typologie des propriétaires forestiers varois

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265 Typologie des propriétaires forestiers varois Qui sont-ils ? Quelles sont leurs attentes et leurs motivations ? par Olivier GLEIZES Introduction Depuis 2010, le Conseil général du Var (CG 83) élabore le Schéma de protection et de valorisation de la forêt varoise qui est décliné en plu- sieurs enjeux (accueil du public, environnement, filière bois, cycle du carbone, changement climatique). Dans cet article, nous nous intéres- serons plus particulièrement à l’enjeu visant à « développer une filière économique durable ». Le schéma de la forêt vise notamment à sensibi- liser et inciter les propriétaires forestiers à s’investir dans la gestion durable de leur propriété. En effet, ces derniers représentent environ 70 % de la surface de la forêt varoise. Le CG 83 souhaiterait aider à mobiliser davantage de bois afin de développer une filière bois jusqu’à présent presque au point mort et surtout diminuer le risque d’incendie via la gestion forestière. Pour ce faire, il faut connaître les attentes et motivations des propriétaires forestiers varois, pour pouvoir développer des actions en faveur de la forêt qui n’aillent pas à leur encontre. Parallèlement, le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) a pour mission de contacter des propriétaires, de les conseiller, de les diriger vers une gestion durable des forêts et de faire agréer des docu- ments de gestion tels que le Plan simple de gestion (PSG). Il convient de rappeler que 2 % des propriétaires forestiers varois (correspondant au groupe de ceux qui possèdent plus de 25 ha de forêt) se partagent presque 50 % de la surface forestière. Ils représentent quelques 1 300 propriétaires forestiers qui sont obligés d’avoir un PSG au titre du Code forestier. Dans la pratique, environ 400 propriétaires en ont un : Développer une filière écono- mique forêt-bois durable est un des objectifs du Conseil général du Var. Or ce développement ne pourra se faire sans les propriétaires forestiers privés qui possèdent 70% de la surface forestière du département. Mieux connaître les attentes et les motivations des propriétaires forestiers est un préalable essentiel avant toute proposition d’actions. C’est pourquoi une étude sur la typologie des propriétaires forestiers varois de plus de 25 ha et n’ayant pas de plan simple de gestion a été réalisée, en collaboration avec le Centre régional de la propriété forestière. forêt méditerranéenne t. XXXIII, n° 3, septembre 2012

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Page 1: Typologie des propriétaires forestiers varois

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Typologie des propriétairesforestiers varois

Qui sont-ils ? Quelles sontleurs attentes et leurs motivations ?

par Olivier GLEIZES

Introduction

Depuis 2010, le Conseil général du Var (CG 83) élabore le Schéma deprotection et de valorisation de la forêt varoise qui est décliné en plu-sieurs enjeux (accueil du public, environnement, filière bois, cycle ducarbone, changement climatique). Dans cet article, nous nous intéres-serons plus particulièrement à l’enjeu visant à « développer une filièreéconomique durable ». Le schéma de la forêt vise notamment à sensibi-liser et inciter les propriétaires forestiers à s’investir dans la gestiondurable de leur propriété. En effet, ces derniers représentent environ70 % de la surface de la forêt varoise. Le CG 83 souhaiterait aider àmobiliser davantage de bois afin de développer une filière bois jusqu’àprésent presque au point mort et surtout diminuer le risque d’incendievia la gestion forestière. Pour ce faire, il faut connaître les attentes etmotivations des propriétaires forestiers varois, pour pouvoir développerdes actions en faveur de la forêt qui n’aillent pas à leur encontre.Parallèlement, le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) a

pour mission de contacter des propriétaires, de les conseiller, de lesdiriger vers une gestion durable des forêts et de faire agréer des docu-ments de gestion tels que le Plan simple de gestion (PSG). Il convientde rappeler que 2 % des propriétaires forestiers varois (correspondantau groupe de ceux qui possèdent plus de 25 ha de forêt) se partagentpresque 50 % de la surface forestière. Ils représentent quelques 1 300propriétaires forestiers qui sont obligés d’avoir un PSG au titre duCode forestier. Dans la pratique, environ 400 propriétaires en ont un :

Développer une filière écono-mique forêt-bois durable est undes objectifs du Conseil général

du Var. Or ce développementne pourra se faire sans les

propriétaires forestiers privésqui possèdent 70% de la surface

forestière du département.Mieux connaître les attentes et les

motivations des propriétairesforestiers est un préalable

essentiel avant toute propositiond’actions. C’est pourquoi

une étude sur la typologiedes propriétaires forestiers varois

de plus de 25 ha et n’ayant pasde plan simple de gestion a été

réalisée, en collaborationavec le Centre régional

de la propriété forestière.

forêt méditerranéenne t. XXXIII, n° 3, septembre 2012

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on connaît généralement la motivation de cesderniers qui, globalement, via le PSG, gèrentleur forêt. Néanmoins, il reste une majoritéde 900 propriétaires environ (possédant plusde 25 ha) dont on ne connaît presque rien.Qui sont-ils ? Quelles sont leurs attentes etmotivations ? Que peut-on leur proposer ?Pour répondre à ces questions, une typologiedes propriétaires forestiers varois possédantplus de 25 ha, mais n’ayant pas de PSG, aété commandée. Les objectifs du CG 83 et duCRPF se rejoignant, il a été choisi de réaliserce travail en collaboration avec les deuxorganismes.

Caractérisation de l’échantillondes propriétaires interviewés

Les commanditaires (CG 83 et CRPF) ontsouhaité caractériser avec précision l’ensem-ble des profils de propriétaires. Pour ce faire,il a donc été choisi de réaliser une enquêtequalitative. Les thèmes évoqués avec les pro-priétaires étaient les suivants : revenusforestiers, multifonctionnalité en forêt(exploitation forestière, sylvopastoralisme,chasse, tourisme, menus produits…),attentes et projets d’avenir, fréquentation deleur forêt et avenir de leur patrimoine(vente, héritage, donation de leur vivant). Ilest primordial d’indiquer que le taux derefus de rendez-vous a été extrêmement bas,situation assez rare qui mérite d’être évo-quée.31 propriétaires forestiers varois ont ainsi

été interviewés (échantillonnage satisfaisantpour une enquête qualitative). Un effort dereprésentation de la diversité a été effectuésur les types de propriétaires, l’étalementdes âges et des surfaces forestières et larépartition géographique à l’échelle du Var.

