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DOSSIER PÉDAGOGIQUE La Compagnie du Théâtre et des étoiles Direction artistique Sterenn Guirriec Phèdre texte de Jean RAcine mise en scène de Sterenn Guirriec Dossier pédagogique 1

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

La Compagnie du Théâtre et des étoiles

Direction artistique Sterenn Guirriec !!!!

Phèdre texte de Jean RAcine

mise en scène de Sterenn Guirriec

!Dossier pédagogique !

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Sommaire !!!L’ÉQUIPE ARTISTIQUE………..…………………………………………………..3 !!RACINE ET PHÈDRE……..………………………………………………………..4 !Jean Racine……..….……………………………………………………………….4 !Phèdre, un classique des plus modernes.……………………………………..5 !Le résumé rapide……………………………………………………………….….5 !Le résumé acte par acte…………………………………………………….……6 !!PHÈDRE PAR LA COMPAGNIE DU THÉÂTRE ET DES ÉTOILES …………8 !Note d’intention de mise en scène………………………………………….….8 !Réflexions sur la scénographie…….……………………………………………9 Vivre dans les cendres du chaos…………………………………………………..9 Les sources d’inspiration …………………………………………………………10 La conception ..……………………………………………………………………14 Les lumières…..……………………………………………………………………15 !POUR ALLER PLUS LOIN……………………………………………….………17 !Extraits : les scènes en miroir…..…………………………………..….………17 !Parler du spectacle. Grille d’analyse pour la représentation ……………25 !!!!

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

!L’équipe artistique

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!Durée estimée du spectacle : 2 heures

!Production : La Compagnie du Théâtre et des Étoiles

Co-production : La Scène Watteau, scène conventionnée de Nogent-sur-Marne !Exploitation du spectacle  • du 25 janvier au 4 février 2016 à la scène Watteau de Nogent-sur-Marne • le 9 février 2016 au théâtre de la Fabrique à Guéret.

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Thésée Philippe Maymat

Phèdre Sterenn Guirriec

Hippolyte Johann Cuny

Aricie Marie Sambourg

Œnone Nanou Garcia

Théramène Laurent Montel

Ismène et Panope Hélène Ollivier

Mise en scène et scénographie Sterenn Guirriec

Assistante à la mise en scène Hélène Ollivier

Costumes Dominique Louis

Scénographie Camille Ansquer

Musique Nicolas Larmignat

Lumières Bruno Rudtmann

Maquillage et coiffure Éva Bouillaut

Conception des décors Les élèves de l’École Prép’art

Régie son Thomas Lucet

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Racine et Phèdre !

Jean racine (1639-1699) !Jean Racine naît en 1639 dans une famille de notables peu fortunés. Orphelin très jeune, il est instruit à Port-Royal, monastère avec qui sa famille avait des relations et où il reçoit une solide éducation religieuse et littéraire. Parvenu à l’âge adulte, il s’installe à Paris en 1658 et s’oriente assez rapidement vers l’étude de la littérature et de la poésie. En 1664, il se lance dans l’écriture dramatique avec La Thébaïde qui ne rencontre pas le succès espéré. Fort heureusement, Alexandre, écrit un an plus tard, lui vaut les éloges du public. Racine quitte alors la troupe de Molière, qui avait pourtant lancé sa pièce, pour la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, se brouillant

définitivement avec celui-ci. En 1666, il interrompt ses relations avec Port-Royal, dont les écrits condamnent sans appel l’art dramatique. Les pièces qui rencontrent le plus de succès auprès de ses contemporains comme de la postérité sont rédigées de 1667 à 1677. Andromaque (1667) révèle l’originalité de son écriture. Puis viennent Britannicus, Bérénice, Bajazet, Mithridate et Iphigénie. Phèdre, en 1677, clôt cette décennie d’écriture si faste. Il faut croire que cette année marque un tournant dans la vie de l’auteur, puisqu’il abandonne l’écriture dramatique après avoir été nommé historiographe du roi, se réconcilie avec Port-Royal et fait un mariage bourgeois. Par la suite, il n’écrira plus que deux pièces, Esther et Atalie, des tragédies sacrées, qui répondaient à des commandes de sa protectrice, Mme de Maintenon, pour l’instruction biblique des jeunes filles de Saint-Cyr. Il rédigera également quelques livrets d’opéra pour Mme de Montespan. Jusqu’à la fin de la sa vie, Racine évolue dans des sphères très proches de Louis XIV. À sa mort, le Roi, respectant ses dernières volontés, le fait enterrer à Port-Royal. À la destruction du couvent, en 1710, ses cendres sont transférées à l’Eglise Saint-Etienne-du-Mont, à Paris. En somme, seul un quart de la vie de Racine aura été consacré à l’écriture des pièces qui lui ont permis l’accès à la postérité. Après une brutale émancipation qui laisse le champ libre à son génie créateur, le succès lui attire les faveurs du pouvoir royal. Son ambition quitte désormais la sphère art ist ique pour évoluer sur des voies plus académiques. Durant la seconde moitié de sa vie, Racine mène alors une carrière d’écrivain officiel et renoue, loin du théâtre, avec les bienfaiteurs de sa jeunesse, les jansénistes de Port-Royal. !

