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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’ingénieur, Lille 2004 (28 - 30 juin) 365 UTILISATION DE LA RADIOMETRIE INFRAROUGE THERMIQUE POUR LA LOCALISATION DE MARNIERES EN NORMANDIE LOCALISATION OF UNDERGROUND CHALK MINES IN NORMANDY (FRANCE) BY THE USE OF THERMAL INFRARED RADIOMETRY Christelle LEONARD (1) , Pierre POTHERAT (2) , Raphaël BENOT (3) (1) Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Division MSRGI, 58 Bd Lefebvre, 75732 Paris Cedex 15, Franc. e-mail: [email protected] (2) Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Lyon, Groupe Mécanique des Roches , 25 Avenue François Mitterrand case n°1, 69674 Bron Ced ex, France. e-mail : [email protected] (3) Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Rouen, Département géotechnique – environnement,10 Chemin de la Poudrière - BP 245, 76121 Le Grand-Quevilly Cedex, France. e-mail : [email protected] RÉSUMÉ – Cet article présente les résultats obtenus concernant l’utilisation de la radiométrie infrarouge thermique pour la détection de marnières en Normandie. Après avoir défini les conditions optimales de vol (hauteur, heure, saison…) sur une zone test, une campagne en aveugle a été menée permettant de tirer des premières conclusions et de fournir des recommandations quant à l’utilisation la méthode. ABSTRACT – This paper presents a thermal infrared radiometry method used for the detection of filled and invisible chalk mine shafts in Normandy. The first part of this paper defines the optimum flying conditions (altitude, hour, season…) obtained from a test zone. The results carried out on a wider zone represent the second part, which draws the first conclusions and provides recommendations. 1. Introduction Dès le moyen-âge, la craie a été utilisée pour l’amendement des sols en Haute Normandie. Son exploitation (appelée marnière) est particulièrement répandue aux XVIII ème et XIX ème siècle. Or, les effondrements de marnières sont de plus en plus fréquents en Normandie depuis le début de l’année 2001 et constituent un risque majeur en terme de sécurité des personnes et des biens ou de vulnérabilité des ouvrages, comme de récents évènements l’ont montré. L’exploitation des marnières n’ayant été réglementée qu’à partir de 1853, nous ne disposons aujourd’hui que de peu d’informations sur leur localisation, ce qui rend leur recensement difficile. Une première estimation laisse envisager l’existence d’une dizaine de marnières par Km 2 sur les deux département de l’Eure et de Seine – Maritime, soit un total de près de 100 000. Ces cavités étant relativement petites et profondes (10 à 40m), sous un recouvrement géologique complexe, leur détection depuis la surface est difficile. Seules les techniques de micro-gravimétrie (Guide technique : « évaluation des aléas liés aux cavités souterraines », 2002) et de sismiques réflexion haute résolution (Piwakowski et al., 2002) semblent pouvoir les détecter sous certaines conditions. Cependant, le prix de revient de ces méthodes n’autorise pas la réalisation de campagnes à grande échelle et les confine à des applications ponctuelles. Or, l’ampleur du phénomène nécessite le recours à une méthode de détection à grand rendement, afin d’être en mesure de les localiser dans un laps de temps acceptable. La détection consiste actuellement à réaliser dans un premier temps le recensement des indices pouvant laisser suspecter la présence d’une cavité (dépouillement des archives, enquêtes orales, analyse de photos aériennes, relevés visuels…) (Manier, Gaumet, 2004). Ensuite, pour

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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’ingénieur, Lille 2004 (28 - 30 juin)

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UTILISATION DE LA RADIOMETRIE INFRAROUGE THERMIQUE POUR LA LOCALISATION DE MARNIERES EN NORMANDIE LOCALISATION OF UNDERGROUND CHALK MINES IN NORMAND Y (FRANCE) BY THE USE OF THERMAL INFRARED RADIOMETRY Christelle LEONARD(1), Pierre POTHERAT(2), Raphaël BENOT(3) (1) Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Division MSRGI, 58 Bd Lefebvre, 75732 Paris Cedex 15, Franc. e-mail: [email protected] (2) Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Lyon, Groupe Mécanique des Roches , 25 Avenue François Mitterrand case n°1, 69674 Bron Ced ex, France. e-mail : [email protected] (3) Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Rouen, Département géotechnique – environnement,10 Chemin de la Poudrière - BP 245, 76121 Le Grand-Quevilly Cedex, France. e-mail : [email protected]

