tilly - action collective

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CHAPITRE 8. ACTION COLLECTIVE ET MOBILISATION INDIVIDUELLE Charles Tilly in Pierre Birnbaum , Sur l?individualisme Presses de Sciences Po | Références 1991 pages 211 à 243 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/sur-l-individualisme---page-211.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Tilly Charles, « Chapitre 8. Action collective et mobilisation individuelle », in Pierre Birnbaum , Sur l?individualisme Presses de Sciences Po « Références », 1991 p. 211-243. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 8 - - 93.9.252.236 - 24/10/2013 19h19. © Presses de Sciences Po Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 8 - - 93.9.252.236 - 24/10/2013 19h19. © Presses de Sciences Po

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Page 1: Tilly - Action Collective

CHAPITRE 8. ACTION COLLECTIVE ET MOBILISATIONINDIVIDUELLE Charles Tilly

in Pierre Birnbaum , Sur l?individualisme Presses de Sciences Po | Références 1991pages 211 à 243

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/sur-l-individualisme---page-211.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Tilly Charles, « Chapitre 8. Action collective et mobilisation individuelle », in Pierre Birnbaum , Sur l?individualisme

Presses de Sciences Po « Références  », 1991 p. 211-243.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po.

© Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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TROISIÈME PARTIE

INDIVIDUALISMEACTION COLLECTTVE

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CHAPTTRE 8

ACTION COLLECTIVEET MOBILISATION INDTVIDUELLE '

POURQUOT CE MALATSE ?

Les écria conæmporains ponant sur I'action collective populaireproposent d'amples récits ùconstanci& et de nombreur modèles génêraur, mais ils laissent souvenr subsister un vide eoûe les deux. Leschercheurs qui veulent donner un fondement théorique sérieur à l'ex-plication ds mouvements socieux concrers et des révolutions réellesn'ont à leur disposition qu'un appareil théorique défectucux, tandisque les thôriciens qui prennent pour point de départ un modèle sesentent oblig& de recourir à des récits simpli66 er convendonnelsd'événements déià connus, sens y trouver de perspectives nouvelles.Nos théories bénéficieront toujours de l'appon de nouveaur récits,mais pour I'instant le déficit se trouve de I'autre côté, celui desmodèles et des théories. En voici les principale difficult&.

1. l.acunes à I'intérieur des modèles : les modèles foumissent desanalyses plus ou moins accepables des rùons pour lesquelles, enprincip€, un ensemble de personnes qui parugent un intér& entre-prendraient une action concertée, ils andysent avec moins de précisionls raisons pour lesquelles un individu se joindrait à une action col-lecive, mais nttablissent pas de rapporrs véritables enrre les décisionsindividuelles et collectives.

2. Mod.èl^es à acteur unQue : puisque, dans la réalité, I'action col-

l. La National Science Fouodation (Ees-Unir) sbveotioæ le projet de mlcrches. Tansformations socialæ et action ollective en Fnnce et eo Gnnde.bretagne ,, dontce chapitre utilise quelqus r&ulas.

Ia bibliographie st rassembtée à la 6n de ce chapire

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lective consisæ le plus souvent en des actions réciproques et straté-

giques entre groupcs et à I'intéricur des groupes, lcs modèles qui

analysent le componement d'un acteur unique manquent lcur cible,

surtout lorsqu'ils attribuent à I'acteur une prédisposition à I'unité et

une stratégie unique.

3. Modèles statiqaes.' puisquc I'action collective est dynamique, et

ses conséquenccs dépendent du cours même de l'action réciproque,

dcs modèles statiques qui servent simplcmcnt à déduirc le compor-

tement du groupe de son crractère ou des conséquences de l'action

du componement du Broupe représentent mal le processus.

4. Expliratinn contextrclle ou essenticlle platôt que oolonwire des

comportements. .Il serait sans doute très désirôle en principe d'amé-

liorer nos explications contexnrelles (celles qui expliquent le com-

poftement de I'acteur par des reponscs à son environnement), et I'on

ne peut qu'applaudir au lent remplacement des explications esseirtia-

listes (celles qui déduisent I'action du caractère de I'acteur) par des

explications contennrelles de I'action colleæive, cependant nos théo-

riciens n'ont toujours pæ aujourd'hui les moyens de créer des modèles

coritextuels à multiples aceurs dans le cadre de phénomènes si comt

plexes. Pour l'insant des modèles volontaires (ceux qui attribuent à

I'acteur dcs bus, des moyens, et des règles de décision) seront mieux

adaptâ à leurs objets.

Comme nous le verrons, cerains théoriciens échappent à I'une ou

I'autrc des dif6cult6 ; des effons utiles ont été faits pour combler

certa;nes lacunes et il existe d'intéressants modèles à multiples acteurs.

Mais, en général, un théoricien ne trouve une solution partietle à

I'un des problèmes qu'en aggravant les autres: il construit, par

excmple, une analysc volontairc de I'action collective populaire en

postulant des acteurs uniques à dispositions uniques. Personne

n'échappe simultanément aux quatrc diffcultés-

Celles-ci nous aident à comprendre une anomalie des écrits concer-

nant I'action collecdve, à savoir le contraste frappant entrc l'intérêt

présenté par plusieurs modèlcs partiels de divers aspecs de I'action,

la richesse de compréhension dc ccrtains rypes d'action têvêlêr par

cenains récits et la mollesse dc la plupart des efforts Pour oonsmlire

des analyses compréhensives de l'action collcctive. Cettc critique peut

également être adressée à nos propres efforts.

Cet essai ne résoudra point les problèmes théoriques de l'acrion

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collective. II a simplemenr pour objet d'cn facilitcr la résolution dedeux façons : en eraminant cerains cas d'action collecdve où le rap-pon entre les niveaux individuels et colleccifs s'avère visiblemenr pro-blématique, en étudiant aussi avec soin les difficultés qu'affrontent de

cc point de we les thôriciens. L'examen d'une suite concrète d'ac-tions collectiva plutôt qu'un exemple fabriqué compliquera le travailde réflexion, mais aidera nânmoins à éclairer les faiblesses des modèlescourants. Dans ce seru, il faut se pencher sur les confliw du printemps1906 qui ont lieu en France ayant de considérer les moyens posiblesd'analyser les diverse spèces d'action collective populaire visibles dansla France de 1906.

Mon étude de cette action menra I'accent sur le con{lit et surl'action collective discontinue, la contestation plutôt que la stabiliÉ.Les données provie.nnent d'un inventaire de grèves, de violences col-lectives, et d'" assemblées contcstataircs " : dcs momena où da per-sonnes se rassemblent dans un espace accessible au public et exprimentà l'égard d'autrui une volonté collecdve qui, réalisée, toucherait àleurs intérêc. Les manifestations conresaaires comprennent presquetoutes des événements que les autorités, lq classes dirigeantes, et les

chercheurs mal renseignâ dénommeut u émeute o, o d6ordre "," uouble D, etc., ainsi que plusieurs réunions, défiIés, et autres ras-

semblements qui sont d'ordinaire moins stigmatisés.

Pour la période de 1900, notre équipe a constitué son calendrierd'événements à panir de plusieurs sources.: la. Statisti4ae des grèztes,

la correspondânce et les rappora des ministères de la Justice et dcl'Intérieur, des archives administratives locdes, des annuaires poli-tiques, et des journaux. Notre inventaire n'attcint pas la qualité d'unéchantillon compréhensif ou même strictement représentatif, mais ilconstitue malgré tout un Eblcau largc et richc dcs formes d'action,des enjeux, et des conséquences de l'action collective populaire à unmoment cridque du XX. siècle naissant.

IJN PRINTEMPS MOI.JVEMENTE

Âu printemps de 1906, la lrance s'inquiète. Avec raison, les tra-vailleurs du segteur public exigent le droit dc s'organiscr, lcs fédé-rations ouvrièrei co[lmencent à montrer leur force et les défenseursde I'Eglise se mobilisenE La CGT appclle à unc série dc manifestationsmonstres le l- mai, à une grève généralq au lancement de la campagne

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depuis longtemps proietée pour la iournée de 8 heura. Pour les

législadves des 6 et 14 mù au surPlus, un Pani socialiste récemment

uni6é présente, presque Panouq des candidaa et la campagne s'in-

tensi6e.

