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RED BULL STRATOS Historique Technique Risques Records CAHIER SPÉCIAL À VOIR EN DIRECT SUR REDBULLSTRATOS.COM Felix Baumgartner / Joe Kittinger / Art Thompson / Marle Hewett / Jon Clark / Mike Todd / Jay Nemeth / Don Day UN MAGAZINE HORS DU COMMUN

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RED BULL

STRATOS Historique Technique Risques Records

CAHIER SPÉCIALÀ VOIR EN DIRECT SURREDBULLSTRATOS.COM

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UN MAGAZINE HORS DU COMMUN

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StratosLE MONDE DE RED BULL

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1Les héros1.1 Felix Baumgartner1.2 Joe Kittinger

Bienvenue !À bord d’une capsule pressurisée fixée à un ballon d’hélium de cinquante mètres de haut, Felix Baumgartner, 43 ans, va s’élever à plus de 36 km d’altitude avant de plonger en chute libre vers la Terre. Les portées scientifiques et les objectifs de cette mission menée à la frontière de l’espace sont loin d’être négligeables. Baumgartner va tenter de battre quatre records du monde : vitesse du son sans assistance, saut en parachute le plus haut, plus longue chute libre, plus haute ascension en ballon.

The Red Bulletin a pu suivre Felix Baumgartner au plus près et vous fait partager cette expérience fascinante.

Bonne lecture !

Le récit de Red Bull Stratos débute par la présentation des principaux acteurs du projet, à savoir Felix Baumgartner et son mentor Joe Kittinger. L’Américain est le premier à avoir accompli une mission de ce genre. C’était en 1960.

Le chapitre 2 est consacré à l’étude minutieuse de la capsule de vol, du cockpit et des caméras embarquées.

Le chapitre 3 met le cap sur le ballon. Puis, Felix Baumgartner revient sur ses péripéties pour décrocher le permis... ballon.

Dans le chapitre 4, nous vous ouvrons les portes de la garde-robe très prisée du base-jumper autrichien, avant de dresser un inventaire des combinaisons spatiales.

Le chapitre 5 donne successivement la parole à Jonathan Clark, le directeur médical de Red Bull Stratos, puis à Leo Lukas pour une excursion virtuelle dans la voie lactée.

Dans le chapitre 6, essayez le parachute de Red Bull Stratos avec Luke Aikins, spécialiste du genre et activez votre matière grise pour définir la vitesse de chute et deviner les pensées de l’Autrichien la tête en bas.

Le dernier chapitre est consacré à l'énigmatique Roswell, base de lancement de Red Bull Stratos.

Votre Rédaction

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LE MONDE DE RED BULL

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2.1 Capsule2.2 Poste de pilotage2.3 Caméras

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2L’œuf de Felix

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Taillée pour l’aventure4 4.1 Combinaison au crible4.2 La saga des combis

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Taillée pour l’aventure

Combinaison au crible

La saga des combisLa saga des combisLa saga des combisLa saga des combisLa saga des combisLa saga des combis

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Felix, l’azote et Marilyn5 5.1 Le corps de Felix5.2 Le monde du dessus

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3.1 Volet technique3.2 Voyage en hauteur3Un ballon dans l’espace

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6Saut de l’ange6.1 Aikins, le parrain6.2 Vitesse inouïe6.3 « Laisse-toi aller »

7 7.1 Site de lancement... et d’atterrissage ?

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Accueillante Roswell

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7 lancement... et d’atterrissage ?

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en janvier 2010, le base-jumper Felix Baumgartner lance le très prometteur projet red Bull stratos, cinquante ans aprèsla tentative de Joe Kittinger (à droite). Une mission à la frontière de l’espace dont l’objectif est moins d’établir de nouveaux records que de recueillir des données en vue de futures missions spatiales. après une pause, red Bull stratos revient sur la rampe de lancement.

le héros et le pionnier

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S acré défi. Pure folie ou folie pure ? Felix Baumgartner

envisage de plonger dans le vide depuis la nacelle d’un ballon situé à plus de 36 000 mètres au-dessus de nos têtes. Événement inédit. L’Autrichien enchaîne les exploits depuis quelques années. Baumgar-tner aspire, ici, à dépasser, notam-ment, le mur du son.

Red Bull Stratos se définit avant tout comme un projet scientifique dans le sillage d’Excelsior. Le 16 août 1960, le Colonel Joe Kittinger sautait d’une altitude de 31 000 mètres. L’Américain est aujourd’hui le mentor de Baumgartner. Les deux hommes ne vont plus se quitter jusqu’à la réalisation effective du projet.

Si la peur n’évite pas le danger, le monde de l’inconnu reste bien présent dans Red Bull Stratos. Au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, Baumgartner revient sur ces deux ans et demi particulièrement tendus pour les équipes concernées par cette mission insensée.

The Red Bulletin lançait en février dernier sa grande épopée rédaction-nelle de l’année à travers un feuille-ton mensuel jusqu’au grand plongeon.

texte : Werner Jessner photos : balazs Gardi

Dans ce chapitre, une discussion désarçonnante avec Felix Baumgartner, un croquis explicatif très détaillé et enfin ce portrait saisissant du pionnier Joe Kittinger.

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tHE rED bULLETIN : felix, le projet Red Bull Stratos était aux abonnés absents pendant de longs mois. Que s’est-il passé ?FELIX BAUMGARTNER : Arrêtons-nous un instant sur la période qui précède l’arrêt du projet (l’action en justice concernant la paternité originelle s’est réglée à l’amiable, ndlr). En décembre 2010, nous avions procédé aux derniers essais avec combinaison spatiale. J’ai alors réalisé que j’avais un réel pro-blème là où je m’y attendais le moins. Un problème d’ordre psychologique lié à la combinaison. J’avais du mal à la porter. Plus les jours passaient, moins ça s’arrangeait. À la fin, je ne la supportais pas plus de deux minutes !pouvez-vous décrire les symptômes ?La combinaison était censée être une deuxième peau. Ça n’a jamais été le cas. La perception et les mouvements sont limités. Une fois la visière fermée, le silence et la solitude sont oppressants. La combinaison devient une prison. Il ne nous est jamais venu à l’idée de faire un test préalable qui prévoit de porter la combinaison, visière fermée, pendant cinq heures, soit la durée totale de la mission. J’ai fait beaucoup de choses extrêmes dans ma carrière. Mais, à ce jour, personne, moi y compris, n’aurait pu penser que le simple fait de porter une combinaison spatiale pouvait mettre la mission en danger. Cela m’a mis dans un état de totale panique.vous exagérez là, non ?Pas du tout, au contraire ! Lorsqu’il a fallu passer au test dans la cabine pressurisée en recréant les conditions réelles de la mission (− 60°C et pression atmosphérique de haute altitude, ndlr) sous l’œil des caméras, du personnel de l’US Air Force et des scientifiques, j’ai compris que je n’y arriverais pas. J’étais dans l’impasse. J’avais courageusement surmonté jusque-là le prétendu obstacle de la

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interview 2 JanVier 2012salZbOurG, autriCHe

À quelques mois de son incroyable épopée, Felix Baumgartner détaille dans cet entretien les secrets de Red Bull Stratos. Du procès à la préparation, élancez-vous dans le vide avec The Red Bulletin et cet étonnant Autrichien.texte : Werner Jessner photos : Gian paul lozza

« J’ESPÈRE CONNAÎTRE UNE FIN HEUREUSE »

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de votre préparation. de quoi s’agit-il ?Grâce au psychologue américain Mike Gervais. Il a bien cerné la problématique et m’a donné les outils nécessaires pour surmonter tout cela. En moins de deux semaines, il a réussi à me faire passer de trente minutes sous la combinaison à pas d’heure. Ce fut ma plus grande victoire à ce jour, à savoir trouver les limites que j’ai cherchées tout au long de ma carrière. J’ai réussi avec Mike à surmonter cette peur. Même si cette phrase semble banale, je me sens plus fort que jamais.visiblement, cela vous a fait du bien. Comment mike Gervais s’y est pris dans le détail ?Avec l’artillerie lourde. Je devais expliquer à un fils fictif ce que Red Bull Stratos signifiait pour moi. Pas évident, mais je suis prêt à tout si cela sert mon objectif. Quand je portais le casque, je devais établir une note allant de 1 à 10 sur mon état psychique : de 1 pour « très détendu » à 10 pour « panique ». J’étais aussi équipé d’un pulsomètre. Curieusement, ma fréquence cardiaque était la même pour les notes allant de 3 à 8. C’était important d’en avoir conscience. Ensuite, nous avons analysé ma routine, laquelle consistait en une perte systématique d’appétit durant les vingt-quatre heures précédant le port de la combinaison, doublée d’une terrible angoisse. Surtout lorsque je me rendais chez Art Thompson, notre chef de mission. Mike avait travaillé par le passé avec un spécialiste des sports de combat qui éprouvait les mêmes difficultés avant de monter sur le ring. Dans sa tête, le combat était perdu avant même d’avoir asséné le premier coup. Mike m’a décrit ces mécanismes et donné les outils pour les déjouer comme il se doit.pouvez-vous nous citer un exemple ? Car cela reste complexe pour nous simples humains...Un homme ne peut penser qu’à une seule chose à la fois. Il peut passer en un éclair d’une pensée à l’autre mais il n’en traite qu’une à la fois. Quand des pensées négatives me viennent, il faut que, mentalement, je quitte mon casque, en épelant des mots à l’envers par exemple. Rien de mystique, juste des outils qui te servent pour la vie. Mike m’a poussé à aller au bout de ma pensée : que se passerait-il si on me ligotait dans ma combinaison et que je disjoncte ? J’ai pensé que j’allais me débattre, pousser des cris hystériques jusqu’à la crise cardiaque. Faux. Quand l’énergie de l’énervement est épuisée, l’homme redevient calme et peut à nouveau penser de manière logique. Son cerveau se régénère et s’apparente à une mer

chute libre et voilà que le mental me laisse tom-ber. Du coup, au lieu de me rendre à Brooks (Texas, ndlr) pour le test, je suis allé à l’aéroport et j’ai fuis l’Amérique par le premier avion. J’en ai pleuré. Ce fut le pire moment de ma vie. Jusqu’ici, j’avais toujours su affronter les problèmes. À l’évidence, cette fois, mes limites ont été atteintes.Évidemment, vous refusez d’admettre ces limites…Les nombreuses expériences réalisées lors des entraînements l’ont été dans une démarche médicale ayant pour but d’optimi-ser ma condition physique et améliorer ma résistance au stress. Mais bon, ça fait vingt ans que je pratique les base-jumps les plus extrêmes. J’ai suffisam-ment fait preuve de résistance au stress sans avoir à passer des heures sur l’ergomètre. Le traitement du pro-blème demandait donc une autre approche.J’imagine qu’elle vous a marqué dans la suite

nomFelix Baumgartner

Date et lieu de naissance20 avril 1969 à Salzbourg

résidenceSalzbourg et Los Angeles

professionPilote d’hélicoptère et base-jumper

nom de codeB.A.S.E 502

palmarèsDétenteur des records du monde des plus petits et plus grands sauts de base-jump (de 1997 à 2007)

ObjectifMarquer pour l’éternité son passage sur terre avec Red Bull Stratos

1 inconnu du grand public, Felix Baumgartner épate le monde le 15 avril 1999 lorsqu’il

s’élance en tenue de ville du 88e étage des fameuses petronas towers de Kuala Lumpur. ce saut de 451 mètres constitue, à l’époque, un nouveau record du monde.

2 Le 7 décembre de la même année, Baumgartner se prend pour James Bond

et s’accapare la main droite du corcovado de rio de Janeiro. ce saut de 29 mètres de haut est un des plus petits pour un parachutiste.

3 cette fois-ci, Baumgartner innove. comme il se doit. nous sommes le

31 juillet 2003. L’autrichien devient le premier homme à survoler la Manche à l’aide d’ailes en carbone. ce vol a grandement influencé le projet red Bull stratos.

4 sur cette photo, Felix Baumgartner s’élance dans un trou noir et profond

en croatie. effectué en 2004, ce saut est particulièrement dangereux car étroit.

« Un homme peut passer en un éclair d’une pensée à une autre mais il n’en traite qu’une seule à la fois. »

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36 576 mBaumgartner ouvre la porte et saute.

− 23°CÀ cette altitude, c’est presque l’été...

Baumgartner dégaine son parachute cinq minutes après le début de sa chute. L’Autrichien touche terre un quart d’heure plus tard.

1 500 m

28 000 mÀ cette altitude, l’air est plus dense ce qui a le mérite de freiner la descente de Baumgartner. danger de vrille !

En 35 sec...Baumgartner atteint sa vitesse maximale.

Jusqu’à − 60°CC’est la température la plus froide à laquelle doit se frotter Baumgartner. Nous sommes ici dans la troposphère.

8 848 mEVEREST

15 447 mPLANEURS

11 000 mAVIONS DE LIGNE (HAUTEUR MAX.)

ALTITUDE DE PROTECTION MAXIMALE DE LA COUCHE D’OZONE

25 929 mSR-71 / BLACKBIRD

SITE DE LANCEMENT, ROSWELL (NOUVEAU-MEXIQUE, ÉTATS-UNIS)

Tout comprendre de Red Bull Stratos

LA mission

Troposphère

Tropopause

Stratosphère

5 h du mat’À cette heure-ci, le silence est d’or et le vent doit être nul. Red Bull stratos peut voir le jour.

5 heuressoit la durée totale de la mission (aller-retour).

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douce et placide. Cette certitude que la tempête finira par passer et que tout redeviendra calme me rassure et me détend.on peut se demander dans ces cas-là si tout ceci vous a permis de gagner en humilité ?(Il hésite.) En fait, non. Peut-être plus indulgent envers la faiblesse des autres. Jusque-là, je n’ai jamais eu besoin de qui que ce soit pour mes projets. À présent, avec ce que j’ai appris, j’assume mieux l’idée que les autres ne sont ni immortels ni parfaits.dans quels domaines votre vision du projet vous a-t-elle permis d’évoluer ? Car il semble que vous soyez resté le même depuis quelques années.J’ai plus de respect. Les nantis que nous sommes – un base-jumper, un groupe de boissons et quelques audacieux – se sont lancés dans des activités d’ordinaire réservées à l’US Air Force et à la nASA en pensant accomplir en trois ou cinq ans ce que ces deux entités très respectables ont mis des décennies à réaliser. nous étions naïfs et pensions qu’il suffisait d’acheter une capsule, trois ballons, une combinaison et sauter pour rentrer dans l’histoire. Grave erreur ! La marche est bien plus élevée. nous ne sommes pas en concurrence avec Ferrari ou McLaren, ni avec la nASA ou l’US Air Force : nous faisons de la science. nous sommes des pionniers et nous évoluons en permanence en terrain inconnu. notre projet est gigantesque et constitué de multiples niveaux qui doivent être opérationnels dans le détail et avoir une vision globale. Quand un seul rouage d’une montre casse, tout s’arrête.À l’instar du dossier récupéré par les avocats…En décembre 2010, « ma boîte à outils mentale »

était au point et les tests menés avec succès. Le projet aurait pu reprendre de plus belle. Le procès en a d écidé autrement. J’avais résolu mon problème mais le projet a été interrompu, arrêté plus exactement ! Après le coup de téléphone, j’ai passé quatre heures en voiture à conduire sans but et en écoutant Bruce Springsteen. J’ai passé un mois au camp d’entraînement. Je me suis dit : « La guerre doit s’arrêter avant même d’avoir tiré un seul coup de feu ? » C’était la deuxième fois en l’espace d’une courte période que le monde s’écroulait autour de moi.Qu’avez-vous fait ?Pour éviter de ronger mon frein, j’ai basculé sur le plan B : le vol en hélico. J’ai travaillé ces derniers mois comme pilote professionnel. J’en ai profité pour passer les qualifications sur sept

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différents hélicoptères avant de suivre une formation en montagne et d’accumuler les heures de vol. Pendant tout ce temps, l’idée d’abandonner le projet ne m’a jamais traversé l’esprit. Je savais qu’un jour, j’allais échanger ma combinaison de pilote pour une combinaison pressurisée.Comment a réagi votre entourage à l’arrêt du projet ?C’était intéressant. Beaucoup se sont mis à dire ce qu’ils pensaient vraiment du projet. Même ma mère ! « on est bien contents que tu ne sautes plus. » Je lui ai dit alors qu’elle ferait mieux de ne pas penser que Red Bull Stratos était mort. Il ne s’agissait pour moi que d’une simple question de temps. Tôt ou tard, le jour viendrait où j’irai tout là-haut pour sauter de la capsule et revenir sur Terre à la vitesse du son.basculer de pilote professionnel à « stratonaute » était simple pour vous ?Facile. J’avais psychologiquement rangé la combinaison pressurisée dans une boîte. Je l’ai ressortie.avec le recul, cette pause était-elle finalement une bonne chose ?Absolument. Cela nous a permis de revoir quelques « process ». Depuis, il règne un nouvel esprit au cœur de ce projet. nous sommes régulièrement dans les temps de passage, ce qui était loin d’être le cas avant. Bien-sûr, il nous arrive encore de nous planter mais nous en sortons grandis et apprenons de nos erreurs. Un exemple : pour le premier vol test, sans équipage, il fallait que le ballon soit en l’air au plus tard à 7 h 30 à cause du vent prévu peu après. La première fois, le fabricant du ballon l’avait mis à l’envers dans sa caisse et le remettre à l’endroit nous a pris vingt-cinq minutes. Quand nous étions prêts, il était déjà huit heures et le vent a littéralement soufflé le ballon. Il s’est élevé quelques instants pour mourir sous nos yeux. Ce ne sont pas les gros trucs qui te brisent la nuque, mais plutôt les petits détails auxquels personne ne pense.le mental des troupes est capital…Exactement. Je veux avoir un œil dans le poste de commandements pour que la pause-café s’arrête et les portables soient mis de côté lorsque j’enfilerai ma combinaison. La sécurité se gagne à force de répétitions. Toutes les unités d’élite entraînent leurs soldats sans relâche jusqu’à ce qu’ils maîtrisent leurs gestes à la perfection. Il y a beaucoup de facteurs sur lesquels on n’a aucun contrôle. nous sommes exposés. Le monde entier nous regarde. nous n’avons droit à aucune erreur. Un pilote de Formule 1 ne s’entraîne pas au stand avec une cigarette dans la bouche et un portable à la main…À quoi pensez-vous lorsque vous évoquez le jour J ?Perfection et discipline extrême. Quand tu sais que des caméras t’observent, tu changes même ta façon de te brosser les dents. La pression est énorme. nous devons non seulement en faire abstraction mais aussi être sans faille. nous passons un examen pour lequel nous nous sommes parfaitement préparés. Ça n’est jamais une partie de plaisir

Le ballon en lui-même

Cigare ou trompette géante ? Au départ, le ballon fait 168 m de haut (213 m avec la capsule). La pression atmosphé-rique faiblissant, il se gonfle jusqu’à atteindre 122 m de diamètre.

4ReCoRds1 Vitesse en

chute libre

Vitesse visée : Mach 1 soit environ 1 200 km/hLe record actuel de Mach 0,9 (988 km/h), est détenu par... Kittinger.

2 Hauteur de la chute

Altitude visée : 35 000 mètres mini*Le record actuel de 31 333 mètres est détenu par... Kittinger.

3 Durée de la chute

durée visée : 5 minutes et 35 secondes Le record actuel de 4 minutes et 36 secondes est détenu par... Kittinger.

4 Altitude maximale

dans un ballon habité

Hauteur espérée : 36 576 mètresLe record actuel de 34 667 mètres est détenu par Victor Prather et Malcolm Ross (4 mai 1961).

* Felix Baumgartner active son parachute à en-viron 1 500 m d’altitude.

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quand on risque sa vie. J’essaie autant que possible de ne pas oublier à quel point ce moment est unique. Je ne retournerai plus jamais là-haut, je ne porterai plus la combinaison, ne serai plus jamais assis dans la capsule et l’équipe ne travaillera jamais plus ensemble de cette manière. Une fois sur le podium, certains champions olympiques ont été déçus parce qu’ils s’étaient imaginés ce moment encore plus beau. J’essaie d’éviter cela en appréciant chaque étape du voyage.où serez-vous dans un an ?Soit enfermé à la maison parce que

j’aurais déçu tout le monde, soit dehors pour répondre à l’appel de la foule. J’aimerais fêter les prochaines fêtes de fin d’année avec mon équipe : Joe (Kittinger, ndlr) a quatre-vingt deux ans et l’âge moyen de mon staff est de soixante-dix ans. C’est la famille avec laquelle j’ai passé les cinq dernières années, une famille qui, à l’évidence, ne sera pas là encore longtemps. J’aimerais louer une maison. on y mettrait un sapin, la femme de Joe nous cuisinerait une dinde, nous nous donnerions la main autour de la table et nous remercie-rions ensemble Dieu de nous avoir per-mis de mener à bien notre mission. J’es-père connaître une fin heureuse et être encore en vie. Voilà ce que je voudrais.Sans vouloir imaginer le pire, si ça ne se passe comme vous le souhaitez... vous y avez pensé ? vous vous attendez à quoi dans ce cas-là ?J’aurais probablement un problème. Une fin de carrière sans la réussite de ce saut serait comme une maison sans porte d’entrée. Ça fait vingt-cinq ans que je mets en pratique mes idées et mes visions. Réussir ce dernier grand projet est véritablement mon objectif cette année.

