valorisation et production des savoirs en bibliothèque

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Valorisation et production des savoirs en bibliothèque De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalification profonde et mutations subtiles BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 1 2 bbf :

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Ce premier numéro de l'année 2011 du BBF " Valorisation et production des savoirs en bibliothèque" se penche sur une des mutations majeures que connaissent actuellement les bibliothèques. On a souvent dit qu'avec le modèle informationel web 2.0, l'internaute n'est plus un simple récepteur d'informations, mais un co-producteur à part entière. Il est grand temps de voir à quel point cela est vrai également des bibliothèques, et le sera de plus en plus. De réceptrice et de préceptrice qu'elle a été par essence durant de longs siècles, l'institution bibliothèque se transforme en productrice de contenus et de savoirs, sans pour autant renoncer à ses anciennes prérogatives, mais au même titre, sinon au même rang que les autres précepteurs économico-culturels du monde contemporain. Ces évolutions déplacent ainsi le positionnement des bibliothèques dans la chaîne du livre, de la diffusion vers la production et la fabrique de connaissances et d'informations scientifiques.

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Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalifi cation profonde et mutations subtiles

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DOSSIER

Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

1 – ProductionsConstituer une bibliothèque, constituer des savoirsDavid-Georges Picard

Défi ances et production : les bibliothèques françaises et WikipédiaRémi Mathis

Bibliothèques et archives ouvertesAnnaig Mahé

2 – ValorisationsAction culturelle et production de contenusEmmanuèle Payen

La politique des tracesBernard Huchet

Valorisation de la production académique : collecte, conservation, diffusionAnne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux et Isabelle Mauger-Perez

Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centralesBruno Latour

Nouveau dépôt des thèses, nouveau positionnement pour les bibliothèques ? Les retours d’expérience des services communs de la documentation de Lille 2 et ValenciennesPerrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan et Sabrina Granger

3 – ExemplaritésHistoire de la santé et contenus électroniques : la bibliothèque numérique de la BIUM (Paris)Guy Cobolet

Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque françaiseJoël Daire

Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université : l’exemple de l’Institut national polytechnique de ToulouseSandrine Malotaux

Le Graal à la BnF ou « La Légende du roi Arthur » : une exposition érudite accessible à tousAnne-Hélène Rigogne

À PROPOSDe Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalifi cation profonde et mutations subtilesMarie-Claude Julié

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BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2009 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 6

BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2009 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 6

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Page 2: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

: 2011/Numéro 1

Le Bulletin des bibliothèques de Franceparaît tous les deux mois et est publié par l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des biblio-thèques (Enssib).

Directrice de la publicationAnne-Marie Bertrand

Rédaction17-21 bd du 11 novembre 191869623 Villeurbanne Cedextél. 04 72 44 75 90fax 04 72 11 44 57

Rédacteur en chef Yves Desrichard tél. 04 72 44 43 00mél [email protected]

Rédactrice en chef adjointeCatherine Muller tél. 04 72 44 75 92mél [email protected]

Rédactrice (« Tour d’horizon »)Claire Roche-Moignetél. 04 72 44 75 93mél [email protected]

Rédactrice (« Critiques »)Catherine Jacksontél. 04 72 44 15 59mél [email protected]

Mise en pages et publicitéCelestino Avelartél. 04 72 44 75 94mél [email protected]

Gestion des contributeursSilvia Ceccanitél. 04 72 44 43 73mél [email protected]

Mise en ligneAlexandre Bocquiertél. 04 72 44 43 76mél [email protected]

Traduction des résumésVictor Morante, Vera Neaud, Susan Pickford

Comité de rédactionNoëlle Balley, Thierry Ermakoff, Anne Kupiec, Christophe Pérales,François Rouyer-Gayette, Laurence Tarin, Benoît Tuleu

Va savoir (2001)Va savoir (2001)Va savoirFilm de Jacques Rivetteavec Jeanne Balibar, Sergio Castellitto, Marianne Basler, Jacques Bonnaffé

Correspondants étrangersJean-Philippe Accart (Suisse)Trix Bakker (Pays-Bas) Peter Borchardt (Allemagne) Gernot U. Gabel (Allemagne) Alain Jacquesson (Suisse) Jack Kessler (États-Unis) Maurice B. Line (Grande-Bretagne) Anna Machova (République tchèque) Elmar Mittler (Allemagne) Maria Jose Moura (Portugal) Amadeu Pons (Espagne) Réjean Savard (Québec) James H. Spohrer (États-Unis) Catharina Stenberg (Suède) Eric Winter (Grande-Bretagne)

AbonnementsEnssibService abonnements17-21 boulevard du 11 novembre 191869623 Villeurbanne Cedextél. 04 72 44 43 05

Tarifs 2011AbonnementsL’abonnement est annuel, par année civile.• France : 85 € Tarif dégressif dès le deuxième abonnement souscrit dans un même établissement : 68 €• 40 € pour les étudiants en filière bibliothèques et métiers du livre• Étranger : 95 €

Vente au numéro : 17 €(tarif étudiant : 10 €)par correspondance à l’Enssibou sur place à la rédaction.

FabricationCréation graphiqueBialec sas, Nancy (France).

ImprimeurImprimerie Bialec54001 Nancy – FranceDépôt légal : no 75221janvier 2011

Commission paritaireno 0412 B 08114

Issn 0006-2006

Le Bulletin des bibliothèques de Franceest dépouillé dans les bases Pascal de l’Inist et Lisa (Library Information Science Abstracts).

Protocole de rédactionLe Bulletin des bibliothèques de France publie des articles portant sur les biblio thèques, le livre, la lec-ture, la documentation, et tout sujet s’y rapportant.

Présentation des textesLes manuscrits (saisis avec le logi-ciel Word ou enregistrés au format RTF) peuvent nous être adressés par courrier électronique. La frappe au kilomètre, sans enrichissement, est impérative.

Les graphiques et schémas doivent être accompagnés de leurs données chiffrées (par ex. courbes avec don-nées sur Excel) afin de pouvoir être réalisés dans la mise en pages.

Les illustrations et les photogra-phies peuvent être fournies enregis-trées en EPS binaire, JPEG qualité maximale ou TIFF, avec une résolu-tion de 300 dpi.

L’institution à laquelle est affilié l’auteur est précisée à la suite de son nom, ainsi que l’adresse élec-tronique de l’auteur.

Les articles peuvent être rédigés en français, en anglais, en allemand ou en espagnol. Ils seront accompa-gnés d’un résumé d’auteur (environ 100 mots) indiquant rapidement le contenu et les principales conclu-sions.

Présentation des notesLes notes infrapaginales, signalées dans le texte en appel de notes, doi-vent être placées en bas de page où se trouvent les appels respectifs et numérotées de façon continue.

Les références bibliographiques fi-gurent en fin d’article : les appels dans le texte sont mis entre cro-chets.

Sigles et abréviationsLes sigles et acronymes seront suivis du nom complet de l’organisation ou du système qu’ils représentent.

Les opinions émises dans les arti-cles n’engagent que leurs auteurs.

Le Bulletin des bibliothèques de France est consultable gratuitement sur internet à l’adresse suivante : http://bbf.enssib.fr

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É D I T O R I A L

:Va savoir

On sait qu’en Grèce, ou tout au moins dans la langue grecque, le terme σοφία, ou σοφια comme on l’écrit maintenant, désignait tout à la fois le savoir et la sagesse. In consequo, si on pardonne cette transition linguistique, les bibliothèques, lieux par excellence d’accumulation des savoirs, seraient aussi les plus sages des institutions. Est-ce, à l’aune contemporaine, nécessaire, suffisant, voire raisonnable ? Ne faut-il pas aller plus loin ? Autrement dit, ne devons-nous pas transformer nos collections en gisements et nos métiers en extractions (de savoirs) ?

Beaucoup d’arguments nous y pousseraient. Ainsi (ce qui serait, bien sûr, faux), on pourrait inférer que l’effondrement progressif mais de plus en plus voyant du système scolaire à la française, les transformations de plus en plus rapides des apprentissages universitaires ou vaguement supérieurs vers des formes plus ludiques, plus interactives, mais presque nécessairement à distance, laissent nombre d’écoliers, de collégiens, de lycéens, d’étudiants perplexes, voire sur le carreau, offrant à la bibliothèque de récupérer ces publics pour les amener, à sa manière, aux savoirs.

