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  • TRAIT DES LIQUEURS

    ET DE LA

    DISTILLATION DES ALCOOLS ou

    LE LIQUORISTE & LE DISTILLATEUR MODERNES CONTENANT

    Les procds les plus nouveaux ponr la Fabrication des Liqueurs franaises et trangres;

    Fruits a l'eau-de-vic et au sucre; Sirops, Conserves, Eaux, Esprits parfums, Vermouts

    et Vins de Liqueur;

    AINSI QUE LA DESCRIPTION COMPLTE

    DES OPERATIONS NECESSAIRES POUR L DISTILLATION DE TOUS LES ALCOOLS

    PAR P . D U P L A I S AIN, LIQUORISTE ET DISTILI.ATEUR DE BETTERAVES, MLISSES, ETC , ETC.

    TOME PREMIER.

    Ancien Comptoir PARIS Ancienne Maison D E S IMPRIMEURS UNIS.

    L MATHIAS (AUGUSTIN) Librairie Scientifique-Industrielle et Agricole

    DE LACROIX-COMON, 15, Quai Malaquais.

    1853

  • TRAIT

    DES LIQUEURS ET DE LA

    DISTILLATION DES ALCOOLS

  • Tous les exemplaires de cet Ouvrage sont signs par l'Auteur.

    VERSAILLES.- Impr. BEAU jeune, rue Satery, 28.

  • TRAIT

    DES LIQUEURS ET DE LA

    DISTILLATION DES ALCOOLS

    LE LIQUORISTE & LE DISTILLATEUR MODERNES CONTENANT

    Les procds l e s p lus nouveaux pour l a Fabrication des Liqueurs f rana i se s e t trangres;

    Fruits l 'eau-de-vie e t au sucre; Sirops, Conserves, Eaux, Espri ts parfums, Vermouts

    e t V i n s de Liqueur;

    AINSI QUE

    LA DESCRIPTION COMPLTE DES OPERATIONS NECESSAIRES POUR LA DISTILLATION DE TOUS LES ALCOOLS

    PAR P . D U P L A I S AIN, LIQUORISTE ET DISTILLATEUR DE BETTERAVES, MLASSES, ETC , ETC.

    TOME PREMIER.

    Ancien Comptoir Ancienne Maison

    DES IMPRIMEURS-UNIS. PARIS L. Mathias (Augustin).

    Librairie Scientifique -Industrielle et Agricole D E L A C R O I X - C O M O N ,

    15, Quai Malaquais. 1855

  • A MA MRE.

    Daigne agrer la Ddicace de cet

    Ouvrage. I'espere que ta bont inaltrable

    accueillera avec bienveillance ce faible trnoi gnage d'amour et de respect de ton fils dvou,

    P. Duplais ain.

  • DIVISION DU

    T R A I T D E S L I Q U E U R S (TOME PREMIER).

    DDICACE. Page

    AVANT-PROPOS . . ... . . 1 CHAPITRE PREMIER, Historique de la distillation, de

    l'alcool et de l'eau-de-vie. id. du vin et autres boissons. id. des liqueurs. . . . . . 4

    CHAPITRE DEUXIME. De la distillation en gnral. D laboratoire, des magasins et des caves. Des appareils distillatoires. Des vases et ustensiles. Des fourneaux. . . ...| . 34

    CHAPITRE TROISIME. Du combustible. Application de la chaleur la distillation . . . ... . . 55

    CHAPITRE QUATRIME. Des conditions de la distillation applique aux liqueurs. De la rectification. Du choix et de la conservation des substances aromatiques et autres . . . . . ... . . 67

    CHAPITRE CINQUIME. De l'eau. Filtration et conser-vation. Eau distille 79

    CHAPITRE SIXIME. Eaux aromatiques distilles. Conservation. Recettes. Eaux non distilles. 86

    CHAPITRE SEPTIME. Huiles volatiles ou essences. Par distillation, Par expression. Rectification. Falsifications et moyens de reconnatre la fraude. Recettes. Tableau. Des extraits. . . . 113

    CHAPITRE HUITIME. Du sucre. Conditions de vente. . 138

    Glucose CHAPITRE NEUVIME. Clarification du sucre. Deco-

    loration. Cuites diverses. Pse-sirop. Ta-~ bleaux . 153

  • CHAPITRE DIXIME. Des sirops. Altrations et con-servation. Recettes, Sirops glucoses . . . 171

    CHAPITRE ONZIME. Des couleurs. Caramel. Hmatine 201

    CHAPITRE DOUZIME. Des alcools aromatiss ou esprits parfums. Rectification. Petites eaux ou flegmes. Recettes. . 211

    CHAPITRE TREIZIME. Des teintures aromatiques. Des infusions 230

    CHAPITRE QUATORZIME. Des liqueurs. Composi-tion, Parfum. Mlange. Tranchage, Coloration. Collage. Filtration. Conserva-tion. Classification, Nomenclature et recettes par distillation. id. par infusion. id. par es-sences . . . . 238

    CHAPITRE QUINZIME. Des extraits d'absinthe et de di-vers spiritueux aromatiques 348

    CHAPITRE SEIZIME. Des fruits l'eau-de-vie. Pr-paration. Blanchiment. Confection. . . . 362

    CHAPITRE DIX-SEPTIME. Des conserves. Applica tion du calorique. - Fruits au sirop ou compotes. Sucs de fruits ou conserves pour sirops . . . 380

    CHAPITRE DIX-HUITIME. Des vins de liqueur. Imi-tation. Recettes. Vermouts. Hydromels. Hypocras 399

    DICTIONNAIRE des substances employes par le Liquo-riste. . . ..........................................................................409

    TABLE alphabtique des matires. . . . . . . 451 LGENDES explicatives des planches m et iv 462

  • AVANT-PROPOS.

    Notre but, en publiant le TRAIT DES LIQUEURS OU le LIQUORISTE MODERNE, est de prsenter sous son vritable jour, et autant que possible avec simplicit et prcision, cet art, dgag de toutes les erreurs dont jusqu' prsent on Ta entour.

    Nous offrons spcialement cet ouvrage aux Distilla-teurs-Liquoristes , persuad qu'on n'a rien crit qui puisse les guider et les clairer dans les nombreuses oprations relatives la fabrication des liqueurs. Notre seule ambition est d'tre utile une industrie que nous aimons, et pratiquons depuis vingt-quatre ans, tant comme chef de laboratoire que comme chef d'tablisse-ment. Fils et lve d'un Distillateur-Liquoriste, qui exera pendant trente-cinq ans, et qui, juste titre, eut une certaine rputation d'artiste dans cette partie, et l'ayant constamment tudie depuis que nous l'exerons nous-mme, nous pensons avoir l'exprience ncessaire pour la traiter convenablement.

    L'ouvrage que nous prsentons au public, est le r-sultat d'un long travail et de nos observations sur les liqueurs. Nous n'avons pas cherch le grossir par rien d'inutile : nous en avons banni les recettes qui ne sont

    4

  • 2 AVANT-PROPOS.

    pas d'un usage reconnu, et nous sommes attach rap-porter celles qu'un bon Liquoriste doit avoir chez lui ou savoir excuter l'occasion. Enfin, nous avons tch d'clairer la pratique par des observations et des raison-nements sur la thorie de Fart ; car si la pratique est in-dispensable, la thorie ne l'est pas moins, et certes, le spirituel et savant Brillat-Savarin 1 avait dix fois raison. lorsqu' propos d'une sole frite qui lui fut servie mol-lasse et dcolore, il disait son chef de cuisine, qui se dsolait encore le lendemain de cet incident regrettable : Ce malheur vous arriva pour avoir nglig la thorie, dont vous ne sentez pas toute l'importance. Vous tes un peu opinitre, et j 'ai de la peine vous faire conce-voir que les phnomnes qui se passent dans votre labo-ratoire ne sont autre chose que l'excution des lois ter-nelles de la nature; et que certaines choses que vous faites sans attention, et seulement parce que vous les avez vu faire d'autres,- n'en drivent pas moins des plus hautes abstractions de la science.

    L'art du Distillateur-Liquoriste exige de celui qui veut le professer des dispositions particulires et des connais-sances prliminaires, dont nous dirons ici quelques mots.

    Celui qui se livre cet art doit tre d'une bonne constitution, possder un jugement sain, certain es-prit d'observation, et un grand amour du travail et de l'tude. Il doit suivre pralablement un cours de chimie lmentaire ou industrielle : il acquiert par ce moyen une grande facilit pour les connaissances qui lui sont

    1 Physiologie du got, mditation VII, thorie de la friture.

  • AYANT-PROPOS.. 3

    ncessaires, il apprend les oprations chimiques, les soins minutieux qu'elles exigent, et se familiarise avec elles, il s'habitue des dtails qui ne sauraient tre trop suivis, et plus tard, en travaillant la distillation et la fabrication des liqueurs, il a l'avantage de ne pas prou-ver le mme ennui que celui qui est forc de s'y livrer sans en connatre toute l'importance ; de plus, il est mme de faire des remarques utiles, dont est incapable celui qui n'a suivi aucun cours et qui ne connat aucune des substances sur lesquelles il opre, La distillation tant une des applications importantes de la chimie, celui qui n'est pas un peu vers dans cette science ne peut esprer de porter cette profession au degr de per-fection qu'elle peut atteindre.

    Avant les progrs de la chimie, l'art du Liquoriste tait un art empirique ; tout se faisait au hasard, et lors-qu'on parvenait composer une liqueur qui flattait le got du public, on levait jusqu'aux nues celui qui l'avait invente, et chacun cherchait se procurer la recette ou l'imiter. Aujourd'hui, qu'on a mieux tudi la vri-table manire de composer les liqueurs, on opre avec plus de facilit, beaucoup d'conomie, et l'on obtient des rsultats plus flatteurs et surtout plus sains ; car il est certain que, de tous les arts chimiques, celui de la dis-tillation est un de ceux qui ont fait le plus de progrs et se sont enrichis davantage des nouvelles dcouvertes. Enfin le Liquoriste doit, autant que possible, tre pourvu d'une grande dlicatesse des sens de la vue, du got et de l'odorat.

    De tout ce qui prcde, il rsulte que le Liquoriste doit avoir le palais dlicat, connatre assez la chimie

  • 4 AVANT-PROPOS.

    pour ne pas mlanger au hasard des substances qui, en se dcomposant entre elles, donnent des rsultats op-poss ceux qu'il attendait; possder parfaitement les principes de la distillation, puisqu'il doit prparer lui-mme les esprits, les plantes, les fleurs, etc., etc., pour en extraire les parfums qu'il emploie tout instant : la runion des conditions que nous nonons constituent seules le vritable artiste.

    Ces connaissances sont difficiles et ne s'acquirent qu'avec beaucoup de temps : en effet, celui qui se destine cette profession fait souvent son apprentissage chez un Distillateur qui ne connat lui-mme aucun principe de l'art, qui distille et confectionne des liqueurs sans discer-ment et sans observation, travaillant d'aprs des re-cettes vieilles ou mauvaises, obtenant parfois de bons rsultats, mais le plus souvent de mdiocres, sinon d-testables. C'est pour remdier cet tat de choses que nous crivons ce livre, dvoilant la vrit, cartant toutes les utopies de thorie, ne dcrivant que ce qui a t consacr par un usage journalier, montrant la vri-table route suivre. Nous voulons, en un mot, que tout homme intelligent devienne Distillateur-Liquoriste avec notre Trait,

    Nos lecteurs nous pardonneront la faiblesse de notre style. Ils n'oublieront pas, nous l'esprons du moins, que c'est un Distillateur-Liquoriste qui parle et non un homme de lettres.

  • LIVRE PREMIER.