RÉSUMÉ – Cet article présente les résultats obtenus concernant l’utilisation de la radiométrie infrarouge thermique pour la détection de marnières en Normandie. Après avoir défini les conditions optimales de vol (hauteur, heure, saison…) sur une zone test, une campagne en aveugle a été menée permettant de tirer des premières conclusions et de fournir des recommandations quant à l’utilisation la méthode.

ABSTRACT – This paper presents a thermal infrared radiometry method used for the detection of filled and invisible chalk mine shafts in Normandy. The first part of this paper defines the optimum flying conditions (altitude, hour, season…) obtained from a test zone. The results carried out on a wider zone represent the second part, which draws the first conclusions and provides recommendations. 1. Introduction Dès le moyen-âge, la craie a été utilisée pour l’amendement des sols en Haute Normandie. Son exploitation (appelée marnière) est particulièrement répandue aux XVIIIème et XIXème siècle. Or, les effondrements de marnières sont de plus en plus fréquents en Normandie depuis le début de l’année 2001 et constituent un risque majeur en terme de sécurité des personnes et des biens ou de vulnérabilité des ouvrages, comme de récents évènements l’ont montré. L’exploitation des marnières n’ayant été réglementée qu’à partir de 1853, nous ne disposons aujourd’hui que de peu d’informations sur leur localisation, ce qui rend leur recensement difficile. Une première estimation laisse envisager l’existence d’une dizaine de marnières par Km2 sur les deux département de l’Eure et de Seine – Maritime, soit un total de près de 100 000.

Ces cavités étant relativement petites et profondes (10 à 40m), sous un recouvrement géologique complexe, leur détection depuis la surface est difficile. Seules les techniques de micro-gravimétrie (Guide technique : « évaluation des aléas liés aux cavités souterraines », 2002) et de sismiques réflexion haute résolution (Piwakowski et al., 2002) semblent pouvoir les détecter sous certaines conditions. Cependant, le prix de revient de ces méthodes n’autorise pas la réalisation de campagnes à grande échelle et les confine à des applications ponctuelles. Or, l’ampleur du phénomène nécessite le recours à une méthode de détection à grand rendement, afin d’être en mesure de les localiser dans un laps de temps acceptable. La détection consiste actuellement à réaliser dans un premier temps le recensement des indices pouvant laisser suspecter la présence d’une cavité (dépouillement des archives, enquêtes orales, analyse de photos aériennes, relevés visuels…) (Manier, Gaumet, 2004). Ensuite, pour

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chaque indice, des reconnaissances spécifiques sont entreprises : sondages à la pelle, sondages destructifs profonds…

Afin de faciliter le repérage des marnières sur les deux département de l’Eure et de Seine – Maritime, le recours à une méthode indirecte à grand rendement, la télédétection par radiométrie infrarouge thermique, a donc été envisagée pour détecter les puits de marnières actuellement comblés et parfaitement invisibles sur le terrain. Un premier test a été réalisé sur une superficie de 10 Km2, où les puits, visibles ou non, sont répertoriés sur les plans cadastraux. Cette première étape a permis de définir les conditions optimales de vol (hauteur, heure, saison…). Puis une campagne a été réalisée, en aveugle, sur une zone de 100 Km2. Cet article présente les résultats obtenus. Une validation sur le terrain par des décapages à la pelle des indices sélectionnés permet de tirer les premières conclusions de cette étude et fournit des recommandations quant à l’utilisation de la radiométrie infrarouge thermique pour la localisation de marnières.