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Avant le spectacle

Quel le place pr iv i légiée occupe Phèdre dans la vie d’écrivain de Racine ? En quoi est-ce une période charnière de sa vie ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Phèdre, un classique des plus modernes

!Comment interpréter un sujet déjà tant de fois traité ? Si mettre en scène Phèdre de Racine peut paraître relever de la gageure tant la pièce a été montée depuis sa création en 1677, l’écrire à la fin du XVIIe siècle n’était pas chose simple non plus. Depuis Euripide, le mythe de Phèdre et d’Hippolyte a connu de nombreuses interprétations théâtrales dont la plupart sont aujourd’hui tombées dans l’oubli. La pièce de Racine, elle, devenue une des plus célèbres tragédies françaises, accueille le passage du temps comme un éternel élixir de jeunesse, lui conférant une beauté aux reflets constamment renouvelés. Tel un kaléidoscope, Phèdre ne cesse de se parer d’éclats nouveaux à la lumière du présent : c’est ce qui fait la pérenne actualité de cette œuvre magistrale.

!!Le résumé rapide

!Thésée, le roi d’Athènes, est parti repousser quelques monstres aux confins du royaume. Avant son départ, il a confié Phèdre, son épouse, et Aricie, sa prisonnière, seule survivante d’une famille rivale, à Hippolyte, le fils né de ses amours avec une Amazone. Tandis que le jeune homme brûle secrètement d’amour pour Aricie, Phèdre quant à elle, est éprise de lui à en mourir. L’annonce de la mort de Thésée vient précipiter les déclarations amoureuses : libérés d’un rival politique et d’un père contraignant Aricie et Hippolyte s’avouent un amour réciproque ; délivrée d’un époux qui rendait ses amours incestueuses, Phèdre déclare sa passion à Hippolyte, puis honteuse, tente de se suicider avec l’épée du jeune homme. Aidée par sa confidente, Œnone, elle espère finalement séduire le jeune homme en flattant son ambition et en lui offrant le trône. Mais alors qu’on ne l’attendait plus, Thésée revient des Enfers, étonné et courroucé face à l’accueil bien singulier que les membres de sa famille réservent à son retour inespéré : Phèdre l’évite et Hippolyte refuse d’expliquer son départ précipité. Œnone, pour sauver Phèdre, se sert de l’épée d’Hippolyte, laissée entre les mains de Phèdre pour accuser le jeune homme d’un amour coupable envers sa belle-mère. Thésée se laisse persuader par les apparences et implore Neptune de le venger des insolences de son fils. Hippolyte, pour se défendre avoue son seul crime : aimer Aricie. Mais Thésée préfère croire à la version calomnieuse d’Œnone. Phèdre, rongée par la culpabilité, s’apprête à révéler la vérité à Thésée, quand elle apprend de la bouche de celui-ci l’amour d’Hippolyte pour Aricie. La jalousie lui ôte la parole. Lorsqu’enfin elle reproche à Œnone ses accusations

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AVANT LE SPECTACLE

Quelles sont les lectures modernes que l’on peut faire de Phèdre ? En quoi la pièce peut-elle trouver des résonances actuelles ? !

APRÈS LE SPECTACLE

La mise en scène dialogue-t-elle avec le contexte contemporain ? Qu’apporte-elle à une lecture moderne de la pièce ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

mensongères et renvoie celle-ci, il est déjà trop tard. Hippolyte, après avoir donné rendez-vous à Aricie dans un petit temple à la sortie de Trézène pour l’épouser en secret, quitte la ville. Panope annonce à Thésée la mort proche de Phèdre et le suicide d’Œnone. Pris d’un horrible doute, Thésée demande à voir son fils. Mais Théramène, vient lui annoncer que la malédiction de Neptune a déjà frappé mortellement le jeune homme : poursuivi par un monstre marin, il est mort en combattant, empêtré dans les rênes de son attelage. Phèdre avoue alors à son mari la vérité avant de mourir sur scène. !!!Le résumé acte par acte

