these doctorat en medecine
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UNIVERSITE RENE DESCARTES
Faculté de Médecine René Descartes Paris 5
ANNEE 2005
THESE pour le
DOCTORAT EN MEDECINE
Diplôme d’Etat
par
Olivier CLAUDE Né le 20 juin 1975 à Paris
Présentée et soutenue publiquement
CHIRURGIE PRECOCE
DES HEMANGIOMES INFANTILES ORBITO-PALPEBRAUX
PRESENTANT UN RISQUE FONCTIONNEL OPHTALMOLOGIQUE
A L’AIDE D’UN BISTOURI A ULTRASONS
Etude rétrospective
Président du Jury : Madame le Professeur M.P. VAZQUEZ
Directeur de thèse : Monsieur le Docteur P.A. DINER
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SOMMAIRE
Introduction
Rappels et définitions
I > Les hémangiomes infantiles .……………………………………………….. p. 7
1) Tumeurs et malformations vasculaires
2) Hémangiomes infantiles
A. Diagnostic
B. Histologie
C. Diagnostics différentiels
D. Examens complémentaires
E. Traitements
II > Anatomie chirurgicale de la région orbito-palpébrale ………………......... p. 15
1) La paupière
A. Plan cutané
B. Muscle orbiculaire
C. Tarse
D. Conjonctive
E. Vascularisation
F. Drainage lymphatique
G. Physiologie palpébrale
2) L’appareil lacrymal
3) Les muscles de l’orbite
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III > Les principales complications ophtalmologiques des hémangiomes
orbito-palpébraux ……………………………………………………...…. p. 21
1) Strabisme
A. La vision tridimensionnelle chez le patient normal
B. La vision en cas de strabisme
C. Les formes de strabisme
D. Traitement du strabisme
2) Astigmatisme
A. Etude optique
B. Etude clinique
C. Traitement
3) Amblyopie fonctionnelle
A. Introduction
B. Types d’amblyopie
C. Dépistage de l’amblyopie
D. Traitement de l’amblyopie
4) Myopie
A. Étude optique
B. Étiologies
C. Traitement
5) Trichiasis
6) Compression du nerf optique
7) Exophtalmie et lésions cornéennes
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Matériels et méthodes
I > Enfants ……………...……………………………………………..….…... p. 31
II > Dissecteur à ultrasons ………..………………………………….…….…... p. 32
1) Historique
2) Fonctionnement général
3) Utilisation dans le service
III > Suivi post-opératoire multidisciplinaire .……………..…………...…..…... p. 37
1) Suivi fonctionnel
2) Suivi morphologique
Résultats
I > 67 enfants opérés d’hémangiomes orbito-palpébraux avec risques fonctionnels :
place des différents traitements .………………………………..…………... p. 39
II > Interventions chirurgicales ……………………………….…..………..….. p. 42
1) Interventions et hospitalisations
2) Anatomo-pathologie
III > Examens ophtalmologiques …………..……………………..…………...... p. 44
1) Examens pré-opératoires
2) Examens post-opératoires
IV > Complications post-opératoires …….…………………………………….. p. 47
1) Complications immédiates
2) Résultats morphologiques et reprises chirurgicales
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Discussion
I > Discussion sur notre série ………………………………..……………...... p. 49
1) Efficacité, reproductibilité et sécurité de la chirurgie
2) Des résultats perfectibles
3) Evolution de la prise en charge des hémangiomes orbito-palpébraux
II > Discussion sur les autres séries de traitement chirurgical précoce …..……. p. 53
1) Les principales séries de la littérature
2) Place des dissecteurs à ultrasons
III > Discussion sur les autres traitements disponibles ………………………..... p. 56
1) Corticothérapie par voie générale
2) Corticothérapie par voie locale
3) Interféron alfa et vincristine
4) Les lasers
Conclusion
Bibliographie
Illustrations
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Introduction
Les hémangiomes infantiles sont des tumeurs vasculaires qui atteignent environ 10%
des nourrissons. La classification de l’International Society for the Study of Vascular
Anomalies (ISSVA) a permis, en 1996, de bien différencier les hémangiomes
infantiles des malformations vasculaires, sur des bases établies par les travaux
fondateurs de Mulliken et Glowacki, en 1982, et grâce aux 20 années (1976-96) de
discussions au sein d’un Workshop international qui a lieu tous les 2 ans.
Leur évolution est caractéristique en 3 phases. Ils apparaissent toujours au cours des
premiers jours de vie et sont parfois présents dès la naissance. Après une phase de
développement en surface et en volume, qui dure plusieurs mois, ils se stabilisent
entre le 3° et le 12° mois. Puis on assiste à une phase d’involution spontanée, lente,
qui dure exceptionnellement 1 à 2 ans et qui le plus souvent se poursuit jusqu’à l’âge
de 6, 8 ou 10 ans. Cette capacité à se résorber permet d’obtenir une restitution cutanée
ad integrum dans environ la moitié des cas. De ce fait l’abstention thérapeutique est
apparue depuis Lister, en 1938, comme étant l’attitude la plus logique (1).
Cependant on considère que au moins 30% des hémangiomes vont nécessiter un
traitement, soit précocement, soit au stade de séquelles. C’est le cas des hémangiomes
orbito-palpébraux dont l’évolution spontanée peut se compliquer de lésions
fonctionnelles ophtalmologiques souvent irréversibles : astigmatisme, strabisme voire
amblyopie.
Le traitement classique dans cette localisation reste, encore pour beaucoup, médical et
repose en première intention sur les corticoïdes par voie générale ou en injection
intra-lésionnelle. Leur efficacité est inconstante et leurs effets secondaires sont
importants.
La chirurgie est encore le plus souvent considérée comme étant à réserver aux
séquelles cicatricielles des hémangiomes involués. Cependant, quelques équipes,
depuis une dizaine d’années, ont développé les indications opératoires d’exérèses
précoces. Pour faciliter, ces interventions sur des hémangiomes en phase d’évolution,
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le Service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique Pédiatrique de l’hôpital Armand
Trousseau (Paris) a développé l’utilisation des bistouris à ultrasons CUSA (Cavitron
Ultra Sonic Aspirator) commercialisés sous les noms de Cavitron® et Dissectron®.
Notre travail veut montrer l’intérêt de cette chirurgie précoce pour les hémangiomes
orbito-palpébraux comportant un risque fonctionnel visuel. Nous voulons montrer
également qu’elle peut et qu’elle doit être réalisée avant que n’apparaissent des
anomalies à l’examen ophtalmologique qui deviennent rapidement irréversibles chez
le nourrisson.
Rappels et définitions
I> Les hémangiomes infantiles
3) Tumeurs et malformations vasculaires
Angiome est le nom que l’on utilisait jusqu’à il y a quelques années pour parler des
tumeurs et des malformations vasculaires. Faisant appel à de multiples spécialités, ces
lésions d’aspects et d’évolutions très différents rendaient les diagnostics confus. Et
surtout, les protocoles thérapeutiques manquaient d’efficacité. Ce n’est que
récemment, en 1996, que l’International Society for the Study of Vascular Anomalies
(ISSVA) a établi une classification qui permet à tous les praticiens de parler le même
langage (2 ; 3).
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Nous distinguons deux grands groupes :
1) les hémangiomes infantiles, véritables tumeurs vasculaires, se développant par
prolifération cellulaire endothéliale et péricytaire,
2) et les malformations vasculaires qui ne sont, elles, que des agrégats de
vaisseaux dysplasiques sans prolifération tissulaire. Ces malformations vasculaires se
subdivisent en quatre groupes : artério-veineuses, veineuses, capillaires et
lymphatiques. Ces différentes malformations peuvent se combiner.
Dans certains cas, ces lésions relèvent de la chirurgie qui peut être précédée d’un
geste de radiologie interventionnelle. Leur évolutivité est très différente en fonction
de leur type. Le flux hémodynamique, l’histologie, les examens histochimiques, l’âge,
le sexe, les variations hormonales, la localisation et l’étendue sont autant de critères
importants. Avant d’établir un plan de traitement et ici plus qu’ailleurs, il est
indispensable de faire un diagnostic précis sans pour autant avoir recours
systématiquement à de multiples examens, notamment à une artériographie.
La prise en charge des hémangiomes et des malformations vasculaires superficielles
nécessite une équipe pluridisciplinaire regroupant habituellement chirurgiens,
radiologues interventionnels et dermatologues en liaison avec des pédiatres, un
anatomopathologiste expert en lésions vasculaires et un ophtalmologiste (4 ; 5).
4) Hémangiomes infantiles
A) Diagnostic
Ces tumeurs vasculaires sont très fréquentes. Elles atteignent environ 10% des
nourrissons et sont 2 à 3 fois plus fréquentes chez les filles. Plus les lésions sont
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graves et plus le ratio s’élève : 6,6 filles/1 garçon dans une série de 175 lésions
sévères ayant nécessité des traitements précoces (6).
Leur aspect clinique si particulier permet le plus souvent d’en faire le diagnostic sans
aucun examen complémentaire et en particulier sans biopsie, ni artériographie. On
distingue 3 grands types d’hémangiomes : les hémangiomes tubéreux, les
hémangiomes sous-cutanés purs et les hémangiomes mixtes (type le plus fréquent :
75%). Les hémangiomes tubéreux débutent par une nappe rouge vif saillante
(classique « fraise ») s’étendant rapidement en quelques semaines, en une ou plusieurs
nappes écarlates, grenues et mamelonnées. Le diagnostic des hémangiomes sous-
cutanés peut être plus difficile ; l’examen retrouve une masse bleutée, ferme,
homogène, légèrement grenue non compressible, bien délimitée, sous une peau
normale ou comprenant quelques télangiectasies. Des veines ou des veinules dilatées
sont parfois visibles sous la peau ; elles peuvent mimer l’aspect d’une malformation
capillaro-veineuse. Dans les hémangiomes mixtes, la nappe tubéreuse apparaît en
premier, puis la composante sous-cutanée se développe secondairement en soulevant
et en débordant la zone tubéreuse ; cette composante sous-cutanée va continuer de
croître lentement et plus longtemps, sur plusieurs mois, alors que la nappe tubéreuse
s’est stabilisée en quelques semaines (5). Elle grossit progressivement, petit à petit.
Les hémangiomes immatures apparaissent quelques jours ou quelques semaines après
la naissance de l’enfant et leur évolution se fait classiquement en trois phases
successives :
- une phase évolutive durant quelques mois, généralement jusqu’au 6-8e mois, avec
un développement en surface et en volume de la lésion ;
- une phase de stabilisation pas toujours évidente et durant également quelque mois ;
- une phase d’involution progressive et spontanée qui dure au minimum 18 mois à 2
ans et pouvant aller jusqu’à 10 ans. Les lésions tubéreuses et mixtes se parsèment de
minuscules aires blanches de régressions superficielles, peu à peu coalescentes, tandis
que les composantes profondes de l’hémangiome s’affaissent.
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Une restitution cutanée ad integrum est ainsi obtenue dans environ la moitié des cas.
Dès 1938, Lister, en a déduit que l’attitude la plus logique en première intention était
l’abstention thérapeutique (1).
En effet, tous les hémangiomes régressent avec ou sans séquelles. Cependant, il
n’existe aucun critère en période néonatale pour préjuger du résultat final (6).
B) Histologie
Les hémangiomes sont des tumeurs vasculaires constituées en phase de prolifération
par des nids cellulaires denses de cellules endothéliales et péricytaires. La coloration
des fibres de réticuline montre que ces amas cellulaires sont faits de capillaires aux
lumières souvent virtuelles, juxtaposés entre eux et séparés par des cloisons
conjonctives minces, d’où le terme histologique d’hémangiome capillaire. On
retrouve aussi des lacs vasculaires de taille plus importante. Les lésions se
développent en général dans le derme et l’hypoderme, mais peuvent également
infiltrer des structures plus profondes. Une certaine fibrose interstitielle apparaît lors
de la phase d’involution et s’accompagne d’un appauvrissement cellulaire et de
reliquats fibro-adipeux parsemés de quelques vaisseaux assez larges pouvant
constituer un tissu résiduel persistant. Depuis 2000, nous disposons d’un marqueur
phénotypique diagnostic d’hémangiome (GLUT1), qui est positif dans 100% des
hémangiomes infantiles et toujours négatif dans les diverses autres tumeurs infantiles
et les malformations vasculaires (7).
C) Diagnostics différentiels
Ils sont rares. Il faut avant tout éliminer une tumeur maligne, en particulier dans les
formes évolutives ou à extension rapide. On peut ainsi diagnostiquer des sarcomes et
notamment des fibrosarcomes congénitaux et des rhabdomyosarcomes. Ces derniers
prennent rapidement un aspect violine et turgescent. La lésion est indurée et peut se
nécroser. Le diagnostic, très suspect cliniquement, est confirmé par biopsie (5 ; 8).
