toth monciaud

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James Toth,The Life and Legacy of a Radical Islamic Intellectual, Oxford University Press, 2013, 382 p. Cet ouvrae examine !a tra"e#toire et !a #ontri$ution de %ayed &ot$, 'ure du mouvement is!amiste et r(f(ren#e de !a mouvan#e int(riste radi#a!e. Cet important inte!!e#tue!, (du)u( nationa!iste #onservateur et haut fon#tionnaire, est devenu tardivement un dirieant in*uent d +r res -usu!mans. u d(part, !/auteur (vo)ue !/imposante produ#tion )ui s/ins#rit dans une dia$o!isation de %. &ot$ et fait de !ui !/ar#hite#te id(o!oi)ue !/(pisodesan!ant du on e septem$re . e"etant !es st(r(otypes unidimensionne!s et orienta!istes, i! a4rme, non sans raison, )ue !/homme et sa tra"e#toire s/av rent $ien p!us #omp!exes et dynami)ues. J propose une ana!yse de #ette #ontri$ution dans son #ontexte so#i histori)ue, po!iti)ue et re!iieux. %a d(mar#he repose sur !es th(ories d mouvements so#iaux et de revita!isation propos(es par nthony 5a!!a#e et -artin ies$rodt 6p7 . 9n 1:07, %ayed &ot$ nait en ;aute 9ypte dans une fami!!e de petits propri(taires terrains. %on p re, un ‘ayyan, petit nota$!e rura!, est mem d/oranisations nationa!istes 6!e Watani puis !e Wafd 6p30<31 . pr s une #ourte et n(ative exp(rien#e de !/(#o!e #orani)ue, i! int re !e syst me pu$!i# puis Dar al-’Ulûm, institution )ui propose une formation moderne e !anue et !itt(rature ara$es et en s#ien#es is!ami)ues.=! devient enseinant puis haut fon#tionnaire de !/(du#ation. =d(a!iste 6p32<33 et passionn( de po(sie, i! re"oint, r>#e ? ses on materne!s 6p30<31 , !es #er#!es !itt(raires de !a #apita!e, notamment !/( po(ti)ue du Diwan )ui d(fend une appro#he romanti)ue et refuse !e sty!e n(o<#!assi)ue. %a 'ure prin#ipa!e, -ahmud a!<@ ))>d devient son mentor. Pu$!iant deux re#uei!s, i! s/imp!i)ue dans !es d($ats des ann(es 1:30 et 1:A0, s/opposant au roupe po!!o autour d/ hmad $ou Chadi, au partisan de -ustafa %ade) a!< a'/i ou au #riti)ue !itt(raire -ohammad -andour, pro#he de Taha ;usayn. =! propose une vive #riti)ue du !ivre de #e dernier sur !a #u!ture (yptienne, !ui repro#hant de d(fendre #on#eption o##identa!isatri#e . Proressivement,i! s/(!oine de #e mi!ieu et d(ve!oppe une th(mati)ue re!iieuse et rioriste, par exemp!e ? !/en#ontre de !a musi)u du #in(ma ou des $ains en pu$!i# 6pA0 . =! appartient au 5afd puis ? sa s#ission autour d/a!<Bo)rashi ? !/instar d/a!<@ ))>d. a pu$!i#ati ouvraes Images artistiques dans le oran et !c"nes de r#surrection dans le oran, traduit son adoption d/une appro#he oD !e Coran o##upe une p!a#e d(#isive. %on roman auto$ioraphi)ue Ti$ min qarya 6enfant d/un vi!!ae est une (tape importante de sa mutation. J. Toth y vo r(p!i)ue ? %l-%yy&m, tri!oie auto$ioraphi)ue de Taha ;usayn. =! devient un is!amiste mod(r( )ui re#her#he dans !/is!am r(ponses aux en"eux du moment. /9ypte du mi!ieu des ann(es 1:A0 #onnait de vives #ontestations po!iti)ues et so#ia!es. =! parti#i revues ind(pendantes al-‘%lam al-‘%ra'i et al (i)r al-*uedid. ve# De la +ustice sociale en Islam, i! propose une appro#he oD !/is! oEre !e mod !e ex#!usif d/interpr(tation. Toth !a )ua!i'e de @so#ia!< d(mo#rate/ 6p7F . (di( en 1:A8, !/ouvrae parait en avri! 1:A: a!ors

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James Toth, The Life and Legacy of a Radical Islamic Intellectual, Oxford University Press, 2013, 382 p.Cet ouvrage examine la trajectoire et la contribution de Sayed Qotb, figure du mouvement islamiste et rfrence de la mouvance intgriste radicale. Cet important intellectuel, duqu nationaliste conservateur et haut fonctionnaire, est devenu tardivement un dirigeant influent des Frres Musulmans.Au dpart, lauteur voque limposante production qui sinscrit dans une diabolisation de S. Qotb et fait de lui larchitecte idologique de lpisode sanglant du onze septembre. Rejetant les strotypes unidimensionnels et orientalistes, il affirme, non sans raison, que lhomme et sa trajectoire