!ACTE I : Où les amours sont secrètes et impossibles !À Trézène, on est sans nouvelle de Thésée, le roi d’Athènes, parti combattre aux frontières du royaume après avoir confié sa famille à Hippolyte, le fils qu’il a eu d’une Amazone. Inquiet et impatient de faire ses preuves, le jeune homme est déterminé à partir sur les traces de son père. Mais son départ, aux allures de fuite, répond à une autre motivation. Depuis quelque temps, le jeune homme, mélancolique, délaisse les forêts qu’il aime tant. Théramène, le compagnon de ses chasses, mais aussi l’ami de son père chargé de veiller sur lui en son absence, lui fait avouer la raison de ce changement de comportement : lui qui passe pour avoir un cœur insensible, est amoureux d’Aricie, seule rescapée d’une famille rivale de la sienne. En s’éloignant, Hippolyte espère vaincre cet amour que le contexte politique interdit. Phèdre, de son côté, est rongée depuis longtemps par un mal mystérieux. Pressée par Œnone, sa confidente, elle avoue à son tour un amour coupable : elle brûle pour Hippolyte, le fils de son époux. La haine qu’elle lui a jusqu’ici ouvertement manifestée, allant jusqu’à provoquer sa retraite à Trézène loin d’Athènes, n’était qu’une façade destinée à cacher et à refouler cette passion coupable. La sombre messagère, Panope annonce alors à la reine une nouvelle qui vient bouleverser l’ordre politique et familial : Thésée serait mort au cours de son expédition. Œnone persuade Phèdre de renoncer à la mort et de s’allier à Hippolyte contre Aricie pour défendre les intérêts de son fils. !ACTE II : Où les entrevues politiques se changent en déclarations amoureuses !Aricie n’ose croire trop vite aux bouleversements qui amélioreraient sa situation. Ismène, son optimiste confidente, tente de la persuader que le tyran qui lui refusait toute descendance est mort et que le farouche Hippolyte qu’elle aime n’est pas insensible à son égard. Les observations d’Ismène s’avèrent perspicaces. Le jeune homme, venant annoncer à Aricie qu’il lui restituait le pouvoir que son père avait pris à sa famille, lui déclare son amour. Les deux amants n’ont toutefois pas le temps de savourer la douceur d’une passion réciproque : Phèdre demande à voir Hippolyte. Alors qu’elle débat avec son beau-fils sur la mort de son époux, l’aveu de sa passion lui échappe. Honteuse, elle s’empare de l’épée du jeune homme pour mettre fin à ses jours. Œnone l’en empêche et

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

l’invite à la fuite. Hippolyte, interdit, se promet de taire cet événement et de hâter son départ, et ce malgré l’annonce de Théramène : Thésée, toujours vivant, serait sur le chemin du retour. !ACTE III : Où le retour du père et de l’époux rend les amours coupables !Phèdre, ignorant le retour prochain de son époux, exprime la honte et le désespoir de s’être déclarée à l’insensible Hippolyte. Elle espère séduire le jeune homme en flattant son ambition. Elle envoie Œnone lui proposer le trône. Mais Œnone rebrousse rapidement chemin pour lui apprendre le retour inattendu de Thésée. Elle conseille alors à la reine, qui songe une fois de plus à mourir, de prendre les devants et d’accuser Hippolyte. Thésée, qui s’attendait à l’accueil chaleureux réservé aux héros miraculés est désemparé : son épouse l’évite et son fils souhaite quitter la ville au plus vite. Offensé et inquiet, n’obtenant aucune explication de la part d’Hippolyte, il est déterminé à interroger Phèdre sur le mystère qui préside aux agissements de sa famille. !ACTE IV : Où Thésée est mauvais interprète du drame qui se joue !Œnone, décidée à sauver sa reine, présente à Thésée l’épée d’Hippolyte, abandonnée aux mains de Phèdre, comme la preuve d’un amour scandaleux du jeune homme pour sa belle-mère. Aveuglé par la fureur, Thésée implore Neptune, qui lui doit une faveur, de le venger de ce fils insolent. Pour se défendre, Hippolyte, qui se refuse toujours à accuser Phèdre, avoue à son père son amour pour Aricie, crime bien innocent par rapport à celui dont il est accusé. Mais son père, mauvais interprète des signes qui semblent confondre son fils, refuse de le croire. Phèdre, décidée à dire la vérité à son époux, se tait, dévorée par la jalousie, lorsqu’elle apprend de celui-ci qu’Hippolyte aime Aricie. Prise de remords, elle reproche tardivement à Œnone ses accusations mensongères et renvoie cette dernière. !ACTE V : Où la tragédie finit par avoir lieu !Aricie tente vainement de convaincre Hippolyte de chercher à se disculper. Les amants conviennent finalement de s’enfuir et de se retrouver à l’écart de la ville dans un petit temple où ils pourront célébrer un hymen secret. Avant de partir rejoindre Hippolyte, Aricie plaide la cause de son amant auprès de Thésée. Celui-ci, de moins en moins certain d’avoir pris la bonne décision, demande à voir Œnone pour l’interroger à nouveau. Mais c’est Panope qui vient le trouver pour lui annoncer le suicide de cette dernière et la mort prochaine de Phèdre. Rongé par l’inquiétude, Thésée exige que l’on rappelle son fils. Trop tard. Théramène, bouleversé par le chagrin, accourt pour lui annoncer la mort d’Hippolyte : il a succombé au pied du temple où il devait s’unir à Aricie, dans le combat mortel qui l’opposait au monstre marin envoyé par Neptune. Phèdre, mourante, avoue la vérité à son mari avant d’expirer. !!

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Phèdre par la Compagnie du Théâtre et des Étoiles

!!Note d’intention de mise en scène

!Dire ou ne pas être reste la question !

