these vf mars 2012 bu - u-bordeaux.frori-oai.u-bordeaux1.fr/pdf/2011/guillon_amelie_2011.pdf ·...
TRANSCRIPT
-
N° d’ordre : 4398
THÈSE
PRÉSENTÉE À
L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 1
ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES CHIMIQUES
Par Amélie GUILLON
POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR
SPÉCIALITÉ : Chimie Analytique et Environnement
Étude de la composition isotopique moléculaire ( δδδδ13C) comme
traceur de source qualitatif et quantitatif des hydrocarbures
aromatiques polycycliques (HAP) particulaires dans
l’atmosphère
Soutenue le 16 Décembre 2011
Devant la commission d’examen composée de :
M. BESOMBES Jean-Luc, Professeur, Université de Savoie Rapporteur
M. JAFFREZO Jean-Luc, Directeur de Recherche, CNRS, Grenoble Rapporteur
Mme LEOZ-GARZIANDIA Éva, Ingénieur, INERIS, Verneuil-en-Halatte Président et examinateur
M. MAZÉAS Laurent, Chercheur, IRSTEA, Antony Examinateur
Mme BUDZINSKI Hélène, Directeur de Recherche, CNRS, Bordeaux Directeur de thèse
M. VILLENAVE Eric, Professeur, Université Bordeaux 1 Directeur de thèse
UMR EPOC-LPTC Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux – Laboratoire de Physico- et Toxico- Chimie de l’Environnement
-
A mes grands-parents
-
Résumé :
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont des composés organiques
présents dans l’ensemble des compartiments environnementaux. Dans l’atmosphère, leurs
sources sont à la fois naturelles (feux de biomasse, éruptions volcaniques) et anthropiques
(industrie, transport, chauffage résidentiel). Une fois émis, sous forme gazeuse ou adsorbés
à la surface de particules atmosphériques, les HAP sont susceptibles d’être impliqués dans
des processus physico-chimiques tels que la photodégradation et/ou des réactions
d’oxydation. Du fait de leur toxicité avérée, ces composés sont soumis à différentes
réglementations françaises et européennes. Mais concernant le compartiment
atmosphérique, seul le benzo(a)pyrène présente des seuils d’émission à respecter. Afin de
faire évoluer ces textes et de mettre en place des mesures de réduction d’émissions,
diverses approches ont été développées dans le but de différencier leurs sources.
L’approche moléculaire, basée sur les profils moléculaires et les rapports de concentrations,
permet d’apporter des informations quant à leurs origines. En revanche, elle souffre de biais
induits par les conditions de formation des HAP (température, conditions
environnementales…) et par les processus physico-chimiques dans lesquels ils sont
impliqués. L’objectif principal de ce travail est de mettre en place une méthodologie de
traçage de sources des HAP particulaires par l’approche isotopique. Le développement du
protocole analytique a été réalisé pour déterminer la composition isotopique moléculaire des
HAP particulaires par GC/C/IRMS. Il a été montré que la réactivité des HAP sous l’action
d’oxydants (O3, NO2, radical OH) et de la lumière solaire n’induisait pas de variation de la
composition isotopique moléculaire des HAP. Cette méthodologie a ainsi pu être appliquée
sur des échantillons naturels, prélevés sur des sites caractérisés par des sources
spécifiques. Il a été montré que les δ13C des HAP, en complément de données moléculaires,
permettent de différencier les origines de ces composés. Les caractéristiques moléculaires
et isotopiques de HAP issus de la combustion de plusieurs espèces de bois d’origine
méditerranéenne ont été déterminées en appliquant cette méthodologie à des échantillons
collectés à l’émission. Dans le cadre de l’étude de la pollution et de ses impacts dans le
Bassin d’Arcachon, les apports atmosphériques en HAP ont été mesurés par l’approche
moléculaire couplée à d’autres outils (rétrotrajectoires, oxydants, roses des vents…).
Mots-Clés : HAP, particules, 13C/12C, réactivité hétérogène, traçage de sources
-
Abstract :
Polycyclic Aromatic Hydrocarbons (PAH) are carcinogenic compounds, present in all the
compartments of the Environment. In the atmosphere, their sources are both natural
(biomass burning, volcanic emissions...) and anthropogenic (transport, industry, residential
heating...). Once emitted in the atmosphere, PAH are distributed between gaseous or
particulate phases and are involved in several physico-chemical processes such as
photodegradation, oxidations... Due to their carcinogenicity, emissions of these compounds
are under several kinds of regulations from France and European Union. In the atmosphere,
benzo(a)pyrene is representative of this compound family. In order to promote evolution of
regulations and to develop procedures for emission reductions, several methodologies are
developed for source apportionment. The most commonly used is the molecular approach,
based on molecular profiles and ratios. Nevertheless, conditions of PAH formation and
physico-chemical processes affect these characteristic values. The main objective of this
work is to develop a new methodology of particulate-PAH source tracking based on the
molecular isotopic compositions. The development of analytical procedure was performed to
determine 13C/12C of PAHs by GC/C/IRMS. The study of the impact of PAH reactivity in the
presence of O3, NO2 OH radicals or solar radiations proves that no isotopic fractionation is
induced on their isotopic compositions. Molecular isotopic approach was applied on natural
particles, collected at specific sites: δ13C of PAHs and molecular data allow differentiating
particulate-PAH sources. Therefore, molecular and isotopic characteristics are underlined by
performing this methodology on particulate-PAHs emitted during the combustion of fifteen
Mediterranean woods. Finally, molecular approach coupled with other kinds of
measurements (back-trajectories, oxidant concentrations, wind roses...) enables to evaluate
the levels of PAH concentrations in the atmosphere and the impacts of their sources in the
Arcachon Bay.
Keywords: PAH, particles, 13C/12C, heterogeneous reactivity, source apportionment
-
Remerciements
Ces quelques pages pour remercier ceux et celles qui ont contribué de près ou de loin à la
réalisation de ce travail de thèse.
Tout d’abord je tiens à remercier les membres du jury pour avoir accepté d’apporter leur
regard critique et instructif sur ce travail de thèse, tant sur le manuscrit que lors de leur
venue à Bordeaux par un jour de tempête : M. Jaffrezo et M. Besombes, les rapporteurs, et
Mme Leoz-Garziandia et M. Mazéas, les examinateurs.
Je souhaite remercier vivement Hélène Budzinski et Eric Villenave, mes deux directeurs de
thèse, pour m’avoir accordé leur confiance dans ce(s) projet(s) scientifique(s). Vos qualités
scientifiques, mais aussi humaines, m’ont fait apprendre tant de choses : ce grand écart
entre le « 2nd» et le « 4ème» m’aura fait « grandir ». Cette gymnastique n’aura pas été facile
tous les jours mais le bouquet final est plutôt « joli » et me permet aujourd’hui de prendre
mon envol en ayant plus de confiance en mon travail et mes qualités de « jeune chercheur ».
Merci de m’avoir donné l’opportunité de présenter ce travail en congrès et d’avoir été plus
que présents dans les moments où il le fallait ! Je n’oublierai jamais la 1ère impression du
« musée d’analytique » ou du labo « boui-boui » du 4ème (et oui c’est ça la science !), les
réunions improvisées du samedi matin (en compagnie de Trognon), le « petit déjeuner
GIEC » pour que la science avance (ou pas !), les tubes des années 80 sur le trajet
Bordeaux-Grenoble ou encore les discussions tardives au bout du couloir
(« communication », « rigueur » et BLANC !!!). Un très grand MERCI à chacun de vous deux.
Merci à ceux avec qui j’ai eu la chance de travailler sur le terrain et qui m’ont permis de
recueillir des particules aux 4 coins de la France, notamment Eva Leoz, Nicolas Marchand et
Jean-Luc Jaffrezo pour PRIMEQUAL, Adeline Thevand du SIBA grâce à qui j’ai pris de la
hauteur pour découvrir le Bassin, et toutes les personnes de l’INERIS, du LGGE, du
Laboratoire d’Aérologie (...), que je n’ai pas eu la chance de croiser mais qui ont contribué à
l’échantillonnage ou l’analyse des particules.
Bien évidemment ce travail ne serait pas ce qu’il est sans Karyn qui est parfois allée jusqu’à
se plier en deux (voire en quatre !) pour un capillaire, un four d’oxydation ou un filament de
GC/IRMS ; sans Pierre-Marie (dit 0,9) présent sur le « TPC », au sémaphore ou à la
Lyonnaise avec qui j’ai eu la chance de partager café-croissant au Ferret (!) ; sans Patrick et
Marie-Hélène qui ont contribué à l’élimination des bulles dans le pentane de l’HPLC ou de la
micro-trace longtemps présente dans ces fameux blancs d’IRMS (!) ou encore Nathalie G.
qui m’a donné les clés de l’ACP. Je remercie l’ensemble des membres de l’équipe ATMO
(Mathieu, Caro, Aline, PM, Emilie, …) et de l’équipe CONTA devenue AQUA : Sylvie,
Laurent, Emmanuel, Pierre, les (jeunes) contractuels (Céciline, Thomas, Jonathan, Imilia...),
(moins jeunes) doctorants (Angel, Caroline, Justine, Yan, Perrine, Hoi, Hugues, Julie...) et
-
post-doctorants (Nathalie, Nicolas) qui ont participé aux différentes tâches collectives
(déchets, vaisselle, gestion de stocks...) et sans qui, ce travail n’aurait pu être bouclé en
temps et en heure ! Un merci particulier à tous ceux qui ont prononcé cette phrase en me
croisant dans le couloir : « Amélie, je t’ai mis une demande de vials dans la banette » !!!