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La malformation lymphatique macrokystique est d’aspect froid, plus mou et
dépressible. Elle se différencie aisément d’un hémangiome sous-cutané pur.
L’imagerie (échographie, TDM ou IRM) retrouve, en cas de doute, des cavités
kystiques.
Des malformations vasculaires graves peuvent également être prises pour des
hémangiomes. C’est le cas notamment des malformations artério-veineuses dont le
diagnostic sera évoqué devant une augmentation de la chaleur locale, un thrill voire
un souffle, et des veines turgescentes. L’écho-doppler confirme la présence d’une
fistule artério-veineuse. L’angio-IRM montre des hyposignaux noirs, absence de
signal traduisant les vaisseaux à flux rapide (5).
Enfin, un gliome nasal par sa couleur rouge ou une encéphalocèle sont également à
éliminer en cas de masse médiane siégeant à la racine du nez.
Dans tous les cas où l’aspect et l’évolution de la lésion ne suffisent pas au diagnostic,
une imagerie est proposée avant biopsie ou exérèse selon les cas.
D) Examens complémentaires
Les hémangiomes du nourrisson ne nécessitent pas d’examen complémentaire en
dehors de certaines formes dont l’extension doit être précisée (orbitaire, laryngée …)
ou des rares cas de diagnostics difficiles évoqués plus haut.
L’écho-doppler en mode duplex-scan n’est utile que dans les mains d’un opérateur
habitué aux hémangiomes ; sinon les erreurs de diagnostic sont courantes (confusion
avec une malformation vasculaire). Une IRM (examen de choix, non irradiant et plus
informative que le scanner en cas d’hémangiome) ou à défaut un scanner sont alors
prescrits. Parfois une biopsie peut être réalisée, notamment en cas de suspicion de
sarcome. Les artériographies sont exceptionnellement réalisées et principalement dans
un but d’embolisation thérapeutique. C’est le cas de certains hémangiomes présentant
une évolution non maîtrisée avec risque vital. Les images sont là aussi
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caractéristiques : artères dilatées avec opacification en masse de type capillaire. Cette
opacification est précoce mais homogène et ne met pas en évidence de shunts artério-
veineux.
Bien que le diagnostic des hémangiomes soit essentiellement clinique, leur prise en
charge reste souvent complexe et nécessite une équipe expérimentée et
multidisciplinaire.
E) Traitements
Dans la majorité des cas il existe une involution qui permet une abstention
thérapeutique. Celle-ci ne doit pas être confondue avec une absence de surveillance.
Cette surveillance est fondamentale pour dépister les complications et inclut
l’évaluation clinique, photographique et psychologique afin de prendre la meilleure
décision thérapeutique en concertation avec les parents puis l’enfant. La décision
thérapeutique repose en effet sur une triangulation parents-enfant-équipe.
Le traitement médical a largement sa place, en particulier en cas de complications.
C’est notamment le cas des hémangiomes étendus qui sont souvent associés à des
localisations viscérales. On citera les moins rares : les hémangiomes sous-glottiques
avec risque de détresse respiratoire et les hémangiomes hépatiques avec risque de
défaillance cardiaque congestive. Le pronostic vital de l’enfant est parfois engagé. Le
syndrome de Kasabach-Merritt, avec sa thrombopénie profonde, est encore trop
souvent envisagé comme une complication de l’hémangiome infantile ; c’est en fait
une complication d’une tumeur différente, GLUT1 négative, correspondant au spectre
de l’hémangioendothéliome kaposiforme et de l’angiome en touffes.
Des traitements d’urgence ou précoce seront également mis en place si l’hémangiome
met en jeu un pronostic fonctionnel. C’est essentiellement le cas des localisations
faciales péri-orificielles : orbito-palpébrale, labiale, nasale voire auriculaire.
Le traitement médical de première intention reste le plus souvent la corticothérapie
per os, prednisone ou prednisolone à la dose de 2 à 3 mg/kg pendant plusieurs
semaines. Mais l’efficacité de la corticothérapie est souvent décevante (30% de
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bonnes réponses, 40% de réponses incomplètes, 30% de non réponses). En cas de
lésions corticorésistantes et sévères, on peut prescrire l’interféron alpha 2a ou 2b ou la
vincristine. Nous rappellerons dans notre discussion les effets secondaires importants
de ces traitements qui imposent une extrême vigilance lors de leur prescription.
Mais c’est la place de la chirurgie dans les traitements des hémangiomes qui a
beaucoup évolué au cours de la dernière décennie et notamment pour ceux de la
région orbito-palpébrale. Comme nous le développerons plus loin, l’apport des
bistouris à ultrasons (système CUSA : Cavitron Ultra Sonic Aspirator)
commercialisés sous le nom de Cavitron® et de Dissectron® a transformé la chirurgie
de l’hémangiome en phase proliférative et en phase stabilisée. Il était classique
d’attendre la phase involutive et d’effectuer la chirurgie au stade de séquelles chez des
enfants plus grands. L’attitude actuelle est de séparer trois moments dans la prise en
charge chirurgicale, une chirurgie d’urgence dans les premiers mois de vie en raison
de complications graves, une chirurgie précoce dans les deux, trois premières années
pour des préoccupations fonctionnelles ou esthétiques, enfin la chirurgie classique
plus tardive pour la réparation des séquelles (5).
1> Chirurgie d’urgence
Réalisée au cours des premiers mois voire des premières semaines de vie, elle
concerne uniquement les hémangiomes compliqués et après échec des autres
thérapeutiques. Ce sont essentiellement les complications ulcéro-nécrosantes graves
des hémangiomes tubéreux ou mixtes avec risques d’extension et/ou d’hémorragie (5).
Il s’agit également, comme nous le verrons dans notre étude, des exérèses des
hémangiomes orbito-palpébraux qui menacent à court terme le pronostic fonctionnel
ophtalmologique de l’enfant.
2> Chirurgie précoce
Réalisée vers l’âge de deux, trois ans, elle permet de corriger ou de prévenir des
conséquences fonctionnelles notamment pour les localisations labiales ou orbito-
palpébrales. Mais elle permet également de placer l’enfant dans de meilleures
conditions de scolarisation avec deux repères importants, l’entrée à la maternelle et
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surtout l’entrée au cours préparatoire. Le préjudice esthétique prolongé au cours de
l’enfance avec des conséquences importantes dans notre société actuelle, la prise en
compte de l’altération fonctionnelle (ophtalmologique ou labiale), le désir d’un
traitement précoce permettant de résoudre en quelques mois ce qui prendrait des
années expliquent cette tendance à intervenir plus tôt et de manière plus active en
interceptant l’évolution de l’hémangiome. Toutefois, dans chaque cas, il faudra mettre
en balance l’importance du geste par rapport au résultat escompté.
M.P. Vazquez et P.A. Diner ont énoncé six principes pour poser une indication de
chirurgie précoce, quelle que soit sa localisation :
� Présence d’arguments morphologiques sérieux, comme la taille ou le volume
de l’hémangiome et/ou fonctionnels, comme une fonction labiale très perturbée.
� Connaissance de l’évolution naturelle de l’hémangiome et des séquelles
prévisibles en fonction de la forme clinique et de la localisation. Ce principe
implique la notion d’expertise et d’équipe référente.
� Placement des cicatrices définitives évitant de créer des cicatrices
supplémentaires à celles des séquelles ou anatomiquement mal situées par
rapport à celles qu’on aurait été amené à réaliser ultérieurement après
involution. La plastie réalisée doit éviter de recourir à des gestes sophistiqués,
en particulier ceux utilisés en chirurgie plastique chez l’adulte. Il faut bannir
tous les lambeaux et les greffes et tout geste qualifié de carcinologique qui
créerait des dégâts irréparables. Les gestes itératifs sont à programmer en
reprenant chaque fois que possible la cicatrice première.
� L’élasticité cutanée et muqueuse du jeune enfant permet d’effectuer l’exérèse
partielle ou subtotale sans recourir à des gestes plastiques compliqués. C’est un
argument supplémentaire pour intervenir tôt.
� L’exérèse partielle doit tenir compte de l’involution volumétrique de
l’hémangiome restant et ne doit pas sur-corriger. L’exérèse doit être plus
importante en profondeur qu’en surface.
� La prise en compte plus précoce de l’image corporelle de l’enfant, le
retentissement psychologique et la scolarisation dans de bonnes conditions sont
les éléments majeurs de la décision d’une chirurgie précoce. Mais les parents
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puis l’enfant doivent être prévenus de la possibilité de gestes complémentaires
à distance. L’amélioration aura de toutes façons été importante par une
chirurgie à risques mesurés et sans attendre (5).
3> Chirurgie tardive
Elle est effectuée en fin d’involution, en général après l’âge de 7 ans. Elle permet soit
de corriger l’aspect esthétique après une première intervention soit de traiter de
première intention les séquelles d’une cicatrice après involution.
Les techniques habituelles de la chirurgie plastique, adaptées à l’enfant, sont utilisées
mais toujours avec prudence et éventuellement de façon itérative en fonction de la
croissance. Les lasers de resurfaçage peuvent également améliorer les peaux très
atteintes qui peuvent présenter un aspect de séquelles de brûlures : scléreuses, ridées,
ptosées, avec épiderme fin, fragile et souvent dyschromique. Dans cette prise en
charge, la réévaluation doit être rigoureuse à chaque étape tenant compte du résultat
chirurgical, de l’évolution psychologique de l’enfant et de sa demande (5).
II> Anatomie chirurgicale de la région orbito-palpébrale
La prise en charge des hémangiomes orbito-palpébraux nécessite des connaissances
précises d’anatomie. En effet, les rapports de la lésion par rapport aux différents
éléments anatomiques adjacents doivent être pris en compte pour la décision
chirurgicale (Fig. 1 en annexe). L’hémangiome peut infiltrer les différents plans
palpébraux depuis la peau jusqu’à la conjonctive ce qui peut compromettre une
chirurgie par simple énucléation. Une atteinte conjonctivale est le plus souvent
diagnostiquée par simple retournement de la paupière. L’étendue d’un envahissement
intra-orbitaire doit être précisée par l’imagerie (IRM). Une composante intra-conique
(cône formé par les muscles droits du globe oculaire) représente une contre-indication
classique à la chirurgie. En présence d’une lésion intra-orbitaire et extra-conique (cas
le plus fréquent) on étudie avec attention, en coupes sagittales les rapports de la lésion
avec le plancher et le toit de l’orbite, et en coupes horizontales les rapports avec la
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paroi interne orbitaire. Ces éléments conditionnent la faisabilité de l’exérèse, son
caractère complet ou non et la nécessité du recours à une ostéotomie (exemple n°2 en
annexe). Une atteinte du muscle releveur de la paupière supérieure ou des muscles
obliques représentent également des notions pré-opératoires importantes. Il faudra
dans ces cas, au cours de l’exérèse, préserver un feutrage d’hémangiome sur ces
structures. De même, il faudra s’assurer du non envahissement de la glande lacrymale
ainsi que du sac lacrymal qui représentent des éléments fondamentaux à préserver.
La connaissance de ces différentes contraintes permet également d’évaluer le risque
d’un effet rebond post-opératoire qui devient important si l’exérèse est inférieure à
80% de la masse de l’hémangiome et si l’intervention est effectuée dans les 7 ou 9
premiers mois de vie.
1) La paupière
Les paupières peuvent être assimilées à des voiles musculo-membraneux mobiles qui
recouvrent et protègent la partie antérieure de l’œil.
On distingue sur une coupe sagittale 2 plans différents :
- le plan musculo-cutané ou lamelle antérieure des ophtalmologues,
- le plan tarso-conjonctival ou lamelle postérieure.
A) Plan cutané
La peau est adhérente au muscle orbiculaire et au tendon canthal interne. Elle est
considérée comme étant la plus fine de l'organisme. Cette peau est, par contre,
richement vascularisée. On distingue une première portion « oculaire », ou tarsale, qui
est convexe et moule le globe. La deuxième portion « orbitaire » est comprise entre la
précédente et le rebord orbitaire. Le sillon palpébral sépare ces 2 portions. Il est bien
marqué au niveau de la paupière supérieure où il résulte de l’insertion cutanée du
muscle releveur. Le sillon de la paupière inférieure est surtout visible dans la partie
interne.
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Le bord libre comprend une lèvre antérieure qui porte les cils et une lèvre postérieure
qui limite avec la cornée une gouttière (rivus lacrymalis).
Ces 2 lèvres sont séparées par la ligne grise qui marque la séparation entre les
lamelles antérieure et postérieure. A la partie la plus interne des paupières, on
retrouve un segment dépourvu de cils qui délimite avec son homologue le lac
lacrymal. Ce dernier est occupé par une saillie, la caroncule lacrymale, et par le repli
semi-lunaire.