savrent bien plus complexes et dynamiques. J. Toth propose une analyse de cette contribution dans son contexte social, historique, politique et religieux. Sa dmarche repose sur les thories des mouvements sociaux et de revitalisation proposes par Anthony Wallace et Martin Riesbrodt (p6). En 1906, Sayed Qotb nait en Haute Egypte dans une famille de petits propritaires terrains. Son pre, un ayyan, petit notable rural, est membre dorganisations nationalistes (le Watani puis le Wafd (p30-31)). Aprs une courte et ngative exprience de lcole coranique, il intgre le systme public puis Dar al-Ulm, institution qui propose une formation moderne en langue et littrature arabes et en sciences islamiques. Il devient enseignant puis haut fonctionnaire de lducation. Idaliste (p32-33) et passionn de posie, il rejoint, grce ses oncles maternels (p30-31), les cercles littraires de la capitale, notamment lcole potique du Diwan qui dfend une approche romantique et refuse le style no-classique. Sa figure principale, Mahmud al-Aqqd devient son mentor. Publiant deux recueils, il simplique dans les dbats des annes 1930 et 1940, sopposant au groupe Apollo autour dAhmad Abou Chadi, aux partisan de Mustafa Sadeq al-Rafii ou au critique littraire Mohammad Mandour, proche de Taha Husayn. Il propose une vive critique du livre de ce dernier sur la culture gyptienne, lui reprochant de dfendre une conception occidentalisatrice.Progressivement, il sloigne de ce milieu et dveloppe une thmatique religieuse et rigoriste, par exemple lencontre de la musique, du cinma ou des bains en public (p40). Il appartient au Wafd puis sa scission autour dal-Noqrashi linstar dal-Aqqd. La publication des ouvrages Images artistiques dans le Coran et Scnes de rsurrection dans le Coran, traduit son adoption dune approche o le Coran occupe une place dcisive. Son roman autobiographique Tifl min qarya (enfant dun village) est une tape importante de sa mutation. J. Toth y voit une rplique Al-Ayym, trilogie autobiographique de Taha Husayn.Il devient un islamiste modr qui recherche dans lislam les rponses aux enjeux du moment. LEgypte du milieu des annes 1940 connait de vives contestations politiques et sociales. Il participe aux revues indpendantes al-Alam al-Arabi et al Fikr al-Guedid. Avec De la justice sociale en Islam, il propose une approche o lislam offre le modle exclusif dinterprtation. Toth la qualifie de social-dmocrate(p65). Rdig en 1948, louvrage parait en avril 1949 alors quil se trouve aux Etats Unis avec une bourse dtude qui vise lloigner dEgypte. Son livre, succs important, est confisqu ds sa diffusion. Il dcouvre les auteurs islamistes radicaux du sous-continent indien Abu al-Ala Mawdudi et Abu al-Hasan Ali Nadwi dont linfluence sera croissante. Dsormais proche des Frres Musulmans, il sexprime dans la revue al-Risala, dans le journal de la confrrie al-Dawa et la revue al-mouslimoun de Said Ramadan. Le guide suprme Hassan al-Hodeiby le recrute en octobre 1951 et lui confie la section propagande. Officiellement, il ne rejoint les Frres quen fvrier 1953.Laprs Hassan al Banna est tumultueux au sein de la confrrie. Qotb se range du cot dal-Hodeibi et de laile modre contre les lments plus radicaux comme al-Achmawi, al-Ghazali La vive lutte interne se solde par lexclusion des contestataires fin 1953.Les Officiers Libres entretiennent au dpart de trs bons rapports avec la Confrrie. Plusieurs officiers appartiennent ou ont t Frres Musulmans. Des dirigeants islamistes sont au courant de leurs prparatifs. Au dbut, les nouveaux maitres du pouvoir donnent des signes positifs en direction de la Confrrieavec la rouverture de lenqute sur lassassinat dHassan al-Banna, la dissolution de la police secrte royale et larrestation de son chef. Dans un article adress Mohammed Naguib, S. Qotb exprime son soutien. Pendant lt 1952, une grve ouvrire Kafr al-Dawwr tourne en meutes: il est partisan dune action forte (p78) contre les contre-rvolutionnaires.Qotb