    TRAIT IDES LIQUEURS.

    CHAPITRE PREMIER.

    Historique de la Distillation, de l'Alcool et de l'Eau-de-vie1.

    L'histoire de son pays tant utile l'homme, nous croyons que celle de sa profession est ncessaire tout industriel : c'est dans ce but que nous avons crit cette notice historique.

    L'origine de la distillation se perd dans la nuit des temps. On trouve des traces de cette opration dans les sicles les plus reculs.

    Nanmoins, les anciens n'avaient cet gard que des ides trs-imparfaites; ils connaissaient, sans contredit, l'art d'lever l'eau en vapeur, d'extraire le principe odo-rant des plantes et des fleurs, mais leurs procds taient

    1 Nous avons puis nos documents historiques dans les ouvrages de chimie

    et de distillation de MM. Chaplal, Girardin (de Rouen), et Lenormand.

  • 6 TRAIT gnralement vicieux, et les vaisseaux qu'ils employaient ne mritent pas le nom d'appareils.

    Les premiers navigateurs des les de l'Archipel rem-plissaient des marmites d'eau sale el en recevaient la vapeur, parfaitement pure et douce, dans de la laine ou dans des ponges places au-dessus.

    Dioscoride, mdecin clbre d'Anazarbe, en Cilicie, et contemporain de Tibre, indiqua le premier les appa-reils propres la distillation sous le nom d'ambic ; plus tard, au moyen ge, pendant la priode florissante des alchimistes et des mdecins arabes, on ajouta ce mot la particule al, et on forma ainsi celui de alambic.

    Les Arabes avaient en effet une connaissance exacte de la distillation, et tout porte croire que cet art a d prendre naissance chez eux. De tout temps ils se sont occups d'extraire l'arome des plantes et des fleurs, et ont port successivement leurs procds en Italie, en Espagne et dans le midi de la France.

    Avicenne, chimiste-mdecin et philosophe arabe, n aux environs de Bokhara, vers l'an 980 de l're chr-tienne, l'un des hommes les plus extraordinaires qu'ait produits l'Orient, compare, dans ses crits, le rhume de cerveau une distillation. L'estomac, dit-il, est la cu- curbite, la tte est le chapiteau, et le nez est le refrig- rant par lequel s'coule goutte goutte le produit de la distillation.

    Rhazs, fameux mdecin de Carthage, et Albucasis, mdecin arabe, ont dcrit des procds particuliers pour extraire le principe aromatique des fleurs. Il parat qu' cette poque on recevait gnralement les vapeurs dans des chapiteaux que l'on rafrachissait avec des linges

  • DES LIQUEURS. 7

    mouills. Le dernier, regard comme le meilleur chi-miste de son temps, a donn une description exacte des trois distillations connues des anciens, sous les titres de per ascensum, per descensum, et per latus.

    On ignore l'poque laquelle on commena distiller le vin pour en retirer l'esprit ou l'alcool, cette pratique remonte des temps assez reculs; pendant plusieurs sicles cela fut regard comme un grand secret, et on attribuait cet esprit de grandes proprits.

    Cependant, si l'histoire ne nous a point transmis le nom de l'homme industrieux qui, le premier, spara l'alcool du vin l'aide de l'alambic, elle a du moins conserv le nom de celui qui, le premier, a crit sur cette matire; ce fut Arnault de Villeneuve, n Ville-neuve en Provence, en 1240, professeur l'universit de mdecine de Montpellier. Mais c'est tort qu'on le re-garde comme l'inventeur du procd par lequel on obte-nait alors l'alcool; on ne peut nanmoins lui refuser la gloire d'avoir fait les plus heureuses applications des proprits de l'eau-de-vie et surtout du vin naturel ou compos, soit la mdecine ou aux prparations phar-maceutiques. Qui le croirait, dit-il, que du vin l'on pt tirer par des procds chimiques une liqueur qui n'a ni la couleur du vin, ni ses effets ordinaires? Cette eau de vin, ajoute-t-il plus bas, est appele par quel- ques-uns eau-de-vie, et ce nom lui convient, puisque c'est une vritable eau d'immortalit. Dj on com- mence connatre ses vertus : elle prolonge les jours, dissipe les humeurs pectantes ou superflues, ranime le cur et entretient la jeunesse; seule, ou jointe quelque autre remde, elle gurit la colique, l'hydro-

  • 8 TRAITE

    pisie, la paralysie, fond la pierre, etc., ( Arnaldi Vil-lanovani Praxis : Tractatus de vino, cap. de potibus, etc., dit. Lugduni, 1586. )

    Arnault de Villeneuve mourut en 1313, laissant un lve digne de lui, Raymond Lulle1 , n Majorque en 1235, lequel connaissait l'eau-de-vie et enseigna les moyens de sparer la partie aqueuse de manire ob-tenir un produit plus fort en esprit ardent , ou alcool.

    Dans son ouvrage intitul Testamentum novissimum, il dit, page 2 , dition de Strasbourg, 1571 : Recipe ni-grum nigrius nigro (vin rouge) et distilla totam aquam ardentem in balneo; illam rectificabis quousque sine phleg-mate sit. Il dclare qu'on emploie jusqu' sept rectifica-tions, mais que trois suffisent pour que l'alcool soit en-tirement inflammable et ne laisse pas de rsidu aqueux. Il parle dans ses ouvrages d'une prparation d'eau-de-vie qu'il appelle quinta essentia, d'o drive le mot

    M. Girard in, professeur de chimie Rouen, dit dans son trait de chimie lmentaire ( p . 1 8 8 ) . L'histoire de Raymond Lulle, un des plus c- lbres alchimistes du moyen ge, est assez curieuse. N d'une famille noble et riche, il passa les annes de sa jeunesse dans les ftes et les plaisirs; l'amour le fit moine, chimiste et mdecin. Eperdment amoureux d'une jeune fille de Majorque, la signora Ambrosia de Castella, qui refusait obsti- nment de cder ses \eux, il la pressa tellement qu'elle lui dcouvrit son sein que ravageait un affreux cancer. Raymond Lulle, frapp d'horreur, re~ nona au monde et rentra dans un clotre l'ge de trente ans. L il se livra l'tude de la thologie el celle des sciences physiques avec l'ardeur qu'il avait mise dans ses folies de jeune homme. Bientt aprs, ayant conu l'ide d'une croisade, il entreprit d'immenses voyages en France, en Angle. terre, en Allemagne, en Italie et en Afrique, o il fut lapid, prechant le christianisme. Tout en voyageant sans cesse, il trouva le moyen d'crire, dans presque tous les pays et souvent simultanment, sur la chimie, la physique, la mdecine et la thologie. C'est sous Arnault de Villeneuve, professeur de mdecine et alchimiste non moins clebre, qu'il apprit la mdecine et la chimie. Ses contemporains l'avaient surnomm le docteur illumin.

  • DES LIQUEURS. 9

    quintessence, il l'obtenait par des cohobations faites une douce chaleur de fumier pendant plusieurs jours. Le premier appareil employ pour ces oprations , fut l'ap-pareil distillatoire en verre qui est encore en usage dans tous les laboratoires de chimie.

    Michel Savonarole, qui vivait au commencement du xve sicle, nous a laiss un trait ( conficienda aqua vit), o l'on indique un nouveau procd qui consiste mettre le vin dans une chaudire de mtal et rece-voir la vapeur dans un tuyau plac dans un bain d'eau froide. La vapeur condense coule dans un rcipient. Il observe que les Distillateurs plaaient toujours leur tablissement prs d'un courant d'eau pour avoir de l'eau frache leur disposition. Les anciens appelaient le tuyau contourn du serpentin vitis, par rapport ses sinuosits. Ils employaient, pour luter les jointures de l'appareil, le lut de chaux et de blancs d'ufs ou celui de colle de farine et de papier.

    Savonarole ajoute que, dans son temps, on a introduit l'usage des cucurbites de verre pour obtenir de l'eau-de-vie plus parfaite, et que l'on coiffait ces cucurbites d'un chapiteau que l'on rafrachissait avec des linges mouills. Il conseille d'employer de grands chapiteaux pour multiplier les surfaces. Il dit que quelques-uns rendaient le col qui runit la chaudire au chapiteau le plus long possible, pour obtenir de l'eau-de-vie parfaite en un seul coup. 11 ajoute qu'un de ses amis avait plac la chaudire au rez-de-chausse et le chapiteau au fate de sa maison ; dans le nombre des moyens qu'il donne pour juger des degrs de spirituosit de l'eau-de-vie, il indique les suivants comme tant pratiqus de son temps.

  • 10 TRAIT

    1 On imprgne des linges ou du papier avec de l'eau-de-vie, on y met le feu; elle est rpute de bonne qua-lit lorsque la flamme dtermine la combustion du linge ou du papier.

    2 On mle l'eau-de-vie avec l'huile pour s'assurer si elle surnage.

    Savonarole traite au long des vertus de l'eau-de-vie et donne des procds pour la combiner avec l'arome des plantes et autres principes, soit par macration, soit par distillation, et former par l ce qu'il appelle aqua ardens composita.

    Matthiole et Jrme Rube ont crit et fait beaucoup de recherches sur la distillation. Ce dernier nous apprend que, chez les anciens, ce mot n'avait pas une valeur analogue celle qu'on lui a assigne depuis plusieurs sicles. Ils confondaient, sous ce nom gnrique, la fil tration, les fluxions, la sublimation et autres oprations qui ont reu de nos jours des dnominations diffrentes et qui exigent des appareils particuliers. (Jrme Rube, de distillatione).

    Jean Baptiste Porta, napolitain qui vivait vers la fin du xvic sicle, a imprim un trait de distillationibus, dans lequel il envisage cette opration sous tous les rapports, en l'appliquant toutes les substances qui en sont sus-ceptibles.

    Nicolas Lefvre, le docteur Arnaud de Lyon 1 et le chi-miste Glauber 2 au xviie sicle ont fait des amliorations utiles cette industrie pour les appareils distillatoires.

    1 Voyez Introduction la chimie ou la vraie physique, Lyon, 1653

    2 Voyez Descriptio artis distillatori nov, Amsterdam, 1658.

  • DES LIQUEURS. 11

    Philippe-Jacques Sachs, dans un ouvrage imprim Leipsick, en 1661, sous le titre de vitis viniferae ejusque partium consideratio, etc., a donn un trait complet et prcieux sur la culture de la vigne, la nature des ter-rains, des climats et des expositions qui lui conviennent, la manire de faire le vin, la richesse des diverses na-tions dans ce genre, la diffrence et la comparaison des mthodes usites chez chacune d'elles, la distillation des vins, etc.

    Mose Charas, dans sa Pharmacope, imprime en 1676, a dcrit l'appareil de Nicolas Lefvre, et y a ajout quelques perfectionnements; il a adapt un rfrigrant au chapiteau. On peut voir encore, dans les lmens de chimie de Berchusen, imprims en 1718, et dans ceux de Boerhaave, qui parurent Paris en 1733, plusieurs pro-cds d'aprs lesquels on pouvait obtenir de l'alcool un degr assez lev par une seule chauffe.

    Jusqu'au commencement du xviiie sicle la distillation fut dans l'enfance, car cette poque l'alambic gnra-lement usit se composait d'unecucurbite, d'un chapiteau rfrigrant et d'un serpentin, appareil trs-imparfait, qui exigeait plusieurs distillations pour obtenir de l'esprit et qui perdait beaucoup, comme degr et comme quan-tit.

    Une amlioration importante fut faite en 1780 par Argand. Il conut l'ide de faire tourner au profit de la distillation elle-mme la chaleur employe la vaporisa-tion du liquide. Il inventa l'appareil chauffe-vin avec le-quel on pouvait faire une distillation continue.