B) Muscle orbiculaire
Le muscle orbiculaire des paupières est un muscle peaucier, concentrique à la fente
palpébrale. Large et plat, il comprend 3 portions :
1) portion oculaire, composée d’une partie pré-tarsale (adhérente au tarse) et d’une
partie pré-septale (facilement clivable du septum). Cette portion converge vers les
ligaments palpébraux interne et externe. Le ligament interne s’insère essentiellement à
la crête lacrymale antérieure alors que le ligament externe s’attache surtout en arrière
du rebord orbitaire (tubercule de Whitnall) ;
2) portion orbitaire, fixée aux bords supérieur et inférieur du ligament palpébral
interne ;
3) portion lacrymale (muscle de Horner), plus accessoire, située en dedans du
ligament palpébral interne.
La fonction du muscle orbiculaire résiste de façon importante aux incisions et aux
résections. Il est exceptionnel que les patients ne puissent pas fermer les yeux
normalement en post-opératoire.
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C) Tarse
Le tarse est une lame fibreuse rigide qui donne à la paupière sa stabilité. Il est moulé
sur le globe et occupe la partie oculaire des paupières. Sa hauteur est plus importante
à la paupière supérieure. Ses extrémités s’insérent sur les ligaments palpébraux
externe et interne.
Le septum orbitaire est un ligament large et rigide qui unit la lèvre postérieure du
rebord orbitaire au bord périphérique du tarse.
D) Conjonctive
Fine et mobile, la conjonctive est une membrane muqueuse qui adhère fortement à la
face profonde des paupières. Elle se réfléchit ensuite sur la face antérieure du globe
oculaire en formant le cul-de-sac conjonctival.
E) Vascularisation
On décrit classiquement un cercle vasculaire à 3 mm du bord libre des paupières situé
entre l’orbiculaire et le tarse. Il a pour origine l’artère ophtalmique qui donne des
branches palpébrales supérieures et inférieures à proximité du canthus interne qui
vont s’anastomoser au niveau du canthus externe.
Il a été récemment mis en évidence qu’il existait, au niveau de la paupière supérieure,
non pas une mais quatre arcades vasculaires, parallèles et anastomosées entre
elles (9) :
- une arcade marginale, en avant du bord inférieur du tarse ;
- une arcade périphérique plus profonde, dans l'épaisseur du muscle de Müller (petit
muscle lisse situé à la face profonde du muscle releveur) ;
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- et deux arcades en avant du rebord orbitaire supérieur, l'une profonde et l'autre
superficielle par rapport au muscle orbiculaire.
F) Drainage lymphatique
Il se fait principalement dans les ganglions parotidiens. Ceci implique qu’il faut éviter
les voies d’abord incisant de façon continue la région orbitaire externe pour respecter
les vaisseaux de drainage et éviter ainsi un œdème palpébral prolongé.
Les ganglions sous-maxillaires participent dans une moindre mesure au drainage
lymphatique palpébral.
G) Physiologie palpébrale
La paupière supérieure doit être mobile. En balayant le globe, elle assure l'étalement
des larmes et évite les lésions cornéennes. Dans une moindre mesure, la paupière
inférieure doit avoir un certain degré de mobilité. Ainsi sa translation interne
s’effectue lors du clignement et son abaissement accompagne celui du globe lors du
regard vers le bas. Cette mobilité des 2 paupières est nécessaire à la protection de la
cornée et au confort visuel.
2) L’appareil lacrymal
La glande lacrymale est située à l’angle supéro-externe de l’orbite. Elle comprend une
portion principale orbitaire et une portion accessoire palpébrale, séparées en avant par
l’aileron externe du releveur de la paupière supérieure. La portion orbitaire occupe
une logette, limitée : en haut et en dehors par la fossette lacrymale du frontal, en bas
et en dedans par l’aileron du releveur de la paupière, en avant par le septum orbitaire,
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en arrière par une mince membrane qui la sépare du tissu graisseux orbitaire. La
portion palpébrale est située sous la portion orbitaire entre l’aileron du releveur et le
cul-de-sac conjonctival supérieur. Des canaux excréteurs débouchent dans le cul-de-
sac conjonctival.
A l’angle interne de l’œil, les larmes se rassemblent dans le lac lacrymal, puis gagnent
les canalicules lacrymaux qui sont engainés par la portion lacrymale du muscle
orbiculaire. Il est donc primordial, lors de l’exérèse de l’hémangiome, de respecter le
plan musculaire à ce niveau. Les larmes rejoignent ensuite le sac lacrymal (sous le
ligament palpébral) et le canal lacrymo-nasal qui débouche dans le méat nasal
inférieur.
3) Les muscles de l’orbite
On compte 7 muscles dans l’orbite. Le releveur de la paupière supérieure et les
6 muscles moteurs du globe oculaire (4 droits et 2 obliques).
Le muscle releveur de la paupière supérieure est le plus haut situé dans l’orbite. Il
s’insère au dessus du canal optique puis longe le toit de l’orbite au dessus du droit
supérieur. Il chemine ensuite sous l'organe en rouleau et traverse le septum. Ses
insertions se font à la face antérieure du tarse de la paupière supérieure et à la face
profonde de la peau où il crée le sillon palpébral supérieur. Il se prolonge également
latéralement et médialement par 2 ailerons aponévrotiques qui fusionnent avec les
ligaments palpébraux externe et interne. L’extrême finesse de ce muscle chez le
nourrisson le rend particulièrement difficile a individualisé. Afin d’éviter un ptôsis
post-opératoire, si une incision est nécessaire à son niveau, elle doit être très
conservatrice et doit préserver au minimum un des 2 ailerons.
Les 4 muscles droits naissent de l’anneau tendineux commun, à la partie interne de la
fissure orbitaire supérieure. Ils se portent en avant en formant un cône qui entoure le
globe oculaire. Le sommet de ce cône répond au canal optique et sa base correspond à
l’équateur de l’œil. Leur insertion se fait sur le globe, en arrière de la jonction scléro-
cornéenne.
22
Le muscle oblique supérieur s’insère au-dessus du canal optique puis longe l’angle
supéro-interne de l’orbite. Il donne ensuite un tendon qui se réfléchit dans une poulie,
la trochlée, puis s’insère à la partie supérieure du globe sur la moitié externe de son
hémisphère postérieur.
Le muscle oblique inférieur n’occupe que la partie antérieure de l’orbite. Il s’insère en
dehors du canal lacrymo-nasal puis se dirige en dehors et en arrière, en dessous du
droit inférieur, et s’insère à la moitié externe de l’hémisphère postérieur de l’œil.
En per-opératoire, les tendons des 2 muscles obliques peuvent être mis en tension (à
l’aide de fils tracteurs) afin de les préserver, si une dissection est nécessaire à leur
contact.
III> Les principales complications ophtalmologiques des hémangiomes
orbito-palpébraux
1) Strabisme
Le strabisme n'est pas uniquement un défaut esthétique car, s'il n'est pas pris en
charge, il se complique d’une baisse de l'acuité visuelle et d’un trouble de la vision
dans l’espace. Plus le strabisme apparaît tôt dans la vie de l'enfant et plus longtemps il
reste non traité, plus l'atteinte de la vision sera grave.
A) La vision tridimensionnelle chez le patient normal
Puisque les yeux sont séparés l'un de l'autre, chacun d'entre eux voit les objets selon
des angles de vision différents. Cette différence de perception d'une même image crée
une disparité qui est ensuite analysée par le cerveau en une impression visuelle
tridimensionnelle.
23
B) La vision en cas de strabisme
Chez les patients strabiques, la vision tridimensionnelle n'est pas possible, car chacun
des deux yeux est dirigé dans l'espace vers des objets différents. Dans le cerveau, les
deux images des deux objets se superposent (confusion). Si un seul œil présente un
strabisme, le développement de l'acuité visuelle de cet oeil ne peut se faire
normalement et il en résulte une amblyopie par inhibition. Si le patient strabique ne
peut réprimer la deuxième image qui dérange alors qu'il se concentre sur un objet
unique, l'objet est perçu deux fois.
C) Les formes des strabismes
Strabisme concomitant :
Si l'angle de déviation est le même dans toutes les déviations du regard, on parle de
strabisme concomitant. Le déficit se situe dans la partie corticale du système visuel.
Environ 50% des cas sont héréditaires.
Strabisme incomitant (cas des hémangiomes) :
En cas de strabisme incomitant, l'angle de déviation se modifie dans les différentes
directions du regard. C’est le type de strabisme qui peut compliquer les hémangiomes
orbito-palpébraux. En effet, ces derniers peuvent déplacer le globe par effet de masse
ou bien infiltrer les muscles oculomoteurs en altérant leur fonction. Il peut se
développer une position de tête compensatrice. La tête est tournée dans la direction
d'action du muscle parétique, afin que les yeux puissent être parallèles et que la vision
stéréoscopique soit possible.
D) Traitement du strabisme
Il est avant tout étiologique et consiste donc à traiter l’hémangiome.
Le traitement fonctionnel éventuellement associé a pour but de rétablir un
parallélisme oculaire. Le parallélisme oculaire est indispensable à la perception de la
profondeur. Puisque le développement de la vision stéréoscopique est terminé à l'âge
de deux ans, le parallélisme oculaire doit avoir été présent jusqu’à cet âge. Le
24
parallélisme oculaire est obtenu avec le port des lunettes et/ou une opération
correctrice du strabisme. Un strabisme doit être opéré lorsqu'il est peu ou pas
suffisamment corrigé par les lunettes. Plus l'opération de strabisme est effectuée tôt et
le parallélisme oculaire rétabli, meilleur est le potentiel pour la vision binoculaire.
2) Astigmatisme
A) Etude optique
Un hémangiome immature comprimant et déformant la cornée peut être source
d’astigmatisme. L’astigmatisme correspond à une perte de sphéricité de la cornée
qui se déforme suivant un rayon de courbure. Ainsi certaines directions seront vues
nettes (directions qui respectent la courbure), les autres directions, seront vues
floues.
B) Etude clinique
Révélation à tout âge, mais souvent chez le grand enfant, par une vision floue
(confusion des lettres de loin comme de près, parfois source de difficultés scolaires)
et par des signes d’accommodation (céphalées, fatigue visuelle …).
C) Traitement
Il est, également, avant tout étiologique et consiste à traiter l’hémangiome.
Le traitement fonctionnel fait essentiellement appel, chez l’enfant, à des verres
correcteurs cylindriques (orientés selon une direction).
25
3) Amblyopie fonctionnelle
A) Introduction
On peut définir l’amblyopie comme une diminution de l’acuité visuelle qui ne
s’explique pas par une cause organique décelable par l’examen ophtalmologique.
Cette définition caractérise particulièrement l’amblyopie fonctionnelle. Cette notion
d’amblyopie correspond en d’autres termes à un développement fonctionnel anormal
du système nerveux central impliqué dans la vision. L’amblyopie organique, elle,
résulte directement d’une lésion d’organe (neuropathie optique ...).
La vision binoculaire s’élabore, dès les premiers mois de la vie, au cours d’une
succession d’étapes neurophysiologiques nécessaires à son développement. Bien que
les nombreuses structures anatomiques nécessaires à ce processus se mettent en place
durant l’embryogenèse, le système est cependant largement immature à la naissance.
Ainsi le système d’accommodation n’est pas correctement développé avant l’âge de
6 mois.
Si la perception binoculaire est entravée parce qu’un œil perçoit mal l’environnement
(axe visuel masqué par un hémangiome, astigmatisme...) ou parce qu’il est dévié
(strabisme), les liens entre les deux yeux, tant au niveau de la perception qu’au niveau
moteur, ne se développent pas correctement, ce qui nuit au développement cérébral
normal. Ici intervient la notion de période critique de développement. Ce phénomène
est bien connu en embryologie. A certaines périodes critiques, les neurones sont aptes
à construire les circuits neuronaux attendus à condition que les informations voulues
leur parviennent en temps voulu. Cette plasticité permet aux neurones à la fois des
possibilités infinies d’adaptation et de construction mais en même temps les rend
extrêmement vulnérables durant ces mêmes périodes, si les conditions indispensables
à leur développement ne sont pas rencontrées. L’expérimentation animale a permis
depuis longtemps de mieux comprendre ces phénomènes.
26
Chez le chaton par exemple, l’occlusion d’un œil aboutit à l’amblyopie de celui-ci et à
la disparition des cellules binoculaires au niveau du cortex. Par contre, l’occlusion de
l’autre œil permet à ces cellules de reprendre leur développement. Toute perturbation
du développement visuel durant ces périodes critiques risque d’entraîner une
limitation des potentialités cérébrales liées au développement de la vision (10).