Merci à Béatrice et Nadia, les fées du logis, ainsi que Nora et Maylis.
Merci à Matthieu et Geoffroy qui ont grandement apporté à ce travail au travers de leurs
stages respectifs de Master 2, et pour qui la photochimie et les HAP du Bassin d’Arcachon
(Joyau national internationalement reconnu !) n’ont plus de secrets !
Un grand MERCI aux colloc’ de bureau : les débats « ingé vs. master » avec Mathieu (merci
pour le joli surnom de « Little Bird » ou l’ornithorynque du Teich !) ; l’horoscope du matin et le
Coca Zéro de Caro ; le pique-nique de Newport Beach avec Aline ; the international
discussions with Pranay (Thank you !) ; les A/R de Johany depuis l’Oise; la petite Claire ;
Matthieu et Geoffroy, pour vos discussions foot entre autre... Merci pour tous ces moments
où vous m’avez soutenue, encouragée, réconfortée, faite rire... Avec vous tous, la 4ème
dimension a vraiment eu du bon !
Un grand merci à ceux qui ont partagé un café, une bière, un resto ou une crémaillère :
Alexia, Chloé (qui a même trouvé la porte du 4ème !), Fred, Marie-Ange, Nicolas, Ninette, Iris,
Floranne, Ludo, Anne-Laure... Merci pour ces moments hors-labo et ces discussions au
hasard d’un couloir.
Merci à ceux qui ont partagé les cafés, repas au CAES ou encore des matchs de foot :
Raphaël, Fred C., Arnaud, Laurent, Sébastien, Cédric et Pascal (Allez Toulouse !)…
Merci à Jérôme, Edith, Béné et Fred pour les sorties ski !
Merci à Marion-Justine : je ne me ferai jamais à l’heure MJC mais à quand les prochaines
pauses canapé sur le palier ?! Merci pour tes conseils, de près ou de loin, et pour ta
présence !
Merci tout particulier à Coralie ! Je suis heureuse d’avoir échangé avec toi sur la science
(vive les POCIS et les AKP !) et sur la « vraie » vie. Merci pour cette amitié et ce soutien de
tous les jours ! Tu m’as suffisamment remercié d’être là : alors MERCI aussi d’avoir été et
d’être encore à mes côtés !
Je ne pourrais finir sans remercier mes proches qui m’ont épaulée tout au long de ce travail
mais aussi de mes (longues) années d’études et plus particulièrement ceux qui ont accepté
d’être à Bordeaux le jour J : les ami(e)s de la vraie vie (Claire et Mathieu, Stef et Xavier,
Geogeo, Jérémy et Blanche, Damien(s), Seb, Thomas, Emilie et les autres) ; ma famille
adoptive de la Sauve-Majeure (merci pour la source « cheminée » et les pauses piscine-
rédac !) ; ma famille (Nicole et DVJL ; Christophe et SEJC ; ma tante et mon oncle) ; mes
parents et mon frère = vous êtes mes piliers (MERCI BCD !).
Un dernier mot : Merci à toi, mon cœur.
-
Sommaire
Sommaire
Liste des abréviations ................................................................................................................... 1
Introduction Générale ................................................................................................................... 3
Chapitre I. Partie Bibliographique ............................................................................................. 7
I.1 Pollution atmosphérique : contexte et réglementations .............................................7
I.1.1 Qu’est-ce que la pollution atmosphérique ? ..........................................................7
I.1.2 Pollution atmosphérique : historique et prise de conscience .................................8
I.1.3 Impacts sur l’Environnement et la santé ............................................................. 11
I.1.4 Réglementations sur la qualité de l’air en France................................................ 14
I.1.5 Les particules atmosphériques ........................................................................... 23
I.2 Présence et devenir des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) particulaires ....................................................................................................................... 34
I.2.1 Généralités et propriétés physico-chimiques des HAP ........................................ 34
I.2.2 Impacts sur l’Environnement et la santé ............................................................. 35
I.2.3 Origines et sources ............................................................................................. 36
I.2.4 Répartition gaz /particules .................................................................................. 38
I.2.5 Concentrations atmosphériques ......................................................................... 40
I.2.6 Réglementations françaises et européennes sur les HAP dans l’air ................... 42
I.2.7 Devenir des HAP particulaires dans l’atmosphère .............................................. 43
I.3 Etude des sources de HAP particulaires dans l’atmosphère ................................... 48
I.3.1 Approche moléculaire de caractérisation des sources ........................................ 49
I.3.2 Approche isotopique ........................................................................................... 56
I.4 Objectifs de la thèse ............................................................................................... 68
Chapitre II. Matériel et Méthodes .............................................................................................. 71
II.1 Description des différents projets ........................................................................... 71
II.1.1 Projet OSQUAR : Etude des apports atmosphériques en HAP dans le Bassin d’Arcachon (2010-2013)................................................................................................. 71
II.1.2 Projet PRIMEQUAL-13C (2006-2010) : application du traçage de sources par les méthodes moléculaires isotopiques .......................................................................... 72
II.1.3 Projet ChArMEx-CochMex : application du traçage de sources par isotopie moléculaire à la combustion de bois (2010-2014) .......................................................... 72
II.2 Particules naturelles ............................................................................................... 73
II.2.1 Description des différentes campagnes de prélèvements ................................ 73
II.2.2 Matériel utilisé lors des études de terrain ........................................................ 84
II.2.3 Utilisation des rétrotrajectoires ........................................................................ 87
II.3 Description et préparation des particules modèles ................................................. 87
II.3.1 Modèle « minéral » : Particules de silice ......................................................... 87
II.3.2 Modèles « certifiés » ....................................................................................... 90
II.4 Traitement des différents échantillons .................................................................... 91
II.4.1 Méthodes d’extraction ..................................................................................... 91
II.4.2 Méthodes de purification ................................................................................. 97
-
Sommaire
II.4.3 Quantification des HAP ................................................................................. 100
II.4.4 Analyse de la composition isotopique moléculaire (δ13C) par GC/C/IRMS ..... 106 II.4.5 Bilan des différentes étapes développées dans le cadre des trois projets abordés dans cette thèse ............................................................................................. 108
II.5 Validation des protocoles analytiques .................................................................. 110
II.5.1 Validation des analyses isotopiques (13C/12C) ............................................... 110
II.5.2 Validation de la préparation des particules modèles de silice ........................ 116
II.5.3 Validation des conditions d’extraction ............................................................ 119
II.5.4 Optimisation et validation de la méthode de fractionnement HPLC ............... 126
II.5.5 Application du protocole validé pour la détermination de la composition isotopique moléculaire des HAP sur un matériau de référence .................................... 129
II.5.6 Validation de la méthodologie pour le poinçonnage des filtres ...................... 130
II.6 Réactivité en laboratoire ....................................................................................... 131
II.6.1 Traitement des échantillons avant et après la réactivité ................................ 131
II.6.2 Oxydation par l’ozone.................................................................................... 131
II.6.3 Oxydation par le dioxyde d’azote .................................................................. 134
II.6.4 Oxydation par le radical hydroxyle................................................................. 137
II.6.5 Etude de la photochimie ................................................................................ 140
II.6.6 Traitement des données cinétiques ............................................................... 142
II.7 Traitement statistiques des données .................................................................... 143
II.7.1 Principe général de l’analyse en composantes principales ............................ 143
II.7.2 Application aux données acquises dans le cadre du projet PRIMEQUAL-13C 143
Chapitre III. Traçage de sources par une approche moléculaire : contribution de l’apport atmosphérique à la pollution en HAP du Bassin d’Arcachon .................................. 146
III.1 Site périurbain : Andernos-les-Bains .................................................................... 147
III.1.1 Echantillonnage de la période estivale .......................................................... 147
III.1.2 Echantillonnage sur la période hivernale ....................................................... 151
III.2 Site périurbain de proximité océanique : Cap Ferret ............................................. 155
III.2.1 Echantillonnage sur la période estivale ......................................................... 155
III.2.2 Echantillonnage sur la période hivernale ....................................................... 159
III.3 Site industriel : Biganos ........................................................................................ 163
III.3.1 Conditions météorologiques et événements particuliers ................................ 164
III.3.2 Oxydants atmosphériques ............................................................................. 165
III.3.3 Concentrations en HAP particulaires ............................................................. 167
III.4 Bilan sur l’étude des sources ................................................................................ 168
III.4.1 Sources de HAP particulaires à Andernos-les-Bains ..................................... 169
III.4.2 Sources de HAP particulaires au Cap Ferret ................................................. 173
III.4.3 Sources de HAP particulaires à Biganos ....................................................... 177