Il était une fois Phèdre. Il était une mythologique fois qui contenait toutes les fois du monde. !J’ai voulu mettre en scène Phèdre de Racine, en célébrant les secrets tapis à l’ombre de l’intrigue, ces secrets qui piaffent en l’interdiction d’aimer et de le dire : c’est le bannissement d’un fils par son père, c’est la solitude qui condamne, lorsque « ne pas être aimé » se traduit par « ne pas être », c’est la pulsion de vie lorsqu’elle déchire jusqu’au mourir et c’est enfin cette part de notre humanité qui trouve son écho dans les silences où vacarme la mythologie. Dans cet affolement de l’âme et du cœur, le déploiement du mot vivre vient secouer la parole. C’est alors à l’acteur d’offrir du «  jeu » aux mots. Les faire mentir, sourire, se contredire, par un silence, un regard, une hésitation. Offrir toutes ses chances à la vie, à l’espoir, à un épilogue non encore imaginé. Les personnages ne savent pas, eux, que leur dire est écrit. Et que par l’écriture s’encre la tragédie. !J’ai choisi pour décor ce qui ressemblerait à un monde construit depuis une projection de notre inconscient, un monde qui se plie, se déplie, en un rêve où s’impriment les ricochets possibles d’un réel. Le palais de Trézène, comme une métaphore de nos envies, s’inscrit sur une trace, sur des vestiges, ceux d’un royaume abandonné par son roi, ceux d’un royaume pillé d’avoir appartenu à d’autres. L’incendie d’une menace ravage la bucolique image d’un jardin fantastique  ; un arbre s’érigeant vers le ciel, mais calciné. Des rochers volcaniques, mais à bien les regarder, des amoncèlements d’objets (chaussures, valises, livres,…) ravagés eux aussi par les flammes, qui se figent en symbole de l’exode. Et au sein de la cendre de ce cauchemar, la vie qui persiste, toujours. Une baignoire, un trône, un lit… des signes du quotidien presque dérisoires, où la vie se réfugie, comme une trêve lancée à l’inéluctable. !Les lumières cisèlent l’espace, jusqu’à parfois le réinventer, accompagnent les arrivées et sorties de la petite fille du Soleil, Phèdre, comme le font les levers ou couchers du soleil. La chronologie peut sembler s’inverser, ou la distribution se confondre, lorsque qu’un effet retrouvé après l’ellipse d’un noir fait basculer la scène. Les lumières accompagnent et signent la métaphore d’un lieu qui n’a pas lieu. !Du cuir, des sangles, de larges ceintures, des costumes aux lignes fortes. Plus une réponse à la menace qui rôde qu’à une époque qui circonscrit. Du noir, de l’ocre sombre jusqu’au doré. Un jeu de transparence avec différentes matières. !

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

La création musicale originale est composée par Nicolas Larmignat. Des voix enregistrées, transformées, inversées, afin que les désirs, les peurs, les fureurs se fassent entendre. Des rythmes, des répétitions, des distorsions… comme le battement d’un cœur sous la tragédie. La musique viendra aussi s’inscrire dans le silence comme une réponse des Dieux que l’on invoque : Neptune, Vénus… !Il aura été cette fois. Cette histoire qui est la nôtre. Celle de nos secrets qui rugissent dans nos silences. Celle d’une fureur d’aimer qui, dans la nuit du soleil, s’amplifie. !

Sterenn Guirriec !!Réflexions sur la scénographie

!Vivre dans les cendres du chaos !Comment représenter un monde ravagé par les tourmentes de la guerre ? Mais aussi l’univers dans lequel évolue Phèdre, la petite-fille du Soleil ? Ce sont les questions auxquelles les propositions scénographiques de Sterenn Guirriec tentent de répondre, plutôt que de se confronter aux exigences d’un lieu et d’un temps clairement identifiables. Aussi le décor se présente-t-il comme les vestiges cauchemardesques d’une cité détruite, tout comme les cendres d’un monde brûlé par le Soleil, embrasé par le feu qui anime ses habitants. La tragédie se dessine au milieu d’amoncellements d’objets en partie brûlés. Au lointain, un arbre calciné sert fréquemment de lieu de rendez-vous aux personnages. !Entre ces vestiges qui rappellent la guerre, se dressent tour à tour les meubles du palais de Trézène, propres à chaque personnage : la frêle baignoire d’Aricie, une table royale pour l’entrevue entre Hippolyte et Phèdre, le lit où Phèdre vient se réfugier et sous lequel elle dissimule ses médicaments, le trône de Thésée qui semble lui aussi rescapé des Enfers… Ces objets concrets parmi des vestiges à moitié cauchemardesques sont le signe de la vitalité, du désir, des pulsions qui continuent d’habiter les personnages au milieu du chaos. !!!!

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Après le spectacle

Que vous évoquent ces amoncellements d’objets sur scène ? Vous font-ils penser à des références dans l’actualité ou dans le passé ? À votre avis, qu’apportent-ils à la pièce ? Quels aspects du texte mettent-ils en valeur ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Au fond de la scène, un sombre promontoire bordé de marches surplombe la scène. Rappel de la majestuosité du palais de Thésée, ce promontoire permet des apparitions sur scène singulières, mais aussi des différences de hauteur entre les personnages. Il permet également, avec l’aide des lumières d’élever certains passages du spectacle au-dessus du reste du décor.