Du point de vue thérapeutique, certaines potentialités cérébrales seront
malheureusement définitivement perdues quoiqu’il arrive : la vision stéréoscopique
est irrémédiablement compromise si une perturbation de la vision binoculaire se
produit durant les premiers mois de la vie. Par contre, d’autres anomalies survenant au
cours de cette maturation cérébrale peuvent être améliorées si le traitement approprié
est instauré suffisamment tôt : l’efficacité de celui-ci est inversement proportionnelle
à l’âge de l’enfant (11).
B) Types d’amblyopie
AMBLYOPIE PAR DEPRIVATION VISUELLE
La déprivation visuelle est toujours présente quel que soit le type d’amblyopie, soit
directement par l’existence d’un obstacle à la propagation de l’image à travers les
milieux transparents de l’œil, soit secondairement par inhibition fonctionnelle comme
c’est notamment le cas lors d’un strabisme (12). Les étiologies sont variées :
hémangiome infantile, cataracte congénitale …
AMBLYOPIE PAR ASTIGMATISME
L’astigmatisme entraîne une anisométropie, c'est-à-dire une différence de réfraction
entre les deux yeux. Ce phénomène pénalise l’œil qui présente le plus grand défaut de
réfraction. L’image est nette sur la rétine de l’œil dominant alors qu’elle est floue sur
l’autre. L’œil qui perçoit l’image la moins nette risque de développer une amblyopie
suite à l’inhibition de cette image défocalisée, ce qui induit une autre forme de
privation visuelle (13).
27
AMBLYOPIE STRABIQUE
L’amblyopie strabique est unilatérale et résulte de l’inhibition des influx provenant de
l’œil dévié chez l’enfant. Chez l’adulte qui présente une déviation d’un œil par
exemple à la suite de la paralysie d’un nerf oculo-moteur, la diplopie est immédiate et
mal tolérée. Par contre, un enfant qui développe un strabisme avant l’âge de 4 ans ne
se plaindra pas de diplopie parce que la plasticité cérébrale qui le caractérise à cet âge
lui permet d’inhiber les influx de l’œil dévié. Ce mécanisme évite une diplopie, mais
entraîne une amblyopie fonctionnelle par privation. Tout enfant qui présente un
strabisme est dès lors hautement suspect de développer une amblyopie et ce d’autant
plus qu’il est jeune. Plus tôt cette amblyopie sera diagnostiquée et plus rapide sera le
traitement, plus grandes seront les chances de succès grâce à la plasticité cérébrale qui,
elle, décroît avec l’âge.
C) Dépistage de l’amblyopie
Il reste important de dépister l’amblyopie le plus tôt possible afin de profiter de la
plasticité cérébrale qui seule permet d’espérer une récupération plus ou moins
complète de l’amblyopie (14). Ce dépistage doit reposer sur un compromis entre le
manque de fiabilité des examens réalisés très tôt chez les nourrissons et l’intérêt de
mettre en évidence le plus tôt possible les facteurs de risque de l’amblyopie ou
l’amblyopie elle-même déjà constituée.
S’il existe des facteurs favorisants (axe visuel masqué, strabisme ...), il faut pratiquer
sans attendre un examen ophtalmologique. Certainement avant l’âge de 6 mois,
période de la vie où la maturation cérébrale doit normalement permettre l’absence de
signe pathologique. Une déviation des yeux à cet âge et dans les années qui suivent
provoque en effet une disparition de la vision binoculaire par inhibition des influx au
28
niveau de l’œil dévié. Par contre, avec l’aide d’un traitement approprié, la vision
binoculaire peut se restructurer et l’amblyopie s’améliorer grâce à la plasticité
cérébrale importante, caractéristique du jeune âge. Après l’âge de 2 ans, au contraire,
le développement visuo-moteur commence à se figer, l’amblyopie présente de moins
en moins de risques de se déclarer. En revanche, si elle existe, il sera de plus en plus
difficile de la traiter. On considère actuellement, qu’après l’âge de 12 ans, le système
visuel est définitivement fixé dans son développement fonctionnel, tout comme à
l’âge adulte. L’amblyopie, si elle existe à cet âge, est à la lumière des connaissances
actuelles, définitive et ne peut plus bénéficier d’un traitement efficace.
D) Traitement de l’amblyopie
Si l’amblyopie doit être détectée le plus tôt possible au cours des premières années de
la vie de l’enfant, le traitement quant à lui s’étalera sur de nombreuses années, jusque
vers l’âge de 12 ans.
TRAITER TOUT OBSTACLE ANATOMIQUE
Il est actuellement établi que les cataractes congénitales opaques doivent être opérées
dans les premières semaines de la vie car elles induisent très rapidement une
amblyopie.
CORRECTION OPTIQUE
Le traitement visera à détecter tout défaut réfractif tel un astigmatisme. La correction
de ce défaut optique permettra d’améliorer la défocalisation de l’image qui sinon peut
engendrer une amblyopie par inhibition. Il conviendra de réévaluer périodiquement
les examens, à une fréquence d’autant plus grande que l’enfant sera en bas âge
(plasticité cérébrale rime avec vulnérabilité) et que les tests ophtalmologiques seront
perturbés.
29
OCCLUSION
La correction des troubles de réfraction va permettre qu’une image soit correctement
focalisée sur la rétine de chaque œil : mais ce seul élément ne suffira souvent pas à
contrecarrer l’amblyopie. Il faut en effet notamment lutter contre les mécanismes
d’inhibition que nous avons déjà évoqués et il est impératif d’obliger le cerveau à
«utiliser» l’œil amblyope. L’occlusion de l’œil contro-latéral est dès lors
indispensable. Elle vise d’une part à favoriser le développement des cellules
immatures concernées par l’œil amblyope, et d’autre part à éviter la suppression
fonctionnelle de cet œil. L’occlusion efficace consiste en pratique à coller un cache
opaque sur la peau devant un œil. Il faut l’adapter au cas particulier : occlusion
intermittente plus ou moins longue au cours de la journée, ou par jours entiers,
alternance de l’occlusion entre chaque œil, fréquence souhaitable des contrôles ...
Les modalités d’application de l’occlusion sont multiples et doivent être modulées par
le spécialiste. Il faut garder à l’esprit le danger d’une occlusion sans contrôle qui peut
mener à une inversion de l’amblyopie (l’œil non amblyope peut le devenir parfois
définitivement). Insistons également sur le fait que le traitement par occlusion d’une
amblyopie ne doit pas être systématiquement arrêté suite à une intervention
chirurgicale, tout dépendra de l’avis de l’ophtalmologiste. Il arrive malheureusement
encore de découvrir des amblyopies résiduelles parfois importantes parce que les
parents ont interrompu un traitement par occlusion qui était en cours, suite à une cure
chirurgicale de strabisme après laquelle l’enfant n’a plus été suivi en consultation. Les
chances de succès de l’occlusion sont inversement proportionnelles à l’âge du patient
et à la profondeur de l’amblyopie (15). La compliance n’est pas toujours idéale et le
médecin de famille peut renforcer la motivation des parents et de l’enfant à persévérer
dans l’effort (16).
30
PÉNALISATIONS PAR COLLYRES ATROPINIQUES
L’instillation de collyres paralysant l’accommodation (atropiniques) de l’œil non amblyope,
associée ou non à l’occlusion a été défendue par certains auteurs. Ce type de pénalisation a
l’avantage de pouvoir être contrôlée par la simple observation de la mydriase (17).
4) Myopie
A) Étude optique
De loin, l’œil myope est trop convergent. On peut le considérer comme un oeil « trop
long ». Les rayons lumineux convergent en avant de la rétine et l’enfant verra ainsi
flou de loin. Par contre, il voit net de près, et même de très près. A noter qu’il
deviendra presbyte plus tard de ce fait.
B) Étiologies
- Myopie idiopathique : elle est due à une courbure cornéenne trop importante. Elle
est parfois familiale et apparaît souvent à l’adolescence puis évolue sur quelques
années (jusqu’à 30 ans maximum).
- Myopie secondaire : une masse hémangiomateuse peut déformer la cornée et la
chambre antérieure de l’œil. La myopie sera due ici à une longueur axiale de l’œil
trop grande (18).
C) Traitement
Il est avant tout étiologique et consiste donc à traiter l’hémangiome.
Le traitement fonctionnel chez l’enfant fait essentiellement appel à des verres
correcteurs cylindriques.
5) Trichiasis
Il s’agit d’une déviation des cils en arrière vers le globe oculaire qui peut être
secondaire à l’effet de masse provoqué par un hémangiome atteignant le rebord
31
ciliaire. L’irritation permanente de la conjonctive bulbaire et de la cornée, qui en
résulte, est source de kératite et d’entropion.
En cas de nécrose du bord libre palpébral, une perte définitive de cils peut être
observée. Elle est particulièrement inesthétique quand elle atteint la paupière
supérieure.
6) Compression du nerf optique
Plus rarement, un hémangiome orbito-palpébral avec composante intra-orbitaire peut
entraîner une compression ou un étirement du nerf optique avec risque de cécité
secondaire (19).
7) Exophtalmie et lésions cornéennes
Des cas d’exophtalmie avec exposition cornéenne compliquée de kératite ont
également été décrits (20 ; 21).
32
Matériels et méthodes
I> Enfants
Nous avons effectué une étude rétrospective depuis octobre 1994 jusqu’à janvier 2004.
Elle a concerné les enfants atteints d’hémangiomes orbito-palpébraux présentant un
risque fonctionnel et opérés dans le service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique
de l’hôpital Armand Trousseau à Paris, dirigé par le Pr. Vazquez.
Les critères d’inclusion des enfants étaient les suivants :
. Enfant de moins de 3 ans
. Hémangiome infantile confirmé
. Localisation orbito-palpébrale
. Absence d’intervention chirurgicale antérieure
. Risque fonctionnel ophtalmologique établi (examen ophtalmologique anormal) ou
attendu en cas d’abstention thérapeutique :
� Infiltration des muscles oculomoteurs ou effet de masse déplaçant le globe
oculaire entraînant un strabisme.
� Appui cornéen entraînant un astigmatisme.
� Axe visuel masqué entraînant une amblyopie de privation.
� Strabisme ou astigmatisme entraînant une amblyopie d’inhibition.
� Autres : lésions cornéennes, trichiasis ...
Nous avons inclus les enfants qu’ils aient un examen ophtalmologique normal ou déjà
anormal. Un examen était considéré comme fonctionnellement anormal s’il
existait : une amblyopie, un strabisme, ou un astigmatisme (strictement
supérieur à 1 dioptrie).
33
Un examen ophtalmologique était systématiquement réalisé en pré-opératoire, en
post-opératoire immédiat puis à distance. Ces examens ont été réalisés essentiellement
par le même examinateur, le Dr Momtchilova, médecin ophtalmologue de l’hôpital
Armand Trousseau (Paris).
Une imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) ou à défaut par
tomodensitométrie était demandée dans tous les cas pour rechercher une composante
intra-orbitaire voire une composante intra-conique (situation de l’hémangiome par
rapport aux muscles oculomoteurs). Cet examen était nécessaire pour confirmer la
faisabilité de l’intervention.
II> Intervention chirurgicale
1) Dissecteur à ultrasons
A) Historique
Le CUSA est un instrument chirurgical à ultrasons permettant de transformer une
énergie électrique en mouvements mécaniques vibratoires ayant une fonction
disséquante. Il a été initialement commercialisé sous le nom de Cavitron® et utilisé
dès 1967 pour la chirurgie de la cataracte. Il permettait de fragmenter le cristallin
pathologique (phaco-emulsification) en respectant les tissus de voisinage (22).
Rapidement son utilisation fut répandue à de nombreuses spécialités où elle a permis
des dissections avec une grande sécurité dans des tissus très vascularisés. Le
Dissectron® est un dissecteur utilisant la même technologie CUSA mais disposant
d’une pièce à main plus petite et plus adaptée à une chirurgie effectuée dans un espace
limité. Actuellement ces dissecteurs sont essentiellement utilisés en chirurgie
hépatique, en neurochirurgie mais aussi en urologie et en gynécologie (23 ; 24 ; 25 ;
26).
34
B) Fonctionnement général
Le Cavitron® utilise des structures convertissant une énergie électrique en
mouvements mécaniques vibratoires par un phénomène de magnétostriction ; la
magnétostriction étant le phénomène physique qui caractérise les métaux ferro-
magnétiques (fer, cobalt, nickel) dont les dimensions changent lorsqu’ils sont soumis
à un champ magnétique.
Le mouvement vibratoire ainsi obtenu est transmis par l’intermédiaire d’un vibreur.
Le vibreur acoustique est constitué de 3 structures distinctes :
- Le TRANSDUCTEUR est l’élément de magnétostriction qui convertit
l’énergie électromagnétique en vibrations mécaniques. Le transducteur est composé
d’un assemblage de lamelles en alliage de nickel. Le champ magnétique placé autour
du transducteur induit un mouvement mécanique d’environ 300 microns.