III.5 Conclusions et perspectives de l’étude des sources atmosphériques en HAP du Bassin d’Arcachon .......................................................................................................... 179
Chapitre IV. Articles .................................................................................................................. 182
Article n°1 ................................... .....................................................................................183
-
Sommaire
Article n°2.................................... .....................................................................................217
Article n°3.................................... .....................................................................................260
Chapitre V. Synthèse ............................................................................................................... 299
V.1 Contexte de l’étude .............................................................................................. 299
V.2 Développement analytique ................................................................................... 300
V.3 Approche moléculaire ........................................................................................... 304
V.4 Applications de l’approche moléculaire isotopique ............................................... 308
V.4.1 Suivi de la composition isotopique moléculaire des HAP particulaires au cours de leur réactivité et de leur photodégradation .............................................................. 309
V.4.2 Application de l’approche isotopique moléculaire sur des particules naturelles ........................................................................................................................312
V.4.3 Caractérisation des HAP particulaires à l’émission : combustion de bois méditerranéens ............................................................................................................ 318
Conclusions et perspectives .................................................................................................... 327
Références bibliographiques ................................................................................................... 333
Annexe n°1 ......... .............................. ......................................................................................... 353
Annexe n°2 .. ..................................... ......................................................................................... 355
Annexe n°3 .. ..................................... ......................................................................................... 358
Annexe n°4 . ...................................... ...................................................................................... ...360
Annexe n°5.... .................................... ......................................................................................... 361
-
Liste des abréviations
1
Liste des abréviations
ACP Analyse en Composantes Principales
AIRAQ Association de surveillance de la qualité de l’air en Aquitaine
ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et
du travail
ASCOPARG ASsociation pour le COntrôle et la Préservation de l'Air en Région Grenobloise
ASE Accelerated Solvent Extraction (extraction par fluide pressurisé)
AtmoPACA Association de surveillance de la qualité de l’air en Provence-Alpes-Côte
d’Azur
CITEPA Centre Interprofessionnel Technique d’Etudes de la Pollution Atmosphérique
CRM Certified Reference Material
COV Composés Organiques Volatils
GIEC Groupe International d’Experts sur le Climat
GC/C/IRMS Gas Chromatography/Combustion/Isotope Ratio Mass spectrometer
(chromatographie en phase gazeuse/combustion/spectromètre de masse
isotopique)
GC/FID Gas Chromatography/Flame Ionization Dectector (Chromatographie en phase
gazeuse couplée à un détecteur à ionisation de flamme)
GC/MS Gas Chromatography/Mass Spectrometry (Chromatographie en phase
gazeuse couplée à la spectrométrie de masse)
HAP Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques
HPLC Chromatographie en phase liquide de haute performance
HYSPLIT Hybrid Single Particle Lagrangian Integrated Trajectory Model
INERIS Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques
ISO International Organization of Standardization
JOCE Journal Officiel des Communautés Européennes
JORF Journal Officiel de la République Française
JOUE Journal Officiel de l’Union Européenne
LCSQA Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air
LNE Laboratoire National de métrologie et d’Essais
NIST National Institute of Standards and Technology
NOAA National Oceanic and Atmospheric Administration
PDU Plan de Déplacements Urbains
PM Particulate Matter
PPA Plan de Protection de l’Atmosphère
PRQA Plan Régional pour la Qualité de l’Air
SPME Solid Phase MicroExtraction (Microextraction sur phase solide)
SRM Standard Reference Material
US-EPA United States Environmental Protection Agency
-
2
Introduction
-
Introduction Générale
3
Introduction Générale
Depuis plusieurs siècles, la pollution atmosphérique ne cesse de causer des effets
néfastes sur l’Homme et son Environnement. Le développement des activités agricoles,
industrielles et des transports a progressivement entraîné une augmentation des émissions
anthropiques. Leurs impacts à l’échelle locale (smog photochimique, pic d’ozone…) ou à
l’échelle globale (réchauffement climatique, trou de la couche d’ozone…), mis en évidence
dès le siècle dernier, ont favorisé la mise en place de réglementations de plus en plus
contraignantes. L’accès aux connaissances scientifiques sur la présence, le devenir et les
impacts des polluants permet de mettre en relief la nécessité d’établir un cadre
réglementaire pour contrôler et limiter les émissions et les activités à l’origine de celles-ci.
Pour cela, la pollution atmosphérique a été placée au cœur des problématiques
environnementales, à travers l’élaboration de protocoles internationaux ou, par exemple, la
création du groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).
Une fois émis dans l’atmosphère, les polluants, présents à la fois en phases gazeuse
et particulaire, sont susceptibles de subir toute sorte de processus physico-chimiques tels
que des réactions d’oxydation ou de photodégradation durant leur transport atmosphérique.
L’ensemble de ces processus est au centre de nombreuses thématiques de recherche, afin
d’établir les liens entre présence et devenir des polluants dans l’atmosphère. Dans un
premier temps, l’intérêt s’est focalisé sur les polluants gazeux, puis il s’est progressivement
porté sur la phase particulaire. L’étude des particules (solides ou liquides), de leurs voies de
formation (primaire ou secondaire) et de leur composition chimique a permis de mettre en
évidence leurs impacts sur l’Environnement et la santé. Ceux-ci sont liés à leur
granulométrie mais aussi à la toxicité des composés chimiques adsorbés à leur surface, qui
vont pouvoir pénétrer dans le système respiratoire.
Parmi ces polluants, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), composés
ubiquistes de l’environnement, présentent des propriétés cancérigènes et mutagènes.
Malgré leur toxicité avérée, seul le benzo(a)pyrène est à l’heure actuelle soumis à une
réglementation avec définition d’une cocnentration cible dans l’air ambiant correspondant à
une concentration maximale de 1 ng/m3 pour la phase particulaire PM10 (moyenne annuelle).
Ce composé représente à lui seul cette famille de molécules. Les sources des HAP,
généralement semblables à celles des particules atmosphériques, peuvent être à la fois
naturelles (volcans, feux de biomasse…) et anthropiques (feux, transports, activités
industrielles et agricoles…). De plus, la réactivité potentielle de ces composés avec les
oxydants atmosphériques et/ou en présence de rayonnement solaire, entraîne la formation
de dérivés nitrés et/ou oxygénés. Par conséquent, il semble primordial d’appréhender leur
présence et leur devenir dans l’atmosphère afin d’élargir le nombre de composés visés par la
législation.
-
Introduction Générale
4
Les méthodologies actuelles de traçage de sources, majoritairement basées sur les
mesures de concentrations moléculaires, souffrent de certaines limites induites notamment
par la réactivité des HAP lors de leur transport atmosphérique. La connaissance de leurs
sources et de leurs contributions à la pollution atmosphérique locale nécessite la mesure
d’un paramètre non impacté par l’oxydation et/ou la photodégradation. Les rapports
d’isotopes stables présentent l’intérêt d’être une grandeur caractéristique des sources et
dont la variation causée par les processus physico-chimiques peut être quantifiée. Leur
utilisation a permis par exemple de tracer les sources de HAP ou d’autres composés dans
les pétroles, les sédiments ou les sols par exemple. Dans l’atmosphère, quelques résultats
préliminaires rapportés dans la littérature sur l’utilisation du rapport 13C/12C des HAP
particulaires ont montré l’intérêt de cette méthodologie mais celle-ci reste à l’heure actuelle
peu documentée. La mise en place de méthodologies de traçage de sources adaptées et
fiables permettrait de faire éventuellement évoluer la réglementation actuelle sur les HAP.
L’organisation d’actions ciblées contribuerait ensuite à réduire les émissions de particules
et/ou des HAP pour améliorer la qualité de l’air.
Les objectifs de ce travail reposent sur la mise en place d’une méthodologie de
traçage de sources des HAP particulaires basée sur la mesure de leur composition
isotopique moléculaire. Ce travail s’articule autour des axes suivants :
- Le couplage de l’approche moléculaire à l’acquisition de données sur site pour le
traçage de sources des HAP atmosphériques sur le Bassin d’Arcachon.
- L’optimisation et la validation d’une méthode d’analyse de la composition isotopique
moléculaire des HAP particulaires par GC/C/IRMS.
- L’étude de l’impact des processus d’oxydation (O3, NO2, radical OH) et de la
photodégradation sur la composition isotopique moléculaire des HAP particulaires.
- L’application de la méthodologie de traçage de sources par l’approche isotopique
moléculaire sur des particules naturelles.
- La caractérisation moléculaire et isotopique, à l’émission, des HAP particulaires
issus de la combustion de différents bois méditerranéens.
-
Introduction Générale
5
Ce manuscrit est composé de cinq parties :
- Le premier chapitre s’attache à décrire le contexte de l’étude et les différents cadres
réglementaires mis en place en lien avec la qualité de l’air et justifie l’intérêt de
développer des méthodologies de traçage de sources dans l’atmosphère.
- Le 2ème chapitre présente les divers programmes et projets dans le cadre desquels
ce travail de thèse a été réalisé. De plus, l’ensemble des protocoles analytiques, des
dispositifs expérimentaux et des conditions de prélèvements des échantillons de
particules naturelles y sont décrits.
