trifonctionnalité et construction du sens · découvrira la sémiologie seront applicables à la...

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1 TRAITE DE SEMIOSTYLISTIQUE CONSTRUCTALE Trifonctionnalité et construction du sens

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1

TRAITE DE SEMIOSTYLISTIQUE

CONSTRUCTALE

Trifonctionnalité et construction du sens

2

Patrick KALASON

DU MÊME AUTEUR

Les 7 Styles de vente,

Éditions d’Organisation (1985) & Pocket Business (1991)

Les 7 Styles de vente… et d’achat,

Éditions du Puits Fleuri & Éditions Celse (2005)

Le Grimoire des rois,

Théorie constructale du Changement

Éditions L’Harmattan (2006)

Épistémologie constructale du lien cultuel,

Les rites : manipulation ou médiation ?

Éditions L’Harmattan (2006)

Ethique de la négociation

Rhétorique & pratique

Éditions L’Harmattan (2006)

En cours :

Vers une pédagogie heuristique constructale

Compétences pédagogiques et influences des formes

cognitives sur les méthodes d’enseignement

Discours complétif,

Théodicée constructale des cultes abrahamiques

Traité constructal abrahamique d’économie islamique

Afala ta’qualûn

Contact :

http// :www.kalasonpatrick.com

3

Docteur Patrick KALASON

Sciences de l’Information et de la Communication

TRAITE DE SEMIOSTYLISTIQUE

CONSTRUCTALE

Trifonctionnalité et construction du sens

Là où les synonymes sont des contraires,

là où les contraires forcent le sens

4

5

A Mariem, mon aimée,

avec qui chaque jour fait sens

6

Remerciements

Je tiens présent en mémoire, le Père Emile Rideau, Henri Gobard, Pierre

Lebel, Angèle Kremer-Marietti pour avoir été de ces rencontres rares qui

façonnent la pensée.

Que soient aussi remerciés Stefan Bratosin, Saïd Youssef, Mohamed Rachid

Hilali, pour leur accompagnement et leurs présences amicales.

Chacun, d’une façon ou d’une autre, de près ou de loin, a contribué

volontairement ou involontairement à ce que la synergie s’opère.

7

« On peut (...) concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la

vie sociale; elle formerait une partie de la psychologie sociale, et par

conséquent de la psychologie générale; nous la nommerons sémiologie (...).

Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent.

(...) La linguistique n'est qu'une partie de cette science générale, les lois que

découvrira la sémiologie seront applicables à la linguistique, et celle-ci se

trouvera ainsi rattachée à un domaine bien défini

dans l'ensemble des faits humains. »

F. de SAUSSURE 1916, p. 33.

« La sémiologie serait donc de nature trifonctionnelle

au sein d’une systémique constructale. »

Dr Patrick Kalason

Thèse « Théorie constructale des communications trifonctionnelles » SIC

Toulouse 12 décembre 2011

8

9

INTRODUCTION GENERALE

__________________________________________________________

Preuve a été faite qu’insuffisamment pensées nombreuses sont les théories qui,

parce que trop conjoncturelles, ont progressivement transformé l’enthousiasme

généreux de leurs partisans en doute et leur doute en suspicion. Force est

assurément de constater que dans le champ des sciences humaines les

approches binaires classiques et morales se sclérosent en ne se satisfaisant

pour toute validation que de ces consensus autistiques à partir desquels

s’échafauderait bien l’assise de quelques agréments académiques.

Pourtant, qu’il s’agisse de la négociation, du management, de la conduite des

réunions, de la pédagogie, du changement sociétal, les constantes et les

processus communicationnels sont étonnamment communs et unificateurs,

« constructaux » dirions-nous. Ces constantes sont alors d’autant plus aisément

accessibles qu’elles correspondent au formatage sémiologique du système

communicationnel à partir duquel chacun d’entre nous opère et à partir duquel

la complexité et le changement peuvent être appréhendés.

A regarder de plus près c’est bien à partir d’un modèle élémentaire que les

choses se construisent. Ce sont les mêmes motifs qui s’agrègent, se

construisent du plus petit au plus grand. Tout comme en physique, le plus

difficile en sciences humaines a été d’isoler ce modèle élémentaire. En

appliquant le principe de construction d’une forme au point de fragilité d’un

système, là où passeront inexorablement les flux venant de l’extérieur, il est

possible d’anticiper par optimisation la forme suivante.

Ces formes communicationnelles et organisationnelles correspondent à cette

arborescence si familière que l’on trouve dans la nature : de la forme des

rivières, en passant par celle des arbres jusqu’à celle nos poumons.

Nous pouvons donc considérer que pour qu’un système persiste, il doit évoluer

de telle manière qu’il fournisse dans le temps un accès le plus facile aux flux

qui la traversent. Une question d’optimisation autant que de pérennité.

Le concept de tri fonctionnalité (triangulaire) qui préside à cette approche

constructale s’avère être une constante à partir de laquelle, selon le plus ou

moins grand intérêt stratégique manifesté envers plus ou moins chacun de trois

sommets (schèmes : Agression [pouvoir], interactions [inhibition], fuite

[structure, action]) se construisent les attitudes et se manifestent les

comportements et se constituent les paradigmes. Ces constantes ont été isolées

par le philologue et anthropologue Georges Dumézil, contiguës des notions

d’agression, d’inhibition et de fuite des travaux d’Henri Laborit, bio-

structurologue, puis déclinées par les travaux de Patrick Kalason et de Pierre

10

Lebel sur les styles comportementaux et communicants. Cette démarche sera

convergente des dernières découvertes en thermodynamique des formes

réalisées en 1995 par le chercheur de renommée mondiale : Adrian Bejan. Il

est dès lors possible d’insérer la métrologie dans l’analyse qualitative

comportementale des échanges au sein de processus maîtrisables: au hasard le

soin d’y ajouter la part des anges.

La mise au jour de l’approche constructale un cadre théorique

phénoménologique en Sciences de l’Information et de la Communication

(S.I.C.) a pour objet de saisir méthodologiquement les enjeux stratégiques dans

le cadre d’une systémique de la décision, laquelle implique un préalable

cartographique avant toute définition d’objectif. Comprendre avant d’agir

passe par la maîtrise de processus cybernétiques.

Le développement du qualitatif communicationnel doit se mettre à la hauteur

des outils informatifs et communicationnels mis à notre disposition. S’ils

changent nos habitudes sans changer nos paradigmes décisionnels le risque est

grand que nous ne soyons plus capables que de réactivité et de contrition.

Qu’il soit au final de cette introduction précisé que de nombreuses mises à

l’épreuve de cette hypothèse théorique ont débouché sur de nombreuses

publications qui laissent présager des changements considérables dans le

traitement de l’information. L’approche phénoménologique constructale

[princeps] des communications par le biais de la systémique trifonctionnelle

(cybernétique) que j’ai mise au jour, tout comme cela est le cas dans les

domaines de la thermodynamique des formes avec Adrian Bejan, ou de la

philosophie avec Angèle Kremer-Marietti, est en voie de bouleverser

radicalement les visions épistémologiques.

11

CHAPITRE I

DES RISQUES DE L’EPISTEMOLOGIQUE CARTESIENNE

APPLIQUEE AUX SCIENCES HUMAINES

Un cheval de Troyes

_________________________________________________

Le doute comme étant le fondement des vertus de l’esprit,

Devrait inviter ceux qui les pratiquent au silence

Afin d’éviter de charger des mules théoriques

Dans l’espoir de les changer en cheval de bataille.

Ernst Cassirer : structuralisme et herméneutique

Le mérite de la pensée philosophique de Cassirer est d’avoir tenté de prendre

en compte et d’organiser des données connues dans la première moitié du

XXième siècle en anthropologie et en sciences sociales. Respectueux des

particularités de chacune des disciplines auxquelles il se référait pour

constituer un champ de connaissances si vaste, il a été aussi précis que le

furent au XVIIIe siècle Kant et au XIXe siècle Hegel. Le système de Cassirer,

visant à une symbolique généralisée et à de larges développements sur le

langage, a mis au jour l’hypothèse de la faisabilité d’une approche théorique

structuraliste de l’herméneutique. Son parcours et sa démarche sont

comparables en de nombreux points à ceux du philologue Georges Dumézil.

Au travers de corpus dont les sommes ne peuvent qu’attirer l’admiration,

notamment par la puissance d’érudition nécessaire au traitement des

informations recueillies autant que par l’acharnement qu’ils ont déployé tous

deux à défendre l’importance de leurs conclusions, force est malheureusement

de constater que l’intérêt porté à leurs travaux théoriques tiennent plus au

métrage qu’ils occupent maintenant sur les rayons des bibliothèques qu’aux

développements intellectuels que les académies ont cru bon de stimuler.

Tout procède comme s’ils avaient mis knock-out leurs détracteurs et

challengers. Dans ce combat des chefs, l’accumulation d’évidences, comme

autant de coups rendus à leurs contradicteurs a eu pour effet que les épigones

des vaincus (ces condisciples en coin du ring) préférèrent organiser

l’endormissement général pour éviter l’anéantissement de visons que les

communautés scientifiques savaient pourtant entrées en phase d’obsolescence.

Dans ce comas collectif les neurones continueront dans un mouvement

brownien à s’entrechoquer comme pour opérer un tri dans l’espoir de retrouver

une conscience autre que celle d’un constat d’impuissance : temps de latence

nécessaire pour que vienne, souvent de l’extérieur à ces académies, un

12

nouveau paradigme capable de fédérer mieux encore qu’il ne l’était l’ensemble

et donner naissance à de nouvelles avancées : le prix aussi à payer lorsque la

découverte est moins bien défrayée que la recherche.

Il semble que ce soit Ernst Cassirer qui le premier, dans un article publié en

1946, proposât la première occurrence du terme « structuralisme » comme

représentatif d’une alternative entre substance et fonction et ceci dans le

prolongement de sa monumentale « Philosophie des formes symboliques »1

dans un large champ de réflexion où se trouve impliquée la linguistique dont

les principes d'analyse servent surtout de fil directeur à une enquête critique

sur la diversité et l'unité des représentations humaines.

Kant : schématisme transcendantal

La rencontre de Cassirer avec Heidegger en 1929 à Davos (contemporaine de

la rédaction du manifeste structuraliste du Cercle linguistique de Prague) sera

l’occasion de la naissance d’un embranchement majeur dans les courants de la

pensée contemporaine. Durant une âpre discussion sur le schématisme

transcendantal2 chez Kant (l’application des catégories aux phénomènes), c'est

la question de la légitimité philosophique de l'anthropologie qui s'y trouve non

seulement posée mais plus encore sérieusement mise en question. Thèse

radicalement contestée par Heidegger qui pousse au paroxysme la critique

husserlienne3 du « psychologisme », du « sociologisme » d’une philosophie de

la connaissance qui se veut une science capable de réconcilier dans une

phénoménologie dont il pose les fondements dans ses Recherches logiques

1 La Philosophie des formes symboliques (Die Philosophie der symbolischen Formen,

1923-1929) est considérée comme l'œuvre maîtresse du philosophe allemand Ernst

Cassirer (1874-1945).

2 Dans la philosophie scolastique, sont considérées comme transcendantes les notions

qui dépassent tout genre et toute catégorie : l'être, l'unité, la vérité. Au-delà de ces

notions Kant introduit une signification plus large, plus profonde, en somme

phénoménologique. Kant définit la transcendance comme étant tout ce qui dépasse

toute expérience possible, ce qui ne peut être l'objet d'aucune intuition phénoménale, le

noumène, qui peut être simplement pensé en vertu des lois nécessaires de la pensée.

Ainsi la transcendance s'oppose ainsi à immanence. Dieu est transcendant en ce sens

que son existence ne saurait être connue ni au sein ni par le moyen du monde

physique.

3 Rudolf Bernet aborde frontalement cette question de la transcendance du soi dans son

ouvrage « La vie du sujet. Recherches sur l’interprétation de Husserl dans la

phénoménologie », Epiméthée, PUF, 1994. Sa thèse est que de l’on serait à cette

époque passé à côté de la diachronie originaire du sujet husserlien, qui en ferait du soi,

dès l’origine, un être incurvé par la présence de la transcendance dans son immanence

même.

13

(1900) en en précisant le statut dans les « Méditations cartésiennes » (1931) le

moi et le monde, le sujet et l'objet (au sein desquels le concept

d’intentionnalité de la conscience joue un rôle capital, rôle largement mis en

exergue dans l’islam), telle que défendu par Cassirer, au nom d'un néo-

kantisme ouvert, qui n'entend se priver d'aucune des ressources offertes par les

sciences humaines naissantes.

Althusser et la thèse centrale du matérialisme

On peut y voir là une des sources paradoxales du débat structuraliste sur

l'antihumanisme théorique tel que l'illustrera Althusser en reprenant la thèse

centrale du matérialisme : l'être social détermine la conscience, et non

l'inverse ; considérant que le réel est irréductible, dans sa structure et dans son

fonctionnement, aux représentations intuitives ou rationnelles que les sujets

humains s'en font. Qu’il s’agisse de la recherche d’un absolu ou de considérer

par opposition la praxis comme seule vertu, l’opposé d’un défaut ne sera

jamais une qualité mais un autre défaut tant il est vrai qu’en bonne rhétorique

l’opposé de l’avarice n’est pas la générosité mais bien la prodigalité et

qu’entre l’avarice et la générosité se place l’économie. Il n’y a donc qu’aux

extrêmes que Dionysos pourra s’alimenter de ses enfants tant que les sciences

sociétales continueront à n’être qu’Epiméthéennes. Il faudrait alors préférer

jouer avec le feu.

La science n’est pas une affaire consensuelle dans la perspective de s’asseoir

confortablement à la table des dieux, qu’il s’agisse de s’y comporter en

courtisan ou en conspirateur. Les deux postures sont de même nature autour

d’une même constante : celle de la divinité. Un reap deal. Les dîners en ville

où l’on traite doctement des valeurs n’ont de durée de vie que celle du contenu

des chambres froides qui les alimentent : « Pour Abderrahmane, Martin,

David, ces vies qui chavirent, tant d’angélus qui résonnent pour des foules

sentimentales : et si en plus derrière le rideau il n’y avait personne ! »4. Qu’il

s’agisse de conservation ou de cuisson des aliments, la seule problématique

qui vaille est celle de la maîtrise de l’énergie, celle des « pianos » des

cuisiniers qui les rendent digestes. Prométhée l’avait compris en volant le feu à

Zeus, un changement de paradigme immanquablement iconoclaste et la fin du

banquet. Les conflits théoriques entre l’être et l’avoir sont-ils aptes à être

porteurs de solutions autres que celle d’avoir à ouvrir la boîte de Pandore ?

Le milieu est plus riche que le centre

Dans un tel contexte d’auto conviction où le paradoxe se résout par la

démagogie en se voulant plaisant aux yeux des hommes et des dieux, la

4 Alain Souchon - « Et si en plus y’a personne » -

14

meilleure image que l'on puisse proposer de l’utilité d’authentiques Sciences

de l’Information et de la Communication, en tant que centre de fécondation

interdisciplinaire, consisterait, à partir des problématiques en apparences

conflictuelles telles qu’évoquées dans cette introduction, à s’inspirer de la

nouveauté que Kant a introduit dans l'histoire de la pensée. Elle a consisté en

un changement radical de méthode comparable à celle de la révolution opérée

par Copernic en astronomie : changement radical de paradigme5, qui marquera

un tournant essentiel de la pensée en ébranlant la vision médiévale du

monde qui plaçait l'homme au centre d'un univers fait pour être dominé par lui.

Dans cette même lignée on retiendra la démarche darwinienne qui

révolutionnera la vision portée sur le monde du vivant sans toutefois

considérer qu’il faille pour autant en rester là.

L’universalité voulue d’une vision œcuménique (étymologiquement : le monde

habité) commune aux trois cultures monothéistes abrahamiques a fait prévaloir

l’être au détriment de l’avoir, l’homme comme étant au dessus de la matière

raccordé juste en dessous de Dieu par les saints et les anges. Placés dans un tel

contexte les philosophes tenteront en vain (au mieux des raisonnements) des

synthèses, par une succession de thèses et antithèses, qui ne seront à bien y

regarder que des compromis contrairement à ce que le matérialisme historique

d’Engels (que l’on voudra scientifique sous Lénine) aurait laissé croire. Tous

procèderont d’un même paradigme sous tendu par l’existence ou non d’un

Dieu dont on tentera de démontrer l’existence ou non sans que les arguments

et les points de vue ne viennent à s’épuiser jusqu’à traiter du désespoir comme

d’une question de devenir : la foi, qu’elle soit verticale ou horizontale comme

5 Le mot paradigme tient son origine du mot grec ancien παράδειγμα / paradeïgma qui

signifie « modèle » ou « exemple ». Ce mot lui-même vient de παραδεικνύναι /

paradeiknunaï qui signifie « montrer », « comparer ». Le terme grec et ce qu'il signifie

est central dans le Timée de Platon.

Kuhn critique de Popper. Il montre que, dans l'histoire, les théories scientifiques ne

sont pas rejetées dès qu'elles ont été réfutées, mais seulement quand elles ont pu être

remplacées. Ce remplacement est un phénomène "social" qui engage une communauté

de chercheurs, en accord sur un agenda centré sur l'explication de certains phénomènes

ou de certaines expériences. Cette communauté est dotée d'une structure qui lui est

propre (conférences, publications). Il n'est pas rare dans l'histoire que plusieurs écoles

coexistent dans une relation d'opposition et d'ignorance réciproque relatives.

Pour Kuhn un « paradigme », est un modèle théorique de pensée qui oriente la

réflexion et la recherche scientifique à un moment donné. La science peut être dans

une période calme où le paradigme est admis par presque tous : les expériences ne font

que nourrir le paradigme existant. Lorsque les insuffisances du paradigme en cours

deviennent de plus en plus évidentes, et qu'un paradigme de remplacement se dessine,

il se produit un changement brutal de paradigme: une « révolution scientifique ».

15

remède à nos maux. De Descartes en passant par Pascal, de Hegel à Nietzsche

en passant par Schopenhauer ou Kierkegaard tous auront fragmentairement

raison tout en ayant phénoménologiquement tord pour avoir exclus du champ

d’investigation toute tentative de définition de la nature du Divin. Aucune n’a

osé franchir le pas pour se pencher sur cette question centrale, épistémo-

théologique, considérant de fait comme suffisants les jugements posés sur

l’effet pour justifier ou non de l’existence de l’Etre, à l’exception peut-être des

docteurs de l’orthodoxie chrétienne.

Une percée, malheureusement vite étouffée dans ses déclinaisons possibles par

le Vatican, sera ébauchée par Teilhard de Chardin, jésuite et scientifique. Il

émettra l’hypothèse d’un perfectionnement de la nature insufflé de l’intérieur

par l’énergie spirituelle (vecteur de sens autant que de transcendance) d’un

alpha vers un oméga (le milieu étant plus riche que le centre).

Malheureusement on en restera au niveau du concept. Toujours engluée par le

même axiome de départ cette hypothèse intéressante, qui mêlât philosophie,

théologie et sciences, ne résistât pas à l’affrontement idéologique implacable

qui suivra, opposant l’Est à l’Ouest : période durant lequel on affirmera le

primat du collectivisme, de la rationalité scientifique comme seuls référence à

la vérité, et de l’autre celui de l’initiative individuelle sur fond d’humanisme,

qu’il soit animé par le capital ou par les valeurs chrétiennes, jusqu’à s’inventer

face au terrorisme un axe du mal pour compenser celui de l’effondrement du

mur de Berlin..

Hormis l’abondance des productions et de nombreux éclairs de génie, par

quelque bout qu’on le prenne le bilan est assez consternant et il y a fort peu à

espérer qu'une transformation aussi radicale que celle opérée à l’époque de

Kant puisqu’au mieux de la pensée de ce début de troisième millénaire il faille

se référer à la déconstruction Derridienne, si tant est que cette démarche ne

consistait pas en autre chose qu’à tenter de comprendre les possibilités de

réassemblage ultérieures des éléments constitutifs des processus qui en

optimisaient les formes depuis l’homo sapiens-sapiens. Faute de cela les

questionnements posés sur le sens devant les amas de gravas des murs de la

honte pourraient bien nous conduire vers d’autre chaos. La repentance n’y

pourra rien changer et l’humanisme n’y gagnerait rien en conscience.

Tenter une vision nouvelle pourrait alors bien devoir passer par

l’interdisciplinarité en ces temps nouveaux où le changement est devenu une

constante. Pour opérer ce passage il nous faudra donc nous passer d’outils

conceptuels usagés d’un passé dont les efforts consistaient à contraindre de

l’intérieur l’émergence d’une stabilité idéalisée dans la perspective d’en voir

éclore certaines formes de paradis. A ces trois siècles des Lumières

œcuméniques « siècles de la Critique à laquelle il faut que tout se soumette »

16

dont il faut bien admettre qu’il est en fin de cycle, l’enjeu doit être maintenant

celui « de soumettre les formes à nos contraintes par la critique de nos

déraisons » : penser l’optimisation de nos systèmes dans une perspective

anthropocuménique, celle de l’homme habité au sein d’un écosystème

planétaire économologique apte à lier de façon vivable économie, éthologie et

écologie. En cela redonner à la métaphysique (au sens de méta, « qui vient

après ») la place philosophique qui doit être la sienne aux limites de la

théologie en interface avec les sciences : l’esprit de Cordoue au barycentre des

trois cognitions abrahamiques, cet islam des lumières auquel nous devons la

Renaissance.

La métaphysique : la science du coup d’après

S’agirait-il encore de continuer à proposer d’ajouter de nouveaux angles à

cette critique pour espérer améliorer le statut scientifique de la connaissance

dont le passé de la philosophie lui léguait le projet sous le nom de

métaphysique. La réponse est non si la raison a pour fonction d’être à la fois le

sujet et l'objet de la critique en continuant à opposer en préalable (j’insiste sur

ce préalable) ce qui est ce à ce qui doit être avec la tentation d’imprimer sur le

réel le sceau d'une prétendue exigence normative universelle à partir du

paradigme dominant. Si l’on considère que l'acte propre de la pensée tient dans

le jugement qui décide de la chose comme il en est d'un cas relevant d'une

règle alors l'objet propre de la philosophie comme connaissance de la raison

humaine ne peut omettre que les conditions nécessaires à son exercice ne tirent

pas leur légitime de sa propre normativité mais de l’ajustement de sa légitimité

au regard des résultats de la norme elle-même : l’ensemble ne pouvant être

appréhendable qu’au contact des interactions mues pas les flux qui traversent

les systèmes et dont la pérennité dépend intrinsèquement de sa capacité

d’anticipation et d’ajustement. La physique du coup d’après.

Dans la modernité la métaphysique peut être mise au service de la philosophie

en tant qu’elle est non, comme par le temps dévoyée, la physique de l’au-delà,

celle du mystère, mais bien cette approche qui aujourd’hui est en capacité

d’envisager la forme suivante ou au mieux de créer la forme optimisée pour

éviter d’avoir trop, en réaction, à en subir d’inutiles contraintes. Cela doit se

faire en prenant appui, avant toute hypothèse ou thèse, sur la thèque (la boîte) :

le réel cartographié et non imaginé.

Il ne s’agit pas ici de balayer d’un revers de main les cinq siècles de la pensée

qui suivirent la Renaissance mais au contraire de considérer cette période

comme la conséquence d’une nécessaire reconquête de la quête de la

connaissance après quinze siècles durant lesquels l’expérience de la pratique

(échec – réussite) s’était avérée suffisante à contenir la foi et la vie sociale.

Sortir de ce rapport christique d’abnégation, entre souffrance et rédemption,

17

de là où l’écrit était la seule propriété des clercs, et le Livre était le tabernacle

des rêves en une vie meilleure : la justification par l’au-delà pour mieux

accepter le quotidien.

La culture médiévale privilégiait les formes d’intelligences analogiques et

normatives. En partant à la conquête des Lieux Saints, cette culture

physiocratique entrera au contact d’une civilisation musulmane porteuse des

sciences logiques de la haute Antiquité Grecque. Ce contact fécond, bien au-

delà des causes qui en sont à l’origine, autorisera dès lors de discourir de la

méthode pour s’éloigner des dogmes au profit du questionnement, de la

réflexions et de l’enquêtes : domaines où les musulmans n'ont cessé d'étendre,

de ramifier, d'approfondir durant six siècles leurs connaissances comme

insufflées dans les textes du Coran, rendant paradoxale pour ne pas dire

douteuse l’interdiction dans l’islam de toute réflexion d’ordre philosophique

avant qu’Ibn Rushd (Averroès) ne force le passage et établisse le pont durant

cette période bénie de l’Al-Andalus par le fasl al-maqãl, le « Discours

décisif ».

Ibn al-Sarrag avant Leibniz

A côté de Leibniz, Locke consacrera ses Essais sur l'entendement humain

avant tout à l'étude de la semiosis6 spécifique du langage humain, de sorte

qu'après lui les sémioticiens du XVIIIe siècle s'attaqueront concrètement au

matériau langagier et essaieront de fonder une théorie matérialiste de

l'entendement à partir de la grammaire (ainsi que W. von Humboldt7 et

Condillac, entre autres).

6 Semiosis (semiotics): Any form of activity, conduct, or process that involves signs,

including the production of meaning.

Un même signe peut ne pas appartenir à la même sémiose c'est-à-dire au même

ensemble « signe-contexte-signification ».On peut donc noter que dans la mesure où la

signification et le contexte sont un ensemble d'autres signes, la sémiose peut être

simplement définie comme un ensemble de signes indissociables.

C'est Charles Sanders Peirce qui introduisit ce mot comme il avait introduit celui de

sémiotique.

7 …Parmi celles-ci, les vues de Humboldt sur la relation entre la pensée et le langage

qui, par l’intermédiaire de Steinthal et de Boas, seront éventuellement reprises,

reproduites et transfigurées par la linguistique américaine, alors vouée à l’étude des

langues amérindiennes et aux recherches anthropologiques. Nous faisons ici allusion à

l’hypothèse de Sapir-Whorf, dont la teneur, pour notre propos, peut se résumer à ceci

que la structure du langage détermine la structure de la pensée. La thèse large stipule

que le langage détermine la pensée, la perception, et la culture ; l’hypothèse (qui doit

son appellation à un protégé de Whorf, John B. Carroll) met à contribution la notion

humboldtienne de Weltansicht pour associer à la diversité des langues une diversité de

18

Mais c’est sous l’influence aristotélicienne que les grammairiens arabes ont

reconnu dans leur langue (vers 900) trois sortes de mots formant les trois

parties du discours: le nom, l'opération et la particule et qu’à partir d'Ibn al-

Sarrag, que seront distingués le nom signifiant et la chose signifiée. Toutefois

si de la combinaison de ces trois sortes de mots entre eux résulte un énoncé la

conclusion fut que sur les neuf combinaisons théoriques, il n'y en a que deux

qui soient possibles : un nom avec un nom, et une opération avec un nom.

C’est ainsi que les grammairiens de Bagdad en admettant que le nom signifie

la chose modifièrent l'ancienne définition de la particule (article, préposition et

interjection) qui devint le mot indiquant une signification non en lui-même,

mais dans un autre mot que lui qu’ils firent leurs avant la date l’approche

dialecticienne de Descartes. Plus tard, sur ce fondement bi vectoriel, Leibniz

tentera de mathématiser linéairement la sémiosis du langage humain par le

structuralisme : - « Mes méditations fondamentales roulent sur deux choses,

savoir sur l'unité et sur l'infini » (à Sophie) et « Il y a certes deux labyrinthes

de l'esprit humain : l'un concerne la composition du continu, le second la

nature de la liberté ; et ils prennent leur source à ce même infini » (De

libertate).

Ces conclusions pourraient bien actuellement prendre appui sur les

neurosciences pour en déduire que la liberté puisse être la conséquence de

l’interaction entre les deux hémisphères du cerveau qui « cérébralisent » les

fonctions premières de l’hypothalamus au regard de l’agression, de

l’inhibition et la fuite. Cette « cérébralisation » des comportements premiers

pourrait bien être à l’origine de la cognition à partir des fonctions sociales

orchestrées autour des totems, des tabous et des extasiants lorsqu’il s’agit de

faire face aux contingences des flux dans la perspective d’assurer l’unité et la

pérennité des systèmes. C’est au contact des flux marchands sur la route de

l’obsidienne anatolienne puis sur celle des métaux qu’apparaîtra l’écriture.

Avant toutes visées intellectuelles l’écriture naissante aura une fonction

commerciale : compter. Ce n’est que plus tard qu’elle servira à légiférer

autour de ces mêmes transactions marchandes : naissance des lois premières.

Archimède et l’imaginaire

C’est aussi au contact des flux que le zéro, qui nous viendra de l’inde,

facilitera les comptabilités : pour écrire « un milliard » en chiffre romain il

nous faudrait vingt minutes. Ce zéro mettra à mal le paradigme pythagoricien

qui laissait à penser que le monde était constitué d’unités linéaires faisant

qu’un nombre n’aurait d’existence que s’il pouvait exprimer quelque chose de

« visions du monde ». Jean Leroux Philosophiques, vol. 33, n° 2, 2006, p. 379-390.

« Langage et pensée chez W. von Humboldt ».

19

réel. Archimède libérera les mathématiques de ce carcan utile mais restrictif.

Sous son impulsion les mathématiques entrèrent dans le domaine de

l’imaginaire ouvert qui a fait de l’epsilon8 une unité en soi et qui doit être prise

en considération comme élément moteur des ensembles d’unités. Notons au

passage que nous retrouvons ici les deux vecteurs de la pensée, collatérales des

conceptions de Leibniz et Ibn al-Sarrag. Ce jeu intellectuel pourrait donner

l’impression de n’être qu’un passe-temps s’il ne sous-tendait des découvertes

majeures. En se posant la question de ce qui se passerait si l’on changeait une

sphère en cylindre (en quoi la surface serait-elle différente ?) Archimède

tentera ce tour de force mathématique et c’est grâce à sa formule que plusieurs

siècles plus tard les cartographes ont pu transformer de façon fiable le globe

terrestre en planisphère (projection plane) : première approche de ce qu’on

appellera une « représentation ». Il faut donc croire que s’interroger sur les

fondements à partir desquels opèrent la cognition et plus généralement la

communication soient loin d’être un simple jeu intellectuel anodin car si les

mécanismes en sont découverts et qu’il devienne possible des les faire agir

alors une découverte devient utile.

Toutefois une question se pose car comment concilier les démarches

vectorielles de Leibniz et d’Ibn al-Sarrag, en apparence dichotomiques et

cartésiennes, avec cette réalité anthropologique tripolaire d’agression,

d’inhibition et de fuite, au barycentre desquels aurait émergée la pensée, avec

l’espoir d’y trouver une unité, un epsilon? Répondre à cette question est la

raison d’être de ces travaux.

Pour cela il nous faudra adopter une démarche épistémologique nouvelle nous

permettant de contourner les impasses auxquelles nous ont conduites les

épigones9 du cartésianisme qui dans ces domaines attachent plus de valeur à

8 Le temple d'Apollon en était le centre. Accrochée au fronton, du temple d’Apollon à

Delphes une énorme lettre E accueillait les visiteurs. Lettre énigmatique qui défiait les

interprétations mais qui signifie, selon Plutarque, la deuxième personne du verbe

« être ». « Tu es », tel aurait été le signifié de l'epsilon suspendu : énoncé que tout

observateur du temple se trouvait prononcer, à son insu, en lisant la lettre mystérieuse.

« Tu es », ainsi saluait-on le dieu philosophe qui, à son tour, adressait à ses fidèles le

propos gravé par les sages : « Connais-toi toi-même. »

9 Épigone. Terme de mythologie grecque. Nom des héros qui firent la seconde

expédition contre Thèbes et prirent cette ville ; nom donné parce qu'ils étaient les fils

de ceux qui avaient fait la première guerre.

Terme grec signifiant né après et provenant de deux mots se traduisant par : sur et

engendrement.

1. Litt. Successeur, imitateur, héritier, suiveur (avec souvent la connotation péjorative

: qui ne fait qu'imiter le maître).

20

l’explication qu’à la démonstration et font appel plus à l’oreille plus qu’à la

vue.

L'algèbre des ensembles et l'étude abstraite des relations sont d'une importance

croissante dans toutes les disciplines qui cherchent à s'exprimer dans un cadre

rigoureux. En mathématiques, c'est l'interrogation sur les fondements de cette

science, ainsi que les tentatives de formalisation des opérations logiques de la

pensée qui ont conduit à l'élaboration de la théorie des ensembles10

; aussi cette

théorie apparaît-elle comme la base de l'édifice mathématique, dont elle

constitue le langage. Dans les autres sciences, et les autres domaines du savoir,

les applications de l'algèbre des ensembles et de l'algèbre des propositions sont

nombreuses et ne cessent d'augmenter : en physique (étude des circuits

électriques, par exemple), en sciences politiques (étude des votes en vue de

prendre des décisions), en sciences sociales (par exemple, problèmes d'analyse

hiérarchique), etc. Cette démarche effectuée par les sciences dures doit aussi

s’appliquer aux sciences souples, non qu’il convienne systématiquement de les

mathématiser pour les rendre plausibles mais surtout parce qu’il serait

inconcevable autant qu’inconvenant de se passer de la métrologie11

sans

2. Fig. Ceux qui forment la seconde génération dans un parti, dans une opinion, etc. (le

Littré).

10

La théorie des ensembles fut créée par Georg Cantor à la fin du XIXe siècle.

Cependant, le caractère extrêmement général et abstrait de la notion d'ensemble permit

de produire des paradoxes rendant la théorie contradictoire (cf. théorie élémentaire des

ensembles). Pour échapper à ces paradoxes et fournir un cadre abstrait adéquat au

développement des mathématiques, le concept d'ensemble a dû être sérieusement

codifié. Plusieurs théories formalisées des ensembles furent élaborées, en particulier :

la théorie des types de Whitehead et Russell, la théorie des ensembles de Zermelo et

Fraenkel, créée pour l'essentiel par Zermelo et enrichie par Fraenkel, et la théorie des

classes de von Neumann, Bernays et Gödel. Malgré leurs différences, ces théories

apparaissent avec le recul du temps comme diverses expressions d'une même réalité

mathématique ; ainsi, la théorie de Bernays et Gödel envisage des objets de deux types

distincts (ensembles et classes), alors que la théorie de Zermelo et Fraenkel ne connaît

que les ensembles ; cependant, les énoncés relatifs aux ensembles seuls et

démontrables par l'une ou l'autre théorie sont les mêmes. Jacques Stern. Professeur à

l’Ecole normale supérieure (informatique).Encyclopædia Universalis (2005).

11

D’une manière générale, il faut associer à la métrologie (science des mesures) la

notion de modèle. Un modèle est une représentation abstraite, simplifiée, d'un

phénomène et qui se ramène à des paramètres, des grandeurs. Le modèle est un

ensemble de grandeurs (longueur, largeur, profondeur, épaisseur, masse, échelle,

couleur…).La métrologie couvre les méthodes et techniques qui permettent de

paramétrer un modèle destiné à représenter la réalité. Une fois ce modèle paramétré, il

peut être étudié et manipulé de façon à

- produire de la connaissance : plutôt que de construire une série d'objets ayant des

caractéristiques différentes, il est plus simple de manipuler les chiffres, de simuler

21

laquelle ce serait reconnaître l’inexistence même des sciences humaines qui ne

seraient alors qu’une discipline traitant de l’esthétique et du chaos remplaçant

« Les Lumières » par des illuminés ! Les budgets de recherche relèveraient

dans ce cas du mécénat.

Sémiologie saussurienne : le signe en cul de sac ?

Le point de départ des travaux de Saussure est une réflexion sur les régularités,

voire les lois, découvertes par la linguistique historique comparée qui le

conduisent à envisager le langage comme un système dont le signe serait la

matrice constitutive ou l'élément fondamental.

Notons ici qu’il s’agit d’un axiome, un principe de base non démontrable.

Reprenant ainsi le projet stoïcien sur la base de la matérialité du langage lui-

même, distinguée du système proprement logique (cherchant la spécificité du

système linguistique lui-même dans un état donné de la langue), Saussure

semble appliquer à l'objet « langage » une procédure somme toute

phénoménologique qu'on retrouve à la même époque chez les fondateurs de la

sociologie contemporaine, Durkheim12

et Tarde13

. On place ainsi le signe au

centre du système. Saussure donne naissance ainsi à la linguistique statique

comme science (pour autant qu'elle fasse partie de la sémiologie, science

générale des signes traitant de tous les systèmes signifiants verbaux ou non

verbaux). La fondation de la linguistique comme science et de la sémiologie

comme théorie scientifique de la signification sont donc deux gestes

simultanés et logiquement inséparables. Autre axiome, cette fois tautologique :

une anamorphose. Partant de la langue en elle-même, Saussure précise la

conception générale du signe à l'instar du signe linguistique ; ce dernier

« résultant de l'association d'un signifiant et d'un signifié, cela revient à

conclure que de son point de vue « le signe linguistique est arbitraire » (ce qui

est le propre d’un axiome). Ainsi si pour lui la langue est un jeu de termes (de

signes) entre eux, la signification est une « valeur » que produit le système

avec ses règles propres que sanctionne en dernière instance la « force

sociale », le contrat social. (Il fallait bien remplacer le Bon Dieu par autre

l'effet d'une variation sur tel ou tel paramètre (on ne produira des objets qu'en fin

d'étude, pour vérifier la validité du modèle) ;

- agir sur la réalité qu'il représente : le fait de fixer l'intensité d'un phénomène («

pilotage » du phénomène).

La réalité concernée est usuellement la « réalité physique », mais peut aussi être une

réalité économique, sociologique, psychologique. Les modèles sont des modèles

numériques ou linguistiques. Source Whikipédia.

12

Durkheim : Les Règles de la méthode sociologique. (1895) . 13

Gabriel Tarde.Criminalité comparée, Alcan, Paris, 1886 ; Les Lois de l'imitation.

Étude sociologique, 1890, 2e éd. 1895 ; réimp. Slatkine, Paris. (1980).

22

chose !14

). Étudier les signes (linguistiques mais également extralinguistiques)

implique qu'on déborde les cadres du système formel lui-même pour accéder

« au sein de la vie sociale ». La sémiologie, science des signes, aura donc

partie liée avec les sciences sociales en général et ne saura se contenter d'un

formalisme simple. C’est en cela qu’il y a bien dans la sémiologie

saussurienne cette ambition d’une axiomatisation globale déguisée mais

qu'assume ouvertement cette fois la tendance logico-positiviste ; certaines

remarques saussuriennes font penser davantage à la vision des sémiologues du

XVIIIe siècle voulant inclure le social et le psychologique dans la théorie de la

signification, tout comme il en est, si nous sommes lucides, de la veine

comtienne et husserlienne qui détermine (consciemment ou inconsciemment)

la sémiologie de Saussure. Ainsi écrit-t-il : « On peut concevoir une science

qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie

de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale ; nous

la nommerons sémiologie (du grec qui signifie « signe »). Elle nous

apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent [...]. La

linguistique n'est qu'une partie de cette science générale [...]. C'est au

psychologue à déterminer la place exacte de la sémiologie ; la tâche du

linguiste est de définir ce qui fait de la langue un système spécial dans

l'ensemble des faits sémiologiques [...]. Si l'on veut découvrir la véritable

nature de la langue, il faut la prendre d'abord dans ce qu'elle a de commun

avec tous les autres systèmes du même ordre [...]. Par là, non seulement on

éclairera le problème linguistique, mais nous pensons qu'en considérant les

rites, les coutumes, etc. comme des signes ces faits apparaîtront sous un autre

jour, et on sentira le besoin de les grouper dans la sémiologie et de les

expliquer par les lois de cette science. » La linguistique ayant permis la

sémiotique, dans la mesure où le langage est « le plus complexe et le plus

répandu des systèmes d'expression », elle peut devenir selon Saussure « le

patron général de toute sémiologie, bien que la langue ne soit qu'un système

particulier ». A cela nous ajouterons qu’un ensemble qui fait forme ne tire sa

raison d’être qu’en fonction des flux qui l’entourent et la traversent. Une forme

n’est jamais génétiquement définitivement déterminée ainsi que les éléments

qui interagissent en son sein. Leurs existences et leurs formes tiennent à

l’optimisation facilitée des flux au service desquels ils sont. Sans prise en

compte de cette donne fondamentale le risque est grand de tourner en rond

dans une démarche égocentrique.

Il en est de l’intuition de Saussure comme de celle de Lévi-Strauss dans le

troisième chapitre d’Anthropologie structurale, intitulé « Langage et société »

(1958), lorsqu’il envisageait la possibilité en phonologie de dresser un tableau

périodique des éléments communicationnels « comparable, écrivait-il, à celui

dont la chimie moderne est redevable à Mendeleïev » parce qu’une question se

14

(…Il fallait bien évacuer le Bon Dieu!).

23

pose au sujet de ces invocations inspirées. En effet ne serions-nous pas en droit

de nous demander pourquoi ils sont passés à côté de la résolution de ces

problématiques alors que les solutions étaient au cœur même de leurs

investigations ? Cela reste un mystère ! Peut-être qu’en sciences humaines

certains préfèreraient patauger dans la mangrove que de nager dans les eaux

claires ? Peut-être on-t-ils préféré bénéficier du crédit d’audience que les

amateurs d’exotisme accordent plus volontiers aux aventuriers-chercheurs

qu’aux paillasses de besogneux découvreurs. En science : à chacun de trouver

chaussure à son pied…La marche est longue.

Comprendre la partition avant de l’interpréter.

Ce serait donc dans ce cadre métrologique et cartographique qu’il puisse être

possible de comprendre les phénomènes informationnels, communicationnels

et organisationnels qui sous-tendent et traversent la complexité. Mais en

sciences humaines, nous n’en sommes pas encore à avoir isolé les algorithmes

qui détermineraient les changements de formes prises dans les divers aspects

de la communication. Tout au plus, et ce n’est pas rien, pouvons-nous isoler

certaines constantes phénoménologiques pour espérer disposer d’une vision

globale et cartographiée. Pour cela il faut nécessairement, dans un premier

temps, simplifier. Tenter de nous rapprocher de l’intuition qu’a eue en son

temps Mendeleïev en échafaudant sa fameuse classification périodique des

éléments chimiques. Une affaire d’articulation entre les invariants. La

constitution de cette cartographie suffirait certainement à satisfaire au besoin

de systématisation (sans laquelle la science deviendrait incertaine) afin qu’elle

puisse être un référentiel ouvert pour les recherches à venir : espérer contribuer

à une compréhension affinée des phénomènes communicationnels. En somme

moins discourir sur la symphonie pour justifier doctement de ses émotions que

chercher à décoder la partition pour en écrire d’autres: l’émotion du

découvreur ! L’extase dicible de l’Eurêka où la vision sur la chose n’est plus la

conséquence d’une projection de soi mais devient une représentation du nous :

une altérité objective.

L’emploi philosophique des termes extase, extatique, en dehors du néo-

platonisme, est peu usité. Il faut cependant en signaler le sens

phénoménologique : pour Sartre par exemple, la conscience est ek-statique15

:

elle sort de soi, elle est conscience d'autre chose que soi, d'un au-delà de soi.

L’extase est la conséquence de la sublimation. Sublimer, c’est retrouver le

mouvement qui affranchit de la conformité pour passer de l’intention

commune impuissante à l’acte individuel opérant. Pour être héros, disait Otto

15

« « La naissance est le surgissement du rapport absolu de passéité comme être

ekstatique du pour-soi dans l'en-soi ». Jean-Paul Sartre, L'Etre et le Néant extraits.

Essai d'ontologie phénoménologique ; Ed.Gallimard, 1943 « L'être et le néant », p.186.

24

Rank16

, il faut être seul à tuer le père. En généralisant, toute sublimation opère

une emprise de conscience euphorique qui libère d’un tabou pragmatiquement

du consensuel. De nouvelles configurations apparaissent alors sous des formes

idéalisées qui restent à conceptualiser. L’Eurêka (j’ai trouvé) est une des

manifestations tangibles de cet état euphorique. La légende se plaît à

représenter Archimède parcourant, dévêtu, les rues de Syracuse au cri de

« Eurêka ! Eurêka ! » Il venait, dit-on, de trouver, à la requête de Hiéron,

comment confondre un orfèvre indélicat par la loi suivante : « Les corps plus

lourds qu’un fluide sont allégés, dans ce fluide, du poids d'un volume de ce

fluide égal au leur.» : démarche métrologique permettant d’aller au-delà de la

querelle des impressions et des sensations.

Mendeleïev, questionneur acharné, scientifique accompli dans une kyrielle de

disciplines et qui propulsa la chimie dans un avenir lisible, donnait ce conseil à

ses collègues : « La voie juste des chercheurs consiste à s’arracher de la terre,

à s’élever par la pensée le plus haut possible, mais ensuite pour ne pas

s’égarer, à s’orienter d’après la terre, rectifier son vol et après monter plus

haut. C’est seulement de cette façon, en se transportant graduellement de la

terre au ciel et en redescendant qu’on peut pénétrer jusqu’aux racines

profondes et générales de la réalité. »

Pour espérer ouvrir une brèche dans ce mur qui paraît infranchissable tant sont

confuses les approches sémiologiques, les présents travaux feront appel dans le

cadre des Sciences de l’information et de la communication à

l’interdisciplinarité la plus large à (anthropologie, philologie ainsi qu’à la

psychologie et à la thermodynamique).

Nous pensons selon toutes hypothèses que les atouts issus de la théorie

constructale des communications, que nous mettons au jour par l’intermédiaire

de cette thèse, peuvent être d’une utilité réelle à la constitution d’un

référentiel logique et méthodologique à destination de la science des

significations. Notre intention éventuelle est d’espérer contribuer à en démêler

certains écheveaux et peut-être à mettre fin à certaines controverses.

N’oublions pas que les systèmes, pour assurer leurs subsistances,

fonctionnement sur un principe de facilité : n’a-t-on jamais vu un ruisseau

escalader une montagne pour rejoindre l’océan ? Pourtant certains alpinistes de

la pensée le laisseraient croire, lecture faite des emboitements d’idées dont ils

font preuve et qui comme ces poupées gigognes bariolées ouvrent, lorsqu’on

les désassemble, sur du vide.

16

Freud note: « Otto Rank a montré, dans une étude consciencieuse, que le complexe

d’Œdipe a fourni à la littérature dramatique de beaux sujets qu'elle a traités, en leur

imprimant toutes sortes de modifications, d'atténuations, de travestissements, c'est-à-

dire de déformations analogues à celles que produit la censure des rêves »

25

Pour sortir de la dialectique : la répétition

Soyons conscient que la crise illustrée par les dialectiques ambiantes, celles

du plural et du singulier, du différentiel et du typique, rendent confus la

cohérence espérée.

Le scénario pour en sortir est certainement d’ordre sémiostylistique. Il ne

s’agit au plus simple que d’aller se confronter à la plus puissante des figures,

seul outil véritablement fiable d'investigation: la répétition. Il ne s’agira pas de

comptabiliser les segments répétés dans le discours, d’autres s’y sont risqués

en espérant en cela voir de la méthode jaillir le phénomène. C’était oublier

qu’en métrologie on construit toujours les instruments de mesure en fonction

des phénomènes à observer. La répétition, par-delà la problématique des

genres, est une stylistique. Le fait d’isoler des constantes demeure le moyen

idéal de poser les termes d’une recherche constructale: identifier l'existence

des constantes au sein des faits, déterminer puis nommer les formes auxquelles

elles donnent naissance puis par le jeu des interactions et des processus espérer

comprendre au sein d’une cartographie des possibles comment le jeu fait sens

dans la simplicité de la complexité : en somme évaluer sa significativité.

La significativité permet d’isoler l'existence d'un fait sur fond d'itération. D'où

la nécessité d'établir des séries de stylèmes17

de manière à pouvoir par le jeu

des constantes et des rémanences, mesurer précisément les différentes et

d’anticiper à partir du sens la forme qui suivra. Plus s'accumulent dans une

communication des marques isotopiques plus celle-ci est surdéterminé.

Les analyses de Locke, de Berkeley, de Hume s’inspirent et tirent leurs racines

du cartésianisme. En écrivant l'Essai sur l'entendement humain, Locke aura

d'abord ce souci, qui le distinguera de Descartes : « être utile à l'existence

sociale des hommes et n’être nuisible à personne ».

L’œuvre de Descartes apparaît comme soucieuse de substituer à l’alchimie

intellectuelle du Moyen Âge une science comme devant s’inspirer des

mathématiques pour extraire de cette science une quintessence opérationnelle

(celle des applications pratiques) selon la célèbre formule du « Discours de la

méthode ». Sa perspective est de rendre les hommes « comme maîtres et

possesseurs de la nature ». Il faut toutefois reconnaître que le paradigme dans

lequel Descartes nous a fait évoluer situe la science par rapport à l'Être, dans

l’espoir d’offrir une solution au conflit qui, à son époque, oppose science et

religion. Les développements que l’on en fera auront simplement pour effet de

remplacer le phlogiston du « Deus ex machina » par celui de « l’homo sapiens

17

Stylème (Linguistique). Sur le modèle de phonème, le stylème est une abstraction

censée représenter une corrélation fonctionnelle possible entre des éléments du

langage, une combinaison de stylèmes serait censée définir un style.

26

sapiens in machina ». Ces deux conceptions conduiront Pascal à distinguer

l’animus (pensée rationnelle) de l’anima (l’intuition spirituelle) mais ne seront

en réalité que l’expression d’un diagramme cartésien : une méthode

métaphysique néanmoins scientifique (estimer en bonne logique le coup

d’après en analysant le nuage obtenu issu du contact entre l’abscisse et

l’ordonnée). Toutefois le champ de vision obtenu par cette démarche n’est pas

suffisamment large pour maîtriser l’ensemble des paramètres élémentaires qui

interagissent. La part laissée au hasard sur les problématiques cognitives et

communicationnelles reste aux deux tiers inférieure au champ de vision

nécessaire.

Rien ne sert d’inventer le marteau-pilon pour ouvrir la noisette

Tout comme il en a été de la complexification mathématiques à partir d’une

approche cartésienne utiles mais porteuse d’infaisabilités on aurait pu espérer

qu’il en eût été de même des sciences humaines afin que dépouillées des

scories chimériques qui les ont embuées il nous soit possible de faire de la

connaissance un usage optimisé .pour le moins dans le sens que lui donnait

Locke : « Etre utile à l'existence sociale des hommes et n’être nuisible à

personne ».

Chercher à présenter une image favorable et académiquement correcte de

l’utilité des domaines qui traitent de la connaissance consisterait à l’évidence à

marier les propos de Descartes avec ceux de Kant, les confronter à Locke pour

aboutir à un positionnement entre Proudhon et Marx multiplié par la foule des

disciples et incantateurs qui les encensent ou les dénigrent !

Il y a une différence notable entre image et représentation. Les bibliothèques

sont lourdes de cette complexification de la pensée au point que l’arrivée

heureuse de l’informatique aidera de façon précieuse à faire les tries qui

s’imposent par l’ouverture aisée et rapide des contenus sans qu’aucun ne

finisse aux oubliettes et que l’on puisse enfin aller à l’essentiel. Ce

changement d’image ne passe pas non plus par de successives ramifications de

disciplines et de laboratoires qui traitent de spécificités sans qu’un seul d’entre

eux n’ait fait souche. Il faut dans ces domaines prendre garde de faire de la

recherche sur des épiphénomènes sans constitution d’un corpus de découvertes

authentiquement fondamental capable de dynamiser l’ensemble autrement que

pas l’intuition empirique et une littérature discursive. En dernier lieu ce

changement d’image ne passe pas non plus par l’accumulation de citations ou

notes en bas de page. Tout comme le parfum des encens d’orient, ces pratiques

enivrantes agissent comme des extasiants sur la pensée qui font confondre les

prêtres avec les dieux induisant dans l’euphorie de l’instant la soumission des

consciences à ce qui n’est au final qu’un nuage de fumée. Penser nos outils à

penser c’est se donner le pouvoir de passer de l’image à la représentation,

27

permettre à l’autre de se l’approprier afin de faciliter son existence au travers

de choix et de constructions judicieuses, si possible harmonieuses.

Il est plus qu’intéressant de constater qu’au paroxysme des révolutions, et ceci

depuis la haute antiquité, combien les foules se sont acharnées à mutiler les

yeux les nez et les oreilles des statuts qu’ils vénéraient hier encore. Les

pilleurs des tombes de l’Egypte Ancienne usaient de cette pratique destructrice

sur les momies pour que l’âme des défunts ne puissent se venger, en sorte que

l’on puisse considérer qu’un acte iconoclaste ait moins pour objet de déprécier

des corps physiques que d’attenter au lien magique que leurs cinq sens étaient

censés opérer entre un présent et un « Ailleurs » dont ils étaient les interfaces.

Serait-ce aussi pour cette raison que le judaïsme et l’islam interdiront toute

représentation imagée de Dieu et des hommes faits à son image, tout comme il

en sera du protestantisme qui interdira le culte des saints et la présence de leurs

statuts dans les lieux de culte : un façon de préserver l’Essence

(étymologiquement en arabe : Allah) des inconséquences humaines qui

tenteraient de se l’accaparer (du latin ac : comme et caput capitis : la tête ou

partie du corps contenant les organes des sens.) ? Y aurait-il une primauté

fonctionnelle des organes de commande sociétaux en rapport avec le signe et

le sens ?

En déclarant que la recherche est une tournure d’esprit, Pierre-Gilles de

Gennes nous fait entrevoir la marche à suivre pour ouvrir le scotome des

sciences humaines pour qu’elles s’enracinent en tant que telles: « Ne pas

chercher d’abord le marteau-pilon pour écraser la noisette, mais voir

auparavant si, sur l’enveloppe de la noisette, il n’y a pas un indice qui

permette de l’ouvrir. »18

Foin de l’exhaustivité : aller voir ailleurs

Au travers de ce tour d’horizon fragmentaire envers lequel l’exhaustivité

n’apporterait rien de plus qu’à alimenter l’industrie du papier, force est de

constater, tout en étant révérant à l’égard des grands maîtres, que si aucun

d’entre eux n’a eu tord aucun n’a eu intrinsèquement raison en sorte que la

richesse de leurs productions aurait bien aussi pour objet de cacher

l’infaisabilité du traitement des problématiques auxquelles ils se sont attelées

non parce qu’elles étaient inenvisageables mais parce que leurs outils

conceptuels utilisés (cartésiens, binaires, manichéens, moraux) étaient

inappropriés. Face aux vérités fragmentaires la notoriété est souvent une

affaire de quantité tandis qu’à son opposé l’image de marque émane de la

qualité et le génie de la nouveauté : la théorie de la relativité tient en quelques

dizaines de feuillets, sans notes en bas de page et une seule référence : pourtant

18

Pierre-Gilles de Gennes. Les Objets fragiles, Plon. (1994).

28

elle n’a jamais été un succès de librairie. En dépit de cela elle révolutionnera

des sciences et notre vision du monde, non pour relativiser les choses, mais

pour les relier dans une cohérence nouvelle.

En effet tout laisse à penser qu’en se concentrant le raisonnement sur

l’intérieur de la thèque (la boite) en considérant que c’est à l’intérieur de la

noisette que se trouve la solution à un idéal de forme, les sciences cognitives

depuis la Renaissance jusqu’à Barthes ont certes comme les mitochondries

contribuées à oxygéner un temps la cellule (et dans certains cas en

cannibalisant son système) sans pour autant pouvoir justifier d’en avoir assuré

sa pérennité. Tout en reconnaissant à Descartes le génie d’une méthode il n’en

a pas pour le moins résolu la problématique que posait Zénon d’Eléé aux

sophistes grecs.

Caricaturalement aux fins d’une démonstration Zénon déclarera aux sophistes

et à ses adversaires pythagoriciens, attachés à la pluralité discontinue des

nombres (précurseur du calcul infinitésimal) que le mouvement et le

changement n'existent pas : « La flèche lancée est toujours immobile car en

effet tout corps est soit en mouvement soit en repos et il est en repos quand il

se trouve dans un espace égal à son volume ; or la flèche se trouve à chaque

instant dans un espace égal à son volume, d’autant qu’avant qu'un corps en

mouvement puisse atteindre un point donné, il doit d'abord traverser la moitié

de cette distance ; avant qu'il puisse atteindre cette moitié, il doit d'abord

traverser le quart, et ainsi indéfiniment. ».

Pour Zénon toute affirmation portant sur le monde des sens et de l'expérience

commune est fausse, pire que fausse : insensée. Seul le discours sur l'Être

serait vrai ; mais ce discours ne peut pas s'élaborer puisque cette élaboration

même, se faisant au moyen de concepts séparés et morcelés, serait

inévitablement destructrice de l'unité. De son côté, Friedrich Heinrich Jaco, au

fur et à mesure de sa critique du spinozisme, du criticisme kantien, de la

théorie de la science de Fichte, de la philosophie de l'identité de Schelling, à

montrer comment ces systèmes représentent les étapes successives d'un

mouvement d’ évacuation progressive de la réalité en n’omettant pas de

préciser qu’il il n'est donc pas étonnant que les néo-criticistes, comme

Renouvier, qui s'inspiraient de Kant, aient reporté à Zénon l'origine du

dilemme dialectique. Il est moins compréhensible que leurs interprétations

aient trouvé crédit chez ceux qui n'adoptaient pas leurs philosophies sauf à

considérer qu’à l’instant où une faille apparaît dans le raisonnement on

s’autoriserait à faire appel à l’axiome pour conforter la cuirasse en ce point de

fragilité. « La véritable solution du problème de la formulation intrinsèque du

calcul différentiel n'a été obtenue qu'après l'édification de l'analyse tensorielle

(par Ricci et Levi-Civita) et du calcul différentiel extérieur (par Élie Cartan).

Bien que ces théories n'aient été exposées à l'origine qu'en termes de

29

coordonnées, il n'a pas été difficile (après la construction axiomatique de

l'algèbre linéaire et multilinéaire), de les traduire en langage intrinsèque.19

»

19

Calcul infinitésimal - Calcul à plusieurs variables : Georges Glaeser. Encyclopædia

Universalis 2005.

30

CHAPITRE II

31

DETERMINER LES CONSTANTES

Jamais deux sans trois

_________________________________________________

La myrrhe est à l’épiphanie de

la crèche

Et à la fête d’Adonis,

La représentation de ce que la virginité d’une Sainte

Est à la fécondité d’une déesse,

Un baume de l’esprit qui fait lien entre vertu et réalité.

La représentation : un invariant derrière des variations.

Puisque beaucoup s’accorderaient à considérer que la tâche de la vraie

philosophie consisterait à démasquer la vérité derrière les apparentes

conciliations et les compromis intenables, il convient maintenant d’échapper à

ces impasses : sortir du dilemme dialectique tout comme l’a tenté le

structuralisme et le néo-kantisme (ou néo-criticisme de Hermann Cohen, son

professeur à Marburg en 1896) qui animent la pensée de Cassirer dans son

œuvre et dans son monumental ouvrage « Philosophie des formes

symboliques ». Cette œuvre présente la science comme une synthèse

d'objectivités qui progressent en niveaux. Et s’il est probable que ce qui est

invariant puisse être aussi « objectif » rappelons-nous que ces invariants se

construisent lentement, souvent trop lentement, par la confrontation et la

correction mutuelle des hypothèses au regard des faits. Le jeu consiste à

adhérer au plus près de ce qui est contenu dans la thèque en évitant les

axiomes par définitions hypothétiques.

Il est certain que les mécanismes intimes qui donnent vie à la connaissance,

comme ceux qui interviennent dans le fonctionnement des systèmes

organisationnels, peuvent être mieux appréhendés à l’aide des principes de la

thermodynamique des flux: partir à la découverte du modèle fonctionnel le

plus opérationnel et optimisable possible sans recourir à l’idéalité mais sans

perdre de vue le sens d’une essence qui éventuellement peut faire foi (cf.

« Discours complétif », dernier volet de notre thèse).

C’est là dans toutes les formes où s’exprime la cognition que les

représentations entrent en jeu, qu’il s’agisse d’une image ou d’une formule

mathématique qui ne peut se passer du « symbole » pour toute lisibilité. En

mettant au jour, par la stylistique, ce modèle invariant les chances seront plus

fortes d’en comprendre les variations de sens probables. L’inverse n’ayant

pour raison d’être que d’animer les discussions à l’infini tout comme si on

introduisait le multiple et la division qui sont en réalité ce même dilemme qui

32

caractérise la méthode dialectique Kantienne utilisée pour relier l’unité à la

transcendance, méthode à propos de laquelle Zénon pourrait bien dire non sans

ironie : « vous le faites à la fois fini et infini, limité et illimité en nombre, en

sorte qu’il n’a donc d’existence qu’au regard de ce que vous en faite ».

La science et la philosophie furent longtemps inséparables. Dans l'Antiquité, la

philosophie représentait la science suprême, celle « des premiers principes et

des premières causes ». Les autres sciences, et notamment la physique,

recevaient d'elle leurs fondements. Cette alliance s'est trouvée brisée au

XVIIe siècle, avec l'apparition de la méthode expérimentale et le

développement des sciences positives. Depuis cette époque, la science et la

philosophie n'ont cessé de s'éloigner l'une de l'autre du fait même que le

dilemme chez la première ne résistera pas aux impératifs et aux contraintes de

la découverte alors que la seconde continuera à s’en alimenter et ceci dans un

cadre de moins en moins politisé où il est de bon ton que la recherche se

cherche. Entre la question et la réponse, tout comme il en est du dilemme entre

la poule et l’œuf la seule réalité qui soit est celle de la fécondité d’un système.

Au siècle des lumières pourrait bien succéder celui de l’insight, celui des

flashes de conscience au point scotome des champs de visions traditionnels qui

nous faisaient rêver hier à l’improbable.

Les représentations, une question d’être contingente de l’avoir

Les sciences cognitives ont pour objet de décrire, d'expliquer et le cas échéant

de simuler les principales dispositions et capacités de l'esprit humain pour

résoudre une équation : le langage, le raisonnement, la perception, la

coordination motrice, la planification... Nées dans un contexte scientifique

fortement stimulé par l’émergence de l'informatique et le développement des

notions et des techniques de traitement formel de l'information, elles ne

cessent de se distinguer les unes des autres au travers de paradigmes, concepts

et hypothèse pour se constituer en disciplines.

Dans cette quête identitaire de reconnaissance, tenter de les définir

nécessiterait une exhaustivité qui, dans la mesure où cela soit réaliste, ne

permettrait certainement pas une définition suffisamment stationnaire pour être

recevable par les diverses instances académiques qui les orientent. D’autre part

les incertitudes terminologiques compliquent la tâche dans les jardins de curés

défendus par diverses chapelles dont nous ne serions pas loin de penser de

penser que leurs financements relèveraient bien du denier du culte plus que de

budgets de recherche en l’absence d’orthodoxie régulatrice.

En ce domaine on devrait d’abord se comporter comme un « enfant de la

terre » qui ne saurait être tout entier « raison que lorsqu’il est contraint à se

montrer raisonnable pour éviter de se soumettre ». Une affaire de

33

représentation qui paradoxalement pourrait bien in fine, tandis que ce ne soit

pas l’objet premier des sciences humaines, conduire a posteriori à traiter du

Ciel après avoir pris conscience que l’objet et de la raison d’être du Soi

collectif pourrait bien passer plus humblement par le « ce à quoi l’on sert au

contact de ce qu’il faut faire ».