- Le CORPS DE FIXATION couple le mouvement du transducteur à l’extrémité
active de la pièce à main (le tip). De plus, cette partie amplifie le mouvement
mécanique du transducteur.
- Le TIP ou sonotrode (aiguille) constitue le dernier élément de l’amplification
du mouvement ainsi que la partie active au contact du tissu à disséquer.
TIP CORPS TRANSDUCTEUR DE FIXATION
Fig. 2. Le Cavitron®
35
La fréquence du champ électromagnétique utilisé pour la structure résonante du
Cavitron® est de 23000 cycles par seconde soit 23 kHz.
Les ultrasons réalisent la fragmentation sélective lorsque l’aiguille (tip), vibrant
longitudinalement à une fréquence ultrasonique, entre en contact avec les tissus. Ce
contact crée un effet de cavitation qui fragmente les tissus en fonction de leur teneur
en eau. Des zones microscopiques de compression et de dépression créent des bulles
de cavitation. Elles viennent imploser contre le tissu en générant une importante
énergie. Les cellules contenant beaucoup d’eau sont fragmentées, alors que les tissus
riches en collagène, tels que les vaisseaux ou les nerfs sont préservés.
Un système d’irrigation couplé au vibreur met en suspension les particules
fragmentées et limite par ailleurs l’échauffement du vibreur. Un système d’aspiration
associé aspire les particules en suspension et le soluté d’irrigation.
Le CUSA System 200 (Cavitron®) est commercialisé par le laboratoire
VALLEYLAB®.
Le Dissectron® distribué par le laboratoire INTEGRA® est un appareil plus récent
que nous utilisons systématiquement depuis l’an 2000 pour la chirurgie des
hémangiomes orbito-palpébraux. Il dispose d’une pièce à main (60 grammes pour
19 centimètres) plus petite et plus légère que celle du Cavitron®. Son principe de
fonctionnement est très similaire à celui du Cavitron® mais il n’utilise pas la
magnétostriction. Il transforme l’énergie électrique en mouvements mécaniques par
piézo-électricité. L’énergie électrique est transmise à des disques en céramique placés
parallèlement en série dans la pièce à main. Ces disques piézo-électriques se
déforment en vibrant longitudinalement à une fréquence ultrasonique. Les
mouvements vibratoires de chaque disque s’additionnent. Cette fréquence de
dissection est réglée à 28 kHz. Le tip ou sonotrode vibre de façon longitudinale sur
5 à 320 µm sans mouvements latéraux parasites associés comme ceux générés par le
Cavitron®. Le coût de revient du Dissectron® est aussi plus avantageux.
36
Fig. 3. Les 3 propriétés du Dissectron®
Fig. 4. Fonctionnement du Dissectron®
Générateur à ultrasons
Aspiration
Irrigation
D I S S E C T R O N
Transformation de l’électricité en mouvements mécaniques dans les céramiques piézo-électriques
Amplification mécanique
Déplacement longitudinal de la Sonotrode 30000 fois par seconde
1
2
3
37
Fig. 5. Pièce à main « Penstyle » du Dissectron ®
C) Utilisation dans le service
L’incision cutanée est réalisée au bistouri à lame « froide ». Le tip du bistouri à
ultrasons est au contact de la lésion d’abord perpendiculairement au plan de dissection,
puis il est utilisé de manière draguante tout autour de l’hémangiome. Les vaisseaux
respectés sont coagulés électivement à la pince bipolaire.
Il ne doit y avoir aucun contact avec une structure métallique qui risquerait
d’endommager le Dissectron®. Nous utilisons pour ce faire des fils tracteurs sur les
berges de la voie d’abord.
Enfin, la pièce à main doit toujours être mobilisée lors de la dissection afin d’éviter un
effet thermique prolongé au même endroit. Une exérèse aussi complète que possible
de l’hémangiome est ainsi réalisée. Certains éléments anatomiques de voisinage
doivent cependant être respectés comme les bulbes des cils, l’insertion du muscle
releveur de la paupière, la poulie du grand oblique ou encore le sac lacrymal.
38
Réglages utilisés dans le service pour la dissection des hémangiomes :
- le Cavitron® et le Dissectron® étaient utilisés en mode pulsé. Cette fonction
permet d’augmenter la sélectivité de dissection des appareils.
- L’amplitude de vibration, exprimée sur les deux appareils en pourcentage, était
réglée entre 40 et 55 en fonction de la localisation de l’hémangiome. La plage de
réglage est comprise entre 2% correspondant à une amplitude de 70µm et 100%
correspondant à une amplitude de 300µm. Plus l’amplitude est élevée, plus l’effet
thermique est important. L’amplitude était donc réglée à 40% en cas de dissection
sous cutanée afin d’éviter une nécrose dermique.
- Le réglage de l’irrigation doit permettre d’obtenir de manière constante un léger
nuage de vaporisation autour du tip.
- L’aspiration est réglée en fonction de l’irrigation.
Les interventions ont toutes été réalisées par des chirurgiens seniors du service de
Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique de l’hôpital Armand Trousseau de Paris.
III> Suivi post-opératoire multidisciplinaire
1) Suivi fonctionnel
Un examen ophtalmologique a été réalisé, pour chaque enfant, dans les 48 heures qui
suivaient l’intervention pour éliminer une complication post-opératoire et observer les
premières améliorations. Un examen plus à distance, plusieurs mois après
l’intervention, a été effectué pour contrôler l’évolution fonctionnelle.
39
2) Suivi morphologique
Les chirurgiens et les dermatologues du service de Chirurgie Maxillo-faciale et
Plastique de l’hôpital Armand Trousseau contrôlaient également en post-opératoire
immédiat, puis plus à distance, l’amélioration morphologique, l’absence de récidive et
l’absence de complication post-opératoire (cicatrice, infection, nécrose …) .
40
Résultats
I> 67 enfants opérés d’hémangiomes orbito-palpébraux avec risques
fonctionnels : place des différents traitements
Entre octobre 1994 et janvier 2004, 67 enfants atteints d’hémangiomes orbito-
palpébraux avec risques fonctionnels ont été opérés dans le service de Chirurgie
Maxillo-faciale et Plastique de l’hôpital Armand Trousseau à Paris. L’âge moyen des
enfants, le jour de l’intervention, était de 8 mois. Le plus jeune a été opéré à 2 mois et
le plus âgé à 25 mois. Le ratio filles/garçons était de 4/1 en faveur des filles.
La taille moyenne des hémangiomes était de 26 mm avec un minimum à 5 mm et un
maximum à 70 mm.
La localisation la plus fréquente était la paupière supérieure où on retrouvait 67% des
lésions. La figure 6 présente les pourcentages pour les différentes localisations
orbito-palpébrales.
Paupière
supérieure
67%
Canthus
interne
7%
Paupière
inférieure
11%
Fronto-
palpébrale
16%
Fig. 6. Localisation des 67 hémangiomes orbito-palpébraux
41
43% des 67 enfants ont reçu une corticothérapie par voie générale en pré-opératoire.
La dose moyenne était de 2 mg/kg/j pour la prednisone et la prednisolone et de 0,150
à 0,225 mg/kg/j pour la bétamethasone. Ces traitements ont été prescrits pour
5 semaines en moyenne (minimum : 1 semaine, maximum : 16 semaines). En raison
d’une absence de réponse satisfaisante, une intervention chirurgicale a été effectuée
pour chacun de ces enfants. Il est intéressant de noter que 96% des 28 premiers
enfants de notre série (opérés avant mars 2000) ont reçu une corticothérapie générale
pré-opératoire. Seulement 5% des 39 enfants opérés par la suite ont reçu une
corticothérapie générale pré-opératoire ; la chirurgie a alors été effectuée de première
intention.
Un effet rebond à l’arrêt de la corticothérapie a été noté dans 3 cas. Ils ont été traités
par une reprise des corticoïdes par voie générale suivie de leur arrêt progressif. La
première enfant, âgée de 3 mois, présentait un hémangiome de la paupière supérieure
droite avec risque d’amblyopie en raison d’un axe visuel partiellement masqué. Une
corticothérapie par prednisone, qui s’est avérée très peu efficace, avait été prescrite
pendant 10 semaines à la dose de 2mg/kg/j. Elle avait entraîné un effet rebond à la fin
du traitement. Le deuxième enfant, âgé de 4 mois, était atteint d’un hémangiome de la
paupière supérieure droite compliquée d’amblyopie et d’un strabisme à 5 dioptries. Il
avait reçu pendant 1 mois une corticothérapie par prednisone à la dose de 2 mg/kg/j.
L’absence d’amélioration a fait poser une indication chirurgicale. Les corticoïdes
arrêtés juste avant l’intervention ont du être repris au 7° jour post-opératoire à la dose
de 2 mg/kg/j en raison d’une nouvelle poussée qui a pu être contrôlée en 2 mois. Le
troisième cas était celui d’une enfant présentant un volumineux hémangiome de la
paupière supérieure droite associé à d’autres localisations faciales toutes très
volumineuses sur le nez, la lèvre supérieure, l’oreille droite et la nuque. Il existait
également des lésions pharyngo-laryngées et hépatiques. Une corticothérapie par
bétamethasone, (Célestène®) avait été prescrite dès l’âge de 2 mois pendant une durée
de 8 semaines à la dose de 0,2 mg/kg/j. Un effet rebond avait été noté dès l’arrêt du
traitement. Elle a reçu ensuite un traitement par vincristine (1mg/m2/injection
hebdomadaire IV) à partir de l’âge de 11 mois pendant 3 mois. Ce traitement s’est
également avéré très insuffisant. L’hémangiome de la paupière supérieure droite
42
mesurait 35 mm de grand axe et possédait une composante intra-orbitaire. Il était
compliqué d’un strabisme, d’un astigmatisme à 2,5 dioptries et d’une amblyopie. Le
traitement médical a permis de contrôler le développement des hémangiomes
comportant un risque vital mais n’a pas entraîné de régression de celui de la paupière.
Une intervention chirurgicale à l’aide du Dissectron® a donc été réalisée à l’âge de
16 mois. L’examen de contrôle retrouvait dès le 3° mois post-opératoire une
disparition de l’amblyopie et de l’astigmatisme. Cependant, un strabisme persistait et
nécessitait la poursuite d’un suivi ophtalmologique rapproché.
Une enfant avait été traitée dans un autre centre par une injection intra-lésionnelle
de corticoïde retard (cortivazol, Altim®). Elle présentait un hémangiome
envahissant toute la paupière supérieure droite avec un axe visuel partiellement
masqué et compliqué d’une amblyopie de déprivation. Ce geste n’a apporté ni
amélioration, ni complication dans ce cas. Il a donc été décidé d’effectuer une exérèse
chirurgicale par Cavitron® à l’âge de 5 mois. L’intervention a permis une exérèse
complète de la lésion en 45 minutes. L’examen ophtalmologique de contrôle réalisé
7 mois après l’intervention était redevenu normal avec notamment une disparition de
l’amblyopie.
Une patiente avait été traitée par interféron alpha, à raison de 3 millions
d’unités/m2/jour en injection sous-cutanée pendant 9 mois, après un échec de
traitement par corticoïde (prednisone) par voie générale. Elle présentait un
volumineux hémangiome palpébro-sourcilier de l’œil gauche de 70 mm de grand axe
avec une composante intra-orbitaire et intra-conique massive engainant le nerf optique
et compliquée d’amblyopie. Le traitement par interféron alpha a permis d’obtenir une
régression de l’hémangiome, mais partielle et essentiellement localisée sur la
composante profonde intra-orbitaire. Une intervention à l’âge de 25 mois restait
nécessaire en raison de l’axe visuel qui demeurait partiellement masqué et de
l’amblyopie persistante. L’intervention réalisée à l’aide du Dissectron® a permis une
exérèse de la lésion en 50 minutes. Celle-ci n’avait pu être que partielle étant donné
43
l’importance de la lésion, mais a permis de dégager l’axe visuel. La consultation
ophtalmologique post-opératoire réalisée avec un recul de 20 mois montrait une
disparition de l’amblyopie. La partie restante de l’hémangiome n’entraînait plus que
des problèmes morphologiques. Ils ont été améliorés par une deuxième intervention,
de plastie cutanée, réalisée 6 mois après le premier temps.
II> Interventions chirurgicales
Toutes les interventions ont été effectuées dans le bloc opératoire du service de
Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique de l’hôpital Armand Trousseau du Professeur
Vazquez. Un chirurgien, le Dr Diner, a réalisé 94% des interventions. Trois autres
chirurgiens séniors ont effectué chacun une intervention ; aucune différence
significative n’a été retrouvée en per-opératoire ni en post-opératoire pour ces trois
interventions.