- Le 3ème chapitre concerne les résultats préliminaires obtenus dans le cadre de
l’étude des apports atmosphériques en HAP à la pollution du Bassin d’Arcachon.
- Trois publications (soumises prochainement) sont ensuite présentées dans la 4ème
partie :
o la première concerne le suivi de la composition isotopique moléculaire des
HAP lors de leur exposition à divers oxydants atmosphériques (O3, NO2, OH)
et à la lumière.
o la seconde publication présente les résultats obtenus lors de la mise en place
de la méthodologie de traçage de sources par l’approche moléculaire
isotopique sur des échantillons naturels.
o la troisième traite de la caractérisation des HAP particulaires issus de la
combustion de différents bois du Bassin Méditerranéen.
- Enfin, le 5ème chapitre de ce manuscrit présente une synthèse des résultats, les
conclusions et les perspectives de ce travail de thèse.
-
6
CHAPITRE I
Partie Bibliographique
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
7
Chapitre I. Partie Bibliographique
I.1 Pollution atmosphérique: contexte et réglementations
La pollution atmosphérique est un des sujets actuels majeurs lié à la qualité de vie
humaine et à celle de l’Environnement. Au fil des siècles, des observations et des
témoignages se sont succédé pour finalement aboutir à la création d’un domaine d’étude
scientifique à part entière. Les réglementations en vigueur, qu’elles soient nationales ou
internationales, ne peuvent être dissociées de la prise de conscience de la pollution
atmosphérique et de ses conséquences sur l’Homme et l’Environnement.
I.1.1 Qu’est-ce que la pollution atmosphérique ?
On peut s’intéresser en premier lieu aux définitions littérales de ces deux mots :
L’atmosphère est définie comme l’enveloppe gazeuse entourant un astre (Larousse,
2011). Dans le cas de la planète Terre, elle correspond à une enveloppe divisée en cinq
couches : la troposphère de 0 à 15 km ; la stratosphère jusqu’à 50 km ; la mésosphère
jusqu’à 85 km ; la thermosphère jusqu’à 500 km ; l’exosphère ou l’espace. Ses limites sont
définies par l’inversion de variation de température. Sa composition chimique résulte
d’échanges avec la Terre à travers les différentes enveloppes qui la constituent, à savoir la
biosphère (organismes vivants), l’hydrosphère et la cryosphère (eau liquide et solide), la
lithosphère et la pédosphère (sols et partie minérale). Depuis l’origine même de la planète,
un équilibre résulte de ces échanges entre ces diverses enveloppes terrestres et
atmosphériques : la composition chimique de l’atmosphère est établie par cet équilibre. Ces
échanges, appelés cycles biogéochimiques, sont aujourd’hui largement perturbés par les
activités humaines. En effet, ce ne sont pas les variations des constituants majeurs de
l’atmosphère, à savoir le diazote (78 %), le dioxygène (21 %), l’eau ou encore le dioxyde de
carbone (0,037 %), qui sont responsables des variations de cet équilibre de composition
mais les composés émis en faibles quantités qui ont un rôle important dans les réactions
chimiques atmosphériques. On peut considérer l’atmosphère comme un réacteur chimique
tridimensionnel régi par des processus de diffusion, de transport et fortement affecté par le
rayonnement solaire. La majorité des processus d’oxydation atmosphérique est catalysée
par des composés issus d’émissions anthropiques transformés sous l’effet de rayonnements
solaires en radicaux fortement réactifs qui vont perturber les cycles biogéochimiques et
introduire un déséquilibre dans la composition chimique de l’atmosphère. Ces composés
sont majoritairement présents sous forme gazeuse mais aussi particulaire.
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
8
La pollution est « la dégradation de l'Environnement par des substances (naturelles,
chimiques ou radioactives), des déchets (ménagers ou industriels) ou des nuisances
diverses (sonores, lumineuses, thermiques, biologiques, ….). [Bien qu'elle puisse avoir une
origine entièrement naturelle (éruption volcanique, par exemple), elle est principalement liée
aux activités humaines.] (Larousse, site consulté en mai 2011).
On peut aussi considérer sa définition sur un plan réglementaire. En 1968, le Conseil de la
Communauté Economique Européenne propose la définition suivante : ''il y a pollution
atmosphérique lorsque la présence d'une substance étrangère ou une variation importante
dans la proportion de ses composants est susceptible de provoquer un effet nocif, compte
tenu des connaissances scientifiques du moment, ou de créer soit une nuisance, soit une
gêne.''
En 1996, dans la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (dite « Loi
Lepage » ou loi LAURE) intégrée dans le Code de l’Environnement en 2000 (voir paragraphe
I.1.4.3), la pollution atmosphérique est définie comme : ''l’introduction par l’homme,
directement ou indirectement dans l’atmosphère et les espaces clos, d’agents chimiques,
biologiques ou physiques ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en
danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer
sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des
nuisances olfactives excessives'' (Code de l’Environnement, 2000). La principale différence
entre ces deux définitions est que la seconde ne prend en compte que la pollution dite
anthropique.
I.1.2 Pollution atmosphérique : historique et prise de conscience
I.1.2.1 Premières études : observations des impacts de la pollution
atmosphérique
La notion de la pollution atmosphérique, même si ces termes ne sont alors pas
exprimés, est relativement ancienne. Certains auteurs s’inquiètent de l’impact de l’activité
humaine sur son Environnement et décrivent, de façon plus ou moins détaillée, la qualité de
l’air. Au début du XIIIème siècle, Moses Maimonides, physicien espagnol qui a écrit plusieurs
traités de médecine, décrit dans un de ses ouvrages la qualité de l’air des villes comme
« stagnant, turbid and thick » (Rosner, 1984; Rosner, 2002) et fait alors le lien entre ses
patients souffrant de problèmes respiratoires (« asthma ») et la qualité de l’air des villes
(Barker et al., 1963).
Un des premiers ouvrages consacré entièrement à la qualité de l’air parait en 1661
en Angleterre. Alors que la Révolution Industrielle débute en Europe de l’Ouest avec une
nette augmentation de l’utilisation du charbon dans l’industrie et pour le chauffage, John
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
9
Evelyn écrit un traité intitulé « Fumifugium or the Inconvenience of the Air and smoke of
London dissipated » (Smith, 2009).
I.1.2.2 Débuts de l’analyse de la composition chimique de l’atmosphère
Les parutions en 1692 du « General History of Air » de Boyle où est évoquée la
présence de « nitros et salinos-sulphurus spiritus » et de « Vegetables Statics » en 1727 de
Stephen Hales où il note la présence de « acid and sulphurus particles » marquent le début
de la description de la composition de l’atmosphère et non plus seulement de ses impacts et
effets.
Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXème siècle qu’on peut véritablement parler de
pollution atmosphérique. Auparavant, les connaissances tant techniques que scientifiques,
limitaient les avancées sur la pollution et seuls les désagréments de celle-ci étaient évoqués.
Le fort développement technologique, et par conséquent celui des émissions
atmosphériques afférentes, ainsi que la prise de conscience des effets sanitaires (des
fumées par exemple) ont poussé les scientifiques à s’intéresser à la composition des rejets
atmosphériques et à leurs conséquences sur l’Homme, mais aussi sur les animaux, la
végétation, les bâtiments… L’étude de la pollution s’est dans un premier temps focalisée sur
les rejets industriels impactant fortement l’environnement des usines et les actions des
responsables ont été accélérées par la mise en relief des effets sur la santé humaine des
travailleurs. L’intérêt s’étendant ensuite à une pollution urbaine (plus globale que la pollution
industrielle à proprement parlé) a ensuite entraîné une séparation entre l’action scientifique
contre la pollution de l’air ambiant et son étude en milieu industriel. Les mesures deviennent
plus longues, l’atmosphère industrielle présentant de fortes concentrations en polluants par
rapport à des zones urbaines et la recherche de nouveaux constituants de ces masses d’air
est induite par de nouvelles sources…
En 1840, lors d’une expérience devant des étudiants, Christian Schönbein découvre
l’ozone en retrouvant, au cours de l’électrolyse de l’eau notamment, une odeur semblable à
celle de décharges électriques dans l’air.
En 1872, Robert Angus Smith écrit un ouvrage « Air and rain : the beginnings of a
chemical climatology » où il formule la notion de « pluies acides » en analysant l’eau de
collecteurs de pluie recueillie à proximité d’une industrie chimique. Il décrit alors trois types
d’atmosphère : celle de la campagne chargée en carbonates et ammoniaque, celle des
banlieues en sulfates d’ammonium et celle des villes en acide sulfurique.
Au cours de la Révolution Industrielle britannique, l’atmosphère de Londres, tout
comme celle de la majorité des villes européennes, est fortement impactée par la présence
de « fumées noires » qui sont également décrites par des romanciers (Dickens), des peintres
(Monet)… L’augmentation de ces émissions est principalement due à la diminution des
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
10
réserves en bois de chauffage et le remplacement de celui-ci par le charbon (Barker et al.,
1963).