En posant en préalable qu’ « une valeur ne peut exister sans passer par la

mesure de la valeur » nous retiendront comme recevable à propos de ce thème

central en sciences de l’information et des communications la définition

suivante d’une représentation:

« Une représentation (du latin praesentia : le fait d’être dans un lieu avec

quelqu’un qui s’y trouve ou qui y vient) est l’expression d’une dystrophie

(trouble de l’alimentation d’un organe d’une partie du corps : par extension,

une incompréhension, une incertitude qui nuit à l’action) mentale qui consiste,

par projection stéréotaxique (relief) à mettre en scène au sein d’une situation

distyle in antis (en architecture : qui présente deux colonnes en front)

phobique (le terme de phobie est utilisé ici à partir du langage courant

(exprimant une crainte réelle ou fictive) pour évoquer la fixité d’une peur

élective et irrationnelle, ou le caractère insistant d’un désir ou d’une répulsion

envers certains objets) à partir d’une situation (pour le moins) distyle in antis

(en architecture : qui présente deux colonnes en front) susceptible

d’engendrer dans l’anxiété des réactions irraisonnées d’agression,

d’inhibition ou de fuite si les possibles n’en sont pas cartographiés par la

pensée20

20

La représentation conforme la plus anciennement connue est la projection

stéréographique, inventée par les Grecs (Hipparque, Ptolémée). Les problèmes

cartographiques conduisirent à la découverte d'autres applications conservant les

angles d'un domaine sphérique sur un domaine plan, telle la projection de Mercator

(XVIe siècle). Au début du XIXe siècle, Carl Friedrich Gauss étudia systématiquement

les propriétés intrinsèques des surfaces de l'espace habituel ; en particulier, il examina

les applications bijectives d'une surface sur une autre qui sont différentiables, ainsi que

leur réciproque, et qui conservent les angles. La notion de représentation conforme

reçut un nouvel éclairage avec l'avènement de la théorie des fonctions d'une variable

complexe, à laquelle elle est intimement liée. Bernhard Riemann sut exploiter cette

relation de façon particulièrement féconde, introduisant la notion de surface de

Riemann, qui résout les difficultés dues aux « fonctions multiformes » et donne un

cadre convenable à la théorie du prolongement analytique. Cette théorie pose un

certain nombre de problèmes topologiques qui ont conduit Bernhard Riemann et Henri

Poincaré à développer les premières bases de la topologie algébrique. Fonctions

analytiques - Représentation conforme. Christian Houzel. Encyclopædia Universalis

(2005).

34

Une représentation mentale est praesensio (latin praesensio, onis :

pressentiment : une notion primitive, une sensation apparemment innée, qui se

présente immédiatement à l’esprit). Elle est indicatrice d’un déséquilibre et

invitation à se saisir de l’intrus déstabilisateur de l’équation, puis invitation à

la construction d’une solution, incitation à une prise de décision. Une

représentation contient en elle un pré-sens qui est soumis à l’analyse de la

conscience en vue d’opérer un choix. Une représentation peut don être

comprise comme l’expression d’une triade fonctionnelle entre moi, l’autre et

l’environnement (contexte socioculturel au point de captation des flux) pour

résoudre une dualité (distyle). En cela une représentation peut être considérée

comme étant un support cognitif, vecteur de médiation, une clef pour ouvrir

une porte dans un mur entre deux colonnes pour continuer un chemin.

La conquête de l’avoir : une projection sensible de l’intuition à partir de

la mémoire

Une représentation mentale ou représentation cognitive est la projection qu'un

individu socialisé se fait d'une situation problématique au contact des autres

qui la vivent pareillement ou seront amenés à la vivre pour s’en défendre,

l’accepter, la fuir, s’en accommoder, se l’accaparer, l’intérioriser ou au mieux

pour être en symbiose (association d’être vivants dans laquelle chacun tire un

avantage souvent vital) coenesthésique avec elle. La représentation est au

confluent de l’intuition, des sensations et de la mémoire expérimentale.

Comme les activités humaines s’organisent assez généralement en vue d'une

finalité, la notion de représentation est proche de celle d'un état mental

préalable à un choix (au plus simple qui se situe au sein de cette triade entre :

agression, inhibition, fuite) et donc proche du concept d'intentionnalité

(tension entre l’intérieur et l’extérieur).activant parallèlement, à la vision des

scénarii possibles, le jeu combinatoire des neurotransmetteurs et au plus large

mettant en œuvre l’inconscient collectif ethno-identitaire21

.

C’est au stade initial d’une représentation que se constituent consensuellement

(sens commun) les académies bien avant toutes découvertes et ne pourront

prétendre au vocable de scientifiques tant qu’elles n’auront sues dégager de la

recherche des constantes suffisamment pertinentes.

21

Du point de vue identitaire une représentation serait coenesthésique (cœnesthésie

(cénesthésie) du grec ancien « en commun » et de « faculté de percevoir les sens. »

lorsqu’elle désigne l’impression globale résultant, dans un premier temps, de

l’ensemble des sensations internes ressenties en commun et ceci indépendamment du

concours de la rationalité. En cela le concept de représentation peut être assimilé à un

paradigme en tant que mécanisme inconscient de filtration du réel.

35

La sémiologie avec sa kyrielle de subdivisions se trouve concernée en

première ligne, non qu’il s’agisse de mettre en cause une bonne volonté

générale, certaine, mais plus certainement celle de l’adéquation des outils qui,

insuffisamment validés épistémologiquement, finissent par faire passer pour

phénoménologiques des lois fondées sur des épiphénomènes. Il suffit parfois

d’une phrase consensuelle bien balancée pour que la tournure d’esprit,

devenue slogan, fasse force de loi. Ainsi se forme un magma théorétique

parfois tautologique selon lequel tout est dans tout et inversement. A ce petit

jeu on chercherait le bozon de x sans avoir même découvert l’existence de

l’atome. En réalité on ne ferait que de l’alchimie si les seuls exposés au

« bidouillage » n’étaient que les mages escamoteurs eux-mêmes. Car dans le

domaine des sciences humaines les enjeux liés au prosélytisme nimbé de

valeurs philosophiques empiriques, passage obligé pour donner crédit aux

présupposés de leurs intuitions, sont d’un tout autre ordre que ceux de la

bienséance. Le risque repose en effet en ce que ces « mages » se positionnent

en tant que garants du signe au regard de leurs titres sans prendre en compte

les conséquences de leurs présupposés. A force de jouer sur l’ambiguïté des

symboles, les représentations deviennent fugaces au point qu’en l’absence de

réponses probantes aux questions sociétales qui se présentent il ne puisse

exister une autre image de certaines institutions que celle d’un conclave de

cooptations. Un consensus est insuffisant à faire loi, tout juste peut-il

fonctionner par décrets.

A ce petit jeu le siècle des Lumières pourrait bien être celui du miroir d’une

société bourgeoise en mal de sens tant il est vrai que la pléiade des références

intellectuelles auxquelles on attribue la révolution sociale la doive peut-être

bien plus aux évolutions technologiques qui l’ont précédée qu’au système

intellectuel dont ils se voulaient les animateurs dans les Salons.

Diderot l’avait compris en réalisant de 1751 à 1792 avec d’Alembert le

monumental « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers» et

dans son approche du déterminisme : « Jacques le Fataliste ». Mais l’histoire

est ainsi faite qu’on retiendra plus le nom de Schoelcher pour sa lutte contre

l’esclavage que celle des ingénieurs qui ont modernisés de façon radicale le

cycle de production du sucre de canne liée à l'usage de la vapeur et aux progrès

de la physique. Ces génies anonymes ont été relégués au second plan l’utilité

de la force musculaire et mis à mal les pourvoyeurs en main d’œuvre le

triangle de l’ébène. Plutôt que de les en gratifier on préférera moraliser les

consciences dans la « repentance » faisant oublier que les approvisionneurs

étaient frères de ceux qui aujourd’hui, aux prétextes discutables d’une identité

par les contraires, préfèrent plus se la construire à partir d’un imaginaire

fantasmagorique qu’en référence à la vérité de l’Histoire. A la fois part du feu

et dogme juridiquement imposé par la loi, les totems de l’action d’hier

deviennent les tabous à partir desquels il est convenant de penser aujourd’hui :

36

connivence des connotations consensualistes rendant impossible toute

dénotation ou interprétation dans une alternance entre signifié et signifiant en

l’absence de signification. Un univers mental ou l’idée prend le pas sur la

pensée en contraignant l’intellectuel à prendre le parti de l’action pour faire

des succès d’éditions alors que sa fonction est celle d’écrire les définitions du

dictionnaire des significations. Le mandarinat universitaire disparaîtra par

absence de disputatio, portant passage obligé du changement vers certaines

formes de viabilité. La faute en est à la cooptation pseudo démocratique au

sein des académies qui, au nom de la transparence, auraient oubliées que le

blanc n’est pas une couleur et que plus blanc que blanc conduirait bien à une

absence de représentativité sur la scène sociétale.

Quelques soient les manifestations formelles que peuvent prendre les

représentations leurs substrats sont de natures anthropologiques constantes

(communs phénoménologiquement à l’ensemble de l’humanité) et fluctuent

formellement au gré des centres d’intérêts culturels qui font traditions en

fonction des problématiques que posent les flux qui les traversent. C’est à

partir de ces constantes que se constituent les couleurs qui fédèrent les cultures

et les sociétés. En conséquence de ses caractéristiques endémiques aucune

culture ne peut être totalement hermétique et étrangère à la compréhension

d’une autre culture. Le nombre des particularités qui existent au sein d’une

même région culturelle est proportionnel à la variété et à la complexité des

flux qui les traversent. Il doit en être de même des variétés linguistiques

autours des phonèmes que l’on pourrait bien considérer comme entrant dans le

registre expressif des émotions sociétales.

Totems, tabou, extasiant

C’est à ce point de contact que se construisent les représentations lorsqu’il

n’existe aucune possibilité de fuite. En quelque sorte une thrombose22

en un

point donné du réseau qui risque de mettre à mal l’ensemble d’un système qui

imposera d’être traitée (au plus simple) soit en minimisant l’accès des flux par

les tabous (mécanisme d’inhibition de la zone concernée), par les totems qui se

concentrerons sur l’évacuation du surplus accumulé ou par dérivation

(agression des zones périphériques) enfin par l’expulsion de la douleur par

l’intermédiaire: des extasiants (drogues rituelles : euphorisantes, apaisantes,

antalgiques). En l’absence de système de défense dans ces registres, tout en

étant confronté à l’impossibilité de fuite, le système engendrera en dernier

recours la fabrication de toxines. Dans les deux cas la recherche d’un remède

fera (au plus simple) que la conscience fabriquera ces vaccins atténues ou

inactivés que sont les représentations. En formule atténué la représentation fera

se dérouler le processus naturel de l'immunisation par le biais de la fuite

22

Thrombose : en pathologie, formation de caillots de sang dans un vaisseau sanguin

37

spirituelle pour contrôler l’agent pathogène ou le fixer par l’intermédiaire des

allégories et des mythes. Lorsque cette formule est impossible l’agent

pathogène doit être rendu inactif par un formatage analogique (agression),

celui qu’opèrent le culte des héros et les fantasmes légendaires. En dernier lieu

lorsque aucun de ces recours n’est possible la problématique sera transférée

dans la solution à trouver dans le registre de l’inhibition consentie au regard

des valeurs supérieures ancestrales : les contes. Traditions, rites, coutumes et

formules rhétoriques constitueront les arborescences des choix possibles et de

leurs expressions obsessionnelles (anxiogènes, névrotiques ou psychotiques)

au point d’interaction de ces substrats endémique : l’ensemble étant mu par le

« désir » qui est fondamentalement de nature libidinale (à comprendre au sens

freudien du terme) impliquant intrinsèquement la notion patrimoniale de

construction. C’est à partir de ce concept de « construction » que

l’ethnopsychiatrie fonde sa pratique en ajoutant à l’interprétation

psychanalytique universelle le prisme de la gestion culturelle des flux en sorte

que la normalité ne pourrait bien être qu’une affaire de pratiques

représentationnelles adéquates face aux contingences pour maintenir la

pérennité d’une entité culturelle dont les nomenclateurs (ordonnateurs et

souverains) sont les chefs d’orchestre, en première ligne au contact du signe

extérieur.

La notion de race n’ayant aucune consistance en ce qui concerne l’humanité,

en cela la perméabilité interculturelle est donc au centre même du système

global faisant que les représentations seront toujours des variations autour de

mêmes constantes inter-agissantes. C’est pour cela qu’une représentation est

nécessairement stéréoscopique en soumettant (pour le moins) une même

interjection à deux regards relatifs (introjectifs). Faute de cela on parlera

d’image: transfert d’informations simples, objectives et neutres, factuelles,

sans caractère émotionnel : le côté pile (numerus) d’une pièce de monnaie qui

fixe une valeur rationnelle (du latin pilum, i, pilon (pour piler dans un mortier),

ainsi que javelot (arme de l’infanterie romaine) ou son côté face qui

l’officialise par l’image de l’autorité souveraine (numen). La présence des

deux images accolées (superposées, côte à côte ou dos à dos), invite alors à la

translation symbolique située au sein d’une nomenclature qui en définit le

cadre de référence, (ou numerus) étudiée en onomasiologie (science qui étudie

les terminologies). La tranche de la pièce (affectable au num, qui entre dans le

domaine des réponses subjonctives: lat. num : si vraiment, est-ce qu’en

quelque façon… ? Est-ce qu’à quelque égard… ?) rend faisable l’éventualité

d’une transaction. Notons au passage que l’ensemble cohérent (pile, face et

tranche) constitutif d’une pièce de monnaie (nomisma) ne peut avoir de

signification que signifié par un cadre signifiant en conséquence de quoi les

problématiques de sens ne peuvent être posées qu’en tenant compte de chacun

des éléments constitutifs de cette triade (numen, numerus, num) mise en

rapport à la nature de l’environnement. Une pièce de monnaie est alors une

38

représentation cohérente d’une valeur accordée qui fait médiation de

transaction au contact des flux. C’est à ce stade qu’une représentation

intervient au point de contact entre des désirs et qu’elle devient projective de

sens au sein d’une transaction possible.

Une représentation n’est donc pas un symbole en ce sens que le symbole

(numerus) est un des constituants de la représentation au même titre que le

nomenclateur (numen) et la nomenclature (num), assimilables à l’autorité et au

registre. En l’absence de toute ou parties de ces trois éléments la représentation

est inexistante en tant que telle. Elle est encore moins une image en ce sens

qu’une représentation n’est jamais totalement fixée et que l’image qui peut en

être présentée fluctuera au gré des perceptions que l’on aura des paramètres

triadiques qui régissent le nomisma ainsi que de son utilité au contact des

nécessités environnementales et des désirs ainsi que des événements.

L’union : un symbole cassé

L’union qui s’en suivra cassera le symbole (« rendre la monnaie de sa pièce»,

« casser un billet », se « fendre d’une gratification » etc.) en vue d’une valeur

ajoutée, transaction consignée par le marquage d’un sceau (marque de

validation par le référant-ordonnateur (ou signifié) au sein d’un registre

(signifiant). Les alliances échangées ne seront alors ni image, ni gage ni

symbole mais représentation sociale des droits et des devoirs ainsi que d’une

position occupée parfois strictement définie par l’étiquette qui régit les flux.

La fonction du symbole est d’évoquer une potentialité alternative, non de

constituer un modèle d’action. Rappelons à ce sujet le sens étymologique du

mot symbole qui signifie « je joins » (les cymbales) qui définit un objet

partagé en deux, la possession de chacune des deux parties par deux individus

différents leur permettant de se re-joindre ou de se reconnaître. Il en est de

même, à un niveau plus abstrait, de la pratique du « mot de passe », ainsi que,

d'une manière encore plus élaboré, de toute formule dont la possession et la

locution permettent à des membres d'une même communauté de se reconnaître

comme tels (numerus).

Processus de transformation de l’intuition en sensation à partir d’une image

qui projette le besoin sur le symbole en le mutant, dans l’émotion, en désir à la

recherche d’un consentement qui fera consensus officialisé par un sceau, la

représentation, qui en est l’expression, se concrétisera par une alliance dont

l’objet sera d’ajouter aux représentations précédentes une valeur

supplémentaire au point de captage des flux.

C’est à partir de ce mode opératoire que les coutumes maritales agissent de

façons quasi constantes, sur fond patrimonial, dans la perspective de renforcer

39

une puissance sociale sur un environnement. Les représentations qu’elles

véhiculent expriment les variations attractives toujours sous-tendues par la

nécessaire d’une canalisation libidinale indissociablement liée au soucis de

pérennité du système social : matérielle immédiate ou adossée à l’éternité.

Seule l’illusion d’une maîtrise censée être totale du sentiment amoureux

(dimension érotique freudienne) en réponse attendue aux préoccupations

sociétales fera oublier que sa stabilité est toute relative et reposant sur une

émotion passagère dont le caractère euphorisant a été révélé par les

neurosciences. En perdant de vue cette réalité qu’est le contrat d’union au

profit de l’enregistrement d’un état d’affection partagée23

, le risque sociétal est

grand de soumettre le patrimoine et les générations à venir à de rudes

épreuves. Une question anthropologique que les représentations véhiculées par

le pseudo sociologisme journalistique, qui pour s’en alimenter nous les

fabriquent, se garde bien d’aborder jusqu’à faire passer pour scientifique aux

yeux du législateur civil et des midinettes des notions infondées qui ne sont

rien d’autre que la projection de leurs propres psychoses.

Dans un tel contexte de récupération la finalité du couple est perdue de vue au

profit de symboles évanescents sans représentations réalisables. L’ambiguïté

d’une problématique posée à partir de la représentation qui ne se fonderait que

sur la symbolique aurait tôt fait de reléguer l’éthique au rang de phantasme et

de faire du droit l’agent d’une bonne inconscience collective en confondant

volant d’inertie et force motrice. N’oublions pas à ce sujet de signaler que le

mot amour ne figure nullement dans le code civil en sorte qu’il ne peut être

une cause de rupture en cas de défaillance des sentiments. En effet le code

civil évoque la notion de consentement (non celle des sentiments):

l’acceptation d’une vision partagée patrimoniale qui ferait bien qu’en cas de

mésalliance le meilleur médiateur serait moins le juge que le notaire. Nos

sociétés qui se disent en quête de sens feraient bien d’aller le chercher ailleurs

que dans la confusion des contresens et pour l’élite qui s’en gargarise au

travers du concept derridien24

de « déconstruction » de comprendre que le

souci latent de ce philosophe était d’isoler des artifices de la complexité les

mécanismes fondateurs des systèmes.

Le droit romain ayant abusé du divorce fera que le christianisme réagira par le

concile de Trente en l’interdisant « indissolubilité de l'union matrimoniale »

23

Le mot « amour » ne figure pas dans le code de la famille ». 24

En 1959, Jacques Derrida prononce une conférence : « Genèse et structure » et la

phénoménologie, qui sera reprise dans L'écriture et la différence (Editions du Seuil,

1967)

40

(le mot « union25

» apparaît au XIIème comme sacrement dans le droit canon

de l’Eglise pour en fixer les obligations La finalité du symbole est donc d’être

brisé à l’instant de la réalisation du contrat lors de la cérémonie qui est

représentation. Dans la cérémonie traditionnelle juive du mariage il est de

coutume pour l’homme et la femme qui viennent d’échanger leurs

consentements de briser chacun un verre et de le fouler chacun au pied après

l’échange des alliances lesquelles ne peuvent être affectées à un symbole mais

deviennent objet de représentation qui fait sens. En sorte que le symbole est

un point de ralliement d’une diversité non assimilable à une représentation tant

que l’union n’est pas officialisée et consommée. Plus généralement un

sacrement aurait donc pour fonction de transformer un symbole [cf. structure

de l’ail] en représentation [et non structure de l’oignon qui implique une unité

préalable] si l’on tient compte de l’étymologie grecque du mot symbole. Il est

toutefois à noter que des 7 sacrements de l’Eglise Catholique Apostolique et

Romaine seuls deux d’entre eux ne passent pas par le biais de l’onction (le

Saint Chrême qui unit): le mariage et la confession restant en conséquence

incarnés, affaires de chair. En y regardant de plus près la coutume ferait bien

entrer dans le dogme de l’indissolubilité du mariage les fruits de l’union et le

consentement entre époux. C’est d’ailleurs à cet effet que le sacrement du

baptême, lui, bénéficiera de l’onction (Saint Chrême étant synonyme d’élite,

d’aristocratie) ou consignation d’une désincarnation : sortie de l’obscurité,

assimilée au pécher original vers une union au divin. Ce qui revient à dire que

l’indissolubilité du mariage réside dans le devoir à l’égard des conséquences

patrimoniales (liées au divin) et non dans l’obligation d’exercice de leurs

causes sentimentales (liées à la chair). Ces dernières faisant sens possible

d’une poly fidélité. Ainsi les rites pourraient bien être les tabernacles des

schèmes de la représentation à partir desquels l’évolution est rendue possible

par la communication qui en fonction des situations sociétales qui se

présentent permettent d’aller y puiser les ressources nécessaires aux

expressions que les solutions nouvelles doivent prendre : la double hélice

ADN des médiations du sens. En cela le PACS26

pourrait bien en être une

illustration au même titre que l’officialisation contractée des fiançailles qui est

en train d’apparaître dans certaines démocraties islamiques, sans limite de

temps.

25

Le mot union est formé à partir de l’ind.-eur. Oinos « seul, unique » et « unité »,

peut-être par ce que venant de unio-onis « oignon » qui à la différence de l’ail n’a

qu’un bulbe isolé (la structure de l’ail pouvant être affectée à ce qu’est

étymologiquement un symbole). 26

Pacte civil de solidarité (PACS).

Le pacte civil de solidarité (Pacs) est un contrat. Il est conclu entre deux personnes

majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.

41

C’est durant la période Révolutionnaire que le régime de l'ancien droit prendra

fin sous l’impulsion de mouvements d’idées orchestrés par les philosophes de

l’époque :

- Montesquieu parce qu'il pensait que le maintien artificiel du mariage

était de nature à nuire à la natalité (réalité de la chair),

- Voltaire parce que les règles de l'Église lui paraissaient contraires à la

nature et au bon sens (utilité naturelle).

- Diderot et Rousseau parce qu'ils songeaient, primordialement, à

l'intérêt des enfants (sacralisation des conséquences) feront la

différence.

Ces deux derniers remporteront la mise en sacrifiant l’avenir au profit de

l’immédiateté éducative justifiant parallèlement qu’un contrat puisse être

rompu afin de ne pas aliéner de façon indissoluble la liberté individuelle

d’orienter sa vie en fonction de ses émotions hors toutes finalités autres que

personnelles. Cette vision fera que dès l'an VII, un mariage sur trois sera

dissous par le divorce. Au divorce-faillite on répliquera par le divorce-

sanction. Le divorce pour incompatibilité d'humeur est supprimé et le divorce

par consentement mutuel est maintenu, mais ne peut aboutir qu'au terme d'une

procédure si complexe qu'il devient un cas exceptionnel ; la statistique est

révélatrice, on n'enregistrera pas plus qu'une cinquantaine d'exemples par an.

On justifiera ainsi pour une bonne canalisation des flux la prévalence du sens

sur l’émotion, la primauté de la pensée sur les idées, et celle de l’incarnation

sur l’abstraction. On démontrera aussi qu’une signification (la loi) soit la

conséquence d’une connotation (médiation) entre le signifié (l’autorité) et le

signifiant (registre mental sociétal) en dehors de toutes confusions par le biais

de l’interprétation (adaptation de la signification au signifiant, principe

d’idéation). Le terme d’idéation illustre le processus de formation et

d'enchaînement des idées avec une nuance empirique réductrice due à

l’alternance dans la confusion de banalités et de nouveautés, d’oscillation entre

la normalité et le délire, le commun et le rare, le claire et l’obscure, etc.,

lesquels peuvent être stimulés ou ralentis par le jeu de certaines substances

chimiques qui les favorisent : les amphétamines pour l’action,, les

neuroleptiques qui inhibent (sédatifs).et les extasiants par les psychotropes

(fuite momentanée de la réalité).

42

C’est donc par le biais du processus qui construit un « momisma » dans un

cadre trifonctionnel interactif entre « numen », « numerus » « nummus » qu’il

soit possible de comprendre comment se constitue une représentation ainsi que

les formes qu’elle peut prendre au contact des environnements. C’est aussi à

partir de ce cadre trifonctionnel que puisse être comprises les raisons pour

lesquelles le labyrinthe emprunté par les questions relatives au signe, au

signifié, au signifiant et au sens nous paraissaient inextricables d’autant plus

qu’elles furent posées quasi systématiquement dans un univers philosophico-

cognitif cartésien inapproprié à la fonction nécessairement simplificatrice de la

science. La gravure ci-dessus donne à voir un rétrécissement de l’importance

accordée au rapport d’autorité entre le signifié et la signification par apport à

celle accordée au la signification et au signifiant.

« Jamais deux sans trois », dicton populaire qui pourrait bien s’avérer être

moins empirique qu’on voudrait bien le croire. Le milieu est toujours plus

riche que le centre à condition de cartographier avant de conceptualiser.

Chaque science opère à partir d’un concept clef. Fréquemment en sciences

humaine il s’agit d’un couple conceptuel, dont la définition qu’en donne une

académie fournit l’essentiel de sa problématique et dont la déclinaison issue de

l’analyse constitue l’introduction au champ de recherche qui est le sien : une

contrainte protocolaire.

Signification

Signifiant

Signifié

Prononcé du divorce en 1792

43

L’orientation générale des sciences humaines est de tenter de définir une

normalité stabilisante au regard d’une anormalité qui viendrait la perturber.

Son problème focal générique est de déterminer l’emplacement – le locus – de

la frontière qui les départage. En réalité une impasse quelques soient les

domaines explorés.

Il est un fait qu’à la différence des sciences dites dures les sciences dites

souples se sont peu souciées de définir leurs concepts, laissant de ce fait

irrésolu la problématique de base du « normal » et de l’« anormal », se

refusant par principe à isoler des constantes, considérées avec dépit comme

« trop déterministes », préférant discuter des nombreuses variations

observables des particularités afin souvent de les rendre conformes aux

hypothèses académiques du départ.

Ainsi comme le signale Georges Devereux dans « Essai d’ethnopsychiatrie

générale »27

lorsqu’ Ackererknecht conclut que le chamane, tout en étant

objectivement névrosé (« hétéropathologique »), est néanmoins auto normal

dans la mesure où il est parfaitement adapté, il ne fait en réalité que réduire le

processus de son diagnostic à une simple constatation sur son « degré »

d’adaptation, confortant ainsi le paradigme académique initial. Cela conduit,

nous dit Devereux, à un cercle vicieux du genre : « En Avril 1945, la tâche des

psychiatres allemands était accomplie le jour où le patient adhérait au part

nazi ; en mai 1945, elle s’achevait lorsque le patient s’engageait dans le parti

chrétien-démocrate (s’il vivait à Franckfort-sur-le-Maine) ou dans le parti

communiste (s’il vivait à Franckfort-sur-l’Oder) ». Et de conclure : « La

théorie de l’adaptation refuse d’admettre l’existence de sociétés tellement

« malades » qu’il faut être soi-même bien « malade » pour pouvoir s’y

adapter. ».

Cette réflexion doit nous conduire à remonter au fondement conceptuel d’une

problématique, ce qui revient à en déterminer les constantes déterminantes

avec la même rigueur dont font preuve les sciences dures lorsqu’en face d’un

corps complexe elles cherchent à en isoler les éléments essentiels sans lesquels

ce corps n’existerait pas : processus qui revient aussi à différencier le

fondamental du spécifique. Ce processus évite ainsi de généraliser le

spécifique et de s’y fondre au risque d’être confronté à un élément aberrant du

corps analysé, de s’adapter à sa maladie pour contaminer une science dont les

développements conceptuels dans le grand public feront pandémie. C’est au

terme de ce processus cognitif d’induction que le concept de « bonne santé

sociale » au prétexte d’adaptation saine, initialement recherchée, se

transformera en conformisme sadomasochiste compensée par une médecine

dispendieuse d’anxiolytiques.

27

G. Devereux, Essais d'ethnopsychiatrie générale. Paris, Gallimard (1970).

44

Le temps du tribut

Je tiens pour responsable de ces contresens, dans le domaine des sciences

humaines, le positionnement inconséquent, d’une sociologie dominante qui

faute de n’avoir su prendre en compte les découvertes de l’anthropologie pour

éclairer celles attendues sur la « société », de s’être, faute de découvertes

solides, accoquinée aux modes des diverses mouvances du « consensuellement

correct idéologique » pour mieux mettre en avant celui de l’ « enchantement »

dans l’immédiateté.

Cette posture sociologique fantasmagorique nous vaudra des envolées

jubilatoires comme celles de Maffesoli dans son ouvrage « Le temps des

tribus » qui déclarera, en référence à la définition de Simmel: « Le monde

religieux plonge ses racines dans la complexité spirituelle de la relation entre

l’individu et ses semblables ou un groupe de ses semblables… Ces relations

constituent les plus purs phénomènes religieux au sens conventionnel du

terme» (on retiendra à dessein le mot pur). Puis, pris dans l’enthousiasme

(littéralement habité par Dieu), l’auteur avance le concept de « religieux

civils» : sorte de tribalisme angélique qui repose à la fois sur la religion et sur

la localisation. Contexte de justification ainsi créé, Michel Maffesoli ira en

chercher caution auprès de Robespierre, Rousseau, Pierre Leroux, Comte,

Loisy et encore Ballanche pour mieux conclure, en s’inspirant d’un

néologisme de Lamennais : « On peut dire que cette perspective «

démothéiste» peut permettre de comprendre la puissance du tribalisme, ou la

puissance de la sociabilité, incompréhensible aux analystes économico-

politiques. » En procédant de la sorte, l’ouvrage de Michel Maffesoli laisserait

à penser que le tribalisme serait une des conséquences de l’individualisme

post-moderne et inciterait à croire qu’il s’agirait là d’une donne nouvelle. Son

enthousiasme aide à oublier qu’il ne décrit en réalité qu’une des constantes de

l’histoire de l’humanité constitutive des organisations et serait bien inspiré

d’aller revisiter l’Histoire, notamment celle de la constitution du IIIe Reich, au

lieu d’écrire péremptoirement et avec un (encore) enthousiasme non dissimulé

« que ces cénacles (les tribus) sont des espaces de sociabilité où l’on se tient

chaud ». Nous avons au travers de cette vision proposée comme du pain bénit

l’un des plus beaux fleurons qui soit d’accumulation de justifications par

concepts gigognes d’auteurs interposés. Cette rhétorique de l’emboîtement

tente de faire passer une constante anthropologique pour une découverte

originale et ne débouche en réalité que sur un vide théorique, quand bien

même chercherait-on à le raccrocher à des perspectives d’enchantement. Autre

escamotage. Mais du rêve au cauchemar il n’y a qu’un pas car l’espoir en ces

« cénacles d’être mis au chaud » ne conduit pas nécessairement à constituer

des espaces de sociabilité ! Le temps du tribut.

45

Ces allégories conceptuelles servies à la louche peuvent faire passer à côté de

certains « détails »…que l’enthousiasme ne saurait excuser. Il s’avère bien

difficile de rompre les amarres innocentes du saint-simonisme ou spartiates de

Comte tout comme il en est de pouvoir classer dans les anales à la rubrique

« sciences humaines » des concepts d’apothicaires autrement qu’en les

reléguant dans celles des pharmacopées glycérico-antalgiques.

Une image valant dit-on plus qu’un long discours nous illustrerons la

conclusion de ce chapitre par l’inscription dite de Dvenos, trouvée en 1880

dans un « dépôt votif » sur le vers méridional du Quirinal, datant de la fin du

Ve siècle avant notre ère, est tracée en trois lignes sans séparation de mots

autour de trois vases artificiellement réunis. Le vase est remis au futur mari par

le tuteur de la fiancée et l’inscription qu’il porte notifie un engagement verbal

accompagnant le « don » de la jeune fille… On trouvera ce vase aussi près les

sépulcres (cf. inscription ci-après)

Ensemble trifonctionnel significatif.

Idées romaines par Georges Dumézil.

Bibliothèque des sciences humaines.

NRF, Gallimard (1969).

________________________________

INSCRIPTION LATINE DÉCOUVERTE

À ROME (1880)

Cette inscription a été déjà interprétée par

MM. Dressel, Bûcholer, Jordan et Osthoff. M. Bréal présente une lecture et

une interprétation nouvelles.

Ce qui peut se traduire en français (c'est le vase qui parle à la première

personne) :

« Jupiter ou quel que soit le dieu à qui celui-ci (le mort) m'adressera, que celui-

ci ne tombe pas en ton pouvoir, à cause de ce qu'il a pu commettre. Mais

laisse-toi apaiser par nous, au moyen de ce don, au moyen de ces prières.

Duenos m'a sacrifié pour son repos : ne me reçois donc pas à mal pour

Duenos. » (Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et

Belles-Lettres. Année 1882 .Volume 26)

46

47

CHAPITRE III

PLACER LES CONSTANTES

POUR SITUER LA DIVERSITE

Entre Prague et Palo Alto

_________________________________________________

De l’emphase à l’extase : un manque d’outillage.

Ce serait donc par le biais d’une approche trifonctionnelle qu’il soit possible

de découvrir les formes que prennent les représentations, de les cartographier,

voire de les anticiper (en tenant compte du fait que leurs variations puissent

être fortement déterminées par les problématiques que les flux qui les

concernent posent à leurs structures internes). Cela revient aussi à accepter que

cette perspective pragmatique puisse être transgressives des tendances qui font

épisodiquement prévaloir l’empirisme émotionnel sur fond de présupposés

philosophiques.

L’outillage employé par les approches précédentes qui se veulent holistiques,

malgré la richesse indéniable des productions obtenues par dichotomie

dualiste, tiennent pour fondamental ce qui n’est en réalité qu’un épiphénomène

capable de justifier leurs hypothèses théorétiques de départ. Au final de ce

maillage le filet tresse un nœud gordien qui réduit en bouillie le produit de la

pêche et fait se rompre le filet en son centre, éjectant d’un côté la production

en direction du vide zénonien28

et de l’autre les pêcheurs nus dans les

nébuleuses. C’est en réalité en ces termes que sont posées les problématiques

modernes qui veulent traiter de la complexité. Ceux qui procèdent de la sorte,

souvent les épigones de maîtres vénérés, ne font en réalité que produire par le

fait du hasard, et en y ajoutant quelques adjuvants du goût, en faire au mieux

un minestrone socialement digeste.

28

Zénonien : Les paradoxes de Zénon forment un ensemble de paradoxes imaginés

par Zénon d'Élée pour soutenir la doctrine de Parménide, selon laquelle toute évidence

des sens est fallacieuse, et le mouvement est impossible.

Dans le paradoxe de la flèche, nous imaginons une flèche en vol. À chaque instant, la

flèche se trouve à une position précise. Si l'instant est trop court, alors la flèche n'a pas

le temps de se déplacer et reste au repos pendant cet instant. Maintenant, pendant les

instants suivants, elle va rester immobile pour la même raison. Si le temps est une

succession d'instants et que chaque instant est un moment où le temps est arrêté, le

temps n'existe donc pas. La flèche est donc toujours immobile à chaque instant et ne

peut pas se déplacer : le mouvement est donc impossible.

48

Or pour résoudre un problème complexe l’épistémologie des sciences a

largement démontré que la seule solution pour en sortir consiste à contourner

la complexité en plaçant pour extérieur au phénomène tout ce qui ne relèverait

pas de ses constantes. En d’autres termes isoler les schèmes pour ensuite

définir des groupes, des familles, des catégories et enfin constituer des

ensembles lisibles au sein d’une cohérence interactive.

La démarche scientifique ayant pour finalité escomptable la capacité

d’anticiper les effets d’une cause, implique au départ un cadre nécessairement

simplificateur, un modèle qui sera soumis ultérieurement à expertise dans la

réalité de la complexité du réel. C’est à ce contact que la conscience pourra en

estimer la valeur à partir de ce en quoi une théorie aboutie peut être utile à

l’exercice d’un ascendant de liberté sur les options à prendre entre subir, fuir

ou agir. Mais à ce stade ce n’est plus l’objet de la science. En dehors de cela le

fait de placer l’idéalité de la valeur comme préalable de contrainte à la

démarche scientifique on ne fait que laisser au calcul des probabilités le

facteur chance d’avoir raison. La raison n’est alors qu’un fait déterminé « du

hasard qui fait bien les choses » et comme les choses sont faites dans la nature

pour s’équilibrer le seul tord de la déraison idéaliste sera d’avoir gaspillé un

temps précieux à chercher d’avoir raison. Alors la repentance fera tristement

son œuvre prétendument salvatrice et n’extraira des cendres du passé,

conséquences des impensés précédents, qu’un bouclier plus large de valeurs

salvatrices dont l’objet inconscient consistera à scotomiser plus encore des

causes non identifiées, lesquelles en absence de données scientifiques

continueront inexorablement à opérer dans l’obscurité.

Pour s’éviter la roulette russe…

A la roulette russe, lorsque qu’après chaque tire on tourne le barillet, la

mémoire de la roulette revient à zéro. Mais si on fait se succéder les tirs sans

tourner le barillet, la probabilité d’arriver sur la balle s’accroît au fur et à

mesure des tirs jusqu’à devenir une certitude. Cette même logique s’applique

au jeu du black jack car les cartes jouées rejoignent le sabot augmentant les

possibilités de décisions judicieuses au fur et à mesure de son déroulement. En

répartissant en trois groupes de valeurs l’ensemble du jeu et en affectant le

chiffre 1 pour les valeurs faibles, le 0 pour les valeurs intermédiaires et -1 pour

les valeurs fortes je peux multiplier par 5 mon facteur chance. C’est donc en

plaçant le déterminisme au centre des préoccupations scientifiques que j’ai le

plus de chance de moins me tromper dans mes conclusions. Plus qu’une

certaine idée de la science, c’est aussi une façon d’être honnête lorsque l’on se

trompe en rendant possible l’intégration de l’erreur comme facteur de progrès

et de connaissance. Cette attitude est difficilement adoptable dans des

approches duelles qui cherchent l’unité au nom d’un principe latent selon

lequel, puisque tout serait dans tout, une erreur sur un élément du tout aurait

49

pour effet de remettre en cause le tout ou de placer ce tout dans

l’incommensurable. Choix entre la métamorphose et l’anamorphose qui

revient à faire d’un revolver un pistolet, une extension de l’arbalète, ce

dernier ne disposant que d’un seul projectile ! Une démarche suicidaire.

Principe d’utilité et Palo Alto

En émettant l’hypothèse d’une constante tripolaire (que nous définirons plus

loin comme étant trifonctionnelle et constructale, opérant dans un cadre

systémique hystérésique cybernétique dans la lignée des problématiques

posées par la dite Ecole de Palo Alto et conforme au nouvelles théories

relatives à la thermodynamique (Laboratoire de l’Université de Duke dirigé

par Adrian Bejan) nous plaçons en première instance de notre recherche ce à

quoi l’objet analysé sert et non ce qu’il est, faisant ainsi que ce à quoi il sert

fasse ce qu’il est. Cela permet de le nommer par son utilité et non par sa valeur

placée au centre d’une définition univoque dont la perspective n’est, comme

nous l’avons envisagé, qu’une hypothétique idéalisation d’une stabilité unifiée.

Cette posture fantasmatique n’est en effet sans aucun rapport avec une

quelconque phénoménologie dont la fonction est de pouvoir être déclinable en

autant de lois que de catégories isolées en son sein à partir d’une équation

maîtresse de l’ensemble. En somme opérer dans la simplicité qui fût celle dont

a fait preuve Mendeleïev, initialement à des fins pédagogiques au profit de ses

élèves, qui lui a permis de constituer le fameux tableau des éléments

périodiques.

Ce célèbre tableau est en réalité l’expression constructale des formes qui

peuvent être prise par l’hélium et l’oxygène, lesquelles, par le jeu des

pressions et des températures dans le temps les modifient pour donner

naissance au métal premier qui est le fer et à leurs dérivés. A partir de ces trois

éléments (certes issus de la dualité : raison pour laquelle par analogie les

hypothèses philosophiques ont lieu d’être au même titre que le signifiant et le

signifié donneront naissance à la signification (action consistant à

matérialiser)) se construit la complexité dans un mouvement qui pourrait

apparaître comme aléatoire si l’on ne disposait de la clef du code de départ. Il

est dès lors pensable que le « constructalisme trifonctionnel» en sciences de

l’information et des communications puisse être la clef qui permette de

dénouer les judicieuses intuitions du structuralisme (notamment de Sapir) [en

passant de la binarité à la triarité] rendue possible au point de convergence

entre le Cercle de Prague 1929 (« Travaux du cercle linguistique de Prague »

constitué notoirement de Sergueï Karcevski, Nikolaï Sergueïevitch, Roman

Jakobson, Troubetzkoy) et « l’Ecole de Palo Alto », celle des paradoxes

(Bertrand Russell , Gregory Bateson , J. L. Austin, J. R. Searle, Paul

Watzlawick).

50

A ce point de contact entre la pratique thérapeutique du Mental Research

Institute qui se veut aussi éloignée du behaviorisme et de la théorie du schéma

stimulus-réponse que d'un humanisme psychosociologique bien représenté aux

États-Unis par la non-directivité de Carl Rogers, il apparaîtrait bien que la

construction et le développement des représentations cognitives puisse être la

conséquence de ces deux approches en tant qu’interprétation progressive et

extensive d’un modèle interactif opérant sous l’action de commandes de

liaisons ( au sens de la fonction (cf. Cassirer)) et de commandes

d’informations.(au sens de la substance (cf. Cassirer) Ces deux contraintes

donnant naissance à diverses fonctions cognitives qu’il convient d’isoler au

sein des diverses formes communicationnelles, différence entre substance et

fonction

Entre ces deux Ecoles d’une grande fécondité, l’approche constructale que

nous mettons au jour en sciences de l’information et de la communication

permettrait d’apporter quelques nécessaires correctifs synergiques. C’est très

vraisemblablement en définissant l’objet de la fonction qu’il soit possible de

remonter aux causes qui l’animent et par ce biais espérer en extraire un

modèles permettant d’entrevoir de façon plus éclairante une cohérence mieux

affinée du système cognitif représentationnel et d’aborder la complexité qui

en émane.

La fonction crée l’organe

Contrairement à un lieu commun la fonction d’un système ne devrait pas être

assimilée à une finalité (qu’il s’agisse de la communication ou d’autres

domaines) mais à une contrainte de départ dont l’objet est de constituer une

équation pour résoudre un problème. De la même façon la langue qui est

l’expression d’une culture n’a pas pour fonction de finaliser cette culture mais

de la rendre mieux apte à échanger au contact des problématiques auxquelles

elle se trouve confrontée de même qu’elle est conduite à progresser

cognitivement afin d’élargir le champ des possibles. Tout cela est inhérent à la

nature même de la fonction dont la raison d’être est d’organiser les échanges

internes avec l’extérieur au point de contact des flux qui en assurent la

viabilité. En cela comprendre une fonction en communication consiste à

intégrer ce qu’une culture nous donne à entendre et à voir comme étant tant la

conséquence de l’histoire de ses échanges que des moyens linguistiques

qu’elle s’est constituée pour s’approprier, au mieux de ce qui lui est possible

en fonction de son voisinage, les ressources offertes par son environnement

matériel immédiat tout en projetant ses besoins dans un futur immédiat et ses

désirs dans un avenir plus ou moins lointain.

C’est au travers de ses relations avec son voisinage (notamment en phase de

sédentarisation des peuples) et en tenant compte de la position qu’occupe

51

chacun dans ses rapport à l’autre, et ceci dans une relation d’intérêts

réciproques, qu’il soit possible de comprendre comment les fonctions peuvent

naître et se déduire à partir de ce rapport ontologique de contraintes

apparemment divergentes entre objet de détermination de la relation et celui de

détermination de l’information : séparation sans laquelle toute fécondation par

les fonctions ne pourrait s’opérer, ce qui rendrait par conséquent stérile tout

système qui n’en tiendrait pas compte.

Cheval blanc n'est pas cheval.

Parler de fonction dans l’élaboration de la cognition revient à définir quelles

ont été les expériences qui lui ont permis de retenir celles qui sont le plus

favorable à son expression ainsi qu’à son positionnement au point de contact

avec l’environnement sans remettre en cause les équilibres utiles. Une fonction

sous-tend toujours une répartition des forces en présences tenant compte des

atouts et des faiblesses de chacun. Les atouts des uns compensant les faiblesses

des autres, il est possible ainsi d’assurer la pérennité chrono holistique d’un

système en répartissant les tâches.

En conséquence de cela une fonction représentationnelle est donc

fondamentalement trifonctionnelle, une équation du troisième degré29

, bien

qu’elle apparaisse en surface bi polarisée du fait même de la contrainte de

relation et de la contrainte d’information. Par analogie les équations du

premier degré permettent de dégager des forces, celle du second degré des

coefficients et celle du troisième degré des vecteurs. De ce fait la question du

sens ne peut être posée à partir des deux premières en sorte que les approches

que nous menons sur la complexité en sciences humaines feraient que nous

nous trouvions dans l’histoire des sciences à nous cantonner dans une

conception euclidienne au mieux dans celle d’Archimède qui discutait « de la

sphère et du cylindre » bloqué par le paradigme mathématique de l’unité

29

« …En disposant de trois équations à trois inconnues (à savoir les coefficients b12,

b13 et b23), les autres quantités pouvant être estimées à partir des données,

l’estimation de ces coefficients a un intérêt primordial : il est facile de démontrer qu'ils

peuvent être considérés comme des mesures d'influence causale. ». ..

Les sciences sociales ont manifesté, à leurs débuts, une grande méfiance à l'égard de

l'idée de cause. Cette défiance vient du discrédit que la philosophie avait jeté sur ce

concept, mais aussi d'une résistance à accepter l'idée que les phénomènes sociaux

puissent être traités comme des phénomènes naturels. Pourtant, il suffit d'observer les

recherches des sociologues pour constater qu'ils utilisent spontanément l'idée de cause.

Plus généralement, une analyse sociologique consiste le plus souvent - cela est évident

depuis Durkheim - à analyser la structure causale qui sous-tend un ensemble de

variables. Raymond Bourdon, Membre de l’académie des sciences morales et

politiques, professeur à l’université Paris-IV, Sorbonne. Encyclopædia Universalis

(2005).

52

intrinsèque. Toutefois, bien qu’attestées dans l'ancienne mathématique

chinoise, les règles de fausse position étant connues des Arabes et de

l'Occident sous le nom d'al-khatayn (la chinoise), il peut naître de la confusion

issue de l’interpolation linéaire un questionnement sur la nécessité de l’utilité

des mots.

Afin de bien poser clairement cette problématique et ce qu’elle implique nous

pourrions prendre appuie sur les plus grands logiciens chinois du IIe siècle

avant notre ère Gongsun Long qui avait entrepris des recherches

épistémologiques et métaphysiques pour réfuter la logique chinoise des

sophistes de l’époque. Son discours « Sur le cheval blanc » : se décline

comme suit pour démonter leur approche illogique : « Cheval blanc n'est pas

cheval (...) Car si vous cherchez un cheval, on peut vous amener

indifféremment un cheval jaune ou noir ; mais si vous cherchez un cheval

blanc, on ne peut vous fournir ni un cheval jaune ni un cheval noir [...] C'est

pourquoi, bien que le cheval jaune et le cheval noir restent identiques, ils ne

peuvent correspondre qu'à « cheval » et non à « cheval blanc ». Il est donc

évident que cheval blanc n'est pas cheval » (trad. Kou Pao-koh, in Deux

Sophistes chinois, Paris, 1953).

C'est ainsi que, pour la première fois dans la philosophie chinoise, Gongsun

Long arrive à séparer la nature de chaque espèce de sa réalité concrète et à

concevoir des concepts universels. Le prétexte à cette recherche est la

nécessité, avancée par Confucius, de « rectifier les noms » (zhengming) pour

espérer faire régner la paix. Cette même filière avait déjà été suivie par les

mohistes et par Hui Shi.

L'originalité de Gongsun Long réside cependant dans le fait qu'il aboutit

non pas à un principe transcendant et universel, au-delà des contradictions

de la réalité immédiate, mais à un système d'analyse des choses et à leur

réduction en éléments simples. De plus, chez lui cette « rectification » n'a

plus d'implications morales ou politiques, mais vise uniquement à créer un

ordre logique. Car, tout est différent et il faut donner à chaque chose son

nom correct30

.

30

Après avoir ainsi déterminé l'ordre de relation entre le signe [signifiant] et son objet

signifié, Gongsun Long passe à un ordre qui transcende la relation en disant que, si,

dans le monde, il arrive qu'on n'ait pas besoin de signe, cela vient de ce que les objets

ont déjà tous leur nom et qu'ils n'ont pas besoin d'être signifiés. On arrive ainsi à la

notion de « non-signe », proche du « sans-nom » des taoïstes. Mais Gongsun Long

rejette cette idée en disant : « Si vous considérez ce qui peut ne pas être signifié,

comme tout est signifié, ce n'est pas correct. Kristofer Schipper, article Gongsun Long,

Encyclopædia Universalis (2005)

53

Le fondement de cette doctrine se trouve exprimé dans le troisième chapitre de

l'œuvre, dans le discours « Sur les concepts et les choses ». Le mot « concept »

est ici à comprendre au sens littéral de qui fait signe (zhi, littéralement

« doigt ») désigne ici des essences universelles (blanc, dur, cheval) en

opposition avec les choses (ou objets, phénomènes : wu) tension analogue à

celle que nous avons évoquées entre liaison (objet) et information (doigt),

assimilable au fond et à la forme.

Signe, signifiant, signifié, signification

D'une construction logique très rigoureuse, ce chapitre est d'un abord difficile :

« Tout objet est un signe (concept issu du zhi et du wu), mais le signe

(signifiant) n'est pas le signe (signifié)... S'il n'existe pas au monde d'objet,

peut-on parler de signe ?... S'il n'existe pas au monde de signe, l'objet alors ne

peut être appelé signe (signifié)... » Après avoir ainsi déterminé l'ordre de

relation entre le signe (signifiant) et son objet signifié, Gongsun Long passe à

un ordre qui transcende la relation en disant que, si, dans le monde, il arrive

qu'on n'ait pas besoin de signe, cela vient de ce que les objets auraient déjà

tous leur nom (une signification) et qu’ainsi ils n'ont pas besoin d'être

signifiés. On arrive ainsi à la notion de « non-signe », proche du « sans-nom »

des taoïstes. Mais Gongsun Long rejette cette idée en disant : « Si vous

considérez ce qui peut ne pas être signifié, comme tout est signifié, ce n'est pas

correct. » Car il reste toujours une relation entre l'objet et le signe puisqu’il

serait sans objet s’il venait à lui manquer la forme ou le fond et, en

conséquence, tout objet est un signe, la négation n'étant, comme chez Aristote,

qu'une absence de perfection ultérieure susceptible d’être synonyme de « trou

noir ».

Cette perfection ultérieur pour continuer sur les bases d’Aristote et de

Gongsun Long se trouve être en potentialité contenue dans le signifiant… à

condition ajouteront nous que le signifiant ne soit pas que la boîte noire de nos

repentances ensevelies, le cercueil de nos impensés.

Ceci posé il est dès lors possible développer que : « Tout objet est une alerte

qui ne peut être saisie que si elle vient perturber le registre signifiant du

signifié dans les significations de son action. Dès lors l’objet n’existe qu’en

tant qu’agent extérieur de perturbation d’un équilibre intérieur (d’un ordre

établi) en sorte que c’est le déséquilibre même de l’action habituelle qui

conduit à ce que le signe soit signifié aux interactions relationnelles et

informationnelles activant ainsi les fonctions cognitives de perception

attachées à la mémoire pour résoudre une équation d’utilité à partir d’un

manque ressenti ».

54

Le signe est donc extérieur au système

En conséquence de cela la seule chose dont nous puissions être assuré pour

ordonner les choses ayant trait aux représentations c’est que le « signe » ne

peut se situer qu’à l’extérieur d’un système. Un signe ne devient prégnant que

s’il peut soit alimenter ou perturber le système. Dans les deux cas il n’a

d’existence que par le manque auquel il satisfait ou à celui qu’il peut créer. En

sorte que l’on peut bien considérer que ce qui peut ne pas être signifié n’est

insignifiant (non existant au niveau de l’action) qu’au regard de

l’engourdissement de la satiété. A notre avis cette conclusion est de toute

premières importance par rapport à la théorétique ambiante qui, refusant de

nommer les choses clairement, afin certainement de conforter une téléologie

de façade, finissait par se complaire dans une confusion entre ensemble et

élément, fonction et finalité, au point de n’aboutir qu’à chinoiser sur les

influences réciproques du signe sur le sens et ceci en les plaçant au cœur

même du système. A ce petit jeu en analysant les dates de ponte imprimées sur

les œufs rangés dans nos réfrigérateurs ces sophistes finiraient bien par nous

faire croire que le cloaque des poules pourrait bien être équipé d’un

horodateur !

Ainsi cette dualité coutumière ne peut se comprendre qu’en référence à un

troisième possible ou imaginé, lequel détermine avec plus ou moins

d’exactitude la fonction qu’occupera chacun dans l’espoir d’aboutir tout en

préservant les acquis. Les relations établies entre l’un et l’autre seront

déterminées par le troisième (au regard et en fonction de l’expérience

précédemment acquise). Une relation de départ devient fonction par la

représentation qui est projection de d’un espace de solutions possibles au

regard de son objet perturbant. L’objet qui fait signe peut alors être appréhendé

comme un numerus qui a valeur de rang (classement des risques) dans le réel

indifférencié immédiat, ce qui distingue le signe de la signification qui est

extraction d’une classe d’un tout initialement instillé par l’alerte du signifié au

contact du signe. On peut alors considérer qu’à ce stade (passage de l’objet au

signe-alerte intégré par le signifié qui en cherchera une signification) il y a

constitution d’un definitum. Ce définitum permet d’extraire de la complexité

(de l’infini) un ensemble cadré, mieux fini, une certaine définition du réel

concerné, sans qu’à ce niveau cette définition puisse revêtir le caractère d’une

formule de compréhension et encore moins d’action sauf mécaniquement qui

impliquerait l’intervention non de la cognition mais de la mémoire réflexe.

Ainsi le définitum n’étant pas par définition fini mais simplement extrait d’un

non fini, peut être appréhendé par la pensée logique (hypothético-déductive,

mathématique), analogique (intuitive) ou normative (tradition) faisant que la

pensée dite magique peut aussi y trouver sa place.

55

Pour fuser de la confusion : là ou les ciseaux de Saussure se brisent. Vison

3D

A ce stade de la réflexion il faut prendre garde de ne pas confondre le

definitum avec le denotatum du fameux triangle sémiotique dans sa version

d'Ogden et Richards, revue et corrigée par Ullmann, dont nous verrons

ultérieurement qu’il n’est pas l’affaire du signifiant et du signifié, mais bien

spécifiquement celle du signifié en interaction stricte avec le definitum. Pour

cette raison nous opérerons dès lors au sein d’un triangle sémiotique polarisé

signifié, signification, signifiant dont nous avons extrait le signe et le sens en

les considérant l’un et l’autre comme deux aimants dont le magnétisme ferait

vibrer de façon incessantes au point d’interférence des ondes une bille d’acier

dont le sens de rotation serait déterminé par l’interférence au point de

signification de définitum et du connotatum.

Ainsi le sens d'un mot n'existe pas en tant que composante de ce mot, le mot

ne pouvant être signe mais signification linguistique du fait de l’extériorité du

signe, laquelle signification, contrairement au signe de Saussure, ne constitue

pas de la simple association qu’il considère indissoluble d'un signifiant et d'un

signifié tant que le signe n’aura pas de signification. Ceci fait que le Signifiant

et le Signifié, contrairement à ce que nous dit nous dit Saussure, ne sont pas

comme le recto et le verso d'une feuille de papier, dans laquelle ils peuvent (le

signifiant et le signifié) être découpés d'un seul et même coup de ciseau. Cette

vision de la chose n’est possible que dans la mesure où il suppute que

l’interface entre le signifié et le signifiant soit sans consistance réelle. C’est

justement dans cet interface que se situe la signification tant il est vrai que le

côté pile et le côté face d’un pièce de monnaie n’ont aucune valeur de signifié

ou de signifiant sans la valeur du métal qui lui donne une signification

transactionnelle (s’appuyant du côté face sur le signifié (autorité qui la valide,

figure d’un monarque ou d’une institution) et sur le côté pile (qui définit les

limites territoriales de sa validité)) en sorte que le signifié est bien autre chose

qu’une linguistique abstraite n’appartenant pas à la classe des objets auxquels

renvoie le signe mais bien le point d’entrée du signe au contact du signifié qui

en autorise ou non la circulation dans le système linguistique au même titre

que la face d’une pièce de monnaie fait autorité sur son territoire.

56

C’est donc emprunter une direction incertaine que de donner priorité (pour la

linguistique en général, et la sémantique en particulier) à la perspective

synchronique, en vertu du fait que « la langue se constitue diachroniquement,

mais (qu') elle fonctionne synchroniquement ». Car s’il est évident que lorsque

je choisis d'utiliser le signifiant « cheval », c'est effectivement non en fonction

du sens qu'il possède aujourd'hui (en relation avec d'autres mots apparentés

dans un même état de langue) mais de la signification d’usage qu’il représente,

et ceci vraisemblablement par rapport à la valeur que son usage peut entraîner

autant que de celle dont je peux profiter en déclinant son étymon latin de

caballus (désignation argotique et péjorative du cheval). Il faut donc s’extraire,

avec le respect nécessaire dû aux pionniers de ces disciplines, de ces

chinoiseries dichotomiques car une paire de ciseau ne résiste pas à une pièce

de monnaie. Même les enfants le savent : papier, puits, ciseaux, pierre ! En

tenant pour vrai que le ciseau puisse résister à la pierre on a de fortes chances

de les faire tomber dans le puits…il ne restera que le papier pour y inscrire ses

rêves d’unité. A moins que pour résoudre le problème posé par l’interface

d’une pièce de monnaie d’autres préfère le marteau-pilon.

Certaines tentatives de donner une unité à la vision saussurienne chercheront,

comme d'Ogden et Richards ainsi qu’Ullmann, à expliquer comment il se

ferait que le sens d'un mot n'existerait qu'en tant que composante de ce mot, ou

signe linguistique, lequel, pour Saussure, se constituerait de l'association

indissoluble d'un signifiant et d'un signifié et feront émerger de cette

interpolation linéaire le concept de référant (ou de denotatum). Or le fait de ne

pouvoir clairement en signifier la signification dénote en cela un problème de

registre dans lequel faire entrer ce mot de référant qui signifie à la fois

« démarche vers le signifié » et « démarche vers le signifiant », ce qu’est très

exacte une signification, faisant de la signification l’ensemble contenant le

dénotatum et le référent, le tout pouvant être illustré par le symbole dans son

acception étymologique (c’est-à-dire polyvalent). Ajoutons que le mot n’a

57

donc pas pour fonction de représenter une « chose » (ou encore un ensemble

de choses, regroupées sous le même concept) mais d’envisager des actions

possible autour de cette chose, et qu’en cela toute réponse au signe ne vaut que

pour un segment particulier d'univers, un territoire, que l'on appelle non son

référent mais son référentiel qui ne deviendra dénotatum qu’au contact d’un

autre segment d’univers qui lui est étranger. Et voici donc qu’il devient

possible de constitue un triangle sémiotique, épistémologiquement cohérent

tant il est admis que l’on ne peut pas distinguer deux ensembles à partir d’un

ou de deux éléments auxquels ils appartiennent (ce qui est le cas du concept de

référent) : ce triangle sémiotique peut dès lors être structuré à partir des pôles

suivants: signifié, signification et signifiant.

Toutefois en faisant intervenir de façon subtile le concept biface de dénotatum-

référent entre le signifié et le signifiant les auteurs du triangle sémiotique

ambigu nous inviteraient peut-être de façon sibylline à faire un voyage dans le

temps et à nous rendre durant l’Antiquité grecque au centre du monde, à

Delphes…

Pitié pour la Pythie

Pour les Grecs, Delphes était le centre géographique du monde, (omphalos : le

nombril) : les deux aigles dépêchés par Zeus depuis les bords du disque

terrestre s'y étaient rejoints.

Sur cette fosse oraculaire, point de rassemblement religieux de toute première

importance, fut érigé un temple massif de forme ogivale couvert d'un réseau

de laine (agrènon) et surmontée de deux aigles d'or. Dans l'adyton du temple

(la chambre secrète) voisinaient la tombe de Dionysos et le trépied sur lequel

la Pythie, prophétesse d'Apollon, signifiait aux mortels les conseils éclairants

du dieu. Durant plus d'un millénaire, de la fin du VIIIe siècle avant J.-C. au

IVe siècle après J.-C., le sanctuaire d'Apollon Pythien fut ainsi le siège de

l'oracle le plus prestigieux. L'abondance des textes littéraires et épigraphiques

qui le concernent atteste le rôle éminent du sanctuaire dans la civilisation

grecque.

En situant le denotatum-référent comme interagissant au contact du signifiant

et du signifié les auteurs du « triangle sémiotique ambigu » nous indiquent de

façon subliminale d’aller à la recherche de l’endroit ou pourra bien se trouver

le nombril sémiotique : cette petite cavité cicatricielle faite de circonvolutions

sur un ventre lisse qui tente de refermer l’unité d’un corps sur ses origines.

Dans cette configuration le nombril serait bien à la fois dénotatum et référent.

Ce point central est en réalité indiqué comme un verbe transitif et non comme

un nom denotato (latin : marqué d’un signe, flétri mais aussi la forme d’une

dent (forme d’une canine)), qui induit plusieurs notions complémentaires.

58

Ainsi tout en ouvrant sur

une réflexion riche les

auteurs du « triangle

sémiotique ambigu »

confirment bien

l’intention sous jacente

de lier leur dénotatum au

signe, ce qui est une

mauvaise piste car en

réalité ils l’affectent

pleinement au signifiant.

Mais plus encore

cherchent-ils

(vraisemblablement de façon inconsciente et subliminale) à

faire se connecter leur denotatum (au demeurant participe employé

adjectivement, denotato) au signe (la dent qui est une forme conçue pour aller

au contact du signe) plutôt qu’au signifiant (dans ce cas le palais gustatif

(référent) qui intègre la production opérée par la dent). Nous sommes alors en

présence d’une anamorphose : tout est dans tout et inversement en nous

suggèrent que le signe pourrait bien être déterminant alors qu’il se trouve lui-

même compris dans leur raisonnement (oserai-je dire dans ce cas :

résonnement) soit dans le signifiant, soit dans le signifié ou quelque part entre

les deux…Tout cela n’est pas très éclairant.

