témoignage l’alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. il a raison, si j’avais...

12
L’Alien intestinal, cet inconnu Sophie Ducasse

Upload: others

Post on 01-May-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2

L’Alien intestinal, cet inconnu

Sophie Ducasse

10.68

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (130x204)] NB Pages : 124 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 10.68 ----------------------------------------------------------------------------

L’Alien intestinal, cet inconnu

Sophie Ducasse

869289

Témoignage

Soph

ie D

ucas

seL’A

lien

inte

stin

al, c

et in

conn

u

Page 2: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 2

Page 3: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 3

Je dédie ce récit à mon mari Éric, omniprésent avec tout son amour.

A ma première fille Noémie qui aime le prénom de Lily, à mon fils Manu, à ma troisième fille Cécilia et à ma belle-fille Anaïs. Je crois leur avoir transmis la passion de la vie et nous la partageons plus que jamais.

Aux enfants d’Éric : Matthieu, Nancy, Nathan et Arthur. Je veux leur témoigner d’abord tout notre amour et tendresse,

Et à tous, notre espoir de vaincre !

Page 4: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 4

Page 5: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 5

Pour faire œuvre, il faut ne pas se soucier du bruit, de l’éphémère des modes ni des aléas des jugements publics ; il faut, doté d’une ferme douceur et d’une intime force, rester exigeant envers soi-même, jaloux de son temps et de sa marginalité ; si on échoue, ne pas s’aigrir, si on a du succès, ne pas s’y attacher ; il suffit d’avoir quelques amis et un espace où maintenant se retirer.

Sophie DIVRY, Rouvrir le roman

Page 6: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 6

Page 7: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 7

Préface

Il n’y a pas d’amour heureux, chantait Aragon. Nous pourrions ajouter qu’il n’y aurait pas de vie heureuse si les épreuves de la maladie, du déchirement, du deuil, de la séparation, ne venaient rappeler l’éphémérité des choses, leur caractère factice et illusoire. Le bonheur ne se savoure que dans cette furtivité. A peine le perçoit-on qu’il se dévide sous nos doigts. A peine le savoure-t-on qu’il est déjà parti.

Sophie Ducasse nous livre là un témoignage bouleversant sur l’exquise saveur de ce présent fugace. Elle aimait profondément sa vie, ses enfants, son mari, son métier… jusqu’à ce jour sidérant où le cancer a fait son entrée dans son magasin de porcelaine. Les choses se révèlent alors dans une fragilité désarmante, stupéfiante. Elles risquent de se casser à tout moment et de la laisser, les bras ballants, contempler ce désastre. Pour éviter la casse, il faut se battre, se battre, jusqu’à l’épuisement.

Ne jamais baisser les bras devant cet éléphant sans mot, contre lequel les médecins déploient une artillerie toujours plus lourde. Sophie était psychologue, elle n’est plus qu’un corps, presque inerte, une machine à combattre un ennemi

Page 8: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 8

intime, ravageur, qui fait voler en éclat les nuances, les éclats de rire, les élans de gaieté. Tout au long de ce voyage, les choses sont mises en suspens. Le monstre empêche de penser. Il est une injonction à la bataille, aussi rude qu’elle soit. Le cancer délivre une ordonnance de courage. Celui qui n’en a pas succombe. Celui qui en a met son désir dans le balancier, qui vacille tantôt du côté du lumineux, tantôt du côté de l’obscur. L’amour de la vie est le seul témoignage qui vaille dans cette plaidoirie parfois courue d’avance.

L’amour de la vie, des siens, de ses passions, de sa maison, c’est ce que Sophie hisse tout au long de ce livre, comme un étendard, un drapeau levé contre les pilleurs de bonheur, les privateurs de lendemains. Et dans ce combat acharné, on y lit les confidences d’une femme forte, tenace, qui jamais n’abandonnera son bout de vie à ceux qui tentent de le lui ravir.

Joseph Agostini, auteur et psychanalyste.

Page 9: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 9

Histoire de la maladie

« […] Un malheur nous identifie. Si nous restons seuls après l’effraction traumatique, nous ne pouvons que répéter les mêmes mots et revoir les mêmes images. Cette rumination mentale nous met sur le tapis roulant de la dépression. Mais quand nous pouvons partager un récit, nous devons choisir les mots pour fabriquer les phrases que nous allons adresser à une personne de confiance, un proche qui saura nous comprendre. Ce travail nous aide à remanier la mémoire du malheur. Nous sommes déjà moins soumis au réel douloureux puisque nous parvenons à modifier la représentation de ce réel. […] »1

« L’enfoiré ! » déclare mon neurologue lorsque je lui apprends que mon père m’avait caché son cancer du côlon.