Cere fois, lcs militana caùoliques goûtent les conséquences de la

séparation de I'Eglise et de l'Etat, décidée à la 6n de 1905. Toutæ

les religions ont, du moins devant la loi, le même statut ; les sociét&

religieuses dûment enregistrées doivent désormais gérer les institutions

.."1&i"rtiquo. Le gouveroment a choisi le mois de féwier pour lc

début des inventaires des propriétâ eccl&iastiques qui doivent pré-

céder le transfert à ces sociétés. Le l- février, des militants s'opposent

aux inventaire en barricadant les eglises Sainte-Clotlilde et Saint-

Pierredu-Gros-Caillou, orpulsant les agents qui viennent réaliser les

inventaires, et obligent les personnes qui veulent entrer à briser les

portes. Parmi les personnes arrêtées à Sainæ-Clothilde se Fouvent les

comtes Louis de Bourbon et Guy de la Rochefoucauld ; les legiti-

mistes aristocratiques se ioignent 6ddernment à la r&istance des 6dèles

ordinaires.Les luttes de Sainæ-Clothilde et de.Saint-Pierre suscitent une série

d'affronternents à Paris et en provincg dont le plus lourd de consé-

quences se passe à Bæschepe (Nord) le 6 mars- Li le fils d'un officier

chargé de l'inventaire défend son t're en blessant monellement par

balle un manifestant- Le débat parlemenaire fait tomber le gouver-

nement et, dix jours plus ard, le nouveau gouvernement conseille à

ses agen$ de suspendre les invenaires là où une rôistance ouvene

semble probôle. Au mois d'avril, les face à face deviennent moins

couran6, sans disparaître tout à fait.

Au printemps de 1906, se déroulent egalement plusieurs cgnflig

entre ouvriers it ptt.ons. A Toulon, par exemple, au début d'avril,

les garçons de cdé se mettent en grève ; le samedi Jl mars, les garçons

grévistes ont dé61é dans les rucs en cassant les vires des cafés restés

ouu"rtr. Dimanche l'avril, ils reprennent la manifestation, et dans

la nuit, le sommelier du café de la Rotonde, entouré et hué par des

grévistes, tire son couteau et s'attaque à Jeari Bruno, garçon de café

à Hyè.o, qui meun sur lc coup. Craignant un front .commun des

ouwiers militants à I'Arsenal et des garçons àe café, et face au refus

du maire socialiste d'interdire les manifesations, le préfet intenrient

lui-même. Trois iours plus tard, les grévistes Prennent en otage le

commissaire de police envoyé par le préfa ; ils exigent I'autorisatioa

dc dé6ler. Les lunes de Toulou se pmlongent pendant tout le

mois.

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Les conflis indusriels se propagent également au Nord dc laFrance. Après le désastre dc C,ourrières (10 man), où I l0l mineursmeurent à la suite d'une explosion et des incendies souterains quil'ensuivent, une grandc panie du bassin du pas{e-Calais ," -",rapidement en grève. George Clémenceau, devenu ministre de I'In_térieur du nouveâu gouvernernenq envoie bientôt la troupe dans lesmines : pour 60 000 grévistes environ, il y dépêche 20 d00 soldats,qui se-trouvent obligés de proteger à la fois la propriété minièrecsntre la desmrction ouvrière et les mineurs non grévistes contre lesa$aques dc leurs camarades.

Peadant le.mois d'avril, les lunes minières se prolongenl Dans lePas-dc-Calais et le Nord, les mineurs barricadenr les trons, mal_mènent les ouwiers gui rcstent au travail, et lapident la trains quiamènent dcs jaunes âe Belgique. Le I un millier d'ouwieo, quiarborent

.d"s drçcaux rcuges, font imrption à Billy-Montigny encxigeant la libération des mineurs arrêtô au cours des -nnits Ltg-rieurs. Le 4, les 557 hommes et 40 jeunes garçons mineurs de fonda

!jSnf-]as-*e_ se-joignent "* ,oi[i... àe grévistes des villages

voisins. Le 5, des femmes se rassemblent malgré la prêence d,Ldétachement militaire au puiæ Courrièrcs n" 4, prb de Èily, lapidentle_ personnel présenr er s'e{forcent ensuite de rompre les barricadesa6n de poursuivre la recherche dcs mineurs ensevelis sous la terre.Le 9, les femmes de mineurs à Billy manifesrenr avec drapeaux noirs,rouges et tricolores.

D'autres heuns, dont quelques-uns assortis d,explosions de dyna-.mite, se produisent presque chaque jour dans le Nord du l. i la'fin du mois. Clémenceau mobilise la cavalcrie, une quaranaine deresponsablcs syndicaux sont emprisonnés : Clemenceau, jacobin impla-cable et terreur des gouverncmenrc, devient maintenant Ctemenàrabriseur dc grèves. Avec les mineurs, plusieurs autrcs catégoiies detravailleurs de la France du Nord se mêlent à l,action dès le moisd'avril. Le 4, par exemple, une foule roubaisienne s,aæaque à lavoiture de Jules Mélinc, ancien ministre, venu s,enrretenir avec lesindustriéls de la ville. Le 6, les grévistes de Fressennevilte (Sommc),entonnant l,a. Marseilhise et La Carmagnole, bàsent les vitre de lafabrique de serrurcrie où ils travaillenq pour aller ensuite casser lcsfenêtres des maisons d'ouvriers non grévistes, avant de Eacqrger etbrûler la maison du patron.

_ Ce n'esg pirs rout : à Grenoble, Alès, Limoges, Lavelaneg Lorient,Brest, Châtelguyon, Marseille, Paris même, des greves suscirenr encore

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d'autres affronærnents" andis que les militants catholiques' lî-. *"-,.*"."oo,etlessocialistesooo'*.desoccasionsdesebattreailleurs.la France semble près de s'èffondrer"

LA SIGNIFICÂTION DE 1906

Ag premier abord' ces cooflits donnent l'impression d'un désordre

foi.onnaot De plus pr&, pourtant, on remarque ds élémena plus

;; ;;i"t reu[;. D'"bo,.i, h væiéé des acte-urs est très restreinte ;

de façon ,S€rê", on rrouve les mêmes ouwiers organisés' e5agés

oolitiou.-".rc militants catholiques, et peu d'autres' Pour la plupart"

;;1;. aclurs mainti*r,.rri do liens sociaux plutôt étendus 'en

àehon d"s moments de contesation, et dépendent de ces réseaur de

contact. F-nsuise, les formes d'action qu'ils dqloient sont Peu nom-

i;; : des grèves, des réuniong des manifestations' quelques -autres'

f"nn, fo euâ"-"n t de ce prinæmps arrivcnt pour ainsi dire en

gra;* fiées ; la question du pouvoir au niveau du bassin minier' à

;;"'* J" IÉgk. ou autour-de-l'fusemblée^nationale' dépasse de

Lai.oup i'"fËor,r.rr.rr, individuel En ce 1906 agrte les luttes se

placent carrément sur le plan national'

De 1905 à 1907, la France s€ trouve à un des moments politiqyes

lesî* ;;;, ao xx' et xx" siècles: nrPrure du Concordag

,oLrtion dË faffAt Dreyfus, accès des socidises et des ouvriers

".gÀa à b scène poli.iqo. næionale,. développement de. vagua

,raîon"lo dc grèves oéo s,r, Paris' apparition des vignerlons du Midi

comme for"e -politique'

conæstâdon diutttt et étendue dans toute la

F;;". c"*"'.onà des luttes soulève de nouvelles questions' Au

niuo,, a" h vie quotidienne, la plupan des actcurs et des iàtérêts'

lui ,. .*ifotent, existent depuis lonçemps ; pour quelles raisons

à -...na font-ils à ce moment paniculier leur ennée sur les terrrins

de lutte nationale ? Autrement dii connaissant dès 1900 la topographie

J. l. ..-*.. sociale et des intérêts individuels, quelles données

rupfiern.toit* nous auraient permis de prévoir. parmi des millien

l-" ;;;;""ts possibles ""ut iui se mettraicnt à contester pendant

Ë lt"l!. i"""ii qo.ll. forme cene cont€station prendrait avec quelle

suite ?

