supply chain magazine 80 - dossier supply chain et finance

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DOSSIER N°80 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2013 62 S upply Chain & Finance Un rapprochement calculé ©MOMIUS-FOTOLIA ©123DARTIST-FOTOLIA L a collaboration au sens large entre Supply Chain (SC) et Finance est un sujet assez nouveau qui se matérialise de nombreuses façons. Dans la littéra- ture anglo-saxonne, le terme « Supply Chain Finance » (SCF) désigne le finan- cement du BFR (besoin en fonds de roulement) dans une problématique de filière et en particulier les solutions de financement de ses fournisseurs. Les raisons de l’émergence de ce concept sont doubles. La raréfaction du crédit par les circuits traditionnels bancaires et un renché- rissement de son coût, en particulier pour les petits fournisseurs, est une première explication. Par ailleurs, nous assistons à une réelle prise de conscience, particulièrement visible dans le sec- teur de l’aéronautique, de la nécessité de sécuri- ser la relation avec le tissu de fournisseurs. Beaucoup de donneurs d’ordre réalisent que les problématiques de solidité financière de leurs fournisseurs ont des conséquences extrêmement pénalisantes sur eux (qualité du produit, flexibi- lité, délais, etc.). Il devient donc fondamental de s’assurer que ceux-ci ont les moyens de financer leur cycle d’exploitation afin d’éviter les situa- Supply Chain & Finance, une notion particulièrement vaste qui va de l’optimisation du BFR jusqu’à son financement. Sans oublier le rapprochement des direc- tions financières et Supply Chain. Une chose est sûre : la Supply Chain se « financiarise » ! Supply Chain & Finance ©K.-U. HÄSSLER-FOTOLIA

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La collaboration au sens large entreSupply Chain (SC) et Finance est unsujet assez nouveau qui se matérialisede nombreuses façons. Dans la littéra-ture anglo-saxonne, le terme « SupplyChain Finance » (SCF) désigne le finan-cement du BFR (besoin en fonds de

roulement) dans une problématique de filière eten particulier les solutions de financement de sesfournisseurs. Les raisons de l’émergence de ceconcept sont doubles. La raréfaction du crédit parles circuits traditionnels bancaires et un renché-rissement de son coût, en particulier pour lespetits fournisseurs, est une première explication.Par ailleurs, nous assistons à une réelle prise deconscience, particulièrement visible dans le sec-teur de l’aéronautique, de la nécessité de sécuri-ser la relation avec le tissu de fournisseurs.Beaucoup de donneurs d’ordre réalisent que lesproblématiques de solidité financière de leursfournisseurs ont des conséquences extrêmementpénalisantes sur eux (qualité du produit, flexibi-lité, délais, etc.). Il devient donc fondamental des’assurer que ceux-ci ont les moyens de financerleur cycle d’exploitation afin d’éviter les situa-

Supply Chain & Finance, une notion particulièrementvaste qui va de l’optimisation du BFR jusqu’à son financement. Sans oublier le rapprochement des direc-tions financières et Supply Chain. Une chose est sûre :la Supply Chain se « financiarise » !

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tions de crise (rupture d’approvisionnement,grande difficulté financière des fournisseurs, etc.).

Le reverse factoringUne enquête menée par la société Demica auprèsdes principales banques internationales révèle queles services de financement de factures connais-sent un taux de croissance annuelle de 30 à 40 %.Au-delà des solutions d’affacturage classique(technique de financement de recouvrement decréances consistant à obtenir un financementanticipé par le biais d’un affactureur dont les tauxd’intérêt sont en général élevés) existant depuislongtemps et du schéma où le donneur d’ordrelui-même règle de façon ancipitée son fournisseurmoyennant un rabais sur la facture, l’affacturageinversé (reverse factoring) a le vent en poupe,même si sa part du marché total de l’affacturageest encore très faible en France. Pour un grandnombre d’experts, il équivaut même au conceptde SCF. Le reverse factoring est aussi une solu-tion de financement pour les entreprises mais àla différence qu’au lieu d'être à l'initiative dufournisseur souhaitant financer ses créancesclients, cette méthode est au contraire à l'initiative

