sylvie bÉroud - librinova.com

10

Upload: others

Post on 23-Jun-2022

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Sylvie BÉROUD - librinova.com
Page 2: Sylvie BÉROUD - librinova.com

SylvieBÉROUD

LeMieldemonenfance

Page 3: Sylvie BÉROUD - librinova.com

©SylvieBÉROUD,2020

ISBNnumérique:979-10-262-5912-1

Courriel:[email protected]

Internet:www.librinova.com

LeCodedelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantscause,estilliciteetconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticlesL335-2etsuivantsduCodedelapropriétéintellectuelle.

Page 4: Sylvie BÉROUD - librinova.com

«Lecœurd'unpères'agranditavecchaqueenfant»

Jean-BasileBEZROUDNOFF

Page 5: Sylvie BÉROUD - librinova.com

Àmonpère,

ÀJacques,

ÀAndré.

Page 6: Sylvie BÉROUD - librinova.com

BARGEMON

Le lever du jour réchauffait doucement de ses premiers rayons, les feuillesrougesangdelavigneviergequigrimpaientsurlabellefaçadeenpierresdelabergerie. Comme tous les matins, mon père, debout devant la porte d'entrée,portaitsonregardauloincommeunmarinquiscrutelamer.Constant,auregardparfois triste, à la pensée souvent lointaine tout entière dévouée au souvenird'Algerlablanchequ'ilavaitdûquittertroptôt,étaittombéamoureuxdecepetitboutdeterredansleVar.Ilavait,petitàpetit,àforcedetravailetdepatience,restaurélagrandebergerie,cultivésaterreetliéconnaissanceaveclesabeillesdececôté-cidelamer.

BonifacenettoyaitlecomptoirenzincdubarducaféduCommerce.

—Oh!Marcel!Tum'enchantesunepetite?

—Etpardi,tuveuxquejeréveilletoutlevillage!

— Tiens, ajoutaMarcel, voilà Brigitte. Elle va bien t'en chanter une petiteBoniface.

— Elle s'est sauvée cette nuit, le vieux Louis n'a pas dû fermer sa porte,encoreunefois.

Toute vêtue de sa chevelure de soie blanche, Brigitte, la petite pouledomestiquedel'ancêtreLouischerchaitdubecquelquesfriandisesaupiedd'unplatane centenaire. Pendant que l'air se réchauffait par cette belle journée dumoisde juillet, levillagedeBargemons'éveillait.Lamairiearborait fièrementsondrapeautricoloreàcôtédubéliercouronné,armoiriesduvillageetleclochercomptaitletempsquifile.

Jean vit le jour dans ce petit coin de paradis. Comme tous les enfants quisavent ce qu'ils cherchent, il menait son chemin à travers les drailles à larecherche du criquet à ailes bleues. Au fur et à mesure de son ascension, ilemplissait ses poumons de l'odeur boisée des collines. Lorsqu'il fut certaind'avoirprisassezdedistance,ilseretournasoudain.Lestoitsdetuilesenterrecuite orangé et brun s'agrippaient les uns aux autres pour former une étrangemosaïque autour du clocher dont la fine pointe ressemblait à un crayon. Il se

Page 7: Sylvie BÉROUD - librinova.com

chauffaitlesailesausoleilsurunrocher,sonoedipodeturquoise.Avecpatienceetbeaucoupdedéterminationilnelâchaitpasdesyeuxsaproie,sujetprincipald'une scène musicale. Il serait bientôt enfermé dans une boite dont il avaitperforélecouvercle.Sapatiencefutrécompensée,ilapprochalapetiteboitedesonoreillepourentendrelesailesquis'agitaient.Jeanrespiraitàpleinspoumonslesparfumsagrestesdecettebellejournéeetsourit,heureuxdesaprise.

Leclocherquicarillonnaitaulointainlesortitdesarêverie.Ilfitdemi-tourendirectionduvillage.Surlechemindel'école,ilescaladalepetitportailenboisdu jardin de Denys et il se lança, avec l'agilité d'un écureuil, à l'assaut desbranchesducerisier.Ilencroquaàpleinebouchejusqu'àcequesonestomacluicriestop.Leplusdrôle,c'étaitdeseretrouverperchédansl'arbre,accrochéauxbranchescommeunsingeetd'entendreDenyspestercontre lesoiseauxqui luidévoraienttoussesfruits.