« Réussir ce dernier grand projet est mon objectif. Cela fait 25 ans que je mets en pratique mes idées et mes visions. »

La mode des sixties : Joe Kittinger dans sa combinaison spatiale.

Joe, foU volantÀ une époque où les fusées en étaient encore à leurs balbutiements, Joseph Kittinger connaît les joies de la très haute altitude. Plus d’un demi-siècle après son saut record, l’Américain reste LA référence.texte : herbert völker

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Même à plus de quatre-vingt ans, un colonel américain reste toujours un colonel. Si son embonpoint et l’allure décontractée ont remplacé le corps affûté d’autrefois, c’est ce même mélange d’assurance et de naturel qui nourrit notre représentation de Joseph Kittinger. L’homme a atteint l’âge de la sagesse. Bientôt, on aura même le droit de l’appeler Joe.

C’est alors l’occasion rêvée de lui sortir illico une de ses dizaines de milliers de citations répertoriées et des plus délurées, telle : « More guts than brains » (Plus chanceux qu’intelligent). Marque déposée ?

Joe est bienveillant et nous pouvons sans crainte lui poser cette question. Il s’agit là d’une phrase sortie de son contexte. Un jour, Joe, officier pilote d’essai, postule pour un projet et son chef répond : « Appro-ved, more guts than brains ». La remarque en dit moins sur Kittinger que sur l’époque pionnière de la navigation spatiale où l’audace remplace les incertitudes du tout là-haut, cet espace inconnu.

Le plus simplement du monde, Joe Kittinger affirme qu’il est le premier homme dans l’espace avant Youri Gagarine et Alan Shepard. Rien que ça. Il admet néanmoins que la question « où commence l’espace ? » reste un éternel débat. Pour ce qui est de la survie de l’homme, les conditions dans la stratosphère sont équivalentes à celles de l’espace. Au-delà de 19 km d’altitude, la pression atmosphé-rique est si faible que, sans combinaison pressurisée, l’eau dans le sang se mettrait à bouillir dans le corps. Joe est allé bien plus haut. C’est en somme un pré- astronaute, terme qu’il accepte bon gré, mal gré.

Dans les années cinquante, au paroxysme de la Guerre Froide USA-URSS, les militaires américains considèrent la navigation spatiale comme étant de la science-fiction. La nASA n’existe pas encore et l’US Air Force finance ses propres expériences. Un groupe de spécialistes aspire à déterminer jusqu’où il est pos-

sible de monter à condition d’y survivre un court instant. Il est nécessaire qu’il s’agisse d’un ballon dont la hauteur est hors de portée des vols réguliers.

En 1957, Joseph Kittinger, « simple » capitaine à l’époque, monte à près de 30 000 mètres dans la stratosphère et redescend à l’aide d’un ballon. L’Amérique célèbre alors le « premier homme dans l’espace ». on salue plus ici le héros que le projet en lui-même. Six mois plus tard, les choses évoluent rapidement. Les Russes mettent Spoutnik sur orbite. Cela provoque la naissance du concept de « Menace de l’espace ». Une course à la conquête spatiale pacifique est lancée. Les États-Unis investissent des milliards dans la recherche et créent la nASA. Dans la foulée.

Durant les quelques années qui suivent l’électro-choc Spoutnik et le programme Mercury initié par la nASA, l’US Air Force poursuit ses tests techniques et médicaux, histoire de résoudre la question suivante : comment l’homme va-t-il intégrer intellectuellement les menaces liées à ce monde jusque-là inconnu ?

C’est dans ce contexte que le saut de Joe Kittinger du 16 août 1960 marque une étape décisive dans l’exploration de la stratosphère. Un demi-siècle plus tard, trois records tiennent toujours : le saut en parachute le plus haut (31 332 mètres), l’homme le plus rapide en chute libre (988 km/h), la chute libre la plus longue (4 minutes et 36 secondes). Ils sont désormais dans le viseur de Felix Baumgartner. Plus haut, plus long, plus rapide sans oublier de dépasser la vitesse du son que Kittinger a loupée de peu à l’époque.

Pour quelles raisons ces records résistent encore ? La nASA et les Soviétiques ont poursuivi leur conquête de l’espace au moyen de fusées, histoire d’être certains d’atteindre les altitudes en question. Cepen-dant, la stratosphère – située à la limite de l’espace – reste tou-jours un sujet d’intérêt important pour nous

Dans les années cinquante, la naSa n’existe pas et l’US air force finance ses propres expériences.

JoSeph KittingeR

poRtRait13 Mai 2009albuquerque États-unis

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autres, humbles terriens. Et le ballon représente encore l’unique moyen d’y séjourner quelques secondes contrairement à l’avion ou la fusée. Cela favorise la chasse aux records et confère un certain charme à cette quête même si le sujet reste avant tout scientifique. Les nom-breux projets qui ont échoué ces dernières décennies contribuent à

accroître la place de Joseph Kittinger dans l’histoire de la conquête spatiale.

Kittinger se prononce « Kittinguer » contrairement à l’homme politique henry Kissinger. Celui-ci a opté pour une prononciation anglophone, dont l’origine allemande est bien plus directe. En 1783, âgé de quatorze ans, l’arrière- arrière-arrière-grand-père de Kittinger immigre outre- Atlantique avec sa famille. Les Kittinger sont origi-naires de la région de zurich. Ils cultivent avec assiduité la pomme de terre. Sur la côte est, rien ne change. Ils s’installent en Pennsylvanie et vivent de ce qu’ils savent faire : cultiver le plus ancien des légumes. Depuis, la famille s’est agrandie et compte de nombreux descendants aux quatre coins des États-Unis. Un seul se prénomme Joe. Il semble destiné à se frotter à la vitesse du son.

Entre ce qu’a vécu Joe, il y a un demi-siècle, et ce qui attend Baumgartner cette année, les ressemblances sont nombreuses. Seule la préparation mentale a bien chan-gé. Les méthodes ont évolué. Pour tester sa claustropho-bie, Joe a été enfermé pendant vingt-quatre heures dans une caisse de 1 m³. Kittinger : « C’était comme être dans un cercueil, étroit et sombre, se souvient-il. La discipline que vous vous imposez aide à vaincre la claustrophobie. Le fait de savoir qu’un succès signifie la poursuite de l’aventure au sein du programme a été un facteur motivant. »

Bien que le premier test de Felix Baumgartner en combinaison spatiale dans une cabine pressurisée soit techniquement plus poussé, la pression reste cependant comparable pour un individu non habitué à être oxygéné à outrance. Kittinger et Baumgartner se rejoignent fina-lement dans leurs parcours divers et variés. Les décen-nies ont peu d’effet sur leur approche de la situation.

Kittinger est un homme de ballon expérimenté, formé spécialement pour le saut en parachute d’urgence. À l’époque, il se laissait tomber comme un sac de patates avec son kit de survie accroché aux fesses. Baumgartner, lui, est un acrobate aérien, un artiste du mouvement avec plus de 3 000 sauts à son actif. Seul hic, il a dû apprivoiser le ballon. Pilote de chasse, Joe Kittinger s’est souvent retrouvé à 15 000 mètres d’altitude, équipé d’une combi-naison pressurisée. La cabine ? Il l’a testée des centaines de fois. Sa combinaison ? Il a eu huit ans pour s’y habituer avant son grand saut. Les combinaisons pressurisées sont extrêmement rigides, chaque mouvement des bras ou des jambes prend la forme d’un effort surhumain.

Sportif de l’extrême, Baumgartner n’est pas habitué à de telles contraintes. Il a d’abord dû surmonter psychologiquement les obstacles que constituaient la cabine et la combinaison pressurisée et apprendre une nouvelle façon de se mouvoir. Kittinger : « Être à l’aise avec la combinaison en toute circons-tance est une nécessité. Sans quoi tu es un homme mort... »

L’ascension en ballon prévue pour l’Autrichien est calquée sur celle de Kittinger. Seul le volume en mètres cubes du nouveau

« tu ne sens pas le vide. il est pourtant là, inquiétant et hostile. »

Dramatique solitude à 31 km d’altitude. cinquante ans plus tard, les images du saut de Joe Kittinger n’ont rien perdu de leur intensité.

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ballon est différent. La version 2012 est dix fois plus importante. Indispensable pour atteindre les 5 000 mètres supplémentaires.

Un danger majeur plane au-dessus de la tête de Baumgartner. Il a pour nom flat spinning, c’est à dire « descente en vrille ». Personne n’est mieux placé que Kittinger pour détailler la descente en vrille. Il a assisté aux premiers largages de manne-quins – 200 rotations/minute (140 rota-tions sont mortelles pour l’homme) – et testé toutes les améliorations apportées par la suite.

Il a surtout fait lui-même l’expérience d’une descente en vrille. Impuissant. « J’ai tournoyé comme une hélice », té-moigne-t-il aujourd’hui. Kittinger fait ses adieux à la vie, perd connaissance et revient à lui vingt kilomètres plus bas, accroché à son parachute. Miraculeux. Le spinning représente bel et bien le danger majeur d’un saut initié depuis la stratosphère.

« Lancé dans le vide », signifie que le corps ne rencontre ni courant atmos-phérique, ni résistance de l’air. Les mou-vements mille fois répétés par l’athlète finissent ici littéralement… dans le vide.

Après les 2 000 premiers mètres de saut, Kittinger réussi à ouvrir un petit parachute de stabilisation. Ça ne le freine pas mais le protège tout de même du spinning. Le vrai parachute ne s’ouvre que 25 kilomètres plus bas où l’air est plus dense.

Le débit de Kittinger s’accélère, comme pour ne rien louper. Les souvenirs pleuvent. Comme si c’était hier. Top départ. « Tu ne sens pas le vide. Il est pourtant là, inquiétant et hostile, avance-t-il, le regard azimuté. La vue sur la planète Terre s’étend sur sept cent kilo-mètres, le ciel au-dessus de toi est d’un noir profond et l’horizon décline le bleu dans tous ses tons. Sous l’effet de la réflexion, elle est bleue. Dans le vide, la lumière n’est pas réfléchie. Impossible aussi de voir les étoiles. Les yeux sont

éblouis, c’est pour cela que les pupilles se rétractent fortement. »

Bluffant. Kittinger débite encore et toujours. Il aborde le danger lié à l’euphorie d’altitude pendant les neuf minutes passées tout là-haut. Discours fleuve. « L’environnement hostile est toujours palpable et une overdose d’oxygène ne provoque pas d’euphorie. Le silence de mort fait le reste, précise-t-il. J’avais fait ce saut des milliers de fois dans mon imagination et, quand c’était l’heure, I was ready for it. »

Et la chute libre ? Comment vit-on à 1 000 km/h ? « En raison de l’absence totale de vent, on ne les ressent pas. Au début, c’est un bonheur de descendre sans vriller. Après deux minutes, les nuages foncent sur toi et tu dois te convaincre que ce n’est que de la vapeur... Avant le saut, je me suis dit : “Lord, take care of me now.” Quand mon parachute s’est ouvert, je l’ai remercié très poliment. »

À l’orée de la tentative de Felix Baumgartner, Kittinger couclue par ses mots, sans une once de nostalgie : « À l’époque, il n’était pas question de record, glisse-t-il. nous y sommes allés pour savoir si une sortie d’urgence était possible à cette altitude. Aussi, je ne me suis jamais préoccupé de savoir si mes performances étaient enregistrées par une f édération sportive ou par qui que ce soit. »

Pas de regrets, ni même celui de ne pas avoir foulé le sol lunaire. « Quand le projet Mercury a été lancé, j’ai eu la possibilité de me porter volontaire, avoue-t-il. Je ne l’ai pas fait. Je n’ai jamais regardé en arrière en me disant que j’aurais aimé être un astronaute du défi Mercury pour aller sur la lune. J’étais très heureux avec ce que j’avais accompli. »

on ne peut pas dire que la suite a été de tout repos pour Kittinger. Il est appelé au Vietnam dès le début du conflit. Propulsé à la tête d’un escadron de F4 Phantom où il a abat même un MIG, Kittinger touche rapidement du doigt la dramaturgie de ce genre de conflit en étant lui-même abattu et conduit en prison au tristement célèbre « hanoi hilton ».

Kittinger est libéré un an plus tard. Cet épisode de sa vie l’a marqué à tout jamais. Aujourd’hui, il a encore du mal a en parler. En 1978, il quitte l’US Air Force pour se consacrer au ballon. C’est la meilleure décision qu’il ait prise depuis belle lurette. Dans la foulée, Kittinger décroche un nouveau record du monde, celui du voyage en solo le plus long (durée et distance confondues). Il est aussi le premier homme à traverser l’Atlantique seul. « Je ne veux pas moisir à la retraite », dit-il avec ce sourire d’homme apaisé, rictus de celui qui a atteint avec fierté les objectifs qu’il s’était fixé.

Quand Felix Baumgartner s’envolera pour son voyage de cinq heures au-dessus de nos têtes, Colonel Joe sera aux avant-postes, dans la salle de contrôle des ingénieurs chargés de surveiller la mission de l’Autrichien. Kittinger ne veut rien louper. Les quatre-vingt deux ans et la forme resplendissante de l’Américain restent le meilleur témoignage d’un défi permanent à la densité atmos-phérique. Comme quoi, s’envoyer en l’air dans l’espace, ça conserve un homme.www.redbullstratos.com

« avant le saut, je me suis dit : “Lord, take care of me now.” Quand mon parachute s’est ouvert, je l’ai remercié poliment. »

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L’œuf de FelixL’élément essentiel de cette mission dite « stratosphère » est bel et bien la capsule. Elle représente l’ultime barrière de protection pour Felix Baumgartner contre un monde littéralement irrespirable où l’absence de pression extérieure entraîne, quasi instantanément, la mise en ébullition de l’eau dans le sang.

Dans les quelques mètres cubes de la capsule se trouve un concentré de technologie jamais égalée lors d’épopées d’ordre civil. Seuls les exercices militaires et les fusées sont susceptibles de rivaliser.

Au sein de ce deuxième volet de la saga Red Bull Stratos, décou-vrez notamment la capsule — de l’intérieur comme de l’extérieur — ainsi que les secrets d’une technologie exceptionnelle. Prêts ? Embarquez…

est à Lancaster, en Californie, au beau milieu du High Desert,

soit environ deux heures de route au nord de Los Angeles, que bat le cœur de la mission Red Bull Stratos.

Situé près de la base-aérienne d’Edwards, le siège social de Sage Cheshire, société experte en aéronautique, ne paie pas de mine. Cette appellation fait référence au Cheshire, le chat tigré de Alice au Pays des Merveilles.

En périphérie de la ville, deux hangars quelconques abritent Art Thompson et son étonnante équipe d’une vingtaine d’ingénieurs. Ils œuvrent à une mission dont l’humanité se souviendra. Sans aucun doute.

Textes : Werner JessnerPhotos : Balazs Gardi

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DANS CE CHAPITRE, nous observons la capsule d’envol de Baumgartner à la loupe, celle-là même qui va le mener sain et sauf jusqu’à la stratosphère. L’Autrichien détaille ensuite le poste de pilotage et Jay Nemeth évoque les caméras embarquées.

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Test grandeur naturePar − 60°C et une pression proche de zéro, l’eau contenue dans le sang se met quasiment à bouillir. Le simulateur permet de tester la capsule et la combinaison.

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Baumgartner. Je lui en suis très recon-naissant. Le courant passe immédiate-ment avec le base-jumper autrichien.

Un trimestre s’est écoulé lorsque je prends un avion pour Linz afin de parti-ciper à Art of Kart – épreuve au bénéfice de Wings for Life – dans laquelle je cours pour l’équipe américaine. Baumgartner est inscrit sous les couleurs de l’équipe autrichienne. Mais je ne me souviens plus du vainqueur... Nous nous croi-sons ensuite sur un circuit en Hongrie où Baumgartner fait quelques tours au volant d’une F1. Je rendais visite à des amis qui s’amusaient avec leur Porsche.

Quelques jours après mon retour en Californie, le téléphone sonne. Il est 18 heures. C’est Baumgartner. « Art, j’ai une question à te poser : si tu veux battre le record de Joe Kittinger, comment tu t’y prends ? » Il me cueille à froid. « Euh, Felix, il est 3 heures du matin chez toi ? » « Oui je sais, je rentre de chez ma copine. » C’est tout lui. Quand il a quelque chose en tête, il y pense sans arrêt.

Le temps est alors venu pour moi de reprendre contact avec des amis d’une époque révolue. Rick Searfoss est le premier d’entre eux. C’est un ancien capitaine de la NASA, ex-pilote Columbia et Atlantis, flanqué d’une expérience de pilote d’essai. Depuis qu’il a pris sa retraite, il passe son temps dans diverses occupations dont celle de membre du jury au Ansari X Prize, prix qui récompense la réalisation de la première navette spatiale privée.

Mon deuxième coup de fil est pour un ingénieur. Ensemble nous mettons au point deux croquis permettant d’envoyer un homme dans la stratosphère, c’est-à-dire à plus de 30 km d’altitude : le premier, classique, à l’aide d’une capsule hissée par un ballon, le deuxième consiste à utiliser un vaisseau spatial similaire à celui du lauréat du X Prize. Rick recommande l’acquisition d’une coque fabriquée par Scaled Composites et

es plus grandes découvertes sont souvent le fruit du hasard. Malgré d’importantes fonctions

occupées dans l’industrie aéronautique chez Northrop Grumman au développe-ment de l’avion furtif B-2 et dans d’autres projets similaires de l’US Air Force ou de la NASA, je reste toujours à l’écoute de ma muse, la Technologie avec un grand « T ». Nous concevons, dans mon entreprise A2ZFX, des accessoires pour les productions hollywoodiennes. Vous pouvez notamment retrouver nos réalisa-tions dans Batman, Die hard, X-Files ou Contact.

Je connais Arnold Schwarzenegger grâce au cinéma. Il est devenu un ami. « Schwarzie » était l’hôte des Taurus Stunt Awards il y a une dizaine d’années et Felix Baumgartner un des lauréats pour sa traversée de la Manche. Arnold me donne alors une carte de visite et me présente

2.0PROLOGUE

Engin spatial ou ballon ?

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Directeur technique du projet, Art Thompson revient sur la genèse du design de la capsule et ses diverses alternatives.PH

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d’un réacteur produit par XCOR, deux entreprises établies dans le désert des Mojaves et spécialisées dans la réalisation de navettes spatiales privées.

Le montant des coûts nous donne le tournis. Aussi, cette option est loin de résoudre tous les problèmes. Nous devons éjecter Baumgartner hors de la capsule à Trente-six kilomètres d’alti-tude, refermer la lucarne et le ramener sur terre sans encombres.

Avec Baumgartner et Red Bull, nous décidons d’un commun accord d’opter pour l’option dite « désuète », « roman-tique » et « classique », à savoir un ballon élevé à un niveau jamais atteint. Trente-six kilomètres est alors l’altitude maximale visée. Au- delà, tout calcul devient très aléatoire. « À lui seul, notre ballon est aussi haut qu’une cathédrale ! Plus grand, l’engin devient impossible à manœuvrer. Personne ne devrait pouvoir faire mieux. »

PROLOGUE

Engin spatial ou ballon ?

2.0

Mélangeur d’airÀ l’intérieur de la capsule, l’air est composé d’oxygène et d’azote. Baumgartner en contrôle manuelle-ment le mélange. La pression y est de 0,5 bar. La pression extérieure, quant à elle, baisse au fur et à mesure de l’ascension.L’Autrichien doit régulièrement ajuster la pression en cabine.

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a conception de la capsule Red Bull Stratos est évidemment soumise

aux lois de la physique. La cabine de sur-vie a une forme sphérique afin de limiter la notion de stress propre à Baumgar-tner. Elle maintient une pression de 8 psi (0,5 bar) durant tout le vol. Sa taille d’environ 183 cm de diamètre est due à la nécessité d’avoir une porte de 122 cm de long permettant à l’Autrichien, équipé de sa combinaison spatiale et de son parachute, de s’extraire avec aisance et en toute sécurité.