    La plus belle et la plus importante dcouverte fut celle

  • 12 TRAITE

    d'Edouard Adam 1, qui en 1800 imagina d'appliquer l'ap-pareil de Woulf la distillation des vins et obtint ainsi, de prime abord, de l'alcool tous les degrs de concen-tration exigs parle commerce. Il construisit alors un ap-pareil distillatoire dans lequel il distillait en six heures trente hectolitres quarante litres de vin, dont il retirait, par une seule distillation, de quatre hectolitres quarante litres quatre hectolitres trente-six litres d'esprit 3/6, c'est--dire 33 de Cartier.

    Cet appareil tait dispos de telle manire, que les vapeurs sortant de la cucurbite passaient dans une srie

    1 Nous empruntons M. Lenormaud la note suivante, extraite de son TRAITE

    sur la distillation : ce fut un Franais qui donna naissance a la distillation des vins; ce fut encore un Franais qui perfectionna cet ar t , ou, pour m'exprimer arec plus d'exactitude, qui renversa tout le systme pratiqu jusqu' lui, et lui en substitua un nouveau. Le chimiste le plus distingu du XIII e sicle, cra l'art de la distillation. Ds la premire anne du XIXe sicle, Edouard Adam, homme obscur, tranger la science, ne connaissant point l'art qu'il entre-prend de rformer, se fraie une route nouvelle, tablit un nouveau systme et arrive pas de gant au but que les gnies les plus exercs et les plus profonds n'avaient jamais pu atteindre par des travaux soutenus pendant plusieurs sicles. Que les Arnault de Villeneuve, les Raymond Lulle, les Porta, les Lavoisier, les Meusnier, les Fourcroy, eussent fait une pareille dcouverte, on aurait admir leur gnie sans tre surpris que leur science et l 'habitude qu'ils avaient de ma-nipuler, les et conduits des rsultats aussi avantageux. Mais qu'un homme qui n'avait pas mme les premires notions de l'art sur lequel il s'exerait, qui n'avait jamais encore mis la main l'uvre pour faire la plus simple distil-lation, qu'un homme qu'on avait vu peu d'annes auparavant vendre de la toile et del mousseline, qu'un homme enfin tel que je viens de le dpeindre, s'lve, pour son coup d'essai, avec la rapidit de l'aigle au plus haut degr de la science, en pntre les replis les plus cachs, et fasse en un instant ce que les gnies les plus profonds n'ont pu faire en six sicles, voila ce qui parait invraisemblable, et nos neveux auront de la peine a croire un pareil prodige. 11 ne cache pas la source dans laquelle il a puis ses nouveaux procds. J 'as- siste par hasard, dit-il, une leon de chimie, je vois fonctionner un ap - pareil de Woulf, et. de suite je conois la possibilit d'en faire l'application a la distillation des vins.

  • DES LIQUEURS. 13 de vases en forme d'ufs, chargs de vin, et s'y conden-saient jusqu' ce que le vin et acquis la temprature de Fbullition par suite du calorique abandonn par elles-mmes. Ce vin ainsi chauff et devenu plus alcoolique envoyait ses vapeurs de plus en plus riches en esprit dans une autre srie de vases plus petits et vides, o elles dposaient, chemin faisant, leur partie la plus aqueuse (c'est ce que l'on nomme flegme ou phlegme dans les distilleries), dont la quantit allait sans cesse en dimi-nuant de vase en vase.

    Les parties les plus volatiles venaient enfin se con-denser d'abord dans un serpentin rafrachi par du vin, puis dans un autre rempli d'eau. Lorsque le vin de l'alambic tait puis, on le laissait couler dehors au moyen d'un robinet plac au bas de la cucurbite, on le remplaait immdiatement par le vin chaud des ufs et du serpentin. De cette manire on lirait partie de tout le calorique latent des vapeurs, on obtenait plus de pro-duit, et comme l'alcool n'tait plus sur le feu, il ne con-tractait jamais ce got de feu ou 'empyreume qu'offrent les eaux-de-vie obtenues par l'ancienne mthode. Enfin l'immense avantage de ce procd tait la facilit d'ob-tenir d'un seul coup, nous l'avons dit, tous les degrs de spirituosit,

    Edouard Adam prit un brevet d'invention le 2 juillet 4801 et s'empressa de monter avec l'aide de capitalistes vingt brleries ou distilleries dans le Midi. Plus d'un million fut engag dans cette entreprise gigantesque.

    Mais bientt de tous cts s'levrent des appareils calqus sur le sien ; une suite de procs s'engagea entre Adam et ses contrefacteurs; ceux-ci gagnrent et le mal-

  • 14 TRAIT

    heureux Adam 1, aprs avoir dot le Midi d'une industrie qui devait tant contribuer la richesse de ce pays, mou-rut dans la misre et le dgot la fin de 1807. C'est dit M. Girardin, l'histoire de Lebon, de Leblanc, de Jac-quart, et malheureusement de tous les inventeurs; ils sment, mais il est bien rare que ce soient eux qui r-coltent.

    Nanmoins l'appareil d'Adam, quoique fort suprieur tous ceux qui l'avaient prcd, offrait encore quelques inconvnients dans la pratique et laissait dsirer. On lui reprochait surtout de prsenter quelques dangers, en raison d la pression dtermine par cette srie de tubes plongeurs; on lui reprochait encore d'exiger trop de temps et de trop dpenser pour parvenir l'quilibre total des derniers vases. A la vrit on avait par en grande partie cet inconvnient en diminuant le nom-bre des vases et en les etageant de manire pouvoir les vider les uns dans les autres. On voulut encore en-chrir sur cette brillante application et l'on proposa di-verses amliorations successives.

    Ainsi, peu de temps aprs la triste catastrophe d'Adam, Cellier Blumenthal conut l'ide de multiplier presque l'infini les surfaces du vin soumis la distillation pour

    1 Quatre ans aprs la dcouverte d'Adam, Isaac Brard, distillateur au grand

    Gallargues, homme simple et modeste, ayant tout l'extrieur d'un paysan, mais cachant sous son habit grossier un gnie extraordinaire pour son tat, Brard construit un appareil d'une grande simplicit qui donne abondamment des pro-duits d'une excellente qualit. Par une seule chauffe, il extrait du vin, comme Adam, non-seulement de l'eau-de-vie, du trois-cinq, du trois-six, du trois-sept, mais mme du trois-huit, et volont, de manire qu'en tournant plus ou moins un robinet, il obtient, par des moyens diffrents de ceux qu'avaient employs Adam, le degr d'alcool qu'on lui demande. (Lenormand.)

  • DES LIQUEURS. 15 conomiser du temps et du combustible. En consquence, il fit circuler les vapeurs qui s'chappent de la chau-dire sous de nombreux plateaux placs les uns sur les autres, et contenant chacun une couche de vin d'envi-ron 27 millimtres d'paisseur. Ces plateaux sont sans cesse aliments par du vin chaud qui coule de l'un l'autre en laissant vaporer l'alcool, le rsidu se rend dans la chaudire o se termine la distillation. Le vin dpouill d'esprit s'chappe sans interruption de la chau-dire par une ouverture latrale.

    M. Ch. Derosne, de Paris, en 1818, a perfectionn en-core cet appareil distillation continue, et en a fait un des instruments les plus parfaits de notre poque. Nous donnerons plus loin la description de cet appareil, ainsi que de ceux employs en ce moment par les Distillateurs-Brleurs de vins, mlasse, fcule, betterave, etc. En 1813, poque o Cellier Blumenthal prenait un bre-vet de quinze annes pour son appareil, Baglioni et Pierre Algre en prenaient chacun un de la mme dure pour les alambics qui portent leur nom. Celui du pre-mier a longtemps t en usage dans les environs de Bordeaux et celui de Pierre Algre dans la Provence et aux environs de Paris, ce dernier particulirement pour la distillation des fcules et des mlasses ; mais ces appareils, il faut bien le dire, sont infrieurs ceux que l'on emploie aujourd'hui.

    il rsulte de ce que nous venons de dire que la distil-lation n'a vritablement fait de progrs qu' partir de 1780, poque laquelle Argand inventait le chauffe-vin; car jusque-l cette opration tait longue, pnible et dis-pendieuse.

  • 16 TRAIT Nous ne donnerons pas la description de tous les bre-

    vets qui ont t pris pour la distillation des alcools, nous ngligerons galement la description de tous les appareils distillatoires qui ont t employs dans ce der-nier sicle, et qui ne sont pas d'un usage commun. Notre but est de signaler ce qui est bon, il convient donc de ne parler que des appareils dont le mrite est incontestable.

    La distillation n'a pas toujours t un art que chacun pouvait professer librement, il fallait certaines conditions pour l'exercer : les ordonnances et rglements de police qui ne permettent la distillation en gnral qu' ceux qui ont obtenu des privilges, sont trs-anciens et ont t trs-souvent renouvels.

    Ce fut Louis XII, en 1514, qui rigea la communaut des Distillateurs conjointement avec celle des vinaigriers et qui leur accorda le droit de faire de l'eau-de-vie et de l'esprit de vin. Vingt ans aprs, cette communaut fut spare et l'on distingua les Distillateurs des vinaigriers.

    Le 5 avril 1639, un arrt de la cour des monnaies ta-blit la communaut des Distillateurs en corps de ju-rande et lui donna des statuts sous le bon plaisir du roi, comme il est dit. Voici cet arrt complet et textuel ainsi que l'ordonnance royale qui l'approuve :

    STATVTS ET RGLEMENS Faits pour le mestier de Distillateur d'eaux fortes, eaux

    de vie et autres eaux, esprits, huiles et essences.

    Ie Pour empescher les abus qui se commettent iournelle-ment par plusieurs personnes, qui sans auoir serment en ius-tice prennent la libert de tenir chez eux des fourneaux, et

  • DES LIQUEURS. 17 sous prtexte de mdecine font et eaux fortes et eaux de vie, et autres huiles et essences de souffre, alun, vitriol, salptre, et sel amoniacle, seruant la distillation et altration de l'or et de l'argent : et rnesme font eaux rgales, auec les quelles ils diminuent les monnoyes d'or et les affoiblissent en leur poids tantot d'vn quart, ou d'vn cinquime plus ou moins, sans en altrer la figure, le mestier de distillateur d'eaux fortes, eaux de vie, et autres eaux , huiles, essences et esprits, sera jur en cette ville, faux-bourgs et banlieue de Paris,

    2 Que les maistres du dit mestier seront obligez de tenir bons et fidels registres contenant les noms, surnoms, demeu-res et qualitez de celles ou ceux qui ils vendront de l'eau forte, et iceux reprsenter en la dite cour tous les mois, et toutes fois et quantes qu'il plaira la cour l'ordonner, et ne pourront en vendre plus do deux liures la fois sans permission de la cour, sinon aux maistres de la monnoye et aux affi-neurs.

    3 Qu'il n'y aura que douze maistres du dit mestier tant en cette ville de Paris, que faux-bourgs et banlieue d'icelle : et que nul ne pourra exercer le dit mestier, faire ou vendre les dites eaux fortes, eaux de vie , et autres eaux, huiles, et essences et esprits, n'y tenir fourneaux, et vstancilles propres le faire, s'il n'est receu maistre du dit mestier, fors et except le mais-tre particulier de la monnoye et les affineurs, les quels seront maintenus dans le pouuoir de faire l'eau forte seulement.

    4 Que la dite cour dputera de temps en temps deux des officiers d'icelle, pour visiter les maistres du dit mestier sans aucuns frais.

    5 Que les dits maistres seront tenus de, donner aduis la dite cour de tous ceux qu'ils scauront auoir fourneaux propres fondre en leurs maisons, ou faire les dites eaux fortes, huiles, essences, sans permission de la dite cour.