1 Boris Cyrulnik, Ivres paradis, bonheurs héroïques, Odile Jacob, avril 2016, p.22-23

Page 10: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 10

Cette expression m’étonne de la part de cet homme de science au langage érudit, toujours élégant, et me fait éclater de rire ! Son terme n’en est pas moins choisi et pertinent. Ce médecin me soigne pour des migraines depuis une quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller beaucoup plus tôt. J’étais donc – sans en être consciente – plus vulnérable face à cette maladie. J’ai cinquante-cinq ans lorsque ce cancer colo rectal, se déclare en octobre 2015. Je n’aurai jamais cru que cette maladie qui semble guetter la moindre faille, m’aurait assaillie. Au risque d’être banale, la pensée que je n’aurai jamais de cancer faisait partie de mes convictions. Je pensais avoir vécu tant d’épreuves, je n’imaginais pas que d’être atteinte d’une grave maladie entrainerait une telle charge émotionnelle.

Lors de la révélation, c’est une question de vie et de mort qui vous percute. Même si mon état de santé s’améliore, il me faudra encore six longues années pour parler de guérison.

Page 11: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 11

Le portrait de ce père biologique

Enfant dit « turbulent », René a été placé dans un orphelinat – dont j’ignore le nom – à l’âge de quatre ans avec sa jeune sœur B. suite au départ précipité de Mathilde, sa mère, qui aurait suivi des résistants au début de la seconde guerre mondiale. Ma grand-mère maternelle sera internée dans un asile psychiatrique durant quinze ans. D’après les rares explications de ma mère et en l’absence d’éléments de mon père – liée probablement aux rancœurs et au sentiment de honte –, j’apprendrai que Mathilde souffrait de neurasthénie. Mon grand-père paternel, cultivateur, ne pouvait assumer l’éducation de ses quatre enfants, dont un mort en bas-âge. J’aurai peu connu Mathilde, venue vivre quelques semaines chez mes parents lorsque j’avais deux mois. Mes parents l’auraient « sortie » – selon les termes de ma mère-, de l’asile où elle était internée. Mathilde, – me disait ma mère –, conservait, collectionnait des petites coupelles, comme seuls biens précieux. Je suis pour ma part très attirée, sensible face à l’univers des petites choses, des miniatures. Serait-ce une sorte d’héritage inconscient de cette grand-mère inconnue ?

Page 12: Témoignage L’Alien intestinal, cet inconnu · quinzaine d’années. Il a raison, si j’avais eu connaissance de cette pathologie chez mon père, j’aurai pu me faire surveiller

2 12

Durant son séjour dans l’appartement de mes parents, – aux dires de ma mère –, ma grand-mère paternelle aura cette attitude pour le moins étrange et se lèvera plusieurs fois certaines nuits pour aller regarder son fils dormir. Elle se penchait ainsi au dessus de René, comme s’il était resté un tout petit enfant. Mathilde quitte le domicile de mes parents un matin, sans paroles sur ce départ pour le moins pulsionnel. De nombreuses années plus tard, René croisera, par hasard, sa mère alors qu’il livre à l’aube, du vin sur un boulevard parisien. Cette femme hagarde, s’adresse néanmoins à son fils : « Je n’ai pas élevé mes enfants, il est inutile de recréer des liens affectifs ». René se dira en état de choc, autant par le fait d’avoir reconnu cette femme comme étant bien sa mère que par son rejet. Mathilde, cette grand-mère énigmatique mourra seule, sa tombe sera cassée, quelque part dans un cimetière parisien, donc introuvable. C’est à l’âge de seize ans que le jeune René s’engage dans la marine où il restera durant quatre années, suite à une altercation avec son père qui le gifle. La physionomie du visage du jeune René, et son regard évoque assez bien les traits « à la Johny Halliday ». Séducteur, il se livre à différentes expériences qui seront autant de mésaventures. Au cours d’une de nos très rares correspondances, Il évoque son entrée dans la vie. Son niveau intellectuel et son expression écrite sont pauvres : « Je me croyais un homme, que d’amères expériences m’ont souvent prouvées le contraire mais qu’importe, je le faisais […] ». Il fut un danseur exceptionnel – c’est l’unique « bon gêne » qu’il m’aura transmis – danses de salon, rock acrobatique, il gagne des concours qui lui assure un petit pécule durant ses permissions militaires. Il sera aussi une sorte de « gigolo » proposant des sorties de bal à des vieilles dames ; Ma mère