tournages : la grenouille à la poursuite du bonheur

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Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 1987 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 20 juin 2022 07:37 Ciné-Bulles Le cinéma d’auteur avant tout Tournages La grenouille à la poursuite du bonheur Denis Bélanger Volume 6, numéro 4, mai–juillet 1987 URI : https://id.erudit.org/iderudit/34569ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association des cinémas parallèles du Québec ISSN 0820-8921 (imprimé) 1923-3221 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Bélanger, D. (1987). Tournages : la grenouille à la poursuite du bonheur. Ciné-Bulles, 6(4), 27–31.

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Page 1: Tournages : la grenouille à la poursuite du bonheur

Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 1987 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 20 juin 2022 07:37

Ciné-BullesLe cinéma d’auteur avant tout

TournagesLa grenouille à la poursuite du bonheurDenis Bélanger

Volume 6, numéro 4, mai–juillet 1987

URI : https://id.erudit.org/iderudit/34569ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN0820-8921 (imprimé)1923-3221 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleBélanger, D. (1987). Tournages : la grenouille à la poursuite du bonheur. Ciné-Bulles, 6(4), 27–31.

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Tournages

Denis Bélanger

La grenouille • A ia fin à la poursuite de ^ p ' ™ e

. . moitié du XIXe

OU D O n n e u r siècle, Alexis de Tocqueville, historien français devenu magistrat sous la Restauration, fut chargé d'une^ enquête sur le système pénitentiaire des Etats-Unis. L'Amérique était déjà un modèle, à imiter ou à éviter mais un modèle tout de même, et l'Europe se laissait fasci­ner. Passionné par ses recherches, Tocque­ville élargit son enquête et rédigea, entre 1835 et 1840, De la d é m o c r a t i e en Amérique. Avec une logique rigoureuse, dans un style précis et clair, Tocqueville réalise une analyse remarquable, malgré l'austérité du style, perspicace, intelligente et quasi prophétique, de la civilisation américaine. Encore aujourd'hui, la lecture de cet ouvrage aide à mieux saisir les innombrables para­doxes de Yamerican way of life.

Et nous, Canadiens, proches voisins, tour à tour hôtes et invités des Etats-uniens, les connaissons-nous vraiment ces voisins du sud ? Sommes-nous en mesure d'analyser Taméricanité, de la comprendre ? La voyons-nous, seulement ? Le Canada n'est-il qu'une éponge imbibée d'eau américaine ? Pour le Canada, Yamerican way of life, Taméricanité, est-ce encore une seconde nature, ou n'est-ce pas l'essence même de la vie ? La culture canadienne est-elle véritablement devenue une culture périphérique ?

Et au Québec ? Les différences de religion et de langue ont longtemps laissé flotter notre bout d'épongé en marge de l'océan améri­cain, dit-on. Voire ! L'histoire officielle a long­temps affirmé que seules les hautes vagues, les grandes marées, nous avaient touchés, que notre latinité était encore bien vivante. Qu'en est-il ? Comment nous, Québécois, vivons-nous cette américanité, ou comment la refusons-nous ?

L'Office national du film tente de répondre avec des mots et des images à ces graves questions en renouant avec sa tradition des grandes séries documentaires comme, entre autres, En tant que femmes et Société nouvelle. En conformité avec le plan quin­quennal si cher aux administrateurs, le pro­ducteur Eric Michel a mis sur pied et dirigé un programme appelé l'Américanité. « En fait, déclare-t-il, il ne s'agit pas d'une série mais d'une suite de films. Chaque film déve­loppe une perception du thème de Tamérica­nité. Les visions des cinéastes se recoupent, se croisent, présentent plusieurs points com­muns, mais chaque film a sa vie propre, cha­que film est indépendant des autres. » L'en­semble devrait former une grande toile dont le but ultime est une tentative de définition de la culture québécoise, ou plutôt, pour utili­ser les mots du producteur, de la culture canadienne-française.

Eric Michel a donc constitué une équipe de cinq réalisateurs et trois réalisatrices ayant déjà « démontré que ce sujet constituait une sorte de préoccupation pour eux ». Le groupe ainsi formé est assez étonnant ; s'y côtoient des cinéastes d'expérience, de for­mation et de préoccupations différentes sinon opposées. « Une équipe d'un dynamisme extraordinaire », affirme le producteur. On y retrouve deux employés à plein temps de TOffice national du film, Jacques Godbout et Bernard Gosselin, et six pigistes : Jean Chabot, Sophie Bissonnette, Serge Morin,

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« Si tu veux parlez apropos d'Cody pourquoi tu'lfa — tu m'a arrêtez avant j'ai eu une chance de continuez, ben arrête donc. Ecoute, j 'va t'dire — lit bien. Il faut t'u te prend soin — attend ? — donne moi une chance — tu pense j'ai pas d'art moi fran­çais ? — ça ? — idiot — cra­pule — tasd'marde — enfant shiene — bâtard — cochon