La question n'est point fantaisiste, ni même antihistorique' Car'

vers la 6n d'awil 1906, un raPPon remarquable au minisne de I'In-

J;."" à.,e au 26 avnl, &esit un ' pronostic " du l- mai à Paris'

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En 1906, on n'a pas affaire à une fêæ ouvrièrc quelconque, puisquela journée se déroulera au cours d'une campagne électàrah-où iessocialistes ont l'espoir de prendre plusieurs sièges La conscicnce dela révolution manquée en Russie est égalemenr trà vive. Voilà pour-quoi Clémenc@u, nouveâu ministre, vcur se renseigner.

_ Cene synthèsc dc plusieurs rapporc de commissaires de potice,

alimentés eux-mêmes par plusicurs obsewateurs et espions, lrevoitI'action de chaque groupe important d'ouwiers peudant la fête durantlaquelle la grandc lutte pour la journée de I heures doit'commencer.On dit des carrossierg par exernple, qu'ils " chômeront le l. mai etse meftront en grève. Ils ne demanderont p:rs la journée de I heures,persuadés qu'ils ne pourront l'obtenir, mais ils cigeront une aut-mentarion des salaires ". .Leur panicipation à la grève générale estévaluée approximativement entre 25 000 et 50 000 ouwiers . si lesferreurs et les mécaniciens se solidarisent avec les carrossiers ".Les électriciens, en revanche, paraisscnt c trop divisés, et ils tereconnaissent; ils déclarent qu'ils ne sont pas prêts. Le succè nepourrait leur être acquis quc si toutes les usines chômaieat ensemble,chose impossible pour le momenu Seuls de pedts mouvemenc p€uventdécider à chômer un pedr nombre d'enrre eux, au maximum 500 r.Les prévisions se poursuivent : les terrassiers auront 30 000 grâdsrs,dont un certain nombre envisagent de dynamiær des tunnels a6n debloquer la circulation ferroviaire, tandis que ls ouwiers de I'alimen-tadon resterond i fecatt du mouvement, etc. C6 prévisions se mon-treront par la suiæ assez justes.

L'cnsemble des rappors adressés au minisrre dépeint [a possibilité'd'un large mouvement contre le gouvernement, mouvement axé surParis, mais répandu dans tout le pays. Cene possibilité semble d'autant'plus réelle que la region du Nord a déjà connu une série importanæde grèves et de manifesations après le désastre minier de Couniares,au début d'avril. Clémcnccau er son préfet de police, Lépine, prenn€nrleurs précautions : détention de Griffuelhes, secrétaire de la CCT ;interdiction dc dé61és et rassemblerncnts ; rappel de 45 000 soldatsde la provincc à Paris ; déploiement de force armée à travers lacapialc. La plus grande vague de grèves connue jusqu,alors en France- et la première vatue nationale vraiment centr& sur Paris - déferle.Mais, malgré presque 200 000 grévisæs à Paris, les manifesadons etles réunions du l- mai 1906 garrdent une certaine relenue, ne setransformant jamais en insurrection générale.

Ces dossiers du ministère de I'Intérieur ont de quoi surprendrc unpolicier d'Ancien Regime. Car il s'agit ici d'une surveillance suivie,

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plu6t ef6cace, et surrour prévoyante. A la différence de la repression

parfois féroce mais pre.qoe tonloutt postérieure, d'avant la Révolu-

tion, I'oo voit en 1906 un gouvernement qui cherche à prévoir'

prévenir, et canaliser I'action collective populaire - et qui sait souvent

ie faire. Ceae andciparion policière des actions ouvrières et populair-es

s'est formée à panii de la Révolution et de I'Empire' Un siècle plus

tard, elle a pù une dimension impressionnante'

Au surpl,rs, I'analyse policière révèle une certaine compréhension

des conditions et des mécanismes de I'action ouvrière' A l'époque où

Le Bon décrit la folie da foules, où sorel met ses espoirs dans I'effet

catastrophique d'une grève générale, ces commissaires et cadres décor-

tiquent à-"-"oa l"-stoÇ. et l'organisation ouwières, et s'en font

ui" i-"g" suffisamment .l"it" po* leur permeme une prévision utile

et une réprcssion ef6cace.

Ce qui ne veut pas dire que les policien de 1906 aient une

conneissancc théorique de leur sujer lls le connaissent en tant que

pficipants direcs â de nombrerses acdons publiqol do ouwiers,

., gra." à un réseau d'informateurs gui leur enseignent le savoir

po,q"". des militants. Eo fait, il existe un décdage imponant -entre

.. ràit pour ainsi dire indigène de I'action collective PlPolry. ttles théories qui semblent former le tangage des agents de l'Etat' D'un

côté, une conrraissance des milieux ouvriers, des bases organisation-

nelles de I'action, de l'efficacité de la répression, de la stratégie

ouvrière; de I'aure, un discours qui traite de I'ordre et du désordre'

de l'état des esprits, du bon ouvrier et du mauvais. Fidèles serviteurs

de l'Etat, ils utilisent le vocabulùc des puissana' Néanmoins, malgré

.une connaissance rhéorique faible, læ policien de 1906 savent suivre

et même anticiper l'acdon ouvrièrc. Est-ce que, de nos jours' les

théoricicns Peuvent en dire autant ?

L'analyse d'o cn haut ' présente à peu près les.mêmes défaua que

les rhcories actuellæ de liaction collective populairc: 1. en faisant

d'ordinaire un saut injustifié des dispositions d'individus aux dispo-

sitions de groupes, sans proposer d'enplication. valablc des Processus

qui lient Ë a"ut i 2. cn r. -n"*ottt, sur le comportement d'un

""tu, urriq,r", un comPortement supposé unanimiste, cclui dc la pcr-

sonne ou d,, gto,rpa qui proteste, se révolte, exige, ou attaque' et

donc sans rendre compæ des actions r&iproques; 3' en restant sta-

tique, sans préciser les moyens par lesquels I'action se transforme et

"à to p-p.o conséquences : 4. en adoptant.un Prograrnme d'ex-

plication'cor,tc*nelle el t,rtto,rt essentialiste plutôt que volontairg

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bien que la compréhension pratique des évéoements prenne rftuliè-remeot en considération la stratégie. On peut comprendre que lesparticipants à l'action dont le souci principal est d'anticiper et decontrôler les agissemens de leurs intedocuæurs adhèrent à de ællespenpectives. Elles érigent des barrières impénétrables à I'explicationdans le cadre du travail des rhéoriciens de l'action collective populaire.

LES DÉFICIENCES DE NOS MODÈLES

Etant donné que touæ décision collective découle, ou du moinsdepend, de multiples décisions individuelles, commenr des milliers dechoix individuels s'entrecroisent-ils de façon à créer un grand mou-vemert social ? De quelle manière pourrait-on déduire læ modalitesde la participation individuelle du ceractère de I'action collective -en prenant, par exemple, les exigences publiques formulées au noddu groupe comme témoignage des mobiles de la panicipation auniveau individuel ? Le processus de mobilisation lui-même ransforme-t-il toujours les mobiles individuels dans un sens prévisible ? Toutesces questions lient le plan individuel au plan collectif. La diftcultéde cette liaison entre les deux niveaux çst noroire. Depuis le défi deMancur Olson, qui a interdir rouæ Eaducdon subiæ et naîve des

intérêts paaiculiers en acrion collective, aussi bien que route naducdondirecte, simple et immédiate des intérêa collecdfs en action indivi-duelle, les théoriciens s'attaquent souvent à une ælle liaircn, maisavcc rin succ& médiocre.