    6 Que les dits maistres ne prteront leurs fourneaux qui que ce soit, sous prtexte de mdecine ou autrement, sauf ceux qui en auront besoin pour faire quelques oprations de mdecine et se pouruoir suiuant les ordonnances par deuers la

    2

  • 18 TRAIT dite cour, pour auoir permission de faire les dites oprations chez l'vn des maistres du dit mestier.

    7 Que dfenses seront faites toutes personnes de faire eaux rgales seruans affaiblir les monnoyes sans altrer la figure.

    8 Que aucun des dits maistres ne pourra faire les oprations du dit mestier, n'y tenir les fourneaux ce ncessaires qu'en vne maison seulement qui ne soit point l'cart n'y en lieux trop loignez, et qu'il sera tenu de dsigner la cour, et mesmes luy donner aduis quand il changera de demeure pour aller faire les dites oprations en autre lieu, et ne pourront tenir leurs dits fourneaux qu'en lieux faciles visiter.

    9 Qu'il y aura touiours deux jurez et gardes du dit mestier auec deux des plus anciens bacheliers, scauoir, vn ancien et vn nouueau : et que pour cet effet lection se fera par chacun an par les maistres du dit mestier qui fera le serment en la dite cour et non ailleurs, et exercera conjointement auec l'an-cien en sorte que chacun d'eux exercera la dite charge de jur l'espace de deux ans, et que pour la premire fois seulement il en sera leu deux, scauoir vn pour deux ans, et l'autre pour trois ans.

    10 Que les jurez feront toutes les semaines leurs visites, tant sur les riches, que sur les pauures : et d'icelles feront bons procs verbaux, contenant les abus et maluersations qu'ils y auront trouuez, dont ils seront tenus de faire bon et fidel rapport a la dite cour, sans qu'il leur soit loisible s'ac-corder auec les contreuenans, peine de cinquante Hures d'amende pour la premire fois, qui doublera pour la se-conde.

    11 Que les jurez feront leurs visites sur tous ceux qui semes-lent de distillation, alchimistes, et autres personnes qui tiennent fourneaux, font eaux de vie, eaux fortes, esprits, huiles et essences, fors et except sur les maistres de la monnoye, et affineurs; et contre les contreuenans ces statuts et rglemens, les dits jurez pourront faire toutes saisies et tous exploits que peuuent faire tous autres jurez d'autre mestier en cas semblable, et auront les dits jurez le tiers des amendes et confiscations

  • DES LIQUEURS. 19 qui prouiendront des saisies par eux faites, et des rapports qu'ils seront tenus faire la dite cour.

    12 Et pour empescher que les contreuenants ces articles ne puissent par des conflits de iurisdictions affectez se soustraire aux yeux de iustice, et aux peines qu'ils auroient mrites, que toutes causes, procs et diffrends meus et mouuoir pour raison du dit mestier, circonstances et dpendances, contre les maistres du dit mestier, compagnons, apprentifs, ou au-tres personnes de quelque qualit ou condition qu'ils soient, seraient iugez en la dite cour : auec dfenses tous autres iu-ges d'en connoistre, et aux parties de se pouruoir ailleurs; peine de nullit, cassation de procdure, et de cinq liures d'amende.

    13 Item, que les maistres du dit mestier seront tenus de trauailler de bonne lie et bassire de vin, et de vin fust et non aigre, non puant, en toutes les oprations qui se peuuent tirer du dit vin, lies et bassires, et faire bonne graule, le tout conformment aux rglemens qui seront sur ce faits par la dite cour : et pour empescher les abus et maluersations qui se peu-uent commettre au dit mestier seront faites dfenses d'en faire de pied de bac, bire et de lie de cidre : et tous distillateurs de les composer de plusieurs drogues qui seront nommes cy aprs; scauoir poiure long et rond, gimgembre, et autres drogues non conuenables au corps humain , sur peine de con-fiscation des dites marchandises, et de deux cens liures d'a-mende.

    14 Item, tous les maistres auront Visitation sur tous trans-ports de marchandises du dit mestier qui soient amenes en cette ville de Paris, tant par eau que par terre : par marchands forains et autres, les quels ne les pourront vendre n'y exposer en vente qu'auparavant la dite Visitation n'ait t faite par les dits maistres jurez du dit mestier, lesquels les dits mar-chands forains et autres seront tenus d'aduertir sur peine de confiscation des dites marchandises et deux cens liures d'a-mende.

    15 Item , pourront les dits maistres acheter de toutes sortes

  • 20 TRAIT de personnes les lies et bassires de vin, et vin fust , non puant et non aigre, propre faire de Tenu de vie.

    16 Item, pour obuier aux abus et monopoles qui se pour-roienl commettre l'achapt des dites marchandises qui pour-raient estre amenes en cette ville et faux-bourgs de Paris, par marchands forains, auront les dits maistrs du dit mestier vn bureau commun, auquel lieu ils seront tenus d'exposer en vente les dites marchandises qui viendront de dehors , icelles prala-blement visites, deuant laquelle Visitation et exposition ne pourront les dits maistres acheter, ni les marchands vendre d'i-celles peine de confiscation des dites marchandises, et de deux cens liures d'amende.

    17 Item, s'il aduient qu'aucun maistre du dit mestier alloit de vie trpas deloissant sa veufue, icelle veufue pourra tenir ouuriers faire trauailler en sa maison, et compagnons qui au-ront fait apprentissage chez les maistres du dit mestier, pendant sa viduit seulement, sans qu'il luy soit loisible d'auoir aucuns apprentifs, sur peine de pareille amende.

    18 Item, qu'il ne sera loisible aucunes personnes de cette ville, faux-bourgs, banlieue, autres que les maistres, de vendre et dbiter les dites eaux fortes, eaux de vie , et autres eaux, huiles , esprits, et essences, sur peine de confiscation des di-tes marchandises et vstaucilles seruant au dit mestier et travail, et deux cens liures d'amende.

    19 Item , que les maistres du dit mestier ne pourront exiger des aspirans la matrise plus de 60 liures de leur rception, pour tous les frais qu'il conviendra faire pour les affaires com-munes du dit mestier, et 8 liures pour droict de chaque jur.

    20 Item, l'advenir nul ne pourra estre receu au dit mes-tier, sinon qu'il ait est apprentif chez vn des maistres par l'espace de quatre ans pour le moins, du quel temps il ne se pourra racheter, et qu'il n'ait atteint l'aage de vingt-quatre ans,-et trauaill deux aus chez les maistres en qualit de com-pagnon.

    21 Item si l'vn des dits apprentifs oblig par le dit temps de quatre ans s'enfuit hors du logis de son maistre, celui qui

  • DES LIQUEURS. 21

    aura oblig le dit apprentif sera tenu et oblig de le repr-senter, le rendre au service de son dit maistre, ou iustifier comme il aura fait recherche d'iceluy dans la ville, faux-bourgs et banlieue de Paris, et faute de pouuoir par luy repr-senter le dit apprentif, sera tenu le dit maistre de le dclarer aux jurez du dit mestier, ensemble le jour de la fuite du dit ap-prentif, et leur mettre entre les mains les dites lettres d'ap-prentissage, pour en estre par les dits jurez fait bon et loyal registre ; quoy fait, pourront les dits maistres se pouruoir d'un autre apprentif, et iceluy faire obliger pour pareil temps de quatre ans. Et ne pourra aucun maistre du dit mestier tenir aucun compagnon du dit mestier, qui soit oblig vn autre maistre, pendant le temps de son oblig, sans le consentement du dit maistre, ains sera tenu de le luy rendre et remettre entre les mains.

    22 Item seront tenus les maistres du dit mestier en pre-nant apprentifs, de ls faire obliger par acte pass au greffe de la dite cour, pour Je dit temps de quatre ans sans discontinua-tion du dit service, et mettre les lettres de la dite obligation dans trois iours pour le plus tard, compter du iour de leur datte entre les mains des jurez, pour estre par eux enregistres.

    23 Item les apprentifs ne seront receus maistres du dit mestier, qu'ils ne sachent lire et crire, et seront examinez par les jurez, aprs le quel examen s'ils sont trouuez suffisans, seront receus faire chef-duure par devant les dits jurez en pr-sence de l'vn des conseillers de la dite cour qui sera ce com-mis : lesquels aprs leur estre apparu, tant par le dit examen que par le dit chef-duure, de la capacit des dits apprentifs, et qu'ils sauront lire et crire : ensemble de leur breuet d'ap-prentissage et qu'ils auront seruy le dit temps de quatre ans, les prsenteront la dite cour, en laquelle ils seront de nou-veau examinez, avant que d'estre receus faire le serment de maistre du dit mestier.

    24 Item, que les fils de maistre de chef-duure qui auront seruy au dit mestier, soit leurs pres ou autres maistres, ne seront tenus de monstrer aucunes lettres d'apprentissage pour

  • 2 2 TRAITE

    parvenir la matrise, pourveu qu'ils soient aagez de vingt-quatre ans, et qu'il soit apparu de leur capacit.

    25 Item, nul maistre du dit mestier ne pourra tenir plus d'un apprentif, le quel sera oblig luy pour le temps et es-pace de quatre ans.

    La covr, sous le bon plaisir du roy, a ordonn et ordonne que les prsens rglemens tiendront lieu de statuts et rgle-mens pour le mestier de distillateur d'eaux fortes, d'eaux dvie et autres eaux, esprits, huiles et essences, et que les maistrs d'iceluy seront tenus de les regarder et obseruer inuiolable-ment l'aduenir sans y contreuenir en aucune manire que ce soit.

    Sign par collation. de LAISTRE.

    ORDONNANCE ROYALE

    Approuvant l'arrt de la Cour des monnaies relatif aux Statuts en corps de Jurande du mtier de Distillateur.

    Lovys par la grce de Dieu roy de France et de Navarre : tous prsens et venir, salut. Aprs auoir fait voir en nostre Conseil, les articles, rgles et statuts dresss pour la vocation, art et mestier de distillateur et faiseur d'eau-de-vie et d'eau forte, et de tout ce qui provient, de lie et bassire de vin pour l'v- tilit publique, cy attachs sous le contre-scel de nostre chan-cellerie avec l'aduis de nostre lieutenant civil, et nostre pro-cureur au Chastelet de Paris, du 3eme octobre 1634. Pour l'emologation des dits articles, cahier et transcrit pour l'rection du dit mestier en mestier jur en nostre dite ville de Paris, pour estre regy et gouuern selon les dits articles d'ordon-nances : ensemble les arrests de nostre parlement de Paris, des septime septembre 1624, premier feurier 1631, et sixime auril 1634, donnez entre les exposants et les maistres vinai-griers aussi cy attachez, de l'aduis de nostre dit conseil avons

  • DES LIQUEURS. 23

    confirm et approuv, confirmons et approuvons les dits arti-cles et statuts, pour estre gardez et observez de poinct en poinct et en tant que besoin est ou seroit, cr et rig, crons et ri-geons par ces prsentes signes de nostre main, le dit art ou mestier de faiseur d'eau-de-vie et d'eau forte en mestier jur l'instar des autres mestiers de nostre ditte ville de Paris auec dfense toutes personnes de contreuenir aux dits statuts peine de tous dpens, dommages et interrests. Si DONNONS BN MANDEMENT nostre preuost de Paris, ou son lieutenant ciuil que de nos prsentes lettres de confirmation de statuts et cration de mestier en mestier jur, ils fassent, souffrent et laissent iouyr et vser les exposans pleinement et paisiblement et perptuellement, sans qu'il y soit contreuenu : car tel est nostre plaisir et afin que ce soit chose ferme et stable tous-iours, nous auons fait mettre nostre scel ces dites prsentes, sauf en autre chose notre droict et l'aulruy en toutes.

