système des nations unis - chapitre iii
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Chapitre III : L’organisation des Nations Unies
On ne peut évidemment pas traiter de l’ONU sans faire référence à sa « devancière », la
Société des Nations, également créée au lendemain d’une conflagration mondiale majeure, qui
a correspondu à la première grande tentative d’organisation internationale à vocation
universelle. Le pacte la créant, qui ne comprend que vingt six articles, fut placé en tête des
traités de paix, ce qui explique que la non-ratification du traité de Versailles par les Etats-Unis
ait eu pour conséquence leur non-participation à la SDN, créant un déséquilibre qui affaiblit
considérablement l’organisation. L’URSS y entra tardivement (après l’arrivée au pouvoir
d’Hitler en 1933), mais en fait exclu en 1939, suite à son agression contre la Finlande. Le
Japon, l’Italie, l’Allemagne s’en retirèrent. Organisation permanente, la SDN comprenait des
organes qui préfigurent la structure de l’ONU, avant une Assemblée où tous les membres
siégeaient sur un pied d’égalité, et conseil restreint avec des membres permanents et non
permanents. Si, sur le papier, ses compétences pouvaient paraître assez larges (« développer la
coopération entre les nations et garantir la paix et le sûreté »), en pratique il ne pouvait qu’en
aller différemment, car ses organes n’avaient pas été dotés d’un pouvoir de décision et
devaient statuer à l’unanimité. Quant aux sanctions, c’était d’abor aux Etats de déterminer s’il
y’avait eu une agression, ensuite elles étaient essentiellement économiques, et la seule fois où
elles furent envisagées, contre l’Italie, dans l’affaire d’Ethiopie, elles s’avèrent inefficaces.
Enfin, le pacte n’interdisait pas la guerre, il se bornait à la réglementer, avec un système de
« moratoire », très révélateur de l’influence américaine, convaincue que les peuples sont par
nature pacifiques, et qu’un délai d’attente leur permettrait de faire pression sur les
gouvernements pour les dissuader de faire la guerre…
Il est facile de dire que la SDN a été un échec parce qu’il n’a pas empêché les régimes
dictatoriaux de mener à bien leurs politiques d’agression (Japon, Italie, Allemagne), et surtout
de prévenir la seconde guerre mondiale. Ce sont moins les institutions de la SDN qui sont en
cause que la manque de volonté politique de certains de ses membres, en particulier les
grandes démocraties occidentales européennes, face au comportement expansionniste des
gouvernements des Etats précités. Elle ne survécut pas à la guerre, entra en « léthargie » en
1940, et fut dissoute en 1946 pour laisser place à l’ONU.
Nous avons passé en revue successivement d’abord la création, les bases de l’ONU et
sa composition (section I), puis ses institutions (section II) et, enfin, ses principales activités
(section III).
Section I : La création de l’ONU, ses bases, sa composition
Il convient d’examiner ces trois aspects en trois sous-sections.
Sous– section I : LA CREATION DE L’ONU
L’élaboration de la Charte s’est faite en plusieurs phases. L’étape décisive fut la conférence
de San Francisco (§1), précédées de plusieurs conférences préliminaires (§2).
§1. – Les conférences préliminaires
Il convient d’évoquer les différentes conférences internationales qui ont précédé la conférence
de San Francisco et au cours desquelles l’idée d’une nouvelle organisation internationale s’est
dégagée, personne ne songeant à restaurer la SDN.
A. – La charte de l’Atlantique
Le 14 août 1941, avant donc l’entrée en guerre des Etats-Unis, qui ne date que du 7 décembre
(après l’agression du Japon), le président Roosevelt et le premier ministre Churchill se
rencontrèrent dans l’Atlantique (à bord du cuirassé anglais Prince of Wales) et adoptèrent un
document, qui n’était pas un traité, mais un gentelmen’s agreement, c’est à dire un accord
politique non juridiquement contraignant mais ayant une grande portée sur la plan politique,
car il énonçait les buts de la paix future, la guerre achevée, parmi lesquels figurait la création
d’un système de sécurité générale fondé sur la renonciation à l’usage de la force1.
B. – La déclaration des Nations unies
Le 1er
janvier 1942, vingt-six Etats alliés en guerre contre la puissance de l’Axe (Allemagne,
Italie, Japon) réunis à Washington, adoptèrent une Déclaration exprimant leur intention de
créer une Communauté de Nations unies pour « défendre la vie, la liberté, l’indépendance et
la liberté religieuse, aussi bien que pour conserver les droits humains et la justice ». C’était
plutôt vague, mais à ce stade de la guerre un projet plus précis aurait été prématuré.
C’est à partir de là que différentes études et plusieurs projets furent entrepris aux
Etats-Unis et en Grande-Bretagne pour mettre au point un projet d’organisation internationale.
C. – Les Conférences de Moscou et Téhéran
Lors d’une conférence tenue à Moscou du 1er
au 30 octobre 1943, réunissant les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, l’URSS et la Chine (en l’absence de la France), fut adoptée une autre
Déclaration par laquelle les quatre Etats s’engageaient à édifier la paix et le sécurité dans le
cadre d’une organisation générale fondée sur égale souveraineté de tous les Etats pacifiques.
La conférence de Téhéran fut l’une des rares où Staline accepta de quitter le territoire
national pour rencontrer Roosevelt et Churchill (l’Iran venait d’être occupé par les soviétiques
et les Anglais de crainte qu’il ne basculât du côté de l’Allemagne). Le 1er
décembre 1943, par
les accords conclu sur un certain nombre de sujets d’intérêts commun, figurait l’organisation
d’après-guerre selon les principes de la Charte de l’Atlantique (établissement de la paix
internationale, de la sécurité et de la prospérité).
D. – Les propositions de Dumbarton Oaks
C’est en octobre 1944 que des entretiens entre experts, provenant des Etats-Unis, du
Royaume-Uni, d’URSS et de Chine (toujours pas de France), près de la capitale américaine,
du 21 août au 07 octobre, rédigèrent des propositions en douze chapitre portant sur la création
d’une organisation générale, reprise ensuite dans la version définitive de la Charte. A cette
date, la victoire paraissait proche, notamment contre l’Allemagne, et le temps était venu de
mettre au point le statut de la future organisation internationale. Les Etats-Unis en
communiquèrent le texte aux autres gouvernements.
E. – La conférence de Yalta
C’est sans doute la plus connue de toutes les conférences interalliés de la Seconde guerre
mondiale, puisque c’est à son sujet qu’a été forgé en France le mythe d’un « partage » du
monde décidé dans cette ville de Crimée par les Etats-Unis et l’URSS. Ce mythe, donc une
représentation déformée de la réalité devait être accrédité par le Général De Gaules, ulcéré de
ne pas avoir été convié à Yalta, ce à quoi s’étaient opposés aussi bien Roosevelt que Staline,
qui estimaient que la France n’avait pas apporté une contribution suffisamment substantielle à
1 texte dans COLLIARD-MANIN, Droit international et histoire diplomatique, op. cit., p. 83, t. I.
la lutte armée contre l’Axe, et que le chef de la France libre était quelqu’un avec qui il était
difficile de traiter…
On déjà eu l’occasion de dire que cette thèse a été réfutée par tous les historiens
(sérieux) des relations internationales, en France et à l’étranger. Furent tranchées lors de cette
conférence, qui eut lieu du 11 au 13 février 1945, les questions encore en suspens dont la
procédure de vote au sein du Conseil de sécurité « ne mette son groin de porc dans les jardins
socialistes ». Eût-il existé dans le pacte de la SDN que l’URSS n’aurait pas pu être exclue2
§2. – La conférence de San Francisco
Elle eut lieu aux Etats-Unis du 25 avril au 26 juin 1945, c’est à dire qu’elle commença avant
la fin de la guerre en Europe (7 et 8 mai 1945) et que lorsqu’elle se termina la guerre n’avait
pas pris fin dans le Pacifique, le Japon n’ayant capitulé que le 2 septembre. Il faut s’en
souvenir pour bien comprendre à quel point le texte adopté ne pouvait que refléter les
préoccupations de l’époque. Si avaient été conviés tous les Etats en guerre avec l’Axe, il y
avait d’un côté les puissances invitantes désignées à Yalta, c’est à dire les cinq grands (mais la
France refusa de figurer dans cette catégorie ne voulant pas cautionner les décisions prises
sans elle à Yalta), et de l’autre les puissances invitées, le critère étant d’avoir déclaré la guerre
à l’ennemi commun avant le 1er
mars 1945 (ce que fit la Turquie, jusqu’alors neutre), mais
cette distinction n’eut pas de portée sur le statut juridique des participants, une cinquantaine
au total. La Charte fut élaborée à partir des propositions de Dumbarton Oaks, à la majorité et
non plus à l’unanimité. Le texte de ce traité, beaucoup plus long que la Pacte de la SDN, 111
articles, avec en annexe le statut de la Cour international de justice (70 articles), fut adopté le
26 juin 1945 et entra en vigueur le 24 octobre 19453.
SOUS – SECTION II : LES BASES DE L’ONU
Pas plus que la SDN, l’ONU n’est pas un super-Etat. Son nom est équivoque dans la mesure
où il désigne à la fois l’Organisation en tant que telle, et les Etats qui ont été associés contre la
puissance de l’Axe. Le mot de Charte n’a pas de signification particulière : en droit
international il existe une trentaine de mots pour désigner les traités. En anglais, charter,
comme convenant (pacte), désigne un acte de droit public.
Il faut entendre par là le traité constitutif de cette organisation
Il est révélateur de déclin de l’Europe et du déplacement du centre de gravité dans
affaires mondiales que le siège ait été fixé non plus à Genève, comme la SDN, mais à New
York.
Par « bases » de l’ONU on peut entendre, d’une part, ses buts (§1) et, d’autre part les
fondements juridiques sur lesquels elle repose (§2).
§1. – Les buts de l’ONU
Ils sont énoncés dans le préambule et dans l’article 1. Il y en a quatre.
En premier lieu, figure la préoccupation essentielle, qui revient comme un leitmotiv
tout au long du texte, le maintien de la paix et de la sécurité internationales, afin de
« préserver les générations futures du fléau de la guerre », par référence aux deux guerre
mondiale.
En deuxième lieu, on relève le développement de relations amicales entre les nations
fondées sur le respect du principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer
2 Le texte de ces accords figure dans COLLIIARD-MANIN, op., cit. p. 117, t. I Voir : LALOY, Yalta, Laffont,
1988. – MALLIARAKIS, Yalta et la naissance des blocs, Albatros, 1982. 3 Un commentaire de la Charte en français, article par article, a été publié sous la direction de MM. Cot et Pellet,
aux éditions Economica et Bruylant, en 1985 (et réédité en 1991).
d’eux-mêmes. Le contenu des relations amicales a été développé par la Déclaration précitée
de 1970 sur les relations amicales et la coopération entre Etats conformément à la Charte. La
référence au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (voulue par l’URSS) a servi par la
suite de fondement juridique à la décolonisation avec la Déclaration de 1960 sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et peuples coloniaux.
En troisième lieu, la Charte exprime des préoccupations, qui sans être vraiment
nouvelles, n’avaient guère été prise en considération auparavant par le droit international, à
savoir la coopération pour résoudre les problèmes internationaux d’ordre économique, social,
Intellectuel ou humanitaire, en développant et en respectant les droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue et de religion.
L’accent était ainsi mis sur la nécessité de la coopération dans tous les domaines.
En quatrième lieu, l’ONU doit être un « centre où s’harmonisent les efforts des nations
vers ces fins communes ». Ce dernier but indique à la fois un souci de coordination pour
parvenir aux objectifs communs, en même temps que l’idée d’un devoir de coopération, ce sur
quoi insisterons les textes ultérieurs, non seulement dans les rapports Est-Ouest, mais surtout
dans les relations Nord-Sud (droit au développement et droit du développement).
§2. – Les fondements juridiques de l’ONU
Les buts indiqués étant très généraux, il a fallu préciser les fondements juridiques sur
lesquelles repose la nouvelle organisation, ce qu’on le trouve dans l’article 2 de la Charte. Ils
sont également au nombre de quatre : principe d’égalité souveraine des Etats (A), principe du
respect du droit international (B), existence d’un domaine réservé à la compétence nationale
des Etats (C), principe du règlement pacifique des différents internationaux comme corollaire
de l’interdiction du recours à la force armée (D).
A. – Le principe d’égalité souveraine des Etats
Il est énoncé dans l’article 2, §1 : « l’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité
souveraine de tous ses membres ». Mais on constate immédiatement que cette égalité n’est
pas entièrement respectée dans la Charte, compte tenu des privilèges dont disposent les cinq
membres permanents du conseil de sécurité (infra). L’entrée à l’Onu des Etats nouvellement
indépendants s’est traduite par une revendication de cette égalité, ce qui apparaît aussi bien
dans la Déclaration sur les relations amicales de 1970 que dans tous les textes par lesquels ces
Etats cherchent à remédier à l’inégalité économique dont ils souffrent, en insistant pour
qu’elle soit prise en compte et qu’il y soit remédié (thème de l’inégalité compensatrice)4.
B. – Le principe du respect du droit international
Le préambule de la Charte indique que les Nations unies sont résolus à « créer les
conditions nécessaire au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et
autres sources du droit international ».
L’article 2, §2 énonce que les membres de l’ONU « doivent remplir de bonne foi les
obligations qu’elles ont assumées aux terme de la présente Charte ». Ce principe général vaut
pour les actions entreprises par l’ONU, l’application des décisions du Conseil de sécurité des
arrêts de la CIJ, la conformité aux obligations budgétaires, et tout ce qui a trait au
fonctionnement de l’organisation.
C. – La reconnaissance d’un domaine réservé
4 Voir : COLLIARD, Egalité ou spécificité des Etats dans le droit international actuel, Mélanges
TROTABA, LGDJ, 1970, p. 529. – FLORY M. inégalité économique et évolution du droit international,
Colloque d’Aix-en-Provence de la SFDI, Pedone, 1974, p. 11.
à la compétence nationale des Etats
En vertu de l’article 2, §7, « aucune disposition de la présente Charte n’autorise les
Nations unis à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d’un Etat ni n’oblige les membres à soumettre des affaires de ce genre à une
procédure de règlement aux termes de la présente Charte : toutefois, ce principe ne porte en
rien atteinte à l’application des mesure de coercition, prévues au chapitre VII ». A l’initiative
des Etats-Unis, une disposition similaire avait été introduite dans l’article 15, § 8 du Pacte de
la SDN, cet Etat ne voulant pas que l’organisation puisse se mêler de certaines affaires (statuts
des minorités, droits de douanes). Le texte de la Charte est plus flou, il n’indique pas qu’il est
l’organe compétent pour déterminer si une question rentre ou non dans la compétence
nationale, et surtout la différence du Pacte, pour qu’une question échappe à l’ONU, il n’est
pas nécessaire qu’elle relève exclusivement de la compétence nationale, il suffit qu’elle en
relève essentiellement, c’est à dire à un très haut degré, mais n’a pas tout à fait le même sens.
En pratique dans les relations Est-Ouest, cette pratique a été systématiquement invoquée par
l’URSS et ses alliés chaque fois que les Occidentaux ont dénoncé les violations des droits de
l’homme commises à l’Est, et dans les relations Nord-Sud, les puissances coloniales l’on
invoqué pour tenter d’empêcher l’ONU d’intervenir, même par voie de débats, dans les
affaires de décolonisation (France à propos de l’Algérie ou de Mayotte). Toutefois, ce
principe est assorti d’une exception importante in fine, le cas où il y aurait menace contre la
paix, rupture de la paix ou agression5.
D. – Le principe de règlement pacifique des différents et interdiction de recourir à la
force
Les deux vont de pair. L’article 2, § (3) énonce que « les membres de l’organisation
règlent leurs différents internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix
et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mise en danger ». Le chapitre
VI est consacré au règlement pacifique des différends. L’article 2, § 4, dont il a déjà été
question, interdit non seulement le recours à la force (armée) mais aussi la menace de la force.
L’article 33 énumère les différents moyens techniques de règlement pacifique,
diplomatiques et juridictionnels. Une Déclaration dite de Manille adoptée par l’Assemblée
générale le 25 novembre 1982 réaffirme les principes en la matière et les rôles des organes
onusiens.
SOUS – SECTION III : LA COMPOSITION DE L’ONU
Par composition de l’ONU il faut entendre l’acquisition (§1) et la perte de qualité
d’Etat membre (§2) et non pas, l’erreur est fréquemment commise, quels sont les organes de
l’ONU.
Etant comme la SDN une organisation à vocation universelle, à peu près tous les Etats
font parties de l’ONU, 179 à ce jour (septembre 1992), ne restant à l’écart que la Suisse, bien
que membre de nombreuses institutions spécialisées et abritant à Genève un important Office
des Nations unies pour l’Europe. Une consultation populaire organisée en 1986 avait donné
une majorité nettement défavorables à l’adhésion, la neutralité n’étant qu’un prétexte, car
d’autres Etats neutres, en particulier l’Autriche, font partie de l’ONU.
§1. – L’acquisition de la qualité d’Etat membre
5 Voir : Ross, La notion de compétence nationale dans la pratique des Nations unies, Mélanges Rolin,
Pedone, 1964, p. 264. – VERDORESS, Le principe de la non-intervention dans les affaires relevant de la
compétence nationale d’un Etat et l’article 2 (7) de la Charte des Nations unies, Mélanges ROUSSEAU, Pedone,
1974, p. 264.
Une distinction doit être faite même s’il n’a plus qu’un intérêt historique entre les
membres originaires (A) et les membres admis (B).
A. – Les membres originaires
Ils sont définis par l’article 3 de la Charte, comme étant ceux qui ont participé à la
conférence de San Francisco ou ayant signé la Déclaration des Nations unies le 1er
janvier
1942, ont signé et ratifié la Charte. Il y en a au total 51, ce sont les Etats alliés en guerre
contre l’Axe, même si la participation de certains a été plus que symbolique. N’en firent pas
partie les vaincus, tenus à l’écart de l’ONU à l’origine.
B. – Les membres admis
L’admission à l’ONU est réglementée par l’article 4 qui pose à la fois des conditions
de fond et de procédure, car il ne suffit pas qu’un Etat veuille entrer à l’ONU pour qu’il soit
automatiquement admis. La décolonisation a eu comme conséquence d’entraîner (depuis 1960
surtout) une augmentation considérable du nombre des Etats membres qui fut multiplié par
trois, passant de 50 à un peu plus de 150. Jusqu'à une date récente on pouvait penser que
dorénavant la liste des membres était à peu près close, mais l’éclatement de l’URSS et de la
Yougoslavie vient de provoquer un nouvel afflux de candidature à l’ONU pour atteindre le
chiffre de 179, qui n’a rien de définitif…
1° Les conditions de fonds Elles sont au nombre de quatre
En premier lieu, il faut être un Etat, le mot « nation » devant être pris au sens d’Etat,
comme cela a été exposé dans la première partie.
En deuxième lieu, il faut être un Etat pacifique (peace-loving) : pour comprendre cette
exigence, qui peut faire sourire de nos jours car on imagine mal q’un Etat se déclare non
pacifique, il faut une fois de plus se référer aux circonstances historiques dans lesquelles
l’ONU fut créée. En 1945, n’étaient pas considérés comme pacifiques les Etats ayant fait
partie de la coalition ennemie, ceux avec lesquels les Nations unies (contre l’Axe) s’étaient
battues.
En troisième lieu, il faut accepter les obligations de la Charte et être capable de les
remplir : même si cette condition paraît très évidente, comme beaucoup d’évidences elle doit
être rappelée. Elle signifie qu’un Etat ne pourrait exciper d’un statut particulier, celui de
neutralité, qu’elle découle d’une norme internationale (Suisse) ou interne (Autriche), pour se
soustraire à certaines obligations inhérentes à la qualité d’Etat membre. Quant à la capacité,
elle peut à priori faire problème pour les « micros » Etats dont les ressources sont limitées,
mais après que l’on eut à un moment envisagé de leur accorder un statut d’associer, sous la
pression du tiers monde désireux d’accroître en poids numérique, ils ont été finalement
admis. L’ont été récemment certains micro-Etats européens comme le Lichtenstein et San
Marin, mais pas Monaco (qui ne l’a pas encore demandé).
En quatrième lieu, il faut être disposé à le faire : comme la capacité, c’est une
condition assez objective à remplir et dont l’appréciation, comme la précédente, s’est laissée à
la discrétion des organes compétents.
2° Les conditions de procédure
L’admission fait intervenir l’assemblée générale et le conseil de sécurit, la demande
d’adhésion étant adressée au secrétaire générale.