du donneur d’ordre, qui permet ainsi à ses four-nisseurs de financer leurs créances, avec l'aided'une société d'affacturage, en profitant de sesconditions de crédit. Le fournisseur bénéficie ainside la notation de son client et donc de meilleurstaux d’intérêts (voir ITW Auchan page 68). Lereverse factoring est apparu sous l’impulsion desenseignes de la grande distribution et commencepeu à peu à étendre son champ d’action. Degrands groupes industriels et de services s’y inté-ressent également (EDF, etc.). « Historiquement,ces programmes ont démarré sous l’impulsion detrès grands groupes (Md€ ou dizaines de Md€ dechiffre d’affaires). On observe aujourd’hui que lesfournisseurs de ces grands groupes (en M€ de chif-fre d’affaires) ayant bénéficié de programmes dereverse factoring essaient à leur tour d’en mettreen place pour leurs propres fournisseurs », constateFabien Jacquot, Président de Corporate LinX.

Une solution limitée aux factures validées« Le Reverse Factoring ne devrait pas figurer aubilan du fournisseur comme opération de créditmais bien de vente, à la différence du crédit courtterme », souligne Fabien Jacquot. En France, cette

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solution est très majoritairement utilisée pour desfactures validées, garantissant ainsi aux banquierset affactureurs un niveau de risque d’impayé pra-tiquement nul. Le donneur d’ordre rembourse labanque plus tard, économisant ainsi sa propre tré-sorerie. « L’affacturage inversé ne permet que definancer des produits déjà livrés et facturés. Cettesolution de financement est donc limitée puisquetrès tardive dans la SC. Elle ne permet pas definancer les besoins d’achats, de stocks et d’en-cours. La SCF dont je parle aujourd’hui repose surdes schémas beaucoup plus ouverts et beaucoupplus innovants, et répond à des besoins de finan-cement plus en amont », indique Hervé Hillion,Associé de Say Partners (voir projet RCSM page69). Faisant référence au projet RCSM, Edi Polo-niato, SVP Strategy and Corporate Developmentchez Kyriba (dans le consortium de RCSM),déclare : « Actuellement, le financement de bonsde commande est très peu répandu et c'est pour-quoi nous travaillons avec nos partenaires ban-caires sur ces sujets en amont afin d'être leurpartenaire technologique privilégié quand le mar-ché sera prêt ».

Un jeu à trois…Des plates-formes technologiques collaboratives(intégrant partenaires financiers, fournisseurs etacheteurs) existent déjà sur le marché : Kyriba,Prime revenue, CBC Trade Finance, CorporateLinX, GT Nexus/Tradecard, etc. Les acteurs quigèrent ces plates-formes recherchent des accordsavec des institutions financières. Celles-ci s’abon-nent alors au système et mettent en ligne les dif-férentes solutions économiques qu’elles pro-posent. « Nous relions donneur d’ordre, fournis-seurs et financiers au travers de notre portail web(SaaS). Chacun peut suivre ainsi l’avancement ;commande, facture, litige, paiement. Le fournis-seur connaît parfaitement les échéances de règle-ment. Les propositions financières de règlementanticipé faites aux fournisseurs doivent être com-pétitives. Nous réinterrogeons nos correspondantsfinanciers pour chaque client », décrit Fabien Jac-quot. S’agissant des autres maillons de la chaîne,en particulier le financement des stocks, il existeles solutions classiques uniquement financières,consistant à faire appel aux banquiers ou desalternatives comme celle proposée par la sociétéAtlantiq (voir page 66).