    Donn Paris au mois de januier, Tan de grce 1637 et de nostre rgne le vingt-septime,

    Sign LOVYS. Par le roi.

    DE LOMNIE.

    En excution des quels arrests, ordonnances et rglemens de la dite cour, se prsentrent au bureau d'icelle les nommez Michel Chauti, Franois Noilgeulle, Jean Messier, Jean Belle-guise, Franois Petit et Jean Estienne, qui furent receus mais-tres et presterent le serment au bureau de la dite cour, le dix neuuime mars 1640 et seizime auril suivant; les nommez Car-don-Sesmery, Nicolas Grund, Jean et Charles Girard, furent pareillement receus, et firent serment au bureau de la dite cour, ainsi qu'il se iustifie par les registres d'icelle.

    Louis XV, par arrt contradictoire de son conseil, rendu le 23 mai 1746, ordonne que les Distillateurs demeure-

  • 24 TRAIT ront immdiatement soumis la juridiction des juges ordinaires, en ce qui concerne la prparation des dro-gues et des remdes, et la cour des monnaies en ce qui concerne les mtaux et la confection des eaux fortes propres leur dissolution; par ce mme arrt, il est fait dfense aux Distillateurs-Limonadiers de s'immiscer dans aucune des oprations appartenant la chimie. En 1753, la communaut des Distillateurs faisait corps avec la communaut des Limonadiers, et les droits de r-ception taient fixs 600 livres. La rvolution fran-aise vint niveler toutes les professions, et les Distilla-teurs, comme les autres, furent obligs de suivre la loi commune.

    Historique du Vin et autres boissons.

    La culture de la vigne et la fabrication du vin re-montent la plus haute antiquit. Ainsi que le dit Chaptal, les arts les plus simples doivent etre prsu-ms les plus anciens, et la simplicit de celui-ci a d faire concourir de trs-bonne heure le hasard et la na-ture l'enseigner aux hommes.

    Les uns veulent qu'Osiris, surnomm Dionysus, parce qu'il tait fils de Jupiter, et qu'il avait t lev Nysa, dans l'Arabie heureuse, ait trouv la vigne dans le territoire de cette ville, et qu'il l'ait cultive : c'est le Bacchus des Grecs. D'autres, attribuant cette dcouverte No, pensent que ce patriarche est le

  • DES LIQUEURS. 25

    type de l'histoire du Bacchus des Grecs, et peut-tre mme du Janus des Latins, car le nom de ce dernier drive d'un mot oriental qui signifie vin. " (Chaptal). Quoi qu'il en soit, c'est de l'Asie que nous est venue la vigne, d'o l'on tira le vin. Cette prcieuse liqueur a pass de l'Asie dans la Grce, et de l en Italie. Les Gaulois en ont eu, suivant Plutarque, la premire notion par un Toscan banni de sa patrie et qui, voulant les en-gager la conqurir, chercha leur faire goter le vin de son pays pour leur donner une ide de ses productions. Pline dit qu'un Helvtien, aprs avoir pass quelques annes Rome, imagina le premier qu'il ferait un commerce avantageux des vins d'Italie en les transportant dans les Gaules.

    En parcourant les anciennes histoires, on voit que l'empereur Domitien, tyran aussi singulier dans sa faon de penser, que barbare de son caractre, pr-tendit que la culture du bl dans les Gaules serait plus utile l'empire en gnral, que celle du vin, et qu'en consquence de ce faux raisonnement, il fit arracher toutes les vignes. Cette ordonnance eut son excution, pendant prs de deux cents ans, mais enfin, vers la fin du me sicle, le sage et vaillant Probus rtablit la paix et les vignes dans notre pays. Qui pourrait croire que les vins de Paris acquirent alors de la rputation, et que ceux de Suresne et de Nanterre passrent pour excellents? C'est ce qu'atteste l'empereur Julien, qui ne cesse d'en faire l'loge. On parla, peu de temps aprs, des vins d'Orlans, mais bientt ils cdrent le pas d'autres provinces plus loignes.

    Les Francs, loin de dtruire les vignes, eurent grand

  • 2 6 TRA1T

    soin d'en multiplier les plants, lorsqu'ils se turent rendus matres des Gaules. Charlemagne en recom-manda la culture dans ses domaines; et depuis ce prince jusqu'au xvie sicle, tous les rglements de nos rois ont t favorables la culture des vignobles et la fabrication des vins. Ds le ix sicle, ceux de Bourgogne avaient quelque rputation : on les enlevait pour l'Allemagne. Ceux des bords de la Moselle taient achets par les Frisons. Du temps de Philippe Auguste, on portait beaucoup de nos vins en Angleterre. En 1372, Froissart dit : qu'il passa du royaume d'Angleterre en Guyenne, Bordeaux, bien deux cents voiles en toute une flotte de nefs de marchands qui allaient aux vins Ce commerce prospra jusqu'en 1577, que Charles IX, pensant comme avait fait Domitien, ordonna d'arracher une partie des vignes de la Guyenne.

    En recherchant quels ont t les inventeurs des ton-neaux, nous nous assurerons que nous en avons l'obli-gation aux Gaulois Cisalpins, et qu'avant eux les Ro-mains dposaient le vin dans de grands pots de terre 1 , ou dans des outres faites de peaux de btes (commun-ment de bouc) qui souvent communiquaient la li-queur un got dsagrable. Charlemagne, dans ses Capitulaires , recommande aux rgisseurs de ses domai-nes de conserver son vin dans de bons barils, bonos barrillos, cercls de fer.

    Nous ne nous dispenserons pas, dans ce chapitre , de traiter des premires boissons dont usrent nos pres,

    1 On appelait ces pots amphores. Ils avaient deux anses et servaient de me-

    sures de capacit pour es liquides, chez les Grecs et les Romains ; ils conte- -aient environ trente-nuit litres de notre poque.

  • DES LIQUEURS. 27 avant que les Romains leur eussent apport la vigne. Nous voulons parler de l'hydromel.

    Les Gaules, couvertes de forets, abondaient en es-saims d'abeilles, qui fournissaient une prodigieuse quantit de miel sauvage, que nos anctres recueil-laient, et dont ils composaient une liqueur forte et enivrante, par le moyen de la fermentation dans Veau. Telle fut longtemps leur boisson, qui s'appelait ds lors hydromel. Vers le xvc sicle, temps o les abeilles domestiques avaient pris la place des sauvages, et o l'abondance du vin avait fait oublier l'usage de cette liqueur, on inventa un hydromel vineux, peut-tre mme ne fit-on que renouveler cette boisson, qu'il est impossible que les Gaulois n'aient pas fabrique. Un ouvrage du xve sicle nous apprendra la manire de le faire et de le conserver comme du vin.

    Les moines de l'abbaye de Cluny se rgalaient cer-tains jours avec de l'hydromel aromatis , o il entrait de la btoine et d'autres herbes, et ils appelaient cette liqueur potus dulcissimus. Le marc d'hydromel tremp d'eau tait distribu aux valets de l'abbaye et aux paysans.

    La bire tait une boisson de nos pres. Pline nous atteste qu'ils en buvaient de son temps; mais ce qui nous tonne, c'est qu'il ajoute qu'ils avaient le secret de la conserver pendant plusieurs annes. Ce secret est perdu pour nous. Nous trouvons dans Diodore de Si-cile que les Egyptiens avaient deux sortes de bire ; l'une forte, appele zichs; l'autre douce, qu'ils nom-maient curmi. Les Gaulois conservrent cette division qu'ils tenaient sans doute des Phocens: leur bire forte

  • 28 TRAITE

    portait aussi le nom de zilu, et la douce tait nom-me cervisia dont a fait le vieux mot franais cervoise. Julien l'Apostat n'aimait pas la bire et particulirement celle des environs de Paris : il nous reste une pi-gramme grecque de cet empereur o , apostrophant la bire, il dit peu prs : Qui es-tu? Non, tu n'es point le vrai Bacchus : le fils de Jupiter a l'halcine douce comme le nectar, et la tienne est comme celle d'un bouc.

    Le cidre est une boisson qui fut d'abord imagine en Afrique et dont les Biscayens, qui commeraient dans cette partie du monde, apportrent la connais-sance dans leur patrie. Ensuite les Normands ayant conquis la Neustrie et faisant commerce avec les Bis-cayens, ils apprirent d'eux la manire de faire le cidre.

    Il parat que le poir est originaire de la Normandie. Fortunat, dans la Vie de sainte Badegonde, reine de France qui, tant veuve, menait une vie trs-pnitente, dit que cette princesse ne buvait que de l'eau et du poir, qui tait alors la boisson des pauvres.

    Enfin, nous terminerons cette notice historique en parlant du prunelet, boisson compose d'eau et de prunes des haies fermentes, laquelle, aprs une di-sette, fut rduit le peuple de Paris en 4420.

    Nous avons cru devoir faire prcder l'historique des liqueurs par ceux que nous venons de dcrire, comme exposs indispensables de ce dernier, ce qui expliquera suffisamment pourquoi notre deuxime volume ne con-tient aucun document historique.

  • DES. LIQUEURS. 29

    Historique des Liqueurs .

    Les anciens peuples connaissaient et faisaient grand usage des liqueurs, lesquelles d'abord furent prises comme mdicaments ou comme confortatifs ; ensuite elles parurent propres exciter l'apptit et aider la digestion. Ces liqueurs avaient simplement pour base le mot de raisin, ou le vin, qu'on aromatisait sui-vant les proprits qu'on avait attribues chacune de ces liqueurs.

    Hippocrate, ce prince de la mdecine, fut celui qui cra la premire liqueur aromatique dont l'usage a t adopt par presque toutes les nations et que l'on a toujours appele hippocras, laquelle n'tait compose alors que de vin, de cannelle et de miel; elle fut perfectionne dans la suite plus particulirement par Alexis, pimontais. Cette mixtion, si vante par nos anciens romanciers, a t trs - longtemps fort la mode : on la servait dans tous les grands repas et toutes les collations. Louis XIV affectionnait beaucoup cette liqueur; la ville de Paris lui en faisait prsent, chaque anne, d'un certain nombre de bouteilles, et ses officiers de bouche se mirent la fabriquer en rivalit avec les Distillateurs de la capitale. Sous le rgne de Louis XV, il subsistait encore la cour quelques restes de cet ancien usage.

    Pline, Galien et Dioscoride suivirent bientt l'exem-ple d'Hippocrate ; ils employaient des vins dans lesquels ils faisaient infuser de l'hyssope, de l'absinthe, du

  • 30 TRAIT calamus, du myrte, de la sauge, du romarin, de I'anis,etc., etc. Le roman de Florimond en parle sous le nom de vin d'herbes, et il en est question aux x

    e, xie et xiie sicles. Tout ce qui nous en reste est

    le vin d'absinthe, qu'en Italie on appelle vermut et qui est un excellent stomachique, suivant le tmoi-gnage de Pline. Les vins auxquels on ajoutait le suc de quelques fruits taient connus des Gaulois, et ils taient dans l'usage d'introduire dans les vins nou-veaux des bourgeons ou des baies de lentisques pour les rendre plus agrables au got. Pline dit galement (Hist. nat., L XXXVII, st. 28) que les boissons o il y a de l'absinthe, empchent que l'on n'ait des nauses sur mer. Il fait mention de jeux qui se clbraient au Ca-pitole o, entre autres prix, on donnait boire au vainqueur une boisson mle d'absinthe, comme source de sant.