L’idée initiale était de réaliser une sphère en carbone. Elle doit rapidement être abandonnée. Par un froid extrême et en l’absence d’oxygène, une sphère en carbone se dilate. Ce sont également ce genre de conditions qui peuvent entraîner une sorte de contraction de la porte car elle est à base d’acrylique. On opte alors pour l’assurance tous risques : la fibre de verre.

Sobre et efficace, le mécanisme d’ouverture de la porte est très ingénieux. Il permet de la faire coulisser sur des rails de différentes tailles, fins en haut et plus larges en bas. Il s’ensuit, assez logiquement, une inclinaison arrière de la porte de dix degrés rendant l’ouverture de celle-ci plus aisée. Cette construction hermétique est uniquement assurée par une surpression sur un triple joint en silicone. Si la pression chute à l’intérieur de la capsule, Baumgartner peut détacher un des tuyaux pour ventiler sa combi et exercer une pression sur la porte à l’aide de ses pieds. Combinée à l’air pro-

venant de sa respiration et expulsé par sa combinaison, elle aurait pour effet de rétablir la pression dans la capsule assurant ainsi son étanchéité.

La capsule de survie est arrimée aux deux extrémités par des tubes en acier inoxydable. Ce matériau robuste et facile à travailler a depuis longtemps fait ses preuves aussi bien en VTT qu’en stock-car.

C’est le besoin d’espace supplémen-taire qui donne à l’ensemble la forme d’une brick de lait. Dans la moitié inférieure – partie sombre de la sphère – se trouvent six batteries de douze volts chacune, spécialement conçues pour four-nir de l’électricité à très haute altitude. Elles sont entourées de polystyrène épais pour assurer leur isolation thermique. Cet espace réduit abrite notamment l’oxygène et l’azote.

Il est très important de bien com-prendre que la capsule se décompose en deux parties bien distinctes. L’intérieur viabilisé de la sphère et l’extérieur, ne bénéficiant d’aucune protection contre la chute de pression atmosphérique durant l’ascension. La réalisation de la capsule exige une réflexion pointue quant aux choix des composants pouvant être utili-sés. La zone tampon entre les deux par-ties de la capsule est la plus critique pour tout ce qui concerne câbles et circuits électriques. D’où la nécessité de minimi-ser les risques.

Le cylindre installé au-dessus de la sphère abrite le cerveau des caméras. Il est aussi performant qu’un trente-six

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TECHNIQUE

La capsule

2.1

La taille compte122 cm : il s’agit du diamètre de la porte, soit juste assez pour que Baumgartner, équipé de sa combinaison et de son parachute, puisse s’extraire sans difficulté.Durant le vol, un mécanisme proche des ceintures de sécurité utilisées dans l’aviation commerciale est situé dans la combinaison. Il empêche l’Autrichien de s’étirer de tout son long.

tonnes installé en zone technique aux abords des stades pour les retransmis-sions de match de football (voir notre troisième dossier consacré aux caméras page 27). Le bordage latéral est en polys-tyrène et d’une épaisseur d’environ dix centimètres. Il est recouvert d’un plas-tique rigide. Les éléments se démontent aisément.

L’aspect extérieur de la capsule fait penser à un stand d’exposition. Plus de finesse dans la conception est ici inutile, l’extérieur n’étant pas affecté outre mesure lors de l’ascension ou de la descente en parachute. L’idée d’un bouclier thermique en céramique, à l’instar des navettes spatiales, n’est pas non plus pertinente. Comme vous pouvez le constater, toutes les possibilités ont été notées noir sur blanc. La progres-sion de Baumgartner se fait à raison de quelques mètres par seconde. Rien d’évi-demment comparable avec la vitesse des fusées quittant la terre.

L’amortisseur de choc situé en dessous de la capsule n’est pas visible. Cinquante centimètres de carton en nid d’abeilles sont censés adoucir l’atterrissage et éviter que l’ensemble n’explose en des milliers de débris sur des centaines de mètres à la ronde. Les premiers tests ont été très concluants : la violence de l’impact est mesurée à 6,8 G. Dans ce cas précis, le parachute évidemment n’est pas de trop. Loin s’en faut. Car plus dure risque d’être la chute. Jusqu’ici tout va bien, comme dirait l’autre.

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Chambre avec vue : en regardant par la fenêtre, Baumgartner profite d’un panorama saisissant situé 36 km plus bas.

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(voir double page suivante). Sa combinai-son limitant fortement les mouvements, une bonne ergonomie de la capsule devient, de facto, crucial. Les premiers essais sont faits dans les règles de l’art. À l’intérieur d’un œuf en bois, on dispose un fauteuil de bureau et des blocs de mousse qu’on déplace dans tous les sens jusqu’à ce qu’on trouve une configuration viable, ergonomique et fonctionnelle. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la réali-sation à proprement parler commence.

Bien que la mission Red Bull Stratos soit contrôlée dans son intégralité depuis le centre des opérations au sol, il est

ous ne voulons pas que Felix s’ennuie pendant son ascension », dit en souriant Marle Hewett,

septuagénaire américain retraité et donc détendu. Le directeur du programme Red Bull Stratos en a vu d’autres : ingénieur en chef sur vols d’essai, pilote d’essai, à la tête de l’US Naval Academy Aerospace Engineering Departement, commandant dans la Navy et, comme Joe Kittinger, pilote de chasse au Vietnam. Autant dire que Hewett ne se laisse pas facilement émouvoir. Dans son domaine, il est plutôt habitué à ce que les choses soient bien huilées.

Sa seule présence dans l’équipe démontre le professionnalisme extrême de la mission. C’est le genre de type qui ne tolère aucun amateurisme. Son avis sur Baumgartner est enthousiaste : « Garçon intelligent, capable d’apprendre, volontaire, performant, concentré, reconnaît-il. Il est impressionnant en vol. On sent son expérience des hélicoptères. Il est fait pour cette mission. »

L’habitacle de travail de Baumgar-tner se décompose en des niveaux bien distincts, au sens propre comme au figuré

« N important que Baumgartner puisse, en cas d’urgence, prendre le relais du fond de son siège.

Vous pouvez voir sur la page de gauche les boutons de commande du ballon. Baumgartner doit y avoir accès de façon très simple. Idem avec la radio placée à ses côtés. À l’intérieur, tout est prévu en double. Le spécialiste allemand Riedel Communications assure la liaison entre le poste de contrôle et la capsule, partie vitale du dispositif en vue du succès de Red Bull Stratos.

Sur le grand caisson situé près de son genou gauche se trouvent quatre-vingt interrupteurs destinés à activer et désactiver l’ensemble des fonctions de la capsule. Ainsi, si l’une d’elles venait à ne pas se déclencher ou à fonctionner de manière inadéquate, Baumgartner pourrait alors intervenir directement et rectifier le tir. « Keep it simple » est un vieil adage inhérent au monde de la conquête spatiale. Sans oublier d’avoir un plan B. Baumgartner est responsable à chaque instant. Il est censé connaître sa position dans l’instant, la fonction de chaque interrupteur et avoir la capacité de les actionner les yeux fermés.

Directeur du programme Red Bull Stratos, Marle Hewett a été pilote au Vietnam. Comme Joe Kittinger. Il a ensuite occupé des postes importants à l’US Navy et au sein de la NASA.

ContrôleBaumgartner ne prend les commandes qu’en cas d’extrême urgence.Par ailleurs, la détection d’éventuelles défaillances lui sera signifiée par l’équipe au sol. Il appliquera les instructions qui lui seront notifiées.

RedondanceÀ bord, tous les systèmes électriques sont doublés et peuvent être manœuvrés manuellement ou à distance.L’équipe au sol applique une check-list précise. La procédure de sortie comporte à elle seule trente-six points. Le dernier se nomme « Jump »...

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Postede pilotage

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Mode d’emploiVous rêvez d’être dans la peau de Felix Baumgartner ? Prenez place à bord de la capsule. L’Autrichien nous présente ici les principales fonctions du cockpit.Il connaît évidemment par cœur l’emplacement de chacune d’entre elles ainsi que les attribu-tions qui y sont associées. Baumgartner répète ces gestes des centaines de fois afin de parer à toute éventualité.

AtmosphèreC’est sur cette console que se trouvent les deux valves nécessaires au contrôle de l’oxygène et de l’azote. Il y a aussi les indicateurs du niveau de pression et de la composi-tion de l’air dans l’habitacle.

SortieSans ce levier, pas d’échappatoire. Il libère ins-tantanément le mécanisme d’ouverture de la porte fixé à ce verrou rouge.

Mini-barCinq gourdes vitales afin de lutter contre la déshydratation due à l’oxygène pur. En raison du poids de ma combinaison, je peux à peine les atteindre. Je dois allonger le bras droit au maximum.

INTÉRIEUR

Le poste de pilotage

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ContrôleTableau de bord et rétroviseur à la fois. Les données qui s’affichent à ma gauche concernent la position du ballon. Sur l’écran voisin, je peux bascu-ler d’une caméra à l’autre. Il y en a neuf au total.

BallonLes soupapes de contrôle du ballon se trouvent en haut à gauche (urgence unique-ment). Elles sont protégées par des clapets pour parer à toute manœuvre involon-taire. Si tout se passe bien, je n’ai pas à les toucher.

RadioPendant toute la durée de la mission, je suis en liaison permanente avec la station au sol. C’est Joe Kittinger – et lui seul – qui me parle. En cas de problème technique, la radio estheureusement prévue en deux exemplaires.

InterrupteursIls sont disposés sur deux tableaux. Vous avez là quatre-vingt interrupteurs pour couper et alimenter à nouveau chaque circuit électrique. Je ne doisévidemment pas metromper de bouton.

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Juste au-dessus de ce complexe et impressionnant caisson de commandes se trouve un moniteur de contrôle rabattable sur lequel s’affichent les principales don-nées de l’ascension du ballon. L’écran adja-cent permet à Baumgartner de faire défiler les images des neuf caméras qui jouent ici un rôle important. Elles compensent la perte de champ de vision liée au port d’une combinaison qui réduit fortement la mobilité de Baumgartner en dépit de trois miroirs situés dans la capsule, plus un dernier fixé sur l’extérieur de son gant.

Un espace pouvant accueillir une bouteille d’oxygène supplémentaire est prévu au sol, sur la gauche. Elle a une autonomie d’une demi-heure en cas de défaillance totale des systèmes.

Le levier de droite au sol sert à libérer la pression dans la capsule pour permettre l’ouverture de la porte. Celle- ci coulisse jusqu’à un clapet rouge fixé à la base du joint de la porte. Il la retient pour éviter qu’elle ne se referme à cause des possibles vibrations liées aux mouvements de Baumgartner.

Le contrôle de l’air se trouve sur la droite : deux valves permettent de réguler sa pression et sa composition. Baumgartner respire de l’oxygène pur. L’air qu’il expire dans sa combinaison et dans la capsule contient une grande part d’oxygène. En revanche, la compo-sition de l’air dans la capsule ne doit pas dépasser 22 % d’oxygène. Au-delà, il y a danger. La moindre étincelle et la capsule s’enflamme. Afin d’éviter cette éventua-lité, Baumgartner injecte de l’azote. Si un incendie se déclenche à bord, la seule solution est d’ouvrir la porte. La rareté de l’oxygène en haute altitude rend toute combustion impossible.

Au sol, à droite du siège, on trouve des supports pour cinq gourdes, chacune dotée d’une paille pouvant être introduite dans le casque par un clapet hermétique. Le poumon humain respire l’air plus

Contrôle de l’altitudeDeux altimètres situés à la droite de Baumgartner l’informent sur le déroulé de l’ascension. Au tiers de la montée, l’Autrichien est déjà plus haut que l’altitude de croisière des avions de ligne intercontinentaux.À 36 000 mètres, les soupapes s’ouvrent automatiquement et freinent le ballon. Ce procédé évite la trop forte pression présente dans cette atmosphère moins dense.

efficacement lorsque celui-ci possède un taux d’humidité de 100 %. L’oxygène pur déshydrate le corps à une rapidité drama-tique. Les premiers organes touchés sont les poumons. Baumgartner doit boire en permanence. Mais ce qui rentre dans le corps doit aussi pouvoir en sortir... D’où l’installation dans la combinaison d’une sorte de tuyau relié à un réservoir placé sous les fesses de l’Autrichien.

Le siège provient directement d’un camion de compétition. Il est très appré-cié pour sa stabilité dans le sport automo-

bile américain. L’assise est allongée d’un demi-mètre pour permettre à Baumgar-tner de s’asseoir avec son parachute sur le dos. Le réglage longitudinal s’effectue à l’aide d’une poignée positionnée en biais à la droite du siège derrière le déverrouillage de la porte. Il est néces-saire afin de faciliter la sortie en combi-naison de la capsule.

Qu’y a-t-il d’autre ? Trois caméras (voir aussi pages suivantes) et un plafonnier stylé recouvert d’un tapis de LED bleues. Ce dernier point est une demande insistante de l’équipe de tournage afin d’améliorer la gestion par les caméras du contraste important de lumière entre le soleil qui se lève à 36 km au-dessus du sol et le manque de luminosité à l’intérieur de la capsule. « J’ai pourtant mis trois fenêtres, dit Art Thompson en souriant. Aucune navette spatiale ne dispose d’une telle vue ! »

« Keep it simple », sans oublier d’avoir un plan B. Vieux dicton de la conquête spatiale.

Poste de pilotage

2.2INTÉRIEUR

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Page 27: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

lotre caméra princi-pale est une HD uti-lisable dans l’espace. Nous l’adaptons ici

pour nos besoins. Les condensateurs clas-siques sont inexploitables dans la stratos-phère. Nous devons donc les remplacer par des modèles spécifiques à la conquête spatiale. Ils ne s’achètent pas dans une boutique au coin de la rue mais unique-ment auprès des fournisseurs spécialisés de l’armée ou de la NASA.

Les réglages standards des caméras doivent aussi être modifiés. Ils concernent le temps de fermeture du diaphragme, réduit à une mesure de temps classique pour éviter l’effet dit staccato comme, par exemple, dans le film Il faut sauver le soldat Ryan. Les images doivent être le plus naturel possible avec un mouvement réalisé dans des proportions normales.

Il y a à bord neuf caméras HD dont deux à l’intérieur de la capsule. Une face à Baumgartner, l’autre filmant par-dessus son épaule. Elles permettent, d’une part, aux ingénieurs de vérifier la sortie de Baumgartner et ,d’autre part, de saisir des images spectaculaires. Si le parachute vient à s’emmêler, l’équipe au sol peut le voir et prévenir l’Autrichien.

Deux caméras sont fixées sur la combinaison : l’une dirigée vers le haut, l’autre vers le bas. Une GoPro est aussi scotchée autour de la poitrine de Baumgartner et le filme avec un angle de vue à 110° pendant la chute libre : important pour la dramaturgie de l’événement ! Elle aide les spectateurs. Ils pourront regarder Baumgartner derrière sa visière embuée dès l’ouverture du parachute.

Des caméras sont évidemment placées à l’extérieur. Je souhaite surtout insister sur celles qui se trouvent dans les boîtiers hermétiques en aluminium. Dans chaque boîtier nous plaçons une caméra HD, un appareil photo (une Canon 5D avec

Caméras2.3

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Triple objectifDisposées à l’extérieur, trois caméras, dont une HD et une digitale, immortalisent l’ensemble de la mission Red Bull Stratos. Soit le promesse d’images spectaculaires.En ascension, l’appareil photo se déclenche toutes les 10 secondes. Lorsque Baumgartner quitte la capsule, l’appareil se met à mitrailler sans interruption.

À BORD

un grand-angle de 14 mm) et une Red prenant des images en 4K que l’on peut projeter dans un IMAX. Le tout dans cet ordre. En termes de qualité de reproduction, la Red est ce qu’il se fait de mieux à ce jour. Nous modifions légèrement nos Red en y ajustant des objectifs reflex Canon.

Les cylindres en aluminium occupent de la place. Ils pèsent cinquante-cinq kilos chacun et peuvent résister à une triple pression atmosphérique. Nous y élimi-nons toute présence d’oxygène et d’humi-dité pour y mettre 100 % d’azote, indis-pensable afin d’éviter la buée. Ce sont surtout les Red qui produisent beaucoup de chaleur. Les ventilateurs ont besoin

Jay Nemeth est le boss du département Images de Red Bull Stratos (film et photos). Il scrute tout ce qui vole depuis un quart de siècle et fait partie des rares détenteurs d’un certificat Zero-G, spécifiant sa faculté à travailler en apesanteur.

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d’un air facile à remuer. L’échangeur de chaleur fonctionne à base d’éthylène glycol. La technologie utilisée ici n’a rien de révolutionnaire. Elle est, par exemple, appliquée pour filmer le lancement d’une fusée du dessous. À ma connaissance, personne ne l’a encore testée à 36 km d’altitude.

Toutes les informations enregistrées par les caméras sont envoyées vers la partie supérieure de la capsule. Nous avons ici un concentré de technologie comparable à un véhicule de retransmis-sion. Neuf enregistreurs HD, neuf contrô-leurs de prise de vue, des mélangeurs, des convertisseurs, un équipement audio, des ajusteurs de tension, des disjoncteurs, des appareils de télémétrie, de ventilation,

le tout étant commandé à distance. Je crois qu’il n’y a jamais eu autant d’équipe-ment dans un espace aussi réduit.

Le câblage est aussi une prouesse. L’unité de caméra est reliée au tableau de bord de la capsule à l’aide d’un connec-teur 128 bits. Nous voulons éviter à Baumgartner l’exécution de cette tâche. S’il devait y avoir un problème avec le téléguidage, il doit être en mesure de se charger manuellement de la caméra. Nous modifions les commandes pour les déclencher à distance ou automati-quement dès la mise sous tension. Nous avons aussi prévu deux plans B car il n’est tout simplement pas envisageable de ne pas filmer le saut !

À elles seules, les neuf caméras génèrent trois tétraoctets de données. Nous divisons la capacité de sauvegarde par deux sans en compromettre la qualité (de 100 à 50 mégaoctets par seconde).

Les disques durs conventionnels sont ici inutilisables. Soumis au vide et à des températures extrêmement basses, ils ne peuvent pas fonctionner à l’extérieur de la capsule dans la stratosphère. Nous utilisons enfin des cartes mémoire flash (disque SSD). Voilà les secrets d’une mise en images qui pourrait décidément revêtir un caractère « hautement » historique.Retrouvez toutes les informations sur l’incroyable mission de Felix Baumgartner en cliquant sur www.redbullstratos.com

Caméras

2.3À BORD

Il n’est tout simplement pas envisageable de ne pas filmer le saut !

Banque de donnéesL’équipement technique de Red Bull Stratos est aussi performant qu’un camion satellite. Il est situé sur le toit de la capsule. Les images génèrent trois tétraoctets de données.Le débit de sauvegarde est réduit de 100 à 50 mégaoctets par seconde afin d’ac-croître la capacité de mémoire disponible.

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Gonflé à l’hélium, le ballon utilisé dans la mission Red Bull Stratos contient environ 850 000 m³ de gaz. Au décollage, son envergure équivaut à celle de trois Boeing 777. Ce fidèle compagnon de Felix Baumgartner n’a qu’un seul but : hisser l’Autrichien à une altitude de croisière trois fois supérieure à celle des vols intercontinentaux.

3Un ballon dans l’espace

Texte : Werner Jessner

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Un ballon dans l’espace

DANS CE CHAPITRE, le ballon vous est dévoilé sous ses moindres coutures : volet technique, procédure de décollage et permis de vol obtenu par Baumgartner.

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Dompter un géantComment dresser en moins d’une heure un ballon haut comme un immeuble de 60 étages ?

Le jour J n’est déterminé que hui heures avant le décollage. Il s’agit bien de décisions à la dernière minute afin de saisir les meilleures conditions météo. Ces huit heures correspondent au temps minimal requis pour la procédure de départ. Le responsable de l’équipe décollage est Ed Coca. Loin d’être un novice, il ne se frotte pas souvent à des projets de l’envergure de Red Bull Stratos. « Ce n’est pas tous les jours qu’on fait voler un ballon aussi énorme. » Combien en a-t-il envoyé dans les airs d’un volume total de 850 000 m³ ? « C’est mon premier. »

Quatre heures et demi avant l’ascen-sion, Coca contacte Day pour connaître l’orientation exacte du moindre souffle de vent, toujours dans la limite des 3 km/h. Le ballon, la capsule et son parachute sont arrimés les uns aux autres, en ligne droite. Ils se déploient sur l’aérodrome de Roswell, ville princi-pale du comté de Chaves au Nouveau-

Volet technique : comment et quand décoller ?