L'analyse des conflir indusriels, par exemple, implique un lienentre buts individuels et collectifs. Sur le plan individuel, on imaginefacilement comment se forment les griefs ouvriers ; ainsi I'on passe

,; l'. -. par extension à l'explication d'une décision de panicipcr à unc grève.i:.,'.. A l'échelle d'un éablissemenq ou même d'une industrie, I'on attribue

sans ûop de gêne des griefs communs à la plupan des ouvrien, eten y ajoutant une certaine inænsiÉ d'organisation, on arrive à uneexplication dc I'cxistencc d'une grève. Cependant, la corrélation estvisiblement imparfaiæ entre l'étar d'esprit et I'organisation des ouwiersd'un côté, et la quantité de conflits, de I'autre. Cetæ imperfectionmême exige une analyse du proceSsus qui lie uu intérêt ou un sen-timent .partagé à l'action collecdve ; de ce point de vuq les modèlesexistants de la grève ouvrière se révèlent déGcients.

Le même oonrmenraire s'applique aux modèles généraux de la mobi-

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lisation- Les modèles statiques de la mobilisation se Pâratent grosso

modo enûe deux raisonnements plutôt oppos&,.cenains cumultatifs,

d'autres construcdfs. D'une part, un raisonneàent qu'on pourrait

qualificr de cumulatif : un ensemble d'individus dotés d'imérêts se

décident plus ou moins consciemment' un à un, à se ioindrc à d'aures

dont ils pâr&€ent les intérêu, ce qui facilite [a formation d'une

conscience commune et finalement une action concertée. Le proccssus

envisagé se présente ainsi de la manière .suivante :

PREMTÈRE ÊTAPÊ

oooooo

'+oooooo

OEUXIÈME ËTAPE TROISIÈME ÊTAPÊ

A la première étape, des individus épars ; à la deuxième, une panie

de ces individus s'intègrent à un cadre commun ; à la troisième, une

conscience et une action commun€s' sauf pour les individus qui se

tiennent à l'écart.L'idée d'une prise de conscience marque souvent ce mode d'analyse'

En faisant le bilan de ses études dcs " mouvemcnts messianiques "du Tiers Monde, par exemple, Maria Isaura Pereira de Queiroz déclare

que :

croyance messianique, mouvement messianique, deux hits sociaux différcnts,

,on. i"u* aspe,crs du rnssianisme qu'on ne P€ut Pas^ dissocier tout à feit ;le premier fut "*i"tet

sa.s Ie sccotd, mais li secànd.a touiours besoin-du

prài"r. La collectivité ne s'organisera qu'inspirée par,le mythe; néanmoins,

lc mphe peut exister pendant longtemPs sitili - qu'aucun mouvement se

déclenche. i" *ou""-.ni dépend dc la formation d'un groupe, d'une réunion

d'indivirlus organis6 en vue-d'une fonction à remplir'.

Ainsi envisage-t-on une séparatioo nett€ des étapcs, séparation qui

f. Pereira de Queiroz (Maria Isaura), Rêfonu et nÉvohtion das lcs sociétâ tra'ditinnelles. Hiçtoire et ethnologie des mouoemats resbniqreq Paris, Anthropos' 1968'

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dépend à la fois d'une prise de conscience et de la crâtion de licnssociaux en fonction d'une nouvelle croyance panagée.

Un tel raisonnement suscite tout de suite deux objections pro-fondes : il n'explique p:N pourquoi et commenr l'individu passe ourreaux anraits de l'intér& particulier à ltgard de la sécurité et de laminimisation de I'effon ; il n'offre pas d'anafyse du processus socialqui produit lc mouvcment d'étape en étape. Prise dè conscience génêrale avec crise de crâtion sociale ? Accumulation en spirale descroyances et dcs liens sociaux qui leur sont ratachés ? Ici, commesouvent, il s'agit d'un raisonnement à l'envers, qui commence lorsquele mouvement est à son apogée, pour rechercher ensuite les conditionsnécessaires de son apparidon.

Lc second râisonnement présume I'existence au début d'une struc-ture sociale qui lie du moins la plupan des individus, et qui se

construit ct se transforme en fonction dcs communications répétéesentre personnes. Âinsi peut-on le nommer raisonnement constructif.Dans cene ligne de pensée, les liens peuvent bien se renforccr et se

multiplicr au cours de l'acrion collective, mais ce sonr surtout desIiens défà valables qui forment la base de la mobilisation et de I'acdonconcenées. Au surplus, les divisions d'intérês, qui motivent cetteaction concenê, se fondent surtout sur des clivages sociaux établisdans la vic quotidicnne. De façon schtratique, l'on pourrait repré-senter ainsi le raisonnement constructif :

PREfuIIÈRE ÊTAPE O$XIËME ÉTAPE

"lM Æ+=coNFuI+l .- I"|ffi H_n

Il s'agit alors d'un processus de mobilisation de réseaux.préexistants,d'extcnsion de ces r6eaux, dc formation de coalitions, et de géné-

ralisation dcs oppositions. Ainsi, Michael Schwartz fondc son analyse

du mouvcment dan! le cadre duqucl s'affrontaient les tenanciers etles propriétaircs de la région de culture du coton aux Etats-Unisentre 1880 et 1890, directement sur les rapports sociaux établis par

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le système agraire de ceae région ; il traiæ la crâtion de la Southern

Farmers' Alliance (association de défense des cultivateurs' qui béné-

ficiait d'un succès éclatant mais momentané) à la fois comme produit

et comme transformation critique de luncs poursuivies avant et après

I'apogée du mouvement regional.

Souvent, à vrai dire, on représente I'action collecdve comme laconséqucncc directe de l'intérêt d'un groupe tout à fait formé - classes

sociales, communautés, ethnies, syndicats, panis - sans poscr séricu-

sement la qucstion des rapports entre le SrouPement qui agit et lapopulation de base dont il se vcut l'cxPression- Voilà un coun-circuitthôriquc qui consiste à supprimer la premièrc étape du modèle cumu-

latif :

PREMIhE TIAPE OEUXIÈME ÊTAPE

liff ilîii",,Eïj;:.iF:rli

Ce coun-circuit évite d'analyser le problème de la mobilisation

individuelle, sans toutefois le résoudre. Seuls les modèles cumulatifs

et constructifs dcssincnt des circuits continus de I'individu iusqu'à

l'action collcctive.

r i.tMoDÈLEs À acrnun LTNIQUE

Si les modèles constructifs s'accommodcnt dcs rapports de conflit

aussi bien que dc coot'ration, décrivent-ils pourtant des changernents

se déroulant au sein d'un acaeur unique ? Ils présument d'ordinaire

un âcteur agissant à panir d'une seule disposition : fonction d'utilité

unique, absênce de divisions intemes, sabilité de la définition de

l'acteur. Appliquâ aur grévistes d'avril-mai 1906' ils nous Pennct-traient, au mieux, d'cxpliqucr quels secteurs ouvriers se mobilisent

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plus vite et avec moins de réticences pour faire face aux parrons etaux pouvoirs publics. Ils ne disent pourrant presque rien des repporcentre les acteurq ni surtout de la transformation de ces rappora.

La plupart des adeptes des modèles cumulatifs er constructils, àwai dire, fondent leurs analyses sur I'analogie avec l'épidémiologie :ils définissent une population comprenanr rous ceux, individus ougroupts, qui risquent de paniciper à l'action collective pour ssayerensuite de découvrir les conditions qui donnent naissance à ce risque.La propension à la grèvg à l'émeute, à la participation aux mou-vemenc sociaux, à d'autres espèces d'action collectivg devient lavariable clé, le fait à expliquer. Les études de la panicipation desacteurs ont une valeur ceraine ; snr" elleg à wai dire, des théoriesqui anribuent le révoltes et les révolutions aur classes dangereusesseraient même plus largement diffusées qu'elles ne le sont auiourd'hui.Mais ces études renforcenr une illusion, à savoir l'idée que I'explicationde tels événements dépend des caracêres des rebelles et des révo-lutionnùes.

Revenons à l'ésude des conflits industriels, domaine où I'applicationfomrelle des modèles se répand rapidement. On a l'habitude de consi-dérer la grève comme une action ouvriàe, en reprâentant l'actiondu patron ou des agents de l'Eat conrme une influence parfois puis-sante mais toujours entérieure à la décision de cesser le travail. Lesdonnées officielles sur les grèves renforcent cene impression, en mer-tant l'accedr sur les qualit& et les actions des ouwiers, plutôr quesur le caractère des patrons ou les rappons entre ouwiers et patr,ons.

