un homme de son temps - ecole de nancy - portail · l’itinéraire d’Émile gallé est le fruit...

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Émile Gallé service éducatif du musée des beaux-arts et du musée de l’École de Nancy valise pédagogique réalisée par Nathalie Vergès, coordination Ghislaine Chognot musée de l’École de Nancy 36-38, rue Sergent Blandan – 54000 Nancy un homme de son temps

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Émile Gallé

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valise pédagogique réalisée par Nathalie Vergès,coordination Ghislaine Chognot

musée de l’École de Nancy36-38, rue Sergent Blandan – 54000 Nancy

un homme de son temps

Les principes de cette valiseCette valise pédagogique a pour objectifde faire appréhender la personnalitécomplexe d’un artiste aux talents multiples. Elle est également l’occasiond’envisager des thèmes se rapportant à cet artiste. En effet, les élèves mémorisent souvent mieux une périodehistorique ou un événement à partird’un personnage. Dans le cadre d’unevisite au musée de l’École de Nancy,il n’est pas nécessaire d’utiliser l’intégralité de la valise. Pour cette raison, celle-ci a été conçue sous formede fiches indépendantes les unes desautres. Chaque fiche est constituée de la même façon : au recto est envisagé un aspect de la personnalité

de Gallé ; au verso sont analysées des œuvres du musée de l’École de Nancy correspondant au thème.Une fiche glossaire / chronologiea été ajoutée à cet ensemble.Pour exploiter ces fiches en cours,vous disposez également de la reproduction des œuvres sous forme de transparents couleur et de panneaux.

la valise pédagogique : mode d’emploi

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En histoire : l’industrialisation

Documents à utiliser : fiches Galléindustriel, verrier, céramiste ou ébéniste, panneaux ou transparents sur les usines Gallé (marqueterie et photographies), panneaux ou transparents des œuvres analysées.

Objectifs :– Présenter les transformations du

paysage industriel (usines avec hautescheminées, donc nouvelles sourcesd’énergie).

– Montrer le monde du travail au XIXe siècle notamment le travaildes enfants.

– Exposer les nouvelles techniques de fabrication avec particulièrementle travail en série.

– Évoquer le mode de vie bourgeois(goût pour les objets décoratifs,volonté de montrer sa réussite sociale).

En sciences : unité et diverstité du vivant

Documents à utiliser : fiches Gallé botaniste, Gallé, un homme de relations, panneaux ou transparents des œuvres analysées.Vous pouvez jumeler un parcours sur ce thème avec une visite au Jardinbotanique du Montet pour faire le lienentre la botanique et la façon dontGallé a utilisé et interprété cette science dans ses œuvres.

Objectifs :– Étudier les stades de développement

d’un végétal ou d’un animal,les conditions de développement desvégétaux. Possibilité d’une démarcheexpérimentale par la mise en cultureet l’observation de ces cultures.

– Étudier un milieu naturel : type de végétaux, association avec certainsanimaux (exemple la flore lorraine,la flore exotique).

– Travailler sur la symbolique desplantes et des animaux.

En éducation artistique

Documents à utiliser : toutes les fiches, en particulier celles qui sont consacrées aux métiers d’art exercés par Gallé (céramique,verrerie, ébénisterie).

Objectifs :– Appréhender le mouvement

de l’École de Nancy à traversle personnage de Gallé.

– Réaliser une activité sur le thème de l’objet utilitaire et de l’objet décoratif. Travailler, par exemple, surles lampes et imaginer la structure et le décor d’une lampe pour unefonction bien précise (fête foraine,fleuriste, animalerie, etc).

quelques pistes pédagogiques pour l’enseignement élémentaire

Émile Gallé

Émile Gallé

introduction

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Émile Gallé est un artiste complet.À la fois maître-verrier, ébéniste et céramiste, il est surnommé « HomoTriplex » par son ami, le critique d’art Roger Marx. Cet homme de grande culture est l’un des moteurs de l’École de Nancy : fondateur de l’Alliance Provinciale des Industries d’Art en 1901, qu’il préside jusqu’à sa mort en 1904, il inspire de nombreux artistes de son époque.Cet artiste est également un industriel :soucieux de rentabilité, il met en placedans ses ateliers les nouvelles méthodesde travail héritées de la Révolutionindustrielle, en particulier le travail à la chaîne. Il se présente comme unnovateur, puisqu’il met au point de nouvelles techniques, notamment dans la verrerie.Passionné de botanique, il s’inspire de la nature pour la conception de ses œuvres. Son regard est à la foisscientifique et poétique ; la nature,observée et représentée de façon rigoureuse, devient en effet sous sa main le vecteur de symboles et de messages.

Enfin, Gallé est un artiste engagé dans les grands combats de son temps :après la guerre de 1870, il met son artau service de la Lorraine, prônant le rattachement à la France de l’Alsace-Lorraine, annexée par la Prusse.Favorable au principe des nationalités,il soutient les causes irlandaise et arménienne. Fervent défenseur desdroits de l’Homme, il prend position en faveur d’Alfred Dreyfus et participe,aux côtés de Victor Prouvé, à la Liguedes droits de l’Homme.Figure emblématique de l’École de Nancy, Émile Gallé apparaît donccomme une personnalité complexe au talent et aux facettes multiples.

L’itinéraire d’Émile Gallé est le fruitd’un héritage familial et d’une éducation particulière. Émile Gallé naîtà Nancy en 1846. Il est le fils de CharlesGallé et Fanny Reinemer. Charles Gallé,peintre sur porcelaine de formation,choisit le métier de voyageur de commerce. Il propose ses produits à plusieurs commerces, dont un magasin de porcelaines et de cristauxsitué rue de la Faïencerie à Nancy.En 1845, il épouse Fanny Reinemer,fille de la propriétaire. Il contribue au développement, puis à la transformation complète du commercede sa belle-mère. En 1855, il devientseul responsable du commerce quiprend le nom de Gallé-Reinemer enhommage à sa belle-mère. Par la suite,il devient fournisseur de l’EmpereurNapoléon III, auquel il livre des servicesde verre. Créateur de talent et habilenégociant, il ne produit cependant paslui-même. Pour le cristal et le verre,il fait d’abord appel aux fabriques de la région parisienne, puis, pour limiter les coûts de transport, s’adresseaux cristalleries lorraines (Baccarat,Saint-Louis). Mais son principal fournisseur est Mathieu Burgun à Meisenthal. En 1866, Charles Gallé dispose d’un atelier situé rue SaintDizier à Nancy ; il embauche alors quatre graveurs afin de personnaliserses produits. C’est à partir de cetteépoque qu’il s’assure de la collaborationde son fils. Émile Gallé se familiarisedonc dès l’enfance aux métiers du verreet de la céramique. Il reçoit égalementune solide éducation classique, mêlant

les langues anciennes, la musique,l’allemand et la littérature. Il obtientson baccalauréat en Lettres au lycéeimpérial de Nancy, actuel lycée Poincaré. Fervent lecteur de Chateaubriand et Hugo, il pratiqueégalement l’herborisation ;ses promenades dans la campagne lorraine ou le jardin familial lui permettent d’acquérir une connaissanceapprofondie de la botanique. De 1865 à 1867, il effectue un séjour à Weimar,en Saxe, où il parfait son allemand,étudie la musique et la minéralogie.À son retour, il entre dans l’entreprisefamiliale. Des séjours à Meisenthal luipermettent de se familiariser avec lestechniques verrières et il commence à concevoir lui-même des services deverre et de cristal. Il devient directeurartistique des ateliers Gallé en 1867.Charles Gallé, en 1873, fait construireune imposante demeure, rue de la Garenne, à laquelle il adjoint des ateliers de dessin et de décoration surverre. L’entreprise devient florissante :Charles Gallé augmente son chiffre d’affaire et emploie bientôt une vingtaine de dessinateurs et décorateurs placés sous la responsabilité de son fils Émile.Ce dernier prend la succession de son père en 1877 ; l’entreprise familialedevient l’entreprise « Émile Gallé ».Il poursuit la collaboration entreprisepar son père avec les maisons de Saint-Clément puis Raon-l’Étape pour la céramique et de Meisenthalpour la verrerie jusqu’en 1894.Il s’entoure cependant de nouveaux collaborateurs comme Victor Prouvé et Louis Hestaux.

Les années 1880 consacrent le talent de Gallé : son ami et critique d’artRoger Marx défend ses œuvres à Paris ;en 1884, il fonde un atelier d’ébénisterie et en 1894 sa propre cristallerie. Durant cette période,il participe à de nombreuses expositions à Paris, à Nancy et dans d’autres villesfrançaises et étrangères. Il est reconnucomme précurseur en France lors del’Exposition parisienne de la terre et duverre en 1884. Il connaît la consécrationlors de l’Exposition universelle de 1889à Paris. Gallé devient désormais unefigure nancéienne : vice-président de la Société centrale d’horticulture,il devient aussi membre de l’AcadémieStanislas. Son rayonnement dépassed’ailleurs largement le cadre de Nancy :ses œuvres sont diffusées à Paris parson dépositaire parisien MarcelinDaigueperce ; en 1896, il ouvre undépôt à Francfort. Ses œuvres sont également offertes aux plus grands.Lors de la visite du président de la République Sadi Carnot à Nancy en 1892, la municipalité offre un vasesigné Émile Gallé à l’illustre invité.En 1893, lors de l’alliance franco-russe,le tsar reçoit en cadeau une table de Gallé baptisée Gardez cœurs qu’avezgagnés. Créateur prolifique et reconnu,Gallé fréquente les artisteset intellectuels de son temps.Il rencontre à plusieurs reprises Edmondde Goncourt, fréquente Maurice Barrèsou encore l’étudiant japonaisTakashima, élève à l’école forestière.En 1901, il fonde avec d’autres artistes(Prouvé, Majorelle, Vallin) l’École deNancy, également appelée AllianceProvinciale des Industries d’Art,dont il est le premier président.En 1904, âgé de 58 ans, il meurt d’uneleucémie. L’Alliance est alors dirigée par son ami Victor Prouvé jusqu’en1914. Les ateliers Gallé subsistent jusqu’en 1936, sous la direction de safemme Henriette Gallé et de son gendre Paul Perdrizet.