3.1Mexique. La capsule est aussi accrochée à une grue.

Pour sécuriser le décollage, la brise légère tolérée doit idéalement souffler face à la capsule. En aucun cas dans le sens inverse ou en dehors de l’axe de la piste d’envol.

Le ballon de Red Bull Stratos est composé d’un film transparent en polyéthylène, similaire à celui qui enveloppe votre costume lorsque vous le récupérez au pressing. Son épaisseur varie et ne dépasse jamais le millimètre. Il convient aussi d’insérer dans la voilure une bande réfléchissante afin de repérer

Sa superficie est scannée dans son en-semble par une lumière spéciale. Le moindre trou peut être fâcheux.

étéorologue, bouc émissaire idéal ? « On nous fait toujours porter le chapeau, avoue Don Day. Cela

fait partie du boulot. » L’attitude de ce Monsieur Météo est trompeuse. Day est un pion vital dans l’équipe Red Bull Stratos. Il n’est pas là que pour analyser les prévisions de Madame Soleil. Pas un jour ne se passe sans que Day, le bien-nommé, n’impressionne Felix Baumgartner et les siens par la troublante exactitude de ses prévisions. Quel est son secret ? Plus qu’une simple mise en pratique de données relevées quoti-diennement, la quête permanente d’informations fait partie intégrante de son abécédaire.

« De nombreuses conditions doivent être réunies afin de faire décoller un ballon de cette dimension, explique-t-il. À commencer par le vent. Au sol, il ne doit pas excéder 3 km/h. La vitesse limite à ne pas dépasser à soixante mètres d’altitude est de 6,5 km/h. Nous avons positionné trois ballons météo à cette hauteur. Ils véri-fient cela. Même dans des régions propices comme l’état américain du Nouveau-Mexique, on n’obtient ce type de condi-tions qu’à l’aube. Il faut ensuite un ciel dé-gagé et un taux d’humidité le plus bas possible sur toute la surface du ballon. » Day ne déroge pas à la règle. C’est un As.

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Toute tentation de tirer brusquement sur le ballon est bannie. Son enveloppe globale pèse 1 682 kilos, soit le poids d’une jolie berline.

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AGonflage1. Une heure avant le décollage, des conduits reliés à des camions transpor-tant 10 194 m³ d’hélium sont utilisés pour commencer à gonfler le ballon.2. Un bras articulé retient le ballon à terre. Le gonflage s’opère du haut vers le bas.3. La partie supérieure du ballon commence à s’élever. 4. Le bras articulé étire lentement le ballon sur toute sa longueur.

L’hélium est amené par deux camions.

Deux tuyaux transfèrent le gaz.

Le ballon est maintenu au sol.

Plus léger que l’air, l’hélium fait s’élever le ballon.

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À partir d’un angle de 20°, la manœuvre est délicate.

B C

Stabilisation1. Le bras articulé libère le ballon.2. La grue maintient au sol sa partie inférieure avec la capsule.3. Le ballon se dresse complètement à la verticale.4. Quand il est incliné à une quinzaine de degrés, la capsule est décrochée.5. La grue place la capsule exactement dans l’axe du ballon.

Baumgartner attend tranquillement dans sa capsule.

La capsule est suspendue par une grue.

Une fois le bras enlevé, le ballon

se dresse entièrement.

La grue déplace la capsule sous le ballon.

Les petits ballons météo

indiquent la direction

du vent. Voici le petit « train » fixé au parachute qui ramènera le ballon sur terre.

Envol1. La grue libère la capsule.

2. Red Bull Stratos décolle.

Page 34: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

le ballon lorsque, vide, il redescendra vers la planète bleue. Le moindre trou, aussi petit soit-il, peut s’avérer fâcheux. C’est pourquoi deux ballons – le second n’est utilisé qu’en cas de besoin lors des essais – sont scannés à l’aide d’une lu-mière noire spéciale. Pour éviter d’en-dommager cet ensemble fragile lors de son déploiement sur l’asphalte, une couche protectrice d’herculite, textile in-dustriel synthétique spécialement confec-tionné, est placée sur le sol.

Quinze hommes sont nécessaires au déploiement du géant. Tous sont soumis à un code vestimentaire strict : gants en coton, combinaisons quasi intégrales, œillets et bijoux sont notamment pros-crits. Il convient aussi d’avoir une délica-tesse de tous les instants : chaque contact, chaque déplacement du ballon est une source potentielle de détérioration. Aussi, toute tentation de tirer brusquement sur le ballon pour le mettre dans la bonne position est bannie. Son enveloppe pèse à elle seule 1 682 kilos, soit le poids d’une jolie berline.

Après le déploiement au sol, les mécanismes de séparation sont armés. L’enveloppe se déchire le long d’une ligne prédéterminée, l’hélium s’échappe en altitude et le lent retour sur terre peut alors débuter. Une équipe au sol récupère le ballon pour le ramener à Roswell dans

un très grand camion. Nous sommes loin : encore faut-il que le dirigeable de Baumgartner décolle…

Une heure avant le décollage, le poste de commandement donne son aval pour les préparatifs. H - 55 minutes, le gonflage à l’hélium débute. Deux camions sont nécessaires. Ils ont chacun une capacité de 5 097 m³. La période de gonflage doit avoir lieu au plus près de l’envol. L’équipe opte pour un gonflage à double voie d’où l’utilisation simultanée de deux conduits dans la partie supérieure du monstre translucide.

Le ballon finit par se dresser et se mouvoir comme une gigantesque bulle. Une minute plus tard, il a déjà son allure définitive, stabilité en prime. Un bras articulé fixé à un camion aide à le maintenir au sol, lâchant du leste centimètre après centimètre.

Le ballon est recouvert d’un film transparent en polyéthylène, similaire à celui qui enveloppe votre cos-tume lorsque vous le récupérez au pressing.

À l’autre extrémité du géant, le boudin de polyéthylène est encore couché. À l’intérieur de la capsule, Baumgartner est prêt. La capsule est suspendue à une grue mobile spécialement adaptée et pilotée par un conducteur d’engin plutôt doué.

Le bras libère le ballon. L’ascension verticale débute. Lentement. En s’élevant, il doit être dirigé vers la grue. La capsule de Baumgartner subit alors les premières tensions. Lorsqu’une inclinaison d’environ quinze degrés est atteinte, la grue trans-portant la capsule se met en mouvement. Elle doit à présent se positionner très précisément sous le ballon. Celui-ci tracte sa charge peu à peu. Exercice aussi délicat que maintenir un manche à balai en équilibre sur le bout de l’index pendant dix secondes.

Sur la piste, Coca guide la grue. « Être au plus près permet d’avoir une meilleure appréciation. » Dès qu’il en donne le signal, l’équipe doit relâcher le câble de halage le plus vite possible.

Durant l’interminable répit précédant l’envol matinal de Felix Baumgartner dans le ciel lumineux de Roswell, tout le monde présent retient son souffle. « Même si nous surmontons déjà d’énormes obstacles jusqu’au décollage, nous sommes encore loin d’avoir fini, lance Baumgartner. Nous commençons à peine. »

L’HÉLIUM Plus léger que l’airCe gaz noble est non toxique, incolore et inodore. C’est non seulement le gaz le plus léger après l’oxygène, mais aussi le plus présent dans l’univers après l’hydrogène. L’hélium s’est principalement formé lors du Big Bang.

Pour son usage commercial, il est extrait du gaz naturel par distillation fractionnée. Un mètre cube d’hélium pèse seulement 179 g. À titre de comparaison, la même quantité d’air ne dépasse pas 1,4 kg en fonction de sa composition et de la température.

Hélium

Air

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Jules Verne aurait trouvé Red Bull Stratos fascinant. Avant de plonger à plus de 36 km de haut, Felix Baumgartner doit pos-séder une autorisation en bonne et due forme. L’Autrichien décrit ici son apprentissage chao-tique du… permis ballon.Texte : Felix Baumgartner

3.2

anœuvrer un ballon gonflé à l’hélium n’est pas de tout repos. En guise de hors-

d’œuvre, il y a le vent. Éole dicte sa loi. Avec du bon sens et de l’expérience, vous apprenez vite à distinguer à quelle vitesse, à quelle hauteur et dans quelle direction celui-ci souffle. On découvre ainsi qu’une gentille petite bise située à 200 mètres de hauteur peut se transformer en vent du sud très frais à 400 mètres. Vous pouvez avancer à 40 km/h ou plus et ne rien res-sentir de l’effet de vitesse car le vent porte. Dès qu’il est contraire, on se rend compte de sa force.

Le principe d’ascension avec un ballon est simple. En tirant sur le cordon qui actionne la soupape, on permet au gaz de s’échapper de l’enveloppe. Cela en-traîne… la descente. Si on largue du lest, on s’élève.

Tout l’art du pilotage d’un ballon consiste à maîtriser la technique. Pour gagner de la hauteur, il suffit de larguer une petite dose du sable contenu dans les grandes réserves de la nacelle.

Le lest est en quelque sorte la réserve d’or de l’aérostier. À chaque fois que vous en lâchez par-dessus bord, vous compli-quez la navigation car vous hypothéquez un peu plus vos chances d’atteindre la couche atmosphérique, palier nécessaire afin d’être porté par les courants.

Mon apprentissage démarre par le chargement de vingt-cinq à trente sacs de sable de lest à l’intérieur de la nacelle. Au quatrième, j’en ai plein le dos. Je le fais savoir au moniteur. Ça va, j’ai compris le

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Voyage en hauteur

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truc. Il reste inflexible. Si au moins on me laissait construire des châteaux de sable…

Après l’amuse-bouche, passons aux choses sérieuses : le travail avec le météo-rologiste. Il est essentiel. C’est le B.A.-ba d’une préparation réussie. Un bon spécia-liste de la météo vous apprend à affronter toutes les conditions de vent possibles. Peu importe l’altitude.

Parlons maintenant du ballon en tant que tel. Il s’étale de tout son long, là, à même le sol. Vu le prix de l’hélium, l’enve-loppe n’est jamais totalement vidée. Il suffit d’ajouter la quantité manquante. Dans le cas précis de Red Bull Stratos, l’utilisation de l’hélium est la seule pro-pulsion possible pour monter si haut.

C’est un sport pour lève-tôt. Ou couche-tard. On commence à se préparer dès trois heures du matin, histoire d’être en l’air avant le lever du soleil et les premiers vents forts.

J’ai effectué mon entraînement à Albuquerque, dans l’état du Nouveau-Mexique (États-Unis). J’apprends que l’espace aérien sera interdit pendant les 72 prochaines heures en raison de la ve-nue du Président Obama. Cela me laisse deux jours complets pour apprendre à di-riger l’engin soit un timing serré permet-tant juste d’enchaîner décollages et atter-rissages. Je potasse la problématique des vents et assimile leurs directions à diffé-rentes altitudes. En l’air, je me sens déjà comme chez moi. Je suis dans mon élé-ment. Ce sera ma deuxième maison.

Après deux jours d’exercice pratique, je suis prêt à passer l’examen. Il attribue

Je me sens plutôt mal. Là encore, ça n’a pas l’air de gêner mes deux compa-gnons de vol. Il s’agit seulement pour eux d’une simple faute au décollage. Je me rends compte que passer son brevet de pilote de ballon est plus compliqué que le permis de conduire.

Un mauvais départ n’a rien de désho-norant. Ça arrive. L’explication est simple : la poussée du vent sur la partie basse provoque le décollage. Vous laissez aller en pensant vous élever normale-ment. Tout s’arrête soudain au moment où le ballon atteint la vitesse du vent. Dans mon cas, c’est arrivé juste à la hau-teur des vitres de la voiture. Je leur pro-pose de décoller à nouveau. Ils refusent. On est déjà trop loin. Me voilà en l’air, sorti d’affaire.

Après quelques minutes, nous nous rapprochons d’un relief montagneux. C’est le dessert. L’examinateur suggère d’alléger la nacelle de quelques pelletées de sable. Je ne suis pas d’accord. Il me propose de parier. Tenu. On franchit le sommet de justesse sans avoir besoin de se débarrasser de quoi que ce soit. J’ai marqué des points. Je le sens.

Nous voilà sur l’autre versant. On touche aussitôt du gros vent, soit 80-90 km/h. Cela a pour don de causer des

la licence de vol. Joe Kittinger est catégo-rique. Dans mon cas, je n’aurai pas à passer l’épreuve écrite. Mais quand le très élégant examinateur sexagénaire de la Federal Aviation Administration débarque, il demande illico au pionnier américain des sixties de sortir et souhaite que je le suive à l’étage.

Je précise à l’examinateur n’être venu ici que pour apprendre la technique du pi-lotage. Je ne souhaite en aucun cas passer un examen écrit que je n’ai pas préparé.

Je lui explique le projet Red Bull Stratos et lui indique mon intention de ne pas continuer à voler en ballon après cette mission, dans un but lucratif ou non.

À ma grande surprise, il me laisse aller au bout de mes explications et me pré-sente une carte aéronautique où je dois étudier une trajectoire de vol. Grâce à la technique de pilotage d’hélicoptère, je suis familier avec ce type de topographie. Je repère la question piège. L’examinateur me trouve visiblement assez convaincant dans mes explications. Il accepte de me faire passer le test dès le lendemain.

On y est. Le plat de résistance. Le bal-lon repose de toute sa longueur sur un terrain de football entouré d’une clôture. Quelques voitures sont garées le long du grillage. J’ai l’impression qu’elles sont trop proches de nous. Cela ne semble pas inquiéter le moniteur outre mesure.

On démarre. Après seulement quelques mètres, la nacelle rase le toit d’un véhicule sans que les deux passagers à mes côtés ne s’en soucient. On réussit à passer au-dessus de la clôture de justesse.

« L’examinateur suggère d’alléger la nacelle. Je ne suis pas d’accord. On parie. »

« Un voyage en ballon réserve une part d’aventure. J’en ai fait l’expérience. »

« J’apprends que l’espace aérien sera interdit pendant les 72 prochaines heures. »

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turbulences alors qu’on se dirige vers une barrière rocheuse. Au-delà de celle-ci, il ne sera pas évident de trouver un endroit propice à l’atterrissage. On doit se poser au plus vite.

Je tire le plus fort possible sur le cor-don de la valve de gaz pour descendre ra-pidement. Malheureusement, le vent au sol n’a rien perdu de sa puissance. Il af-fiche 40 km/h. Inquiétant. Atterrir d’ur-gence devient une option. On enfile nos casques et replace à l’intérieur les sacs de sable afin d’éviter qu’ils n’éclatent après avoir touché le sol. Ils peuvent aussi nous servir à redécoller.

Un champ entouré de barbelés fera l’affaire. L’aire d’atterrissage improvisée n’est vraiment pas très grande. Une cen-taine de mètres carrés. Avec ce genre de ballon plutôt lent à la détente, la moindre erreur peut s’avérer fatale. On doit réussir à se poser du premier coup.

Quand on voit le sol se rapprocher aus-si vite, on ressent vraiment l’impression de vitesse. Le choc à l’atterrissage est brutal. La nacelle se renverse et nous voilà tractés sur toute la longueur du terrain. On tire de toutes nos forces sur la valve pour lais-ser échapper le gaz et mettre fin à cette partie de rodéo. On rentre nos têtes, garde les bras et les jambes à bord de la nacelle. « Tire, tire, tire », hurle l’examinateur alors que la nacelle s’immobilise après avoir la-bouré le champ dans sa diagonale. Dans un nuage de poussière, on ne bouge plus. La corde est complètement déroulée, le conduit de gaz grand ouvert et l’hélium s’échappe. Le ballon est à l’arrêt. Silence. Soudain, une voix. « Ça va les gars ? »

On se redresse et on aperçoit le pro-fond sillon long de 80 mètres tracé par la nacelle. Un voyage en ballon promet donc ce genre de péripétie. Plutôt mouvementé. Bilan de l’examen : reçu. Avec mention.www.redbullstratos.com

« C’est un sport pour lève-tôt. Ou couche-tard. Il faut être

en l’air avant le lever du soleil. »

« La corde est complètement déroulée, le conduit de gaz grand ouvert et l’hélium s’échappe. Le ballon est à l’arrêt. Silence. »

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Page 38: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

4

Taillée pour l’aventureLa David Clark Company est un maître d’œuvre incontesté d’opérations très « spaciales ». L’entreprise américaine met au point depuis plus de cinquante ans les combinaisons de vol de générations d’astronautes. Aujourd’hui, elle prend part au projet Red Bull Stratos. Felix Baumgartner a trouvé la bonne combinaison.Textes : Werner Jessner & Robert Sperl

La combinaison de Reb Bull Stratos regorge de

nombreuses ingénio-sités techniques : ici,

un miroir fixé au gant. Felix Baugmgartner

s’en sert comme d’un rétroviseur pour parer

au manque de visibilité dû au port du casque.

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DANS CE CHAPITRE, décryptage de la combinaison de vol de Baumgartner et gros plan sur l’évolution historique des tenues spatiales.

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Àsoixante-dix kilomètres de l’Ouest bostonien, se trouve Worcester, sans doute l’une des villes des États-Unis dont le nom est le plus mal prononcé

(il faut dire « Wuss Ter », comme son homonyme anglais, célèbre pour sa sauce avec laquelle cette ville du Massachusetts est jumelée). Son autre originalité ? Bien que la ville ne compte que 200 000 âmes, votre GPS vit une galère terrible dans cette jungle urbaine, jonchée de parkings, de supermarchés, de bâtiments d’usines. Ces dernières sont planquées derrière d’ano-nymes façades de brique rouge. Celle, discrète, de la David Clark Company Inc. (DCCI) s’annonce sur Franklin Street.

Les origines de l’entreprise remontent à 1941 quand son créateur David Clark, fabricant de textiles, confectionne les pre-mières combinaisons de vol (elles seront portées pendant la Seconde Guerre mondiale). Il développera protections phoniques, tenues pressurisées mais également les casques des pilotes de l’US Air Force et des astronautes de la NASA.

En 2012, sa société est à la pointe des produits high-tech.

À l’entrée, un vigile affable est la seule marque apparente de sécurité. Un assistant emmène les visiteurs au premier étage par un escalier hors d’âge. Là-haut, on se croirait dans une classe d’école… en vacances. Juste un bruit de pas perce le silence environnant. Mais, assis der-rière son bureau, il y a toujours quelqu’un pour un coucou sympathique. Porte après porte, toujours le même décor. La même ambiance. Jusqu’à l’arrivée dans le saint des saints : une pièce moyenne sans fenêtre, couverte de lambris et de lino. On s’attendait à un laboratoire futuriste, le contraste est saisissant.

Nous sommes au cœur de la David Clark Inc., maître-tailleur en combinai-sons pour pilotes en missions d’espion-nage et en essais de vol supersonique. Or, le téléphone mobile de notre guide est l’unique équipement digital de la pièce. Partout du matériel couleur olive, grand comme une armoire, et équipé de compteurs et manomètres aux chromes

David Clark, maître-tailleur en combinaisons pour pilotes en missions d’espionnage et en essais de vol supersonique.

DANS L’ÉPICENTRE DE DAVID CLARK INC. Les destinations de ces voyageurs-là se situent bien au-delà de notre horizon, vers d’autres planètes. Quelle garde-robe emporter ? Une combinaison spatiale bien entendu, laquelle est testée et passée au peigne fin avant le grand départ selon les méthodes traditionnelles.

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bien astiqués. Sur ces machines, des réci-pients gradués notamment. Une poulie pour simuler un saut en parachute pend du plafond, un ensemble de balances de cuisine est à l’équilibre sur un classeur. Dans cet endroit, génie, compétence et expérience semblent cohabiter avec esprit d’aventure. On se croirait dans la boutique d’un horloger, mais le boulot des artisans d’ici n’est pas une question de minutes et de secondes. Seuls les voyages dans l’espace les passionnent.

Aux murs sont affichées les preuves certifiées de l’expertise des techniciens de la DCCI. Deux douzaines de photos, aussi, les habillent. On y voit des pilotes et des équipages d’astronautes qui posent debout à côté de leur cockpit ou devant leur engin spatial. Beaucoup de messages de remerciement pour la qualité du travail du staff de la DCCI sont griffonnés sur les clichés. Au centre de la pièce, un siège de pilote sur une es-trade avec ses faux airs d’Old Sparky, la macabre chaise électrique made in USA. Mais dans cette pièce, les futurs astronautes n’éprouvent que derniers tests et contrôles d’imperméabilité de

leur nouvelle combinaison. Ce n’est qu’après ces ultimes vérifications que les ingénieurs de la DCCI valident les tenues et leur expédition. (Certaines reviennent une fois la mission terminée. Ces trophées sont emballés dans du nylon et conser-vés dans une pièce d’archives. Chacune d’elles porte une référence écrite, à l’ins-tar d’une improbable boutique de location de costumes. Les tenues de plongée dont s’équipe la DCCI pour ses expériences sont entreposées ici.)