2. Les marnières en Normandie

Sur les plateaux Normands, l’exploitation de la craie se faisait le plus souvent à partir d’un puits donnant accès à des galeries rayonnantes et à des chambres d'exploitation sur un ou plusieurs niveaux (figure 1a). L'exploitation terminée, le puits était soit laissé en l'état pour les plus anciens (on le repère par la présence d'un buisson qui le signale aux agriculteurs), soit fermé en surface par des planches, des tôles, une dalle béton, des poutres etc., soit obstrué à l'aide de madriers à une profondeur de quelques mètres, puis remblayé jusqu'au niveau du sol. (figure 1.b). En raison de l'obstruction du puits d'extraction, de nombreuses marnières ne sont plus visibles en surface et présentent par conséquent un danger permanent en raison de l’effondrement possible du bouchon du puits situé au-dessus des madriers ou de l’effondrement du toit des chambres d'exploitation qui provoque une zone déprimée circulaire pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de diamètre pour 5 à 6m de profondeur (figure 1.c). Ainsi, chaque année une centaine d'effondrements liés aux marnières surviennent en Normandie, notamment dans les départements de l'Eure et de la Seine Maritime.

Figure 1. Schéma d'une marnière a) pendant l'extraction de la craie b) à la fin de l’exploitation c) schéma d’effondrement : 1 effondrement du toit de la chambre ; 2 effets

régressifs, les terrains sus-jacents sont décomprimés ; 3 formation d’un affaissement circulaire en surface.

3. Principe de la télédétection par radiométrie inf rarouge thermique

La télédétection se rapporte à toute technique autorisant le captage d’informations à distance sans contact avec l’objet étudié. L’objet de la télédétection est de fournir des informations sous forme d’images, en utilisant le rayonnement électromagnétique émis par toute matière, en fonction de sa température : c’est le rayonnement thermique. La mesure de ce rayonnement par l’intermédiaire d’un capteur appelé radiomètre (ou scanner) permet d’accéder à la température de la matière. Appliquée aux marnières, la radiométrie infrarouge thermique

1

2

3Affaissement

Bouchon

Galerie Chambre

Abandon

Madriers

Puits

GalerieChambre

Limon de plateau

Argile à silex

Craie

Exploitation a) b) c)

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visualise alors dans la bande spectrale considérée (8 à 12 µm) sous la forme d’un thermogramme, la répartition spatiale des températures apparentes de la surface du sol, les écarts de températures mesurés dépendant des propriétés thermiques des sols examinés (nature, état hydrique, porosité…).

Le principe de la méthode proposée consiste alors à rechercher sur l’image infrarouge, en périodes de températures extrêmes (fortes chaleurs d’été, périodes de gel en hiver), des anomalies liées au transfert thermique de la marnière (toujours à une température constante de 14-15°) vers la surface ou simplement des anomalies thermiques directement liées à la nature du matériau de comblement (figure 2). Suivant la hauteur de remblai constituant le bouchon et sa forme en surface, on peut s’attendre à observer sur l’image infrarouge, sur les vols d’été, en fin de journée soit une anomalie chaude issue du remblai plus poreux (figure 2a), soit une anomalie froide issue du transfert de chaleur du puits vers la surface du sol à travers le remblai (figure 2b), soit une anomalie froide provenant du transfert du puits vers la surface dans l’auréole chaude constituée par le remblai (figure 2c). Inversement en hiver, une anomalie froide en été fournira un indice chaud et vis-versa.

Figure 2. Modèle d’anomalies attendues en fonction de la hauteur de remblai du bouchon et

de sa forme en surface (vols d’été, en fin de journée).

4. La zone test : définition des conditions optimal es de vol

Afin de valider la méthode, un test a été envisagé sur une superficie de 10 km2 dans une zone où des puits de marnières sont visibles et où d’autres puits, répertoriés sur des plans cadastraux, et en partie comblés, n’apparaissent plus sur le terrain. La commune d'Epreville en Roumois, au sud de Rouen, satisfaisant à ces exigences, a été choisie comme zone pilote. Les indices répertoriés au nombre de 32, sont d'une grande diversité puisqu'ils vont du puits visible sur le terrain aux effondrements et affaissements remblayés en passant par les puits non visibles, qu'ils soient recensés dans les archives ou mentionnés lors de l'enquête orale. Des entonnoirs d'absorption d'eau (bétoires naturelles ou artificielles) et des effondrements, affaissements ou dépressions topographiques complètent la panoplie d'indices. L’opérateur est le Laboratoire National d’Essai (LNE) qui possède un radiomètre à balayage travaillant dans la bande spectrale 8-12µm ayant une sensibilité thermique de 0,2°C et un angle d’analyse de 1,5mrad permettant une résolution au sol de l’ordre de 0,5m pour une hauteur de vol de 300m.