Ainsi encore (ce qui serait, bien sûr, tout aussi faux), l’abêtissement généralisé offert par nombre de pratiques télévisuelles, audiovisuelles, radiophoniques, cinématographiques, internautiques, les pertes de repères induites par des transformations de plus en plus rapides de l’esprit critique individuel si cher à une France se réclamant encore des Lumières, si on voulait bien les combattre, trouveraient dans les bibliothèques le fortin humble et idéal à partir duquel amorcer la reconquête.

Enfin (ce qui, bien sûr, serait vrai), le goût étonnant mais obstiné de certains de nos concitoyens pour les outils de transmission des savoirs, conférences, débats, émissions diverses et variées, et même, pourquoi pas, livres, DVD, CD et autres impedimenta, pourrait nous encourager à leur proposer non plus seulement d’assouvir leurs faims et soifs, mais de les accompagner dans leurs appétences, en se proposant à son tour comme fabrique de savoirs, comme révélateur d’éruditions, comme engrais de connaissances. En somme, en simple, repenser notre exploitation de nos collections et nos offres aux publics – stipula, on en conviendra.

Pour embrasser ce champ, ce numéro du Bulletin des bibliothèques de France interroge les productions possibles, les valorisations nécessaires, avant que de laisser place à quelques réalisations qu’on voudra bien considérer, en toute subjectivité, comme exemplaires, ce dont ne s’offusqueront pas mais se nourriront ceux et celles qui s’en sentiront exclus, afin d’offrir là façons et malfaçons multiples et variées d’interroger la valorisation et la production des savoirs en bibliothèque.

Yves Desrichard

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2 bbf : 2011 Paris, t. 56, no 1

sommaire : 2011/Numéro 1

01 DossierValorisation et production des savoirs en bibliothèque1 – ProductionsConstituer une bibliothèque, constituer des savoirs 6David-Georges Picard

Défiances et production : les bibliothèques françaises et Wikipédia 10Rémi Mathis

Bibliothèques et archives ouvertes 14Annaig Mahé

2 – ValorisationsAction culturelle et production de contenus 20Emmanuèle Payen

La politique des traces 23Bernard Huchet

Valorisation de la production académique : collecte, conservation, diffusion 26Anne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux et Isabelle Mauger-Perez

Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centrales 34Bruno Latour

Nouveau dépôt des thèses, nouveau positionnement pour les bibliothèques ? Les retours d’expérience des services communs de la documentation de Lille 2 et Valenciennes 37Perrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan et Sabrina Granger

3 – ExemplaritésHistoire de la santé et contenus électroniques : la bibliothèque numérique de la BIUM (Paris) 42Guy Cobolet

Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque française 45Joël Daire

Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université : l’exemple de l’Institut national polytechnique de Toulouse 54Sandrine Malotaux

Le Graal à la BnF ou « La Légende du roi Arthur » : une exposition érudite accessible à tous 60Anne-Hélène Rigogne

02 À proposDe Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalification profonde et mutations subtiles 66Marie-Claude Julié

03 Tour d’horizonLe livre électronique : quels services pour quelles pratiques ? 74Marie-Laure Duval

Les doctorants et l’information scientifique : 10es Rencontres Formist 75Aurélie Hilt

Vous avez dit TEI ? 76Blandine Nouvel

Éloge de la lenteur 78Monique Calinon

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Académies, enseignement supérieur, recherche : valorisation des archives et des services d’archives 79Isabelle Gallois et Anne Rohfritsch

Architectures numériques d’informations : usages, contenus et technologies 80Anila Angjeli et Cécile Kattnig

Le Liber nouveau est arrivé ! 82Christine Fleury

Haïti, l’Afrique et le web 2.0 : congrès de l’Ifla 2010 83Jean-Philippe Accart

Le Livre, la Roumanie et l’Europe 85Jean-Philippe Accart

International Consortium of Libraries Consortia 2010 86Benjamin Bober

04 CritiquesMikkel Birkeggaard La librairie des ombres 88Laurence Tarin

Adrienne Cazenobe Les collections en devenir. Typologie des documents, politique et traitement documentaires 88Yves Desrichard

Yves Citton Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gauche 89Thierry Ermakoff

Francesco Della Casa et Eugène Meiltz Rolex Learning Center 90François Rouyer-Gayette

Jean-Charles Hourcade, Franck Laloë et Erich Spitz Longévité de l’information numérique : les données que nous voulons garder vont-elles s’effacer ? Rapport du groupe PSN (pérennité des supports numériques) commun à l’Académie des sciences et à l’Académie des technologies 91Yves Desrichard

Daniel Kaplan Informatique, libertés, identités 92Louis Burle

Anne Langley et Jonathan D. Wallace A Practical Writing Guide for Academic Librarians. Keeping it short and sweet 93Joachim Schöpfel

Mariangela Roselli et Marc Perrenoud Du lecteur à l’usager. Ethnographie d’une bibliothèque universitaire 94Thomas Marty

Pascal Robert Mnémotechnologies, une théorie générale critique des technologies intellectuelles 95Yves Desrichard

L’esthétique du livre Sous la direction d’Alain Milon et Marc Perelman 96Françoise Lonardoni

Les sciences de l’information et de la communication à la rencontre des Cultural Studies Sous la direction de Françoise Albertini et Nicolas Pélissier 97Oriane Deseilligny

Sciences et démocratie : doculivre 98Christelle Di Pietro

NoUS AVoNS REçU 99

Résumés des articles 103

Annonceurs Électre (p. 4 et 3e de couverture) Presses de l’enssib (p. 102)

Page 6: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

Comment l’arrivée du numérique entraîne une inéluctable

de l’organisation des collections

C o l l e c t i o n B i b l i o t h è q u e sLes collections en devenir Typologie des documents, politique et traitement documentairesAdrienne Cazenobe39€ - ISBN 978-2-7654-0981-6 - 304 pages

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Accumuler, organiser, préserver... Quels quesoient le degré d’évolution des connaissanceset l’avancement des technologies, collectionnera toujours signifié mettre en mémoire. Dansson introduction, l’auteur fait remarquer quesi le bibliothécaire (qui doit concevoir destâches programmées) travaille un peu comme

un logiciel, il est un logiciel pensant. Ce nouvelouvrage clarifie la nature des diversescollections constamment susceptibles devariations, il explique la logique des règlesbibliothéconomiques et leurs adaptationsnovatrices, il recense les changements afférentsau dépôt légal, aux pratiques d’acquisition,

aux modes de référencement... Tout en traitantdes problèmes actuels, il s’attache à les éclairerpar de nombreux rappels historiques. Une synthèse indispensable pour appréhenderl’intégration accélérée de l’écrit dématérialisédans l’univers de l’imprimé. Commandez-la dès maintenant.

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Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

1 – Productions

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constituer des savoirs

Comment une collection est-elle productrice d’un savoir ? Par quels rassemblements, quels

rapprochements ? La bibliothèque est-elle intrinsèquement constitution de savoir ? Comment une collection par-vient-elle à faire sens ?

La fondation d’un ensemble documentaire organisé et réguliè-rement géré – quelle que soit sa na-ture –, la constitution de collections – que celles-ci soient physiques ou numériques – portent en elles une démarche de création de savoir, dé-marche qui peut s’avérer, aussi, un élan à rebours entravant cette création. Au-delà du stockage et de la conserva-tion, la sélection d’un modus operandi appliqué systématiquement à la distri-bution topographique de la collection édifiée est susceptible de connecter des connaissances, voire de susciter l’interdisciplinarité. À l’inverse, cette même procédure peut faire obstruc-tion au croisement des sources et aboutir à la neutralisation de celui-ci.

S’il est admis que, dans une collec-tion, « la somme des composantes dépasse […] leur simple addition 1 », il est évident que cette valeur ajoutée dépend stricte-ment de « l’esprit et la signification [de la collection qui] sont étroitement liés à leur mode d’organisation matérielle 2 ». Il n’est alors pas déraisonnable de supposer qu’un même fonds dont la classifica-tion serait refondue engendrerait des usages et des savoirs différents.

L’intégration d’un même docu-ment aux collections de divers établis-

1. Jean-Noël Jeanneney, Quand Google défie l’Europe : plaidoyer pour un sursaut, Paris, Mille et une nuits, 2005, p. 98. Voir la critique, par Jack Kessler, de la nouvelle édition de cet ouvrage dans le BBF, 2010, no 6, p. 84.