Le type de propriétésTout d’abord, cette enquête présente une

exhaustivité des types de propriétaires :– 16 propriétaires en nom propre ;– 3 indivisions ;– 3 groupements fonciers agricoles (GFA) ;– 2 groupements fonciers ruraux (GFR) ;– 2 sociétés anonymes (SA) ;– 2 sociétés civiles immobilières (SCI) ;– 1 société par actions simplifiée (SAS) ;– 1 fondation ;– 1 association.

L’âge des propriétairesLa variable âge — bien que l’enquêteur ne

la connaisse qu’au dernier moment lorsquel’interviewé lui indique son année de nais-sance — a fait l’objet d’une distribution satis-faisante : la moyenne des propriétaires inter-rogés est de 60 ans, le plus jeune a 42 ans, leplus âgé 83 ans. La classe d’âge 60-70 ansest la plus représentée (Cf. Fig. 1) ; ce quiparaît cohérent au vu de l’âge moyen plutôtélevé des propriétaires forestiers en France :l’enquête CREDOC du CNPF-IDF indiqueque « les propriétaires de bois sont plutôtâgés, 42 % ont plus de 65 ans » (TOPPAN etPICARD, 2011).

La surface des propriétésforestièresIl est important d’avoir un étalement des

surfaces forestières : toutes les classes desurface doivent être représentées (Cf. Fig. 2).Il faut veiller à l’étalement des surfaces ;ainsi, le plus « petit » propriétaire forestierinterviewé possède 27 ha et le plus « gros »491 ha.

La localisation des propriétésforestières dans le VarSi l’enquête qualitative n’est pas statis-

tique, il n’en demeure pas moins que toutesles influences doivent être sondées. Or, lepropriétaire qui possède de la forêt dans leHaut-Var Verdon a des problématiques radi-calement différentes du propriétaire du litto-ral. Ainsi, pour pouvoir représenter toutesles influences géographiques, il a été choiside ne pas prendre plus de deux propriétairessur une même commune de façon à éclater larépartition des propriétaires interviewés surtout le territoire varois (Cf. Fig 3). On

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Fig. 1 :Répartition

des propriétairespar classe d’âge

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obtient donc une distribution globalementsatisfaisante puisque les différentes« régions » sont représentées : Maures,Estérel, littoral, Haut-Var de l’est, Haut-Varde l’ouest, Provence verte et Centre Var.

Profession des propriétairesforestiersÀ titre indicatif, les propriétaires intervie-

wés exercent essentiellement un métier lié àl’agriculture :– agriculture (6 viticulteurs, 4 éleveurs, 2

céréaliers, 1 maraîcher et 1 polyculteur) : 14sur 31 ;– hommes d’affaires : 4 sur 31 ;– tourisme (gîtes, hôtellerie, activités tou-

ristiques) : 3 sur 31 ;– autres (cadres, techniciens, chefs d’entre-

prise) : 4 sur 31 ;– non renseigné : 6 sur 31.

Typologie des propriétairesforestiers varois possédantplus de 25 ha sans PSGSuite à la retranscription des entretiens,

une analyse transversale des discours despropriétaires interviewés a pu être effectuéeet a permis de découper les discours dechaque propriétaire et de les rassemblerautour de thèmes communs. Cela a abouti àl’élaboration de groupes homogènes consti-tuant une typologie de propriétaires fores-tiers (Cf. Tab. I).Nous noterons qu’il existe très peu de typo-

logies de propriétaires forestiers dans la lit-térature scientifique et que celles qui sontfacilement consultables sont le fruit de tra-vaux très récents (fin des années 2000 –début des années 2010). La typologie de pro-priétaires forestiers est donc un outil pour lacompréhension des attentes et motivationsdes propriétaires forestiers dont on peut pen-ser qu’il sera de plus en plus utilisé dansl’avenir.La typologie exposée ci-après présente la

particularité de traiter de la propriété privéedans un département méditerranéen et l’ori-ginalité de reposer sur une population-mèreconstituée de propriétaires forestiers possé-dant tous plus de 25 ha de forêt et n’ayantpas de PSG. D’habitude, les typologies depropriétaires forestiers sont bien plus géné-ralistes et ne font pas de distinction de sur-face ou de présence/absence de plan de ges-tion.

Groupe 1 : l’entreprenant

CaractérisationIl s’agit de propriétaires « actifs » vis-à-vis

de l’exploitation forestière.Ils se rendent régulièrement en forêt ; cela

est à mettre en lien avec le fait qu’ils viventà côté de leur forêt. Pour la majorité d’entreeux, une forêt gérée est une forêt exploitéeou entretenue. Pour cela, ils font des coupes ;

Fig. 2 :Répartition des proprié-taires interviewés parclasse de surface (ha)

Fig. 3 :Localisationdes communes où lespropriétaires forestiersont été interviewés

Page 4: Typologie des propriétaires forestiers varois

il s’agit essentiellement de coupes de bois dechauffage pour leur consommation person-nelle, mais également de coupes de débrous-saillement, de coupes d’éclaircie ou encored’élagages. Certains commercialisentquelques coupes.

Ils font partie des propriétaires qui ont leplus de connaissances forestières. Ils ont ten-dance à peu déléguer les tâches forestièrespour les réaliser eux-mêmes : ils sont un peusylviculteurs à leur façon. Ils réalisent eux-mêmes les travaux forestiers car ils appré-cient la coupe, l’élagage et, plus générale-ment, la gestion de leur forêt. Par ailleurs,ils accordent une confiance très restreinteaux exploitants que certains qualifient de« voleurs » de bois.

Au niveau des traitements sylvicoles, ilssont plutôt opposés aux coupes rases de tail-lis.