appartient aux cercles du pouvoir, le Conseil du Commandement de la Rvolution (CCR). Il donne des confrences au club des officiers, disposant dun bureau dans les locaux du CCR pour la rdaction des nouveaux programmes scolaires (p76). Il dmissionne du ministre de lducation (p76) avec, sans doute, lespoir de devenir ministre.En janvier 1953, il soutient linterdiction des partis politiques qui ne concerne pas la confrrie, officiellement association religieuse. Nomm secrtaire gnral du parti unique, il dmissionne en fvrier 1953, lorganisation ne correspondant pas ce quil souhaite. Il se rapproche de Naguib. Nasser. Les Officiers Libres refusent limposition de la sharia qui les placerait sous le veto de la Confrrie. La rupture se formalise avec le Trait dvacuation de 1954 qui permet aux anglais de conserver, momentanment, des troupes dans la rgion du canal (p77). Qotb exprime son rejet du pouvoir dans des brochures et des sermons. Son rle est dsormais central dans la Confrrie. Le 12 janvier 1954, al-Hodeiby et Qotb sont dtenus trois mois. En octobre 1954, la tentative dassassinat contre Nasser par un Frre Musulman Alexandrie entraine larrestation de figures islamistes. Ils sont condamns mort. La peine dAl-Hobeiby est commue en prison vie, les autres membres sont excuts le 4 dcembre 1954. Interpel fin 1954, Qotb est condamn 15 ans. Il subit la torture malgr ses problmes de sant.En prison, il peut toutefois rdiger lessentiel de son interprtation de lIslam, A lombre du Quran, marqu par un manichisme et un esprit de rupture. Son pamphlet Signes de piste en est la version rsume et radicalise. En mai 1964, il est libr pour raison de sant sur lintervention du prsident irakien Aref. Parmi les frres, certains cherchent poursuivre la lutte malgr la rpression, lexil ou la clandestinit. Zaynab al-Ghazali anime un groupe dtude avec laccord dal-Hodeibi. Elle demande laide de S. Qotb via sa sur Hamida. Il leur transmet des textes: les siens, ceux de Mohamad Qotb, de Mawdudi et des auteurs classiques (Ibn Taymiya, Mohammad Abdel Wahab, Ismail ibn Kethir). Sorti de prison dix mois aprs, il dcouvre quun groupe secret de 200 hommes a pour projet un coup de force. Hsitant, Qotb propose un plan de formation sur treize ans. Ses membres, souvent de jeunes radicaliss, envisagent des assassinats de Nasser, dAli Sabri et de chefs des services de scurit ou des attentats, y compris contre le barrage dAssouan.Sotb est arrt le trente juillet 1965 aprs avoir protest contre lemprisonnement de son frre Mohammad. Al-Hodeibi, Amina et Hamida Qotb, Zaynab al Ghazali sont aussi arrts. Sous la torture, Ali Ashmawi parle. Des milliers de proches de la mouvance islamiste sont interns. Le procs voque deux groupes dtude, en prison et au dehors. Les autorits affirment que ce projet remonte 1959. Le rle effectif de Qotb nest pas clairement tabli. Son virulent Signes de piste est un des documents essentiels de laccusation. Pour sa dfense, il dfend largument dune activit strictement ducative. Le 21 aout 1966, il est condamn mort avec six autres militants. Al-Ashmawi et al-Hodeibi voient leurs peines commues. Refusant de se repentir, il est pendu le 29 aout. Son livre est interdit depuis octobre 1965.Cest essentiellement en prison que Sayyid Qotb labore ses conceptions avec un style direct et simple selon lexpression de John Calvert (p97). La religion islamique incarne valeurs et mission. Selon Qotb, la thologie ou la philosophie font disparaitre les devoirs divins et Dieu de la pense des peuples. Son approche repose sur les conceptsde divinit (rabbaniyya), stabilit (thabat), unit (tawhid), globalit (al shamul), quilibre (tawazzun), orientation positive (ijabiya) et ralisme (waqaya) auxquels Toth ajoute la foi (iman) et la pratique (amal) (p97). Il forge un systme, un modle et un idal (p121). Aucune socit islamique nexiste, il ny a que jahiliya, tat dignorance, en raison de la domination occidentale. Lislamisme, mouvement de