2. Bruno Carbone, « De l’esprit des collections », BBF, 1995, no 3, p. 27-33.

sements usant de la même classifica-tion – bibliothèques de recherche ou bibliothèques de lecture publique – souligne bien le fait que, loin d’être fléchée, la destination du document est d’abord tributaire de la subjectivité du bibliothécaire qui consacre la per-tinence ou l’incongruité de la collec-tion à l’égard du lecteur. En d’autres termes, les savoirs s’imbriquent diffé-remment au prisme des bibliothèques.

Protester de la « salutaire partia-lité » du professionnel nécessite toute-fois de s’interroger sur ce qui préside à ses choix tant en ce qui concerne les documents eux-mêmes que l’organisa-tion retenue, et de comprendre ainsi de quelle manière une collection par-vient à faire sens. Cela suppose par ailleurs de revenir – et ce, en premier lieu – sur la notion de la collection qu’héberge la bibliothèque, c’est-à-dire revenir sur cette idée préalable vers la-quelle doit tendre la constitution d’un ensemble documentaire.

Collection(s)

Au gré de la constitution et de l’en-richissement des fonds, de l’histoire, des donateurs et des bibliothécaires, les bibliothèques se sont saisies de documents bien différents des seuls livres. Le terme de « collection » rend compte de cette réalisation quand bien même son application à un ensemble – organisé ou non – de livres est une pratique récente : sous ce mot ont en effet été davantage regroupés des ob-jets – œuvres d’art, pièces de mobilier précieux, supports d’intérêt scienti-fique, etc. – que des textes 3, sans pour autant que ces derniers en soient tota-

3. Valérie Tesnière, « La collection dans tous ses états », BBF, 1995, no 3, p. 16-20.

David-Georges PicardBibliothèque nationale et universitaire de [email protected]

David-Georges Picard est conservateur à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, chargé de mission auprès de l’Administrateur pour l’action culturelle, les relations internationales et la communication externe. Il est membre du comité de rédaction de la Revue de la BNU.

Page 9: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

bbf : 2011 7 t. 56, no 1

Constituer une bibliothèque, constituer des savoirs :

lement exclus. Dans la collection, le livre est ainsi initialement, au mieux, un élément du tout, mais non le tout. Il demeure confiné à l’espace de la bi-bliothèque.

Néanmoins se dessinent deux modèles initiaux de la collection pro-téiforme ou « d’interpénétration des collections ». Le premier, le modèle humaniste, le studio, qui est un espace de reconstitution de l’univers antique rassemblant des témoignages, des traces, et s’élargissant à « tout objet porteur de signification et de savoir cachés ». Le second, le modèle an-glais s’inspirant de la « nouvelle phi-losophie » et de la pensée de Francis Bacon où la collection sert à la fois de support à l’enseignement et à la recherche, les pièces faisant physique-ment l’objet d’une exploitation 4.

Cette évocation invite à s’attarder sur deux facettes caractéristiques de la collection. D’une part, rassembler un ensemble documentaire est un geste qui, pour être compris a posteriori, ne peut être dégagé du moment où il s’ef-fectue. Tendant à répondre aux usages de ses contemporains, la collection, notamment dans son organisation, est subordonnée au schéma intellectuel de son époque. Par ailleurs et surtout, la collection fait pleinement sens, est potentiellement génératrice de savoirs dès lors que la documentation rassem-blée est diverse, voire, dans une cer-taine mesure, hétérogène. Loin d’être une accumulation hasardeuse, la col-lection est la patiente réunion d’élé-ments dont la connexion va produire du savoir. Adjuvant de cette mise en relation des sources et des données, la classification forge à la fois l’usage et « l’unité, du moins un fil conducteur 5 » de la collection.

Pour qu’un savoir supplémen-taire – cette fameuse valeur ajoutée – émerge, l’enjeu réside alors dans l’accès aux collections et l’appropria-tion de celles-ci par les usagers. Le bien-fondé de l’organisation doit alors être mis à l’épreuve du libre accès du-

4. Roland Schaer, « La bibliothèque, lieu d’exposition », in Viviane Cabannes et Martine Poulain (dir.), L’action culturelle en bibliothèque, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 1998.

5. Valérie Tesnière, ibid.

quel découlera, ou non, la production de nouveaux savoirs.

Constitution d’une bibliothèque numérique

À cette double question – celle de la diversité des sources et de leurs connexions, celle du libre accès –, les bibliothèques numériques sont en mesure d’apporter une double ré-ponse, car « réfléchir aux collections en 2010, comme le soulignait récemment Bertrand Calenge, ne peut pas se faire en ignorant la réalité du numérique 6 ». Bien au contraire, sans aucun doute. Si nous exceptons pour l’instant de notre réflexion le danger nullement minime d’une neutralisation d’une catégorie de savoir dans l’univers virtuel, point sur lequel nous reviendrons plus loin, la constitution des bibliothèques numé-riques concourt à un usage efficace de la documentation dans la mesure où les trois critères suivants sont remplis.

• Rassembler une documentation hétérogène : participant à l’édification

6. Bertrand Calenge, « Le nouveau visage des collections », BBF, 2010, no 3, p. 6-12.

des environnements numériques de travail, la bibliothèque numérique est l’opportunité de réunir le plus large éventail possible de documents, tex-tuels et non textuels, incluant tous types de supports et de langues, per-mettant d’accéder librement par des usages différents aux documents (plein texte, image, 3D, vidéo, etc.). Outre le fait d’offrir davantage d’outils d’étude et de recherche, atteindre une masse critique d’une documentation numérique variée est moteur de l’in-terdisciplinarité.

• Lier les documents : l’accrois-sement de l’offre ne saurait aller sans une organisation rigoureuse de celle-ci. De la manière dont les documents vont être connectés les uns aux autres, du choix et de la rédaction des méta-données découlent très largement les usages qui seront faits des documents. La bibliothèque numérique concré-tise l’ambition de la bibliothèque phy-sique : multiplier le nombre de liens reliant les documents les uns aux autres. Là où les bibliothèques phy-siques ne pouvaient que juxtaposer les ouvrages selon un ordre qui allait, dans la mesure de l’accès direct ou in-direct, définir l’usage, la bibliothèque numérique transcende l’obstacle de la succession des documents. Citant Gilles Deleuze et Félix Guattari, Bruno Carbone évoque l’image du rhizome, « connectant un point quelconque avec un autre point quelconque », qui « n’est pas fait d’unités mais de dimensions » et « constitue des multiplicités linéaires à n dimensions 7 », image propre à préciser la structure vers laquelle doit tendre l’organisation de la bibliothèque nu-mérique.

• Assurer une recherche matière : allant de pair avec l’accroissement du nombre de documents, donc de notices, versées dans les catalogues des bibliothèques numériques, les critères de recherche sont plus nom-breux. Outre l’accès classique par titre et nom d’auteur, sont offerts le choix de la langue, le type de document, la provenance, etc. Toutefois, revers de la médaille de la masse critique, la taille

7. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Rhizome, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 60-61. Cité in Bruno Carbone, ibid.

Page de couverture de l’Aperçu systématique relatif à l’organisation et la classification des collections de la Bibliothèque impériale régionale et universitaire de Strasbourg publié à Strasbourg en 1911. © BNU 2010

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de la collection numérique de même que la recherche par ces critères des-servent la recherche par matière : le risque d’une recherche verticale (hyper spécialisation) et non transver-sale, risque pointé depuis longtemps 8, apparaît alors manifeste. Toujours en quête de la valeur ajoutée de la collec-tion, ajoutons que le second écueil que la recherche par matière a à surmon-ter est de proposer une organisation de l’offre documentaire pertinente pour l’usager contemporain et suscep-tible d’évoluer rapidement en prenant en compte les évolutions du schéma intellectuel en cours.

Retour sur une naissance

Parmi les constitutions de biblio-thèques, celle relativement récente et bien documentée de la Bibliothèque nationale et universitaire de Stras-bourg (BNU) relate l’orientation rete-nue par les bibliothécaires lors de la création et de l’intégration des collec-tions et le choix de l’organisation intel-lectuelle.