Le premier organe saisi est le Conseil de sécurité. En pratique c’est à ce niveau que les
problèmes sont situés étant donné qu’il s’agit d’un domaine dans lequel le pouvoir du veto
peut jouer.
La procédure d’admission a été à peu près paralysée de 1947 à 1955, l’URSS
prétendant lier l’admission des Etats candidats pro-occidentaux à celle de ses alliés, et comme
les Occidentaux refusaient, elle mit systématiquement son veto aux candidatures soutenues
par les Occidentaux, et ce, en dépit d’un avis de la CIJ du 28 mars 1948, selon lequel un Etat
ne peut pas faire dépendre son consentement de conditions non prévues par la Charte.
L’affaire ne fut réglée qu’en 1955, par un package-deal (technique de règlement en matière de
négociation, difficile à traduire en français par « paquet », mais qui consiste à lier deux
questions différentes et à donner satisfaction à chaque partie de manière globale).
Le Conseil de sécurité fait une « recommandation » à l’Assemblée générale mais le
terme est trompeur, car il s’agit en réalité d’une décision préalable.
Le second organe compétent est l’Assemblée générale qui ne peut pas se passer de la
recommandation du Conseil de sécurité. La question fut posée à la CIJ du fait du blocage des
admissions, et dans un avis du 3 mars 1950 celle-ci jugea que la procédure d’admission telle
que prévue par la Charte, exigeait l’intervention des deux organes. S’agissant d’un question
importante, l’Assemblée générale se prononce à la majorité des deux tiers (des membres
présents et votants pour ou contre) ou par acclamations, c’est à dire sans vote (ce que qui fut
fait par exemple en 1973 lors de l’admission des deux allemands, pour éviter que l’un obtient
plus de voix que l’autre…)
§2. – La perte de la qualité d’Etat membre
Elle peut s’opérer de deux manières, en étant soit volontaire, c’est le retrait (A), soit
imposée, c’est l’exclusion (B).
A. – La sortie volontaire de l’ONU
Le retrait. La lecture de la Charte fait apparaître qu’aucune disposition n’y fait
allusion. Ce n’est évidemment pas un oubli, la seule explication est que les auteurs de la
Charte n’ont pas voulu faciliter la sortie volontaire de l’ONU, en se souvenant de la SDN qui
la prévoyait, et un certain nombre d’Etats usèrent de cette faculté (une vingtaine, donc pas
seulement les régimes dictatoriaux européens, mais aussi des Etats latino-américains). Mais il
résulte d’un déclaration interprétative formulée en commission, lors de la Conférence de San
Francisco, que l’on ne peut pas obliger un Etat à demeurer contre son gré dans une
organisation internationale dont il ne veut pas faire partie. Jusqu'à présent, le problème ne
s’est posé qu’une seule fois dans l’histoire de l’ONU. En 1964, l’Indonésie, mécontente que
la Malaisie, avec laquelle elle était « en froid », ait été élue, sans objection, membre non
permanent au Conseil de sécurité décidé de se retirer de l’ONU. Dix mois plus tard, à la suite
d’un coup d’Etat ayant provoquer un changement du régime (l’Indonésie avait été « proche »
de la Chine communiste qui, ulcérée d’être tenu à l’écart de l’ONU, avait envisager de créer
une organisation composée d’Etats « révolutionnaires » du tiers monde), demanda de
reprendre sa place à l’ONU. Puisqu’il y avait eu retrait, la procédure (normale) de l’acte
contraire aurait voulu qu’elle sollicitât sa réadmission, mais afin d’éviter un (probable) veto
soviétique, il fut convenu par une fiction dont le droit international n’est pas exempt (c’est un
mode de raisonnement juridique classique, cf. le cours d’introduction au droit), qu’elle avait
seulement suspendu sa participation aux travaux de l’ONU, et que moyennant le règlement de
l’arriéré de sa contribution financière, elle pouvait revenir siégeait.
Cette sanction disciplinaire très grave, dont l’URSS avait fait les frais du temps de la
SDN (mais pas le Japon, ni l’Italie, ni l’Allemagne) est prévue par l’article 6 de la Charte à
l’encontre de tout membre ayant « enfreint de manière persistante » les principes énoncées
dans la Charte. La procédure et la même que pour l’admission, toujours au nom de la règle du
parallélisme des formes, ce qui signifie qu’aucun membre permanent du Conseil de sécurité
ne peut être exclu en raison de son pouvoir de veto contre une décision le concernant
directement. Elle n’a pas non plus eu l’occasion de jouer jusqu'à présent, car lorsque les Etats
africains demandèrent l’exclusion de l’Afrique du Sud à cause de sa politique de
discrimination raciale, les trois Etats occidentaux membres permanents du Conseil de sécurité
mirent leur veto, en faisant valoir qu’il fallait mieux ne pas laisser Etat en dehors de l’ONU,
afin de pouvoir exercer des pression sur lui et l’amener à changer de comportement, ce qui
devait d’ailleurs se produire en 1992…
Le cas de la Yougoslavie est à mettre à part. constatant la disparition de l’ancienne
fédération yougoslave, que deux républiques seulement, la Serbie et le Monténégro
prétendent continuer d’incarner sous ce nom, le Conseil de sécurité a décidé, par une
résolution du 19 septembre 1992 (le Monde 22 sept. 1992) que la nouvelle République
Yougoslave na saurait succéder automatiquement à l’ancienne fédération au sein de l’ONU,
sans participer aux travaux de l’Assemblée générale en attendant qu’il soit statuer sur sa
candidature.
L’exclusion de la Yougoslavie (Serbie-Monténégro) n’a donc pas été demandée,
comme il en avait été question à un moment afin d’éviter un probable veto soviétique… Ce
point de vue a été immédiatement entériné par l’Assemblée générale le 23 septembre 1992,
puisqu’elle a adopté une résolution (texte dans le Monde du 24 septembre 1992) dans laquelle
elle a considéré que la « République fédérative de Yougoslavie » (Serbie et Monténégro)
n’était habilité à assurer automatiquement la continuité de la qualité d’Etat membre de l’ONU
de la précédente République socialiste de Yougoslavie et qu’elle devait présenter une
demande d’admission à l’ONU, le Conseil de sécurité devant se prononcer avant la fin de
l’année. En attendant la délégation yougoslave ne peut pas participer aux travaux de
l’Assemblée générale. Pour éviter une confusion, il est préférable de ne pas dire que la
Yougoslavie a été exclue de l’ONU. Il y a un précédent, celui de l’Afrique du Sud qui, en
1974, fut écartée des travaux de l’Assemblée générale, la commission des pouvoirs refusant
d’admettre la validité des pouvoirs délivrés par le gouvernements sud-africain, sans être pour
autant exclue de l’ONU, puisque les trois Occidentaux avaient mis leur veto à une demande
en ce sens. Cette résolution a été adopté par 127 voix pour, 6 voix contre et 26 abstentions.
Selon certains commentateurs, les voix négatives de cinq Etats africains (Tanzanie, Zambie,
Zimbabwe, Swaziland et Kenya) s’expliqueraient par leur désir de ne pas créer un précédent
compte tenu de leur situation intérieure…
SECTION II : LES INSTITUTIONS DE L’ONU
Par cet intitulé, nous entendons, d’une part, les principaux organes de l’ONU (sous-
section 1) et, d’autre part, les institutions spécialisées et les organisations autonomes (sous-
section 2).
SOUS – SECTION 1 : LES ORGANES PRINCIPAUX
Ils sont au nombre de six : l’Assemblée générale (§1), le Conseil de sécurité (§2), le
Conseil économique et social (§3), le Conseil de tutelle (§4), la Cour international de justice
(§5) et le Secrétariat (§6).
§ 1. - l’Assemblée générale
Il est bien difficile d’échapper à une présentation consistant à passer successivement sa
composition, son organisation et son fonctionnement (A) puis ses principales compétences
(B).
A. – Compétence, organisation et fonctionnement
1° Sa composition
Aux termes de l’article 9 de la Charte, l’Assemblée générale reflète dans sa
composition le principe d’égalité entre les Etats membres, puisque tous siègent sur un pied
d’égalité, un Etat une voix, quelle que soit son importance. Chaque délégation ne comprend
en principe que cinq membres, en fait beaucoup plus pour certaines, avec des suppléants, des
experts, des conseillers, de parlementaires en mission.
2° Son organisation et son fonctionnement L’Assemblée générale est réunie tous les ans en session régulière à la fin du mois de
septembre à New York en principe jusqu'à la fin de décembre.
Elle peut également se réunir en session extraordinaire ou en session spéciale (sur le
désarmement par exemple). Tout comme une assemblée parlementaire, elle est régie par un
règlement intérieur6. Elle a à sa tête un bureau comprenant un Président, élu tous les ans (sur
la base du critère de la répartition géographique équitable), assisté de vingt et un vice-
présidents, élus sur la même base, qui remplit les mêmes fonctions qu’un président
d’assemblée dans l’ordre interne ( il prononce l’ouverture et la clôture de la session, dirige les
débats, donne la paroles aux orateurs inscrits, statue sur les motions d’ordre, assure le
maintien de l’ordre)7.
Le parallèle avec les assemblées nationales peut être poursuivi en indiquant qu’elle se
subdivise en plusieurs commissions : questions de politiques (I), de désarmement, questions
économiques et financières (II), questions sociales, humanitaires et culturelles (III), questions
de tutelles et territoires non autonomes (IV), questions administratives et budgétaires (V),
questions juridiques (VI). S’y ajoute la commission de vérification des pouvoirs (voir supra)
et des comités permanents, le Comité pour les questions administratives et budgétaires (seize
membres) et le comité des contributions (dix-huit membres). Elle peut également créer des
commissions ou des comités spéciaux (pour les opérations de maintien de la paix, pour les
droits du peuple palestinien, par exemple).
L’Assemblée générale délibère sur les questions inscrites à son ordre du jour, dont la
liste est généralement fort longue, et peut comprendre des sujets très divers, en dehors des
grands problèmes d’actualité (il y a quelques années la Grenade avait fait inscrire le problème
des OVNI).
Les délégués prennent les paroles dans les six langues officielles et de travail :
français, anglais, espagnol, arabe, russe et chinois (à noter que ces deux dernières langues ne
sont parlées qu’en Russie et qu’en Chine, mais leur consécration officielle date de 1945).
Pour les votes, la Charte opère une distinction entre les questions importantes et les
autres. Pour les premières, l’article 18 y fait figurer le maintien le maintien de la paix et de la
sécurité internationales, l’élection des membres non permanents du Conseil de sécurité, de
l’ECOSOC, l’admission de nouveaux membres, la suspensions des droits et privilèges des
membres, le régime de la tutelle, les questions budgétaires. L’Assemblée générale doit se
prononcer à la majorité des deux tiers des Etats présents et votants (pour et contre, les
abstentions ne comptent pas). La majorité simple suffit pour les autres questions, y compris le
point de savoir quelles sont les autres catégories de questions à trancher à la majorité
qualifiée. On a déjà eu l’occasion d’exposer dans quelles conditions est née la pratique du
consensus, autrement dit la procédure de non-objection, qui fait qu’une décision est réputée
adoptée (après de nombreuses palabres) dès lors qu’aucune délégation n’élève d’objection
formelle (ce qui n’empêche pas ensuite les réserves de consensus…)8.
Les textes adoptés par l’Assemblée générale portent le nom générique de
« résolution », mais ce mot doit être précisé sur la plan juridique. En effet, les résolutions
6 Texte dans REUTER et GROS, Traités et documents diplomatiques, PUF, 1970, p. 94.
7 Voir : QUENENDEC, Le Président de l’Assemblée générale : Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1966. p. 678.
8 Voir : CASSAN, Le consensus dans la pratique des nations unies : Annuaire fr. dr. Int. 1974. p. 474.
portent sur le fonctionnement de l’ONU, la vie interne de l’organisation, sont de véritables
décisions, elles sont obligatoires pour les Etats membres (fixation du barème des contributions
budgétaires, élection des membres dans divers organes restreints). En revanche, lorsque
l’Assemblée générale discute de questions ou d’affaires en matière politique, économiques ou
sociales, sous forme par exemple de Déclarations, ces résolutions n’ont que la valeur de
recommandations : elles correspondent à la formulation de souhaits, de vœux, elles sont une
incitation à agir ou à s’abstenir, mais ne sont pas obligatoires sur le plan juridique (exemple
supra, la résolution de 1947 sur le partage de la Palestine en deux Etats).
B. – Les principales compétences de l’Assemblée générale
Seul organe plénier de l’ONU, l’Assemblée générale dispose de vastes compétences
avec certaines limites cependant.
1° Les limites aux compétences de l’Assemblée générale
- En premier lieu, conformément à l’article 2, § 7 précité elle ne doit pas s’immiscer
dans les affaires relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats ;
- en deuxième lieu, elle doit s’abstenir à toute recommandation à propos d’un différent
ou d’une situation dont le Conseil de sécurité est saisi (art. 12, §1) ;
- en troisième lieu, elle doit renvoyer au Conseil de sécurité toute question qui
concerne la maintien de la paix et de la sécurité internationale qui appelle à une action, car
seul le Conseil de sécurité peut décider une action (art. 11 § 2).
2° L’exercice des compétences de l’Assemblée générale
- D’une part, elle partage certaines compétences avec le Conseil de sécurité, ce sont
des compétences conjointes : composition de l’ONU (admission et exclusion), élection des
juges de la CIJ (le droit de veto ne joue pas au sein du conseil de sécurité à ce sujet), élection
du Secrétaire général ;
- d’autre part, elle dispose de compétences exclusives : élection des membres des
organes restreints (Conseil de sécurité, ECOSOC, Conseil de tutelle), création et composition
des organes subsidiaires (la Commission du droit international pour la préparation de la
plupart des traités dans le cadre onusien), autorité de l’ECOSOC et le Conseil de tutelle,
coordination des activités des institutions spécialisées, vote du budget, discussion des
questions ou affaires rentrant dans le cadre de la Charte (art. 10).
§2. – Le Conseil de sécurité
Le paon sera identique, à savoir sa composition et son fonctionnement, d’une part (A),
ses principales compétences, d’autre part (B).
A. – Composition et fonctionnement
1° Composition
Aux cinq membres permanents, investit de ce statut privilégié, non pas parce que ce
sont actuellement les cinq puissances nucléaires « officielles », mais par ce qu’en 1945 il
s’agissait des cinq principales puissances victorieuses de l’Axe, les Etats-Unis, la Russie (qui
vient de succéder sans problème d’appellation à l’URSS), le Royaume-Uni, la France et la
Chine, s’ajoutent dix autres Etats (depuis 1965, six auparavant), membres non permanents
élus pour deux ans par l’Assemblée générale. Le critère habituel de la répartition
géographique équitable donne trois sièges au groupe africain, deux au groupe latino-
américain, deux au groupe asiatique, deux au WEOG (Europe occidentale et autres Etats), un
au groupe socialiste ( avant son disparition en 1991). Il peut arriver que la compétition soit
très vive entre deux Etats d’un même groupe et oblige l’Assemblée générale à de nombreux
scrutins (le record jusqu'à présent est, à notre connaissance, celui établit en 1979 pour
départager le Cuba et la Colombie, où il a fallu 155 tours pour finalement élire le Mexique…).
La représentation de la Chine a fait problème pendant une vingtaine d’année, de 1950
à 1971 car, à l’origine, l’Etat chinois membre fondateur de l’ONU, était représenté par le
gouvernement nationaliste. Sa défaite en 1949, suite à la guerre civile remportée par les
communistes, le contraignait à se réfugier dans l’île de Formose, mais il continue de
représenter la Chine, en dépit des protestations de l’URSS (les occidentaux ne soupçonnaient
pas à l’époque le contentieux latent entre Moscou et Pékin, qui n’éclata au grand jour qu’en
1960). Les Etats-Unis avaient réussi à prévaloir la thèse selon laquelle la représentation de la
Chine était une question importante à trancher à la majorité des deux tiers par l’Assemblée
générale. Un revirement s’opéra en 1971 à l’initiative de l’Albanie, qui jouait à l’époque le
rôle de porte-parole des intérêts et des thèses de la Chine communiste, avant de rompre avec
elle en 1977, l’accusant de trahir les idéaux marxistes-léninistes). C’est désormais la Chine de
Pékin (république populaire de Chine) qui occupe le fauteuil de la Chine comme membre
permanent, ce qui eut à l’époque pour résultat d’ajouter aux habituelles diatribes Est-Ouest de
nouvelles joutes verbales d’une extrême violence entre la délégation soviétique et la
délégation chinoise9.
Compte tenu de sa puissance économique la RFA serait « intéressée » par un siège de
membre permanent au Conseil de sécurité ainsi semble t-il que le Japon (Le Monde 5 août et
25 sept. 1992).
Mais cela supposerait une révision de la Charte et un autre élargissement du Conseil
de sécurité à des Etats comme l’Inde le brésil et le Nigeria.
Par les accords de Pont-sur-Meuse, plus connu sous le nom d’accord de Maastricht, ou
traité sur l’Union européenne du 7 février 1992, il est dit dans l’article J 5 § 4 que les Etats
membres qui sont également membres du Conseil de sécurité se concentrons et tiendrons les
autres Etats membres pleinement informés, ce qui n’est sans doute pas nouveau dans le cadre
de la coopération politique antérieure.
En revanche, ce qui est nouveau, c’est qu’il est dit ensuite que les Etats membres qui
sont permanents du Conseil de sécurité (sans citer nommément la France et le Royaume-Uni)
veillerons,, dans l’exercice de leurs fonctions, à défendre les positions et intérêts de l’Union,
sans préjudice (c’est à dire sous réserve) des responsabilités qui leurs incombent en vertu des
dispositions de la Charte de l’ONU. Certains commentateurs critiques s’en sont émus et
craignent que ce mandat, qualifié « d’impératif », ne soit le point de départ d’un processus de
capitio deminutio à leur encontre, devant à terme déboucher sur une représentation, non plus
de ces deux Etats, mais de l’Union européen au sein du Conseil de sécurité10
.
Il convient de ne pas perdre de vue qu’en vertu de l’article 103 de la Charte, en cas de
conflit entre les obligations des membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et
leurs obligations en vertu de tout autre accord international (donc des accords de Maastricht),
les premiers prévaudront, et que, de plus, toute révision de la Charte nécessite l’accord des
membres permanents11
.
2° Fonctionnement12
A la différence de l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité peut se réunie à tout
moment, compte tenu du fait qu’il a la responsabilité principale de maintien de la paix, sur
convocation de son président. La présidence n’est pas élective, elle change tous les mois,
9 Voir : MARTIN, Le comportement de la République populaire de Chine au Conseil de sécurité : Rev. Gén. Dr.
int. Publ. 1978, p. 775. 10
Voir : l’article de M. PEROL (ancien ambassadeur et secrétaire général du quai d’Orsay de 1986 à 1988) Y
aura –t-il après Maastricht une diplomatie française ? in l’ouvrage collectif l’Europe déraisonnable de l’Acte
unique à Masstricht, éd. Valmonde, 1992, p 75 et s. 11
Voir également : AHADZI-NONOU, Les Etats africains membres non permanents du Conseil de sécurité :
Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1986 p. 877. 12
Voir : LEPRETTE, Comment se prononce-t-on au Conseil de sécurité ? in Les organisations internationales
contemporaines, op. cit. p. 45, - SMOUTS, Réflexions sur les méthodes de travail du Conseil de sécurité :
Annuaire fr. dr. Int. 1982, p. 601.
chaque Etat membre, permanent ou non, l’assurant en suivant l’ordre alphabétique anglais13
,
ce qui peut faire problème quand un Etat change de nom (ce qui s’est produit à propos de la
Haute-Volta quand il devint Burkina Faso), et peut ainsi présider le Conseil de sécurité à deux
reprises à un faible intervalle de temps… Le Conseil de sécurité est, comme l’Assemblée
générale, régi par un règlement intérieur14
Les débats se déroulent dans les mêmes six langues précitées et sont publiques, à
moins que le Conseil de sécurité ne décide de se réunir en séance privée (elle est obligatoire
lorsqu’il s’agit de choisir un nouveau Secrétaire général).
