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Pilloix Thibault Mémoire de troisième année Lyon 3 Année 2011/2012 Licence de géographie et aménagement du territoire Diagnostic du manteau neigeux Vallon de Bérard Hiver 2011/2012 Maitre de mémoire : Mr Henri Rougier

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Pilloix Thibault Mémoire de troisième année

Lyon 3

Année 2011/2012

Licence de géographie et aménagement du territoire

Diagnostic du manteau neigeux

Vallon de Bérard

Hiver 2011/2012

Maitre de mémoire : Mr Henri Rougier

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Pilloix Thibault Mémoire de troisième année

Lyon 3

Année 2011/2012

Licence de géographie et aménagement du territoire.

Diagnostic du manteau neigeux dans le vallon de

Bérard durant l’hiver 2011/2012.

Quels sont les grandes tendances du manteau neigeux et les

activités avalancheuses associées pour cet hiver ?

Maitre de mémoire : Mr Henri Rougier

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Photo de couverture : Le vallon de Bérard au 24/01/2012 (source :T.Pilloix)

Résumé :

Après deux périodes sur place et un suivi quotidien des conditions par le BRA (Bulletin d’estimation

du risque d’avalanche), l’objectif a été d’établir un diagnostic du manteau neigeux et des activités

avalancheuses associées sur le vallon de Bérard pour l’hiver 2011/2012.

La démarche est assimilable à celle faite par un pratiquant de ski de randonnée voulant préparer en

amont et gérer les risques avalancheux au moment de sa sortie. Cela passe par la mise en évidence

des données du terrain, des tendances météo-nivologiques et finalement des facteurs aléatoires.

Remerciements :

Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement les membres de l’Association des Réserves Naturelles

des Aiguilles Rouges, de Carlaveyron et du Vallon de Bérard et notamment :

- Pierre-Yves Moutin, responsable de l’animation, pour m’avoir accueilli avec gentillesse et m’avoir

suivi tout au long du stage.

-Henri Rougier, président du comité scientifique de l’association, pour m’avoir proposé ce stage et

m’avoir soutenu dans l’écriture de ce mémoire.

-Dominique Gubler, président de l’association, qui a permis ce stage et m’a soutenu dans mon travail

et ma vie quotidienne à Chamonix.

- Jacky Ravanel, vice-président de l’association pour sa grande connaissance du terrain et sa passion

pour la montagne sous toutes ses formes.

Je remercie aussi :

-Toute l’équipe de nivologues de Météo-France Chamonix pour tous leurs grands enseignements et

leur patience : Gilles Bruno, Gilles Gobbo, Gilles Rion, Laurent Feuillatre et Laurent Valbert.

-L’ENSA (école nationale de ski et d’alpinisme) et l’aide apportée par sa bibliothécaire. -Serge Ducroz, chef pisteur au Tour pour sa grande gentillesse.

-Fabien Passaro et Julian Breuil, guides de haute-montagne et formateurs de l’équipe

départementale d’alpinisme pour m’avoir initié avec grande pédagogie à la nivologie.

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Introduction :

Chamonix est à la fois un lieu culte et historique de l’alpinisme et une véritable industrie du ski. Ces

deux univers cohabitent et le ski de montagne en est le trait d’union.

Le vallon de Bérard qui tire sa fréquentation et sa renommée de la très classique traversée Crochus-

Bérard est en l’illustration. Cette traversée plonge les skieurs dans un univers alpin … après avoir

emprunté les très modernes remontées mécaniques du Brévent.

Au-delà du débat sur l’implantation ou non d’une remontée mécanique sur un versant se pose la

question de l’importante accessibilité à des espaces souvent dangereux. La démocratisation de la

montagne grâce à cette accessibilité grandissante ne doit pas faire oublier les risques présents.

Le départ d’une avalanche a la particularité de pouvoir être d’origine naturelle ou accidentelle. Dans

les deux cas, le risque existe de manière permanente pour le randonneur hivernal et ne peut être

supprimé totalement car une part d’aléatoire persiste.

Malgré cela, des signes laissés par le manteau neigeux se laissent tout de même interpréter et une

approche sécuritaire peut être entreprise par le pratiquant.

Il sera donc question d’observer le vallon de Bérard dans sa robe hivernale afin de poser les

problématiques d’interprétation du manteau neigeux, dans le but de limiter le risque d’avalanche. Et

savoir alors quel déterminisme d’un territoire existe en matière d’avalanche. Mais aussi quels sont

les outils pour interpréter la neige et appréhender le risque d’avalanche. Et finalement quelles

tendances sont à retenir pour cette saison. Et conclure sur la particularité ou non de cette saison.

20 janvier 2012: Un enneigement exceptionnel à la cascade de Bérard (source :T.Pilloix)

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Sommaire :

I- Contexte général de l’étude :

1) Les réserves naturelles des aiguilles rouges.

a) Fondements et rôle des réserves.

b) Objectif et enjeux.

2) Contexte géographique.

a) La situation du vallon.

b) Présentation topographique globale.

c) Géomorphologie et climatologie associées.

3) Enjeu et problématique du vallon en matière d’avalanche.

II-Nivologie et Avalanche :

1) Notion de nivologie.

a) Formation de la neige.

b) Evolution de la neige.

c) Propriétés de la neige.

2) Les avalanches.

a) Définition et mécanisme.

b) Typologie.

c) Le mécanisme d’une avalanche de plaque.

3) Observer la neige : Quelle méthodologie ?

a) Observation générale.

b) Profil nivologique simplifié.

c) Tests de stabilités.

4) Outils fondamentaux aux mains du pratiquant.

a)Le bulletin d’estimation du risque d’avalanche (BRA).

b) Comment est fait le BRA ?

c) La méthode 3*3, un cadre à la prise de décision.

III- L’activité avalancheuse dans le vallon de Bérard durant l’hiver 2011/2012 :

1) Confrontation temporelle des principales zones d’avalanches.

2) Cartographie des facteurs favorisants.

3) Les différentes phases de l’hiver.

a) Base de donnée : les profils nivologiques.

b) Chronologie.

c) Condition météo.

d) Traduction nivologique.

e) Mise en lumière des caractères aléatoires.

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I-Contexte général de l’étude.

1) Les réserves naturelles des aiguilles rouges.

a) Les réserves en bref.

A l’initiative de Jean Eyheralde, curé et naturaliste, se crée en 1971 une réserve intercommunale

autour du col des Montets. Ce projet est immédiatement soutenu par la population, favorable au

projet et sensible à la personnalité de Jean Eyheralde, avec l’établissement de l’Association des amis

de la réserve.

En 1973, l’état propose la création de la Réserve naturelle nationale des Aiguilles Rouges qui verra le

jour en 1974 par arrêté ministériel.

Fortes des enseignements tirés de cette dernière, les communes voisines décideront bien plus tard

de la création de deux autres réserves : la Réserve naturelle de Carlaveyron en 1991 sur la commune

des Houches et la Réserve naturelle du Vallon de Bérard en 1992 sur la commune de Vallorcine.

Toutes deux se juxtaposent à la Réserve Naturelle des Aiguilles Rouges (R.N.A.R) pour constituer au

final LES Réserves Naturelles des Aiguilles Rouges d’une superficie totale de 4415 ha.

b) Un fonctionnement qui repose sur deux entités.

La Réserve Naturelle des Aiguilles Rouges a toujours fonctionné grâce à une Association d’Amis

(devenue aujourd’hui Association des Réserves Naturelles des Aiguilles Rouges, de Carlaveyron et du

Vallon de Bérard).

Mais dès 1984, la gestion des réserves est mutualisée en collégialité au sein de l’APEGE (Agence pour

l’étude et la gestion de l’environnement), basée à Annecy.

Puis en 1992, l’APEGE et le Conservatoire de la nature haut-savoyarde (CNHS) fusionnent pour

devenir ASTERS.

Le champ d’action de l’association est alors réduit à l’animation et la gestion du site d’accueil au col

des Montets.

Cette dépossession est aujourd’hui encore à l’origine de relations parfois tendues entre ASTERS et

l’association.

c) Fonctionnement interne de l’association.

L’association possède un responsable d’animation en la personne de Pierre-Yves Moutin et d’un

personnel estival (au nombre de trois) pour permettre le bon fonctionnement du chalet d’accueil

dans les périodes d’ouverture.

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De plus, de nombreux stagiaires, encadrés par Pierre-Yves Moutin, se succèdent durant la période

d’ouverture du chalet (mai/septembre) pour participer à l'accueil du public et aux animations.

Enfin, l’association repose sur un conseil d'administration composé d’une quinzaine de bénévoles et

présidé par Dominique Gubler, et un conseil scientifique présidé par Henri Rougier.

Pour finir, il est indispensable de présenter Jacky Ravanel, membre de l’association depuis ses débuts

et aujourd’hui vice-président, ancien garde et responsable de l'animation au sein de l’association, de

l'APEGE puis d'ASTERS.

2) Contexte géographique.

a)Situation du vallon de Bérard

Le vallon de Bérard appartient à la commune de Vallorcine, commune de Haute-Savoie située entre

la frontière suisse (qui donne accès au canton du Valais) et le col des Montets qui redescend sur la

vallée de Chamonix.

Le vallon est déterminé par le bassin versant de l’Eau de Bérard, torrent qui dessine le talweg du

vallon. Il se délimite parfaitement par une ligne de crête presque continue. Sa superficie peut ainsi

être définit par 48031,25 m² (voir calcul en annexe 1).

De point de vue administratif, c’est un site Natura 2000 et une ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt

écologique, faunistique et floristique) de type deux (n°9885) [1]. Mais il est aussi partagé entre la

R.N.A.R au sud-est, la R.N du vallon de Bérard sur son quart sud-ouest et d’une réserve de chasse sur

cette même zone : voir la carte des différents espaces de gestion et de protection sur le vallon de

Bérard.

b) Présentation topographique globale.

Le vallon de Bérard s’identifie clairement comme le bassin versant de l’eau de Bérard. Il s’agit en

effet d’un talweg encaissé qui débouche sur un cirque montagneux où persiste des reliques de

glaciers (glacier de Bérard, du Mort et de Beugant).

Ces limites ne sont pas soumises à ambiguïté puisqu’une ligne de crête infranchissable et presque

continue entoure le vallon. Seuls quelques cols, principalement en rive droite (col de Bérard, de

Salenton, du Belvédère, de Beugant et de l’Encrenaz), permettent des passages: flux humains à

travers la randonnée estivale comme hivernale et en tant que couloir de migration pour les oiseaux

(79 espèces d’oiseaux ont été recensées au col de Bérard).