Ce sont les propriétaires qui ont la visionla plus poussée de la multifonctionnalité dela forêt : chasse, sylvopastoralisme, apicul-ture, trufficulture, tourisme... Une proprié-taire indique que : « c’est absolument obligéd’être multifonctionnel ! ... c’est des terrespauvres […] ».La majorité de ces propriétaires n’a pas

une vision négative de l’accueil du public en

forêt privée, à condition qu’il soit encadré. Ilfaut dire que certains vivent de l’activité tou-ristique. Certains ont même des projets dedéveloppement d’activités touristiques enca-drées : promenades avec des ânes, journées àthème en forêt, agritourisme, œnotourisme…La forêt est le lieu de nombreuses activitésqui permettent d’apporter au propriétairedes revenus.Les propriétaires du groupe G1 ont mani-

festé leur volonté de faire un PSG. Si cer-tains ne savent pas ce qu’est le PSG, ils indi-quent, après explication, qu’un tel documentest en adéquation avec leur vision de la forêt,notamment la multifonctionnalité. D’autresont un PSG en cours de réalisation ou doi-vent le faire sous peu. Ceux qui n’ont pas faitla démarche, alors qu’ils en connaissaientl’existence, indiquent que c’est parce qu’ilsne s’y sont pas intéressés, parce qu’ils n’envoyaient pas l’utilité ou enfin parce qu’ilsn’étaient pas soumis à obligation de PSGavant 2010 (avant modification du caractère« d’un seul tenant » des 25 ha dans le Codeforestier en juillet 2010). Pour eux, avoir unPSG va leur permettre de se mettre en règleavec la loi (notamment pour transmettreleur forêt), d’exploiter et de valoriser leurforêt. Ils ont une vision patrimoniale de leurbien forestier qui sera transmis aux généra-

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Tab. I :Tableau récapitulatif du

positionnement des 5types de propriétaires parrapport aux thématiques

abordées

forêt méditerranéenne t. XXXIII, n° 3, septembre 2012

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tions suivantes : ils adoptent une gestion en« bon père de famille ». D’ailleurs, quelquespropriétaires du groupe G1 souhaitent ache-ter des parcelles avoisinant les leurs pourdonner plus de cohérence à leur propriété oupour pouvoir développer des activités liées àla forêt.Ces propriétaires connaissent des acteurs

de la forêt : CRPF, Forestour, Parc naturelrégional du Verdon, Syndicat des proprié-taires forestiers sylviculteurs du Var, ONF…Certains ont pu participer à des FOGEFOR1, à la Charte forestière de territoire Artuby-Verdon, à une plantation ForestAvenir(plantation contre l’effet de serre)…Les propriétaires de ce groupe sont les

rares à avoir été capables de formuler desattentes et des motivations concrètes pourl’avenir : développer une activité de vente debois de chauffage, planter, acquérir des par-celles voisines pour donner une cohérence àla propriété, planter des truffières…Si ces propriétaires sont satisfaits de leur

gestion actuelle, ils restent tout de mêmeouverts à ce qu’on peut leur proposer : ilssont curieux et s’intéressent à la forêt, cer-tains ont même un côté expérimentateur ouinnovateur, que l’on peut voir dans les propo-sitions suivantes qu’ils souhaiteraient voirdévelopper : subventionner les plantations,encourager les martelages et les désigna-tions des tiges d’avenir pour développer petità petit une sylviculture de bois d’œuvre, leurrecommander des exploitants fiables…

Que faire ?Ces propriétaires sont motivés et ont géné-

ralement des projets forestiers. On peut pen-ser qu’ils feront tout pour les réaliser.Toutefois, il faudra veiller à les encourager ;cela passe notamment par le PSG.Effectivement, ces propriétaires ont mani-festé leur volonté de faire un PSG, c’est pour-quoi, lorsqu’on arrivera à la phase de rédac-tion dudit document, on veillera avec eux àbien inscrire tous leurs projets pour que ledocument de gestion soit bien conforme àleurs attentes et à leurs motivations, defaçon à ce qu’il n’y ait aucune entrave à laréalisation de leur dessein forestier.Il paraît important d’accompagner ces pro-

priétaires dans leurs projets (notamment viale CRPF) afin de ne pas les démotiver dansleurs entreprises personnelles et, éventuelle-ment, s’appuyer sur eux pour peut-être créerun effet de levier sur les propriétaires « pas-sifs ».

Groupe 2 : le pyrophobeindépendant

Caractérisation

Il s’agit de propriétaires « actifs » vis-à-visde l’exploitation forestière : ils font descoupes de bois de chauffage (qu’ils commer-cialisent ou pas), des coupes de pin d’Aleppour diminuer le risque d’incendie, descoupes de débroussaillement…Comme le groupe G1, ils se rendent, dans

l’ensemble, régulièrement en forêt car ilshabitent à proximité de cette dernière et ilseffectuent eux-mêmes les travaux forestiers,sauf les grands domaines ou les structuresimportantes qui font appel à des sociétés pri-vées de débroussaillement, à l’ONF ou àleurs propres employés.À l’instar de G1, ils sont, dans l’ensemble,

opposés à la coupe rase de taillis.Leur principale inquiétude est le risque

d’incendie et c’est le moteur de leur actionsylvicole : c’est parce qu’ils ont peur que laforêt brûle qu’ils l’exploitent, qu’ils débrous-saillent… Si les propriétaires du groupe G1sont conscients du risque d’incendie en forêtméditerranéenne, ils ont toutefois d’autresmotivations pour exploiter la forêt : amélio-rer la qualité, « aérer », se chauffer, tendrevers un paysage idéal… Le risque d’incendiereste cependant leur principale motivationpour couper les arbres.Leur pyrophobie est tellement exacerbée

que certains développent une aversion dupin d’Alep : « je rase tous les pins : du pluspetit au plus gros ».A ce propos, certains ont exprimé le désir

de valoriser les pins qu’ils coupent et se sontmontrés intéressés quant aux futurs projetsde biomasse EON (à Gardanne dans lesBouches-du-Rhône) et INOVA (à Brignoles) :« Le problème c’est que la plupart des pro-priétaires pensent que leur forêt coûte cher etque ça leur rapporte rien parce que les bûche-rons racontent n’importe quoi. […] S’il y aquelque chose sur Brignoles et qu’on sort dubois, moi je suis ravi parce que ça veut direque les gens vont être à peu près obligés d’en-tretenir leur forêt, ce qu’il faut c’est que ce nesoit pas l’anarchie. »Enfin, si ces propriétaires débroussaillent

et entretiennent leur forêt, c’est parce qu’ilssont conscients qu’ils sont responsables deleur patrimoine forestier, qu’ils veulent pro-téger leur patrimoine (dans son acception laplus large) et qu’ils doivent se mettre en