Mais c’est surtout un processus décisionnel au sein du Conseil de sécurité qu’il
convient de s’attacher. L’article 27 énonce que chaque membre dispose d’une voix (§1), que
les décisions sur les questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf
membres (§2), soit une voix de plus que la majorité simple, et surtout que les décisions sur
tout autres questions (donc autre que de procédure) sont prises par un vote affirmatif de neuf
membres, dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, avec une
restriction, à savoir que s’agissant du chapitre VI (règlement pacifique des différents) et de
l’article 52, § 3 ( règlement pacifique des différents par les organismes régionaux) une partie à
un différend doit s’abstenir de voter (§ 3). C’est à propos de ce dernier paragraphe que l’on a
parlé de droit de veto, encore que le mot ne figure pas dans la Charte.
L’institution du veto est connue en droit constitutionnel, puisque prévue par l’article I
section 7 de la Constitution américaine de 1787 au profit du Président dans ses rapports avec
le congrès, à propos de l’exercice du pouvoir législatif15
et par la constitution française du 3
septembre 1791 (titre III, chapitre III, section III), mais elle n’a rien à voir avec ce qui se
passe au Conseil de sécurité, puisque le veto joue à l’intérieur d’un organe et non dans ses
rapports avec un autre.
Le veto été voulu par les grandes puissances, notamment les Etats-Unis, étant
considéré comme un progrès par rapport à la SDN où l’unanimité était la règle, et surtout
comme étant justifié par les responsabilités primordiales qui pèsent sur les cinq grands (à
l’époque).
C’était donc n correctif à l’égalité mathématique entre Etats membres de l’ONU, mais
cette atteinte (indéniable) à l’égalité souveraine entre Etats a été de plus en plus mal supportée
par nombre d’Etats, sans que les diverses formules envisagées pour y remédier aient pu
aboutir (sa suppression impliquerait une révision de la Charte qui n’est pas possible qu’avec
l’accord des membres permanents).
Entrent dans la catégorie des questions de procédure celles qui se rattachent aux
articles 28 à 32 de la Charte : convocation du Conseil de sécurité, élection des juges de la CIJ,
convocation d’une conférence de révision de la Charte.
Font partie des questions autres que de procédure (on notera que la dichotomie n’est
pas la même qu’à l’Assemblée générale où la distinction est entre question importantes et
non), donc de fonds, le règlement pacifique des différents, l’action coercitive (infra), la
réglementation des armements, l’admission, la suspension et l’exclusion des membres,
l’élection du Secrétaire général, les rapports du comme Conseil de sécurité avec l’Assemblée
générale et avec la CIJ.
L’exigence d’un vote affirmatif pour toute ces questions est le reflet du postulat sur
lequel repose tout l’édifice construit en 1945, le maintien de l’entente entre les puissances
victorieuses de l’Axe, quelles qu’aient été les contradictions d’intérêts et de valeurs entre
elles. Il en résulte que les voix des cinq grands ne suffisent pas pour faire adopter une
décision, il faut que quatre membres non permanents les soutiennent ; en sens inverse, une
13
Contrairement à ce qu’écrit M. Alain DECAUX dans le tapis rouge, Perrin, 1992, p. 68, avoir été président du
Conseil de sécurité n’est pas la récompense de talents diplomatiques particuliers 14
Egalement reproduit dans REUTER et GROS, traités et documents diplomatiques, op. cit., p. 86). 15
Voir. TURPIN, Droit constitutionnel, PUF, 1992, p. 604
coalition de sept membres non permanents face à un accord des cinq Grands empêche
l’adoption d’une décision…On peut même citer au moins le cas où une résolution fut adoptée
par le Conseil de sécurité avec l’abstention de quatre des membres permanents, la Chine ne
participant pas au vote : il s’agit de la résolution du 15 décembre 1973 par laquelle les
membres non permanents du Conseil de sécurité avaient voulu exprimer le souhait de l’ONU,
par l’intermédiaire du secrétaire général fût associé à la conférence de la paix qui devait se
tenir à Genève après la guerre d’octobre 1973, alors que les Etats-Unis et l’URSS,
coprésidents de cette conférence, n’entendaient confier au Secrétaire général qu’un rôle
purement formel, consistant à servir d’organisateur et à présider la séance d’ouverture de cette
conférence, qui s’ajourna d’ailleurs très vite pour ne reprendre que dix-huit ans plus tard à
Madrid, en octobre 1991…
Mais ce qui n’était pas prévu et qui devait très vite faite problème, l’abstention ou
l’absence d’un membre permanent. Une pratique contra legem s’est développée au Conseil
de sécurité selon laquelle ni l’une ni l’autre ne font obstacle à la validité du processus
décisionnel. Ce point de vue a été essentiellement consacré par la CIJ, dans l’avis du 21 juin
1971 sur les conséquence juridiques de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(sud-ouest africain), qui admis la licéité du Conseil de sécurité en tant que pratique générale
de l’organisation, selon laquelle l’abstention d’un membre permanent ne signifie pas qu’il
s’oppose à la probation de ce qui est proposé (1). Il y a été à nouveau fait allusion lorsque la
Chine fait abstention lors du vote de la résolution 678 du 19 novembre 1990, par laquelle le
Conseil de sécurité autorisait le recours à « tous les moyens nécessaires » pour obliger l’Irak à
se retirer du Koweït, mais sans que cela affecte la validité de cette résolution, ce qui aurait
privé la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis de la caution juridique onusienne16
On peut donner l’indication suivante quant à l’utilisation du pouvoir de veto qui
empêche l’adoption d’un résolution par le Conseil de sécurité, quand bien même les quatorze
autre membres, permanents et non, voteraient positivement : Chine 4 ; Etats-Unis : 66 ;
France : 18 ; Royaume-Uni : 30 ; URSS : 116. On constate immédiatement que l’URSS à elle
seule, entre 1945 et 1990, a recouru au veto dans la moitié des cas (116 sur 232), surtout
d’ailleurs au début de l’ONU en matière d’admission, à l’époque où elle se trouvait isolée au
sein du Conseil de sécurité et où les Occidentaux, contrôlant la majorité, n’avait pas besoin
d’y recourir. Les membres permanents recourent au veto, soit pour défendre leurs intérêts
nationaux lorsqu’ils leur paraissent directement menacés (France dans l’affaire de Mayotte
par exemple), soit pour défendre ceux d’un allié (Etats-Unis vis-à-vis d’Israël pour empêcher
sa condamnation)
Depuis 1986, les cinq Grands ont pris l’habitude de se réunir au siège de la
représentation permanente de chacun, à tour de rôle, pour se concerter sur les grands
problèmes de l’heure, afin de se mettre d’accord sur des projets de résolution ensuite soumis
aux membres non permanents, qui apprécient peu ce comportement, ayant le sentiment d’être
mis devant le fait accompli. L’une des manifestations tangibles de cette attitude réside dans la
déclaration américano-soviétique du 23 septembre 1989 relative à une initiative commune à
propos de la CIJ en vue de renforcer son rôle en matière de règlement pacifique des
différends17
.
Tous les actes du Conseil de sécurité n’ont pas la même la valeur juridique, car le
Conseil de sécurité, tout comme l’Assemblée générale, peut n’adopter que des résolutions
n’ayant que la valeur de recommandation, mais il peut aussi prendre de véritables décisions
que les membres de l’ONU sont convenus d’accepter et d’appliquer (art. 25). La distinction
entre les deux n’est pas toujours évidente, car il faut savoir sur la base de quel chapitre de la
Charte le Conseil de sécurité s’est fondé pour adopter une résolution. La CIJ, dans l’avis
16
(V. VECHOEVEN, L’ONU face au conflit entre l’Irak et le Koweït : Annuaire français du droit International
1990, p. 176). 17
V. BRETTON : Annuaire fr. dr. Int. 1990, p. 322
précité de 1971, a déclaré qu’il fallait se référer dans chaque cas aux débats ayant précédés le
vote de la résolution, aux dispositions de la Charte invoquées, et à tous les éléments pouvant
aider à préciser les conséquences juridiques de la résolution (2).
Naturellement, la pratique du consensus est usuelle au sein du Conseil de sécurité,
ainsi que celles des déclarations faites par le président en exercice du Conseil de sécurité, qui
exprime la position du Conseil de sécurité sur un problème déterminé, sans avoir la valeur ou
la portée d’une résolution en bonne et due forme.
B. Les principales compétences du conseil de sécurité
On peut en dégager trois catégories
En premier lieu, il y a celles relatives au règlement pacifique des différents (chap. VI).
Le Conseil de sécurité doit favoriser le règlement des litiges dont il a à connaître, par des
recommandations incitant les parties à recourir à toute la gamme de moyens énumérés dans
l’article 33 (négociation, enquête, médiation, conciliation, arbitrage, règlement judiciaire,
recours aux organismes ou accords régionaux ou autres moyens pacifiques de leur choix). On
a déjà cité la Déclaration de Manille du 15 novembre 198218
. En ce domaine, le Conseil de
sécurité n’agit pas, il invite, il recommande, il prie, il demande.
En deuxième lieu, il y a celles relatives au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, qui seront exposés à propos des principales activités de l’ONU (section III).
En troisième lieu, le Conseil de sécurité dispose de compétences qu’il exerce
conjointement avec l’Assemblée générale (admission et exclusion de membres, élection du
Secrétariat général, élection des juges de la CIJ).
En matière de justice internationale, il a des compétences qui lui sont propres : il peut
demander un avis à la CIJ (c’est rare, la plupart des avis ont été demandé par l’Assemblée
générale), et surtout en cas d’inexécution d’un arrêt par un Etat, à la demande de l’autre
partie, il peut faire des recommandations et décider des mesures à prendre pour faire exécuter
l’arrêt (art. 94), sans que soient précisées lesquelles. Ce problème s’est posé en 1986 suite à
l’arrêt de la CIJ du 27 juin condamnant les Etats-Unis pour leur comportement vis-à-vis de
Nicaragua. Les Etats-Unis mirent leur veto au Conseil de sécurité à un projet de résolution
critiquant leur attitude. L’adage quoniam nominor leo a aussi sa place dans les relations
internationales…
§ 3. – Le conseil économique et social (ECOSOC)
Si l’ECOSOC fait partie des organes principaux de l’ONU, il faut cependant savoir
qu’il est placé sous l’autorité de l’Assemblée générale à laquelle il adresse des rapports, et elle
peut lui faire des recommandations. Nous suivrons toujours le même plan : composition,
organisation et fonctionnement (A), compétences (B).
A. – Composition, organisation et fonctionnement
1° Composition
Il s’agit d’un organe restreint dont la composition a varié depuis 1945, puisqu’elle est
passée de 18 à 54 membres, élus par l’Assemblée générale sur la base de la répartition
géographique équitable ce qui donne 14 sièges pour le groupe africain, 13 pour le groupe
asiatique, 10 pour le groupe latino-américain, 13 pour le WEOG et 6 pour les Etats socialistes
(à revoir une fois de plus). Il a été question à plusieurs reprises de son « universalisation »,
problème qui risque d’être à nouveau soulevé par la nouvelle augmentation des membres de
l’ONU.
2° Organisation et fonctionnement
18
Voir à ce sujet BRETTON, TC de DIP et de RI, op. cit., p. 399 et s.
Les CES tient plusieurs sessions annuelles à New York et à Genève. Pour se
conformer à sa mission il a créé toute une série d’organes subsidiaires nécessaires à
l’accomplissement de ses fonctions que l’on peut penser ainsi.
a) Des commissions techniques
Il y en a six : commission de statistique, de la population, de développement social,
des droits de l’homme, de la condition de la femme (bien que par droits de l’homme en entend
human rigths en anglais, il ne serait pas très heureux de traduire ce la par « droits humains »
en français), des stupéfiants. Ce sont des organes intergouvernementaux composés d’experts,
en nombre variable (entre 24 et 43).
Les résolutions constitutives de chacune déterminent leur mandat. L’une des plus
importante est la commission des droits de l’homme qui a ajouté un rôle dans l’élaboration
des grands textes onusiens en matière de protection internationale des droits de l’homme, et
de plus elle contribue à l’application et au respect effectif de ces mêmes droits par
l’établissement de rapports et d’études sur des points particuliers.
b) Les commissions économiques régionales
Elles sont également au nombre de six : Europe, Asie et Pacifique, Amérique latine et
Caraïbes, Afrique, Asie occidentale. Leur rôle est de promouvoir la coopération régionale
entre Etats membres.
c) Les comités
Leur variété ne permet pas d’en donner de définition positive, si ce n’est pour dire que
ce sont des organes subsidiaires qui ne sont ni des commissions techniques ni des
commissions économiques régionales… Ils sont permanents ou temporaires, composés
d’experts ou de représentants des gouvernements, leur composition oscille entre 19 et 58
membres. Ils assistent l’ECOSOC dans l’exercice de ses compétences. On se bornera à en
citer quelques-uns : Comité du ressources naturelles, Comité des sociétés transnationales,
Comité des ONG, Comité de planification et de développement, Comité pour la prévention du
crime et la lutte contre la délinquance.
L’ ECOSOC dispose naturellement d’un règlement intérieur à l’instar des autres
organes principaux. Ses séances sont publiques, mais une bonne partie de ses délibérations ont
lieu en séances privées, dans le cadre des groupes régionaux ou de réunions intergroupes, ce
qui permet aux négociations d’échapper à une publicité qui n’est certainement pas une
garantie d’efficacité. Les résolutions sont adoptés par un vote formel ou par consensus, les
deux se combines avec une nette prédominance du consensus (formellement consacré par
l’article 59 du règlement intérieur
B. Compétences de l’ ECOSOC
Elles sont très étendues dans la mesure où elles portent sur tout ce qui n’est pas
politique, administratif ou juridique, encore que le phénomène général de la politisation
n’épargne pas l’ ECOSOC (l’exemple du problème du respect des droits de l’homme est très
révélateur de ce point de vue : les travaux de la commission des droits de l’homme à Genève,
dont la presse rend compte, le montrent bien).
On peut résumer ces compétences en disant simplement que l’ ECOSOC a à la fois un
rôle de coordination et d’impulsion, car il se trouve à l’intérieur d’un système de relations
entre organisations internationales et entre organes de celles-ci, aussi bien dans le cadre de
l’ONU qu’en dehors de l’ONU.
§ 4. – Le conseil de tutelle
Autre organe principal, nous n’en dirons que quelques mots car la tutelle en tant que
réglementation de la compétence coloniale ayant succédé au régime des mandats datant de la
SDN a vécu… Organe intergouvernemental et paritaire (autant de puissances administrantes,
que non administrantes élues par l’Assemblée générale) il recevait des rapports sur la façon
dont ces territoires étaient administrées, examinant des pétitions émanant des populations
locales et pouvait aussi effectuer des visites sur place, avec l’accord de la puissance
administrante.
Il a participé au processus de décolonisation, mais a été concurrencé par d’autres
organes non prévus par la Charte comme le Comité dit des 24 (nombre de ses membres) créé
en application de la Déclaration de 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux.
§5. – La Cour international de Justice
Les développements portant sur la CIJ seront également très brefs, mais pour une toute
autre raison, parce que son étude (détaillée) fait partie du programme de licence.
Elle a succédé en 1945 à la Cour permanente de Justice internationale (COJI) créée par
la SDN et à laquelle elle ressemble beaucoup. Son statut figure en annexe à la Charte de
l’ONU. En tant qu’organe judiciaire principal de l’ONU elle diffère des autres organes
principaux. Nous passerons en revue sa composition et ses compétences, selon les
subdivisions habituelles.
A. - Composition
Trois remarques peuvent être faites à ce sujet.
1° Il s’agit d’un organe juridictionnel Cela veut dire que ses membres sont des magistrats indépendants des Etats dont ils ont
la nationalité, choisis parmi les personnes « jouissant de la haute considération morale »,
remplissant « les conditions requises pour l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hauts
fonctions judiciaires » ou possédant en tant que « jurisconsultes » (ceux qui font profession de
donner des avis sur le plan juridique) une « compétence notoire en matière de droit
international » (sans précision public ou privé, en pratique c’est plutôt en droit international
publique). Ils sont au nombre de 15n ce qui était déjà le cas pour la CPJI, élus pour neuf ans et
rééligibles, la moyenne d’âge étant jusqu'à présent assez élevée, de l’ordre de 65 ans (âge de
la retraite dans la fonction publique nationale). Leur statut garantit leur indépendance. Le
siège de la Cour est à La Haye, dans les mêmes locaux que l’Académie de droit international
(Palais de la Paix).
2° Il s’agit d’un organe juridictionnel élu Les Etats présentent des listes de candidats (ce qui n’exclut pas la transparence de la
candidature officielle) et l’élection est l’œuvre de l’Assemblée générale et du Conseil de
sécurité (le pouvoir de veto ne joue pas). La composition de la cour doit refléter dans
l’ensemble « la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes
juridiques du monde. ». En réalité les cinq membres permanents ont chacun un juge, et pour le
reste la répartition géographique équitable est sous-jacente. La Cour élit en son sein un
président pour trois ans (seulement, pour éviter qu’une trop forte personnalité ne domine la
Cour).
Une particularité de la composition de la Cour est que si dans un litige Etat n’a pas de
juge de sa nationalité, il peut désigner un juge ad hoc (c’est à dire spécial, à ne pas confondre
avec un héros de bande dessinée cher à Hergé), qui siège avec les mêmes droits et obligations
que les autres, sans avoir forcément la nationalité de l’Etat qui l’a désigné (plusieurs
professeurs français de droit international ont été ainsi choisis par des Etats du tiers monde).
La formation en nombre impair garantit qu’une majorité se dégagera, si ce n’est pas le
cas (défaillance d’un juge ou présence d’un juge ad hoc), en cas de partage, la voix du
président est prépondérante (une fois jusqu'à présent en 1966 dans l’affaire du Sud-ouest
africain).
B. – Les compétences de la CIJ
A l’instar du Conseil d’Etat français, la CIJ a une double compétence, contentieuse et
consultative.
1° La compétence contentieuse
La cour a pour mission de trancher les différends d’ordre juridique entre les Etats qui
acceptent sa compétence, soit par une clause finale dans un traité, soit en concluant un
compromis (traité spécial soumettent un litige à la Cour), soit en vertu la clause facultative de
juridiction obligatoire (optional clause). Tout ce système repose sur un principe fondamental,
celui du consentement des Etats qui peuvent, étant souverains, refuser que la Cour connaisse
de litiges les concernant. Ce fut l’attitude de l’URSS jusqu’en 1989, car elle estimait que dans
une société divisée comme l’est la société internationale, il ne peut y avoir de juges
indépendants, bien qu’il eût deux juges de l’Ets au sein de la Cour. Les Etats peuvent
s’engager à l’avance, par une déclaration unilatérale, à accepter la compétence obligatoire de
la Cour pour un litige à venir, vis-à-vis de tout Etat agissant de même. Un peu moins d’un
tiers des Etats ont souscrit une telle déclaration. Si la Cour ne devait comprendre que des
juges originaires d’Etats ayant fait une telle déclaration, elle ne comprendrait (actuellement)
que cinq juges… Les Etats prenant cet engagement peuvent en limiter la portée en faisant des
réserves excluant la compétence de la Cour dans certains domaines. Ce fut le cas de la France,
qui n’accepte plus cette compétence obligatoire depuis 1974, lorsque la CIJ ne se déclara pas
incompétente en 1972, ayant été saisi par la Nouvelle-zélande et l’Australie qui constataient la
licéité des essais nucléaires français (à l’air libre à l’époque) dans le Pacifique, en dépit d’une
réserve française écartant expressément la compétence de la Cour, les litiges ayant trait à des
activités se rapportant à la défense nationale. Les Etats-Unis ont fait de même, estimant en
1984 que c’était à tort que la Cour s’était déclarée compétente pour connaître du recours
introduit contre eux par le Nicaragua19
.
Saisi par voie contentieuse, la CIJ rend des arrêts qui ont l’autorité relative de la chose
jugée, sont obligatoires pour les parties dans la partie qu’elles ont portée devant elle.
L’exécution dépend du bon vouloir des Etats, il n’y a pas de force de police internationale
envoyée pour contraindre un Etats récalcitrant à se conformer à la décision rendue ( sous
réserve de ce qui a été dit à propos de l’article 94 de la Charte).
A la différence de ce qui se passe devant l’ensemble des juridictions françaises, il est
indiqué à la fin de l’arrêt (c’est vrai aussi pour les avis) à quelle majorité la Cour a statué,
quels sont les juges de la majorités et de la minorité et surtout, ce qui est très révélateur de
l’influence des conceptions procédurales anglo-américaines ( plus que française) les juges
peuvent publier (en même temps que l’arrêt ou l’avis) leur opinion séparée, individuelle
(d’accord avec le dispositif mais pas avec tous les motifs) ou dissidente (en désaccord avec le
dispositif).