Les sources d’inspiration Les œuvres de différents artistes ont inspiré le travail sur la scénographie : la sculpture à partir de livres détruits d’Anselm Kiefer, l’univers sombre de Felix Nussbaum, les amoncellements d’objets d’Arman et ses instruments calcinés ou encore les installations de Christian Boltanski.

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Après le spectacle

Quel est le contraste entre les meubles du palais de Trézène, qui viennent ponctuer les différentes scènes, et le cadre créé par l’arbre calciné et les piles d’objets ? Qu’apporte ce contraste à la pièce ? Quels sont les meubles qui semblent eux aussi frappés par la destruction et par le cauchemar ? Quels sont ceux au contraire qui semblent s’en détacher radicalement ? Comment interprétez-vous ces différences ? Quels liens pouvez-vous faire entre les objets et les personnages qui les utilisent ?

Autoportrait avec fleur de pommier, Felix NUSSBAUM, 1939 !

Felix Nussbaum (1904-1944) est un peintre juif allemand des années 1930 et du début des années 1940. Ses œuvres sont marquées par l’avènement du nazisme et la montée de l’antisémitisme en Europe. Elles décrivent un monde que l’homme mène à sa destruction.

Faites attention aux passages de la pièce qui se déroulent sur le promontoire. Quel est l’effet produit ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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La Tempête, Felix NUSSBAUM, 1941

Sculpture d’Anselm KIEFER !Anselm Kiefer, né en 1945, est un artiste plasticien allemand vivant en France. Ses œuvres sont le fruit d’un incessant travail sur la matière, mêlant les objets à l’organique et au minéral. Elles sont traversées par une réflexion sur les catastrophes, la destruction et la mémoire.

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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Accumulation de violons, ARMAN, 1985 !Arman (1928-2005) est un artiste contemporain qui s’est intéressé au rapport à l’objet dans la société moderne. Son œuvre met en évidence les mécanismes contradictoires de sacralisation, de consommation et de destruction qui, selon lui, sont au cœur de notre relation à l’objet. Dans ses scu lpture , i l a souvent recours à l’accumulation.

Consigne à vie, ARMAN, 1985

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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Après le spectacle

Que vous inspirent ces différentes œuvres ? Comment justifiez-vous le choix de ces sources d’inspiration pour le décor de Phèdre ? Quels sont précisément les éléments du décor de Phèdre qui vous rappellent ces œuvres ? Comment la scénographie s’approprie-t-elle ces sources d’inspiration pour proposer autre chose ?

Personnes, Christian BOLTANSKI, 2010 !Christian Boltanski (né en 1944) est un artiste plasticien contemporain dont les œuvres reflètent une certaine obsession pour le passage du temps, la mort et la mémoire. !Son installation, Personnes, en 2010, au Grand Palais, à Paris, met en scène la précarité de la vie humaine à travers de gigantesques amoncellements de vêtements. Elle évoque la vie, mais aussi la mort et l’absence.

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

La conception !Les élèves de Lionel Dax de l’École Prép’art ont travaillé, sous la direction de Camille Ansquer, à la confection de l’arbre calciné et des piles de valises, de chaussures, de livres léchés par les flammes qui occupent la scène, comme autant de traces d’un temps révolu. Car c’est bien de guerre dont il est question en sourdine à longueur d’alexandrins : la famille d’Aricie décimée par la guerre pour le trône d’Athènes, les monstres terrifiants qui menacent sans cesse les terres grecques et contre lesquels Thésée livre des combats sans cesse recommencés en témoignent.

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Confection par l’École Prép’art d’un livre brûlé pour la pile de livres.

Œuvre d’Anselm Kiefer à partir de livres

Quel rapprochement pouvez vous faire entre l’œuvre d’Anselm Kiefer et la réalisation de la pile de livres du décor ? Quelles sont les ressemblances ? Les différences ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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!Les lumières !Nées du travail de Sterenn Guirriec avec Bruno Rudtmann, les lumières jouent un rôle important dans la scénographie. Elles accompagnent un décor qui oscille entre rêve (ou cauchemar) et réalité. Elles accompagnent la mise en scène par un jeu de variations et de contrastes, allant de la semi-pénombre à une grande luminosité. Elles travaillent l’espace scénique, en réinventant constamment le décor : les amoncellements d’objets se montrent sous un angle nouveau à chaque éclairage, et les branches de l’arbre se prêtent à un jeu d’ombres qui peut changer radicalement l’atmosphère d’une scène à l’autre. En outre, les lumières deviennent presque un acteur à part entière, lorsqu’elles interagissent avec Phèdre pour souligner son origine solaire.

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Croquis de Camille Ansquer pour la confection de l’arbre

Après le spectacle

Qu’apporte l’arbre au décor ? L’arbre présent sur scène ressemble-t-il au croquis initial ?

Après le spectacle

Comment les lumières animent-elles le décor ? Quelles sont les différentes atmosphères qu’elles contribuent à créer ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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La lumière vous semble-t-elle parfois revêtir une fonction symbolique (sur cette photographie, mais aussi à d’autres moments du spectacle) ?