Or si ces cols sont orientés nord/nord-ouest, c’est qu’ils correspondent à l’existence des glaciers et à

leur travail géomorphologique : l’érosion glaciaire.

Finalement, le vallon est encadré par un réseau très dense de sommets avec le mont Buet comme

point culminant (3096m d’altitude), voir la carte topographique simplifiée et la carte topographique

au 1/10000ème en annexe (2).

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c) Géomorphologie et climatologie associées au vallon :

Pour finaliser la présentation du vallon, il faut parler ds dynamiques en son sein : la géomorphologie

et la climatologie.

Le vallon présente une majeure partie cristalline composé de différents gneiss. Mais aussi d’une

partie calcaire. Cette zone karstique peut être délimitée par une diagonale entre le col de Salenton et

le Mt Oreb, elle concerne ainsi tout le versant sud-est du Mt Buet.

Enfin, les faces rocheuses entourant le vallon ainsi que les moraines des glaciers reliques tapissent le

sol de blocs et d’alluvions et alimentent de vastes pierriers.

Pour ce qui est de la météo, le profil global du vallon est ouest/est. Or compte tenu des véritables

barrières orographiques encadrant le vallon (Mt Oreb/Mt Buet d’une part et Aiguille de

Mesure/Aiguille Martin d’autre part), les flux nord et sud ne touchent presque pas le vallon.

Relativement abrité, le vallon peut être tout de même soumis à des turbulences dans le cirque

autour de la pierre à Bérard.

Pour ce qui est des précipitations, elles viennent presque exclusivement d’ouest, le vallon bénéficie

en cela d’un bon enneigement, notamment cette année où les perturbations d’ouest ont été très

présentes.

Des flux de Nord-est viennent tout de même rajouter de petites précipitations (ces flux ne touchent

pas la vallée de Chamonix).

Le vallon est donc placé stratégiquement en termes d’enneigement car il bénéficie de deux flux de

perturbations.

Bien qu’étant dans la commune de Vallorcine, il n’a pas les mêmes conditions dites « sèches » du

village.

De plus il n’a pas été victime –au mois de janvier- du fort vent soufflant la neige à partir du col des

Montets en direction de Vallorcine.

Rattaché à Vallorcine (le départ pour le vallon se faisant au hameau du Buet), le vallon s’apparente

davantage au niveau météorologique et nivologique à Argentière, situé pourtant de l’autre côté du

col des Montets.

De surcroît, il faut indiquer le phénomène isotherme associé au vallon : son caractère encaissé et

fermé fait que les températures sont moins soumises au radoucissement. L’air frais se conserve plus

longtemps.

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Note :

1- ZNIEFF de type deux : Ce sont de grands ensembles naturels riches, ou peu modifiés, qui offrent

des potentialités biologiques importantes. Elles peuvent inclure des zones de type I (même propriété

mais d’une surface plus réduite) et possèdent un rôle fonctionnel ainsi qu’une cohérence écologique

et paysagère.

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3) Enjeux et problématiques du vallon en matière

d’avalanche.

a) Les problématiques soulevées par le vallon de Bérard.

C’est à travers les enjeux et les problématiques liés à ce vallon, que s’explique le choix d’un tel sujet.

L’intérêt du vallon de Bérard en matière d’avalanche est fort et s’illustre par sa réputation et les

histoires racontées à son sujet.

De nombreuses victimes sont répertoriées : Trois skieurs ont trouvé la mort, emportés par une

plaque à l’aplomb de l’aiguille de Praz-Torrent durant la saison 2010/2011 par exemple.

Un espace parfois mortel mais surtout impressionnant: la particularité est que certaines avalanches

viennent obstruer complètement le fond du vallon. C'est-à-dire qu’une avalanche se déclenche d’un

coté, emmagasine suffisamment de force et de vitesse pour remonter sur l’autre versant et bouche

ainsi la totalité du fond de vallon.

C’est ainsi qu’un refuge construit en adret fut soufflé par une avalanche venu des Lavancherets (situé

en ubac).

Les avalanches dans le vallon de Bérard suscitent donc la peur, la curiosité, la préoccupation. Et face

à la recrudescence du nombre des randonneurs hivernaux, les phénomènes avalancheux dans le

vallon deviennent une problématique de gestion de risques.

Le caractère sauvage du vallon de Bérard renvoie le pratiquant à reconsidérer sa place. La beauté du

site ne doit pas faire oublier l’oppression liée à son encaissement et l’exposition (1) en cas de

conditions difficiles, climatiques comme nivologiques.

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Deux randonneurs dans l’austérité du vallon un jour de mauvais temps (source : T.Pilloix)

b) Les enjeux.

Le vallon n’est pas habité et ne renferme pas de bâtiments excepté le refuge de la Pierre à Bérard

(qui n’est pas ouvert l’hiver et est construit contre un rocher qui fait office de paravalanche naturel)

et seulement des captages d’eau gérés par « Electricité d’Emosson » .Pour cette raison il n’y a pas de

CLPA (Carte de Localisation des Phénomènes d'Avalanches) concernant le vallon car il n’y a

visiblement pas d’enjeu.

Seulement il existe une fréquentation hivernale à travers la pratique du ski de randonnée et la

raquette souvent méconnue mais pourtant importante.

A travers les observations de terrain, on peut estimer 15 personnes en moyenne par jour dans le

vallon et beaucoup plus quand les conditions sont clémentes (48 skieurs recensées dans la journée

ensoleillée du 19 avril 2012).

La part de pratiquants de ski de randonnée s’élève à environ 80 % pour 20 % en raquettes.

On peut aussi noter que la fréquentation de type aller-retour dans le vallon s’effectue dans la

matinée alors que la fréquentation issue de la traversée Crochus-Bérard (2) est davantage visible en

début d’après-midi.

De cela, on peut déduire un profil de pratiquant plutôt technique et expérimenté.

Seulement, l’effet de mode lié au ski de randonnée et l’aspect « classique » de l’itinéraire peut

drainer des populations moins expérimentées et donc moins aptes à interpréter les signes de la

montagne.

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L’enjeu face aux avalanches est donc humain, lié à la pratique de la randonnée hivernale et ne peut

être négligé vis-à-vis de la fréquentation importante.

La réduction du risque ne passe pas par la réglementation et l’interdiction mais bien par la

connaissance du terrain et du manteau neigeux associé.

La finalité de cette étude n’est donc pas d’étudier les avalanches sur un espace vu comme une

parcelle expérimentale, dans une démarche à seul but scientifique, mais bien de donner des clefs aux

pratiquants qui évoluent et évolueront sur ce vallon, pour être si possible le plus apte à interpréter

les signes exprimés par la montagne: évoluer en bonne intelligence avec le milieu.

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Notes :

1- Pour un skieur, une zone est dite exposée si elle est en proie à des aléas à dimension mortelle.

2- La traversée Crochus-Bérard est un itinéraire de ski de randonnée considéré comme « classique »,

c'est-à-dire très fréquenté et catalogué par le bureau des guides de Chamonix parmi les courses

souvent proposées. Elle permet de partir du téléphérique du Brévent pour basculer au final dans le

vallon.

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II- Nivologie et avalanche :

Cette partie théorique permet la présentation des outils et notions élémentaires ayant permis le

diagnostic du manteau neigeux dans le vallon de Bérard.

1) Notion de nivologie :

a) Formation de la neige.

Les cristaux de neige se forment à partir de la vapeur d’eau présente dans les nuages. Cette vapeur

d’eau, si les températures le permettent, se condense en glace autour de noyaux de congélation,

c'est-à-dire des impuretés (poussières, particules végétales,…).

Cela va constituer des germes de glace qui grossissent en captant au fur et à mesure de la vapeur

d’eau. Cette croissance s’effectue en respectant une symétrie hexagonale.

Cependant, la croissance se fait sur différents axes, c’est cela qui définit les trois principales formes :

Colonne (grandes faces), plaquette (petites faces) et étoile (arêtes).

Les différents types de croissance à partir du germe de glace. (Source : ANPNC.com)

A partir de ces trois grandes formes, de multiples combinaisons existent à cause des variations de

température que subit un cristal dans sa chute.

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Deux cas particuliers sont aussi à retenir :

La neige roulée (ou grésil) :

Elle se forme à partir de gouttelettes d’eau présentes dans le nuage (malgré les températures

négatives) qui gèlent sur le cristal de neige à son contact. Cela donne un aspect « boursouflé ». Enfin,

elle possède la caractéristique de n’avoir aucune cohésion et se conserve longtemps au sein de

manteau neigeux, comme les gobelets (voir plus bas).

Le givre de surface :

Il se forme directement à la surface du manteau neigeux lors des nuits froides, par ciel clair, quand

l’air est suffisamment humide. Il n’a pas de cohésion non plus.

Tableau de classification des cristaux de neige fraîche selon l’Organisation Mondiale de la Météorologie (O.M.M)

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b) Evolution de la neige. De sa naissance jusqu'à la fonte, la neige se transforme sans cesse au gré des conditions météorologiques. Nous l’avons vu, les cristaux se transforment durant la chute à cause des variations de températures. Ensuite, pendant et après une chute de neige, le vent déplace la neige fraiche (symbole +) durant la chute ou au sol et crée une destruction partielle ou totale des dendrites. Cette action mécanique crée une première transformation en particules reconnaissables (symbole /). A noter que le poids des couches a le même effet.

Etoile de neige fraiche (Source : Anena) Particule reconnaissable [1] (Source : Anena) Enfin, la neige, une fois au sol et soumise à l’action du vent, commence ses métamorphoses. On observe deux grandes catégories : i) Les métamorphoses de la neige sèche. La neige est dite sèche quand elle ne contient pas d’eau. C’est à dire que le T.E.L (teneur en eau liquide) est égale à zéro et la température de la neige inférieure à 0°C. Cette neige subit des transformations au sol qui dépend de la valeur du gradient de température de la couche concernée :

Principe du calcul du gradient vertical de température dans une couche de neige (source : Anena)

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-Par faible gradient (G< 5°C/m) : Les particules reconnaissables se transforment en grains fins (symbole ·). Cela s’effectue par sublimation de la glace puis congélation de la vapeur d’eau depuis les convexités des cristaux vers leurs concavités. On observe ainsi une uniformisation et diminution de la taille des cristaux accompagnées par la disparition des formes anguleuses.