Comme en plus, les arrêts (et les avis) sont rédigés sous forme narrative, bien éloignée
de l’imperatoria brevitas chère au Conseil d’Etat français, le texte d’un arrêt ou d’un avis
peut être très long, puisque accompagné des opinions séparées (546 pages imprimées pour
l’arrêt du 27 juin 1986 sur le fond, Nicaragua contre Etats-Unis ; il est vrai que l’opinion
dissidente du juge américain à elle seule un petit manuel de droit international de 268 pages).
La procédure devant la CIJ se compose de deux phases, l’une écrite, l’autre orale.
Dans la partie écrite, les parties échangent mémoire (le demandeur) et contre-mémoire (le
19
V. BETTON, TD de DIP et de RI, op. cit., p. 251 et s.
défendeur), c’est à dire l’exposé détaillé de leurs thèses, en français ou en anglais, par
l’intermédiaire du greffe de la Cour. Dans la phase orale, chaque partie est représentée par un
agent (généralement le responsable des affaires juridiques au sein du ministère des Affaires
étrangères), assisté d’avocats, de conseils et experts. Les parties plaident, les membres de la
Cour peuvent leur poser des questions.
Il n’y a pas de commissaire de gouvernement comme devant les juridictions
administratives françaises (ce nom est trompeur, car le magistrat chargé de cette fonction n’a
pas pour mission d’exposer le point de vue du gouvernement, mais d’exposer les données du
litiges et de présenter une solution en droit, sans que la juridiction soit tenue de le suivre), et
comme devant la Cour de justice des Communautés de Luxembourg (il porte le nom d’Avocat
général).
2° La compétence consultative
L’autre compétence de la CIJ consiste à donner des avis sur des questions de droit
exposées par un organe de l’ONU (en général l’Assemblée générale), ou par une institution
spécialisée (plus rare). Les deux compétences sont nettement séparées, en ce sens qu’une
organisation internationale ne peut pas utiliser la voie contentieuse.
La procédure est également écrite et orale, comme dans la procédure contentieuse,
sauf qu’il n’ y a ni demandeur ni défendeur.
Comme son nom l’indique l’avis est dépourvu de force obligatoire, tout ce que peut
faire l’Assemblée générale c’est de recommander aux Etats membres de l’ONU de s’y
conformer, mais ce n’est pas plus contraignant.
Nombre de différents portés devant la Cour ne sont pas purement juridiques, presque
tous comportent des éléments politiques, ce qui n’empêche pas la Cour de statuer.
Si la CIJ joue un rôle relativement moins important dans la société internationale
contemporaine, essentiellement pour des raisons politiques (réticences de certains Etats ou
groupes d’Etats à la saisir), il en va différemment sur le plan juridique international, car sa
jurisprudence a apporté une contribution de premier plan à des domaines tels que le droit des
traités, le droit des organisations internationales, le doit de la mer, le droit de la
responsabilité, allant même jusqu’à inspirer des règles reprises ensuite lors de la codification
de la matière concernée (droit de passage inoffensif dans la mer territorial par exemple).
§ 6. – Le Secrétariat
Dernier organe principal de l’ONU (chap. XV, art. 97 à 101 de la Charte), le
Secrétariat n’est pas un organe comme les autres dans la mesure où sa composition, en dehors
du Secrétaire général, n’est pas déterminée est laissée à la discrétion de ce dernier, d’où une
série de changement dans l’organisation administrative allant de pair avec l’arrivée d’un
nouveau secrétaire général.
Le dernier secrétaire général élu, M. Boutros-Ghali n’a pas manqué à cet usage en
opérant une « restructuration » du secrétariat qualifiée de sans précédent, en supprimant
quatorze postes de rang élevé et douze départements, afin d’alléger la bureaucratie de
l’ONU20
. Il convient de commencer par exposer quelle est la composition et l’organisation du
Secrétariat (A) avant de s’attacher surtout aux attributions du secrétaire général (B).
A. – Composition et organisation
Une distinction s’impose entre le secrétaire général et ses services.
1° Le secrétaire général Cette institution avait existé du temps de la SDN et a été reprise par l’ONU.
20
Le Monde 9 et 19 février. 1992
a) Désignation du secrétaire général
L’article 97 de la Charte énonce que le secrétaire général est nommé par l’Assemblée
générale sur recommandation du conseil de sécurité. En réalité, il est élu à la suite d’une
opération à procédure faisant intervenir ces deux organes, le Conseil de sécurité d’abord,
l’Assemblée générale ensuite, étant entendu que la recommandation du Conseil de sécurité
doit être favorable, et qu’il s’agit d’une décision préalable dans laquelle le pouvoir du veto
des membres permanents peut jouer (et joue). Jusqu'à présent, l’Assemblée générale a suivi
les recommandations du Conseil de sécurité.
Le choix du secrétaire général est évidemment une décision délicate vu l’importance
de ses fonctions. Alors que les deux secrétaires généraux de la SDN avaient été des hauts
fonctionnaires (un anglais, Drummond, et un français, Avenol), les secrétaires généraux de
l’ONU ont été et sont des hommes politiques, la plupart du temps d’anciens ministres des
affaires étrangères dans leurs pays ou ayant derrière eux une longue expérience de la
diplomatie.
b) Durée du mandat
La Charte ne la précise pas (pas plus que le pacte de la SDN) mais elle a été fixée à
cinq ans par l’Assemblée générale en 1946, avec possibilité d’un renouvellement pour une
durée équivalente. La tentative de M. Valdheim de solliciter un troisième mandat en 1981
tourna court du fait de l’opposition de la Chine (qui l’estimer trop favorable à l’URSS).
c) Les secrétaires généraux successifs
Depuis 1946, l’ONU a connu six secrétaires généraux qui ont été les suivants :
- Trygve Lie (1946-1952) : norvégien, donc occidental, ancien ministre des Affaires
étrangères, il entra en conflit avec l’URSS à l’occasion de la guerre de Corée, et en butte à
l’hostilité de l’URSS, qui avait décidé de le boycotter en 1951, il dû démissionner pour éviter
la paralysie de l’institution qu’il dirigeait…
- Dag Hammarskjöd (1963-1961) : suédois, ancien diplomate, il eut une conception
particulièrement « dynamique » de ses fonctions, n’hésitant pas à se heurter à certaines
grandes puissances (France dans l’affaire de Bizerte, URSS dans l’affaire du Congo ex-
belge). L’URSS tenta même d’obtenir sa destitution en lui imputant l’élimination politique et
physique de son protégé Lumumba dans la crise du Congo, proposant de remplacer le
secrétaire général par une « Troïka », c’est à dire une organisme tripartite (un occidental, un
socialiste, un neutre), ce qui aurait introduit le veto au sein de cette institution, mais en dépit
du « forcing » de Khrouchtchev (qui lors d’un débat n’hésita pas à se déchausser et à taper
avec sa chaussure sur son pupitre pour interrompre un orateur avec lequel il était en
désaccord), l’Assemblée générale refusa de mettre en cause la responsabilité politique du
secrétaire général. La Charte ne contient d’ailleurs aucune indication sur une éventuelle
révocation du secrétaire général. La seule solution en cas de crise serait que l’assemblée
générale refuse, dans le budget, de voter la ligne de crédits correspondant au traitement du
SG.MH (tel était son surnom, vu la difficulté éprouvée par certains à prononcer son nom)
trouva la mort en 1961 dans un accident d’avion au Congo, en allant rencontrer le dirigeant
de la sécession katangaise, dans des circonstances qui n’ont jamais été nettement élucidées ;
accréditant la thèse selon laquelle il ne serait peut-être pas agi d’un véritable accident.
- U Thant (1961-1971) : Birman, ancien représentant de son pays à l’ONU, il adopta
un « profil bas » par rapport à son prédécesseur, évitant d’entrer en conflit avec une grande
puissance et ménageant autant que possible la souveraineté des Etats. On lui a beaucoup
reproché en 1967 d’avoir retiré les Casques bleus entre l’Egypte et Israël, mais il ne faut pas
oublier que l’Egypte avait demandé ce retrait, et que, de toute façon, les Etats qui avaient
fourni les principaux contingents (Inde, Yougoslavie) avaient décidaient de les retirer…
- Waldheim (1972-1981) : Autrichien, ancien ministre des Affaires étrangères et
représentant de son pays à l’ONU. Par réaction contre son prédécesseur, il pratiqua une
diplomatie active lors des nombreuses crises qui eurent lieu pendant son mandat21
.
Ce n’est qu’après la cessation de ses fonctions et son élection comme président de la
République en Autriche que son passé pendant la Seconde guerre mondiale a été évoqué et
critique. Toutefois, une commission internationale d’histoire militaire a estimé en 1988 que
s’il ne s’était pas rendu coupable de crimes de guerre en Yougoslavie, sa responsabilité
morale était cependant engagée parce qu’il ne pouvait pas ignorer que tels crimes avaient été
commis dans la zone où il se trouvait, et qu’il avait occulté des éléments de son passé.
Plusieurs Etats, dont les Etats-Unis le déclarèrent parsona non grata et refusèrent d’entretenir
des relations officielles avec lui (3).
- Perez De Cuellar (1982-1991) : Péruvien diplomate de carrière. C’est surtout à
l’occasion de son second mandat qu’il a eu l’occasion de pratiquer une diplomatie active et
efficace dans de nombreuses crises (Afghanistan, Irak-Iran, Afrique australe)22
.
Boutros-Ghali : Egyptien, ancien ministre des affaires étrangères (et professeur de
droit international publique), il a pris ses fonction au début de 1992 en ayant l’occasion d’être
confronté à de sérieux problèmes, qu’il s’agisse de la Yougoslavie ou de la Somalie. Sa forte
personnalité lui a déjà valu quelques « heurts » avec certaines grandes puissances, qui avaient
perdu l’habitude qu’un secrétaire général leur tienne un discours « ferme », les rappelant au
sens de leurs obligations23
.
2° Les services du secrétariat
Le secrétaire général est assisté d’un certain nombre d’adjoints car il ne peut
naturellement pas faire face à toutes les tâches qui lui incombent. La Charte ne prévoit rien à
ce sujet, c’est à chaque secrétaire général qu’il incombe d’organiser les services comme il
l’entend. Il en va de même pour les sous-secrétaires généraux et les secrétaires généraux
adjoints, placés à la tête des départements des affaires politiques, des affaires économiques,
des opérations de maintien de la paix, des affaires administratives et de gestion, des affaires
humanitaires, des affaires juridiques. Le dosage entre les nationalité présente un équilibre qui
n’est pas toujours facile à réaliser d’autant plus qu’il faut tenir compte aussi du « poids
spécifique » des membres permanents du Conseil de sécurité. Il en est pour preuve que le fait
que les deux sous-secrétaires généraux aux affaires politiques sont un américain et un
Russe…On a déjà eu l’occasion d’indiquer que M. Boutros-ghali avait entendu d’alléger la
bureaucratie onusienne24
.
De nombreux fonctionnaires internationaux sont affectés au secrétariat, la plupart au
siège à New York25
B. – Les attributions du secrétaire général
Si au temps de la SDN le secrétaire général n’avait qu’un rôle administratif, il n’en va
plus de même avec l’ONU. Le secrétaire général a certes toujours des fonctions
administratives et techniques, mais ses fonctions politiques se sont substantiellement
développées.
1° Les fonctions administratives et techniques
21
Voir : PIROTE et MARTIN, La fonction de secrétaire général de l’ONU à travers l’expérience de M.
Waldheim : Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1974, p. 121 22
Voir son article sur le rôle du secrétaire général de l’ONU Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1985, p. 233. 23
L’Express 24 sept. 1992, p. 83, Les quatre vérités de Boutros-ghali. 24
Le Monde 9-10 fév. 1992. 25
Pour les détails voir la Jurisclasseur de droit international, fasc. 121-3, nos
106 à 118.
Outre des fonctions de gestion d’assistance technique, le secrétaire général entretient
des rapports avec les organes principaux de l’ONU.
a) Les fonctions de gestion d’assistance technique
1) La gestion
Il y en a essentiellement deux :
- d’une part, le secrétaire général entant que plus haut fonctionnaire de l’ONU doit
s’occuper de tout ce qui concerne le personnel, c’est à dire son recrutement, le déroulement de
sa carrière ainsi de l’installation des locaux, et ce sous le contrôle de l’Assemblée générale,
qui a adopté en 1952 un statut du personnel, révisé à plusieurs reprises ;
- d’autre part, il est chargé de la préparation du budget pour chaque exercice biennal,
ce qui n’est pas une mince affaire compte tenu de la situation financière critique de l’ONU,
déjà exposée.
2) L’assistance technique
Quatre manifestations de ses activités peuvent entrer dans cette appellation :
- en premier lieu, le secrétariat sert de secrétariat à chaque organe principal, qu’il
s’agisse de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité, de l’ECOSOC ou du Conseil de
tutelle ;
- en deuxième lieu, il s’occupe de la coordination des divers secrétariats des Nations
unies. Il préside le CAC (Comité administratif de coordination) réunissant les responsables de
toutes institutions spécialisées. Il est aussi et surtout chargé de l’exécution des résolutions
émanant des organes principaux ;
- en troisième lieu, il est chargé de l’enregistrement et de la publication des traités
conclu par les Etats membres, fonction déjà prévue par le Pacte de la SDN, en tant que mise
en œuvre des idées du président Wilson sur la condamnation de la diplomatie secrète (art. 102
de la Charte). Un traité non publié ne peut être invoqué dans un organe de l’ONU. En dépit
des progrès de l’informatique le retard en la matière est assez grand…On peut rattacher à cette
fonction celle de dépositaire de traités conclu dans le cadre des Nations unies. Il reçoit les
instruments juridiques relatif à la vie des traités (ratification, adhésion, réserves déclarations
impératives, dénonciation) et les transmets aux autres parties ;
- en quatrième lieu, il participe au fonctionnement de la justice internationale, dans le
cadre de la compétence consultative de la CIJ, en ce sens qu’il ne peut la saisir directement
lui-même, il peut « guider » l’Assemblée générale dans l’option d’une résolution demandant
un avis à la Cour, et dans la procédure devant la Cour, il peut présenter une thèse juridique
devant au nom de l’organisation.
b) Les relations avec les organes principaux
Elles revêtent quatre aspects différents.
1) Rapports avec l’Assemblée générale
Il fournit et dirige le personnel dont il a besoin, reçoit, traduit, imprime, distribue les
documents, publie les compte rendu des séances. Mais surtout il présente chaque année un
rapport à l’Assemblée générale, dans lequel il porte une vue d’ensemble sur la vie de l’ONU,
où il peut exposer ses conceptions personnelles sur la présent et l’avenir de l’organisation.
2) Rapports avec le conseil de sécurité
Il lui fournit également le personnel dont il a besoin, prépare ses réunions, peut
présenter des rapports devant le Conseil de sécurité.
3) Rapports avec l’ECOSOC
Ses attributions sont les mêmes du point de vue de toutes les mesures administratives
pratiques précédant ou suivant les réunions.
4) Rapports avec le Conseil de tutelle
Idem, pour mémoire, vu la disparition de la catégorie des territoires sous tutelle.
2° Les fonctions politiques26
Il est possible d’en prendre compte en les classant en quatre catégories différentes.
a) Présence dans les réunions des organes principaux
Indépendamment des aspects administratifs de sa participation à ces séances,
notamment de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, il peut aussi s’exprimer à
l’occasion de nombreux débats politiques qui ont lieu dans leur cadre, en exposant son point
de vue, en formulant des prépositions pour faciliter le règlement d’une crise ou d’un conflit,
ce que fit par exemple M. Perez de Cuellar en 1985 au sujet de la guerre entre l’Irak et l’Iran.
Le rapport annuel qu’il adresse à l’Assemblée générale n’est pas un simple compte
rendu de l’activité de l’ONU, c’est aussi un document diplomatique dans lequel il présente ses
vues à l’Assemblée générale, qui peuvent être critiques.
b) Pouvoirs d’initiative
L’article 99 de la Charte habilite le secrétaire générale habilite le secrétaire générale à
attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en
danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Si la même faculté n’existe pas
devant l’Assemblée générale, le rapport annuel est l’occasion en réalité d’en faire à peu près
autant… Les secrétaires généraux successifs n’ont fait qu’un usage très modéré du pouvoir
conféré par l’article 99, mais cela ne les empêche pas de prendre des initiatives de deux
manières différentes :
- d’une part, en exerçant une sorte de droit de « remontrance » (terme emprunté à
l’ancien droit français, lorsque les parlements, c’est à dire les cours de justice, exposaient au
monarque, sous forme de discours, les inconvénients à leurs yeux d’un délai ou d’une loi),
consistant à formuler des suggestions et des critiques en vue de l’adoption par les Etats d’un
comportement conforme aux buts et principes de l’ONU. Ainsi M. U Thant n’hésita pas à
critiquer aussi bien l’engagement des Etats-Unis dans la guerre du Viêt-Nam que
l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie en 1968 ;
- d’autre part, en s’attribuant un droit de proposition, en attirant l’attention du Conseil
de sécurité sur certaines affaires. C’est ce que fit par exemple M. Waldheim en 1980, lorsque
éclata la guerre entre l’Irak et l’Iran, en tant que menace à la paix et la sécurité internationales,
mais sans se fonder expressément sur l’article 99 de la Charte. En revanche, la proposition de
successeur M. Perez de Cuellar tendant à faire jouer un rôle au secrétaire générale en matière
d’établissement des faits, y compris par des visites sur place, ne rencontra pas l’assentiment
de l’URSS et de ses alliés en 1982.
Sur la base de l’article 98, aux terme duquel le secrétaire générale remplit toutes autres
fonctions dont il est chargé par ses organes ( les organes principaux), les secrétaires généraux
successifs ont pu élargir leurs fonctions dans deux sens différents :
- en premier lieu, en le chargeant d’une coopération avec les Etats impliqués dans une
crise ou un conflit :
Ce fut la cas en 1956, lors de l’affaire de Suez, lorsque l’Assemblée générale lui
demanda d’œuvrer avec les parties en cause pour assurez le cessez-le-feu, obtenir le retrait des
forces étrangères (France, Royaume-Uni, Israël), mettre sur pied la première force d’urgence
de l’ONU, faciliter le dégagement du canal de Suez (bloqué par des navires coulés par les
Egyptiens) ;
Ce fut le cas à propos de la fin de la guerre entre l’Irak et l’Iran, lorsque le
conseil de sécurité adopta la résolution 598 du 20 juillet 198727
. Sous l’autorité du Conseil de
26
Voir : VIRALY, le rôle politique du secrétaire générale des Nations unies : Annuaire fr. dr. Int. 1958, p. 360.
– SMOUTS, le secrétaire générale de l’ONU, son rôle dans la solution des conflits internationaux, Presse de la
fondation nationale des sciences politiques, 1971. 27
Commentaire par M. E. DECAUX : Annuaire fr. dr. Int. 1988, p. 63 : texte et plan détaillé dans BRETTON,
TD de DIP et de RI, op. cit., p. 330
sécurité, le secrétaire général était chargé de coopérer avec les deux parties, aussi bien pour
faire cesser le conflit (enquête sur ses origines, contrôle du cessez-le-feu et du retrait des
troupes), que pour rechercher un règlement négocié et organiser l’après-guerre (médiation,
reconstruction) ;
- en second lieu, en faisant du secrétaire général un véritable agent d’exécution de
l’organe principal autour de la résolution : tant l’Assemblée générale en exercice des
fonctions importantes, en vue soit de faciliter un processus de décolonisation (affaire de
l’Irian occidental en 1962, entre l’Indonésie et le Pays-bas ; affaire de Namibie), soit de mener
des négociations avec les parties antagonistes pour tenter de parvenir à un règlement pacifique
de leur différend. Les exemples abondent : affaire de Chypres, opposant la Grèce et la Turquie
et les deux communautés locales ; affaire du Sahara Occidental ; conflit israélo-arabe dans ses
diverses phases, en particulier en 1973 ; guerre entre l’Irak et l’Iran ; affaire des diplomates
américains pris en otages à Téhéran en 1979.
d) Au service des buts et des principes de l’ONU
Devenu une « composante normale » du système diplomatique international, le
secrétaire général a été amené à entreprendre toute une série de démarches, les unes de
caractères diplomatiques, les autres de caractère militaire, en tant que « gardien » des buts et
des principes de la Charte, un peu, mutatis mutandis, comme la Commission des
Communautés, qui se considère comme la gardienne de l’intérêt communautaire face aux
intérêts nationaux par définition divergents ; quand ce n’est pas opposés.