C’est Art Thompson, directeur tech-nique de la mission Red Bull Stratos et bien connu de l’industrie aérospatiale, qui a contacté la DCCI. En janvier 2008, Felix Baumgartner s’est assis pour la première fois dans ce drôle de labora-toire. Reçu pour trois heures de prises de mesures. Ce jour-là, l’ambiance est fraîche, chaque camp attend beaucoup de l’autre. Les entreprises de l’industrie aéronautique et spatiale ont nourri leur succès de projets et contrats impeccable-ment précis. Ce business ne supporte pas l’à-peu-près. Pas de place pour les sentiments, c’est toujours surprenant pour les non initiés. Baumgartner :

« Chez Red Bull, on est dans un autre monde. Les gens font des blagues, tout est plus cool, personne ne porte de cravate. »

De l’autre côté de la table, se tient John W. Bassick, alors vice-président exécutif de la DCCI. Il dit les réserves de sa société pour les projets civils. Leur dernier date du milieu des années soixante. Nick Pianta-nida, un chauffeur-routier du New Jersey, a voulu battre le record du monde du saut en altitude établi en 1960 par le capitaine de l’US Air Force Joe Kittinger. Précisé-ment celui que veut faire sien l’Autrichien Baumgartner. À 19 000 mètres d’altitude, un incident s’est produit, Piantanida tom-ba dans le coma, terrassé par le manque d’oxygène. Il était cliniquement mort quatre mois plus tard. Bassick témoigne : « Je l’ai annoncé ici à David Clark. »

MIKE MON AMI Mike Todd est le tailleur officiel de Felix Baumgartner. C’est lui qui vérifie que la combi-naison « tombe » parfai-tement et que tous les systèmes de sécurité et de communication sont en bon état de fonctionne-ment. Todd est la dernière personne que Felix voit avant d’intégrer la capsule.

Ces trophées sont emballés dans du nylon et conservés dans une pièce d’archives.

Page 42: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

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4.1

Page 43: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

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Page 44: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

Inspirées des tenues de plongée sous-marine, les premières combinai-sons spatiales ont été fabriquées dans les années trente. La Seconde Guerre mondiale a accéléré leur développement, avant la rivalité jusqu’à la fin des années soixante-dix entre Américains et Soviétiques pour la conquête spatiale. La pionnière et américaine David Clark Company reste à la pointe de leur élaboration.

La saga des combinaisons

1965 Cette combinaison a été portée lors du vol expérimental du X-15, l’avion-fusée américain qui a atteint Mach 6,2 (7 274 km/h). C’est la première à faible épaisseur et entièrement composée de Link Net (matériau conçu par David Clark). Depuis, elle a démontré sa fiabilité. Certaines pièces de la combinaison pressurisée de Felix Baumgartner sont en Link Net.

VERS 1955 Cette toute pre-mière combinaison Apollo est

l’œuvre de l’Américain Inter-national Latex Corporation (ILC). Élaboré par Air-Lock

Inc., société fondée par David Clark aujourd’hui dans le

giron de la David Clark Company, le casque en poly-

carbonate est équipé d’un système de communication.

LES ANNÉES 1950 BF Goo-drich, General Electric, US Rub-ber, Arrowhead, ILC ou encore David Clark... Toutes ces entre-prises s’intéressent à la fabrica-tion de combinaisons spatiales. Ce prototype, d’origine inconnue, est typique de l’époque.

VERS 1960 De fabrication sovié-tique, cette tenue pressurisée et confec-tionnée pour chien est utilisée au tout début des pro-grammes de voyages dans l’espace. Des tuyaux fournissent la pression d’air intérieure. Une technique mise au point dans les années quarante par Jim Henry, docteur à l’université de Californie du Sud. Sur le même modèle, la David Clark Company a élaboré des tenues pour les pilotes de X-1 (avion expérimental à moteur fusée). En 1960, en pleine guerre froide, l’Union Soviétique récupère la technologie après avoir abattu l’avion espion U-2 piloté par Francis Gary.

1965 Ed White porte une com-binaison Gemini G4C lors de la première sortie extravé-hiculaire américaine. On

distingue le revêtement TMG (un tissu thermique

micrométéoride) qui isole et protège des rayons

cosmiques. Lors de leur vol record de quatorze jours

à bord de Gemini VII, Frank Borman et Jim Lovell ont porté une version améliorée de la G4C.

DEPUIS 1973 Taillée sur mesure, la combinaison

russe Sokol est utilisée à bord des missions de la

Station Spatiale Interna-tionale. Au contraire des

tenues multi-fonctions de David Clark deman-

dées par la NASA, elle protège d’une

dépressurisation de la cabine.

la conquête spatiale. La pionnière et américaine David Clark Company reste à la pointe David Clark Company reste à la pointe David Clark Companyde leur élaboration.

VERS 1960 De fabrication sovié-tique, cette tenue pressurisée et confec-tionnée pour chien est utilisée au tout début des pro-grammes de voyages dans l’espace. Des tuyaux fournissent la

DÈS 1961 Les combinaisons des missions Apollo et leur casque

bombé en polycarbonate (ici portée par Owen Garriott, à

bord de Skylab, première station spatiale améri-

caine), sont toujours utilisées par la Station

Spatiale Internationale pour ses sorties extra-

véhiculaires.

DEPUIS 1975 Celle-ci rem-place la première tenue des

pilotes de l’avion espion US, le Lockheed SR-71

Blackbird. La NASA l’utilise pour les essais de vols supersoniques. Une combinaison de bord est aussi réalisée, les micros et émetteurs incorporés

éliminent le bruit de la respiration durant les

communications.

1961 Portée par Alan Shepard

(premier astro-naute américain),

cette combinaison spatiale Mercury

s’inspire du modèle Mark IV pensé par BF Goodrich pour

l’US Navy.

À PARTIR DE 1960 Les scientifiques planchent, depuis plus d’un demi-siècle, sur des combinaisons plus légères et utilisables sur d’autres planètes. L’idéal : enfiler la tenue à la sortie de l’engin spatial et

la retirer facilement dans un sas tout en minimisant le

risque de contamination. Actuellement, de nom-

breux projets sont à l’étude à la NASA.

VERS 1959 L’US Air Force, seule décisionnaire des

tenues pressurisées (c’est toujours le cas), acte le

retour de cette combinai-son inspirée d’un modèle de BF Goodrich. Mais une

fermeture en U, comme sur les tenues des pilotes de

X-15, remplace l’habituelle fermeture éclair verticale.

Ce modèle est similaire à celui réalisé par David

Clark pour l’US Navy.

DEPUIS 1975place la première tenue des

pilotes de l’avion espion US, le Lockheed SR-71

émetteurs incorporés éliminent le bruit de la

respiration durant les communications.

À PARTIR DE 1977 Conçues pour les sorties dans l’espace, les tenues de la société américaine Hamilton Standard ressemblent à des armures. Ce type de combinaison permet de sécuriser les manœuvres techniques dans l’espace et d’emporter le paquetage de survie et de contrôle. Bien utile dans certains cas.

Ce prototype, d’origine inconnue,

Conçues pour les sorties dans l’espace, les tenues de la société américaine Hamilton Standard ressemblent à des armures. Ce type de combinaison permet de sécuriser les manœuvres techniques dans

Les combinaisons des missions Apollo et leur casque

bombé en polycarbonate (ici

4.2

44

Page 45: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

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ÉDITION LIMITÉE Chez David Clark, les combinaisons spatiales sont fabriquées à la main. Pour celle de Baumgartner, il faut compter un mois de travail.

Mais Baumgartner et Thompson savent défendre leur projet. La collabora-tion est scellée. Les décideurs de la DCCI ont été séduits. En collaboration avec les équipes de Red Bull Stratos, ils vont développer un prototype d’une génération nouvelle de combinaisons pleinement pressurisées et plus sûres. Un dîner au Brookline Country Club scelle l’accord. Le port du pantalon de costume est ici de rigueur. Comme d’habitude, Baumgar-tner est vêtu d’un jean délavé. Thompson vient à sa rescousse et lui en prête un. Leur tour de taille sont éloignés. Bau-mgartner nage dans le pantalon. Il en rit encore : « Je ressemblais à un vendeur de voitures bulgare. »

« Baumgartner a effectué le premier essai de combinaison avec un modèle identique à celui des pilotes d’avions de reconnaissance », précise Mike Todd, ingénieur en charge de la logistique de Red Bull Stratos. Il est responsable de chaque détail de la combinaison et de son fonctionnement en coordination avec le reste du matériel de l’opération. À lui aussi d’aider l’ancien parachutiste de l’armée autrichienne à conserver son énergie avant le saut et de vérifier le bon fonctionnement de l’ensemble des com-posants techniques. Baumgartner a déjà expérimenté ce genre de tenue notam-ment lors de sa traversée de la Manche en vol plané de Douvres à Calais avec une aile en carbone sur le dos.

Cependant, sa combinaison pour la mission Red Bull Stratos présente davan-tage d’inconvénients : liberté de mouve-ments et champ de vision restreints. La claustrophobie n’est pas loin, comme la contrainte pour respirer. « C’est toujours compliqué d’inspirer, reconnaît Baumgar-tner. Comme si vous courriez à toute vitesse en mettant un ciré sur la bouche. Bien sûr, vous avez assez d’air mais vous avez toujours l’impression d’en manquer. »

Joe Kittinger, qui a rejoint le projet en tant que consultant et mentor de l’Autrichien de 41 ans, ne doute pas de l’union entre Baumgartner et sa com-binaison : « Felix doit passer le plus de temps possible à la porter, elle doit devenir comme une deuxième peau. » (Baumgartner a encore besoin d’une assistance psychologique pour l’enfiler. Voir Stratos 1.1, page 6, ou The Red Bulletin, Février 2012).

Retour à la visite des lieux. Le même assistant de la DCCI nous mène à l’endroit où douze ouvrières spécialisées bouclent la confection de combinaisons. Là aussi, la tradition est privilégiée. Le temps s’est arrêté, ici les machines

font le même bruit depuis un mitan de siècle. Peu importe, la méthode a su faire ses preuves. Les couturières tressent une maille entre la couche interne, étanche à l’air, et celle exposée à l’air atmosphérique. Cette technique, ersatz du macramé pour au final une cotte de maille de samouraï, prévient tout gonflage interne anormal. Le fondateur de la société, David M. Clark, a participé au développement de ces machines, capables de tisser, rang par rang, d’im-probables toiles d’araignées.

Les matériaux d’une combinaison spatiale, tels des tissus respirants et ignifugés ont des propriétés techno-logiques d’avant-garde. Mais ils sont manœuvrés et découpés sur des tables en bois usagées. Méthodes d’un autre temps. Le personnel est virtuose du ciseau, du mètre de couture, du crayon de tailleur… Toujours, l’ensemble des pièces est assem-blé sur des machines à coudre méca-niques et les coutures vérifiées plusieurs fois point par point. Tout est annoté. La confection d’une combinaison exige un mois de travail. Et si une coupure de cou-rant survient, le travail ne s’arrête pas : les ouvrières allument les bougies et les Singer continuent de cliqueter.www.redbullstratos.com

Le temps s’est arrêté. Les machines font le même bruit depuis des décennies.

Page 46: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

CR

EDIT

:

Qu’arrive-t-il à un corps qui franchit le mur du son ? Quoi manger avant de se jeter de la limite de la stratosphère ? Quels enseignements scientifiques peut-on tirer de Red Bull Stratos ? Autant de questions posées à Jonathan Clark, le responsable médical du projet. En bonus, Leo Lukas, auteur de science-fiction, nous emmène en voyage dans l’au-delà.

5Qu’arrive-t-il à un corps qui franchit le mur du son ? Quoi manger avant de se jeter de la limite de la stratosphère ? Quels enseignements scientifiques

Felix, l’azote et Marilyn

46

Page 47: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

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EDIT

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DANS CE CHAPITRE, Jonathan Clark, responsable médical de Red Bull Stratos, évoque les risques prévisibles et imprévisibles qui guettent Baumgartner dans la stratosphère. Et Leo Lukas, auteur de science-fiction, nous conte une histoire dont Felix est le héros.

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T : Quelles sont les étapes les plus dangereuses

de la mission Red Bull Stratos ? : Le départ est un peu délicat. À moins de trois cents mètres de haut, l’ouverture du parachute n’a aucune chance de ralentir une chute libre. Si l’en-veloppe du ballon se déchire au décollage, ce sera très dur pour Baumgartner. Il a besoin de treize secondes pour sortir de la capsule. À une altitude aussi basse, c’est trop long. Pour cette raison, nous avons renforcé son siège et il porte un harnais de sécurité. Pendant la phase de décollage, on a aussi des équipes de secours qui se tiennent prêtes au sol. Cette phase de zéro à trois cents mètres est la plus dangereuse. À quelle hauteur Felix Baumgartner

5.1

Jonathan Clark est le responsable médical de Red Bull Stratos. Il évoque les risques prévi-sibles et imprévisibles qui atten dent Baumgartner dans la stratosphère, les moyens pour les contour-ner et les bénéfi ces d’un tel projet pour l’humanité.

I La toupie

peut-il s’extraire de la capsule sans rencontrer de problèmes ?Au-dessus de 1 220 mètres, on est en sécu-rité. À partir de cette altitude, il a assez de temps pour sortir de la capsule si besoin.D’autres difficultés l’attendent plus haut…Au-dessus de 19 200 mètres, ce qu’on ap-pelle la ligne Armstrong, la pression est si basse que l’eau dans le sang bout. C’est ce qui est arrivé à une main de Joe Kittinger en 1960 (à cause d’un défaut dans sa com-binaison pressurisée, ndlr). Cela a aussi été fatal à l’équipage du vaisseau spatial sovié-tique Soyouz 11 en 1971. Aucun cosmo-naute ne portait sa combinaison quand il y a eu une dépressurisation dans la cabine. Ils sont tous morts en cinq minutes.Pourquoi est-ce mortel ?Le sang de l’être humain est composé d’eau à 70 %. Il y a deux façons d’en élever excessivement la température : en le chauffant ou en réduisant la pression at-mosphérique. Au-dessus de la ligne Arms-trong, l’eau qui s’évapore de notre corps

n’est pas chaude. Ce sont les gaz qui provoquent des inflammations, des bulles d’air dans le sang. Le pire danger se produit dans les poumons quand ces bulles d’azote se mélangent au sang. On appelle ça l’ébullisme. Peut-on survivre à un tel accident ?Nous sommes conscients du danger que court Baumgartner. Nous possédons ici deux appareils respiratoires qui nous permettent de chasser le gaz du sang.Comment ça marche ?Ces inhalateurs vous permettent de respirer douze fois par seconde. Cela com-bat la pression trop forte qui s’exerce sur le poumon. Et petit à petit, comme par magie, l’oxygène reprend sa place. Comment se sent-on ?Bizarre. Le cerveau et le corps se débattent sans respirer. C’est dingue…Ces inhalateurs sont l’une des plus grandes avancées scientifiques associées au projet Red Bull Stratos. Auparavant, de tels appareils étaient utilisés pour les

L’AXE DE ROTATION Plus il est bas, plus le risque est haut pour le cerveau. Si ses pieds sont sou-mis à une pression sanguine trop éle-vée, Baumgartner risque de mourir.

VITESSE ET DURÉEUn détecteur déclenche automatiquement l’ouverture d’un parachute si Baumgartner

subit une pression supérieure à 3,5 G.

À très haute altitude, dans un environnement presque sans air,

le corps de Felix Baumgartner peut partir dans une vrille

incontrôlable.

Texte : Werner Jessner

« Nous sommes conscients du danger que court Felix »

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II L’onde de choc

prématurés car les poumons des bébés nés longtemps avant terme sont souvent collés ensemble. Ils servaient aussi pour les grands brûlés quand les poumons des victimes étaient détruits. Aujourd’hui, le champ d’application s’étend aux accidents de décompression. Combien de temps faudrait-il à Baumgartner pour récupérer complètement ?Quelques semaines, tant qu’il a encore du sang dans les poumons. Dès que l’oxygène circule à nouveau dans le corps, tout se remet en marche.Durant les essais, Baumgartner s’est plaint de souffrir d’un froid extrême…Ces problèmes se solutionnent avec une meilleure isolation des pieds et des mains. Quel genre de risques imprévisibles peuvent survenir au cours du saut ?D’un point de vue médical, il y en a deux. Le premier, c’est l’effet de toupie, une vrille à toute vitesse, une rotation incon-trôlable sur soi-même. Le deuxième, c’est

l’onde de choc en franchissant le mur du son. C’est l’effet du double impact. Commençons par la toupie…Heureusement, nous savons pas mal de choses grâce aux essais de l’US Air Force avec des mannequins lancés depuis des ballons dans les années cinquante et soixante. À une altitude de 9 145 mètres, la vitesse de rotation varie entre 20 et 120 tours à la minute. Plus la chute est haute, plus la rotation augmente. L’US Air Force a ensuite placé des animaux et des per-sonnes dans des centrifugeuses pour voir comment le corps réagissait. Selon la du-rée et la vitesse, l’axe autour duquel tourne le corps est très important. Si vous tournez latéralement au niveau de la taille, la moitié de votre sang monte aussi-tôt à la tête, et l’autre moitié tombe dans les pieds. Du sang dans les pieds, ça signi-fie que le cœur en manque et vous perdez connaissance. Pour rester en vie, il faut stopper cette rotation le plus vite possible. L’afflux sanguin à la tête n’est pas moins

Un corps scruté Les données physiologiques de Felix Baumgartner seront enregistrées pendant la mission. Le relevé ci-dessous provient de son premier saut d’essai réalisé le 16 mars dernier. Jonathan Clark : « Les pilotes de course ont ce genre d’équipement pour savoir comment se comporte leur voiture. Un corps d’athlète est une machine tout aussi com-plexe. Ça devient de plus en plus important pour les meilleurs sportifs, et Red Bull va plus loin dans ce type de technologie. Le système a été testé et va servir pour un saut depuis la stratosphère. Nous collaborons avec le département médical de l’université du Texas et le Baylor College of Mede-cine pour nous garantir des meilleures analyses. » Plusieurs détecteurs, déjà testés dans l’espace, surveillent la position du corps du pilote (sur trois axes), mesurent sa température corporelle et son rythme cardiaque, affichent deux électro-cardiographies et sa fréquence respiratoire. Au terme de la mission, toutes les données seront mises à disposition des scientifiques.

Que risque Baumgartner lorsqu’il franchira le mur du son ?

LE MUR DU SON

Quand Baumgartner atteindra la vitesse

supersonique de 1 224 km/h,

il provoquera une déflagration sonore

(même s’il ne pourra pas l’entendre).

inconfortable parce qu’il provoque l’écla-tement de petits vaisseaux dans le cerveau et les yeux. C’est pourquoi nous voulons que Baumgartner puisse maintenir un axe de rotation le plus haut possible. À quel point cela devient-il critique ?Luke Aikins (consultant en chutes aé-riennes, ndlr), dans des tests sur lui-même, a constaté qu’il perdait connais-sance quand il était exposé à une vitesse de plus de 3,5 G pendant plus de six se-condes. Il a conçu un détecteur qui dé-clenche automatiquement un parachute de freinage dès que cette limite est dépas-sée. Ce petit parachute, qui a la forme d’un donut, ralentit non seulement la rota-tion mais aussi la chute libre et ce n’est pas ce que nous voulons dans notre projet. Que se passera-t-il quand Baumgartner franchira le mur du son ?C’est un des aspects que nous maîtrisons encore le moins. Qu’arrive-t-il quand on entre en collision avec l’onde de choc ? C’est pourquoi nous avons établi le même protocole médical que pour l’ébullisme. N’y-a-t-il pas un danger qu’il vomisse dans son casque pendant sa chute ?C’est un risque et un grand danger. Le vomi peut entrer dans ses poumons et causer de graves problèmes. Mais le pire scénario, ce serait qu’il touche ses yeux. Il devrait alors effectuer la chute libre sans rien voir jusqu’à atteindre une atmosphère

L’EFFET DU DOUBLE IMPACTC’est la grande inconnue. Qu’arrivera-t-il si l’onde de choc le frappe ? La combinaison de Baumgartner peut être endommagée et mettre à mal sa chute libre dans une atmosphère hostile à une si haute altitude.