Schéma de l’effet de courbure sur un cristal de neige fraiche (Source : Claude Sergent, risknat.org) Enfin le rayon de courbure faible de ces grains permet la formation de pont de glace à leur point de contact (cohésion de frittage que l’on abordera plus tard). Concrètement, les grains fins constituent des couches de neige à bonne cohésion et bien portante : à la fois stables mais aussi propices à la propagation des fractures à l’origine des avalanches de plaques.

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-Par gradient moyen (5°C/m < G < 20°C/m) : La différence de température verticale au sein d’une couche devient importante et l’effet de rayon de courbure (processus du grain fin) et battu par l’effet de gradient qui tend à rendre les cristaux anguleux, ce sont les faces planes (symbole □). Cet effet de gradient correspond aux flux de vapeur entre les grains et non au sein du cristal. L’augmentation du diamètre (par rapport au grain fin) et de l’angulosité a tendance alors à diminuer les points de contacts et donc la cohésion de frittage. La cohésion étant faible, une couche de face plane constitue une couche fragile puisqu’elle devient un plan de glissement pour les couches situées au-dessus. -Par fort gradient (G<20°C/m) : La différence de température verticale au sein d’une couche devient très marquée et les flux de vapeur plus intenses. La métamorphose en gobelets (symbole ^) issue du fort gradient passe tout de même par la métamorphose en faces planes dans un premier temps puis, peu à peu, chaque grain voit sa base croître par condensation de la vapeur d’eau provenant du grain inférieur. Ensuite, sa partie supérieure est le siège de sublimation qui va lui donner un aspect plus arrondi et plus lisse. On obtient donc une forme pyramidale striée très caractéristique. Communément appelé "gobelet" et de taille importante (0,6 à 2 mm, et peuvent atteindre parfois 4 mm et plus)

Schéma de la formation d’un gobelet (Source :Anena) Ces grains se comportent comme du gros sel et n’ont donc aucune cohésion entre eux. Les gobelets constituent donc la couche fragile par excellence. Finalement, il faut noter l’insensibilité de la neige roulée et du givre de surface aux métamorphoses de la neige sèche. Quelle condition pour avoir un gradient moyen ou fort ? Pour avoir une transformation en face plane puis en gobelet, il faut donc un écart de température verticale au sein d’une couche de neige. C’est le refroidissement de la surface de la neige par opposition à l’inertie thermique de la neige en profondeur (la base du manteau neigeux tend vers zéro degré) qui crée l’augmentation du gradient et non le contraire. Or les conditions favorables au refroidissement sont : - Des épaisseurs faibles sur des versants ombragés pendant une période de beau temps assez sec.

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C’est souvent le cas lors des débuts de saison où le rayonnement solaire est peu intense, le manteau neigeux encore peu épais et les nuits longues. La faible épaisseur est un facteur favorisant puisqu’elle implique une faible inertie thermique. - Enfin, c’est le rayonnement thermique qui est le facteur principal du refroidissement de la neige. En effet, la neige émet, de jour comme de nuit, un rayonnement infrarouge (ou rayonnement thermique). C’est cette émission qui par perte d’énergie, sans compensation telle que le rayonnement solaire, entraine une baisse de température à sa surface. Cependant, les nuits nuageuses et humides ne permettent pas un abaissement important de température de la neige de surface puisque la vapeur d’eau et les nuages ont le même phénomène de rayonnement thermique, il y a dans ce cas une compensation.

ii) La métamorphose de la neige humide.

Le métamorphose de la neige humide, aussi appelée métamorphose de fonte, aboutit à l’élaboration de grain rond (symbole ○). Elle intervient avec un seul facteur : l’eau sous forme liquide. Or l’humidification de la neige peut se faire par fusion de surface du manteau neigeux dans le cas d’un apport de chaleur ou par la pluie directement. Le grain rond est le dernier stade d’évolution de la neige avant disparition par fonte mais aussi la seule métamorphose possible pour les faces planes et gobelets. L’humidification n’est cependant pas homogène dans le manteau neigeux, la percolation se fait souvent par des cheminements préférentiels. Ce type de grain correspond à la neige de printemps et peut obéir à un cycle quotidien de gel/dégel.

Grain rond [1] (source :Anena)

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Conclusion :

C) Propriétés de la neige

Le manteau neigeux est une superposition de couche de neige bénéficiant d’une histoire météorologique particulière. Chaque couche de neige est sensible à des actions mécaniques (vent en surface ou tassement) et des métamorphoses. Ainsi, la stratigraphie du manteau neigeux peut-être complexe car il s’agit d’une combinaison de comportements différents. C’est cette combinaison de comportements au sein du manteau neigeux qui explique le mécanisme avalancheux. Alors qu’est-ce que le comportement d’une couche de neige ? C’est la façon dont les grains interagissent au sein de la couche. Cela se traduit par différentes types de cohésions : -La cohésion de feutrage : Elle résulte de l’enchevêtrement des dendrites des cristaux étoilés. Elle s’observe ainsi dans la neige fraiche n’ayant pas subi l’action du vent. Sa cohésion est extrêmement faible. C’est cette cohésion qui explique les coulées de surface présentes après une chute de neige.

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-La cohésion de frittage : Elle apparait avec la formation de ponts de glace entre les grains de neige , comme c’est le cas avec les grains fins.

Schéma explicatif du phénomène de frittage (source : Anena) Cette cohésion donne des neiges liées et de possibles plaques. Les avalanches spontanées sont alors peu probables à l’inverse des avalanches provoquées. La cohésion est en effet suffisante pour permettre la propagation de plaques. -La cohésion de regel : Elle se constitue quand l’eau liquide contenue dans le manteau neigeux gèle sous l’effet d’un refroidissement. L’eau libre se transforme en gangue de glace qui constitue un solide mortier et permet une très forte cohésion. Concrètement cela forme des croûtes d’épaisseur variable et de résistance élevée.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Note : 1- Photos particule rec. et grain rond : L’espacement entre deux traits est de 0,2mm.

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2) Les avalanches

a) Définition et mécanisme Une avalanche est définie comme une « masse de neige qui se détache et dévale le versant d’une montagne ». C'est-à-dire une rupture d’équilibre dans le manteau neigeux avec un glissement plus ou moins rapide d’une masse de neige plus ou moins importante. Cette rupture d’équilibre -mécanisme élémentaire d’une avalanche- est le résultat de l’affrontement entre deux forces : celle qui attire le manteau neigeux vers le bas et celle qui le maintient en place. Premièrement, les forces qui attirent le manteau neigeux vers le bas sont majoritairement la surcharge, c'est-à-dire le poids. Celui-ci augmente la pression exercée à la surface du manteau neigeux. Cet effet de surcharge correspond à une nouvelle couche de neige fraîche ou une accumulation de neige transportée par le vent. Mais encore une chute de pluie, d’un sérac, d’une corniche et finalement d’une intervention humaine accidentelle (passage d’un ou plusieurs skieurs) ou volontaire (Gazex/Catex [1]). Deuxièmement, les forces qui retiennent la neige en place sont des forces de frottement, d’ancrage et de résistance :

• les ancrages inférieurs (frottement du manteau neigeux avec le sol) : plus le sol est rugueux, meilleurs seront ces ancrages ; • les ancrages latéraux : quasiment inexistants sur de grandes pentes, ils jouent un rôle plus important dans les couloirs peu larges (la neige frotte alors contre le rocher sur les bords du couloir) ; • les points d'appui en bas de la pente, sur lesquels s'appuie le manteau neigeux ; • les liaisons entre les différentes couches qui composent le manteau neigeux : si une liaison entre deux couches est mauvaise, la couche supérieure peut glisser sur la couche inférieure ; • la cohésion de la neige à l'intérieur d'une même couche. Une avalanche se produit alors quand les forces R sont plus faibles que les forces P. Or comme la neige est en constante évolution sous l’effet des conditions météorologiques, le rapport R/P peut évoluer dans un sens comme dans l’autre très rapidement.

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b) Typologie

La classification des avalanches est complexe car il existe de nombreux critères de distinction : niveau de glissement (plaque de fond / avalanche de surface), qualité de la neige (cohésion, neige sèche ou humide), forme de départ (ponctuelle ou linéaire) et leur cause (spontanée ou accidentelle). Mais une typologie existe si l’on considère les différents types d’écoulement : - avalanche de fonte (neige humide) : l'écoulement se fait en restant en contact avec le terrain, comme une lave, en suivant la ligne de la plus grande pente.

Avalanche de fonte (source : skitour)

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-avalanche en aérosol: l'écoulement se fait en présence d'un nuage de neige qui peut parfois mesurer plusieurs dizaines de mètres de haut et qui s'écoule selon une trajectoire quasi-rectiligne, de façon presque indépendante du terrain.

Avalanche en aérosol (source : ANENA)

-avalanche de plaques dures (neige à très forte cohésion) et de plaques friables (neige à faible

cohésion).

Avalanche de plaque dure (source : ANENA) Avalanche de plaque friable (source : Thibault P)

c) Le mécanisme d’une avalanche de plaque.

Une plaque est le résultat d’une cohésion suffisamment importante au sein d’une ou plusieurs

couches pour créer une ligne de propagation et une liaison suffisamment faible avec la couche

inférieure pour permettre un glissement.

Mais comment se déclenche une plaque ?

L’explication donnée durant longtemps était l’idée de surcharge du manteau neigeux. C’est une

explication logique mais un problème subsiste : un manteau neigeux peut recevoir des masses de

neige impressionnantes suite à une nouvelle perturbation neigeuse sans se mettre en mouvement

alors que le simple poids d’un skieur (réparti sur la surface de ses skis) pourrait permettre le

déclenchement.

Pour répondre à cette interrogation, Alain Duclos démontre que c’est le contact avec la couche

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fragile inférieure provoqué par le skieur qui permet le déclenchement.

En effet, une plaque susceptible de glisser tient sur la couche de neige inférieure (couche fragile)

grâce à la cohésion de cette dernière. Elle est en quelque sorte collée. Or le passage d’un skieur (ou

autre : chute de sérac, éboulis,…) peut faire disparaitre localement cette cohésion, la friction entre

les deux couches peut alors ne plus suffire et une amorce peut apparaître. A noter que ce mécanisme

nécessite une pente de 30° ou plus.

Schéma du décollement d’une plaque et du glissement, par endommagement de la couche fragile

(source : Data-avalanche, Alain Duclos).

Ce n’est donc pas l’action de surcharge sur le manteau neigeux qui provoque le déclenchement d’une plaque mais la contrainte ponctuelle du skieur sur la couche fragile. On peut alors se poser la question suivante: si la couche fragile est suffisamment enfouie pour étouffer l’action ponctuelle du skieur, il n’y a plus de déclenchement ?