1) L’action diplomatique
A plusieurs reprises, les secrétaires généraux n’ont pas hésité à prendre des initiatives en
faveur du maintien de la paix, en mettant en avant ce moyen de règlement des conflits que
sont les bons offices, voire en faisant œuvre de médiateur :
- s’agissant en premier lieu des bons offices, il faut savoir qu’ils ne se différencient de
la médiation que par leur degré et non pas par leur nature, car se qui les caractérise, c’est le
fait par un tiers d’amener deux ou plusieurs Etats en conflits à se rencontrer, à s’asseoir autour
d’un même tapis (vert en principe, cette couleur étant considérée comme ayant des vertus
apaisantes). Tantôt ces bons offices ont été proposées par le secrétaire général en personne,
comme le fit U Thant dans la crise de Cuba en 196228
et lors de la guerre du Viêt-nam entre
1963 et 1968, initiative relayé par M. Waldheim, en 1972, lequel fut présent lors de la phase
finale de la conférence de la paix à Paris en 1973. Tantôt ces bons offices sont demandés par
les parties elles-mêmes, et elles peuvent être exercés par un représentant spécial du secrétaire
général (affaire du Chypre en 1964, affaire d’Afghanistan en 1981) ;
- s’agissant en second lieu de la médiation, elle consiste de la part du médiateur (le
Pape Jean-Paul II dans le conflit territorial entre l’Argentine et le Chili) à participer avec les
parties à la recherche d’un règlement négocié. Cette fonction a été assurée par M. Perez de
Cuellar en 1986 dans les rapport entre la France et la Nouvelle-zélande, pou régler le litige les
opposant à la suite du sabotage en 1985 du navire Rainbow Warrior dans le port d’Auckland
par les services secrets français, afin de l’empêcher de perturber les essais nucléaires français
dans le Pacifique29
. En contre partie de la libération des deux officiers français arrêtés et
condamnés (mais assignés à résidence pour trois ans dans un îlot proche de Mururoa, délai qui
ne fut pas respecté par la France et fut à l’origine d’un nouveau contentieux réglé par voie
d’arbitrage) la France fait des excuses officielles (document non publié), versa de substantiels
dommages-intérêts à la Nouvelle-Zélande et s’engagea à ne pas s’opposer au renouvellement
d’un accord de libre-échange, vital pour l’économie néo-zélandaise, dans le cadre de la CEE.
2) Action politico-militaire
28
Voir à ce sujet VIRALLY, A propos de l’affaire de Cuba : « diplomatie tranquille » et crises internationales :
Annuaire fr. dr., int. 1962, p. 457. 29
(V. le texte de la décision du secrétaire général et les références dans BRETTON, TD de DIP et de RI, op. cit.,
p. 373)
C’est en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales que le secrétaire
général s’est trouvé investi de nombreuses responsabilités ainsi, et c’est nouveau, qu’en
matière de désarmement dans des circonstances particulières :
- s’agissant en premier lieu de maintien de la paix, le secrétaire général a été amené
depuis le début des opérations de maintien de la paix à jouer un rôle de premier plan dans la
constitution et la direction des Casques bleus envoyés sur divers théâtres d’opérations, soit
entre deux Etats (Israël et Egypte en 1956), soit à l’intérieur d’un Etat (le Liban en 1958,
Yougoslavie en 1992). La composition de ces forces est un problème délicat, car il faut
trouver des Etats acceptant d’y participer, les négociations avec l’Etat hôte, dont le
consentement à la présence des forces est indispensable, ne sont pas toujours faciles. Il y a
aussi l’envoi d’observateurs chargés de surveiller le respect du cessez-le-feu, par exemple au
Yémen en 1962 où s’affrontaient l’Egypte et l’Arabie Saoudite. C’est à l’initiative de M. U
Thant que fut mise en place la MONUY (mission d’observation des Nations unies au Yémen).
En revanche, lorsque le Conseil de sécurité a crée par la résolution 687 du 3 avril 1991 la
Mission d’observation des Nations unies pour l’Irak et le Koweït (MONUIK), c’était dans le
cadre d’une ancienne coercitive et sous le contrôle étroit du Conseil de sécurité. Le secrétaire
général disposait d’un délai très bref pour présenter son rapport sur son déploiement et devait
rendre compte immédiatement au Conseil de sécurité de toute violation grave de la zone de
déploiement ou de menace potentielle contre la paix. Ses missions étaient de veiller au
désengagement militaire des Etats de la coalition, de surveiller et d’observer la zone tampon
entre l’Irak et le Koweït, de participer aux opérations de déminage et d’élimination des armes
et des munitions sur le terrain, d’apporter son concours à la Commission de délimitation et de
démarcation de la frontière. Quant à sa composition, il s’agit d’une force multilatérale peu
nombreuse, un millier d’hommes, en provenance d’une trentaine d’Etats, dont les cinq
membres permanents du Conseil de sécurité ce qui est nouveau, car pendant longtemps il était
admis que ceux-ci ne devaient pas être représentés dans les forces chargées des opérations de
maintien de la paix au sens large ;
- s’agissant en second lieu de désarmement (et non pas du désarmement) il convient de
signaler que le Conseil de sécurité, en adoptant le 3 avril 1991 la (longue) résolution 687
précitée, dont le contenu s’apparente à un traité de paix imposé à l’Irak, a fait du secrétaire
général une sorte « d’homme orchestre » du processus de désarmement imposé à l’Irak. C’est
en effet lui qui doit préparer les plans de mise en œuvre du désarmement et de vérification,
qui nomme les membres de la commission spéciale chargée sur place du désarmement, qui
reçoit les déclaration demandée à l’Irak, qui assure les relations avec les institutions
spécialisées et surtout avec l’AIEA (Agence internationale d’énergie atomique). Le rôle qui
lui est dévolu n’est pas celui d’un simple exécutant, la multiplicité et la diversité des tâches
qui lui sont confiées lui laisse une part non négligeable d’initiative, mais naturellement sous
l’autorité du Conseil de sécurité compte tenu du caractère très particulier de cette affaire, sans
précédent dans l’histoire des Nations unies30
.
La description ainsi faite des attributions du secrétaire général montre l’originalité de
la diplomatie que les différents secrétaires généraux, chacun avec sa personnalité, ont mené
depuis près d’un demi-siècle à la charnière entre la diplomatie bilatérale classique, qui
conserve son importance, et la diplomatie multilatérale qui s’effectue au sein des Nations
unies. Par son rôle d’intermédiaire entre les parties à un conflit il contribue efficacement,
même si c’est parfois de manière discrète, à la recherche d’un règlement pacifique. L’échec
30
Voir : SUR, La résolution 687 (3 avril 1991) du Conseil de sécurité dans l’affaire du golfe : problème de
rétablissement et de garantie de la paix, Travaux de recherche de l’UNIDIR (Institut des Nations unies pour la
recherche sur le désarmement), 1992, n° 12.
de la démarche de M. Perez de Cuellar auprès du président irakien à la veille du
déclenchement de la guerre du golfe, le 13 janvier 1991, en montre aussi les limites31
SOUS – SECTION II : LES INSTITUTIONS SPECIALISEES ET LES
ORGANISATIONS AUTONOMES
La « famille » de l’ONU comprend des institutions spécialisées (§1) et des
organisations autonomes (§2).
§1. – Les institutions spécialisées32
Un bref rappel historique s’impose pour mieux situer leur existence sur le plan
international.
Ce n’est qu’au siècle dernier que des institutions internationales sont apparues et se
sont développées progressivement du fait de l’évolution technique et des impératifs
économiques.
Il s’est agi d’abord du domaine des communications, avec l’Union télégraphique
international (Union international des télécommunication maintenant), l’Union postale
universelle (n’a pas changé de nom), l’Union internationale pour le transport des
marchandises par chemin de fer. Du domaine de la santé ensuite, avec l’Office international
de la santé publique (l’OMS maintenant), l’Office international d’hygiène. Du domaine
économique au sens large enfin, avec l’Union internationale pour la protection de la propriété
littéraire et artistique (l’OMPI maintenant), l’Union pour le système métrique, l’Office
international pour l’agriculture (la FAO maintenant).
Ces organisations étaient intergouvernementales, créées par voie de traités, elles été
dotées d’organes permanents, et ne devaient pas s’occuper de politique (d’où leur nom
générique d’Union administratives, en insistant sur cet adjectif).
Le Pacte de la SDN tenta de mettre un peu d’ordre dans ce foisonnement en énonçant
dans son article 24 que les bureaux internationaux (principal organe administratif de chacune)
établis par traités collectifs seraient placés sous l’autorité de la SDN, mais se fut un échec car
ces Unions entendaient conserver leur autonomie, mais faisaient partie de certaines de ces
Unions, ils ne plaidaient guère en faveur d’une quelconque tutelle de la SDN…
Il en va différemment maintenant sous l’empire de la Charte de l’ONU dont l’article
57 dispose que diverses institutions spécialisées (agencies en anglais) créées par des accords
intergouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d’attributions internationales
étendues dans les domaines économiques, social, de la culture intellectuelle et de l’éducation,
de la santé publique et dans d’autres domaines connexes sont (c'est-à-dire devront être) reliées
à l’ONU. Entrent désormais dans la catégorie spécifique des institutions spécialisées les
organisations intergouvernementales (donc pas les ONG), éventuellement préexistantes à
l’ONU (l’Oit notamment, dont la constitution figurait dans la partie XIII du traité de
Versailles), ou créées postérieurement.
Actuellement, il existe seize institutions spécialisées : FAO (Organisation pour
l’alimentation et l’agriculture), OACI (Organisation de l’aviation civile internationale),
UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), OIT
(Organisation international du travail), BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et
le développement), FMI (Fonds monétaire international), OMS (Organisation mondiale de la
santé), UPU (Union postale universelle), UIT (Union internationale des télécommunications),
OMI (Organisation maritime internationale), OMM (Organisation météorologique mondiale),
SFI (Société financière internationale), AID (Association internationale pour le
31
Un extrait du procès-verbal de cette entrevue a été publié dans le livre de Roland JACQUARD, Les cartes
secrètes de la guerre du Golfe, éd. De Villiers, 1991, p. 302. 32
voir : ZARB, Les institutions spécialisées du système des Nations unies et leurs membres, Pedone, 1980. –
DREYFUS, Droit des relations internationales, Cujas, 1987 pour OIT, la BIRD, l’UNESCO. – COLLIARD, les
institutions des relations internationales, DALLOZ, 1990, p. 643 et s.
développement), OMPI (Organisation mondiale de propriété intellectuelle), FIDA (Fonds
international pour le développement agricole), ONUDI (Organisation des Nation unies pour le
développement industriel).
Par contre ni l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) ni le GATT
(accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, succédané de ce que devait être l’OIC,
l’Organisation internationale du commerce, mais qui ne fut pas mise en place en raison de
l’opposition des Etats-Unis) ne sont statutairement des institutions spécialisées, mais on
considère cependant qu’elles font parties de la « famille » des Nations unies.
L’article 63 de la Charte énonce que ces institutions spécialisées sont reliées à l’ONU
par des accords pris à l’initiative soit de l’institution spécialisée soit de l’ECOSOC ; ils
doivent être approuvés par l’organe plénier de l’institution spécialisée et par l’Assemblée
générale de l’ONU. Ils présentent naturellement nombre de points communs : représentation
réciproque des deux organisations internationales, échanges de renseignements de documents,
de rapports, modalités de coopération, adoption des règles communes quant au statut du
personnel.
Mais les institutions spécialisées conservent leur autonomie : quant à leur composition
qui n’est pas foncement identique à celle de l’ONU, car des Etats non membres de l’ONU
(Suisse) peuvent en faire partie ; quant à leur siège, la plupart des temps de celui de l’ONU (la
plupart ont leur siège en Europe, notamment en Suisse, mais aussi en France, l’UNESCO, en
Italie, FAO, en Autriche, ONUDI) ; quant à leur budget, voté par leur organe plénier, même si
l’Assemblée générale de l’ONU peut examiner leurs budgets administratifs et leurs adresser
des recommandations.
Chacune exerce ses activités conformément au principe de spécialité, mais en vertu de
l’article 63, § 2 de la Charte de l’ECOSOC peut leur faire des recommandations et coordonner
leur activité (par l’intermédiaire du CAC, le Comité administratif de coordination précité).
Leur structure est généralement tripartite, avec un organe plénier comprenant tous les
Etats membres, se réunissant tous les ans ou à des intervalles plus éloignés (jusqu'à quatre
ans), dont le rôle est de déterminer les principes généraux d’action de chacune ; un organe
restreint, permanent, composé d’un plus ou moins grand nombre d’Etats, élus par l’organe
plénier, se réunissant au moins une fois par an ; un organe administratif, servant de secrétariat,
préparant les réunions des deux autres, assurant le suivi de leurs décisions, chargé de la
gestion courante de l’institution spécialisée, avec le concours d’un personnel plus ou moins
étoffé.
Deux particularités sont à signaler :
- d’une part, celle de l’OIT, car elle se caractérise par une présentation tripartite, c'est-
à-dire que les délégations nationales comprennent non seulement des représentant des
gouvernements, mais également des salariés et des employeurs, tant au sein de l’organe
plénier qu’au sein du conseil d’administration ;
- d’autre part, celle des institutions financières (FMI, BIRD, et ses filiales, la SFI et
l’AID), car pendant longtemps les Etats socialistes s’en sont tenus à l’écart, y voyant le
symbole du « capitalisme » (ils s’efforcent d’y rentrer maintenant). Dans leur fonctionnement
prévaut le principe de la pondération des votes, c'est-à-dire qu’il n’y a pas d’égalité entre Etats
membres, chacun dispose d’un nombre de voix proportionnel à sa participation financière au
budget ou au capital de l’organisation internationale33
.
Leurs activités sont plus opérationnelles (prêts) que normatives (élaboration de
conventions).
§ 2. – Les organisations autonomes
Depuis 1964, à ‘initiative du tiers monde, désireux de voir augmenter le nombre des
organismes internationaux susceptibles de contribuer à son développement économique,
33
Voir : DRAGO, La pondération dans les organisations internationales : Annuaire fr. dr. Int. 1956, p. 529.
l’Assemblée générale de l’ONU a créé des « organisations autonomes », en se fondant sur
l’article 22 de la Charte qui lui permet « de créer les organes subsidiaires qu’elle juge
nécessaire à l’exercice de ses fonctions » (l’article 29 habilite le Conseil de sécurité à en faire
autant).
Ont été ainsi créés e 1964 la Conférence des Nations unies pour le commerce et le
développement, et en 1966 l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel
et le Fonds d’équipement des Nations unies.
A la différence des institutions spécialisées les organisations autonomes sont
étroitement rattachées à l’ONU, c’est l’Assemblée générale qui fixe leur budget.
L’ONUDI a changé de statut en 1979 en devenant à son tour une institution
spécialisée34
.
SECTION III : LES PRINCIPALES ACTIVITES DE L’ONU
Elles correspondent à trois préoccupations majeures qui apparaissent à la lecture de la
Charte, mais qui ont été évolue depuis 1945. il s’agit de maintien de la paix et de la sécurité
internationales (sous-section I), du développement économique et social (sous-section II) et
de la protection des droits de l’homme. Les dimensions limitées de ce manuel conduisent à ne
traiter que des deux premières, la troisième relevant d’un cours spécial en licence, le cours de
libertés publiques.
SOUS-SECTION I : LE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE
INTERNATIONALE
Les conditions dans lesquelles l’ONU a été créée en 1945 expliquent l’importance
donnée par les auteurs de la Charte à cette formule qui revient comme un véritable leitmotive
dans le texte. Tenant naturellement compte de l’expérience, c'est-à-dire de l’échec de la SDN,
en matière de sécurité collective, les Etats présents à la conférence de San Francisco en 1945
on établi un système destiné à permettre le maintien de la paix et de la sécurité internationales
(§ 1), mais du fait de la guerre froide il n’ pas fonctionné, et, à la place, s’est développé un
concept nouveau, non prévu expressément par la Charte, celui des opérations de maintien de
la paix (§ 2).
§ 1. – Le système de sécurité collective figurant dans
la Charte35
On ne reviendra évidemment pas sur le problème de l’interdiction du recours à la force
(armée) déjà traité par la première partie, en tant que principe politique fondamental devant
régir les rapports entre Etats. Son corollaire es l’obligation pour les Etats de régler
pacifiquement leurs litiges, tout un chapitre de la Charte y est consacré VI (art. 33 à 33),
accordant une prééminence au Conseil de sécurité en ce domaine, par voie de
recommandation, l’Assemblée générale pouvant également intervenir en la matière en en
34
Voir : FISCHER, L’UNCTAD et sa place dans le système des Nations unies : Annuaire fr. dr. Int. 1966, p.
234. – BRETTON, Les conditions de création de l’ONUDI : Annuaire fr. dr. Int. 1968, p. 454. – BRETTON, La
transformation de l’ONUDI en institution spécialisée : Annuaire fr. dr. Int. 1979, p. 567. 35
Voir : MANIN Ph., l’ONU et le maintien de la paix, t. 60 de la Bibliothèque de droit international, LGDJ,
1971. – COLARD et GUILHAUDIS, le droit de sécurité internationale, Masson,1987. – VAN LANGENHOVE,
La crise du système de sécurité collective des Nations unies 1946-1957, Nijhoff, 1958. – COMBACAU, Le
pouvoir de sanction de l’ONU. Etude théorique de la coercition non militaire, Pedone, 1974. – LADREIT de
LACHARRIERE G/ La réglementation du recours à la force : les mots et la conduite, Mélange CHAUMONT,
Pedone, 1984, p. 347.
discutant, voire en formulant aussi des recommandations (si le Conseil de sécurité le lui
demande ou s’il ne remplit pas ses fonctions).
La sécurité collective a correspondu à l’introduction d’un nouveau concept dans les
relations internationales, datant de la SDN, et différencie du phénomène classique (qui n’a pas
disparu autant) des alliances (défensives ou offensives au siècle dernier). En effet, on peut le
résumer en disant qu’i s’agit d’un procédé de maintien de la paix dans lequel la sécurité de
chaque Etat membre d’une entité internationale ne dépend plus seulement de ses propres
forces, mais également de celle des autres Etats membres, car il sait qu’en cas de menace ou
d’attaque, provenant d’un Etat extérieur à cette entité, ou en faisant partie, il peut compter sur
la solidarité des autres Etats membres pour assurer sa défense. L’Ethiopie, membre de la SDN
en 1935, aurait pu penser compter sur le jeu de la sécurité collective lorsqu’elle fut attaquée
par l’Italie. La France et le Royaume-Uni, désireux de ménager à l’époque Mussolini, pour
éviter qu’il ne s’allie avec Hitler (ce qui se fit peu de temps après), n’adoptèrent pas vis-à-vis
de l’Italie une attitude très intransigeante, les seules sanctions prises (embargo sur les
exportations des armes, interdiction de certaines opérations financières), n’étant pas de nature
à gêner vraiment l’Italie au point de la contraindre à renoncer à son expédition (il en aurait été
peut être différemment si le canal de Suez avait été fermé et si un embargo sur le pétrole avait
été décrété).
Mais on voit immédiatement à quelles limites se heurte tout système de sécurité
collective dans un cadre international assez large ; il implique une telle solidarité, un tel degré
de cohésion entre ses membres qu’il ne peut être effectifs que dans une entité limitée, plus
régionale qu’universelle.
C’est au chapitre VII (art. 39 à 51) de la Charte qu’il convient de se référer pour
comprendre le mécanisme mis en place en 1945, caractérisé par trois traits, son
déclenchement (A), la diversité des mesures de réaction collective organisée (B), sa place par
rapport aux organisme et accords régionaux (C). Ce fut un échec (D).
A. – Le déclenchement du mécanisme
Le Conseil de sécurité a, il faut le rappeler, en vertu de l’article 24 de la Charte, la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. C’est donc cet
organe qui va jouer ici un rôle de premier plan.
1° Le jeu de l’article 39 En vertu de cet article, il incombe au Conseil de sécurité de qualifier la situation en
face de laquelle l’ONU se trouve confrontée, car il peut s’agir d’une (simple) menace contre
la paix, d’une rupture de la paix, ce qu’il y a de plus grave, d’une agression. S’agissant d’un
domaine éminemment politique, on se doute que l’objectivité n’est pas de règle en la matière.