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Le pire scéna-rio serait que le vomi touche ses yeux. Il doit le garder dans la bouche. respirable. Il faudrait que Baumgartner garde son vomi dans la bouche le plus longtemps possible avant de le rejeter sur un côté. Dans ce cas, il aurait toujours au moins un œil valide. Être malade dans une combinaison spatiale est une situation qui arrive plus souvent qu’on ne le croit. La NASA a connu ça durant une sortie dans l’espace. Le vomi s’est mélangé au maté-riau qui absorbait le dioxyde de carbone, cela a provoqué une mauvaise réaction. Avez-vous peur des radiations ?Non. L’expérience va durer très peu de temps et l’altitude n’est pas assez haute pour en souffrir. D’autre part, le site de Roswell (la zone d’atterrissage prévue pour Baumgartner, ndlr) est situé au niveau de l’équateur, c’est-à-dire loin des principaux champs magnétiques des pôles. Seule une importante tempête solaire pourrait repor-ter le projet, en raison du risque élevé d’interférences avec les appareils GPS.Pendant ses sauts d’essais, Felix Baumgartner utilise un gel pour les cheveux, bien qu’il ne soit pas autorisé car il contient de l’alcool…La combinaison entre l’alcool et l’oxygène peut déclencher un joli petit feu. Cepen-dant, le peu d’alcool contenu dans le gel s’évapore en un rien de temps. Le casque est vraiment ajusté, ça ne laisse pas beau-coup d’air passer… Les médias ont trouvé cette histoire et ont brodé là-dessus. S’il a mangé des fayots et qu’il se met à péter et que le gaz chaud se disperse dans sa combinaison, peut-il exploser dans la stratosphère ?Quand la pression extérieure est basse, les gaz corporels se répartissent dans tout le corps : les oreilles, le ventre, les sinus. C’est un problème. Dans le cas du transit intestinal, le problème se règle de lui-même. Excusez ce langage cru, mais il suffit de roter ou péter. Après chaque test en chambre pressurisée, ça ne sent pas la rose, je vous l’assure ! Mais si vous ne faites pas ça, vous risquez de gros

problèmes intestinaux. Voire une occlu-sion. Il est conseillé de ne pas manger un aliment qui se digère rapidement avant de sauter. Les astronautes préfèrent manger un steak et des œufs la veille d’un vol. Pourquoi Baumgartner doit-il commencer à respirer de l’oxygène pure, deux heures avant le début de la mission ? Son corps est saturé d’azote ce qui, avec une pression décroissante, provoque le même phénomène que lorsque l’on ouvre une bouteille d’eau gazeuse : ça pétille en laissant filer le gaz. L’azote dans le sang, c’est la même chose en cas de décompres-sion. Ce qui rend malade. Respirer de l’oxygène pure chasse l’azote et nettoie le sang à environ 80 %. C’est une sécurité. Que peut retenir le monde scientifique du projet Red Bull Stratos ?Le tourisme spatial n’en est qu’à ses débuts, il a davantage besoin de démons-trations et de certitudes que de contrats d’assurance. Mais, ce qui est plus impor-tant encore, c’est de savoir comment quitter un vaisseau spatial et rester en vie. Red Bull Stratos sera une référence dans ce domaine. Des astronautes et des cosmonautes seraient toujours vivants s’ils avaient bénéficié des infos que nous possédons aujourd’hui. Comment soigner les victimes d’une dépressurisation dans une station ou un vaisseau spatial ? Red Bull Stratos a développé un protocole médical pour ça. Baumgartner sera sous surveillance pendant toute la mission. Ces données, informatisées, seront ensuite mises à disposition des chercheurs. La valeur scientifique du projet Red Bull Stratos est inestimable.Échangeriez-vous votre place avec Baumgartner ?S’il y a une combinaison faite sur mesure pour moi, je n’hésite pas une seconde.

Clark, respon-sable médical de Red Bull Stratos

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Felix vient de sauter dans le vide. Sans effort. Il s’est levé dès que la

porte de la capsule a coulissé sur le côté. Des gestes répétés à l’infini à l’entraîne-ment. Il s’est assis calmement sur le rebord extérieur. Un contact radio pour dire que tout est ok. Et le plongeon droit devant lui, aspiré par les profondeurs spatiales.

En chute libre vers la Terre. Personne n’a jamais sauté d’aussi haut. Il s’efforce de ne pas y penser. Garder la tête froide, chasser le doute, l’angoisse ou l’euphorie. Concentration totale comme il s’y est maintes fois exercé. Et…

Il vient de percuter quelque chose. Impossible. C’est une erreur. Tout là-haut, aux portes de l’espace, il n’y a rien, absolument rien qui puisse freiner sa chute, dix secondes à peine après avoir sauté. La phase d’accélération commen-çait tout juste pour durer environ une minute jusqu’à franchir le mur du son et atteindre sa vitesse maximale.

Pourtant, il a l’impression de des-cendre maintenant au ralenti – une sensation douce, souple, invisible – et de s’immobiliser. Comme si l’air autour de lui s’était transformé en une masse spongieuse qui l’emprisonne et le porte. En apesanteur, il est incapable de bouger. C’est alors qu’il entend des voix.« Alors, qu’est-ce que tu dis de ça ? Je l’ai attrapé ou pas ? – T’es folle, Juliette. Laisse filer cet homme pour une fois. On va finir par se faire repérer. – Je l’ai attrapé, non ? J’ai gagné le pari. Tu me dois trois onces d’ambroisie. – Bon sang, je croyais que c’était pour rire.

5.2« Il existe un endroit où vous pouvez vous rendre… Où Marilyn danse encore avec DiMaggio… Ce lieu se nomme… »Marilyn and Joe, Kinky Friedman

Le monde du dessusTexte : Leo Lukas*

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– Attends, on commence juste à se marrer. Qu’en penses-tu, je ne devrais pas lui retirer cette tenue ridicule ? – Ça doit être une combinaison pressurisée. – Je meurs d’envie de voir si, comme on le dit, ces attardés doublent de volume quand leurs fluides corporels s’évaporent. – C’est bon Juliette, on n’a rien à faire ici. »

Exact. « Personne ne devrait être là à part moi », songe Felix. Il frissonne. Est-il en pleine hallucination ? Il doit dérailler. Jusque ici tout a fonctionné parfaitement comme prévu. Il n’a décelé aucun signal d’alarme, pas même pour un risque d’hy-poxie. Sa réserve d’oxygène fonctionne normalement. Qu’est-ce qui se passe ? Ne pas paniquer. Il tente de joindre le centre de contrôle pour s’assurer que tout fonc-tionne. La communication ne passe pas. Surtout, pas de panique ! Il y a forcément une explication logique à ces voix. Peut-être l’écho d’émissions de sons ou de signaux radios dans les hautes couches de l’atmosphère, une sorte de mirage acoustique. Et son cerveau, privé de ses repères habituels et en surchauffe au vu de la situation exceptionnelle, a chopé à la volée ces bribes de mots. Ça vient de lui. Il n’y a pas d’autre explication. Merde, il ne sait pas quoi en penser. Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi cette impression que des doigts invisibles sont en train de tirer sur les boutons de sa combinaison ?« Arrête ça, Juliette. Ce n’est plus marrant du tout. Et je parie que c’est interdit.– Je n’ai rien fait. Je veux juste jouer un peu. M’emmerde pas, Romi. »

Felix pousse un hurlement quand sa combinaison s’ouvre, laissant échapper l’air pressurisé. Un cri qui s’évanouit aussitôt, recouvert par le bruit terrible qui vrille ses tympans. Il ne peut plus respirer. Le froid le paralyse. Il ne voit plus que l’obscurité, son pouls s’accélère.

C’ est la musique qui le réveille. Quelqu’un chante en allemand :

« Muss i denn, muss i denn zum Städtele... » Felix ouvre les yeux et les referme aussi-tôt, aveuglé par l’intensité de la lumière. Puis, peu à peu, il s’habitue à cette lueur.

« Salut !, lui lance Elvis. Bienvenue dans le monde du dessus. C’était pas vraiment prévu au programme de t’ame-ner ici mais on ne pouvait pas te laisser comme ça après ce que ces garnements t’ont fait. » Elvis pose délicatement sa guitare, une Martin D-28, contre la paroi fluorescente et se rapproche du lit d’hôpi-tal où repose Felix. Il porte un tee-shirt délavé et un pantalon de survêtement trop large, son allure est un peu négligée.

Leonardo Da Vinci : « Viens dans mes bras, Herr Baumgartner ! J’adore les casse-cous volants. »

que ça marche. Ça a à voir avec l’antigra-vitation et tous les trucs qui vont avec. – Comment t’es arrivé…? J’imagine... Enfin, comment dire ? C’est pas avec un ballon. Et quand ? – La notion de temps est relative ici. J’ai reçu une offre que je ne pouvais pas refuser, glisse Elvis avec un clin d’œil. Tu devrais d’abord te demander si tu n’as pas envie de sortir d’ici. »

L’endroit est très spacieux et amé-nagé avec goût. Un superbe

mélange entre architecture et art déco avec de belles lignes épurées, soulignées par des bandelettes de laiton et des ornements rouge et or.

Chic, c’est le mot qui vient aussitôt à l’esprit de Felix. Il se sent étranger ici, comme un passager clandestin ou un naufragé qu’on aurait repêché en pleine mer. Complètement désorienté.

Un couple élégant danse dans la lumière tamisée d’un bar. La scène a quelque chose de surnaturel. « Monroe…, murmure Felix. Et son partenaire, c’est…?– Giuseppe Paolo Di Maggio, coupe Elvis, le meilleur joueur de baseball de tous les temps et pour l’éternité : 361 home runs en treize saisons. Il a bien mérité cette danse. En bas, lui et Marylin, ça n’a pas toujours été ça. Ils ont divorcé sept mois après leur mariage. Mais dans le même temps, ils ont décidé de profiter à fond de leur grand bonheur. À tout jamais. – Ils dansent ? C’est tout ? – Aussi longtemps que l’univers existera.

Il a le souffle court, il n’est pas rasé, mais pas de doute possible, c’est…« Elvis ?– Ouais. C’est la bonne nouvelle. Nous sommes vivants. Toi et moi. Pour le reste, c’est un peu plus compliqué. » Il jette un coup d’œil sur un écran holographique violet. « Tu récupères remarquablement vite. T’as dû t’entraîner à fond pour ton truc de fou, hein ? – Des années, bougonne Felix, mais appa-remment pas assez, sinon je ne serais pas en train de rêver de toi. » Elvis se penche sur Felix et lui pince la joue. « Tu sens quelque chose ? – Aïe ! Mais ça ne prouve rien ton truc. On peut s’imaginer la douleur comme n’importe quelle autre sensation.– Je m’en fiche que tu crois ou pas que c’est vrai. En tout cas, le temps que tu te fasses à cette réalité, laisse-moi te mon-trer ce qu’il y a autour. »

Felix reste pensif. Il a dû se passer quelque chose de très grave. Il est victime d’une vision. Probablement la dernière de sa vie. Pourquoi ne pas en profiter ?

À quoi bon vouloir chasser cette illu-sion absurde en se demandant comment il en est arrivé là.« Bon, où sommes-nous ?– Dans le monde du dessus, répond Elvis, plein d’attention en l’aidant à se mettre debout. Là où les gens qui possèdent le pouvoir, ceux qui comptent, se retrouvent ensemble. Un lieu tenu secret puisque, selon la doctrine en cours chez les Terriens, rien ne peut exister là-haut. Mais ne me demande pas d’explications scientifiques là-dessus, je sais seulement

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L’allemand est ta langue natale ? Le Faust de Goethe, ça te dit quelque chose. Écoute. Ah, que jamais cette beauté ne disparaisse. – C’est ce qui arrive ici ? Vous figez pour l’éternité les gens en pleine gloire ? – Je te l’ai dit, les choses sont beaucoup plus compliquées que ça, reprend Elvis, en voulant se montrer rassurant. Ici, personne ne vieillit s’il ne le souhaite pas, même ce vaurien de Roméo et cette chipie de Juliette. »

Bingo. Ça fait tilt dans la tête de Felix. Sa tentative de record, pour il ne sait quelle raison, a échoué. Mortelle-ment. Il devrait être aux portes de l’au-

de son hôte. « Comment connaissez-vous mon nom ? – On t’observe depuis des années. On y attache beaucoup d’importance. Crois-moi, on vous a tous à l’œil en bas et on veille le plus attentivement possible à votre bien-être. »

Felix fronce les sourcils. Ce n’est pas le moment d’engager la discussion avec quelqu’un d’aussi bizarre et mystique. Mais ce qui l’insupporte le plus chez Leonardo, c’est son optimisme excessif. « On ne peut pas dire que la situation soit particulièrement rose sur Terre en ce moment », ironise Felix.

« C’est une affaire de point de vue, mon ami. En regardant les choses de tout là-haut, avec une certaine distance, on voit que l’humanité évolue plutôt bien. » Leonardo s’amuse à passer ses doigts dans les boucles de sa longue chevelure blanche. « Je peux vous expédier dans des périodes bien pires de notre Histoire si vous le voulez. – Vous possédez la machine à voyager dans le temps ! » Mais bien sûr. Juste ce dont il a besoin. Pointant son doigt vers Elvis, Leonardo l’interpelle en rigolant : « T’es un drôle de King ! Tu ne lui as rien dit ? – Vous êtes le seul responsable habilité pour les grandes révélations. – Et les famines, les guerres, les catas-trophes naturelles, poursuit Felix, en colère. Le sida, les espèces en voie de disparition, le réchauffement climatique ? Et vous dites que vous prenez soin de nous ?– On fait le maximum pour limiter les dommages collatéraux. Mais ne nous prenez pas pour des dieux. Nous ne sommes pas tout-puissants. Si c’était le cas, nous ne dépendrions pas des ressources planétaires. – Attendez une minute, coupe Felix qui ne veut pas lâcher l’affaire. La hausse des revenus de la consommation des énergies, les capitaux financiers qui disparaissent comme par enchantement, vous voulez dire que tout ça profite au monde du dessus ? »

L eonardo se racle la gorge. « Indirec-tement. Disons que plusieurs

membres sélectionnés parmi les élites dirigeantes sur Terre apportent leur contribution. Une forme d’investissement, comprenez-vous. Ils veulent embarquer quand il sera temps de filer dans les étoiles un jour. »

« Alors c’est ça ? Vous pillez la Terre pour alimenter une chimère ? Pour que des grosses fortunes et quelques pop-stars

puissent gouverner le cosmos à bord d’une arche de Noé futuriste.– Quarante mille, coupe Elvis. C’est le nombre qu’on sera pour embarquer le moment venu. Quelque que soit le nou-veau monde que nous trouverons, où et quand nous le trouverons, nous disposons de la diversité génétique la plus élevée possible pour s’y installer. » Il pointe du doigt le logo sur le tee-shirt de Felix. « Au fait, votre sponsor, le roi de la boisson énergétique, il a toutes ses chances. – Je ne comprends pas. Six milliards d’humains financent à prix d’or cette folie ! Qui est derrière une telle machination ? Un dictateur fou ? »

Leonardo tapote l’épaule de Felix. « Calme-toi, mon garçon. Honnêtement, si tu avais le choix, au contraire de tous ces gens, tu n’aurais pas envie de t’envoler avec nous ? »

M ais il n’a pas le choix. Ils an-noncent à Felix qu’il doit re-

tourner à son ballon. Les enseignements de sa mission périlleuse vont avoir des répercussions scientifiques de la plus haute importance, et aussi sur ce monde aux confins du temps. L’avenir de la re-cherche dans le domaine aéronautique est suspendu aux succès de sa mission et de ses tentatives de records du monde.

« Supposons que je veuille tout faire rater, avance Felix, alors qu’on le sangle sur l’un des sièges de la machine à voya-ger dans le temps. Par exemple, je ne tire pas sur la sangle d’ouverture de mon parachute au bon moment. Ça aurait son importance ? » Elvis secoue la tête. « Leonardo a déjà vu ça plusieurs fois. Il a vu dans le futur que tu allais devenir célèbre. Et inoffensif à la fois. La défla-gration sonique va effacer de ta mémoire tout souvenir de notre rencontre.– Et qu’arrive-t-il si je me conduis comme un débile à partir de maintenant ?– Même si c’était le cas, que tu le veuilles ou non, tu vas retourner sur Terre sain et sauf. » Felix saute dans le vide. Sans effort.www.redbullstratos.com

« Je peux te présenter à Che Guevara si tu aimes les martyrs. »

delà, la lumière blanche au bout du couloir... À la place, il fantasme sur un paradis dans l’autre monde, une drôle d’Olympe habitée par des personnages his-toriques ou de fiction. En y songeant, il en rit.« Alors, Jésus traîne aussi par là. – Désolé mais les recherches sont restées vaines à son sujet. Je peux te présenter à Che Guevara si tu aimes les martyrs. Ou à la reine Néfertiti. Elle pourrait te raconter plein de belles histoires. Mais si tu veux savoir des choses sur du plus long terme, tu ferais mieux de parler avec Leonardo. – DiCaprio ? Mais il est…– Da Vinci, rigolo. » Son laboratoire, aussi grand qu’un hangar pour A380, est rempli d’œuvres d’art et de matériel entassés un peu partout. Leonardo est un collec-tionneur passionné mais aussi un homme qui ne jette rien. Il est également albinos. Et homosexuel.

« Regardez qui vient nous voir », lance le maître en s’essuyant les mains sur son tablier. « Viens dans mes bras, Herr Baumgartner ! J’adore les casse-cous volants. » Une lourde odeur de parfum mentholé flotte autour de lui. Felix a juste le temps de respirer un grand coup en s’arrachant difficilement de l’étreinte

* Leo Lukas est l’un des nombreux auteurs des aventures de Perry Rhodan qui ont vu le jour en 1961. Avec un milliard de livres vendus, c’est la plus célèbre des séries de science-fiction jamais écrites.

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À l’ouverture de la porte de la capsule, les choses

sérieuses commenceront pour Felix Baumgartner.

Des années de préparation rendront leur verdict.

À la seconde et au millimètre près.

Saut de

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DANS CE CHAPITRE, notre guide s’appelle Luke Aikins, spécialiste des sauts en parachute. The Red Bulletin s’interroge sur la vitesse maximale en chute libre et Baumgartner nous confie ses pensées… la tête en bas.

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Il saute, ouvre le parachute de secours puis le sectionne, confiant dans l’ouverture du parachute principal. La fois d’après, il déclenche simultanément le

parachute de freinage et celui de secours. Ou encore, il saute et se met à vriller jusqu’à perdre conscience. Ces diverses folies, Felix Baumgartner les exécute à l’entraînement pour être paré à tous les cas de figure qui pourraient nuire à la réussite de l’imminente mission Red Bull Stratos.

Vingt jours après la naissance de son fils, Luke Aikins saute du Mandalay Bay, l’un des hôtels les plus hauts de Las Vegas. « Vous arrive-t-il d’avoir peur ? » Un large sourire barre son visage et le géant secoue sa forte tête. « Avant un saut, si une idée bizarre me traverse l’esprit, j’annule de suite. » Aikins, 38 ans, est un enfant du ciel. Il a grandi sur l’aérodrome

de Kapowsin, près de Washington où son grand-père avait lancé une entreprise de parachutisme, ensuite reprise en vol par sa tante et son oncle. Son père est pilote et tous les frères et sœurs de Luke ont leur licence de vol. Quand la plupart des familles vont à la pêche, les Aikins prennent les airs.

À 12 ans, Luke exécute en tandem son premier saut en parachute et doit patien-ter quatre années pour, en toute légalité, être baptisé en solo. Ses carnets de notes qui pourraient garnir la moitié d’une bibliothèque sont noircis des données de près de 15 000 sauts. Outre sa collabo-ration avec Red Bull Stratos, Aikins perfec-tionne les soldats des forces spéciales américaines. Au lancement de la mission, il est recruté pour le poste restreint de photographe aérien : à lui de shooter les premiers pas de Baumgartner et de sa combinaison spatiale dans le tunnel aérodynamique puis ses premiers sauts. Programmés en avril 2009 à California City, ils sont top secrets.

Une caméra lourde de quinze kilos équipe le casque d’Aikins et filme les chutes de Baumgartner. La mission part mal. « Ce n’est pas surprenant mais il y avait trop de vent, lâche aujourd’hui Aikins. La région autour de Cal City compte une flopée de moulins à vent. » Deux hélicoptères et une caméra Cinéflex patientent au sol, l’équipe tourne nerveu-sement en rond et Baumgartner est de mauvais poil. Ça fleure bon la poisse. L’attente s’éternise, le temps s’amenuise.