Nota, Denuntio, denotato

En bonne logique, ces auteurs avaient développé de façon plus congruente leur

intuition en y ajoutant un peu plus de philologie, voire simplement avec un

dictionnaire de latin, ils seraient inévitablement arrivé à un authentique

triangle sémiotique qui aurait pu être paramétré ainsi : sommet bas à gauche :

nota (signe sur un objet, marque : la chose est signifiée, repérée), sommet en

haut: denuntio (faire savoir, prédire, annoncer, enjoindre : signification),

sommet bas à droite denotato, l’ancien denotatum, (flétrissure (à comprendre

comme ce qui reste d’une forme) « mémoire morte » : signifiant), lesquels

constituent en liant les sommets : denuntiatio ou injonction (entre nota et

denuntio), denudo ou mettre à nu, dévoiler (entre denotato et denuntio),

connecto ou nouer ensemble (entre nota et denotato). Au barycente de ce

triangle sémiotique latin se trouve denubo ou se marier : qui réunit l’ensemble.

C’est donc bien au sein de cette configuration trifonctionnelle qu’est traité

(detexo, achever de tisser, aller jusqu’au bout, exécuter complètement, exposer

en entier, raconter, décrire), le signe venant de l’extérieur (techna, artifice,

mauvais tour, ruse : qui n’est pas dans l’ordre des choses) pour faire sens vers

l’extérieur (detego : révéler). Le triangle latin sémiotique (ou encore triangle

de Delphes) pourrait donc être configuré ainsi :

Référent ou

denotatum

59

TRIKÃLA SEMIOTIQUE DE DELPHES

Ce qu’il faut bien appeler l’affaire du « denotatum » dans l’approche qu’en a

faite Ulmann est évocatrice d’une certaine dérive plus pédagogique qu’elle

n’est intellectuelle des sciences humaines. A force de vouloir expliquer ce qui

n’est pas compris, souvent parce que c’est incompréhensible, la tentation est

forte d’isoler un groupe d’éléments, une sous catégorie de l’ensemble que l’on

Denuntio

Denotato

Sibylle

Nota

Denudo Denuntiatio

SIGNIFIE

Connecto

Denubo

SIGNIFIANT

SIGNIFICATION

SIGNATURE

SIGNALISATION

SIGNE

SIGNALETIQUE

CONSIGNATION

SENS

60

mettra en relation avec cet ensemble problématique pour tenter de l’expliquer.

C’est ainsi que se construisent les poupées gigognes qui lorsqu’on les

désassemble n’ouvrent que sur un vide consternant malgré l’apparat dont elles

sont revêtues. D’apparat à apparatchik le pas est vite franchi par les épigones

de l’enseignement qui se saisissent de ces approches pour asseoir une autorité

qui ne tient qu’aux vertus magiques accordées aux amulettes du grand sorcier.

En termes modernes cela s’appelle du prosélytisme. On force la conviction des

esprits faibles en agitant des reliques d’un saint père fondateur pour ne pas

avoir à être en première ligne des sentiments névrotiques que ces approches ne

peuvent qu’inspirer. Plus grave encore dans leurs applications sociétales de

tels impensés peuvent être admis comme scientifiques alors qu’ils ne sont que

l’expression d’une connotation consentie. Alors si quelque chose n’est pas

compréhensible, deux causes : incompétence du maître ou incohérence au sein

du concept, l’inappétence de l’élève n’étant le plus souvent que le refus poli

d’acquiescer.

En dernier lieu cette réflexion nous conduit aussi à considérer,

complémentairement à Saussure, que le sens d'un mot n'existe pas qu'en tant

que composante de ce mot, ou signe linguistique, lequel, ne se constituerait pas

uniquement de l'association indissoluble d'un signifiant (Sa) et d'un signifié

(Sé) mais bien aussi d’une signification (Sg) comme devant être comprise

comme denuntio, l’émergence d’un cadre de formulation. C’est l’ensemble qui

fait sens. Précisons aussi en conséquence que le mot n’a plus dès lors pour

fonction unique de représenter une « chose » mais bien plutôt un ensemble

d’actions possibles autour de la chose, lesquels actions possibles seront

regroupées sous le même concept générique qui pour être valablement abordé

doit l’être dans un contexte (flux de l’environnement) qui fait que tout signe ne

peut venir que de l’extérieur du système concerné et ne vaut que pour un

segment particulier d'univers, un territoire. Le signe est donc environnemental,

provenant de l’extérieur en tant que contingent du paradigme triadique

(signifiant, signifié, signification). Le signe est donc assimilable à un stimulus

extérieur, un monere (mot latin ayant pour signification (définition) : faire

souvenir, rappeler, attirer l’attention sur, inviter à, rappeler au bien, à l’ordre :

réprimander, corriger, punir). Il ne faut plus alors parler de référent mais

d’inférant extérieur. En fin de compte le signe pourrait être compris comme

étant un avertissement (un mana) au contact de ce qui vient de l’extérieur : un

déclencheur à partir d’un phénomène contingent qui vient contrarier la stabilité

triadique (relative).

L’Avertisseuse : l’anormalité fait signe

Etymologiquement le terme français de monnaie provient de ce que la

monnaie romaine était frappée dans le temple de Juno Moneta (de monere :

l'avertisseuse (latin aversio, onis, figure qui consiste à détourner l’attention des

61

auditeurs du sujet en question) au Capitole, et portait

cette épithète « L’Avertisseuse » sous l'effigie de la

déesse. Notons aussi que capitol donnera en français le

mot capital alors que le mot capital, is, en latin désigne

le voile dont les prêtresses se couvraient la tête

pendant les sacrifices. L’ensemble de ces nuances

sensibles autour du mot monere permet de comprendre

qu’un signe provient toujours de l’extérieur (ou en

liaison avec lui), faisant qu’il est extérieur à la triade

signifié, signification, signifiant. Le constat d’une

anormalité fait signe. L’intervention du signifié aura

pour fonction de considérer le signe comme un

avertissement, d’apprécier les risques [actuariat] et

pour cela devra faire appel à la signification (au capital symbolique) (regarder

sous le voile) afin de soumettre l’ambivalence au signifiant (mémoire du

système), le cas échéant de mobiliser toute ou partie du système concerné pour

qu’une réponse appropriée soit apportée au signe (monere) dans la perspective

qu’elle fasse sens au point contingent d’un environnement que l’on espère

pouvoir stabiliser.. C’est au terme de cette trifonctionnalité du signifié, de la

signification, et du signifiant que les représentations émergent par

l’intermédiaire du référé, de la référence et du référant pour que le système se

constitue un jeu de représentations lui permettant de projeter un sens à partir

d’un signe : opérer une boucle rétractive sur l’extérieur permettant de canaliser

les contingences junoniennes par la volonté sociale de vitalité.

En religion romaine Junon est sans doute à raccorder à la racine qui a donné en

latin juvenis et juventus, exprimant une idée de « jeunesse » et donc de

« plénitude de force physique » de vitalité. Déesse latine plus que romaine,

Junon était honorée dans tout le Latium, à Lanuvium et à Tibur en particulier.

Divinité complexe, elle est présentée sous des aspects très divers, et

l'interprétation qu'on propose de son rôle varie selon l'accent mis sur tel ou tel

aspect des fonctions qui lui sont dévolues... Elle était honorée à Lanuvium

sous le titre de Sospita Mater Regina, « protectrice, mère, reine ».

G. Dumézil31

a montré que cette triple dénomination répondait aux trois

besoins fondamentaux de toute société humaine : la défense contre les

31

Georges Dumézil découvre la clef d'or qui le conduit à exposer, dans son livre,

Jupiter, Mars, Quirinus (1941), la théorie des trois fonctions (souveraineté et religion,

guerre, production). Cette tripartition se retrouve dans le vocabulaire, l'organisation

sociale et le corpus légendaire. La société médiévale est divisée en oratores (ceux qui

prient, le clergé), bellatores (ceux qui combattent, la noblesse) et laboratores (ceux

qui travaillent, le tiers état). La société indienne est divisée en Brahmanes (prêtres,

enseignants et professeurs), Kshatriyas (roi, princes, administrateurs et soldats), enfin

62

agressions extérieures, la fécondité et l'exercice d'un pouvoir souverain. En

raison sans doute de sa fonction matriarcale, Junon a été la déesse des

commencements (naissances et calendes (premier jour du mois) ainsi que

solstice (mois de juin fête des adolescents) et de la féminité.

A partir du signe extérieur la trifonctionnalité (junionienne) fait s’opérer les

représentations qui font sens en ouvrant le système interne vers l’extérieur

pour des réponses mieux appropriées au changement que l’extérieur impose au

contact des signes qui le perturbent. Ces représentations entreront dans la

mémoire centrale (signifiant) à partir duquel le programme du système pourra

être amélioré faisant entrer la sémiotique dans le domaine de la cybernétique à

partir de la systémique opérant sur fond trifonctionnel. Lien entre l’Ecole de

Prague et de Palo Alto la problématique des représentations permet alors

d’orienter notre travail de recherche vers une dimension plus large, celle de la

constructalité.

la caste productive qui se subdivise en Vaisyas (artisans, commerçants, hommes

d'affaires, agriculteurs et bergers) et Sudras (serviteurs).

63

Le nécessaire reformatage que nous avons dû opérer sur les orientations

discutables prise par la linguistique Saussurienne et la sémiotique

Ulmannienne, loin d’en remettre cause l’intérêt, offre l’avantage d’éviter les

confusions anamorphiques. Essayer de comprendre les causes de ces

atermoiements relève de l’épistémologie, c'est-à-dire du regard porté sur le

paradigme académique (par définition consensuel) qui les a engendrés. Les

mauvaises piste empruntées tiennent, comme nous l’avons évoqué

précédemment, bien évidemment à la posture dite cartésienne qui

traditionnellement place la philosophe en amont de l’observation (un signifié)

en constituant ainsi un registre de définitions à double tranchant (plus la

pointe) (signification théorético-taxonomique) protégées par ces boucliers

symbolique qui font des Maîtres penseurs des maîtres à penser intouchables.

Tout cela ne resterait qu’une affaire à régler entre scientifiques si en plus de

cela le tout n’était nimbé d’une couche sociologique issue du saint-simonisme

qui a fait du signifié (autorité et pouvoir) une persona non grata. Cela explique

entre autre que considérant le signifié comme secondaire à l’analyse il fut

nécessaire de lui affecter la pondération du référant afin de que la signification

devienne denotatum alors qu’il n’est que connotation consensuelles en d’autre

terme qu’une signification n’aurait de sens qu’au travers d’une pondération

entre le signifié et le signifiant. C’est alors que tout peut être dans tout et

inversement puisqu’un signe serait dès lors sans signification possible

autrement que dans la connotation. Adieux représentations lorsque le modus

vivendi prendra le pas sur

le motus vivendi. On

préférera le code (modus)

au moteur (motus) dans

l’illusion d’une possible

immortalité devenue

synonyme

d’immobilisme ou de

désenchantement : la

fameuse « baisse de

moral ». Faute de

représentations possibles

au profit de la

connotation, préférant la

contrition à l’émotion, on

prônera la transparence

jusqu’à mettre l’extase

sous préservatif, la

consommation du tabac

au grand air et les

voitures au garage tout en

découvrant que les

64

chantres de l’écologie ont bien du mal à se faire à la vie en forêt équatoriale.

Dans cet univers de connotations qui pense tirer son unité de la cohésion sans

se soucier de la cohérence anthropologique on a décidé qu’au nom de la loi

antitabac il fallait effacer de la photo la cigarette des lèvres d’André Malraux

pour qu’elle soit acceptable sur le timbre commémoratif - du transfert de ses

cendres au Panthéon !- sans pour autant que soit posée la question de savoir

quoi faire du cendrier dédié « A ses grands hommes, la France

reconnaissante » ? « Il faut que tu respires » devient une obligation alors que

c’était un réflexe. Mais ne nous y trompons pas tout cela ne disparaîtra qu’en

surface. Les représentations prendront d’autres chemins car il ne faut pas

s’imaginer qu’en supprimant l’expression d’une représentation on aurait

supprimé l’addiction qui la sous-tendait et plus encore la nature du manque qui

en est à l’origine et dont le besoin est un signe. Elles feront retour d’une autre

façon, certainement sous des formes plus discrètes…plus poudreuses… dont

les conséquences pourraient être plus graves. Il ne faut jamais confondre un

symbole avec une représentation.

Cette posture sociologique saint-simonienne constante (remise en cause de la

fonction de dénotation issue du contact, à partir d’une problématique, entre

l’autorité du signifié et la cadre de signification) fonctionnera cognitivement

au profit du consensus de connotation avant d’émerger en politique. Elle se

trouvera d’une certaine façon cautionnée par le darwinisme qui, avec le

« transformisme », malgré les remous que cette théorie sur l’évolution devait

susciter, revêt une signification décisive pour la pensée contemporaine et lui

fournit un de ses concepts clés. Darwin a en effet fondé sa théorie sur une

hérédité des caractères acquis et n'a que tardivement admis que des variations

puissent résulter de « sauts ». Il considérait les mutations comme étant une

aberration dépourvue de signification évolutive. Toutefois, vers la fin de sa

vie, sans pour autant s’ouvrir à la finalité lamarckienne [l'unité de la vie :

« L'état où nous voyons tous les animaux, est le produit de la composition

croissante de l'organisation qui tend à former une gradation régulière »] de

n'avoir pas accordé une place suffisante à l'action du milieu, dont la génétique

écologique nous permet aujourd'hui d'apprécier toute l'importance. Cette

théorie transformiste en tant que signification sera vite permutée en théorie de

l’évolution confortant ainsi la conception selon laquelle les formes prises dans

la nature, et par conséquent dans les organisations humaines, feraient bien que

tout système détiendrait en son sein, génétiquement par le hasard ou le jeu de

la sélection naturelle, la possibilité de se perfectionner indépendamment des

contingences qui viennent perturber sa stabilité. Nous sommes ici

épistémologiquement proches de la vision de Saint-Simon sur la société pour

laquelle, pour que l’Eden se produise, il faille exclure les pouvoirs par

définition pervers et perturbateurs. Son secrétaire Auguste Comte l’érigera en

théorie « le positivisme » : « Non seulement l'humanité ne se compose que des

existences susceptibles d'assimilation mais elle n'admet de chacune d'elles que

65

la partie incorporable en oubliant tout écart individuel. » ((Système de

politique positive, t. II, p. 62). Désormais, toute vérité doit être démontrée. Au

juste, seul un petit nombre d'hommes selon Comte, est susceptible de

comprendre les démonstrations scientifiques ; mais pour lui cela n'a pas

d'importance car la science fournira même aux ignorants une foi suffisante

pour établir un ordre social. Cet idéalisme n’est dans la réalité possible qu’à

condition que les scientifiques ne cherchent pas à « faire peuple » et acceptent

de dénoter plutôt que de connoter.

L’esprit positif de Comte cherchera à éviter la polémique en aspirant à s'établir

pacifiquement dans les institutions d'Église. Forte d'un consensus universel

qu'elle est la première à réaliser il pensait que la science pourrait triompher par

le seule arme de la preuve, triomphe malheureusement incompatible avec les

connotations si l’on n’est en mesure de dénoter en assumant socialement un

statut de signifié au contact de la signification. Bien entendu, la religion de

l'humanité, proclamée en 1847, ne pouvait pas apparaître dans le Cours de

Comte. Dans le Système de politique positive, outre sa fonction de

connaissance, Comte considère que la sociologie pouvait être directement

fondatrice de la religion. Il examine d'abord l'ordre humain « comme s'il était

immobile » (Système, t. II, p. 3). C'est ensuite la fonction de la statistique

sociale, qui doit précéder l'étude de l'évolution humaine. Parallèlement Comte

prétendra définir la nature humaine à partir de la physiologie [« tableau

cérébral »]. Au final Comte rêvera d’une sociologie relevant des principes de

la biologie. On centralise alors à l’extrême la problématique de l’émergence du

signe. Un cul de sac. Fin de l’opportunisme scientiste.

Le compte n’était pas tout à fait bon : l’anomie est adnomie

Tout en retenant de Comte l’intuition selon laquelle « Tous les phénomènes

quelconques, inorganiques ou organiques, physiques ou moraux, individuels

ou sociaux, sont assujettis à des lois rigoureusement invariables » (Cours,

t. VI, p. 655) on pourrait sérieusement lui reprocher d’avoir privé, dans la

lignée de Saint-Simon, la sociologie d’un paramètre anthropologique

important qui est celui de la fonction dénotative du signifié : le pouvoir. Dès

lors la sociologie deviendra interprétative faisant alterner la réflexion entre

référant st signification pour au bout du compte insérer dans la trilogie le signe

en lieu place du signifié, laissant ainsi à penser que le sens serait un

jaillissement totalement issu de l’intérieur.

Saint Simon, Comte, Darwin, outre les avancées épi phénoménologiques que

nous leurs devons obscurciront le débat plus qu’ils ne l’éclaireront. En

devenant des références incontestables, donc incontestés, ils forceront dans un

climat de soumission des productions intellectuelles impressionnantes sans

qu’une authentique phénoménologie n’en soit dégagée. Ainsi le concept

66

d'anomie forgé par Durkheim qui est faussement présentée comme une des

plus importants théories sociologiques pourrait bien être corrigé par celui

d’adnomie s’il n’avait omis de considérer que les manifestations suicidaires,

dans la mesure où elles pourraient bien être l’expression d’une démoralisation,

seraient très certainement la conséquence non de cette démoralisation mais

bien de celle de l’absence de pouvoirs numineux (numen) dont il a été

convenant sociologiquement de se passer... En s’en tenant là Durkheim ne

verra dans le signe de l’augmentation du taux des suicides qu’une cause qui

viendrait de ce que l'activité des hommes serait déréglée sans envisager qu’il

induisait en cela l’existence nécessaire d’une règle, laquelle est dénotatum

dont l’existence dépend du numen d’une autorité capable de la signifier dans le

cadre d’une signification. Le concept d’anomie sans admonition possible par

une personne dont la fonction est de la signifier à partir d’un signe devait être

intégré au concept. Sans lien entre les contingences extérieures nouvelles et le

signifié il ne reste qu’à chercher des significations dans le signifiant, démarche

éminemment anxiogène pour qui est dans le besoin. Au regard de l’approche

trifonctionnelle des représentations il serait alors plus conséquent de remplacer

le concept d’anomie (négatif) conduisant au suicide, par celui d’adnomie

(signifié), positif, qui invite au sens.

Ces approches psycho-sociologisantes du Vieux Continent franchiront

l’Atlantique et prendront une dimension pratique en psychosociologie de

l’éducation avec la non-directivité de Carl Rogers. Sans en embrasser

pleinement le principe retenons que la pratique thérapeutique du Mental

Research Institute sera aussi tout autant éloignée du behaviorisme que de la

théorie du schéma stimulus-réponse. Ainsi posé l'apprentissage et le

développement d'un être humain ne peuvent se réduire à un simple

conditionnement (si complexe soit-il). L’axe choisi sera celui de

l’interprétation comprise dans un système d'interrelations. Cette approche, qu'il

faut rattacher à la théorie des « paradoxes » de Bertrand Russell et à la

« pragmatique » de Gregory Bateson, mais aussi aux recherches de J. L.

Austin (How to do Things with Words, 1962 ; trad. franç. Quand dire, c'est

faire, 1970) et de J. R. Searle, se fonde sur l'analyse de la communication et

des interrelations.

L’approche interprétative et ethno-sens.

L’approche interprétative orientera la recherche vers la signification en faisant

moins de cas de la connotation. Situé entre le signifiant et la signification,

l’interprétation donnera aussi naissance à l’ethnopsychiatrie du Roumain

Georges Devereux. On relativisera l’universalité des concepts connotés par le

cartésianisme humaniste en faisant avant l’heure de l’ethnologie inversée.

C’est ainsi que le « complexe d’œdipe » sera validé en tant que mobile

transactionnel mais nuancé dans l’articulation des interrelations. En effet

67

contrairement à ce qu’a fait remarquer Malinowski par l’interprétation

fonctionnaliste (pour s’opposer à la thèse freudienne, en argumentant que dans

certaines tribus matriarcales l’autorité qui s’exerce sur l’enfant n’est pas

incarnée par le père et ceci aux fins de démontrer que l’universalité du

complexe serait une vue de l’esprit issue de la société de la Vienne Impériale)

Georges Devereux démontera cette posture culturaliste en montrant par

l’expertise ethno psychiatrique issue du terrain que le complexe œdipien est à

comprendre en tant que processus de structuration non obligatoirement

polarisé sur le père. Ceci est par ailleurs conforme et cohérent au mythe de

l’Éros, lequel, dans la Grèce primitive, était un dieu bisexué et /ou gémellaire,

tout comme l’était Horus dans l’Égypte antique, ou encore Hunahpu et

Xbalanque pour la civilisation maya.

C’est donc par erreur que la signification entrera dans le cadre du bivariant sur

un axe déterminé par le signifié et le signifiant bien que son principe soit

monovalent au regard du signifié et du signifiant en tant qu’élément à part

entière de l’ensemble triadique fonctionnel (signifié, signification, signifiant).

Dans « Study of Abortion in Primitive Societies », G. Devereux démontre que,

si l'on dressait la liste complète des fantasmes décrits par les psychanalystes,

elle correspondrait point pour point à la liste des rites et des coutumes qu’ont

décrites les ethnologues. Il en conclut que la psychanalyse et l'ethnologie offre

deux points de vue sur une même réalité : l'un du « dedans », l'autre du

« dehors ». Pour embrasser dans un champ élargi de perception les réalités

humaines il faudrait donc articuler l’ontogénique avec le phylogénique. Dans

ses derniers livres, consacrés à l'analyse des mythes grecs, G. Devereux a

abondamment montré que la mythologie constituait un réservoir de solutions

au diagnostic des problèmes psychiques - une chambre froide de l'inconscient -

où puiser fantasmes et mécanismes de défense. Ces mécanismes sont

déclenchés à partir du signe, monere extérieur, qui est alerte d’une

contingence, un stimulus extérieur (qui pose problème) à la triade qu’il active.

En conséquence de cela nous pouvons conclure que la triade fonctionnelle est

de nature ontogénique (figure anthropologiquement constante) et que le

caractère phylogénique des cultures (exprimé au travers des représentations)

s’élabore à partir des problématiques déstabilisantes que les contingences

(signe, monere) environnementales (matérielles et humaines) extérieures

posent à l’équilibre initial de la constante trifonctionnelle.

Il faudrait donc réserver une part plus grande aux facteurs proprement

psychosociologiques dans la formation des conflits endopsychiques qui

pourraient conduire au besoin de ritualisation et de représentation en tant que

conséquences et expression d’un manque lorsque l’espoir de satisfaction se

révèle incertain.

68

Ce serait donc bien dans la lignée de cette logique trifonctionnelle placée au

point de contact des contingences que, dans la cure psychanalytique, ce ne

serait pas uniquement la prise de conscience par le patient des causes

anciennes de ses perturbations actuelles qui amènerait la guérison, mais aussi

la compréhension de ce en quoi des facteurs exogènes sont susceptibles d’

induire des manifestations endogènes faisant qu’il soit possible en les

maîtrisant de trouver la solution la mieux adaptée au traitement des signes

lorsqu’ils se présentent et pour le moins éviter d’aller inconsciemment à leurs

recherche. Cela signifie aussi, pour rendre propice cette démarche, comme le

suggère la thérapie de Palo Alto que le thérapeute ait aussi une connaissance

culturelle suffisante de ce que sont les représentations ethno culturelles qui

sous-tendent les interrelations actuelles du patient, pour, en effet miroir,

obtenir chez celui-ci un changement de son jeu interactif vers des stratégies

moins perturbantes. En bonne logique il ne serait pas alors incohérent de

penser que l’épistémologie est aux sciences humaines ce qu’une bonne analyse

est à la psychanalyse : une façon d’éviter que les « coups » du thérapeute ne

soient une récupération de son prope inconscient.

Dans son ouvrage intitulé « Changements. Paradoxes et psychothérapie »

(traduction française : 1981), Paul Watzlawick met au jour plusieurs exemples

de ces « coups » (dans ce cas conscient) du thérapeute et, en particulier, celui

par lequel le thérapeute encourage le symptôme de son patient, afin que, dans

le système d'interactions repéré, ce symptôme change de valeur et perde ainsi

de son efficacité en étant identifié. En effet le traitement de Palo Alto vise bien

la disparition du symptôme ou de la perturbation. Toutefois pour être plus

exhaustif conviendrait-il de dire que cette disparition doit correspondre à un

remodelage de l'économie du système relationnel du patient de sorte qu’en

alerte sur les signes il fasse l’économie de la modélisation à laquelle il se

référait précédemment. Ainsi un simple changement du point d’entré habituel

(parfois traditionnel) du signe (l’alerte) au sein de la triade fonctionnelle (au

plus simple par le « signifié », la « signification », ou le « signifiant ») ne rend

plus la réponse univoque et modélisée, mais polysémique à l’intérieur de

laquelle il peut sélectionner la meilleure solution, la plus économique possible,

en fonction des représentations qu’elles induisent par projection de sens.

Toutefois l’ambition l’Ecole de Palo Alto ne se résume pas en une tentative de

réforme des pratiques thérapeutiques, l’angle t’attaque se veut plus ambitieux.

L’ambition de Palo Alto

Avec Gregory Bateson l’ethnographie quittera son caractère descriptif pour

constituer le point de départ d'une longue exploration épistémologique qui

nous vaudra deux chapitres : « Épilogue 1936 », puis, lors de la réédition de

l'ouvrage, « Épilogue 1958 » conduisant à façonner de nouveaux outils

69

conceptuels, tels que l'eidos (le tableau des processus cognitifs d'une culture)

et l'ethos (les valorisations émotionnelles d'une culture). Ces outils, comme

nous le pensons, doivent être recherchés moins dans l'inconscient que dans

l'apprentissage au contact de la contingence des flux qui perturbent les facteurs

de stabilité. Certains impliquent le changement : ce sont des processus de

différenciation appelés schismogenèses (qui prennent soit la forme symétrique,

soit la forme complémentaire). La schismogenèse symétrique « dénote » une

différenciation égalitaire et compétitive, tandis que la forme complémentaire

est de nature hiérarchique « interprétative ». Cette approche du changement au

contact des flux élimine la notion de hasard chère aux théories de la mutation

et de la sélection naturelle tout comme leurs parallèles positivistes classiques

et autres existentialistes modernes.

A partir de là peut être pris sans risque le contre-pied de la théorie

darwinienne, pour être plus exacte lui donner une dimension moins hasardeuse

car plus exogène.

Les travaux de von Neumann et Morgenstern sur la théorie des jeux (1944), de

Wiener sur la régulation (1948), et de Shannon sur la théorie de la

communication (1948), l'informatique et la cybernétique optimiseront les

avancées. Depuis, ces conceptions nouvelles ne cesseront de se heurter aux

pseudos humanistes qui, faute de n’avoir compris l’importance que revêt la

compréhension des déterminismes, la diaboliserons pour mieux protéger leurs

prés carrés. Ces prés carrés ne sont en réalité rien d’autre que des jardins de

curé cautionnés par des académies devenues obscurantistes qui pourraient bien

faire qu’un jour la chasse aux sectes ne serait plus uniquement une affaire

d’assainissement des cultes mais aussi une affaire d’état en découvrant que

certains crédit de recherche pourraient bien n’être rien d’autre qu’un dernier du

culte. Malgré les freins serrés à ces avancées théoriques sur la communication

viendront se joindre celles de la systémique.

Cette science des systèmes s’est peut-être malencontreusement trop

rapidement auto-instituée en discipline scientifique autonome depuis la fin des

années soixante-dix et veut être entendue, pratiquée, enseignée et développée

en se définissant par son projet plutôt que par son objet : autrement dit, elle ne

peut pas être présentée hors du champ épistémologique par lequel elle se

constitue et en référence auquel elle peut argumenter les énoncés qu'elle

produit et transforme. Cette dérive dans le domaine des sciences humaines ira

jusqu’à laisser croire en la génération spontanée des modèles sociétaux ou

comme pouvant être fruits de l’imagination expérimentale. Chaos théorique :

nouvelles chapelles, retour à la case départ !

Toutefois nous retiendront de l’approche systémique les vertus heuristiques de

la science des mécanismes qui incite aux pratiques de la modélisation à

70

condition que le concept de la boîte noire, si j’ose dire, soit clarifié en

cherchant peut-être davantage comment elle fait ce qu’elle fait plutôt que de

savoir ce qu’elle est.

On doit sans doute au neurophysiologiste Warren S. McCulloch et au logicien

Pitt les premières explorations de cette hypothèse à partir de 1942, qui

postulèrent une isomorphie fonctionnelle, que l'on espérait peut-être

organique. Elle allait s'avérer féconde : de l'animal-machine de Descartes à

l'homme-machine de Julien Offroy de La Mettrie, ces premiers neuro-

connexionnistes pouvaient se référer à une indiscutable tradition scientifique.

Mais Wiener s'en différenciera en fondant cette nouvelle science, la

cybernétique sur le postulat de la légitimité de l'interprétation téléologique. En

effet, comme nous l’avons vu, depuis Descartes, la mécanique analytique

s'était fondée sur le postulat de la causalité (tout effet est explicable ou au

moins représentable par une cause... ou une longue chaîne de raisons toutes

simples). Mais elle laissait obscure l’analyse des effets autrement que par la

cause, les problématiques de finalités seront affectées à la cause, dans un

premier temps créationniste donnant naissance par le jeu des thèses antithèses

non à une synthèse mais à kyrielles de compromis connotatifs faisant

philosophie du moment. En proposant, dès 1943, dans un article cosigné avec

un éminent biologiste, A. Rosenblueth, et un jeune ingénieur électronicien,

J. Bigelow, intitulé « Behavior, Purpose and Teleology » (comportement,

intention et téléologie) de reconnaître la légitimité scientifique de

l'interprétation téléologique a priori du comportement d'un système, Wiener

autorisait une voie alternative à toute entreprise de modélisation scientifique.

Ainsi au lieu de chercher d'abord les causes (mécaniques), le modélisateur était

invité à s'interroger d'abord sur les finalités ou les projets du système étudié :

en mettant en correspondance intelligible les comportements du système avec

sa ou ses finalités, le modèle permet de le décrire effectivement, par simulation

d'une boîte noire, par isomorphie fonctionnelle.

Le signe d’un manque

En appliquant cette approche à celle que nous conduisons sur les

représentations il apparaîtrait bien qu’en ayant formulé l’hypothèse selon

laquelle le signe serait extérieur au système cognitif trifonctionnel

(anthropologiquement constant), isomorphe, le modèle ainsi constitué et

polarisé « signifié », « signification », « signifiant » permette bien de décrire

au regard d’une épistémologie des visions philosophico-scientifiques conduites

dans l’histoire ainsi que la fonction téléologique spécifique du pôle

« signification » dont le degré d’angle si minime soit-il ouvre en permanence

le système vers l’extérieur (ce qui n’est pas la fonction du signifié ni du

signifiant). Cette ouverture sur l’extérieur par le « signifié » maintient le

71

système en permanence en alerte sur les contingences extérieures qui peuvent

perturber le système. Ainsi ce qui émergera des interactions trifonctionnelles

cognitives pourra donner naissance à une représentation qui peut de fait être

considérée comme étant une boîte noire à mémoire de forme : le mécanisme

qui aboutit à optimiser la boîte noire étant de nature hystérétique constructal à

réalité augmentée.

Le concept de réalité augmentée est le mécanisme qui permet d’accroître le

degré de finesse d’une intervention lors d’une action complexe. Son

application dans le domaine de l’assistance opératoire en chirurgie par

ordinateur, outre le fait d’autoriser une vision en trois dimensions de

l’environnement où se situe le point d’intervention du praticien, permet aussi

et surtout de corriger automatiquement en amont les maladresses inhérentes à

l’extrême précision du geste, souvent irréalisable sans cet appareillage. Cette

réalité augmentée est celle qui est appliquée aux joysticks, les manettes des

consoles de jeux de la dernière génération.

L’ordinateur : projection de la triangulation sémiotique

L’analogie avec l’ordinateur ne se limiteraient-elles qu’à cela ? Car s’il s’avère

admissible que la « signification » dispose d’un delta cognitif d’ouverture

incompressible, pourquoi n’en serait-il pas de même du « signifié » et du

« signifiant » ? Au nom de quoi pourrions nous argumenter l’inégalitaire

fonctionnalité entre signifié, signification et signifiant ?

Selon le schéma d’un ordinateur (application directe des travaux en

communication de Shannon) nous constatons qu’il est constitué (à l’exception

des organes d’entrée et de sortie) d’un organe de commande, d’une unité

arithmétique et logique, et d’une mémoire centrale. En observant les circuits

possibles on constate que l’information n’est aucunement en contact avec les

organes d’entrée et de sortie (donc fermée à l’environnement) et ne pouvant

recevoir ses informations que de l’organe de commande et de l’unité

arithmétique et que seule l’unité arithmétique est en mesure de recevoir et de

transmettre de l’information en liaison avec la mémoire centrale. Par railleurs

revient uniquement à l’organe de commande la fonction de liaison sans

intervention possible sur l’information. A partir de cette répartition, si l’on

affecte « le signifié » à l’organe de commande, la « signification » à l’UAL et

le « signifiant » à la mémoire centrale, il apparaît bien que la fonction du

« signifié » se trouve déterminée (limitée aux liaisons de commande) et que

celle du « signifiant », la mémoire centrale, ne peut émettre de liaisons de

commande et ne peut interagir sur l’information qu’en liaison avec l’UAL : en

conséquence le « signifiant » est autant déterminé dans ces limites que peut

l’être le « signifié » et que seule l’UAL ou « signifiant » est en liaison

d’information entre l’organe d’entrée et de sortie (ainsi qu’avec la mémoire

72

centrale). Ainsi l’ordinateur pour être une projection de notre mécanisme

cognitif de communication (en tant qu’image de…, compris en sons sens

mathématique), l’analogie confirmerait bien notre hypothèse concernant la

fonction première et univoque du signifiant directement en interface entre

l’organe d’entrée et de sortie pour ce qui est du traitement de l’information.

La structure de l’ordinateur serait donc de nature trifonctionnelle différenciant

précisément les modalités de fonctionnement de liaison de celles de

l’information. Ce faisant les distinctions entre signifié, signification et

signifiant gagnent en précision toutefois leur ordonnancement nous inviterait

aussi à émettre l’hypothèse selon laquelle une hiérarchie interviendrait bien

dans le processus de traitement cognitif. Cette hypothèse consisterait à penser

que le contact avec les signes ne soit possible que par l’intermédiaire du

signifié, alors que le sens serait l’affaire commune des organes d’information

et des organes de liaisons. Il y aurait donc un possible une hiérarchisation

déterminante des fonctions occupées au contact du signe. De la même manière

il faudra aussi s’interroger sur la faisabilité de contact entre le signe et le

signifiant ainsi qu’avec la signification, ceci indépendamment de l’intervention

du signifié. Car s’il s’avérait exacte que cela soit impossible, il conviendrait

alors sérieusement de revoir les représentations que nous nous faisons du

concept de démocratie fondé sur la suspicion de l’utilité réelle du signifié et

sans cesse remise en cause car considérée comme un pouvoir suspect depuis

les Lumières jusqu’au cœur de la sociologie moderne. Signalons au passage

qu’en France sur la plusieurs centaine de laboratoire de recherche sur le

fonctionnement des organisations et du changement moins de cinq sont

chargés de comprendre le fonctionnement des pouvoirs dirigeants… Cela

signifierait alors que la représentation que nous présentons au monde d’un

idéal vertueux de système politique ne serait alors qu’une machine à fabriquer

des mythes. Si tel était le cas il faudrait alors tenter de cerner ce que ces

mythes peuvent bien cacher à nos yeux émerveillés !

Ces questions seront traitées dans un chapitre ultérieur à partir d’une

problématique que posaient Cassirer en 1945 dans « Le Mythe de l’Etat ».

Pour ce qui nous concerne dans l’instant si nous reprenons la trifonctionnalité

dumézilienne mise en parallèle au travaux d’Henri Labori pour définir les

constantes de la communication nous obtiendrions donc une fonction agressive

et défensive du signifié (voire d’alerte à partir du signe) ayant essentiellement

une fonction « souveraine » de distribution des commandes, une fonction de

mémoire génético-gestative « du signifiant », nourricière en position

nécessairement d’inhibition par ce qu’elle est la fois mémoire et mère, enfin la

« signification » (bipolaire) au point d’ouverture entre le sacré et le juridique

(traitement de l’information entre la terre et le ciel par le biais de la

terminologie).

73

Cette cohérence ne relève pas de la magie mais d’une projection de nos

mécanismes cognitifs car les schèmes symboliques ternaires sont omniprésents

dans les représentations en sorte qu’au fur et à mesure de l’évolution

technologique ils prennent de plus en plus de place dans la conception des

machines faisant en cela que nous y sommes de moins en moins attentifs voire

perméables.

Par bien des égards, cette hiérarchie fonctionnelle de l’ordinateur, image de

nos mécanismes cognitifs, semble directement se référer aux trois niveaux

symboliques de l'organisme humain : tête, poitrine et ventre. C'est bien une

telle compréhension que présente l'œuvre de Platon par la tripartition de l'âme

ou celle qui est proposée par Aristote : âmes intellective (signification),

sensitive (signifié), végétative (signifiant). Avec des variations interactives ce

même schéma se retrouve dans nombre d'autres cultures. C'est, par exemple,

une des bases de l'enseignement des arts martiaux chinois ou japonais. Selon

celui-ci, tous les comportements humains dépendent de trois centres subtils :

intellectuel (signification), émotionnel (signifiant) et moteur (signifié).

D'autres analogies possibles sont celles des trois gunas de la pensée indienne :

sattva, rajas, tamas ; ou bien encore les trois champs de cinabre de la

psychophysiologie subtile chinoise. La liste serait longue. De façon tout à fait

anecdotique dans les différentes encyclopédies universelles le chiffre « trois »

apparaît entre 10 et 15 000 fois, le chiffre « deux » au envions de 20 000 fois,

alors que dieu, peuple et amour (les mots les plus anciennement invariants de

la langue française) oscillent chacun entre 3000 et 4000 fois à égalité avec le

chiffre « sept ».

Le passage de la diade à la triade semble

symboliquement s'accomplir par le symbole du

serpent (signifiant) ou de l’acrobate. Le passage de

la triade à la tétrade s'actualise à travers les

symboles unissant le principe masculin au principe

féminin, souvent des doubles ternaires. Ils

présentent une totalité paradoxale en tant que « deux

fois trois ». Ainsi, la hiérogamie est symbolisée par

la réunion par leurs sommets de deux triangles

isocèles. C'est, par exemple, la forme du tambour

créateur de Siva. Entre le cercle comme symbole du ciel et le carré comme

symbole de la terre, le triangle, figure symbolique par excellence de la triade,

symbolise l'être humain comme réunion des trois formes de l'énergie

cosmique.

La liste pourrait être longue et trop nous appesantir sur ces perceptions

intuitives millénaires pourrait bien valoir à nos travaux d’être qualifiés

d’ésotériques ou laisser imaginer qu’ils fussent issus des grimoires de quelques

74

obscures sociétés secrètes à moins que les adeptes du politiquement correct

laissent planer le non dit en suggérant d’aller y voir de plus près, à l’époque ou

l’Europe était « vers de gris ».

Sachant pertinemment que ces travaux ont peut de chance de franchir la porte

des réserves des bibliothèques pour n’en ressortir un jour lointain peut-être si

par je ne sais quel miracle quelques lecteurs attentifs fassent frémir quelque

peu l’engourdissement général, il faudrait au mieux un demi siècle pour que

quelques pistes d’action puissent être simplement envisagées. A moins que les

événements ne viennent les y conduire. Toutefois qu’il me soit permis, dans le

monde des humanités, de m’émouvoir sur le peu d’intérêt manifesté à l’égard

des travaux de Georges Dumézil qui a su durant une vie acharnée de travail,

avoir simplement mis au jour, de façon indiscutable maintenant, ce concept

majeur de tri fonctionnalité. Mais peut-être s’agit-il en la circonstance du

culturalisme ambiant et connotant qui fassent obstacle à la «signification » de

la trifonctionnalité. En opposant le fait que Dumézil ait effectué ses recherche

dans les nombreuses cultures constitutives de la dite civilisation indo-

européenne, certains scientistes en déduiront hâtivement que ses conclusions

« renvoient à une dimension « idéologique » qui organise toutes les nuances

des différentes applications sur la distinction entre le sacré, la force physique

et la fécondité ». Or il ne s’agit pas ici d’idéologie mais bien authentiquement

d’une dimension anthropologique phénoménologique au même titre que sont

phénoménologiques la théorie de la gravitation universelle de Newton et que

l’est celle de la relativité d’Einstein.

Pour conclure ce voyage entre Prague et Palo Alto, dans un monde des

sciences humaines ou les connotations sociologiques ont pris le pas sur

l’entendement scientifique il ne serait pas inconvenant de rappeler que le

libéralisme de Raymond Aron ne doit pas s'entendre comme une défense des

pouvoirs mais comme prenant appui sur un principe fondamental qui dit qu’en

visant sans discernement une unification sans limite, sans intégrer le sens de

l'expérience humaine qui se forme par la relation d'une multiplicité d'esprits,

cela revient à compromettre le sens même de l’unité et l'humanité elle-même.

L’ensemble des théorétiques et des idéologies analgésiantes dont les

perspectives visent à l’uniformité dans l’amalgame du tout possible pourrait

bien trouver leur explication dans cette formulation merveilleuse, et non

dénuée d’une certaine sensualité, de Baldine Saint-Giron :

75

« Seul le sacrifice de son objet permet à l’amour

de prendre conscience de lui-même

en se nourrissant de comportements

dans l’ahurissement de cette immolation à l’autre,

qui devient caution de sa valeur propre,

voire de la vérité de son discours.

Sans doute ce « sacrifice » n’est-il aussi délicieux

que parce que dans son fond révoltant ;

mais, à tout le moins, l’aliénation engendrée

trouve-t-elle sa contrepartie

dans un « désennuiement »

plus ou moins radical du sujet. »

Baldine Saint-Giron

76

77

CHAPITRE IV

DES CONSTANTES AU MODELE POUR SORTIR DES

CONTRESENS

Vers une systémique constructale des représentations

_______________________________________________________________

Dans les sciences la ligne qui gare un mouvement

est le signe avant-coureur

de la peur de ses gardiens

d’y perdre leurs mises.

Penser les rituels de la pensée.

A propos des représentations et des mythes Ernst Cassirer en 1923 écrivait :

« si l’on pouvait parvenir à une systématique des différentes directions de ce

mode de l’expression, et à déceler ses traits typiques et communs, ainsi que les

graduations particulières et les différences internes de ceux-ci, on

accomplirait alors pour l’ensemble de la création spirituelle l’idéal de la

« caractéristique universelle tel que Leibniz l’a formulé pour la connaissance.

Nous serions alors en possession d’une espèce de grammaire de la fonction

symbolique en tant que telle, qui embrasserait et déterminerait d’une façon

générale l’ensemble des expressions et des idiomes particuliers tels que nous

les rencontrons dans le langage et dans l’art, dans les mythes et dans la

religion ».

Un peu plus tard cette hypothèse de faisabilité, que l’on retrouvera chez

Edward Sapir, sera aussi envisagée par Claude Lévi-Strauss.

Après avoir brassé une masse de données complexes, Claude Lévi-Strauss

parvint à la conclusion qu’un petit nombre de principes simples et universels

permettrait de révéler des cohérences significatives. En privilégiant les notions

d’échange ou de réciprocité et les règles qui les fixent, en tant qu’invariants

mentaux, cette démarche pourrait être suffisamment probante pour

appréhender scientifiquement quelques fondements du tissu social. Dans cet

esprit, suggérât-il encore dans le troisième chapitre d’ « Anthropologie

structurale » intitulé «Langage et société », il devrait être possible de dresser

une forme de tableau périodique des éléments communicationnels, «

comparable à celui dont la chimie moderne est redevable à Mendeleïev » :

démarche qu’entreprendra parallèlement la phonologie contemporaine, ouvrant

ainsi un champ de recherches et de débats féconds.

78

On pourrait toutefois s’étonner de ces passages de relais quasi testamentaires

alors que les vœux de ces sommités ne font en réalité que formuler le cadre

même des problématiques qui devait animer leurs démarches. Constat d’échec

d’une carrière ou espoir que dans un autre paradigme cela fut possible ? La

question vaut d’être posée. Notre point de vue sera de nous placer dans le

cadre de la seconde option en considérant qu’il s’agit d’une mise en garde d

leur part à ceux qui ne se contenteraient que de le citer pour se contenter de

leurs propos.

Mise en garde qui aurait aussi pour objet d’inviter les sciences humaines à

traiter des hommes comme le font les sciences dures des choses…avec la

même honnêteté. Notre objet n’est pas en effet par de doctes explications et

quelques effets littéraires de convaincre en prétendant démontrer. Dans ce cas

nous ne ferions rien d’autre alors que de rejoindre le peloton de ceux qui

projettent leurs espoirs de reconnaissance en collant au plus près des incessants

bidouillages qui animent nos disciplines. L’espoir par le biais des sciences

humaines de trouver dans la pomme de discorde l’origine de nos maux

pourrait avoir pour conséquence de faire de nous des arboriculteurs qui par

greffes successives n’offrions rien d’autre à la communion universelle que ses

pépins. La communication n’est pas une affaire d’œcuménisme et les concepts

que nous véhiculons n’ont pas pour vocation d’être eucharistiques. Aussi

préférons-nous nous contenter du fruit et du serpent en reconnaissant qu’ils

fussent bien à l’origine du passage de la diade [Adam et Eve] à la triade

cognitive [Adam, Eve et l’Arbre de la connaissance] nous invitant ainsi à faire

œuvre de connaissance responsable sans aller chercher ici où là la protection

systématique de pères protecteurs souvent défaillants par leurs épigones.

Une troisième mise en garde vaut aussi à l’égard de mots que nous retenons

pour étayer une démonstration, un concept ou une théorie. Les mots sont en

sciences humaines ce qu’une formule peut être en sciences dures. Ainsi à titre

d’exemple prenons la formule interrogative suivante : « le symbole serait, dit-

on, l’expression d’une unité ». Or il n’en est rien, un symbole est un symbole

qui n’a besoin d’être défini par rien d’autre que par les constantes qui le

déterminent d’autant qu’il apparaît à l’expertise que la nature même du

symbole soit d’être ambivalente. Ainsi donc, à l’encontre de pseudo-

définitions qu’on en donne généralement, le symbole n’a pas pour vocation

d’être unitaire a priori au contraire de ce qu’est l’étendard. Ce denier ne

pouvant non plus être assimilé à un symbole car si tel était le cas je nous laisse

imaginer le bazar sur les champs de bataille au regard de sa polyvalence

interprétative!

Ces amalgames théorétiques pseudo explicatifs sont en réalité d’une extrême

perversité au point de risquer de nous faire prendre des vessies pour des

lanternes, surtout lorsqu’ils renvoient aux « valeurs » pour mieux s’auto-

79

justifier et faire passer le « All we need is love » ambiant. Au prétexte de se

vouloir éclairant, ce subterfuge (souvent enthousiasmant pour le lecteur) n’a

d’autre fonction que celle de camoufler un impensé ou un aspect scotomisé

d’une chose par le paradigme même de l’observateur, voire dans certains cas

de l’occulter lorsque le lecteur ou le destinataire n’est pas en mesure de la

recevoir ou pourrait en être choqué. Le fameux politiquement correct.

Ces secrets de fabrication qui ont une place prépondérante en littérature, hors

tout appui philologique, pourraient bien avoir dans nos domaines scientifiques

pour fonction de mieux placer l’haut-dessus comme préalable. Composer un

axiome à partir d’une tautologie, même au prétexte d’unité, ne fait qu’aboutir

une anamorphose idéologique. Méthode que Zeus employait pour se

débarrasser dans les cieux des gêneurs et qu’on utilise ici bas pour traiter des

dilemmes que nous nous sommes créés en postulant de la valeur comme cause

première alors qu’elle n’est que conséquence de la représentation des portes

que nous ne voulons pas franchir. Certainement une façon de nous rassurer

dans le mouvement du changement faute de l’avoir anticipé. Si nous voulons

traiter des alliances, contentons-nous d’analyser la bague de fiançailles pour

passer de l’idiome poétique à la théorie. En effet, la société n’existerait en tant

que telle non parce que son organisation est symbolisée, mais bien par les

rapports d’intérêts ambivalents que les symboles sous-tendent. C’est

vraisemblablement par ce biais que l’on peut comprendre ce que suggérait

Lévi-Strauss par « les symboles sont plus réels que ce qu’ils représentent ».

Contexte épistémologique

Sur la plupart des phénomènes communicationnels, il existe de nombreuses

approches. Soit que les faits aient été collectionnés à partir de l’observation,

soit qu’ils l’aient été d’un point de vue empirique : le tout fait que des

répertoires immenses sont maintenant constitués. Toutefois, un certain nombre

de notions sont considérées comme acquises sans pour autant entrer dans le

domaine de la métrologie (science de la mesure) permettant de ne les identifier

autrement qu’au travers de la perception qu’en ont les auteurs de référence.

Ainsi peut-il en être par exemple des notions de survivance et de sympathie

mises en avant par Marcel Mauss dans « Esquisse d’une théorie générale de la

magie ».

Notre propos n’est en aucun cas ici d’évacuer les nombreux insights qui ont

jalonné l’évolution des disciplines environnantes aux sciences de l’information

et des communications, du moins ceux qui, en leur époque, ont servi à faire

que les systèmes s’interrogent un temps sur eux-mêmes. Honorer les

précurseurs qui en sont à l’origine consiste à faire fructifier leur héritage, ce

qui est bien différent de s’honorer de leurs références. À la différence d’un

80

titre de noblesse, la Légion d’honneur gagnée au front de la recherche par ces

grands précurseurs ne se transmet pas. Vigilance.

Ayant emmagasiné tant de riches héritages, le temps n’est plus à

l’émerveillement mais à l’ad-miration. Franchir la ligne, traverser le miroir

pour comprendre, derrière le décor comment fonctionne ce théâtre, cette

comédiation humaine. Le projet latent est peut-être que nous ne soyons plus,

en tant que chercheur ou bénéficiaire, la matière première involontaire de cette

comédiation mais que nous devenions plus capables d’être les sculpteurs de

nos propres émotions, les inventeurs de nous-mêmes à partir de ce que nous

sommes et non à partir de ce que l’on nous dit de ce que nous devrions être.

Cela implique, en préalable et pour le moins, une tentative de découverte des

déterminants qui sous-tendent le spectacle du monde pour éventuellement

donner à voir aux acteurs ce qui peut rendre la pièce meilleure : autant la boîte

noire que le système de mécanisme de cette condition humaine cybernétique,

pour espérer passer du drame à la comédie.

Parier sur la modélisation

Paul Valéry considérait que « Nous ne raisonnons que sur des

modèles »…plus exactement à partir de modèles. Cette nuance ajoutée nous

invite à faire la distinction entre deux types de modélisation : celle de

l’observation d’un état et celle de la compréhension du processus qui y conduit

et ou qui le modifie.

L’insistance que nous avons eu à démontrer les risques scientifiques liés à

l’approche cartésienne en sciences humaine trouve sa confirmation par les

constatations de Jean Louis Le Moigne. Dans son ouvrage « Modélisation des

systèmes complexes » il conclut sur la nécessité de récuser la disjonction (ou

le dualisme cartésien) afin d’effacer autant que cela soit possible l’observateur

du phénomène observé. Cela permet aussi de contextualiser le domaine

d’application du « principe d’incertitude » du physicien et prix Nobel Werner

Karl Einsenberg, énoncé en correctif du principe de Huygens. Ce principe se

fonde sur les conclusions suivantes: « un objet énorme du point de vue spatial

peut en même temps avoir une énergie quasi nulle ». Scandaleuse pour l'esprit.

Par exemple les photons mous, et les particules analogues, ne se localisent en

fait que lorsqu'on les observe, au point que certains sont allés jusqu'à soutenir

que c'était l'observateur qui créait la particule. Lorsque nous mesurons la

position d'un électron, celui-ci « est obligé, dit par exemple le physicien

Pascual Jordan, de prendre une décision. Nous le forçons à prendre une

position précise ; auparavant, il n'était, en général, ni ici, ni là ; il ne s'était

pas encore décidé pour une position précise [...], nous produisons nous-

mêmes les résultats de la mesure.».

81

En effet dans le formalisme quantique, la description d’un état requiert non

pas trois paramètres (comme dans la mécanique classique), mais une infinité,

les probabilités de présence de la particule évaluées en chaque point de

l'espace. Autrement dit, on se donne, en chaque point de l'espace, un nombre

compris entre 0 et 1 correspondant à la probabilité de trouver la particule en ce

point. Puisqu'il y a une infinité de points, il y a une infinité de paramètres

En transposant ces notions aux sciences humaines dans le domaine de la

cognition, placer la problématique en terme d’être rend impossible l’analyse

en sorte qu’elle contraint le phénomène à être ce que nous en attendons. Posé

en terme de paraître ou d’avoir (ce qui revient au même) la problématique

devient possible car elle se concentre plus sur le déroulement du phénomène

que sur l’hypothèse d’une cause, rendant de fait l’intervention de l’observateur

moins présente.

Toutefois une distinction majeure doit être opérée entre l’homme et la matière

en ce sens que nous avons cette faculté majeure de pouvoir intervenir sur son

fonctionnement en sorte qu’au terme de la compréhension d’un processus se

pose la question des contraintes que nous pouvons exercer sur elle pour en être

moins dépendant.

Il apparaît donc judicieux de considérer que la compréhension

phénoménologique puisse, tant que faire se peut, être placée en amont de

l’analyse des états. C’est certainement à partir du paraître (processus de

construction) que l’on pourrait mieux comprendre les options que nous

opérons qui nous font être (en un point) à partir d’un environnement mental

imaginaire tellement gigantesque que son énergie est quasi nulle (0). Une sorte

d’antimatière (ou matière noire) dont l’hypothèse vient d’être sérieusement

mise au jour par les astrophysiciens constatant par l’équation d’équivalence

entre la masse et l’énergie (formule de la relativité d’Einstein) n’était pas

constatable à partir seulement de la matière visible qui s’avère insuffisante à

ce rapport d’équilibre.

Pour sortir de la matière noire

Il est tout à fait compréhensible que cette approche perturbe la rationalité

cartésienne ambiante du scientifiquement correct dont on pourrait au

demeurant s’interroger sur le fait qu’elle ne soit pas en elle-même auto

productrice de matière noire. Toutefois il faut bien avouer que dans un monde

moins émotionnel, cette approche ne trouble pas trop les physiciens, car,

comme l'explique Dirac, « le principal objet de la physique n'est pas de

fournir des images, mais de formuler les lois gouvernant les phénomènes et de

les utiliser pour la découverte de nouveaux phénomènes ».

82

C’est pour l’ensemble de ces raisons que pour comprendre le phénomène

représentationnel nous insérerons l’ensemble dans la cadre d’une modélisation

projective trifonctionnelle récursive insérée dans une perspective téléologique

Passer de la sémantique structurale à la sémantique constructale (adossé à la

théorie constructale en thermodynamique des formes) comprise au sein d’une

triangulation (modèle élémentaire) paramétrée « Signifié », « Signification »,

« Signifiant ». Un changement de paradigme.

Si bien évidemment la modélisation de la complexité ne saurait être réduite à

la réitération de tel ou tel modèle rassurant déjà connu, notamment issu des

disciplines dites dures, force est toutefois de reconnaître que ces dernières

peuvent y contribuer, au moins par le biais des démarches qu’elles adoptent

avec succès. Parallèlement, l’analyse des pratiques représentationnelles invite

aussi à nous pencher sur celles que nous utilisons, nous, observateurs,

chercheurs, pour parfois arriver à ce que nos conclusions fussent conformes

aux hypothèses que nous émettions : ces paradigmes dont parle Thomas Kuhn.

Le pari de ces travaux consiste aussi à émettre en hypothèse qu’une

congruence existerait bien entre les pratiques utilisées dans la recherche en

sciences humaines et celles utilisées pour construire nos représentations,

comme susceptibles d’être de même nature et qu’un même modèle puisse

présider aux destinées des unes comme de l’autre du plus petit au plus grand

de la médiation placée au centre d’une complexité. En somme considérer la

complexité comme une affaire de distension (augmentation de la taille ou du

volume sous l’effet d’une tension et ou d’un échauffement) analysable par la

compliance (mesure de la capacité de distension d’un corps).

Cette démarche systémique appliquée à l’élaboration de ces travaux, par ce

regard croisé entre ce domaine de la sémiotique (dont il faut reconnaître

l’empirisme) des représentations et celui apparemment « rationnel » des

sciences, pourraient donner une impression de confusion iconoclaste si les

développements récents de l’épistémologie, de la systémique, de la

cybernétique et de la thermodynamique ne nous y encourageaient.

Mais restons aussi modeste car il est parfois possible de dire vrai sans

forcément penser juste lorsque l’intuition prévaut pour constituer quelques

insights, ces flashs représentationnels qui ouvrent la conscience à la réalité.

Ceux des Pères fondateurs. Leurs concepts princeps ont permis des avancées

considérables à l’époque où ils ont été publiés tout en étant pour partie

déterminés par la culture ambiante. Ils font totalement partie de notre histoire

pour construire nos représentations de demain. Parfois quelques simples

correctifs au points de confusion, ou en allant chercher ceux occultés par le

paradigme initial, suffisent à des projections intéressantes.

83

Le génie de ces Pères fondateurs a consisté à ouvrir des portes et dans certains

cas à battre en brèche des idéologies douteuses. Toutefois, la renommée qu’ils

ont acquise suffit-elle à justifier qu’on érige en dogmes leurs conceptions ?

Est-il concevable qu’en plus d’un siècle, il ne puisse être abordé de thèmes en

sciences humaines sans qu’ils servent systématiquement de références. À ce

rythme, on a tôt fait de remplacer le mot science par celui de littérature.

Bien que l’épistémologie soit considérée comme la théorie de la science,

certains voudraient qu’elle ne le soit pas et la réduiraient à un examen

purement technologique des méthodes spécifiques des disciplines. Par

extension d’autres situent l’épistémologie dans une expérience disciplinaire

très large du savoir qui la déborderait pour espérer en dégager le sens… Or

cette dernière conception ne relève pas de l’épistémologie, mais bel et bien de

la métaphysique lorsque ce mot est pris dans son acception première qui est

celle d’une discipline n’ayant rien d’ésotérique si l’on considère que son objet

n’est pas de traiter de « l’au-delà » mais du transfert des savoirs acquis à partir

de la sagesse de la nature vers la res publica (meta signifiant en grec « ce qui

fait suite ».

En tant que façon de penser la pensée, l’épistémologie peut se féliciter de la

vogue dont elle bénéficie aujourd’hui car cette discipline, notamment par

l’entremise d’Edgar Morin et d’Angèle Kremer-Marietti permet de

comprendre ce en quoi elle est autre chose que le vecteur « des idéologies

scientifiques » dont a parle Georges Canguilhem.

Dans ce métissage théorique auquel se réfèrent notamment les sciences de

l’information et des communications, il incombe aux chercheurs de considérer

que l’hypocondrie épistémologique qui nous environne est en réalité manifeste

d’une interrogation sur les outils de pensée qui président à l’appréhension des

phénomènes qu’elles problématisent. Cela permettrait d’éviter de refonder

sans cesse les frontières alors que le vacillement tient à la fragilité de leurs

propres fondations. A chaque métier ses outils, en sachant que la forme de

l’outil se construit de façon à rendre plus aisée la production à réaliser.

Lorsque la pensée bloque, il faut penser la pensée différemment. La crise des

sciences humaines évoquée par Pascal Lardellier dépend à notre avis autant de

la volonté de découverte des chercheurs que de leur capacité à penser

différemment pour voir autre chose : aller au-delà de la magnificence du

rideau et du génie marketing des auteurs pour comprendre le meta, la suite.

Accepter cette invitation c’est refuser d’être les thuriféraires qui confondent

communication et communion, transpiration avec médiatisation. La

communication est un outil, non un dogme planétairement salutaire servant à

masquer les points de fragilité des impensés d’un système, recul d’autant plus

difficile lorsqu’on s’en alimente. Dans ce domaine la morale du politiquement

84

correcte dicte souvent les conclusions. A titre d’exemple l’émotion créée chez

les adultes à propos de l’émergence des « mangas » dans la littérature

adolescente, a fait écrire à certains spécialistes de la communication,

interrogés sur ce phénomène, qu’il représentait une dérive dangereuse vers des

refuges improbables. Alors qu’au lieu de caresser le lecteur dans le sens du

poil ils auraient certainement mieux pensé en prenant en considération les

conséquences psychosociologiques représentationnelles du rabaissement de la

divinité de l’Empereur du Japon au statut d’homme, lors de la capitulation

sans condition du Japon qui mit un terme définitif à la seconde guerre

mondial. Interrogé sur la disparition de la coercition qui s’en est suivi dans le

système éducatif japonais, pourtant censé initialement être porteur des valeurs

samouraïs, un grand père déclarera entre deux sanglots et en faisant référence

à la fragilisation de l’image de l’empereur: « Mais que voulez-vous y faire ?

Comment voulez-vous que nous soyons crédibles aux yeux de nos petits

enfants alors même que celui dont nous tenions notre crédit a été rabaissé plus

bas que terre ! ».

En conséquence il serait maintenant inapproprié aux nécessaires avancées de

disserter à l’infini sur les thèses de Saussure, Peirce, au sein d’un tiraillement

entre Leibniz et la posture préconisée par Rastier, tout en rejetant le

déterminisme à tord attribué à Shannon concernant la théorie de l’information

que l’on voudrait incompatible, au non des valeurs avec l’image que l’on doit

se faire de l’homme. [Ouf !]. Et ce n’est certes pas en accumulant

élogieusement leurs noms en notes de bas de page pour nous en faire les

héritiers et affermir a priori une crédibilité qu’il soit possible dans ce contexte

thuriféraire d’y voir plus clair.

La médecine a vécu de ces discussions jusqu’au moment où Pasteur découvrît

que la génération spontanée était une chimère. Pour cela, il a dû associer la

cristallographie, la chimie et l’optique pour conclure que dans ses

découvertes : « Il n’y a ni religion, ni philosophie, ni athéisme, ni matérialisme

qui tienne... Tant pis pour ceux dont les idées philosophiques sont gênées par

mes études. »

Dès lors on quittera le monde des hypothèses alchimiques pour pénétrer dans

celui de l’observation distanciée, dans celui de la découverte par

l’expérimentation et la mesure. Le passage d’un paradigme à un autre.

Toutefois, dans nos domaines il conviendrait de manifester à l’égard de l’axe

de neutralité wébérien, qui s’en inspire, une certaine réserve comme devant

plus être plus une conséquence de l’observation que son préalable. De

l’angoisse à la méthode… dirait G. Devereux.

C’est dans ce contexte qu’après avoir valorisé son image, les sciences de

l’information et des communications peuvent envisager de pouvoir développer

85

leurs recherches en s’appuyer sur un Thinking model conforme à ses

ambitions : The winner takes all.