La recherche des conditions optimales d'enregistrement est passée par une série de tests qui comprennent des vols fin de jour / fin de nuit en périodes estivale et hivernale à des hauteurs de vols différentes. L'influence du paramètre occupation du sol, fonction de la saison et de la nature des cultures, a également été prise en compte. L'opération comprend deux survols à l’été 1999 et en hiver 2000, à 3 hauteur de vol par rapport au sol (1000m, 600m et 300m) et pour trois heures de survol en été (5h00, 11h00 et 17h00) et deux heures de survol en hiver (3h30 et 16h00). Pour les vols d’été, les conditions étaient anticycloniques depuis 15 jours, avec une température de l’ordre de 30°C vers 17h00 et de 15°C à 5h00. Les vols d’hiver ont été réalisés suite à longue période humide avec une température proche de 0°C à 3h30.

T T Ta) b) c)

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4.1. Quelques exemples En été, en fin de journée, la végétation (forêts, haies, buissons mais aussi maïs et prairies) apparaît nettement plus froide (teintes sombres) que les sols nus : champs labourés, parcelles de blé moissonnées (figure 3a). A l'inverse, en fin de nuit (figure 3b), les indices froids de 17h sont plus chauds que le sol nu. Toujours sur les vols de 17h (figure 3a et d), nous observons systématiquement, au sud des obstacles (buissons, haies, bâtiments et même bottes de paille), une "ombre" chaude qui s'explique par le fait que cette zone, à l'abri du vent du nord, a été exposée au soleil une grande partie de la journée. Ce sont des anomalies de "relief". En revanche une anomalie en forme de cible, à cœur froid et auréole chaude, implique qu'il s'agit d'une anomalie de température, propre au sol, et peut constituer un indice de présence de puits de marnière. Le cœur froid paraît correspondre au transfert de chaleur issu du puits à travers le remblai et l'auréole chaude au remblai étalé en surface autour du puits (anomalie 22, figure 3d). En hiver (figure 3c), ces indices, moins visibles, apparaissent généralement chauds dans une environnement froid.

Certaines anomalies thermiques (anomalie 5’), plus étendues (d’un diamètre d'une dizaine de mètres) et plus ou moins allongées, sont plus chaudes que l'encaissant l'été (dépression remblayée?) et plus chaudes également l'hiver en fin de nuit probablement liée à la présence d'eau.

Figure 3. Exemples d’anomalies correspondant à un puits de marnières (puits 5 localisé dans un buisson), un indice de marnière (22) et à un affaissement (5’) ;

a) été 1999, 17h00 ; b) été 1999, 5h00 ; c) hiver 2000, 3h30 ; d) été 1999, 17h00. 4.2. Influence de l'heure du vol Les enregistrements opérés en été 1999 à différentes heures de la journée (5h, 11h et 17h) montrent que les anomalies liées à la présence de puits de marnières sont plus lisibles sur les vols de 17h que sur les vols de 11h car, le sol ayant emmagasiné plus de chaleur, les contrastes sont plus forts (figure 4). Sur les vols matinaux (5h) en revanche, les anomalies sont quasiment inexistantes. Donc la période de vol la plus propice se situe en fin de journée (17 à 18h) en été. En hiver, les enregistrements montrent que les vols de fin de nuit sont les plus parlants.