Photographie prise en répétition d’une des entrées sur scène de Phèdre

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Pour aller plus loin !!Extraits: les scènes en miroir

!!Dans Phèdre, certaines scènes semblent se répondre, créant un jeu d’échos à travers la tragédie. Par exemple, l’aveu de l’amour au confident survient par trois fois de la part de trois personnages différents (I, 1, Hippolyte à Théramène ; I, 3, Phèdre à Œnone ; II, 1, Aricie à Ismène). Les différences donnent du relief à chaque scène, mettent en valeur toute la singularité des personnages, mais rappellent aussi, à travers ce jeu subtil de miroirs et de doubles, qu’il s’agit, au fond, d’une déclinaison virtuose de la part de Racine d’une même situation. !Etude comparée : deux scènes de déclaration amoureuse Acte II, scène 2 et scène 5

! Acte II, scène 2 : Hippolyte à Aricie HIPPOLYTE ! Madame, avant que de partir, J’ai cru de votre sort vous devoir avertir. Mon père ne vit plus. Ma juste défiance Présageait les raisons de sa trop longue absence : La mort seule, bornant ses travaux éclatants, Pouvait à l’univers le cacher si longtemps. Les dieux livrent enfin à la Parque homicide L’ami, le compagnon, le successeur d’Alcide. Je crois que votre haine, épargnant ses vertus, Écoute sans regret ces noms qui lui sont dus. Un espoir adoucit ma tristesse mortelle : Je puis vous affranchir d’une austère tutelle.

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Avant le spectacle

À la lecture des scènes suivantes déterminez : • en quoi la situation des deux scènes est similaire • quelles sont les ressemblances entre ces deux déclarations amoureuses • à quel niveau se situent les différences. (comparer les intentions initiales des personnages, leurs réactions, la réception des aveux, etc)

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Je révoque des lois dont j’ai plaint la rigueur : Vous pouvez disposer de vous, de votre cœur ; Et, dans cette Trézène, aujourd’hui mon partage, De mon aïeul Pitthée autrefois l’héritage, Qui m’a, sans balancer, reconnu pour son roi, Je vous laisse aussi libre, et plus libre que moi. ! ARICIE ! Modérez des bontés dont l’excès m’embarrasse. D’un soin si généreux honorer ma disgrâce, Seigneur, c’est me ranger, plus que vous ne pensez, Sous ces austères lois dont vous me dispensez. ! HIPPOLYTE ! Du choix d’un successeur Athènes incertaine, Parle de vous, me nomme, et le fils de la reine. ! ARICIE ! De moi, seigneur ? ! HIPPOLYTE ! Je sais, sans vouloir me flatter, Qu’une superbe loi semble me rejeter : La Grèce me reproche une mère étrangère. Mais si pour concurrent je n’avais que mon frère, Madame, j’ai sur lui de véritables droits Que je saurais sauver du caprice des lois. Un frein plus légitime arrête mon audace : Je vous cède, ou plutôt je vous rends une place, Un sceptre que jadis vos aïeux ont reçu De ce fameux mortel que la terre a conçu. L’adoption le mit entre les mains d’Égée. Athènes, par mon père accrue et protégée, Reconnut avec joie un roi si généreux, Et laissa dans l’oubli vos frères malheureux. Athènes dans ses murs maintenant vous rappelle : Assez elle a gémi d’une longue querelle ; Assez dans ses sillons votre sang englouti A fait fumer le champ dont il était sorti. Trézène m’obéit. Les campagnes de Crête Offrent au fils de Phèdre une riche retraite.

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

L’Attique est votre bien. Je pars, et vais, pour vous, Réunir tous les vœux partagés entre nous. ! ARICIE ! De tout ce que j’entends, étonnée et confuse, Je crains presque, je crains qu’un songe ne m’abuse. Veillé-je ? Puis-je croire un semblable dessein ? Quel dieu, seigneur, quel dieu l’a mis dans votre sein ! Qu’à bon droit votre gloire en tous lieux est semée ! Et que la vérité passe la renommée ! Vous-même en ma faveur vous voulez vous trahir ! N’était-ce pas assez de ne me point haïr, Et d’avoir si longtemps pu défendre votre âme De cette inimitié... ! HIPPOLYTE ! Moi, vous haïr, madame ! Avec quelques couleurs qu’on ait peint ma fierté, Croit-on que dans ses flancs un monstre m’ait porté ? Quelles sauvages mœurs, quelle haine endurcie Pourrait, en vous voyant, n’être point adoucie ? Ai-je pu résister au charme décevant... ! ARICIE ! Quoi ! seigneur… ! HIPPOLYTE ! Je me suis engagé trop avant. Je vois que la raison cède à la violence : Puisque j’ai commencé de rompre le silence, Madame, il faut poursuivre ; il faut vous informer D’un secret que mon cœur ne peut plus renfermer. Vous voyez devant vous un prince déplorable, D’un téméraire orgueil exemple mémorable. Moi qui, contre l’amour fièrement révolté, Aux fers de ses captifs ai longtemps insulté ; Qui, des faibles mortels déplorant les naufrages, Pensais toujours du bord contempler les orages ; Asservi maintenant sous la commune loi, Par quel trouble me vois-je emporté loin de moi ! Un moment a vaincu mon audace imprudente :