1 - Formationà la gestion forestière

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règle avec les normes DFCI : « Moi, ce que jeveux, c’est être dans les normes : s’il y a unemerde [sic] un jour, que j’aie fait monboulot ! »

De plus, ce qui différencie ce type de pro-priétaires par rapport au précédent, c’estqu’ils se satisfont tant de leur gestion fores-tière qu’ils sont peu enclins à faire ladémarche de s’intéresser à ce qui pourrait sefaire ailleurs dans le département ; ils nesont pas trop ouverts sur le monde forestierextérieur (mis à part l’entreprise qu’ils fontintervenir pour le débroussaillement, pourceux qui ne font pas eux-mêmes les travaux).« Je demande aucune aide à personne : jerefuse les aides du Conseil général, de l’Etatou de l’Europe […]. » Les propriétaires dugroupe G2 semblent être en retrait par rap-port au monde forestier extérieur, mais sansque cela ne les dérange. Puisque leurs activi-tés n’impliquent pas la collectivité, ils sous-entendent que la collectivité n’a pas à s’intro-duire chez eux.

De ce repli, découle un refus ou uneabsence de volonté de faire un PSG, contrai-rement au groupe G1 où les propriétairessont très motivés. Faire un PSG pour pou-voir exploiter la forêt ne semble pas les inté-resser puisqu’ils le font déjà et qu’ils jugentleurs travaux satisfaisants. On note qu’ilsconnaissent beaucoup moins de profession-nels de la forêt que les propriétaires dugroupe G1. Certains sont adhérents auSyndicat des propriétaires forestiers sylvi-culteurs du Var, mais ils ne savent pas pourautant que le PSG leur est obligatoire.

La majorité des propriétaires de ce groupea une vision négative de l’accueil des tou-ristes, soit que leur structure ne le permettepas (domaines privés), soit qu’ils veuillentrester maîtres de leur propriété, soit qu’ilsjugent les touristes trop irrespectueux de lanature, notamment en été avec le risqued’incendie. « Tourisme ? non ! sûrement pas !ce sont des destructeurs et puis on est en zoneméditerranéenne justement donc c’est dange-reux… puis j’en veux pas : il y a assez deforêts domaniales qui savent très bien faireça : c’est leur problème. » Un autre proprié-taire indique garder la chasse pour lui car :« autrement, vous êtes envahis par des gensque vous ne connaissez pas, qui ont un non-respect de l’endroit. » Enfin, il existe d’autresstructures telles que des domaines qui n’ontpas vocation à accueillir les touristes : « Onn’a pas grand monde qui monte pourtantc’est pas fermé : le domaine n’est pas clôturé,

rien, bon ils savent qu’il y a un gardien, doncils ne rentrent pas… puis bon s’il y a un pro-blème ça ira très loin… faut pas que les gensrentrent. »Ils partagent une vision multifonctionnelle

de la forêt (bien qu’elle soit très légèrementmoins développée que dans le cas du groupeG1). Ainsi, certains louent ou donnent lachasse ou autorisent le sylvopastoralismedans leur forêt avec un berger qu’ils connais-sent. Cela confirme l’appartenance des pro-priétaires du groupe G2 à un réseau local deconnaissances très resserré. Si la majoritéd’entre eux partage une vision multifonction-nelle de la forêt, ils ne sont, en revanche, pastrop pour la dimension multi-acteurs ; ilspréfèrent choisir les gens avec qui ils travail-lent.Contrairement aux propriétaires du

groupe G1, la majorité d’entre eux n’a pasformulé d’attentes forestières concrètes, si cen’est de continuer leur gestion actuelle.

Que faire ?Le groupe des pyrophobes indépendants ne

semble pas facile à approcher.Ce type de propriétaires doit être très diffi-

cile à motiver et à orienter vers d’autres acti-vités forestières puisqu’ils se satisfont deleur gestion et auront probablement du malà mettre en œuvre les propositions qu’onpourrait leur faire… sauf si on entre encontact avec eux en leur parlant de diminu-tion du risque d’incendie ou de valorisationdu pin d’Alep dans les nouveaux projets debois énergie. Étant donné qu’ils sont amenés,pour la plupart d’entre eux, à couper du pind’Alep, beaucoup se sont montrés intéressésquant au projet varois INOVA (à Brignoles)et à une possible valorisation du pin d’Alep.Toutefois, comme beaucoup de proprié-

taires sont attentistes, il faudra trouver unesolution pour les mettre en lien avec la nou-velle centrale de biomasse, car ils ne serontpas dans une démarche d’aller contacterINOVA pour valoriser leur pin.Il paraît difficile de les convaincre de

s’orienter vers un document de gestion dura-ble, puisque la plupart n’en voit pas l’intérêt.Néanmoins, on peut penser qu’ils pourraientêtre motivés si on leur présentait le PSGcomme un document autorisant à couper et àdiminuer le risque d’incendie via l’exploita-tion prévue au plan de coupes.

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Page 7: Typologie des propriétaires forestiers varois

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Groupe 3 : le passif ordinaire