Figure 4. Signature spectrale en fonction de l’heure de vol (indice n°22, été 1999, hauteur de vol de 300m) ; a) 05h00 ; b) 11h00 c) 17h00

a) c) b)

d)

22 5 5’

5

5’

Bottes de paille 5

5’

c) b) a)

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4.3. Influence de la hauteur de vol par rapport au sol

La résolution au sol étant directement influencée par la hauteur du vol, trois hauteurs ont été testées (300m, 600m et 1000m) afin de déterminer laquelle est nécessaire et suffisante à une vision correcte des indices. Sur la figure 5, on remarque que les indices sont facilement discernables à la hauteur la plus basse (300m) et difficilement voire indiscernables à la plus haute (1000m) alors qu'ils sont relativement bien visibles à celle intermédiaire (600m). Afin de garantir des résultats satisfaisants, une hauteur de vol, par rapport au sol, comprise entre 300m et 600m (450m) devrait assurer un bon compromis entre les contraintes techniques, qui imposent une bonne résolution au sol, et les impératifs économiques qui demandent un nombre limité d'axes de vols dans le but de réduire le coût du traitement et de la restitution.

Figure 5. Signature spectrale en fonction de la hauteur de vol

(indice n°22, été 1999 ; a) 300m ; b) 600m c) 1000m 4.4. Influence de l'état de surface

En juillet 1999, l'état de surface de la zone survolée était relativement satisfaisant puisque les moissons de céréales étaient terminées. Ne restaient en place que les champs de maïs en plein développement végétatif et quelques prairies. Cependant, certaines anomalies ne sont pas observables lorsque l'état de surface n’est pas à nu. C’est le cas du puits 7, invisible sur les vols d'été 99 qui devient visible sur le vol d'été 2000 en raison vraisemblablement d'une mise à nu de ce champ consécutive à un labour précoce (figure 6). Il importe donc d'établir avant chaque campagne de vols, une carte de l'état de surface du sol afin de s’assurer de sa bonne qualité.

Figure 6. Signature spectrale en fonction de l’état de surface du sol (Puits de marnières 6 et 7, indices d’affaissement 28 et 30). a) été 1999 ; b) été 2000.

4.5. Conclusions

Sur la base des résultats de ce premier test, la méthode de recherche indirecte de marnières par le biais de la localisation des puits cachés par thermographie infrarouge semble prometteuse : bon nombre de puits non affleurants semblent avoir été repérés. De plus, des conditions optimales d’enregistrement ont pu être définies.

a) c) b)

6

28

30

a) b)

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5. La zone de 100 km 2

Les résultats encourageants de cette première phase ont conduit à expérimenter en aveugle, sans repérage d'indices au préalable, une application sur 100km2 dont l'objectif est de valider la faisabilité de cette méthode puis de proposer une méthodologie de détection indirecte des marnières par radiométrie infrarouge. 5.1 Condition de vols

Deux survols ont été réalisés en août 2000 puis en décembre 2001. La zone retenue, toujours située sur le plateau du Roumois, entre Epreville et Bourgtheroulde, a été couverte par 10 axes orientés est-ouest. Le vol d’été a été réalisé à 425m de hauteur de vol, en fin de journée (vers 17h00) avec une température proche de 30°C. Le vol d’hiver a lui été réalisé à 550m de hauteur de vol, en milieu de nuit (vers 2h00) avec une température de gel proche de -2°C. 5.2 Quelques résultats obtenus

Les anomalies rencontrées sont similaires à celles relevées sur la zone test d’Epreville en Roumois, c’est à dire, des cibles à cœur froid et des zones perturbées (figure 7). Le nombre d'anomalies repérées est d’environ un millier pour l'ensemble de la zone, ce qui correspond au chiffre déduit des études du Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Rouen, à savoir 10 marnières au km2. L’examen de la carte d’anomalies montre une répartition homogène, proche de la réalité observée d’après recensements. Les examens des vols d’été et d’hiver confirment que l’état de surface joue un rôle primordial dans la détection des anomalies. Si certaines sont observables sur les couples d’images été / hiver comme les anomalies 74, 79, 446 par exemple, certaines n’apparaissent pas du tout sur les vols d’hiver.

Figure 7. Exemples d’anomalies obtenues sur la campagne d’été 2000.