Il n’y guère que l’Afrique du Sud qui ait été taxée d’agression à la suite de certains raids
contre l’Angola ou le Mozambique (en 1984). Le Conseil de sécurité préfère ménager certains
Etats, comme le montrent l’exemple de la guerre des Malouins en 1982, dans lequel
l’intervention armée de l’Argentine contre les îles Falkland ne fut qualifiée que de rupture de
la paix36
, et surtout celui de l’Irak lors de la crise du Golfe en 1990, puisque la première
résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 2 août 1990, n° 660, se bornait également à
constater qu’il existait, du fait de l’invasion du Koweït par l’Irak, une rupture de la paix et de
la sécurité internationales. Ile est évident que le jeu du pouvoir de veto permet un membre
permanent de défendre ses intérêts ou ceux d’un de ses alliés, « ami » ou « client »…
L’assemblée générale a une fois déclaré qu’un Etat était agresseur, il s’agissait de la Chine
communiste lors de la guerre de Corée, en 1951 (résolution du 1er
février 1951).
2 ° Le jeu de l’article 40
36
Résolution 502 du 3 avril 1982 : V. ROUSSEAU, Chronique des faits internationaux : Rev. Gén. Dr. Int. Publ.
1982, p. 724.
Avant toute action, le Conseil de sécurité peut prendre des mesures provisoires qui, en
tant que telles, se préjugent par des droits des parties, mais sont destinés à éviter le pire, afin
d’empêcher la situation de s’aggraver. La plus courante est le cessez-le-feu.
B. – Les mesures pouvant être prises
en tant que réaction collective organisée
Nous utilisons à dessein cette formule pour ne pas reprendre le mot de sanction,
couramment et généralement utilisé, révélateur de la propension à recourir au vocabulaire
juridique interne qui n’est pas forcément le mieux adapté pour rendre compte de la spécificité
des phénomènes internationaux. Toute une gradation existe entre les mesures de coercition
qui peuvent être décidées par le Conseil de sécurité, selon qu’elles sont ou non de nature
militaire.
1° Les mesures de coercitions non militaires (art. 41)
Le Conseil de sécurité peut recourir à toute une gamme de mesures que les Etats
membres sont invités à appliquer, ce qui les lie en vertu de l’article 25, qui énonce que les
membres de l’ONU conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité
conformément à la présente Charte. On peut se demander ce qui se serait passé, par exemple,
si les deux chambres du Congrès américain avaient refusé en 1991 d’autoriser le Président à
recourir à la force armée pour assurer la mise en œuvre de la résolution 678 du 29 septembre
1990, compte tenu de la faible majorité qui se dégagea du Sénat lors du vote du 12 janvier
1991…
Concrètement, les mesures énumérées sont les suivantes : interruption complète ou
partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes,
postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communications ainsi que
la rupture des relations diplomatiques.
2° Les mesures de coercitions militaires
C’est aux articles 42 à 47 qu’il convient de se reporter.
En premier lieu, l’article 42 énonce que si le Conseil de sécurité estime que les
mesures précédentes seraient inadéquate, donc a priori, ou si elles se révèlent tells après cop
(les mesures économiques prises contre l’Irak entre août 990 et janvier 1991 ne l’ont pas
inciter à se retirer du Koweït), il peut entreprendre toute action qu’il juge nécessaire pour le
maintien ou le rétablissement de la paix, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres,
ce qui peut se traduire par des démonstrations, des mesures de blocus et autres opérations
exécutées par telles forces.
En deuxième lieu, l’article 43 prévoit que les membres de l’ONU s’engagent à mettre
à la disposition du Conseil de sécurité de telles forces armées en concluant des accords à ce
sujet, fixant la nature et les effectifs de ces forces, leur degré de préparation et leur
emplacement général, ces accords étant conclus entre le Conseil de sécurité et des membres
ou groupes de membres (en précisant qu’il devraient être ratifiés conformément aux règles
constitutionnelles de chacun, ce qu s’explique vu leur importance politique).
En troisième lieu, l’article 47 dispose qu’un comité d’état majeur composé de chefs
d’état-majeur des cinq membres permanent doit être établi, sous l’autorité du Conseil de
sécurité pour le conseiller et l’assister pour tout ce qui concerne les moyens d’ordre militaires.
Il est responsable de la direction stratégique de toutes les forces armées mises à la disposition
du Conseil de sécurité.
C’était donc la mise en place d’une véritable force armée internationale qui était
prévue, contrairement à ce qui s’était passé au temps de la SDN, où les temps n’étaient
manifestement pas encore mûrs pour aller aussi loin.
C. – Sa place par rapport aux organismes et accords régionaux
Le chapitre VIII (art. 52 à 54) est consacré aux accords régionaux.
D’une part, l’article 52 affirme que rien dans la Charte ne s’oppose à l’existence
d’accords ou organismes régionaux destinés à régler des affaires qui, touchant au maintien de
la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu
qu’ils soient compatibles avec les butes et les principes de l’ONU. S’ils n’existaient pas
encore en 1945, on peut voir à l’expression de la permanence des vues américaines
désireuses de ne pas affaiblir les relations particulières interaméricaines, ce qui s’était
manifesté déjà dans l’article 21 du Pacte de la SDN : « les engagements internationaux, tels
que les traités d’arbitrage et les ententes régionales, comme la doctrine de Monroe, qui
assurent le maintien de la paix, ne sont considérés comme incompatibles avec aucune des
dispositions du présent Pacte».
D’autre part, l’article 52 consacre la supériorité du système onusien, puisqu’il est dit
qu’aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d’accords régionaux ou par des
organismes régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité (exception faite des mesures
pouvant être prise contre un Etat ex-ennemi, ultime survivance, avec l’article 107, du contexte
conflictuel de la Seconde Guerre mondiale, mais tombée en désuétude et que le Japon et
l’Allemagne souhaiteraient voir disparaître lors d’une éventuelle révision de la Charte…). Si
une telle action était entreprise, le Conseil de sécurité devrait être tenu pleinement au courant
(art. 54).
D. – L’échec de ce système et la recherche d’un substitut à sa défaillance
1° L’échec du système
En décrire les causes et les effets obligerait pratiquement à faire en bonne partie
l’histoire de la guerre froide…Il de rappeler que du fait des dissensions Est-ouest de la guerre
froide, qui non pas manqué d’affecter non plus les rapports interétatiques au sein de l’ONU, le
système de sécurité collective prévu par le texte de la Charte n’a jamais pu fonctionner.
Aucun accord spécial sur la mise à disposition du Conseil de sécurité n’a pus être conclu, le
Comité d’état-majeur n’a pas pu fonctionner (il fut question de le réactiver pendant la guerre
du golfe en 1991, mais les Etats-Unis ne tenaient manifestement pas à e que la conduite des
opérations militaires qu’ils entendaient mener à leur guise fût contrôlées par organisme
comprenant des officiers généraux soviétiques et chinois). Aucune action militaire coercitive
ne fut entreprise, dans les rares cas où des actions coercitives non militaires ont été décidées il
s’agissait de sanctions économiques contre une puissance « coloniale » ou « raciste »
(Portugal, Afrique du Sud, Rhodésie), à l’initiative de l’assemblée générale plus que du
Conseil de sécurité. Par contre, les accords et organismes régionaux connurent un indéniable
succès, fondé sur la légitime défense collective reconnue par l’article 51 qui la qualifie de
droit naturel (inhérent right), qu’elle soit individuelle ou collective. Tant le traité de l’alliance
atlantique conclu le 4 avril 194937
ne manquèrent pas d’y faire référence.
On en revenait au système des alliances militaires défensives traditionnelles…
2° La recherche d’un substitut à l’occasion de la guerre de Corée L’Union pour le maintien de la paix
38
La guerre de Corée (1950-1953) a été avec les deux guerres du Viêt-nam, « une
guerre chaude de la guerre froide », puisque les troupes américaines ont été engagées contre
des troupes communistes (nord-coréennes et chinoises, mais pas soviétiques). Elle éclata le 25
juin 1950, lorsque les troupes nord-coréennes envahirent la Corée du Sud. Réuni
37
Texte dans REUTER et GROS, op. cit., p. 202) , que le Pacte de Varsovie, du 14 mai 1955 (idem, p.
207dissous en 1991) 38
Voir : LABOUZ, l’ONU et la Corée, recherche sur la fiction en dr it international public, Publications
universelles de Paris, 1980. – GUILHAUDIS, Considération sur la pratique de ‘’ L’Union pour le maintien de la
paix’’ : Annuaire fr. dr. Int. 1981, p. 382.
immédiatement, le Conseil de sécurité constat qu’il avait rupture de la paix, invita les nord-
Coréens à se retirer et les membres de l’ONU à prêter leur concours à l’ONU, ce qui peut être
fait parce que l’URSS pratiquait à ce moment-là la politique de la « chaise vide » (V. supra).
Le 27 juin 1950, le Conseil de sécurité recommanda que les membres de l’ONU
fournissent la République de Corée (du Sud) l’assistance nécessaire pour repousser l’attaque
armée et rétablir la paix et la sécurité internationales dans la région, placées à la disposition
d’un commandement unifié sous l’autorité des Etats-Unis. Ces forces étaient autorisées à
combattre sous le pavillon des Nations unies ce qui n’a pas été le cas lors de la guerre du
Golfe de 1991, car même si le recours à la force armée contre l’Irak a été avalisé par le
Conseil de sécurité dans la résolution 679 du 29 novembre 1990, il ne s’est pas agi d’une
guerre des Nations unies, ce que les Etats-Unis ne souhaitaient pas. En l’absence des accords
spéciaux prévus par l’article 43 précité, le Conseil de sécurité ne pouvait agir autrement. Une
quinzaine d’Etats, la plupart des alliés des Etats-Unis, acceptèrent d’intervenir militairement à
leurs côtés (pour la France, alors engagée militairement dans l’Indochine39
, mais le guerre de
Corée, comme trente ans plus tard la guerre du Golfe, fut dirigée par les Etats-Unis qui
supportèrent l’essentiel du fardeau des opérations militaires en hommes e en matériel. C’est,
jusqu'à présent, le seul cas dans l’histoire de l’ONU où une opération de coercition militaire a
été organisée sous l’égide de l’ONT, grâce à la coopération des forces armées nationales que
certains Etats avaient accepté d’envoyer combattre sur place.
Cette guerre s’est terminée par un armistice conclu à Pan Mun Jon le 27 juillet 1953
entre d’un côté les forces sino-nord-coréennes et de l’autre les forces de l’ONU, sans
vainqueur ni vaincu. Il faudra attendre le 13 décembre 1991 pour qu’un traité de
réconciliation soit conclu entre les deux Etats coréens qui ont été admis (enfin) à l’ONU40
.
Mais se rendant compte que la politique de la chaise vide se retournant contre ses
intérêts, l’URSS décida de revenir siéger au Conseil de sécurité en août 1950, et comme elle
ne manqua pas de faire usage de son pouvoir de veto, le Conseil de sécurité fut empêché
d’adopter de nouvelles résolutions relatives à cette guerre.
Les Etats-Unis eurent alors l’idée de faire adopter par l’Assemblée générale (à cette
époque les Occidentaux y contrôlaient encore la majorité) une résolution, passée à la
postériorité du nom de son objet « Union pour le maintien de la paix »41
, le 3 novembre 1950,
ou encore du nom de son instigateur, le secrétaire d’Etat Dean Acheson, n° 377 (V) (c’est -à-
dire adoptée lors de la cinquième session ordinaire de l’Assemblée générale). Partant du
principe que l’article 24 de la Charte confère certes au Conseil de sécurité la responsabilité
principales du maintien de la paix, mais que cette responsabilité n’est pas exclusive, et que
l’article 12 peut s’interpréter à contrario dès lors que le Conseil de sécurité ne remplit pas à
l’égard d’un différend ou d’une situation les fonctions qui lui sont attribuées par la Charte, ce
qui habilite à ce moment-là l’Assemblée générale à faire une recommandation, cette
résolution opérait un transfert de compétence (mais pas de pouvoirs) du Conseil de sécurité,
paralysé par les dissensions entre les membres permanents, en faveur de l’Assemblée
générale, qui réunie s’il le faut en session extraordinaire d’urgence, peut faire les
recommandations appropriées sur les mesures à prendre, y compris, s’il s’agit d’une rupture
de la paix ou d’un acte d’agression, l’emploi de la force armée en cas de besoin pour
maintenir ou pour rétablir la paix et la sécurité internationales.
Cette résolution, vivement critiquée par l’URSS qui lui reprochait de bouleverser
l’équilibre entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale en matière de maintien de la
paix et de correspondre à une révision déguisée de la Charte, a été utilisée dans un certain
nombre de crises (1950, Corée ; 1956, affaires de Suez et de Hongrie ; 1958, affaire du
Liban ; 1960, affaire du Congo ; 1967, guerre des Six jours). Mais si son application a permis
39
V. Erwan BERGOT, Bataillon de Corée, les volontaires français 1950-1953, Presse de la cité, 1983 40
Le Monde 14 déc. 1991 41
Texte dans REUTER et GROS, op. cit., p. 193.
à l’Assemblée générale de discuter des affaires en question, une nouvelle notion est apparue
dans la pratique de l’ONU, celle dite des opérations de maintien de la paix.
§ 2. – Les opérations de maintien de la paix42
Au sens large, on entend par opérations de maintien de la paix, d’une part, les missions
d’observation de l’ONU ne comprenant que des effectifs limités, chargés de tâches de
surveillance (constatation des violations du cessez-le-feu par exemple et compte rendu), et,
d’autre part, les forces de maintien de la paix proprement dites, impliquant des effectifs plus
nombreux et chargés notamment de s’interposer entre les belligérants pour éviter une reprises
des hostilités. Entrent dans la première catégorie l’ONUST (Organisation des Nations unies
pour la surveillance de la trêve en Palestine, créée en 1948), le GONUL (groupe
d’observateurs des nations unies pour l’Inde et le Pakistan créée en 1965), la MONUY
(mission d’observation des Nations unies au Yémen créée en 1963), le GOMNUII (la mission
d’observation des Nations unies pour l’Irak et l’Iran créée en 1987), l’UNUIK (la mission
d’observation des Nations unies pour l’Irak et le Koweït créée en 1991).
Ce sont des forces de maintien de la paix dont nous traitons ici. Leur mission est
périlleuse, et c’est en récompense de leur contribution effective au maintien de la paix que le
Prix Nobel de la paix a été attribué aux Casques bleus de l’ONU en 1988, et remis au
secrétaire général de l’ONU.
Il convient de passer en revue les circonstances de leur création (A), le développement
et l’expansion contemporaine des forces (B), les comparaison que l’on peut effectuer avec les
actions de sécurité collective (C).
A. – Les circonstances de la création des forces maintien de la paix43
Lors de la crise de Suez en 1956, le Conseil de sécurité fut paralysé par double veto
franco-britannique. Saisi en vertu de la résolution Dean Acheson précitée, l’Assemblée
générale recommanda un cessez-le-feu, qui n’était acceptable pour la France et le Royaume-
Uni qu’à condition qu’une force internationale fût déployée pour préserver la paix entre
Israël et l’Egypte. C’est à l’initiative du Canada, désireux de « sauver la face » de ces deux
Etats amis, que l’Assemblée générale décida le 4 novembre 1956 de créer la FUNU (OU
UNEF, Force d’urgence des Nations unies), déployée dans le Sinaï, le long de la ligne
d’armistice entre Israël et l’Egypte, mais uniquement du côté Egyptien, ainsi qu’à Charm el
Cheikh qui contrôle l’entrée du Golfe d’Akaba. C’est la seule fois, jusqu'à présent, dans
l’histoire des Nations unies où une telle force a été créée par Assemblée générale, en tant
qu’organe subsidiaire. L’URSS et la France contestèrent la validité de ce qu’elles
considéraient comme une atteinte à l’article 11, § 2 de la Charte réservant au Conseil de
sécurité la compétence pour entreprendre une action en matière de maintien de la paix.
B. – Le développement et l’expansion contemporaine des forces de maintien de la paix
Depuis trente-cinq ans, le Conseil de sécurité a créé à plusieurs reprises, dans des
cadres et au sujet de conflits bien différents, des forces d’urgence, soit pour séparer deux
Etats, soit à l’intérieur d’un Etat pour éviter des affrontements sanglants entre deux
communautés.
1° L’ONUC (Organisation des Nations unies au Congo)44
42
Voir : BALLALOUD, L’ONU et les opérations de maintien de la paix, Pedone, 1971. – FLORY, L’ONU et
les opérations de maintien de la paix : Annuaire fr. dr. Int. 1965, p. 446. – MARTINEZ, le financement des
opérations de maintien de la paix de l’ONU : Rév. Gén. Dr. Int. Publ. 1977, p. 102. – LE PELLET (Général),
Les bérets bleus de l’ONU à travers 40 ans de conflits israélo-arabe, éd. France Empire, 1988. 43
Voir : POIRIER, La Force international d’urgence, t XXI de la Bibliothèque de droit international, LGDJ,
1962.
L’accession de l’ex-Congo belge à l’indépendance en 1960, s’accompagna de troubles
graves, des ressortissants belges furent victimes d’exactions qui provoquèrent une
intervention militaire belge, et la province la plus riche, le Katanga, en profita pour tenter de
faire sécession. A la demande des autorités congolaises, fut créée l’ONUC, qui comprit
jusqu'à 20 000 hommes (d’où la crise financière de l’ONU). La situation se dégrada au point
que le Conseil de sécurité autorisa ces forces à recourir à la force armée si besoin en était,
pour maintenir l’intégrité territoriale du Congo, aider le gouvernement central ç rétablir
l’ordre, s’emparer des personnels militaires et paramilitaires étrangers combattant au Katanga
(résolution du 24 novembre 1961). C’était un élargissement substantiel des missions dévolues
des Casques bleus dont l’ONU a considéré qu’elles ne devraient pas avoir la valeur de
précédent. Il est vrai que la crise était grave, car comme les Etats-Unis et l’URSS avaient
chacun leurs « champions » qui se disputaient le pouvoir sur place, la guerre froide risquait de
s’étendre au continent africain.
2° L’UNIFICYP (la force intérimaire des Nations unies à Chypre)
Ancienne possession Ottomane devenue colonie britannique, Chypre accéda à
l’indépendance en 1960 mais les deux communautés qui vivent dans cette île, la communauté
grecque majoritaire, et la communauté turque, minoritaire, ne s’entendirent pas et une guerre
civile éclata en 1964. le Conseil de sécurité créa l’UNIFICYP pour s’interposer entre elles.
Elle y est toujours et n’a pas empêché l’invasion de l’île par la Turquie en 1974. le problème
chypriote n’est toujours pas réglé.
3° La création d’autres forces en relation avec le conflit israélo-arabe
On a déjà eu l’occasion de dire qu’en 1967, Nasser demandé le retrait des Casques
bleus dans le Sinaï, accusé par la Syrie d’abriter derrière eux pour ne pas affronter Israël,
initiative intempestive qui jointe à la décision de faire le blocus du Golfe d’Akaba, allait
constituer pour Israël un casus belli à l’origine de la guerre des Six Jours. A la suite de la
quatrième guerre israélo-arabe, celle d’octobre 1973, une nouvelle force d’urgence fut créée
par le Conseil de sécurité, la FUNU, n° II, pour s’interposer entre Israël et l’Egypte, et surtout
veiller aux accords de désengagement conclu entre eux en 1974 et en 1975. Le veto soviétique
à son renouvellement en 1979, imputable au mécontentement de l’URSS d’avoir été tenue à
l’écart du processus de paix séparée égypto-israélien par les Etats-Unis, se traduisit par la
mise en place (prévue par le traité de paix du 26 mars 1979) d’une force multinationale
d’observateurs dans le Sinaï composée d’alliés des Etats-Unis45
.
De même, sur le front syrien, le Conseil de sécurité créa en 1974 la FNUOD (Force
des Nations unies d’observation du désengagement) entre Israël et la Syrie. Il faut savoir que
si Israël a annexé en 1981 une bonne partie du plateau du Golan, il existe une zone
démilitarisée où les Casques bleus sont présents, suite à un accord entre les deux belligérants
le 31 mai 1974.
Enfin, à la suite de l’invasion du Sud du Liban par les forces armées israélienne en
1978, le Conseil de sécurité a créé la FINUL (force intérimaire des Nations unies au Liban) en
1978, pour confirmer le retrait de ces forces, rétablir la paix et la sécurité internationales et
aider le gouvernement libanais à assure la restauration de son autorité effective dans la région.
Elle n’a pas été en mesure de faire obstacle à une nouvelle invasion israélienne de grande
ampleur en 1982 (opération Paix en Galilée)46
.
4° L’expansion contemporaine des forces de maintien de la paix
44
Voir : LECRLERCQ, L’ONU et l’affaire du Congo, Payot, 1964. 45
Voir : LUCCHINI, La force internationale du Sinaï : le maintien de la paix sans l’ONU : Annuaire fr. dr. Int.