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Théoriquement oui, les couches recouvrant la couche fragile permettent alors de créer une carapace et d’étouffer les chocs et pressions exercés à la surface. Une épaisse couche de grain fin par exemple étouffe le choc et la propagation de l’onde ne va pas jusqu'à la couche fragile. Mais en réalité deux éléments rendent possible un départ de plaque : Premièrement, la chute d’un sérac ou d’une corniche par exemple peut avoir suffisamment d’ampleur, contrairement à un skieur, pour briser la carapace recouvrant la couche fragile. Deuxièmement, c’est la complexité du terrain qui est alors à l’origine d’un possible déclenchement : c’est la notion de Hotspot. La neige à tendance à niveler le terrain et gommer ses aspérités. C’est alors qu’une couche fragile enfouie à un mètre de la surface sur un terrain plat peut n’être qu’à 20 cm de la surface en étant suspendue par un bloc rocheux par exemple. Ce point précis où la couche fragile remonte correspond au Hotspot.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Note : [1] Déclenchement d’avalanche volontaire par transport d’explosif sur câble (CATEX) ou par acheminement d’oxygène et propane par double tuyau pour crée une explosion (GAZEX).

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3) Observer la neige : quelle méthodologie ?

a) Observation générale. Dans un premier temps, les risques liés au manteau neigeux peuvent être appréhendés par plusieurs observations globales ou grandes tendances nivo-météorologiques : -Présence d’accumulation non loin des crêtes et des cols après une chute de neige ventée. -Déstabilisation des couches de surface lors d’une humidification liée à de la pluie, à un redoux prolongé ou à un fort ensoleillement. Cette déstabilisation est d’autant plus forte si elle se situe sur un terrain mixte (neige et rocher). -La présence de couches fragiles sur des versants peu ensoleillés avec un temps globalement dégagé, sec, froid et calme. -L’apparition de plans de glissement, c'est-à-dire de surfaces de regel lors d’un refroidissement d’une neige humidifiée auparavant.

b) Profil nivologique simplifié. Après avoir vu les « raccourcis » qui permettent d’appréhender globalement le risque d’avalanche, nous allons voir comment constituer un profil nivologique simplifié. Celui-ci permet d’observer les différentes strates composant le manteau neigeux et voir ainsi la composition et la densité de chacune des couches ainsi que le profil général du manteau neigeux. L’intérêt de ce relevé réside dans le fait de pouvoir détecter les couches fragiles et leur place dans le manteau neigeux. Sa pertinence est cependant à nuancer car un test ponctuel ne peut pas permettre une analyse étendue à toute une surface.

Sondage effectué dans la combe de Bérard le 28/01/2012 afin de réaliser un profil nivologique (le ski mesure 1m70 (source :T.Pilloix).

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Sa construction se fait par l’observation de quatre facteurs : -La dureté, selon les codes suivants :

Enfoncement possible Dureté de la neige Code

Le poing Très tendre 1

4 doigts Tendre 2

1 doigt Mi-dure 3

Un crayon Dure 4

Un couteau Très dure 5

- l’humidité :

Observation Humidité de la neige Code

Boule de neige impossible Sèche 1

Le gant reste sec en faisant une boule de neige

Peu humide 2

Le gant est humide en faisant une boule de neige

Humide 3

L’eau coule en faisant une boule de neige

Mouillée 4

Mélange de neige et d’eau Très mouillée 5

-le grain :

Grain de neige symbole

Neige fraiche +

Particule reconnaissable /

Face plane □

Gobelet ˄

Grain rond ○

-l’épaisseur (cm). Voir en exemple le profil nivologique réalisé par des pisteurs au col de Posettes (Le tour) à la date du 13/01/2012 en annexe (3) ou les profils nivologiques simplifiés présentés dans les différentes phases nivo-météorologique de la troisième partie.

c) test de stabilité. Ils permettent un constat immédiat et ponctuel de la stabilité du manteau neigeux en éprouvant la résistance de manière volontaire et sur un espace restreint. Plusieurs tests existe, du plus simple ou plus compliqué à mettre en place on a : -Le test du bâton : Il s’agit d’enfoncer son bâton (du coté du manche) pour essayer de percevoir les fragilités du manteau neigeux. C’est la facilité ou non à enfoncer le bâton qui permet d’estimer grossièrement les

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couches fragiles ou les plans de glissement peu profond. De plus, les bâtons permettent d’estimer l’inclinaison d’une pente, ce qui est utile pour savoir si une zone est soumise à un risque de décrochement de plaque (une plaque se déclenche à 30° et plus). Cette technique consiste à faire une trace dans la neige, dans le sens de la pente, avec son bâton. Puis on le plante de manière à ce qu’il soit au sommet de la trace effectuée. Enfin on réalise un pendule avec son deuxième bâton en partant du sommet du bâton amont. Si la pointe du bâton-pendule arrive à la base de la trace (triangle isocèle), la pente fait 30°. Si elle arrive au-delà, la pente est inférieure à 30° ou supérieure si elle vient toucher la trace.

Mesure de la pente à l’aide de bâtons (source : Skitour.com) -Le test de la pelle : Il consiste à isoler une colonne de neige (environ 30×30cm) pour effectuer des coups de pelle à son sommet. Il permet de mettre en évidence les plans de cisaillement parmi les couches du manteau neigeux. Les coups sont à donner par puissance croissante : 5 coups donné avec la force du poignet, 5 avec le coude puis 5 avec l’épaule. C’est la force donnée pour crée une rupture qui permet d’évaluer (subjectivement) la solidité du manteau neigeux. -Le test du bloc glissant : Pour réaliser ce test, il faut isoler un bloc de neige que l’on met en charge progressive pour y provoquer une rupture. Il s’agit en somme de provoquer une avalanche mais à une échelle très réduite et donc sans danger.

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Le résultat du test est alors exprimé par un code :

Condition de rupture cote Interprétation

Pendant la découpe 1 Les pentes concernées sont très instables (à éviter !)

Sous le poids du skieur immobile

2

Lors de forte flexions du skieur 3 Les pentes concernées sont instables (à éviter sauf cas impératif)

Lors du premier saut avec les skis

4 Les pentes concernées sont suspectes (à parcourir avec prudence en gardant des distances de sécurités entre les skieurs) Lors du 2eme ou 3eme saut

avec les skis 5

Lors d’un saut sans skis 6 Les pentes concernées sont assez sûres.

Rupture impossible 7

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4) Les outils fondamentaux aux mains du pratiquant

a) Le Bulletin d’estimation du risque d’avalanche (B.R.A) Le BRA, édités par météo-France est une estimation du risque d’avalanche à l’échelle d’un massif pour toute zone hors domaine skiable entretenu qui se définit sur une échelle de un à cinq.

Il tente donc de définir quotidiennement le type d’avalanche ainsi que l’altitude et l’orientation où le risque est encouru. Enfin, il précise la qualité de l’enneigement. Exemple de BRA en annexe (4) b) Comment est fait le BRA ? Le BRA est conçu à partir des données nivo-météorologique recueillies auprès des pisteurs des stations de ski du massif concerné. Les témoignages de pratiquants sur des forums spécialisés tels que Skitour ou Camptocamp sont aussi pris en compte, avec toute la prudence requise. Enfin des grilles aident à la décision en cas d’hésitation sur le niveau de risque à choisir.

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Rares déclenchements Quelques déclenchements

Nombreux déclenchements

Petite coulée 1 1 2

Moyenne coulée 2 3 4

Grosse coulée 3 4 5

Grille d’estimation du risque d’avalanche spontanée.

Déclenchement seulement par forte surcharge.

Déclenchement surtout par forte surcharge.

Déclenchement même par faible surcharge.

Déclenchements rares. 1 2 2

Quelques déclenchements.

2 2 3

Nombreux déclenchements.

2 3 4

Grille d’estimation du risque d’avalanche provoquée.

c) La méthode 3*3, un cadre à la prise de décision. Le BRA permet donc de se faire un avis général sur les conditions en montagne et sur le risque global encouru. Il est cependant général et ne remplace en aucun cas l’appréciation personnelle du pratiquant à l’endroit précis où il se situe. Le pratiquant de randonnée hivernale reste en effet sous sa responsabilité et la prise de décision est une problématique majeure lors d’une sortie : dois-je renoncer face aux conditions rencontrées ? Pour guider le pratiquant, W.Munter, un guide de haute-montagne suisse a établi une matrice de réflexion pour aider à la décision. Cette matrice permet de cadrer sa réflexion et rationaliser ses choix en confrontant des facteurs (terrain, condition et humain) avec des filtres tels que la planification de la course en amont, l’imprévu sur le terrain et le refus ou non face à la pente.

Conclusion : La collecte de données sur l’état du manteau neigeux ne restitue qu’une représentativité limitée du risque réel. Mais ce travail d’analyse du milieu dans la préparation et au cours d’une randonnée hivernale reste tout de même indispensable pour tendre vers une pratique plus sécuritaire. Or la collecte de données ne revient pas à connaitre seulement la composition du manteau neigeux mais à mettre en relation les données climatiques, nivologiques, comportementales pour définir au mieux le risque d’avalanche. C'est-à-dire avoir la possibilité d’anticiper les modifications du manteau neigeux à partir de l’observation et compréhension des phénomènes météorologiques. Et finalement, il faut savoir déduire les conséquences en termes d’avalanche de ces modifications nivologiques en les recoupant avec le comportement humain (enjeu) pour définir réellement le risque. L’exemple du témoignage sur une avalanche accidentel à Flaine, qui retrace les erreurs

d’interprétation lors d’une randonnée, avec le retour critique de Sébastien ESCANDE (Anena) et Gille

Rion (Météo-France Chamonix) sur cet événement permet une bonne compréhension du

recoupement entre les différentes composantes : situation nivo-météorologique et comportement

humain (voir annexe 5).

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III- L’activité avalancheuse dans le vallon de

Bérard durant l’hiver 2011/2012 :

1) Confrontation temporelle des principales zones

d’avalanches.

Avant de réaliser un diagnostic du manteau neigeux et des activités avalancheuses qui lui

correspondent, une observation s’impose.

Cette observation du terrain s’articule autour de trois zones principales où se déroulent les

avalanches, elles correspondent à un réseau de couloirs d’avalanches situé en contrebas de sommets

caractéristiques : Mt Oreb, Tête du Ret, Aiguille de Praz-Torrent.