— buffon — bouche de marde. granguele, face laite, shienculotte, morceau d'mar-de. susseu, gros fou, envi d'chien en culotte, ça c'est pire — en face ! — fam toi ! — crashe ! — varge ! — frappe ! — mange ! — foure ! — foure moi'l Gabin ! — envalle Céline, mange l'e rond ton Genêt, Rabelais ? El terra essuyer l'coup au der­rière. Mais assez, c'est pas intéressant. C'est pas intéres­sant l'maudit Français Ecou­te. Cody yé plein d'marde : les lé allez : il est ton ami, les lé songée : yé pas ton frère, yé pas ton père, yé pas ton ti Saint Michel, yé un gas. yé marriez, il travaille, v'as t'cou-chez l'autre bord du monde.

Micheline Lanctôt, Herménégilde Chiasson et, surprise surprise, Nathalie Petrowski. La journaliste revient, selon Eric Michel, à ses premières amours. « Elle a une formation universitaire en cinéma », affirme-t-il, bien qu'il ait oublié de quel établissement... Une équipe donc constituée de six Québécois et de deux Acadiens, ce qui justifie qu'on parle de culture canadienne.

Patient, doux, vaguement paternel avec quel­que chose d'un bon professeur à l'ancienne, Eric Michel a imposé à ses huit collabora­teurs la lecture du livre de Tocqueville. L'idée de la suite de films lui était d'ailleurs venue à la lecture de cet ouvrage. « Je suis moi-même Européen, dit le producteur, cette percep­tion de l'Amérique, de Taméricanité, m'a donc rejoint, et inspiré. Il semblait essentiel que tous le lisent. »

En un deuxième temps, les cinéastes se sont réunis pour discuter du thème de la série et chacun a proposé son idée de film. Le groupe a analysé chaque idée, Ta triturée, remise

en question. « La thématique est avant tout un déclencheur, précise le producteur, elle n'a pas de but d'encadrement. Un film comme le Déclin de l'empire américain aurait pu faire partie du programme... » Eric Michel est enthousiaste face au travail d'équi­pe : « Je n'ai pas choisi mes réalisateurs au hasard, ce sont tous des créateurs. La réflexion de chacun a évolué de façon extra­ordinaire. Chacun, chacune a approfondi le sujet qu'il ou qu'elle avait choisi à l'intérieur de la thématique. » Et il donne comme exemple l'idée de Micheline Lanctôt dont le postulat de départ était que l'enfer, c'est le boulevard Taschereau. « Finalement, elle s'est aperçue, nous aussi, que ce n'est pas vrai pour tout le monde. Pour une grande partie de la population, le boulevard Tasche­reau c'est au contraire le paradis ! Toutes les idées ont été chambardées de cette façon, c'était fantastique. » Voyons en détail quel­les sont ces idées.

En juillet 1986 avait lieu le tournage du pre­mier film de la suite, Voyage en Amérique

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Le Grand Jack de Hermé­négilde Chiasson

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sur un cheval emprunté réalisé par Jean Chabot (la Fiction nucléaire). Un seul per­sonnage parle, en anglais, un Amérindien de Saint-Régis. « Jean a choisi une appro­che nostalgique, dit le producteur, il a réalisé un grand poème lyrique. » Le réalisateur brosse un tableau d'ensemble de Tamérica­nité ; il met en parallèle les façons de vivre cette américanité de plusieurs groupes ethni­ques : les Québécois, les Ontariens, les Amérindiens et les Américains (noirs, blancs et espagnols). Il fait remarquer que ces eth­nies se retrouvent toutes à l'extrême pointe sud-ouest du Québec, dans une superficie de 25 milles carrés. « C'est en même temps un film sur le fleuve Saint-Laurent, dit Cha­bot, nommé ici en quatre langues, ce qui suggère quatre attitudes différentes. »

Pour sa part, Herménégilde Chiasson (Tou­tes les photos finissent pas se ressem­bler) aborde le thème par le biais de la vie et l'oeuvre de Jack Kerouac (sur qui on a déjà tourné plus d'un film). Utilisant la fiction, Chiasson présente cinq oeuvres marquantes

de Kerouac correspondant, selon lui, à cinq types de musique. On passe de la musique folklorique à une musique concrète basée sur le bruit de la mer. Le réalisateur acadien veut jeter un éclairage nouveau sur l'écrivain qui, aurait été, avant tout, « un Canadien français à la recherche d'intégrité, de pureté et d'iden­tité, et non seulement le roi proclamé de la beat generation ». Le Grand Jack a été tourné en novembre 1986.