Optimiser le BFR avant de le financer !Etudier les leviers opérationnels ou commerciauxau préalable est une première étape indispensa-ble. « Avant de parler de solutions de financementdu BFR, il est nécessaire dans un premier tempsde se concentrer sur son optimisation en adoptant de meilleures pratiques, plus collaboratives, en

matière de planifica-tion et de pilotage.Ces actions permet-tent déjà de dégager des liqui-dités. Les dernières études menées en France,toutes filières confondues, estiment que 200 Md€

d’excédents de fonds de roulement sont bloquésdans les entreprises (stocks, délais de paiement,etc.). L’idéal, avant d’aborder la question dufinancement externe, est de recycler ces liquiditésdans la chaîne », explique Hervé Hillion. Le stockest un des composants majeurs du BFR et malgrétoutes les actions menées ces dernières annéesvisant à le réduire, le niveau de collaboration dansles SC entre les différentes parties prenantes resteinsuffisant. Ce manque de collaboration génèredes asymétries d’informations contribuant à « l’ef-fet coup de fouet ». « Dans le cadre d’une missiond’optimisation des niveaux de stocks, noussommes amenés à redimensionner les paramètresde stock dans un réseau donné, ou encore à opti-miser les processus de planification. Mais desrésultats plus significatifs peuvent être obtenus entravaillant sur la redéfinition du réseau logistique,ou en repensant le modèle opérationnel même del’entreprise : ainsi, passer d’un mode de fabrica-tion sur stock à un mode d’assemblage à la com-mande permet de générer des gains financiers trèsimportants. Mais il s’agit alors d’un projet detransformation d’entreprise, résultant d’un chan-gement de stratégie », illustre Thierry Desnos,Directeur - Operations Excellence – chez Capge-mini Consulting. Toujours dans cette logiqued’optimiser le BFR, il est également courant dejouer sur les délais de règlement, et ce, des deuxcôtés de la chaîne (voir schéma page 65).

Supply Chain et Finance, main dans la main ?Mais au-delà de ces problématiques de finance-ment des fournisseurs et d’optimisation du BFR, lerapprochement opéré dans certaines entreprisesentre Direction Financière et Direction SC est éga-lement d’actualité. Ces différentes initiativesconfirment en tout cas la tendance à « financia-riser » les pratiques de la SC. Par définition, la SCgère et optimise les flux physiques, d’informationet financiers. Force est de constater qu’histori-quement, les flux physiques et d’informationétaient majoritairement au cœur des préoccupa-tions des Directeurs SC. Mais les choses évoluent…EY a récemment publié une étude portant sur

Sabine Bechelani, Associée Responsable de l'améliorationde la performancedes DirectionsFinancières chez EY

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Thierry Desnos,Directeur OperationsExcellencechez CapgeminiConsulting

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l'évolution du rôle du Directeur financier et duResponsable Supply Chain dans le monde, révé-lant que 70 % des Directeurs financiers et 63%des Responsables SC affirment que leur collabo-ration s'est améliorée au cours des trois dernièresannées. « La notion de SCF est étroitement liée auworking capital. Jusqu’à présent, une fois assuréle service aux clients, le Directeur SC se focali-sait essentiellement sur les stocks. Il s’intéresseaujourd’hui davantage aux problématiques desconditions de vente et d’achat. Il s’implique éga-lement sur des sujets tels que les stocks de consi-gnation (dont la valeur reste dans les livrescomptables des fournisseurs) ou les aspectsd’optimisation fiscale (par exemple, pour les choixd’implantation géographique internationale). Cela requiert une plus grande coopération avec ladirection financière , analyse Hervé Galon, Con-sultant International en Supply Chain. Et de pour-suivre : Pendant longtemps, la relation entreDirecteur Financier et Directeur SC était déséqui-librée et les deux fonctions ne se rencontraient laplupart du temps que pour évoquer des sujets quifâchent (écarts de stocks, coûts, provisions pourobsolescence, etc.). Mais la situation change. Laprésence des Directeurs SC dans les Comités deDirection n’est pas étrangère à cette évolution. Cesdeux fonctions sont particulièrement attachées àla justesse des chiffres, notamment dans le cadredes scénarios de S&OP (Sales & Operations Plan-ning), les ventes et la production ayant parfoistendance à minorer les prévisions et le marketingà les majorer. Le Directeur SC dispose par ailleursd'une visibilité sur la réalisation du chiffre d'af-faires qui lui permet d'alerter le Directeur Finan-cier (commandes insuffisantes, mix problémati-que, etc.) au nom d’une certaine transparence ettransversalité ».