5.3 Les vérifications de terrain

Parmi les 1000 anomalies sélectionnées, une quinzaine d’entre elles font l’objet actuellement d’auscultations à la pelle, afin de valider la méthode. Les images infrarouges étant fortement distordues, afin de faciliter la localisation précise sur le terrain, une technique de géoréferencement de ces images a été entreprise. Elle consiste à rechercher des points d’appuis sur un cadastre à l’échelle 1/5000 (carrefour, angle de champs, maison, etc.) et à les

anomalie 70

anomalie 446

anomalie 446’

anomalie 336 6

anomalie 796

anomalie 74

anomalie 98 anomalie 2736

anomalie 269

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faire correspondre sur l’image infrarouge en appliquant à cette dernière des corrections géométriques. Cependant, ce traitement engendre aussi des distorsions de l’image infrarouge qui peuvent toutefois générer des erreurs de positionnement sur le terrain.

Parmi les 15 anomalies qui ont été auscultées jusqu’à ce jour, 5 d’entres elles se sont révélées correspondre à des puits de marnières. L’anomalie 79 s’est révélée être un puits de marnière fermé par des traverses métalliques, entouré de végétation. Sur l’anomalie 446, à 0,70m de profondeur, la pelle a rencontré un premier sac plastique. La zone a été dégagée sur plus de 400m² et 4m de profondeur et a révélé un très grand nombre de sacs contenant des déchets ménagers laissant envisager la présence d’un effondrement lié à une marnière (figure 8.a). Sur l’anomalie 446’, à 1m de profondeur, une fracturation concentrique a été repérée, caractéristique d’une remonté de fontis liée certainement à une marnière. Sur l’anomalie 336, apparaissent des éléments de remplissage du puits d’une marnière sur une zone de 1,50m à 2,00m de diamètre (présence d’une souche d’arbre probablement là pour bloquer l’entrée du puits, figure 8.b). Sur l’anomalie 70, à 1m de profondeur, des morceaux de verre, de bois et de plastique ont été découvert par la pelle, dans une zone circulaire de 1,80m à 2m de diamètre, sur plus de 3m de profondeur. Compte tenu du diamètre de la zone concernée, il devrait s’agir d’un puits de marnière (figure 8c).

Figure 8. Exemple de puits de marnières révélés lors de la campagne de décapage à la pelle. a) anomalie 446 ; b) anomalie 336 ; c) anomalie 70.

6. Conclusion La radiométrie infrarouge thermique a été testée pour la localisation de marnières. Des conditions optimales d’enregistrement ont pu être définies. En été, la période de vol la plus propice se situe en fin de journée (17 à 18h) et en hiver les vols de fin de nuit sont les plus parlants. Pour une bonne interprétation, il semble que l'utilisation d'informations croisées été/hiver soit à préconiser. Bien que parmi les hauteurs de vol testées, la plus performante soit celle de 300m, nous recommandons des vols à une hauteur de 450m qui nous paraît être un bon compromis entre les impératifs techniques et économiques. Il convient cependant d'émettre des réserves sur la méthode qui ne peut fonctionner de manière satisfaisante en toutes circonstances. En effet, les indices situés dans un environnement thermique "froid" tel que forêts, bosquets ou champs de maïs, de chanvre, de tournesol au maximum de leur développement végétatif ne peuvent être détectés, en été. Il est donc nécessaire de s’assurer que l’état de surface est bon (champs mis à nu, de préférence). Le matériel du LNE est également satisfaisant car l’angle d’analyse de 1,5mrad permet de voler à plus de 300m de hauteur, pour une résolution au sol de l’ordre de 0,5m. 7. Références Bibliographiques

Guide technique : « évaluation des aléas liés aux cavités souterraines » 2002. Collection

Environnement - Les risques naturels, Laboratoire Central de Ponts et chaussées.

a) b) c)

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MANIER E. ET GAUMET N., 2004. Les marnières de Haute – Normandie : une approche méthodologique adaptée à un aléas diffus. Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie, Université de Lille 1 / Polytech’Lille.

PIWAKOWSKI B., LEONARD C., SHAHROUR I., 2002. La sismique réflexion haute résolution, un outil complémentaire pour la reconnaissance des couches superficielles. Revue française de géotechnique, n°101.