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Cette âme si superbe est enfin dépendante. Depuis près de six mois, honteux, désespéré, Portant partout le trait dont je suis déchiré, Contre vous, contre moi, vainement je m’éprouve : Présente, je vous fuis ; absente, je vous trouve ; Dans le fond des forêts votre image me suit ; La lumière du jour, les ombres de la nuit, Tout retrace à mes yeux les charmes que j’évite ; Tout vous livre à l’envi le rebelle Hippolyte. Moi-même, pour tout fruit de mes soins superflus, Maintenant je me cherche, et ne me trouve plus : Mon arc, mes javelots, mon char, tout m’importune ; Je ne me souviens plus des leçons de Neptune ; Mes seuls gémissements font retentir les bois, Et mes coursiers oisifs ont oublié ma voix. Peut-être le récit d’un amour si sauvage Vous fait, en m’écoutant, rougir de votre ouvrage ? D’un cœur qui s’offre à vous quel farouche entretien ! Quel étrange captif pour un si beau lien ! Mais l’offrande à vos yeux en doit être plus chère : Songez que je vous parle une langue étrangère ; Et ne rejetez pas des vœux mal exprimés, Qu’Hippolyte sans vous n’aurait jamais formés. !! Acte II, scène 5 : Phèdre à Hippolyte ! PHÈDRE, à Œnone ! Le voici : vers mon cœur tout mon sang se retire. J’oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire. ! ŒNONE ! Souvenez-vous d’un fils qui n’espère qu’en vous. ! PHÈDRE ! On dit qu’un prompt départ vous éloigne de nous, Seigneur. À vos douleurs je viens joindre mes larmes ; Je vous viens pour un fils expliquer mes alarmes. Mon fils n’a plus de père ; et le jour n’est pas loin Qui de ma mort encor doit le rendre témoin. Déjà mille ennemis attaquent son enfance :

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Vous seul pouvez contre eux embrasser sa défense. Mais un secret remords agite mes esprits : Je crains d’avoir fermé votre oreille à ses cris ; Je tremble que sur lui votre juste colère Ne poursuive bientôt une odieuse mère. ! HIPPOLYTE ! Madame, je n’ai point des sentiments si bas. ! PHÈDRE ! Quand vous me haïriez, je ne m’en plaindrais pas, Seigneur : vous m’avez vue attachée à vous nuire ; Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire. À votre inimitié j’ai pris soin de m’offrir : Aux bords que j’habitais je n’ai pu vous souffrir ; En public, en secret, contre vous déclarée, J’ai voulu par des mers en être séparée ; J’ai même défendu, par une expresse loi, Qu’on osât prononcer votre nom devant moi. Si pourtant à l’offense on mesure la peine, Si la haine peut seule attirer votre haine, Jamais femme ne fut plus digne de pitié, Et moins digne, seigneur, de votre inimitié. ! HIPPOLYTE ! Des droits de ses enfants une mère jalouse Pardonne rarement au fils d’une autre épouse ; Madame, je le sais : les soupçons importuns Sont d’un second hymen les fruits les plus communs. Tout autre aurait pour moi pris les mêmes ombrages, Et j’en aurais peut-être essuyé plus d’outrages. ! PHÈDRE ! Ah, seigneur ! que le ciel, j’ose ici l’attester De cette loi commune a voulu m’excepter ! Qu’un soin bien différent me trouble et me dévore ! ! HIPPOLYTE ! Madame, il n’est pas temps de vous troubler encore : Peut-être votre époux voit encore le jour ;

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Le ciel peut à nos pleurs accorder son retour. Neptune le protège ; et ce dieu tutélaire Ne sera pas en vain imploré par mon père. ! PHÈDRE ! On ne voit point deux fois le rivage des morts, Seigneur : puisque Thésée a vu les sombres bords, En vain vous espérez qu’un dieu vous le renvoie ; Et l’avare Achéron ne lâche point sa proie. Que dis-je ? Il n’est point mort, puisqu’il respire en vous. Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux : Je le vois, je lui parle ; et mon cœur... je m’égare, Seigneur ; ma folle ardeur malgré moi se déclare. HIPPOLYTE ! Je vois de votre amour l’effet prodigieux : Tout mort qu’il est, Thésée est présent à vos yeux ; Toujours de son amour votre âme est embrasée. ! PHÈDRE ! Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée : Je l’aime, non point tel que l’ont vu les enfers, Volage adorateur de mille objets divers, Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ; Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche, Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi, Tel qu’on dépeint nos dieux, ou tel que je vous voi. Il avait votre port, vos yeux, votre langage ; Cette noble pudeur colorait son visage, Lorsque de notre Crête il traversa les flots, Digne sujet des vœux des filles de Minos. Que faisiez-vous alors ? Pourquoi, sans Hippolyte, Des héros de la Grèce assembla-t-il l’élite ? Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ? Par vous aurait péri le monstre de la Crête, Malgré tous les détours de sa vaste retraite : Pour en développer l’embarras incertain, Ma sœur du fil fatal eût armé votre main. Mais non : dans ce dessein je l’aurais devancée ; L’amour m’en eût d’abord inspiré la pensée. C’est moi, prince, c’est moi, dont l’utile secours