—Alors, tu l'as ? demandaDédédont l'air inquiet apportait une expressionamusanteàsonvisage.

—Oui,auchauddanssaboite.

Andréétaitungrandgaillardàlasilhouettecharpentéecommeunlutteur,sachevelurebruneetboucléeetsesyeuxrieursluidonnaientunairgénéreux.Ilnesavait jamais quoi faire de ses mains alors il les fourrait dans ses poches augrand dam de samère, qui renonça définitivement à lui acheter de nouveauxpantalons. Cela cachait en réalité une certaine timidité. Jean éprouvait unetendresseinfiniepoursonami.Lesdeuxgarçonsgloussaientdejoie.Laclochesonna.Ilsentrèrentdanslaclasse.

MonsieurMichaux,professeurdemathématiqueà lacalvitiegalopante,dontlablouseblancheétaittachéedelapoudredescraiesdedifférentescouleursqu'ilmanipulait, lefaisantressemblerparfoisàunarc-en-ciel,frappaletableaunoiravecsarègle.Lapointedesacraierougebrandiedanslesairs,ils'écria:

—MonsieurJeanMalherbe,venezautableaudonnerlerésultatdurayondevotrecercle.

—M'en fiche de ton rayon, tu vas voir avec quoi je l'ai rempli ton rayon,marmonnalegarçonentresesdents.

Page 8: Sylvie BÉROUD - librinova.com

Mais le criquet n'était pas destiné au professeur de mathématique. Sadestinataire était mademoiselle Angèle. Jean avait dans l'idée de cacher sontrésor dans la partition de son professeur de musique. Cette fille-là, qui nedévoilait plus ses charmes que pour son mari réjouissait les voisins alentourlorsqu'ellelançaitlesdécibelsàlavoléepar-delàlesfenêtresdesachambre.

Donc, lorsque cette brave Angèle vit le criquet lui sauter à la figure, ellepoussa une note d'effroi si formidablement aiguë que la classe tout entière futsaisiedestupeur.Jean,enadmirationdevantsacastafiore,souriaitdebonheur.

Lecriquetsautaitdanstouslessens,lesgarçonsseprécipitèrentpourl'attrapertandis que les fillesmontaient sur leur chaise en poussant des cris de frayeur.André, secoué par un grand fou rire, était parti en courant aux toilettes en setenant le ventre. Le raffut qui venait de la salle de classe couvrit presque lasonnerie de la clochequi rythmait la fin des cours à toute l'école.Les enfantsoublièrentlecriquetets'enfuirentcommeunevoléedemoineaux.

—TuviensavecmoivoirDenys?demandaJeanàAndré.

—Non,j'aimepassescoucous.Etpuis,jedoisdonneruncoupdemainàmonpère,onrécoltelesrougesduRoussillonencemoment.

— Chouette, la tarte aux abricots orange teintés de rouge vermillon à lapoudred'amande,c'estmondessertpréféré.

Andréregardasoncopain.IlsecouaittoujourslatêteenhaussantlessourcilslorsqueJeanviraitpoète.

—PlutôtquedelespiquercommelescerisesdanslejardindeDenys,passeàlamaison,mamèret'endonnera.

Jeanlançasacasquetteàlafigured'Andréenrigolant.

—FileDédé,file!

Lespèresdesdeuxgarçonsétaientdesamisd'enfance,desfilsdepiedsnoirs,déracinésdusoldeleurterrenatalecommedesarbresauxquelsonavaitcoupélesracines.Cependant,lafamilled'Andréavaitfaitlechoixdequitterl'Algérielongtempsavantlesévènementsetc'estavecjoieetcompréhensionqu'elleavait

Page 9: Sylvie BÉROUD - librinova.com

accueilli lesparentsde Jean. Il adorait écouter, encoreet encore, les souvenirsd'enfancedesonpèreenAlgérie.Ildemandaitaussiàsamèredeluiraconterlascènequilefaisaithurlerderire,celleoùsatanteGabyavaitrosséàcoupsdeparapluiesurlatête,pourl'obligeràdescendredel'autobus,uninconnuquiavaitosécaressersonéminencecharnue.