CaractérisationLes propriétaires de ce groupe n’ont jamais

fait de coupes en forêt. Si certains admettentse chauffer au bois, ils le récoltent en bor-dure de chemin, en bordure de vignes, enprenant le bois mort… mais jamais à l’inté-rieur de leur forêt. Contrairement auxgroupes G1 et G2, ce ne sont pas du tout dessylviculteurs ; c’est pourquoi on peut les qua-lifier de « passifs » vis-à-vis de l’exploitationforestière. « Très honnêtement, vous savez ona ça dans la famille depuis des générations eton se le transmet de génération engénération ; comme on dit souvent, ça rap-porte pas mais ça coûte rien. Et donc on a çamais on n’en tire aucun revenu, on ne payedessus que le foncier non bâti et puis voilà ;ce qui fait que c’est insignifiant. »Étant donné qu’ils n’exploitent pas la forêt,

les revenus, pour ceux qui en ont, sont uni-quement liés à la location de la chasse.Il y a dans ce groupe des degrés de motiva-

tion différents. Certains seraient intéressésd’avoir des revenus forestiers. D’autres vou-draient pouvoir valoriser leur forêt, l’exploi-ter pour diminuer le risque d’incendie, avoirdes revenus forestiers qui paieraient aumoins la taxe sur le foncier non bâti ainsique l’entretien… Ils ne sont pas contre leprincipe de gérer et d’entretenir la forêt pourdiminuer le risque d’incendie auquel ils sonttrès sensibilisés : « Ce qui nous inquiète, ici,placé comme on est, c’est le risque d’incendiequand il y a du mistral… Voilà ça c’est lapremière préoccupation. Donc si la forêt estexploitée, c’est sûr qu’il y a un peu moins derisque. »Contrairement au groupe G4, ils n’ont pas

une raison valable qui les empêcherait d’ex-ploiter leur forêt. Leur patrimoine forestier aune valeur affective pour eux (ce qui les dis-tingue du groupe G5).De fait, s’ils n’ont jamais exploité, c’est

parce qu’ils sont occupés par leur activitéprofessionnelle ; certains n’ont d’ailleurs pasle temps d’aller en forêt : « Moi j’ai pas letemps… donc jamais. Par manque de temps,pas par manque de plaisir […] ».Enfin, on peut penser que les retraités

auraient le temps d’exploiter ; toutefois, ilsne le font pas parce qu’ils ne se sont jamaisdit qu’ils pourraient avoir des revenus fores-tiers ou alors parce que ça n’est pas leurobjectif premier d’en avoir : « on s’est jamaistrop penché là-dessus. Voilà, je sais pas… je

sais pas du tout… C’est vrai que c’est uneforêt qui dort, mais peut-être qu’on pourraiten tirer parti pour quelque chose, mais je nesais pas du tout. »De plus, le préjugé comme quoi on ne peut

rien faire de la forêt méditerranéenne estbien présent.Enfin, un des grands problèmes, c’est que

ces propriétaires ne connaissent pas d’exploi-tant fiable. On peut penser que certainsauraient déjà exploité s’ils avaient été mis enlien avec un tel exploitant. « Ça serait monsouhait de connaître un bon forestier ou alorsque le Conseil général fasse autre chose. »Aucun des propriétaires de ce groupe ne

sait ce qu’est un PSG. Ils n’ont pas decontact avec des professionnels de la forêt.La majorité de ces propriétaires n’est pasconnue des techniciens du CRPF, car ilsn’ont généralement pas une grande surface.Ils sont probablement plus faciles à

convaincre de gérer et exploiter leur forêtque le groupe G5 car ils vivent à proximitéde leur patrimoine forestier : « J’aimeraisbien savoir ce que nous pouvons en tirer… onsait jamais. »Par conséquent, ce groupe G3 représente

un ensemble important de propriétaires àconvaincre et à stimuler vers une gestiondurable de leur patrimoine, d’autant que cer-tains d’entre eux sont demandeurs d’aide :« Donc voilà, c’est la galère pour pouvoirconserver quatre bouts de terre, voilà où jeveux en venir. […] En quelque sorte, je suisplus embêté moi qui ai quatre lopins de terreou autre que vraiment la personne qui a rien.

Photo 1 :Les grandes propriétésvaroises sont, biensouvent, constituéesde bois et de vignes.Photo O. Gleizes

Page 8: Typologie des propriétaires forestiers varois

[…] Il faut nettoyer, il faut faire attentionpour les incendies […]. »Les attentes de ces propriétaires sont très

variées : connaître les limites du parcellairecadastral de leur patrimoine forestier, peut-être commencer à faire un peu d’exploitation,connaître un exploitant sérieux… Un pro-priétaire demande même l’aide du CG 83 :« il faudrait qu’il aide un peu les petits pro-priétaires qui veulent garder leur patrimoineet qui n’ont pratiquement pas de revenus des-sus, essayer de faire quelque chose pour eux ».

Que faire ?Le passif ordinaire est un propriétaire qui

n’a jamais vraiment fait d’exploitation fores-tière et qui a parfois une mauvaise connais-sance de la forêt ; de fait, une journée dediagnostic que pourrait réaliser un techni-cien forestier du CRPF serait la bienvenue :beaucoup de ces propriétaires sont motivéspour recevoir un technicien du CRPF quileur dira ce qu’ils peuvent faire de leurs bois.Il s’agira de les convaincre de la nécessité degérer la forêt, notamment pour en diminuerle risque d’incendie, mais également en leurindiquant qu’ils pourraient avoir des revenusforestiers ; ce que beaucoup n’avaient jamaisosé imaginer. Si l’on se positionne par rap-port à la pression qui va naître des projetstrès mobilisateurs en bois (EON et INOVA),il faudra réussir à convaincre ce type de pro-priétaires d’exploiter le pin d’Alep pour dimi-nuer le risque d’incendie.Il faudra leur faire prendre conscience du

risque d’incendie de façon à les inciter à

exploiter tout en privilégiant leurs exigences.La difficulté de ce groupe réside dans le faitqu’ils ne sont pas tous capables de formulerclairement leurs objectifs forestiers, mais çane veut pas dire pour autant qu’ils n’en ontpas : on veillera donc à les guider pour qu’ilspuissent formuler au mieux leurs motivationsde façon à les retranscrire dans un PSG.Malgré tous les efforts qu’on peut faire, on

peut penser qu’une partie de ces proprié-taires restera passive.