    Arnault de Villeneuve et Raymond Lulle invent-rent la premire liqueur base d'alcool connue, qu'ils nommrent eau divine ou admirable : c'tait tout sim-plement de l'eau-de-vie mlange avec du sucre; on la considrait alors comme mdicament ; et , pendant plusieurs sicles, elle fut regarde comme telle; plus tard on ajouta l'eau divine du citron, de la rose, de la fleur d'orange. Le couvent des religieuses du Saint-Sacrement, rue Saint-Louis, au Marais, Paris, avait, en 1760, la rputation de prparer l'eau divine d'une faon suprieure, en lui donnant une saveur d'une dlicatesse extrme.

    Vers l'an 1520, Thophraste Paracelse, professeur de chimie Bale, imagina plusieurs liqueurs qu'il appela

  • DES LIQUEURS. 31 grand arcane, grand et petit circul, et entre autres le fameux lxir de proprit.

    Le mdecin Brouant, en 1636, conut l'ide d'ex-traire les huiles essentielles des drogues, par le moyen de l'eau-de-vie, dessein d'en composer des liqueurs que gnralement on administrait comme potions cor-diales. Les citations suivantes de Brouant lui-mme, sur les liqueurs aromatiques et plus particulirement sur l'eau-de-vie des anciens, sont trs-curieuses; l'-nergie de son style est assez bizarre, aussi sommes-nous persuad que nos lecteurs ne seront pas fchs de les trouver ici 1.

    Vovlez-vovs donc orner ce ciel (l'eau-de-vie) de puissantes estoilles? faites luy tirer les teintvres de toutes les choses qui seront propres pour la gnrale conseruation de la vie longue; ou bien pour la sp- ciale guarison de chacune maladie.

    Quant la gnrale conseruation, vous prendrez les confortatifs des parties nobles, comme du cerueau, du cur, du foye, de l'estomach, du poumon, des reins, de la rate ou autres, et ne vous sera besoin de faire vn grand amas des appropriez chacun; mais il suf- fira de choisir celuy qui sera le plus haut en de- gr de vertu, corne pour le COEVR, VOUS prendrez le saffran, le macis; pour le cerveav : le musc, le vi- triol prpar; pour les NERFS et le CHEF : la lauende, la primerole, la sauge, le romarin; pour l'ESTOMACH : la menthe, le cyperus, le girofle, la canelle ; pour le FOYE : l'agrimoine, les racines apritiues ; pour l

    1 Analomie du vin et de l'eau-de-vie, page 100 et suivantes.

  • 32 TRAIT BATE : le tamarin; pour les REINS : la pierre indaigue ; pour la SEMENCE : les figues, le satyrion; pour les VE- NINS: L'angelique; pour le POVMON : la rgalisse, la terre sigille.

    Car les mdicaments plus SIMPLES sont les meileurs, et le grand nombre ou emoncelement de remdes en vn corps ne fait iamais bon ny louable effet, et nature s'exerce plus gaillardement la rception de peu, qu'a l'importunit de plusieurs qui luy donnent trop de surcharge et empeschement.

    L'eau-de-vie, employe au commencement du xiiie si-cle comme mdicament, passa insensiblement sur les tables et devint bientt la boisson la plus favorite du peuple. Alors les Italiens, plus que les autres nat-tions, s'efforcrent de la rendre agrable. Ils trouv-rent le moyen de lui donner une plus grande va-leur pour l'usage des classes aises. Ils distingurent ces nouvelles boissons sous le nom de liquori et ils les rpandirent chez les nations trangres. Les Franais furent les premiers qui en prirent l'usage, surtout en 1532, poque du mariage de Henri II, alors duc d'Or-lans, avec Catherine de Mdicis. Cet vnement attira en France une multitude d'Italiens, qui introduisirent dans ce pays les mets dlicats usits dans leur patrie, et qui enseignrent la manire de les prparer. Ils fu-rent les premiers qui fabriqurent et vendirent dans Paris des liqueurs fines. La premire qu'ils firent con-natre fut le rossoli, dont la rose tait le parfum dominant; on ne peut prcisment dire quelle est l'tymologie du mot rossoli, qui devint bientt gnral pour signifier tous les ratafias : peut-tre ce mot est-

  • DES LIQUEURS. 33

    il driv de la plante ros solis qui entrait , avec plu-sieurs autres, dans la composition de cette liqueur, Le rossoli, nomm populo, tait fort estim sous le rgne de Henri III et Henri IV; les ratafiats de cerises et d'oeil-lets, ainsi que plusieurs autres liqueurs, furent inven-ts pour rchauffer la vieillesse du roi Louis XIV.

    Enfin , vers le commencement du dernier sicle tandis que les Distillateurs de Montpellier s'exer-aient composer la liqueur appele eau d'or des-sein de faire allusion l'or potable des anciens chi-mistes , les Amricains fabriquaient le fameux ralafiat de cdrat qu'ils ont appel crme des Barbades, la Dalmatie faisait connatre son marasquin de Zara, Ams-terdam son curaao, Bordeaux acquirait une rputation universelle pour l'anisette. Le mdecin Garus nous don-nait l'elixir qui porte son nom, Colladon de Genve son eau cordiale et Bouillerot inventait l'huile de Vnus.

    Depuis, les liqueurs ont beaucoup vari, la diversit des noms demands par le public s'est considrablement accrue de nos jours; aussi les Distillateurs se sont-ils multiplis de tous cts : ceux de Paris, la Villette, Lyon, la Cte Saint-Andr, Limoges, Orlans, Rouen, Amiens, etc, rivalisent entre eux pour les prix et les qualits; de nos jours les religieux de l'ordre de Saint-Bruno qui rsident au monastre de la grande Chartreuse prs de Grenoble fabriquent trois lixirs : blanc, jaune et vert, qui sont en grande rputation ; la liqueur hygi-nique de Raspail jouit galement de la faveur du public.

    2

  • 34 TRAIT

    CHAPITRE DEUXIME.

    De la Distillation en gnral.

    La distillation est une opration chimique qui a pour but de sparer l'aide du feu les parties les plus lgres ou les plus solubles d'un corps, en les convertissant l'tat de vapeur pour les condenser ensuite et les rece-voir celui de liquide, et ce, au moyen de leur contact avec un corps froid, lequel leur fait perdre le calorique qu'elles contenaient. Elle demande beaucoup de soins et d'habilet.

    On connat plusieurs manires d'appliquer la chaleur la distillation et de favoriser l'ascension des vapeurs, suivant le liquide qu'on distille. De cette application, on dit qu'une distillation se fait feu nu, au bain-marie, la vapeur et au bain de sable ou la cornue, de mme que, suivant l'objet qu'on veut distiller, varient le degr de temprature et la manire de l'appliquer; nous aurons occasion de parler plus loin de ces diverses oprations.

    La distillation s'excute dans des appareils dont la forme et la disposition sont appropries la nature des liquides ou des substances qu'on veut lui soumettre ; tout ce que la terre produit peut tre son objet et est de son ressort, mais principalement pour les Distillateurs et les Liquoristes, les fleurs, les plantes, les fruits, les grains,

  • DES LIQUEURS. 35

    les racines, et tous les corps qui contiennent un principe -fculent, sucr ou aromatique.

    Cette opration peut rendre et a rendu de grands ser-vices, elle a t pendant trs-longtemps le seul moyen d'analyse qu'employaient les anciens chimistes, lesquels ont toujours distingu trois sortes de distillations qu'on a dsignes sous trois dnominations diffrentes, savoir : per ascensum, per descensum et la troisime per latus.

    La distillation per ascensum est celle qu'on fait ordi-nairement dans les alambics Le feu ou la vapeur est plac sous l'appareil qui contient la matire qu'on sou-met la distillation. La chaleur fait lever les vapeurs, elles se condensent en liquide dans le serpentin, ce li-quide coule par le bas de ce dernier vas*).

    La distillation per descensum a lieu lorsqu'on met le feu au-dessus de la matire qu'on veut distiller; les va-peurs qui se dgagent des corps ne pouvant s'lever comme dans la distillation ordinaire, sont forces de se prcipiter dans le vase infrieur plac ce dessein.

    Exemple : on pose un linge sur un verre boire, on place sur ce linge, qui doit tre un peu lche, des clous de girofle concasss : on met par-dessus cet appareil un plateau de balance qui joint le plus exactement qu'il est possible les parois du verre : on remplit de cendres chau-des la partie concave du plateau de balance : la chaleur agissant sur le girofle, en dgage de l'eau et de l'huile vo-latile qui se rassemble au fond du verre : c'est ce que l'on nomme distiller per descensum.

    La distillation qu'on nomme per latus, ou par le ct, est celle qu'on fait dans une cornue : le feu est plac sous l'appareil, les vapeurs s'lvent perpendiculairement,

  • 36 TRAIT entrent dans le col de la cornue, s'y condensent et distil-lent par le ct ; il est vident qu'il n'y a point de diff-rence essentielle entre cette distillation et celle per as-censun.

    De ces trois oprations diffrentes il n'y a que la pre-mire qui soit en usage chez les Distillateurs et Liquo-ristes.

    L'objet de la distillation pour le Distillateur brleur ou fabricant d'alcool est d'isoler les parties spiritueuses d'un liquide quelconque, qui pralablement est arriv la fermentation vineuse ou alcoolique.

    Le Liquoriste, au contraire, ne distille jamais que dans le dessein de retirer soit par l'eau, soit par les alcools, les parfums des substances aromatiques ; en un mot, il aromatise les liquides, il lui arrive trs-rarement de dis-tiller isolment de l'eau ou de l'alcool.

    Du Laboratoire, des Magasins et des Caves.

    Le laboratoire du Liquoriste doit tre assez vaste, pour que le travail puisse se faire facilement, construit de bonnes murailles, vot ou plafonn, suffisamment lev pour que les flammes, dans le cas d'incendie, ne puis-sent atteindre que difficilement le plafond. Il doit tre bien ar, clair par le haut autant que possible, pav en grs ou, ce qui'est prfrable, dall en pierre.

    Il est de la plus grande urgence d'avoir sa disposition

  • DES LIQUEURS. 37

    une fontaine ou un puits, qui puisse fournir la quantit d'eau ncessaire : il en faut beaucoup pour entretenir la propret des vaisseaux, et plus encore pour rafrachir les alambics, au besoin arrter promptement un incendie qui se dclarerait dans l'tablissement: pour cela, un rservoir est indispensable; il faut qu'il soit assez grand pour contenir toute l'eau dont on a besoin dans la jour-ne, et mme davantage; il doit tre rempli chaque soir. On doit faire construire une chemine ayant un tuyau large et bien perc, et donner au manteau de cette che-mine la forme d'une hotte renverse et trs-vase sous laquelle doivent tre placs les fourneaux l'usage des bassines et chaudires.

    Les magasins aux liqueurs devront tre, autant que possible, de plain pied avec le laboratoire. Il est essen-tiel qu'ils ne soient pas humides, ils seront carrels ou bi-tums, et auront constamment une temprature de 12 15 degrs centigrades.

    Les magasins aux eaux-de-vie et autres spiritueux de-vront avoir peu prs la mme temprature que celui des liqueurs : cela est de la plus grande urgence, car la chaleur augmente le volume des liquides, et le froid produit l'effet contraire. Ce magasin ne sera clair qu' demi et le sol salptre.

    Les caves doivent tre situes au nord, et avoir une profondeur de 5 6 mtres, la vote sous la clef possdera 4 mtres environ de hauteur, et sera charge de 4 mtre 1 mtre et demi de terre ; car plus une cave est pro-fonde, mieux cela vaut. Sa temprature doit tre cons-tamment de l0 12 degrs centigrades, et il con-vient, mesure que la chaleur de l'atmosphre monte

  • 38 TRAIT au-dessus de ces degrs, de fermer une partie des soupi-raux, comme aussi de les ouvrir mesure que la tem-prature diminue, sans cependant pour cela faire entrer un froid suprieur 10 degrs.