Émile Gallé (1846 – 1904)

biographie

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Le XIXe siècle marque une période de renouveau pour la céramique.Considérée jusque-là comme une composante des arts décoratifs,elle devient un art à part entière.Émile Gallé, comme d’autres artistes de l’époque, participe à ce renouvellement.

Des relations étroites avec les manufactures lorrainesSon intérêt pour la céramique est indissociable du rôle précurseur tenu par son père Charles. Peintre sur porcelaine de formation, CharlesGallé devient un négociant avisé decéramiques et de verreries. Après son mariage avec Fanny Reinemer,il reprend le magasin de porcelaines et cristaux de sa belle-mère, MargueriteReinemer. Son expérience lui permetd’étendre ses activités qui restent toutefois limitées à la vente de produits fabriqués en sous-traitancepar la manufacture de Saint-Clémentjusqu’en 1876, date à laquelle CharlesGallé collabore avec la manufacture vosgienne de terres réfractaires située à Raon-L’Étape et appartenantà Adelphe Muller. Les Gallé y possèdentun four et un atelier de décor pour la céramique jusqu’en 1898. Les lieux de production ne se limitent pas à ces deux centres. En 1873, lors de l’installation de la famille Gallé avenue de la Garenne, un atelier de décor pour la céramique est créé.À tout cela s’ajoutent des lieux de fabrication temporaires, comme

la manufacture de Claire-Fontaine (Haute-Saône) et la faïenceriede Choisy-le-Roi. C’est seulement en 1885, alors qu’Émile Gallé a pris la succession de son père, qu’est construitun four et un nouvel atelier de décor rue de la Garenne. Gallé devient alorsfabricant à part entière, ce qui lui permet de répondre aux règlements des grandes expositions qui n’accordent leurs récompenses qu’aux seuls manufacturiers.

Le processus de créationFace à la multiplicité des centres de production, on peut se demanderquel est le rôle de Gallé dans la démarche créatrice. Une note rédigée par Gallé en 1880 et intitulée « Comment Gallé établit les décorationsqu’il fait appliquer à la céramique et au verre » nous permet de comprendre l’intervention du maître. Les formes,dont il est juridiquement propriétaire,sont dessinées par lui ; des moules sont obtenus à partir des dessins etsont confiés aux faïenceries qui entirent des pièces ne portant aucunedécoration (modèle en blanc). À partirde ces modèles, Gallé réalise ensuite desaquarelles accompagnées d’annotationsrelatives à l’emploi des couleurs, desémaux et des feux ; il y indique également les fautes à éviter. Ainsi,même si la pièce est fabriquée à deskilomètres de Nancy, il n’y a qu’un seul concepteur et le style Gallé s’avère facilement identifiable.

La production céramique de GalléIl est pratiquement impossible de dresser un tableau complet de la production céramique d’Émile Gallé,tant les formes et les décors sont variéset finalement inclassables. Gallé orientesurtout ses recherches dans la faïencestannifère, les services de table et la

« fantaisie », cette dernière étant néedu goût de l’époque pour les bibelots.Contrairement à son père, au départpeintre en porcelaine, Gallé ne s’estjamais intéressé à ce matériau.Par contre, il porte un vif intérêt au grès, matériau à la mode au milieu des années 1880. De belles pièces,qualifiées de « genre grès artistique »sont présentées à l’Exposition universelle de 1889. Les fours de Gallé n’atteignant pas les hautes températures nécessaires à la cuisson de ce matériau, ses grès sont en réalitédes effets de grès obtenus sur des pâtesà faïence fine. Ainsi, Émile Gallé produit essentiellement de la faïencestannifère décorée avec de l’émailde différentes couleurs. Dans les années1884-1889, il multiplie les expériencestechniques, appliquant celles du verre à la céramique : la pointe du graveur sur verre, utilisée sur la terre molle ou la terre cuite, permet de dessiner les contours des compositions ; l’acidefluorhydrique patine les ornements ;la meule ou la roue entame l’émail pour faire apparaître les motifs et lesfigures. À la fin des années 1890, Galléest cependant contraint d’abandonnerson métier de céramiste en raison d’une certaine désaffection du public pour la céramique.

Émile Gallé

un céramiste

vase La Némophile alpestre(salle 14)Cette faïence, réalisée vers 1880,illustre les rapprochements entre la céramique et la verrerie. En effet,le fond marbré est obtenu en posant des émaux sur une couverte qui les entraîne en coulant le long du vase. La frise à fond d’or du col et l’inscription (« De ses ailes la némophile alpestre / Fait des corolles au plantain sans éclat ») mêlée aux végétaux sont autant de caractéristiques que l’on peut retrouver sur une verrerie émaillée.Ce vase témoigne également de l’intérêt de Gallé pour la botaniqueainsi que de son savoir scientifique.Il choisit en effet de représenter une plante assez commune, le plantain,espèce aux feuilles très allongées et aux fleurs disposées en épis cylindriques. Gallé lui associe unpapillon, la néméophile, dont le nom est inscrit sur le vase avec une fauted’orthographe (némophile au lieu denéméophile). Or ce papillon est étroitement lié au plantain, car sa chenille s’y développe ; c’est d’ailleurspour cette raison que ce papillon est aussi appelé Écaille du plantain.En partant de données scientifiques précises, Gallé évoque de manière poétique et délicate les relations entrela faune et la flore. La technique n’estdonc pas une fin en soi, mais elle estétroitement liée au thème représenté.Ainsi, le fond avec ses dégradés de vert est parfaitement adapté au décor naturaliste.

panier au Chinois brandissant des palmes (salle 14)Cette coupe anthropomorphe,réalisée vers 1878-1880, est intéressante par l’originalité de sa forme et par le thème dont elle s’inspire. L’origine du motif décoratifest extrême-orientale, plus précisémentchinoise. Gallé s’inspire ici de l’espritdes chinoiseries fantaisistes en vogue dans l’Europe du XVIIIe

siècle. Ce personnage au visage poupin, agitant des palmes formantl’anse du panier, rappelle les figurineschinoises fabriquées par les manufactures de porcelaine deChantilly, Saint-Cloud et Mennecy.Le personnage porte une longue robenoire à carreaux, bordée de jaune au col et aux manches ; il est pratiquement identique à l’un des six personnages qui composent un plat décoratif de Gallé conservé au musée d’Orsay.

jardinière Baldaquin (salle 14)Cette faïence, réalisée entre 1885 et 1889, illustre la liberté avec laquelleÉmile Gallé utilise différentes sourcesd’inspiration. Cette jardinière associeen effet l’influence du japonisme,très en vogue à l’époque, à celle deGrandville (1803-1847), artiste nancéienet auteur de plusieurs recueils célèbresde lithographies. Ces œuvres ont marqué l’enfance de Gallé, qui de sonpropre aveu, avait appris à lire dans les Fleurs animées et les Étoiles.Le décor représente des insectes anthropomorphes parodiant une procession militaire et s’inspire de

l’ouvrage de Grandville, Scènes de la vieprivée et publique des animaux, paru en 1842. Le fond du décor, rehaussé d’or et le traitement des végétaux,en particulier le lys ainsi que la forme rectangulaire, sont fortement influencés par le Japon. Le muséeconserve aujourd’hui l’un des dessins préparatoires à cette œuvre représentant le lys déployésur l’une des faces de la jardinière.

Émile Gallé

recherches céramiques

Comme dans le domaine de la céramique, les créations verrières de Gallé sont le fruit d’une pratiquefamiliale. La verrerie de table était une des spécialités de Charles Gallé qui avait d’ailleurs obtenu, en 1866,le titre de fournisseur de l’EmpereurNapoléon III. C’est avec les outils de son temps, mais aussi une solideconnaissance du passé qu’Émile Gallé élabore son art, enraciné dans la tradition classique, mais qui, à force de recherches et d’imagination,contribue à renouveler la verrerie.

Des créations entre tradition et innovationSuivant les traces de son père, ÉmileGallé fait une large place au décor néo-Louis XVI, aux motifs en faveurdurant le Second Empire (insectes,petites fleurs et nœuds de rubans en émail bleu, dentelles). Dès le débutdes années 1870, parallèlement aux pièces se rattachant à la tradition occidentale, apparaissent des formes et des décors inspirés de l’art japonais,très prisé à l’époque : les vases suggèrent des éventails dépliés, des pots prennent des formes de monstresmythiques, les animaux et les plantessont transcrits à la japonaise. Gallé s’inspire également de l’art islamiquequi est à l’origine d’un certain nombrede ses pièces.Mais c’est surtout la nature qui, à partirde 1885, requiert l’attention de l’artiste.Elle ne se limite pas au décor maisrenouvelle aussi les formes des verreries.

Création et fabricationC’est seulement en 1894 qu’Émile Gallé ouvre sa propre cristallerie rue de la Garenne à Nancy. Auparavant,la fabrication était confiée à l’usine de Meisenthal dirigée par la famille

Burgun, avec laquelle les Gallé, père et fils, entretiennent des relations d’amitié. Un four et un atelier de décorétaient réservés à la marque Gallé dansl’usine. Après l’annexion de la Moselleen 1870, cette cristallerie se retrouve enterritoire allemand, mais Gallé continued’y produire ses verreries et s’y rendrégulièrement pour surveiller ses créations. Durant toutes ces années,Émile Gallé enrichit ses connaissancessur les techniques verrières au contactdes verriers de Meisenthal.En 1894, il ouvre enfin sa propre cristallerie à Nancy. Cette proximité lui permet de pouvoir mieux contrôleret suivre les différentes étapes de création d’une verrerie. Si Gallé ne réalise pas personnellement la pièce en verre, ni même le dessin préparatoire, tâches qu’il confie à ses collaborateurs, il en est cependantl’auteur, le concepteur, fournissant des directives et instructions très précises pour l’exécution.