Le S&OP comme levier de rapprochementA propos de la fiabilité des informations, SabineBechelani, Associée Responsable de l'améliorationde la performance des Directions Financières chezEY, revient sur une des conclusions de l’étude : « Il faut s'assurer que les décisions « business »s’appuient sur un jeu de données unique et juste.La collaboration entre Directeur Financier et Direc-teur SC permet de fiabiliser l’information utiliséepar un Comex pour prendre des décisions ». L’étudeEY souligne aussi le sujet de l’optimisation fiscaleautour de la chaîne logistique. « Ce sujet émergedans plusieurs groupes internationaux. De nom-breux projets sont menés actuellement sur la ques-tion. Ils sont gérés conjointement par le DirecteurFinancier (et/ou fiscal) et la Direction SC etconsistent à repositionner les flux de marchan-dises de façon optimale », observe Sabine Beche-lani. Le Directeur Financier peut aussi apporter à

la SC sa pratique de la gestion des risques, commela couverture de change dans les opérationsd’achat. Le S&OP participe largement à ce rap-prochement entre les deux fonctions. « La com-posante financière du processus S&OP et doncl’intégration de la fonction finance est fondamen-tale pour y inclure les dimensions working capi-tal et pilotage budgétaire. Par ailleurs, l’inté-gration de la finance amène de l’apaisement dansle processus, de par sa position neutre, pour arbi-trer proactivement des sujets délicats entre la SCet les autres directions », confirme Xavier Per-sonnic, Directeur Associé chez EY. A propos deS&OP, d’autres parlent même d’IBP (IntegratedBusiness Planning). « L’IBP présente un niveau dematurité plus important que le S&OP, en intégrantdavantage la finance. La fonction financière a unrôle majeur à jouer dans le cycle de planification,en définissant un langage commun et des proces-sus partagés entre Supply Chain et Marketing,dans le but d’obtenir une planification optimale.Malheureusement, la maîtrise des processus IBPreste encore très faible dans les entreprises fran-çaises », estime Thierry Desnos. Supply Chain &Finance, un sujet en pleine évolution ! ■

BRUNO SIGUICHE

Démonstration par l'exemple réalisée parle cabinet BFR - Tools Management

Hypothèse :Entreprise de 120 M€ de chiffre d'affaires (CA):

■ délai de paiement moyen des clients à 65 jours {DSO) dont 9 jours de retard,

■ stock équivalent à 40 jours de vente 50 M€ d'achats annuel TTC,■ délai de règlements fournisseurs à 50 jours nets.

Cette entreprise qui se fait payer par ses clients à 65 jours en moyenneprête en permanence 20 M€ à ses clients.

Si pour des raisons notamment liées à une dégradation économique, Iesclients de cette entreprise retardent leurs paiements et payent en moyenneà 72 jours, il faut donc trouver plus de 2 M€ de cash pour financer cettedégradation.

A l'inverse, cette même entreprise qui négocie mieux ses délais de paie-ment et qui arrive à se faire payer à 50 jours en moyenne améliore ainsi satrésorerie de près de 5 M€.

Si cette même entreprise demande à ses commerciaux d’exiger 30 %d'acompte à la commande à ses clients elle génère près de 7 M€ de cash.

Cette même entreprise de 120 M€ qui a constitué un stock de marchan-dises de matière première ou de produits finis équivalent à 40 jours deventes immobilise en permanence plus de 13 M€ de cash.

Une réduction de 15 % des stocks avec le même taux de service génèreimmédiatement 2 M€ de cash.