    L'humidit doit tre constante, sans y tre trop forte : l'excs dtermine la moisissure des tonneaux, bou-chons, etc. ; la scheresse dessche les fts et occasionne une perte de liquide. Il faut viter la rverbration du soleil, qui, variant la temprature d'une cave, en altre les proprits, La lumire doit y tre trs-modre ; car si une lumire vive dessche, une obscurit presque ab-solue pourrit et occasionne l'accident qu'on nomme vulgairement coup de feu, lequel se termine le plus sou-vent en faisant clater les fts.

    Les caves seront autant que possible l'abri des se-cousses dtermines par le passage des voitures sur le pav, et le voisinage des ateliers marteau. L'un et l'au-tre excitent dans les liqueurs, comme dans les vins, des oscillations qui les font dposer, soit dans les fts, soit dans les bouteilles.

    Un ordre parfait, et une grande propret doivent exis-ter dans toutes les parties du laboratoire, des magasins, des caves et dans toutes les oprations du Liquoriste. Sans ordre, le travail est confus, et vous entrave cha-que instant; sans la propret, point de bons produits, car les substances de premier choix ne donnent que des rsultats mdiocres; puis en t, on sera assailli par les mouches. Pour viter tous ces inconvnients, il est n-cessaire d'assigner chaque objet la place qu'il doit occu-per journellement, de l'y remettre et de le rincer chaque fois que l'on s'en est servi; de rcurer tous les soirs, si le

  • DES LIQUEURS. 39

    temps le permet, les ustensiles dont on a eu besoin dans la journe. On doit visiter frquemment les alambics, voir s'il faut qu'ils soient rpars ou tams; on doit aussi laver tous les jours le laboratoire pour n'y laisser sjourner aucune matire capable d'attirer les mou-ches, engendrer la malpropret ou exhaler de mauvajises odeurs. Le combustible , les sucres, le hoir animal, les plantes et les ingrdients seront placs dans des locaux trs-secs, except le charbon de terre, qui peut tre mis la cave.

    Des Appareils distillatoires.

    La distillation s'opre au moyen d'appareils de diver-ses formes et de divers systmes. On emploie cet effet des alambics distillation simple et distillation continue.

    Les alambics distillation simple sont les seuls em-ploys par le Liquoriste : on en distingue quatre, dont voici les noms :

    Alambic col de cygne. tte de More ou Maure. colonne. en verre, qu'on appelle cornue ou retorte.

    L'alambic COL DE CYGNE est compos de cinq pices principales, et de cinq dites accessoires.

    1 La CUCURBITE * ou chaudire (pl. 1, fig.1) est en i -Du mot latin cucurbita, courge.

  • 40 TRAIT cuivre tam et entre dans le fourneau. Sa capacit varie suivant celle de l'alambic. Aux trois quarts envi-ron de sa hauteur, cette pice est saillante ou bombe et forme un rebord qui vient poser sur le fourneau. Une DOUILLE, a, en cuivre avec un bouchon, b, a vis, est place sur ce rebord et sert introduire du liquide en remplacement de celui qui s'vapore sans arrter la distillation. L'ouverture de ta cucurbite est renforce l'extrieur par un cercle-collet, c, en cuivre tourn pour supporter le bain-marie; elle est garnie de deux anses, d, afin de pouvoir la manier avec facilit. Une GRILLE ronde (fig. 2 ) , en cuivre tam, perce de pe-tits trous, se pose dans le fond de son intrieur. Cette grille est forme de deux parties, qui sont runies par des charnires ; elle est aussi garnie d'un anneau, a, afin de faciliter sa sortie de la cucurbite. Plusieurs pieds, 6, la supportent et l'loignent d'environ 8 10 centimtres du fond de cette dernire.

    2 Le BAIN-MARIE (fig. 3) est un vase en cuivre, tam l'intrieur seulement; il est support par la cucur-bite, dans laquelle il entre ; son ouverture se trouvent galement deux cercles-collets, a et b, en cuivre tourn, qui viennent joindre exactement l'un avec celui de la cucurbite, l'autre avec celui du chapiteau. Le bain-marie est muni aussi de deux anses, c, et d'un cou-vercle avec poigne (fig. 4), qui le ferme hermtique-ment. Ce couvercle ne sert que lorsque le bain-marie est employ pour une infusion.

    3 Le CHAPITEAU ( fig. 5 ), est une pice en cuivre dont l'intrieur est tam. Ce vase a la forme d'un entonnoir lgant renvers ; ses deux orifices sont garnis chacun

  • DES LIQUEURS. 41

    d'un cercle-collet, a et b, en cuivre tourn ; l'un s'adapte soit au bain-marie, soit la cucurbite, et l'autre reoit le col de cygne. Une douille, c , semblable celle de la cucurbite et pour le mme usage, se trouve place aux deux tiers de la hauteur du chapiteau*

    4 Le COL DE CYGNE (fig. 6 ) , est un long tuyau en cui-vre formant le demi-cercle et garni chaque bout d'un cercle-collet, a et b. Il sert mettre en rapport l'alambic avec le serpentin. Le MANCHON (fig.7) est une pice en tain ou en cuivre avec petits cercles en laiton, qui sert relier le col de cygne avec le serpentin, lorsqu'on distille au bain-marie.

    5 Le RFRIGRANT ou SERPENTIN ( fig. 8), consiste en un long tuyau d'tain ou de cuivre tam courb en h-lice , a, dont les pas, b, sont soutenus par des trin-gles perpendiculaires, c, d'tain ou de cuivre qui y sont soudes : l'extrmit suprieure du serpentin qui vient se joindre au col de cygne, par un cercle-col-let, d, a la forme d'une sphre aplatie, e, et s'ap-pelle lentille. Le tout est renferm dans un seau, f, de euivre, garni de deux poignes, g, au bas duquel il y a une canelle. L'eau chaude du rfrigrant coule par un tuyau ou trop-plein, h, qui est plac dans le haut de ce vase. L'intrieur du seau reoit un long entonnoir (fig. 9) en cuivre qui le dpasse un peu et qui sert conduire l'eau frache au fond. Il porte Je nom d'entonnoir rafrachir. Le bec corbin (fig. 10) s'ajoute l'extrmit infrieure du serpentin, afin de mettre ce dernier en rapport avec le rcipient. (On nomme rcipient le vase qui reoit le produit de la distilla-tion ; ce vase est en verre ou en cuivre, au gr du

  • 42 TRAIT Liquoriste), Le rfrigrant repose sur un massif en briques ou sur un trteau en bois de chne solide-ment tabli.

    L'appareil col de cygne est gnralement celui qui est employ pour la confection des esprits parfums et leur rectification.

    L'alambic TTE DE MORE OU MAURE est compos de pi-ces semblables celles de l'alambic col de cygne, l'ex-ception du chapiteau, qui en diffre compltement. Ce chapiteau (fig. 11) est en tain ou en cuivre; il se pose sur la cucurbite ou sur le bain-marie. Un long col latral, ou bras, a, sert diriger les vapeurs dans le ser-pentin. Une douille en cuivre, b, avec un bouchon, c, vis de mme mtal se trouve place au sommet du cha-piteau; deux cercles-collets, d et e, garnissent galement les extrmits de cette pice.

    L'appareil tte de Maure est employ de prfrence pour la distillation des huiles volatiles et des eaux aroma-tiques, ainsi que pour l'extrait d'absinthe suisse.

    On emploie avec avantage, pour la distillation des eaux aromatiques, le bain-marie perc (fig. 12). Ce vase perc de trous sert contenir les substances que Ton veut soumettre une chaleur plus forte que celle que l'on pourrait communiquer l'aide du bain-marie ordinaire. Le bain-marie perc ne plongeant pas dans l'eau bouillante, et les substances qu'il contient tant soumises l'action seule de la vapeur, on vite ainsi le contact avec les parois de l'alambic, et l'on n'a point redouter de voir ces substances brler ou s'attacher, comme il arrive quelquefois quand elles sont en grande quantit dans la cucurbite.

  • DES LIQUEURS. 4 3

    M. Soubeiran, directeur la pharmacie centrale de Paris, a imagin un systme de distillation la vapeur pour les eaux distilles, en employant pour cet usage les alambics simples : voici en quoi consistent les addi-tions de ce savant distingu.

    Un tuyau mobile, a (fig. 13), de cuivre et en forme d'anse ayant un robinet, 6, qui le traverse, sert mettre en communication la vapeur de la cucurbite avec le bain-marie; un autre tuyau, c, de cuivre re-courb, vient se joindre avec lui et descend intrieu-rement le long des parois, se recourbe et s'ouvre vers le milieu du fond du bain-marie. Un diaphragme, d, cribl de trous, port par plusieurs pieds qui le tien-nent soulev au-dessus de l'orifice du conduit va-peur et muni de deux anses pour l'introduire ou l'enlever volont, sert placer dessus les plantes ou les fleurs que l'on veut distiller. Par ce systme

    ; on

    peut remplacer l'usage du bain-marie perc, et on ob-tient galement une distillation la vapeur, puisque les substances ne sont point en communication directe avec l'eau de la cucurbite et que leur isolement est complet.

    L'alambic COLONNE, comme les prcdents, se com-pose d'une cucurbite, d'un chapiteau, d'un col de cygne et d'un rfrigrant. La colonne, a (fig. 14), propre-ijgnt dite, est la seule pice qui diffre : sa hauteur varie suivant la force de l'appareil; la partie qui vient se poser sur la cucurbite est ferme par un diaphragme fixe, 6, perc d'une grande quantit de trous, lequel supporte lui-mme quatre ou cinq autres diaphragmes c, munis d'anses, qui se posent les uns sur les autres, tant chargs chacun d'une couche de plantes ou de fleurs.

  • 44 TRAIT Une amlioration trs-importante vient d'tre ajoute

    l'alambic colonne par M. Egrot fils. Cet habile cons-tructeur d'appareils distillatoires a imagin de mettre, entre la cucurbite et la colonne , un intermdiaire auquel il donne le nom de vase extractif appliqu la distillation. Par son procd, on obtient simultanment et sparment les bons et les mauvais produits, sans que ces derniers nuisent aux autres.

    Ainsi, dit M. Egrot fils, dans l'alambic ordinaire, si l'on place entre la cucurbite et la colonne fleurs un vase extractif, nomm ainsi parce qu'il rejette hors de l'appareil les produits fixes ou non distillables, il est certain que des vapeurs s'le-vant de la cucurbite pour passer au travers des plantes dont elles s'emparent de l'arome, et qui sont contenues dans la colonne, une petite quantit s'y condense entranant avec elles la couleur et d'autres parties visqueuses de la plante, qui, au lieu de tomber dans la cucurbite, comme auparavant, tombent dans le vase extractif, qui rejette au dehors ces produits fort souvent contraires la distillation.

    Ce sont donc l les produits visqueux colors tombant avant dans la cucurbite ou qui, sous l'action d'une bullition ritre quelquefois pendant une heure ou deux, se volatilisaient, don-nant des gots de flegmes, nuisant au bon got du produit de distillation. Ou bien, ce liquide bourbeux color, s'atta-che aux parois de la cucurbite, la dtame et brle le fond; enfin, si un Distillateur ou parfumeur se trouve press de dis-tiller , ce qui arrive dans le moment ou les fleurs donnent, 1 avantage que vous aurez avec le vase extractif, de ne pas changer le liquide de la cucurbite, puisque lui-mme ne change pas de nature, vous fait gagner beaucoup de temps : cela se conoit, puisque l'on peut distiller avec le mme liquide pen-dant toute une journe en ayant seulement soin d'ajouter chaque opration une quantit de liquide gale celle distil-le; tandis que dans l'tat actuel des choses, on est oblig de

  • DES LIQUEURS. 45 vider, rincer, remplir de liquide froid la cucurbite et attendre que ce dernier soit arriv au point d'bullition chaque op-ration. (Voyez, la fin du volume, Description du vase extrac-tif de M. Egrot fils, pi. iv.)