Les innovations techniquesLa création verrière n’est pas seulementaffaire d’art et d’inspiration, elledemande savoir-faire et maîtrise destechniques. La nécessité de rester à la première place, de distancer les imitateurs et les concurrents, obligent à inventer et à expérimenter des procédés nouveaux. Les notices queGallé rédige pour les expositions de1884 et 1889 montrent le foisonnementde son esprit de création. Les seulesrecherches de colorations nouvellesreprésentent plusieurs dizaines de références ; ainsi, à côté des verresblancs, Gallé met au point le verre « clair de lune » au ton saphir en 1878 ;il apprécie également les tons enfumés.Le décor est l’objet d’une recherche particulièrement avancée.

Il est gravé de plusieurs façons, à lapointe, à la roue, à la molette ou enfin à l’acide. Ce dernier procédé est exploitésurtout dans un souci d’économie :la gravure à l’acide fluorhydriqueapparaît sur quelques pièces en 1889afin d’obtenir certains effets ponctuels,puis est largement développée, à partirde 1894, pour la fabrication des piècescourantes. Le décor peut également êtreémaillé : les émaux opaques,transparents ou translucides sont déposés à la surface du verre ; sous l’effet de la chaleur, l’émail fond et soude le décor au verre. Les émauxpeuvent être aussi champlevés : l’émailest alors disposé dans une cavité creusée dans le verre.Afin d’obtenir des effets variés, Gallécombine gravure et émaillage avec desinclusions de parcelles métalliques (or, argent, platine), des préparations spéciales d’oxydes incorporées à chaud.Des fêlures sont également obtenues par la projection d’eau froide sur l’objet pendant le travail du verrier.Sur certains verres, des bulles apparaissent et résultent de la projection de matières sur le verre en fusion. Mais ses principales innovations résident dans la superposition des couches de verre.Il crée ainsi le verre camée qui se compose de deux ou trois couches de verre gravé, mettant ainsi le motif en relief. Enfin, en 1898, il dépose deuxbrevets d’invention : l’un pour la marqueterie de verre, l’autre pour la patine sur verre.

un verrierÉmile Gallé

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vase La pluie au bassin fait des bulles(salle 8)Ce vase au long col est créé en 1889 et présenté à l’Exposition universelle.Le gaz résultant de la combustion despoussières, habituellement considérécomme un défaut dans la fabrication du verre, a formé des bulles qui représentent les gouttes d’eau.La couleur de la panse (du jaune clairau blanc gris) représente l’eau et l’air.Deux petites anses ont été appliquées à chaud au sommet du col.Un décor d’hirondelles en vol est représenté sur une des faces. Cetteœuvre porte sur l’autre face quatre vers de Théophile Gautier : « La pluie au bassin fait des bulles / Les hirondelles sur le toit / Tiennent des conciliabules / Voici l’hiver, voici le froid ! »Comme dans toutes les verreries de Gallé, la technique est au service de l’image et de l’impression que l’artiste veut faire passer. Elle n’estdonc jamais une fin en soi pour Gallé.

vase Forêt guyanaise (salle 10)Ce vase réalisé en 1900 est constitué de plusieurs couches de verre à dominante verte,traduisant ainsi parfaitement l’atmosphère mystérieuse de la forêt dense. Le décor représente une feuille en partie consommée par un scarabée. L’insecte est parfaitement restitué dans ses détails et dans sa morphologie par des inclusions métalliques dans la tête et le corps qui imitent l’aspectmétallescent de certains insectes. Pourdonner du relief au décor, la feuille estfaite en marqueterie de verre, alorsque l’insecte est réalisé en application.L’ouverture du vase a été façonnée

à chaud : de grosses gouttes vertes sont étirées, retournées et appliquées.Le soin apporté au traitement de cescarabée confirme l’attention portéepar Gallé à la faune et à la flore exo-tiques et atteste de la variété des sujets d’inspiration de l’artiste.

vase Fourcaud (salle 8)Ce vase, réalisé en 1904, est l’une desdernières œuvres de Gallé. Il doit sonnom à Louis de Fourcaud, professeur à l’École nationale supérieure desbeaux-arts de Paris, qui publie la première biographie de Gallé en 1903.En remerciement et en signe d’amitié,Gallé conçoit ce vase portant une dédicace gravée sous le pied :« A / Louis de Boussès de Fourcaud / entoute affection d’esprit / et de cœur ».La forme est assez classique et s’inspiredes aiguières (vase à eau) du XVIIe

siècle. Cette pièce est réalisée en cristaltriple couche. L’anse en cristal a étéappliquée à chaud et sculptée à la meule, puis à la roue. Le décor de laurier rose en fleurs a été réalisé à la roue. Utilisé dès l’Antiquité pour la couronne des vainqueurs, le laurierest devenu le symbole des vertus militaires et des grands talents,ce qui explique son emploi pour le décor de ce vase.

coupe Libellules (salle 8)Cette pièce, conçue en 1903-1904,constitue en quelque sorte un résuméde l’œuvre de verre de Gallé. Elle illustre tout d’abord la parfaite maîtrisedes techniques verrières de Gallé.La coupe est réalisée en cristal multicouche ; les éléments décoratifssont obtenus par des inclusions métalliques, des applications à chaud,des effets de patine et par la gravure

à la roue. Mais si cette coupe proposedes prouesses techniques, celles-ci s’avèrent être en parfaite adéquationavec le thème décoratif. Gallé ne veutpas simplement représenter son insecte favori qu’est la libellule, il veutégalement donner une vision poétiquedu monde aquatique qui l’entoure.Le pied est décoré de cabochons et de spirales gravés et de deux boutonsde nénuphar ciselés. La libellule planeau-dessus de l’eau, représentée par deseffets opaques aux tonalités grises etjaunes, restituant l’eau trouble desmarais. Les ailes de la libellule seconfondent avec la coupe, son longcorps suit les lobes de l’ouverture de la coupe et ses yeux globuleux sontaccentués par des inclusions métalliques. Une seconde libellule apparaît gravée dans la couche interne de la coupe. Le corps de cetinsecte a servi à orner la lettre G de la signature de Gallé.

Émile Gallé

une œuvre de verre

La passion du boisC’est un intérêt de longue date pour le bois, en tant que matériau,qui décide Gallé à devenir menuisier et ébéniste. Il fut d’ailleurs fortementencouragé dans cette voie par l’Unioncentrale des arts décoratifs qui prônaitun renouveau de cet artisanat.L’occasion précise en fut, selon son propre témoignage, la recherche d’un socle pour une verrerie précieuse :« Il y fallait quelque bois des îles d’une nuance rare. Je pénétrai pour la première fois chez un marchand deces essences. Je crus découvrir les Indeset l’Amérique. Quelle surprise de voir lesbilles d’amarante s’empourprer au soleil,les copeaux parfumés se rubaner de roseet de violet ! » (Écrits pour l’Art, 1908).Ce goût pour les harmonies colorées est en grande partie responsable de la décision prise par Gallé d’ouvrir un atelier d’ébénisterie, en 1884, rue de la Garenne. L’artiste peut ainsi suivre la fabrication d’un objet depuis sa conception jusqu’à sa diffusion.En 1889, les ateliers d’ébénisterie sont déjà productifs et sont équipés d’un matériel moderne. Un important stock de bois est constitué (plus de 600 essences différentes pour leplacage). Les bois employés par Gallé sont essentiellement des bois fruitiers et des bois de pays (chêne,noyer, frêne, prunier) ; les essencesrares, les bois exotiques par exemple,sont utilisées pour l’ornementation des créations luxueuses, en particulier pour la marqueterie.

La recherche technique Comme dans le domaine de la verrerie, Gallé multiplie les expériences techniques afin de révéler les différentes facettes du bois. Les membrures des meubles sont moulurées ou sculptées.Les surfaces planes sont marquetées.La marqueterie constitue sans doute le domaine dans lequel Gallé est le plus inventif. Cette technique lui permet de manier les multiples essences à sa dispositionafin de réaliser de véritables tableaux. Il sait jouer des différentestextures d’un même bois : le cœur du tronc (duramen) est généralementplus sombre et coloré alors que la partie périphérique du tronc (aubier) et les branches sont plus claires. Les veines du bois et ses anomalies inspirent ses trouvailles de laboratoire.Ainsi, certains « accidents » du bois (la loupe par exemple,qui est une excroissance du tronc ou des branches) sont exploités et même recherchés. Pour enrichir cette palette naturelle, Gallé procède parfois à des ombrages et des teintures ; il lui arrive aussi d’introduire des fragments de métaux et de nacre.Enfin, les parties sculptées peuvent, dans certains cas,bénéficier d’une finition à la cire colorée. Comme en verrerie, le rapport avec la matière est donc primordial et conditionnetoute la production.

La production Elle se divise en plusieurs catégories :la « tabletterie et petits meubles àbon marché », c’est-à-dire le mobiliercourant conçu pour les bourses moyennes, les « meubles de luxe » et les ensembles mobilier.Les formes s’inspirent d’abord des styles du passé, essentiellement de la période Renaissance ou du XVIIIe

siècle. Mais c’est par l’application au mobilier de ses conceptions naturalistes que Gallé élabore des formules nouvelles et totalement personnelles. Les végétaux et les diverséléments qui les composent, tiges,feuilles, fleurs, sont à l’origine de la structure des meubles et forment dossier, piétement,plateau… L’un de ses derniers écrits, Le mobilier contemporainorné d’après la nature, est à ce titre une véritable profession de foi.