Cette entreprise, avec un poste clients équivalent à 60 jours de chiffre d'affaires peut obtenir immédiatement près de 15 M€ de cash par un factor, de façon ponctuelle ou durable.

Si cette entreprise met en place une solution de financement de ses four-nisseurs (Supply Chain Finance) et propose un escompte à ses fournisseurslargement accepté, elle peut générer près de 250.000 € de marge nettesupplémentaire.

Fabien Jacquot, Président de Corporate LinX

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Hervé Galon,Consultant International en Supply Chain

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Interview de Damien Dufour,Président d’Atlantiq

« Nous sommes des commerçants et non des financiers »Créée il y a trois ans, Atlantiq propose une solution de « Global Supply Chain Finance »comprenant une source de financement et une prestation de service. Elle offre notammentla possibilité à ses clients de sortir les stocks de leur bilan.

Alphadio Olory-Togbe, Président d’Industry CapitalDe la location opérationnelle d’équipements industriels

Supply Chain Magazine : Votre offre allie une source definancement à une prestation de service. Pouvez-vousnous en détailler le contenu ?Damien Dufour : Nous proposons des solutionspour financer le BFR (besoin en fonds de roule-ment) de nos clients mais également pour les aiderdans le cadre de la facturation à leurs propresclients (émission de la facture, encaissement etrecouvrement). Nous gérons les achats auprès desfournisseurs référencés par nos clients en appli-quant les termes de leur négociation. Atlantiqachète à la place de ses clients les produits. Lestock de produits apparaît donc dans notre bilanet non dans celui de nos clients.

SCMag : Qu’est-ce qui distingue votre offre du finance-ment de stock traditionnel ?D. D. : Nous sommes des commerçants et non desfinanciers ! Nous ne prêtons pas d’argent, contrai-rement au financement de stock traditionnel.Nous achetons le stock que nous revendonsensuite en appliquant un coefficient de marge.

SCMag : Gérez-vous également la marchandise phy-sique ?D. D. : Non, la gestion des flux physiques n’estpas dans notre périmètre. Atlantiq n’intervientque sur les flux comptables et financiers. Nousavons toujours un accord avec le logisticien duclient, ou le client lui-même s’il assure sa logis-tique. Nous suivons la gestion physique unique-ment d’une manière informatique, avec desinventaires physiques périodiques.

SCMag : Vos clients sont-ils majoritairement des presta-taires logistiques ou des chargeurs ?D. D. : Nos clients sont les chargeurs. Notre offreest particulièrement adaptée aux entreprises orga-nisées en réseaux, avec une unité centrale dis-posant d’un stock à distribuer et à facturer rapi-dement à une multitude de points de vente. Lesprestataires logistiques (Staci, etc.) sont des par-tenaires en charge des opérations physiques denos clients. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE

Notre métier consiste à fairede la location opérationnelled’équipements industriels :

outils de production et outils logis-tiques principale- ment. Dans le cadrede notre offre « Industry Capital »(avec des durées de contrat entretrois et cinq ans, en général), nousintervenons en support de nos clients(prise de possession de l’installationet mise en location) qui prennent eux-mêmes leurs propres décisions tech-

niques. Nous proposons aussi une offre baptisée «Flowsrental » dédiée à la location de flottes de contenantslogistiques (caisse plastique, caisse métallique, palette plas-tique). Nous offrons en outre une solution de « sales &leaseback » (vente et relocation) permettant à nos clientsde récupérer leur trésorerie et d’alléger leur bilan endéconsolidant certains actifs. La rationalisation des res-sources de l’entreprise est la première motivation de nosclients souhaitant utiliser leur Capex à des investissements