Groupe 4 : le désenchanté

CaractérisationCe groupe comprend toujours des proprié-

taires « passifs » vis-à-vis de l’exploitationforestière.On peut penser qu’il est très difficile de

retrouver ce type de propriétaires dans d’au-tres régions de France tant il semble lié à laforêt méditerranéenne.S’ils ne font pas de gestion forestière, c’est

qu’ils ont de bonnes raisons de ne pas enfaire, et cela est fortement lié aux probléma-tiques des forêts méditerranéennes (incen-die, maquis…).C’est ainsi que les propriétaires ont évoqué

les raisons suivantes : leur forêt a été rava-gée par un incendie (exemple de l’incendie de2003 de Vidauban à Sainte-Maxime), leurforêt — quoique classée en tant que telle aucadastre — s’apparente en réalité à unelande ou un maquis où aucune exploitationforestière ne peut être réalisée, des histoiresde famille les empêchent de se rendre enforêt comme ils le voudraient, leur forêt estsituée sur une topographie difficile (solsrocailleux) où aucune exploitation forestièrene pourrait être rentable, leur âge, l’absencede descendants…« J’ai pas de femme, j’ai pas d’enfants, mes

petits neveux je sais que ça ne les intéresse pas,alors autrement ça m’aurait fait plaisir del’entretenir […], de leur laisser quelque chose,un patrimoine. […] J’aurais eu des descen-dants, j’aurais réagi différemment […] ».Contrairement au groupe G5, ils ne se dés-

intéressent pas de la forêt, ils ont même par-fois des connaissances forestières ; et c’estpour cela souvent qu’ils savent que leurpatrimoine forestier n’est pas comme lesautres et qu’ils ne pourront pas faire d’ex-ploitation forestière.Certains de ces propriétaires semblent s’ac-

commoder de cette situation en indiquant

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Photo 2 :L’embroussaillement des

forêts privées accroît lerisque d’incendie.Photo O. Gleizes

Page 9: Typologie des propriétaires forestiers varois

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qu’ils ont une retraite confortable et que larecherche de revenus forestiers n’est pas leurbut. En revanche, d’autres propriétaires indi-quent clairement qu’ils ne seraient pas oppo-sés à avoir des revenus forestiers afin depayer au moins la taxe sur le foncier non bâtiet l’entretien de leur propriété forestière.C’est notamment le cas sur le site classé del’Estérel qui impose aux propriétaires (demaquis pauvres) de conserver le paysagemais sans rien leur donner en échange ; unde ces propriétaires dira : « Aidez-nous pourqu’on puisse garder le paysage ».La majorité de ces propriétaires ne sait

pas ce qu’est un PSG. Certains vont peut-être penser à le faire, même si d’autres ontclairement indiqué qu’ils ne pouvaient pasen faire un.Ces propriétaires ont une attache patrimo-

niale à leur forêt ; ils l’ont tous héritée. S’ilsont une descendance, ils transmettront lebien. Enfin, il convient de retenir que cespropriétaires, s’ils sont immobilistes, ne fontpas preuve de nonchalance. Certains d’entreeux sont ouverts à ce qu’on pourrait leur pro-poser. S’il apparaît évident qu’on ne pourrapas faire d’exploitation forestière chez cer-tains d’entre eux, d’autres activités liées à laforêt pourraient être développées.Il est très probable de rencontrer ce type de

propriétaires dans le massif des Maures ou del’Estérel, là où le risque d’incendie est trèsélevé et où les forêts sont parfois très pauvres.

Que faire ?Pour approcher ces propriétaires, l’exploi-

tation forestière stricto sensu ne semble pasêtre forcément la meilleure des façonspuisque ces propriétaires ont une forêt quin’est pas productive (maquis, garrigues) ouqui est détruite (incendie).En revanche, on pourrait répertorier tous

ces propriétaires de plus de 25 ha (peut-êtrepourrait-on même abaisser le seuil à 10 ha),les contacter et leur proposer une réhabilita-tion des suberaies incendiées (enlèvement duliège brûlé pour qu’elles puissent produire denouveau du liège). Ce travail pourrait êtremené par l’ASL de la suberaie varoise, ges-tionnaire compétent pour ce type de travaux.Pour les propriétaires de l’Estérel qui ont

une forêt qui s’apparente plus à un maquiset qui appartiendraient à ce groupe, atten-dons les futures mesures de la récente charteforestière de territoire Grand Estérel. S’ilsemble que cette CFT développera le tou-risme notamment en forêt domaniale de

l’Estérel, il convient de bien réfléchir à lafaçon dont on pourra apporter des revenusforestiers à des propriétaires qui sont confron-tés à une des forêts les moins productives dudépartement. Le but est de trouver une solu-tion au discours parfois désenchanté de cer-tains propriétaires qui ont l’impression depayer la taxe sur le foncier non bâti unique-ment pour les touristes qui se promènentdans leur forêt alors qu’eux-mêmes, du fait decertaines législations (Site inscrit de l’Estérelpar exemple), ont l’impression de ne plus pou-voir développer leurs propres projets.

Groupe 5 : le détachéCaractérisationCe groupe se caractérise par des proprié-

taires qui ne gèrent pas la forêt : ils n’ontjamais fait d’exploitation forestière. Ilconvient de souligner que s’ils n’y font rien,c’est à cause d’un désintérêt total de la forêt.Ils ne sont pas dans une démarche de valo-

risation de la propriété forestière et pas uni-quement par rapport à l’exploitation fores-tière, mais aussi vis-à-vis des multiplesusages de la forêt : il n’y a presque pas dechasse (si elle y est c’est souvent la société dechasse de la commune qui s’en occupe), pasde sylvopastoralisme, pas de tourisme, pasde récolte des menus produits de la forêt.Pour faire simple, la gestion forestière est ledernier de leur souci. Ce détachement parrapport à leur forêt peut s’expliquer par lefait que la plupart d’entre eux ne vivent pasà proximité, contrairement aux groupes G1,