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console Les Parfums d’autrefois(salle 3)Cette console, réalisée en 1894,illustre parfaitement les conceptionsnaturalistes et symbolistes de Gallé.Le meuble s’inspire d’un modèle du XVIIIe siècle ; la commode est surmontée d’une glace avec un encadrement agrémenté de petitestablettes disposées de façon asymétrique. Sa hauteur impressionnante (3,38 mètres) en fait un meuble de prestige qui correspond bien à la mentalité bourgeoise de l’époque.L’originalité de ce meuble tient dans la recherche décorative.Les montants du miroir deviennent des tiges de fleurs d’églantier ;au sommet éclosent des roses.La partie basse est soutenue parl’ombellifère qui apparaît pour la première fois dans l’œuvre de Gallé.Ce meuble évoque avec nostalgie laflore odoriférante de la Lorraine et des Vosges. Plusieurs de ces plantessont représentées en décor marquetésur les trois panneaux de la console etaccompagnées, pour certaines, de leurnom ou même de leur provenance.La restauration de ce meuble en 1999 a permis de relever trente-huit essencesde bois différentes, dont plusieurs exotiques. Cette marqueterie évoque les fleurs qui disparaissent peu à peu etne survivent pas à leurs parfums ; maisles vases remplis d’arômes concentréssur les tablettes de part et d’autre dumiroir en conservent le souvenir.

jardinière Flora marina, Flora exotica(salle 2)Cette jardinière « rocaille »,« forme navire », est l’un des quatorze meubles de luxe présentés à l’Exposition universelle de 1889. Son titre évoque un double rêve cher au XIXe siècle,celui de la découverte du monde sous-marin en même temps que desforêts tropicales. Dès le Second Empire, aquariums et serres commencent à familiariser les visiteurs de l’Exposition universelleavec les trouvailles des navigateurs,que révélaient déjà les écrits de JulesVerne. Gallé traduit cet intérêt en s’appuyant sur la tradition mais également sur les publications scientifiques.La forme de la jardinière,de style rocaille, empruntée au XVIIIe siècle, correspond au goût de l’époque. C’est encore la tradition qui suggère la personnification des deux Flores,flore marine et flore exotique,selon les conventions empruntées à l’Antiquité et à la Renaissance.Pour le programme décoratif,Gallé sollicite la collaboration de Louis Hestaux, responsable de l’atelier de dessin pour le décor sculpté, mais aussi de Victor Prouvé. Ce dernier,familiarisé avec l’exotisme, grâce à un voyage en Tunisie en 1888,fournit à Gallé les cartons des scènesmarquetées. Ce décor fait ressortir une variété infinie d’animaux,de plantes et de fleurs marines et exotiques.

étagère Bambou (salle 3)Ce modèle, créé en 1894, donne lieu à plusieurs exemplaires ; l’un d’entre eux est présenté à l’Exposition d’artdécoratif de Nancy en 1894. Ce meuble-étagère est l’un des rares exemples de l’influence du Japon dans le mobilier de Gallé, visible dans la disposition dissymétrique et dans les deux plateauxsupérieurs reliés par du bambou recourbé. Du Japon vient également le répertoire ornemental : bambou,branches de pommier en fleurs choisiespour les ornements de bronze patiné,papillons disposés à l’exemple des ornements japonais. Le piétementet le petit tiroir supérieur restentcependant plus proches des habitudes européennes.

lit Aube et Crépuscule (salle 12)Cette pièce unique et exceptionnelle,réalisée en 1904, appartient à unensemble qui comportait une armoire,une commode, deux chaises et une vitrine aux libellules, commandé par Henry Hirsch, magistrat et collectionneur. Ce sont les derniersmeubles réalisés par Gallé avant sa mort. L’objectif est ambitieux :exprimer dans un meuble la nature dans ce qu’elle a de plus poétique et de plus étrange.À la tête du lit, un grand sphinx aux ailes souples rehaussées d’ébènesymbolise la nuit qui tombe sur la campagne à l’heure où rentrent les troupeaux. Au chevet du pied,l’aube est évoquée par deux papillons, aux ailes diaprées et nacrées et délicatement imbriquées,qui symbolisent le bonheur.Au centre, l’œuf en cristal gravé d’éphémères représente la naissance,la vie et sa brièveté, le bonheur et sa fragilité, mais aussi la prospérité.Le décor fait ici partie intégrante de l’objet dont les formes épousent celles des ailes du papillon.L’emploi de techniques complexes,l’association bois-verre-nacre,la subtilité des panneaux marquetés montrent le souci chez Gallé d’innover sans cesse.

créations autour du bois

Émile Gallé

Si la nature fut une source d’inspirationinfinie pour les artistes de l’École deNancy, ce n’est pas le fruit du hasard.À la fin du XIXe siècle, la renommée horticole de Nancy est en effet incontestable.

Le rôle des ducs de LorraineLa botanique lorraine est riche d’unpassé prestigieux qui doit beaucoup à l’action des ducs de Lorraine.À la fin du XVIe siècle, l’université de Pont-à-Mousson, dirigée parles Jésuites, est dotée d’un jardinbotanique qui compte des collectionsremarquables. En 1756, le duc Stanislasfait installer un jardin botanique àNancy qui reçoit les collections de Pont-à-Mousson après le départ des Jésuitesen 1768. Ce jardin correspond à l’actueljardin botanique Dominique-AlexandreGodron situé rue Sainte Catherine.Dominique-Alexandre Godron estnommé directeur du jardin en 1854 ;il donne l’impulsion fondamentale qui marque tout un siècle de botaniqueà Nancy. Par ses travaux sur l’héréditéet ses observations des monstruositésvégétales, il contribue à rendre accessible, aux professionnels comme aux amateurs éclairés, une science jusqu’alors mal connue.

La place fondamentale de l’horticulture à NancyLa Société centrale d’agriculture nancéienne, fondée en 1820,encourage également le développementde l’horticulture en Lorraine. Des expositions de fleurs et de fruits sontrégulièrement organisées à la Pépinièreet remportent un vif succès auprès des professionnels et de la population.À cette époque, la bourgeoisie nancéienne se passionne pour la botanique : les maisons disposent souvent de parcs, de serres et de vérandas abritant des orchidées

et autres plantes exotiques placées sous la responsabilité de jardiniers qui rivalisent de talent. Les femmes de la bonne société participent régulièrement à des concours de bouquets et de compositions florales. La Société d’agriculture contribue également à mettre en valeur le travail des horticulteurs nancéiens, tel Félix Crousse, qui prend la succession de son père en 1865 et développe les cultures de pivoines, géraniums lierres et cyclamens. Il est également un des premiers horticulteurs à cultiver les orchidées à Nancy. Il doit surtout sa célébrité à la culture des bégonias dans laquelle il se spécialise presquetotalement.Cependant, la guerre de 1870 met fin à cette collaboration fructueuse entre la Société d’agriculture et les horticulteurs. En 1877, une nouvelleassociation voit le jour, la Société centrale d’horticulture de Nancy.Léon Simon, horticulteur messin émigré à Nancy après 1870,en devient le président. Émile Gallé occupe les fonctions de secrétaireet publie, dans le bulletin de la Société, les comptes rendus d’expositions qui sont repris ultérieurement dans ses Écrits pour l’Art.La Société centrale d’horticulture encourage une large diffusion des connaissances : elle compte de nombreux instituteurs parmi ses membres, développe les jardins ouvriers, privilégie l’entrée gratuite aux expositions organisées à Nancy. Sa fonction sociale est donc incontestable.Elle contribue aussi largement à la notoriété de Nancy à travers le monde. En effet, les horticulteurs nancéiens participent à des expositions internationales et suscitent l’enthousiasme :

Félix Crousse et Victor Lemoine remportent les médailles d’or et d’argent à l’Exposition universelle de 1878. En 1894, Victor Lemoine,qui avait créé de nouvelles variétés de glaïeuls, de fuchsias et de clématites,triomphe à l’exposition de Chicago.Les pépinières de Victor Lemoine sontinstallées rue du Montet, non loin des établissements Gallé situés rue de la Garenne. Il suffit donc à l’artisteet à ses collaborateurs de traverser la rue pour trouver des modèles à leurs nombreuses créations. Une amitié solide se noue entre les deuxhommes, illustrée par le vase Primaveraréalisé par Gallé en l’honneur de VictorLemoine. Artistes autant que scientifiques, les horticulteurs nancéienssont les héritiers des grands botanistesdes siècles précédents. Ils marquent la seconde moitié du XIXe siècle aupoint de faire de Nancy la capitaleinternationale de la fleur.La place essentielle de l’horticulture à Nancy explique le goût de Gallé pourl’inspiration naturaliste, qui s’exprimed’ailleurs dans les statuts de l’École de Nancy. L’avant-propos précise quel’Alliance Provinciale des Industries d’Art « tient à mettre spécialement en lumière le caractère de beauté et les avantages du décor inspiré par l’observation directe des êtres et de la vie ». Dans les Écrits pour l’Art,ouvrage publié en 1908, Gallé se définitcomme un « compositeur ornemaniste,un assembleur d’images » pour lequel la nature est source de symbole.La nature n’est plus seulement un élément décoratif ; elle détermineégalement la structure de l’objet.« Ma racine est au fond des bois,parmi les mousses, autour des sources », devise de Gallé inscrite sur la porte de ses ateliers,maintenant conservée dans le jardin du musée de l’École de Nancy, témoigne de cet amour porté à la nature.