Il s’agit donc de comparer visuellement l’importance de l’enneigement et des dépôts d’avalanches,

les directions des coulées et enfin l’existence de coulées récentes. Et ce, à deux dates différentes : le

30 janvier 2012 et le 12 avril 2012.

Les trois principaux sites avalancheux et leur prises de vue

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1) Cône d’avalanche sous l’Aiguille de Praz-Torrent :

Le 30 Janvier 2012

Le 12 Avril 2012

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2) Cône d’avalanche sous le Tête du Ret :

Le 30 Janvier 2012

Le 12 Avril 2012

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3) Cône d’avalanche sous le Mont Oreb :

Le 30 Janvier 2012.

Le 12 Avril 2012.

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Commentaire :

En adret, la Tête du Ret et le Mont Oreb :

Situées en adret, on observe un profond recul de l’enneigement sur ces deux faces. Les zones

rocheuses ont été mises à nu. On peut facilement penser qu’il s’agit d’une fonte progressive de la

neige lié à l’ensoleillement combiné à un phénomène de purge de neige humide glissant sur les

dalles rocheuses.

Pour autant, les cônes d’avalanches n’ont pas beaucoup varié : l’accumulation des purges à été

compensé par la fonte.

Au-delà de ce constat, on peut déduire qu’il n’y a pas eu d’avalanches très importantes entrainant

d’importants volumes de neige. En effet cela aurait bousculé l’équilibre entre l’accumulation de

dépôt d’avalanche d’une part et la fonte de ces dépôts d’autre part.

Finalement, il est intéressant de voir que la mise à nu des dalles rocheuses et contre-pentes met en

évidence l’itinéraire des couloirs d’avalanches.

En ubac, L’aiguille de Praz-Torrent :

Visuellement , la zone situé sous l’aiguille de Praz-Torrent n’a pas subit beaucoup de modifications ,

la diminution de l’enneigement a fait émerger des reliefs mais dans une moindre mesure.

Cependant, on peut observer un gonflement en rive droite du cône d’avalanche. Un « champ de

boules » vient en effet se jeter dans le talweg de l’eau de Bérard.

On peut penser, du fait du volume du dépôt et de son étendu, que les pentes suspendu à l’Est de

l’aiguille de la mesure ont enfanté d’une coulée qui a gagné en vitesse et grossi au fur et à mesure de

sa descente. Cet événement a probablement eu lieu durant les jours les plus chauds du mois de

mars. Ces circonstances ont, dans ce cas, permis la constitution de « boules » de neige très dense de

grains ronds avec beaucoup d’inertie, et ainsi une faculté a arracher la neige dans son déplacement.

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2) Cartographie des enjeux et des facteurs favorisants les

avalanches :

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3) Les différentes phases de l’hiver : Profils nivologiques et présentation détaillée de chaque phase.

-Phase 1-

Profil fortement stabilisé avec seulement une couche de neige fraiche sans réel cohésion pouvant

provoquer des coulées de surface.

Le manteau neigeux est complètement homogène dans sa composition et sa densité est croissante

de haut en bas grâce au tassement.

Le profil est observé sur une hauteur de 2m, le reste est seulement sondé. Or sa densité semble

homogène au sondage, la ressemblance avec les couches supérieures (grains fins à forte densité) est

très probable.

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Il s’agit d’un manteau neigeux partiellement transformé suite à des périodes de redoux entrecoupées

par des chutes de neiges. La faible altitude (1410m) le rend en effet sensible à la hausse de

température et à des épisodes pluvieux ou de neige humide lorsque la limite pluie neige est basse.

A noter que son exposition Est, ne permet pas d’être exposé au soleil à cette période de l’année.

La présence de grains ronds peut donc être expliquée par la percolation liée à l’humidité trainée par

le brouillard mais aussi par l’épisode pluvieux du 22/12/2011.

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Ce profil répond aux mêmes caractéristiques que les autres profils de cette phase : Profil en escalier

et manteau homogène à une exception près, la présence de gobelets en première couche.

Ces gobelets sont liés à deux éléments : l’exposition et l’altitude de la station météo.

En effet, à 2600 m d’altitude et en exposition nord/nord-ouest, la face ne voit pas le soleil

(notamment en octobre/novembre où le soleil est rasant et ne concerne que les faces sud).

Les première chutes d’octobre/novembre ont donc pu persister dans le temps et ce jusqu’au 5

décembre. Ces petites couches de neige persistante ont alors subi une longue période de beau

temps. Cette période créant un fort gradient à l’origine de la transformation en gobelets.

Ce beau temps a persisté et la transformation a pu passer de la face plane au gobelet.

Enfin, il faut préciser la faible dangerosité de cette couche de gobelets pour une raison :

L’importance des couches de grains fins au dessus. Ces derniers créent une véritable carapace qui

empêche la propagation d’un choc jusqu'à la couche fragile.

Seul un sérac, une grosse corniche pourrait réussir à atteindre les gobelets et provoquer une plaque.

Cependant, celle-ci serait gigantesque puisque la forte cohésion des grains fins amènerait une

propagation démesurée.

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Phase 1 : Le modèle « Alaska »

Introduction :

L’Alaska, endroit rêvée de tout amateur de « poudreuse sans fond » permet une pratique du ski

impensable dans les alpes grâce à des conditions nivologiques particulières. Soumis à une influence

pacifique, la région subit des perturbations très fréquentes et très régulières. Cela a pour

conséquence de créer un manteau neigeux très homogène avec de très grosses couches de grains

fins et comme nous le verrons, permet un cumul de neige énorme pour un risque « limité ».

a) Chronologie

5 Décembre : Trois chutes de neige ont eu lieu avant cette date mais ont subi une fonte complète,

sauf peut-être en face nord à haute altitude (voir profil nivologique de Lognan du 01/02/2012). Le 5

décembre correspond donc à la première chute de neige d’une longue série qui marque le début de

la saison.

2 Février : C’est un tournant pour la météo et le manteau neigeux puisqu’il s’agit du passage à

l’épisode sibérien marqué par une chute relativement prolongée des températures et l’apparition de

bise et de faux-foehn.

b) Condition météo

Malgré des périodes douces, les mois de décembre et janvier sont marqués par des perturbations

quasi-continuelles, un ciel fortement couvert et des cumuls de neige impressionnants. Serge Ducroz,

chef pisteur de la station du Tour fait le constat de ce cumul « record » : 266 cm pour toute la saison

2010/2011 face à 370cm relevé le 27 janvier 2012 à la même station de relevage (altitude : 2200m).

Il faut cependant préciser que la comparaison se heurte à un profond antagonisme : la saison 2010-

2011 est connue pour être un hiver particulièrement pauvre en neige.

Il faut aussi évoquer la présence limitée du vent dans le vallon durant ces deux mois.

c) Traduction nivologique

i) Des profils en escalier.

A partir du 5 décembre, les couches de neige se sont succédées très rapidement et dans

d’important volume (voir tableau au paragraphe concernant les plaques de fond).

La neige fraiche est tout de suite tassée par la précipitation suivante et se transforme alors en

particule reconnaissable.

Or l’association des contraintes mécaniques par tassement et des conditions météo stables (faible

gradient) permet la transformation de chaque couche de neige en grain fin.

La stabilité des conditions météo ayant duré pendant le mois de décembre et janvier a permis une

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répétition de transformation en grain fin et de tassement successif.

Le manteau neigeux est très homogène : essentiellement du grain fin avec des particules

reconnaissables en surface (couche de neige fraiche pas encore transformée). Et on observe un profil

en escalier : les couches de neige se tassent au fur et à mesure. Plus on va en profondeur, plus la

densité augmente.

Ce phénomène s’explique par l’homogénéité du manteau neigeux : Les différentes strates ont des

propriétés presque identiques et répondent de la même manière aux tassements.

Ce type de profil est exceptionnellement stable et permet de skier sur des cumuls très importants :

C’est une situation comparable aux conditions rencontrées en Alaska.

De plus, dans cette situation, l’importance des cumuls devient un gage de stabilité : Le poids énorme

des nombreuses couches de neige engendre un tassement très puissant. Ce tassement crée ainsi de

solides fondations au manteau neigeux.

Le profil nivologique du col de Posettes (Le Tour) en annexe (3) illustre bien le profil en escalier et le

tassement visible par une fondation très solide (résistance maximal de la première couche du

manteau neigeux).

ii) Les coulées de neiges fraiches.

Nous avons démontré la grande stabilité du manteau neigeux mais dans ce cas : pourquoi avons-

nous rencontré des périodes d’activités avalancheuses très prononcées ?

Ces périodes fortement avalancheuses correspondent en fait à de nombreuses coulées de neige

fraiche.

Ces coulées sont essentiellement des purges naturelles liées aux surcharges de neige fraiche lors

d’une grosse chute de neige.

Un secteur favorable aux purges spontanées : une dalle rocheuse raide à l’entrée du vallon de Bérard

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En effet la neige fraiche ou particule reconnaissable est très légère et de faible cohésion (cohésion de

feutrage). En cela, elle est très mal ancrée aux couches sous-jacentes et aux rochers.

Les avalanches se produisent donc spontanément par gravité dans les pentes raides : Cette neige

fraiche coule sur l’ancienne couche et la cohésion de feutrage suffit pour entrainer des volumes de

neige plus ou moins importants.

Cône d’avalanches issues des purges de plusieurs couloirs sous l’aiguille de la mesure.

Mais des coulées accidentelles existent aussi, ce sont des déclenchements par surcharge [1]

provoqué par un skieur.

On peut dorénavant expliquer le comportement parfois étonnant des BRA durant ces deux mois .En

effet les risques forts à très forts ont été publiés durant cette période mais ils ont été très vite réduits

pour revenir à un risque limité (2/5), parfois en seulement 2 jours.

Cela s’explique par le risque de purge inhérent à une très grosse chute de neige (risque très marqué)

et une stabilisation quasi immédiate par tassement (risque limité).

Il faut seulement noter une possibilité de plaques à vent proche des cols et crêtes. En effet en

altitude, une chute de neige est souvent associé à du vent. Quelques rares plaques à vent ont pu

alors se former tout de suite après une chute de neige. Aucune activité de ce type n’a été recensée

pour autant. Ailleurs dans le vallon, la neige a eu la particularité de tomber assez droite, sans

déplacement important.

iii) L’humidification ponctuelle du manteau.

Les profils nivologiques l’ont montré, il existe une métamorphose de fonte totale ou partielle dans

certaine couches de neige en faible altitude.