Sophie Bissonnette et Micheline Lanctôt ont réalisé leurs films en février et mars 1987. Sophie Bissonnette (Quel numéro ? What Number ?) a choisi de montrer l'envers de la médaille, la féminisation de la pauvre­té. « Le Revers de l 'american dream, dit Eric Michel, est construit comme un téléro­man : d'abord le rêve puis, au réveil, la déchéance. » La réalisatrice annonce que son film sera constitué « essentiellement de témoi­gnages, et montrera les principaux facteurs qui sont à l'origine du fait qu'une proportion de plus en plus grande des gens considérés pauvres sont des femmes. »

v'a pensant dans la grand nuit Eu ropéene . J e t'I 'expli-que. ma manière, pas la tienne, enfant, chien — écoutes : — va trouvez ton âme. vas sentir le vent, vas loin — La vie est d'hom­mage. Ferme le livre, vas — n écrit plus sur l'mur, sa lune, au chien, dans la mer au fond neigant. un petit poème Va trouvez Dieu dans les nuits. Les nuées aussi Quantesse s'a peut arrêtez s grand tour au cerveux de Cody : il ya des hommes, des affaires en dehors a faire, des grosses tombeaux d'activité dans les désert d'I'Afrique du coeur, les anges noires, les femmes couchée avec leur beaux bras ourvert pour toi dans leurjen-nesse, d'ia tendresse enfer­mez dans l'meme lit. les gros nuées de nouveaux conti­nents, le pied fatiguée dans de climes mystères, descend pas le côté de l'autre bord de ta vie (30) pour rien A Cody, un corp. (Jack Kerouac, Visions of Cody. Londres, Granada publishing. 1980. Panther Books, pages 478-479)

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Micheline Lanctôt (Photo Suzanne Girard)

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• Je ne présente certaine­ment pas une vision arca-dienne de notre américanité, mais je ne veux pas non plus faire un film trop déprimant. Je cherche une position objective. En commençant, j'espérais trouver plus de dif­férence entre les Québécois et les Américains, mais .. il n'y en a presque pas. Pour le mode de vie. on est améri­cains à 80 p. 100. On se démarque par d'autres as­pects.

Dans mon film, on constate, de façon quasiment palpable, le vide laissé par la dispari­tion des valeurs traditionnel­les québécoises. Ce vide-là n'a pas été comblé, et c'est là que se situe l'espoir pour le Québec. Il se situe là le choix qui nous reste, parce que l'Amérique ne peut pas combler ce vide. Elle n'a rien à offrir, aucune valeur. On peut inventer un nouveau système de valeurs, aller le chercher en Europe, ou en Amérique latine, peu impor­te, mais surtout pas chez les Américains !

La perspective historique est plus rassurante, parce que plus large. J'aime beaucoup les historiens. Un historien que j'ai interviewé dans le film, M. Desbiens, est très pessimiste pour les Etats-Unis. Selon lui. les da rk ages reviendront. Et il croit que le Québec sera épargné. On a résisté pendant 300 ans. selon lui, on peut encore résister

J e ne peux tirer aucune conclusion, ce serait préten­tieux Ce n'est pas possible de savoir. De toute façon, nous sommes une société de mutants. On verra. » (Micheline Lanctôt)

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Le film de Micheline Lanctôt (Sonatine) s'appelle la Poursuite du bonheur. « J'ai­merais retracer dans la société, dit la réali-satrice-comédienne-dessinatrice-écrivaine, la notion de bonheur, en me basant sur un des articles de la constitution américaine qui sti­pule justement que la poursuite du bonheur est un droit fondamental de l'être humain. » Son film interroge la standardisation massive des idées, des goûts, des valeurs, qui enlève de plus en plus la possibilité de choisir son bonheur. « L'idée du bonheur, croit la réali­satrice, ne serait qu'une idée reçue puisque notre bonheur doit correspondre à ce que nous impose la politique économique. » Mi­cheline Lanctôt rejoint Alexis de Tocqueville qui affirmait que la démocratie était menacée d'un danger redoutable, le despotisme de la majorité. « Pour Micheline, raconte Eric Michel, de savoir que tous ses voisins dor­ment dans la même chambre de chez Eaton et mangent dans la même cuisine de Sears, c'est le désespoir ! Mais elle sait que pour beaucoup de gens cela représente l'accession au bonheur. Elle a constaté que la fantaisie, la non-standardisation du décor ne se retrouve plus que dans les sous-sols ; son film essaie de voir si nous sommes voués à nous épanouir dans nos sous-sols... »