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vase La Berce des prés ou Heracleum(salle 8)Ce vase constitue l’application parfaite des idées de Gallé, pour qui la forme et le décor doivent dépendrel’un de l’autre afin de donner une unitéà la pièce. Ici, la berce des prés inspire la forme tubulaire du vase, qui reprend la tige cannelée de la plante.Le décor est constitué d’ombelles et de feuilles dentelées.La tonalité verte dominante et l’inscription rédigée et gravée par Gallé dans la partie inférieure du vasesont un véritable hymne à la nature :« Nos Arts exhaleront des senteurs des prairies / Altruisme et beauté parfumeront nos vies / Gallé ».Ce vase, en cristal gravé et marqueté,fut exposé par Gallé à l’occasion del’Exposition universelle de 1900 dans la vitrine Repos dans la solitude aux côtésd’autres œuvres de l’artiste.Le contexte est alors particulier :la France est déchirée par l’affaireDreyfus. Gallé prend la défense du capitaine Dreyfus. Il semblerait que ce vase, par sa couleur, sa forme élancée et l’emploi du futur dans la citation, symbolise l’espoir entretenu par l’artiste de voir reconnue l’innocence de Dreyfus.Cette hypothèse est confirmée par un document écrit par Gallé, danslequel il associe la berce des prés à des vers de Victor Hugo :« La berce élève vers le ciel des ombelles légères en nous invitant à aimer l’idée sous tous ses aspects :puissance, vérité, liberté, paix,justice, innocence ».

coupe Simon ou Roses de France(salle 8)Cette coupe imposante, réalisée en deux parties, piédouche et vaisseau,fut commandée à Émile Gallé en 1901 par la Société centrale d’horticulture de Nancy pour rendre hommage à

son premier président Léon Simon.La rose constitue l’unique thème décoratif de cette coupe. Le choix n’est pas innocent. D’une part,Léon Simon, pépiniériste,a toujours manifesté un intérêt particulier pour les roses, ce qui l’amena à publier un ouvrage répertoriant tous les noms de roses et à devenir président de la Société des Rosiéristes français. D’autre part,originaire de Metz, Léon Simon quitta sa ville natale, où il conservacependant ses terrains, pour s’établir à Nancy, après l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine parl’Allemagne en 1870.La dénomination de la rose retenue, Rosa Gallica, a une valeur symbolique, puisqu’elle est l’image de la ville de Metz. La tradition veutqu’elle ne pousse que sur les hauteursdu mont Saint-Quentin, qui domine Metz. Par son nom, rose de France,elle se moque de la nouvelle frontière établie après la guerre.Plusieurs roses sont représentées à différents stades de la floraison :sur le piédouche, une fleur épanouie est marquetée en relief ; elle estaccompagnée de roses en bouton.Sur le vaisseau, s’incline une rose àpeine éclose. Cette œuvre d’un parfaitréalisme permet de comprendre l’intérêt porté par Gallé à la botanique.

Girandole (salle 14)On ne connaît pas vraiment l’origine et le rôle précis de cette œuvre crééeen 1902. Cette lampe, haute de 1,30mètre et longue de 2,20 mètres,doit être accrochée au mur, ce quien fait un objet peu fonctionnel,contrairement aux autres luminairesréalisés par Gallé. Son nom pourraitlaisser penser qu’elle a été conçue pour une occasion particulière.Cette œuvre est intéressante, car les coloquintes sont réalisées avec

beaucoup de réalisme, tant dans lesfruits en verre que dans les branches en fer forgé. Ce réalisme s’appuie surune observation minutieuse de cetteplante qui ornait les parterres des ateliers Gallé rue de la Garenne.Des photographies et des études decoloquintes ont d’ailleurs été réaliséespar les dessinateurs des ateliers.

table Sagittaire d’eau (salle 3)Cette œuvre, en bois marqueté et sculpté, fut réalisée en 1900 et présentée à l’Exposition universelle de 1900. Cette table tripode à deux plateaux illustre brillamment l’intégration du motifnaturaliste dans la structuration du meuble. En effet, la sagittaire d’eau ou flèche d’eau, qui est une plante aquatique, n’est pas seulementun motif décoratif. Les trois parties de la plante constituent les différents éléments de la table : les feuilles aériennes, ressemblant à une flèche,forment le plateau supérieur sur lequelon distingue les fleurs blanches de la sagittaire ; le plateau inférieur reprend les feuilles rondes flottant sur l’eau ; ces deux plateaux sont reliéspar les feuilles aquatiques en forme de ruban. Celles-ci constituent donc les pieds de la table. Gallé parvient ainsi à matérialiser toute la grâce et la fragilité de la plante en conciliant poésie et observation rigoureuse.

Émile Gallé

de la plante à l’objet d’art

De l’artisanat à l’industrieÉmile Gallé prend la succession de sonpère en 1877. Pendant plusieurs années,ce dernier s’occupe encore de la gestionde l’entreprise, alors que son fils seconcentre sur le travail de création.Cependant, afin de dynamiser sesrecherches et contrôler la fabrication,Émile Gallé regroupe en 1894 tous lessecteurs de fabrication au sein d’un seulétablissement, situé rue de la Garenne.Il devient alors un véritable industriel.Il faut dès lors assumer de nouveauxrisques financiers, gérer des hommes et écouler la production.

La difficile gestion d’une entrepriseLors de son ouverture en 1894, la hallede verrerie est pourvue d’un four à quatre pots et dispose de dix places de verriers. La direction est confiée à Joseph Burgun qui a quittéMeisenthal. En 1895, douze souffleurs,assistés de quatre enfants, sont en activité ; le plus talentueux d’entreeux est Julien Roiseux. La direction de l’atelier de décor est confiée à ÉmileMunier ; l’équipe de graveurs accueillede nouveaux venus, comme EugèneWindeck. Au total, le personnel travaillant dans les usines Gallé s’élève à deux cents personnes en 1900.En tant que chef d’entreprise, Gallé doitimposer une certaine autorité qui l’oblige parfois à renvoyer les employésincompétents. Il se méfie en particulierde l’espionnage industriel, craignanttoujours qu’un concurrent peu scrupuleux détourne à son profit certains de ses ouvriers compétents et disposant d’un savoir-faire difficilement remplaçable.

La nécessité de vendreÉmile Gallé a le sens des affaires, ce quil’incite, dans un esprit de modernité,à utiliser la publicité qui se développe à cette époque. Mais, il lui faut aussiune vitrine dans laquelle il puisse exposer sa production. À Nancy,la famille Gallé disposait, jusqu’en 1870,du magasin de la rue de la Faïencerie.Mais celui-ci est cédé à l’oncle d’ÉmileGallé, Henri Dannrheuter, marchand de porcelaines et de cristaux à Colmar.Cela ne constitue pas un préjudice très important pour Gallé dont le lieu privilégié de diffusion est Paris,qui offre un potentiel beaucoup plusimportant que Nancy.En 1879, Marcelin Daigueperce devient le dépositaire officiel de la maison Gallé à Paris. Son fils Albertlui succède quelques années plus tard et se lie d’une solide amitié avec ÉmileGallé. C’est par l’intermédiaire de ce dépôt que s’effectuent toutes les opérations commerciales (particuliers, musées, magasins de détail). Gallé voyage donc fréquemment à Paris et se rend dans les magasins proposant ses œuvres ; c’est l’occasion pour lui de veiller à la mise en valeur de ses pièces. Gallé est également soucieux de toucher la clientèle étrangère.Il séjourne à Londres en 1871 et noue des contacts. Il remporte un tel succèsqu’il éprouve des difficultés à honorerses commandes. En 1897, il ouvre unmagasin à Francfort, pour lequel il recrute un directeur. Il embauche également un « voyageur » exclusif qui assure la diffusion de ses œuvres en Allemagne. Mais il ne prend cependant la décision d’ouvrir un magasin à Londres, 13 South Molton Street, qu’en 1903.

C’est finalement vingt ans après la mort de Gallé que l’exportation des verreries Gallé se fait aux quatrecoins du monde. L’entreprise est alorsdirigée par la veuve du maître,Henriette Gallé, et surtout par son gendre Paul Perdrizet ; elle devient une véritable firme soumise aux lois du marché.

Le choix de la diffusion :de l’œuvre unique à la sérieGallé est confronté à des considérationsqui sont parfois difficilement conciliables : depuis 1870, la clientèles’élargit et s’enrichit ; la bourgeoisie,soucieuse d’exposer sa réussite sociale,apporte une attention particulière à la décoration de son intérieur. Il s’agitdonc ici de satisfaire une clientèle exigeante en produisant des pièces nouvelles et de qualité. D’autre part,Gallé, comme d’autres artistes, prône« l’Art pour tous » : les objets de la vie quotidienne doivent être beaux etaccessibles au plus grand nombre. Dansce cas, il faut parvenir à produire despièces de qualité à un prix moindre.Gallé doit concilier la quantité avec la qualité, tout en rentabilisant sa production.Gallé, soucieux de maintenir un niveauartistique de qualité, crée donc des pièces uniques qui nécessitent un travail de recherche onéreux, rentabiliséensuite par un travail en petite série :à partir d’un modèle unique, il réalisedes pièces plus ou moins riches en fonction des techniques utilisées,de l’importance du décor. Finalement,Gallé n’a jamais sacrifié son travail de création au profit d’une productionindustrielle. C’est seulement après sa mort, en 1904, que les ÉtablissementsGallé se lancent dans une diffusion en grande série pour laquelle il n’existeplus de réel travail de création.

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vase Bouton d’Iris (salle 8)Cette pièce en marqueterie de verreest créée pour l’Exposition universellede 1900. Elle constitue un bon exemplede l’utilisation d’un thème unique à des fonctions différentes. En effet,pour Gallé, l’Exposition universelle de 1900 est un échec commercial et il cherche, en tant qu’industriel,à limiter ses coûts de production.À cette époque, l’électricité se diffuse et le marché des pièces d’éclairage s’annonce prometteur. Aussi, Gallé a-t-il l’idée de reprendre certaines formes développées pour des vases ou objets d’art, dans le luminaire.L’entreprise n’est pas simple, car si unvase peut rester purement décoratif,la lampe a un intérêt fonctionnel évident ; il faut donc que le choix des formes coïncide avec l’usage quel’on fait de l’objet. C’est ainsi que Gallédécline une lampe Bouton d’Iris à partirdu vase Bouton d’Iris. La forme et ledécor de ce vase s’inspirent tous deux de la fleur non éclose. La lampe est dedimension légèrement plus importanteque le vase. Une description nous en est donnée par le critique d’artPierre-Émile Nicolas en 1901. Il préciseque la veilleuse est surmontée d’unbouchon, également en forme de bouton d’iris, dans lequel se cache une ampoule électrique ; une autreampoule est disposée à l’intérieur du corps de la lampe.