De la nécessité d’une cartographie paramétrée en communication

Dans ses études, le linguiste Edward Sapir suppute l’existence « d’un code

secret et compliqué, écrit nulle part, connu de personne, entendu par tous »,

laissant ainsi entendre qu’il existerait bien une logique sous-jacente dans la

communication dont il conviendrait d’en révéler le programme pour en

comprendre les règles de fonctionnement. Il est toutefois vraisemblable

qu’Edward Sapir aurait pu le déceler lui-même s’il n’avait adjoint au substantif

code le qualificatif de compliqué. En effet, la complexité d’un code tient

toujours à la résistance qu’il oppose aux tentatives de décodage et non à son

utilisation, faute de quoi il serait inopérant. Une telle mise en évidence devrait

permettre de satisfaire à cette capacité de prévision dont tout chercheur doit se

prévaloir. Si l’observateur a convenablement saisi le système interactionnel

qui règle le jeu des participants, il est alors capable de prévoir le mouvement

quelques instants (au minimum) avant son occurrence effective. Si cela est

possible, cela signifie qu’il dispose de la compétence pour anticiper le

déroulement futur des interactions.

Or l’on sait que Ray Birdwhistell a définitivement renoncé à faire émerger la

grammaire de la structure, et que de la même façon Paul Watzlawick a

implicitement conclu que les méthodes de recherches disponibles étaient par

nature inadéquates : cela doit-il signifier que toutes recherches sur les

interactions seraient irrémédiablement vouées à l’échec ? Selon cette même

« logique » les constats suivants pourraient apparaître consternants s’ils

n’étaient indicateurs de sens à donner à la recherche vers la découverte :

- Renaud Sainsaulieu déclare dans Méthode pour une sociologie de

l’entreprise que « les recherches les plus récentes sur les organisations nous

montrent à quel point la société dans laquelle elles s’insèrent influence

l’entreprise. Le risque est maintenant de parler de l’entreprise d’une manière

générique et une typologie reste à définir ».

- Dans Interrogation éthique, atelier : Questions transversales : épistémologie,

communication, complexité, Denis Benoît conclut durement : « Aujourd’hui, le

constat nous paraît manifeste : les sciences de l’information et de la

communication ressemblent plus à un patchwork d’études appariées qu’à un

domaine de recherche homogène. »

- Dans Les Nouvelles Sciences de l’homme et de la société (octobre 1997),

Jean-Louis Le Moigne écrit : « La sociologie se découpe en industrielle,

rurale, urbaine, organisationnelle, juridique, sociologie des religions, du

86

troisième âge et même sociologie des sciences, la géographie, l’histoire,

l’anthropologie, la linguistique, la sémiologie, la philosophie… Chacun veille

à spécifier son petit domaine en termes de compétence (se dispersant en 10 ou

20 disciplines rivales) qui sera vite son pré carré, dans lequel seuls quelques

collègues cooptés pourront se promener en liberté. Chacun raconte des

anecdotes sur les conséquences désolantes de cette diaspora. La prégnance de

l’analytique cartésien qui nous invite à « toujours diviser en autant de

parcelles qu’il se pourrait » est telle que nul n’ose s’en libérer

ostensiblement. »

- Dans Science de l’information en question, J-M Salaün (Cersi) synthétise la

situation des sciences de l’information et de la communication en considérant

que « sa pérennité s’explique en grande partie davantage par la volonté

identitaire des chercheurs et des praticiens que par la rigueur scientifique, cette

caractéristique étant d’ailleurs largement partagée, selon lui, par l’ensemble de

la section universitaire ». Et de conclure : « un travail plus important sur les

fondements de la discipline nous paraît urgent. Les forces centrifuges

l’emportent sur les forces centripètes. Il serait paradoxal qu’au moment où les

technologies de l’information envahissent le social, les sciences du même nom

n’arrivent pas à s’affirmer ».

- La seule chose souvent retenue sur la théorie de la communication de

Shannon est la distinction opérée entre émetteur, récepteur, canal, message. Ce

schéma, mille fois repris, a plus souvent été critiqué que développé car

considéré comme étant par trop réductionniste. Pourtant, le langage

informatique en est issu… et constitue maintenant une culture. Il n’y a pas de

science sans la recherche d’une certaine unité, au sein des phénomènes

observés, par définition simplificatrice. Posés comme préalables scientifiques

les concepts tournant autour de la complexité ne peuvent que confiner à une

littérature abondante, qui est exaltation des émotions, non à la science.

- Dans cette même gamme, dans « Pierre Bourdieu et le changement social »,

Laurent Mucchielli cherche révérencieusement à tourner la page de la

sociologie en tentant élégamment d’évincer la pensée de Bourdieu comme

étant représentative d’un système fixiste, d’un système de la reproduction et

non de l’évolution compte tenu, dit-il, du contexte marxiste des années 55-65

au sein duquel Bourdieu continuait de penser que le but de la recherche était

de découvrir les invariants transhistoriques ou les ensembles de relation entre

structures relativement stables et durables. Aux thèses de Bourdieu Laurent

Mucchielli, pourtant féru systématicien, opposera l’hypothèse strictement

conceptuelle et en vogue du « changement » qu’il impute, sans plus de

démonstration, au rôle conscient des acteurs. Il faut espérer que cette

hyperbole n'avait pas d’autre objet qu’un positionnement identitaire au risque

contraire de laisser à penser qu’une systémique fût possible ex nihilo.

87

Entre les Trissotin qui dénaturent la complexité, les Diafoirus prétentieux qui

la réduisent à une hyper complication, et les Homais qui ignorent l’épaisseur

du réel (p. 58 de l’ouvrage d’Edgar Morin : Pour entrer dans le XXIe siècle),

Jean-Louis Le Moigne considère que « la pensée d’Edgar Morin aide à

entendre la complexité au cœur de nos perceptions quotidiennes du réel et

surtout au cœur du problème de l’action politique. La philosophie,

l’épistémologie, la sociologie, la communication font lien et sens vers une

destination qui est celle des arbitrages conscients par anticipation ». Enfin une

ouverture ! Mais qui reste pour le moins incantatoire.

- Dans son article paru en octobre 1997, « Écologie de l’action, utopie

réaliste », Jean-Louis Le Moigne déclare en faisant lien avec Edgar Morin :

« Il faut pourtant prendre le risque d’une interprétation anticipatrice : n’est-ce

pas la fonction de la science la plus demandée par la société ? L’aider à

anticiper sinon à prévoir ? Dans ce sens, E. Morin dit volontiers que la science

doit être une « écologie de l’action ». Si l’état de l’art est impossible, certaines

lectures des tendances restent possibles. Il en est certes plusieurs qui

correspondront aux projets et aux croyances des interprètes. Les conservateurs

assureront que ce bouillonnement contemporain n’est qu’effet de mode, et que

l’on en reviendra bientôt aux bonnes vieilles disciplines positivistes qui

assurent le statut des mandarins et des conseillers des princes. Les

progressistes proposeront une lecture plus passionnante de cette évolution des

sciences en général et des sciences humaines et sociales en particulier. Le

renouvellement et la critique épistémologique interne qu’elles suscitent et

subissent aujourd’hui, dès l’instant où elles assument leurs interactions avec la

société (au lieu, disait déjà Goethe, de s’enfermer dans ces « vieilles

forteresses inviolées » que sont leurs académies), peut-être voulu et préparé au

lieu d’être refusé. Ce « possible » n’est plus aujourd’hui utopique, ou plutôt il

est « utopie réaliste », les cinquante dernières années de l’histoire des sciences

nous le confirment. Il importe dès lors que, dans ce « champ des possibles »,

les projets sociaux s’élaborent dans une interaction permanente de tous les

citoyens (... et plus des seuls mandarins) : la reconstruction de l’interaction

fondatrice « du Savoir et du Faire », « d’Épistémè et de Pragmatiké »,

devraient être aujourd’hui inscrite sur chacun de nos agendas, ceux des

citoyens, des entreprises, des élus et des gouvernants. »

L’ouverture se précise. Elle reste néanmoins incantatoire et quelque peu

manipulatoire. L’objet des sciences humaines et sociales consiste-t-il en

l’élaboration de projets citoyens ? Dans l’affirmative, ces disciplines devraient

alors être considérées comme étant les créneaux des citadelles politiques et

prendre la dénomination de praxis.

88

Selon Bergson, les paradoxes de Zénon doivent être vus comme les

symptômes des errements de l’intelligence quand celle-ci cherche à penser le

mouvement comme une succession d’immobilités.

Prométhée contre Épiméthée

C’est donc dans le contexte d’une maïeutique forte en tant que conséquence

positive d’un environnement épistémologiquement fragile que nous posons la

problématique des représentations dans ce champ interdisciplinaire des

sciences de l’information et de la communication. Il serait d’ailleurs préférable

de parler des communications plutôt que de la communication. Pluriel que

nous n’affectons par au mot information le considérant comme univoque au

regard du message qui est la résultante d’un brassage de liaisons

représentationnelles.

Au regard de toutes ces déclarations et de ces prises de position, une question

se pose : « Ne serions-nous pas si loin que cela des discours religieux et des

querelles théologiques sur le sexe des anges ? » L’épistémologie en sciences

humaines viendrait-elle se substituer aux objets d’un culte que pourtant elle

rejetterait : ostensoirs et autres encensoirs, entre idéalisation et écran de

fumée ? De même pouvons-nous croire que dans cet environnement incertain

l’observateur soit si distancié que cela de l’objet de son observation, en sorte

que s’interroger sur les représentations ne serait pas si éloigné d’une

problématique similaire posée épistémologiquement à propos des sciences

dites souples ?

En effet, ces sujets ne poseraient que des difficultés relatives si le domaine

était circonscrit, les références validées et les orientations connues. Or, qu’il

s’agisse des maîtres ou d’humbles chercheurs, force est de constater que la

discipline est loin de faire l’unanimité en son sein. La responsabilité n’en

incombe certes pas à un manque de volonté des protagonistes puisque

l’engagement est réel. Il semblerait en réalité que les difficultés auxquelles ils

se heurtent soient imputables à un manque de compatibilité des outils, souvent

empruntés à d’autres disciplines, ainsi qu’à des prérequis invalidants, parfois

idéalistes. Tel peut être le cas du triangle ou du carré sémiotique. Une paire de

jumelles est faite pour rapprocher. En inversant leur sens, on ouvrira le champ

mais au lieu de se rapprocher de l’objet concerné, on s’en éloignera. C’est

ainsi qu’on aboutit à des visions cénesthésiques alors qu’elles se voulaient

initialement analytiques. Outils théoriques ou théorétiques ?

Plus un système vivant est autonome, plus l’équilibre de l’écosystème qui

l’environne en dépend, car moins il dépend d’épiphénomènes plus sa capacité

d’intervenir sur les constantes est grande, en même temps que se développe

son champ de perception sur les interdépendances, « lesquelles constituent très

89

exactement les dépendances qui sont les conditions de la relative

indépendance » (Edgar Morin, Le Paradigme perdu) : phénomène de

conscientisation que l’on nomme complexité.

Alors que Edward Sapir pose bien la problématique scientifique du décodage

dans les disciplines dites souples, on lui oppose le renoncement de Ray

Birdwhistell, en allant chercher la caution de Paul Watzlawick qui déclarait

que « les méthodes de recherche disponibles sont de nature inadéquate », pour

prétendre, par ce biais, en justifier l’infaisabilité au nom de la complexité et en

s’appuyant sur une interprétation fallacieuse et détournée du « principe de

Werner Heisenberg ». Or Paul Watzlawick ne pose pas le problème de la

faisabilité ou de l’infaisabilité, mais simplement celui de la méthode

permettant de théoriser.

Dans ce même contexte, Renaud Sainsaulieu, après de nombreuses années de

recherches exploratoires servant de bases théoriques à certains laboratoires

dont les études portent sur le changement des organisations, prend conscience,

au terme d’une carrière riche en engagements, de l’influence déterminante des

facteurs environnementaux qui conduiraient, écrivait-il, « à reconsidérer

l’opérationnalité du postulat déterminant attribué au rôle conscient des

acteurs » que propose Laurent Mucchielli pour s’opposer aux invariants

transhistoriques de Bourdieu. Au moment où Sainsaulieu rejoint Bourdieu sur

le même registre de préoccupation que Sapir, on leur oppose le concept du

changement comme étant décisif, sans en préciser ni la nature, ni les causes, ce

qui revient à orienter les recherches à nouveau sur la seule observation et sa

caravane zénonienne d’hypothèses médiatisées que les Grecs nommaient

dêmagôgos. Toutes proportions gardées, n’assisterions-nous pas à des

résurgences dogmatiques au sein de certains domaines des sciences humaines,

en plus de devoir ritualiser les idées qui appartiennent aux représentations

orchestrées de ceux qui font autorité, lesdites idées reposant plus sur leurs

notoriétés que sur la valeur scientifique de leur démarche ?

En déclarant que la recherche est une tournure d’esprit, Pierre-Gilles de

Gennes nous fait entrevoir la marche à suivre : « Ne pas chercher d’abord le

marteau-pilon pour écraser la noisette, mais voir auparavant si, sur l’enveloppe

de la noisette, il n’y a pas un indice qui permette de l’ouvrir » (Les Objets

fragiles, Plon, 1994).

Cette métaphore nous invite à privilégier une démarche d’inventeur à celle

d’une posture de recherche, à travailler sur le réel pour ensuite réfléchir sur ce

qu’est la réalité et son sens. Non l’inverse. Tout cela n’est pas une affaire de

pure création (d’un hypothétique nouveau modèle) mais d’innovation (avec

deux « n » comme signifiant une intervention consciente à l’intérieur des

constantes du mouvement). Cela implique d’exercer à l’égard du principe de

90

précaution éthique et autres lubies phlogistiques, celui de placer la création en

aval de la découverte. La connaissance, comme le dit Edgar Morin, est une

navigation dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitudes.

Nous sommes des terriens et l’océan n’a d’intérêt que pour trouver des

territoires nouveaux. Ainsi la connaissance du milieu marin est-elle un moyen

et non une finalité, faute de cela nous aurions tôt fait de nous muter en

poissons. Et ce n’est pas en cherchant à inventer le sous-marin que nous

résoudrons les problèmes que pose la navigation à voile.

On reconnaît par science un ensemble cohérent de connaissances relatives à

certaines catégories de faits ou de phénomènes obéissant à des lois et /ou

vérifiées par les méthodes expérimentales. L’observation des faits implique la

recherche des causes sur lesquelles l’accroissement des connaissances acquises

par regroupement permet l’établissement de théories qui orientent pour un

temps la connaissance et les actions humaines. Dans les dîners en ville

Épiméthée fera table ouverte sur sa posture de recherche, faisant oublier dans

l’euphorie des aphorismes que sa mascarade n’est rendue possible que parce

que Prométhée était aux fourneaux.

Une posture de découverte philologique constructale

Dans Science et hypothèse Henri Poincaré décline ainsi le rôle de l’hypothèse

dans la science : « Les unes sont vérifiables et, une fois confirmées par

l’expérience (même cause, même effet), elles deviennent des vérités fécondes.

Les autres, sans pouvoir nous induire en erreur, peuvent être utiles en fixant

notre pensée : d’autres, enfin ne sont des hypothèses qu’en apparence et se

réduisent à des définitions ou à des conventions déguisées. »

On peut considérer, comme l’écrit Edgar Morin, que la dialectique est un art,

non une logique, et le suivre lorsqu’il développe cette maxime en déclarant

que c’est l’efficacité de la pensée qui assume les systèmes de pensée

contraires, non par amalgame électrique, mais par tensions polarisantes, et

ainsi considérer que cette efficacité même se trouverait, comme il le suggère

ailleurs, mais simplement au sein d’une pensée systémique constructale.

La définition de Poincaré et la métaphore de Pierre-Gilles de Gennes

s’appliquent en tous points aux exigences des sciences de l’information et des

communications à sa jonction entre anthropologie, linguistique, sémantique,

sémiologie, histoire et littérature : point où pourrait se situer la philologie pour

aller chercher l’insight dans la gestalt issue de travaux de Georges Dumézil,

susceptible de développements théoriques vers une approche constructale des

communications. En somme, la troisième voie épistémologique après le

géocentrisme et le cartésianisme pour éviter le recours aux phlogisticiens.

91

Selon la définition qu’en donne le professeur aux universités Paul Zumthor,

« Dans son acception la plus générale, la philologie peut être considérée de

trois points de vue : elle vise à saisir, dans leurs manifestations linguistiques, le

génie propre d’un peuple ou d’une civilisation et leur évolution culturelle ; elle

résulte de l’examen des textes que nous a légués la tradition en question ; elle

embrasse non seulement la littérature, mais tout l’écrit. Dans la pratique, la

philologie tend à se ramener à l’interprétation textuelle des documents. On

peut donc dire à la fois qu’elle est et qu’elle n’est pas une discipline

particulière : elle l’est, dans la mesure où elle traite de questions bien distinctes

(ainsi, l’histoire des manuscrits d’un texte, la comparaison critique des

variantes) ; elle ne l’est pas, dans la mesure où toutes les questions dont elle

s’occupe constituent les éléments d’un système compact, le passé humain, en

tant que nous cherchons à le comprendre dans le présent. ». Mémoire de

représentation.

La philologie est intimement liée à une conception de la continuité historique.

Elle se fonde sur l’idée d’une société rassemblée par le lien du langage et dont

l’existence englobe la durée entière d’une tradition. En ce sens, il est

indéniable que la philologie puisse être un point d’ancrage sur les constantes

clefs qui régissent notre vision du monde et les rapports sociaux qu’elle induit.

Plus généralement, la synthèse des découvertes fait apparaître des constantes

qui dégagent un paradigme civilisateur et pour ce qui nous concerne, celui de

la civilisation européenne gréco-latine, telle qu’elle s’est maintenue, avec une

certaine cohérence jusqu’au XIXe siècle, pour aboutir de nos jours à la

conscience des interdépendances dans la complexité.

Georges Dumézil : une philologie des constantes anthropologiques

L’exploration comparative des expressions culturelles par Georges Dumézil a

mis au jour l’unité trifonctionnelle de notre pensée selon laquelle la société

assure sa pérennité en s’adaptant aux nécessités du changement par tensions

polarisantes inter agissantes au travers des trois fonctions suivantes : la

souveraineté, la force et la fécondité. Observation faite dans le large cadre de

la civilisation indo-européenne. En l’absence de démenti ou de démonstration

contraire par les tenants du culturalisme nous considérerons les conclusions de

Dumézil comme faisant partie intégrante de la structure cognitive de

l’humanité. Ce trifunctionalia constitue le paradigme de référence à partir

duquel se structure la dynamique sociale et l’ensemble des processus de

régulation, du général au particulier, assurant ainsi au système une relative

stabilité de son unité dans le temps. Cette trifonctionnalité constitue le modèle

initial élémentaire (l’indice qui permet d’ouvrir la noix… de Pierre-Gilles de

Gennes) d’une gestalt qui se forme par succession du même modèle de

référence et dont les variantes, toujours trifonctionnelles, constituent ce que

nous appelons « la complexité » (au plus simple des variations dans un rapport

92

de 7 puissance 3 que nous développerons ultérieurement) C’est dans ce cadre

cognitif que se construisent les représentations et les formes d’expression

qu’elles déclineront. Elles se construisent au point de fragilité d’un système

lorsque les impératifs extérieurs contingents ne peuvent trouver réponses dans

les seules ressources existantes du langage disponible. Le langage est donc la

conséquence constructale d’une synergie des interactions entre l’intérieur et

l’extérieur au sein d’un cheminement chrono-holistique (dont l’état à un

instant donné correspond à l’itinéraire de son histoire).

Autant que nous le sachions, aussi surprenant que cela puisse paraître, cette

découverte fondamentale n’a jamais fait l’objet de démarches

complémentaires vers des applications dans le domaine des sciences humaines

et sociales, pas plus que dans l’approche de la complexité, du changement et

de la cognition.

Pourtant, la solidité de la découverte ainsi que la congruence des immenses

travaux de Georges Dumézil permettent une ouverture fondamentale, pour ne

pas dire révolutionnaire dans l’approche des phénomènes sociétaux et

communicationnels. Le principe trifonctionnel, en tant que constante

constructale, représente sans conteste une cassure épistémologique aux

conséquences comparables à celle de la conception galiléo-newtonienne du

monde qui rompait avec la tradition aristotélicienne. Ainsi et par le biais de cet

outil holistique avons-nous plus de chances d’aboutir qu’en opérant par

syllogisme ou cartésianisme (dont on connaît les avantages mais aussi les

limites).

Parmi les procédés utilisés pour développer le savoir humain, la méthode

expérimentale, parfois qualifiée de scientifique, d’analytique ou de rationaliste,

semble celle qui a eu l’impact le plus important en Occident. Le savoir obtenu

par cette méthode peut être qualifié de scientifique. Cette approche rigoureuse,

contrôlable est susceptible de remises en question continuelles dans ses

principes, ses lois et ses théories. Un « systémiste » serait tenté d’affirmer que

la méthode scientifique est un système d’apprentissage doté d’un sous-système

autocorrectif qui lui permet de vérifier la véracité, la transférabilité des

connaissances qu’elle produit.

Selon Checkland (1981), la méthode s’appuie sur certaines règles : «…La

diversité et la complexité de la réalité peuvent se réduire par le biais

d’expériences dont les résultats seront validés par leur récurrence, et la

connaissance peut s’obtenir par la réfutation d’hypothèses... La

caractéristique essentielle de la science est sa méthode réductionniste. » Le

Moigne (1977) renforce cette position en affirmant que « le précepte du

réductionniste est devenu synonyme de la méthode ». Il constitue pour

plusieurs chercheurs (Checkland, 1981 ; Commoner, 1972 ; Fourez, 1974 ;

93

Kerlinger, 1964) le fondement même de la méthode expérimentale. Ce

précepte est basé sur une conception de la science selon laquelle « il serait

impossible de parvenir à comprendre les systèmes complexes si l’on n’avait

pas commencé au préalable par isoler les diverses parties qui les composent »

(Commoner, 1972).

Pour Daniel Bougnoux, les impératifs de la communication tendent à

conditionner le contenu informatif ; la vérité de l’énonciation à se substituer à

celle de l’énoncé ; les raisons subjectives à la raison ; les vérités sensibles ou

affectives aux certitudes et aux réalités. La montée en puissance des médias,

conclut-il, provoque un reclassement des valeurs, dans la mesure où la

communication, agissant comme un solvant universel, découple la liaison être-

paraître pour subordonner l’intériorité à l’apparence. A l’opposé de ces

déviances la communication peut aussi être un instrument puissant au service

d’un objectif autre qu’elle-même. « Il faut surtout », écrit l’auteur de Médias et

Sociétés, « communiquer mieux, mettre véritablement les hommes en relation,

se défaire de la séduction superficielle des artifices pour exploiter ce

formidable instrument de savoir et de mise en relation que peuvent être les

médias. » Ainsi délivrée des pièges de la communication, l’information

devient, selon Bougnoux, « la mesure de toute chose, la valeur par excellence,

celle de l’ouverture, vers le futur, vers les autres.». Incantation, dirions-nous,

qui doit trouver son modèle pour se justifier pleinement afin que l’appel aux

valeurs soit autre chose que la ritualisation intellectuelle des conséquences

d’un constat d’impuissance. Zeus envoyait au firmament ceux d’entre les

dieux qui lui résistaient.

En vertu d’un principe pratique qui définit ce qui est objectif par ce qui sert à

l’objectif, nous placerons notre démarche non dans une perspective visant à

définir ce que sont les représentations comme devant être éventuellement les

garantes d’une unité, mais plus concrètement à cerner les processus qui les

engendrent pour ensuite chercher ce à quoi elles servent au travers des formes

qu’elles prennent et comment ces formes communicantes influencent les

interactions jusqu’à entraîner des changements sociaux profonds. C’est ainsi,

nous semble-t-il, qu’il serait possible dans une troisième phase de se poser la

question des valeurs qu’elles véhiculent, de la morale qu’elles dégagent et de

l’éthique qui en résulte. En somme cartographier après avoir mesuré, ce qui

implique en amont de disposer des outils qui le permettent. En somme,

essayer, après avoir contextualisé, de comprendre, par la modélisation quelles

sont les perspectives qui animent fondamentalement notre système

sociocognitif.

Bien que notre démarche critique à l’égard de certaines disciplines puisse être

perçue au premier abord comme déstructurante (déconstruction), elle s’avère

être de toute première importance pour échapper à certains rituels

94

intellectuellement convenus qui rendent difficile le passage du comment au

pourquoi. Cette posture syncrétique ne peut dès lors être considérée comme

idiosyncrasique ou volontairement iconoclaste : la congruence est dans le

domaine scientifique un indice sérieux de validation.

Dégagées d’une forme d’angélisme qui auréole notre discipline, où le

questionnement dans la recherche semblerait être mieux valorisé que les

tentatives de réponses par la découverte nous espérons ainsi faire œuvre utile

en ouvrant une piste nouvelle d’investigation anthropologique.

La trifonctionnelle constructale : une phénoménologie trikãlienne

Cette approche que l’on peut définir comme étant « systémique

trifonctionnelle hystérétique constructale » offre aussi des avancées

métrologique non négligeables dans de nombreux domaines en sciences

humaines. La loi constructale est le principe fondateur selon lequel peuvent

être déduits, donc anticipés, des phénomènes d'auto-organisation, d'auto-

optimisation et d’adaptation aux influences extérieures. En effet pour qu’un

système de flux puisse persister dans le temps, il doit changer sa configuration

de telle sorte qu’il procure un accès plus facile aux courants qui le parcourent.

Elaborée selon les principes de la géométrie et de la thermodynamique, les

implications communicationnelles, sociétales, philosophiques, interculturelles

et théologiques de la théorie constructale sont innombrables. Cette approche

phénoménologique appelée ici « trikãlienne » permet d’effectuer les liens de

cohérence qui manquaient entre cybernétique, systémique, médiation et,

paradoxalement, déconstruction. Elle montre que l'idée d'indétermination du

sens au stade initial, comme un bourgeonnement, est en réalité une phase de

détermination de la forme qui suivra et fera sens selon un même modèle

trifonctionnel. Le mot Kãla est issu du sanskrit désignant à la fois le temps et

le laps mais aussi le grossissement et l’intérêt. Dans ce cadre les formes

communicantes ne sont pas le fruit du hasard mais se constituent et se

complexifient autour et à partir d’un même modèle trifonctionnel, appelé

« Trikãla », constante anthropologique, démontrée par Georges Dumézil. Le

modèle trikãlien permet d’appréhender le mouvement à l’intérieur duquel

opèrent les approches cartésiennes en recherche de stabilité. Cette logique déjà

suggérée dès 1985 rejoindra celle émise par le thermodynamicien Adrian

Bejan, inventeur de la Loi constructale une dizaine d’années plus tard. Les

sciences de l’information et des communications disposeront dès lors d’un

outil conceptuel métrologique issu de l’interdisciplinarité.

Mesurer est une activité dont l'existence est attestée dans toutes les sociétés

historiques, et il est assez surprenant de constater que ce n'est que dans un

passé relativement récent, au début du XXe siècle, que la réflexion

mathématique a commencé à en établir une théorie claire et cohérente.

95

Pour aborder sérieusement le cadre métrologique que nous évoquons, il faut

tout de suite remarquer qu’on ne perçoivent pas le sens qu'il faut exactement

donner au mot « mesurer », ni même si on peut vraiment lui donner un sens,

bien qu'on ait l'impression qu'une bonne conception de la mesure puisse être

l'origine de progrès décisifs. Ce retard peut trouver en partie son explication à

l’intérieur même du paradigme dualiste qui fait confusion entre ce que l’on

mesure d’une part et l’échelle avec laquelle on mesure ce qui implique d’avoir

conçu clairement ce qui lie donc en amont d’avoir déterminer les éléments qui

interagissent non comme des ensembles mais comme des schèmes

indépendants, distinctes et constants. Une simplification qui n’a rien de

simpliste lorsque l’on remonte les degrés d’échelle.

A la différence des modèles compréhension, interprétations, explication, et

ceux de nature axiomatico-inductif-pragmatique, ce modèle de représentation

opératoire se doit d’être factuel dans l’espoir ; comme le dit Edgar Morin,

« qu’il réponde à l’état concret des connaissances et aux besoins réels des

gens, c’est-à-dire aujourd’hui de savoir affronter l’incertitude, d’être

conscient de la complexité de ce qui nous entoure, de se sentir citoyen de ce

monde, d’être capable de compréhension d’autrui et de constructions

conscientes ». Cette compréhension, pour ne pas être une affaire de bonnes

intentions, passe par la connaissance des processus qui conduisent à

l’apparition de phénomènes, non pour les expliquer rétroactivement et réagir,

mais surtout pour les anticiper et le cas échéant de les rendre plus favorables à

notre condition humaine. Une affaire de prophylaxie capable d’éviter les

conséquences de l’inscience par la conscience, qui est science partagée,

laquelle passe par la communication qui signifie « charge partagée ».

On déclame de plus en plus volontiers « que la chose est complexe », parfois

pour éviter d’expliquer ce qu’on n’a pas compris, ce qui confère à ce mot,

comme à celui de médiation, un caractère magique.

Pour éviter cette dérive et la gouroumania qu’elle orchestre, il faut effectuer

un véritable renversement et montrer que la complexité est un défi que l’esprit

doit et peut relever par la simplicité qui serait à son origine, sachant que la

simplicité détient en potentialité les gènes de la complexité : « Aussi vrai que

dans la vie réelle un et un font trois, que c’est de la rencontre que se font les

naissances et que c’est comme cela depuis la nuit des temps : alors autant faire

avec. »

96

Un modèle trifonctionnel des phénomènes communicationnels

La construction d’un modèle d’analyse des représentations (modèle

compréhension) sera donc issu d’une conception trifonctionnelle que nous

nommerons trikãlienne en extension autant que par complémentarité aux

approches cartésiennes (parfois manichéennes) dont nous avons souligné les

limites dans les problématiques sociétales et cognitives. La déclinaison d’un

modèle trikãlien doit aussi permettre de mieux cerner les processus de

médiation et ceci indépendamment de la nature des creusets observés dont les

fards peuvent faire illusion sur les distinctions que nous opérions a priori.

Ayant procédé à cette analyse par le biais de la modélisation à partir de

structures élémentaires simples, le transfert des données sera étendu aux

structures représentationnelles plus complexes. Le tout permettra, en intégrant

les fluctuations de leurs environnements extérieurs, de décoder ce que l’on

appelle le changement et de percevoir comment les représentations circulent

Disposant d’un référentiel d’observation objectif (toujours par rapport à

l’objectif) il sera permis de façon plus aisée d’analyser les questions relatives

au sens et à l’éthique dans les représentations qui se trouveront ainsi posées au

sein même du mouvement dans la complexité.

Mais avant cela la question des représentations épistémologiques doit être

posée car il conviendrait de définir à partir de quel paradigme scientifique

procède une discipline pour aboutir aux conclusions qu’elles transmettent à la

société.

Pour acquérir plus d’acuité, il faut au point de départ faire la distinction entre

valeurs académiques et valeurs scientifiques. La valeur académique repose sur

un consensus, les valeurs scientifiques sur l’utilité par applicabilité de mêmes

causes identifiées conduisant à des conséquences prévisibles et

métrologiquement (science de la mesure) contrôlables dans une probabilité

admissible. Une académie n’est donc pas obligatoirement par définition

scientifique, quand bien même serait-elle universitaire. Elle peut se constituer

autour d’une prescience du sens dans l’espoir de le devenir. L’académie serait

alors assimilable à un « signe », un numen. La première (le signe) repose sur

des hypothèses communément admises, la seconde (le sens, ou nomisma) sur

des conclusions opérationnelles fonctionnant indépendamment de leurs

concepteurs. Nomisma indique en grec ce qui est consacré par la loi, nummus

désignant une monnaie de Tarente.

97

Situer un paradigme de pensée dans la recherche

Dans Logiques sociales dans le raisonnement (1993), Willem Doise, faisant

référence à Kelley pour définir le modèle rationnel, postule que l’individu,

disposant de plusieurs informations, organise celles-ci selon un plan d’analyse

de variances pour détecter les liens entre causes et effets : le consensus, la

constante, la spécificité.

Ces paramètres issus des expérimentations de Kelley peuvent être qualifiés de

probants puisque toutes les autres composantes tournant autour de la

problématique des logiques sociales dans le raisonnement sont susceptibles

d’être intégrées et regroupées dans ces trois sous-ensembles fondamentaux. Ce

processus de paramétrage effectué par tamisages successifs est celui opéré en

chimie lorsqu’il s’agit de définir un corps complexe en isolant ses molécules

essentielles au point de pouvoir le reconstituer (produit de synthèse)

ultérieurement.

Partant de cette hypothèse trifonctionnelle (conforme à la trifonctionnalité

dumézilienne), nous pouvons retenir consensus, constante et spécificité

comme étant les critères fondamentaux (pôle inter agissants) permettant de

définir les grandes tendances scientifiques. Nous obtenons alors le modèle

trikãlien systémique des postures de sens (non cartésien, non linéaire) puis des

cadres conceptuels d’une science et des espaces transactionnels que cette

dernière peut occuper au long de son histoire. Le trikãla des attitudes

épistémologiques se définit à partir des sommets suivants :

- le consensus comme étant un accord préalable de conventions

réciproques, d’assujettissements acceptés, sur des bases consensuelles

(unitaires) du simple consentement des parties sans que la

manifestation de ce consentement soit soumise, du moins dans un

premier temps, aux contraintes de l’expérimentation afin d’éviter les

objections. En somme, un accord d’union susceptible de garantir la

cohésion vers un sens pressenti (sens unificateur). Un consensus peut

être assimilé en épistémologie à idiome, et dans sa dimension plus

évoluée à un postulat.

- la constante comme étant une fonction qui donne à tous les éléments

de l’ensemble de définition la même unité d’image : un axiome.

- La spécificité comme étant une dysfonction qui fait varier les éléments

d’un ensemble initialement constant rendant instable l’image initiale et

qui trouble l’effet escompté d’une constante, constitutif de lois qui

recentrent à la fois sur la constante tout en ouvrant vers une

phénoménologie plus syncrétique.

98

En liant consensus et constante, on obtient l’axe du modèle. En connectant

l’axe de la constante et de la spécificité, on obtient l’axe de la novation et en

connectant l’axe du consensus et de la spécificité, on obtient le concept. La

connexion entre les trois pôles, consensus, constante, spécificité, barycentre les

interactions en convertissant le modèle, la novation et le concept en un système

scientifique opérationnel et pérenne (synergie : innovation).

Il faudrait donc entendre par système l’ensemble cohérent et congruent de

concepts, de modèles et de novations qui conduisent à une innovation, c’est-à-

dire à une amélioration tangible de la conscience, de la connaissance et de la

pratique sur le réel dans le changement. Ce qui permet la construction du

modèle trikãlien suivant :

99

TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE

DES POSTURES DE SENS

Selon le plus ou moins grand intérêt qu’une discipline, un auteur ou un

chercheur manifesteront à un, deux, ou trois des pôles, ils interviendront

« culturellement » dans et sur l’une des familles de logiques suivantes :

SPECIFICITE

Denuntio

CONSTANTE

Denotato

Sibylle

CONSENSENSUS

Nota

CONCEPT

Denudo

PRECEPT

Denuntiatio

SIGNIFIE

CONCEPTION

Connecto

Denubo

SYSTEME

SIGNIFIANT

SIGNIFICATION

SIGNATURE

SIGNALISATION

SIGNE

SIGNALETIQUE

CONSIGNATION

SENS

100

TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE

DES CADRES CONCEPTUELS

Ces logiques engendreront des sentiments propres à chacune d’elles auprès des

récepteurs concernés. Ces sentiments peuvent être assimilés à un baromètre

mesurant des variations de pressions, lesquelles permettent d’anticiper

l’évolution d’un phénomène scientifique, sociétal ou religieux chaque fois

SPECIFICITE

Antithèse

CONSTANTE

Thèse

Sibylle

CONSENSENSUS

Hypothèse

CONCEPT

Taxonomie

PRECEPT

Formulation

SIGNIFIE

(Académie)

CONCEPTION

Modélisation

SYSTEME

Systématisation

Synthèse

SIGNIFIANT

(Production)

SIGNIFICATION

(Recherche)

SIGNATURE

SIGNALISATION SIGNALETIQUE

CONSIGNATION

SENS

Cognition

Logique

Cognition

Analogique

Cognition

Normative SIGNE

Cognition

Inductive Cognition

Déductive

Cognition

Imaginative

SENS

101

qu’il y a recherche. Notre langage est riche pour évoquer ce que nous

ressentons sur nos lieux de travail, dans nos laboratoires, dans les lieux de

culte ou encore au sein même de notre famille, confrontés que nous sommes à

l’incertain de l’avenir. On parle volontiers de climat social, de subir ou

d’exercer une pression, d’une ambiance orageuse, ou encore de vide

consternant. La liste serait longue si l’on passait en revue tous ces qualificatifs.

En effet, à la différence de la matière, l’homme est en capacité d’exprimer ce

qu’il ressent des effets d’une cause. Ces sentiments doivent être compris

comme des signes indicateurs d’un sens souhaité. Ils ne procèdent pas du

hasard et, à bien y regarder, peuvent aussi être comparables à des formulations

chimiques.

Le tableau suivant permet, à partir d’un sentiment (conformisme, opposition,

difficulté, ennui, etc.) éprouvé par un récepteur ou un groupe de récepteurs de

remonter aux constituantes de la cause en sorte que, en intervenant sur la cause

il soit possible aussi d’intervenir sur l’effet escompté.

Quelle que soit la nature d’une communication, qu’elle soit sociale, politique,

religieuse ou encore scientifique, le sentiment de satisfaction éprouvé par ses

destinataires, bénéficiaires ou utilisateurs est la conséquence :

- d’une découverte opérée par le récepteur grâce au contenu original d’un

message,

- d’une bonne adéquation de ce message aux préoccupations et besoins (désir)

du récepteur ou de la communauté concernée,

- d’une lisibilité des signes, du discours, du contenu ou du « mot d’ordre »,

- du talent de l’émetteur, qu’il soit particulier, institutionnel ou académique :

enseignant, professeur, vicaire, leader politique, artiste ou chef de famille.

Toute déficience d’une qualité escomptée au sein d’un ou plusieurs de ces

paramètres donnera naissance à des sentiments dont la nature en sera la

conséquence.

Dans ce contexte, et à titre purement anecdotique, le lecteur averti comprendra

par exemple qu’une science cognitive qui reléguerait ces facteurs essentiels

que sont l’émission, la réception, le message et le langage au rang des

déterminismes politiquement incorrects, par exemple en balayant de son

approche celles de Shannon et Weaver conjointement à Wiener (pour la

cybernétique) et von Neumann (pour l’informatique) ne pourrait que fournir

des conclusions de type idiosyncrasique, surtout lorsque s’ajoute à cela le

présupposé épistémologiquement incohérent, parce qu’inversé, selon lequel

l’objet de la systémique serait de construire le modèle dans l’espoir de

découvrir ou de construire le sens : confondant ainsi cybernétique et

systémique, l’élément avec l’ensemble auquel il appartient. En sorte que le

102

problème du chercheur en herméneutique tient principalement au risque de

donner à lire aux autres une théorie interprétative qui est en réalité le fruit de

sa propre interprétation du monde ou de la projection de son imaginaire. Dans

un tel contexte pathogène les exégèses et les traditions ne peuvent qu’exclure

et excommunier chaque fois que leurs idiomes sont remis en cause. C’est la

raison pour laquelle, à l’inverse de Paul Ricœur, il ne faudrait pas considérer

que si « quelque chose est perdu, irrémédiablement perdu, l’immédiateté de la

croyance », ce n’est certainement pas que l’homme moderne ne peut plus

adhérer sans critiquer mais bien que la critique, si elle sous-tend la recherche

de la connaissance des causes, est la voie qui peut lui donner foi en lui-même

afin de ne plus confier au hasard et aux intuitions académiques le soin de sa

destinée : alors rien n’est perdu. Ainsi peut être comprise la phrase surprenante

de l’Évangile : « Ne pensez pas que je sois venu pour apporter la paix sur

Terre : je ne suis pas venu apporter la paix mais le combat » (Matthieu 10, 34-

39).

Ainsi, la variété des sentiments validerait l’intuition selon laquelle le signe

(empirique) fasse sens, après traitement (de et dans la complexité). Une

perception commune des signes serait donc constitutive d’un consensus dont le

traitement par diverses approches complémentaires favoriserait in fine la

découverte d’un hypersens fédérateur (dogme intégré donnant naissance à la

doctrine dont sont investis les docteurs) : expression d’une exploitabilité,

d’une réalité nouvelle parlante, issue d’un message original, d’un signe initial

transformé en sens lisible. Ceci tendrait aussi à démontrer que le sentiment de

satisfaction (à son extrême : enchantement) serait la conséquence d’un

message innovant (à différencier de novateur), ce dernier dépendant moins du

message lui-même que de la qualité des outils et des processus d’échanges mis

en œuvre entre les émetteurs et les récepteurs au travers d’un langage structuré

(lisibilité construite) par des approches successives (empirique, cartésienne

dualiste, cybernétique). Ces qualités qui, lorsqu’elles aboutissent par la

systémique, font d’une intuition une thèse satisfaisante pour le consensus parce

que les constantes sont isolées et les spécificités maîtrisées. Retour à la

sérénité. Ce serait donc à ce stade, et à ce stade seulement, qu’une discipline

pourrait être qualifiée d’authentiquement scientifique par le fait qu’elle est

apte à satisfaire plus aux préoccupations de l’environnement public vivant le

changement qu’aux honneurs de la chapelle. La qualité d’une science se

mesurerait donc au degré de satisfaction ou d’insatisfaction, donc

d’applicabilité ou non du message qu’elle génère (co-construction) auprès de

ceux qui en ont l’utilité. Le manque d’intégration d’un ou de deux des trois

pôles du trikãla des familles épistémologiques entraînera immanquablement

de trop forts décalages par rapport à la réalité vécue en référence à celle

espérée, en sorte que la diffusion d’une science, d’un rite ou d’une doctrine,

qui n’intégrerait pas ces trois paramètres essentiels, se trouverait confrontée à

des sentiments variables à son égard tels qu’indiqués dans le tableau suivant :

103

TABLEAU SYNOPTIQUE DES SENTIMENTS

ET DE LEURS CAUSES

(Interrogation sur les causes des sentiments éprouvés)

N’appartient pas à :

(message)

ORIGIN-

ALITE

A

(récepteur)

BESOINS

constantes

B

(langage)

LISIBILITE

Spécificités

C

(émetteur)

TALENT

consensus

D

SENTIMENTS

des récepteurs

A Non Oui Oui Oui Conformisme

B Oui Non Oui Oui Opposition

C Oui Oui Non Oui Difficulté

D Oui Oui Oui Non Ennui

AB Non Non Oui Oui Déception

AC Non Oui Non Oui Consternation

AD Non Oui Oui Non Découragement

BC Oui Non Non Oui Irritation

BD Oui Non Oui Non Apathie

CD Oui Oui Non Non Frustration

ABC Non Non Non Oui Mystification

ABD Non Non Oui Non Vide

ACD Non Oui Non Non Névrose

BCD Oui Non Non Non Incompréhension

ABCD Non Non Non Non Néant

Appartient à :

ABCD Oui Oui Oui Oui Satisfaction

104

105

CHAPITRE V

DU MODELE MONADIQUE AU MODELE DES REPRESENTATIONS

Vers une systémique constructale des représentations

_________________________________________________

« Tout ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens

c’est à moi que vous le faites »

Phrase énigmatique des Evangiles qui articule le petit et le grand et projette le

futur dans le présent. La proposition radicale d’un changement de point de vue

en collision faciale avec le paradigme ancestral. Voici la force du Grand

Marionnettiste réduite à l’inertie au même titre que les bonnes intentions qui

lui étaient soumises, ouvrant sur une puissance co-construite au point le plus

fragile et insoupçonné du Système. Cette Essence insaisissable que les

musulmans nomment Allah ouvre la conscience sur une nouvelle échelle de

valeurs qui sans rejeter le lien entre la Loi et l’intentionnalité fait que l’acte

devient consubstantiel d’une dimension holistique. Faire n’est pas un état mais

un processus.

L’espoir qu’en revenant sur Terre cette question de l’infiniment petit puisse

nous permettre de comprendre la complexité de la cognition au centre de notre

condition humaine pose en réalité des problèmes philosophiques d’un même

ordre théologique que celui que nous venons d’évoquer. La téléologie du

système ne peut nous apparaître que dans la mesure où nous nous appliquons à

nous la même humilité que celle des prophètes que nous venons d’évoquer en

considérant que si Dieu nous a créés à son image, l’image qu’il a créé est elle-

même créatrice des machines qui sont à l’expression (l’image) de ce que nous

sommes. Dans cet ordre d’idée une mise en perspective de cette représentation

d’une partie de ce que nous sommes sur cette machine des machines qu’est

l’ordinateur, en évitant en préalable le débat éthique comme paravent de la

réflexion, pourrait s’avérer plus éclairant qu’on ne l’imaginait préalablement.

Réduire la machine à de la simple mécanique uniquement capable de prendre

le relais de nos muscles fatigués ou pour dégager notre matière grise de calculs

faramineux serait bien une conception irrespectueuse du génie créateur de

l’homme. Attitude qui nous a valu de manifester plus d’intérêt aux philosophes

qu’aux grands ingénieurs de leurs époques : ces portions congrues au sein des

représentations que nous nous faisons de l’Histoire sans lesquels la

philosophie pourrait bien n’être qu’un épiphénomène (anté-représentationnel) :

un signe sans sens Un dérapage cognitif. Une pathologie. La machine est bien

l’image projetée de la pensée dans la perspective d’optimiser le réel, pour le

106

rendre plus favorable à la résolution des problématiques contingentes qui

freinent les avancées. Ainsi nul ne peut remettre en cause les formidables

progrès auxquelles ont contribués les chercheurs qui se sont intéressés à la

nature de l’information et à sa circulation. Le résultat de leurs découvertes a

conduit à un changement radical de notre vision du monde. L’ordinateur a

redistribué les cartes du savoir en ayant modélisé une partie de nos

mécanismes cognitifs. Il ne relève pas d’une production ex nihilo. Ses atouts

comme ses limites peuvent dès lors nous être plus utiles que la tentation de

s’offusquer des analogies que nous allons opérer.

En prenant le recul suffisant, le caractère numérique binaire du fonctionnement

d’un ordinateur, tout en rendant incontestable le fait qu’il soit bien une

production humaine par transfert d’une de ses formes d’intelligence

(cognitive), la logique mathématique, contient en lui-même les limites qui sont

celles de la pensées cartésienne dualiste : l’explosion combinatoire. Dans les

deux cas, lorsque les systèmes arrivent à saturation, ils auto produisent des

aberrations : du simple bug à l’émergence de phénomènes intrigants

inattendus. La limite est alors atteinte. C’est la raison pour laquelle les

recherchent s’orientent vers une génération de calculateurs quantiques à partir

de qubits (bits quantiques) contenant plusieurs informations intriquées à la

différence des bits (modèles 0, 1). Un algorithme dû à Peter Shor permet

d'utiliser un calculateur quantique pour « casser » le code RSA (algorithme

asymétrique) et résoudre celui du logarithme discret.

Dans ce même ordre d’analogie sémantique le problème de la factorisation est

difficile pour les informaticiens à cause de l'explosion combinatoire tout

comme cela se pose en sciences humaines. Toutefois, pour ce qui des

ordinateurs complexes, il apparaît qu’un circuit de calcul quantique pourrait

résoudre ce problème en un temps linéaire à partir du raisonnement suivant :

« si un nombre est représenté par n bits (c'est-à-dire long de n chiffres

binaires), alors un calculateur quantique avec plus de 2n qubits peut trouver

ses facteurs. Il peut aussi résoudre un problème connexe, celui du logarithme

discret qui en science humaine est au cœur des processus communicationnels.

La problématique fondamentale qui se pose alors ne se situe plus dans le cadre

d’une dualité entre l’être (onanisme aux préliminaires narcissiques inféconds)

et du néant mais bien au cœur du processus qui fait grappiller sur le néant

quelques parts d’éternité par la relativité (ce qui relie)… bien loin des

théorétiques ravageuses.

Afin de mieux comprendre à partir de cet axiome du plus petit comme agent

actif du plus complexe en temps linéaire (qui sous-tend des valeurs

processionnelles de temps actuellement difficilement saisissables car

infinitésimales qui contraindraient l’outil de mesure à devenir ce qu’il mesure

par le logarithme discret) le raisonnement que nous allons suivre à propos des

107

représentations et de sa modélisation, il nous faut reprendre cette image (pris

au sens mathématique du terme) illustrant les fonctionnement basique de la

machine de Von Neumann.

MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA CARTESIEN)

Les constations que nous pouvons faire sur le fonctionnement

communicationnel (commande et information), à partir duquel fonctionne au

plus simple un ordinateur, sont de plusieurs ordres :

- L’organe de commande est le seul à être en liaison de commande avec

les organes d’entrée et de sortie.

- L’organe de commande est seul en liaison directe de commande avec

la mémoire centrale et avec l’unité arithmétique et logique (UAL)

- L’organe de commande est le seul, par liaison de commande, à

pouvoir organiser l’interface entre es organe d’entrée et de sortie.

- Les liaisons de commande sont dissociées des liaisons d’information.

- Les liaisons d’information circulent uniquement entre les organes

d’entrée, de sortie par l’intermédiaire de l’UAL, laquelle est seule en

liaison d’information avec la mémoire centrale.

En excluant les organes d’entrée et de sortie la structure de la machine de von

Neumann (ainsi rendue inerte car décontextualisée) est donc de nature

trifonctionnelle constituée de l’organe de commande, de l’UAL et de la

mémoire centrale. L’ensemble de son fonctionnement peut donc aussi

représenté de la façon suivante :

Organe de

commande

Unité

arithmétique

et logique (UAL)

Mémoire

centrale

Organes

d’entrée

Organes de

sortie

Liaison

d’information :

Liaison de

commande :

108

MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA TRIKÃLIEN)

Présentée trifonctionnellement (à la différence du schéma précédent plus

cartésien) la configuration trikãlienne fait apparaître nettement la distinction

fonctionnelle faite entre commande de liaison et commande d’information.

Cette distinction permet aussi de visualiser clairement la fonction de l’organe

de commande, strictement limité à la gestion des liaisons laissant à la mémoire

centrale et à la l’UAL le soin du traitement en interface de l’information .Ce

n’est qu’après un passage obligé par l’UAL des liaisons et de l’information

que le processus de traitement s’opère pour constituer un message (par

communication) vers l’organe de sortie. Il n’est pas moins intéressant aussi de

constater que le contact entre liaison et information ne s’opère qu’au niveau de

l’UAL alors qu’organe de commande et mémoire centrale ne le sont que par

des liaisons…

Cela attire aussi notre attention sur le fait que le signe puisse bien être étranger

au fonctionnement interne du système et que son traitement ne peut être

activité ni par la mémoire centrale ni par l’UAL mais uniquement par l’organe

Organe de commande

Unité arithmétique

et logique (UAL)

Mémoire

centrale

Organes d’entrée

Organes

de sortie

Sens

Signe

109

de commande qui permet de le saisir par l’organe d’entrée. Le système est

donc fonctionnellement asymétrique et initialement dissociatif.

Cette analogie entre notre fonctionnement cognitif et l’ordinateur,

d’initialement inquiétante, devient maintenant pour le moins étrange sans nous

être totalement étrangère tant il est vrai que nous connaissons maintenant plus

précisément quelles sont les grandes fonctions des hémisphères cérébraux.

Tout comme l’asymétrie fonctionnelle de l’ordinateur, cette différence entre

les hémisphères cérébraux n'est plus remise en doute. Toutefois, dans

l'attribution des rôles dévolus à chaque hémisphère, la plus grande prudence

s'impose tant il est plus que vraisemblable que l’interface puisse être considéré

comme étant fonctionnellement le troisième cerveau.

Cette interface étant matérialisée par la troisième liaison de l’ordinateur de von

Neumann entre l’organe de mémoire centrale et l’organe de commande pour,

tout comme il en est de la tranche qui unit le côté face avec le côté pile d’une

pièce de monnaie, rendre fiable et opérationnelle la sortie d’une transaction.

Poursuivons notre raisonnement et allons jusqu’à affecter 0 à toute action de

commande de liaison et 1 à toute commande d’information. L’organe de

commande est animé par 0 (valeur d’une relation), l’organe de mémoire

centrale étant animé par 1 tant il est vrai qu’un ordinateur déconnecté ne rend

pas inopérante la mémoire centrale qui continuera ses opérations de

classement. L’élément venant perturber cette logique binaire se situe au niveau

de l’unité arithmétique et logique (point d’interférence conjonctif entre liaison

et information) nous lui affecterons – 1 en tant qu’elle bloque un instant les

commandes et fige l’activité de la mémoire (due au manque du logarithme

discret susceptible d’agir en temps linéaire pour éviter au plus simple les bugs

et l’explosion combinatoire due aux facteurs combinatoire des nombres entier

du système binaire). Appliquée à notre approche trifonctionnelle nous aurions

alors l’image suivante :

110

TRIKÃLA DES VALEURS -1, 0, +1 / MACHINE DE VON NEUMANN

Imaginons maintenant que nous mettions en total contact le fonctionnement de

deux ordinateurs l’un étant l’exacte image arithmétique et logique de l’autre

en décalage aléatoire sur un même temps linéaire en considérant que la liaison

une fois établie ne puisse se reproduire nous obtiendrions l’abaque suivante

d’un « système » transférable aux échanges cognitifs en communication

(interpersonnelle, en groupe, institutionnelle etc.) :

- 1

0 1

1

0 - 1

0 / 0

Logarithme

discret

Explosion

combinatoire

111

TABLEAU MATRICIEL DES VALEURS (BASE-1, 0, +1) ISSUES DES

INTERACTIONS ENTRE DEUX TRIKÃLAS (EMETTEUR –

RECEPTEUR)

a

b

c d e f g

A

00

- 1

1

-1

00

1

000

0

B

-1

-2

0

-2

-1

0

-1

-7

C

1

0

2

0

1

2

1

7

D

-1

-2

0

-2

-1

0

-1

-7

E

00

-1

1

-1

00

1

000

0

F

1

0

2

0

1

2

1

7

G

000

-1

1

-1

000

1

0000

0

0

-7

7

-7

0

7

0

0

0

Nous constaterions alors que :

Le système régresse globalement lorsque les organes de commande en

interface avec l’UAL dominent l’ensemble du système.

Le système progresse globalement lorsque la mémoire central fonctionne en

interaction avec l’organe de commande.

Le système est stable lorsque l’organe de commande ouvre l’interaction de

l’UAL avec la mémoire centrale

Le point de confusion se situe bien au niveau de l’UAL dans ses liaisons avec

l’organe de commande, problème que n’a pas l’UAL avec la mémoire centrale

Le système se stabilise par attraction des zones diamétralement opposée

nécessitant le passage par un intermédiaire collatéral.

Le produit des extrêmes étant égal au produit des moyens le système est

naturellement conçu pour être en probabilité le plus naturellement stable.

Une configuration similaire pourrait dans l’absolu être tentée en affectant par

exemple -1 alternativement à chacun des trois pôles de la triangulation. Dans

la réalité la répartition fonctionnelle privilégie la liaison entre l’organe

112

d’entrée et l’organe de commande à la captation du signe. L’organe d’entrée

n’étant pas en liaison avec l’UAL ni avec la mémoire centrale fait qu’il y donc

une répartition trifonctionnelle opératoire distincte et évidente entre liaison et

information en sorte que l’unité est une résultante d’un conflit (au niveau de

l’UAL) et non une cause initiale faisant qu’un système ne détient rien d’autre

qu’un processus de traitement et non en potentialité la solution à son unité. La

répartition fonctionnelle impose donc les affectations de valeur telles que nous

les avions énoncées.

Il faut donc aller chercher la résolution de la problématique du signe et du

sens, non en l’imaginant provenir de l’intérieur du système et en cherchant à

savoir ce qu’il est, mais plutôt en se demandant par quel processus le système

intérieur est en mesure de convertir un conflit (pour traiter de ce signe

extérieur au point de contact sur l’un des trois pôles de la trifonctionnalité,

celui de l’UAL) entre liaison et information faisant au final de cette opération

une communication téléologiquement sensée (et dans un hyper sens

théologique pondéré d’un logarithme discret en un temps linéaire). Point

d’émergence d’une réalité augmentée à la sortie prenant la forme de

représentations rétrocédées qui accroissent le niveau d’alerte de l’organe

d’entrée sur les signes nouveaux et contingents qui se présenteront à nouveau

au système.

En ayant disjoint le signe et les sens des constantes du système computationnel

et avoir isolé les constantes trifonctionnelles pour comprendre son mode

opératoire nécessairement disjonctif entre commande de liaison et commande

d’information, qui nous a permis de situer le point d’explosion combinatoire

(conséquence d’une dualité), nous pouvons étendre notre propos aux

problématiques d’une complexité amplifiées sur la cognition en considérant

qu’à la pensée logique viennent (au plus simple) se connecter les pensées

analogiques et normatives. Cette translation permet d’aboutir à la

représentation corrigée du triangle sémiotique (signifié, signifiant, en

remplacement « denotatum » (improprement qualifié de référent pouvant

induire en erreur en ce sens qu’il est à la fois liaison et information) par celui

de « signification » plus conforme à ce qu’est le symbole qui vient en lieu et

place où se situer l’explosion combinatoire, ce qu’est intrinsèquement (dans le

sécable) le symbole que nous assimileront à la notion de terminologie, point

d’interaction conceptuel ou définitum (qui sort du fini, du réel, une classe)).

La trifonctionnalité sémantique pourrait alors être représentée de la façon

suivante :

113

TRIKÃLA DES SEMIOFORMES

- 1

0 1

Explosion

combinatoire

SIGNIFIE

(Organe de

commande

Désignation

SIGNIFICATION

(UAL)

Assignation

SIGNIFIANT

(Mémoire

centrale

Consignation

Pôle de la symbolique. La dominante cognitive opérante se veut être de nature logique

bien qu’il faille pour cela opérer des ponts entre la pensée normative et analogique. En sciences

cognitives l’onomasiologie traite de ce sujet par l’étude sémantique de l’expression à partir du

concept pour chercher les signes linguistiques qui lui correspondent.

Numerus

Numen

NOMENCLATURE

codifiction

Interprétation

Magistérielle.

Herméneutique :

science de

l’interprétation.

NOMENCLATEUR

Dénotation.

Sagacité doctorale

Dictamen.

Ordonnancement.

La philologie : Analyse

critique et comparative

des textes.

Nomisma

NOMINAL

Assimilation

Performance annoncée

(Licence)

Zone de coordination et

de validation entre le

signifié et le signifiant.

En sciences cognitives la

sémantique qui concerne

les unités signifiantes en

relation avec leurs

référents (du moins

devrait-il en être ainsi).

Pôle de

l’ordonnateur, du

déclencheur.

Cosmocratore. La

dominante cognitive

opérante se veut être

de nature analogique

réitérative. En sciences

cognitives la

sémasiologie traite de

ce sujet par l’étude

des significations

partant du mot pour en

étudier le sens.

Pôle de l’organisateur

La dominante cognitive

opérante se veut être de

nature normative

régulatrice. En sciences

cognitives la sémiotique

traite de la théorie de la

signification des signes.

A partir d’un répertoire

d’unités signifiantes des

signes.

‘PATANOMIE*

Sublimation

Zone des

représentations

- 1 0

1

* ‘PATONOMIE. Mot

créé à partir de la science

appelée ‘pataphysique

dont l’objet est l’étude des

phénomènes perturbants.

114

Cette représentation permet de visualiser les différences fonctionnelles entre

chacun des trois pôles schèmiques ainsi que de définir et qualifier la nature des

interactions qu’ils établissent deux à deux ainsi que de définir le pôle ou la

zone qui lui est complémentaire dans la perspective de rendre stable (0)

l’ensemble du système jusqu’à faire émerger vers la conscience des

représentations majeures d’une réalité augmentées. Ces « représentations

augmentées » sont conformes à des apocalypses (étymologiquement :

« changement de cycle », qui élargissent les champs des vision religieuses,

politiques et scientifiques en formant un nouveau tout cénesthésique par

hystérèse.

Cette hystérèse est la conséquence d’un cheminement chrono holistique qui

aura fait entrer en interaction les pôles et zones trifonctionnelles par le jeu des

complémentaires d’équilibration et ceci en fonction des problématiques posées

par les flux qui traversent le système concerné dans la perspective de se les

rendre favorables. Le cheminement chrono-holistique d’une communication

peut donc être compris à partir du signe contingent au système à partir de trois

grandes attitudes primaires que sont (au plus simple) l’agression, l’inhibition et

la fuite qui détermineront la stratégie réactionnelle la mieux adaptée à la

pérennité du système. C’est ainsi que nous pouvons mettre en parallèle du

schéma trifonctionnel des représentations, celui des attitudes qui engendreront

des comportements expressifs jusqu’à constituer une syntaxe (ensemble des

règles d’un langage de programmation permettant de projeter la faisabilité

d’une intervention) puis des mots (par hystérèse) qui matérialiseront le résultat

de l’opération en un point de l’histoire d’un système concerné.

115

TRIKÃLA DES SEMIOCONSTRUCTIONS

1

0

AGRESSION

SIGNIFIE

FUITE

SIGNIFICATION

INHIBITION

SIGNIFIANT

(Mémoire

centrale)

Consignation

JUGEMENT

Numen

INFORMATION

Nomisma

Pôle de l’ordonnateur, du

déclencheur au contact du

signe. Centre d’alerte dont

la fonction est d’évaluer

les risques et les avantages

en fonction de l’obstacle.

In hoc signo vinces : « en

ce signe tu vaincras ».

REFORMULATION*

‘PATANOMIE

Sublimation

Zone de la représentation

REFORMULATION ‘PATONOMIE.

Centre de la représentation : la prise de conscience par la reformulation

permettant d’isoler l’origine d’une fragilité au point de contact de certains flux.

MIMETISME

OSMOSE

PRESTANCE

ENQUETE

Numerus

DECISION

NOMENCLATEUR

Dénomination

Zone de l’analyse critique

faisant obligation de

décision impliquant une

prise de position.

Discernement.

INTERPRETATION

NOMENCLATURE

codifiction

Zone de l’imitation

dont l’objet est de se

confondre avec les

éléments favorables de

l’environnement en

les interprétants.

NOMENCLATEUR

Dictamen

onomatologie

Notons ici que la distinction importante signalée (machine de von

Neumann) entre commande de liaison et d’information s’avère

bien être une constante systémique holistique (conforme au schème

Kantien du centrifuge et du centripète).

SOUTIEN

NOMINAL

Assimilation

Zone de covalence

pacifiante (opposée à

l’ambivalence du

symbole) en soutenance.

Pôle du secrétaire

(scrinium), du

secret, dont la

fonction est à la fois

d’enregistrer et de

conserver. Sans

réaction autre que le

questionnement

(enquête) et la

collecte

Associée au pôle de la symbolique, la fuite doit être comprise par le fait qu’elle quitte

l’osmose qui s’avère ne pas être en mesure de régler de façon traditionnellement admise un

problème au contact du flux concerné. Elle opère une cassure osmotique (très exactement la

diffusion entre deux concepts de postures différentes séparés par une membrane semi

perméable) entraînant une turbulence qui conduit à un déplacement de l’ensemble.