Il est vrai que cenains auteurs, tels Odey Ashenfelta, George

Johnson, Iflalter Korpi, Douglas Hibbs et Paul &lwards, ont esquissédes interprétations dc la grèvc cn tcnnes de luae. Ceux qui ontanalysé la conjoncturq par exernple Alben Rees, ont noté leffet duchômage sur la propension à la grève, qui apparait génénlementcomme néæsf, dependant des variations dans les rapports de forceenre pâtrons et ouvriers. Pourant la mcsurc, la modélisation formelleet l'évaluation des données pr€nnent d'ordinaire la fomre d'équationsuniques qui décrivent la fréquencg la grandeur, ou la durée desgrèves en les prenant toutes implicitement comme aspects du com-portement ouwier. De plus, en accenruant I'incidencc des grèvcs, ces

enalyses suppriment touæ représentation de la communication et dela lune entre petrons et ouwiers. Enue rcmps, dans la vie ouwière,lc début, lc déroulement et la 6n d'une grève s'insèrent toujours dansle cadre d'un marchandage qui peur bien aboutir à d'autres consé-quences que celles d'une grève, comporrenr une évaluation muruelle

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et continue du rapport de force entre les panis et dépendent souvent

de considérations tactiques et stratégiques dépassant la probabilité

qu'une grève réussisse. Dans ce sens, un modèle adéquat prendrait

directement en compte cette combinaison d'actions réciproques.

Eric Batstone, Ian Boraston et Stephen Frenkel occuPcnt unc place

parcicùfière parmi les spécialistes du conflit industriel : ils s'efforcent

de lier les actions individuelles et collectives en étudiant le processus

de mobilisation. Leurs résulats sont utiles. Pour eux,'toute explication

globale et satisfaisante des grèves doit prendre en comPte plusieurs

facteurs. D'une pan il est indispensable de reconnaître que les grèves,

eo tant qu'expression du conflit industriel, reflètent la subordination

des ouvriers dans l'industric, voire dans la soltétê D'autre ParrÇ les

institutions de négociation, les formes plus générales de l'integration

sociale et politique et I'organisation du patronat et des syndicas pèsent

tooto toi la probabilité des grèves. Cependanq la fréquence réelle

des grèves repose plus immédiatement sur les Processus de négociation

qui apparaissent en$e les travailleun eux-mêmes. Pour cette raison,

ii ot'inaitp"nsable, pour analyser les grèves, de comprendre la dis-

tribution du pouvoir parmi les travailleurs ainsi que les divers discours

qu'ils emploientt.Ce problème de I'explication des grèves se réduit donc essentiel-

lement à une analyse du componement ouwier. Même s'il prend aussi

en compte le patronat et I'environnement social, le modèle de base

restc celui d'un acæur unique qui subit des modifications internes.

Que le problème résulte des modèles utilisés plutôt que des données

disponiblcs ressort de deux témoignages éclatants. D'abord, les récia

des processus de grèves, y compris ceux qu'ont recueillis Batstong

Boraston et Frenkel, sont riches d'enseignemcnts cn ce qui concerne

les componemene et les rapPorts dc multiples acteurs : ouvriers,.patrons, cadres syndicaux, etc' Parfois, un chcrchcur qui n'a à sa

disposition que les données statistiques ordinaires peut réussir nân-moins à représenter dans son modèle les comPortements de multiplcs

acteurs ; le remarquable travail de Carol Conell sur les grèves du

Massachussetts entre 1881 et 1894 montre, par exernple, I'action réci-

proque des patrons et des ouwiers en examinant, en fonction des

résultats et de la duréè des grèves, comment les.ouvriers ont vraiment

âvantage à se syndiquer seulement là où les Patrons ont un intér&

plutôt bien dé6ni à la negociation, proposition qui permet de dis-

l. Bamone (Eric)' Borumn (Jm), Frenkcl (Sæphen), The wizl oauizaion olsrnÉes, Oxford, Blacksell, 1978, p. {.

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tinguer, par exemple, les industries concenrrées des autre. Mais detels modèles de grèrves à partir d'acteurr multiple restent mdheu-reusemeîrt nrres.

Les mêmes tendances théoriques se répètent dans d'autres domainesde I'action collective. En ce qui concerne ls manifestations, on a

I'habitude de les présenrer comme expression de la volonté d'ungroupe âsssz bien détni : manifestation d'anciens combatrants, delycécns, d'habitanrs, etc. Mais cetre prêentation fausse la Éalité dedeux manières fondamentales : d'abord, parae que (tout animueur demanifesation le sair) I'action des manifestants résuke d'un effort deconstruction souyent pénible qui comprend lui-même d'ordinaire unlong marchandage : eusuite, parce que chaque manifesation comprendau moins quatre dimensions : les gens da." la rue, l'obiet (d'ordiiraireun symbole, un organisme, ou une personnalité), les speûareurs immé-diats et la base sociale dont les manifestanrs prétendent énoncer lessentiments. Les autorités, de plus, prennenr d'ordinaire en considé-ration les mânifestations, même dans les cas où les manifestants nefont pas poner leur action contre l'Eat.

Plusieurs groupes se Bouvenr face à face eu moment de la mani-fesation même. Dans l'érude de MacCannell sur les . manifesationsde protestation D aux Etaa-Unis vcrs 197O " les manifestanæ reo-contrent les cibles de leur proæsrârion dans 60 % des cas ... destémoins sont présents dans 94 %, la police dans 89 %, les mediadans 54 o/", et des conre-manifestana organis6 dans 36 % des mani-festations "r. L'acrion réciproque n'est point accidentelle, mù 'clle

semble essentielle pour l'action collective. Encore faudrait-il adopterdes modèles à acteurs multiples.

Enfin, la même critique s'applique aux modèles dcs mouvementssociaux qui sont aujourd'hui en cours. La modèles dont nous dis-posons dépeignenr presque toujours les mouvemens cornmc cxprcssionde groupes. Il s'agit souveng à vrai dire, de . groupes.o plutôt excep-tionnels : dispers&, composés et fluides. Néanmoins, la démarchcdréorique normale consiste à désigner un ensemble plus ou. moinscohérent de personnes, et d'expliquer làæion cotlective par le caractèred'un æl ensemble ; on retrouve, en bref, la démarche sociologiqueclassique. Lorsque Albeno Melucci analyse ce qu'il regarde commeune transformation profonde des mouvements sociaux à l'époque post-indutrielle, par cxemple, il conserve une çelle démarche ; pour lui,

t. McPhail (Clrh), Vohlstcin @omld T.! . Individuals od ællætive beheviorswithin gatherings, dcmonstrations and aiors ,, Anntul Revïæ of Sociobg,1983, p. 586.

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ils constitucnt des ( smrctures segmentées, réticulaires, polycephales-

Le mouvement est composé d'unités diversifiées et autonomes qui

consâcrent à leur solidarité interne une partie importante de leurs

ressources. Un réseau de communication et d'échange maintient cepen-

dant ces cellules en conbct entre elles ; iles informations, des indi-

vidus, cles modèles de componement circulent dans ce nÉseau, pæsant

d'une unité à I'autre et favorisant une certaine homogénéité dc I'cn-

semble. Le leadenhip n'est pas conc€ntré' maris diffus ; en outre, ilert limité à da objeaifs spécifiques et divers individus Peuvent assu-

mer des rôles de leaders, Pour exercer des fonctions déærminées o r'

L'image d'un groupe de caractère particulier précise la description

de Melucci ; on mesure alors implicitement le contraste avec un parti

politique ou tm syndicat ouvrier.

Cene démarche n'est Pas sans inconvénient: le plus proche d'un

mouvemeot social n'est ni un pani ni un syndicat, mais plutôt une

campaglre politique. Car un mouv€ment social compone, en faiq une

série de revendications ou de défis à l'égard des puissances constitués

eu nom d'une catégorie sociale sans statut politique &ôli. Bien qu'on

abuse parfois du vocable en appliguant la dénominatioî ,nnultetnent

social à dcs conflits d'Ancien Régiine, il s'agr en faig d'une façon

d'agir qui s'est constituée surtout au XD(o siècle en France et ailleurs.