1983, p. 121. 46
Voir : MARTINEZ, la force intérimaire des Nations unies au Liban : Annuaire fr. dr. Int. 1978, p. 479.
Deux conflits bien différents viennent d’être récemment l’occasion de déployer des
Casques bleus en grand nombre, au Cambodge d’une part, en Yougoslavie d’autre part.
a) au Cambodge47
Il a fallu un peu plus de deux ans pour parvenir à la signature d’un accord de paix au
Cambodge, par la Conférence de Paris, le 23 octobre 1991. Impliqué dans les deux guerres
d’Indochine, le Cambodge était devenu un lieu d’affrontement sino-soviétique par alliés
interposés, les Nord-vietnamiens qui avait envahi le Cambodge en 1978 étant soutenus par
l’URSS, tandis que les Khmers rouge l’étaient par Les chinois. L’effondrement du régime
communiste en URSS a paradoxalement rapproché les Chinois et les Nord-miens, bien qu’ils
se soient directement combattus en 1979. Comme sur le terrain aucune des deux autorités
rivales, le gouvernement de Phnom Penh mis en place par les Vietnamiens, la coalition
tripartite (Khmers rouge, les partisans du prince Norodom Sihanouk et Front national de
libération du peuple khmer) reconnue par l’ONU comme seul représentant du Cambodge, ne
parvenait à l’emporter, un règlement pacifique négocié s’imposait. Il s’est traduit par une
formule originale, à savoir la mise pratiquement sous la elle provisoire de l’ONU d’un Etat
afin d’y rétablir la paix et faciliter la reconstruction d’un pays ravagé par la guerre. Cet
organisme porta le nom d’APROUNUC (autorité provisoire des nations unies au Cambodge)
ayant à sa tête un représentant spécial (japonais) du secrétaire général. Le rétablissement de la
paix passant d’abord par le respect du cessez-le-feu entre les partie et le désarmement des
forces en présence, ce à quoi s’ajoute un travail considérable de déminage, le secrétaire
général de l’ONU a proposé l’envoi de près de seize mille Casques bleus au Cambodge (le
Monde 23-34 fév. 1992). Le Conseil de sécurité y a fait droit par la résolution 745 du 28
février 1992 (texte dans le Monde 1er
–2 mars 1992),créant l’APRONUC sous l’autorité du
secrétaire général. C’est un total d’environ vingt-deux mille soldats, policiers, fonctionnaires
civils qui doivent être envoyés sur place pour mettre en œuvre le plan de paix précité, le coût
étant évalué à près de deux milliards de dollars. Voir Armée et Défense (7 1992, l’ONU au
Cambodge) pour avoir une idée concrète des problèmes qui se posent sur place, dont le
moindre n’est par la réticence des khmers rouges à accepter le désarmement de leurs forces.
Cette situation ne manque pas d’inquiéter le Conseil de sécurité qui par une résolution 766 du
21 juillet 1992 a relevé tous les manquements commis aux accords de Paris, imputables
notamment aux khmers rouges, en exprimant sa vive « préoccupation » quant aux difficultés
que l’APRONUC rencontre sur place pour assurer la mise en œuvre de ces accords.
b) La Yougoslavie
Fin novembre 1991, après pas mal de réticences, le Conseil de sécurité accepta
d’abord de prendre en considération la demande du gouvernement yougoslave tendant à la
mise en place d’une opération de maintien de la paix en Yougoslavie (résolution 721 du 27
novembre 1991), mais ce n’est que par la résolution 743 du 21 février 199248
) qu’il décida de
créer la FORPRONU (force de protection des Nations unies). Certains de ses éléments ont été
installés en Slovénie, région de Croatie conquise par les Serbes, afin de procéder à la
démilitarisation (supervision du retrait de l’ex-armée fédérale et désarmement des forces
paramilitaires)49
. D’autres l’ont été à Sarajevo, capitale de Bosnie-herzégovine, assiégée par
les Serbes, afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire à la population civile
encerclée et constamment bombardée. La guerre un pris un tour tel, qu’en l’absence de
volonté politiques de certains Etats, notamment les Etats-Unis, d’intervenir militairement pour
faire cesser les attaques contre les populations civiles, de crainte de s’engager dans un
nouveau « bourbier » (toujours le syndrome du Viêt-Nam), le Conseil de sécurité a quand
47
Voir : ISOART, La difficile paix au Cambodge : Annuaire fr. dr. Int. 1990, p. 267. 48
Texte in Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1992, p. 456 49
V. Le Monde 14 mai 1992
même adopté le 13 août 1992 une résolution 770 sur l’acheminement de l’aide humanitaire en
Bosnie-Herzégovine50
. Se fondant sur le chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité a
exhorté les Etats à prendre, à titre national ou dans le cadre d’organisations ou d’arrangements
régionaux, toutes les mesures nécessaires pour faciliter cet acheminement. A la différence de
la résolution précitée 678 du 29 novembre 1990 qui autorisait tous les moyens nécessaires,
formule volontairement imprécise pour impliquer un éventuel recours à la force armée, la
résolution 770 exhorte les Etats à prendre des mesures étroitement finalisées (but strictement
humanitaire), en se gardant bien de définir contre qui elles peuvent être dirigées. Le retrait de
l’une par rapport à l’autre est manifeste et ne s’explique que par les raisons précédemment
évoquées, à savoir que les militaires américains sont défavorables à une intervention armée,
estimant qu’il faudrait envoyer un corps expéditionnaire très nombreux (évalué à 400 000
hommes) pour réduire la violence entre les ex-Républiques yougoslaves. Il y a aussi,
indépendamment du syndrome du Viêt-nam, le souvenir du Liban, où l’envoi d’une force
multinationale comprenant des contingents américains s’était traduit par de lourdes pertes
imputables à des attentats dont les troupes américaines et françaises furent victimes à
Beyrouth en 1983.
Par une autre résolution adoptée le même jour, la 771, le Conseil de sécurité a
fermement condamné les violations du droit international humanitaire (expulsion et
déportations de civils, exactions, attaques contre des non-combattants et des hôpitaux), avec
une référence spéciale à « la purification ethnique », sans désigner qui que ce soit, mettant
toutes les parties sur un pied d’égalité.
Enfin, par une résolution 776 du 14 septembre 1992, faisant suite à une attaque
délibérée ayant côté la vie à deux Casques bleus français à Sarajevo, le Conseil de sécurité a
décidé de renforcer les effectifs des Casques bleus, soit 6 à 7 000 hommes de plus en Bosnie-
herzégovine (il y en avait déjà 1500), les effectifs en Croatie atteignant 15 000 hommes.
Sur un total de douze missions des nations unies au titre des opérations de maintien de
la paix (envoi de force et d’observation), la France participe à sept d’entre elles (Palestine,
Sud-Liban, Irak-Koweït, Salvador, Sahara occidental, Cambodge, Yougoslavie), ce qui sur le
plan financier représente en 1991 un montant de 142 millions de francs51
.
C. – Comparaison entre les opérations de maintien de la paix et les actions de sécurité
collective
Toute comparaison implique de rechercher les ressemblances et les différences.
1° Les ressemblances
Il y en a deux :
- d’une part, on est en présence dans les deux cas d’actions collectives de l’ONU et
non pas d’actions individuelles librement décidées par tel ou tel Etat. Ce sont bien des actions
onusiennes, décidées et appliquées par des organes de l’ONU ;
- d’autre part, ce sont des actions opérationnelles se traduisant par l’envoi sur le terrain
de contingent fournis par certains Etats membres.
2° Les différences
Il y en a trois :
- en premier lieu, alors que dans le cadre du chapitre VII le Conseil de sécurité est le seul
organe habilité à prendre des décisions, en matière d’opération de maintien de la paix,
l’Assemblée générale peut également intervenir, encore qu’il ne faille pas exagérer cet aspect,
puisque, jusqu'à présent, il n’y a qu’un cas où la création d’une force d’urgence a été l’œuvre
de celle-ci, la FUNU en 1956 dans l’affaire du Suez. Si à l’origine il était
50
Texte dans le Monde 15 août 1992 51
Le Monde 20 mai 1992.
- en deuxième lieu, et c’est sans doute la différence essentielle entre les deux, les opérations
de maintien de la paix sont dépourvues de caractère coercitif. Exception faite du cas de
l’affaire du Congo ex-belge précité, où la demande du gouvernement local, les casques bleus
ont été utilisés pour réduire une tentative sécession, précédent que l’ONU ne souhaite pas voir
se renouveler, la mission des Casques bleus est de s’interposer entre les belligérants étatiques
(Israël-Egypte, Israël-Syrie), ou entre des populations d’un même Etat (Chypre, Liban,
Cambodge, Yougoslavie) qui s’affrontent. Ils doivent maintenir la paix en jouant un rôle de
« tampon », et non pas la rétablir en repoussant un agresseur (un fois de plus le précédent
coréen est à mettre à part), en attendant un (hypothèque) règlement négocié du conflit, par les
moyens diplomatiques habituels. Le précédent chypriote n’est pas très encourageant puisqu’il
y a presque trente ans que les Casques bleus de l’UNFICYP y sont présents sans qu’un accord
ait pu être trouvé entre les deux communautés antagonistes. Les Casques bleus ne sont
d’ailleurs dotés que d’un armement léger dont ils ne doivent se servir qu’à titre strictement
défensif. Ils ne sont pas dotés de moyens militaires efficaces pour mettre un terme à une
agression ou la repousser (en 1982 la FINUL n’a pas pu s’opposer à l’invasion du Liban par
Israël) ;
- en troisième lieu, alors qu’une action de sécurité collective entreprise en vertu du
chapitre VII serait unilatérale, correspondant à une décision prise par le Conseil de sécurité à
l’encontre d’un Etat auteur d’une rupture de la paix, contre qui une force armée internationale
serait envoyée, en matière d’opération de maintien de la paix, tout repose sur des mécanismes
consensuels. Il faut le consentement de l’Etat sur le territoire duquel les Casques bleus sont
dépêchés, qui peut demander cette intervention (le gouvernement congolais en 1960), mais
qui peut aussi demander qu’il y soit mis fin52
. Il faut aussi le consentement des Etats qui
acceptent de participer à ces opérations en mettant à la disposition de l’ONU des contingents
nationaux. Certains Etats comme le Canada, qui ont une longue expérience de la participation
à ces forces, ont spécialisé certaines de leurs unités dans ces missions de maintien de la paix.
Dans un récent rapport sur « la diplomatie préventive, le maintien de la paix et le
rétablissement de la paix », que les chefs d’Etat et de gouvernements des cinq membres
permanents du Conseil de sécurité lui avaient demandé en janvier 1992, publié le 18 juin
199253
parmi les diverses mesures suggérées par M. Boutros-Ghali, figure la création d’unité
« d’imposition de la paix », mises à la disposition de l’ONU par des Etats qui les formeraient
chez eux et pourraient les mettre très vite à la disposition de l’ONU.
Sous-section II : LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE54
L’article 55 de la Charte de l’ONU faisait figurer parmi les finalités de l’organisation
en 1945 « le relèvement des conditions de progrès et de développement dans l’ordre
économique et social ». une fois de plus, il faut rappeler que dans le contexte de l’époque,
l’impératif était de procéder à la reconstruction des pays ravagés par la guerre, en particulier
en Europe. Ce n’est qu’à partir de 1947 qu’a commencé à apparaître dans les préoccupations
52
L’Egypte en 1967 : V. à ce sujet FLORY M., Le retrait de la force d’urgence des Nations unies : Annuaire fr.
dr. Int. 1968, p. 377 53
Le Monde 21-22 juin 1992 54
Voir : BEDJAOUI, Pour un nouvel ordre économique international, UNESCO 1978, PUF, 1979. – CASSAN
et FEUER, Droit international du développement, PUF, 1977. – PELLET, Le droit international du
développement, Que sais-je ?, n° 1731, 1987. – STERN, Le nouvel ordre économique international, Recueil de
textes et documents, Economica, 1983. – Pays en voie de développement et transformation du droit international,
Colloque d’Aix-en-Provence de la SFDI, Pedone, 1974. – RUCZ, La coopération pour le développement : J. –
CI. Dr. Int. Fasc. 123, 1988.
de l’ONU le développement de ce que l’on n’appelait encore que les « régimes
insuffisamment développés ». C’est devenu depuis la principale finalité de l’ONU en matière
économique et sociale, surtout à partir du moment où les ex-territoires coloniaux, devenus
Etats indépendants, ont été en nombres suffisamment important à l’ONU pour exposer leur
point de vue, défendre leur thèse, faire adopter des textes allant dans le sens de la prise en
considération de leurs intérêts, face aux pays riches, les pays industrialisés de l’hémisphère
nord. Il faut aussi savoir à ce sujet que l’URSS n’admettait pas la dichotomie nord-sud, c’est à
dire pays industrialisés d’un côté (à économie du marché, et à économie centralement
planifiée, selon la terminologie officielle qui a longtemps prévalu), pays en voie de
développement de l’autre, estimant que le sous-développement était uniquement imputable à
la colonisation, au capitalisme, et qu’elle ne portait, ainsi que ses alliés, aucune responsabilité
en la matière, ce qui la dispensait en la matière significative à l’aide au développement…
La coopération économique pour le développement s’est réalisée en plusieurs phases
que l’on peut schématiquement ramener à trois. Dans une première, qui va de 1946 à 1964, les
premiers programmes opérationnels en matière de développement ont été l’œuvre des
Occidentaux, avec le PNUD (Programmes des Nations Unies pour le Développement), le
FISE (Fonds international de le secours pou l’enfance), le PAM (programme alimentaire
mondiale), auxquels on peut ajouter le HCR (haut commissariat aux réfugiés).
Le deuxième, qui va de 1964 à 1980, a été caractérisé par l’émergence du Tiers monde
comme force politique sur la scène internationale, notamment à l’ONU, la création du groupe
de 77 (128 maintenant), regroupant l’ensemble des pays en voie de développement, quelles
que soient d’ailleurs les inégalités de développement entre eux et les formes de régimes
économiques, empruntés à l’Est ou à l’Ouest pour tenter d’en sortir. Pour eux, les sous-
développement est un phénomène structurel et non pas conjoncturel, imputable à leur
exploitation par les pays développés (principalement à économie du marché), dont la
principale manifestation est la détérioration des termes de l’échange entre produits de base et
produits manufacturés. D’où toute une série d’initiative de leur part pour faire réformer le
PNUD (1970) pour mieux l’orienter vers leurs besoins, la création de nouvelles institutions
internationales comme la CNUCED (Conférence des Nations unies pour le commerce et le
développement) en 1964 et l’ONUDI (Organisation des nations unies pour le développement
industriel) en 1966, le FIDA (Fonds international pour le développement agricole) en 1976,
ces deux derniers étant des institutions spécialisées, le Fonds commun pour les produits de
base en 1980. La troisième phase a commencé en 1980, c’est l’ère des incertitudes, du fait des
crises économiques à répétition qui affectent à peu près tous les Etats sauf les producteurs de
certaines matières premières (pétrole).
Le « dialogue nord-sud » dans lequel nombre de gouvernements des deux hémisphères
avaient placé beaucoup d’espoirs piétine, les pays riche ont plus de difficultés à apporter une
aide substantielle aux pays pauvre et sont moins enclins à leur faire des concessions. Les
différentes stratégies internationales du développement proclamées par l’ONU ne débouchent
pas sur des résultats très concrets. enfin, l’effondrement récent de l’URSS, la révélation que si
sur le plan militaire c’était une super grande puissance mais sur le plan économique le
délabrement de sa situation est telle que les Occidentaux doivent lui apporter une aide de
plusieurs milliards de dollars pour éviter une situation catastrophique, susceptible de
dégénérer en troubles graves et des risques difficilement prévisibles, n’est pas de nature à
renforcer l’aide aux développements (notamment de l’Afrique) de la part des Occidentaux,
eux-mêmes aux prises avec des problèmes économiques internes limitant leur croissance
économique (coût par exemple de l’unification pour la RFA).
Cela étant, il paraît possible de présenter l’action de l’ONU en matière de
développement en opérant une distinction entre, d’une part, l’action opérationnelle (§ 1) et,
d’autre part, l’action normative (§ 2).
§ 1. – L’action opérationnelle
Elle peut s’appréhender de par la combinaison de deux éléments, l’un matériel, l’autre
organique. Sur le plan matériel d’abord, il s’agit d’un transfert de ressources vers les pays en
développement, par une aide financière (dons ou prêts), par une aide en nature (notamment
alimentaire), par une coopération technique, par une aide financière extérieure (appui au
budget national ou à la balance du paiement). Sur le plan organique ensuite, elle se manifeste
par l’affectation par les organisations internationales de moyens financiers et en personnels
aux opérations de transfert qu’elles décident d’entreprendre. Le moins que l’on puisse dire est
que le « système opérationnel » des Nations unies en ce domaine est complexe, et, pour
rendre compte de ses grandes lignes, il convient d’envisager successivement les activités
opérationnelles proprement dites (A), leur financement (B), les organes opérationnels y
correspondant (C).
A. – Les activités opérationnelles
Elles se caractérisent par trois traits : la diversité des programmes opérationnels,
l’existence du PNUD, les nouvelles dimensions de la coopération technique.
1° la diversité des programmes opérationnels La première initiative de l’ONU consista à créer en 1946 le programme ordinaire
d’assistance technique afin d’organiser un transfert de connaissance centré sur l’envoi et la
formation d’experts en matière de développement économique. Mais très vite il s’avère
inadéquat pour faire face à l’ampleur des tâches posées par l’aide au développement. Fut donc
créé en 1949 le Programme élargi d’assistance technique (PEAT) recueillant des contributions
volontaires pour financer les activités d’assistance technique en associant l’ONU et les
institutions spécialisées.
La deuxième porta sur la création d’un Fonds pour le développement destiné à fournir
une aide financière à très long terme et dans des conditions favorables aux PVD. Pour tenir
compte de l’existence de la BIRD (Banque international pour la reconstruction et le
développement), dotée de deux filiales spécialisées dans cette voie (la Société financière
internationale, créée en 1958, et l’Association internationale pour le développement créée en
1960), l’Assemblée générale mis en place en 1958 un Fonds spéciale pour faciliter les
investissements de capitaux publics et privés, nationaux et internationaux, afin de financer
tous les secteurs où un besoin de développement économique et social se manifeste
(agriculture, industrie, transport, logement, santé, administration par exemple). Sa gestion est
distincte du celle du PEAT, les fonds sont accordés pour des projets particuliers.
La troisième fut la création du PAM (Programme alimentaire international) en 1961,
de concert entre le l’ONU et la FAO, d’où d’ailleurs une administration mixte. Il doit
remédier non seulement aux situations d’urgence aussi financer des projets de développement
(augmentation de la productivité agricole par exemple).
2° Le PNUD
La pression des ENI en faveur d’un accroissement de l’aide internationale contre le
sous-développement devenant de plus en plus insistante, il fut décidé en 1965 de fusionner le
PEAT et le Fonds spécial, en mettant en place le Programme des Nations unies pour le
développement, et en 1970 il fut aménagé pour rendre plus cohérent le système opérationnel
onusien :
Deux éléments méritent d’être relevés à ce sujet :
- d’une part, était créé un « cycle » de la coopération pour le développement
rassemblant tous les processus interdépendants correspondant aux activités opérationnelles. Il
commence par une programmation par pays à partir des plans nationaux de développement, la
formulation, l’examen et l’approbation des projets s’opérant sur place pour âtre adéquats ;
- d’autre part, l’administration du PNUD a été réformée avec la mise en place du
bureaux régionaux (Asie, Afrique, Amérique latine, Europe, Méditerranée, Moyen-orient), et
surtout avec une décentralisation des responsabilités en matière de programmation et
d’exécution.
3° Les dimensions nouvelles de la coopération technique
Elle a été décidée en 1975 par l’Assemblée générale et le PNUD, pour tenir compte de
l’évolution de la demande de coopération technique, devenue plus complexe et plus
spécialisée qu’au départ, des transformations de l’économie mondiale se traduisant par de
grandes différences entre les PVD (on ne peut mettre sur le même pied les pays les moins
avancés et les pays producteurs du pétrole).
L’accent fut mis sur la nécessité de promouvoir un développement autonome et de
soutenir les efforts des PVD pour parvenir à l’autosuffisance.
Il est aisé de comprendre que toute entreprise de cette nature se heurte à des
difficultés de financement, car les Etats bénéficiaires cherchent systématiquement à voir
augmenter les programmes de développement en leur faveur, tandis que les Etats
contributeurs entendent que les dépenses restent dans les limites raisonnables. I, en résulte
deux conséquences sur le plan du financement.