Explosion

combinatoire

116

Tous comptes faits ce sont bien ces trois schèmes premières d’agression,

d’inhibition et de fuite (en ce sens qu’ils sont les plus élémentaires formes

identifiables en communication, en dessous desquelles nous pénétrons dans le

monde lui-même complexe des neurosciences) qui déterminent le

fonctionnement de l’ensemble d’un système. Ce sont eux qui animent la

complexité, le reste étant une affaire de bonne adéquation entre les processus

utilisés et la nature des problématiques posées. Instillés, distillées, illustrés par

nos attitudes et dans nos comportements ce serait bien à partir de ces trois

éléments constants que nous puissions nous installer quelques instants dans le

sublime stylistique. Une affaire d’alambique qui dépend ou joue sur les

variations de pression et la température.

Cette affaire, cette problématique concernant la cognition et les représentations

s’avère être finalement moins complexe qu’elle apparaissait au premier abord

car s’il en était autrement interrogeons-nous simplement, mais sérieusement,

sur ce qu’il adviendrait d’un enfant qui dès l’instant de sa naissance ne

disposerait pas pour forger sa cognition de ces trois engrenages que sont

l’agression, l’inhibition et la fuite et de ces deux manettes qui lui permettent

d’intervenir sur les relations et l’information ? Ou s’il venait à en manquer

uniquement un ou une ?

La complexité n’est alors qu’une extension à partir d’un modèle élémentaire

(monadique) et constant que l’on peut appréhender simplement à tout instant à

l’aide de ce modèle. C’est sur cette base qu’opère l’intuition lorsque le nombre

des facteurs inter agissants ne peut aisément être pris en compte par la

rationalité. Le triangle de Sierpiński aide visuellement à comprendre de

phénomène de complexification à partir d’un modèle initialement simple.

Le triangle de Sierpiński illustre cette complexification fracto-constructal ou

une dimension de Hausdorff égale à log3 / log2, égal à environ 1,585, ce qui

vient du fait qu'il est la réunion de trois copies de lui-même, chacune étant

réduite d'un facteur 1/2.

Un algorithme pour obtenir des approximations arbitrairement proches du

triangle de Sierpiński peut s'écrire de la manière suivante :

117

- Commencer à partir d'un triangle quelconque du plan. Le triangle canonique

de Sierpiński se construit à partir d'un triangle équilatéral ayant une base

parallèle à l'axe des abscisses.

Tracer les trois segments qui joignent deux à deux les milieux des côtés du

triangle, ce qui délimite 4 nouveaux triangles.

- Enlever le petit triangle central. Il y a maintenant trois petits triangles qui se

touchent deux à deux par un sommet, dont les longueurs des côtés sont la

moitié de celles du triangle de départ (obtenue par une homothétie de rapport

1/2), et dont l'aire est divisée par 4.

- Recommencer à la deuxième étape avec chacun des petits triangles obtenus.

La fractale s'obtient après un nombre infini d'itérations (action de répéter un

processus. En mathématiques : calcul permettant l’application à des équations

récursives. À chaque étape, l'aire de l'ensemble diminue, elle est multipliée par

3/4.

Précisons aussi que cette dimension fracto-constructale opérée à partir du

modèle trikãlien (au plus simple des les trois engrenages : agression, inhibition

et fuite) doit être compris comme étant encadré par deux vecteurs qui

concernent l’un la relation et l’autre l’information. Selon la plus ou moins

grande importance accordée par un système à l’un ou l’autre de ces deux

vecteurs on assistera à des déplacements des masses représentationnelles qui

se concentreront vers certaines formes cognitives (pôles ou zones du trikãla)

qui lui sembleraient les mieux appropriées au traitement de la problématique

qui le concerne en une période donnée de son existence. Ainsi rigidité du

triangle de Sierpiński en communication n’est qu’apparente si l’on considère

que le déplacement des masses cognitives peut en infléchir la configuration

initiale voire s’allier à celle d’un autre système.

Il faut donc résolument distinguer les manettes des engrenages et externaliser

le signe du système cognitif si l’on veut espérer un peu plus de lisibilité sur ce

que sont les représentations et la complexité dans le changement. C’est au

point sibyllin d’explosion combinatoire que s’opérera le choix entre faire

prévaloir les commandes de relation ou d’information. La croisée d'un axe

vertical et d'un axe horizontal (point sibyllin d’explosion combinatoire)

constitue l'épure symbolique de l'expérience humaine tiraillée entre force

centrifuge et force centripète (point schèmique kantienne de l’attraction et de

la contraction : ou interviendrait le logarithme complexe, qu’il soit puissance

de vie ou puissance divine, peut importe). La croix est l'archétype de la

difficulté du partage qui fait sens par le triangle instable du Christ crucifié.

Aussi la retrouve-t-on investie dans les valeurs de justice, de connaissance et

d'éthique, au sein de la trifonctionnalité Dumézilienne en tant que protecteurs,

attribut et moteur de la souveraineté, du culte et du travail fécond. C'est à partir

de ce point de croix que les schèmes cognitifs logiques, analogique et

normatives donneront naissance à la position, l’opposition, la répartition pour

118

interpréter une partition collective tout en étant la forme privilégiée de la

coïncidence des opposés. Gaston Bachelard a montré les liens, dans une

poétique de l'espace, entre verticalisation, vertébralisation et cérébralisation,

confirmé par la paléoanthropologie La croisée verticale et horizontale

constitue fondamentalement le symbole de l'attention, de l’éveil aux

perturbations venant du signe contingent qui fait obligation au système de la

vigilance, de l'équilibre et de la mobilisation de l'énergie. Toutefois cette

vigilance a pour corollaire la nécessité de concevoir une cartographie

permettant l’orientation. C’est peut être dans sens que Saint Paul défini la

Croix dans sa lettre aux éphésiens Ephésien, III, 18: « Ainsi vous recevrez la

force de comprendre, avec tous les saints, ce qui est la largeur (latitudo), la

longueur (longitudo), la hauteur (sublimitas) et la profondeur (profondum) »

(Éphésiens, III, 18). Ces quatre dimensions forment le prototype de tout

schème d'orientation en volume. Seul la latitudo, la longito et le sublimitas

interviennent dans la cartographie « plane », la dimension profondum nécessite

la maîtrise de l’espace (GRS). Ainsi la trifonctionnalité permet-elle de générer

le processus d’action en réaction au signe contingent et ne fait sens que dans

une dimension téléologique ex machina donc empiriquement théologique.

Ainsi au meilleur de ce qui serait possible faudrait-il être en mesure d’aborder

la complexité en trois dimensions : connexion pyramidale de trois trikãlas,

émission, réception, environnement en considérant la base comme susceptible

de variations de luminosité, donc de lisibilité dont un système dispose sur son

propre fonctionnement. La jonction des barycentres de chacun des trois

trikãlas permettant de situer l’orientation dans l’espace d’un système

complexe. Cela impliquerait la mise en corrélation de données

communicationnelles en système de couleur dans le cadre d’une spectrométrie

des communications et des masses en jeu.

C’est à la conjonction articulée de ces schèmes que la composition

représentationnelle devient l'art d'assembler des styles pour obtenir une œuvre

culturelle indépendamment de l’idée d'un seul schème formel préétabli ou

d’une monade dont l’espoir qu’ils puissent jaillir à la science tel un messie de

son phlogistion. L’approche trifonctionnelle des représentations relève donc

d’une praxis de la trifonctionnalité schèmique dans un cadre déterminé par les

monades relationnelles et informationnelles qui permettent l'invention

d’expédients et l’extension du champ opérationnel de vision d’un système par

l’émergence de nouvelles formes : ces dernières n'étant pas forcément

répertoriées comme telles dans le catalogue de composant le signifiant initial,

mais qui est en mesure de s’en inspirer afin de la déduire par computation Par

conséquent la culture peut être assimilée à une sorte d'esthétique appliquée, qui

utilise les règles de la syntaxe trifonctionnelle en provoquant par le biais d’une

représentation sublimée (barycentrée trifonctionnellement) l'invention de

nouvelles règles dans la composition d’une œuvre. En reprenant la

comparaison déjà faite avec la littérature, on dira que la grammaire et la

119

syntaxe sont considérées comme les moyens de donner naissance aux diverses

créations littéraires, mais qu'elles n'en constituent pas l'infrastructure. Il y a là

comme un retournement de la situation antérieure : cet apocalypse trans-

paradigmatique qui ajoute une dimension de liberté prise sur les contraintes

initiales pour renforcer le système sur les flux qui la traversent, faisant parfois

découvrir qu’auparavant les règles du système servaient de support et de

prétexte à la protection d’un schème ou d’une liaison entre deux schèmes (et

plus gravement entre trois schèmes) pour mieux en exploiter d’autres au

travers du formalisme représentationnel initialement admis. Œuvre réalisée par

les Lumière du XVIIIe siècle.

Rien de si complexe que cela en somme. Il suffit de ne pas se laisser manipuler

par ce qu’une culture donne à voir de lumières magiques mais de chercher

dans la coloration de cette luminescence et dans la fréquence de son signal les

éléments constitutifs de sa coloration pour en déduire son point de fragilité : la

où les couleurs manquantes. Ces subterfuges colorés proposées à

l’éblouissement nous indiquent autant ce qu’il faut voire que ce que le signale

cache : la transparence étant la résultantes de la conjonction de trois couleurs

fondamentales le rouge, le jaune et le bleu à très haute fréquence. Si la

complexité n’était pas simple et qu’il faille l’aborder par le biais de la

complexité, alors le bébé humain qui vient de naître pourrait bien n’être que le

petit du kangourou qui regagnerait à l’instant la poche maternelle. Tout est en

réalité saisissable au moment où il ouvre les yeux aux couleurs de la vie. Une

simple affaire de spectrométrie des masses pour sortir de l’addiction béate à

l’idéalité... Si le code est bien là où nous le présageons, alors la clef est dans le

processus qui conduit à la serrure. Finir d’aborder les symphonies par le biais

de la complexité mais découvrir comment 7 notes simples peuvent interagir

pour les construire. Rien de plus.

Une représentation c’est simplement « six personnages en quête d’auteur »

((1921) Luigi Pirandello)… lorsqu’ils l’ont trouvé.

120

121

CHAPITRE VI

DE LA DISPUTATIO A L’UTLILITAS

Les pendules à l’heure

_________________________________________________

« Mieux vaut l'usage sans l'art que l'art sans l'usage. »

Pierre de La Ramée

Dans l’absolu une montre n’est jamais parfaitement à l’heure… que deux fois

par jours : une parfaite inutilité sauf pour satisfaire les psychorigides.

L’espace détermine potentiellement un ordre de circulation entre des choses.

Elle en favorise, le cas échéant l’émergence. Une place sur l’esplanade. Cette

unité nouvelle peut être définie comme un élément et ou un ensemble

d’éléments qui fait ou font coïncider en un point de leurs processus distincts un

ou plusieurs éléments complémentaires à un ou plusieurs autres pourtant

distincts initialement et fonctionnant à des fréquences différentes. Ce point de

coïncidence fait entrer le temps au contact de l’espace en sorte que l’espace et

le temps ne sont que des ordres de passage et qu’une chose n’est que dans sa

manière d’exister dans la mesure où elle en fait s’accorder homothétiquement

les éléments qui les constituent à partir des flux qui circulent entre eux. On

peut donc toujours trouver une plus petite différence ; rien n’est semblable à

autre chose sauf l’indifférence parfaite et absolue qui est inexistence du temps

et de l’espace ; une absence de désir qui sous-tend l’absence de tous manques.

La création n’est alors que vacuité. D’une autre manière, si la création est bien

sous-tendu par le manque cela revient à considérer qu’aucune perfection ne

peut être parfaite en sorte qu’en cherchant son complémentaire par la création,

le créateur reconnaîtrait de facto son imperfection faisant de la perfection un

processus et non un état. L’image de l’homme fait à l’image de Dieu ne peut

être comprise en tant que transfert d’état mais comme un transfert de

processus, c'est-à-dire celui d’une manière d’occuper le temps pour accroître

l’espace sur l’état parfait du néant : un grappillage de la matière blanche sur la

matière noire dans un rapport initial pourtant peu favorable.

Les orthodoxes chrétiens disent que saint Basile de Césarée aurait déclaré que

« l’homme est un animal appelé à devenir Dieu ». Existant en tant que fait « à

l'image de Dieu », cette prédestination est celle d’une participation. Une

« ressemblance » qui contribue à Son accomplissement. L'homme n'est

vraiment tel qu’intrinsèquement « déifié » en devenant « intérieur » à la

Trinité, vivifié par l'Esprit, « cohéritier » du Christ, « adopté » par le Père.

J’oserai même dire que l’homme permet l’intériorisant de l’Esprit Saint,

122

L’Esprit-Saint n’étant plus alors une des trois personnes de la Trinité, mais la

conséquence du Divin si en toute cohérence de ce raisonnement nous insérons

l’humanité comme élément constitutif de cette Trinité. Ainsi théologiquement

l'exigence de s'unir au Dieu vivant fait son Etre même, selon une ontologie qui

n'est pas celle du substantialisme, mais celle de la communion. « La grâce

incarnée constitue son origine et sa fin : elle est ce « retrait » sacrificiel du

Créateur dont la toute-puissance, culminant dans l'apparition d'une autre

liberté, se transforme en une vulnérabilité infinie, car « Dieu peut tout sauf

contraindre l'homme à l'aimer », selon l'adage patristique ; elle est aussi cette

« lumière de la vie » dont parle l'Évangile johannique et dans laquelle la liberté

tragique de l'homme peut trouver son contenu et sa plénitude. Dès l'origine, le

but offert à l'homme est la « divino-humanité », l'union plénière au Fils (qui

est son archétype), l'Image consubstantielle du Père ». Humanité est donc

synonyme de laïcat, nominal qui signifie « une fonction initialement impartie

au clergé qu’il délègue », en sorte que le mot laïc n’est autre chose

grammaticalement qu’un adjectif et n’est nom que lorsqu’il définit dans la

religion chrétienne une personne qui n’appartient pas au clergé.

Peut être est-ce pour cette question de cohérence sémantique que le mot

« laïcité » résiste à toute anglicisation, qu’il est quasi ignoré dans certains pays

et s’acclimate plus ou moins à d'autres ? En France plusieurs conceptions

différentes de la laïcité s'affrontent encore depuis 1792, si bien que la

définition d'une « vraie laïcité » restera toujours problématique tant qu’elle

sera présentée comme un enjeu social par ces épigones des « Lumières » qui

n’ont pas compris que cet enjeu est en réalité de nature anthropologique en

sorte que le sacré n’est pas une affaire de religion mais celle de l’Humanité.

Dans un contexte philosophico-théologique la question de la présence de Dieu,

de sa présence ou de son absence, de son affirmation ou de sa négation, ne doit

pas être posée par l’absolu mais à partir de sa structure qui est immanence

d’un processus de conquête en réponse à un manque (qui est mouvement de

perfection). Dimension qu’apporte la culture musulmane à la culture

chrétienne car ce qui est absolu, qui est par soi, vit indépendamment de toute

autre chose et ne peut se concevoir que sans manque, donc dans le parfait : au

pire cette absence parfaite de manque absorbe ce qui lui est extérieur en sorte

que le parfait absolu pourrait bien n’être que diabolique. En raisonnant à partir

de l’immanence d’un processus co-créateur ne se pose plus alors le problème

de liberté tant de fois discuté en philosophique. Ces processus fait de la co-

création un devoir de liberté. L’existence ou non de Dieu n’a plus alors

d’importance que pour des marionnettes dont la seule préoccupation est de se

libérer d’un imaginaire importun.

123

Le parfait se conjugue donc à l’imparfait toujours mis en relation avec un

futur conditionnel. Cette opération implique d’effectuer une projection des

constantes de variations du passé immédiat en tenant compte des spécificités

contingentes du futur immédiat, ce qui implique la constitution d’un modèle

représentationnel nécessaire au pilotage de l’incertain : une sorte de

péréquation des probabilités qui est représentation. De la justesse de cette

représentions dépendra la rapidité et l’efficacité du processus qui conduira à la

réalisation.

L’erreur souvent commise est de considérer qu’une péréquation consiste en

une répartition équitable. Elle ne serait alors qu’une équation, une formule

d’égalité. Le fait d’ajouter à l’équation le « peira » ajoute à l’illusoire de l’état

d’égalité celle du mouvement qui est une « épreuve » impliquant une mise en

valeur.

Visionnaire du point de fragilité du système économique, Marx élaborera la

péréquation du taux de profit pour répondre à un autre problème, celui posé

par la concurrence entre les capitaux en considérant que le capital n'est motivé

que par les profits qu'il peut réaliser faisant que pour un montant de capital

donné, les profits ne dépendent que du taux de profit, si bien qu'un capital se

déplace là où il estime que le taux de profit est le plus élevé. Il s’agit en réalité

ici d’une tautologie car le capital ne court le risque de se déplacer que dans la

mesure ou un profit plus élevé peut être réalisé sans remettre en cause le

capital initial ce qui implique qu’il se déplacera durablement là ou la situation

lui sera le plus durablement profitable et ceci indépendamment d’une petite

partie affectée à la pure spéculation. Pour sortir de la tautologie il fallait

changer l’angle de vision pour se situer non du point de vue du profit mais à

partir de celui de la valeur qui est la conséquence d’un rapport entre le profit et

le risque.

Inconsidérément Marx affirmera que, dans le capitalisme, la norme de

l'échange n'est pas la valeur, mais le prix de production entrant ainsi dans le

jeu de le jeu même du capitalisme offrant ainsi au sacrifice d’un impensé ses

disciples. Chez les romains le « capital » était le voile qui cachait la tête de la

prêtresse au moment du sacrifice. En parlant de capital on couvre d’un voile le

mot valeur et en opposant le travail au capital on n’opère nullement une

péréquation tant que le mot valeur n’a pas été mis à l’épreuve de la mesure en

sorte que ce qui ne se mesure pas n’a pas de valeur. « La vie n’a pas

d’importance, mais rien ne vaut la vie », A. Malraux. Ainsi lorsque l’on parle

assez paradoxalement de capital social d’une entreprise on entend par cela

l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers ayant une valeur comptable

qu’elle met à la disposition du travail, lequel travail n’a de valeur qu’au regard

du temps consacré à la valeur ajoutée au capital sans qu’à cet instant ne se

pose celle de la valeur de celui qui le fournit. Un esclavage citoyen déguisé, on

124

n’achète plus une vie mais des temps de vie. Un progrès néanmoins. Ainsi en

fonction du double principe énoncé qu’une valeur qui ne se mesure pas n’en a

pas et que les valeurs humaines se définissent à partir des usages en vigueur

(folkways) dans un groupe ou une société et relèvent donc des normes, on

n’évalue rien d’autre que la conformité de la conduite que l’on se doit d’avoir

envers celui qui maîtrise à sa source les flux qui traversent le système. Or

évaluer c’est établir une comparaison et, sans degré d’échelle, évaluer n’est

pas mesurer. Sans cela le respect ne viendrait que de la crainte qu’elle inspire.

Chercher la péréquation revient donc, pour constituer une véritable lisibilité de

ce qu’est le capital social d’une entreprise, à lui intégrer la valeur des hommes

qui font le travail en tant qu’ils sont la résultante d’investissements sociétaux

dont la valeur est aisément mesurable, chiffrable, si l’on s’en donne

politiquement la peine. Car pour le moins l’école libre et obligatoire pour tous,

bien que gratuite, à bien un prix digne d’être pris en compte. Ainsi la valeur

d’une entreprise constituée d’un capital financier (nous garderons la

dénomination de social) et d’un authentique capital sociétal (que nous devrions

appeler social) permet d’en situer sa réelle pertinence et par regroupement le

crédit de confiance que les marchés peuvent lui accorder. Lever le voile de

l’ambiguïté du capital pour que d’univoque par scotomisation il devienne

symbole et rende la péréquation possible. Ainsi en disposant d’une mesure du

capital travail au même titre que l’on mesure le capital des investisseurs, la

trifonctionnalité se trouve rééquilibrée par la valeur mesurée de compétences-

travail et de l’investissement, faisant qu’investissement et travail trouvent leurs

points de convergence dans une communauté d’intérêt. C’est

vraisemblablement à ce niveau que se situerait une authentique réflexion

représentationnelle de ce que pourrait être « un politique de civilisation »

évoquée par Edgar Morin.

Toutefois le risque est grand, indépendamment de l’immense talent d’Edgar

Morin et de tout les respect du à une œuvre magistrale, d’omettre de situer son

champ de vision dans celui de la sociologie, lequel nécessiterait bien un

ouvrage sur la « sociologie de la sociologie »...Il pourrait bien mettre au jour le

fait qu’en scotomisant une partie du champ phénoménologique

anthropologique la sociologie nous aurait bien fournie l’expression de ses

propres représentations, reflet de celles attendues au gré de modes

intellectuelles du moment. C’est ainsi, et Edgar Morin en convient, que le

concept d’individualité tournera à l’individualisme et deviendra égocentrisme

pour aboutir à la solitude, posant ainsi la question de savoir comment restaurer

les solidarités. Le deuxième cas est celui de la recherche du bien être par les

biens matériels, laquelle a développé parallèlement un mal être psychologique

conforté plus tard par l’émergence du principe de précaution lié à celui

culpabilisation écologique faisant peu de cas de l’éthologie. C’est ainsi qu’une

succession de présupposés représentationnels, faisant fi des fondements

anthropologiques, à contribué à des inversions de sens au point que la

125

sociologie soit malaisée à porter remèdes aux maux qu’elle a en partie

orchestré qui plus est lorsqu’elle voudrait maintenant nous faire adhérer à cette

panacée de la « politique de civilisation », une autre casuistique. Pourtant la

perspective vaut d’être posée à condition qu’en définissant l’ensemble des

caractéristiques sociales d’une société développée on ne perde pas de vue

qu’une civilisation n’est pérenne que dès lors qu’elle ne remet pas en cause ses

propres fondations schèmique telles que nous les avons évoquées et dont le

registre permet de constituer la gamme des réponses possibles aux

contingences auxquelles cette « civilisation » sera confrontée et ceci dans le

même ordre de logique que celle que nous évoquerons maintenant.

Mettant au point des problématiques neuves Simone de Beauvoir s’opposera

aux tenants de « l'éternel féminin » au prétexte de données anthropologiques

que nous savons maintenant contestables au regard de l’ethnologie et plus

particulièrement de l’ethnopsychiatrie. En liaison avec les féministes de

l'époque elle niera les différences concrètes entre les sexes. Simone de

Beauvoir en conclura que ces différences ont une origine strictement culturelle

et non naturelle, opposant ainsi la suprématie des constructions intellectuelles

au détriment de contingences de la nature.

Ses études, qui analyseront de façon empiriques les mécanismes générateurs

de l'oppression des femmes en montrant le chemin d'une possible libération

s'appuieront en réalité sur la morale au prétexte d’une philosophie existentielle.

Elle tentera l’axiome selon lequel de tout temps la femme aurait été définie

comme l'autre, faisant d'elle un objet incapable d'assumer sa liberté qui est

pour Simone de Beauvoir la seule justification authentique de l'existence

humaine. Réflexion qui n’est tenable que dans le cosy d’une bourgeoisie

équipée à l’époque de réfrigérateurs par des femmes largement pensionnées

par des maris infidèles ou libertins. Eclipsant ces réalités gênantes dans

l’espoir de trouver quelques cautions sociales auprès des suffragettes, elle

extrapolera ses propres interrogations matrimoniales et libidinales sous la

forme hautaine non des questionnements mais de justifications philosophiques

humanistes au prétexte charitable de libération de ses congénères moins

fortunées. Cette image caritative existentialiste fortement médiatisée par la vie

privée du couple qu’elle formait avec Jean Paul Sartre (qui la surnommait

« Castor ») aurait bien eu pour effet qu’à trop penser l’être féminin en dehors

de son objet cet existentialisme n’aboutisse qu’à s’approprier l’objet du délit

pour n’en tirer d’autre satisfaction que celle d’un godemiché masculinisant :

Sartre de son côté exprimant ses phantasmes dans des alcôves moins

ordinaires. Ils n’auront pas d’enfant.

A confondre les icônes de l’existentialisme avec le symbole de l’existence, on

confond une consigne avec ce qui n’était somme toute qu’un judicieux signal

d’alerte. Ainsi s’engouffrent les chimères qui laissent à croire que l’être puisse

126

exister sans l’avoir qui passe par le paraître. Alors on a peu de chance d’être

productif lorsque l’on croit que tout est dans tout sans savoir dans quel sens…

Cette allégorèse provocatrice à l’encontre de quelques unes des icônes du

XXième siècle laisse aussi entrevoir combien, à un moment propice du destin,

la grâce évanescente de quelques idées bien formulées peut nous faire

entrevoir la puissance de représentations artificielles comme étant capables

d’élargir le champ des possibles de certaines de nos habitudes elles-mêmes

infondées… à condition qu’elles ne nous fassent pas perdre de vue au nom

d’une « politique de civilisation », élaborée à l’occidental, la réalités des flux

qui alimentent nos réfrigérateurs. Qu’on le veuille ou non la liberté de ceux

que l’on prétend les plus faibles est directement proportionnelle à la distance

de tir des armes de ceux qui les protègent. Mais à l’asymptote de l’armement

de la force de frappe, les premières puissances mondiales pourraient bien avoir

à constater les risques de l’endormissement que trop de confiance peut

entraîner au contact des signes. Remettre de temps en temps les pendules à

l’heure de l’histoire de l’humanité.

Marx, Beauvoir et tant d’autres comme Sisyphe ont eu l’audace de dénoncer

des supercheries et les thèses qu’ils élaborèrent pour y apporter remèdes

produiront aussi l’illusion d’avoir enchaîné la mort… le temps qu’Hermès (le

dieu du commerce, des voleurs et des médecins) ne vienne délivrer la mort et

nous faire prendre conscience que ces escamoteurs ne nous ont fait qu’un

instant oublier, dans la griserie du jeu, que nous ne continuons avec eux qu’à

pousser en haut d'une colline un énorme rocher qui dévalera à nouveau la

pente dès qu'on aura réussi à le hisser au sommet. Il est temps d’apprendre à

construire des rampes et à penser les tangentes.

Dans « Le mythe de l’Etat » (ouvrage posthume publié en 1946) Ernst Cassirer

pose une question centrale à partir de l’effondrement constaté durant la fin de

la première moitié du XXè siècle des valeurs des « Lumières », en France et de

celles du romantisme en Allemagne:

« Comment a-t-il pu dès lors se faire que toutes ces réalisations aient pu

soudain être remise en question et que le XIXème siècle débute en attaquant et

en défiant ouvertement tous les idéaux philosophiques et politiques des

générations précédentes ? ». En termes plus généraux comment des

changements si radicaux de représentation peuvent apparaître dans les sociétés

alors qu’on croyait que ceux tenus pour bons fussent à jamais insérés dans la

linéarité des avancées de la conscience collective?

Pour apporter un éclairage sur cette problématique Ernst Cassirer opérera les

distinctions suivantes pour tenter une réponse :

127

- L’Histoire vue par le romantisme est associée à un idéal qui peut être

compris comme source originelle, métaphysique du Droit sur lequel

l’homme n’a fondamentalement aucun ascendant. De leur côté les

« Lumières » verront dans l’Histoire une façon d’inspirer l’avenir vers

un nouvel ordre sublimé.

- Le mythe est dans la pensée le romantique un objet de curiosité

intellectuel, le considérant comme contenant les fondements de la

culture humaine. Si pour le romantisme le mythe est le point de départ

et d’achèvement de la philosophie, il est perçu par les « Lumières »

comme une masse incohérente, aux fondements confus et barbares

incompatible avec la philosophie.

Insistant au regard de l’Histoire, Cassirer cherchera à distancier l’esprit

romantique des développements politiques qui suivirent et laissera à penser

que état totalitaire n’en serait pas la conséquence au nom de son caractère qu’il

veut croire essentiellement culturel. Pour défendre ce point de vue il

argumentera que le romantisme n’a jamais songé à politiser le monde, mais

plutôt à le « poétiser » au cœur des sphères de la vie humaine dans un souci de

conservation et non de conquête. Il insistera sur le souci des Romantiques de

ne pas sacrifier toutes les formes spécifiques de la vie culturelle comme la

poésie, l’art, la religion ou l’histoire à l’Etat « totalitaire » : les Romantiques

espéraient une unité européenne sans qu’un des pays ne perde la cohérence de

son identité. Le nationalisme romantique qui s’en suivra devrait alors être vu

comme la conséquence de l’amour et non de la haine. Ces visions s’avèreront

incapables de résoudre les problèmes de la vie politique lorsque les guerres

napoléoniennes éclateront. Les romantiques se convaincront de la nécessité

d’adopter une attitude plus « réaliste ». Beaucoup d’entre eux s’engageront

dans la cause nationaliste.

Voila posés les éléments d’analyse que développe Cassirer: les deux premiers

points concernent les deux principaux domaines qui opposent le romantisme et

les Lumières, et le troisième porte, lui, sur l’évolution du romantisme au

nationalisme.

Pour les philosophes du XVIIIe siècle l’étude du passé n’est pas une fin en soi,

mais un instrument dont l’objet est de servir à instaurer un nouvel ordre social.

L’Histoire est un guide pour l’action qui doit le conduire vers un meilleur état

de la société humaine. Au XIXème siècle, les romantiques idéaliseront et

spiritualiseront le passé : on peut tout comprendre et tout légitimer dès le

moment où l’on peut retracer l’origine des choses. De leur côté les

« Lumières » rappelleront que le terme d’ « historicité » doit être compris

comme étant « le fait pour un individu ou une collectivité d’avoir conscience

ou connaissance du caractère essentiellement historique de son être ». Selon

cette définition Cassirer considérera que «nos sociétés (...) accordent une place

128

centrale à l’idée d’un devenir qui ouvre sur un futur qui n’est inscrit nulle

part, à partir d’un passé qui n’agit que par le sens qui lui est donné » suggérant

l’utilité de la raison et d’une conscience du passé afin d’établir des lois et un

Etat qui soient les produits de la volonté humaine.

Au contraire de la démarche volontariste des « Lumières » la conception que

se feront de leur côté les romantiques de l’Histoire évoquent la notion de

déterminisme selon laquelle « (...) l’histoire des sociétés, leur évolution et leur

succession sont soumises à des lois ». Pour les Romantiques, chaque époque

historique est sous-tendue par des lois qui lui sont propres, en sorte qu’il

n’existe rien en dessous de l’histoire et qu’elle fait droit. Cette vision rejoint la

définition de l’historicisme, selon laquelle tout est soumis à l’Histoire, y

compris les théories et les valeurs.

Pour les penseurs des « Lumières », le mythe est perçu une masse aberrante

d’idées confuses et superstitieuses, il ne peut y avoir aucun point commun

entre les mythes et la philosophie. Les Romantiques, au contraire, considèrent

le mythe comme la source principale de la culture humaine. Elle s’enracine

dans une nécessité supérieure métaphysique. Ainsi le mythe est pour eux

l’allié et l’achèvement de la philosophie qui est à l’origine de l’art, de

l’histoire et de la poésie. La glorification romantique du mythe a pour fonction

de faire pénétrer l’esprit poétique dans tous les domaines de l’activité

humaine. L’universalisme, littéraire comme religieux, est valorisé dans la

perspective de maintenir l’identité des nations et des cultures préférant la

diversité au totalitarisme.

C’est dans ce cadre conceptuel que le nationalisme romantique naîtra de

l’amour et l’admiration pour l’esthétique et la poésie projetée sur l’Etat et de

celles de la puissance et du pouvoir. Pour les romantiques les politiciens sont

des artistes qui travaillent une matière qui est la chose publique. Tout est sujet

à devenir un art. Le changement idéologique sera radical durant les guerres

napoléonienne et justifieront à leurs yeux l’éclosion d’un nationaliste

grandissante comme étant « un mécanisme de défense », une riposte au nom

d’un droit naturel face à la menace de voir le tissu social se défaire.

Pour Ernst Cassirer, le mythe est analogue à l’ombre, aux ténèbres, cette part

cachée de l’humanité qui contiendrait en même temps les formes de

l’expression culturelle mais aussi le langage, l’histoire et la religion. Nous

parlerions aujourd’hui de siège de l’inconscient collectif. Selon lui les mythes

ont une fonction de construction d’un univers cognitif. En extrapolant, la

science aurait besoin du mythe pour échapper aux torpeurs de l’inconscient

ainsi que pour assurer une meilleure structuration du système et son

amélioration. Ce sont donc les forces intellectuelles, éthiques et artistiques qui

seraient les seules capables (si elles restent vigoureuses) de dompter le mythe.

129

Or, lorsque toutes ces forces s’affaiblissent à la suite par exemple de tournants

historiques, le mythe sortirait alors de sa cachette pour envahir la vie sociale et

culturelle lorsque les repères seraient devenus absents. A son époque, Ernst

Cassirer considèrera à jute titre la « pensée mythique comme le trait le plus

marquant de la pensée politique moderne » et pensera résoudre les inversions

de sens en invitant la philosophie, dans une perspective stratégique, à « se

mettre à étudier soigneusement l'origine, la structure et la technique des

mythes politiques » qui à son sens contribueraient à mieux « regarder

l'adversaire en face afin de savoir comment le combattre ».

On sent toutefois que la démonstration tourne un peu en rond au point que le

mythe serait pour Ernst Cassirer à la fois la cause et le remède des maux sans

pour autant que l’on puisse lui reprocher de n’avoir pris en compte, dans son

paradigme volontariste, les facteurs environnementaux qui interagissent et qui

font sélectionner ceux d’entre les mythes et de leurs interprétations possibles

ce qui est plus favorable à la trivialité ambiante.

En effet une pensée idéologique ne devient un mouvement social que si

seulement elle trouve écho dans la collectivité. Cela ne doit toutefois pas

perdre de vue qu’il serait risqué de ne pas prendre en considération que les

idées d’un petit groupe d’hommes peuvent faire un mouvement social

lorsqu’ils ont clairement saisi le point de fragilité du système. Le propre de ces

groupuscules est de savoir isoler le point de fragilité du système au contact des

flux qui le traversent, d’agir sur les consciences pour qu’elles adhèrent à la

nécessité de s’unir pour en changer radicalement les méthodes de captation.

C’est à ce point de fragilité que les flux nouveaux feront pression et qu’ils

donneront naissance à une nouvelle forme, laquelle sera naturellement

orchestrée par les visionnaires initialement groupusculaires qui auront su les

saisir à temps. Toutefois il était impossible à Cassirer, trop perturbé dans ses

convictions humanistes par les événements de la guerre 39-45, de disposer du

recul des données historiques en notre possession maintenant pour prendre en

compte la nature cachée des flux qui ont contribué à ce tsunami qu’a été le IIIe

Reich. Cassirer ne pouvait qu’en subir intellectuellement et peut être

religieusement les incohérences.

La solution n’est donc partiellement pas comme le préconise Cassirer dans la

compréhension de ce que sont mythes « pour regarder l’adversaire en face

afin de savoir comment le combattre » mais dans l’analyse du point de fragilité

d’un système représentationnel actif avant l’émergence du phénomène dans

lequel peut s’engouffrer un mythe. Enlevez le ruisseau et la fable du loup et de

l’agneau de Jean de La Fontaine est sans objet.

C’est la fonction d’une science que d’être en mesure d’anticiper. De ce point

de vue, il faut reconnaître à Ernst Cassirer d’avoir été l’un des précurseurs du

130

constructivisme moderne ayant eu une influence majeure sur Maurice

Merleau-Ponty et en particulier dans son ouvrage « Phénoménologie de la

perception ». Mais la problématique maintenant posée n’est plus celle du

constructivisme ni de la perception mais bien celle de la « phénoménologie de

l’anticipation » par la constructalité.

Cette démarche de lecture comparée des représentations souhaitée par Cassirer

est rendue possible dans un cadre trikãlien qui offre l’avantage d’autoriser une

analyse nouvelle et combinée de ces deux phénomènes philosophiques qu’ont

été « les Lumières » et le Romantisme allemand du XVIIIème siècle à nos

jours.

Il faut en effet insérer les analyses d'Ernst Cassirer tout comme les travaux les

travaux de Paul Hazard ou de Peter Gay à propos des Lumières comme étant

une tentative de définition et de constitution d’un modèle car il faut bien le

reconnaître le qualificatif préalable de « Lumières » constitue pour le moins

une prise de position qui fait entrer les penseurs de l’époque au même rang que

les philosophes. Le sont-ils vraiment par rapport à Kant? Mais que Kant est-il

au regard de ce que ses pensées ont pu faire ?

Avant toute prise de position, afin de ne pas obscurcir les conclusions, il

semble légitime de se demander ce que sont les Lumières. Ne conviendrait-il

pas mieux de substituer aux mots philosophie un ensemble de mots d'ordre, de

valeurs et de tournures de pensées qui feraient d’eux des idéologues, des

combattants du Progrès, ce que Kant appelle un usage adulte de l'esprit

humain ? Quoi qu’il en soit de cette question de rang l’hétéroclisme des

Lumières se caractérise plus par la conquête d'une attitude intellectuelle

qu’elle ne constitue un ensemble de valeurs approfondies, de textes et

d'analyses, voire d'engagements concrets autrement que dans la posture

inhérente au questionnement. C’est la proposition d’un horizon d'espérance,

une sorte d'idéal universel opérée par antagonisme à la monarchie déclinante

de la France du XVIIIème siècle : une représentation offerte à tous à partir

d’un point de vue œdipien qui se veut universel. Dans ce cadre la Liberté est

une mère à conquérir en évinçant du parcours tous les obstacles. Le tout

conduira à ce qui pourrait bien n’être qu’un inceste donnant l’illusion au nom

des valeurs que l’on puisse ainsi devenir adulte en tuant le père, fusse de

surcroît un monarque… Le concept de Lumières pourrait alors être compris

comme l’image inversée d’un inconscient occulté : un contre-transfert

mythique.

De son côté, entré à l’académie de Berlin, Kant proposera un changement de

méthode, comparable à celle que la révolution Copernicienne avait opéré en

astronomie, pour quitter un centre immobile privilégié pour l'observateur qui

pourrait ne plus être la Terre mais le Soleil. C’est peut être par ce biais qu’il

131

soit possible de réponde à la question que Cassirer posait, « Comment a-t-il pu

dès lors se faire que toutes ces réalisations aient pu soudain être remise en

question et que le XIXème siècle débute en attaquant et en défiant ouvertement

tous les idéaux philosophiques et politiques des générations précédentes ? »,

cette fois-ci insérée dans une phénoménologie plus large que celles qui

conduisirent aux « lanternes ». En pratiquant de la sorte il y aurait en effet lieu

de placer le mythe non au centre d’un débat géocentrique empreint de

syllogismes mais bien de faire du mythe une des planètes représentationnelles

de notre système cognitif.

Tentons de saisir synthétiquement les constantes de ces mouvements

apparemment contradictoires qui ne le sont qu’au regard des rouages mais plus

lorsqu’il est posé sur le mécanisme d’ensemble. Ce n’est qu’en démontant le

système qu’il apparaît faisable de trouver le pignon manquant à l’engrenage

qui pourrait être à l’origine de ce télescopage entropique entre le Romantisme

allemand et les pensées des Lumières.

Les chefs-d'œuvre du roman courtois au Moyen Âge ne seraient pas nés sans

les modèles français ; le latin reste jusqu'au seuil du XVe siècle la langue des

philosophes et des professeurs.

Le roman plante ses racines anciennes dans les traditions orale et folkloriques

qui mettent au devant de la scène des animaux et s’inspirent de sources

savantes comme les fables ésopiques. L’ensemble devient parfois parodique en

faisant couple avec les événements du palais. Le souverain tient sa cour

comme un lion sa harde : il convoque ses vassaux, rend la justice comme le roi

Arthur ou Charlemagne et les conflits entre animaux revêtent des accents

épiques. Dans cet univers de contraintes parfois contrariées « Renart » rime

avec art (art du langage, de la ruse, du déguisement et de la mise en scène).

Usant des mêmes stratagèmes le conteur sait attirer son auditoire:

« Seigneurs, beaucoup de conteurs

Vous ont raconté beaucoup d'histoires :

L’enlèvement d'Hélène par Pâris,

Le malheur et la souffrance qu'il en a retirés ;

Les aventures de Tristan

D’après le beau récit de la Chèvre,

Des fabliaux et des chansons de geste.

On raconte aussi dans ce pays

L’histoire d'Yvain et de sa bête.

Cependant, jamais vous n'avez entendu raconter

La terrible guerre

Entre Renart et Isengrin,

Une guerre terriblement longue et acharnée. »

132

Le conteur met en appétit, il sensibilise en faisant référence à ce qui est connu

pour attirer l’attention et susciter l’intérêt. Pourtant rien n’est vérifié. Les

préliminaires suffisent au climat de confiance nécessaire pour se délecter du

bon miel imaginaire de ce qui va suivre : le conte. En réalité au prétexte

d’animaux on lève les tabous qui pèsent sur la cour en apprenant comment

transgresser les règles de l’étiquette qui protègent les biens, les personnes…et

les amours. Les choses entrent dès lors dans l’ordre de la nature dans un

monde chrétien où la nature devait être mise en ordre, tout comme les

sentiments. C’est par ce biais subtil que l’amour pénétrera à nouveau dans le

jeu sociétal.

Le premier en date des grands classiques du roman courtois en Allemagne

serait Hartmann von Aue qui était d'origine souabe, chevalier de naissance non

libre (dienstmann), ministérial au service d'un seigneur d'Ouwe auquel il

semble avoir été très attaché. On retiendra de sa période de jeunesse (1180-

1185) le Büchlein (Petit Livre) et l'Erec ; le premier est un traité didactique sur

l'amour courtois que Hartmann a désigné lui-même sous le titre de klage,

traduction de « complainte » (variante du « Salut d'amour ») ; il s'agit d'une

d'un dialogue en forme rhétorique de disputatio, entre le corps et le cœur, ce

dernier étant le siège des désirs et de la passion sublimée ; le cœur enseigne au

corps la nécessité de l'effort, de la privation, du renoncement pour que soit

atteint dans le vasselage d'amour l'état de perfection humaine vers lequel tend

la culture courtoise. L'Erec est un poème arthurien adapté assez librement de

Chrétien de Troyes qui pose le problème de la conciliation à réaliser entre les

exigences de l'honneur et celles de l'amour.

La partition romantique est presque déjà écrite dans ces deux paragraphes. Il

reste maintenant à connecter la nature à l’amour et l’amour à l’honneur puis

nimber le tout d’une poétique au point que se faisant ni Dieu ni les autorités

n’y verraient rien de cette remontée de sève païenne. L’affaire suit lentement

son cours…On quitte la littérature sacrée du Moyen Age pour sacrer le profane

sans profaner le sacré.

Au XIV et XVième siècle l'aristocratie exerce encore son influence sur la vie

culturelle, mais nobles et bourgeois tout en demeurant attachés à l'idéal

chevaleresque ne cherchent plus à allier valeurs terrestres et valeurs

spirituelles. La production littéraire abondante se définit plus par son caractère

utilitaire qui cherche à édifier, à enseigner et à distraire que par son intérêt

pour les idées de civilisation.

Dans cette Allemagne du XVIIe siècle le français est le langage des cours. Le

roi de Prusse Frédéric II ne fait aucun cas de ses compatriotes et il appelle

Voltaire à la Cour de Berlin, Maupertuis à l'Académie et l’on comprend

aisément que pour qu’une littérature identitaire puisse voir le jour il faille

133

prendre le contre-pied et s'armer contre l'influence étrangère pour en rejeter

parfois avec humeur la tutelle. Notons aussi que le « classicisme » allemand

(faisant retour sur l’Antiquité classique) est le dernier des classicismes

européens et que le naturalisme ainsi que le symbolisme ne prendront pied en

Allemagne qu'au moment où ils commenceront à s'épuiser en France. Ce fût

l'Allemagne qui montrera la route : le mot « romantisme » a, outre-Rhin, un

sens, une profondeur, une originalité qui lui sont propres ; une grande part du

lyrisme y prend racine (jusqu’au formes underground dites « gothiques » de

nos jours). En littérature comme dans les arts plastiques, l'expressionnisme est

pour l'essentiel une production de l’esprit allemand. L'une des définitions les

plus justes du romantisme est celle qui souligne l'esprit de révolte : révolte

métaphysique comme en France chez Rousseau quand il s'écriait : « J'étouffe

dans l'univers » ; mais aussi révolte sociale et politique. Dans nul autre pays il

n’existe en réalité de rapport précis entre la philosophie et le romantisme, si ce

n'est en Allemagne sans même que Kant y échappât.

« Le Romantisme allemand seul fût étroitement lié à la philosophie de Fichte,

Hegel, Schelling. Il s'éleva contre la pensée analytique de l'Aufklärung pour

célébrer le dynamisme créateur et l'idéalisme [conflit entre pensée

platonicienne et pensée aristotélicienne, entre cognition catégorielle et

analytique, entre l’unité et le fractal]. Il se pencha sur l'activité interne du moi

qui pense et crée le monde. Il rejeta la vieille interprétation mécanique de la

nature. Il prôna le fragment et le conte (Märchen), fantastique et symbolique.

Avec Schleiermacher, il s'accompagna d'un réveil religieux et, avec

Wackenroder, il influença, d'une façon qui n'est pas toujours bénéfique, le

groupe d'artistes dits « nazaréens ». La pensée de Schopenhauer, mettant

l'accent sur l'inconscient et le pessimisme, exercera son influence plus tard,

vers le milieu du siècle. Des deux côtés du Rhin, en tout cas, et surtout par

l'impulsion donnée à la philosophie de l'histoire, les penseurs et les poètes

romantiques abandonnèrent la quiétude des classiques et mirent au premier

plan la Sehnsucht, la nostalgie et l'angoisse. La grande idée de développement

transforma leur manière de sentir et de voir, aussi bien avec Diderot et

Rousseau, Lamarck et Bichat qu'avec les écrivains. » ((Henri Zerner, professor

of history or art and architecture, Harvard University)

En phase terminale les Romantiques deviendront des êtres insatisfaits et

déchirés qui chercheront refuge dans les mythes en se construisant les leurs

jusque dans les circonvolutions de l’Art Nouveau pour se rigidifier de 1910 à

1933 dans la torpeur de la « grande époque berlinoise »… jusqu'à épuration

par le IIIème Reich.

Dans un tel contexte et sous oublier les remous politiques et économiques qui

ont traversé l’Europe il ne faut pas trop s'étonner des difficultés que le

romantisme a eu à cerner sa problématique spécifique tant les bouleversements

134

subis relèveraient en réalité plus de la psychanalyse que d’un cours de

casuistique. Parallèlement si l'on songe aux ambitions sociales de la

Révolution dans ses représentations les plus radicales, on constate la même

distance entre leurs aspirations et les contingences, les rendant tous deux

impropres à anticiper la réalité du « coup d’après ».

Mais il s'agit en fait d'un phénomène général, que Michel Foucault évoque

dans la dernière phrase d'un livre où il démontre avec précision comment la

conception de la mort a entièrement changé vers 1800 dans la pensée

médicale : « La culture européenne, dans les dernières années du

XVIIIe siècle, a dessiné une structure qui n'est pas encore dénouée ; à peine

commence-t-on à en débrouiller quelques fils qui nous sont encore si inconnus

que nous les prenons pour merveilleusement nouveaux ou absolument

archaïques, alors que, depuis deux siècles (pas moins et cependant pas

beaucoup plus), ils ont constitué la trame sombre mais solide de notre

expérience.32

»

« Mourir pour des idées, d’accord,…mais de mort lente » (G. Brassens).

Pour tenter résoudre cette énigme dont parle de Michel Foucault, parallèlement

à celle que pose Ernst Cassirer, il convient de mettre en rapport les forces

cognitives et les pensées idéalisantes qui sont entrées en jeux au XVIIIème

siècle avec les tendances philosophiques qui peuvent leur être contiguës et ce

faisant constater que :

- Le romantisme allemand apparaît comme dénué de toute démarche

hégémonique allant jusqu’à, dans le déni, exclure quasi totalement le

politique de son champ de vision. Cela évince des trois comportements

premiers celui de l’agression. En revanche l’alternance entre inhibition

et fuite se trouve bien attestée par les ponts incessants qu’opère le

romantisme entre une mémoire naturelle et un idéal unitaire de société.

La démarche cognitive tente d’opérer la jonction entre le normatif et la

logique afin de se constituer une codification du réel : démarche

pythagoricienne entre philosophie épicurienne et stoïcienne

constitutive d’une capacité créative et imaginative qui laisse peut de

place aux directions académiques : un expressionnisme libéré des

carcans et en perpétuel recherche obsessionnelle d’un lui-même. C’est

dans la droite ligne de cette logique (zone d’alternance) cognitive que

se constituent les mythes en sorte qu’un mythe peut se définir

(fondamentalement) par l’absence d’une morale déterminée et

imposée (par un signifié) qui puisse lui fixer un terme bien qu’il soit à

sa recherche. La modélisation par analogie est exclue de son champ de

32

Michel Foucault, « Les mots et les choses. ». « Organisation et désorganisation des

sciences dans l’histoire: épistémè et sciences contre sciences humaines. Paris,

Gallimard (1966).

135

vision normatif tout comme la dialectique et la doctrine. Ce qui

distingue radicalement le mythe de la légende et du conte. En analogie

avec la machine de von Neumann et notre triangle sémiotique le

mythe fonctionne de façon prédominante entre la mémoire centrale et

l’unité arithmético-logique et privilégie donc le parcours entre le

signifiant et la signification sans connexion avec l’organe de

commande donc avec le signifié. Le mythe est donc imperméable au à

la résolution des signes venant de l’extérieur, en conséquence il ne

peut faire sens en lui-même et en temps que tel. Modèle de vision du

monde conforme aux procédés employés par Marx, Simone de

Beauvoir et d’une façon générale par la sociologie saint-simonienne et

ce qu’elle ne cessera de décliner dans l’histoire de la sociologie. Le

subterfuge consiste à évincer du système le rôle du signifié au contact

du signe extérieur et à placer le signe au sein du système en sorte

qu’ainsi il puisse se penser indépendamment du signifié. De triaire le

système devient alors binaire, dichotomique et diabolique. Rien n’est

signifié, alors tout est possible. Grande richesse de production d’idées

sur un nuage, loin des réalités contingentes qui continuent à opérer…

L’urgence fera alors son œuvre pour aller chercher ce que l’on avait

pas intégré au système ou rejeté volontairement, le tout plongé dans un

environnement cognitif souvent pathogène et obsessionnel : on partira

alors en quête d’un sauveur, d’un « signifié » qui fera de la sélection

naturelle un « signification » apte à compenser la déshérence d’un

« signifiant » en mal de représentations et devenu apte à manifester sa

vindicte et ses torpeurs archaïques sur les signes étoilés peints de jaune

sous les vociférations de quelques « signifiés » vérolés ou impuissants.

- A la différence du romantisme allemand, les Lumières française,

rejetées par l’intelligentsia sous et à l’encontre de Frédéric II (qui les

adulait), voudront changer les règles du jeu imposées par les

souverains de l’époque. Ils se présenteront en donneurs de leçons et

pour les meilleurs en envisageant un nouveau contrat social, une

nouvelle dialectique pour plus d’égalité moyennant l’abolition de

quelques privilèges assez communément admise au demeurant par les

catégories concernées de l’époque. Sans cela comment auraient-elles

pu s’enticher de leurs présences autrement que pour se servir d’eux

comme média de réputation auprès des cours Européennes ? On ne

faisait somme toute que d’écrire tout haut ce qu’on déclarait tout bas.

En somme rien de bien sérieux à l’époque qui vaille la tête d’un

souverain ! En bonne logique le savoir est mis en avant en tant que

valeur salvatrice et à force de travail on réunira en 1772 l’intégralité

des connaissances du siècle concerné en quelques onze volumineux

ouvrages destinés au bien de tous. L’Encyclopédie. On reste très

pratique et confiant en son pays au regard d’une histoire à laquelle on

136

ne se réfère que peu. On cherche à signifier de nouvelles significations

possibles sans trop de retour épistémologiques vers la philosophie. On

préférera procéder par analogie en expliquant les choses au regard des

grandes découvertes scientifiques qui se font jour afin de réparer les

erreurs dans la mécanique, qu’elles viennent où non du Grand

Horloger. En résumé nous sommes à cette période de l’histoire dans

une pensée parménidienne qui se marie à la révolution industrielle en

gestation. On établit une logique rationnelle en s’appuyant sur les

atouts de l’analogie. Des académies naissent de partout et l’on veut

sortir d’un obscurantisme fait d’étiquettes émoussées pour mettre au

pouvoir un peu plus de logique dans la raison, le tout dans la

perspective de donner un peu plus de chances à chacun. Se libérer des

carcans pour mieux faire face aux contraintes. On alerte à partir des

signes en demandant des pouvoirs mieux capables à signifier

l’orientation vers des significations nouvelles. A l’opposé des

romantiques allemands l’introspection n’est pas de mise. On ne veut

pourtant pas changer les cartes du jeu, simplement mieux les répartir

et éviter que les dés soient pipés. On oscille entre la sophistique

empirique et l’épicurisme, situant ainsi globalement les pensées des

Lumières au sein d’une philosophie de type platonicienne dont la

perspective est d’optimiser le système à partir de comportement

premiers d’agression et de fuite : on ose et on espère. Un combat sans

états d’âme mais aussi en perte de références.

L’espace nous manque ici pour détailler plus avant les nombreuses subtilités

de ces deux mouvements tant et si bien qu’il nous aurait été plus favorable de

parler des romantismes et apporter plus de nuances concernant les Lumières.

Mais les grandes tendances sont bien là et suffisent à comprendre les

interactions qui vont suivre en ayant toujours à l’esprit que ces idéaux feront

emprunte sur les sociétés concernées parce qu’il sont convergents de la nature

propre des flux qui les traversent et de la place qu’elles occupaient au point

initial de captation : notamment en France, unifiée par des pouvoirs royaux

forts au frontières d’une Allemagne aux nombreux pouvoirs régionaux et plus

préoccupée par l’éclatement du Saint Empire Romain Germanique médiéval

que de sa cohésion interne subodorant : les traités de Westphalie (1648) en

raison des ses contestations internes et des positions de la France. Il n’en

subsistera qu’une coquille vide auréolée néanmoins d’un titre qui restera

encore prestigieux.

Les alertes impulsées par les Lumières n’ayant que peu d’effet sur des

pouvoirs endormis la Révolution mettra à feu et à sang l’Europe entière.

Cependant, alors qu'on aurait pu s'attendre à un règlement de comptes définitif

entre l'Autriche et la Prusse, qui eût maintenu, au moins comme fiction, la

dénomination impériale allemande, les entreprises françaises de la Révolution

137

puis de Napoléon Ier bouleversèrent cette évolution. L’Empire s'opposa à la

politique révolutionnaire en la personne de Léopold II, réconcilié pour un

temps avec le roi de Prusse. Mais Napoléon Ier, lorsqu'il décida de réorganiser

l'Allemagne, jouât des intrigues princières et des ambitions prussiennes contre

les Habsbourg. En 1803, la diète d'Empire accepta une redistribution des États

qui mit en place des frontières internes qui se sont maintenues jusqu'à nos

jours. Après sa victoire sur les Habsbourg à Austerlitz et le traité de Presbourg

(1805) qui favorisait les principautés du sud de l'Allemagne (Bavière et

Wurtemberg) aux dépens de l'Autriche, Napoléon créa la Confédération du

Rhin, dont les États membres décidèrent de s'exclure de l'Empire. Du coup,

celui-ci cessait d'exister, ce qu'admit, le 6 août 1806, le dernier « empereur

romain » couronné, François II. Les Habsbourg, toutefois, gardèrent le titre

impérial et se dénommèrent « empereurs d'Autriche ». Quant aux

Hohenzollern, ils allaient attendre jusqu'en 1871 que la maison de Vienne fût

totalement évincée pour se faire proclamer « empereur allemand » (IIe Reich).

Le romantisme deviendra nationaliste jusqu’à se radicaliser et n’avoir plus rien

du tout de romantique sous le IIIe Reich qui poussera à leurs paroxysmes les

mythes médiévaux de la chevalerie et des forces naturelles allant jusqu’à tenter

de justifier l’arianisme dont il se prévalait en envoyant de pseudo chercheurs

trouver justification de sa « pureté » dans les origines de la civilisation indo-

européenne. Ce qui à mon avis et de façon tout à fait annexe à notre propos

actuel expliquerait que fussent mis sous le boisseau les travaux de Georges

Dumézil dont il n’a jamais pourtant été contesté qu’ils fussent sans rapport

avec les événements que nous venons d’évoquer. Ce tabou latent privera les

sciences humaines et sociales d’une approche qui aurait pu lui être féconde

bien avant que nous ne la remettions à la juste place qui lui revient. Un non-dit

catastrophique qui sera le point de fragilité dont profitera de façon éhontée les

obédiences marxistes qui pénètreront les disciplines sociales des universités

françaises de l’après guerre pour plonger dans des torpeurs obsessionnelles

une pensée sociétale qui ne sera à bien des égards par loin de l’image de ce

qu’à été la haute époque romantique allemande notamment en usant jusqu’à la

démesure de concepts psychanalytiques dont Freud est à l’origine et

vraisemblablement le meilleur fruit dont puisse se prévaloir l’utopie

romantique… ce qui pourrait bien faire de ce que nous considérions comme

une annexe à nos propos un exemple majeur de ce jeu des interactions

constructales que nous avons de nombreuse fois évoqué et que nous

préciserons ultérieurement. Le modèle trikãlien qui suit va nous aider à en

comprendre le processus ainsi qu’à situer le mythe à la place qui doit lui

revenir et uniquement celle-ci. Ce tableau met aussi en regard les attitudes de

décision, de jugement, de soutien, d’interprétation, de reformulation et

d’information qui sous-tendent par le geste ou le verbe les discours cognitifs.

138

TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES

(Suite tableau…)

Explosion combinatoire :

syllogisme dialectique Zénonien

INFORMATION

FORMULATION

Nomination

Logique : rationnelle. Méthode : spéculative. Fonction : corrective

Référence : Démocrite, Epicure. Perspectives : imaginer l’existence de la

matière finie (pour se libérer des angoisses et des pressions) éviter les apories.

AGRESSION

SIGNIFIE

(Analogie)

FUITE

SIGNIFICATION

(Logique)

INHIBITION

SIGNIFIANT

(Normatif)

STOÏCISME

Numerus

SOPHISME

Numen

MIMETISME

OSMOSE

PRESTANCE

PARMENIDISME

DECISION

(NOMENCLATEUR)

Dénomination

Paradigme : doctrinaire

Méthode : syllogisme

dialectique.

Fonction : académique.

Référence : Platon.

Perspective : optimiser.

PYTHAGORISME

INTERPRETATION

(NOMENCLATURE)

Codification

Paradigme :

syncrétique.

Méthode : syllogisme

démonstratif.

Référence : Aristote

Fonction: Heuristique.

Perspective : holistique

EPICURISME

Nomisma

TRIALLELISME*

REFORMULATION

‘PATANOMIE

Sublimation

cenesthésique

139

TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES (suite tableau)

1

1

AGRESSION

SIGNIFIE

(Analogie)

FUITE

SIGNIFICATION

(Logique)

INHIBITION

SIGNIFIANT

(Normatif)

STOÏCISME

Numerus

SOPHISME

Numen

DIOGENISME

MIMETISME

OSMOSE

PRESTANCE

XENOPHANISME

SIGNE

Paradigme : irrationnelle. Méthode :

émotionnelle. Fonction : interloquer.

Référence : Xénophane

Perspectives : alerter.

PARMENIDISME

DECISION

(NOMENCLATEUR)

Dénomination

Paradigme : doctrinaire

Méthode : syllogisme

dialectique.

Fonction : académique.

Référence : Platon.

Perspective : optimiser.

JUGEMENT

(EVALUATION)

Election

Paradigme : empirique.

Méthode : comparative.

Fonction : Indicative.

Référence : Sextus

Empiricus.

Perspective : ouverture.

*TRIALLELISME

REFORMULATION

‘PATONOMIE.

Paradigme :

trifonctionnelle

Méthode : constructale.

Fonction : anticipative.

Référence :P.Kalason.

Perspective : Hystérétique.

ENQUETE

Qualification

Paradigme :

hypothético

catégorielle.

Méthode :

introspective.

Référence : Socrate /

Plutarque.

Fonction : maïeutique.

Perspective :

obsécration.

PYTHAGORISME

INTERPRETATION

(NOMENCLATURE)

Codification

Paradigme :

syncrétique.

Méthode : syllogisme

démonstratif.

Référence : Aristote

Fonction: Heuristique.

Perspective : holistique

EPICURISME

Nomisma

TRIALLELISME*

REFORMULATION

‘PATANOMIE

Sublimation

cénesthésique

SOUTIEN

NOMINAL

Assimilation

Paradigme :

scepticisme

Méthode: perplexité

entre être et unité.

(Ontologie)

Référence : Diogène

Fonction : sens.

Perspective : la

vérité métaphysique.

140

Afin de clarifier les parcours cognitifs qu’ont suivi les deux mouvements à

partir desquels Ernst Cassirer questionne, nous ne garderons du tableau des

cohérences trifonctionnelles ci avant que les schèmes élémentaires qui

permettent de le paramétrer au plus simple, laissant à notre lecteur le soin

d’opérer les allers et retours nécessaires à l’intégration de nos propos dans la

complexité et dans le meilleur des cas d’en user pour l’établissement d’une

cartographie experte plus détaillée au regard des nuances à apporter sur ces

pages de notre histoire commune.

141

CARTOGRAPHIE TRIKÃLIENNE HOMOTHETIQUE

DES VISIONS INTELLECTUELLES

- 1

0 1

1

0 - 1

Explosion

combinatoire

AGRESSION

SIGNIFIE

Cognition analogique

INHIBITION

SIGNIFIANT

Cognition

normative

FUITE

SIGNIFICATION

Cognition logique

Pensée intuitive

(Thomisme)

Pensée Déductive

(Augustinisme)

Pensée novatrice

(Jansénisme)

ROMANTISME

ALLEMAND

« LES

LUMIERES »

MANIERISME

Univers

cognitif des

LEGENDES

Univers

cognitif des

MYTHES

Univers

cognitif des

CONTES

IIIe Reich

Gouvernement

de Vichy

J.J Rousseau

Voltaire

Montesquieu Fénélon

Boulainvilliers

Loyseau

Diderot

J. E. Schlegel, Gellert,

Lessing

Klopstock

Schiller & Goethe

L, Tieck

Novalis

142

On aurait tendance à assimiler les mythes à des allégories pour en déduire que

derrière un langage indirect se trouverait d'authentiques vérités physiques et

morales qui nous seraient dissimulées. Platon dira du mythe que « sa

philosophie procède du mythe orphique et, d'une certaine façon, y retourne ;

quelque chose nous dit que le mythe ne s'épuise pas dans sa fonction

explicative, qu'il n'est pas seulement une manière préscientifique de chercher

les causes et que la fonction fabulatrice elle-même a valeur prémonitoire et

exploratoire à l'égard de quelque dimension de la vérité qui ne s'identifie pas

avec la vérité scientifique ; il paraît bien que le mythe exprime une puissance

d'imagination et de représentation dont on n'a encore rien dit tant qu'on s'est

borné à la qualifier de « maîtresse d'erreur et de fausseté ».