I.1.2.3 Mise en place de mesures systématiques des polluants et étude des
processus physico-chimiques atmosphériques
A partir des années 1870, l’industrialisation gagne de plus en plus de pays d’Europe
de l’Ouest et d’Amérique du Nord, impliquant une nette augmentation des émissions
industrielles et l’introduction des contributions véhiculaires. La chimie et la physique prennent
leur place dans les universités et les laboratoires ; la composition de l’atmosphère devient
l’une des problématiques de recherche en matière d’Environnement.
Les premières lois sur la qualité de l’air, en particulier dans le cadre de l’hygiène
industrielle et professionnelle, apparaissent dans ces pays :
- 1871 : Code impérial sur les professions dans l’Empire allemand
- 1875 : Loi sur la santé publique en Angleterre
- 1877 : Loi sur les fabriques en Suisse
- 1888 : Loi sur l’hygiène et la santé publique en Italie
Dès la fin du XIXème siècle, les premières mesures de l’ozone troposphérique sont
effectuées par dosage colorimétrique, méthode initiée par Schönbein (Lisac et al., 2010).
Au début du XXème siècle, Harold Antoine de Vœux introduit le terme smog, mot
composé de fog (brouillard) et smoke (fumée) suite à de forts taux de particules à Glasgow.
Dans les années 1930, Sidney Chapman propose un mécanisme de formation de l’ozone
stratosphérique. Après 1950, au cours de travaux menés en collaboration avec le comité
chargé du contrôle de la pollution de l’air dans la région de Los Angeles, Arie Haagen-Smith
(Bonner, 1989) décrit la composition du smog photochimique de la ville et identifie la
formation des aérosols à partir des émissions véhiculaires et de la présence d’ozone. En
1995, Crutzen, Molina et Rowland reçoivent le prix Nobel de Chimie (Prix Nobel, site
consulté en avril 2011) pour leurs travaux identifiants les mécanismes de destruction de
l’ozone stratosphérique, notamment en expliquant les écarts entre les concentrations
d’ozone prévues par le cycle de Chapman et les mesures atmosphériques de l’ozone
impactées par la présence des CFC (chlorofluorocarbures).
Le XXème siècle marque réellement un tournant dans le domaine de la chimie
atmosphérique et les problématiques sont de plus en plus nombreuses à voir le jour : trou
dans la couche d’ozone, smog, photochimie, pollution particulaire, composition de
l’atmosphère, effet de serre, conséquences sur le climat … Jusque dans les années 1950, la
pollution atmosphérique restait un problème à l’échelle locale : les « victimes » étaient les
personnes vivant à proximité d’émissions industrielles. La destruction des forêts, des Monts
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
11
Métallifères en Allemagne notamment dans les années 1980, a révélé la nécessité de
considérer la pollution comme un phénomène transfrontalier, et non pas seulement local, et
impliqué une prise de conscience internationale : la pollution atmosphérique est devenue un
phénomène global. Les pollueurs sont devenus mobiles avec le développement du transport
(routier, maritime…) et les parts de l’agriculture et des activités domestiques (chauffage) se
sont ajoutées aux activités industrielles. Les dégâts deviennent diffus, tout comme les
sources de pollution.
La nécessité d’identifier les composants de l’atmosphère et les processus physico-
chimiques dans lesquels ils sont impliqués, est fortement liée à l’étude des impacts de ceux-
ci sur la santé, la qualité de l’air et le climat et de façon générale, la qualité de
l’Environnement.
Tableau I-1 : Evénements majeurs de pollution atmosphérique au XX ème siècle
Date Lieu Polluant incriminé Nombre de morts
1909 Glasgow SO2 et particules env. 1000 morts
1930 Belgique SO2 et particules 60 morts
1948 Etats-Unis (PA) SO2 et particules 20 morts
1952 Londres SO2 et particules 4000 morts
1962 Londres SO2 et particules env. 700 morts
1966 Etats-Unis (NY) SO2 et particules 168 morts
1984 Inde industrie chimique 2000 morts
1986 URSS centrale nucléaire ?
De grands accidents (Tableau I-1) ont fortement accéléré l’intérêt porté à la pollution
atmosphérique et la nécessité de connaitre les impacts de celle-ci sur l’Homme et son
Environnement est née.
I.1.3 Impacts sur l’Environnement et la santé
Dans un premier temps, l’étude des impacts sur l’Environnement a principalement
concerné les végétaux. Dès le XIXème siècle, les pluies acides à proximité d’usines
métallurgiques ont entraîné la destruction des feuilles mais aussi d’arbres et de forêts
entières et focalisé l’intérêt de la communauté scientifique sur ces phénomènes. Au fur et à
mesure des avancées scientifiques et de l’évolution permanente des méthodes de mesure
des concentrations en polluants atmosphériques et de leurs effets, l’intérêt s’est porté sur
des phénomènes globaux, de l’échelle de l’écosystème à celle de la planète.
La santé humaine a toujours été un des sujets de recherche, tant du point de vue des
sciences « dures » que du point de vue purement médical. Les effets des principaux
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
12
polluants concernés par les réglementations en vigueur sont décrits succinctement dans le
Tableau I-2. Les effets et impacts des particules sont détaillés dans le paragraphe I.1.5.5 ;
de même que ceux des HAP (paragraphe I.2.2).
Tableau I-2 : Principaux polluants atmosphériques : sources et effets (d'après Delmas et al., 2005)
Polluant Sources anthropiques Concentrations
courantes Risques pour
l'homme Risques pour
l'Environnement
Temps de résidence
moyen dans l’atmosphère
oxydes d'azote
(NO,NO2,NO3, N2O)
Toute forme de combustion
dont 60% trafic
site rural : 15 à 30 µg/m3
site urbain : 50 à 80 µg/m3
irritations cutanéo-muqueuses
précurseur d'ozone troposphérique, pluies acides, dérive de l'effet de serre, destruction de
la couche d'ozone, eutrophisation
N2O : 150 ans
NO,NO2 : 1 jour
NO3: quelques secondes
dioxyde de carbone (CO2)
chauffage, industrie, trafic 600 mg/m
3
tachypnée > tachycardie,
hypotension… > perte de
connaissance
participation à l'effet de serre et à sa dérive 15 ans
monoxyde de carbone (CO)
Chauffage, trafic (70%)
site urbain : < 20 mg/m3
site rural : < 0,23 mg/m3
céphalées, vertiges (effets réversibles),
troubles cardio-vasculaires
précurseur d'ozone troposphérique
2 mois
Ozone (O3) polluant
secondaire
site de fond : 60 à 100 µg/m3 en
moyenne
irritations oculaires, céphalées, problèmes
ORL, en particulier chez les personnes sensibles
phytotoxique 1 à 2 mois
dioxyde de soufre (SO2)
industrie, centrale
thermique, chauffage
domestique, trafic
site rural : 5 à 15µg/m3
site urbain : 65 à 85 µg/m3
irritations respiratoires, exacerbation des
symptômes respiratoires aigus
pluies acides, pollution acido-particulaire 1 jour
Composés organiques
volatils (COV)
Transport, industrie,
chauffage, agriculture…
Variables selon les composés
Irritants, céphalées, cancérigènes, mutagènes,
tératogènes… (selon les composés)
Variable selon les composés
Quelques heures à plusieurs jours
particules en suspension
(PM10; PM2,5)*
industries, trafic, centrales
thermiques
site rural : 25 à 40 µg/m3
site urbain : 40 à 60 µg/m3
bronchites chroniques, bronchiolite, asthme + effet des substances
adsorbées
impact sur le climat et sur la chimie hétérogène
Quelques heures à plusieurs jours
* PM10 (PM2,5) : particules de diamètre aérodynamique inférieur à 10 µm (2,5 µm)
Parmi les polluants cités, on retrouve certains gaz à effet de serre (ozone, dioxyde de
carbone, protoxyde d’azote) caractérisés par leur capacité d’absorption du rayonnement
infrarouge émis par la Terre, des gaz réactifs (monoxyde de carbone, composés organiques
volatils, dioxyde de soufre, oxydes d’azote) qui participent à la formation d’ozone
troposphérique et de composés acides et enfin, un gaz oxydant (O3) qui est à l’origine de la
formation primaire des radicaux hydroxyles (OH) et prend part dans les processus
d’oxydation. Les impacts des particules en suspension de diamètre aérodynamique inférieur
à 10 µm et 2,5 µm (PM10 ; PM2,5) seront décrits dans le paragraphe I.1.5.5.
Les impacts de ces diverses familles de polluants atmosphériques varient selon des
échelles de temps et d’espace :
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
13
- A l’échelle locale, correspondant à quelques heures de résidence dans le
milieu atmosphérique, les polluants vont avoir un impact sur la santé et sur les
matériaux (bâtiments par exemple) : il s’agit des pollutions de type urbain et/ou
industriel (voir Tableau I-2). De plus, ils sont impliqués dans des processus physico-
chimiques qui vont modifier la composition de l’atmosphère.