Au cours de la guerre franco-prussienne, Strasbourg, assiégée, est bombardée : dans la nuit du 24 au 25 août 1870, l’église du Temple-Neuf où étaient réunies la bibliothèque municipale et la bibliothèque du Sé-minaire protestant est incendiée. Ce sont près de 300 000 volumes dont 3 246 manuscrits et 218 cartons d’ar-chives qui disparaissent alors. Si les pertes occasionnées étaient irrempla-çables, la création quasi immédiate, à la suite de ce désastre, d’une biblio-thèque à vocation nationale, régio-nale et universitaire – la Kaiserliche Universitäts- und Landesbibliothek zu Straßburg 9 ou KULBS – et fortement dotée en moyens financiers fit néan-moins affluer de nombreuses pièces rares conduisant à la « constitution en quelque quarante années à peine d’une collection d’une ampleur et d’une qualité remarquables. Ce prodigieux départ lui a

8. André-Pierre Syren, « La bibliothèque localement universelle », BBF, 1995, no 3, p. 8-15.

9. Bibliothèque impériale régionale et universitaire de Strasbourg.

donné une impulsion décisive10 ». Karl-August Barack et Julius Euting, deux bibliothécaires qui se sont succédé à la tête de l’établissement entre 1871 et 1909, ont particulièrement œuvré pour rassembler ces collections à Strasbourg.

Le premier, bibliothécaire des princes de Fürstenberg à Donaues-chingen au moment de la destruc-tion de 1870, lance aussitôt un appel international au don pour la recons-titution des fonds dont le succès se constate dès l’ouverture de la biblio-thèque le 9 août 1871, puisque près de 200 000 volumes sont déjà dis-ponibles. Dès la première année, un fonds Dante, par exemple, mais aussi une collection de 2 300 livres sans-crits sont mentionnés. Barack pour-suit l’enrichissement des fonds en obtenant le don de collections parti-culières : bibliothèque du monastère de Frenswegen en Westphalie appar-tenant au prince de Bentheim, biblio-thèque du consul général de Russie à Lübeck, Karl von Schlözer, etc. 11

Le second, Julius Euting, orien-taliste éminent, initialement biblio-thécaire à la bibliothèque universi-taire de Tübingen, sera le créateur du fonds égyptologique à une époque où l’Empire allemand a les yeux rivés sur le Proche et le Moyen-Orient. Il ras-semblera, avec plus de 5 000 papyrus, autant d’ostraca, et plus d’un millier de documents sur d’autres supports, ce qui est aujourd’hui, encore enrichie de bibliothèques privées, l’une des premières collections égyptologiques européennes 12. Cette action combi-née permit à l’établissement de dispo-ser dès 1909 de plus de 1,1 million de

10. Gérard Littler, « La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg : constitution de collections dans la période allemande (1871-1918) », BBF, 2002, no 4, p. 36-46.

11. Lily Greiner, « Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg », in Francis Gueth (dir.), Douze siècles d’histoire du livre à travers les collections des bibliothèques d’Alsace, Strasbourg, Dernières Nouvelles d’Alsace, 1973.

12. Voir notamment Daniel Bornemann, « Les collections égyptologiques et papyrologiques de la BNU », ainsi que Christophe Didier, « Portrait d’un fondateur : Julius Euting », in La Revue de la BNU, 2010, no 2, respectivement p. 14-23 et p. 105-115.

documents et lui donna l’orientation documentaire et la vocation scienti-fique qui l’animent toujours. Sur ces fondations solides se sont constitués, entre autres, les pôles d’excellence de la BNU, en particulier les sciences religieuses, l’Antiquité, l’aire culturelle germanique, les Alsatiques, l’Europe, les arts.

Un modèle allemand de classification

La classification retenue lors de l’installation des collections a large-ment contribué à l’exploitation de celles-ci. Très largement inspirée de la classification développée et appliquée à Tübingen au cours du xixe siècle 13, elle est mise en place à Strasbourg dès 1872 par Julius Euting qui, à ses talents d’orientaliste, joint ceux d’un bibliothécaire éminent. Le classement s’effectue, initialement, selon une clas-sification alphanumérique : une lettre majuscule désigne une matière 14, la majuscule étant généralement suivie d’une minuscule indiquant une sub-division, enfin d’un chiffre romain faisant état d’une nouvelle sous-sec-tion, voire, aussi, d’une minuscule ou de chiffres arabes. Complexe, la clas-sification, à Tübingen, fera l’objet de récurrentes novations 15 ; la classifica-tion employée à Strasbourg se distin-guera rapidement de sa consœur pour deux motifs : d’une part, la KULBS, bibliothèque alsacienne, est sur une terre d’Empire et relève de ce fait, non pas tant du Land que directement du

13. Walther Gebhardt, Zur Geschichte der Sachkatalogisierung an der Universitätsbibliothek Tübingen 1817 bis 1961, in Bibliothek, 1982, no 6, p. 74-88.

14. Dans le classement de Tübingen, ce sont onze grandes matières qui sont définies, allant de la lettre A à la lettre L, correspondant à des domaines des sciences humaines et sociales. L’une des créations particulièrement intéressantes est la mise en place d’une majuscule pour la bibliographie régionale : à Tübingen, le L désigne les Württembergica. À Strasbourg, de la même manière, les Alsatiques se retrouvent principalement sous la cote M.

15. Johannes Fallati, Die Aufstellung der könglichen Universitätsbibliothek in Tübingen, Tübingen, Heinrich Laupp, 1850.

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pouvoir prussien : un alignement se fait donc, même ad minorem, sur les bibliothèques prussiennes 16 ; d’autre part, les quantités de documents qui affluent en un temps très court nécessitent des adaptations que réa-lisent avec une relative liberté les cata-logueurs 17. La classification strasbour-geoise fait finalement état de treize lettres majuscules, correspondant, à l’exception de la médecine (cotée J), aux sciences humaines et sociales, souvent suivie d’une minuscule et, enfin, d’un chiffre arabe qui rend compte tant du format que de l’arri-vée dans les collections du document coté. L’exploitation des collections étant, bien entendu, intrinsèquement

16. Wilhelm Erman, Einheitliche Katalogisierung der preussischen Bibliotheken, Halle an der Saale, Ehrhardt Karras, 1904.

17. Systematische Übersicht über die Einleitung und Aufstellung der Bücherbestände in der Kaiserlichen Universitäts- und Landesbibliothek zu Straßburg in Elsaß, Strasbourg, Straßburger Druckerei und Verlagsanstalt, 1911.

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Constituer une bibliothèque, constituer des savoirs :

sement de toutes les documentations n’est techniquement et juridiquement pas concevable (pour l’heure), la place préférentielle concédée dans l’espace virtuel à telle ou telle documentation par des outils informatiques est un piège réel pour la recherche et la créa-tion de savoir. La question demeure de définir comment, dans le cadre de la recherche, « équilibrer » informa-tiquement la valeur scientifique des documents les uns vis-à-vis des autres et transcrire cette valeur dans les connexions qui doivent les rapprocher. Sans doute la réponse se trouve-t-elle non pas tant dans une conception universelle du savoir que dans une ap-proche par matière – le modèle d’orga-nisation déployé par la BNU pouvant être alors une précieuse source d’ins-piration. L’idée d’une bibliothèque numérique unique englobant tous les savoirs et les liant tous d’égaux à égaux, aussi séduisante soit-elle, paraît compromise : outre les difficultés juri-diques (droits, restriction de l’accès, etc.) que poserait l’exhaustivité de l’offre 20, l’organisation du croisement de sources variées est, une fois encore, subordonnée au schéma intellectuel qui la produit.

Une fois surmontées les aspira-tions politiques des nations dans la gestion de la documentation, une fois réglés les obstacles commerciaux et juridiques de l’accès aux documents, l’usage permet seul de vérifier la vali-dité de l’organisation, de la classifica-tion retenues. Et pour l’évaluation, il reste ensuite à définir les outils appro-priés pour mesurer la pertinence de la classification. •

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20. Emmanuelle Bermès et Frédéric Martin, « Le concept de collection numérique », BBF, 2010, no 3, p. 13-17.

liée à l’accès (direct autrefois), cette organisation est – au moins dans le cadre des sciences humaines et so-ciales – fondamentalement favorable à la transversalité et à la juxtaposition de la documentation qui n’aurait pu se trouver regroupée de la sorte s’il avait été fait usage d’une classification « hyperspécialisante » du type classifi-cation décimale de Dewey. Avec cette organisation systématique, « on déduit la place du livre quasi dialectiquement et on envisage moins l’accès alphabétique à tel livre que l’accès collectif à tel secteur de la recherche 18 ».

Cette classification, favorisant un accès par matière, pourrait d’ail-leurs être une source profitable d’ins-piration lors de la création d’une bibliothèque numérique qui trou-verait là, sans nul doute, des outils intellectuels pour améliorer les liens et connexions des documents les uns avec les autres.