1) Interventions et hospitalisations (Fig. 7 à 23 en annexe)
Les dissecteurs à ultrason CUSA ont été utilisés dans les 67 interventions. Le
Dissectron® a été utilisé dans 55% des cas. Il a progressivement remplacé le
Cavitron® à partir du début de l’année 2000. Sa pièce à main étant plus petite et plus
maniable, il est apparu plus adapté à cette chirurgie orbito-palpébrale chez le
nourrisson.
La durée moyenne d’intervention était de 67 minutes. Le temps minimum était de
20 minutes et le temps maximum de 110 minutes.
Aucun enfant n’a eu besoin de transfusion per ou post-opératoire.
44
La durée moyenne d’hospitalisation était de 2,5 jours en post-opératoire. La durée
minimum était de 2 jours et la durée maximum de 11 jours.
2) Anatomo-pathologie
Les exérèses ont été complètes dans 57% des cas et supérieures à 90% de la masse
tumorale dans 89% des cas. Le plus souvent, les exérèses incomplètes ont été
secondaires à la nécessité de respecter certaines structures de voisinage : l’insertion du
muscle releveur de la paupière supérieure, la poulie du muscle grand oblique, le sac
lacrymal, les bulbes des cils ou encore le ligament palpébral interne. Dans d’autres
cas, ces exérèses incomplètes ont été secondaires à un prolongement intra-orbitaire
profond avec composante intra-conique ou dues à une absence de plan de clivage.
L’examen anatomo-pathologique a confirmé dans les 67 cas que les lésions
correspondaient bien à des hémangiomes infantiles. Toutes les pièces ont été lues par
le même anatomopathologiste, le Dr Josset de l’hôpital Armand Trousseau de Paris. Il
retrouvait des proliférations de cellules endothéliales formant de fins capillaires
regroupés en lobules, juxtaposés et séparés par des cloisons conjonctives minces. Ces
amas cellulaires pouvaient former des lumières discrètes, le plus souvent virtuelles et
étaient associés à des lacs vasculaires de taille plus importante. Il existait, dans les
lésions les plus anciennes, une fibrose interstitielle qui témoignait du début de la
phase d’involution et une raréfaction des contingents cellulaires. Les limites
d’exérèses étaient souvent en zone pathologique, confirmant ainsi les données
cliniques per-opératoires et pouvaient retrouver des infiltrations de tissus de voisinage,
notamment musculaire ou dermique.
45
III> Examens ophtalmologiques
45 enfants ont pu être suivi par le même médecin de l’équipe d’ophtalmologie de
l’hôpital Armand Trousseau, le Dr Momtchilova. Les examens pré et post-opératoires
de ces enfants sont exposés ci-dessous.
1) Examens pré-opératoires
L’examen était fonctionnellement anormal pour 76% des 41 enfants ayant eu des
examens contributifs en pré-opératoire et en post-opératoire. En effet, 4 enfants sur 45
avaient des examens non interprétables en pré-opératoire et/ou post-opératoire.
Un examen était considéré comme anormal en présence d’une amblyopie, d’un
strabisme ou d’un astigmatisme strictement supérieur à 1 dioptrie.
L’axe visuel était totalement masqué chez 20% des enfants. Il ne l’était que
partiellement mais avec un risque avéré d’amblyopie (amputation de plus d’un tiers
du champ visuel) dans 53 % des cas.
Un strabisme a été diagnostiqué pour 26% des 39 enfants ayant eu des examens
contributifs pour le strabisme en pré-opératoire et en post-opératoire. Six enfants
n’ont pas pu être examinés pour le strabisme en pré-opératoire et/ou en post-
opératoire (hémangiomes empêchant l’examen, comportement de l’enfant …).
Un astigmatisme a été diagnostiqué pour 66% des 35 enfants ayant eu des examens
contributifs pour l’astigmatisme en pré-opératoire et en post-opératoire. Tous étaient
supérieurs ou égaux à 1,5 dioptries. La moyenne était à 3,5 dioptries (minimum :
1,5 dioptries, maximum : 5,5 dioptries).
Dix enfants n’ont pas pu être examinés pour l’astigmatisme en pré- opératoire et/ou
en post-opératoire (hémangiomes empêchant l’examen, comportement de l’enfant …).
Une amblyopie était retrouvée chez 67% des enfants.
46
Il a également été relevé : 4 kératites, un ectropion de la paupière inférieure et un
trichiasis.
2) Examens post-opératoires (Fig. 24 et 25)
Le recul moyen pour la dernière consultation ophtalmologique de contrôle effectuée
par le Dr Momtchilova était de 11 mois, avec des extrêmes allant de 1 à 38 mois.
L’examen était fonctionnellement anormal pour 45% des 41 enfants ayant eu des
examens contributifs en pré-opératoire et en post-opératoire.
L’axe visuel était totalement masqué chez un seul (2%) des 45 enfants. Il ne l’était
que partiellement, mais avec un risque d’amblyopie, pour 2 enfants (4%).
Un strabisme a été diagnostiqué pour 18% des 39 enfants ayant eu des examens
contributifs pour le strabisme en pré-opératoire et en post-opératoire.
Un astigmatisme nécessitant une correction a été diagnostiqué pour 31% des 35
enfants ayant eu des examens contributifs pour l’astigmatisme en pré-opératoire et en
post-opératoire.
La moyenne des astigmatismes était de 1,9 dioptries (minimum : 0,75 dioptrie,
maximum : 5 dioptries).
Une amblyopie était retrouvée chez 22% des enfants dont un cas d’amblyopie
profonde. Dans tous les cas une rééducation et un suivi ophtalmologique étaient mis
en place (correction optique et occlusion intermittente de l’œil sain).
Aucun nouveau cas d’astigmatisme, de strabisme ou d’amblyopie n’est apparu en
post-opératoire.
47
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
Axe visuel Amblyopie Astigmatisme Strabisme
Avant chirurgie Après chirurgie
Fig. 24. Critères fonctionnels avant et après chirurgie
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
EXAMEN ANORMAL
Avant chirurgie Après chirurgie
Fig. 25. Examens fonctionnels anormaux avant et après chirurgie
48
IV > Complications post-opératoires
La surveillance post-opératoire était de 11 mois en moyenne. Elle a été effectuée par
une équipe multidisciplinaire comprenant des chirurgiens, des dermatologues et des
ophtalmologues.
1) Complications immédiates
Aucune complication vitale ou majeure n’a été observée. Aucune transfusion
sanguine n’a été effectuée. Les dissecteurs CUSA permettaient d’effectuer des
interventions très peu hémorragiques avec un contrôle des saignements opératoires
dans tous les cas.
Trois complications locales ont été relevées. Il s’agissait dans 2 cas de souffrances
cutanées des berges cicatricielles, compliquées de surinfections à Staphylocoque doré.
Celles-ci ont été rapidement contrôlées par une antibiothérapie générale associée à des
antiseptiques locaux.
Le troisième cas était un hématome post-opératoire de la loge de dissection. Sa taille
modérée a permis une résorption spontanée en quelques jours sans qu’une nouvelle
intervention ne soit nécessaire.
2) Résultats morphologiques et reprises chirurgicales
Les résultats morphologiques ont été dans la quasi-totalité des cas jugés comme
satisfaisants ou très satisfaisants, aussi bien par les parents que par l’équipe
multidisciplinaire. Dans les exérèses rendues partielles en raison des conditions
locales, on observait une amélioration morphologique spontanée lors de l’involution
49
de l’hémangiome. Dans au moins 4 cas, soit pour 6% des enfants, des temps ultérieurs
de chirurgie à visée morphologique ont été effectués ou seront à prévoir. Dans
certains cas, il s’agissait de cicatrices élargies à la suite de souffrance ou de nécrose
partielle de berges. Dans d’autres cas, il s’agissait de séquelles dues à des exérèses
partielles d’hémangiomes volumineux ; leur involution laissent parfois des excédents
cutanés ou fibro-adipeux inesthétiques nécessitant des gestes de plastie cutanée
secondaires. Des études ultérieures pourront préciser le nombre de ces temps
chirurgicaux.
Discussion
II> Discussion sur notre série
1) Efficacité, reproductibilité et sécurité de la chirurgie
L’étude rétrospective que nous avons effectuée sur 67 enfants atteints d’hémangiomes
orbito-palpébraux avec retentissement fonctionnel, permet de répondre aux questions
formulées dans l’introduction.
La chirurgie précoce de ces hémangiomes a été efficace, reproductible et sûre.
Efficace, car les examens ophtalmologiques anormaux passent de 76% en pré-
opératoire à 45% en post-opératoire. Les axes visuels étaient masqués partiellement
ou totalement dans 73% des cas en pré-opératoire et ne l’étaient plus que pour
3 enfants (6% des cas) après intervention. L’amblyopie qui est le critère le plus
important devient 3 fois moins fréquente passant de 67% à 22%. La présence d’un
astigmatisme à corriger était 2 fois moins fréquente en post-opératoire passant de 66%
à 31%. A cette amélioration quantitative s’ajoutait une amélioration qualitative. En
effet, l’astigmatisme moyen pré-opératoire passait de 3.5 dioptries à 1.9 dioptries
après l’intervention. Une rééducation ophtalmologique associée a été effectuée dans
tous les cas, associant une correction optique et une occlusion de l’œil sain en cas
50
d’amblyopie. Cette prise en charge devrait permettre, à plus long terme, de rendre les
améliorations fonctionnelles encore plus importantes. Efficace aussi en ce qui
concerne le résultat morphologique post-opératoire. Tous les parents ont manifesté
leur satisfaction de constater la disparition complète, ou partielle dans 3 cas, de la
masse hémangiomateuse. Les cicatrices étaient très peu visibles dès le
2° mois et devenaient de plus en plus discrètes au cours de la première année post-
opératoire, qu’il s’agisse de la paupière supérieure ou des voies d’abord sous-ciliaires
inférieures.
Reproductible, car notre série comporte un nombre important d’enfants : 67 ont été
opérés, dont 64 par le même opérateur. Trois opérateurs ont été amenés à pratiquer
chacun une de ces interventions et n’ont pas rencontré de difficultés notables. Pour ces
3 opérateurs, le temps opératoire, la durée d’hospitalisation, l’amélioration
fonctionnelle et les complications n’ont présenté aucune différence significative avec
le reste de la série. Tous les opérateurs ont utilisé et apprécié les dissecteurs à
ultrasons CUSA. Les dissections étaient grandement facilitées et ont permis des
exérèses tumorales de plus de 90% de l’hémangiome pour 89% des enfants.
Sûre, car aucune complication loco-régionale majeure ni générale n’a été relevée.
Notamment, il n’a été effectué aucune transfusion sanguine en per-opératoire ou en
post-opératoire. Les dissecteurs à ultrasons permettaient d’effectuer des interventions
très peu hémorragiques. Les complications locales ont été limitées à 2 cas de
surinfection cutanée bénigne secondaire à des souffrances partielles des berges et à un
hématome qui s’est spontanément résorbé.
Les résultats morphologiques ont été le plus souvent d’emblée satisfaisants. Pour
seulement 6% des enfants, des retouches chirurgicales à visée morphologiques ont été
effectuées ou seront à prévoir.
Nos statistiques ne comportent que des biais limités. Les biais de sélection étaient
faibles étant donné le large recrutement national de la consultation des tumeurs et
malformations vasculaires du service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique de
51
l’hôpital Armand Trousseau. Les biais de diagnostic, existant dans certaines séries de
la littérature, sont inexistants ici car un même anatomopathologiste entraîné aux
lésions vasculaires a lu toutes les pièces d’exérèses. L’unité de lieux pour les
interventions, le bloc opératoire du service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique
de l’hôpital Armand Trousseau, et le fait que le même opérateur ait effectué 96% des
interventions ont permis de rendre les biais d’intervention non significatifs. Les biais
de mesures ophtalmologiques ont été réduits puisque les examens ont été effectués par
le même ophtalmologue pour 67% des enfants (27). Pour chaque critère (astigmatisme,
strabisme, amblyopie et amputation du champs visuel), les enfants n’ayant pas
d’examens interprétables en pré-opératoire et/ou post-opératoire n’ont pas été
comptabilisés pour les statistiques. Ces examens non contributifs pouvaient être
secondaires au comportement du jeune nourrisson ou à la masse hémangiomateuse qui
génaient l’examen.