En premier lieu, les crédits budgétaires ont une place modeste dans le financement des
activités opérationnelles, ce qui apparaît dans le budget de l’ONU comme dans celui des
institutions spécialisées, à l’exception de l’OMS vu l’importance de la coopération technique
dans ses activités (plus de la moitié de sons budget sert à financer des dépenses
opérationnelles).
En second lieu, en contrepartie, les programmes opérationnels sont essentiellement
financés par des ressources extrabudgétaires provenant à la fois de contributions volontaires et
d’une participation de l’Etat bénéficiaire. En contrepartie de la renonciation aux crédits
budgétaires, c’est à dire à ce qu’ils auraient pu obtenir du fait de leur importance numérique
dans les organes pléniers qui adoptent les budgets, les PVD ont réalisé qu’il leur serait plus
facile d’obtenir des contributions volontaires de la part des pays développés (à économie du
marché) par voie de consensus associant les uns et les autres.
Les ressources extrabudgétaires sont affectées à un programme opérationnel déterminé
et constituant des fonds distincts des autres avoirs de l’ONU, sous la forme de compte
spéciaux ou de fonds d’affectation spéciale.
La crise économique générale qui affecte l’économie mondiale depuis 1980 a
naturellement eu des répercussions sur le financement de ces dépenses, se traduisant non
seulement par la stagnation des ressources mais aussi par leur diminution. Pour y faire face les
organisations internationales ont créé des fonds extrabudgétaires spécialisés dont on se
bornera à citer quelques manifestations : Fonds d’équipement des Nations unies (aide à
l’équipement par des dons et des prêts) ; Fonds des Nations unies pour les activités en
matières de population (du fait de la nécessité de maîtriser la croissance démographique pour
ne pas compromettre le développement) ; Fonds spécial des Nations unies pour les pays en
développement sans littoral maritime (contraints pour des raisons naturelles à des dépenses
supplémentaires de transport et de transit).
C’est surtout dans le cadre des institutions spécialisées que ce phénomène s’est
manifesté avec la plus grande ampleur (FAO, OMS, OIT, UNESCO).
C. – Les organes opérationnels
La gestion des programmes d’aide au développement implique une association entre
les Etats contributeurs et les Etats bénéficiaires, se traduisant par l’affectation de moyens
organiques spécialisés pour chaque programme, cette spécialisation n’ayant pas été remise en
cause lorsqu’il a été question de la restructuration de ces organes.
1° La spécialité des organes opérationnels
L’expression « organe opérationnel » désigne l’existence d’un programme
opérationnel auquel sont affectés des moyens à la fois organiques et financiers.
Deux traits caractérisent les moyens organiques, leur individualité d’une part, leur
dépendance par rapport à l’ONU, d’autre part.
En premier lieu, leur individualité résulte des résolutions constitutives de chacun. On y
trouve un organe administratif, c’est à dire un chef du secrétariat assisté d’administrateurs, et
un organe délibérant composé d’un nombre d’Etats variable dans chaque cas (48 pour le
PNUD, 41 pour la FISE, 40 pour le HCR, 30 pour le PAM). Une fois de plus le principe de la
répartition géographique équitable préside à la représentation des différents groupes au sein
de ces organes, ce qui confère aux PVD la maîtrise du processus décisionnels. Ainsi, au sein
du Conseil d’administration du PNUD, qui comprend 48 Etats, 27 sièges sont attribués aux
PVD, 21 aux pays développés.
En second lieu, les organes opérationnels sous placés sous le dépendance de l’ONU,
car se sont des organes de l’ONU, de véritables auxiliaires de l’Assemblée générale qui
détermine leur statut comme elle l’entend, qu’il s’agisse de la répartition des compétences
entre organe administratif et organe délibérant, de la nature des ressources et de leur
utilisation, de l’adoption et de l’exécution des programmes.
2° La restructuration des organes opérationnels Elle a eu lieu en 1974 en relation directe avec la recherche d’un nouvel ordre
économique international (infra), lorsque les PVD ont voulu rendre le système onusien plus
adapté à ce nouvel ordre. L’idée de restructuration reposait sur une approche globale du
développement prenant en considération l’interdépendance des tous les aspects du problème,
alors que le système des Nations unies se caractérise par une juxtaposition de compétences
spécialisées risquant de se chevaucher. L’Assemblée générale désigna donc un groupe
d’experts pour proposer des modifications de structure pour rendre la coopération
internationale en faveur du développement plus efficace. Leur diagnostic fut sans
complaisance : le système onusien se caractérise par une prolifération d’organes ne résultant
pas d’une conception rationnelle mais de circonstances historiques particulières. Il est serait
donc préférable de regrouper les activités opérationnelles dans un Office des Nations unies
pour le développement (ONUD). Mais comme souvent, lorsque les travaux ont été examinés à
l’échelon intergouvernemental, leurs propositions ne pouvaient qu’en ressortir extrêmement
« édulcorée », en 1977, pour se ramener à deux idées, à savoir l’intégration des procédures au
niveau central, l’intégration organique au niveau national, préfigurant une réforme globale de
l’ONU, mais comme disait Kipling, ceci est une autre histoire…
§ 2. – L’action normative : le nouvel ordre économique international
Ce n’est pas par hasard que 1974 correspond en la matière à une date charnière. Il ne
faut pas sous-estimer l’importance de la crise pétrolière qui éclata à l’occasion de la quatrième
guerre israélo-arabe en octobre 1973, lorsque les Etats arabes membres de l’OPEP
(Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) décidèrent de se servir du pétrole
comme d’un « arme » diplomatique, pour faire pression indirectement sur Israël afin d’obtenir
l’évacuation des territoires arabes conquis en 1967 et le rétablissement des « droits nationaux
légitimes » (droit à l’autodétermination débouchant la création d’un Etat palestinien) des
Palestiniens, en augmentant les prix du pétrole, et en frappant (momentanément) d’embargos
certains Etats considérés comme favorables à Israël (Etats-Unis, pays Bas). On a déjà eu
l’occasion d’exposer les vues des ENI vis-à-vis du droit international, en exposant qu’elles
étaient traduites par une vive constatation de nombre de règle du droit international existant
lors de leur accession à l’indépendance. C’est en se plaçant d’un point du vue éthique qu’ils
ont demandé l’instauration d’un nouvel ordre économique international en faisant valoir que
l’actuel était fondamentalement injuste, ne faisant qu’accroître l’inégalité entre pays
développés et pays en voie de développement, le fossé entre riches et pauvres. Pour aux, il
s’agissait de transformer une règle d’éthique en un impératif juridique, l’ONU étant à leurs
yeux le cadre le plus approprié pour y parvenir.
In convient d’exposer d’abord la formation du NOEL (A), puis son contenu (B), et
enfin les structures qui y correspondent (C).
A. – La formation du nouvel ordre économique mondial
Parmi les différentes sources du droit international, les ENI sont défavorables à la
coutume (puisque préexistant à leur naissance), favorables au processus conventionnel (traités
multilatéraux), encore que certains traité aient été imposés du fait de l’inégalité dans le
rapport des forces entre les parties en présence, et que leur immutabilité de principe fasse
obstacle à l’adoption du droit aux changements dans les circonstances de fait et de droit, sous
réserve de leur révision comme on l’a indiqué pour le droit des conflits armés et le droit de la
mer, avec le risque que certains Etats, et non des moindres, comme les Etats-Unis, préfèrent
ne pas se lier par les nouveaux traités considérés comme allant en partie à l’encontre à leurs
intérêts. Leurs préférences vont à la technique des recommandations, acte unilatéral émanant
d’un organe délibérant, invitant les destinataires (Etats ou organisations internationales) à
adopter un certain comportement ou à prendre certaines mesures. Leur nombre leur garantit
que les résolutions prises dans les organes pléniers seront conformes à leurs vues, avec le
risque, qui n’est pas une hypothèse d’école, que les Etats développés s’y sous-traitait en
faisant valoir qu’elles sont dépourvues de force obligatoire…
Leur domaine d’élection a précisément été la coopération normative pour laide au
développement avec deux textes fondamentaux, la Déclaration du 1er
mai 1974 concernant
l’instauration d’un NOEL, et surtout la Charte des droits et devoirs économiques des Etats,
adoptée le 12 décembre 1974 par l’Assemblée générale de l’ONU, le mot de « charte » ne
devant pas se tromper, il ne s’agit pas d’un traité en bonne et due forme, mais d’un traité qui
n’a la valeur que d’une recommandation55
Deux points doivent ici être mis en relief, l’un relatif à l’élaboration des
recommandations, l’autre à leur portée.
1° L’élaboration des recommandations
Afin de parvenir à un accord aussi large que possible, garant des chance de mise en
œuvre future des recommandations la « diplomatie du développement » recourt au mécanisme
classique que sont la négociation par l’intermédiaire des groupes d’Etats et l’adoption par voie
de consensus.
En premier lieu, il convient de relever le particularisme des groupes en présence en la
matière, puisqu’ils étaient jusqu'à présent au nombre de trois. Il y a d’abord le groupe dit des
77 (128 maintenant), constitué lors de la première CNUCED en 1964, comprenant les Etats
d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ayant en commun leur sous-développement et de faire
cause commune face aux pays industrialisé, quelle que soient par ailleurs leurs divergences. Il
y a ensuite le groupe des pays industrialisés à économie du marché (une trentaine d’Etats),
dont la solidarité institutionnelle relative repose sur leur commune appartenance à l’OCDE
(Organisation de coopération et de développements, ex-OECE), mais dont les positions
communes sont plutôt rares, du fait également des nombreuses divergences qui se manifestent
entre eux. Il y avait enfin le groupe des pays industrialisés à économie centralement planifiée
(dix membres), membres du COMICOM (ou Conseil d’assistance économique mutuelle,
dissous en 1991), et dont la domination de l’URSS garantissait l’unité des positions,
invariablement favorables aux revendications des PVD en tant que dirigées contre
l’exploitation des pays pauvres par les pays dits capitalistes et impérialistes…
Leurs rapports se traduisaient par une concertation entre « groupes de contact »,
comprenant un nombre restreint de représentant de chaque groupe, en vue d’élaborer des
textes de compromis acceptables par tous, ce qui veut dire sur la base du plus petit
dénominateur commun.
55
Ces deux textes sont reproduits dans THIERRY, Droit et relations internationales, op. cit., p. 554 et 567 ; le
second dans BRETTON, TD de DIP et de RI, op. cit., p. 410 [référence]et 423 [avec un commentaire sous forme
de plan détaillé].
En second lieu, il faut noter la place prépondérante occupée en ce domaine par la
procédure de non-objection, autrement dit le consensus, à la foie générale permanente. Le
vote cristallise les oppositions, la minorité (pays industrialisés à économie du marché) ne
s’estime pas liés par la majorité. L’avantage du consensus est qu’il n’est pas synonyme
d’unanimité, bien difficile à atteindre, mais q’un texte est réputé adopté dès lors qu’aucune
délégation ne s’y est formellement opposée, quitte après pour certaines à faire des réserves au
consensus (en disant qu’elle se seraient abstenue s’il y avait eu un vote). En cas d’échec du
consensus il faut voter, ce qui permet peut être à la majorité d’affirmer sa cohésion mais qui
conduit, on l’a dit, les Etats de la minorité, généralement les contributeurs, à marquer leurs
oppositions, ce qui compromet l’application du texte.
2° La porte des recommandations
Pour les uns, les ENI, les résolutions de l’ONU doivent être considérées comme une sorte de
« législation internationale », la majorité au sein de l’ONU pouvant imposer sa volonté à la
minorité. Pour les autres (la plupart des pays industrialisés à économie du marché) ne peuvent
être considérées comme obligatoires que les résolutions auxquelles la Charte confère ce
caractère (décisions du Conseil de sécurité, résolutions de l’Assemblée générale concernant la
vie interne de l’ONU). Les controverses doctrinales sont naturellement venues se greffer là-
dessus opposant schématiquement les auteurs pour qui il existe une sorte de « dégradé
normatif » entre le droit et le pré-droit, et ceux qui au contraire estiment que la distinction
entre le tex lata (le droit positif) et le tex ferenda (le droit devant être créé) conserve toute sa
valeur.
Ce qui est certain c’est que les résolutions peuvent être considérées comme
contribuant à l’élaboration de nouvelles règles coutumières lorsqu’elles correspondent à la
pratique des Etats, en s’attachant à deux indices important, les circonstances de l’adoption de
la résolution (procédure d’adoption, nombre et qualité des Etats favorables au texte), et son
contenu qui doit être suffisamment précis et détaillé pour pouvoir accéder à la valeur de règle
de droit.
B. – Le contenu du nouvel ordre économique mondial
Les principes fondamentaux du NOEI s’ordonnent autour de deux concepts suivants,
d’une part, le principe de souveraineté, d’autre part, l’obligation de coopération.
1° Le principe de souveraineté
On a déjà eu l’occasion dans la première partie d’exposer l’importance de ce principe
auquel tous les Etats sont attachés, en indiquant qu’à la dimension politique traditionnelle de
cette notion était venue s’ajouter sous la pression des ENI, une dimension économique se
caractérisant par trois traits.
En premier lieu, l’accent a été mis sur le droit des Etats de choisir leur système
économique et social, c’est-à-dire le droit pour chacun de choisir son modèle de
développement, son mode de participation au commerce international, de participer à toute
forme de coopération qui lui convient, de créer des organisations de produits de base, en
déniant aux autres le droit de prendre à leur encontre des mesures de rétorsion (notion
d’agression économique catégoriquement rejetée par les Occidentaux).
En deuxième lieu, le concept de souveraineté a été étendu aux richesses et ressources
naturelles ainsi q’aux activités économiques, cette souveraineté étant qualifié d’entière et
permanente. Ce vocabulaire est destiné à justifier l’arsenal des mesures translatives de
propriété qu’un Etat (en développement peut prendre à l’encontre d’intérêts étrangers sur son
territoire, principalement par voie de nationalisation. C’est sur ce point que des affrontements
ont été les plus vifs lors de l’élaboration de la Charte et des devoirs économiques des Etats en
1974, en raison de « l’allergie » de certains Etats (notamment les Etats-Unis) vis-à-vis de
toute forme de légitimation des atteintes à la propriété privée étrangère, considérée comme
une véritable spoliation en l’absence d’indemnisation prompte, adéquate et effective.
En troisième lieu, si le principe d’égalité demeure une constante de l’ordre juridique
international, les ENI ont fait valoir que l’application d’un même statut juridique à tous les
Etats, sans tenir comptes des inégalités réelles, notamment économiques, peut déboucher sur
des conséquences inéquitables. De ce fait, ils réclament une « inégalité compensatrice », ou
des mécanismes de « discrimination positive », se traduisant par une dualité de normes, selon
qu’il s’agit de rapports entre pays développés entre eux, ou entre pays développés et pays en
voie de développement. Ainsi, en matière de commerce international, la clause de la nation la
plus favorisée, sans doute valable dans les rapports entre pays ayant des niveaux de
développement économique comparables, ne l’est pas dans les relations pays développés-pays
en développement, et doit être abandonnée au profit du principe de non-réciprocité et d’un
système de préférences en faveur des produits en provenance des PVD.
2° L’obligation de coopération
La coopération économique et sociale faisait partie des buts de l’ONU dès l’origine
(art. 1, § 3 de la Charte).
Le déclaration de 1970 sur les relations amicales et la coopérations entre Etats
conformément à la Charte, et surtout la Charte des droits et devoirs économiques des Etats ont
tenté de transformer ce qui n’était pour certains qu’une simple déclaration d’intention en une
véritable obligation juridique, en mettant l’accent d’une part sur l’interdépendance de tous les
membres de la communauté internationale, et d’autre part (une fois de plus) sur une exigence
éthique, éliminer les disparités afin d’assurer la prospérité pour tous. Cinq principe d’ordre
normatif devraient y correspondre : le principe d’un traitement préférentiel généralisé, sans
réciprocité ni discrimination ; le principe de la stabilité des recettes d’exportation ; le droit
d’avoir part aux avantages du progrès et des innovations de la science et de la technique pour
accélérer le développement économique et social ; le droit à une aide financière sans qu’il soit
porté atteinte à la souveraineté du bénéficiaire ;le principe du patrimoine commun de
l’humanité, appliqué jusqu'à présent au fonds des mers et des océans au-delà de la limite de la
juridiction nationale (convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer), ainsi qu’à
l’espace extra atmosphérique, à la lune et aux autres corps célestes (traités de 1967 et de
1979).
C. – Les structures des NOEI
Négocié jusqu'à présent dans un cadre institutionnel « éclaté », le NOIE devait faire
l’objet de tentatives d’approche globale.
Elle s’est manifestée de trois manières différentes :
- en premier lieu, par la convocation de plusieurs conférences, à l’initiative de
l’Assemblée générale ou de l’ECOSOC, portant sur des questions techniques ou spéciales
telles que l’alimentation, la population, la condition de la femme, l’eau, les sources d’énergie
nouvelles et renouvelables, les pays les moins avancés ;
- en deuxième lieu, par la création de nouveaux organes subsidiaires, puisque tant
l’Assemblée générale que l’ECOSOC ont ce pouvoir, comme le Comité de planification et du
développement, la Commission des sociétés internationales ;
- en troisième lieu par la création de la CNUCED, qui n’est pas une institution
spécialisée (comme l’ONUDI et le FIDA), mais dont la structure ressemble à celle d’une
institution spécialisée. L’organe plénier est la Conférence, se réunissant tous les quatre ans,
comprenant tous les Etats membres de l’ONU ou d’institutions spécialisées. L’organe
restreint est le Conseil du commerce et du développement, mais cet adjectif est inadéquat dans
la mesure où tous les membres de la conférence peuvent en faire partie (les deux tiers
exercent ce droit en pratique), qui assure la permanence du contrôle intergouvernemental. Il y
a également un Secrétariat fournissant les services administratifs habituels, c’est un
département du Secrétariat de l’ONU. La finalité de la CNUCED est d’accélérer le
développement économique par l’expansion du commerce international, résumé par le slogan
« trade not aid ».
2° Les tentatives d’approche globale
Différentes tentatives ont eu lieu pour remédier à l’ « éclatement» du cadre
institutionnel, alors que l’interdépendance des problèmes requiert plutôt une approche
globale. Deux aspects doivent être mis en relief.
D’une part, une restructuration des secteurs économique et social de l’ONU a été
entamée pour renforcer la participation de l’organisation à l’instauration du NOEI, en
chargeant l’Assemblée générale de fixer la politique à suivre en la matière, d’harmoniser
l’action international, d’élaborer des stratégies, sans que ses moyens d’action soit renforcés,
en envisageant de restructurer l’ECOSOC pour en faire un organe plénier, sans succès et en
restructurant le secrétariat, notamment par la création d’un poste de Directeur général pour le
développement et la coopération économique internationale, afin d’assurer la cohérence des
activités de l’ONU.
D’autre part, les Etats non alignés ont pris l’initiative en 1979 de demander qu’ouvrent
des négociations globales pour aborder l’ensemble des problèmes économiques
internationaux, en tenant compte des rapports d’interdépendance entre les secteurs à
restructurer (matières premières, énergie, commerce, questions monétaires et financières), les
négociations devant déboucher sur un package agreement (la moins mauvaise traduction
française, faute de dire « paquet », est règlement global), formalisé par un instrument
juridique adopté dans le cadre de l’ONU. Jusqu’à présent ce projet n’a pas abouti en raison
d’un désaccord fondamental sur les relations entre la CNUCED, organe central chargé de
négocier les termes de l’accord global, et les institutions spécialisée, devant négocier dans
leurs domaines de compétences respectifs. Schématiquement, les PVD considèrent que la
CNUCED est indépendante des institutions spécialisées et qu’elle débattre de sujet entrant
dans la compétence des institutions spécialisées, alors que pour les Occidentaux, il convient
de ne pas porter atteinte aux compétences des différentes institutions spécialisées, qui
devraient pouvoir organiser des négociations en fonction de leur spécialité, selon les règles
propres à chacune (sauvegarde de la technique du vote pondéré, favorable aux Occidentaux
dans les institutions spécialisées financières).
Le compromis pourrait consister à dire qu’il appartient certes à l’ONU de donner
l’impulsion à la transformation des relations internationales, de vertu de sa compétence
générale pour promouvoir la coopération économique internationale, mais qu’il appartient aux
différentes institutions spécialisées de négocier les nouvelles règles de droit applicable aux
relations économiques internationales en vertu des compétences particulières de chacune.
Benayad Med