Une création neutralisée ?

Le bénéfice tiré de la constitution contemporaine d’une bibliothèque, notamment dans l’univers numé-rique, n’est pas, malgré la « salutaire partialité » du bibliothécaire, acquise de facto. L’usage ultérieur des collec-tions est très largement dépendant de l’approche des professionnels (pour peu que la gestion soit de leur fait) : la subjectivité du bibliothécaire est ainsi interpellée. Évoquant la sélec-tion de la documentation autour de la Révolution française, Jean-Noël Jeanneney interroge la légitimité du bibliothécaire américain à s’emparer de cette thématique, considérant que les sujets nationaux devraient faire l’objet d’un traitement par les ressor-tissants 19. La question de la prédomi-nance d’une langue par rapport à une autre, d’un système intellectuel par rapport à un autre, d’une organisation du savoir par rapport à une autre est, bien entendu, sous-jacente : si un croi-

18. Jean Sansen, « Les transformations de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg », tiré à part in BBF, 1977, no 1.

19. Jean-Noël Jeanneney, ibid., p. 57-59.

Classification d’inspiration allemande à la BNU. Sur la partie basse du dos, la classification initiale qu’a remplacée celle que l’on trouve en partie haute. © BNU 2010

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Qu’on me permette de commen-cer par quelques anecdotes. Il y a quelques mois, la direc-

trice de la bibliothèque d’un grand établissement me signala qu’une erreur s’était glissée dans l’article qui lui était consacré – le nom de son premier mari avait été pris pour son nom de jeune fille. Alors qu’elle pou-vait elle-même corriger l’erreur en une seconde, elle passa par moi, ce qui eu pour conséquence de laisser l’erreur en ligne plusieurs semaines. Peu après, au Salon du livre 2010, Jac-queline Sanson, directrice générale de la BnF, devait participer à une table ronde. Finalement indisponible, elle fut remplacée par Isabelle Le Masne de Chermont – le photographe accré-dité de Wikimédia France n’a pas été informé de ce changement et a chargé la photo comme étant celle de J. San-son. Alors que plusieurs personnes de la BnF ont vite réalisé la méprise, aucune d’entre elles n’a pris l’initiative de corriger. Des informations erronées sont ainsi fournies au public par mé-connaissance du fonctionnement du projet, refus de participer ou manque d’implication des professionnels, qui semblent parfois penser que certaines personnes sont plus responsables que d’autres de la qualité de Wikipédia 1 ou que la légitimité à intervenir repose sur autre chose que sur la capacité à proposer des informations justes et fiables.

Une personne adepte des for-mules toutes faites qualifierait certai-nement la rencontre des bibliothèques et de Wikipédia de « rendez-vous man-qué ». Alors que l’encyclopédie en ligne vient de fêter son millionième article en français, l’implication des bibliothèques demeure faible. Pour-

1. http://fr.wikipedia.org

tant, plusieurs frémissements laissent penser que le positionnement général est en évolution et pourrait rapide-ment évoluer pour tendre vers un plus grand investissement. Cela ne serait guère surprenant dans la mesure où les missions de Wikipédia et des bi-bliothèques sont assez proches : la dif-fusion et la vulgarisation de la culture, la mise à disposition de la connais-sance sur tous les sujets, du plus universitaire au moins « légitime », à l’écart des modes et des pressions économiques, à la seule fin de l’utilité des lecteurs. Le fait que Wikipédia se trouve en ligne ne doit pas changer grand-chose : les bibliothécaires sont habitués à traiter de multiples sup-ports et, en tant que professionnels de l’information, sont censés maîtri-ser les bouleversements conceptuels qu’implique leur transhumance. Dans ses fondements, l’humanisme numé-rique n’est pas éloigné de l’huma-nisme traditionnel. Sans doute nous trouvons-nous donc à un carrefour, dont la prochaine étape sera l’impli-cation directe et plus générale des bibliothèques dans la production de contenu pour Wikipédia.

Encore faut-il savoir en quoi consiste cette implication et en quoi les bibliothèques peuvent trouver en Wikipédia un terrain d’action qui contente les deux partis. C’est-à-dire qu’elles modifient leurs habitudes de travail mais qu’elles gagnent aussi la confiance des wikipédiens – la mé-fiance pouvant exister dans les deux sens. Contribuer à un site tel que Wikipédia doit donc commencer par un double questionnement : qu’ai-je à dire ? Pourquoi le dire ?

Il est donc nécessaire qu’une pro-duction prenne place dans le cadre d’une stratégie plus large qui com-prenne les actions entreprises dans la bibliothèque à la fois « en dur » et en

Rémi MathisBibliothèque nationale de [email protected]

Archiviste paléographe et doctorant en histoire moderne, Rémi Mathis est conservateur au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France et rédacteur en chef des Nouvelles de l’estampe. Il est membre du conseil d’administration de Wikimédia France, pour le compte duquel il a notamment négocié l’accord avec la BnF.

LES BIBLIoTHèqUES FRANçAISES ET WIKIPéDIA

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Défiances et production :

ligne. Au sein même de la production en ligne, il convient de connaître le but de son travail : s’agit-il de gagner en visibilité ? Se placer comme établis-sement de référence sur un thème ? Mieux contrôler son identité numé-rique ? Diffuser par altruisme pur un travail que l’on sait potentiellement utile à d’autres ?

L’identité du discours à produire et diffuser n’est pas toujours évidente à définir, comme nous le verrons. En dehors de la numérisation de textes préalablement publiés qui se trouvent dans ses fonds, il est finalement assez rare que des bibliothèques produisent des documents de référence pou-vant servir de base pour un article de Wikipédia. En revanche, contribuer à partir de sources tierces peut parfai-tement entrer dans les compétences d’un bibliothécaire – à charge pour lui de faire reconnaître à ses tutelles que l’exercice relève effectivement de ses missions. Mais encore faut-il qu’il en soit lui-même persuadé.

Le recul du mépris ; une meilleure compréhension des enjeux

Depuis quelques années, il n’est pas contestable que l’état d’esprit général des bibliothécaires à l’égard de Wikipédia change. Plus accoutu-més au mode de fonctionnement de l’internet actuel, les bibliothécaires re-gardent moins en coin le projet d’en-cyclopédie collaborative.

Le fait que Wikimédia France soit désormais reconnu comme un inter-locuteur valable par les grandes ins-titutions culturelles et les ministères a certainement participé à son effet d’entraînement. L’amélioration pro-gressive de Wikipédia a aussi certai-nement contribué à convaincre, ou du moins à faire taire, les plus réticents, qu’ils soient bibliothécaires ou lea-ders d’opinion (Pierre Assouline par exemple). Enfin, les outils étant sou-vent plus familiers aux professionnels en début de carrière, il est logique que le taux d’utilisation augmente avec le renouvellement des générations.

Il n’est donc pas surprenant que le nombre de bibliothécaires contri-

buant à Wikipédia tende à progresser. Il serait sans doute fastidieux de faire la liste de ceux qui le font en leur nom propre, d’autant plus que nombreux sont ceux qui le font sans être inscrits ou sous un pseudonyme. S’ajoute le fait qu’à être bibliothécaire on n’en est pas moins homme : les comptes créés ne sont jamais uniquement destinés à contribuer sur des sujets bibliothé-conomiques. On voit donc certains écrire sur les outils ou concepts des bibliothèques, mais nombreux sont ceux qui préfèrent contribuer à Biblio-pédia 2. Bien que ce site soit utile et souvent d’une grande qualité, nous nous permettrons de regretter cet état de fait car il revient finalement à res-ter dans l’entre-soi de ses collègues au lieu de s’ouvrir sur le public plus général d’internet. On a également vu certains collègues rédiger l’article qui leur est consacré, parfois de manière ouverte, parfois en usant d’un, voire de plusieurs pseudonymes. Cette pra-tique n’est pas interdite dans Wikipé-dia puisque l’essentiel est d’apporter des sources fiables pour chacune des assertions – mais elle est néanmoins rarement assumée car (trop) rapide-ment considérée comme du narcis-sisme ou de la vanité.