- A l’échelle des jours, et par conséquent sur des espaces plus éloignés des
sources de pollution (quelques centaines de kilomètres par exemple), les pollutions
vont affecter les écosystèmes et selon les concentrations, des effets sur la santé
humaine pourront être observés. En effet, les polluants atmosphériques vont être
présents dans les divers compartiments environnementaux résultant d’échanges de
l’atmosphère avec la biosphère, l’hydrosphère, la lithosphère et la pédosphère. Les
dépôts secs et/ou humides sur les végétaux vont induire des perturbations dans le
cycle de la photosynthèse ou de la respiration (Pinto et al., 2010). Lorsque les
végétaux interviennent dans ce cycle, ils deviennent des réservoirs à polluants lors de
phénomènes de bioaccumulation (Chrysikou et al., 2008), impliquant par exemple les
métaux ou les composés organiques (Simonich et Hites, 1995 ; Hung et al., 2001 ; Fan
et al., 2009 ; Foan et al., 2010 ; Yogui et al., 2011). Les polluants présents dans les
feuilles, la végétation et/ou les fruits vont alors être accessibles aux êtres vivants. La
végétation (Kopper et Lindroth, 2003), le lait (Kishikawa et al., 2003 ; Hayward et al.,
2010 ; Darnerud et al., 2011) ou la viande seront, par exemple, les vecteurs du
transfert des polluants vers l’Homme.
- A l’échelle de la planète, les conséquences de la pollution atmosphérique sont
la dérive de l’effet de serre et l’amincissement de la couche d’ozone ; ces phénomènes
sont observés à l’échelle de plusieurs années et chacun des polluants cités
précédemment prend part à l’un ou l’autre de ces phénomènes. En France, en 2002,
entre 6000 à 10000 décès étaient directement imputés, d’après l’ANSES, à la pollution
atmosphérique, et notamment aux particules fines émises par les moteurs, essence ou
diesel.
Les conséquences de la pollution atmosphérique ont entraîné une prise de
conscience générale, tant des populations que des pouvoirs publics et politiques. Des cadres
réglementaires ont été construits dans les pays concernés puis à l’échelle de l’Europe et
enfin à l’échelle internationale, afin de limiter les émissions et les conséquences sur
l’Environnement et la santé publique.
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
14
I.1.4 Réglementations sur la qualité de l’air en France
La réglementation française sur la qualité de l’air, actuellement en vigueur, s’inscrit
dans un contexte international. A l’échelle nationale, certains textes sont la traduction directe
de textes internationaux, qu’ils soient européens ou mondiaux, et sont en perpétuelle
évolution compte-tenu des avancées scientifiques dans le domaine de la pollution
atmosphérique. On se focalisera dans cette partie sur les principaux documents qui
réglementent actuellement la qualité de l’air en France et plus particulièrement ceux
concernant la surveillance et l’évaluation de la qualité de l’air et les mesures techniques de
prévention.
I.1.4.1 Le cadre réglementaire international
Depuis les années 1980, des protocoles internationaux ont régulièrement été
discutés et mis en place lors de débats concernant la qualité de l’air et les changements
climatiques globaux. Ces réunions regroupant un grand nombre de pays ont permis d’arriver
à des accords internationaux. Le Tableau I-3 regroupe les principaux textes internationaux
discutés et mis en place suite à des réunions regroupant des dizaines de pays, afin de poser
les bases d’une réglementation internationale concernant la pollution atmosphérique.
Tableau I-3 : Principaux protocoles et conventions internationaux sur l’air
Nom du texte Année d'adoption Thématique
Convention de Genève 1979 pollution transfrontalière à longue distance
Convention de Vienne 1985 substances appauvrissant la couche d'ozone:
chlorofluorocarbures (CFC), hydrofluorocarbures (HCFC), halons
Protocole de Montréal 1987 réduction des CFC, HCFC et halons
Protocole Soufre, Helsinki 1985 soufre
Protocole de Sofia 1988 oxydes d'azote
Protocole de Genève 1991 composés organiques volatils non
méthaniques
Second Protocole Soufre, Oslo 1994 soufre
Protocole de Kyoto 1997 gaz à effet de serre
Protocole d'Aarhus 1998 polluants organiques persistants et métaux
lourds
Protocole de Göteborg 1999 multi-polluants/multi-effets : eutrophisation,
acidification, ozone troposphérique
Convention de Stockholm 2001 Polluants organiques persistants
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
15
Le Protocole de Montréal a par exemple été ratifié par 196 pays dans le Monde, plaçant les
problématiques environnementales au cœur de négociations internationales. En effet, les
positions politiques en matière de lutte contre la pollution et le réchauffement climatique sont
différentes entre les pays émergents et les pays développés.
Un des textes primordiaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique est
la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques adoptée lors du
Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. Néanmoins, aucune mesure contraignante
n’a été décidée pour l’ensemble des signataires (154 pays + Communauté Européenne) et
seuls quelques pays ont accepté ensuite le Protocole de Kyoto. Cette Convention donne lieu
chaque année à des conférences internationales devant aboutir à un accord international en
matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Dans ce contexte, les conventions internationales définissant les politiques générales
mais ne soumettant aucune limite chiffrée des émissions, sont généralement associées à
des textes européens qui imposent aux pays membres des limites d’émissions et des
objectifs de qualité à respecter. Le protocole de Montréal a ainsi donné lieu à la mise en
place de deux règlements européens limitant les émissions des substances appauvrissant la
couche d’ozone en 1994 puis en 2000 (Règlement n°30 93/94, 1994 ; Règlement
n°2037/2000, 2000). De même, la décision 2006/507/C E relative aux polluants organiques
persistants (Décision n°2006/507/CE, 2006) est l’ap plication de la Convention internationale
de Stockholm signée en 2001. Elle vise à limiter les émissions de cette famille de polluants
dans l’Environnement en établissant une liste non exhaustive de substances et les mesures
concernant la limitation, voire l’arrêt, de la production, l’import et l’export de ces substances.
Dans ce contexte international parfois difficile entre les différents pays signataires,
des textes ont été votés dans le cadre européen pour préserver la qualité de l’air et
réglementer les émissions des polluants.
I.1.4.2 Le cadre réglementaire européen
Depuis une vingtaine d’années, dans un contexte international privilégiant de plus en
plus l’évolution de la réglementation en matière de qualité de l’air, l’Union Européenne a mis
en place une législation pour assurer un air pur à chacun de ses citoyens. Les principaux
textes et directives actuellement en vigueur sont présentés brièvement dans cette partie. On
montre ici une réelle volonté politique dans l’espace européen visant à améliorer la qualité
de l’air en créant des normes de qualité environnementale, en établissant des règles pour
mesurer, enregistrer et conserver les niveaux de concentrations de certains polluants (en
particulier ceux impliqués dans les processus d’acidification, d’eutrophisation et de pollution
photochimique) et en ciblant des actions et des mesures de prévention envers les émissions
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
16
de sources fixes, telles que des installations industrielles et des sources mobiles (en
particulier le transport).
• Principales directives visant certains polluants atmosphériques
Les principales directives établissant les valeurs limites à respecter, et par voie de
conséquence, les techniques, les localisations et les fréquences de mesure, les différents
seuils d’information et d’alerte, pour les polluants atmosphériques, ont été regroupées dans
deux textes majeurs : la directive n°2004/107/CE co ncernant l’arsenic, cadmium, mercure,
nickel, hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l’air ambiant et la directive
n°2008/50/CE (voir paragraphe suivant). Celles-ci p ermettent de fixer les actions à
entreprendre pour réduire et prévenir les effets de ces polluants sur la santé et sur
l’Environnement et en informer le public.
On rappelle ici qu’au sens de la directive n°1999/1 3/CE, un composé organique
volatil est un « composé organique ayant une pression de vapeur de 0,01 kPa ou plus à une
température de 293,15 K ou ayant une volatilité correspondante dans les conditions
d'utilisation particulières » (directive n°1999/13/CE, 1999). Néanmoins dans la directive
n°2008/50/CE, cette définition a évolué, compte-ten u des définitions de la chimie, et les COV
sont « les composés organiques provenant de sources anthropiques et biogènes, autres que
le méthane, capables de produire des oxydants photochimiques par réaction avec des
oxydes d’azote sous l’effet du rayonnement solaire ».
Suite à l’harmonisation des textes européens, ces directives ont été intégrées à deux
directives récemment mises en place : la directive 2008/50/CE et la directive 2010/75/UE,
présentées dans les paragraphes suivants. Ces textes font écho à deux réglementations
précédentes datant de 1996 : la première sur la prévention et la réduction intégrées des
pollutions (Directive n°96/61/CE, 1996) et la secon de concernant l’évaluation et la gestion de
la qualité de l’air ambiant (Directive n°96/62/CE, 1996).
• Directive 2008/50/CE : qualité de l’air ambiant et air pur pour l’Europe
La directive 2008/50/CE adoptée le 21 mai 2008 abroge et remplace plusieurs
directives existantes concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe
(Directive n°2008/50/CE, 2008). Elle associe une de s réglementations majeures concernant
l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant, la directive 96/62/CE, à plusieurs
textes relatifs aux seuils d’émissions des principaux polluants atmosphériques (Directive
n°1999/30/CE, 1999 ; Directive n°2000/69/CE, 2000 ; Directive n°2002/3/CE, 2002). De plus,
elle prévoit d’y intégrer une directive européenne concernant le benzène, les hydrocarbures
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
17
aromatiques polycycliques, le mercure, le nickel, le cadmium et l’arsenic, qui, pour la
première fois dans un texte européen, ont été réglementés (Directive n°2004/107/CE, 2004).