Avec la Grenouille, tourné en avril 1987, Serge Morin (De l'autre côté de la glace) parle de Taméricanité trop épanouie, enflée, gonflée au point d'en devenir monstrueuse. L'américanité du vide. Comme la grenouille qui se compare au boeuf, l'industrie cana­dienne rêve d'égaler sa voisine/partenaire/ rivale américaine. Cette rivalité dispropor­tionnée donne naissance aux méga-projets ; on tente de battre les Américains sur leur pro­pre terrain, « the biggest, the highest, the most expensive and... the most ridiculous in the world ». L'industrie et le gouvernement canadiens ont ainsi engendré des monstres, qu'on a fait naître en régions, histoire de se donner bonne conscience et de faire taire les

braillards. Aussitôt construites, ces méga­structures sont abandonnées, à cause sou­vent de conflits entre les valeurs économi­ques et les valeurs culturelles, sociales, et les ressources de l'endroit où elles sont parachu­tées. « Une sorte de revanche de la nature, dit Morin, j'aimerais approcher ces sites comme on approche le site d'une ruine, sorte d'objet d'art avec connotation un peu tragi­que. » La forteresse de Louisbourg est le meilleur exemple de ce type d'erreur. « Il y a aussi Sirtex, au Nouveau-Brunswick, raconte Eric Michel, une usine sophistiquée, de haute technologie, qui n'a jamais été ouverte, et qu'on a finalement transformée en école de danse ! Les exemples abondent, le super-port de gros Cacouna, Mirabel... »

Trois films de la suite l'Américanité ne sont pas encore tournés ; leur producteur affirme qu'ils seront terminés en 1987. Jacques God­bout (dont le film Comme en Californie pourrait bien être considéré comme annon­ciateur de la suite l'Américanité) parlera des liens entre le Québec et le Far West, en accordant une très grande place à la musi­que. « Son projet de départ était une ode aux centres d'achat, dit Eric Michel, mais il a changé de cap parce qu'il veut faire un film sur le Québec à l'intention des Américains. » Bernard Gosselin (l'Anticoste), quant à lui, a opté pour les francophones de la Nouvelle-Angleterre. Les Cousins montrera une autre facette de l'Amérique, celle des petits villa­ges, l'envers de Dallas. Selon Eric Michel, il y a encore aux Etats-Unis 1,3 p. 100 de la population dont le français est la langue maternelle. Nathalie Petrowski profitera de son séjour à New York pour parler de l'attrait qu'exerce The Big Apple sur le Québec en général et plus particulièrement sur Montréal. « New York est un aimant, dit le producteur, c'est la puissance culturelle rêvée. » La réalisatrice Suzanne Guy (Comme une peine d'amour), elle aussi attirée par la métropole américaine, prépare, sans le

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concours de l'Office national du film, un film sur les Québécois à New York.

Eric Michel veut organiser une sortie mas­sive pour les huit films documentaires de la suite l'Américanité. « Pourquoi pas un lan­cement de plusieurs jours, une semaine... ? On pourrait lancer les films aux prochains Rendez-vous du cinéma québécois ? » L'in­térêt de Radio-Canada pour la suite semble confirmer le virage de l'Office national du film qui délaisse les coproductions de longs métra­ges fictions avec des partenaires privés de l'in­dustrie cinématographique pour se tourner vers la production pour la télévision. « Pour la suite l'Américanité, le format des films se prête parfaitement à la télévision. Le film de Sophie Bissonnette dure 1 h 20, mais tous les autres font une heure. »

Eric Michel n'exprime aucun doute quant aux répercussions de la suite. Souriant, très affa­ble, sûr de lui mais sans prétention, il aime parler et semble n'avoir peur de rien. Il expli­que les films avec un luxe de détails et ne se permet aucun mot négatif, aucune critique envers qui que ce soit. Ses collaborateurs sont tous beaux, gentils et doués. On y croirait presque. Et, débordant d'enthousiasme, il parle déjà de son prochain projet, une autre suite de films dont le point de départ sera le rêve de bilinguisme de Pierre Elliott Tru­deau. « En fait, ce sera une série sur l'eutha­nasie. On posera trois questions :

1. La francophonie au Canada est-elle maintenue en vie artificiellement ?

2. Si oui, les francophones en ont-ils conscience ?

3. Qui a le droit de débrancher les ma­chines ? »

Eric Michel a produit des films hors Québec pour l'Office national du film de sorte qu'il a

sûrement sa petite idée sur la francophonie artificielle. Il ne nomme aucun des cinéastes auxquels il songe pour cette prochaine série mais on a vite fait de penser à Michel Brault, coréalisateur de l'Acadie, l'Acadie et de la série le Son des Français d'Amérique, des films qui ne sont pas étrangers aux préoc­cupations d'Eric Michel. Peut-être même le producteur pourrait-il, puisque la question est hautement politique, mettre des caméras entre les mains d'hommes et de femmes politiques. Le résultat serait sans doute aucun une suite de films contradictoires et acharnés chacun sur son os, qui reformuleraient la question de départ : Whose Québec is it anyway ? •

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Tournage de Voyage en Amérique sur un cheval emprunté de Jean Chabot

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