Photo 3 :Levée de liège dansl’EstérelPhoto O. Gleizes

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G2, G3 ou G4. Certains vivent même trèsloin du Var. De fait, ils ne vont pratiquementjamais dans leurs bois. Il s’agit du groupe depropriétaires qui est le plus détaché de saforêt. Enfin, ils ne se passionnent pas pourleur patrimoine forestier en tant qu’entiténaturelle. Une indivision sans héritier peutjustifier ce détachement : « C’est vrai qu’entrele fait qu’on a d’autres problèmes prioritaires,plus le fait de l’éloignement, c’est vraimentdans nos soucis les plus éloignés. […] Il fautpas perdre ça de vue : on n’a pas investi dansle bois […], on a hérité ça de famille. […]Pour l’instant, on met ça en stand-by, on s’endébarrasse pas mais on ne l’exploite pas. Onne sait pas trop où l’avenir se situe. »Étant donné que leur forêt n’est pas exploi-

tée, ils n’ont aucun revenu forestier, mais ilsne se sont jamais posé la question de lamanière d’en avoir. Si l’argument d’obtenirdes revenus forestiers permettant de payerla taxe sur le foncier non bâti avait puséduire certains propriétaires du groupe G3,cet argumentaire peine à convaincre le typeG5. Une propriétaire va même jusqu’àemployer les mots suivants pour parler de saforêt : « En fait, pour moi, c’est le genre detruc qui sert absolument à rien quoi. C’estplus source de problèmes qu’autre chose. Jeveux dire — ces terrains qui sont à moi — jeconsidère pas que c’est une chance quoi, enfinje veux dire que je trouve que ça sert à rien.En fait, je me suis pas projetée dans — j’aides enfants — mais je me suis pas projetéedans la donation sur ce genre de terrains surlesquels ils feront pas plus que moi ou pasgrand chose en tout cas quoi… » Un autrepropriétaire indivis a employé le mot de« capital » pour parler de sa forêt : « un capi-tal qui est placé là et qui est en attente, […]qui ne nous rapporte pas grand chose maisqui ne nous coûte pas trop d’ennuis […] doncon s’était pas investi pour rentabiliser cetteparcelle, même si elle fait 40 ha ».Aucun d’entre eux ne sait ce qu’est un

PSG. Ils n’ont d’ailleurs quasiment aucuneconnaissance de professionnels de la forêt.Ces propriétaires sont très divers. Il y a

dans ce groupe des SA, SAS ou SCI qui pos-sèdent de la forêt avec un autre bien quipeut être un domaine viticole, un golf, uncomplexe hôtelier… Ces propriétaires-là ontacheté un bien dans lequel figurait la forêt àlaquelle ils n’ont prêté aucune attentionnaturaliste, mais plutôt foncière : ils voientla forêt comme une surface qu’ils pourrontdéfricher si, un jour, ils ont besoin de terrainpour faire construire. Enfin, les propriétaires

qui ont hérité ne manifestent pas beaucoupplus d’attachement à leur forêt.

Ainsi, ce qui rassemble tous ces proprié-taires est l’absence de vision écologiste ounaturaliste de la forêt. Pour certains proprié-taires (G1, G2, G3), il serait inconcevable dedéfricher de la forêt pour construire ; ça n’estglobalement pas le point de vue du groupeG5. D’ailleurs, ils n’excluent pas de vendreou de se séparer de leur bien. « J’ai du mal àimaginer que les enfants puissent avoir unintérêt majeur dessus ; je veux dire : siquelque part, un jour — j’en sais rien — lesorganismes départementaux devenaient forte-ment acheteurs et proposaient un bon prix oubien d’autres personnes (particuliers) voisinesme contactaient, tout peut être examiné jeveux dire sachant qu’il n’y a strictementaucun caractère d’urgence. […] Si quelqu’un,un jour, avec un projet, venait nous faire uneproposition d’achat à des niveaux sympa-thiques, on examinerait […]. »Certains d’entre eux ont notamment des

vues foncières : « Souvent quand on a envie detransmettre quelque chose à des générationsqui vont venir, [...] on peut se dire bon lesenfants peut-être qu’un jour ils pourront faireconstruire une maison ou je sais pas ce genrede choses quoi […] ». Certains ont d’ailleursvu leurs projets fonciers anéantis par la créa-tion de la Réserve naturelle nationale de laPlaine des Maures ou le Site classé del’Estérel.

Pour ces propriétaires, l’avenir est incer-tain soit parce qu’ils n’ont pas d’enfants, soitparce qu’ils vont être obligés de vendre àcause de comptes non équilibrés dans leursociété d’investissement, soit parce qu’ils ontune vision sur le court terme. Enfin, lesautres propriétaires sont attentistes, mais ilsn’écartent pas l’idée de vendre un bien dontils n’auront rien fait de leur vie, si quelqu’unvenait leur faire une proposition intéres-sante.Il s’agit probablement des propriétaires les

plus difficiles à contacter et à motiver à lagestion durable des forêts.

Que faire ?Les propriétaires détachés forment le

groupe le plus difficile à toucher. Il n’est pasimpossible de les contacter puisqu’ils appa-raissent dans la typologie. En revanche, leurposition souvent foncière ne permet pas,dans de nombreux cas, d’imaginer une valo-risation forestière de la forêt. On peut donc

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penser que la clé pour approcher les proprié-taires du groupe G5 est l’approche foncière etnon pas l’approche forestière contrairementà tous les autres groupes de la typologie.Certains pourraient donc être intéressés parune opération foncière consistant à les met-tre en contact avec un acheteur qui leurferait une offre correcte (on peut imaginerque le CG 83 achète quelques-unes de cespropriétés pour en faire des ENS). En effet,ils espèrent tirer de leur bien plutôt uneplus-value foncière qu’une plus-value fores-tière (puisqu’ils ne s’intéressent pas à laforêt en tant qu’espace naturel). C’estpresque plus leur relation au foncier qu’ilfaudra interroger alors que pour les autresgroupes c’est le rapport au patrimoine fores-tier qui reste prépondérant.

Conclusion

La typologie de propriétaires forestiers aété réalisée de façon à mieux comprendre lesattentes et motivations des propriétairesforestiers varois, en particulier ceux qui pos-sèdent plus de 25 ha de forêt qui devraientavoir un PSG mais qui n’en ont pas et pourlesquels on ne connaît aucune de leurs moti-vations. Elle a permis de dresser un « por-trait-type » de chaque groupe de proprié-taires forestiers. S’il convient de ne pass’enfermer dans la typologie, elle peut néan-moins servir à mieux appréhender les pro-priétaires en associant leur mode de penséeà un des cinq types de propriétaires : celapeut permettre de bien cerner le propriétaireet de lui faire des propositions qui soient enadéquation avec ses attentes et motivations.On retiendra que les préoccupations des