revitalisation (chap 7), repose sur les concepts de jahiliya, de hakimiya, domination de dieu et de jihad, la lutte (p123). Lmergence dune avant-garde savre ncessaire pour la rupture avec la jahiliya et aller vers lEtat et la socit islamiques. Son modleest lexprience de la Mecque, avant le dpart pour Mdine (p124).La jahiliya est conomique, politique, sociale et culturelle (pp128-130). Le monde est malade: ce qui est mal relve de la jahiliya, ce qui est bien, de lislam. Son approche repose sur une dialectique du perdu et des choses gagner (p137). Lenjeu est le passage de la jahiliya la hakimya (p141) par le jihad pour radiquer la jahiliya et instaurer le royaume de Dieu avec la sharia. Qotb distingue trois types de jihad: de cur (al-qalb); de langue ou mot (al-lisan ou kalam) et de la main ou daction (al-yad ou al-haraka). Il justifie le jihad de lpe (p153). Le jihad offensif est considr comme obligatoire et honorable (p158). Qotb aborde lesprit islamique, dtermination des musulmans raliser la perfection, et la mthode islamique, approche stratgique plus globale que la tactique au quotidien du jihad.S. Qotb discute du systme islamique, de lconomie et de lEtat. Dans la socit et le systme islamiques (chap 8), la centralit de lIslam repose sur la sharia, la umma, lEtat et lunit. Il nexiste pas dgalit entre les religions (p161). Son approche de la socit islamique incarne ce que Max Weber nomme un idal type. Dnomme umma ou communaut islamique, lappartenance repose sur une logique exclusiviste et de rupture. Trois catgories de musulmans existeraient: celui qui pense ltre mais ne lest pas, les vrais musulmans qui toutefois ne vivent pas dans une socit islamique et les vrais musulmans vivant dans une socit rellement islamique (p161). Avec son systme islamique (p163), Qotb exprime un rejet total des autres doctrines(lacit et modernit (p164-68), nationalisme (pp168-71), capitalisme (pp171-74), socialisme (pp174-75), communisme (pp175-76) et dmocratie (pp176-77)). Celles-ci incarnent une strilit et une dfaite face la perfection de lislam. Sa dfinition du systme islamique repose sur la dichotomie pour/contre. La loyaut et la dvotion des membres de la communaut qui adore de manire correcte Dieu, sont la base face ceux qui sont dans lerreur.Dans loptique qobiste, lconomie islamique (p179-191) rejette linjustice, lgosme et les dissensions internes. Pour Toth, les rapports entre riches et pauvres sont marques par ses racines de Haute Egypte avec une conception pr-modernes destines surtout ne pas exacerber les ingalits, cherchant les attnuer sans les abolir. LIslam dfendant la modration, Qotb rejette tant la richesse extrme que la grande pauvret. Seule la sharia peut permettre dinstaurer harmonie et modration entre riches et pauvres (p180). Le luxe, la grande richesse et lostentation sont aussi rejetes. Des mcanismes islamiques de redistribution des richessesexistent: la zakat, la sadaqa et lhritage (p183). La zakat correspond au don de 2,5% de ses revenus au pauvre. La sadaqat repose sur le volontariat. Cette forme dimpt social apparait meilleure que le systme europen dimpts.Concernant lusure, Qotb est en rupture avec les religieux musulmans contemporains qui lavaient, dans certains cas, accepte. Par exemple, Mohammad Abdu la justifie car vitale pour la comptition nationale et la survie du pays (p187). Qotb opte pour un rejet complet de tout intrt: la riba al-nasia (intrt classique) et la riba al-fadl, quand on revend prix fort des choses obtenues bas cout. Il soppose toute socit ribawi. La proprit est dfendue sous la forme dun usufruit individuel et dune proprit divine en dernier ressort. La forme socialise de proprit avec usage individuelle doit se faire sans excs. Les excs du capitalisme dans laccumulation, le profit et la constitution de groupes monopolistiques sont dnoncs. Sans tre anticapitalistes, ses options proposent de nombreuses restrictions de lconomie de march. Le capitalisme devient