Les valeurs limites et les seuils d’alerte, fixés par cette directive, sont tenus d’être
respectés par les états membres, qui doivent mettre en place des méthodes de mesure et/ou
d’estimation sur l’ensemble du territoire et de façon obligatoire dans les villes de plus de
250 000 habitants et dans les zones susceptibles de pollution chronique. Selon la densité de
population, chaque pays définit des zones (urbaine, périurbaine, rurale et rurale de fond) et
des niveaux de concentrations mesurées et met en place les méthodes et les dispositifs
adéquats de mesures du panel de polluants ciblés. L’ensemble des pays européens
échangent leurs données et participent à l’élaboration d’un registre européen. Ce registre
regroupe les données mesurées pour l’ensemble du territoire et permet ainsi de suivre les
tendances par pays, par secteur d’activité sur plusieurs années et ainsi, d’anticiper les effets
à long terme sur les écosystèmes et la santé humaine. De même, selon les niveaux en
polluants, qu’ils soient en dessous des limites fixées par la directive ou que les seuils
d’information et/ou d’alerte soient atteints, les états membres doivent suivre une procédure
stricte d’information à la population et tout citoyen européen a accès aux informations
concernant la qualité de l’air de la région où il vit.
Enfin, ce texte intègre la démarche initiée dans un premier temps au cours du
programme CAFE « Air pur pour l’Europe » adopté le 4 mai 2001 (COM, 2001a) suite à la
mise en place du 6ème programme communautaire d’action pour l’Environnement
« Environnement 2010 : notre avenir, notre choix » (COM, 2001b). L’objectif principal de ce
programme était d’atteindre une qualité de l’air n’entraînant pas d’effets néfastes sur la santé
et l’Environnement selon les différentes actions permettant de développer les connaissances
scientifiques sur les effets de la pollution atmosphérique, de contrôler l’application et
l’efficacité des normes en vigueur ou encore de mettre en place une stratégie globale de
mesures des polluants. Dès 2005, suite aux conclusions de ce programme, de nouveaux
objectifs ont été établis pour réduire les émissions atmosphériques et mettre en place des
actions concrètes pour limiter les effets de celles-ci à l’horizon 2020 (COM, 2005). Ceux-ci
sont présentés dans les Tableau I-4 et Tableau I-5.
Tableau I-4 : Objectifs de réduction des émissions de polluants à l’horizon 2020 (COM, 2005)
Emissions de polluants Pourcentage de
réduction par rapport à 2000
SO2 82%
NOx 60%
COV 51%
NH3 27%
PM2,5 (sources primaires) 59%
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
18
Tableau I-5 : Objectifs de réduction des effets de la pollution atmosphérique sur la santé et l’Environnement (COM, 2005)
Impacts sur la santé Pourcentage de
réduction par rapport à 2000
perte d'espérance de vie par effet des PM2,5 47%
cas de mortalité aigüe dus à l'ozone 10%
excès de dépôts acides dans les zones forestières
74%
excès de dépôts acides sur les surfaces d'eau douce
39%
zones où les écosystèmes sont soumis à l'eutrophisation
43%
Une nouvelle valeur seuil pour les particules fines a été établie à 25 µg/m3 pour
l’ensemble des pays européens dans le but de réduire le nombre de décès dus à ce type de
pollution. On note une réelle prise de conscience des effets de la pollution particulaire. Cette
stratégie complétait la directive IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control) en
proposant de nouvelles dispositions pour réduire les émissions des petites installations de
combustion, des sources mobiles (transport)…
• Directive 2010/75/UE (refonte de la directive IPPC)
La directive sur les émissions industrielles (Directive n°2010/75/UE, 2010) fait suite à
la directive IPPC (Directive n°96/61/CE, 1996). Cet te dernière a été associée à d’autres
directives présentées dans le Erreur ! Source du renvoi introuvable. (directive
92/112/CEE, 1999/13/CE, 2000/76/CE, 2001/80/CE et 2008/1/CE) pour la création de la
nouvelle directive (2010/75/UE) du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010
relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution). La
directive IPPC était un des textes majeurs de la réglementation européenne dans les années
1990. Promulguée en 1996, celle-ci concernait la prévention et la réduction intégrées des
pollutions, c’est-à-dire qu’elle délimitait un cadre réglementaire pour prévenir et limiter les
pollutions et risques de pollutions chroniques dus à des activités industrielles telles que la
métallurgie, la chimie ou encore l’élevage agricole. Contrairement à l’autre directive de 1996
(Directive n°96/62/CE, 1996), aucune valeur cible n ’était donnée dans ce texte mais c’était
plutôt la démarche à suivre par les industriels qui y était décrite, ceux-ci devant intégrer la
prévention et la diminution des impacts pour l’eau, le sol, l’air, les déchets, l’énergie
utilisée… De ce fait, les entreprises étaient soumises à l’écriture de règles pour atteindre ces
objectifs de qualité en utilisant les meilleures technologies disponibles (best available
techniques reference ou « BAST ») pour y parvenir. Elles devaient présenter régulièrement
un bilan de leurs installations sous réserve de se voir refuser le droit d’exercer leurs activités
(autorisation d’exploitation délivrée tous les 10 ans par les préfets en France). Pour le
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
19
compartiment « air », une liste non exhaustive de polluants ciblés contenait les oxydes de
soufre et d’azote, le monoxyde de carbone, l’amiante, les composés organiques volatils, les
métaux, les particules (PM10), le chlore, le fluor, l’arsenic et leurs dérivés, les cyanures, les
dioxines et furannes et toute substance susceptible d’avoir un effet cancérigène, mutagène
ou reprotoxique.
Depuis la mise en application de la directive IPPC, un registre européen des
émissions de polluants, concernant l’eau et l’air, est actualisé régulièrement par l’agence
européenne de l’Environnement (AEE). En France, ce texte a été intégré au Code de
l’Environnement en 2000. De par l’importance de la directive de 1996 et de son actualisation
en 2010, la directive n°2010/75/UE est une des prin cipales lois concernant l’environnement
en Europe.
Dans ce contexte européen, plusieurs textes français ont été adoptés suite à ces
réglementations européennes ou par rapport à des politiques nationales de maintien et de
contrôle de la qualité de l’air ambiant en France.
I.1.4.3 Le cadre réglementaire français
Les principaux textes français issus d’une démarche environnementale nationale pour
préserver la qualité de l’air sont présentés.
• Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie (LAURE)
La Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie (Loi n°96-1236, 1996) a été
incorporée au Code de l’Environnement à sa création (voir paragraphe suivant). Ses
objectifs sont d’assurer la mise en place d’un système national de la surveillance de la
qualité de l’air et de la prévention de la pollution atmosphérique et d’informer
quotidiennement l’ensemble des citoyens français de la qualité de l’air sur le territoire.
La loi précise les définitions des objectifs de qualité, des seuils d’alerte et des valeurs
limites pour le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, l’ozone et les particules, fixées dans
« le but d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs de ces substances pour la santé
humaine ou pour l'Environnement ».
Les missions pour atteindre ces objectifs sont assurées par des organismes agréés
regroupant des représentants de l’Etat, des collectivités territoriales, des représentants des
activités contribuant à l’émission des substances surveillées et des associations agréées
pour la protection de l’Environnement.
Le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l'Air (LCSQA), créé par cette
loi, regroupant l’INERIS (Institut National de l’Environnement industriel et des Risques), le
Laboratoire National de métrologie et d’Essai (LNE) et l’Ecole des Mines de Douai, assure
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
20
quant à lui la qualité des méthodes utilisées et des mesures réalisées, ainsi que la
coordination des mesures nationales en appui avec le Ministère chargé de l’Environnement.
Enfin, au niveau régional, des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air
(AASQA) sont créées pour réaliser les mesures sur divers sites.
Enfin, divers types de plans et mesures ont été mis en place pour satisfaire
l’ensemble de ces actions, tels que les plans régionaux de la qualité de l’air (PRQA), les
plans de protection de l’atmosphère (PPA) ou les plans de déplacements urbains (PDU).
Certains de ces plans soumis à une réévaluation tous les 5 ans, compte-tenu des avancées
et des mesures prises, n’ont pas été reconduits depuis 1996. D’autres types de mesures ont
été définies par la loi LAURE afin de transmettre les informations au public et d’appliquer des
limitations et des mesures de contrôle sur les émissions polluantes des sources mobiles et
fixes, domestiques et industrielles.
• Code de l’Environnement (2000)
Depuis 2000, le Code de l’Environnement regroupe l’ensemble des législations
concernant ce domaine en France et permet d’harmoniser et de compléter les 39 lois
précédentes relatives à ce sujet. En effet, la législation était jusqu’alors diverse et variée en
termes d’origines et d’époques. Ce texte définit : « Les espaces, ressources et milieux
naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la
diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent […comme] partie du patrimoine
commun de la nation. » (Code de l’Environnement, 2000). L’objectif principal du Code est
« d’assurer le droit [à] chacun à un Environnement sain » et « d’assurer un équilibre
harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales. » (Code de l’Environnement,
2000). Après plusieurs propositions de textes depuis 1992, la loi a été définitivement adoptée
en décembre 1999. Parmi ces différents paragraphes, trois d’entre eux concernent
directement la pollution atmosphérique et la qualité de l’air.