C’est là qu’Aikins intervient. Il appelle un ami à Taft, petite ville à moins de trente minutes en hélicoptère nichée derrière une crête et habituée à une météo clémente. Il déballe aux responsables de l’aérodrome une histoire inventée de tournage de publicité pour Red Bull. Convaincus, ils lui donnent leur feu vert en échange d’un billet de 500 dollars. Baumgartner et l’ensemble de l’équipe se réjouissent de la facilité de ce respon-sable d’images à régler dare-dare une montagne de problèmes. La journée est sauvée. Enfin presque, car le parachute de freinage s’ouvre quand l’Autrichien tire sur la poignée d’ouverture du parachute principal.

Aikins est prêt à sauter. Il indique au pilote du second hélicoptère de ne pas piquer immédiatement si les rotors s’entravent dans le parachute. Penser à la sécurité de l’appareil ne fait pas partie des préoccupations habituelles d’un para-chutiste. Aikins s’en soucie. Il saute et se met à filmer. Contrecarrer les impasses et prendre l’initiative sont une attitude

6.1Comment revenir vivant sur Terre ? Luke Aikins, spécialiste du saut en parachute, détaille les mesures prises pour sécuriser la chute de Baumgartner.

Aikins, le parrain

Texte : Werner Jessner

Sauter de la stratosphère ? C’est comme conduire une voiture avec les pneus à plat.

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génération qui fonctionne parfaitement. J’ai filmé et leur ai envoyé la vidéo le lendemain. »

Aikins fabrique un modèle rudimen-taire pour le gréement du parachute, finalisé par le responsable de la combinai-son et admet qu’il est « davantage concep-teur que réalisateur ». Les mois défilent avant que le parachute utilisé aujourd’hui par Baumgartner ne soit opérationnel. Du haut de son imposante expérience en chute libre, Aikins sait à quoi sera confronté le héros de Red Bull Stratos.

« On ne ressent aucun vent les trente premières secondes. Pour un parachutiste, c’est comme conduire une voiture avec les quatre pneus dégonflés. Il risque de subir

« Votre équipement n’est pas sûr. Le système de parachute doit être revu. »

naturelle chez Luke Aikins. Il a impres-sionné Art Thompson, directeur technique du projet, Mike Todd, ingénieur de maintenance, et Baumgartner qui lui proposent d’intégrer l’équipe. Il hésite. « Votre équipement n’est pas sûr. Je suis partant si le système de parachute est revu et corrigé. » Le matériel initial de freinage est fixé aux épaules. Or, Aikins estime « que les cordes risquent d’étran-gler Felix ». Pendant que les uns calculent et bidouillent, Aikins, seul dans le ciel, enchaîne les essais. « J’ai accroché tout simplement le parachute de freinage à mon parachute principal et sauté d’un avion le parachute à la main. Il s’agissait d’un parachute de freinage de première

une à deux culbutes. La rareté de l’air empêche toute action. Dès que l’air sous son corps se densifiera, il pourra manœu-vrer pour retrouver la position optimale de saut. En haute altitude, Baumgartner ne doit même pas essayer d’éviter les culbutes. De toute façon, il ne pourra les éviter. C’est difficile à vivre pour un parachutiste mais dans une atmosphère où même une plume chute aussi vite que du plomb, le mieux est d’attendre l’arrivée d’une zone d’air plus dense. »

Lors des essais, un cylindre métallique est lâché de 36 576 mètres pour observer son comportement (essai baptisé Felix Bombegartner). L’objet se met à vriller. Les techniciens s’affolent. Aikins, beau-coup moins : « Le fait qu’il tourne implique une présence significative d’air, et s’il y a de l’air, l’action devient possible. En effet, l’air ouvre plus de possibilités que nombre d’aérodynamiciens ne peuvent imaginer. En 1960, Joe Kittinger a effectué son jump avec seulement à son actif trente-trois PH

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6.2Un humain peut-il être supersonique ? La question déchaîne les passions. Martin Apolin est docteur en Sciences du sport à l’Université de Vienne. Il nous apporte son éclairage du point de vue de la physique pure. Ses conclusions sont étonnantes.

Vitesse inouïe

Texte : Martin Apolin

Comment Felix Baumgartner peut-il franchir le mur du son en chute libre quand un parachutiste tête piquée ne dépasse pas 300 km/h ?

Commençons par la réponse simple : la densité de l’air est plus faible en haute altitude et à l’inverse, la vitesse du son est bien moins élevée à cause des tempéra-tures basses. Ces deux facteurs associés rendent le franchissement du mur du son possible. Voilà pour la réponse courte. Pour comprendre le phénomène dans le détail, il faut avoir recours à la physique.

L’étude de cas est un bon moyen de mettre en lumière les problèmes liés à l’établissement de projections précises et de rappeler que la réalité est bien trop complexe pour permettre des calculs exacts. D’abord, il faut prendre en compte les principaux éléments qui permettent d’atteindre la vitesse maximale en chute libre. Puis, appréhender les deux forces à l’œuvre sur un individu en train de tomber. Bien que mon analyse ne tienne pas compte des effets de compressibilité liés au choc, elle fournit un bon premier niveau d’estimation de la performance de Felix.

La première est la force de gravité : FG = – m g, où g désigne l’accélération de la pesanteur et m la masse de l’individu

sauts en parachute. L’Autrichien en compte 3 000. À la même époque, le record de chute libre en formation s’éta-blit à huit personnes, aujourd’hui près de cinq cents personnes se donnent la main pour sauter. L’évolution est phénomé-nale. » Mais Baumgartner défie l’impos-sible. Aikins opine : « Nul n’a sauté d’aussi haut que Felix pour Red Bull Stratos. Pour se faire une idée précise de ce que sauter d’une telle altitude représente, il n’y a pas d’autre choix : quelqu’un doit s’y coller. »

Luke Aikins doit envisager tous les problèmes possibles en chute libre et dégoter à chaque cas la solution. Muni du parachute conçu pour la mission, il a effectué plus d’une centaine de sauts et répertorié l’ensemble des dysfonction-nements. Prenons le cas suivant : en pleine

et de son équipement en chute libre. Baumgartner, équipé de sa combinaison pressurisée, pèse 140 kilos. FG s’exerçant vers le bas, celle-ci devient négative. Lorsque l’individu se déplace dans l’air, une force de décélération s’exerce, appelée résistance à l’air et posée par la formule suivante : FD = ½ v² Cx A, où

désigne la masse volumique de l’air, Cx le coefficient de résistance, A la section de passage et v la vitesse instantanée. De ce fait, la force totale exercée sur l’indivi-du est : Ftotal = FD + FG = ½ v² Cx A – mg.

Supposons, pour simplifier les choses, que l’accélération de la pesanteur reste constante. Cela implique que le poids le soit aussi. Il en est autrement en ce qui concerne la résistance à l’air. Celle-ci augmente proportionnellement à la vitesse au carré. Si la vitesse double, FD quadruple. Ainsi quand la vitesse augmente, la résistance à l’air en fait de même. La vitesse maximale est alors atteinte quand la résistance à l’air et la force de pesanteur s’équilibrent, c’est- à-dire quand Ftotal est égale à zéro. Ce qui nous permet de poser l’équation avec une valeur de force totale à zéro et résoudre celle de v pour avancer que v = √ 2mg/ Cx A . L’affirmation initiale est donc bien confirmée.

Pour une position du corps et une masse identiques, toutes les valeurs, à l’exception de celle de la densité de l’air, sont constantes et de ce fait, v est propor-tionnelle à √ 1/ . Moins il y a d’air, plus la vitesse augmente et la vitesse maximale augmente avec l’altitude. Si, comme il est prévu, Baumgartner saute à

Aikins (à droite) et Baumgartner se congratulent à l’issue des sauts d’essai.

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« Felix a fort à faire pour être prêt et avoir un parachutiste à ses côtés pour effectuer une partie des tests n’est pas un luxe. Dans les courses automobiles, il y a des pilotes dédiés aux tests. Le pilote de la mission ne peut pas tout faire. »

Le drame a été frôlé à l’occasion d’un test à Taft avec l’ancien système de para-chute. Baumgartner avait tiré sur la mau-vaise poignée d’ouverture et le parachute ne s’était pas ouvert. Une situation fré-quente et fatale. « Les parachutistes ont tendance à paniquer et tirent sur un cor-

don jusqu’à ce qu’il soit trop tard, précise Aikins. Mais Felix avait pris très calme-ment une autre initiative et déclenché la bonne poignée d’ouverture. Il sait rester dans l’action et prendre des décisions rapidement et efficacement. C’est ce qui le rend spécial. Un grand athlète recherche la possibilité de l’échec pour prouver qu’il est à la hauteur du défi. Beaucoup s’effondrent dans une telle situation mais un champion en sort grandi. Felix appartient à cette deuxième catégorie. » Quand Luke Aikins considérera-t-il que la mission est un succès ? « Dès que le parachute s’ouvrira et que nous verrons Felix bouger, ce sera dans la poche. »

« Un grand athlète recherche la possibilité de l’échec pour prouver qu’il est à la hauteur du défi. »

moyen de parvenir à cette estimation en procédant par étape. L’emploi d’un tableur rend l’exercice très accessible. Déterminons pas à pas en partant des données connues vers les inconnues puis répétons le procédé à l’étape suivante. Commenons avec l’altitude du saut et une vitesse de zéro. Calculez la force totale exercée sur l’individu au départ du saut (uniquement la gravité au début). Puis, supposons que la force globale reste constante sur un court laps de temps (1/10e de seconde, par exemple).

Ceci n’est pas tout à fait exact mais l’écart reste marginal. Nous pouvons déterminer l’accélération à partir de la force totale, et de là, la nouvelle vitesse, la nouvelle altitude et ainsi de suite. C’est globalement très simple mais comme souvent le diable est dans les détails. Pour une simulation la plus précise possible, nous devons d’abord prendre en compte le produit de la force d’accélération, c’est-à-dire l’accélération gravitationnelle g, qui diminue avec l’altitude. À Roswell, le ratio est de 9 795 m/s mais à 36 576 m il est de seulement 9 684 m/s (soit, envi-ron 1 % plus faible). Si cette différence est négligée, la vitesse calculée sera surestimée. Bien plus problématique est le calcul de la section de passage A et du coefficient de traînée Cx, tous deux impossibles à déterminer pendant la chute car ils dépendent de la position du corps. Mais rien n’empêche d’essayer. Pour commencer, il n’est pas nécessaire de connaître chaque valeur : celle de ACx est suffisante. Nous pouvons l’estimer en utilisant le saut-test effectué

chute libre, le parachute de réserve s’ouvre accidentellement. La mort attend Baumgartner car sa réserve d’oxygène est insuffisante pour une lente descente. Sa survie dépendra de sa capacité à couper le parachute de réserve, un acte interdit dans un saut classique. Un test a validé l’infaillibilité de la solution.

Aikins ne se considère pas comme un cobaye et n’est pas en quête de sensations fortes. Sa longue expérience et son naturel calme prouvent d’ailleurs le contraire. Comme son respect pour Baumgartner.

Observez la figure 2 et notez la similitude des trois sauts durant les 10 à 15 premières secondes. À quoi cela tient-il ?

36 576 mètres d’altitude, il atteindra sa vitesse maximale à 28 000 mètres. Pour une densité de l’air normale au niveau de la mer d’une valeur notionnelle de 1, à cette altitude est de seulement 0,02 (soit 2 %). Ainsi pour une vitesse maximale, on pose √ 1/ = √ 1/0,02 7.

À cette altitude, la faible densité de l’air permet à Baumgartner d’atteindre une vitesse 7 fois plus élevée que dans une atmosphère plus dense. Une simula-tion qui montre bien quelle vitesse peut être atteinte. Tout simplement fascinant. L’usage des mathématiques est le meilleur

Figure 2 L’altitude n’a pas d’influence sur l’accélération pendant les quinze premières secondes du saut. Ceci est plutôt étonnant.

Figure 1 La densité de l’air diminue fortement avec l’altitude. C’est la condition sine qua non pour une tentative de record.

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en

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3

Altitude en km

0,08

0,06

0,04

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y = 1,5906e– 0,151a

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Temps de vol en secondes

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080 10040200 60

1200

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CR

EDIT

:

le 15 mars dernier. À cette occasion, Baumgartner a sauté d’une altitude de 21 820 m et atteint une vitesse maximale de 587 km/h. À présent, rectifiez la valeur de ACx dans la simulation jusqu’à ce que vous obteniez la même vitesse.

L’estimation fournit une valeur ACx de 1,06 que nous pouvons à présent utiliser dans notre expérience. Supposons que la position de son corps soit stable durant sa tentative de record (fig. 1), l’estimation de la masse volumique de l’air présente un réel point critique. Celle-ci diminue en fonction de l’altitude : l’air se raréfiant en haute altitude, son poids disparaît avec lui pour ainsi dire. Mais, la température aussi décline en altitude et affecte la masse volumique de l’air. Nous disposons d’une flopée de données relatives à la troposphère située jusqu’à 10 kilomètres au-dessus de la Terre. Mais pour ce qui est de la stratosphère, les données sont aussi minces que… l’air. Si l’on se réfère aux données brutes sur la haute altitude dont nous disposons, nous pouvons estimer la masse volumique de l’air situé entre 20 et 40 kilomètres avec l’équation suivante :

= 1,5906e– 0,151a (fig. 1), avec a dési-gnant l’altitude en kilomètres. La masse volumique de l’air évolue légèrement en

Temps pour atteindre la

vitesse du son

Altitude au moment

du mur du son

Temps mis pour arriver à vitesse

maximale

Vitesse maximale

(vmax)

Altitude à vitesse maximale

Tempéra-ture en °C

Vitesse du son (vson)

vmax Mach

33 528 mètres

(110 000 pieds)– – 43 sec 1 028 km/h 26 000 m − 50,7 1 076 km/h 0,96

36 576 m

(120 000 pieds)37 secondes 30 500 m 46 sec 1 157 km/h 27 600 m − 49,1 1 080 km/h 1,07

39 624 m (130 000 pieds)

34 sec 34 200 m 50 sec 1 289 km/h 29 000 m − 47,7 1 084 km/h 1,19

Tableau : simulation de trois sauts. Toutes les valeurs sont arrondies, exceptées pour la vitesse maximale et la température.

déjà 100 km/h et culmine à 260 km/h à vitesse maximale.

Le tableau ci-dessous le démontre parfaitement. Cette simulation délivre une vitesse maximale de 1 157 km/h pour le saut prévu à 36 576 mètres d’altitude. Mais à quoi cela correspond-il en Mach ? Là apparaît une dernière complication. La vitesse du son correspond par convention à 1 235 km/h, plus communément dési-gnée par Mach1. Baumgartner n’atteindra que 0,96 Mach dans le saut prévu à 36 576 mètres, en deçà donc de la barrière du son. Fort heureusement la valeur Mach 1 ne s’applique qu’à une température de 20°C mais la vitesse du son dépend aussi de la température qui diminue fortement en haute altitude. L’équation suivante permet de déterminer celle-ci : vSon = 20 m/s · √ T – 273,15, où T désigne la température en degrés Celsius.

Pour savoir combien de Mach Baumgartner atteint à une altitude donnée, nous devons connaître la tempé-rature. Nous avons dit précédemment que les données sur la stratosphère étaient peu nombreuses. Néanmoins, nous disposons de données sur les températures avec un accroissement de deux kilomètres que nous pouvons interpoler. Mais comme pour la masse volumique de l’air, les condi-tions réelles au moment du saut peuvent là encore, être différentes. Le tableau donne les températures des altitudes respectives et les vitesses en Mach. Cela montre que Baumgartner n’atteindra pas la vitesse du son s’il saute de 33 528 mètres. Le saut à 36 576 mètres d’altitude lui laisse une marge de 7 % et celui de 39 624 mètres, 19 %. Personne ne peut prévoir ce qui se passera avant que le mur du son ne soit franchi. Si Baumgartner se met à vriller et est contraint d’ouvrir son parachute de freinage, il peut logiquement dire adieu au franchissement du mur du son. Mais quoi qu’il advienne, le saut restera fascinant car la meilleure des simulations ne remplacera jamais l’expérience réelle.

permanence, selon le moment du jour, de l’année, de l’humidité et de l’endroit. En d’autres termes, il est impossible de prévoir la masse volumique de l’air. Il est donc probable que le jour de la tentative de record, les conditions soient légère-ment différentes.

À présent, nous sommes prêts pour la simulation (fig. 2). Celle-ci s’applique seulement aux 100 premières secondes du saut de Baumgartner car la formule utilisée a des chances de ne plus être valable au-delà. Or, les choses les plus importantes se déroulent en tout état de cause, durant les 50 premières secondes.

Je prends comme altitude de départ les valeurs suivantes : 33 528, 36 576 et 39 624 mètres. La deuxième valeur est l’altitude prévue pour le saut de Felix. Les résultats ne semblent pas dogma-tiques. Ils ne peuvent jamais être aussi précis que des données brutes. Et des écarts de quelques pourcents dûs à des conditions réelles de base différentes de celles prises en compte pour la simulation (fig. 2) sont toujours possibles. La fi-gure 2 montre que les sauts sont quasi identiques sur les 10 à 15 premières secondes. À quoi cela tient-il ? À l’extrême faiblesse de la masse volumique de l’air à l’altitude de départ. Elle y est si faible que dans les trois cas, nous sommes en présence de chute libre quasiment sans aucun obstacle. Cette affirmation avait été confirmée par Joe Kittinger après son saut en 1960 : « À la fin du compte à rebours, je m’élance dans l’inconnu. Il n’y a pas vent qui souffle, ma combinai-son ne se gonfle pas d’air et je n’ai pas la moindre sensation de la vitesse qui augmente. » Mais un individu qui saute à partir d’altitudes moins élevées est confronté à une masse volumique de l’air bien plus importante et la progres-sion de la vitesse est ressentie déjà dès les premières trente secondes. À cet ins-tant, cette différence entre les sauts à haute et ceux à faible altitude, atteint

« Si Baumgartner se met à vriller et doit ouvrir son pa-rachute de freinage, il peut dire adieu au franchissement du mur du son. »

DONNÉES

ALTITUDE

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Le moment que tout le monde attend :

Felix Baumgartner au milieu de nulle part.

Partout, le noir de l’espace s’étend et au beau milieu se dessine la courbure de la Terre. Je réalise à cet instant la chance que j’ai d’être là,

debout sur la plate-forme de la capsule à une altitude de 22 kilomètres, prêt à sauter. Aussi, je suis soulagé de pouvoir enfin montrer ce à quoi nous travaillons depuis cinq ans. Soulagé de pouvoir rendre un peu à ceux qui croient en nous depuis le début.

Je desserre la main qui me retient encore à la rampe et me laisse tomber. L’accomplissement d’un geste, mille fois imaginé. Les six premières secondes de la chute libre me procurent une sensation géniale même si je navigue dans l’inconnu le plus total. Je bascule en avant et me retrouve allongé sur le dos. Causé par les bouteilles d’oxygène, le parachute et le lourd paquetage accroché à ma poitrine, mon centre de gravité élevé explique cette position. Il a été décidé de ne pas réagir à d’inhabituelles positions de saut, même incorrectes comme dans le cas présent. Plus bas, quand l’air sera plus dense, les occasions ne manqueront pas pour la rectifier.

« Laisse-toi aller », m’a recommandé Luke Aikins, professionnel averti du saut en parachute. En effet, je parviens peu après à rectifier ma position. Six secondes

Felix Baumgartner revient sur son saut-test de 21 823 mètres et ses préoccupations du moment avant la tentative estivale de records à une altitude de 36,6 kilomètres.Par Felix Baumgartner

« Laisse-toi aller »

6.3

de chute libre plus tard, la réponse à une question cruciale tombe : la position qui sera la mienne après le saut dans la stra-tosphère. Lors de ma tentative de saut re-cord à 36,6 kilomètres, il est donc possible que je sois sur le dos, aveugle et impuis-sant au moment de franchir la barrière du son. Ce n’est pas souhaitable mais faire l’impasse sur ce scénario catastrophe ne l’est pas moins. Les scientifiques ne savent toujours pas précisément les risques po-tentiels à franchir le mur du son. Il reste difficile d’anticiper l’inconnu. Et la combi-naison pressurisée entrave toute réaction rapide. Sauter avec une telle combinaison, c’est comme se mouvoir sous l’eau. La dé-

marche est lente et malaisée. Dans un environnement qui exige une forme optimale, cet équipement abaisse mes capacités à 30 %.