2) Des résultats perfectibles
Nos résultats ont montré des améliorations de tous les critères. On remarque toutefois
que certaines complications se sont peu améliorées. Notamment, le strabisme ne
diminuait que de 26% à 18%. De même, 31% des enfants en post-opératoire restaient
atteints d’astigmatisme nécessitant une correction. Au total, 45% des enfants
présentaient toujours un examen anormal en post-opératoire. Cependant, ces résultats
devraient continuer à s’améliorer dans le temps, le jeune âge des enfants opérés
permettant d’espérer une récupération fonctionnelle avec une rééducation et une
correction ophtalmologiques contrôlées. En effet, les améliorations fonctionnelles
apparaissent progressivement après une intervention qui supprime un effet de masse
ou une amputation du champ visuel. De plus, la rééducation ophtalmologique
s’effectue sur plusieurs années. Le recul moyen de cette étude était limité à 11 mois,
en raison notamment de l’éloignement géographique de nombreux patients. Cet
éloignement a imposé fréquemment une poursuite locale du suivi ophtalmologique,
52
mais les données de ces examens n’ont pas été exploitées afin de ne pas entraîner
d’importants biais de mesures.
3) Evolution de la prise en charge des hémangiomes orbito-palpébraux
Ces bons résultats ont fait évoluer, dans le service de Chirurgie Maxillo-faciale et
Plastique de l’hôpital Armand Trousseau, la prise en charge des hémangiomes orbito-
palpébraux entraînant un pronostic fonctionnel. La chirurgie est ainsi actuellement
réalisée de première intention à chaque fois qu’elle est possible. Auparavant, elle
n’était réalisée qu’en cas de cortico-résistance. Ainsi 96% des
28 premiers enfants (opérés avant mars 2000) avaient reçu une corticothérapie
générale et seulement 5% des 39 enfants opérés par la suite avaient reçu une
corticothérapie générale.
La tendance actuelle est donc de ne plus attendre la survenue de complications
fonctionnelles pour poser l’indication opératoire.
Nous retenons 3 indications d’urgence chirurgicale à visée fonctionnelle, même
lorsque l’examen est encore normal :
� une occlusion du champ visuel supérieure au 1/3 (Fig. 26, 27 en annexe),
� un appui cornéen localisé (Fig. 28, 29 en annexe),
� une infiltration intra-orbitaire déplaçant le globe (Fig. 30, 31, 32 en annexe).
Il faut insister sur le fait que l’indication opératoire ne dépend pas de la taille mais des
conséquences locales du développement de l’hémangiome.
Mais surtout, ces exérèses chirurgicales précoces doivent être effectuées avant que
n’apparaissent des anomalies à l’examen ophtalmologique. En effet, celles-ci
deviennent rapidement difficilement réversibles chez le nourrisson. Nos résultats
restent donc perfectibles compte tenu du fait que l’examen ophtalmologique pré-
opératoire était anormal dans 76% des cas dans notre série.
Il apparaît donc nécessaire de commencer les traitements devant un risque fonctionnel
avéré même si l’examen est normal
53
III> Discussion sur les autres séries de traitement chirurgical précoce
1) Les principales séries de la littérature
Les autres études de la littérature sur le traitement chirurgical précoce des
hémangiomes orbito-palpébraux sont peu nombreuses et récentes pour la plupart. La
chirurgie occupait pour l’instant une place peu importante dans le traitement des
hémangiomes en phase évolutive ; elle était surtout réservée au traitement des
séquelles morphologiques. En effet, le caractère non encapsulé des hémangiomes, la
richesse de leur vascularisation, et le risque cicatriciel ont freiné le développement de
la chirurgie en phase précoce.
Thomson a été un des premiers, dès la fin des années soixante-dix à proposer un
traitement chirurgical précoce (28). Il a montré qu’il existait une relation linéaire entre
la durée de l’amputation du champ visuel et l’apparition d’une amblyopie. Il concluait
qu’une amblyopie pouvait apparaître après une occlusion de seulement une semaine
chez un nourrisson âgé de moins d’un an. Mais encore aujourd’hui cette notion de
«période critique» n’est toujours pas précisément définie. Il reste notamment à
préciser à quel moment du développement de l’enfant elle correspond, et qu’elle est sa
durée. Thomson préconisait également, à chaque fois que possible, le traitement
chirurgical pour les hémangiomes les plus ambliogènes : « hémangiomes bombant, de
la paupière supérieure, amputant le champ visuel et involuant lentement ». D’autres
études cliniques plus récentes ont confirmé ce constat (29 ; 30).
Plus récemment, au cours des années quatre-vingt-dix, d’autres auteurs ont rappelé
l’intérêt de la chirurgie précoce. Deans a publié en 1992 une étude comportant
5 patients opérés à l’aide d’une pince bipolaire. Aucune complication n’a été signalée
(31). La durée des interventions était de 2 à 3 heures, soit 2 à 3 fois plus que celles
retrouvées dans notre série. En 1994, Walker présentait une série de 12 patients
présentant des hémangiomes orbito-palpébraux opérés en phase précoce (32). Il
insistait sur le fait que les dissections avaient été facilitées par une coagulation
54
monopolaire type « Colorado » (aiguille fine permettant une coagulation sélective).
Cependant, 2 enfants ont du être transfusés en per-opératoire, en raison des pertes
sanguines secondaires à la dissection. Plager présentait, en 1997, 3 enfants porteurs
d’hémangiomes compliqués d’astigmatismes sévères (3 à 8 dioptries) (33). Ils ont été
opérés, sans instrumentation particulière, selon une technique classique. Dans tous les
cas, l’astigmatisme ne nécessitait plus de correction en post-opératoire (0 à 1 dioptrie).
Il existe dans ces 3 articles une approche chirurgicale commune. Les incisions
cutanées ont été effectuées de façon à obtenir une rançon cicatricielle aussi faible que
possible (dans le pli palpébral supérieur, en trans-conjonctivale …). La dissection
s’effectuait ensuite en périphérie de la tumeur en prenant soin de ne pas pénétrer dans
l’hémangiome. Les lésions comportant un envahissement cutané important ou une
absence de plan sous-cutané suffisant (peau fixée à la tumeur correspondant à une
invasion du derme) étaient récusées.
Dans notre étude, ce risque de nécrose cutanée a été particulièrement bien maîtrisé
grâce à l’utilisation du dissecteur à ultrasons. Les zones de décollement sous dermique
étaient préservées par cette dissection atraumatique. Cette propriété a permis de
limiter l’exérèse cutanée dans les hémangiomes mixtes et donc la taille des incisions.
Sur les 67 enfants opérés, seulement 2 cas de souffrances cutanées, partielles et
limitées aux berges cicatricielles, ont été observés.
2) Place des dissecteurs à ultrasons
Les dissecteurs CUSA ont présenté de nombreux autres avantages pour cette
chirurgie effectuée en phase évolutive :
- La dissection par fragmentation et par cavitation cellulaire respecte et isole les
vaisseaux sanguins, permettant d’effectuer des coagulations sélectives à la pince
bipolaire (34). De plus, comme la cavitation de l’eau libère de l’oxygène elle fournit
une hémostase micro-vasculaire supplémentaire. Les pertes sanguines sont ainsi
réduites. Dans notre étude, les saignements per-opératoires n’ont nécessité aucune
transfusion.
55
- Ils laissent à l’opérateur un bon contrôle visuel du champ opératoire, grâce au système
d’aspiration et d’irrigation automatique. Ils permettent d’exposer les plans de
dissection et ainsi facilitent « l’énucléation » des hémangiomes sous cutanés (35). Ils
préservent également les nerfs de petit diamètre (intérêt au niveau de la face) et le
derme.
- Ils préservent la sensation tactile du chirurgien (notamment grâce à la pièce à main
« penstyle » du Dissectron®).
- Enfin, toutes ces propriétés permettent de diminuer le temps opératoire, ainsi que la
durée d’hospitalisation (œdème et traumatisme chirurgical limités).
A notre connaissance, aucune autre étude ne fait référence à l’utilisation du Cavitron®
ou du Dissectron® dans la chirurgie des hémangiomes. En revanche, le système
CUSA est utilisé depuis une vingtaine d’années dans d’autres domaines. Il a ainsi
permis de diminuer la morbidité opératoire des segmentectomies et des lobectomies
hépatiques grâce au contrôle du saignement per-opératoire (23 ; 36). De plus, les
durées opératoires étaient réduites, notamment grâce au système d’irrigation-
aspiration. D’autres séries ont présenté des conclusions similaires, notamment pour la
chirurgie tumorale en neurochirurgie mais aussi en urologie et en gynécologie (24 ;
25 ; 26 ; 37 ; 38).
Mais, si les dissecteurs CUSA permettent des dissections peu traumatiques en
respectant les vaisseaux, ils doivent être utilisés avec prudence au contact des nerfs
(39). Ainsi une étude sur le rat, réalisée par Fischer, a montré que la dissection par
ultrasons induisait des lésions nerveuses avec des vitesses de conduction toujours
altérées 3 mois après l’intervention. Il concluait que la puissance moyenne de
dissection ne devait pas dépasser 3W/cm² (40). Des lésions du nerf auriculaire
postérieur ont également été décrites après dissection ultrasonique chez l’homme (41).
Cependant, ces complications n’ont pas été décrites en neurochirurgie (42 ; 43). Le
risque de lésion nerveuse semble lié à la durée du contact et à l’intensité des ultrasons.
56
IV> Discussion sur les autres traitements disponibles
Une grande variété de traitements a été utilisée pour les hémangiomes orbito-
palpébraux présentant un risque fonctionnel ophtalmologique : corticoïde par voie
générale (prednisone ou prednisolone à raison de 2 à 3 mg/kg/jour ; ou bétamethasone
à raison de 0,15 à 0,3 mg/kg/jour), corticoïde injectée en intra-lésionnel
(triamcinolone le plus souvent), lasers argon et YAG, cryothérapie, agents sclérosants,
embolisations thérapeutiques et radiothérapie. Cette longue liste s’explique par le fait
qu’aucun de ces traitements n’est idéal et applicable pour tous les patients. Ils
possèdent chacun des avantages et des inconvénients. Certains comme la cryothérapie,
les agents sclérosants ou la radiothérapie ne sont plus utilisés en raison des risques
qu’ils entraînaient. La radiothérapie présentait notamment des risques carcinogènes,
de cataracte, et de troubles de la cicatrisation (44).
5) Corticothérapie par voie générale
L’utilisation des corticoïdes a débuté en 1967 (45). Ils avaient été initialement
prescrits pour corriger une thrombopénie associée à un volumineux hémangiome
(Syndrome de Kasabach-Meritt). La constatation de l’involution de cette tumeur a
amené de nombreuses équipes à prescrire des corticoïdes pour des tumeurs vasculaires
infantiles, même en l’absence de thrombopénie (46 ; 47). Cependant, ce traitement
reste actuellement encore empirique et les hémangiomes ne sont pas tous bons
répondeurs (48). Enjolras considère que l’on peut espérer 30% de bons répondeurs
avec régression rapide des lésions ; 40% de réponses douteuses avec stabilisation de la
poussée et régression lente (comme cela se produit sans traitement à des âges variant
d’un nourrisson à l’autre) ; et 30% de mauvais répondeurs s’aggravant malgré
l’augmentation des doses de corticoïdes. Elle insiste également sur le fait qu’il
n’existe aucun facteur prédictif du résultat (6). Bennet a fait une méta-analyse de la
57
littérature qui retrouve 84% de réponses positives en combinant comme critère de
réponse, involution et stabilisation sous traitement (49).
Mais la corticothérapie par voie générale n’est pas dénuée de risques. Les
complications sont fréquentes et peuvent être sévères.
Boon rapportait, en 1999, une étude sur 62 patients traités par voie orale aux doses de
2 à 3 mg/kg (50). Il retrouvait la présence d’un faciès cushingoïde dans 71% des cas,
un retard staturo-pondéral (42%), des troubles du comportement (29%), des brûlures
gastriques (21%), et un risque d’infection et d’ostéoporose. Il s’agit de troubles
réversibles apparaissant après le premier mois de traitement. D’autres complications
plus graves ont été décrites : insuffisance surrénale, hypertension artérielle, myopathie
induite, cardiomyopathie hypertrophique (51).
M.E. Georges insiste sur la fréquence de l’hypertension artérielle (45% des enfants
traités) et sur les effets sur l’axe hypophyso-surrenalien (87% des enfants ont un taux
bas de cortisol matinal) (52). Parmi les risques infectieux graves un cas de
pneumocystose pulmonaire a été rapporté, et nous avons connaissance de 2 autres
complications similaires (O. Enjolras, données non publiées). Elles apparaissent, le
plus souvent, lors de traitements prolongés aux doses massives.
6) Corticothérapie par voie locale
Ces nombreuses complications de la corticothérapie par voie générale ont amené à
développer l’utilisation des corticoïdes en intra-lésionnel. Leur facilité
d’administration et leurs résultats satisfaisants ont contribué à leur popularité. Ainsi, la
corticothérapie par voie locale représente aujourd’hui le traitement le plus
couramment effectué depuis les études de Kushner en 1979 (53). Il a publié en 1985
une étude clinique sur 25 patients qui montrait 84% de réponse favorable, avec des
diminutions de 20 à 80% du volume de l’hémangiome (54). En 1988, Sloan présentait
une série de 31 hémangiomes de la face avec 77% de réponse au traitement (55).