Lcs rcvendications et les défis reposent évidemment sur des grou-

pements, comme les campagnes électorales sur les partis. Mù dans

ies. deux cas, c'est l'action réciproque entre acteurs coalisés qui consti-

tue I'identité et I'unité du mouvemenL

L'analyse d'Alain Touraine et de ses collaboratcurs au sujet du

mouvement ouvrier se place à mi-chemin de la reconnaissance de cette

râlité. Ils demandent, disent-ils, quc l'étude dcs institutions sociales

et politiques " soit complétée et même commandée par une analyse

de I'acdon ouvrière ellc-mêmc, dc la classc ouvrière comme acteur

des conflits centraux des société industrielles, c'est-à-dire du syndicat

commc mouvcmcnt social " ; à cct élément, ils ajouænt I'obligation

de . considérer le mouvement ouvrier comme un acteur social défini

à la fois par des relations conflictuclles et Par une référence positive,

qu'il parage avec son adversaire, aux orientations culturelles de la

société industrielle,!. Le vocabulaire, en mélangeant références à

f . Mcluæi (Âlbsto), . Mouvmmts sæiaur' mouvmots post-politiqus ", Ræae

intematbnalc d'aabn ammtnauube, 10, 1983' p. 14-

2. Toumine (Atain), Wisiorka (Michel)' Dubet (f:mçois)' I* mouoement omriet,

Paris, Fayand, 1984, p.22.

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l'acteur et à l'action, obscurcit l'objet de l'analyse, qui se révèle plus

tard êue un système de rappors changeants enre ouvriers, patrons,

syndicas, agens d'Etat et public.

La réalité du mouvemcnt social se couwe d'une mystification,partagée dcs deux côtés du confliq qui identifie les acteurs du momentà une base large et solide de souticn; lcs soi-disant ponc-parole dumouvement s'affairant au même moment à créer des coalitions, à

supprimer des dirigeans rivaux, à cimenær leur soutien, à évirer les

ruptures trop voyantes et à organiser des manifestations publiques devolonté unitaire. Ce jeu préparatoire ne preiuge pas de la sincérité,du sérieux et de I'efficacité de plusieun mouvements sociaux. Il s'agitici de prfiser la strucrure du phénomène socid qui porte ce nom,et de comprendre qu'un tel pùénomène exige un modèle d'actionréciproque de multiples acteurs plutôt qu'un modèle de groupe unique.

LES MODÈrES STATTQT.JES

Si le malaise théorique à propos des liens qui se nouenr enreI'individu et la collectivité au cours de l'action collective provient en

partie dc l'application de modèles d'action uni6ée à des râlitfo d'ac-æurs multiples, il r&ulte aussi du manque de dynamisme des modèlescourans de I'action collectivc ; âyânt généralement abandonné les

modèles analogues à ceux de l'. histoire.naturelle o distinguant les

éapes d'une révolution ou d'un mouvement social, lcs cherchçursn'ont pas su leur substituer d'autres modèles prenant en compte lechangement interne. Même un Manuel Castells, pourtant connaisseurfin et enthousiaste des mouvements sociaux urbains, nous propose unmodèle qui sert surcout à lier les enieux et la composition d'unmouvement à la structure du monde social qui l'environne. En ce

qui concerne lcs processus produisant ces mouvements, Castells se

contente de déclarer que n la production de la formule structurelledonnant naissance aux mouvements sociaux urbains est spéci6que à

chaque contexte culurel nationd, et tout effort pour trouver uneformulation générale ramène à la méaphysique

". Pourtant, en sou-

haitant évircr la métaphysique, Castells nous renvoie ainsi à I'histoiresans même préciser ce qu'il faudrait y chercher.

l. Castells (ldmuel), Tbe city and the grasstæu. A oos drbsral tbeory of urban mcizlwernetttt, Berkeley, Univenity of Califomia Prs, 1983, p.'32,1.

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Le renoncement de Castells ressemble à celui d'autres chercheurs-

Ni une conneissaoce concrète de I'action collective Prenant en comPæ

des étudcs comparatives, ni l'imagination théorique ne suffisent à

briser |es obstaclc à la reprâentation dynamique de l'action collective

populaire. Tant que I'oo adopte des modèles à acteur unique et à

disposition unifiée, et que I'on cherche I'ongrne du comportement '

dans cette disposition, I'on se condamne à des modèle dynamiques

où des changements de dispositions ont lieu à chaque nouvelle phase

de I'action. Tant que I'on insiste sur des explications contextuelles

en cherchanq par exemplg à lier chaque action successive aux intérêts

matériaux de I'acteur, l'on entreprend une besogne qui sravèrc impos-

sible dans ['état actuel de nos aonnâissances-

Cependant, nous disposons de nouvelles perspectives sur la dyna-

mique des actions collectives. Au niveau de la micre'mobilisation,

Mark Granovetter, Clark McPhail, John Lofland et d'autres cher-

che-urs ont formulé des modèles utiles des P(rcessus de communication

transforrnant une foule passive en groupe agissanc Par exenrplg le

groupe de recherchc diriç par Villiam Gamson a conduit une série

d'expériences cbncernant la résistance face aux autorités iniustes. L'ex-périence centrale er<posait les sujets à un soidisant enquêteur qui

violait de façori systématique et progressive I'accord implicite initial

en cherchant à déformer leurs témoignages. Selon I'analyse de Gam-

son, une r&istance ouverte à cette violatiorq lorsqu'elle apparaissait,

dependait du rapport enre trois catégories d'actions- Les actions

d'organisatbn âugmentent la capacité collective du groupe, les actions

de séparation neutralisent les liens à l'au.torité, et les actions de res-

trr4ctaratian organisent un nouveau context€ pour l'interprétation des

actions de I'autorité.Une rebellion réussie contre I'autorité iniuste, dans ce modèle,

résulte d'une séquence d'actes d'organisation, de séparation et'de'restructuration. Mais I'expérience laisse à I'autorité très peu de marge

de manæuvre; elle révèle et renforce son caractère iniuste sans que

I'on puisse véritablernent négocicr ou changer de stratégie. L'action

réciproque reste mal représentée. Ainsi, le modèle pawient au mieux

à urre analyse des antécédents nécessaires à cenaines conséquencæ de

l'action réciproque : il ne s'agit donc pas d'un modèle vraiment dyna-

mique de I'action elle-même.

Mark Granovener a analysé sous un autre angle la dynamique de

la micro-mobilisation. Ses modèles des " seuils " de I'action collective

posûlent une disribudon d'acteurs qui ont chacun leur propre calcul

àes coûts et des bénéfica de la participation à une action, calcul qui

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dépend étroitement de la proponion d'autres participants possiblesqui agissent déjà ou se préparent à le faire. ta mise en acrion dugroupe tout entier, lorsqu'dle se déclenche, dépend de l'arriv& suc-cessive de divers acteurs à leurs seuils propres, par exemplq 20 %des autres, 40 % des aurres, 90 % des autres ; elle est donc liée àla proponion des autres à se joindre à l'action. Dans ces modèles,deux groupes avec des propensions moyennes identiques à I'action(c'cst-à-dire deux groupcs au çein dcsqucls l'individu moycn rcstc prêtà paniciper dans la mesure où 40 % des aunes individus acceprenrdéjà d'agir) peuvcnr divcrger beaucoup du point de vue de la pro-pension collective à agir, selon la distribution des seuils individuels.Les modèles de Granovetter nous donnent une nouvetle perspectivesur la collecte d'informations qui précède souvent une action risquée:bræsage, va-et-vient, discussions de aæique, rappels de conflis antêrieurs, appels à la solidarit4 marchandage entre paires de panicipants,et ainsi de suite.