L'enjeu n'est donc pas de définir le statut du mythe ni même celui de la vérité

qu’il contiendrait, la question qu’il nous pose au travers de celle de Ernst

Cassier c’est finalement de savoir s’il existerait une forme cognitive capable

de nous mettre en contact avec cette vérité. Question qui se pose au demeurant

à l’ensemble des sciences. Poser la question dans ce registre c’est déjà se

constituer un mythe.

Entre métaphore et allégorie le mythe est en réalité selon le mot de Schelling

une tautégorie: « qui dit la même chose et non une autre chose ». Registre dans

lequel on peut placer le matérialisme scientifique marxiste selon le sens de

l'affirmation de Lénine, pour qui « le marxisme est vrai non parce qu’il est la

philosophie du prolétariat mais qu’il n'est cette philosophie que parce qu’il est

vrai ». C'est ainsi que se clôt semble-t-il définitivement le débat sur le mythe

susceptible ou non de contenir en suspens quelques vérités cachées. Il n’en est

rien pas plus que dans les autres formes représentationnelles que sont les

légendes et les contes. La question des la vérité restera toujours en suspens tant

que ceux qui la cherchent n’auront pas compris que l’objet qui façonne un

outil ne peut être contenu dans ce même outil et qu’un bon outil est toujours

conçu en fonction de l’objet qu’il doit créer et à la main de celui qui le

façonne. Le mythe est un des outils de la cognition représentationnelle. Rien

de plus mais tout avec les autres. La dernière question qui pourrait se poser et

non des moindres serait celle d’envisager qu’il fût possible que des disciplines

qualifiées de scientifiques opèrent sur un mode similaire à celui des modes

représentationnels. Pour répondre à cette impertinente question je laisse à notre

lecteur de soin de chercher honnêtement quels sont les centres d’intérêt de la

discipline au sein de laquelle il évolue et de positionner simplement le rapport

qu’elle manifeste à l’égard de sa propre valorisation académique, de la

détermination des constantes et de l’analyse des spécificités de l’objet de ses

travaux. Le point de tension ainsi défini dans le trikãla des formes

épistémologiques peut alors être projeté sur l’ensemble des autre trikãlas pour

ainsi répondre à cette question. Dans la mesure où le point obtenu ne se

situerait pas dans la zone d’acceptabilité, c’est-à-dire dans un rapport

143

d’équilibre entre les zones définies par les interactions entre les pôles trikãliens

se poserait alors celle de son rééquilibrage scientifique.

En procédant comme nous venons de le faire, c’est-à-dire en répartissant les

auteurs déterminants des Lumières et ceux du romantisme allemand selon les

dominantes cognitives qui président à l’établissement de leurs concepts il n’est

pas de notre fait que le mythe, au même titre que les légendes où les contes,

puissent trouver des affectations particulières et distinctes et tenir à des formes

cognitives différentes : mais peut est-ce là une façon de sortir définitivement

de la cacophonie des syllogismes récurrents qui les englue.

De Monnet à l’€uro : choisir entre le conte et le mythe.

C’est vraisemblablement aussi par le biais trikãlien qu’il soit possible de

compléter la réponse aux vœux que formulaient Ernst Cassirer dans les

derniers mots de sa formulation:

« Si l’on pouvait parvenir à une vue systématique des différentes directions de

ce mode d’expression, à en déceler ses traits typiques et communs, ainsi que

les graduations particulières et les différences internes de ceux-ci, on

accomplirait alors pour l’ensemble de la création spirituelle l’idéal de la

« caractéristique universelle » tel que Leibniz l’a formulé pour la

connaissance. Nous serions alors en possession d’une espèce de grammaire de

la fonction symbolique et tant que telle, qui embrasserait et déterminerait

d’une façon générale l’ensemble des expressions et des idiomes particuliers

tels que nous les rencontrons dans le langage et dans l’art, dans le mythe et

dans la religion. »

Dans un chapitre précédent nous avons exclus le signe comme susceptible

d’être contenu dans la trifonctionnalité et d’une façon générale au sein des

approches cognitives qui traitent des représentations. Dans la logique

méthodologique de nos travaux, démonstration en a été faite sans toutefois que

nous ayons suffisamment pris en considération la préoccupation latente, celle

de la faisabilité d’un signe qui fasse sens dans la complexité. Car à bien y

regarder au travers de notre tableau synoptique ce pourrait bien être la masse

d’une même représentation concentrée en une même population considérée qui

fasse sens. Plus exactement que son poids, en tant que force exercée à

l’intérieur de son corps modifie sa forme grâce à la mobilité structurelle

interne de son système. Mais à bien y regarder il s’agirait plus d’un transfert de

degré d’angle par modification opportuniste de son barycentre que d’un sens

orientant les énergies vers l’extériorisation d’un sens. Il s’agirait donc alors

d’un contresens auto protectionniste ou d’une relapse. Un bouclier d’agression,

d’inhibition ou de fuite sur un point de fragilité : un étendard, des armoiries ou

un blason. Ce serait donc un mauvais coup scientifique que l’on escamote ce

144

point de détail lorsque l’on sait qu’au regard de l’Histoire il serait loin d’en

être un ! Revisiter ses classiques plutôt que d’avoir le culte thuriféraire du

sens.

Pour parler plus simplement : si je prends pour monnaie contente ce que tu me

donnes à voir comme représentation réelle de ce que tu es, il se pourrait bien

que ce que tu me donnes à voir ait pour fonction de me cacher ce qu’il ne faut

pas que je vois. Tout comme il en est d’une pièce de monnaie le côté face

cache le côté pile dont la valeur peut être factice s’il n’y a aucune épaisseur

entre les deux. En sorte qu’une valeur simplement figurée puisse aussi cacher

une contre valeur.

Pour éviter le piège de la soi-disante présence d’un signe indicateur de sens

issue de l’intérieur d’un système complexe il faut instamment qu’il soit pris en

considération comme étant l’expression d’une absence de saisine d’une

modification des flux par les instances ayant en charge de les observer :

fonction du signifié. Cette absence engendre en effet une accumulation telle

d’informations contrariées au niveau du signifiant que le système en devient

bègue. En jargon informatique on parlerait de bug. On comprend aisément

dans ce cas que la solution ne passe pas par l’orthophonie mais par

l’orthodoxie. D’où toute l’importance à accorder aux flux dans la sémiotique

moderne des systèmes et à leur prise en compte par les « commandes de

liaison » où encore dans l’analyse qu’elles en font, voire même de ce qu’elles

peuvent « bidouiller » à leur contact. Ainsi la configuration d’un système

analogue à ce que nous avons décrit a propos du Romantisme allemand

laisserait volontiers conclure en l’expression d’une forme d’expression

démocratique respectable tant dans l’enthousiasme que dans les manifestations

d’un désenchantement populaire et ceci dans l’espoir qu’il en jaillisse

quelques révolutions mais ce serait omettre de dire qu’il y a des révolutions

dont l’objet est le recours à un imaginaire de stabilité sans avoir conscience

que les flux ont pris une autre destination. Celle-là même où l’on retrouvera

avec certitude les organes de commande que le système endormi avait hier

délaissés, conspués ou laissés échapper. Entre temps on n’aura fait que varier

les emplâtres sur la fracture sociale avec la caution des hommes de l’art qui

sociologiquement prôneront la gestion des compétences comme remède, tel

Serge de Witte, à la déliquescence des organisations dans « Les compétences,

mythe ou réalité » ou comme Maffesoli pour mettre au chaud la précarité dans

« le temps des tribus ». Leurs révolutions n’auront pour autre effet que

d’occulter les délocalisations naissantes faute de n’avoir portés leur attention

sur la captation des flux. Un romantisme sociocratique coûteux.

C’est l’objet de toute science que d’être en mesure d’opérer un diagnostic

avant de faire quelques préconisations que ce soit. La médecine abandonnera

le champ de la manipulation psychologique en quittant celui du signifié des

145

sophistes sous l’impulsion d’Hippocrate et de Platon qui la feront entrer dans

un univers de l’observation comparable à celui des Lumières dont ils sont les

pères originaux (pour ne pas dire schémiques).

La vie est un spectacle dont on ne peut comprendre

la complexité à partir des effets d’une mise en scène

qu’en les observant des coulisses

en alternance avec la salle.

L’approche trikãlienne pourrait bien être celle qui s’approcherait au plus près

des espérances d’Ernst Cassirer à partir de laquelle il soit possible d’apporter

des réponses cohérentes à la problématique qu’il posait concernant les

inversions de sens prises par le romantisme allemand et les Lumières

française, constatées lors de son exile durant la période tragique du Nazisme.

Insérée dans la constructalité cette approche permet de comprendre qu’une

même forme systémique puisse servir des flux différents sans pour autant

qu’elle puisse échapper à un même ordre d’effets lorsqu’elle n’a pas

conscience du caractère strictement réactif de son fonctionnement. C’est à ce

point de prise de conscience qu’une métrologie des communications s’impose

si l’on veut faire de la sémiotique un outil stratégique utile tant

anthropologiquement que téléologiquement : savoir signifier des

significations.

En effet l’approche trifonctionnelle permet de mettre au jour et d’identifier la

nature des structures cognitives qui animent les diverses formes que peuvent

prendre les représentations dont les manifestations les plus repérables sont les

mythes, les légendes et les contes. Ce tour de force n’est rendu possible que

grâce au caractère phénoménologique de la trifonctionnelle constructale à la

fois en tant qu’approche théorique mais aussi dans les infinis possibilités

qu’elle offre dans ses application pratiques et dérivés stratégiques et

organisationnels.

Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer à partir des positions

qu’occupent au sein de la trifonctionnalité les Lumières et le Romantisme

Allemand sachant que ces conclusions peuvent être élargies aux systèmes

similaires qui de près ou de loin s’en approcheraient?

Au premier abord il s’agirait là d’un couple qui a fait lit à part. Chacun vit sa

vie de son côté sans lien consensuel à la base du triangle (osmose – novation) à

l’exception de Klopstock, ardent défenseur de la Révolution française, qui lui

décerna d'ailleurs le titre de citoyen français. Klopstock est un représentant

typique de ces Allemands du XVIIIe siècle, qui se réclame du cosmopolitisme

tout en exaltant les vertus spécifiques du peuple allemand. Aucune pensée

146

nouvelle ne naîtra des rares contacts établis entre les Lumière et le

Romantisme allemand.

Le Romantisme allemand vivra dans le mythe romantique tandis que des

Lumières construiront des légendes (légende Napoléonienne / Légende des

siècles). Quant au conte, il semble être d’un autre temps, celui d’une

renaissance révolue. En l’absence de cet ancrage solide à partir du conte,

enracinement physiocratique (entre pensée analogique et pensée normative),

dans une période ou l’industrialisation naissante commence à avoir des effets

sur l’exode rural le conflit entre mythes et légendes sera en la faveur de la

France. Paradoxalement l’approche cognitive qui succèdera à la destitution de

Napoléon n’engendrera pas de modification. Au contraire on assistera à un

effet de grossissement des valeurs des Lumières par les légendes et le culte des

héros : « Mon père, ce héros… ».

En revanche l’idéale que pensaient trouver le Romantisme allemand dans une

vision mythifiée et poétique, parfois noire et souterraine du monde, ne résistera

pas aux flux qui emporteront l’angoisse quasi pathologique vers un

nationalisme exacerbé pour retrouver la possibilité d’un « signifié » sur leur

histoire. Ils quitteront l’inhibition introspective et la fuite dans l’idéalité

(structure démocratique) pour progressivement (surtout après la première

guerre mondiale) transformer les frustrations en agressivité, bénéficiant de la

captation favorable des flux de la Ruhr (charbon et acier) pour se militariser et

donner naissance à l’idéologie Nazie.

Ainsi, en 1929, la production d'acier, 120,5 millions de tonnes, était-elle

limitée aux Etats-Unis et à l'Europe du Nord-Ouest, six pays représentaient

87 % de la production mondiale et vingt autres pays, pour la plupart

européens, chacun avec une production inférieure à 2 millions de tonnes (sauf

l'URSS.), se partageaient les 13 % restants. Sans la Ruhr et la Sarre,

l’hégémonie allemande serait mort-née. Ce n’est donc pas sans intention

d’équilibrage pacificateur que fut stratégiquement décidé le partage de cette

production dont la quantité était vitale pour le redéploiement de l’après-guerre,

et aussi pour éviter des retours hégémoniques. C’est dans ce contexte

constructal que Jean Monnet, premier président de la Communauté européenne

du charbon et de l'acier, constitue en 1956 le Comité pour les Etats-Unis

d’Europe. Sur cette base stratégique naîtront l’écu puis l’euro et l’ensemble

des processus démocratiques qui s’ensuivra. Leçon d’anticipation tirée de

l’Histoire par quelques autocrates éclairés dont on a peine à croire que 60 ans

plus tard nos urnes démocratiques n’aient pas bénéficié de leurs lumières…

sauf à penser que ce bégaiement pourrait bien être un rappel à l’ordre destiné à

la commission européenne afin qu’elle se réfère un peux mieux à l’importance

que revêt la captation des ses flux intérieurs pour satisfaire à sa nécessaire

autosuffisance, qui est le fondement à partir duquel les mots liberté et partage

147

on un sens dans un système, que de se distraire dans l’imaginaire d’une autre

hypothétique fin à la fable du loup et de l’agneau. A moins qu’il ne s’agisse de

l’ours et de l’agneau ! Une question de choix entre le « conte » de Jean

Monnet qui dit qu’un loup peut aussi avoir soif et le « mythe du marché » qui

dirait que la soif devrait être un bien partagé (sic) ! Un choix entre la

Renaissance et le Romantisme pour au bout du compte répondre à une

question sociétale simple qui est la suivante : est-il du ressort de la mémoire

centrale (signifiant) d’un système de penser son bonheur en posant comme

préalable que les pouvoirs numineux (signifié) dont la fonction est d’être au

contact du signe et de gérer les relations (indépendamment de toute

intervention sur l’information même) devraient lui être strictement assujettis ?

Répondre « oui » s’est accepter au nom d’un idéalisme qu’un jour il faille

payer le prix d’un nouveau mythe romantique, répondre « non » s’est se situer

dans une dimension anthropologique et questionner son Histoire pour

authentiquement sortir des tabous dans lesquels on a relégué la fonction du

signifié au contact du signe pour lui attribuer la fonction totémique qui lui

revient. Les modalités et fonctions restent à définir dans la modernité. Quoi

qu’il en soit les pouvoirs numineux ont depuis longtemps répondus aux

systèmes qui les ont lâchés. Ils sont allés s’abreuver dans des eaux que pour

quelques temps les moutons ne viendront troubler. Que l’on parle des

délocalisations actuelles, de l’émigration de la Contre-Révolution ou du rôle

déterminant de la brillante princesse Georges de Grèce et du Danemark, née

Bonaparte, pour sortir à temps son maître Sigmund Freud des griffes nazies de

l’institut Goering de Berlin, dont l’objet était de liquider le problème

psychanalytique, le rôle indéniable qu’ils jouent au contact du signe et des flux

ne peut raisonnablement être exclu d’un système représentationnel qui se veut

pensant.

Les conséquences terriblement meurtrières de la première guerre mondiale

ainsi que celles que cela a engendré sur les représentations populaires feront

que la France quittera une vision légendaire portée sur les conquête au nom

des valeurs de Lumières pour commencer à développer un pacifisme résigné et

douloureux faisant émerger dans le champ cognitif un romantisme

nostalgique, parfois morbide, résigné dans une souffrance laïcisée qui prendra

corps avec la débâcle et le gouvernement de Vichy dirigé par le Maréchal

Pétain, pourtant héros de la première guerre mondiale, sous l’occupation du

IIIe Reich.

C’est donc en prenant conscience, à partir de leurs territoires, de l’importance

que revêtent les flux sur la vision que se font les hommes de la liberté de

l’égalité et de la fraternité que naîtra le Marché commun pour aboutir à

l’Europe : un « conte » complétant le binôme « Mythe et Légende » :

trifonctionnalité reconstituée qui donnera naissance à un autre binôme celui du

droit d’ingérence humanitaire et de l’écologie au nom de la vie.

148

Les Lumières opéraient philosophiquement leurs représentations à partir d’une

démarche cognitive platonicienne dont le mode opératoire consiste à s’extraire

de la cognition sophiste sans toutefois entrer pleinement dans une cognition

épicurienne. Ce point d’interaction platonicien (que nous pourrions aussi

qualifier d’hippocratique) est constitutif d’une vision légendaire dont la

fonction première est d’adopter une posture de l’action. Au niveau schémique

ce dernier modèle consiste en une alternance d’agressions et de fuites

intellectuelles qui refusent l’inhibition, ce qui revient à mettre en œuvre dans

les légendes une dominante d’interactions entre le signifié et la signification

sans prise en compte de la globalité du signifiant. Il s’agit ici de mettre en

fonctionnement la « machine » (animus) du système cognitif au contact de

nouveaux signes extérieurs en constituant un nouveau mécanisme de

commande des liaisons pour un nouveau programme de traitement de

l’information : l’ensemble ayant une fonction explicative. Posture prise par

Montesquieu.

De façon contingente au point symbolique de la cognition logique épicurienne,

zone potentielle de l’explosion combinatoire de la signification, la Renaissance

allemande, au contraire des Lumières qui mettront en contact le signe pour

interroger le signifié, feront peu de cas du signe et du signifié afin de

privilégier le signifiant dans sa relation avec la signification.

Le Romantisme allemand opérait philosophiquement ses représentations à

partir d’une démarche cognitive aristotélicienne dont le mode opératoire

consistait à s’extraire de la cognition stoïcienne sans toutefois pénétrer

pleinement dans une cognition épicurienne. Ce point d’interaction

aristotélicien (que nous pourrions aussi qualifier de pythagoricien) est

constitutif d’une vision mythique dont la fonction première est l’adoption

d’une position de réflexion. Au niveau schémique ce modèle procède d’une

alternance d’inhibition et de fuite intellectuelles qui refuse l’agression, ce qui

revient à mettre en œuvre une dominante d’interactions entre le signifiant et la

signification sans prise en compte de l’intervention du signifié. Il s’agit ici de

faire interagir les informations (anima) du système cognitif pour en extraire

une logique de la mémoire indépendamment de tout contact avec les signes

extérieurs : une façon de constituer un nouveau cadre mémoriel de gestion du

programme de façon démonstrative. Position occupée par Schiller et Goethe.

En réalité rien dans ces deux sous systèmes ne pouvait laisser présager de

l’avenir cataclysmique de ces deux approches du monde selon deux formes

cognitives différentes, sauf une inversion des flux : mauvaise récolte, famine,

surpopulation.

149

« Selon Leibniz la continuité est nécessaire pour rendre compte de l'invariance

qui subsiste d'un état à un autre : sans le principe de continuité, l'identité des

êtres ne saurait exister, et chaque élément individuel n'aurait d'autre principe

d'existence qu'une fugacité vivace, contribuant passagèrement à la splendeur

du tout. De l'énoncé « in Natura non datur saltus » dépend la sauvegarde de

l'identité et, à travers elle, de la notion même d'individualité, et, donc, de

l'individualité suprême, de Dieu. La continuité permettra à Leibniz de penser

le temps de la monade comme une totale conservation des états préexistants ;

et de cette évolution sans discontinuité dépend toute la théorie de la

connaissance. De celle-ci et de ses possibilités indéfinies dépend à son tour la

seule véritable connaissance, celle de Dieu. Mais la continuité seule ne rend

pas compte du multiple et de la variété ; le principe des indiscernables permet

d'expliquer : « Il n'y a jamais dans la nature deux êtres qui soient parfaitement

l'un comme l'autre et où il ne soit possible de trouver une différence interne,

ou fondée sur une dénomination intrinsèque » (Monadologie). Chaque élément

est donc irremplaçable, son individualité n'est semblable à aucune autre ; ce

qui produit la variété ne saurait être que le passage d'un état à un autre et une

continuelle métamorphose par degrés progressifs : ainsi s'engendre la série,

qui gère l'harmonie sur le plan logique. Série des individus d'où dépendent les

classifications ; série des événements collectifs ou individuels d'où dépendent

le destin d'une part, l'histoire, d'autre part : la série, loi de l'harmonie, est à la

rencontre du principe de continuité et du principe des indiscernables. Deux

questions se posent alors : qu'appelle-t-on semblable, si rien n'est identique à

autre chose ? et, si la similitude n'existe pas, quel est le mode du rapport entre

les êtres ? De ces deux questions découle la théorie monadique ; voyons tout

d'abord la première question. » (Catherine Clément, ancienne élève de l’Ecole

normale supérieur, agrégée de l’université).

Poser la question du semblable dans la différence concernant « Les lumières »

française et le Romantisme allemand c’est tenter d’aller chercher la réponse de

l’unité au point de friction de la cognition logique. Or nous savons maintenant

que ce sommet, à la différence des deux autres, est le siège de la signification

symbolique. Secondairement le symbole est conçu pour être paradoxalement

intrinsèquement sécable. Ce n’est donc pas en lui opposant l’existence des

monades que l’on réglera le problème… à condition de considérer

fondamentalement les monades comme un singulier régit par le logarithme

discret qui évite, en stabilisant les schèmes, l’explosion combinatoire. La vraie

question qui se pose alors, si nous sommes contraints d’intégrer de logarithme

discret au sein du processus nomadique qui régule la cohérence du Système est

alors celle de savoir comment ce processus opère et comment il le régule dans

la continuité Leibnizienne et ceci à partir des modèles représentationnels en

usage dans la « raison pure » (compris en tant que tendance et non en tant

qu’état).

150

Il nous faut pour cela abandonner les notions dichotomiques contraignantes du

mal et de la vérité au profit de celle de liberté. En d’autre termes dans la

problématique posée par Cassirer de ne pas aller chercher cette vérité ni dans

le mythe ni, comme d’autres le feront, de la placer dans le registre du mal

dominateur des légendes ou dans le retour à la relative naïveté des contes mais

en les faisant interagir les trois alternativement sans accorder une prévalence

de l’un par rapport aux deux autres : reconnaître à chacune de ces formes

cognitives une fonction particulière dans le jeu de la connaissance et de la

reconnaissance; un fonction d’action et de commande de liaison dévolue aux

représentations légendaires, une fonction de réflexion impartie à l’information

par le biais du mythe, une fonction de communication incombant au conte

faisant accord consensuel entre organe de liaison et organe d’information,. Ces

fonctions distinctes ne doivent en aucun cas se superposer ou établir un rapport

de force durant le déroulement du processus (on peut ici se référer aux

attitudes de Bales qui définissent cette bi partition entre organisation des

liaisons et distribution de l’information) dans la communication de groupe).

Confondre les genres ou opposer les uns aux autres au prétexte d’une égalité

est une utopie coupable quand bien même elle serait sous-tendue

d’humanisme. L’ensemble du processus, par le jeu des représentations

distinctes permet d’aboutir à une réalité augmentée auto correctrice des erreurs

d’intervention en réaction intelligente sur le signe pour faire sens. C’est à ce

niveau et à ce niveau seulement qu’il est possible de différencier radicalement

le fonctionnement de la machine de von Neumann de celui de la cognition,

distinction qui existe entre une information aller et une communication aller

retour par boucle de rétroaction à partir du point de synthèse (lui-même

conséquence de la canalisation des états de l’énergie de la centrale « de fission

combinatoire ») rendant en cela inutile l’intervention du logarithme secret à

faire sens33

.qu’il soit une affaire de probabilité logique du hasard ou de Dieu,

le reste étant une affaire de conviction sans que l’un ou l’autre soit

dissemblable téléologiquement bien qu’il puisse l’être phénoménologiquement

si nous considéreront que la théologie puisse bien être au cœur des sciences

faisant que l’unité ne pourrait bien être que mouvement de grappillage sur la

matière noire parfaite : un combat qui ouvre sur l’infini contre la concentration

entropique )…

Ainsi le secret d’une représentation augmentée auto correctrice (‘patanomique)

pourrait ne se trouver que dans la déclinaison d’un processus qui pourrait bien

être le suivant :

33

[ …qu’il soit une affaire de probabilité logique du hasard ou de Dieu, le reste étant

une affaire de conviction sans que l’un ou l’autre soit dissemblable téléologiquement

bien qu’il puisse l’être phénoménologiquement si nous considéreront que la théologie

puisse bien être au cœur des sciences faisant que l’unité ne pourrait bien être que

mouvement de grappillage sur la matière noire parfaite : un combat qui ouvre sur

l’infini contre la concentration entropique]…

151

« Le signe stimule l’alerte du signifié qui en cherche une signification

explicative par la dialectique platonicienne. La signification platonicienne se

télescope à celle de la démonstration aristotélicienne qui prend racine dans le

signifiant, produisant de fait au point de connexion de la signification une

explosion combinatoire qui devra être arbitrée par la retro-introversion

diogénique (« scepticisme » : cf. Diogène de Laërce) pour faire synthèse

‘patanomique au barycentre de la trifonctionnalité. Ce barycentrage fournira

ainsi une représentation d’une réalité augmentée autocorrective. Tel

apparaîtrait le cheminement chronologique du traitement d’une problématique

à partir du signe jusqu’à l’émergence d’une représentation faisant sens. »

Toutefois le déroulement de ce processus global n’est naturellement possible

que dans la mesure où les fonctions de relation et d’information jouent chacun

leur partition distinctes. Ce n’est qu’à ce prix qu’un désaccord de signification

puisse être une occasion d’enrichissement entre explication et démonstration

au contact de la réalité et ceci au sein d’une même organisation ou d’un même

système. Or dans le cas de la mise en rapport que fait Ernst Cassirer des

représentations que se font du monde les Lumières françaises par les Légendes

et les Romantiques allemands par les mythes le conflit ne viendra déstabiliser

les deux représentations que pour la seule et unique raison que les deux

systèmes avaient leurs pouvoirs (signifiés) défaillants, rendant impossible

l’établissement d’un lien interculturel avec le signifiant. En l’absence de

consensus (conséquence du lien entre signifié et signifiant) interculturel (et

dans ce cas inter cognitions autrement qu’au point d’idéalisation d’une

signification dichotomique) l’ensemble du système ne pouvait que s’effondrer

sur lui-même en faisant que l’un deviendra l’inverse de l’autre en faisant fi des

idéaux : le mythe romantique allemand s’effondra au profit du signifié nazi qui

voudra se construire une légende tandis que la légende des Lumières s’éteindra

dans les affres les plus sombres du romantisme d’un vague signifiant

pétainiste. Une translation des pôles manquants aux deux zones

représentationnelles due à absence d’une base d’appui sur la trifonctionnalité

anthropologique. Les phénomènes contingents au point de contact des flux

feront que la Renaissance de l’Europe passera par un bain de sang.

La trinité abrahamique.

Il est d’ailleurs assez significatif de constater que ce phénomène de translation,

d’une zone vers son pôle opposé (en phase régressive) ou d’un pôle vers une

zone opposée (en phase progressive), opéré en attraction ou en répulsion

représentationnelle agit de la même façon à propos de nos trois grandes

religions abrahamiques.

152

En considérant pouvoir aborder le fait religieux abrahamique en posant comme

préalable les totems, les tabous et les extasiants comme étant les sommets de la

trifonctionnalité cultuelle il apparaîtrait, selon les préoccupations les plus

marquées par chacun d’eux, que le judaïsme opérerait plus entre les tabous et

les extasiants, le christianisme entre les totems et les extasiants et l’islamisme

entre totem et tabous. A partir de ces positionnements nous constatons qu’il

n’existe aucune de ces trois religions pouvant prétendre à elle seule faire

synergie. Cette heureuse constatation loin de pouvoir être qualifiée

théologiquement de subversive est en réalité une chance de co-construction

conforme au principe que nous avions énoncé précédemment selon lequel la

Divinité n’est pas un état mais un processus de « grappillage » sur la masse

noire intrinsèquement parfaite. Peut-être est-ce ici le seul mystère qui puisse

résister à la connaissance d’ici-bas quand bien même le taoïsme fournirait sur

cette problématique une ouverture intéressante.

De par le point d’ancrage des trois Ecritures et de leurs destinations chacune,

hormis leur caractère universel, en mettant en avant une prévalence laisse

complémentairement expose implicitement un point de fragilité.

Dans toute son histoire Israël n’a exercé pleinement sa souveraineté (signifié)

que durant deux ou trois cent ans jusqu’au drame de la Choa. Le Christianisme

conquérant verra le tabou de la laïcité restreindre son œcuménisme (signifiant)

et l’islamisme attaqué sur son manque d’épicurisme (extasiants), l’interdiction

du voile. Tant et si bien qu’on arriverait sans trop se tromper à considérer que

l’univers représentationnel du judaïsme puisse être celui des mythes, celui du

christianisme puisse être celui des légendes, enfin celui de l’Islamisme celui

des contes : les contes ayant pour fonction de maintenir la cohésion sociale, les

légende stimuler la conquête, et les mythes interroger. En cela nous pourrions

tout à fait considérer que le romantisme puisse fonctionner sur un mode

cognitif proche de celui du judaïsme, voire aristotélicien, que les « Lumières »

puissent être d’inspiration chrétienne au même titre que platonicienne, enfin

que la renaissance puisse être d’inspiration islamiste au même titre qu’elle est

socratique. L’espace diogénique (les Sceptiques) évite l’enfermement auto

satisfait. Reviendrait-il à quiconque d’en déduire pour être académiquement

crédible qu’il faille privilégier une vision du monde au détriment des autres ?

Il n’est nullement ici dans mon intention par ce raccourcis simplificateur de

remettre en cause l’universalité du message contenu dans la Torah, ni celui des

Evangiles et du Coran allant même jusqu’à dire qu’aucun des trois ne puisse

avoir de complétude sans les autres selon l’incitation à leurs

approfondissements réciproques tels que signifiés par la sourate 3 v 2 du

Coran. Cette absence naturelle de barycentrage trifonctionnel du triptique

religieux abrahamique doit être vue comme une invitation à un enrichissement

théologique complétive, et très certainement anthropologique, consistant à

153

aller chercher chez l’autre la parcelle de vérité nécessaire pour compenser une

parallaxe de vision. En ne le faisant pas chacune s’expose, en se retranchant

sur ses dogmes, à être un jour ou l’autre le bouc émissaire récessif d’une autre

et ceci à partir du point de fragilité de son propre système lorsque deux

puissances cognitives de couches cognitives similaires occupent le même

territoire et que les flux viennent à être défaillants. Et ce n’est pas après coup,

en plaçant la repentance au niveau de la mémoire (signifiant) que l’on ne

trouvera l’explication qui ne tient souvent qu’à une absence d’un signifié au

contact d’un signe avant coureur qui n’a pu être perçu et dont la signification

n’a pu être prise en compte à temps. La représentation trifonctionnelle qui suit

permet de comprendre la nécessité de ce barycentrage.

154

TRIKÃLA DES FORMES COGNITIVES ET DES APPROCHES

ABRAHAMIQUES

- 1

0 1

Explosion

combinatoire

JUDAISME

(Le Romantisme)

Zone cognitive

aristotélicienne

ISLAMISME

(Mahométanisme)

« La Renaissance »

Zone cognitive

socratique.

CHRISTIANISME

(Les Lunières)

Zone cognitive

platonicienne.

EXTASIANT

(Signification)

FUITE

TOTEM

(Signifié)

AGRESSION

TABOU

(Signifiant)

IINHIBITION

)

Cercle de la frontière

des valeurs limites

cognitives au-delà

duquel un système

culturel peu devenir

transgénique au point

de se muter en

contresens

anthropologique

Cercle de la frontière

des valeurs cognitives

constructives réactives

qui par

complémentarité

d’intérêts garantissent

les grands équilibres

anthropologiques qui

régissent les échanges

anthropologiques

Trajectoire cognitive

de translations auto

compensatrice

tangentielle de la zone

cognitive qui lui est

directement opposée :

strophoïde (courbe du

troisième degré qui

ressemble à une

boucle)

Centre (Point

triple) ‘patacognitif

Au plus près du

logarithme discret

favorisant

l’émergence, par

synergie des zones

cognitives d’une

réalité augmentée

autocorrective sens :

changement de

paradigme

- 1 0

1

Espace

diogénique

155

Au plus simple de la réponse que nous puissions apporter aux questions

posées par Cassirer pourrait être la suivante : A trop rêver le monde à partir

des mythes, tout système concerné (intellectuel, culturel, économique, social,

politique et religieux) fonctionne dans un univers mental composé d’une

incessante circulation entre l’inhibition et la fuite jusqu’à en oublier l’utilité

de l’agression : prise de position qui permet l’établissement du contact. A trop

s’identifier aux légendes pour conquérir le monde par l’agression et la fuite

on se coupe de sa mémoire. Lorsque que la réalité vient au contact des

fictions, les imaginaires s’effondrent sur ce que les apparats cachaient, le

point de fragilité, donnant naissance à des apparatchiks iconoclastes. « Le

mythe de l’état » prend le pouvoir lorsqu’un peuple n’a plus de légende à se

raconter. « Les légendes étatiques » se construisent lorsque les mythes sont

épuisés. Alors le pouvoir du mythe et celui des légendes ne sont plus que des

souvenirs car plus personne n’est au contact des signes contingents : Junon

est dans les bras de Morphée et de Cérès, les gardiens de l’innocence

première. Il n’y a plus de mana pour interjeter. Le mythe n’est plus alors

qu’une maladie de l’esprit que l’on soignera par les contes qui redistribueront

les rôles : d’un côté les bons avec leurs qualités de cœur et les méchants qui

viennent perturber leur paradis. Eternelle dichotomie fallacieuse, point de

départ d’un nouveau cycle d’inconscience.

Pour Ernst Cassirer métaphore et métonymie sont constitutives de l’univers

humain et de ses horizons. Toutefois pour que les horizons ne deviennent pas

un enfer il faut reconnaître à la métonymie une fonction de commande des

relations et à la métaphore celle de l’information. A ne pas identifier cette

distinction tout comme il en est de la fonction des formes cognitives sur la

nature des connaissances que nous mettons au jour et que nous pensons pour

vraie, on rend confuses les notions de signe, de sens, de signifié, de

signification et de signifiant. Tout procéderait alors comme si n’ayant pas

défini une métonymie comme étant une « figure de rhétorique par lequel un

concept est désigne par un nom d’un autre concept qui lui est relié par une

relation nécessaire, par exemple « boire un verre », l’absence de prise de

consciences que « nécessité fait loi » ferait qu’une métonymie serait synonyme

de métaphore en sorte que boire un verre pourrait avoir pour sens de « boire la

tasse ». Les choses n’existent non par ce qu’elles sont mais par ce qu’elles font

qui fait ainsi qu’elles sont…un instant seulement avant de redevenir une utilité

au service du nécessaire faisant du temps une valeur.

Comprendre les phénomènes hystérétiques et leurs cheminements chrono

holistiques qui forment les représentations (qui font mots par le langage) et

leurs distinctions et définitions, implique qu’il faille les analyser par strates

successives en s’intéressant de façon privilégiée aux perturbations qu’une

source à pu subir et sur laquelle reposait l’équilibre d’un système.

156

La solution qui sera retenue par un système pour y remédier sera par définition

choisie dans le registre de celles qui sont en apparence les plus pratiques et si

possible les moins perturbantes de l’équilibre initial. La représentation retenue

pour résoudre le problème sera exprimée en termes d’au moins deux valeurs

absolues issues de l’expérience opérées par degré d’importance accordé aux

schèmes d’agression d’inhibition et de fuite (constantes anthropologique

phénoménologiques vitales à la téléologie de l’humanité). Devenue vivante la

représentation fera que la moyenne des valeurs absolues des écarts permettra

d’isoler l’erreur de fidélité autocorrective du système qui donnera

signification aux mots devenu ainsi apte à signifier une solution (tout en lui

donnant la valeur limite à ne pas dépasser : référant)) au problème posé par la

perturbation contingente au signe qui était initialement maîtrisé et le sera à

nouveau. Il est ainsi possible de suivre l’itinéraire dans l’histoire d’un système

et d’isoler la nature des formes cognitives dominantes qui forment ses

traditions sa culture et le choix des phonèmes qu’il retiendra pour développer

sa communication interne. L’ensemble ainsi constitué s’alimentera des

représentations les plus nécessaires provenant aussi des cultures avec

lesquelles il interagit et ceci au gré des rapports de domination, de soumission,

et d’extrapolation qu’ils établiront entre eux par complémentarité d’intérêts et

compensation de leurs points de fragilité. Ce que l’on appelle d’un terme

générique le commerce... Il ne faut donc voire dans le signe qu’un déclencheur

(Mana / Junon / alerte) de processus cognitifs dont le sens qui en résultera

dépendra de l’opérationnalité de l’appareillage du système cognitif retenu pour

son traitement et des valeurs limites qui seront accordées.

Un proverbe arabe indique l’idée forte suivante « Le fait pour un étranger de

séjourner le temps d’une lune dans une culture suffit à ce qu’il en soit

suffisamment imprégné pour faire corps avec elle ». La complexité n’est en

réalité qu’une apparence dont il faut franchir le rideau pour comprendre que le

mécanisme qui l’anime est d’une divine simplicité. Si tel n’était pas le cas le

chaos serait une constante et le diable le maître dionysiaque de plaisir

esthétiques éphémères. La trifonctionnalité dans le cadre d’une approche

trikãlienne pourrait donc bien être la clef du code que cherchaient Cassirer,

Sapir, Lévi-Strauss et tant d’autres avant nous.

De l'énoncé de ce proverbe dans l’ouvrage « in Natura non datur saltus » de

Leibniz il n’y a qu’une marche à franchir car de cette trifonctionnalité dépend

la sauvegarde de l'identité anthropologique de l’humanité et, à travers elle, de

la notion même de liberté individuelle qui nous fait contribuer à la

construction d’un Divin dont la puissance ne s’exprime qu’au plus petit de cet

logarithme discret qu’il nous a cédé au point de fragilité d’une perfection qui

ne se conjuguera dès lors qu’à l’imparfait. En cela « l'individualité suprême, de

Dieu » qu’évoque Leibniz ne pourrait exister selon cette logique qu’en co-

construction du Verbe, de la Chair et du faire avec ce logarithme discret,

157

faisant de l’Esprit le centre même de la Trinité spirituelle : « et le verbe s’est

fait chair et il a habité parmi nous ». Une autre marche à franchir à la suite de

Leibniz.

Il faudra donc refonder le concept de continuité qui permettra à Leibniz de

penser le temps de la monade comme devant être non une totale conservation

des états préexistants mais plutôt comme un ensemble trifonctionnel mémoriel

dynamiques et téléologique au barycentre non statique duquel fait sens le

Logarithme Discret pour éviter l’explosion combinatoire chaotique

intrinsèquement diabolique. « Le milieu est plus riche que le centre » disait

Teilhard de Chardin. Ce milieu dynamique « mystérieux » est le seul capable

de grappiller des parts de lumière sur la matière noire. Cette énergie spirituelle

à laquelle faisait référence Teilhard de Chardin.

La continuité est nécessaire pour rendre compte de l'itinéraire des systèmes qui

ont fait empruntes sous formes de représentations: sans le principe de

continuité, l'identité des cultures ne saurait exister, et chaque élément

individuel n'aurait d'autre principe d'existence qu'une fugacité vivace,

contribuant passagèrement à la splendeur des inconsciences qui cacheraient

des tragédies en gestation. Au jeu du tout ou rien il ne peut rester que des

cendres.

Il revient donc à la science de faire autre chose de décrire les phénomènes ou

des les interpréter à partir de Descartes, de Kant ou de Leibniz, mais tout en en

tenant compte comme dimension signifiante prendre le parti de l’explication et

si possible celui de la démonstration métrologique afin de faire consensus dans

le diagnostic pour orienter l’action possible sur le système : considérant

simplement que ce qui ne se mesure pas ne peut satisfaire qu’à

l’immobilisme ou aux dîners en ville: une forme de fuite dans le verbe

alimenté de bonnes chairs.

Qu’il s’agisse de la problématique posée par Cassirer ou des positions prise

par Simone de Beauvoir, de Marx ou d’apparentes simples décisions

concernant l’orienter d’une politique de communication en entreprise, de la

constitution d’une charte à une campagne de publicité jusqu’au relations

interpersonnelles des positionnements inconsidérées peuvent avoir des

conséquences tragiques car ce que l’on donne trop ouvertement à voir serait

bien un effet s’escamotage de ce que l’on veut cacher. Point d’enthousiasme

en paravent du point d’éclatement. La sociologie s’y est laissé prendre.

C’est à ce niveau d’éclairage que se situe la fonction des sciences de

l’information et de la communication à une époque où les domaines qu’elle

explore sont considérés comme le quatrième pouvoir par l’intermédiaire de ce

l’on appelle les masses média. Elles accélèrent considérablement le

158

phénomène représentationnel sans oublier ses boucles rétroactives que sont les

consoles de jeux et le réseau de l’internet.

De la sibylle à la sébile : jouer placé plutôt que gagnant

La conséquence d’un paradigme coenesthésique est la notion d’interprétation

qui implique le déchiffrement des représentations que, dans sa culture,

l'homme vient à produire ou à exprimer afin, par l’herméneutique de

reconnaître le sens caché sous le sens apparent que prennent les paroles, la

manifestation d'un signe, l'expression humaine d'un geste ou d'un mot. On

devrait d’ailleurs à ce stade plus parler d’indication que de signe. Le signe

venant de l’extérieur du système, l’indication étant la conséquence d’un signe

précédemment traité par le système : une trace mémorielle nécessitant une

interprétation que l’on affectera schématiquement à un symbole mais qui est

en réalité sibyllin. Tout le savoir faire de la sibylle consistera à proposer selon

la provenance du signe une « indication » du complémentaire possible au point

de fragilité par l’intermédiaire du mythe pour aider à la décision : concernant

l’apathie d’un système elle fera référence aux légendes pour le sortir des

torpeurs de l’incertitude, par le conte elle répondra aux questions relatives à la

connaissance et par le mythe pour inciter les décisionnaires à cartographier les

possibles. Jouer gagnant c’est savoir qu’aucun système trifonctionnel n’est

maîtrisable à partir de ses trois sommets simultanément en sorte qu’il est

préférable d’accorder les complémentaires représentationnels. Une stratégie

gagnante en jouant placé. C’est précisément ce que révèle le théorème de

« L’infernale trinité ».de Mundell.

Le triangle infernal : pour une économie de l’effort

Ce chemin de traverse emprunté par le biais de l’économie nous permettra

certainement de mieux comprendre ce qu’est ce jeu gagnant de la sibylle car la

problématique qui est fondamentalement posée à elle par ceux qui la

questionnent consiste finalement à développer un système expert de

visualisation des risques humains à l’intérieur de la trifonctionnalité.

Au demeurant la problématique posée est simple à la condition sine qua non

d’abandonner en amont les raisonnements linéaires dichotomiques

traditionnellement utilisés qui sous-entendent un idéal de stabilité et

entretiennent l’espoir illusoire d’une solution unique.

En revanche une approche triadique permet d’accroître le niveau d’expertise.

Cette approche offre l’avantage, avec un regard neutre, de situer précisément

(mesurablement) les rapports de prédominance qui s’exercent entre les trois

sommets clairement identifiés sur une problématique préalablement cernée.

Chacun des trois sommets est défini par une des trois constantes du système

159

trifonctionnel dumézilien. Ainsi les espaces d’interventions (ou postures de

communication) peuvent être nettement répertoriés, dénommés (3 espaces

sommets, 3 espaces zones (issus des interactions entre les sommets) ainsi

qu’une zone centrale d’équilibre entre sommets et zones. On raisonne alors en

surface cartographiée dans la plénitude du programme de notre structure

cognitive (tripolaire et trifonctionnelle et non bipolaire et dichotomique : le

champ de vison sur la problématique concernée est multiplié par trois).

Cette vision (au stade d’intuition) est celle dont est issue le théorème de

«l'impossible trinité», travaux de Gottfried Haberler (1937), Robert Mundell,

(1952) et de l'économiste italien Tommaso Padoa-Schioppa (1987)). Elle est

illustrée par un triangle équilatéral, appelé « triangle d’incompatibilité » dont

les trois côtés représentent trois objectifs, respectivement l'autonomie de la

politique monétaire, la stabilité du taux de change, l'intégration financière. Les

trois sommets correspondent, A à l'autarcie financière (pas de mouvements

internationaux de capitaux), B au flottement «pur» (sans interventions des

banques centrales), C à l'arrimage rigide du taux de change (changes fixes et

«.super-fixes.»).

Cette représentation illustre l'impossible réalisation simultanée des trois

objectifs. En revanche, si l'un est abandonné, les deux autres deviennent

réalisables. Par ailleurs, si l'on se situe vers le sommet A (faible mobilité des

capitaux), on peut prétendre à la fois à une politique monétaire autonome et à

la stabilité des taux de change. Si, par contre, on est proche de la base du

triangle (forte intégration financière), les autorités ne peuvent réaliser

simultanément les deux objectifs précédents. À proximité du sommet gauche

(B), c'est le flottement qui permet d'avoir à la fois l'autonomie de la politique

monétaire et la stabilité des changes. En revanche, à proximité du sommet

droit (proche de C), c'est l'arrimage rigide (changes fixes, caisse d'émission,

dollarisation) qui permet de concilier intégration financière et stabilité du

change.

Cette configuration (polarité et résultantes) économique est en tous points

conformes à la constante trifonctionnelle sur laquelle nos recherches et

découvertes ont portées depuis 25 en non sur l’économie mais sur la

communication. En sorte que nous sommes ici en présence d’une congruence

interdisciplinaire fondatrice d’une recherche fondamentale de nature

phénoménologique. Elle remonte les degrés d’échelle des formes : cognition,

représentation, sémiotique, communication dans la négociation, management,

gouvernance, structure des organisations dans le changement, inter culturalité

et inter cultualité, grands systèmes économiques et politiques.…. Une même

constante trifonctionnelle régit l’ensemble et rend cartographiable en

anticipatives les conséquences des interactions. C’est là l’objet même de la

science.

160

Ainsi en raisonnant simplement par groupe tétraédrique, puisqu’il y a

congruence d’un triangle à un autre, la configuration 3D permet, en

interconnectant les points nourriciers de chaque face, de définir la

configuration de la triangulation interne mais aussi son orientation dans le

volume occupé. Il est donc possible de rendre compatible le triangle

d’incompatibilité en raisonnant par interactions volumétriques. En sorte que si

j’affecte une valeur chromatique dominante à partir des trois couleurs

primaires à chacune de 3 des 4 faces de notre tétraèdre, la logique chromatique

me donnera aussi la couleur du point de départ nourricier du triangle au sein

du tétraèdre vers sa sortie, lequel point de départ permettra de déduire la

couleur complémentaire à apporter tout en situant la zone de risque potentiel et

en indiquant à partir de quel sommet intervenir sur le triangle le plus concerné

et ceci en fonction d’un modification prévisible des flux (probabilité traitée au

sein de la gestion dans l’incertain de la mobilité des flux à horizon immédiat).

Une question de spectrométrie et de probabilités dans la trifonctionnnalité

constructale.

Les inputs sont détectables au travers de substrats aisément classables parmi 7

attitudes et d’en déduire l’output d’images ou de représentations par l’attitude

complémentaire de régulation à apporter à la configuration centrale. Cet output

sera destiné au sommet du triangle le plus immédiatement concerné par le

risque : « car il est phénoménologiquement impossible de maîtriser trois

sommets en même temps ». Une loi de d’adaptation des formes aux flux peut

alors être dégagée.

L’espoir est donc de concevoir à terme un système expert 3D généralisable,

par une authentique synergie interdisciplinaire, extensible et configurable aux

problématiques économiques, sociétales, communicationnelles (marketing),

culturelles, cultuelles et politiques (même constante des causes même

constante d’effets : seules les dénominations des typologies changent en

fonction des points topologiques d’investigation)

A titre d’exemple : la normalisation internationale des systèmes bancaires,

malgré toutes les contraintes mises en place autour du concept de transparence

/ confiance, vient de démontrer que ce ne sont pas les appareillages qui évitent

les risques mais bien la prédominance d’une ou deux formes cognitives

dominantes non contrebalancées intellectuellement, culturellement et

cultuellement qui sont à l’origine des risques. Ainsi, accessoirement, le

système global a-t-il incité à la frilosité les banques arabo-musulmanes à

développer une logique « halal » du crédit immobilier pourtant cohérente avec

particularités économiques locales. Cet atout cultuel déterminant aurait bien

pu, si on lui avait accordé un regard plus ouvert, être le contre-balancement

mondial aux dérives du capitalisme chrétien …. Dérive de la pensée

analogique et logique au détriment de la pensée normative (finalité), générant

161

des pertes de sens que tous vont devoir réguler. En sorte que traiter des risques

des banques arabo-musulmanes à partir du paradigme capitalistique

traditionnel des risques a eu pour effet non de les limiter mais bien d’accroître

le risque global à partir d’un seul paradigme cognitif dominant. Un dominant

sans point de régulation au niveau du signifiant. On retrouvera des rapports

similaires concernant certains accidents d’avion, les pandémies alimentaires, et

quasiment dans toutes les catastrophes industrielles etc.….

Pour cette raison le terrain bancaire doit être vu comme étant un moyen

d’investigation et d’analyse (parce que la métrologie y plus pertinente

qu’ailleurs) et non comme la destination de la découverte concernant la

conception d’un système expert 3D trifonctionnel constructal de situation des

risques. Cette recherche phénoménologique vise plus à situer mesurablement

par anticipation le champ cognitif et communicationnel au sein duquel le

risque est, ou, devient potentiel, plutôt qu’à mettre en place une batterie de

contraintes techniques sur un terrain donné à partir de risques déjà identifiés.

Eviter l’endormissement sur la confiance en des outillages qui ne sont en

réalité que garants d’éviter à ce que les erreurs non anticipées d’hier se

réitèrent.

Le « triangle d'incompatibilité » de Mundell, est aujourd'hui universellement

reconnu qui exprime pour nous l’heureuse impossibilité que puisse être

maîtrisés de façon simultanée et solitaire les 3 sommets de la triangulation.

Tout comme il en a été de la démonstration faite sur le plan cultuel. C’est en

fait aussi le caractère rassurant du théorème de « l’impossible trinité » dont

l’infaisabilité fait obligation de justifier d’un choix et ceci non en fonction

d’une doctrine ou d’une position dominante toujours éphémère. Une seule face

ne peut tenir à elle seule la pyramide tétraédrique ou un ensemble

trifonctionnel, sauf le sommeil. Cette trinité ne peut être qu’ouverte en 3D sur

la pensée anticipative : choisir entre les risques les compensations les plus

faciles à obtenir pour qu’ils ne se produisent pas. Une question de cartographie

des interactions, de choix de leviers et de synergie à partir desquels la seule

difficulté qui restera sera celle d’inventer des médailles pour ceux qui ont fait

que rien de ce que l’on n’aurait de l’intérieur imaginé voir se produire ne s’est

effectivement pas produit !

Perspectives et méthode d’une approche trikãlienne 3D

- 1. Cadre et contraintes

Quelque soit le niveau de puissance et d’expertise des instruments d’analyse et

de prévision dont bénéficie une organisation, leur capacité d’anticipation

dépend pour l’essentiel de la nature du regard que portent sur eux les hommes

qui reçoivent l’information, du paradigme institutionnel de ceux qui en feront

162

usage et du niveau de lisibilité de l’environnement au sein duquel l’ensemble

évolue.

Plus un système humain se complexifie, plus sa culture s’enracine dans des

traditions qui ont fait son succès. Ce serait donc illusion que de se fonder sur

ce qu’un système donne à voir pour espérer en isoler les facteurs de risque. Si

tel pouvait en être le cas on ne révélerait rien d’autre qu’une composante

défensive inhérente à toute culture et ceci en invitant à emprunter une

mauvaise direction de recherche phénoménologique. En effet c’est à partir du

point de captation des flux et entre celui du transfert d’une valeur ajoutée en

production que se constitue la forme structurelle théoriquement optimale d’une

organisation par rapport aux besoins extérieurs qu’elle a pour objet de

satisfaire et ceci en fonction de la pérennité envisagée du système dans ses

relations de cohabitation avec l’ensemble. Tout cela fait que la réalité d’une

organisation n’a pas pour finalité la stabilité interne de son système

(perspective centrifuge) mais celle de sa place et de l’espace qu’elle occupe

dans l’environnement avec lequel elle interagit.

Cette logique économoéthique (liant l’économique, le social, l’écologie et

l’éthique) permet de conclure que plus une organisation privilégiera sa

satisfaction interne plus elle mettra en place des sous-systèmes capables

d’occulter les perturbations extérieures. Donc plus la culture d’un système se

complexifie, plus l’expression culturelle a des chances de fournir des

représentations favorables à l’enfouissement ou à l’expulsion de la

perturbation. En sorte que l’élévation du niveau de satisfaction interne croit

proportionnellement à l’abaissement du niveau de conscience du risque, le tout

en fonction du niveau d’abaissement de la conductivité des ses réseaux de

relation par rapport à la densification (masse divisée par le volume) de

l’information

2. Posture épistémologique

Les récentes découvertes effectuées ont mis au jour une totale congruence de

formes entre cognition, communication interpersonnelle, communication en

groupe et pédagogique, communication organisationnelle et managériale,

communication interculturelle et inter cultuelle dans le changement. Outre

cette cohérence téléologique chaque ensemble contextualisé est

métrologiquement et intellectuellement aisément appréhendable par les

attitudes langagières, scripturales et iconiques à l’aide desquelles une

organisation formule ses intentions.

Cette recherche a permis d’isoler un modèle trifonctionnel septemvir

(intervention de trois schèmes qui génèrent sept vir viri (néologisme issu du

latin : qui embrasse sept espaces qui définissent ce dont il s’agit) constant et

163

validé par de nombreux pressentis interdisciplinaires notamment philologiques

autant que par son transfert en applications pratiques au sein d’organisations

nationales et internationales.

La mise en contact, dans un champ d’interactions préalablement cerné, des

barycentres de chacun des trois modèles trifonctionnels septemvirs, permet

non seulement d’isoler l’identité d’un système organisationnel (7 puissance 3

représentations) mais plus encore d’anticiper son évolution en définissant des

stratégies communicationnelles et managériales capables de le maintenir sur

l’axe économoéthique de sa mission. Donc, par déduction logique, d’estimer

les zones d’exposition à des risques potentiels, d’anticiper et de mettre en

place les réponses structurelles à apporter pour les endiguer.

- 3. Données et perspectives

Le modèle retenu permet de rejoindre les travaux en thermodynamique des

formes conduits avec succès par le laboratoire de l’Université de Duke, dirigé

par le professeur Adrian Bejan (qui reconnaît la validité de notre approche et

nous accompagne dans notre démarche) qui est à l’origine de la théorie

constructale qui révolutionne la recherche dans de nombreux domaines

d’application concernant la structuration des formes : cela va de la

climatologie en passant par la construction des villes et des ordinateurs jusqu’à

celles des poissons et des insectes : l’ensemble étant régi par une même loi

constante. La théorie constructale est aussi une ouverture qui intéresse le

champ de la philosophie actuelle.

L’approche trifonctionnelle constructale en communication ne pose plus gère

de difficultés fondamentales sur le plan holistique et bi dimensionnel, ainsi que

dans la cartographie des possibles hystérétiques et ceci quelque soit le domaine

concerné. En revanche le passage de la recherche fondamentale à la recherche

appliquée, généralisable, implique la mise en place de moyens à la hauteur des

attentes des organisations et des publics concernés mais aussi de des

prétentions de financement nécessaires au développement des recherches de

notre laboratoire.

Concernant la problématique de la prise en compte par anticipation des risques

industriels au sein d’un système organisationnel, la rhétorique sémiotique

trifonctionnelle et l’expertise sur laquelle elle prend appui autorisent, avec une

certitude suffisante, de retenir comme plausibles les données suivantes :

- Sans une répartition bipolaire des tâches entre le système de liaison et

le système d’information, préalable nécessaire à l’évitement des bugs

qui rendent impossible l’analyse d’un signe au point critique de son

traitement (assimilable à un algorithme explosif qui fait obligation de

164

réflexion commune entre les organes de liaison et d’information), tout

système devient chaotique et expose l’ensemble concerné à des risque

majeurs.

- L’équilibre de vigilance d’un système est incompatible avec une

démarche centripète de satisfaction et de polyvalence fonctionnelle de

ses réseaux relationnels et informationnels. Le travail au point de

contact entre le réseau de relation et celui de l’information est par

essence de nature « difficile ». Cette caractéristique marque la

frontière entre les perspectives intérieures de vie d’une organisation et

celles qui concernent l’extérieur.

- La lucidité, seule capable d’anticiper une solution à un risque potentiel

d’un signe émergent, ne peut être obtenue qu’au barycentre de la

trifonctionnalité qui doit exclure a priori toutes approches cartésiennes

dichotomiques ou morales dont les raisons d’être se situent pour

l’essentiel à posteriori.

- Pour que la synergie fasse son œuvre de façon optimisée, elle doit

mettre en mouvement des formes cognitives qu’elle ira trouver à

l’opposé de celles traditionnellement utilisées dans les habitus. Prise à

temps une bonne solution est toujours celle qui rendra les choses plus

faciles et ceci à tous les niveaux de l’action.

- On doit entendre par signe ce qui a trait à la plus petite variation

intervenant sur un phénomène habituellement identifié comme normal.

Lorsqu’il apparaît en amont, le signe agit en tant qu’alerte sur le

système de liaison, et concerne en aval le système d’information et de

liaison: une détérioration du champ de vision à ces deux points (en

réalité 3) peut donner naissance, lorsqu’il y a antinomie entre le

système de relation et d’information (massification de la mémoire

interne du système), à des signes internes. Nous ne sommes plus alors

en présence d’une alerte mais d’une alarme.

- 4. Objectif

C’est donc à partir des points d’entrée et de sortie des flux qu’une réponse

appropriée à une variation de l’un ou de l’autre permet d’anticiper la forme

future d’une structure. Une forme nouvelle émerge toujours au point le plus

fragile d’un système. C’est de sa capacité à répartir au mieux les flux qui la

traverse de la façon la moins contraignante possible qu’une organisation

construit les formes les mieux adaptées à l’anticipation de ses risques

potentiels. Le risque entre alors dans l’ordre naturel des choses et non comme

un anachronisme à expulser. C’est la perception proactive du risque qui rend

165

le système intelligent et non sa capacité à colmater rétroactivement les erreurs

passées.

L’objectif donné à ces développements est l’élaboration d’un système expert

de visualisation des cultures organisationnelles prenant en compte trois

dimensions concernant: le réseau de relation, le réseau d’information et le

réseau des flux. Cette construction doit permettre de situer leurs formes

représentationnelles (schéma corporel orienté), d’en isoler les atouts au contact

des flux ainsi que d’en déduire les zones de fragilité afin d’y apporter les

correctifs économoéthiques nécessaires.

- 5 Mesurer

Parler la mesure c'est alors présupposer qu'une lecture de ce qui est vu, lu ou

entendu relève de constantes identifiables aisément pour que le sens en soit

appréhendable et puisse entrer dans une catégorie et au mieux être

cartographié. Cette fonction essentielle de la science consiste à partir d’une

cause patente d’en anticiper les effets afin de pouvoir espérer canaliser

l’ensemble vers la réponse la mieux appropriée (qui est souvent la plus

économique en énergie. Le point de fragilité est définissable par la mesure. Ce

point est souvent caché par la culture qui donne à voir le feu des paillettes pour

ne pas en délivrer la source.

Si j’en suis, donc je peux le penser

C’est à partir de ce point de fragilité que le fonctionnement de l’ensemble d’un

système peut être compris. Il faut toujours aller voir ce qui se cache derrière

les Merlins de l’enchantement.

Là se situe le seul centre d’intérêt par rapport au reste qui ne relève que de la

description taxonomique voire de l’exotisme. L'intuition élémentaire qui fonde

communément la pratique de l'interprétation donne donc droit, corrélativement

à un mode d'existence du symbolique par rapport au réel à ce que toutes

représentations fussent appréhendables par le biais d’un présupposé archaïque,

conséquence de la triade primaire anthropologiquement constante d’agression,

d’inhibition et de fuite générant les totems, tabous et extasiants. Ainsi en

situant la représentation qu’on me donne à voir pourrais-je être en mesure d’en

détecter le manque à combler à son opposé, moteur du système concerné. Pour

cela il convient de s’extraire des approches culturalistes qui considèrent

comme fermement hermétique l’accès à toutes cultures étrangères à sa

naissance ou à son éducation. Or la biologie moléculaire nous a largement

démontrée que les nuances superficielles étaient insuffisantes à constituer des

races au sein de l’humanité tant et si bien qu’il ne peut qu’en être de même des

approches psychosociologiques tant il est vrai que préférer jouer certaines

cartes ne signifie nullement nous soyons dépourvu du jeu complet. Puisqu’en

166

tant qu’homme je suis fondé potentiellement à être de toutes les cultures. Je

peux les penser dans l’absolu à condition de me situer hors toute dualité

comme le préconisait Sankara, nom célèbre de la spéculation indienne du

début du VIIIe siècle et premier grand commentateur des Vedanta ou Brahma

Sutra de Badarayana.

Le texte qui suit et qui décrit cette pensée majeure est de Anne-Marie Esnoul,

Directeur d’Etudes honoraire à l’Ecole pratique des hautes études (Ve section).

« L'advaita, dont le nom signifie « non-dualité », est une des doctrines

majeures de la philosophie indienne, et la forme la plus répandue de la

philosophie dite Vedanta, aboutissement du Savoir par excellence. Les

advaitavadin sont ceux qui professent la doctrine selon laquelle il n'existe en

vérité absolue qu'un seul Être, infini et éternel, sur la réalité foncière duquel

reposent toutes les réalités manifestées dans l'univers. Cet Être s'appelle

Brahman (nom neutre) ou Paramatman, « soi-même suprême ». Le soi-même

(atman) de l'homme, c'est-à-dire sa réalité essentielle - qu'on doit distinguer du

sentiment du moi (ahankara), notion inférieure parce que limitée à l'existence

empirique temporelle - n'est autre que le Paramatman. Il en est de son

incorporation dans la condition humaine comme de celle de l'eau de l'océan

dans une cruche qui s'y trouve plongée : quoique délimitée temporairement par

les parois, l'eau de la cruche est toujours celle de l'océan. Par la connaissance

(jñana), l'homme découvre que son substrat permanent d'existence est l'Être

universel unique et obtient la délivrance (moksa) des délimitations de la

condition humaine qu'impose l'engagement dans l'ensemble des

représentations mondaines multiples et fugaces, prises à tort pour la réalité

ultime. Triade : Brahman : Abraham (unité totémique), ahanchara

enchantement (extasiant, ou fuite de la réalité), paramatman (pananormal :

transcenfance paraphrénique - affabulation, Tabou)). »

L’approche trikãlienne : franchir le paradigme traditionnel

La difficulté fondamentale en sciences humaines face à une problématique est

pour beaucoup celle de la représentation même que nous nous faisons du

problème. Entendons par là l'interprétation que l'on fait des différentes

composantes du problème, laquelle va déterminer le domaine à l'intérieur

duquel se fera la recherche de la solution : la position cognitive de départ La

représentation du problème est constituée par les informations que l'on prend

en compte dans les données du problème qui constituent la situation de départ ;

les actions ou transformations de la situation que l'on considère comme

possibles ; l'objectif que l'on se fixe.