    L'appareil pour distiller la CORNUE, ou RETORTE, est compos de trois pices en verre (fig. 15) : de la cornue, a, d'une allonge, b, qui est un tube renfl au milieu et ouvert par les deux bouts, et d'un ballon, c, servant -de rcipient. Cet appareil, trs-fragile, est employ rarement ; on lui substitue souvent l'alambic en cuivre, dit d'essai, qui ressemble aux alambics simples et dont la grandeur varie depuis un litre jusqu' six.

    La forme des appareils distillatoires a beaucoup chang depuis un sicle, principalement celle du chapiteau. Cette pice du reste parat presque inutile, et moins elle aura d'lvation plus elle sera convenable : on peut mme la remplacer avec avantage par un simple tuyau mettant en communication la cucurbite avec le serpen-tin. L'usage du chapiteau tant de contenir une cer-taine quantit de vapeur, il serait plus simple de la faire engager de suite dans le serpentin, o elle est attire par la fracheur du rfrigrant. Cette observation est telle-ment vraie que tous les Distillateurs d'alcool ont sup-prim le chapiteau.

    Les alambics simples auxquels on appliquera la vapeur comme moyen de chauffage, devront recevoir cette vapeur dans un double fond et non dans un serpentin intrieur, ainsi que le reoivent les alambics distilla-tion continue, car alors, s'il en tait ainsi, les sub-stances distiller pourraient s'attacher aux parois des contours de ce serpentin et mettraient obstacle la

  • 46 TRAIT transmission de la chaleur dans le liquide, et cons-quemment retarderaient l'opration.

    Par l'application de la vapeur la distillation, l'usage du bain-marie devient compltement inutile.

    De la construction des appareils distillatoires dpend souvent la qualit des produits. On devra donc s'atta-cher les faire construire ou les choisir dans les meil-leures conditions, et cet gard nous recommandons la fabrique de M. Egrot fils, de Paris. Ses appareils, con-struits d'aprs les plus stricts principes de la distillation, sont la fois solides et gracieux : leur prix n'est vrita-blement pas en rapport avec les grands avantages qu'ils procurent. Aussi n'hsitons-nous pas dire que M. Egrot fils a port son art au dernier degr de perfection.

    Des Vases et Ustensiles.

    Aprs les alambics, qui font le sujet du paragraphe prcdent, et les aromtres et thermomtres, dont nous parlerons dans le deuxime volume (Distilla-tion des Alcools) , il nous reste traiter des vases et ustensiles dont doit tre pourvu le laboratoire d'un Li-quoriste.

    Plusieurs bassines en cuivre rouge, de diverses gran-deurs, tant pour la fonte ou la clarification des sucres que pour la confection des sirops et des fruits au liquide

  • DES LIQUEURS. 47

    et autres usages. Ces bassines doivent tre plus larges que profondes, de manire offrir une plus grande vaporation ; le fond doit tre bomb et en demi-sphre (cette forme est appele vulgairement cul -de- poule) afin de prsenter plus de surface au feu et pour viter que le sucre ou les autres matires ne s'attachent aux parties rentrantes et ne puissent brler [pi. ii, fig. 1 ). Les bassines destines au blanchiment et la confection des fruits doivent , au contraire, tre de forme aplatie , de faon que les fruits ne puissent s'craser.

    Viennent ensuite les filtres (fig. 2) : ils doivent tre en cuivre tam et de plusieurs dimensions, munis de leurs couvercle et robinet, garnis l'intrieur de petits cro-chets placs de distance en distance pour accrocher la chausse. Ces filtres ressemblent de grands entonnoirs ferms; ils doivent tre poss sur un btis en bois de chne, sous lequel se trouve une cuvette garnie en cuivre tam, afin de recevoir le liquide, dans le cas o ce der-nier viendrait, par l'inattention du Liquoriste, couler par-dessus le vase destin le recevoir.

    Plusieurs filtres pour la dcoloration des sirops. Ce filtre trs-simple, portant le nom de l'inventeur, Dumont, con-siste en une caisse prsentant une pyramide tronque et renverse (fig. 3 et 4). Cette caisse est en bois, garnie l'intrieur de feuilles de cuivre tam soudes entre elles ; sa partie infrieure est un robinet, a, destin l'coulement des sirops; un peu au-dessus est une ouverture qui reoit un cylindre ou tube, b, creux, appliqu l'extrieur du filtre, et servant l'vacua-tion de Pair contenu dans l'appareil. Le filtre, dans son intrieur, reoit deux diaphragmes carrs, c et d:

  • 48 TRAIT

    ces diaphragmes sont en cuivre tam et de grandeur diffrente. L'appareil est rendu complet par un cou-vercle , e, destin le fermer et empcher le refroi-dissement. Nous indiquerons, l'article de la clarifica-tion des sucres, la manire d'employer ce filtre.

    Plusieurs congs de diverses grandeurs pour oprer le mlange des liqueurs. Ce qu'on appelle cong (fig. 5) est une espce de fontaine en cuivre tame en dedans, ayant une chelle, a , qui indique la quantit de li-quide se trouvant dans l'appareil, et munie d'un robi-net, b, et d'un couvercle, c.

    Une grande sbille en bois (fig. 6), cercle et garnie en fer avec deux poignes, soutenue la hauteur de un mtre environ du sol par quatre cordes, a, attaches au plafond, laquelle sbille est mise en mouvement avec un boulet de canon, b, en fer, du poids de 10 12 kilogrammes, et sert broyer les amandes pour le sirop d'orgeat. Il existe Paris plusieurs mcani-ques pour le mme objet ; nous les connaissons pres-que toutes, et nous sommes assur par nous-mme qu'elles sont infrieures la sbille. Nous devons dire cependant que nous avons vu Orlans, chez MM. Viale et Ce, Liquoristes en gros, un moulin semblable ceux employs par les moutardiers, lequel servait broyer les amandes et donnait d'excellents rsultats. Nous en parlerons l'article sirops d'orgeat.

    Un cylindre ou brloir pour torrfier le caf et le cacao, un moulin caf ; un mortier en pierre ou en marbre , avec pilon en bois, un petit mortier en cuivre.

    Un grand mortier en fer pour piler les substances du-res , avec une sorte de poche en peau, laquelle est atta-

  • DES LIQUEURS. 49 che autour du mortier et perce par le fond pour laisser passer le pilon (fig. 7).

    Des tamis en crin et en soie pour passer les liquides . un syphon robinet et une pompe dite bat-beurre, en fer-blanc, pour dpoter les eaux-de-vie et liqueurs en tonneaux et un petit syphon, soit en verre, soit en fer-blanc, pour les petites oprations; un rcipient flo-rentin en verre , des entonnoirs en cuivre tam, en fer-blanc et en verre de plusieurs grandeurs ; un puisard ou pochon et son plateau pour verser sur les filtres et rem-plir les brocs. Ces deux pices doivent tre tames ; le puisard doit contenir trois litres et avoir une chelle dans son intrieur.

    Une presse (fig.8) avec son seau pour presser les fruits et le marc de cassis; il faut avoir aussi un plateau de rechange pour les marcs d'orgeat. Une grande table en chne pour le service du laboratoire; sous cette table un grand tiroir dans lequel se trouvent les forets, pinces diverses, couteaux sucre et zester, rapes lige, etc.

    Le Liquoriste doit avoir, selon l'importance de sa fa-brication , une certaine quantit de tonneaux et barils en bois de chne, cercls en fer, munis de canelles en cuivre , recouverts de peinture l'huile , tant pour les garantir de l'humidit et des piqres de vers, que pour viter l'vaporation travers les pores du bois : la peinture qui les recouvre n'est pas un ornement inutile. Ces tonneaux doivent reposer verticalement sur des chantiers, afin de tenir moins de place.

    Le laboratoire doit tre abondamment pourvu de spa-tules plates, en bois de chne , pour remuer les m-

    4

  • 5 0 TRAIT langes, polons bec et autres, cumoires, terrines et cruches en grs, de diverses grandeurs;brocs en fer-blanc, bois et cuivre; dames-jeanne garnies en osier; flacons-, balaracs, bocaux et bouteilles de verre; terrines en terre vernie, tubes pour peser les liqueurs et sirops, une es-pce de bote en fer-blanc ayant plusieurs compartiments garnis en drap noir, que Ton nomme musique, et qui sert ranger les instruments de pesage; bascule, balance et poids assortis, mesures en tain pour le mesurage des liquides.

    Un grand assortiment de chausss de diverses gran-deurs, ainsi que d'tamines est ncessaire. La chausse est une sorte de poche de drap ou autre toffe de laine, termine en forme conique et qui sert filtrer les li-queurs; on l'accroche dans l'intrieur du filtre en cuivre tam. L'tamine est un morceau de laine, carr et bord par un ruban de fil avec des illets, de distance en dis-tance, lequel se place sur un carrelet en bois, garni de crochets, et sert passer les sirops.

    Nous ne saurions trop recommander aux Liquoristes , quelle que soit l'importance de leur commerce, l'em-ploi de la vapeur pour chauffer leurs conserves. L'ap-pareil dont ils devront se servir se compose : 1e d'une armoire en chne, garnie de feuilles de zinc ou de cuivre ( ces dernires sont prfrables ) , ayant plusieurs tablettes en fer. Ces tablettes sont jour , se composent de barreaux placs deux doigts de distance l'un de l'autre, et servent recevoir les bouteilles ou les bo-caux. La porte se ferme au moyen de deux verroux, et possde au milieu une ouverture vitre , derrire la-quelle on place un thermomtre, afin de savoir combien

  • DES LIQUEURS. 51

    il y a de degrs de chaleur dans l'intrieur. Au bas de l'armoire se trouve un robinet par lequel s'coule la vapeur condense en eau. La vapeur s'introduit dans cette armoire par le bas, et au moyen du tuyau d'une petite chaudire portative vapeur, ayant un flotteur en verre, un manomtre et une soupape de sret comme les grandes chaudires.

    Des f o u r n e a u x .

    Les fourneaux doivent, aprs les alambics, fixer l'at-tention du Liquoriste. De leur bonne construction d-pend en partie le succs de ses oprations. On doit donc apporter toute l'attention possible pour leur tablisse-ment, car, indpendamment de la question conomi-que du combustible, se prsente aussi celle de la qua-lit des produits.

    Un fourneau se compose : 1 du foyer, 2 de la grille, 3 du cendrier, 4 de la chemine.

    Bu foyer. On appelle foyer l'espace qui spare le fond de la cucurbite de la grille, en un mot celui dans lequel on place le combustible. Les parois du foyer doivent tre disposes de manire reflter le plus possible le calorique : il faut pour cela qu'il soit petit et construit de telle sorte que le fond de la cu-curbite reoive toute l'action du feu, et que la flamme

  • 52 TRAIT et l'air circulent dessous, avant de passer sur les cts; L'espace du foyer sera donc proportionn strictement la grandeur de l'appareil et au combustible que Ton emploiera ; il sera aussi dispos de telle faon que le feu, aprs avoir lch le fond de l'appareil puisse cir-culer autour au moyen d'une chemine tournant un certain nombre de fois en spirale : par cette disposition on utilise la chaleur qui passe dans la chemine, le liquide est chauff d'une mani