En dehors de ce qu’elles apportent à des articles qui n’ont parfois qu’un très lointain rapport avec les biblio-thèques, soulignons les conséquences bénéfiques que l’implication de biblio-thécaires dans la communauté des wikipédiens peut avoir. Un exemple de cette catalyse peut être trouvé à Tou-louse. C’est dans cette ville qu’habitent deux membres du conseil d’adminis-tration de Wikimédia France, dont la présidente. Un autre wikipédien pré-side l’Institut Picot de Lapeyrouse, lié au Muséum national d’histoire natu-relle : le webmestre dudit Muséum, Samuel Bausson, entre rapidement dans la danse. Finalement, entre ren-contres réelles et messages virtuels, idées, envies, travail sont partagés : cela donne naissance à un partena-riat entre Wikimédia France et la ville de Toulouse – signé en présence du maire – incluant pour l’instant le Mu-séum et les archives municipales. Très

2. www.bibliopedia.fr

vite, les liens professionnels, d’ami-tiés dans la vie réelle et de fréquen-tation sur les réseaux virtuels (Twit-ter, etc.) se confondent. Finalement, plusieurs bibliothécaires toulousains (dont Michel Fauchié, président de l’ADDNB 3), les membres du partena-riat ci-dessus, des wikipédiens, etc., contribuent ensemble à la création de l’Esplanade 4, qui se veut un « rézo-labo d’acteurs du numérique qui veulent se retrouver, échanger, et porter ensemble des projets autour de la création numérique et un service d’accompagnement des pro-jets dans le domaine ». L’intérêt pour un projet virtuel possède des retombées locales bien réelles, permettant d’insé-rer les institutions culturelles dans un réseau qui sorte du petit monde des bibliothécaires et d’avoir une véri-table influence sur la vie numérique, citoyenne et intellectuelle locale.

Vers une production institutionnelle

Bien que l’implication de quelques personnes puisse finalement avoir des retombées sur la politique d’une biblio-thèque, les véritables productions insti-tutionnelles sont encore assez limitées.

Certaines bibliothèques y voient à juste titre une vitrine de présentation, tout en permettant à tout curieux de mieux connaître des institutions à l’his-toire souvent riche. Il est vrai qu’il se-rait dommage de ne pas profiter de l’es-pace qui est proposé sur le sixième site mondial en termes de fréquentation. La Bibliothèque nationale et universi-taire de Strasbourg (BNU) a ainsi très sérieusement amélioré son article en ouvrant un compte institutionnel et un autre au nom du conservateur chargé de la communication externe : son histoire fait l’objet de longs dévelop-pements très bien illustrés grâce à des photographies du domaine public ; la présentation de l’organisation actuelle de la bibliothèque permet aux lecteurs de comprendre qui fait quoi dans cet établissement qui ne possède pas

3. Association pour le développement des documents numériques en bibliothèque : www.addnb.fr

4. http://lesplanade.org

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d’équivalent en France ; enfin, le lecteur est prévenu du gigantesque chantier de rénovation qui vient de commencer, ses raisons, ses buts, ses moyens. Au final, l’article permet de fournir une information fiable et complète à toute personne intéressée – voire de se faire connaître de personnes ignorant la BNU –, c’est-à-dire de remplir sa mis-sion de service public en étant présent là où se trouvent les internautes.

La production de contenu n’est cependant pas toujours aisée, car cela demande une connaissance certaine de l’outil, sous peine d’être mal reçu ou de subir des déconvenues. La biblio-thèque royale de Suède a ainsi tenté de supprimer purement et simplement l’article qui existait afin de le remplacer par un autre, correspondant davantage à ses attentes. Il ne faut certainement pas y voir malice : ils avaient préparé une notice et, ne sachant comment procéder en se trouvant face à un article existant, ils ont créé un dou-blon. Les deux articles ont été fusion-nés par la communauté afin de gar-der le meilleur de chacun d’eux, mais ce genre de coup de force imposé au mépris du travail d’autrui est très mal considéré. Il démontre surtout qu’il est très important d’être au fait du fonc-tionnement de l’outil qu’est Wikipédia avant de participer de manière institu-tionnelle, et qu’une véritable implica-tion dans la vie du projet demeure le meilleur moyen de ne pas être accusé de parasitisme par des contributeurs pouvant parfois se montrer rudes face à ce qui leur semble être un pur effet de communication.

La participation des bibliothèques à Wikipédia n’est pas seulement spon-tanée. L’association Wikimédia France a, à plusieurs reprises, contacté des établissements afin de leur proposer diverses actions. C’est à cette aune que l’on peut remarquer combien la mé-fiance vis-à-vis de Wikipédia disparaît, car l’association a toujours été extrê-mement bien reçue. Elle est actuelle-ment en train de mener une action de longue haleine afin que soient dispo-nibles en ligne des images libres des bibliothèques françaises et de contri-buer ainsi à les aider à améliorer leur identité numérique. La bibliothèque Mazarine, la bibliothèque Sainte-Barbe et l’École nationale des chartes ont

ainsi largement ouvert leurs portes au photographe de Wikimédia France, qui a pu accéder aux espaces privés, en dehors des heures d’ouverture au pu-blic, et mettre en ligne des dizaines de photos. La bibliothèque Mazarine en a profité pour compléter le lot de photo-graphies anciennes des espaces et de bibliothécaires illustres.

Même si cela est plus rare, la re-cherche d’un partenariat peut venir des bibliothèques elles-mêmes. Fidèle à sa tradition d’excellence et d’innovation, la BnF est ainsi la bibliothèque française la plus en pointe en ce qui concerne l’intégration du participatif à son offre de service. Le projet principal concerne à la fois Wikipédia et Wikisource et prend pleinement place dans sa straté-gie numérique. D’une part, l’idée est de faire établir des liens entre les articles de Wikipédia et les notices d’autorité du catalogue de la BnF. D’autre part, de tester la correction collaborative des textes anciens en l’absence d’OCR (opti-cal character recognition – reconnais-sance optique de caractères) de bonne qualité sur les typographies anciennes. Un contrat a été signé avec Wikimédia France afin de formaliser les obliga-tions réciproques des deux parties et l’expérimentation se poursuit ainsi de-puis plusieurs mois.

Cet exemple reste cependant isolé en France. On peut se demander si le signe de la collaboration ne va pas venir d’en-haut, car les institutions sont souvent extrêmement frileuses en ce qui concerne la libération de leurs données. Cela vaut tout particulière-ment dans le cas des documents issus de la numérisation, ce qui se com-prend fort bien quand on considère que cette dernière engloutit des fonds publics importants. Mais cela se com-prend beaucoup moins si l’on sait que moins de la moitié des documents nu-mérisés est actuellement en ligne. Or, ces documents ne sont pas protégés par le droit d’auteur, qui ne considère pas que la reproduction neutre d’une œuvre en deux dimensions doive être protégée. En revanche, la loi du 17 juil-let 1978 les protège en temps que données culturelles publiques, pour surprenant que cela puisse paraître – chaque institution doit donc définir une politique de diffusion de ces don-nées, ce que peu d’entre elles font. Le

plus facile est alors que l’impulsion vienne d’en haut : si les bibliothèques sont nombreuses à répondre à Wiki-média France que tout cela est intéres-sant mais qu’elles n’ont pas le temps de faire le nécessaire, le ministère de la Culture est, lui, très inquiet que les bibliothèques américaines aient le champ libre sur internet grâce à la mise systématique dans le domaine public de tout document produit par un fonctionnaire fédéral. Il était tout de même dommage que les ministres français apparaissent systématique-ment sur Wikipédia sur fond de dra-peau américain et que les portraits de De Gaulle soient issus des collections de la Library of Congress !

Peut-être va-t-on vers une approche plus globale du problème qui permette de donner enfin aux bibliothèques françaises la place qui devrait être la leur sur internet – l’idéal étant bien sûr que les citoyens aient un libre accès aux fonds du domaine public conser-vés en leur nom et pour lesquels ils paient des impôts. Rien dans le dispo-sitif légal actuel ne l’empêche, puisque la loi de 1978 permet aux institutions de définir les conditions de remploi – qui peuvent donc être entièrement libres. Le ministère de la Culture et de la Communication a en tout cas claire-ment signifié qu’il désirait la diffusion la plus large possible de ces données et espérait qu’elles constitueraient un ter-reau qui puisse favoriser l’apparition de services numériques innovants. Il est par conséquent grand temps que les bibliothèques prennent ce pro-blème en compte : l’embargo sur des données publiques et l’interdiction de les utiliser que la plupart d’entre elles opposent aux citoyens sont très inquié-tants – non seulement du point de vue professionnel mais aussi du point de vue citoyen.

Production de savoir, diffusion de l’information ou constitution d’une identité numérique ?