coupe Il faut aimer (salle 10)Cette coupe est offerte par Gallé au magistrat Henry Hirsch, admirateuret collectionneur de Gallé, à l’occasionde son mariage en 1903. Le thème et le décor (un vol d’éphémères) sontétroitement liés à cet événement.Cette coupe est en fait une reprise d’un modèle intitulé Vol d’éphémèresprésenté à l’Exposition universelle de1889 et dont Gallé fait une descriptionprécise dans sa notice de l’Exposition :« un bol à pied en cristal blanc dont la limpidité laisse transparaître desvégétations moussues : l’extérieur est comme enveloppé d’un vol d’éphémères, gravés en relief dans une pâte rose et formant réseau. »Cette coupe fut acquise par le muséedes Arts décoratifs de Paris en 1890.Il existe cependant des différencesentre ces deux pièces ; la coupe deHenry Hirsch présente un pied plusélevé, un vaisseau plus ramassé et une surface lisse.La coupe Vol d’éphémères du musée des Arts décoratifs servit de modèle à un ensemble de coupes basses, sanspied, reprenant le décor d’éphémères,mais avec un travail de gravure moinspoussé et des coloris différents.Il s’agit donc bien ici de décliner,à partir d’une œuvre unique, des séries, plus ou moins nombreuses,aux qualités techniques différentes en vue de rentabiliser les recherches et les coûts de production.

vase Rose Wild (salle 8)Ce vase est signé à la fois par Gallé et une des dessinatrices de ses ateliers,Rose Wild. Ce verre triple couche gravéà l’acide est réalisé en 1903. Depuisquelques années, Gallé est préoccupépar la gestion de son entreprise ettente de concilier recherches créatives et rentabilité. Il lui faut pour cela utiliser des techniques moins coûteuses tout en maintenant un travail de qualité. Pour cette raison,il développe la gravure à l’acide, plusrentable que la gravure à la roue, carelle nécessite moins de temps.Le vase Rose Wild s’inscrit dans cettepréoccupation, tout en restant fidèle au principe cher à Gallé, à savoir le liennécessaire entre la structure et l’ornement de l’objet. Ici, le thèmechoisi est l’érable ; les branches de l’arbre se développent depuis le col jusqu’à la base du vase.Ce thème remporte un succès certain et devient un sujet récurrent dans lesannées suivantes. Après la disparitionde Gallé en 1904, les ÉtablissementsGallé se lancent dans une véritable production en série. Le thème de l’érable est alors associé à des formes qui ne correspondent plus vraiment au décor, comme on peut le voir dans la coupe Érable, de forme ovale, réaliséeen 1904-1906 et conservée au musée de l’École de Nancy. La verticalité de l’érable s’adapte en effet assez mal à la forme allongée de cette coupe.Nous ne sommes donc plus dans le domaine de la création mais bien dans celui de la production industrielle.

Émile Gallé

art et industrie

Émile Gallé est un artiste engagé,exerçant son métier de citoyen avecpassion, qu’il s’agisse de défendre la patrie menacée en 1870, la liberté individuelle ou encore les principesrépublicains lors de l’affaire Dreyfus.

L’engagement patriotiqueÉmile Gallé endosse l’uniforme en 1870. Il ne s’agit nullement pour lui de défendre un régime impérial qu’il considère comme tyrannique.Cet engagement répond à un autreobjectif, la défense de la liberté,de la patrie et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, idéal hérité de la révolution française et qui se diffuse dans l’Europe du XIXe siècle.En témoigne le principe des nationalitésaffirmé depuis le début du siècle par lesItaliens, les Allemands ou encore lesHongrois. Après le traité de Francfortsigné en 1871 et qui cède à l’Empireallemand l’Alsace et une partie de laLorraine, la lutte se poursuit pour Gallédans le domaine artistique. L’art devientalors pour lui un moyen de défendre ses idées, comme l’illustre l’inscriptiongravée sur la table Sagittaire d’eau présentée à l’Exposition universelle de 1900 : « Car la grâce est une arme / au combat pour l’idée. »Il s’inspire alors d’une double tradition, celle des faïences patriotiques et celle de la caricature.C’est ainsi que le service de tabledénommé La Ferme, créé en 1864 quimet en scène des chamailleries de basse-cour, s’enrichit de nouvellesreprésentations : les unes stigmatisentla cruauté et la bêtise de certainscanards coiffés du casque prussien,tandis que d’autres

invitent à refuser tout alignement sur le pas des oies stupides, caricaturesde l’occupant. La sculpture animalièreapporte aussi sa contribution :la tête d’un dogue, datée des années1860, se fait menaçante et présente des points communs évidents avec le visage de Bismarck.Pour l’Exposition universelle de 1889,Gallé réalise plusieurs œuvres de verre,qui sont autant de protestations contrele traité de Francfort, faisant apparaîtredes figures mythiques ou historiques(Eurydice, Vercingétorix, Jeanne d’Arc). Une urne funéraire (conservée au musée des Arts décoratifs à Paris),Orphée, présentée en 1889, n’évoque pas seulement le retour d’Eurydice aux enfers, mais rappelle les malheurs de l’Alsace-Lorraine : les initiales AL,entrelacées et surmontées de la couronne du martyre, sont finement gravées au flanc du vase.

L’implication dans la vie de la citéGallé participe activement à la vie associative de Nancy. Il est présent dans de nombreuses institutions artistiques et scientifiques : l’Écoleprofessionnelle de l’Est, l’École desbeaux-arts, le musée des beaux-arts,le musée Lorrain, le Jardin botanique et la Société centrale d’horticulture.De plus, il n’hésite pas à entrer en campagne pour défendre les causes qui lui semblent justes. Ainsi, en 1892,lors de l’inauguration, dans le jardin de la Pépinière, du monument dédié à Claude Gellée dit Le Lorrain, et réalisé par Rodin, il prend la défense du sculpteur, dont l’œuvre ne plaisaitpas aux Nancéiens. De la même façon,il s’oppose, aux côtés d’autres artistes,à la démolition de la porte Saint-Georges, érigée en 1606 par Charles III,qui se situait sur le passage du tramwayen construction.

Le défenseur des droits de l’HommeLe plus grand combat mené par Gallé est assurément la défense du capitaineDreyfus. Convaincu de son innocence,Gallé fait officiellement connaître sa position dans les colonnes du Progrès de l’Est le 24 janvier 1898. En octobre,moins d’un an après la création de laLigue des droits de l’Homme, il compteparmi les membres fondateurs de la section nancéienne aux côtés du docteur Bernheim et de Charles Keller, combattant de la Commune de Paris en 1871 et cousin de sa femme. Le Progrès de l’Est ayant cessé de paraître en 1900, il œuvre,avec d’autres Nancéiens, à la créationd’un nouveau quotidien susceptibled’assurer la défense de Dreyfus,l’Étoile de l’Est, qui paraît le 2 janvier1901. Un tel activisme lui pose problèmeà Nancy, ville frontalière qui prône ladéfense de la patrie et de l’armée. Galléconfie ainsi à un ami parisien quepresque plus personne n’ose le saluer en public. Gallé ne comprendra jamaiscette situation. Ce combat mené pour la défense de Dreyfus représente doncun moment douloureux de sa vie,comme en témoignent certaines de sesœuvres aux tonalités pessimistes et rassemblées à l’Exposition universellede 1900. La défense de Dreyfus s’inscrit cependant dans un combat plus général, celui des droits de l’Homme.Ainsi, en 1900, Gallé condamne,à travers une commode intitulée Le champ du sang (conservée au muséeSaint-Denis à Reims), le massacre desArméniens par les Turcs en 1894-1896.

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assiette au Canard Tudesque(réserves)Cette assiette en faïence, réalisée vers 1873, s’oppose à l’occupation allemande et au traité de Francfort.Elle représente un canard, portantcasque prussien et baïonnette,se tenant en faction devant une déclaration de l’EmpereurGuillaume Ier : « Je ne fais pas la guerreau peuple français », tandis que sur d’autres affiches sont rappelés les réquisitions et l’épisode deFontenoy. Au début de l’année 1871,un corps franc de l’armée françaiseétait parvenu, à Fontenoy-sur-Moselle,à couper les voies de communication(voie ferrée, pont) qui permettaient aux Allemands d’acheminer renforts et ravitaillement. En représailles,les Allemands mettent à sac le villagede Fontenoy, brûlant maisons et bétail.La légende joue sur l’homophonie des termes Pudesque et Tudesque,terme signifiant « Allemand ».

table Le Rhin (salle 1)Cette table est présentée à l’Expositionuniverselle de 1889. Gallé fait appel aupeintre Victor Prouvé auquel il confie le décor des figures humaines. La formede la table s’inspire de la Renaissance,période très prisée à l’époque.Le programme décoratif est une évocation claire de la récente annexionde l’Alsace et de la Moselle par lesAllemands. L’iconographie est expliquée par d’abondantes inscriptions.Le regard est attiré par le piétementde la table sur lequel sont sculptés les mots suivants : « Je tiens au cœurde France. Plus me poignent, plus j’y tiens. » Sur le plateau de la table,une autre inscription plus importanteest insérée dans la marqueterie parmi

les personnages qui peuplent la frise :« Le Rhin sépare des Gaules toute la Germanie. Tacite D.G.M ». Gallé s’appuie sur les textes antiques,base incontestable sur laquelle il fonde son argumentation.Au centre, le personnage barbu et chevelu représente le Rhin qui protège la Moselle symbolisée par une jeune fille, allégorie de la rivière. Le choix des essences pour la marqueterie met en valeur l’opposition entre Gaulois et Germains :on identifie bien les Gaulois par leurcasque ailé. Le bois, clair à gauche,s’assombrit du côté germain :moustaches brunes, vêtements sombres, cheval noir rivé au sol, tandisque le cheval gaulois est blanc et cabré.L’architecture du meuble est envahiepar le chardon vigoureux et puissant etpar le lierre qui marque l’attachement.Les aigles portant la couronne ducalesoutiennent le plateau. Ils rappellentévidemment les alérions qui forment les armes de l’ancien duché.

