'il serait encore vivant le lendemain. » p. 168

Cette gestion d’une situation de crise par les Allemands a une grande importance pour la compréhension de leurs mentalités : les classifications ne représentaient pas un simple ordre à suivre, car il aurait été abandonné dans un tel moment ; il s’agit de l’expression directe de leur façon de penser.

Une fois les chefs du camp partis, le 17 janvier, les Haftlinge se sentent enfin libres. Ils y passent encore dix jours dont le narrateur tient un journal quotidien :

le 18 janvier : Tout commence avec l'arrêt du fonctionnement du Lager. Un officier SS désigne un chef pour chaque baraque, ce qui montre que même dans leur chute, les nazis tiennent à leur principe de hiérarchisation. Le bombardement sur le camp reprend. Le narrateur essaie de mettre en place une organisation qui permettrait aux malades de sa chambre de survivre.

Le 19 janvier : Avec deux français, le narrateur commence à s'occuper du ravitaillement de la chambre et de son chauffage. L'atmosphère est dominée par l'entraide, ce qui montre que le Lager est mort dans leur esprit aussi. « La veille encore pareil événement eut été inconcevable. La loi du Lager disait : mange ton pain et si tu peux celui de ton voisin. » (p.171)Il s’agit véritablement d’un signe de la fin du Lager. Néanmoins, ils ne se permettent pas d'étendre leurs soutiens aux autres malades par souci de préserver le peu de forces qu’il leur restait.

Le 20 janvier : Les découvertes faites ce jour ont une grande importance, car les infirmes de la chambre manquent de vivre : cette «fameuse trouvaille» (p.174) consiste en un paquet de sel, des navets, des choux, cinquante litres d'eau glacée ainsi qu'une batterie de camion qui leur permet d'obtenir de l'électricité. C’est une journée qui redonne le moral aux survivants, surtout que depuis sa chambre le narrateur peut assister à la fuite de la Wehrmacht.

Le 21 janvier : Les autres membres de la chambre nous sont présentes et le narrateur nous fait comprendre qu'un esprit de groupe se met en place: une entraide entre tous les malades.De plus Arthur et Primo font une affaire avec un tailleur parisien (l'échange de vêtements sur mesure contre un bout de pain). Les malades retrouvent leurs espoirs et leurs motivations. C'est

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pour cela qu'ils mettent en place une vérification sanitaire, afin d’éviter d'échanger les maladies les uns avec les autres.

Le 22 janvier : « Si c'est du courage que d'affronter le cœur léger un danger grave, ce matin Charles et moi étions courageux. » (p. 177) C’est la cinquième journée depuis le départ des prisonniers. Le narrateur retrouve enfin son courage, et il entreprend avec Charles un voyage jusqu’au camp des SS, sans savoir que peu de temps auparavant dix-huit français s’étaient fait tuer pour le même motif. Tous les cadavres qui s’entassent font du camp un immense cimetière. Le narrateur fait involontairement connaissance avec deux de ses compatriotes, qui lui demandent de leur sauver la vie. En même temps un des malades de leur chambre a une grave crise de dysenterie.

Le 23 janvier : La réserve de pommes de terre est épuisée. Le narrateur et Charles profitent de leur liberté et sortent de la Buna pour la première fois. Ils découvrent alors sur le champ un tas de pommes de terre.

Le 24 janvier : Les cadavres s'entassent devant leurs fenêtres. L’état de faiblesse des malades est de plus en plus accentué. Dans la journée les opérés (les seuls valident du camp) décident de relancer le commerce avec les Anglais. Le narrateur a la bonne idée de troquer ses bougies (faites maison) contre de la nourriture.

Le 25 janvier : Le huitième jour après la rupture avec le monde, Charles, Arthur et Primo se sentent redevenir des hommes. Les souvenirs de leurs passés leur reviennent (la capture de Primo dans les Alpes, les dimanches provençaux d’Arthur…).

Le 26 janvier : L'expérience non-humaine vécue par les prisonniers finit par tuer la civilisation autour d'eux et en eux. Simultanément, au dessus de leurs tètes, le combat aérien qui se déroule pourrait à tout moment raser le camp et exterminer le reste de vie. Par la suite ils assistent au premier et au seul décès parmi les malades de leur chambre durant ces dix jours.

Le 27 janvier : Pendant que le narrateur et Charles portent le cadavre en dehors de la chambre, ils assistent à la libération du camp. Pour conclure l’œuvre, Primo Levi raconte le sort de ses camarades de chambre et date l'écriture de son récit : Avigliana - Turin, décembre 1945-janvier 1947.

CONCLUSION

Cet ouvrage nous fait suivre Lévi tout au long de son voyage dans le passé. Sa façon d’écrire est objective mais émouvante, et mélange pratiquement tous les genres littéraires afin de nous donner une image complexe de ce qui c’est véritablement passé à l’intérieur de ce monde affreux. Parmi les genres littéraires employés nous trouvons :

La chronique de ses temps : C’est le cas par exemple du douzième chapitre, « Les événements de l’été », qui parle des événements extérieurs au camp et de leurs conséquences sur le Lager.

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La forme lyrique prégnante notamment dans « Le chant d’Ulysse », chapitre qui prend la forme d’un commentaire linéaire de texte.

Les réflexions philosophiques sont très courantes dans des chapitres tels que « Les élus et les damnés » qui se rapproche d’un essai.

Le journal quotidien : il s’agit plus précisément du dernier chapitre, ou sont notés les événements principaux de chaque jour.

Les éléments autobiographiques apparaissent par exemple dans « Nos nuits », lorsque le narrateur-auteur nous révèle ses rêves et les sentiments que ceux-ci éveillent en lui. De même, « L’examen de chimie » traite intégralement d’une expérience personnelle.

Nous comprenons donc que Si c’est un homme est plus qu’un simple récit autobiographique ; c’est le témoignage de toute une génération de victimes du nazisme.