inoprant. James Toth qualifie cette limitation du march libre de social dmocratie (p191), reconnaissant que ce terme nest jamais employ par S. Qotb.En matire de politique et de gouvernement islamiques, Toth considre quil ne dfend pas lide de thocratie (p192). Dans le califat, il ny a pas de sparation des pouvoirs (p193). Le gouvernement disposerait de moins de pouvoir la manire des rgulations constitutionnelles du gouvernement fdral des Etats-Unis. Le calife, dtenteur de lautorit, est lexcuteur, ladministrateur, le juge et le gnral (p194). Lexistence dun contrat social repose sur le besoin dun chef charismatique.Le multipartisme est rejet au profit dun parti unique de mobilisation. Une dichotomie existe entre parti de Dieu et parti du Diable. Lexistence de faction au sein du parti de Dieu est admise pour la reprsentation des diffrents groupes sociaux. Lallgeance (baya) au chef musulman savre centrale. Sayed Qotb prne le retour un califat dun membre issu des Qoraych (p196).La loi islamique est un systme lgal de justice, de scurit, de maintien du niveau matriel et dquilibre social (p197). Selon Toth, cela quivaudrait pratiquement une loi islamique des droits (Islamic bill of rights) (p198).Mfiant envers lijtihad (l'effort d'interprtation), Qotb propose un examen critique de la sharia et du fiqh, les coles juridiques dinterprtation, facteur de division. Il propose de leur substituer un cadre global avec des pistes de rforme lgale, baptise loi dynamique autour des concepts coraniques de devoir et de croyance (ibadat et muamalat). Son approche marque par un profond conservatisme sinscrit dans sa dfinition de vnration de Dieu (ubudiyya) et de lobissance aux autorits terrestres.Le concept de shura (consultation) nest pas aux yeux de Qotb similaire au systme reprsentatif occidental. Les valeurs politiques islamiques fondamentales sont galit, libert, ordre social et moralit.Qotb sintresse au dclin depuis la premire fitna (sdition) et labsence dun Etat islamique (p213-32). La courte priode mecquoise apparait comme le modle et lge dor avec le rle central du prophte de lislam. Une nouvelle ignorance dbute par la perte de lesprit islamique et des attaques externes dEurope et dAsie, le Dr al Harb. Il condamne les Ommeyades et les Chiites. Qotb distingue entre les versets coraniques de la priode mecquoise et ceux du moment mdinois. Les premiers insistent sur la foi, les seconds sur la construction de lEtat.Dans lpilogue, lauteur aborde les pigones de Qotb, mouvances qui se sont dveloppes de manire importante dans les annes 1970 et 1980. Al-Gihad et al-Gamaa al-Islamiyya incarnent les principales expressions de cette veine rivale des Frres Musulmans. A la fin des annes 1990, la mouvance radicale sort crase de sa confrontation arme avec lEtat gyptien. De nombreux militants connaissent la prison ou lexil. Les dirigeants emprisonns rvisent leur stratgie et renoncent la violence. Ceux qui refusent suivent Ayman al-Zawahiri et participent au lancement dal-Qaida. Louvrage propose ENFIN dintressantes annexes avec des profils biographiques: Cheykh Mohamad Abdu, al-Afghani, Ahmed Zaki Abu Shadi, figure du groupe Apollo, Hassan al-Banna, Taha Husayn, Mohammad Mandour critique littraire hostile al-Aqqad, Mawdudi, Abu Al Hassan Ali Nadwi et Rachid Reda. Une seconde partie explore des dimensions thmatiques: la famille, les dhimmis (gens du livre) et les apologtiques, penseurs musulmans libraux comme Taha Hussayn ou Mohammad Husayn Haykal.Remarques critiquesCette riche tude est marque par une approche par trop complaisante. On pourrait parler de reprise du discours de lacteur avec une savante lecture du texte sans contexte et une relle myopie sur les enjeux. Bien sur, il est faux et inutile de rduire une telle contribution des qualificatifs comme "pathologique" ou "mdival". Sil vite les rductions et les amalgames, lauteur tombe dans lexcs contraire avec une lecture complaisante o fascination et illusions prdominent.