Premièrement, en faible altitude, un petit épisode pluvieux (le 22/12/2011) a rincé une couche de

neige pour transformer totalement les grains fins en grains ronds.

Deuxièmement, la présence partielle de grain rond ou l’existence de grain à mi-chemin entre le grain

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fin et le grain rond peut s’expliquer par une lente percolation du manteau neigeux.

Cette percolation se produit par la présence du brouillard (élément très présent dans cette phase).

De plus, le phénomène est accentué par la présence de résineux qui captent ce brouillard et

l’humidité associée.

d) Un phénomène rare lié à un début d’hiver exceptionnel : Les plaques de

fond

L’existence de plaques de fond n’a pas été observé dans le vallon de Bérard durant cette période

mais le risque existe, il est donc nécessaire d’en parler.

En effet, les plaques de fond, nombreuses cette année, sont le fait d’un contexte particulier.

Comme nous l’avons vu, le manteau neigeux est très important et relativement homogène dans ses

épaisseurs : Il n’y a pas de couches fragiles donc peu de plaques friables. Seulement, tout peut partir

d’un coup, laissant le sol à nu après son déclenchement : Ce sont les plaques de fonds.

La possibilité de plaques friables existe tout de même mais ne serait pas liée a une couche fragile de

type face plane ou gobelet mais par des couches de neige fraiche en surface n’ayant pas la même

cohésion. Le schéma type correspondrait à une neige froide et légère tombée le matin qui forme une

première couche et une couche de neige plus humide par-dessus puisque tombée plus tard dans la

journée (à noter que la limite/pluie augmente par conséquent). Alors dans ce cas, la neige légère du

matin joue le rôle de couche fragile pour la couche du dessus.

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Plaque de fond a l’aplomb de la tête du grand chantets (Argentière)

Pour revenir aux plaques de fond, il s’agit d’un phénomène exceptionnel lié au caractère tout autant

spécial de l’enneigement de cet hiver (fort cumul dans une courte période et immédiatement au

début de l’hiver, voir tableau ci-dessous). En effet, ce phénomène est normalement lié au printemps

et au ramollissement total du manteau neigeux par l’humidification. Là, il s’agit du même

phénomène mais agissant dans des circonstances sans réelle similitude.

Date Température min.

Température max.

Humidité (%)

H neige (cm)

05/12/2011 -10,0 -4,5 96 20

07/12/2011 -7,9 -4,1 96 45

08/12/2011 -8,7 1,7 77 55

16/12/2011 -7,7 -2,7 97 80

17/12/2011 -12,5 -11,1 92 140

18/12/2011 -13,3 -12,1 91 150

19/12/2011 -16,0 -7,4 89 159

Conditions météo globales entre le 5 et 19 décembre au Chéserys (1500m), donnée météo

France

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A noter que le phénomène est peu connu dans ce contexte. Cependant, on observe son caractère

aléatoire : il se produit généralement sur de fortes pentes sans ancrage au sol (dalles rocheuses,

herbes couchées) mais de nombreuses exceptions existent. Son occurrence, aussi, est complètement

aléatoire : Une pente peut-être skiée durant cinq jours avant de se déclencher, une fissure peut

apparaitre sans créer de déclenchement avant une semaine et parfois beaucoup plus. On peut aussi

parler de l’acharnement des pisteurs du Brévent à vouloir déclencher une plaque potentielle (une

fissure apparaissait) au dessus d’une piste , à renfort d’explosif , sans avoir obtenu de résultat.

Dans ce cas là, on peut déduire que la surcharge n’est pas un facteur de déclenchement.

Fissure de reptation dans un contexte typique : pente forte (35°) et sol constitué d’herbes couchées

(le tour)(source :T.Pilloix)

On peut seulement observer qu’une plaque de fond est le résultat d’une reptation plus ou moins

longue jusqu'à décrochage, c’est cette propriété qui donne le caractère aléatoire.

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On recense aussi, un grand nombre de déclenchement durant la soirée, c’est à dire durant la période

du regel. De ce constat peut apparaitre une hypothèse : La dynamique de dilatation lors de la journée

et de rétractation à partir du soir sont les bases des contraintes physiques à l’origine du

déclenchement ?

Ou bien, le déclenchement n’est que le résultat d’une longue reptation. Il est alors lié à

l’accumulation de la force emmagasinée par cette dernière et ce de manière continuelle. Le hasard

dans ce cas aurait toute sa place. En effet à quel moment la contrainte emmagasinée serait trop

importante ? Impossible à savoir, du moins à l’échelle d’un massif.

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Notes :

1- Il faut noter que la théorie de la surcharge a été rejetée pour l’explication des avalanches de

plaques (théorie des couches fragiles d’Alain Duclos) mais qu’elle reste pertinente pour expliquer les

coulées de neige fraiche.

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-Phase 2-

Le profil nivologique réalisé à Flaine montre plusieurs choses :

Il confirme l’homogénéité du manteau neigeux de la phase 1 et démontre le refroidissement brutal

de la neige et la transformation en faces planes et gobelets inhérente à ce refroidissement.

A noter une fine couche de grains ronds entre 70 et 80 cm d’épaisseur du manteau neigeux. Cela est

surement dû à un petit épisode pluvieux. Il n’y a pas eu, à cette altitude et exposition, de

réchauffement suffisant pour provoquer cette transformation ni de rayonnement solaire en

orientation Nord-ouest à une telle date.

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Phase 2 : l’épisode sibérien

a) Chronologie : 2 février : arrêt des précipitations, le ciel se dégage et la baisse des températures est impressionnante : on observe -19,26°C à cette date à 1970m d’altitude sur la commune de Vallorcine (Station 256 de la CREA). Voir en annexe 6 la localisation de cette station. 13 février : La situation reste anticyclonique mais les températures remontent très fortement. On observe une variation de plus de 30°C entre les deux phases.

b) Condition météo : Température extrêmement froide avec un ciel majoritairement dégagé et la présence de vents (bise de nord-est [1] et faux foehn [2]).

c) Traduction nivologique : L’épisode sibérien a eu plusieurs conséquences sur le manteau neigeux à travers deux facteurs : les températures et le vent.

i) L’impact des températures « sibérienne » Les températures très froides ont crée un gradient élevé à la surface du manteau neigeux (voir relevé nivologique de Flaine au 05/02/2012). Cela a provoqué une métamorphose en face plane, c’est-à-dire des grains à très faible cohésion pouvant être à l’origine d’une couche fragile. Cependant, cette métamorphose est à nuancer pour deux raisons : Premièrement, même si le froid est à l’origine de la transformation à travers l’augmentation du gradient, il est un ralentisseur des réactions chimiques : il y a une forte inertie de la métamorphose. Il faut une longue période de froid pour composer une réelle couche instable. Deuxièmement, les caractéristiques géomorphologiques du vallon en font un réel réfrigérateur. C'est-à-dire qu’on observe un important phénomène isotherme au sein du vallon : le froid se conserve, les températures mettent beaucoup plus de temps à se radoucir en cas de température clémente. C’est pourquoi, les températures était déjà froides avant l’arrivée de l’épisode sibérien. Le gradient est donc limité. Il n’y a donc pas ou peu de faces planes au fond du vallon, seul une fine couche de ce type de grain est visible à l’entrée du vallon, sur des pentes exposées Est, sensibles aux variations de températures ainsi que sur des pentes sud, en rive gauche du vallon, n’ayant pas été ravagées par le vent. Enfin, il faut restituer les conséquences d’une couche de faces planes : -Cette transformation correspond à l’apparition de la première couche fragile du manteau neigeux pour cette saison. Les faces planes n’ont pas de cohésion et représentent un plan de glissement pour les couches de neige situées au-dessus. Il faut donc noter, dans l’immédiat, que la présence de faces planes n’engendre aucun risque puisqu’elle n’est dangereuse en rien (pas de couche supérieure).

-Elles peuvent être, dans un cadre précis, bénéfiques pour la stabilité du manteau. C'est-à-dire qu’une transformation en faces planes effectuée sur une plaque à vent détruit la cohésion de la neige et donc l’existence même de la plaque. On peut effectuer l’équation

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suivante : Pas de cohésion = Pas de propagation = Pas de plaque. Cependant, cela implique une métamorphose sur toute l’épaisseur de la plaque, ce qui demande des conditions exceptionnelles.

Faces planes observées à différentes échelles à proximité de la cascade de Bérard. (Source : T.Pilloix)

ii) Le travail du vent sur le manteau neigeux : La bise de Nord-est et le faux-foehn observé ont déplacé la neige pour créer des accumulations et par conséquent, des plaques à vent. Le vent a deux conséquences : Il déplace (à partir de 15 km/h environ) pour accumuler et créer la matière avalancheuse, c’est à dire le volume de neige mobilisable. De plus, en déplaçant la neige, il brise les cristaux de surface en petites particules qui, une fois au sol, forment des dépôts denses, gagnant rapidement en cohésion. Cette cohésion étant renforcée par le tassement crée par l’accumulation (un cristal de neige fraiche, situé à 10 cm sous la surface du manteau neigeux supporte déjà 100 fois son propre poids), ce qui explique l’augmentation de la densité. C’est par ce phénomène que se forment des plaques à vent pouvant se déclencher au passage d’un skieur. Il faut cependant noter qu’une cohésion de feutrage (en cas de neige fraiche) suffit, en terme de cohésion, à créer une plaque. Concrètement, le vent a crée des zones d’accumulation mal ancrées aux couches inférieures, c'est-à-dire des plaques à vent. Mais il a aussi souvent croûté la neige, formant une carapace de neige dure qui protège d’un départ ou du moins limite l’ampleur des plaques. Le risque avalancheux direct lié à cette période concerne donc des petites plaques friables de faible amplitude. Le risque est donc peu marqué mais de réels dangers (inexistants lors de la première phase) se développent localement et peuvent entrainer des avalanches mortelles.

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Plaque friable de très faible ampleur à proximité du refuge (source : T.Pilloix) Nous l’avons vu, le vent déplace la neige et augmente par ailleurs sa cohésion. Or il faut préciser qu’une plaque à vent formée par un vent violent peut avoir une cohésion tellement forte qu’elle ne devient pas dangereuse. En effet, une véritable carapace en surface empêche tout déclenchement de plaques. Ce phénomène se produit surtout à haute altitude, le risque est alors le dévissage sur pente raide.

iii) Les plaques de fond Les reptations étant toujours d’actualité, le risque de plaques de fond existe toujours mais dans une moindre mesure. En effet, le froid a tendance à figer le manteau neigeux et ralentir de cette manière le travail lié à la reptation.

d) Spécificité du Vallon de Bérard face a cette épisode : L’épisode sibérien n’a pas été marqué d’une activité avalancheuse très forte mais d’importante modification du manteau neigeux sont apparu sur l’ensemble du massif. Ces modifications sont à nuancer au sein du vallon grâce au phénomène isotherme qu’il lui incombe. Le fait qu’il soit assez bien protégé du vent, du soleil et qu’il assure une bonne stabilité des températures grâce a son encaissement permet de réduire ou même éliminer les effets de l’épisode sibérien.