Dans le livre I, on peut trouver un renvoi concernant la Taxe Générale sur les
Activités Polluantes. Cette partie remplace de nombreux décrets déjà existants, dont celui de
1977 relatif aux installations classées (Décret n°77-1133, 1977) et permet une harmonisatio n
de la législation sans réelle modification des textes précédents. Le paragraphe « Air et
atmosphère » du livre II procède quant à lui à la codification de la Loi sur l’air de 1996 (voir
paragraphe précédent). Il assure la mise en œuvre du droit à chacun de respirer un air qui
ne nuise pas à sa santé. Il y est précisé que « La protection de l'atmosphère intègre la
prévention de la pollution de l'air et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ». Le
dernier point est cité dans le livre V. Il concerne la prévention des pollutions, des risques et
des nuisances et la mise en place de dispositions relatives aux installations classées pour la
protection de l’Environnement.
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
21
• Arrêtés, décrets et évolution des textes
En complément de la Loi LAURE, différents arrêtés ont été votés pour définir ou
modifier des textes portant sur la surveillance de la qualité de l’air.
L’arrêté du 2 février 1998 a apporté des compléments à la loi LAURE concernant les
émissions industrielles et les installations classées pour la protection de l’Environnement
(Arrêté du 2/02/1998).
L’arrêté du 10 janvier 2000 traite du mode de calcul de l’indice de la qualité de l’air,
publié chaque jour par l’ensemble des réseaux de surveillance de la qualité de l’air en
France (Arrêté du 10/01/2000). Ce mode de calcul est basé sur la détermination d’indices
relatifs à l’ozone, au dioxyde de soufre, au dioxyde d’azote et aux particules en suspension
(PM10), dépendant des concentrations horaires maximales sur une journée qui entraînent la
prévision de l’indice du lendemain des mesures. Si l’un des indices d’une substance n’est
pas correct, l’indice global ne le sera pas non plus. L’indice global permet ensuite de donner
un niveau de la qualité pour la journée dans un lieu donné en mettant à disposition de toute
personne l’indice associé à un code couleur (Tableau I-6).
Tableau I-6 : Indices de la qualité de l’air et code couleur Indice Qualificatif Couleur
1 Très bon Vert
2 Très bon Vert
3 Bon Vert
4 Bon Vert
5 Moyen Orange
6 Médiocre Orange
7 Médiocre Orange
8 Mauvais Rouge
9 Mauvais Rouge
10 Très mauvais Rouge
En 2004, cet arrêté a été abrogé et remplacé par un autre texte (Arrêté du 22/07/2004)
établissant d’autres seuils de concentrations en polluants pour la détermination de l’indice de
la qualité de l’air avec (Tableau I-7).
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
22
Tableau I-7 : Concentrations utilisées pour le calcul de l’indice de la qualité de l’air
Dioxyde de soufre (µg/m 3)
Dioxyde d’azote (µg/m 3)
Ozone (µg/m 3)
PM10 (µg/m 3)
Sous-indice
0 - 39 0 - 29 0 - 29 0 – 9 1
40 - 79 30 - 54 30 - 54 r''"10 - 19 2
80 - 119 55 - 84 55 - 79 20 – 29 3
120 - 159 84 - 109 80 - 104 30 – 39 4
160 - 199 110 - 134 105 - 129 40 – 49 5
200 - 249 135 - 164 130 - 149 50 – 64 6
250 - 299 165 - 199 150 - 179 65 – 79 7
300 - 399 200 - 274 180 - 209 80 – 99 8
400 - 499 275 - 399 210 - 239 100 – 124 9
≥500 ≥ 400 ≥240 ≥ 125 10
De même, les seuils de recommandation, d’information et d’alerte aux populations sont en
perpétuelle évolution, au regard des législations aux niveaux européen et mondial. En effet,
la législation française se doit d’évoluer en fonction du droit européen et des lois
internationales. Les principaux arrêtés actuellement en vigueur sont rassemblés dans le
Tableau I-8.
.
Tableau I-8 : Arrêtés français concernant la surveillance de la qualité de l’air
Thème de l’arrêté Référence
Seuils de recommandation et conditions de déclenchement de la procédure d'alerte
Arrêté du 17/08/1998
Modalités de surveillance de la qualité de l'air et d'information du public
Arrêté du 11/06/2003
Indices de la qualité de l’air Arrêté du 22/07/2004
Modalités de surveillance de la qualité de l'air et d'information du public (modifiant l'arrêté du 17
mars 2003) Arrêté du 25/10/2007
Modalités d'analyse dans l'air et dans l'eau dans les installations classées pour l'Environnement et
aux normes de référence Arrêté du 07/07/2009
Désignation d’un organisme chargé de la coordination technique de la surveillance de la
qualité de l’air au titre du code de l’Environnement
Arrêté du 29/07/2010
Modalités de surveillance de la qualité de l'air et d'information du public
Arrêté du 21/10/2010
On remarque qu’ils concernent en grande partie la surveillance de la qualité de l’air et
l’information transmise au public.
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
23
Actuellement, le Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et
du logement (site AIDA, consulté en mai 2011) propose un récapitulatif des textes en vigueur
concernant l’air en France. Plus d’une centaine de textes y sont présentés et concernent
principalement la protection de la couche d’ozone, la définition et la désignation d’agréments
pour la mesure de la pollution et enfin, les mesures techniques de prévention de la pollution.
On remarque que la majorité de ces textes date des années 2000. Ceci montre bien qu’en
matière d’Environnement, et notamment concernant la pollution atmosphérique et la qualité
de l’air, de plus en plus de réglementations concourent à la réduction des émissions et au
maintien d’une qualité de l’air sur le territoire français mais aussi sur le continent européen et
la Terre.
Dans ce paragraphe I.1.4, il a été présenté une liste non exhaustive des principaux
textes français, européens et internationaux concernant la surveillance et la gestion de la
qualité de l’air. Ces textes sont en perpétuelle évolution et sont régulièrement soumis à des
modifications du fait de l’évolution des connaissances scientifiques sur les polluants et sur
leurs impacts sur l’Environnement et la santé publique. Compte-tenu de l’application de la
législation européenne en France, les seuils d’émissions sont de plus en plus contraignants
et l’Union Européenne impose aux pays membres de respecter les normes de qualité de
l’air. Par exemple, en 2011, la France a été renvoyée devant la Cour Européenne de Justice
pour non-respect des niveaux de concentration ambiante de particules (PM10) dans plusieurs
zones du pays (COM, 2010). Du fait des multiples impacts de ces polluants sur la santé (voir
paragraphe I.1.5.5) et de la réelle volonté de l’UE à faire respecter les normes, la France doit
mettre en place des actions pour pallier à ce problème. Le cas particulier des particules va
être décrit plus précisément dans le paragraphe suivant, compte-tenu de leurs propriétés
physico-chimiques, des impacts qu’elles présentent sur la santé et l’Environnement, et des
implications politiques qu’elles engendrent pour la France comme pour d’autres régions du
Monde.
I.1.5 Les particules atmosphériques
Les aérosols regroupent les particules solides et liquides en suspension dans une
phase gazeuse. Ils présentent une grande diversité tant de par leurs origines, leurs sources
d’émission, que de par leurs propriétés physico-chimiques, celles-ci pouvant également
varier au cours du temps.
-
Chapitre I. Partie Bibliographique
24
I.1.5.1 Réglementations en vigueur pour les particules
Comme précisé précédemment, les seuils de concentrations en particules (PM10) sont
fixés par la directive européenne n°2008/50/CE (Tab leau I-9).
Tableau I-9 : Valeurs seuils à respecter pour les niveaux de particules dans l’air ambiant en Europe
particules période de référence valeurs limites échéance Textes de loi
PM10 année 40 µg/m3 1er janvier 2010 Directive
n°2008/50/CE PM2,5 année 25 µg/m3 1er janvier 2015
Celle-ci fait suite à la directive 1999/30/CE qui exigeait une valeur cible pour les
concentrations ambiantes en PM10. En revanche, la directive de 2008 a été complétée en
ajoutant une valeur seuil pour les PM2,5 (Tableau I-9).
La méthode de référence pour les mesures des PM2,5 et PM10 est basée sur le
prélèvement par filtration suivie d’une analyse gravimétrique. Seul un suivi en masse est
demandé et la composition chimique n’est, à l’heure actuelle, pas soumise à réglementation
à l’exception de celle en métaux (plomb, arsenic, cadmium, nickel) et en benzo(a)pyrène
dans la directive de 2004 pour les PM10 (Directive n°2004/107/CE) et les anions, cation,
carbone élémentaire et organique pour les PM2,5 dans l’annexe n°4 de la directive de 2008
pour des sites ruraux. La méthode de mesure gravimétrique est décrite dans la norme EN
12341.