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Vous eût du labyrinthe enseigné les détours. Que de soins m’eût coûtés cette tête charmante ! Un fil n’eût point assez rassuré votre amante : Compagne du péril qu’il vous fallait chercher, Moi-même devant vous j’aurais voulu marcher ; Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue Se serait avec vous retrouvée ou perdue. ! HIPPOLYTE ! Dieux ! qu’est-ce que j’entends ? Madame, oubliez-vous Que Thésée est mon père, et qu’il est votre époux ? ! PHÈDRE ! Et sur quoi jugez-vous que j’en perds la mémoire, Prince ? Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire ? ! HIPPOLYTE ! Madame, pardonnez : j’avoue, en rougissant, Que j’accusais à tort un discours innocent. Ma honte ne peut plus soutenir votre vue ; Et je vais… ! PHÈDRE ! Ah, cruel ! tu m’as trop entendue ! Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur. Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur : J’aime ! Ne pense pas qu’au moment que je t’aime, Innocente à mes yeux, je m’approuve moi-même ; Ni que du fol amour qui trouble ma raison Ma lâche complaisance ait nourri le poison ; Objet infortuné des vengeances célestes, Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes. Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ; Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle De séduire le cœur d’une faible mortelle. Toi-même en ton esprit rappelle le passé : C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé ; J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ; Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine. De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins ; Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes. J’ai langui, j’ai séché dans les feux, dans les larmes : Il suffit de tes yeux pour t’en persuader, Si tes yeux un moment pouvaient me regarder… Que dis-je ? cet aveu que je te viens de faire, Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? Tremblante pour un fils que je n’osais trahir, Je te venais prier de ne le point haïr : Faibles projets d’un cœur trop plein de ce qu’il aime ! Hélas ! je ne t’ai pu parler que de toi-même ! Venge-toi, punis-moi d’un odieux amour : Digne fils du héros qui t’a donné le jour, Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite. La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ! Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t’échapper ; Voilà mon cœur : c’est là que ta main doit frapper. Impatient déjà d’expier son offense, Au-devant de ton bras je le sens qui s’avance. Frappe : ou si tu le crois indigne de tes coups, Si ta haine m’envie un supplice si doux, Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée, Au défaut de ton bras prête-moi ton épée ; Donne. ! ŒNONE ! Que faites-vous, madame ! Justes dieux ! Mais on vient : évitez des témoins odieux ! Venez, rentrez ; fuyez une honte certaine.

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Après le spectacle

Comment la mise en scène met-elle en évidence les ressemblances et les échos entre ces deux scènes, mais aussi leur différence radicale ? Comparer les placements des acteurs, la gestuelle, les lumières.

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Parler du spectacle grille d’analyse pour la représentation

!!1. Les personnages !!La mise en scène a-t-elle éclairé d’une manière inattendue pour vous certains personnages et leurs relations avec d’autres ? !Faire un tableau comparatif !!

!2. L’espace scénique !S’agit-il d’un lieu précis, d’un monde imaginaire ou de la traduction d’un univers mental ? Pourriez-vous rattacher cet espace à une époque ou vous semble-t-il intemporel ? Comment les comédiens investissent cet espace ? Comment se positionnent-ils dans le décor en fonction des scènes ? !3. Les lumières !Comment s’intègrent-elles au décor ? Quelles sont les différentes atmosphères qu’elles contribuent à créer ? Vous semblent-elles avoir par moment une fonction symbolique ? Quand ? Laquelle selon vous ? !

Personnages Caractère Costumes Comportement, rapports aux autres

HIPPOLYTE selon mon imagination de lecteur (avant la représentation)

HIPPOLYTE selon mon imagination de spectateur (après la représentation)

PHÈDRE selon mon imagination de lecteur

PHÈDRE selon mon imagination de spectateur

etc

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

4. Les accessoires !Dressez une liste des meubles et des accessoires dont vous vous souvenez après la représentation. Comment participent-ils à la définition des personnages qui les manipulent ? Ont-ils parfois une valeur symbolique ? Quand ? Laquelle selon vous ? !5. Les costumes !Quels liens pouvez-vous établir entre les costumes et les décors ? Se rattachent-ils pour vous à une époque précise ou sont-ils intemporels ? Que disent-ils des personnages qui les portent ? Ont-ils plutôt une fonction sociale ou une fonction symbolique ? Que signifient les changements de costumes de certaines personnages d’une scène à l’autre ? !6. La musique !Comment décririez-vous l’univers musicale de la pièce ? Comment la musique accompagne-t-elle le texte ? Comment accompagne-t-elle l’univers visuel du spectacle ? !7. La diction !Comment sont prononcés les alexandrins ? La versification est-elle respectée ? La diction fait-elle l’objet d’un soin particulier ? Qu’apporte-elle au texte ? Au rythme de la pièce ? À l’expressivité des acteurs ? !!!!!!

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