Prendre au srieux un auteur, examiner dans le fond ses propos, les tudier dans leur contexte politique et social sont dvidentes ncessits quand on fait la biographie intellectuel dun penseur engag, brillant et prolixe (pote, critique littraire, exgte du Coran, journaliste et militant) percent plus dune fois. Encore faut-il le faire de manire radicale, c'est--dire aller la racine des choses Toth ne creuse pas les aspects problmatiques de la radicalisation de Sayed Qotb qui propose autour des concepts de jahiliya, hakimya et jihad, un projet sectaire qui se tournera non seulement contre lEtat mais contre des segments entiers de la socit. Que penser des caractrisations de social-dmocratie, des comparaisons avec la dmocratie amricaine? On retrouve une dconnection entre analyse livresque et ralits. Cette trajectoire biographique est richement explique et contextualise. On notera toutefois quelques oublis. Sa participation active la revue du ministre des Affaires sociales au milieu des annes 1940. Pourtant, Alain Roussillon a publi une srie de ses articles et Sherif Younis a identifi de nombreux autres textes non signs. Plus problmatique, linfluence dAlexis Carrel, pre de leugnisme, est sous-estime.

La prsentation de sa participation aux querelles intellectuelles omet le caractre violent de ses critiques et son hostilit profonde pour Taha Hussayn, penseur musulman libral et critique. Affirmer une filiation de Abdu Qotb est bien rapide (p244). Derrire le terme salafisme, combien de contenus, de voies et de ruptures?Lauteur voque peu clairement le rle de Qotb dans lpisode de Kafr al Dawwar et la rapide pendaison de syndicalistes ouvriers! Au dbut de la rvolution de 1952, il est favorable labolition de la constitution, au jugement des responsables et la censure dartistes Il aurait t utile de le comparer avec les auteurs de lpoque, notamment de la mouvance intgriste (Abdel Qader Awda, Mohammad Al-Ghazali, Al-Bahi Al-Khouli ). Lauteur affirme faire reposer son travail sur une mthode de mouvement social. On ne trouve pourtant rien de tel dans son livre. Les riches passages sur cette pense restent des explications de texte trs littrales qui nexaminent pas ses incidences concrtes. Le takfr repose sur une logique ferme et intrinsquement intolrante qui va prendre la forme de limposition dun ordre social et moral rigoriste. Toth oublie de parler de la violence des groupes radicaux. Il les prsente comme de simples prestataires de services sociaux (polycopis, livres, cours, soins ). Singulier que cette omission des formes muscles de lhgmonie sociale impose par les radicaux. Sans parler de leur hostilit viscrale envers la religion populaire. Car cest tout un pluralisme socital, social et culturel quils refusent partir dune lecture religieuse totalitaire. Rationalit, intelligence et richesse intellectuelle ne sont pas antagoniques avec des contenus conservateurs voire ractionnaires en termes de droits politiques et sociaux. Le rejet des dominations et des injustices nest pas forcment synonyme dmancipation. Affirmer que le Qotbisme est une alternative authentique (p247) est plus que problmatique: les autres forces politiques ne le seraient-elles pas? Ou moins? Le livre est certes intressant mais dcevant au regard de ses ambitions initiales.Didier Monciaud Voir Sherif Younis, Sayed Qotb wa al usuliya al islamiya (1994), Le Caire, Maktaba al-Usra, 2012, p.381-83; Aln Rsn (ed), Sayed Qotb. Al mogtama al masri. Gudhuruhu wa afaquhu, Le Caire, Sn lil-Nachr, 1994.

Le dfunt avocat Ahmad Charaf a tabli son rle actif dans la condamnation mort des syndicalistes dans une riche tude riche hlas perdue lors dune arrestation.