Granovetter analyse ce degré de dynamisme de la manière suivanre :ces modèles traitent de I'agregation des préférences individuelles; ilsne considèrent point d'où viennent ces préférences précises. . !aplupart des études, en revanche, s'efforcent de la comprendre. Lescauses des nonnes, des mobiles, et des préférences, pr&ument quel'on trouverait ainsi l'explication toale des comportcnents cotlectifs.

Je soutiens, au contf,ùe, qu'une fois c,es causes connues il restetouiours beaucoup à faire, et qu'une addition simple des prdérencesne donnera pas une indicarion valôle de leurs conséquences. Celaapparaît surrour là où un changement negligeable de la disributiondes préférences produit une variation imponanæ des conséquences.Une analyse, qui se penche uniquement sur les préférences, ne peutpas expliquer un tel phénomène.r "

ll n'y a qu'un pas de ce raisonnemenr à une analyse où les reponsesmutuelles dcs différents antagonistes se produisent en même ternpsque les réponses mutuelles des alliés possibles.

Il nous rcsre néanmoins encore au moins deux éapes pour analysercomment les acteurs ne décident pas seulement de se joindre à l'action,mais choisissent qucl cnsemble d'actions possibles ils adopteronr Ilmanque au moins deux élémens aux modèles de la micro-mobili.stionpour pawenir à une analyse vraiment dynamique de la mobilisationet de I'action collective : l. une description des passages entre éapes ;

- l. Gmovetter (Markl . Thshold models of collætive behavior., Amerin lonulof Sæitlogy,83, 1978, p. l{2r.

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2. une représentation de I'action réciproque des panies opposées- ou

coalisées. Dans ce sens, il serait utile de construire des modèles

d'action réciproque et stratégique où chaque déplacement d'un groupe

produit des reponses plus ou moins calculées de la part des autres'

il s'agit ainsi d;adapter et d'améliorer nos modèles d'action rationnelle'

MODÈLES DE CAUSALITÉCONTRE MODÈLES VOLONTAIRES

Dans I'idéal, il serait avantageux de former des modèles qui, à

panir de la structure des rappora sociaux caractérisant un ensemble

â'."t"orr, dresseraient l'inventaire des moyens d'action ouverts aux

individus et aux collectivités, componeraient la crâtion de nouveaux

rapports sociaux et analyseraient surtout I'action réciproque straté-

Fqu..- En utilisant des modèles d'acdon raisonnée, il est inutile de pré-

sumer qu€ toute action collective se révèle au fond calculée, voulue,

désirable, réalisable et eftcace. Il faut simplement présumer, de façon

provisoirq un ensernble cohérent de rapports entre les intérêts, l'or-

gir",ion, les croyances panagées et les comPorteûrents des acteurs'

 feg"ra des mouvements sociaux, les modèles d'action raisonnée

présuàent généralement I'existence d'un acteur unique d'un ryPe olà'ur,

".rtr.

-(association, groupe d'intérêq etc.), ProPosent un récit

analytique du comp.ortement de cet acteur ct précisent parfois les

conséquences de ce comportement-

Les modèlcs d'action raisonnée requièrent surtout de préciser:

a. lcs principes de choix adoptés par I'actcur; b. lcs valcurs habi-

tuelles des éiémcnts de ces principes- Ces éléments comPonent d'or-

dinaire : 1. les coûts probables des divcrses séquences d'action qui

sont conccvables dans la situation; 2. les bénéfices probables que

I'on peut attendre de ces séquences; 3. la capacité dc I'actcur à fairc

face aux coûa de chaque séquence. Ainsi, P€ut{n expliquer la par-

ticipation à un mouvement social cotnme la conséquence de choix

individuels parmi dc multiples séries d'actions dont l'attrait relatif

dépend du produit:(bénéfices attendus - coûts aæendus) x (capacité d'agir)

Pour transformer un modèle de cece espèce en modèle udle de

I'action réciproque, il est nécessaire de faire dépendre les bénéfices

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et les coûts attendus (plus d'autres dépendant des variables déià citées)des actions des autrcs acteurs et dbrganiser la communication entreact€urs. Dans ce conæxre, l'analyse des acteurs, dæ intérês, des règlesdc décision, des coûts, bénéfices et capacités ftrour ne pas mentionnerles rappons enre ces élfmena) pose un vrai de6 théorique.

A6n dc comprendre le caractère de ce défi, prenons l'inælligenæsynthèse de Guy Caire, dans Ia grùte oaarière. Tout en dressantun tableau de la recherche porranr sur læ con0its du travail, Cùehésite lorsqu'il arrive à l'éodc du processus même de déclenchementet de déroulement des grèves. Il fait lui-même une distinction essen-tielfe: . L'analyse coûts-benéfices est d'inspiration ex post; I'andyseen termes de feu strategique se situe au contraire ex ante. Malheu-reusement, en cc domaine, tout ou presque resæ à faire.r p Il setrouve obligé de citer le modèle cinquantenaire d'Hicks, qui représentele croiiement d'une courbe de concession du patronat et d'une courbede résistrnce dæ ouvriers, construites toutes les deux en fonction dela durée de la grève, qui se révèle en 6n de compre, ainsi que leremarque Caire, un modèle statique de la menace du conflit plutôtqu'un modèle dynamique de lutæ ou de marchandage- Au srylucle modèle de Hicks suppose un ensemble d'ouwiers déjà formé etdécidé à agir, ce qui escamote le problème essentiel au lieu de lerésoudre. En reprenant plus loin la question de la snatégie des gêva,Caire emprunte l'analogie miliaire en propos:rnr les éapes déclen-chement - déroulement - dénouement; étapes qu'il commenæ defaçon satisfaisânte sans toutefois pouvoir les ordonner selon unelogique expliciæ. Dans une perspective théorique, l'analyse se soldepar un échec.

Cet échcc n'a rien d'extraordinaire. Telle est la situation nonnalede ceux qui étudienr l'acdon collective. Deux obstacles imposants leurbarrcnt la route: la complexité des actions réciproques, la difficultéde formuler dcs modèles dc proccssus dynamiques.

f . Caire (Guy), La grùue oawière, Puis, L€s Editiom ouwière, 1928, p. 136.

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JEUX, srRATÉcIes, coNTEsrATIoNs

Nous avons pounant à notrc disposition deux traditions analytiques

gui permettent l'analyse dynamique de I'action réciproque : la théorie

d"t l.rr* et les rnodèles à équations simultanées des processus d'in-

fluence muruelle. Pour adapter l'une ou I'autre de ces traditions, ilfaut se Ésigner, pour I'instant, à des modeles volontùes, en amibuant

un pouvoii de décision à'chaque aûeur en précisant également a

priori tes ecteurs, intérêts, règles de décision, coûts, bénéfices ct

Lpacités à agir. (Il reste touiours possiblg cependant' de les deduire

d'une description empirique ou d'une analyse contexnplle.)

La theorie des ieux nous ProPose un moyen d'aborder l'étude de

I'action réciproque. A l'aide d'une simplification radicale des choix et

du tonps, ".n" theo.i" étend à l'analyse des actions réciproques la

prisc individuelle des décisions; en général, chaque aæion consiste

en un choix exclusif entre possibiliÉs limitées et bien définies ; à un

momcnt, elle parvient à son terme mais ses conséquences apparaissent

avant le début de l'action simultanée de deux acteurs ou plus en

prenant en considération I'action mutuelle de I'aure.

Les études de Roben Axelrod sur le dilemme du prisonnier mon-

trent la vdeur de cene simplificadon' Dans sa formulation élémentairq

le dilemme r&ulte d'une action mutuellc de deux âcteurs au oours

de laqucllc I'action individuelle et intéressée de chaque Partenai-re

aboutii à des effets indésirablæ et indésirés par les deux (par eremple,

leur commun maintien en prison), andis que I'action coopérative des

deux individus produit un résultat plus désirablc (par exemple, un

raccourcisscmcnt dc lcur détention) mais, voici le problème, la com-

binaison dc l'action intéressée de l'un et de l'action coopérative de

I'autre aboutit à un cffct très désirable (telle la libération immédiaæ)

pour I'un ct un effet très indésirable (tel un prolongement de la

détcntion) pour I'aure.