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Conclusion :

Dans cette phase, on observe tous les caractères ambivalents des éléments sur le manteau neigeux : - Le froid fige le manteau, ce qui est un gage de stabilité mais en même temps il forme les futures couches fragiles à sa surface. - Le vent est un facteur de cohésion, or la cohésion est un point fort pour la stabilité du manteau mais en même temps l’élément déclencheur d’avalanche car c’est l’élément fondateur d’une plaque (pas de propagation sans cohésion). L’épisode sibérien est donc une illustration de la complexité de l’équilibre du manteau neigeux. Complexité moins visible dans les autres phases : l’Alaska est une superposition presque parfaite des couches de neige et le cycle printanier (phase suivante) suit un mécanisme clairement identifiable.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Notes : 1- La bise est un vent froid et sec, de secteur Nord à Nord-Est, apparaissant après une période pluvieuse (ou neigeuse) et apparenté au beau temps. Rappel : L’entrée du vallon se situe en orientation Nord-est, il est donc exposé à cette bise. 2- Le faux-foehn : contrairement au foehn « classique » qui remonte un relief sur un versant, se décharge et souffle un vent chaud sur l’autre versant, le faux-foehn n’a pas de processus de « décharge » et descend directement d’altitude vers la vallée. Il n’est donc pas associé à un réchauffement.

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-Phase 3-

Le manteau neigeux dans cette orientation et à cette altitude n’a pas été humidifié sur toute son

épaisseur, contrairement aux autres orientations.

L’épaisseur à ce propos reste importante (345cm) mais ce cumul est biaisé par les accumulations

liées au vent, la neige soufflée en surface est en témoin.

En effet, du grain fin persiste sur une épaisseur de 210 cm, s’ensuit une fine croûte de regel très dure

qui traduit une courte période de chaleur. La surface se serait humidifiée puis une fois recouverte, se

serait figée dans la glace.

Le reste est aussi une neige en grains ronds mais plus tendre, voir même très tendre.

Puis finalement une neige récente en cours d’humidification et de tassement est présente en

surface.

Le profil combine une base de grain fin très dense et une épaisseur transformée, c'est-à-dire une

combinaison de facteurs de stabilité.

Malgré cela, les différences de densité entre les couches de grains ronds peuvent-être facteur de

mouvement pour les couches superficielles du manteau neigeux.

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Phase 3 : Un printemps précoce.

a) Chronologie :

13 Février : Cette date est la fin des températures « glaciales » et le début d’une remontée très

importante des températures.

Cette remontée n’est pas vraiment brutale mais annonce des températures maximales très

élevées pour la saison. On observe 12,4°C à la station du Tour (alt. : 1500m) le 1er mars 2012.

(Voir les relevés de température en annexe 7).

La fonte des neiges : Le printemps signifie neige humidifiée et transformation en grain rond, ce

dernier correspond à la dernière transformation avant la fonte totale. Par extension, la phase

printanière est donc la dernière phase de l’hiver.

b) Condition météo :

A partir du 12 février, on observe une hausse considérable des températures accompagnée d’un fort

ensoleillement et l’entrée dans une période sèche. C'est-à-dire le passage à une période printanière.

Les températures deviennent très douces dans la journée et ne sont pas toujours négatives durant la

nuit.

Seules quelques chutes de neige de faible ampleur (dépassant rarement les 10 cm) viendront

ponctuer la période.

Il faut attendre le mois d’avril (du 3 au 24) pour retourner dans une période de fortes précipitations

neigeuses grâce à une perturbation accrochée aux iles britanniques. Ce véritable retour en hiver ne

constitue pas une nouvelle phase pour autant puisqu’elle répond tout de même à une logique

printanière.

En effet, la météo est plus difficile à ce moment mais les températures reste douce, de la neige peut

tomber même à basse altitude mais c’est de la neige humide qui fond tout de suite ou qui répond

tout de suite aux propriétés de la neige de printemps.

c) Traduction nivologique :

i) Un cycle printanier.

L’existence de température douce et d’ensoleillement important durant cette phase a amené le

manteau neigeux ou du moins sa surface à subir un cycle printanier. C'est-à-dire un cycle de

gel/dégel rendu possible par l’humidification de la neige.

En effet, les températures douces, souvent mêlées à un fort ensoleillement augmentent

considérablement la T.E.L (teneur en eau liquide) de la neige. Gorgé d’eau liquide, le manteau se

ramollit dans la journée pour donner de la neige de printemps aussi appelé « neige soupe ». Cette

neige de printemps apparait par transformation de la neige existante en grain rond, ce

métamorphisme de fonte à la capacité de transformer n’importe quel grain existant, même les

gobelets.

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Cette eau liquide va ensuite regeler dans la nuit, la surface du manteau neigeux se munit alors d’une

croûte plus ou moins épaisse et très portante.

La surface du manteau neigeux est donc dure et croûtée le matin par le regel nocturne et se ramollit

au fur et à mesure de la journée pour former une neige humide, lourde et molle.

Fine couche de regel rencontrée en début d’après-midi à Pravouta, versant nord-ouest (chartreuse)

(source : T.Pilloix)

Ce phénomène d’humidification est d’autant plus fort dans certaines conditions :

- Si le regel nocturne ne s’effectue pas ou peu. Dans ce cas la neige se ramollit tout de suite. C’est

dans ces circonstances que la T.E.L peut atteindre des seuils maximaux dans la journée.

- Si la pente est bien exposée au soleil : en effet si la pente est exposée plein sud, elle chauffe

beaucoup plus vite et l’humidification est plus intense et plus profonde.

- Si la pente est raide puisque cela implique un impact plus fort du rayonnement solaire.

En effet si la pente est forte, l’angle entre le rayon solaire et la pente tend vers 90°. C'est-à-dire vers

un impact direct et maximal.

De plus, une pente forte favorise les départs par gravité or une neige humide est lourde et c’est cette

surcharge liée à l’eau qui provoque les départs, la pente est donc un facteur favorisant.

- Si la pente est de caractère mixte, c'est-à-dire composée de barre rocheuse ou de rocher affleurant.

En effet, la roche, de couleur sombre, absorbe davantage les rayonnements solaires (Son albédo est

situé entre 0,05 et 0,15).La chaleur monte à l’abord de la roche, la neige se gorge d’eau et un départ

d’avalanche de neige humide se produit alors fréquemment.

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Une zone mixte avec de nombreux dépôts de coulée humide à l’entrée de la combe de Bérard.

De plus il faut noter que la neige humidifiée et tassée a un albédo [1] plus faible que la neige fraiche

(entre 0,4 et 0,7 contre 0,75/0,9 pour la neige fraiche), elle absorbe donc davantage la chaleur du

rayonnement. C’est une spirale infernale.

Enfin, il est nécessaire de préciser l’augmentation de la durée et de l’étendue de l’ensoleillement à

cette période. Les faces Est et Ouest à l’ abri du soleil au mois de janvier sont désormais arrosées de

rayonnement solaire. Le soleil monte davantage en direction du zénith et rayonne alors sur le pied

des faces Nord.

Les facteurs météo s’appliquant de manière régionale conjugués à certains facteurs locaux vus au

dessus donnent alors les ingrédients d’une avalanche de fonte. Cela explique l’intensité de l’activité

avalancheuse, notamment au mois de mars où se produit un phénomène de purge très forte.

Cette activité avalancheuse est par contre peu marquée par des déclenchements accidentels.

Premièrement, le ski de randonnée au printemps est bien connu et les règles sont généralement

respectées. C'est-à-dire gérer son horaire : partir tôt mais surtout revenir tôt. L’équilibre à trouver

pour skier dans des conditions printanières correspond à monter sur une croûte de regel portante et

bénéficier d’une neige « décaillée », c'est-à-dire ramollie par le soleil, juste pour la descente. Si la

neige s’est trop ramollie, l’équilibre n’y est plus et le skieur peut favoriser un départ de neige humide

notamment en coupant une pente ensoleillée ou en appuyant un virage sur une pente assez raide.

De plus, une coulée de neige humide permet un possible évitement. En effet, l’inertie de la neige

humide (semblable à une coulée de lave) permet au skieur attentif de fuir. Elle est donc en théorie

maitrisable par un pratiquant averti.

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Deuxièmement, les coulées de neige humide sont souvent des phénomènes de purge spontanée.

C'est-à-dire des mécanismes de surcharge (comme les purges de neige fraiche) mais provoqués non

pas par une épaisseur de neige supplémentaire mais par l’augmentation du poids de la neige déjà en

place par augmentation de la T.E.L.

En conclusion, la période correspondant à fin février/mars est la période la plus avalancheuse de la

saison. Elle a été très peu accidentogène cependant car relativement maitrisable. Enfin, comme le

début de printemps a été sec, la fréquence des avalanches de fonte a diminué au cours du temps par

saturation. La plupart des purges ayant été réalisée, sans apport de neige supplémentaire, il est alors

normal que l’activité avalancheuse diminue.

ii) Des chutes ponctuels faibles.

Le printemps, globalement sec (excepté avril) n’a engendré que de rares petites chutes de neige

n’excédant pas 10 cm.

Ces petites perturbations neigeuses ont eu deux comportements différents selon l’altitude :

En basse altitude, la couche de neige fraichement tombée est très vite humidifiée et des coulées de

surface en neige humide se sont alors déroulées. Elle ne considère que des coulées de surface pour

plusieurs raison : Premièrement, la couche de neige arrive sur une zone déjà purgée. La masse de

neige mobilisable n’est alors que la nouvelle couche de neige. Deuxièmement la neige récente bien

que déjà transformée en grain rond (comme l’ensemble du manteau neigeux sur tous les versants

sauf nord en altitude) n’est pas autant tassé que les couches anciennes. Cette nouvelle couche est

donc plus facilement mobilisable.

En haute altitude, Les fines couches de neige fraiche produisent de petites plaques à vent ou de

petites plaques friables dont le glissement est favorisé par une sous-couche dure : poudreuse tassé

en face nord ombragée ou grain rond regelé par l’absence de rayonnement solaire.

iii) Un retour nuancé de l’hiver.