qui ont un impact direct sur la valorisation de leur entre-prise. Le recours à la location permet de préserver et demieux utiliser ses capitaux propres. Nos analyses de risquesdiffèrent de celles menées par les banquiers. En effet, au-delà de la méthode traditionnelle consistant essentielle-ment à étudier le bilan, nous prenons en compte la naturede l’actif loué et le rationnel de l’investissement c’est-à-direla valeur qu’il va permettre à notre client de générer. Parexemple, prenons le cas d’une PME qui, pour servir unclient grand compte avec laquelle elle a signé un contratde cinq ans, doit financer l’automatisation d’un entrepôtpour un montant égal à son chiffre d’affaires. Un banquiern’acceptera jamais un prêt d’un tel montant à cette PME.A l’inverse, nous sommes susceptibles de l’accompagner sile rationnel est considéré comme solide et que les revenusgénérés par cet investissement sont suffisants. Parmi nosrécents projets, pour n’en citer qu’un, nous avons loué à lasociété Orchestra (distribution de vêtements) les équipe-ments d’automatisation de son nouvel entrepôt. Ce projetterminé début 2013 représentait un investissement d’unpeu moins de 4 M€ ». ■ BS

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Damien Dufour, Président d’Atlantiq

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Interview d’Arnaud Crouzet,Directeur Général de la société Asap (Groupe Auchan)

« Compte tenu du faible niveau de risque, les banques proposent aux fournisseurs des taux

extrêmement intéressants »Le Groupe Auchan a lancé le programme Asap pour soutenir les besoins de trésorerie de sesfournisseurs. Ce service leur permet de recourir à un paiement anticipé des factures dèsleur validation. Il concerne l’ensemble des entités du Groupe dans tous les pays.

Supply Chain Magazine : En quoi consiste le programme« Asap » et quelles sont les raisons de sa création ?Arnaud Crouzet : Le programme Asap a étélancé suite à différents retours de nos fournisseursnous faisant part de leurs difficultés d’accès aufinancement bancaire ou à des coûts d’affactu-rage importants. Nous avons alors étudié la pos-sibilité de les accompagner dans cette démarche.Cela a abouti à la création du programme « Asap ».Cette plate-forme (développée par l’éditeurKyriba) permet de suivre en temps réel les facturesbonnes à payer et de bénéficier de leur paiementancipité (dès leur validation) à des taux compéti-tifs. Nous proposons ainsi à nos fournisseurs unmode de paiement alternatif en les faisant béné-ficier de la marque et de la garantie du GroupeAuchan. Ce service concerne l’ensemble duGroupe. Il est donc multi-langues, multi-deviseset multi-activités.

SCMag : A qui s’adresse-t-il et est-il obligatoire ?A. C. : Nous avons ciblé principalement les PME.Pour autant, ce programme répond à tout typed’entreprise quelle que soit sa taille. Ce programmen’est pas obligatoire. Il s’agit d’une solution

alternative que nos four-nisseurs peuvent uti-

liser selon leursbesoins. Asap

est un pro-

gramme très souple fonctionnant selon trois modesd’utilisation, plus ou moins automatisés.

SCMag : Vous dites qu’Asap permet de recourir à despaiements anticipés à des taux compétitifs. Qu’est-ceque cela signifie concrètement ?A. C. : Compte tenu du faible niveau de risque(considérant que le Groupe Auchan gère le pro-gramme et valide les factures), les banques parte-naires proposent aux fournisseurs des tauxextrêmement intéressants et beaucoup plus compé-titifs que l’affacturage classique. Par ailleurs, lespaiements restent une dette commerciale et permet-tent une nouvelle source de trésorerie sans impacterles lignes de financement de l’entreprise. Cela permetd’offrir un maximum de flexibilité aux fournisseurs.

SCMag : Quels avantages présente votre solution parrapport à d’autres types de financement ?A. C. : Avec Asap, lorsque les fournisseurs génèrentdes demandes de paiement anticipé, la demandeporte sur l’intégralité de la facture. Dans le cas d’unedemande faite auprès d’un affactureur, celui-ci pré-lève une partie du montant en raison du niveau derisque. Le fournisseur peut parfois n’être payé qu’àhauteur de 80% du montant de la facture. Les four-nisseurs doivent payer un ticket d’entrée (corres-pondant aux frais de service) pour intégrer notreplate-forme mais cette participation est très faible,de l’ordre d’une petite dizaine d’euros. Par ailleurs,l’autre point de différence concerne la simplicité etla rapidité de sa mise en œuvre.