Dc nombreuses péripéties de la vie quotidicnne sont proches de

ce dilcmmc : lcs incendies de théâtre, les famines, la pollution de

I'environnemenq la course aux armements, lcs marchandages législatifs,

et même les rcncontres naturelles d'organismes qui ont la possibilite'

sans avoir la certitude, d'une symbiose' Au cours d'une rêncontre

unique, les deux panis ont de puissantes raisons d'éviter la coopération

po,r. pouorriure leurs intérêts privés sans prendre en considération

les intérêts de l'autre.

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Cependant, si les acteurs entrent souvent en conact les uns avecles autres, la siruation se transforme. Au cours d'actions réciproquesrepétées, même des panis qui agissent de façon totalement fooïstebénéficient de I'adoption de strategies ayanr recours tant à la coo-pératio4 qu'au reiet selon que I'autre pani coopère ou sett son intérêtimmédiat. La strategie < coup par coup " (je cornmence par coopérerd la première renconrre, pour imiter fidèlement par [a suite votrercponse) tend à I'cmpoftcr par râppoft à toute stratcgie qui se montreplus égoiste dans l'immédiat- L'avanage d'une stratégie de cooperationinitiale, au surplus, augmente avec : a- la probôilité de rencontresultérieures; b. la netteté de la discipline enûe reponses; c. la cer-titude de l'identification de I'aurre panie de ses acrions et de leursconséquences. Même au milieu d'une population d'egoistes irrémé-diables, un noyau d'amateurs de . coup pour coup D tend à gagner.Ces analyses monûenr, par conséquenq les avantages de la coalition.

Les résultats d'Axelrod se révèlent proches de I'analyse d'Olsonde la probabilité selon laquelle des petia groupes et des groupes ayantaccès aux stimulants sélectifs formeront des " coalitions distriburion-nelles a. Lcs patrons d'industrie, les syndicas dc branchcs, les asso-ciations de producæurs .servent d'exemples. De tels groupes, selon leschéma d'Olson, utilisent leur avanage organisationnel pour influersur la production et la distribution des biens; à la longue, ceaeformation de coalitions aboutit à la sclérose ou du moins à unedéviation prononcée de la rationaliré du marché classique. D'où uncycle qui suit chaque grand bouleversement de la vie nationale : d'unepaft, une expansion en libené rclative au cours de laquelle ceux quisavent former des coalitions à fégerd de la distribution coûrmencentà prendre l'avantage ; d'autre parr, un ralentissement dû aux agisse-ments intéressés des coalisô.

ll existe, selon I'analyse d'Olson, deux moyens d'échapper à cetenlisement : ou I'on casse de temps en temps les coalitions, ou I'onassure la formation de coalitions globales dont l'avanage particuliersert egelement I'intérêt général. Dans les schémas d'Axelrod et d'Ol-son, ce sont la cenitude et la continuité des rapports sociaux quifacilircnt la formation de coalirions stables, ls coalitions d'inrérêtmutuel qui tendent à contrôler même les p€rsonnes qui agissent selonleur intérêt paniculicr et les coalitions plus larges qui commencenrà sewir I'intérêt général.

Les résultats théoriques et expérimenraux d'Axelrod suggèrcnt desanalogies entre le marchandage legisladf, les alliances militaire et

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diplomatiques et la collusion enre entreprises commerciales. Ces ana-

logies, à l"u. toot, pennett€nt de g&réraliser les fondements de la

thÉorie des ieux par rapport aux grands Processus smrcarrels. Tel æt,

effecdvemenq le proiet ProPosé récemment par Jon Elster et poursuivi

d'une façon particulière par Andrew Sciotær.Les analyses du conflit et des modèles bas6 sur la théorie des

ieux et des équations simultanées témoignent de I'utilité de ce projet--On .n ** aussi de bonnes applicadons aux conflits locaux: on

peut ciær l'application par Richard Berk d'une andyse de ieu stra-

iCgiq,r" à un- conflit se déroulant en 1972 à l'université de Nonh-**t* prÈs de Chicago. Meutionnons aussi la simulation à equations

simulanÀes, par Barbara Salen et John Sprague, des conditions favo-

risant les . é-"uto policières r et d'autres séquences d'affronteurent

violent après un prernier épisode de violence.

Néanmoins, la theorie des ieux ne suffira p4s à elle seule. En fin

de compte, nous sommes obligé de trouver le moyen d'intégrer à

I'analyse lc contenu des rapports entre lcs Peronnes elles-même. La

plupan de liens qui constiruent et encadrent la vie sociale comPortert

si peu d'action mutuetle stratégiquc gri'ils exigent d'âutres modcs

d'analyse. Les réseaux.de communication' les relations qloddiennes

entre pâûons.et'ouvrrers, les courants de I'argent et. du fisc, les

itinéraiies. des maladies, les mouvemens des capiaux, les migrations

en chaîne, les échelles de promotion sociale comporænt cenes parfois

des éléments d'action mutuelle stratégiqug mais leur cristallisation en

structures durables, aussi bien que leurs transforrrations incessantes,

exigent une analyse expressément struchrrelle.

Même dans la zone de l'action réciproque stratégique, le travail se

révèle malaisé. Au cours de l'acdon collective populaire, le nombre,

I'identité, les limiæs des acteurs changent souvent et vite. L'identi-

fication des acteurs et dcs enjeux, sans mendonner lcs regles du jeu,

exige souvent une analyse en profondeur de la smrcture des classes

et du processus politique. Facè à cene complexité, nous devons ou

simplifier ou façonner des modèles très compliqués : ainsi revenons-

nous aux modèles consructifs de I'action collcctive.

Il faudrait donc envisagcr chacun des licns sociaux dont I'ensemble

se compose, et sunout les rappora antagonistes, co[rme licu de

communication et de negociation plus ou moins continues qui zuivent

une logique stratégique' et dont les conséquences transforment la

.*ctuil -et

le contenu des liens. Ainsi' un modèle dynamique des

grèves doit prendre en comPte au moins les négociations qui se

poursuivent entre les ensembles suivants :

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ouvriers-sy0dicatsouvriers-Patrons

ouvriers-agen$ de l'Etat

syndicats-patronssyndicaa-agents de l'Etatpatrons-agenæ de I'Eat

Encore faudrait-il parfois ajouter un cinquième panicipant, à savoirun public généralisé ou spécifique. Voici une problématique complexgmais elle a, du moins, le mérite d'être explicite, et de poner anentionaux enieux, modditê, et conséquences de chacun de ces rappons.

Cene réflexion sur les modèles d'action raisonnée indique la valeurd'une analyse distincte des modalités d'action réciproque. Car chaque

pùe d'inærlocuteurs adopte et modifie un ensemble plutôt restreintdc moyens de négociation, ce qu'on peut appeler le répntoite carac-téristique de ce couple. Dans le cas des interlocuteurs ouvriers/patronsen France, par exemple, la grève, le lock-out, le licenciement, laréunion du pe:rsonnel, le sabotage l'absentéisme concerté, et quelques

autres formes d'actions, variablcs selon la région, l'industrie etl'époquq composeît, depuis voilà presque un siècle, le répenoireétabli de l'action collective. Bien que les variations et les combinaisonsse multiplient, et même si chaque pani cherche son avanate en

innovant à l'intérieur de chaque forme éablie et en insisant sur sa

propre inærprétation de la coutume æ du droiq en général ceux-ciconnaissent et même soutiennent de façon implicite læ règles du jeu.

Parfois, une innovation importante, telles I'occupation des lieur de

travail et la séquestration des gestionnùes en France depuis l9l9 etsunout depuis 1936, s'impose, malgré la résistance d'au moins unedes parties. Mù, la plupan du temps, le répertoire reste en place,

servant dc cadrc dé6ni dc I'action réciproque. La dcscription de ce

cadre de I'action collective simplifie la besogne tùéorique, car ce quisemblait être au début unc gamme illimitéc de possibilités se rétrécità un choix bien restreint enre actions assez définies. Ltlaborationde modèles dc l'action réciproquc cntrc multiplcs groupcs dans lecadre de répertoircs de I'action spécifiques à chaque couple d'inter-locuteurs constitue le prochain pas théorique.

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