Je vais sauter à 36,6 kilomètres d’altitude avec seulement sept minutes d’expérience en chute libre au compteur, accumulées sur deux sauts de haute altitude : trois minutes pour le premier et quatre pour le second. Sept petites mi-nutes d’expérience pour effacer un record vieux de cinquante-deux ans. Il me faut emmagasiner en un temps record toutes les données relatives à la haute altitude dont j’aurai besoin : la sensation de vol, la gestion du stress de s’aventurer au-delà

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de la ligne Armstrong (altitude de 19 200 mètres où la pression atmosphérique est si basse que l’eau bout à la température normale du corps humain, ndlr) où je suis conscient d’être entouré de dangers mortels, invisibles mais néanmoins réels. Même si le premier saut-test a bien tourné, il n’est que la moitié de l’objectif. Tout alpi-niste peut grimper à 4 000 m mais dompter l’Everest réclame une tout autre exigence.

Souvent, on me demande si j’angoisse au moment du saut. C’est totalement l’inverse. Je suis impatient car il me rapproche de la Terre, un lieu bien plus sûr. C’est là un autre point commun avec l’alpinisme. Une fois que les alpinistes ont atteint le sommet, ils regagnent le camp de base. Dans mon cas, c’est l’atmosphère respirable. Seconde après seconde, l’air devient plus manœuvrable, je peux contrôler à nouveau ma position. Un seul problème notable perdure : les mains gelées. Le reste du saut n’est plus qu’une formalité. Je retourne dans mon élément et ce n’est que du bonheur.

Un nombre incalculable de fois et à différentes altitudes, tous les aspects du saut sont répétés : avec et sans combinai-son gonflée, avec une corde à élastique et dans le tunnel aérodynamique. La précision du saut en devient presque inquiétante. Après une énième ascension de la même montagne, l’excitation n’est plus la même qu’à la première.

Lors du saut-test, j’ai atteint une vitesse de 587 km/h, la troisième plus rapide chute libre exécutée par un humain. Mais pour moi, la sensation est équivalente à celle d’un saut normal. Je n’ai aucun repère, la combinaison pressurisée empêche de ressentir la vitesse et le son produit par la vitesse est inaudible. À haute altitude, la rareté des molécules d’air provoque une chute à toute vitesse mais plus bas, leur présence se densifie et ralentit la chute.

Lors du premier saut à haute altitude, j’ai craint une panne radio. Ce n’est pas que j’avais une irrépressible envie de parler pendant la chute libre mais l’un des objectifs de la mission est de commu-niquer en chute libre. Une panne radio s’avère dangereuse pour mon atterrissage. Si je ne suis pas en mesure de diriger l’hélicoptère avec les fusées éclairantes, je risque de percuter le sol avec une poussée de 4G. Mes chevilles se transformeraient alors en amortisseurs de deux grosses Harley-Davidson pour supporter mes 140 kilos, combinaison incluse.

La radio est synonyme d’informations qui permettent de réagir à temps. Même avec une simple fracture de la jambe ou du bras, je n’ai pas envie de me retrouver étendu au beau milieu du désert de Chihuahua près de Roswell, au Nouveau-Mexique. Comment faire si, par exemple, je suis dans l’incapacité d’ouvrir ma visière ? Et si je suffoque dans ma combinaison par manque d’oxygène ? Je ne retourne dans la capsule que si la radio fonctionne parfaitement.

Nous savons maintenant que le risque de panne provient du sac situé au niveau de ma poitrine où est logée la radio mais aussi à cause d’autres fonctions de contrôle et d’enregistrement. L’appareil est actuellement repensé et les spécia-listes de Riedel (entreprise allemande de communication, ndlr) trouveront la solution. En attendant, je suis rassuré par mon équipement. Les améliorations apportées au parachute sont une réussite.

Baumgartner prévoit un nouveau saut-test

à 27 432 mètres de hauteur avant

de s’attaquer au « big one ».

« Si j’angoisse au moment du saut ? C’est exactement l’inverse. Il me rapproche de la Terre, un lieu bien plus sûr. » PH

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À présent, nous sommes en mesure de faire face à tout problème en altitude. La plus grande inconnue demeure le fran-chissement du mur du son. Il n’y a qu’une seule façon de le découvrir : s’y essayer. C’est ce que je m’apprête à faire cet été. La mission dans le détail sur www.redbullstratos.com

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Page 63: The Red Bulletin_Stratos Special_FR

Cet été Felix Baumgartner s’élancera depuis une altitude de 36 576 mètres pour tenter de dépasser la vitesse du son en chute libre - tentative qui permettra de faire avancer la recherche scientifi que et médicale.

Force et direction du vent détermineront la trajectoire et le point d’atterrissage de Felix dans le désert du Nouveau-Mexique. En utilisant des indices de météo et de géographie du paysage, indique le lieu précis de l’atterrissage de Felix et partage-le avec tes amis sur Facebook et Twitter. Celui ou celle qui aura trouvé la position la plus proche du posé fi nal gagnera une réplique de la montre que portera Felix lors de sa tentative de passer le mur du son en chute libre - la Zenith El Primero Stratos Flyback Striking 10th. Les cinq suivants gagneront des produits offi ciels de la mission Red Bull Stratos.

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Vue d’avion du site de lancement de Red Bull Stratos

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DANS CE CHAPITRE, The Red Bulletin se tourne vers le désert du Nouveau-Mexique et la petite ville de Roswell qui verra Red Bull Stratos décoller. Le lieu exact de l’atterrissage, lui, est incertain.

Paisible cité du Nouveau-Mexique, Roswell est plus connue pour son imaginaire vivace que

pour son charme désuet. Reportage au cœur de la probable zone d’atterrissage de Baumgartner.

Accueillante Roswell

Texte : Werner Jessner

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65 ans après le crash supposé d’un ovni qui a permis à la cin-quième plus grande ville du Nouveau-

Mexique d’être recherchée sur la carte du monde, Roswell est de retour sur l’avant-scène internationale grâce au projet Red Bull Stratos. Bien sûr, pour l’heure, ce sont encore les extraterrestres qui jouent les têtes de gondole. En promenant un regard distrait sur Main Street, dans le centre-ville de Roswell, on dénombre cinquante-sept petits aliens. Des bon-hommes publicitaires à tout faire : ils mangent, boivent, dorment, conduisent de belles voitures, se chaussent, jouent de la musique. Ils s’affichent aussi sur les tee-shirts locaux, en slogan d’une folle perspicacité : « Que serions-nous si nous ne croyions pas en vous ? » C’est un must. Seul le boulanger situé dans une petite rue à côté du musée au nom le plus long (Musée international et centre de recherches sur les ovnis) joue l’ambiva-

lence. Sur sa devanture, Jésus ressuscité et un alien à l’instant du crash se répondent. Très joli.

Tout ça parce qu’à l’été 1947, William « Mac » Brazel a ramassé des choses étranges près de sa ferme, à cinquante kilomètres au nord de Roswell. Il doute de la provenance des débris qui jonchent son champ – des morceaux d’un ballon-sonde météorologique, en vérité. Il les porte à ses premiers voisins, à quelques kilomètres de chez lui. Eux aussi sont suspicieux. Un banal coup de fil à un journal local et la fièvre extraterrestre gagne le monde entier. La communica-tion ambiguë de l’US Air Force qui nie, cache et déguise, nourrit par ses silences le fantasme collectif le plus pérenne de l’Histoire. L’Amérique, déjà fertile en théoriciens de la conspiration, trouve là un terrain de jeu infini.

L’International UFO Museum & Research Center (le musée au grand nom) a le charme suranné des seventies. Sur des pancartes en carton, l’histoire dacty-

Lors de son premier saut d’essai, Baumgartner portait un blouson avec l’inscription : « Chasseur d’aliens ».

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lographiée de ce qu’il s’est passé. Vrai-ment. Ou pas. Les présentations restent vagues, pour répondre au scepticisme scientifique et échapper au ridicule, mais l’imbrication des pièces du puzzle sont suffisamment bien orientées pour ne pas casser le mythe des hommes ve-nus d’ailleurs. Et la vérité dans tout ça ? La question fait éclater de rire Jon Clark, le directeur médical du programme Red Bull Stratos : « C’est un morceau d’un ballon assez similaire à celui dont on se sert pour nos Red Bull Stratos. Quant aux extraterrestres présumés, il s’agit en fait de mannequins qui ressemblent à ceux que l’industrie automobile utilise pour ses crash-tests. Or, ces mannequins étaient une nouveau-té dans les années quarante et la popula-tion rurale du Nouveau-Mexique avait trop peu accès à l’information pour en connaître l’existence. »

Roswell vit et se nourrit de ses ovnis. Il est aussi difficile de trouver un autochtone qui ne croit pas aux petits hommes verts que de débusquer un agnostique au Vatican. Que seraient Roswell et le Nouveau-Mexique sans les extraterrestres ? Sans doute un lieu encore très excitant. Nous prenons la route 380, vers l’est. Direction le Parc National Bottomless Lakes à une heure de route de Roswell. Soleil violent. Une flopée de pancartes invite à prendre ce qu’il faut en eau pour tenir le coup. Dans la partie la plus septentrionale du parc, un phénomène géologique étrange a lieu à la croisée des contreforts du désert de Chihuahua et des gisements de gypse, dans une prairie. L’eau provoque l’érosion du gypse et creuse des cratères profonds qu’elle finit par remplir. On appelle cela des dolines. Ce sont les « bottomless lakes », les lacs sans fond. La couleur turquoise de l’eau faisait croire aux cowboys que leur profondeur était insondable. Dans les faits, ces dolines mesurent au maximum vingt-sept mètres. Sur plus d’un kilomètre carré, l’eau salée se mêle à l’eau douce, en couches stagnantes. Les grenouilles et PH

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Il y a encore cent cinquante ans, le monument national White Sands était le territoire des Apaches.

Roswell est une ville prospère d’environ 50 000 habitants.

Sans compter les extraterrestres.

Roswell et ses environs, vaste

domaine de décou-vertes géographiques.

ROSWELL

Parc National Bottomless Lakes

Red Bull Stratos

Station de skiApache

FORÊT DELINCOLN

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les poissons qui vivent dans ces eaux sont uniques au monde alors que la terre sèche est le royaume des serpents à sonnette.

À chaque virage, on s’attend à tomber sur Michael Madsen encore imprégné de son rôle de Budd dans Kill Bill : Volume 2, le dernier chef-d’œuvre de Quentin Tarantino. Il pourrait être au volant de sa légendaire Mangusta De Tomaso 1969. La réalité est différente. Nous croisons un couple de retraités avec leur gigan-tesque et flambant neuf RV, ces véhicules aménagés pour les grands voyageurs. Chaque année, Linda et AJ viennent ici. Le climat leur est favorable. Elle souffre de bronchite chronique, lui a de l’arth-rite. Nous descendons en empruntant une route secondaire, à travers un paysage parfait pour illustrer un disque de Calexico, ce groupe originaire de l’Arizona, qui aime afficher sur ses pochettes d’albums des cactus, de la terre aride et une voiture. Joli aussi.

Puis un pont, avec un canard à long cou. Un signe, quoi. Voici la rivière Felix.

Si Felix Baumgartner est porté par le vent vers le sud, il pourrait bien atterrir dans la terre qui porte son nom. En 1905, la ville la plus proche a été rebaptisée Hagerman. Bien dommage car elle s’appelait Felix avant cela. Pourquoi un tel sacrilège ? En l’honneur de James John Hagerman, bâtisseur du chemin de fer qui relie Roswell à Carlsbad. Cette dernière a aussi été renommée. Elle s’appelait Eddy. Ici, c’est comme ça : on donne des prénoms aux villes. Les chemins de fer dans la région ont changé en profondeur la vie locale. Auparavant, les cowboys poursuivaient les troupeaux de bovins du sud au nord pendant une semaine, avant de faire marche arrière. C’est toute une confrérie qui, d’un coup, est devenue obsolète.

Quand le Far West rencontre la stratosphère : un jeu de poker et un vieux combiné. E.T. téléphone maison ? Ici, il est aussi

difficile de trouver un autochtone qui ne croit pas aux ovnis que de débusquer un agnostique au Vatican.

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Le chemin de fer a apporté la justice à Roswell. Et, si la ville a pour légende ses extraterrestres, celle de Lincoln nourrit la sienne à base de jeunes hors-la-loi et de porte-flingues. Billy the Kid était l’un d’eux. Sa trajectoire fut largement reprise au cinéma et en BD avant d’être stoppée net par son ancien pote, le shérif Pat Garrett. Le bandit de Lincoln a été immortalisé dans un long-métrage de 1973, signé Sam Peckinpah, devenu une référence du film western grâce, notam-ment, à la bande-son culte de Bob Dylan. Dans la région, William H. Bonney (sans doute, le vrai nom de Billy the Kid) a vécu, a aimé, a tué, a volé, s’est caché. Y a été capturé.

La frontière entre le Mexique et les États-Unis a toujours attiré des person-nages à la morale douteuse, des individus qui vrillent ou disparaissent. Cette fron-tière est une scission entre deux mondes, entre deux vies. Ici, se cachaient les voleurs de bétail. L’immense général « Black Jack » Pershing y a mené en 1917

une expédition punitive mais vaine contre le révolutionnaire mexicain Pancho Villa, qui avait assassiné huit soldats américains. On y a aussi recensé un Robin des Bois local, des amours per-dues pour une belle señorita mexicaine, des Pueblos, des Apaches, des Mescale-ros, des indiens Zuñi. Ceux qui voyagent par là peuvent découvrir les territoires indiens, mais aussi la plus lucrative des activités touristiques : les casinos qui jonchent le bord de la route. Ils profitent avant tout aux tribus amérindiennes, depuis 1988 grâce au Indian Gaming Regulatory Act. Une liqueur locale est aussi à découvrir. Le bled est pittoresque mais porte en lui la nostalgie.

Et, si le vent tourne et mène Baumgar-tner vers le nord, à une heure de voiture de là, il pourrait bien s’imaginer atterrir dans son Autriche natale. La station de ski Apache Mescalero répond aux standards européens. Neuf remontées mécaniques, plus de pistes noires que bleues, le mont Sierra Blanca qui culmine à 3 659 mètres, 4,5 mètres d’enneigement par an. À l’horizon s’étend le désert du Chihuahua. Il est rare de trouver des paysages si divers sur un périmètre si petit. Si le Nouveau-Mexique était un appartement, il serait situé dans le centre-ville de Tokyo et serait meublé dans le style suédois. Et, si les vents devaient le mener un peu plus à l’est, Baumgartner pourrait encore se poser sur une poudre blanche. Quoiqu’un peu différente : de la poussière de gypse. Sur 434 km², s’étend White Sands, le plus grand désert de gypse au monde. Les dunes immenses assurent le spectacle mais aussi les plantes et animaux qui s urvivent dans ces conditions extrêmes.

Baumgartner devra faire attention à l’endroit où il posera le pied. Un site d’essai de l’armée américaine pour

The UFO Museum & Research Center de Roswell a le charme suranné des seventies.

Le pont de la rivière Felix. Avant d’être renommée Hagerman, la ville toute proche s’appelait aussi Felix. Y’a comme un clin d’œil.

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drones et fusées occupe un large périmètre. Ici a explosé, le 16 juillet 1945, la première bombe atomique du programme Manhattan Project. Il y a trente ans, la navette Columbia a été contrainte d’y atterrir, troublée par le mauvais temps au-dessus de Edwards Air Force Base, en Californie. Enfin, il est peu probable que Felix Baumgartner soit déporté vers l’ouest. Si cela devait être le cas, il reviendrait sur la base de lancement de Red Bull Stratos, l’ancien aéroport de Roswell, ex-base de Walker que l’Air Force a concédée à la ville le 30 juin 1967. Le spot a une histoire mouvementée. On y formait les pilotes pendant la Seconde guerre mondiale. Les deux bombardiers qui ont ciblé Hiroshima et Nagasaki étaient stationnés ici. Quand l’armée a abandonné les lieux, elle a tout embarqué, ne laissant que le tarmac des pistes. La zone mesure 5 000 hectares. En 1991, des cerveaux brillants de Roswell l’ont transformée en parking pour avions. Au printemps dernier, 200 avions patientaient là et, lorsque le prix du baril de pétrole a flambé, on en a compté jusqu’à 350. « On avait largement la place pour en accueil-lir davantage », explique Jennifer Brady, l’actuelle gestionnaire de l’aéroport qui travaille ici depuis 1983. En vérité, quelques avions attendent là depuis 1991. Les frais générés doivent être considérables, parce que ça fonctionne comme un horodateur. Jennifer : « Nous facturons à la journée et comptons trois tarifs, en fonction de la taille de l’avion. » L’activité est saisonnière. Au printemps, quand s’annonce la saison des vacances, les avions quittent leur place et y

reviennent à l’automne. Jennifer Brady et son équipe sont du genre intrépide. Ouverts aux demandes particulières. Mais elle a été surprise quand Joe Kittinger, recordman du plus haut saut en parachute et conseiller spécial de Felix Baumgartner, est entré dans son bureau il y a trois ans, en compagnie d’une partie de l’équipe Red Bull Stratos. L’aéroport appartient à la municipalité et les autorités ont facilement accepté d’être les hôtes des Red Bull Stratos. Un accord a été conclu pour la concession temporaire d’une partie de l’aéroport, où deux hangars sont toujours vides. Parfait pour travailler en paix, loin du bal des avions et des fantasmes extrater-restres. Curiosité. Red Bull Stratos a hérité du hangar 84, là même où les présumés non terriens ont été examinés après le crash, en 1947. Si tout se passe comme prévu, Roswell connaîtra sa deuxième attraction extra-stratosphé-rique, après les soucoupes spatiales. « Nous avons beaucoup de place pour accueillir à l’aéroport un musée Red Bull Stratos », glisse astucieusement Jennifer. Quand il était venu pour un saut d’essai, Baumgartner portait un bombardier sur lequel, à la place de son nom, était écrit : « Chasseur d’aliens ». Roswell l’a adopté.www.redbullstratos.com

Quand les militaires abandonnent l’aéroport, ils embarquent tout sauf... le goudron.

DROP ZONE COMPETITION

Où atterrira précisément Felix Baumgartner après son saut depuis l’espace ? À vous de le découvrir ! Foncez sur www.redbullstratos.com et jouez à Drop Zone Competition. Comment ça marche ? Faites votre choix en calculant la direction et la vitesse des vents, la température et profitez des orientations des techniciens de Red Bull Stratos. Position-nez votre point de chute et partagez-le avec vos amis. Ce jeu fonctionne avec toutes les fonctions de Google Maps. Certifiez votre identité via Facebook ou Twitter. Celle ou celui qui aura déterminé avec le plus de précision la latitude et la longitude de l’atterrissage repartira avec un souvenir.

Transformé en parking à avions, l’aéroport de Roswell leur offre une seconde vie. Ils sont plus de 300.

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Felix Baumgartner à propos de Red Bull Stratos.

« Nous voulonsrepousser les limites de l’homme en particulier et de l’humanité en général. »

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THE RED BULLETIN Édition spéciale - The Red Bulletin est publié et édité par Red Bull Media House GmbH Directeurs de la rédaction Robert Sperl, Alexander Macheck Directeur général de la publication Alexander Koppel Directeur d’édition Franz Renkin Directeur artistique Kasimir Reimann Responsable de la production Marion Wildmann Rédacteur en chef France Christophe Couvrat Auteurs Martin Apolin, Felix Baumgartner, Werner Jessner, Leo Lukas, Robert Sperl, Herbert Völker Design Kevin Goll, Esther Straganz Service photos Fritz Schuster (chef), Ellen Haas, Catherine Shaw, Rudi Übelhör Secrétariat de rédaction Ioris Queyroi, Christine Vitel Reprographie Clemens Ragotzky (chef), Karsten Lehmann, Josef Mühlbacher Production Michael Bergmeister, Wolfgang Stecher (chef), Walter Sádaba Service financier Siegmar Hofstetter, Simone Mihalits Marketing & management international Barbara Kaiser (chef), Stefan Ebner, Nicole Glaser, Klaus Pleninger, Elisabeth Salcher, Lukas Scharmbacher, Peter Schiffer, Julia Schweikhardt Siège social Autriche Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Siège social et Rédaction France Red Bull SASU, 12 rue du Mail, 75002 Paris, +33 1 40 13 57 00 Siège Rédaction Autriche Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, +43 1 90221-28800 Responsable publicité [email protected] Dépôt légal/ISSN 2225-4722 Nous écrire [email protected] Web www.redbulletin.com Parution The Red Bulletin Stratos est un hors série de The Red Bulletin.

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