SCMag : Quelles sont les prochaines étapes du pro-gramme ?A. C. : Au 1er novembre 2013, cinq entités duGroupe Auchan proposent cette prestation (leshypermarchés en France, en Pologne et en Rou-manie, les supermarchés en France et Alinéa).Notre plan d’action 2014 prévoit de poursuivre ledéploiement d’Asap dans les autres entités duGroupe et à l’international. En complément, denouveaux partenaires bancaires rejoindront laplate-forme. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE

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ArnaudCrouzet, Directeur Général de la société Asap(Groupe Auchan)

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Projet RCSMLa Supply Chain Finance de demain ?

Dans la famille solution innovante de Sup-ply Chain Finance, je demande le finan-cement mutualisé du BFR (besoin en

fonds de roulement) de filières industrielles !L’idée consiste à réduire le BFR excédentaire et àlibérer de la liquidité par une meilleure collabo-ration entre donneurs d’ordre et fournisseurs.Pour ce faire, deux leviers d’action principaux :quantifier le risque SC (Supply Chain) fournisseuret diminuer le risque global par une meilleure ges-tion de la SC globale ; créer un fonds commun decréances (regroupant des grandes entreprisesindustrielles et des investisseurs publics et privés)dédié au financement du BFR de la filière. Sansoublier le développement d’une plate-forme tech-nologique de planification du BFR mutualisé, degestion des risques et de financement court etmoyen terme (projet RCSM - Risk, Crédit Chain &Supply Chain Management). « Il y a de la liquiditébloquée actuellement dans les SC. Notre idée estde dégager cette liquidité grâce à une meilleuregestion collaborative du BFR. Liquidités qui serontréinvesties dans le fonds commun de créances,levier de financement et de croissance desPME/PMI », détaille Hervé Hillion, Associé de SayPartners (cabinet de conseil qui porte le projetRCSM). Et d’ajouter : « Les ressources financièresde ce fonds proviendront prioritairement des liqui-

dités des industriels, les banques ayant aujour-d’hui fortement diminué le crédit aux PME / PMIen raison des ratios de solvabilité. Néanmoins,nous constatons que ce schéma intéresse beau-coup les investisseurs institutionnels ainsi que lesrégions et l’Etat ».

Un projet sur trois ansC’est ainsi que le top départ officiel du projetRCSM a été donné en septembre 2013. Ce projet,labellisé par trois pôles de compétitivité (FinanceInnovation, EMC2 et Novalog) est prévu sur troisans. « RCSM a été sélectionné pour recevoir desfonds publics dans le cadre du Fonds UniqueInterministériel (FUI) », commente Amélie Royer,Chargée de mission chez Finance Innovation, quirevient sur les raisons du soutien par FinanceInnovation : « Cette prise de conscience par lesdonneurs d’ordre du besoin de soutenir et demutualiser leur trésorerie avec les fournisseursnous semblait être en rupture avec les outils exis-tants. Nous avons apprécié cette notion de filièreindustrielle, de solidarité et de coopération danstoute la chaîne de valeur. Cette solution permet derégler à la fois les besoins en financement dessous-traitants ainsi que le surcoût opérationnelque peuvent représenter les stocks de sécurité chezles donneurs d’ordre pour se prémunir des défail-

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Amélie Royer, Chargée de mission chez FinanceInnovation

Le principe de la plate-forme de financement RCS(« Risk, Credit Chain & Supply Chain Management »)

■ Evalue / simule / consolide le BFR (Besoins en Fonds de Roulement) au niveau d’un cluster et identifie les besoins de liquidité

■ Fournit les indicateurs et tableaux de bord de la performance financière et opérationnelle

■ Assure le rating des risques financiers et opérationnels

■ Opère la mutualisation des besoins et des excédents de trésorerie entre les parties prenantes