Les divers exemples mentionnés montrent que la gamme des possibi-lités d’intervention est très large. La question est finalement : « Pourquoi

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contribuer à Wikipédia ? » Les biblio-thèques peuvent y trouver plusieurs intérêts selon leur profil et leur poli-tique en matière de présence sur les réseaux : production de savoir, diffu-sion de l’information ou constitution d’une identité numérique.

La diffusion de ressources exis-tantes afin de mettre en valeur son établissement est sans doute la plus aisée des actions à mettre en place. Pour la plupart des grandes biblio-thèques, il existe des données fiables – articles historiques plus ou moins anciens ; chiffres validés et diffusés pour l’action actuelle – qui permettent de créer un article comportant les sources obligatoires. Il s’agit là essen-tiellement de dissémination de don-nées qui préexistent plutôt que de pro-duction proprement dite.

Mais ceci est primordial dans le cadre de la gestion de l’identité numé-rique de son établissement. Que l’on me permette une dernière anecdote : quelques semaines avant que je ne devienne rédacteur en chef des Nou-velles de l’estampe, revue publiée par le Comité national de la gravure fran-çaise (CNGF), la rédaction a reçu une lettre adressée à… Jean Vallery-Radot ! Ce dernier, directeur du cabinet des Estampes de la BN et président du CNGF, a pris sa retraite en 1961 et est mort en 1971. Pourquoi lui a-t-on écrit, alors ? Tout simplement car l’identité numérique du CNGF est à peu près nulle et non maîtrisée. Dès lors, des renseignements peu fiables – en l’oc-currence, la base de données incom-plète du CTHS ne citant que Vallery-Radot comme président, sans citer de date – viennent brouiller la réalité. Proposer des renseignements fiables, facilement accessibles, sur soi-même doit éviter ce type de méprise.

Pour aller au-delà, la difficulté vient essentiellement du fait que les bibliothèques produisent finalement peu de contenu validé dont la qualité permette qu’il soit réutilisé dans Wiki-pédia. Il convient de bien se mettre d’accord sur la définition de la pro-duction de savoir. Nous parlons ici de savoir secondaire, c’est-à-dire du fait de partir des sources primaires ou d’autres sources secondaires afin de produire un discours scientifique-ment construit et intellectuellement

bliothèques peut directement servir de source à Wikipédia. D’abord, celui d’une production scientifique propre – ce qui n’est pas l’apanage des dépar-tements spécialisés de la BnF : un cer-tain nombre de bibliothèques munici-pales ou universitaires organisent des expositions de très bon niveau avec un véritable catalogue. Dans ce cas, limiter la diffusion de cette recherche (payée par des fonds publics) aux acheteurs des mille exemplaires du catalogue au lieu de l’élargir aux mil-lions d’internautes constitue presque une faute professionnelle.

Ensuite, celui de la numérisation. Ajouter un lien vers l’ouvrage en ligne dans la bibliographie d’un auteur ne prend que très peu de temps mais est utile au lecteur, tout en donnant un point d’accès de premier ordre à la bibliothèque numérique d’un établis-sement. Certains – comme l’université Rennes 2, qui le fait presque systéma-tiquement – l’ont très bien compris.

Poursuivre et approfondir l’effort engagé

De grands progrès ont été faits en quelques années afin de s’appro-prier un outil qui est déjà la princi-pale source d’information – à tort ou à raison – d’une majeure partie de la population. De plus en plus de biblio-thécaires s’impliquent de manière personnelle, comprennent les enjeux et prennent plaisir à collaborer. Il y a certes encore peu d’actions institu-tionnelles réelles mais le changement d’état d’esprit est en cours – des envies naissent et Wikipédia est de plus en plus considéré comme une opportu-nité à ne pas négliger.

Reste à faire en sorte que modifier Wikipédia entre pleinement dans les mœurs et devienne une habitude pour les bibliothécaires – rejoignant ainsi les 940 000 francophones qui pos-sèdent un compte – sans forcément tout attendre de la communauté exis-tante. •

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validé par des tiers – l’enjeu est donc la scientificité du travail de biblio-thécaire. Une mésaventure est ainsi arrivée à Lionel Dujol, directeur de la médiathèque de Romans-sur-Isère 5, qui avait tenté d’insérer des liens vers des dossiers de sa bibliothèque dans les articles sur les écrivains Douglas Kennedy et Joyce Carol Oates. Liens rapidement supprimés, ce qui provo-qua l’ire du bibliothécaire et un billet sur son blog… dans les commentaires duquel il fut désavoué et grâce auquel il a vite reconnu que l’affaire était plus complexe que ce qu’il avait imaginé. D’abord parce que la politique de Wi-kipédia en ce qui concerne les liens externes est précise. Comme le lui signala alors Bertrand Calenge : « Wi-kipedia n’est pas un support publicitaire (quelle que soit la qualité des références qu’on cherche à y introduire), et il ne suffit pas d’insérer un lien, il faut appor-ter de la valeur ajoutée, bref contribuer effectivement (notes complémentaires, précisions…)6. » Mais la validité même du travail fut mise en cause, notam-ment par David Monniaux, chercheur au CNRS et ancien administrateur de Wikimédia France, qui rappelle les « recommandations de choisir des sources “sérieuses” – ouvrages rédigés par des spé-cialistes, articles de publications interna-tionales à comité de lecture – et non de sources sujettes à caution, comme des pages personnelles de spécialistes auto-proclamés », et se pose la question : « Sur cette gradation, il ne m’est pas évi-dent de savoir placer les bibliothèques […]. Leur gestionnaire est-il un spécialiste international de Douglas Kennedy ou de Joyce Carol Oates 7 ? » En clair, les bibliothèques (la plupart du temps) et Wikipédia se trouvent sur un créneau semblable : diffuser une connaissance déjà validée par ailleurs. Dès lors, la production des bibliothèques peut rarement être utilisée comme source.

Il existe cependant plusieurs cas pour lesquels la production des bi-

5. Lionel Dujol, « Wikipédia n’aime pas les bibliothécaires », La Bibliothèque apprivoisée [blog], 26 mai 2010 : http://labibapprivoisee.wordpress.com/2010/05/26/wikipedia-naime-pas-les-bibliothecaires

6. Réponse au billet de Lionel Dujol, ibid.

7. Réponse au billet de Lionel Dujol, ibid.

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archives ouvertesAccès libre et libre accès en bibliothèque, même combat !

En 1991, alors que s’ouvrent deux réservoirs d’articles scientifiques en libre accès, arXiv 1 pour la physique et Mathematical Physics Preprint Archive 2 en mathématiques, cela fait déjà quelques années que la commu-nauté des bibliothécaires d’universités s’émeut de la spirale inflationniste des prix des périodiques scientifiques et a décidé d’agir de son côté pour tenter de trouver des solutions. C’est dans ce contexte que naît en 1989 la Newslet-ter on Serials Pricing Issues (NOSPI)3, éditée par une bibliothécaire améri-caine et dont le comité éditorial com-prend des bibliothécaires mais aussi des représentants des éditeurs et d’agence d’abonnements. Les théma-tiques concernées sont notamment « les projections de prix des revues, les projets de suppression des bibliothèques, les efforts des éditeurs et des agences pour réduire les prix, les initiatives de publica-tion numérique pouvant avoir un impact sur les prix, les annonces de conférences pertinentes, les actions d’éditeurs ou de vendeurs paraissant injustes pour les abonnés, ainsi que les bonnes nouvelles telles que des réductions de prix, etc. ».

Entre la mise en place d’archives ouvertes disciplinaires et la volonté de réduire la pression économique sur les budgets des bibliothèques, l’angle d’approche n’est pas tout à fait le même au départ, mais le problème

1. http://arxiv.org

2. www.ma.utexas.edu/mp_arc

3. www.lib.unc.edu/prices/prices.html NOSPI comptait 760 abonnés en 1991 et son dernier numéro est paru en 2001.

de fond porte des deux côtés sur les dysfonctionnements croissants du système de publication scientifique et les barrières à l’accès qu’ils entraînent en amont comme en aval : les cher-cheurs des communautés scientifiques concernées veulent faciliter et accélérer la diffusion et l’accès au texte intégral des articles qu’ils produisent, rendus difficiles par des délais de publication dans les revues de plus en plus longs, tandis que les bibliothécaires se pré-occupent des barrières économiques croissantes qui restreignent l’accès à la littérature scientifique acquise par les bibliothèques.