vase Les Hommes noirs (salle 8)La verrerie Les Hommes noirs, réalisée en 1900, illustre à nouveau la collaboration avec Victor Prouvé quiconçut le décor. Cette verrerie parlantecite un poète de la première moitié du XIXe siècle, Pierre-Jean Béranger,républicain et anticlérical, qui fut unvirulent chansonnier et pamphlétaire.« Hommes noirs d’où sortez-vous ? » :cette apostrophe s’adresse à ceux quiont perverti la vérité au cours de l’affaire Dreyfus. Ces hommes à la conscience noire représentent les militaires, les juges, certains avocats,les hommes politiques et les hommesd’Église qui profitèrent de l’affaireDreyfus pour attiser l’antisémitisme.« Nous sortons de dessous terre » estune référence au monde souterrain,

allusion symbolique à la conscienceaveuglée par le mal. La composition de Prouvé est extrêmement sombre :il fait surgir des silhouettes d’un mondesouterrain ; un monstre aux mains griffues menace la silhouette de la victime, désignée et accusée à gauchepar un délateur ou un procureur, tandisqu’un serpent la menace sur la droite.Dans ce sombre décor se détache un lysdoré, symbole de l’innocence,annonçant le triomphe de la vérité.

calice Le Figuier (salle 12)Ce vase est également intitulé Le Graal. Créé en 1900, il figurait sur le manteau de la cheminée du fourverrier reconstitué pour l’Expositionuniverselle de 1900. Il porte uneinscription de Victor Hugo : « Car tousles hommes sont les fils d’un mêmepère / Ils sont la même larme et sortentdu même œil ». Les larmes sont figurées par des applications à chaud de cristal le long du pied marqueté et patiné qui semble sculpté ; le décorde figuier est effectué en marqueterie.Cette pièce fait partie des rares œuvresà thème religieux. L’élément XP (CHR)gravé à l’intérieur d’un ovale symbolisele Christ. Sa forme en calice rappelle le Saint Graal, censé avoir contenu lesang du Christ : référence à la recherched’absolu de l’Homme à travers les âges.La signature du calice est particulièreavec une croix de Lorraine très agrandiequi s’apparente au symbole christique.Mais cette œuvre est surtout une référence à l’affaire Dreyfus : les vers deHugo faisant allusion à l’injustice qui frappe Dreyfus, rappellent que tous les hommes sont égaux, quelque soitleur origine ou leur religion. Le lienentre le capitaine Dreyfus et le Christest établi par le rôle de victime du capitaine qui, par son procès inique,pour son origine juive, fut sacrifié à la cause d’État.

une œuvre engagéeÉmile Gallé

un homme de relationsÉmile Gallé

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Des relations brillantesSi Gallé entretient des liens étroits avec Victor Prouvé, qui collabore régulièrement à ses œuvres et aveclequel il partage un certain idéal,ses relations nancéiennes, quant à elles, restent limitées. La méfiance nancéienne, voire l’hostilité, demeureintacte même après sa mort.Les journaux locaux lui reprochent ses prises de position lors de l’affaireDreyfus. C’est finalement à Paris queGallé se crée un cercle de relationsbrillantes. La capitale se montre réceptive au combat qu’il mène.Les liens de Gallé avec Paris sontd’ailleurs essentiels pour sa carrière :Paris est alors la capitale artistique de l’Europe ; c’est de Paris, qui exposeses œuvres et où résident ses admirateurs, que rayonne dans le monde entier le nom de Gallé.Jusqu’au triomphe à l’Exposition universelle de 1889, ses relations sont essentiellement d’ordre professionnel et se limitent aux milieux de l’industrie, du commerce,de l’horticulture et de la critique d’art.Son ami Roger Marx, critique d’art au Gaulois et à la Gazette des Beaux-Arts,le fait connaître des milieux artistiques.Ainsi, il fait découvrir l’École de Nancyà Edmond de Goncourt, qui n’entretenait plus vraiment de relationavec Nancy, sa ville natale. Une relation amicale s’établit alors entre Gallé etEdmond de Goncourt. Tous deux sont de fervents admirateurs de l’art japonais, bien que leurs conceptionsartistiques divergent sur certainspoints, Goncourt refusant l’idée d’un « art industriel ».

À partir de 1889, Gallé est un artistepleinement reconnu. S’ouvrent alors à lui de nouvelles sphères, celles de l’aristocratie parisienne. C’est ainsi qu’il se lie d’amitié avec le comteRobert de Montesquiou Fezensac,figure du Tout-Paris, qui lui ouvreles portes des hôtels aristocratiques les plus prisés et celles des loges desartistes les plus adulés. Il rencontre ainsi Sarah Bernhardt ou encore le poète Marcel Schwob. La sympathiequ’il suscite, son immense culture littéraire, son aisance mondaine lui permettent d’être accepté partout et d’étendre son réseau de clientèle.C’est ainsi que Marcel Proust acquiertun certain nombre de verreries parlantesqu’il offre à des amis.L’amitié Gallé-Montesquiou est jalonnée d’hommages réciproques.L’écrivain clame son admiration dansdeux recueils de poésie : Le Chef desodeurs suaves et Les Hortensias bleus.Quant à Gallé, il grave à maintes reprises sur des verreries des vers de Montesquiou et imagine à son intention des pièces raffinées comme le flacon Raisins mystérieux, qui évoqueL’Âme du vin de Baudelaire, et illustrel’admiration du verrier pour le poète.

Des relations littéraires qui influencent son œuvreDepuis son enfance, Émile Gallé estimprégné par la culture classique et la poésie. Ses relations avec les milieux artistiques et intellectuels de l’époque ne font qu’aiguiser ce tempérament littéraire. Aussi, maximeset citations littéraires fleurissent-ellesaux flancs des vases ou sur les meublesmarquetés. Parsemés de citations deCharles Baudelaire, Théophile Gautier,Victor Hugo, Leconte de Lisle, PaulVerlaine et d’autres encore, on

pourrait considérer l’art de Gallé comme « littéraire ». Cependant,il convient de souligner que les oeuvresde Gallé ne constituent pas seulementl’illustration d’un vers. D’ailleurs,la citation, en raison de sa transcriptionforte discrète, échappe bien souvent au premier coup d’oeil. Le regard ne parvient à l’extraire du décor et du matériau qu’à force d’attention.Elle remplit alors son rôle, celui de suggérer la poésie, en associant la musique des vers à la couleur et au décor de l’objet. Gallé établit descorrespondances au sens que Baudelaireavait donné à ce terme.

vase canthare Prouvé (salle 8)Ce vase est un hymne à l’amitié. Cetteexceptionnelle verrerie est exécutée en 1896 et offerte à Victor Prouvé à l’occasion de sa nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur. Plusieursinscriptions sont gravées sur la face postérieure, dont deux vers empruntésaux Châtiments de Victor Hugo : « Ceuxqui vivent ce sont ceux qui luttent,Ce sont / Ceux dont un dessein fermeemplit l’âme et le front / Victor Hugo » ; « À Victor Prouvé / à l’homme et l’artiste excellents / ses intimes amiset admirateurs ». L’œuvre est signée à la croix de Lorraine : E. Gallé / amicissime. Le pied en fer forgé a étéajouté ultérieurement par Jean Prouvé.Cette œuvre est commentée par Gallélui-même dans ses Écrits pour l’Art, où il explique la valeur symbolique de ce vase. Les deux anses, l’une rougesemblant sortir du four et l’autre irisée,signifient la joie de Gallé à cette occasion. Le vase est à dominante bleugris, symbolisant, pour Gallé,le dénigrement dont a été victimeProuvé : « Sur le revers de la coupe,un orage passe ; c’est le méchant nuage

du dénigrement et de doute qu’on lâchesur une intègre vie d’artiste ». Un pinde montagne est gravé sur une face,alors que sur l’autre, des olives et despommes de pin sont appliquées puis gravées à la roue. Le pin a unevaleur symbolique pour Gallé : il est la « figure de l’énergie calme, de laforce simple » ; il inspire également lesartistes. Émile Gallé conclut ainsi soncommentaire : « C’est pourquoi dans le firmament qui s’épanche à ton vase,Prouvé, le touret inscrira les toujoursvertes paroles de Hugo ». Gallé célèbredonc ici les qualités d’un ami et d’unartiste simple et modeste qui est enfinreconnu.

amphore du Roi Salomon (salle 13)Cette amphore à décor marin, diteamphore du roi Salomon, est présentée à l’Exposition universelle de Paris en1900, pour laquelle Gallé reconstitue un four verrier. L’amphore trône au centre parmi d’autres pièces maîtresses de verre (vase Les Hommesnoirs, calice Le Figuier).L’artiste s’inspire d’une amphore gallo-romaine lui appartenant. Le thème du décor est inspiré par une histoire,Le Livre de Monelle extraite d’un conte de Marcel Schwob, La Rêveuse, dont unecitation est gravée sur le flanc de l’amphore : « Cette cruche habitait /autrefois l’Océan / elle contenait ungénie qui était prince / fille sage sauraitbriser enchantement / par permissiondu roi Salomon / qui a donné la voix

aux mandragores / Marcel Schwob ».Cependant Gallé donne ici sa proprevision du conte, car l’histoire fait référence à sept cruches de couleur différente, qui n’ont ni la taille ni le raffinement de l’amphore de Gallé.Cette œuvre constitue une véritableprouesse technique (application,inclusions métalliques, gravure à la roue, travail du fer forgé) et traduitl’intérêt de Gallé pour le milieu marin à la fin du siècle. Cette amphore attesteenfin la faculté de Gallé à adapter et à transposer le monde du rêve et de la magie dans une œuvre de verre.

vase Tétards (salle 8)Ce vase, présenté à l’Exposition universelle de 1889, est réédité à plusieurs reprises, en particulier en 1900. L’exemplaire du musée de l’École de Nancy (1900) diffère de celuide 1889 : sa forme est plus élancée, lepied est circulaire et séparé du vaisseaupar un amincissement composé de quatre anneaux. Il est réalisé en cristaltriple couche, sauf dans la partie supérieure du col (2 couches) afin d’obtenir le décor de lentilles d’eau.Le corps du vaisseau est orné de vingt-cinq têtards aux différents stades deleur évolution. Émile Gallé aime associerun animal à un végétal en raison desliens qui les unissent (la néméophile au plantain, voir fiche Gallé,céramiste). Gallé évoque donc l’originede la vie, les relations entre le mondeanimal et le monde végétal, cela dansune atmosphère poétique.Ce vase est une verrerie parlante.La citation, gravée à la base du col, estintimement liée au thème du vase. Elleest empruntée à Théophile Gautier etextraite d’un long poème, Le Château dusouvenir qui appartient au recueil Émauxet Camées publié en 1852 : « Aux fossés la lentille d’eau, de ses feuilles vert-de-grisées étale le glauque rideau. » Le choix de Théophile Gautier n’a riende surprenant, car Gallé apprécie lesnombreuses références à la nature quel’écrivain évoque avec beaucoup d’exactitude.