propriétaires sont diverses : trouver unexploitant sérieux, avoir une aide pour entre-tenir la forêt, trouver un acquéreur… Laconnaissance de la législation qu’ont les pro-priétaires est globalement mauvaise. Pourrésorber ce manque de connaissance, il fautcommuniquer ; une solution possible seraitdonc d’impliquer les élus en organisant aveceux des réunions regroupant plusieurs com-munes et ouvertes aux propriétaires fores-tiers où les techniciens forestiers du CRPF,des COFOR et également la chargée de mis-sion forêt-bois du CG 83 pourraient répondreaux interrogations des élus et des proprié-taires et rappeler la législation en vigueur.En fin de compte, nous sommes dans une

situation représentée par la figure 4 où le

poids des propriétaires « passifs » est bienplus lourd que celui des « actifs » : il convientdonc d’agir pour faire basculer le groupe G3par exemple du côté des « actifs » de façon àcréer une dynamique d’engagement vers lagestion durable. En effet, les propriétairesqu’on pourra motiver appartiennent auxgroupes G1, G2 sur la thématique de la valo-risation des résineux, G3 en partie et G4 dansune moindre mesure. Pour G5, il semble trèscompliqué de les motiver à la gestion durable.Dans le schéma de protection et de valori-

sation de la forêt varoise, trois scénariospour la forêt varoise ont été définis :– un scénario pessimiste : progression des

abus ;– un scénario tendanciel : avenir incertain

de la forêt varoise ;– un scénario volontariste : réelle prise en

compte de la multifonctionnalité.Un travail important est à effectuer

auprès des propriétaires forestiers quidevraient avoir un PSG ; il permettraitd’évoluer du scénario tendanciel vers le scé-nario volontariste. Toutefois, un tel travailsera rendu possible si, et seulement si, il y aun travail main dans la main entre tous lesorganismes liés à la forêt privée : le CRPF, leSyndicat des propriétaires forestiers sylvi-culteurs du Var, le CG 83 (via ses subven-tions aux propriétaires privés), les com-munes forestières (via la formation auxélus), la Fédération départementale deschasseurs du Var (via la formation aux chas-seurs) et la Direction départementale desterritoires et de la mer (via la répression descoupes rases illégales).

O.G.

Fig. 4 :La gestion forestière despropriétaires de plus de25 ha sans PSG : unebalance déséquilibréedans le Var

Olivier GLEIZESIngénieur forestierstagiaire au Conseilgénéral du Var et auCRPF – Antenne duVar (stage de find’études)ENGREFEcole nationaledu Génie rural desEaux et des Forê[email protected]él. : 06 82 81 61 93

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Le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) est confronté à une forêt privée varoise peu exploitée ;une de ses missions consiste justement à inciter les propriétaires à gérer durablement leur forêt (pour endiminuer le risque d’incendie). Dans une volonté de développer la gestion durable des forêts afin que lespropriétaires puissent, éventuellement, obtenir des revenus forestiers, le Conseil général du Var élabore leSchéma de protection et de valorisation de la forêt varoise. Avant de proposer des pistes d’actions pour laforêt, il convient de connaître les attentes des propriétaires forestiers de façon à décliner des mesures quisoient en adéquation avec leurs motivations. Pour ce faire, une typologie de propriétaires forestiers varoispossédant plus de 25 ha mais n’ayant pas de Plan simple de gestion a été réalisée. La typologie de proprié-taires est un outil qui est de plus en plus utilisé et qui permet notamment de mieux appréhender la sociolo-gie du propriétaire (façons d’agir et de penser). C’est ainsi que cinq types de propriétaires aux motivationsdifférentes ont été dégagés : ils seront décrits, analysés et, enfin, des pistes d’actions cohérentes seront for-mulées de façon à les inciter à s’intéresser davantage à la gestion durable de leur patrimoine forestier.

Typology of private forest landholders in the Var (S.-E. France) Who are they? What of theirexpectations and motivations?In the Var département (S.-E. France), the CRPF (regional private forest landholders’ association) is con-fronted with private forests that are hardly exploited; indeed, one of their tasks is to motivate forest ownersto undertake sustainable management of their woodlands (in order to reduce the risk of wildfire). With acommitment to ensuring sustainable development so that forest owners may eventually get a financialreturn from their holdings, the Var Government Council has drawn up a promotion and protection schemefor Var forests. Before proposing an action plan for these forests, it is necessary to know forest owners’expectations in order to suggest measures which will match their motivations. Therefore, a typology hasbeen established of Var forest landowners with more than 25 hectares but without a forest managementplan. Typologies of forest owners are a tool used more and more to obtain a better understanding of own-ership outlook (ways of acting and thinking). Forest owners have thus been gathered together into fivegroups: these will be described, analysed and, finally, some coherent measures will be suggested as a wayof encouraging them to become more involved in the sustainable management of their forest holdings.

Tipología de los propietarios forestales del Var ¿Quiénes son? ¿Cuáles son sus expectativas y susmotivaciones?El Centro regional de la propiedad forestal (CRPF) se ha visto enfrentado a la escasa explotación de losbosques privados del Var. Una de sus misiones consiste justamente en incitar a los propietarios a desarrollaruna gestión duradera de sus bosques (en especial para disminuir los riesgos de incendio). Con la voluntadde desarrollar una gestión duradera de los bosques para que los propietarios puedan beneficiar de even-tuales ingresos forestales, el Consejo General del Var (Provincia o Autoridad departamental) está elabo-rando el Plan de protección y de valorización de los bosques del Var. Sin embargo, antes de proponer pistasde acción para la gestión de los bosques, es importante identificar las expectativas de los propietarios fores-tales para así poder establecer las medidas necesarias en adecuación con sus motivaciones. Por consi-guiente, se ha procedido a la definición de una tipología de los propietarios forestales del Var que poseenmás de 25 hectáreas pero que no han elaborado aún el Plan de gestión forestal. La tipología es una herra-mienta que se utiliza cada vez más y que permite una mejor comprensión del perfil sociológico del propie-tario (forma de pensar y de actuar). Cinco tipos de propietarios, con motivaciones distintas, han sido asíidentificados: serán descritos, analizados y, finalmente, serán formuladas pistas de acción coherentes demanera a incitarlos a incrementar su interés en la gestión durable de su patrimonio forestal.

Resumen

Summary

Résumé

forêt méditerranéenne t. XXXIII, n° 3, septembre 2012