Jean était un observateur-spectateur. Il avait remarqué de quelle façon Tajsaluaitsonpère.Lamaindroiteposéesursoncœurenpenchantunpeulebusteenavant,salutauquelConstantrépondaitparunhochementdetête.Sonpèrenesouriait pas, néanmoins, son regard était chaleureux et ses yeux remplis delarmes.MaiscequeJeanrespectaitpar-dessustout,c'étaitleslongssilencesqu'ilpartageait avec son père. Il savait quand il pouvait poser des questions etlorsqu'ilnefallaitriendire.

Jean rendit visite àDenys. La belle boutique en bois de l'horloger qui étaitégalementamateurd'instrumentsdemusique,étaitdécoréedependulesdetoutesles tailles, des plus anciennes aux plus insolites.Elle se situait tout près de lachapelle Notre-Dame de Montaigu, fermée pour travaux. Les Bargemonaisaimaient à dire à Denys que le chant de ses pendules aux mille coucousremplaçaitlesclochesdel'église.JeantrouvaDenysoccupéàréparerunviolon.L'atmosphèresentaitbonleboisauxessencesvariées.Sesgestesétaientlentsetprécis,Jeanobservaitlesmainsduréparateurd'horlogesquicaressaientlebois.

—BonjourDenys!

Commeàsonhabitude,concentrésursontravail,ilneréponditpas.

—Quelboistravailles-tuaujourd'hui?

—Unviolonestconstituédesoixanteetonzeélémentsdebois,mongarçon.Celui-ci c'est de l'épicéa. Caresse donc la courbe de ce bois, elle est ronde etdoucecommelatailled'unefemme.

Jeanécarquillait lesyeux.Unecourbeoui,maisdelààyvoir la tailled'unefemme!

—CequetuesdrôleDenys!

—Tu tiensentre lesmains lacaissederésonancedecet instrument,sens-tulesnotesquijouentsoustesdoigts?

Page 10: Sylvie BÉROUD - librinova.com

L'enfantseconcentra.

—Maisjenesensrien,Denys!

—SoisplusattentifJean,écoutebien,fermelesyeux.

Ils'exécutaetcaressalescourbesduboislissesouslapaumedesesmains.

—TesmainssonttesinstrumentsJeanetlafaçonquetuasd'observeresttonplusprécieuxoutil.

Ilallaitrépondre,lorsquelescoucousquisemirentàsonneràtue-têtefirenttremblerlapetiteboutiqued'unvacarmeépouvantable.Jeanselevad'unbondensursautantetcriasurlepasdelaportedelaboutique.

—Unjour,jeleurtordrailecouàtescoucous!

Denys plissa ses yeux bleus et son corps se secoua d'un rire joyeux. Jeandéguerpitàtoutevitesse.

Toutnaturellement,lorsqueConstantdécidades'installeravecsajeuneépouseSuzannedansleVar,ilsemitàlarecherched'unemaison.Aubasduvillage,ilvisita une manse sur laquelle était construite une grande bergerie. Cette terreagricole avait été cultivée il y a fort longtemps. Le verger possédait quelquedeux cents arbres fruitiers, amandiers, figuiers, cerisiers et pruniers. Constantprit une poignée de terre dans samain, le sol était de bonne qualité riche ensilice,unebelleterreargileuseetlorsqu'illevalatête,sesyeuxrencontrèrentlevillagedeClaviersperchésurlacollined'enface.Labergeriefutchoisiecommelieudevie,Constantyinstallaunebellecuisine,carilconnaissaitlestalentsdecuisinièredesafemmeetleplaisirqu'elleprenaitàmijoterdebonsplats.

Unepartiedelabergeriefutaménagéeensalledetravailpourlesrécoltesetlelavoirquis'ytrouvaitfutconservéainsiquebeaucoupdepanierstressésetdesclochesenterrecuite.Deuxlonguesannéesfurentnécessairespourarrangerunemaison confortable. Il fallut aussi tailler les arbres et aérer le terrain. Laparticularité de ce village était son système de canaux qui alimentaient lesjardinseneaudesource.Danslamansetransforméeensalledetri,lesrécoltesdesfruitsduvergerétaientstockéespuisprésentéesà laventedanslespaniers