Tout changement dans l'interprétation de ces composantes produit un

changement dans la représentation du problème. Ainsi, on peut s'apercevoir :

que l'on n'avait pas pris en compte une information ; qu'il est possible de se

donner un but intermédiaire et par là de se fixer comme objectif, dans une

167

première étape, de l'atteindre et de remettre à plus tard la recherche du but

ultime. Fréquemment on prend conscience que l'on avait interprété et parfois

de façon trop restrictive les possibilités de déplacement. Une forme d’auto

censure. Il faudra alors opérer le passage vers une forme cognitive plus

adaptée. Changer de point de vue ou lire plus simplement les données initiales.

Considérons, par exemple, le problème suivant : on a neuf points disposés en

carré, l’exercice consiste à joindre tous ces points sans lever le crayon et en ne

réalisant que quatre segments de droite sans lever le crayon de la feuille de

papier. Dans une proportion très importante les solutions varieront autour de la

production suivante :

Cette réalisation montre qu’au lieu de prendre en compte de façon neutre les

données initiales on a une tendance naturelle à les interpréter et dans ce cas

dans les termes suivants : « J’en déduis qu’il faut donc que je relie les

extrémités des segments par des points ». C’est ainsi que l’on « cadre »

immédiatement la solution dans un champ limité. La logique déontique est

l'étude formelle des énoncés comportant des expressions comme « il est permis

de », « il est interdit de », « il est obligatoire de », « il est facultatif de ». En ce

cas, on trace des segments qui restent à l'intérieur d’un carré imaginé et l’on

s’aperçoit très vite après quelques échecs infructueux qu’il n'y a pas de

solution avec cette façon d’opérer. C’est typiquement cette démarche qui a

consisté en sémiologie à mettre le signe au centre du système et à exclure du

champ d’investigation le rôle prédominant des flux qui donnent forme à un

système. Ainsi au lieu d’en revenir aux réalités anthropologiques archaïques

pour analyser à nouveau les données et prendre une meilleure direction de

recherche on a préféré faire appel à des valeurs imaginaires telles que la

capacité d’autonomie créative non déterminée d’un système faisant que de la

multitude jaillirait du système un sens, conformément aux théories de Darwin

et de Comte. On ne fera qu’enliser le problème jusqu’à faire de la complexité

un mythe que seul le prosélytisme talentueux de quelques philosophes

médiatisés arrivaient à faire passer pour une discipline…bien évidemment

scientifique. Mais revenons à notre « petit » exercice. Au bout d'un certain

168

nombre d'essais infructueux, plutôt que de considérer l’exercice comme

irréalisable il fallait remettre en cause l'interprétation que l’on se faisait des

données et contourner son cadre mental car il suffisait que les points soient sur

le segment. On peut alors procéder à un nouvel essai dans lequel on prolonge

les segments à l'extérieur du carré imaginaire et alors on peut aboutir à la

solution, comme ci-dessous. On prend alors conscience, à partir de ce type de

problème, de la nécessité d’objectiver les données, ce qui implique d’adopter

une forme cognitive différente.

Le monde des représentations s’inscrit dans l’univers de l’abstraction qui

élargit la logique déontique en opérant un travail structurant et

progressivement synergique. C’est à partir des représentations que

l’abstraction exerce son emprunte sur la matière dans un mixte entre les trois

cerveaux :

- cerveau de l’intelligence,

- cerveau des émotions,

- cerveau reptilien.

Selon une recherche par étapes distinctes :

- prise de conscience de l’importance d’un phénomène,

- localiser l’origine du phénomène, déterminer les causes,

- estimer les conséquences des effets de ces causes sur le système

concerné,

- identifier et intégrer le phénomène dans un cadre logique, rationalisé,

1

2

3

4

169

- appréhender les solutions possibles.

- expérimenter les solutions,

- Proposer leur mise en application dans la réalité.

Avant une éventuelle intégration par le système qui avant cela procèdera au

mieux de la façon suivante :

- analyse de la situation existante,

- définition de la situation idéale escomptée

- détermination des besoins,

- définition de l’objectif à partir des solutions possibles,

- choix dans le répertoire des solutions et contenus les plus pertinents,

- conception du programme

- sélection des moyens,

- réalisation,

- contrôle.

Dans l’idéal l’ensemble peut être compris comme étant une cognition

cybernétique si les parasitages de l’émotion et des intérêts catégoriels ou

carriéristes ne viennent à faire contresens.

Les processus cognitifs sont mis en œuvre à partir des orientations sociales

nécessaires à la gestion optimisée des flux et des problématiques que pose sa

captation. Ils correspondent à une logique de construction par idéation,

conceptualisation, classification, modélisation. Ainsi les représentations

peuvent constituer des lignes cohérentes de signes respectivement d’idéation

(signifié ou représentations mentales : production d’idées empiriques) et

d’idéalisation (signifiant ou vérités révélées ou vérifiées sur fond de vertus) et

la rationalisation à l’intersection desquels se situent et se déclinent les signes

qui prennent forme de symboles lorsqu’ils font pertinence stratégique de sens,

c’est-à-dire lorsqu’ils sont convergents des flux et capables d’en optimiser la

gestion. On parlera alors de pensée, structurée par un langage, une langue.

Sur ces sujets les débats sont encore vifs aujourd'hui entre partisans et

adversaires de ce que l'on appelle « l'hypothèse Sapir-Whorf » (du nom des

deux linguistes américains Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf), qui

affirmaient que, loin de refléter et d'enregistrer passivement une organisation

préalable de l'univers, les langues sont au moins en partie responsables, par

leurs découpages lexicaux, de cette organisation, imposant corrélativement à

leurs utilisateurs une certaine « vision du monde ». Quoi qu'il en soit de l'issue

de ce débat, il a le mérite de mettre en évidence le fait que les langues

construisent le monde en même temps qu'elles le décrivent ; et que les signifiés

ne sauraient être décrits indépendamment du système dont ils font partie, telles

les mailles de cet immense filet que chaque langue projette sur le monde. Un

170

lexique, nous dit Saussure, n'est pas une nomenclature, mais une structure ; le

sens d'un mot est une valeur différentielle, entièrement déterminée par la place

que ce mot occupe au sein d'un réseau de relations mutuelles. Nous ajouterons

que l’ensemble est déterminé par les relations qu’un système établit avec ses

flux. Formulation de la phonologie que structurera Jakobson de la façon

suivante (dont nous nous sommes simplement contenté, pour plus de clarté de

lecture, d’en inverser sur la base les deux sommets, sans toucher au contenu

d’ensemble) que nous mettons en rapport à notre schéma initiale de

configuration triadique du fonctionnement de la machine de von Neumann:

171

TRIKÃLA PHONOLOGIQUE

Les grandes lignes mises en évidence par le modèle de Jakobson sont

confirmées par toutes les observations et correspondent bien à la réalité

structurale des faits linguistiques. En particulier, il confirme que les deux

triangles consonantique et vocalique, sur le plan paradigmatique, se

développent bien selon le principe d'opposition maximale formulé par

Jakobson. Position qui est conforme à la nôtre opérant la distinction

Non voisé canal fermé

Organe de commande

Unité arithmétique

et logique (UAL)

Voisée canal ouvert Compact énergie forte

Consonne orale optimale

Mémoire centrale

Organes d’entrée

et de sortie

Sens

Axe consonantique des tonalités Aigu Grave

Voyelle d’arrière ou voyelle d’avant

Diffus énergie

faible

Consonnes

voisées

g

d b

Axe volcanique

des sonorités

Signe enfant

m

p k

t

u i

a

1

2-3

4

5 6

7*

7*. Après les occlusives /p/, /t/, /k/, les

fricatives ou constrictives apparaissent

chez l'enfant : /v/, /f/, /z/, /s/, /j/, /ch/. Ces

dernières sont perdues chez l'aphasique

avant les premières. Il existe des langues

dépourvues de constrictives, mais aucune

n'ignore les occlusives.

-0

172

fonctionnelle dans tous systèmes communicants entre organisations des

liaisons et organisations de l’information. Sur le plan syntagmatique, les

débuts du langage chez l'enfant font se succéder les phonèmes les plus

distincts possibles, selon un principe de contraste maximal, du moins à

l'intérieur de la syllabe. Au contraire, entre syllabes successives, il y aurait

tendance à l'assimilation.

Il est intéressant de constater la totale congruence de notre approche

trikãlienne tant au plus simple de la configuration trifonctionnelle de la

logique de la machine de von Neumann qu’en extension aux domaines plus

complexes tels que la phonologie, l’économie, les formes organisationnelles et

cultuelles jusqu’au plus petit de la communication inter personnelle. Cette

congruence du modèle théorique est un des critères de validité pris en compte

pour considérer qu’une théorie puisse être qualifiée de scientifique. Ce constat

est d’autant plus fort que le cheminement de structuration du langage figurant

dans le schéma de Jakobson ci-dessus correspond assez précisément au

processus d’élaboration de la cognition ainsi qu’à celui qui régit l’ensemble

des communications selon notre approche trikãlienne concernant le traitement

d’un problème lorsque le système est en alerté. La Théorie constructale

trikãlienne des communications s’avère donc fondée, cohérente et exploitable

aisément tant sur le plan des ouvertures de recherche ultérieures que sur le plan

de la mesure et de ses nombreuses applications pratiques. Elle permet grâce à

son caractère métrologique et cartographiable de partir de l’analyse pour

aboutir à la construction de plans stratégiques jusqu’à l’accompagnement du

suivi et de l’évaluation en phase opératoire ainsi que dans l’audit.

En dernier lieu et dernière congruence, si l’approche phonologique de

Jakobson permet une répartition triangulaire reconnue des phonèmes, sa mise

en rapport à notre approche trifonctionnelle cognitive rend alors possible une

appréhension augmentée du processus d’apprentissage du langage chez

l’enfant, en d’autres termes d’analyser quel est le mode opératoire qu’il utilise

pour configurer sa mémoire centrale : entre mémoire anthropologique

(mémoire morte) et mémoire vive (au sein d’un milieu culturel donné). Au

stade natal il s’avérerait bien que l’enfant se comporte comme un signe

notamment en ouvrant dans les premiers instants de sa vie les yeux en

direction de sa mère et de son père. L’enfant cessera progressivement de se

comporter en signe au fur et à mesure qu’il progressera dans sa capacité à être

alerté de l’extérieur et à faire face par lui-même aux signes sans devoir

systématiquement passer par un intermédiaire. Par le jeu de l’éducation il

prendra place au contact des flux communautaires. On peut conclure alors que

l’enfant soit complètement intégré culturellement dès lors qu’il cesse d’être un

signe pour son entourage, au point que l’ensemble communautaire peut à

nouveau se concentrer sur les signes extérieurs. Ainsi le « signe enfant » doit

faire appel au signifié parental pour la compréhension des signes extérieurs,

173

lui même étant étranger à tout autre signe que lui-même au premier stade de

l’assimilation.

Il en est de même de l’écriture qui apparaît pour la première fois 1700 ans av.

J.C. chez les minoens (la crête linéaire numéro un) à l’âge du bronze avec

l’essor de circulation des matières premières. Cette écriture se limite à la

description par des dessins (signes) épurés des objets afin de rédiger les

tablettes commerciales. Rien d’autre qu’une affaire d’utilité montrant s’il en

est encore besoin que l’écriture ne peut provenir d’un système fermé, par

définition assez hermétique aux signes autres que ceux qui viennent perturber

les habitudes. Les développements seront une affaire d’assimilation pour

transmettre une complexité plus grande : une culture qui passera par un

préalable, la rédaction du droit commercial.

Comme on vient de le voir, bon nombre d’approches précédentes à trop

vouloir unifier les choses à partir d’une posture idéaliste en sont arrivées à

distendre certains leurs concepts jusqu’à en faire des cénacles d’initiés dont

l’objet réel est moins d’aboutir à une solution qu’a prendre une position visant

foncièrement à la reconnaissance par ses paires : des parades.

Les critères de validité d’un concept en science de l’information et des

communications

Pour qu’une théorie ou des concepts puisse être pertinents dans le domaine des

sciences interdisciplinaires des de l’information et des communications, un

certain nombre de critères de signification doivent être présents :

- Critère d’identification et de différenciation. A partir de l’ensemble concerné

par le champ d’observation, avoir identifié des caractéristiques structurales

premières et différenciées, généralisables et synthétiques.

- Critère anthropologique et ethno psychanalytique. Les formes évolutives que

prennent les systèmes modernes en communication tiennent compte de

l’influence de traits ancestraux. Chercher dans la mesure du possible si le

phénomène analysé a déjà fait l’objet d’observations et de conclusions dans

des disciplines connexes. Plus loin le concept fera remonter sa cohérence et

plus il y a de certitudes que meilleure sera sa congruence. On pourrait dire que

tant qu’un phénomène n’a pas été repéré à l’état fossile (paléo anthropologie)

aucune conclusion sérieuse ne peut entrer a priori dans un cadre

authentiquement scientifique.

- Critère systématique. Un phénomène communicationnel est toujours la

conséquence et l'expression des précédents qui enrichissent la mémoire

collective d’un système. Evolution chrono holistique hystérétique. Pour être

analysable le phénomène communicationnel doit être contextualisé pour être

174

en mesure d’en extraire ce qu’il peut avoir de profondément original et de

distinct par rapports aux groupes les plus voisins auxquels il est lié. Toutefois

une large séparation peut être réalisée à partir d’un travail philologique et

sémantique de définitions et de qualificatifs les moins possibles sujets à

interprétations dans l’affect. La systémique passe par la création d’un modèle.

- Critère économologique. (Liant écologique, éthologique, ethnologie et

économie). En principe, le groupe devrait perpétuer, au moins en partie, des

caractéristiques écophysiologiques et éthologiques (comportementales)

primitives, dans la mesure, en particulier, où il est écologiquement inféodé à

un habitat très conservateur, peu variable.

- Critère cartographique. Tout concept élaboré en communication à partir d’un

questionnement sur l’être relève de la représentation romanesque. Tout

concept posé à partir d’une posture philosophique restreint aux deux tiers le

champ de vision de l’analyse tout en optimisant le tiers restant.

L’enthousiasme risquant d’ouvrir sur l’illusion, les vérités énoncées doivent

être comprises comme des alertes et non comme des consignes susceptibles

d’engager des développements à terme suffisamment probants quand bien

même fussent-elles illustrées par des diagrammes statistiquement valides. Le

caractère épistémologiquement dichotomique et moral des diagrammes en

sciences humaines est conforme à la restriction que nous venions d’énoncer.

La sortie de ces allégorèses est honnêtement possible à partir de la

construction d’un modèle trifonctionnel modèle trifonctionnel septemvir

(intervention de trois schèmes trikãliens qui génèrent sept vir, viri (néologisme

issu du latin : qui embrasse sept espaces qui définissent ce dont il s’agit)

constant et validé par de nombreux pressentis interdisciplinaires notamment

philologiques autant que par son transfert en applications pratiques. En opérant

ce travail au niveau sémiostylistique tant concernant l’émetteur, le récepteur

que sur l’objet d’une communication et en interconnectant les composants

isolés au sein des trikãlas, il devient dès lors aisé de cartographier les possibles

et de situer une problématique dans ce cadre. Au plus large le raisonnement

s’effectue en trois dimensions dans un rapport de 7 puissance 3 (résultat au

demeurant légèrement supérieur au nombre de phonèmes répertorié dans le

monde entier). Insérées dans ce cadre trifonctionnel constructal et stratégique

les outils cartésiens, les démarches philosophiques voire épistémologiques

prennent alors la place qui leur revient pour constituer, jusque dans une

dimension romanesque, des représentations en science de l’information et de la

communication cohérentes et diffusables. Le cadre de l’approche trikãlienne

évite aussi les démarches prosélytes incompatibles avec la diffusion de la

science.

- Critère métrologique. Mesurer est la caractéristique d’une phase précise,

conséquence de tout ce processus mental qu’est l’analyse. Mesurer implique

d’en rester au niveau des faits sans aucune évocation des causes qui auront au

175

préalable été décelées de façons suffisamment pertinentes et constantes. La

mesure permet de rendre possible l’interprétation, l’inverse relevant du talent

par définition idiosyncrasique entrant alors dans le cadre des rituels de pensée.

La mesure est une étape importante dans un processus de compréhension et

d’action qui fait surgir la signification. C’est au travers des perturbations

enregistrées par la mesure que l’on peut envisager, lorsque celle-ci est fiable,

l’existence de facteurs complémentaires à prendre en compte, lesquels peuvent

ouvrir sur l’identification d’autres phénomènes. C’est qu’on le veuille ou non

la mesure qui fait entrer une discipline dans une dimension authentiquement

scientifique. Qui plus est c’est un devoir gage de transmissibilité, de

transparence et de progrès. En somme une question de simple honnêteté

intellectuelle surtout dans le domaine des sciences dites souples comme le sont

celles des sciences humaines et de la communication parfois sujettes à

certaines formes de subjectivités dogmatiques incompatibles avec la vocation

universelle, donc universitaire, qui les anime.

- Critère dynamique. La théorie constructale vient de mettre au jour une loi

constante et universelle qui règle les formes dans la nature du plus petit au plus

grand (travaux du laboratoire de thermodynamique de l’Université de Duke,

dirigés par le professeur Adrian Bejan) permet en application aux sciences de

la communication de comprendre au contact des flux, à partir du modèle

trikãlien constant, les formes prises par les systèmes humains. On sait

maintenant de façon certaine qu’une modification de l’environnement entraîne

une modification de l’ensemble de son écosystème et dans le domaine humain

de son étho système (de éthologie : étude des mœurs et des faits moraux).

Ainsi par exemple concernant les espèces animales la structure particulière de

la forêt de Bornéo a donné naissance à de lézards volants, espèce que l’on ne

trouve nulle part ailleurs et qui peut vivre que dans le cadre des paramètres

précis (mathématisés) qui font la spécificité de cette forêt. Un simple

changement d’échelle et l’ensemble des espèces muteront. Pour cette même

raison, une sémiostylistique des communications doit être conçue en intégrant

les flux qui traversent un système comme étant déterminants sur les choix

structurels à opérer. En les prenant en compte il est possible de comprendre les

mécanismes de fonctionnement d’une situation initiale mais aussi d’anticiper

la forme future que prendra un système et concernant les systèmes humains

d’en éclairer, parfois d’une façon vitale, les choix. La sémiostylistique

trikãlienne est convergente de l’approche constructale. Elles font

intrinsèquement lien avec les critères énoncés précédemment.

- Critères pédagogiques. Nous le savons peu, mais le célèbre tableau de

classification des éléments chimiques de Mendeleïev qui a révolutionné

l’approche en ce domaine est du à sa volonté de présenter des données claires

et cohérentes à ses élèves qui à cette époque étaient confrontés à des difficultés

de compréhension confrontés qu’ils étaient par exemple concernant le

176

vinaigre à pas moins d’une quinze formules différentes. La dimension

pédagogique en science invite à donner une structuration cohérente entre les

concepts enseignés et parfois dans les disciplines jeunes à faire surgir de cela

une dimension phénoménologique surprenante et décisive non initialement

envisagée. C’est à ce stade et à ce stade seulement qu’une science entre dans le

domaine public, celui de son utilité. Elle quitte la dimension de l’explication

pour entrer dans celle de la démonstration métrologiquement exploitable et

conforme à l’exploitation des flux concernant le système qui se l’approprie.

C’est dans le cadre de l’ensemble de ces critères que peuvent s’opérer de façon

féconde les désaccords sans perdre de vue la destination finale d’une science.

177

CHAPITRE VII

DE LA MAGIE DE L’OPPOSITION ET DU GENIE DANS

DESACCORD

__________________________________________________________

Il n’y a de pensées mauvaises

Que des idées incohérentes dont elles procèdent.

La pensée triviale et la pensée des contraires: l’art de noyer le poisson

Comment la compréhension est elle réalisable ? Est-elle la conséquence d’un

dénie ou du génie ? Procède-t-elle d’un désaccord ou d’une opposition ?

Certes convient-il de faire la distinction entre compréhension et connaissance.

Tout comme entre opposition et désaccord. Le propre du génie n’est-il pas

d’être incompris ce qui tendrait à expliquer pourquoi une connaissance n’est

rien tant qu’elle n’a pas été comprise et qu’il faille en substance que le génie se

fende d’inventer la lampe la lampe à huile afin de pouvoir être appréhendée ?

C’est ainsi que pour faire connaissance la compréhension doit tenir dans la

main. Une démarche qui pour gagner en altitude doit passer par les fourches

caudines de l’humilité. Faute de cette conversion génie et connaissance restent

dans l’éther. Le nuage doit être concentré dans la lampe pour qu’une

connaissance fasse consensus. Il ne suffit malheureusement qu’une

connaissance dise vrai pour qu’elle soit considérée comme juste en sorte que

penser juste pourrait bien n’être fondamentalement qu’une compromission

apaisante pour éviter un désaccord et se passer d’une opposition.

On pourrait aussi, pour introduire ces questions, sortir les violoneux de la

littérature scientiste pour nous enchanter d’une belle formule du type : « La

connaissance est le mode fondamental par lequel l'homme se rapporte au

monde. Toute compréhension s'inscrit sur un fond de « pré science » qui est un

signe de sens dans le champ des possibles, un point de lumière dans l’obscurité

de la caverne de l’incertain, une boussole pour la gouvernance d’’un bateau

ivre ». Définition qui en termes triviaux serait à juste titre évacuée d’un revers

de main par le quidam considérant qu’y adhérer reviendrait « à se faire

embobiner » et de conclure par : «Whouai. L’bouffon il a fumé la moquette ».

Pas de flottement avec la pensée triviale. Son exigence première : simplicité et

utilité. Elle attend du génie le caractère pratique du levier qu’elle préfère à

l’esthétisme d’une phrase bien balancée. Mais foin des angélismes entre ces

178

contraires apparents. L’herméneutique qui cherche le sens dans l’interprétation

tout comme le trivialisme qui ne veut pas s’y engager tant que le jargon sera

celui des salons, tous deux opèrent sur fond d’une même structure

intellectuelle de nature oppositionnelle : l’un pour se mettre en valeur, l’autre

pour dévaloriser le premier.

Dans son ouvrage sur « Les Structures intellectuelles » (1966), R. Blanché

entreprend la description des structures naturelles de la « pensée commune »

en l'opposant à la pensée scientifique (pas celle des jargonneux).

Son hypothèse tiendrait dans les fondements à partir desquelles se présenterait

la pensée commune. Sa constitution serait essentiellement de nature

oppositionnelle tout comme pour nous l’herméneutique moderne serait trans-

oppositionnelle aux disciplines connexes et à la logique cohérente en ayant

pris pour fondement l’ontologie dans la conduite du langage. Par ce subterfuge

l’herméneutique jette les bases de sa démarche à partir de la prise en compte

de « l'universalité du langage ». « La langue est [...] le médium universel dans

lequel s'opère la compréhension même, qui se réalise dans l'interprétation. ».

Or cette allégation est fausse même si la phrase est belle. Car si mot

« herméneutique » signifie bien en grec interprétation et caractérise la

discipline, les problèmes, les méthodes qui ont trait à l'interprétation et à la

critique des textes, en dépit de cela cette critique n’est possible

trifonctionnellement qu’entre le signifiant et la signification c’est-à-dire entre

et à partir d’une forme cognitive normative et logique (l’école classique grec

aristotélicienne). D’autre par si le mot compréhension a bien pour signification

d’être une préhension partagée (entre le signifié et le signifiant), elle ne peut

être sujette à interprétation d’autant que trifonctionnellement, toujours la

compréhension met an œuvre la pensée analogique et normative en sorte que

n’opérant aucun lien avec le pôle logique (signification) la compréhension ne

peut se réaliser par le biais de l’interprétation. Cette démonstration sur une

involontaire escamotage épistémologique s’avère d’autant plus exacte si l’on

se réfère au triangle phonétique de Jakobson que la phase première de la

structuration du langage a pour objet de constituer un registre de signification

(alternance cognitive entre logique et norme) par l’axe volcanique des

sonorités avant de se connecter à l’axe consonantique des tonalités (cognition

analogique et normative, entre signifié et signifiant), registre des connotations

(phase 2 et 3 en rétroaction).

La posture herméneutique devrait alors être établie selon le protocole suivant

ainsi formulé formulée : « la langue est le médium par lequel la signification

permet d’intégrer la compréhension aux fins d’établir une connaissance [cf.

phase 7 Jakobson] en passant par le biais de la dénotation (signifié en

interaction avec la signification [cf. phase 5 Jakobson]) confrontée à

l’interprétation [cf. phase 6 Jakobson].»

179

On peut dès lors se demander s'il y a bien lieu de faire une place particulière

aux diverses chapelles des « sciences herméneutiques » en ce sens que cette

théorie qui se veut interprétative semble relever plutôt d'un schéma de

compréhension que d'un schéma d'explication somme toute à portée locale. En

revanche en prenant valablement en compte l’intentionnalité qui les anime

peut-être laissent-elles entrouvrir la porte à ce barycentrage épistémo-cognitif

trifonctionnel que nous avions supputé dans un chapitre précédent et appelé

‘patanomie. Il est vraisemblable que prise sous cet angle la théorie

herméneutique permettrait de fournir une appréhension cartographiée des

problématiques communicationnelles, d’en dégager des principes d'orientation

pour une structuration dynamique des systèmes à partir de ce seul réel qui

résiste à l’histoire : les flux. Devenue instrument d’alerte parce que disposant

d’instruments métrologiques, l’herméneutique deviendrait alors une science

prédictive. Ce qui est le propre de toute discipline qui se veut scientifique. En

somme quitter cette impasse du couple interprétation – compréhension

prétendument capable, en se passant de la signification, de parler du sens à

partir de signes internes. Le phlogiston alchimique. Pitié pour la pythie

romantique ! Et qu’en est-il réellement de son fameux carré (d’Apulée)

visionnaire après que nous nous ayons conclus à l’infaisable du triangle

sémiotique tel que malencontreusement paramétré dans sa version d'Ogden et

Richards, revue et corrigée par Ullmann?

Démonstration vient peut être ici d’être faite qu’un désaccord, à condition

qu’il ne fût pas oppositionnel, puisse faire l’objet d’une orientation synergique

intéressante .pour aller plus avant sur la thématique concernant le présent

chapitre.

La matrice de R. Blanché, qui traite de ce point névralgique qu’est la pensée

normative, est constituée par le schème de couples de contraires contrastés, de

paires de termes bipolaires. Cependant le schème originel tend à s'organiser en

constellations dont il existe des variétés plus ou moins générales et dont

l'analyse permet d'étudier les degrés variables d'affinité. R. Blanché reprend,

tout à fait à propos en cohérence de champ avec cette problématique, la

doctrine aristotélicienne classique des types d'opposition (contrariété,

contradiction) [forme cognitive située entre pensée normative et logique] et se

propose tout d'abord de la clarifier en la transposant du cadre ordinaire de

l'analyse des propositions à celui de l'analyse des termes, c'est-à-dire des

concepts. Il envisage aussi de la compléter et de la généraliser à partir de la

présentation traditionnelle qui lui a été donnée sous la forme du carré

d'Apulée, avec ses quatre postes A, E, I, O ; il considère celle-ci comme une

structure non saturée, à laquelle il y a lieu d'adjoindre deux postes

supplémentaires U et Y. La structure tétradique du carré d'Apulée est ainsi

transformée en une structure hexadique ou étoilée, dont la première représente

180

une forme affaiblie. Un exemple linguistique d'une telle structure

oppositionnelle complète peut être donné à propos des qualités diverses que

peut comporter la valeur d'un médicament.

181

Précision ici que le carré d’Apulée est aussi celui à partir duquel fonctionne le

carré herméneutique et en plein champ du propos de renvoyer à la pensée

romantico-apologète du chapitre précédent.

U

A

I

Y

O

E

ACTIF

INACTIF

INEFFICACE INOFFENSIF

NOCIF BIENFAISANT

ou ou

et et

Triangle des subcontraires et carré sémiotique

Cette configuration

s’inscrit dans le

cadre trifonctionnel

de la cognition

normative (+) &

logique(-).

182

Sur la vie d’Apulée34

la documentation est assez abondante. Augustin, dans

« La Cité de Dieu », l'appelle le « philosophe platonicien de Madaure ». Mais

c'est Apulée qui nous renseigne de la façon la plus substantielle sur lui-même

dans ses discours et notamment dans une Apologia où il se défend contre une

accusation de magie (il aurait ensorcelé une riche veuve pour parvenir à

l'épouser). Lors du procès, en 158, Apulée a un peu plus de trente ans. Grand

voyageur et admirateur de Platon il a écrit des vers, a étudié les sciences

naturelles et s'est fait initier à un grand nombre de cultes à mystères (Liber,

Esculape, Isis...). « 'Apologia » n'est pas seulement une source biographique

qui met au jour le talent d'Apulée. Pour répondre à ses adversaires, celui-ci

emploie un curieux système de défense semi-indirecte. Insistant d'abord sur

des griefs accessoires, il joue de l'ironie : « Être beau et savoir parler ! Graves

accusations que je voudrais bien mériter ! » Mais surtout, il se justifie en

profondeur au lieu de limiter le débat. La seconde partie du discours,

directement consacrée à l'accusation de magie, en constitue le moment

essentiel. Apulée définit la magie comme un « art agréable aux dieux

immortels » et, si c'est autre chose, se félicite d'être accusé parmi tant d'autres

philosophes incompris ; puis il passe en revue une série de faits litigieux (achat

de poissons, chute d'un enfant, examen d'une femme épileptique, possession

d'un talisman ou d'une statuette de Mercure). Et lorsqu'on en arrive à l'épisode

du mariage, celui-ci, replacé dans l'ensemble d'une vie, a pris de minces

proportions. On retient surtout quelques morceaux de bravoure ; l'affaire du

miroir (on l'accusait d'en porter toujours un) présentée en une longue série de

questions oratoires sans qu’on ne sache jamais si ledit miroir a existé ou non ;

celle des poissons où l'abondance des hypothèses fantaisistes et pittoresques

sur les motifs d'un achat de poissons fait attendre longuement la vérité :

Apulée fait des recherches scientifiques sur les poissons. Il reste qu'à la

question de savoir si ce maître d'éloquence, si ce philosophe enthousiaste a

pour le moins flirté avec la magie, on est tout à fait tenté de répondre oui.

Apulée, une rhétorique ou l’art de noyer le poisson ? Mais peut être aussi la

naissance d’archétypes cognitifs laissant libre cours à de coupables

interprétations…

Le double triangle inversé des subcontraires est une généralisation du carré

d'Apulée en structure étoilée permet de dégager de nouvelles formes

d'oppositions (soit binaires, soit ternaires) entre les différents termes et, en

outre, d'établir une échelle des degrés de force de la négation, mis en jeu par

ces différents types d'oppositions. La doctrine classique ne reconnaît que deux

formes fondamentales d'oppositions. En premier lieu, la contrariété stricto

sensu, ou contrariété-contraste, concerne les extrêmes d'un même genre et

s'établit entre les deux postes A et E (bienfaisant-nocif). Les deux termes ne

peuvent pas être vrais ensemble du même sujet. Mais ils peuvent être faux l'un

34

Apulée :125-180 environ.

183

et l'autre (FF). La contrariété-contraste représente la forme la plus forte de

négation, le degré d'opposition maximale entre termes. En second lieu, la

contradiction, ou contrariété-incompatibilité, concerne l'exclusion mutuelle des

termes et s'établit entre les couples de postes AO, ou EI (nocif-inoffensif).

Dans ce cas également, les deux termes ne peuvent être vrais ensemble du

même sujet. Mais, si l'un est vrai, l'autre est faux et vice versa (VF). Cette

forme d'opposition représente une forme de négation plus faible que la

précédente. Cependant, il y a lieu de considérer aussi - ce que ne prend pas en

considération la doctrine classique - la forme d'opposition existant entre les

subcontraires, c'est-à-dire entre les postes I et O (inoffensif-inefficace). Les

deux termes peuvent être faux, mais ils peuvent aussi être vrais tous deux, ou

seulement l'un d'eux, du même sujet. Il s'agit donc d'une forme encore plus

faible de négation. Enfin, la relation entre les subalternes, qui s'exerce entre les

couples de postes AI et EO, est d'un caractère particulier. L'un des deux

termes, le subalterné I (inoffensif), représente le degré affaibli de la qualité de

l'autre terme, le subalternant A (bienfaisant).La structure oppositionnelle à six

termes introduit la notion de triades d'opposés, tandis que la structure

hexadique représente la forme parfaite, saturée, de l'organisation

oppositionnelle, que les constellations d'opposés qui ont cours dans l'usage de

la langue sont loin de toujours satisfaire. Au contraire, il est fréquent de

rencontrer des formes affaiblies par rapport à l'hexagone logique, d'un type

différent de celui du classique carré d'Apulée. Blanché donne de nombreux

exemples d'organisations triadiques, tétradiques, par exemple en croix latine

(AUEY), ou pentadiques (AIYOE). Ainsi, le triangle des contraires AEY

permet de prendre en considération une autre forme de contrariété, que

Blanché appelle contrariété diamétrale et dont les termes extrêmes sont

répartis de façon symétrique autour d'un médian. L'usage en est très fréquent

dans la langue : souvent-quelquefois-rarement, chaud-tempéré-froid (AYE).

Cette forme de contrariété, lorsque l'usage de la langue la réalise, comporte un

degré de force de la négation intermédiaire entre les contraires sans médian

AE et les contradictoires AO.

Blanché envisage aussi d'un point de vue génétique la structuration des formes

oppositionnelles dans la pensée commune. Celle-ci est d'abord entièrement

fondée sur l'opposition des contraires, c'est-à-dire sur l'opposition maximale

organisée en couples antithétiques, selon la structure binaire AE. À partir de

cette structure, on verrait apparaître les postes des contradictoires (AO, EI) ou

bien alors, selon un autre procédé, le terme moyen ou neutre Y et sa négation

U. L'opération la plus élémentaire de la pensée serait la négation (cela fut aussi

l'opinion de Freud). Lui serait associée la conjonction (et), alors que

l'apparition de la disjonction (ou) serait plus tardive. C'est du reste sur le

couple de la négation et de la conjonction que repose l'expression du principe

de contradiction : pas à la fois p et non-pas.

184

Le principe de la conceptualisation gémellaire propre à la pensée commune est

particulièrement persistant dans l'expression des qualités sensibles, affectives

et morales, tout en convenant peu à la pensée technicienne et scientifique.

Cependant, l'antagonisme n'est pas complet entre la structure oppositionnelle,

propre à la pensée commune, et la structure graduelle, propre à la pensée

scientifique. Tout d'abord, l'ancienne structure persiste dans la vie quotidienne

à côté du mode scientifique de pensée. Il est assez fréquent aussi qu'une

structure étoilée puisse tolérer d'être lue dans un ordre linéaire, par exemple la

série chaud-tiède-tempéré-frais-froid (AIYOE). Mais, dans le champ de la

science elle-même, la pensée par opposition subsiste à côté de la pensée par

dimensions.

Notons que si dans le champ même de l'épistémologie des sciences humaines,

Gilles Gaston Granger a défini la notion même de structure comme « un

système d'oppositions et de corrélations », cette proposition n’est acceptable

que dans le sens d’un cadrage générale, d’un double vecteur structurel que

nous avons cerné comme étant en fait celui des « organes de commande »

(opposition) et des « organes d’informations » (corrélation), le système interne

reste lui de nature trifonctionnel. Ce n’est pas le cadre qui fait l’œuvre qu’il

contient.

Ce qui distingue la pensée triviale de la pensée scientifique tient au fait que

vont interagir diverses formes cognitives alors que la pensée triviale se

concentre sur la pensée normative pour assimiler sélectivement d’autres

données provenant de la logique et de l’analogie. Elle n’intègre les signes

extérieurs que lorsqu’ils sont soumis par des instances liées principalement

aux organes de liaison. C’est l’expression d’une mémoire centrale inhibé,

chargée du trie sélectif de l’information et de son classement dont la fonction

est essentiellement le questionnement. Une cognition enfantine en désir de

devenir par tâtonnements et babillages [Axe volcanique des sonorités phase 0

et 1 « m, p ver a »] sans intérêt envers les commandes de liaison (signifié et

signification) autre qu’alimentaire. Emmagasiner de l’information et opérer

des tries.

En revanche lorsque la pensée est structurée, le système cognitif normatif nono

polarisé (sommet en bas à droite qu système trifonctionnel de la connaissance)

est pour l’essentiel en attente de solutions et essentiel à prendre en compte sur

le plan scientifique. C’est celui qui permet, par volonté de complétude,

l’aspiration de la recherche fondamentale vers la recherche appliquée

(attraction d’un pôle vers la zone qui lui est opposée). La connexion peut

ensuite s’opérer avec la zone sceptique et aristotélicienne. On pourra alors

raisonnablement parler de connaissance et ainsi situer la connaissance au

point d’interaction des 3 pôles et 6 zones cognitives. En revanche la pensée

triviale opère par opposition qui externalise les positions hors du triangle

185

fonctionnel, ce qui la distingue de la pensée scientifique, lorsqu’elle l’est

authentiquement, qui opère à partir du désaccord centralisé alors

potentiellement synergique. C’est pour cette raison vraisemblablement que les

stratégies de régulation des « commandes de liaison » imagineront des

subterfuges dogmatiques miroirs pour permettre l’évacuation des pressions ou

des dépressions qui animent l’univers clos de la pensée cognitive triviale...

Cela donnera entre autres formes d’expression à la caricature (équilibrer les

pouvoirs du signifié), à l’humour (s’évader des carcans de la logique, la

signification) et aux mots d’esprit et autres aphorismes pour pondérer les

exagérations du signifiant. Les soupapes de décompression de l’obsession.

Si je t’aime, prend garde à toi…

Ce caractère obsessionnel de la pensée triviale peut virer à la magie lorsque

l’environnement intellectuel ne peut fournir d’explication aux phénomènes

perturbants. Cette forme assez nettement mono polarisé de la cognition est en

perpétuelle recherche d’équilibre entre les extrêmes du donner et du recevoir.

Elle est mal à l’aise dans les nuances sauf dans l’analyse de la raison d’être de

la soumission pouvant tourner à l’extrême violence lorsque les appuis viennent

à céder. Contrairement à ce que pensait M. Mauss, ce n’est pas le domaine du

don mais de la réciprocité d’intérêt qui anime son système. Mais c’est une

banque qui fixe les valeurs ou qui en ajoute. Monde du signifiant, des tabous,

de l’intériorité plus attiré par la signification que par le signifié qui pourtant est

son complémentaire de régulation avec la signification. Monde aussi

d’allégories que l’on associerait faussement à celui du symbole si l’on ne

faisait la distinction entre signifiant et signification, car allégorie à l’époque de

Plutarque avait le sens de « signification caché ». Cette signification recherche

n’entre en réalité pas dans l’ordre de la logique mais dans celui de la norme

déterminée qui conduit à la réussite où à l’échec. Ce point névralgique de

recherche de l’information à l’état pur se retrouvera dans le roman arthurien de

la quête chrétienne médiévale du Graal, et à la même époque dans la Kabbale

juive et le Da’Wah musulman : « qui détient l’arcane des lettres détient les

clefs de la création ». Une sorte de tâtonnement de l’enfant qui teste son

entourage pour isoler de leurs réactions les limites de ses droits et de ses

devoirs pour se constituer une mémoire vive à partir de la mémoire archaïque,

mais aussi une vision de la systémique et de la pensée complexe. La recherche

d’indices. Le pourquoi. C’est l’univers de la grotte, du « connais-toi toi-

même » psychanalytique mais aussi celui de la gorgone tentaculaire (triangle

tentaculaire des subcontraires), à l’origine du masque rituel (carré sémiotique :

bouche, yeux, nez oreilles) ou tel que représenté sur la coupe Attique : une

tête de gorgone entourée de quatre yeux (500 av. JC). C’est l’univers de la

fécondité, des offrandes mais aussi des sacrifices sanglants, des processions

tentaculaires. D'une manière générale, les usages indo-européens et les usages

crétois semblent confluer dans sa célébration (même racine entre le mot initié

186

et mystère). Certaines cérémonies sont secrètes, réservées : un enfer pavé de

bonnes intentions et d’austérité consentie mais aussi par amalgame un puisard

d’aberrations idéologiques résiduelles quand bien même les symboles

initiatique utilisés se voudraient fécond. Ainsi le swastika de la religion indoue

dont sens de svasti signifie « bonne santé, bonne fortune » (c'est aussi une

interjection Svastika) peut se traduire comme « ce qui apporte la bonne

fortune, ce qui porte chance ». Le svastika inscrit dans un carré peut être

retourné selon une ligne sagittale, donnant deux versions de sens opposé,

facilement identifiables visuellement, mais difficilement différenciables dans

certaines langues. En sanscrit, les deux formes portent des noms qui diffèrent

par le radical : « bon » pour l'une et « mauvais » pour l'autre. Une forme de

carré sémiotique. C'est l'un des plus anciens symboles de l'humanité pourtant

détourné des impensés d’un romantisme déchu par le nazisme allemand en

quête d’une soi disante pureté arienne sous la dénomination…de croix

gammée !

Le mot allegoria a remplacé tardivement chez les Grecs, à l'époque de

Plutarque, le mot Opinia (opinion) pour désigner la « signification cachée »

sous la donnée sensible du langage, par exemple dans la narration ou la

description. Mais ce changement de terme s'accompagne d'une restriction de

sens : on désigne par le mot allegoria une forme de l'exposé littéraire plutôt

qu'une méthode d'interprétation. Les grammairiens latins ont confirmé ce point

de vue en présentant l'allégorie comme une figure de rhétorique, la métaphore

continuée pédagogique (Quintilien).

Dans la rhétorique et la théologie médiévale, à mesure qu'on s'élève dans la

hiérarchie de la spiritualité, l'allégorie déploie à cette époque des sens

analogiques, tropologiques, anagogiques dans le cadre d’une pensée

normative. Sa finalité est esthétique mais elle n’est ni fondamentalement

analogique (signifié) ni tropologique (signification) mais instamment

normative... Plutarque le déclare expressément ne voulant aucunement en

composant ses Vies faire œuvre d'historien, mais uniquement peindre des

caractères. Ses héros ne sont que de remarquables exemples, des figures

représentatives de l'humanité aux prises avec ses passions, victorieuses ici dans

le vice, vaincues là dans la vertu. Les Vies sont en somme la vérification sur

dossier de la philosophie des Œuvres morales. Une banque de données pour

des adeptes qui atteste de valeurs. Pour être plus précis le mot banque devrait

être associé à celui de bourse (qui renferme les testicules : image de la tête de

la pieuvre).

On pourrait alors légitimement s’interroger sur le caractère scientifique du

carré sémiotique quand à sa capacité de déterminer un sens dans le

questionnement puisque le questionnement est par essence centrifuge. En effet

nous sommes ici au cœur d’une mémoire ou les informations s’accumulent

187

sans être en contact ni avec le signifiant ni avec la signification tant que le

signifié n’aura pas été alerté par un signe extérieur pour mettre en action le

signifiant des modifications perçues à partir de l’environnement. Il y a des

fortes chances que cette approche procède alors d’une forme de magie et que

celui qui manipule cette forme cognitive puisse aussi être le manipulateur de

son propre entourage. Lorsque la culture ambiante est moutonnière et

enchanteresse et les flux favorable au système, les conclusions ne peuvent

qu’aboutir à faire prendre position contre le signifié et la signification

susceptibles de venir troubler l’endormissement. Mais dès lors que

l’approvisionnement naturel des réfrigérateurs s’épuisera ou changera de cap

les moutons deviendront des loups en quête d’un chef de meute décisionnaire

et arbitraire.

Tel est indéniablement et probablement inconsciemment le mode opératoire

qui affecte certaines obédiences sociologiques lorsqu’elles protègent une tête

molle de tentacules viriles capables par la multitude de ses ventouses de

concentrer toutes les informations en son centre de trie statistique auto

alimentaire. En revanche tel est bien aussi le siège de la psychanalyse, celui de

l’introspection qui n’a d’autres prétentions que d’être une pratique honnête au

bénéfice de l’autre faisant du financement de la thérapie un outil de celle-ci.

Point de différenciation entre exploitation de la pensée triviale et introspection

sociétale portant toutes deux insérées pleinement et entièrement dans une

même forme cognitive normative.

Mono polarisée au sein du triangle des cognitions la pensée triviale opère de

façon cachée sur fond dichotomique au sein d’une triade obscure. Trivial

(« trois voies »), le mot est emprunté par Rabelais au latin trivialis, e, et

trivium, ii qui signifient « carrefour de trois chemins » mais aussi un « endroit

fréquenté » (sans omettre de préciser parallèlement « un ensemble de trois

sciences »). Grossière au sens rabelaisien du terme la pensée triviale est bien

ce point de croisement des trois chemins et des deux sens (par manipulation de

la relation et ou de l’information) qui fait du lyrisme une pirouette de sorcier

blanc capable d’escamotage d’un troisième sens du mot latin, « manière dont

les prostituées arpentaient lesdits carrefours », et nous faire passer, sous les

apprêts d’une robe de bure, une catin pour none. En un opéra Si je t’aime,

prends garde à toi ! On en fera un opéra, « La Traviata » de Verdi : La

« traviata », la « dévoyée », inspirée du librettiste Francesco Maria Piave par la

Marguerite Gautier, de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, elle-

même tirée du personnage réel d'Alphonsine Duplessis. L’euphorie dans les

larmes ou: l’atroce objet du désir, tel pourrait être la définition à donner à la

pensée triviale. On comprend dès lors mieux l’impossible fonctionnement

mono polarisé ou bipolarisé à l’excès de nos mécanismes anthropologiques

introspectif en recherche de sens qui comme dans la machine de von Neumann

ne peuvent que devenir entropique sans l’opérationnalité d’un « système de

188

commande des relations ». Plus encore pouvons nous considérer au regard de

l’Histoire comme coupables de cannibalisme ceux d’entre les scientifiques

titrés qui au nom d’une quelconque conviction personnelle voudraient faire

passer pour contraire à la liberté cette réalité fonctionnelle sans plus de

démonstrations contraires que celles de leurs propres explications. La pensée

triviale au comble de la science narcissique. C’est afin d’éviter ces travers

qu’au rouge et au bleu des couleurs de la ville de Paris, celle de échevins du

Moyen Age, Lafayette ajoutera au milieu le blanc pour faire de l’union des

trois les couleurs le drapeau de la France, mettant ainsi à la place qui lui

revient la fonction anthropologique des pouvoir numineux. Il n’est pas ici

question de transparence !

Pour évacuer les risques des dérives intellectuelles la méthode du casework

devrait être instamment mise en œuvre dans un nombre non négligeable de

chapelles chargées des « sciences » humaines. Cette méthode à été appliquée à

Londres sous le nom de « groupe de Balint » (du nom de son inventeur

Michael Balint, auteur du célèbre « Le Médecin, son malade et la maladie »

(« The Doctor, His Patient and Illness », 1957)) pour contribuer à la

formation psychologique des travailleurs sociaux puis élargie à la formation

des médecins généralistes (notamment avec la discussion de cas cliniques en

groupe). Ainsi naquirent les « groupes Balint », qui, s'efforçant de rendre les

praticiens plus attentifs aux relations qu’ils établissent avec leurs patients, ont

permis de contrecarrer les abus de pouvoir cachés sous les titres et le verbe.

Cette approche a connu un important succès, en particulier en France. Peut-

être une psychanalyse dans les deux sens afin que le médecin ne soit pas lui-

même un agent pathogène qui s’alimenterait des propres maux qu’il

diffuserait par les mots!

La gorgone et le veau d’or

Les dérives que le romantisme allemand a connu dans la tentative de s’inspirer

de la nature pour vouloir unifier le monde ont abouti à exclure de son champ

de vision, lorsque les flux sont devenus contraires, et à évincer du corps

social, tout ce qu’il ne considérait plus comme conforme à un horizon purifié.

Recroquevillée sur ses derniers subsides la pensée triviale normée cherchera à

consolider ses impensés par l’introjection d’un paradis artificiel en portant la

vindicte de la pensée normative à l’encontre de boucs émissaires pour mieux

échapper à une improbable introspection sur l’origine de ses propres maux.

Sous l’effet de la masse de la température et de la pression ce qui ne se pourra

être cristallisé ne devra plus être.

Méfions nous de la transparence autant que de l’obscurité, s’il existe des

couleurs dans le monde ce n’est certes pas pour espérer que les couleurs ne

fussent plus: ce qui est le cas du blanc et du noir qui ne sont pas des couleurs.

189

Qui plus est de nos transparences « démocratiques ». Pour ces pensées « vert

des gris » tous les génocides procèdent un jour de la sorte lorsque la gorgone

sort de la grotte des fonds marins ou que Zeus envoie au firmament ceux des

vivants qui perturbent son ordre. Alors peut être que consciente de tout cela

l’herméneutique ‘patonomique pourrait jouer le rôle qui lui revient en

définitive, celui qu’occupait Junon, celui de l’alerte du système de mémoire

lorsque s’accumulent trop d’informations contradictoires et qu’une unité

contre commence à se constituer : transformer les oppositions en désaccords,

faire passer l’inconscient au conscient afin d’éviter l’enfermement

communautaire (scientifique ou trivial) qui ne peut aboutir qu’au devoir

mémoriel après les massacres sans que ni victimes ni bourreaux n’aient pu

dégager autre chose des cendres qu’une frontière bien incertaine entre le bien

et le mal. Le Juste sait en conscience, en acceptant les honneurs, qu’il n’en

sera qu’un point médian, autant qu’un bouclier, tant que de la repentance ne

jaillira pas le devoir de connaissance. Celui là même qui est en mesure

d’identifier à temps des causes ténues pour éviter des conséquences qui le

seront moins : contraindre le passage de l’induction à la déduction.

La vérité téléologiques voire théologiques est une affaire de désaccord non

celle de l’opposition. Autour du tabernacle de la divinité. La pureté est

incompatible avec la sédentarité, elle ne peut se concevoir que dans le

mouvement de l’Essence : ce sens qui est fait de miel, de lait et de dates dont

la provenance importe moins que leur utilité dans l’itinéraire de l’humanité.

Propriétés de personne ils sont faits pour être partagés. Pour être Saint un

martyre ne doit jamais être suspecté de masochisme, c’est la meilleure façon

d’éviter l’émergence du sadisme autour du veau d’or.

Dans la tradition postérieure et théologiquement élaborée de la Bible, Aaron,

frère de Moïse, apparaît comme l'éponyme de l'important groupe sacerdotal,

« les fils d'Aaron » (Ex., (Ex., XXVIII) et comme le premier grand prêtre

d'Israël (Ex., XXXIX). Dans les psaumes CXV et CXVIII, l'ensemble des

prêtres est appelé « la maison d'Aaron », dont pourtant on sait comment, en

l'absence trop prolongée de Moïse, il fabriqua sous la pression populaire il

fabriqua un Veau d'or et un autel en son honneur (Exode, XXXII). L'Haggadah

juive tardive s'efforcera de blanchir la mémoire d'Aaron en réinterprétant, en

des récits populaires et légendaires que l'on repère chez Flavius Josèphe et

dans les midrashim, les faits malheureux que certaines pages bibliques lui

imputent. En allumant le chandelier à sept branches (Menorah décrite dans le

temple de Zorobabel, Zacharie., IV, 1-14), symbole significatif d’un Dieu à

sept yeux comme les 7 planètes du système solaire, Aaron signifie bien ainsi

que Dieu n’est pas un cyclope mais une dynamique et qu’en l’état actuel des

choses la terre est un passage obligé et que ce serait orgueil que de prétendre

n’en être pas. Ce caractère de fondateur sacerdotal du personnage d'Aaron, au

demeurant mystérieux historiquement, trouvera un double écho marquant

190

quelques siècles plus tard : d'une part, dans le messianisme des qumranites (et

ensuite des karaïtes), qui attendaient à la fois un Messie sacerdotal

(« d'Aaron ») et un Messie royal (« d'Israël ») ; d'autre part, chez les chrétiens,

qui firent d'Aaron le type même du Christ-prêtre : l'Épître aux Hébreux (V, VII

et VIII) voit en lui l'image imparfaite, dans l'Ancienne Alliance, du sacerdoce

que le Christ portera à sa apogée « selon l'ordre de Melchisédech » dans la

Nouvelle Alliance. (André Paul)

Seule la gravitation nous fait mettre le chandelier sur un pied faisant que l’on

rend grave une partie sinusoïdale d’un jeu qui en l’absence de pesanteur est

évolutif et constellaire. Une affaire de prosélytisme… au sens étymologique et

propre du terme pour éviter d’avoir à se protéger de soi-même dans l’entropie

anagogique qui ne se réfèrerait qu’à la nature, aux vœux religieux ou à quelque

posture idéologique que ce soit.

Telles sont les conséquences et la destinée de tout système dont les fondations

puiseraient dans l’opposition et les subcontraires au sein d’une pensée

normative univoque. Au mieux peut-il en sortir de ces exercices hasardeux

quelques médications magiques dont on aura vite oublié le prix de

l’expérimentation. Quoi qu’il en soit de la magie, du matérialisme scientifique

ou des théologies de la libération nous devrons ici bas, au contact des flux qui

font de nos systèmes ce qu’ils sont, en toute modestie, ne maintenir qu’un seul

culte qui soit viable, celui de l’ornithorynque, toujours préférable à celui du

missing link. Se protéger contre soi-même.

Mais trivialement. « Dans monde des aveugles les borgnes sont rois. »

Dans le monde des aveugles les borgnes sont rois

Si l’on dit juste que dans le monde des aveugles les borgnes sont rois et que les

passions rendent aveugles, il suffit alors non de se pencher sur les

manifestations passionnelles pour les comprendre mais plutôt aller chercher

l’intérêt que le roi peut tirer de l’aveuglement généralisé et consenti : au plus

large voir comment réciproquement le point scotome de l’un ne peut être

compensé par celui de l’autre dans une même communauté immédiate

d’intérêts. Si les deux scotomes se situent au même endroit, il y a de fortes

chances pour que les événements prennent d’autres significations que celles

généralement envisagées par les protagonistes. Pour éviter cela il faut aller

chercher au point scotome cette part d’ombre, ce scotome, cette tâche aveugle,

ce qui permet à notre cerveau de convertir une géométrie bi dimensionnelle

des représentations en une troisième dimension à partir desquels le sens peut

être compris.

Cela revient à jouter la part de jugement « l’évaluation scientifique » qui

manque à l’analyse normative triviale, au carré sémiotique clos pour éviter les

191

dérives par rapport à la doxique car le langage n’est pas uniquement le sujet de

lui-même. « Ma communauté, dit un hadith, ne tombe pas (ou ne tombera pas)

d'accord sur une erreur». Si tel n’était pas le cas et que «si le langage soit le

sujet de lui-même on pourrait légitimement se demander si le seul autre qui

subsiste n'est pas l'autre de l'énonciateur, autrui, et si le contrat de véridiction

n'est pas l'ultime refuge de la croyance-foi en l’immanence d’une perfection

qui devrait devenir Etat : car comment un énonciataire interpréterait-il

« correctement » le message de l'énonciateur, au point de mettre son faire

interprétatif en conformité avec le faire persuasif du premier, si l'énonciateur

n'était pas fiable, digne de confiance, et si l'énonciataire ne le croyait pas,

c'est-à-dire n'avait pas foi en lui ? Avec cette question, le problème de la

croyance doit sortir de la sémiotique pour entrer dans la pragmatique des

actes en cohérence avec le discours seuls admissibles pour tenter d’en valider

par les faits la véracité en les touchant du doigt», pour éviter dans le « Silence

des Agneaux » le suicide de l’Histoire par la pensée magique.

Une affaire de toucher en aveugle pour saisir, lorsque le doute se fait jour, une

réalité moins illusoire que celle qu’offre à la pensée qui dérape les grands

espaces qui font illusion d’en être la cause.

« On surprend étrangement les aveugles quand on leur parle de théories

philosophiques qui leur refusent la notion de l’étendue ou qui leur accordent

une étendue toute différente de celle des clairvoyants (…) je puis certifier à

partir des personnes qui les fréquentent qu’ils n’ont rien remarqué qui pût

laisser supposer une différence aussi profonde entre leur mentalité et celles des

autres hommes. » comme le précise Pierre Villey, aveugle lui-même, dans son

ouvrage « Le monde des aveugles », collection corpus tactilis, Editions Les

doigts qui rêvent (1984). Toutefois continue-t-il « la vue donne l’espace tout

élaboré, tandis que le toucher fournit les éléments propres à l’élaborer ».

La complexité issue des diverses formules d’explications contraires fait

adhérer la pensée triviale au mystère. Le tabou devient intouchable et malheur

à celui qui s’y risquerait. Le mystère interdit le toucher et ne tolère que la

vision globale totémique sous la direction du prêtre ou du chamane. De son

côté, privé de la vue globale, l’aveugle pour se constituer des représentations

synthétiques doit procéder par d’incessants contacts tactiles avec le monde qui

l’entoure. Partir de l’analyse pour cartographier dans l’espace les éléments en

un tout cohérent. La mémoire devra retenir et agglutiner ces impressions

successives pour donner à l’image synthétique une clarté, une richesse, une

intensité qu’il n’avait pas au premier abord. L’enveloppe que l’œil jette sur

l’objet facilite l’action de l’esprit, mais ne la supprime pas pour autant. Ici

s’arrête la distinction qui existe entre le monde des voyants et celui des

aveugles en sorte qu’au final il n’y ait pas de différence de nature entre la

représentation spatiale visuelle et la représentation spatiale tactile. En cela la

192

vue apparaît comme un toucher perfectionné, le toucher comme une vue

embryonnaire. La pensée tactile cherche à faire se connecter des éléments dans

l’espace, établir des relations sans placer l’émotion comme préalable à

l’investigation. Elle cherche à établir des relations, harmoniser les choses avec

l’espace, préférer accorder qu’opposer. La démarche empruntée par le

naturaliste Buffon.

Toute la problématique de la véridiction tient entre ces deux pôles : le « faire

persuasif » du côté de l'énonciateur et « faire interprétatif » du côté de

l'énonciataire. Le croire-vrai, quand il fait coïncider le second avec le premier,

remplit ce qu'on peut appeler le contrat de véridiction : un signifiant

anagogique (normatif) qui, pour éviter de n’être que manipulation, devra être

soumis à la pensée logique de la signification et analogique du signifié.

Différence notoire en véridiction et connaissance pour éviter le piège

intellectuel de la tâche aveugle : en somme les situations cornéliennes issues

de l’opposition : une affaire de docimologie des valeurs d’un système.

De l’objection à la synergie par les désaccords.

L’objection pourrait être vue comme étant la raison d’être de la dialectique

dont l’origine grecque signifie un échange de parole qui implique une

méthode : la dispute, « outputer » un désaccord pour solutionner par la

disputation une opposition, pratique de la cité grecque.

Tout l’art de la négociation consiste à mettre deux imaginaires (souvent deux

ou plusieurs formes cognitives) en phase pour aller dans le même sens, c’est-à-

dire dans le sens de l’intérêt commun à partir de flux convergents. 70 000 ans

avant notre ère émerge une pensée conceptuelle : les premières formes

géométriques apparaissent (une succession linéaire des losanges égaux reliés

par une droite centrale et deux parallèles aux sommets des triangles qui les

forment). 35 000 ans, l’homo sapiens sapiens, capable d’anticipation et d’une

pensée symbolique, mettra fin à la période néandertalienne, trop pratique et

réactive. Puis le langage, de conceptuel, deviendra symbolique, capable de

faire appel à l’imaginaire et d’exprimer ses désirs qui donneront naissance aux

arts premiers et aux échanges géographiques par le commerce. Dès lors,

résoudre un désaccord n’aura plus pour seul objet la défense d’un territoire

mais celui de faire converger des intérêts au premier abord divergents. Le refus

ou la peur systématique du désaccord sont caractéristiques d’une attitude

visant au maintien d’une stabilité passée. Cette attitude défensive dans un

environnement commercial (communicationnel, dont la signification est :

« charge partagée ») est incompatible avec l’évolution lorsque le prix à payer

est supérieurs aux gains espérés. C’est toute la différence qui existe entre une

pensée normative et une pensée cybernétique, entre un modèle fermé et un

193

modèle ouvert, en somme la différence entre les Néandertaliens et l’homme

moderne.

Faire évoluer les désaccords

Dans une négociation en face-à-face tout comme en réunion, et cela est aussi

valable en famille, chacun expose ses idées. Le problème des idées vient du

fait qu’elles deviendront une pensée qu’après s’être confrontées à d’autres

pour espérer faire émerger une vérité momentanée dans la mesure ou les

principes et processus de la communication synergique sont respectés. La

véridiction qui en sortira fera son œuvre quelque temps, jusqu’à ce que

d’autres idées viennent perturber la pensée initiale pour lui donner une

envergure nouvelle. Pour éviter le dénie, le désaccord est un point de passage

obligatoires pour que toute construction humaine puisse exister.

Un accord trop spontanément acquis sur un projet sensible est souvent la

conséquence de sujets tabous que l’on ne veut pas aborder, ou de totems

faussement rassembleurs. Dans les deux cas il y a trafic d’influences. Le

désaccord n’est pas un conflit qui aboutirait nécessairement à la rupture, c’est

une situation saine qui peut évoluer de différentes manières et prendre

différentes formes.

Dans une situation de négociation, deux points de vue acceptent, dans un

consensus, de s’entrecroiser dans la perspective d’un enrichissement mutuel.

Ce que nous appelons le marché est la suite souvent heureuse de ces

désaccords consentis dans une volonté de progrès. La négociation

commerciale s’intègre donc au sein d’un processus global de désaccords dont

le mode agressif n’intervient que pour défendre un territoire lorsque celui-ci

vient à être exposé à des risques supérieurs aux bénéfices escomptés.

Konrad Lorenz, lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine en 1973, par

ses travaux sur l’agression, a considérablement fait avancer la compréhension

de ce phénomène qui apparaît dès l’instant où un territoire vient à être

transgressé et où pour survivre, il importe de se défendre. Mais il faut à

l’homme beaucoup plus qu’un territoire matériel. Nous vivons au sein d’un

réseau familial, amical, professionnel, social, éthique, culturel, religieux. Le

matériel et l’immatériel s’enchevêtrent en mêlant le rationnel, le conceptuel et

le symbolique. L’ensemble ainsi tissé constitue notre domaine d’intégrité,

territoire où s’expriment les modalités d’expression d’une probité : forme

anagogique triviale (normative), à l’extrême autistique. Ces domaines trouvent

leurs manifestations dans la façon de vivre, la perception de l’avenir, la

culture, la position sociale, le pouvoir. Tenter d’investir ce que l’autre

considère comme son domaine constitue de facto une atteinte à son intégrité

quelque soit l’objet de l’intention première. Méfiance, sentiment

d’instrumentalisation, régression et violence peuvent s’en suivre.

194

Il y a dans cette violence deux éléments dont l'un est aisément identifiable, les

manifestations de la force physique et l’autre moins visible qui est une

tentative d’atteinte à la norme contraire. On pourrait ici prendre à notre compte

la définition qu’en donne Y. Michaud, dans « Violence et politique »: « Il y a

violence quand, dans une situation d'interaction [entre territoires], un ou

plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, en une fois ou

progressivement, en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés

variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit

dans leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et

culturelles. »

Passer de l’affrontement, de l’opposition entre contraires, à la confrontation

par le désaccord induit une volonté de rapprochement.