■ Réalise le placement des créances (titres) / arbitre les décisions d’allocation des fonds

■ Synchronise le cash-flow avec les flux physiques

■ Coordonne les aides publiques et privées

■ Assure le recouvrement des créancesIndustrielsInvestissementsInstitutionnels

Etats /Région

Banque /Assurance

Fonds de Créances BFR

Plate-forme technologique deSupply Chain Finance

AllocationFonds

ScoringRisques

Rang 3 Rang 2 Rang 1 DOCommandes /PrévisionsProduitsCash (€)Créances

RCS

Le projet RCSM (Risk, Credit Chain & Supply Chain Management) a démarré officiellementil y a quelques semaines. A la cible ? Une plate-forme technologique de planification du BFRet d’intégration des flux financiers entre différents acteurs de la chaîne (donneur d’ordre,fournisseurs, investisseurs, etc.).

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N°80 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 201370

Supply Chain & Finance

lances des sous-traitants ». La première étape duprojet, dont le démarrage est prévu début 2014,consistera à cartographier l’état de l’art en matièrede Supply Chain Finance (recherche, solutionsopérationnelles et financières, plates-formes tech-nologiques) puis à concevoir le modèle de plani-fication du BFR collaboratif au niveau d’unefilière ainsi que le modèle d’évaluation des risques(opérationnels et financiers). « Nous prévoyons deprésenter tous les ans un prototype à l’ensembledes partenaires du projet », précise AlexandreGrux, Directeur de la recherche et de l'innovationchez Kyriba (éditeur de logiciel et dans le consor-tium du projet RCSM). Les utilisateurs visés sont les filières à cycle long et dépendant de programmes de donneurs d’ordre, comme l’aéro-nautique, le ferroviaire et l’énergie. « D’autresfilières seront également concernées, telles quel’automobile et les filières de service », complèteHervé Hillion.

Etendre le financement à toute la chaîneCette plate-forme permettra d’évaluer, simuler etconsolider le BFR au niveau d’une filière etd’identifier les besoins de liquidité. Par ailleurs,elle assurera l’évaluation des risques financiers etopérationnels ainsi que la mutualisation des

besoins et des excédents de trésorerie. Sansoublier le placement des créances et l’arbitragedes décisions d’allocation des fonds (voir illustra-tion « RCSM » p.69). « Nous commercialisonsaujourd’hui une plate-forme d’affacturage inverséautour de la facture (approuvée ou non approu-vée) qui offre la possibilité aux fournisseurs d’uti-liser leurs créances commerciales vis-à-vis de leurdonneur d’ordre comme base de financement. Lesfournisseurs qui se connectent ont accès à l’état devalidation de leurs factures et ont la possibilitéd’être payés avant la date d’échéance. La créanceest alors vendue à des partenaires financiers avecdes conditions liées au risque donneur d’ordre etnon fournisseur (donc à des taux de financementmeilleurs). A terme, l’acheteur rembourse labanque qui a avancé les fonds. Dans le cadre duprojet RCSM, nous souhaitons que ce modèle neconcerne pas que les factures validées. Les four-nisseurs ont besoin de liquidités plus en amont.L’idée est d’aller plus loin que l’affacturageinversé et de financer toute la SC (facture avantvalidation, bon de commande, stock, etc.) », déve-loppe Edi Poloniato, SVP Strategy and CorporateDevelopment chez Kyriba. Et Alexandre Grux deconclure : « Par ailleurs, RCSM souhaite disposerd’une vision allant au-delà de celle du donneurd’ordre et de ses fournisseurs de rang un (commepour de l’affacturage classique) afin de proposer

des facilités de financement aux fournis-seurs de rangs deux,

trois, etc. ». ■BRUNO SIGUICHE

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Alexandre Grux, Directeur de la recherche et de l'innovationchez Kyriba

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Edi Poloniato, SVP Strategy and CorporateDevelopmentchez Kyriba

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