D’importantes chutes de neige ont eu lieu durant le mois d’avril. Un cumul d’environ 45 cm

maximum a pu être observé dans le vallon de Bérard durant la période sur place. Seulement ce

cumul prend en compte le tassement de la neige par humidification et les contraintes mécaniques

liés au poids.

On observe plusieurs phénomènes durant cette période:

- Des plaques à vents pouvant être assez grosses ont pu se constituer par dépôt de vent d’ouest en

altitude (plaque possible en contrebas du col de Bérard par exemple).

- Des coulées de neige fraiche en surface à partir de 2000m peuvent partir car la neige fraiche repose

sur une sous couche compacte (neige regelée).

- Quelques plaques friables liées à la variation de la limite pluie/neige en journée ont pu exister à

moyenne altitude, notamment autour du refuge.

Par contre, il n’y a pas de plaque reposant sur des faces planes ou gobelet à cause des

transformations en grain rond visible sur toutes les orientations liées au début du printemps.

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Enfin, de 1500à 2000m d’altitude (pas de couche significative en dessous de 1500m), la neige tombée

est vite humidifiée et tassée. Le risque est donc faible à cette altitude, seules des coulées de neige

humide en pente très raide peuvent partir.

Cette perturbation peut-être alors vu comme un retour temporaire à des conditions hivernales mais

avec des températures tout de même élevées. La logique printanière liée à l’humidification reste

alors de mise.

Cependant, cette période de temps perturbé nous pousse à aborder un élément particulier, le

brouillard. En effet, il a été très présent. Il ne bouleverse pas le manteau neigeux mais déboussole le

skieur car il empêche la visibilité.

Or l’absence de visibilité empêche de remarquer les indices d’instabilité du manteau neigeux

notamment les plaques à vent évidentes.

Le risque d’avalanche est le produit d’une probabilité (présence de plaques) et de vulnérabilité

(niveau du skieur, capacité d’anticipation,…) or le brouillard augmente la vulnérabilité donc par

équation, le risque d’avalanche.

iiii) Les plaques de fond.

Le problème lié aux plaques de fond a persisté et même grandi durant cette phase.

Le travail de reptation issu du début de saison a continué et les dynamiques de gel/dégel ont poussé

certaines à partir. Il y a donc une persistance de ce phénomène.

Mais on note aussi un renouveau qui correspond aux plaques de fond de printemps. C’est en effet le

mécanisme récurant en fin de saison ou lors de période de redoux.

Quand la percolation du manteau neigeux est complète, toute la masse neigeuse est mobilisable car

ramollie et une coulée de neige humide peut entrainer tout le manteau neigeux jusqu'à laisser le sol

nu. A noter que ce type de plaques de fond nécessite aussi un sol sans ancrage (pente d’herbe / dalle

rocheuse). Ainsi on observe une mise à nu des dalles rocheuses situées en rive droite du vallon de

Bérard.

Finalement, comme pour les purges de neige humide, la fréquence des plaques de fond tend à se

réduire au fur et à mesure de la journée car les zones sensibles sont souvent déjà parties.

d) Les plaques, l’illustration de l’imprévisibilité du milieu.

Nous l’avons vu, l’existence de plaques relève de la probabilité. L’aléatoire est dans la définition

même de la plaque.

Or des plaques se sont formées au cours de cette phase, exclusivement en altitude (ne pas oublier

qu’une plaque déclenchée en haute-altitude peut engendrer un danger sur plusieurs centaines de

mètres de dénivelé en dessous).Et certaines se sont d’ailleurs déclenchées en conséquence des faces

planes constituées durant l’épisode sibérien.

Laurent Langoisseur, pisteur aux Grands-Montets témoigne à ce propos d’un déclenchement de

plaque en versant Sud-est vers l’arête de la Mortine au Buet (altitude possible entre 2900m et

3040m) par une randonneuse à la date du 24/02/2012.

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Cet événement peut être expliqué par l’accélération du redoux à cette date (voir relevé des

températures minimal/maximal de météo France en annexe 7). Or ce redoux a été conjugué à un fort

ensoleillement et une exposition favorable (Sud-est).

Mais du fait de l’altitude élevée et des températures antérieures encore assez froides, la neige a dû

rester poudreuse à cet endroit.

Au final,on peut vraisemblablement penser que les conditions météo printanière du 24/02/2012

n’ont pas transformé le manteau neigeux car l’altitude reste élevée mais que la pente a pu être

suffisamment chauffée pour gagner en cohésion et alors permettre l’existence d’une plaque friable.

Le mécanisme pourrait alors être le suivant :

La couche de neige poudreuse légère se trouvant sur l’arête de la Mortine ayant subi un

réchauffement à sa surface, s’est légèrement humidifiée par le soleil. La base de la couche, elle, est

restée assez légère. Or c’est cette neige légère qui joue le rôle de couche fragile pour la couche plus

dense située au dessus. L’existence d’une plaque friable peut alors exister puisque on observe une

couche fragile pour permettre le déclenchement et une cohésion suffisante en surface pour

permettre une propagation.

Le caractère aléatoire associé à cette phase correspond donc aux plaques à vent ou plaques friables.

Or cela peut se démontrer, sur le terrain, en effectuant plusieurs tests de la pelle à un mètre de

distance sur une surface vue comme homogène :

Expérience terrain :

Trois tests de la pelle à 2 m d’intervalle entre eux ont été effectués en contrebas du refuge de

Bérard, sur une surface visiblement homogène.

- Le premier a nécessité 4 coups avec oscillation du coude

- le deuxième a nécessité 3 coups avec oscillation de coude

- le troisième a subi 2 coups avec oscillation de l’épaule.

Bien qu’aléatoire (force de frappe difficile à quantifier, malgré le protocole établi) ce test est

révélateur :

On peut en effet déduire que même sur un espace restreint et d’apparence similaire, chaque point

du manteau neigeux à un comportement différent. La complexité du sol sur lequel repose le

manteau neigeux traduit alors l’existence de points sensibles, c'est-à-dire de hotspots.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Note :

1- Albédo : c’est le rapport entre l'énergie solaire réfléchie par une surface et l'énergie solaire

incidente

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Conclusion :

2011/2012, un hiver particulier ?

L’enneigement a été considéré comme exceptionnel, oui par comparaison à l’année dernière mais

pas vraiment si l’on prend une échelle temporelle plus importante. C’est la rapidité de l’enneigement

en début de saison qui lui est exceptionnel et a engendré un phénomène exceptionnel : Les plaques

de fond non printanières. Ce phénomène est connu mais l’importance et la fréquence de son

occurrence a, cette année, beaucoup surpris.

Ensuite la vague de froid du mois de février a aussi marqué les esprits par ses températures extrêmes

mais n’a pas duré assez longtemps pour avoir une incidence vraiment importante sur le manteau

neigeux. Finalement le printemps a été très précoce et sec, cette année, mais plusieurs fois rappelé à

l’ordre par des épisodes neigeux et plus froid.

Cette année a donc vu passer des épisodes radicaux.

Pourtant l’activité avalanche ne s’est pas montrée radicale cet hiver. Le vallon de Bérard habitue les

skieurs au rejet de flots considérables de neige ; Cette année, il est resté assez discret.

La comparaison à d’autres massifs ou même d’autres secteurs des Aiguilles Rouges est sans appel :

pas de grosses plaques de fond, des purges de neige humide de faible ampleur et enfin peu de

plaques à vent recensées.

L’activité avalancheuse a été présente mais dans une moindre mesure.

Par conséquent, ce qu’il faut aussi retenir, cette année, c’est la faible accidentologie liée à

l’avalanche (aucun accident recensé excepté une plaque sous le Buet qui a failli emporter une

skieuse). En effet, la stabilité du manteau neigeux dans un premier temps a permis de limiter les

risques. Puis l’activité liée à l’humidification du manteau neigeux n’a pas causé beaucoup de danger

car il a pu être facilement appréhendé par les pratiquants à travers la gestion de l’horaire. Partir tôt,

quand la surface neigeuse est figée par une croûte de regel permet de limiter considérablement les

risques.

Enneigement record n’est donc pas synonyme d’accidentologie record ou même plus généralement

d’activité avalancheuse record. Tout dépend de la structure et de la composition du manteau

neigeux.

La présence de plaques a tout de même été significative, à partir de l’épisode sibérien surtout. Le

danger d’avalanche s’est alors fait remarquer à de nombreuses reprises. L’élaboration de grandes

tendances météo-nivologiques avec son lot de généralisations ne doivent donc pas faire oublier la

part considérable de subtilité et d’aléatoire du manteau neigeux.

La surface du manteau neigeux cache en effet bien des surprises et la volonté de l’analyser met en

lumière de nombreux mystères.

L’apologie du mystique pour parler de la montagne n’a pas sa place mais l’idée qu’être en montagne

n’est pas un acquis doit toujours être présente.

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Bibliographie -Dir. Philippe Bourdeau , La montagne, terrain de jeu et d’enjeux ; débats pour l'avenir de

l'alpinisme et des sports de nature. Les Editions du Fournel-Collection sportnature.org, Mai 2006, 207p. -Robert Bolognesi, La neige, connaitre et observer la neige pour mieux prévoir les avalanches, Nathan, 2004, 63p

-Jean-jacques Thillet, La météo de montagne, Seuil-Collection guides CAF, 2004, 188p -Anena, Neige et avalanche n°136, fevrier 2012.

Sites internet consultés

[Internet 1] : http://www.data-avalanche.org

[Internet 2] : http://www.escalade-74.com/Neige/avalanches_et_bra.htm

[Internet 3] : http://www.obs.ujf-grenoble.fr/risknat/pages/universites/UEE2010

[Internet 4] : http://duclos.transmontagne.pagesperso-

orange.fr/article_McCammon_AvalNews_2004.pdf

[Internet 5] : http://www.anpnc.com/recueil/chapitre%203-p24-36.htm

[Internet 6] : http://www.anena.org

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Annexes

-Annexe 1 : Calcul de la superficie du vallon par la méthode du papier

millimétré

-Annexe 2 : Carte topographique du vallon de Bérard au 1 :10 000

-Annexe 3 : Profil nivologique du col des Posettes au 13/01/2012

-Annexe 4 : Exemple B.R.A

-Annexe 5 : Témoignage avalanche à flaine

-Annexe 6 : Carte des différentes stations de relevés

-Annexe 7 : Bulletins Météo-France