Non formé, comme il est parfois écrit à partir du latin ad (qui signifie avec, qui

marque la direction vers un objet, puis l’arrivée auprès de cet objet, enfin la

proximité) mais de ac l’admission, ac (et même, et cependant…) le terme

acculturation a pourtant été proposé sous cette dénomination dès 1880 par les

anthropologues nord-américains. C’est donc sémantiquement à juste titre que

les Anglais lui préfèrent celui de cultural change (moins chargé de valeurs

ethnocentriques liées à la colonisation : Malinowski), les Espagnols celui de

transculturation (F. Ortiz), et les Français l'expression d'interpénétration des

civilisations. Mais le vocable nord-américain finit par s'imposer au point de

créer une ambiguïté linguistique convenue. Par soucis de cohérence nous

remplacerons le terme impropre d’acculturation par celui d’adculturation

indicateur d’une volonté de rapprochement

Ainsi, selon le degré d’échelle, selon la plus ou moins grande importance que

les protagonistes manifesteront à l’égard de l’intégrité et, ou, de l’adculturation

(volonté de rapprochement en fonction des pertes acceptables par rapport aux

gains espérés) varieront les formes d’évolutions possibles d’un désaccord

susceptibles d’apparaître à partir de perception différentes sur :

- les faits : chacun avec sa subjectivité perçoit une réalité de façons

différentes ;

- les causes : on est d’accord sur les phénomènes observés, mais les vues sont

divergentes sur leurs origines ;

- le but : il s’agit de l’aboutissement à long terme. Nous avons dans nos buts

une part inavouée, inconsciente ou cachée.

- les objectifs : l’objectif de l’un ne correspond pas à court terme à celui de

l’autre;

- les moyens : on est d’accord sur le but, sur l’objectif mais pas sur les

modalités pour y parvenir ;

195

- la valeur : les critères d’appréciation ont des fondements différents.

- la méthode : les axes cognitifs permettant d’aborder au mieux une

problématique.

Cependant, pour assurer une issue la plus positive possible, il faut vouloir

progresser de concert dans :

- le respect de l’intégrité de chacun (commande d’information)

- la volonté de rapprochement (commande de relation)

L’un sans l’autre est insuffisant et conduit à des situations non pérennes. Le

type d’évolution d’un désaccord dépend de l’importance plus ou moins grande

donnée à chacune de ces deux variables (intégrité et rapprochement). Les

variations à l’intérieur de ces deux paramètres détermineront les issues

possibles dans le cadre de la triangulation agression-inhibition-fuite selon le

tableau suivant :

Nature de

l’évolution

Définitions Conséquences

Domination L’un des deux

protagonistes impose

sa solution à l’autre

qui la subit.

Rassure le soumis qui

se sent protégé mais

déresponsabilisé.

Soumission L’un des deux

protagonistes accepte

la prépondérance

de l’autre.

Si ces situations

deviennent répétitives,

il y a affaiblissement

progressif du processus

de défense.

Compromis riche La solution est établie

à partir du maximum

des points convergents.

Voie incertaine et

coûteuse, elle maintient

le lien tout en étant

susceptible de s’orienter

vers la synergie.

Synergie La solution est

innovante, issue d’une

recherche de la part

d’originalité résidant

dans toutes pensées

contraires et

fécondables.

Amélioration dans le

sens du mouvement de

l’évolution et du

changement.

Renforcement durable

des liens : chacun

y trouve son intérêt.

Compromis pauvre La solution est établie

à partir du minimum

de points d’accord,

les moins coûteux.

Ne donne satisfaction à

personne mais maintient

momentanément le lien

et l’activité.

Troisième voie On s’oriente vers autre On risque d’abandonner

196

chose pour fuir les

risques d’une solution

plus complexe.

des idées intéressantes.

Cumul On réalise l’une et

l’autre des solutions

dans leur intégralité,

afin de préserver

l’intégrité de chacun

pour maintenir le lien

et les rapports de force.

Ne mécontente

personne mais ne résout

pas le problème

de fond, conduit à la

réunionite et à des

groupes de pilotage

parfois incertains.

Destruction On veut tout effacer.

C’est la guerre, les

coups bas, la

désinformation le

dénigrement, les

stratégies saumâtres.

Victoire à la Pyrrhus.

Tout le monde

s’appauvrit, s’épuise, se

fatigue et perd de vue

l’essentiel. On navigue

à contre-courant.

Rupture Séparation de deux

protagonistes qui font

un constat tacite

d’infaisabilité, sans

volonté de nuire.

Utile lorsque toutes les

solutions recherchées ne

peuvent aboutir, afin

d’éviter des

investissements plus

coûteux.

Attente On admet qu’un délai

de réflexion permettra

de faire le point dans

l’apaisement.

Calme les tensions,

tranquillise, permet

l’émergence d’idées

nouvelles.

Le tableau suivant permet de situer les différentes évolutions possibles d’un

désaccord comme présentées sous les deux formes schématiques suivantes que

l’on peut mettre en rapport avec des attitudes communicationnelles physiques

et verbales:

197

TABLEAU & TRIKÃLA DES EVOLUTIONS POSSIBLES ISSUES

DUN DEACCORD

DOMINATION

SOUMISSION

COMPROMIS

RICHE SYNERGI

E

COMPROMIS

PAUVRE 3e VOIE CUMUL

DESTRUCTION RUPTURE

SIMPLE ATTENTE

- 1

0 1

1

0 - 1

Rétorsion

combinatoire

INHIBITION AGRESSION

Conformiste

3e VOIE

Information

Pugnace

COMPROMIS

RICHE

Décision

Subéreux

COMPROMIS

PAUVRE

Interprétation

Oppresseur

DOMINATION

Jugement

Résigné

SOUMISSION

Enquête

Obligeant

CUMUL

Soutien

Instigateur

SYNERGIE

Reformulation

Psychorigorisme

DESTRUCTION

mutisme

En aval du

désaccord est

antinomique de la

synergie.

En amont du

désaccord peut

être compris

comme une alerte

qui fait signe.

Volonté de

rapprochement

(Adculturation)

Respect de

l’intégrité

0 10

10

10

198

Disons en conclusion que la forme trifonctionnelle anthropologique constitue

le cadre d’exercice de champ de forces qui assigne à chaque pôle la fonction

de constituer des zones inter agissantes vers son barycentre et qui fixent ce

point d’adaptation dynamique aux flux qui traversent le système par des

propriété distinctes associées à des espaces cognitifs. Il faut en cela considérer

les formes communicantes comme étant nues par une forme molaire constante

comme l’est un môle, cette construction qui protège un port de l’entrée des

vagues… mais pas de l’eau. Cette cohérence unificatrice intérieure est garante

de la pérennité d’un système de communication ainsi que de lui permettre

d’exploiter au mieux et avec le moins d’efforts possibles les flux les plus

aisément captables et utiles, le cas échéant avec un autre système. Ces

interactions lorsque qu’elles deviennent de plus en plus opérationnelles dans la

connaissance et la maîtrise les flux extérieurs vont croissantes. Mais lorsque

les flux d’approvisionnement viennent à dépérir, passé un certain seuil

d’acceptabilité, le système redistribuera sa forme dans un ordre

qualitativement différent qui pourtant et quoi qu’il en soit ne sera qu’une

extension de cette loi immanente trifonctionnelle.

Merleau-Ponty, dans la structure du comportement précise :

« Nous sommes obligés d’introduire, dans notre monde physique des totalités

partielles sans lesquelles il n’y aurait pas de lois et c’est ce que nous

entendons par forme. Le jeu combiné des lois pourra retirer l’existence aux

structures qui s’étaient stabilisées et en faire apparaître d’autres dont les

propriétés ne sont pas prévisibles. Il y a donc un cours des choses qui porte les

lois et ne peut être résolu définitivement en elles. Traiter le monde physique

comme un entrecroisement de séries causales linéaires ou chacune garde son

individualité, comme un monde qui ne se dure pas, c’est une extrapolation

illégitime, il faut relier la science à une histoire de l’univers ou le

développement est discontinu. Si l’on considère comme une forme l’état de

distribution équilibrée et l’entropie maxima vers lequel tendent les énergies à

l’œuvre dans un système selon le second principe de la thermodynamique*,

ont peut présumer que la notion de forme sera présente en physique partout où

l’on assigne aux événements naturels une direction historique». C’est la perte

de la direction historique et anthropologique qui fait contresens.

_______________________________________________________________ * Le deuxième principe admet des énoncés qualitatifs, qui expriment son contenu par

des mots et non par des formules (cf. l'énoncé de Clausius).

199

CHAPITRE VIII

ENTRE TERMODYNAMIQUE ET SOCIODYNAMIQUE

DES COMMUNICATIONS : UNE LOI CONSTRUCTALE

_______________________________________________________________

La thermodynamique se définit de nos jours comme la science des propriétés

et des processus qui mettent en jeu la température et la chaleur. Le nom de

« thermodynamique » associe les deux mots grecs thermon (chaleur) et

dynamis (puissance). L’objectif de cette discipline, à partir d’une théorie

physique élaborée à partir de l’observation, à la fois abstraite et rigoureuse,

fondée sur les concepts d’énergie et d’entropie est de dégager des lois

permettant d’obtenir cette transformation dans des conditions optimales.

La posture initiale de la thermodynamique a fait peut de cas des questions

posées sur la structure atomique des objets qu'elle étudiait. Au XIX eme siècle

certains de ses tenants, tant les résultats s’avérèrent puissants et concrètement

efficaces dans la vie pratique allèrent même jusqu’à nier l’existence des

atomes. Le dénie s’est depuis réglé favorablement au bénéfice de tous comme

cela se produira inéluctablement dans les sciences humaines lorsqu’elles

auront opérées la même démarche que Lavoisier pour mettre fin à des

recherches établies dans l’auto conviction de l’immanence phlogistique.

Il est en effet de toute première importance que dans les domaines de la

communication nous cessions de concentrer nos cherches sur l’être ou ne pas

être d’un point triple (dont l’intérêt ne réside que dans la question) comme il

apparaît dans la physique des corps purs mais de nous intéresser plus aux

processus qui y conduisent, non dans la perspective de faire de la

communication une communion universelle mais plus simplement aux fins

d’en optimiser l’efficacité : autant une affaire de débuggeur que d’optimisation

de la distribution des flux dans nos fonctionnement intellectuels et sociétaux

dont la finalité est la prévalence de la pérennité sur l’entropie. « Ce que l’on

veut dire (intentio) par «cogitation » n’est rien d’autre que cela, à savoir que

la faculté cogitative pose la chose absente au sens comme une chose sentie. Et

c’est pourquoi les perceptions (comprehensibilia) humaines se divisent en

deux : celles dont le principe est le sens et celles dont le principe est la

cogitation. ». En opérant cette distinction dans « L’intelligence et la pensée,

sur le De anima » Ibn Rushd , Averroès, nous conforte dans nos conclusions

selon lesquelles la pensée trifonctionnelle se répartirait deux fonctions, celle de

commande et celle d’information, la première s’opérant par la prise en compte

du signe extérieur par le signifié en liaison avec la signification (principe de

200

sens ou animus, puissance) et le traitement de l’information entre la

signification et le signifiant (principe de cogitation ou anima, chaleur), pour

faire consensus entre le signifié et le signifiant, principe de compréhension. En

sorte que la concentration de la chaleur de la cognition au point de

compréhension fasse sens (canal) : la charia musulmane, le chemin qui mène à

l’Essence par le djihad de l’intelligence qui est résistance à l’oppression (60

occurrences de ce terme autour de l’effort sur soi, l’effort de la pensée, l’effort

sur la matière) : base trifonctionnelle du scepticisme grec.

Tout comme nous l’avons fait à propos de la machine de von Neumann pour

mettre au jour qu’elle était bien l’image appliquée de nos processus cognitifs

et à partir de laquelle nous avons retenu la distinction à opérer entre

commandes de liaison et commandes d’informations pour le traitement du

signe extérieur, nous situeront la problématique d’une socio dynamique des

cognitions au regard des changement de phase d’un corps pur en physique.

Tout comme pour nous l’avons fait à partir du schéma « cartésien » de la

machine de von Neumann nous avons opéré de même au sujet du schéma de

la physique d’un corps pur en le transférant sous la forme triangulée ci-après :

201

TRIANGLE DE LA PHYSIQUE DE PHASE D’UN CORPS PUR

(Collaboration Nadège Cottin)

L’excellent article de Jean Petitot qui suit, publié dans l’Encyclopaedia

Universalis 2005, à propos de la problématique concernant le concept de

forme, valide de façon pertinente l’illogisme dans lequel se placent les

sciences sociales en prétendant idiomatiquement pouvoir analyser la

complexité tout en réfutant les notions de déterminisme. Cette aberration

épistémologique latente et sournoise consiste en réalité à chercher à

comprendre une forme en portant l’analyse sur le point critique sans disposer

préalablement des paramètres initiaux qui justifient du phénomène observé et

au terme de laquelle le phénomène considéré sera expliqué, sans

démonstration, en se référant à des hypothèses phénoménologiques qui sont en

GAZEUX

(Haute température +

Haute pression)

LIQUIDE

(Moyenne

température +

Moyenne pression)

SOLIDE

(Basse température

+ Basse pression)

VAPORISATION

SUBLIMATION

SOLIDIFICATION

FUSION

LIQUEFACTION

CONDENSATIONN

Point triple

N.B. la mise en parallèle du triangle de la machine de von Neumann

avec celui des phases d’un corps pur (orientation similaire) dégage

une congruence significative entre les deux processus et plus

généralement avec le mode trifonctionnel des communications.

202

tous points conformes à celles de la phlogistique avant Lavoisier. Cette posture

pseudo scientifique n’est en réalité rien d’autre que l’expression laïque et

idéologique d’un contre-transfert issu du géocentrisme de la pensée religieuse

qui a animé la science jusqu’au Siècle des Lumières. C’est ainsi que sous

couvert du qualificatif usurpé de « science » certaines disciplines sociales

risquent fort de ne faire que de l’alchimie tant il est vrai qu’en physique Pierre-

Gilles de Gennes n’aurait pu mener à bien ses recherches sur les objets fragiles

si sa discipline ne s’était historiquement penchée sur les objets solides.

« L'histoire du concept de forme et des théories de la forme est des plus

singulières. Nous vivons dans un monde constitué de formes naturelles.

Celles-ci sont omniprésentes dans notre environnement et dans les

représentations que nous nous en faisons. Et pourtant, jusqu'à une époque

récente, on ne disposait d'aucune science morphologique à proprement parler.

Ce n'est que vers la fin des années 1960 qu'on a commencé à comprendre de

quel concept de naturalité et d'objectivité l'on fait usage lorsqu'on parle de

formes naturelles objectives ».

Jusque-là, un insurmontable obstacle épistémologique (au sens de Bachelard)

faisait obstruction à une telle compréhension. La raison en est d'ailleurs assez

simple. Tenter de développer une théorie objective (donc compatible, sinon

réductible, à des contenus physiques) des formes, c'est chercher à généraliser

l'objectivité physique en direction d'une « ontologie qualitative ». Or, d'une

façon ou d'une autre, toute ontologie qualitative est néo-aristotélicienne. Mais,

précisément, le concept moderne d'objectivité physique s'est édifié à partir d'un

concept mécaniste (galiléen-newtonien) qui rompait avec la tradition

aristotélicienne (ce que l'on a appelé la « coupure épistémologique »). Le

développement physico-mathématique d'une mécanique des forces a, pendant

environ trois siècles, totalement fait écran à toute dynamique des formes. La

conséquence en a été que le concept de forme a été pensé de façon alternative.

L'impossibilité où l'on croyait être d'en théoriser les aspects objectifs a conduit

à en théoriser les aspects subjectifs. Tel a été le cas dans les approches

psychologiques (de la Gestalt-théorie aux sciences cognitives

contemporaines), dans les approches phénoménologiques (de Husserl à

Merleau-Ponty et aux reprises actuelles de certains thèmes husserliens) ou

dans les approches sémantiques et sémio-linguistiques. Ainsi s'est installée

l'évidence (fallacieuse) d'un conflit irréductible entre une phénoménologie des

formes et une physique de la matière. Ce n'est qu'à une époque récente qu'on a

commencé à comprendre les processus permettant à la matière de s'organiser et

de se structurer qualitativement en formes ».

Après avoir donné raison à Gibson en ce qui concerne l'idée que des

discontinuités constitutives de morphologies peuvent être véhiculées par la

203

lumière, Jean Petitot opère une démonstration à partir d’un cas simple, celui

des caustiques pour conclure que :

« Si l'on analyse soigneusement cet exemple, on remarque qu'il est bien

paradigmatique pour une bonne épistémologie de l'émergence.

- On y voit un système naturel organisé à deux niveaux de réalité : un niveau

« micro », « fin », « complexe » correspondant à la physique fondamentale du

système (géno-physique) et un niveau « macro », « grossier », finement

descriptible et de nature morphologique (phéno-physique).

- Le niveau morphologique « macro » est organisé autour des singularités de

la physique sous-jacente. Ces singularités supportent l'information. Elles sont

phénoménologiquement dominantes. C'est « l'infrastructure catastrophique »

qu'elles constituent qui est prise en charge par la perception.

- On peut lire dans la modélisation mathématique du niveau fin les principes

du passage « micro » X « macro », c'est-à-dire du changement de niveau, de

l'émergence du phénophysique (principe de la phase stationnaire et système

dynamique ha miltonien associé à l'équation des ondes).

- Il existe des contraintes abstraites et formelles (« platoniciennes »),

mathématiquement formulables, imposées au niveau phénophysique (existence

d'un nombre restreint de singularités génériques des caustiques, etc.). Bien

qu'émergent, celui-ci possède donc une certaine autonomie et une certaine

universalité. ». (Jean Petiot, polytechnicien, docteur es lettre et sciences

humaines, vice président de l’International Association for Semiotic Studies,

directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales »).

Il aurait donc congruence, et non analogie, entre épistémologie des sciences

dures et des sciences souples, susceptibles de se renforcer mutuellement. Le

propre de la science est de travailler sur les déterminismes, l’indétermination

est l’affaire de la littérature.

Pluralité anthropologique des communications

La construction des cultures s’opère au contact des flux. C’est à ce contact et

des lectures que s’en font les hommes, en fonction de la connaissance et de

l’intérêt qu’ils revêtent pour l’équilibre interne du système afin d’en assurer la

pérennité, que se structurent les représentations à des degrés variables

d’autonomie intellectuelle, à partir de mêmes structures cognitives.

Les équations des interactions entre formes trifonctionnelles canéphores

et canéphages

Afin de percevoir plus finement l’évolution et les modifications d’un système

anthropologique nous allons l’envisager au contact d’un autre système qu’il

204

soit imaginaire (onirique), lorsqu’il est seul au point de captage des flux, ou

réel en interagissant avec lui.

Les canéphores étaient à l’époque de la Grèce Antique étaient les jeunes filles

dignes et respectées qui portaient une corbeille de fleurs sur la tête au moment

des cérémonies. En empruntant le nom de canéphore pour en faire un adjectif

notre propos a été de neutraliser les termes souvent trop connotés qui tournent

autour des mots « progrès », « évolution sociale », « amélioration des

conditions de vie », etc. Socio dynamiquement, en analogie à la

thermodynamique, l’adjective canéphore est associable à une source froide. A

l’inverse, associé à une source chaude nous parlerons de système canéphage,

qu’il doive puiser son énergie de l’intérieur, donc consommer son propre

système ou celui des autres pour maintenir son existence. Ce n’est donc qu’en

apparence nous quitterions les domaines d’expression de la cognition et des

représentations pour traiter de celui des organisations humaines. Ces dernières

sont la conséquence et la matérialisation des premières en sorte que l’approche

trikãlienne constructale peut permettre aisément de comprendre le plus grand à

partir du plus petit et d’envisager l’évolution du plus petit vers le plus grand.

Données initiales

Le trikãla des organisations est assimilable à un système canéphore et à une

source froide qui va avoir besoin de chaleur pour se réchauffer. De ce fait,

après réchauffement il passera de la configuration canéphore à la configuration

canéphage.

Quant au trikãla des marchés, il est conçu comme un système canéphage et

assimilé à une source chaude qui va pouvoir céder une certaine quantité de

chaleur afin de réchauffer une source froide. Selon ce processus, il passera de

la configuration canéphage à la configuration canéphore.

205

Notions d’équilibre

Il en résulte les deux égalités suivantes :

Structure : S Nouveauté : N

Pouvoir : P Qualité : Qu Interaction : I Quantité : Q

R M

TRIKALA DES

ORGANISATIONS

TRIKALA DES

MARCHES

Au sein du trikãla des

organisations s’établit un

centre d’équilibre

(barycentre) « élastique » R

entre les 3 pôles P, S, I

défini par l’équation :

Eq R = P + S + dI / I

Eq R = S + I + dP / P

Eq R = P + I + dS / S

L’élasticité de cet équilibre

R étant déterminée par de

possibles déstabilisations de

P, S ou I (respectivement

notées :

dP / P ; dS / S, dI / I

Au sein du trikãla des

marchés s’établit un centre

d’équilibre (barycentre)

« élastique » M entre les

3 pôles Q, N, Qu défini par

l’équation :

Eq M = Qu + Q + dN / N

Eq M = Q + N + dQu / Qu

Eq M = Qu +N + dQ / Q

L’élasticité de cet équilibre

M étant déterminée par de

possibles déstabilisations de

Qu, Q ou N (respectivement

notées :

dQu / Qu ; dQ / Q, dN / N

Eq R = P + S + dI / I = S + I + dP / P = P + I + dS / S

Eq M = Qu + Q + dN / N = Q + N + dQu / Qu = Qu + N + dQ / Q

206

Application et adaptation des principes de la calorimétrie et de la

thermodynamique au trikãla des organisations (R) et des marchés (M)

Principe no1 de la calorimétrie : si un corps reçoit de la chaleur, sa

température s’élève ou il change d’état physique.

Adaptation

Si un trikãla subit une rupture de son équilibre « élastique » provoquée par une

déstabilisation trop importante d’un de ses trois pôles, alors il change de

configuration. De ce fait, pour une organisation si dI / I ou dS / S ou encore

dP / P varie de façon importante, alors l’équilibre en R entre les trois pôles I,

S, P est rompu. De même pour un marché, si dQu / Qu ou dQ / Q ou encore

dN / N varie de façon trop importante, alors l’équilibre M entre le pôles Qu, Q

et N est rompu.

Principe no2 de la thermodynamique : une machine thermique ne peut au

cours d’un cycle thermique fournir de travail que si elle emprunte une quantité

de chaleur (Q1>0) à une source chaude et si elle en restitue une partie (Q2<0)

à une source froide.

Adaptation

En assimilant le trikãla des marchés (système canéphage) à la source chaude et

le trikãla des organisations (système canéphore) à la source froide, on obtient

le schéma suivant :

Structure : S Nouveauté : N

Pouvoir : P Qualité : Qu Interaction : I Quantité : Q

R M

TRIKALA DES

ORGANISATIONS

(Canéphore et source froide)

TRIKALA DES

MARCHES

(Canéphage et source chaude)

Q1 < 0

0 > Q2

207

Principes no2 et n

o3 de la calorimétrie : si un corps subit deux

transformations inverses, la quantité de chaleur qu’il reçoit dans l’une est égale

à celle qu’il cède à l’autre, d’où : Q1 = - Q2. Lorsqu’il y a uniquement

échange de chaleur entre deux corps, la quantité de chaleur cédée par le plus

chaud est égale à celle gagnée par le plus froid, d’où : [ Q1 ] = [ Q2 ] .

Adaptation Alors si Eq R + Q1 = Eq M + Q2 avec [ Q1 ] = [ Q2 ]

on en déduira que R = Eq M d’où Eq R – Eq M = 0

De ce fait, si Q1 > Q2 alors le trikãla des organisations devient ou reste

canéphage.

En revanche, si Q2 > Q1 alors le trikãla des marchés devient ou reste

canéphore.

Détermination de Q1 et Q2

Supposons une « surforce » du trikãla des marchés au niveau de N et notons

dN / N (avec dN /N > 0). De même, supposons une « faiblesse » du trikãla des

organisations au niveau I et notons dI / I (avec dI / I< 0), cette « faiblesse »

peut être compensée par un rapport de chaleur provenant du trikãla des

marchés.

De ce fait : Q1 = dN / N si dN / N > 0

D’où l’équation permettant le passage d’un système canéphore à un système

canéphage :

Eq R + Q1 = P + S + dI / I + dI / I + dN / N

(Si et seulement si dI / I > 0 et dN / N < 0)

Supposons maintenant que le trikãla des organisations possède un pôle en

« surforce », par exemple le pôle I, et notons celle-ci dI /I (le trikãla des

marchés ayant une « faiblesse » en N dN / N), alors

Q2 peut s’écrire : Q2 = dI / I avec dl / I > 0

D’où l’équation permettant le passage d’un système canéphage à un système

canéphore :

Eq M + Q2 = Eq R + Q1 = Qu + Q + dN / N + dI / 1

(Si et seulement si dN / N > 0 et dI / I < 0)

Les équations présentées s’entendent en considérant les trois pôles de chacun

des trikãlas comme étant interchangeables tels que P = I = S pour le trikãla des

208

organisations et que Qu = Q = N pour le trikãla des marchés, en sorte qu’une

déficience par exemple de P (trikãla des organisations) pourrait être

compensée indistinctement par Qu, Q ou N du trikãla des marchés. Or la

déficience de P placera bien le trikãla des organisations au niveau d’une source

encore plus froide pouvant conduire à un raidissement des interactions entre S

et I concevable comme pouvant être l’un des trois états de la matière (solide,

liquide et gazeux), dans le cas présent une solidification par refroidissement

accéléré de la source rendant la structure plus hermétique encore à

l’intervention de N seule, à moins que la surchauffe de N soit en mesure de

compenser considérablement le refroidissement de SI en S qui s’isolerait ainsi

de I pour à nouveau le rendre attractif de I par effet de condensation. Dans le

cas contraire, si N n’est pas en mesure d’apporter la chaleur nécessaire, le pôle

P abandonnera SI si SI est dominant de P pour rejoindre N, donnant ainsi

naissance à une structure P’N qui devra se trouver un nouveau partenaire S’

pour équilibre les échanges entre la masse et l’énergie. Ainsi, la nouvelle

structure P’N S’ sera devenue entropique de I. Nous sommes ici typiquement

dans les phénomènes de délocalisation où P se trouve contraint de quitter I

parce que IS n’a, pour diverses raisons (chrono-holistiques) pu, voulu ou su

intégrer ou anticiper le changement, qu’il en soit victime ou coupable, ou bien

encore que la faute puisse être imputée à P pour n’avoir pu, voulu ou su

anticiper, le résultat au final est malheureusement identique. En revanche, dans

cette même configuration de départ, si une surchauffe s’opère en N alors que

la chaleur des interactions entre P et I est supérieure à N alors que S se

trouverait (de fait) un peu plus faible, la quantité de chaleur supplémentaire de

N serait suffisante pour compenser la déperdition de S et la compenser par une

activation de PI, maintenant ainsi le trikãla de l’organisation en position de

réguler celui des marchés. On voit ainsi qu’une interaction suffisante entre

deux pôles d’un même trikãla est en mesure d’intégrer canéphorement (de

façon profitable) une tentative canéphage d’un des pôles du trikãla des

marchés à condition que celui-ci soit le complémentaire opposé. Ainsi P I

pourra compenser une surchauffe en N, I S une surchauffe en Qu, et P S en Q,

dans la mesure où le trikãla du système est dominant sur celui qu’il sert. Dans

la mesure où le trikãla des organisations se trouvait initialement en position

barycentré, la surchauffe de quelque pôle que ce soit du trikãla des marchés

sera immédiatement répartie sur l’ensemble P S I qui s’en trouvera renforcé

durablement : c’est le cas par exemple des conséquences du plan Marshall

(injection de Q faisant émerger P - S stabilisateur de I) qui, après la Seconde

Guerre mondiale, donnera naissance aux Trente Glorieuses barycentrées P - S

- I (Pouvoirs forts et visionnaires, Interactions sociales riches et Structure

renforcées (Ve République) et naissance de l’Europe diversifiant Q (acier et

charbon monopole de l’Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale rendue

possible par P – S ayant jugulé I par le « jeu » des complémentaires lorsque

l’impulsivité prend le pas sur la conscience et que le droit s’approprie le sens).

Cette même logique s’applique au marché lorsque celui-ci est mieux régulé

209

que les organisations qui le servent. Les phénomènes canéphages ou

canéphores doivent tenir compte des facteurs de température et de pression.

C’est peut être aussi à ce niveau de réflexion que l’on pourrait élucider la

problématique des deux récurrents (je n’aime pas ce terme qui est trop

évocateur de ces tampons à briquer utilisés pour faire la vaisselle, mais dont

l’image s’applique aussi ici) vecteurs qui encadrent les opérations internes à la

trifonctionnalité et qui posent tant de problèmes insolubles tout en contribuant

à de réelles avancées intellectuelles autant qu’elles ralentissent les avancées.

Une question de maturation peut-être. Rappelons que :

- nous avions isolé du fonctionnement de la machine de von Neumann

deux types de commandes : celles concernant la relation et celles

concernant l’information,

- la linguistique reconnaît deux axes : sémantique et pragmatique (sens

kantien du terme pragmatisch survit chez C. S. Peirce),

- Gonsun Long « Sur les concepts et les choses » s’oppose aux sophistes

chinois.

- représentation (du latin praesentia : le fait d’être dans un lieu avec

quelqu’un qui s’y trouve ou qui y vient) est l’expression d’une

dystrophie (trouble de l’alimentation d’un organe d’une partie du

corps : par extension, une incompréhension, une incertitude qui nuit à

l’action) mentale qui consiste, par projection stéréotaxique (relief) à

mettre en scène au sein d’une situation distyle in antis (en

architecture : qui présente deux colonnes en front),

- évoque le combat entre l’animus (la logique créatrice) et l’anima (« la

folle du logis », l’imaginaire)

En effet si nous nous référons à notre approche socio-thermodynamique

trikãlienne ces deux « colonnes » qui encadrent le fonctionnement de la

constante trifonctionnelle pourraient tout simplement être associées à une

source froide (anima) et à une source chaude (animus) entre lesquels oscille les

masses internes de la trifonctionnalité constructale. L’équilibre « diélectrique »

étant obtenu par une répartition de la densité des charges lorsque les polarités

sont différentes. Par voie de conséquence, un matériau diélectrique doit être

isolant tout comme il en est d’un système trifonctionnel pour ne pas être

emporté par les flux qui le traversent ou son voisinage immédiat. En sorte que

cette logique confirme bien notre hypothèse sémiostylistique du départ que la

problématique du signe et du sens ne peut être traitée comme jaillissant de

l’imaginaire du système mais de l’extérieur en tant que source froide ou source

chaude d’alimentation du système, cela confirme aussi que le système interne

n’est en mesure de fonctionner qu’en disposant d’un système de régulation

(entre signifié et signifiant, associée à un puits (source) neutre, ou isolant) d’un

système d’approvisionnement (signification et signifiant, puits (source)

210

chaude) d’un système de captation (signifié et signification, puits (source)

froid). De la présence plus ou moins opérationnelle d’un, deux ou trois de ces

sous-systèmes internes le système prendra des formes trikãliennes variables et

sera plus ou moins dépendant, dominant ou régulateur des flux

communicationnels qui le traversent. Nous confirmons aussi l’importance

primordiale des organes de commande de liaison (source froide) seules

capables au contact du signe extérieur (source chaude ou froide) d’en capter

l’énergie. Sans sa présence le fonctionnement des deux pôles restants

(signifiant et signification) est aléatoire et éminemment dépendant des

inversions de la « climatologie » extérieure. L’exclure du système revient à ce

que le signifié (source froide) quitte naturellement le système pour aller

s’approvisionner vers d’autres sources chaudes qu’il attire naturellement tant

qu’il ne pourra plus, si les flux viennent à dépérir, s’en approvisionner de

l’intérieur en phase transitoire canéphagique. Ce barycentrage trifonctionnel

est le seul possible pour maintenir en équilibre le système sur ses flux. Faute

de cela il devient canéphage.

Dans la perspective de visualiser les formes représentationnelles psycho socio

dynamiques que peuvent prendre des organisations au sein d’une culture, nous

nous proposons d’effectuer cette opération en faisant interagir conjointement

des pratiques religieuses et des pratiques économiques.

Les cohérences des continuités structurelles et des rencontres conjoncturelles

entre dans l’ordre du mental qui est l’expression d’un point de vue cognitif sur

le réel à un instant donné d’une histoire. Dans le cadre d’une approche

constructale il apparaît évident de constater une stabilité multiséculaire d'un

ensemble de représentations qui animent certaines périodes de l’histoire et de

larges couches de populations. Processus et contenus doivent être élucidés. De

la connaissance des mécanismes qui les sous-tendent dépend l’aptitude que

nous aurons à en appréhender les bénéfices mais aussi à nous prémunir contre

les risques qu’engendrent les abus conceptuels et les pratiques exacerbées. Une

affaire de décodage et parfois de débogage.

Les rites (le contraire manquant).

En dehors du néo-platonisme, l’emploi philosophique des termes extase, ou

extatique, est peu usité. Il faut cependant en signaler le sens

phénoménologique : pour Sartre par exemple, la conscience est ek-statique :

elle sort de soi, elle est conscience d’autre chose que soi, d’un au-delà de soi.

L’extase est la conséquence de la sublimation. Sublimer, c’est retrouver le

mouvement qui affranchit de la conformité pour passer de l’intention

commune à l’acte individuel. Pour être un héros, disait Otto Rank, il faut être

seul à tuer le père. En généralisant, toute sublimation opère intrinsèquement

une emprise de conscience euphorique de ce qui sépare et fait éclater la

211

consistance du monde. De nouvelles configurations apparaissent alors sous des

formes idéalisées ou conceptualisées. L’Eurêka (j’ai trouvé) est une des

manifestations tangibles de cet état euphorique. La légende se plaît à

représenter Archimède parcourant, dévêtu, les rues de Syracuse au cri

d’Eurêka ! Eurêka ! Il venait, dit-on, de trouver, à la requête de Hiéron,

comment confondre un orfèvre indélicat par la loi suivante : « Les corps plus

lourds qu’un fluide sont allégés, dans ce fluide, du poids d’un volume de ce

fluide égal au leur » : on pouvait dès lors mesurer autrement que par les

sensations.

De même qu’il ne peut exister de rite sans manque à compenser, le rite ne peut

se comprendre sans que ce manque soit directement lié à la recherche d’un

pouvoir protecteur que l’on vénérera par les totems, que l’on craindra par les

tabous où auquel on cherchera à s’identifier par l’intermédiaire des extasiants

concomitamment à des comportements d’agression, d’inhibition (cf.

H. Laborit).

Le vocabulaire est comme un vaste champ traversé (dans le temps et dans

l’espace) par des forces attractives, diversement agissantes selon les centres

d’intérêts d’une culture. L’appel aux mots anciens, inusités ou, en dernier

recours, aux néologismes consiste à investir des zones restées en friche. Par

exemple, le mot addiction apparaît pour se substituer à celui de toxicomanie,

dès lors que les pratiques deviennent communes au point que le nombre des

adeptes représente un poids tel qu’il faille édulcorer le langage afin de ne pas

perdre d’électeurs, de lecteurs ou de baisser dans l’audimat. En dessous du

seuil de tolérance, les pratiques ne concernent que les extrêmes : les marginaux

ou certaines élites. Elles font partie des tabous et, puisqu’elles n’ont aucun

sens, les pratiques considérées comme déviantes ne prennent pas ou peu de

forme dans les signes linguistiques identifiés par l’Académie comme étant

d’usage, alors que l’argot les déclinera avec un vocabulaire riche.

Pourtant, ces pratiques toxicologiques existent bel et bien au sein de toute

société et accompagnent la plupart des rites. Or le mot toxicologie est empreint

de connotations négatives et, étrangement, il n’existe dans notre vocabulaire

aucun mot d’usage accepté suffisamment factuel pour espérer, dans un cadre

neutre, non médicalisé, saisir l’ambivalence et les nuances de pratiques

ancestrales et anthropologiquement constantes.

L’appel au néologisme offre l’avantage de lever le voile sur ces terrains que la

scotomisation sociale des faits occulte. Pour cette raison (et peut-être faute de

mieux), nous utiliserons dans ces travaux le mot extasiant qui permet de

regrouper sous ce vocable l’ensemble des pratiques qui visent momentanément

à s’extraire des pressions totémiques ou des tabous qui agissent comme

accélérateur ou frein sur notre moteur social : le franchissement d’obstacles

212

nécessitant de disposer aussi d’une pédale d’embrayage. C’est à ce dernier

niveau qu’opèrent les extasiants. Ils agissent dans tous les domaines chaque

fois que nous nous extrayons de la réalité du cycle physiocratique de

production-consommation : celui nécessaire à la prédation nous permettant de

maintenir stable les mécanismes vitaux, c’est-à-dire les besoins premiers. Les

extasiants sont des facilitateurs. Ils rendent possible l’enclenchement des

processus de sublimation, d’enchantement, au travers de protocoles ritualisés

qui, dans les sociétés traditionnelles, réduisent l’improvisation à la portion

congrue. Ils prennent corps dans la religion, les comportements amoureux, les

loisirs, les grands idéaux, la philosophie et les arts. Leur finalité est le plaisir,

le bonheur... un instant. Une fuite de la réalité, hors de la coutume et du

quotidien. Tout en aiguisant les sens, les extasiants remettent les compteurs à

zéro en prévision de l’étape suivante. De la thèse hédoniste, Platon retient que

le plaisir est un mouvement ; le plaisir n’est pas absence de douleur ou

suppression de la douleur ; il est un état positif, essentiellement bon. Ainsi se

construiraient les formes premières que prennent naturellement les rites, sur

fond de schèmes agression, inhibition et fuite, d’après un cadre trifonctionnel

simple et selon le modèle initial systémique. Ce modèle est représenté par le

schéma synoptique suivant auquel s’appliquent les principes socio-

thermodynamiques vus précédemment:

213

TRIKÃLA DES FORMES RITUELLES

- 1

0 1

1

0 - 1

Explosion

combinatoire

EXTASIANT

(Fuite. Obnubilation.

Sublimation)

Erotique

Troisième voie

PROCESSION

Extériorisation

Objectivation

POSSESSION

Extatique

Contemplation

CONCESSION

Compulsion

Pélagianisme

TABOU

(Inhibition)

Obsessionnel

Frustration

Macération

Prédestinatianisme

TOTEM

(Agression)

Narcissique

Domination

Noétique augustinienne

EXEGESE

Connaissance

Trikãla

des formes

rituelles

214

A ce stade d’imbrication congruente de concepts issus de l’interdisciplinarité,

(connexion entre Dumézil, Freud, Piaget, Laborit et Devereux), on peut

conclure que les rites disposent bien d’une structure endopsychosociologique

trifonctionnelle : constante anthropologique et communicationnelle constituée

selon un modèle simple paramétré totem, tabou, extasiant permettant de

pondérer les comportements d’agression, d’inhibition et de fuite qui

interagissent et donnent forme ; en sorte que la complexité se comprend non

dans une dimension fractale, mais constructale constitutive de strates

intriquées.

L’interaction entre les sommets identifiés du trifunctionalia (ou triade

fonctionnelle) des rites autorise aux déclinaisons génériques qui suivent.

En mettant en contact totem et tabou, nous obtenons la concession, plus

communément appelée « coutume ». Nous procéderons de même entre

extasiant et tabou pour obtenir le mode chamanique de la possession, et pour

finir, entre totem et extasiant nous obtenons celui le mode processionnel. La

convergence de ces trois pôles donne naissance au concept d’hypostase (ou

intro-spect-acteur, de : introspection, spectateur, acteur par extension du

concept de spect-acteur de Pascal Lardellier en ce sens que l’hypostase est de

nature trifonctionnelle : fonction spectaculaire (mise en scène), fonction des

masques (acteur), fonction d’intériorisation (introspection).

Les rites sociaux d’appartenance (concession) ont pour perspective de

construire, unir et structurer une collectivité autour de totems et de tabous qui

régissent explicitement ou implicitement les protocoles de la vie sociale afin

de garantir l’équilibre interne, ceci en fonction des fluctuations des zones

d’incertitude de l’environnement. La pression exercée par les rites

d’appartenance, par la coutume, sera atténuée et apaisée par des rites

extasiants, complémentaires, forme de fuite organisée de la réalité pour la

sublimation.

En connectant matriciellement les typologies :

- des comportements premiers issus de la triangulation agression,

inhibition et fuite, qui donnent naissance aux rites premiers (princeps),

constitutifs de la triangulation totem, tabou, extasiant,

- des préoccupations religieuses sociétales,

il apparaît envisageable de comprendre les formes que prennent les rites.

Concernant le tableau présenté à la page suivante, précisons que son caractère

est strictement indicatif. En effet, il n’intègre volontairement pas les facteurs

extérieurs susceptibles d’intervenir sur la morphogenèse des typologies. En

215

effet, les développements de cette approche systémique devraient dans l’avenir

intégrer plus finement les influences extérieures qui jouent un rôle important

sur le niveau canéphore (offrande donnée), ou canéphage (offrande

consommée) ou canéviatique (offrande-prospérité) du rite. Dans un premier

temps, le tableau s’inscrit donc dans un environnement théoriquement

canéphore (dominante totémique de l’action narcissique).

En croisant les 7 types de rites et les 7 types d’attentes spirituelles, chacun

déterminé par les mêmes schèmes trifonctionnels, nous obtenons le tableau

typologique des pratiques rituelles (pages suivantes). Celui-ci concerne

l’Église catholique romaine. Une recherche plus approfondie devrait permettre

une généralisation des terminologies dans un cadre plus largement

anthropologique.

TRIKÃLA DES ATTENTES SPIRITUELLES

* La Psyché, l’Ame du monde, constitue par sa présence et par son mouvement

ascendant l’amorce d’une conversion du sujet humain vers l’unité (hypostase) qui le

sauve.

Cette triangulation (trifunctionalia ou triade fonctionnelle) conditionnerait la

constructalité des rites et d’une façon plus générale l’ensemble des mécanismes de

communication : seuls le niveau et la nature de l’hypostase attendue, en fonction de la

nature du manque à combler, fera varier l’importance attribuée à chacun de ses

sommets (agression, inhibition, fuite). Cette représentation permettrait de définir le rite

par sa fonction inductive (ce qu’il sous-tend comme étant différent de ce qu’il donne à

voir) autant que de différencier les rites les uns par rapport aux autres, afin d’un peu

mieux comprendre les protocoles communicationnels qui régissent les interactions

entre les protagonistes.

216

TRIKÃLA DES ATTENTES SPIRITUELLES

- 1

0 1

1

- 1

Explosion

combinatoire

*HYPOSTASE

Faire corps

DOGMATISME

(Refuge spirituel)

Se référant aux

fondements de la foi

APOLOGETE

Justifier une

cause et une

appartenance

PROSELYTISME

Zèle déployé au

service d’une

cause

CASUISTE

(Inhibition

obsessionnelle)

Résoudre des

cas de

conscience

DEVOTION

Recherche

de

congruence

OSTENTATION

(Agression

narcissique)

Identité

0

Trikãla

des attentes

spirituelles

217

TRIKÃLA DES FORMES ORGANISATIONNELLES

- 1

0 1

1

0 - 1

Explosion

combinatoire

Trikãla

des

organisations

Bureaucratique

s

STRUCTURE (objectif, loi,

méthode)

REFUGE

POUVOIR (finance,

management)

AGRESSION

INTERACTIO

N (hommes,

compétences)

INHIBITION

Technocratique Démocratique

Communautaire

Autogestionnaire Autocratique

Economo-

cratique

LEGITIMATION

SOCIALISATION

RATIONALISATION

Pensée à

dominante

logique

Pensée à

dominante

analogique Pensée à

dominante

logique

ue

Pensée à

dominante

normative

218

TRIKÃLA DES MARCHES

La mise en contact matricielle de ces quatre trikãlas par binômes

correspondants (socio-économique (organisations et marchés) et religieux

- 1

0 1

1

0 - 1

Explosion

combinatoire Trikãla

des marchés

CAPITALISME

PHYSIOCRATISME

SOCIALISME

NOUVEAUTE

(Art, religion,

loisirs)

FUITE

Princeps

Libéraliste

Accumulatif

Contributif

Mercantiliste

Elitiste

Economo-

éthique

QUANTITE

(Consommation)

INHIBITION

QUALITE

(Production)

AGRESSION

219

(attentes spirituelles et formes rituelles) permet la réalisation indicative et

ouverte :

- d’une cartographie des modèles représentationnels,

- d’une typologie des axes de traitement verticaux et horizontaux

sémantiques et formels,

- du trikãla des imaginaires mentaux avec leurs attributs et supports

stylistiques,

- de la nature des climats mentaux qui en résultent.

Rappelons s’il en est encore besoin que le niveau relatif de complexité obtenu

(dans ces cas simplement par superposition dans les binômes de deux trikãlas

barycentrés similairement) par l’approche trikãlienne constructale

(trifonctionnelle – cybernétique – hystérétique - systémique et constructale) se

trouve être la conséquence de trois schèmes interagissant entre eux (dont les

variations constituent les ensembles : agression – inhibition – fuite) pour

adapter la forme d’un système aux flux qui le traversent. Ces trois schèmes

engendrent sept grandes catégories d’attitudes expressives et verbales en sorte

qu’elles constituent le substrat tangiblement identifiable de l’observation et de

l’analyse sémiostylistique, en conséquence mesurables tant concernant

l’émetteur, le récepteur que l’environnement informationnel et

communicationnel, quelques soient les supports et médium utilisés. Cette

dimension métrologique des communications permet le passage de l’intuition

explicative à la démonstration scientifique. En remontant les niveaux d’échelle

de complexité, du plus élémentaire (communication en face à face) au plus

large (interférences entre vie économique, cultuelle et politique) on constate

l’immanence de la constante trifonctionnelle polarisée et encadrée par le

vecteur de commande de la relation et celui de l’information pour intégrer et

traiter le signe qui doit toujours être compris comme étant strictement un agent

étranger extérieur au système de traitement.

Nous pouvons donc conclure en l’existence phénoménologique de la loi

trifonctionnelle constructale comme régissant l’ensemble des processus

communicationnels sémantiques et formels.

220

TAB

LEA

U

CON

STRU

CTA

L

DES

CON

STRU

CTIO

NS

MEN

TAL

ES

AUTOCRA-

TIQUE

OSTENTA-

TION

BUREAU-

CRATIQUE

DOGMA-

TISME

AUTO

GESTION-

NAIRE

DEVOTION

CATE-GORIE

SEMAN-

TIQUE

(Chomsky)

DISTRIBU-TION

(Jakobson)

SELEC-TION (Neumann)

INFOR-

MATION

ELITISTE

TOTEM

Acquisition

Thésauriseur

Carrière

(pierre & éternité)

Tatouage

Sécurisation

Cambisme Coulissier

Candélabre

vestale

Inquisition

Chambellanie Dulie

Icône

Empreinte Domination

Marque

PRINCEPS

EXTASIANT

Amplification

Défilé

Place Offrande

Centrali-

sation

Répartition

Autel

devise

Aliénation

Centralisation

Krak blason

Cadre

Réglemen-

tation

Limites

INT

EG

RE

R (F

roid

)

Masculinité

221

ACCUMU-

LATION

TABOU

Prospection

Détention Comptoir

Chrismal

Onction

Ascension

Ascension Pyramide

Echelle

Concen-

tration

Concentration

Sarcophage Relique

Partition

Formation

Transfor-

mation

MERCAN-

TILE

PROCES-

SION

Exploration

Pari (espoir) Panache

Conquête

Trophée Drapeau &

cuirasse

Implantation

Mausolée Idole

Concen- tration

Externali-

sation Intern-

alisation

LIBERAL

POSSESSION

Spéculation

Risque Postulat

Simulation

Estimation

Pilotage Posture

Evaluation

Conformité

Pondération

Recul

Imprévu / nature

Normalisation

Assouplis-sement

Durcissement

CONTRIBUT

ION

CONCESSIO

N

Valorisation

Mécénat

Collection Art / Aumône

Partage

Mutualisme

Fondation Hospice

Collecte

Ressource

Placement

Estimation

Compensation Réversion

ECONOMO-

ETHIQUE

HYPOSTASE

Réconciliation

Congrès Intronisation

Conciliation

Légalisation Loi

balance

Modélisation

Commé- moration

auréole

CATEGORIE

SEMANT-

IQUE

(Chomsky)

SYNTAXE

(Jakobson) COMBINAISO

N

(Neumann) RELATION

Référant

Déplacement

Pionnier

Référentiel

Valeur

Consensus

Inférant

Mémoire

Pratiques

NATURE DE

L’ISOLANT

AS

SE

MB

LE

R (C

ha

ud

)

Féminin

AS

SE

MB

LE

R (C

ha

ud

)

Masculinité

222

TECHNO

CRA

TIQUE

DEMO-

CRATIQUE

COM-

MUNAU-

TAIRE

APOLO-

GETE

ECO-

ETHIQUE

CATEGO-

RIE SEMAN-

TIQUE

(Chomsky) DISTRI-

BUTION

(Jakobson) SELEC-

TION

(Neumann) INFOR-

MATION

ELITISTE

TOTEM

Démarquer

Délivrance

Croisade

Corsaire bannière

Remarquer

Protection

Templier

Boucanier banderole

Marquer

Honneur

Chevalerie

Flibustier Flamme

Conscri-

ption Assurance

Mandarinat

Dragon

Empreinte

Domination Marque

PRINCEPS

EXTASIANT

Réception

Frontière Créneau

Insigne

Conception

Incrustation Table

emblème

Perception Réception

Ecu

(bouclier) armoiries

Circon-

scription

Bacchanale

Circon-cision

Cadre

Réglemen-

tation

Limites

ACCUMU-

LATION

TABOU

Diffusion

Goupillon Gerbe

Récupéra-

tion

Rubis (pivot

d’horloge) Levier

Couver-

ture

Capuchon Crispin

(revers de

gant)

Circon-

spection

Consé-

cration Canon

(droit)

Schola- stique

Excision

Partition

Formation

Transfor- mation

MERCAN-

TILE

PROCES-

SION

Distribu

-tion

Stakhan-ovisme

Déflation

Concent-

ration Oligopole Stagnation

Détermi-

nation

Rigueur Spartiate

Inflation

Distrac-

tion

Hégémonie Stigmati-

sation

Concen-

tration

Externa- lisation

Interna-

isation

LIBERAL

POSSESSIO

N

Assimila-

tion

Conversion

Mission notaire

Cooptation

Relais

Démission

Témoin

médiateur

Régular-

isation

Assignation

Permission huissier

Mutualisa-

tion

Répartition

Transmis-

sion

Paritaire

Normali-

sation

Assouplis-

sement

Durcis-

sement

CONTRI-

BUTION

CONCES-

SION

Corpora-

tion

Rogations Revendi-

cation

Intégration

Coopération

Repentance Mémoire

Congré-

gation

Mur Autarcie

Compensa-

tion

Absolution Denier

Estimation

Compen-

sation Réversion

PROSE

LYTE

AS

SE

MB

LE

R (C

ha

ud

)

CASUISTE

INT

EG

RE

R (F

roid

)

Féminité

223

ECO-

ETHIQUE

Hétérodoxie

Lyrisme

Hétéro-

Nomie

Carnaval Transg-

ression

Métam-

orphose

Mutation

Change-

ment de cycle

(apocalypse)

Catégories

Sémantiques

(Chomsky) Syntaxe

(Jakobson)

Combinaison (Neumann)

Relation

Déférant

Contenu

Travers

Interférant

Articulation

Recentrage

Conférant

Contenant

Formalisati

on

‘Patanomie

phagocytos

e

NATURE DE

L’ISOLANT

Suite du tableau de la page précédente

Féminité

224

TRIKÃLA SEMIOLOGIQUE

Denuntio

Denotato

Sibylle

Nota

Denudo Denuntiatio

SIGNIFIE

REFERENT

Connecto

Denubo

SIGNIFIANT

INFERENT*

SIGNIFICATION

REFERENTIEL

REPRESENTATION

SIGNALISATION

INTERFERENT

SIGNE

ALERTE

SIGNALETIQUE

DEFERENT

CONSIGNATION

CONFERENT*

SENS

CONTES

(cf. « source »

isolante)

MYTHES

(cf. source

chaude)

LEGENDES

(cf.source

froide)

225

CARTOGRAPHIE DES ESPACES SEMIOTIQUES

Réfé-

rant

Référen-

tiel

Infé-

rant

Défé-

rant

Interfé-

rant

Confé-

rant

Révé-

rend

Signifié

Signifi-

cation

Signifiant

Signalé-

tique

Signali-

sation

Consign-

ation

Désigna-

tion

ESPACE DE

DEPRESSION

CONTES

ESPACE DE

COMPENSATION

MYTHES

ESPACE DE

PRESSION

LEGENDE

ESPACE DE

CONDENSATION

ROMAN

INS

IGN

AN

T

CONFIRMANT

226

REFERENCES & PENSEES SYMBOLIQUES

LEGENDE

(« Lumières ») MYTHE

(« Romantisme »)

CONTE

(« Renaissance »)

ROMAN

Eyes wide shut Stanley Kubrick

Agression Inhibition

Fuite

227

REFERENCES & AUTRES PENSEES SYMBOLIQUES

LEGENDE

(« Lumières »)

MYTHE

(« Romantisme »)

CONTE

(« Renaissance »)

ROMAN

Eyes wide shut Stanley Kubrick

Schème

Agression

Schème

Inhibition

Schème

Fuite

FOLKLORE FABLIAU

ALLEGORIE

PHANTASME Construction

imaginaire, consciente ou inconsciente,

permettant au sujet qui s'y met en scène,

d'exprimer mentalement un désir plus ou moins refoulé.

SIGNE

FANTASME Approche de la réalité qui

transcendent le vécu individuel et ont un certain caractère d'universalité.

En ce sens, les fantasmes sont à rapprocher des

mythes collectifs. De fait et à ce titre ils entrent dans

le cadre de la réalité psychique.

SENS

REPRESENTATION

228

TRIKÃLA DES SUBSTRATS SEMIOSTYLISTIQUES

CONTE

MANTIQUE

ANAMORPHOSE

Anxiété & induction Grimoire,

prédication,

divination,

béatitude, pamphlet,

ambiguïté,

/Chiasme,

argumentation.

(Mage, Diacre).

(Convivialité)

EPIPNOIA*

(Ecritures

Saintes)

Hypostase

Hystérie

Roman, poème,

Transfiguration,

rêverie, souffle.

(Génie, Messie).

(Heuristique).

LOGORETIQUE

EXOTHERISME

Exhortation

Narcissisme &

manie

Prophétie,

maléfice,

bénédiction

(Prophète)

(Parole,

logorrhée)

MYTHE

MEDITATION

Spiritualisme

Psychose,

Mythomanie

Hyperbole,

divination inspirée,

détermination,

interprétation,

psychodrame,

hallucination.

(Maître)

(Initiation)

Ingénu

Mythification

LEGENDE

LOGISTIQUE

Prosélytisme

Névrose.

Schizophrénie

Parabole,

comparaison,

explication,

démonstration,

intronisation.

(Héros).

(Expérimentation).

intuitive

Mysticisme

Détermination

Roublard

innculption

SIGNE

Kabbale, Graal,

Da’Wah.

Abacomantique

° REPRESENTATION

° FORME EXPRES-

SIVE

° Substrat spirituel

° Substrat psycha-

nalytique

° Moyen, méthode, support

° (Médiateur)

° (Pratique)

TYPOGRAPHIE

DES CORRES-

PONDANCES

SENS

CASUISTIQUE

MYTHO-

POÏETIQUE &

DIVINATION

ESOTHESRISME Spiritisme. Transe

Superstition, Ascèse,

sortilège.

(Chamane)

Incubation

(Onanisme).

SYMBOLIQUE

ENTHOUSIASME

Scholastique

Transfert

Enseignement.

(Connaissance)

(Extase-Hédonisme)

229

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ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS

232

TABLE DES MATIERES

_______________________________________________________________

Page :

REMERCIEMENTS 7

INTRODUCTION GENERALE 9

CHAPITRE I - DES RISQUES DE L’EPISTEMOLOGIQUE

CARTESIENNE APPLIQUEE AUX SCIENCES HUMAINES.

Un cheval de Troyes 11

Cassier : structuralisme et herméneutique 11

Kant : schématisme transcendantal 12

Althusser et la thèse centrale du matérialisme 13

Le milieu est plus riche que le centre 14

La métaphysique : la science du coup d’après 16

Ibn al-Sarrag avant Leibniz 17

Archimède et l’imaginaire 18

Sémiologie saussurienne : le signe en cul de sac ? 21

Comprendre la partition avant de l’interpréter 23

Pour sortir de la dialectique : la répétition 25

Rien ne sert d’inventer le marteau-pilon pour ouvrir la noisette 26

Foin de l’exhaustivité : aller voir ailleurs 27

CHAPITRE II - DETERMINER LES CONSTANTES.

Jamais deux sans trois 31

La représentation : un invariant derrière des variations 31

Les représentations, une question d’être contingente de l’avoir 32

La conquête de l’avoir : une projection sensible de l’intuition

à partir de la mémoire 34

Totems, tabou, extasiant 36

L’union : un symbole cassé 38

Prononcé du divorce en 1792 (Gravure) 42 Le temps du tribut 44

Ensemble trifonctionnel significatif 45

INSCRIPTION LATINE DÉCOUVERTE À ROME (1880)

CHAPITRE III - PLACER LES CONSTANTES

POUR SITUER LA DIVERSITE

Entre Prague et Palo Alto 47

De l’emphase à l’extase : un manque d’outillage 47

Pour s’éviter la roulette russe 48

Principe d’utilité et Palo Alto 49

La fonction crée l’organe 50

Cheval blanc n'est pas cheval 51

Signe, signifiant, signifié, signification 53

233

Le signe est donc extérieur au système 54

Pour fuser de la confusion :

là ou les ciseaux de Saussure se brisent.

Vison 3D 55

Pitié pour la Pythie 57

Nota, Denuntio, denotato 58

TRIKÃLA SEMIOTIQUE DE DELPHES 59

L’Avertisseuse : l’anormalité fait signe 60

Le compte n’était pas tout à fait bon : l’anomie est adnomie 65

L’approche interprétative et ethno-sens 66

L’ambition de Palo Alto 68

Le signe d’un manque 70

L’ordinateur : projection de la triangulation sémiotique 71

CHAPITRE IV - DES CONSTANTES AU MODELE

POUR SORTIR DES CONTRESENS

Vers une systémique des représentations 77

Penser les rituels de la pensée 77

Contexte épistémologique 79

Parier sur la modélisation 80

Pour sortir de la matière noire 81

De la nécessité d’une cartographie

paramétrée en communication 85

Prométhée contre Épiméthée 88

Une posture de découverte philologique constructale 90

Georges Dumézil : une philologie

des constantes anthropologiques 91

La trifonctionnelle constructale :

une phénoménologie trikãlienne 94

Un modèle trifonctionnel

des phénomènes communicationnels 96

Situer un paradigme de pensée dans la recherche 97

TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE

DES POSTURES DE SENS 99

TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE

DES CADRES CONCEPTUELS 100

TABLEAU SYNOPTIQUE DES SENTIMENTS

ET DE LEURS CAUSES 103

(Interrogation sur les causes des sentiments éprouvés)

CHAPITRE V - DU MODELE MONADIQUE AU MODELE

DES REPRESENTATIONS

Vers une systémique constructale des représentations 105

MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA CARTESIEN) 107

234

MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA TRIKÃLIEN) 108

TRIKÃLA DES VALEURS -1, 0, +1 /

MACHINE DE VON NEUMANN 110

TABLEAU MATRICIEL DES VALEURS (BASE-1, 0, +1)

ISSUES DES INTERACTIONS TRIKÃLIENNES

(EMETTEUR – RECEPTEUR) 111

TRIKÃLA DES SEMIOFORME 113

TRIKÃLA DES SEMIOCONSTRUCTIONS 115

Le triangle de Sierpiński 116

CHAPITRE VI - DE LA DISPUTATIO A L’UTLILITAS

Les pendules à l’heure 121

TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES 138

TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES (suite tableau) 139

CARTOGRAPHIE TRIKALIENNE HOMOTHETIQUE DES

VISIONS INTELECTUELLES 141

De Monnet à l’€uro : choisir entre le conte et le mythe 143

La trinité abrahamique 151

TRIKÃLA DES FORMES COGNITIVES

ET DES

APPROCHES ABRAHAMIQUES 158

De la sibylle à la sébile : jouer placé plutôt que gagnant 158

Le triangle infernal : pour une économie de l’effort 163

Perspectives et méthode d’une approche trikãlienne 3D 161

Si j’en suis, donc je peux le penser 165

L’approche trikãlienne : franchir le paradigme traditionnel 166

TRIKÃLA PHONOLOGIQUE 171

Les critères de validité d’un concept en

science de l’information et des communications 173

CHAPITRE VII - DE LA MAGIE DE L’OPPOSITION

ET DU GENIE DU DESACCORD 177

La pensée triviale et la pensée des contraires:

l’art de noyer le poisson 177

Triangle des subcontraires et carré sémiotique 181

Si je t’aime, prend garde à toi 185

La gorgone et le veau d’or 188

Dans le monde des aveugles les borgnes sont rois 190

De l’objection à la synergie par les désaccords 192

Faire évoluer les désaccords 193

TABLEAU & TRIKÃLA DES EVOLUTIONS

POSSIBLES ISSUES DUN DESACCORD 197

235

CHAPITRE VIII - ENTRE TERMODYNAMIQUE

ET SOCIODYNAMIQUE DES COMMUNICATIONS :

UNE LOI CONSTRUCTALE 199

TRIANGLE DE LA PHYSIQUE DE PHASE

D’UN CORPS PUR 201

Pluralité anthropologique des communications 203

Les équations des interactions entre formes

trifonctionnelles canéphores et canéphages 203

Données initiales 204

Notions d’équilibre 205

Les rites (le contraire manquant) 210

TRIKÃLA DES FORMES RITUELLES 213

TRIKÃLA DES ATTENTES SPIRITUELLES 216

TRIKÃLA DES FORMES ORGANISATIONNELLES 217

TRIKÃLA DES MARCHES 218

TABLEAU CONSTRUCTAL

DES CONSTRUCTIONS MENTALES (réflexions indicatives) 220

TRIKÃLA SEMIOLOGIQUE 224

CARTOGRAPHIE DES ESPACES SEMIOTIQUES 225

REFERENCES & PENSEES SYMBOLIQUES 226

REFERENCES & AUTRES PENSEES SYMBOLIQUES 227

TRIKÃLA DES SUBSTRATS SEMIOSTYLISTIQUES 228

BIBLIOGRAPHIE 229

TABLE DES MATIÈRES 233

236

Document de couverture :

Giotto. One of the Legend of St. Francis frescoes at Assisi,

Renunciation of Wordly

237

238