Émile Gallé

une sensibilité poétique

Émile Gallé

glossaire

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ApplicationPratique utilisée en verrerie afin d’ajouter un décor en relief sur la surface d’un objet : de petites pièces de verre sont collées et insérées dans la masse quand le verre est encorechaud.

CéramiqueTout objet en terre ayant acquis,par la cuisson, une certaine dureté.

CouverteEnduit translucide de composition variable posé sur une céramique.

Cuisson de grand feuCuisson à environ 1 000°.

Cuisson de petit feuCuisson à environ 750° permettant la fixation du décor sur un objet déjà émaillé.

ÉmailEnduit qui recouvre la pâte et quinécessite une cuisson de grand feu.

Faïence fine Terre cuite à pâte blanche et à texture fine, sans couverte,ou simplement recouverte d’un enduittransparent (glaçure).

Faïence stannifèreTerre cuite recouverte d’un émailopaque à base d’étain.

Gravure à l’acideAprès avoir recouvert une partie du vased’un vernis épais (le bitume de Judée),la pièce est plongée dans un bain d’acide fluorhydrique qui attaque les parties du verre non protégées ;le vernis est ensuite retiré pour laisserapparaître le motif décoratif.

GrèsCéramique à pâte dure et fine qui se caractérise par l’introduction de silexou de sable à l’argile et par une température élevée de cuisson (1200 à 1400°).

HerborisationRécolte des plantes pour les étudier et réaliser des herbiers.

Marqueterie (ébénisterie)Assemblage décoratif de lamelles de bois d’essences et de couleursvariées.

Marqueterie de verreIncorporer à chaud dans l’objet des particules de verre ou d’émaux à moitié fondus.

PatineEmpoussiérage artificiel altérantet souillant la surface d’une couche de verre.

PiédouchePied, le plus souvent circulaire.

PiétementEnsemble des pieds d’un meuble et des traverses qui les relient.

PorcelaineCéramique constituée de kaolin et de feldspath, cuite à une température élevée (environ 1400°).Ses propriétés physiques sont la translucidité et la résistance à la rayure d’une pointe d’acier.

VaisseauPetit vase en forme de coupe.

4 mai 1846Naissance à Nancy d’Émile Gallé,fils de Charles Gallé (1818-1902) et de Fanny Reinemer (1825-1891).

1858-1864Études au lycée impérial de Nancy.

1865-1867Séjour à Weimar.Charles Gallé devient fournisseur officiel de l’Empereur Napoléon III.

1870Guerre franco-prussienne.Émile Gallé s’engage dans le 23e

régiment d’infanterie.

1873La famille Gallé s’installe dans la propriété de la rue de la Garenne.

4 avril 1875Émile Gallé épouse Henriette Grimm.De leur union naîtront quatre filles :Thérèse, Lucile, Claude et Geneviève.

1877Séjour dans les Alpes suisses et italiennes.Voyages en France et à l’étranger dansle cadre de ses recherches botaniques,esthétiques et techniques.Prend la direction de l’entreprise familiale.

1884Gallé adjoint à la production de céramique et de la verrerie celle de l’ébénisterie.Participe à l’Exposition Centrale des arts décoratifs à Nancy.

1885Gallé est fait chevalier de la Légiond’honneur.

1889Succès à l’Exposition universelle de Paris.Obtient la croix d’Officier de la Légiond’honneur.

1893Visite de l’Escadre russe à Paris.La délégation lorraine offre, entre autres, la table Gardez cœurs qu’avezgagnés de Gallé.

1894Création de la Cristallerie de Nancy.Les trois ateliers (céramique, verrerie et ébénisterie) sont réunis rue de la Garenne.Début de l’affaire Dreyfus.

1897Ouverture d’un dépôt à Francfort.

1898Gallé est membre fondateur et trésorier de la Ligue des droits de l’Homme.

1900Participe à l’Exposition universelle de Paris.Reçoit la croix de Commandeur de la Légion d’honneur.

1901Constitution, à l’initiative de Gallé,de l’Alliance Provinciale des Industriesd’Art appelée École de Nancy.

1903Publication de la première biographiede Gallé par Louis de Fourcaud.Ouverture d’un magasin à Londres.

23 septembre 1904Émile Gallé meurt de leucémie.Henriette Gallé et son gendre,Paul Perdrizet, assurent la direction des affaires.

1908Parution des Écrits pour l’Art,textes de Gallé réunis par son épouse et son gendre.

1914Mort d’Henriette Gallé.

1931Fermeture des Établissements Gallé.

Émile Gallé

chronologie

quelques pistes pédagogiques pour les classes de collège

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En histoire : l’âge industriel

Plusieurs thèmes peuvent être abordés à partir des fiches :

L’industrialisation– Les nouvelles énergies (en particulier

l’électricité avec les lampes conçues par Gallé).

– Le monde de l’industrie (paysagesindustriels).

– Le travail en série à lier aux nouvellesméthodes de travail.

La société industrielleÉtude de la société bourgeoise à traversle développement des arts décoratifs :l’objet utilitaire devient objet décoratif.À lier à la volonté d’exposer sa richesse et sa réussite sociale.

L’évolution culturelle– Étudier les Expositions universelles

(1889 et 1900). Quel est leur but ?Comment sont-elles conçues ?

– Comprendre les caractéristiques de l’École de Nancy à travers la personnalité et l’œuvre de Gallé.

En éducation civique

La fiche Gallé, un artiste engagé,vous permet de faire comprendre l’engagement d’un artiste-citoyen,en particulier au moment de l’affaireDreyfus.Il est donc possible d’utiliser cette fichedans le cadre d’une séquence sur lesdroits de l’Homme et sur le thème « citoyen, République, démocratie ».

En sciences de la vie et de la terre :environnement et êtres vivants

La fiche Gallé botaniste, à laquelle onpeut ajouter les fiches sur la verrerie,la céramique et l’ébénisterie, peutêtre associée à une visite au Jardin botanique. Plusieurs thèmes peuventainsi être abordés en liaison avec un professeur d’histoire-géographie :– Les constituants de la faune

et de la flore.– Les relations entre les êtres vivants.– Les milieux et les êtres vivants :

travailler par exemple sur la flore lorraine.

– Classification des êtres vivantsavec, par exemple, la constitution d’un herbier.

En arts plastiques

Les fiches portant sur les techniques(céramique, verrerie, ébénisterie),sur la botanique et l’industrie peuvent être utilisées.Le professeur d’arts plastiques peut travailler en liaison avec le professeurd’histoire sur le thème de l’objet :l’objet utilitaire devient à cette époqueun objet décoratif, ce qui peut donnerlieu à une réflexion sur ce sujet.Les élèves peuvent alors réaliser un travail de création sur un objet utilitaire déterminé.Exemple : une cruche qui doit « utiliser » certains éléments proposés par le professeur (forme,décor, contexte de son utilisation).On peut évidemment choisir d’autresobjets (luminaire, table, chaise).

Dans le cadre des Itinéraires de Découverte

Toutes ces pistes peuvent être déclinées dans le cadre des IDD,en particulier autour des thèmes suivants :– Arts et humanités– Nature et corps humain– Création et techniques : pour

ce dernier thème, il peut être intéressant de travailler sur les métiers du verre, de l’ébénisterie ou de la céramique ; cela peut constituer un travail original pour les élèves.

L’âge industriel et sa civilisation (histoire)

– L’industrialisation : travail en série (fiche Gallé, industriel :le paysage industriel, transparents et panneaux sur les usines Gallé).

– La société industrielle : étude de la mentalité et du mode de vie bourgeois (rôle des objets décoratifs à lier à l’étude d’un budget d’une famille bourgeoise).

– L’évolution culturelle : étude de l’École de Nancy à travers l’exemple de Gallé.

La France du milieu du XIXe siècle à 1914 (histoire)

– Le cadre territorial et démographique :le culte des provinces perdues en 1870 (Alsace-Lorraine) à traversl’exemple de Gallé (fiche Gallé,un artiste engagé).

– La IIIe République : l’affaire Dreyfus(fiche Gallé, un artiste engagé).

Utilisation par les lycées professionnels

Les fiches sur la céramique,la verrerie et l’ébénisterie peuvent être utilisées dans le cadre d’un travailsur l’objet. Elles peuvent également permettre aux élèves de découvrir le patrimoine artistique de Nancy en passant par l’étude d’un personnageet des techniques qu’il a employées.

Utilisation dans le cadre des travauxpersonnels encadrés

Plusieurs thèmes au programme sont concernés :– Rupture et continuité (classe

de première).– Hériter, innover (classe de terminale).

Pour ces deux thèmes, il peut êtreintéressant de réfléchir surla personnalité et l’œuvre de Gallé,à la fois novateur et héritier de plusieurs traditions (domaine de la technique, des thèmes décoratifs,de la conception artistique).

– Art, littérature et politique (premièreet terminale).Pour ce thème, plusieurs axes de réflexion peuvent être envisagés :les liens entre Gallé et la littérature de son temps, en particulier le symbolisme ; l’engagement politique de Gallé dans le cadre de la guerre de 1870 ou dans l’affaire Dreyfus.

quelques pistes pédagogiques pour les classes de lycée

Émile Gallé

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le musée de l’École de Nancy

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