58
Mais les indications sont devenues moins strictes, et de nombreuses complications
sont apparues. Ainsi plusieurs cas ont été décrits de cécité mono voire binoculaire (56 ;
57), de nécrose cutanée palpébrale totale (58), d’atrophie graisseuse sous-cutanée
génienne ou encore de dépôts sous-cutanés de micro-cristaux (59 ; 60).
Ces complications semblent liées à la taille des particules en suspension, 10 à 200µm,
dans la solution injectable de corticoïdes (à comparer au 6 µm d’un globule rouge).
Elles sont susceptibles d’emboliser par voie rétrograde l’artère centrale de la rétine
sous l’effet de la pression lors de l’injection. Egbert a publié en 2001 une étude qui
mesurait les pressions d’injection durant des administrations intra-lésionnelles de
corticoïde (61). Dans chacune des 71 injections effectuées, il a retrouvé des pressions
d’injection supérieures à la pression artérielle systémique. Il concluait en
recommandant d’effectuer des injections de faibles volumes et sous contrôle d’une
ophtalmoscopie indirecte permettant d’arrêter la procédure en cas d’anomalie.
Lorsque ces mêmes particules injectées migrent dans le réseau vasculaire sous-cutané,
elles peuvent induire des lésions allant de l’atrophie du tissu graisseux sous-cutané
loco-régional (sur le trajet du drainage lymphatique palpébral) jusqu’à la nécrose de la
paupière.
De plus, les nombreux vaisseaux drainant les hémangiomes sont en continuité directe
avec la vascularisation systémique ; donc les injections intra-lésionnelles doivent être
considérées comme des corticothérapies systémiques avec tous les effets secondaires
que cela implique. Des insuffisances surrénales et des retards de développement
staturo-pondéral ont récemment été décrits (62 ; 63). Chen a décrit 3 cas de choc
anaphylactique, imputés aux excipients des corticoïdes, sur une série de 155 enfants
traités (64).
Cruz propose comme alternative aux injections intralésionnelles de corticoïdes un
traitement local par propionate de clobétasol dans les hémangiomes tubéreux de la
paupière (65). Mais la réduction du volume tumoral était plus lente par rapport à celle
observée avec les injections intra-lésionnelles. De plus, des effets secondaires
généraux dus au passage systémique des corticoïdes ont également été décrits.
59
7) Interféron alfa et vincristine
Les alternatives pharmacologiques aux traitements corticoïdes pour les hémangiomes
graves cortico-résistants sont limitées. A notre avis, ni l’interféron alfa 2a ou 2b, ni la
vincristine ne se justifient pour un hémangiome strictement palpébral ou orbito-
palpébral du fait de leurs effets secondaires : ils sont à réserver à des formes beaucoup
plus diffuses créant un pronostic fonctionnel ou esthétique majeur, et comportant
parfois un risque létal pour l’enfant (Fig. 33, 34 en annexe).
Dès 1992, Ezekowitz publiait le succès du traitement de 3 hémangiomes périorbitaires,
présentant un risque fonctionnel visuel, par interféron alfa-2a (66). L’efficacité de ce
traitement a été, par la suite, rapportée à plusieurs reprises dans le traitement des
hémangiomes sévères. Le taux de réponse favorable est évalué entre 80 et 90%. Les
régressions tumorales mettent souvent plusieurs mois pour apparaître, par contre elles
sont souvent étonnement bonnes en particulier sur les composantes profondes. Ce
traitement présente cependant de nombreux effets secondaires : neutropénie, cytolyse
hépatique, fièvre, trouble du comportement, trouble du développement moteur et
surtout paraplégie spastique qui devient souvent irréversible (67). Michaud a effectué
une méta-analyse de 600 publications, représentant 3055 enfants traités par interféron
alfa pour hépatites ou hémopathies (majorité des cas) ou anomalies vasculaires (441
enfants, dont 391 avaient un hémangiome infantile). Il retrouvait 11 cas (2,5%) de
diplégie spastique, tous chez des nourrissons traités pour hémangiome, et 18 (4,5%)
« anomalies motrices » (16/18 avaient une lésion vasculaire). Toutes ces
complications neuro-motrices sont survenues chez des enfants âgés de moins d’un an
lors du traitement par interféron alfa (68). Pour ces raisons, l’interféron alfa est
réservé aujourd’hui aux lésions non opérables, cortico-résistantes et comportant un
pronostic vital ou un risque d’amblyopie avérée.
La vincristine, alcaloïde utilisé depuis longtemps en oncologie pédiatrique, est
également utilisée depuis quelques années pour traiter les hémangiomes sévères
cortico-résistants. Plusieurs études récentes ont montré son efficacité et sa rapidité
d’action, avec des réponses nettes (69 ; 70). Ses effets secondaires seraient moins
importants que ceux de l’interféron alfa : asthénie, alopécie, constipation voire iléus
60
paralytique. Cette nouvelle arme thérapeutique concurrence aujourd’hui l’interféron
alpha en attendant l’arrivée de médicaments antiangiogènes plus ciblés.
8) Les lasers
Le laser YAG ou le laser argon ont été utilisés dans le traitement d’hémangiomes
tubéreux extensifs de la face et du cou (71). Le laser YAG serait le plus efficace. Ces
deux types de laser peuvent cependant être responsables de plusieurs complications :
hémorragies postopératoires, cicatrices hypertrophiques, trouble de la trophicité
cutanée. Par ailleurs, leur action est limitée à la partie superficielle de la tumeur. Ces
lasers ne semblent pas suffisamment efficaces sur les tumeurs profondes et épaisses.
Pour cette raison, Apfelberg et Achauer ont proposé l’utilisation du laser Nd :YAG ou
du laser KTP (laser YAG modifié) en intralésionnel et sous anesthésie générale (72 ;
73). Cette technique a été réalisée chez des enfants présentant des hémangiomes
tubéreux ou sous cutanés extensifs. Les résultats obtenus avec les 2 types de laser ne
présentaient pas de différences significatives. Une réduction tumorale supérieure à
50% était observée pour seulement 61% des enfants dans l’étude de Achauer.
L’ulcération cutanée, principale complication relevée, concernait 17% des enfants
dans la série de Achauer. Après avoir effectué ces traitements par laser, une
intervention chirurgicale secondaire restait souvent nécessaire. Elle était pratiquée
dans 76% des cas dans l’étude de Burstein (74).
61
Conclusion
Une grande variété de traitements a été proposée pour les hémangiomes orbito-
palpébraux présentant un risque fonctionnel ophtalmologique.
Les corticoïdes par voie générale ou par injection intra-lésionnelle ne possèdent
qu’une efficacité inconstante qui de plus n’apparaît qu’après un certain délai. Ils ne
peuvent donc pas représenter un traitement de première intention face à une urgence
ophtalmologique. Les traitements médicaux plus récents, comme la vincristine ou
l’interféron alpha, présentent des effets secondaires importants qui les font réserver
aux lésions cortico-résistantes les plus sévères.
Nous pensons que ces différents traitements médicaux doivent être réservés aux
lésions volumineuses, dépassant la région orbito-palpébrale, pour lesquelles la
chirurgie ne parait pas envisageable d’emblée (Fig. 33, 34 en annexe). Les lésions
possédant une composante dermique tubéreuse diffuse restent également parfois
inaccessibles à un geste chirurgical simple et pourraient constituer les dernières
indications des injections intra-lésionnelles de corticoïdes.
Tous les autres hémangiomes orbito-palpébraux engageant le pronostic visuel et
accessibles à la chirurgie doivent être opérés. Notre étude a montré que, grâce à un
dissecteur à ultrasons comme le Dissectron®, la chirurgie représente un traitement
efficace et rapide d’action, tout en étant sûr et reproductible.
Mais surtout, ces exérèses chirurgicales précoces doivent être effectuées avant que
n’apparaissent des anomalies à l’examen ophtalmologique. En effet, rapidement
celles-ci deviennent difficilement réversibles chez le nourrisson. Dans notre série 76%
des enfants présentaient déjà en pré-opératoire un examen anormal alors que l’âge
moyen lors de la chirurgie n’était que de 8 mois. Une prise en charge chirurgicale plus
précoce, à chaque fois qu’elle est possible, permettra à l’avenir d’améliorer encore
davantage la fonction visuelle de ces enfants atteints d’hémangiomes orbito-
palpébraux.
Président du Jury : Madame le Professeur M.P. VAZQUEZ
Directeur de thèse : Monsieur le Docteur P.A. DINER
62
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70
ILLUSTRATIONS
Fig. 1. Coupe sagittale de la région orbito-palpébrale
71
Exemple n°1 (figures 7 à 12)
Fig. 7. Enfant de 2 mois atteint d’un hémangiome fronto-palpébral
Fig. 8. Même enfant au 16° mois post-opératoire
72
Fig. 9. Incision pré-capillaire
Fig. 10. Dissection au Cavitron®
73
Fig. 11. Skelétonisation au ras du derme
Fig. 12. Hémangiome énuclé
74
Exemple n°2 (figures 13 à 23)
Fig. 13. Enfant de 5 mois atteint d’un hémangiome de la paupière inférieure
Fig. 14. TDM précisant l’envahissement intra-orbitaire (coupe coronale)
75
Fig. 15. TDM précisant l’envahissement intra-orbitaire (coupe sagittale)
Fig. 16. Voie d’abord sous-ciliaire
76
Fig. 17. Dissection pré-septale au Dissectron®
Fig. 18. Dissection rétro-septale au Dissectron®
77
Fig. 19, 20 et 21. Orbitotomie du plancher de l’orbite
78
Fig. 22. 3° mois post-opératoire
Fig. 23. TDM de contrôle au 3° mois post-opératoire
79
Les 3 urgences chirurgicales
1. Occlusion du champ visuel supérieure au 1/3 (figures 26, 27)
Fig. 26. Hémangiome orbito-palpébral supérieur droit
Fig. 27. 3° mois post-opératoire
80
2. Appui cornéen localisé (figures 28, 29)
Fig. 28. Hémangiome orbito-palpébral supérieur gauche
Fig. 29. Aspect post-opératoire
81
3. Infiltration intra-orbitaire déplaçant le globe (figures 30, 31, 32)
Fig. 30 et 31. Hémangiome orbito-palpébral inférieur gauche
Fig. 32. 7° mois post-opératoire
82
Fig. 33. Hémangiome fronto-orbito-palpébral non opérable d’emblée
Fig. 34. TDM précisant l’infiltration intra-orbitaire
83
Chirurgie précoce des hémangiomes orbito-palpébraux Sujet : Les hémangiomes orbito-palpébraux exposent à des complications ophtalmologiques majeures. Ils imposent souvent un traitement en urgence, mais les traitements médicaux ne sont pas toujours efficaces et peuvent entraîner des effets secondaires sévères. Ainsi, la chirurgie en phase précoce s’est développée depuis une dizaine d’année. Pour faciliter ces interventions sur des hémangiomes en phase d’évolution, le Service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique Pédiatrique de l’Hôpital Trousseau (Paris) a développé l’utilisation des bistouris à ultrasons. Matériels et méthodes : Cette étude rétrospective porte sur 67 enfants présentant des hémangiomes orbito-palpébraux avec risque fonctionnel ophtalmologique, opérés entre 1994 et 2004. L’âge moyen des enfants était de 8 mois. Le bistouri à ultrasons (Cavitron® ou Dissectron®) a été utilisé dans tous les cas. Résultats : Les exérèses ont été supérieures à 90% de la masse tumorale dans 89% des cas. La durée moyenne d’intervention était de 67 minutes. Le recul moyen post-opératoire du suivi ophtalmologique était de 11 mois. Tous les critères fonctionnels ont été améliorés quantitativement et qualitativement. Aucune complication majeure n’a été observée. Discussion : Les bistouris à ultrasons ont transformé la chirurgie de l’hémangiome en phase précoce en permettant des interventions efficaces, reproductibles et sûres. La chirurgie est ainsi actuellement réalisée de première intention à chaque fois qu’elle est possible. Les traitements médicaux doivent être réservés aux lésions pour lesquelles la chirurgie ne parait pas envisageable d’emblée. Conclusion : Les hémangiomes orbito-palpébraux engageant le pronostic visuel et accessibles à la chirurgie doivent être opérés. Ces exérèses précoces doivent être effectuées avant que n’apparaissent des anomalies fonctionnelles. En effet, rapidement celles-ci deviennent difficilement réversibles chez le nourrisson. Il apparaît donc nécessaire d’intervenir devant un risque fonctionnel avéré même si l’examen est normal. Mots clés : hémangiome, orbite, paupière, chirurgie, bistouri à ultrasons Keywords : hemangioma, orbit, eyelid, surgery, ultrasonic scalpel