L’Association of Research Libra-ries 4 (ARL, qui regroupe actuellement 126 bibliothèques de recherche en Amérique du Nord) est particulière-ment impliquée dans la recherche de solutions. « Le développement de modèles de communication scientifique opérationnels, adaptables, durables et économiquement viables permettant un accès sans barrières à une information de qualité en soutien des missions des institutions de recherche 5 » fait partie de ses objectifs stratégiques, et, dès 1997, elle met en place une structure dédiée, the Scholarly Publishing and Acade-mic Resources Coalition (Sparc)6, un regroupement de bibliothèques de recherche (dupliqué en Europe 7 en 2001, puis au Japon 8 en 2003) qui se donne pour objectif de sensibiliser les communautés de chercheurs et de promouvoir des initiatives de publica-tions scientifiques alternatives, en un

4. www.arl.org

5. www.arl.org/sc/index.shtml (traduction de l’auteur)

6. www.arl.org/sparc

7. www.sparceurope.org

8. www.nii.ac.jp/sparc/en

Annaig MahéUnité régionale de formation à l’information scientifique et technique de [email protected]

Maître de conférences et coresponsable de l’unité régionale de formation à l’information scientifique et technique (Urfist) de Paris depuis 2006, Annaïg Mahé est docteur en sciences sociales et membre de l’équipe de chercheurs du Dicen (Dispositifs d’information et de communication à l’ère numérique) créée en 2009 au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) de Paris. Ses travaux de recherche actuels portent sur les pratiques informationnelles dans l’enseignement supérieur et la recherche.

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Bibliothèques et archives ouvertes :

mot « de remettre de la compétition là où elle a disparu 9 ».

Les initiatives de dépôt d’articles scientifiques en texte intégral en libre accès sont, de fait, souvent perçues positivement par les bibliothèques comme une alternative intéressante (voire LA solution pour certains), mais c’est surtout la naissance, en 1999, de l’Open Access Initiative (OAI) et du protocole de partage des métadonnées, OAI-PMH, ainsi que la mise à dispo-sition des plateformes de dépôt, logi-ciels open source, telles que Eprints et Dspace en 2002, qui permettent aux bibliothèques de prendre une part de plus en plus active et concrète dans le mouvement du libre accès, et un rôle décisif dans le développement d’ar-chives ouvertes institutionnelles aux côtés des archives thématiques pro-posées par les communautés scienti-

9. Jean-Claude Guédon, « In Oldenburg’s Long Shadow: Librarians, Research Scientists, Publishers, and the Control of Scientific Publishing », ARL Bimonthly Report, no 218, 2001. www.arl.org/resources/pubs/mmproceedings/138guedon.shtml

fiques. Dans ce cadre, il est intéressant de noter que, même si ces outils sont adoptés par des institutions de même type et pour des contenus similaires, le logiciel Eprints, développé à l’université de Southampton par l’équipe de Ste-van Harnad, s’adresse spécifiquement dès son origine aux besoins des com-munautés scientifiques, tandis que la plateforme Dspace, développée par les bibliothèques du Massachussets Insti-tute of Technology (MIT), prend aussi en compte dès le départ les besoins des autres communautés scientifiques et propose une gamme de documents plus large que les seuls articles scien-tifiques et la production académique. Actuellement, les instances de dépôt développées à partir de Dspace sont presque deux fois plus nombreuses que celles d’Eprints 10, alors qu’elles ont été pendant longtemps en nombre qua-siment équivalent.

10. Le Registry of Open Access Repositories (ROAR, http://roar.eprints.org) recense 771 instances de Dspace à travers le monde et 366 instances de Eprints (décembre 2010).

Libre accès, archives ouvertes et bibliothèques : des actes et des mots

À partir des années 2000, les bibliothèques s’impliquent large-ment dans la problématique du libre accès et des archives ouvertes. Par des actes : en 2002, ce sont les bi-bliothèques de l’université de Michi-gan qui mettent en place OAIster, un moteur de recherche permettant d’interroger la quasi-totalité des ar-chives actives 11 ; la California Digital Library, créée en 1997 à l’université de Californie, met en place l’initiative eScholarship dans le but de faciliter l’émergence de contenus et services de publication innovants pour la com-munication scientifique. En 2003, ce sont les bibliothèques de l’univer-sité de Lund, en Suède, qui ouvrent le Directory of Open Access Journals

11. OAIster a été transféré à OCLC au début de l’année 2009 : www.oclc.org/oaister

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aux acquisitions, il convient aussi de pro-mouvoir le mouvement open access et la constitution d’archives ouvertes, qui visent tous deux à développer un accès libre à l’information scientifique 16. » En France, le consortium Couperin s’engage aussi dans l’action et la réflexion. Un groupe de travail sur les archives ouvertes se réunit entre 2007 et 2008 et ses tra-vaux débouchent sur un site web 17 dédié aux archives ouvertes pour l’en-seignement supérieur et la recherche, ainsi que la tenue de journées d’étude en avril 2009 18. Plus récemment, Couperin coordonne l’action du projet européen OpenAIRE 19 pour la France par le repérage des projets de re-cherche concernés et la sensibilisation des chercheurs à l’obligation de dépôt de leurs publications dans le cadre du 7e Programme cadre de recherche et développement (PCRD), et le consor-tium est également membre du DOAJ. Enfin, il a récemment participé à la réalisation d’un rapport sur l’état des lieux de l’Open Access en France 20 dans le cadre d’un consortium euro-péen de bibliothèques 21.

Libre accès à l’information et nouveaux rôles pour les bibliothèques

Au-delà des nombreuses initiatives locales au sein des institutions uni-versitaires et de recherche, les biblio-thèques jouent ainsi un rôle majeur au plan national et international dans les initiatives liées au libre accès et aux archives ouvertes, et ce n’est sans doute pas un hasard si le dernier congrès de l’Ifla s’intitulait cette année

16. Grégory Colcanap, « Acquérir la documentation électronique pour l’enseignement supérieur et la recherche », BBF, 2009, no 6, p. 18-21.

17. www.couperin.org/archivesouvertes

18. https://journeesao.wordpress.com

19. www.openaire.eu

20. Couperin, Inist-CNRS, Open Access in France, a state of the art report, avril 2010. http://oaseminar.fecyt.es/Resources/Documentos/FranceReport.pdf

21. Southern European Libraries Link (SELL).www.heal-link.gr/SELL

(DOAJ)12. Parmi la liste des institu-tions qui soutiennent actuellement le projet, une grande part sont des bibliothèques ou des consortiums de bibliothèques.

Et par des mots : à côté de ces réalisations concrètes visant à favori-ser le développement du libre accès, le monde des bibliothèques s’engage officiellement et politiquement. Dès 2002, l’International Federation of Library Associations and Institutions (Ifla) publie l’Ifla Internet Manifesto pour la liberté d’accès à l’information, appel consolidé en 2004 par l’Ifla Sta-tement on Open Access to Scholarly Lite-rature and Research Documentation 13. De nombreuses déclarations d’asso-ciations de bibliothèques suivront, et elles seront aussi nombreuses à signer la Budapest Open Access Initiative lan-cée en 2001 14. Il faut noter que leurs prises de position font figure d’avant-garde dans un contexte où les prises de position officielles des autres orga-nismes de recherche interviennent plus tardivement : les universités bri-tanniques signent une déclaration en faveur du libre accès en 2005, les pre-mières institutions françaises signent la déclaration de Berlin en 2003, et la première université française à le faire, l’université Lyon 2, ne rejoint le mou-vement qu’en 2006, quand la Confé-rence des présidents d’université vient tout juste de s’engager officiellement en 2010. Il apparaît d’ailleurs que les bibliothécaires sont bien souvent plus conscients des enjeux du libre accès à l’information scientifique que les cher-cheurs eux-mêmes 15.

Au fil des années, l’implication et le rôle des bibliothèques dans le mou-vement du libre accès et des archives ouvertes deviennent une part inté-grante de l’activité des bibliothèques, comme le souligne Grégory Colcanap, coordonnateur du consortium Coupe-rin : « Au-delà des problématiques liées

12. www.doaj.org

13. Disponibles sur : www.ifla.org

14. www.soros.org/openaccess

15. Sheridan Brown and Alma Swan, « Researchers’ use of academic libraries and their services », Key Perspectives Ltd., rapport pour le Research Information Network et le Consortium of the Research Libraries, 2007. www.rin.ac.uk/researchers-use-libraries

« Open access to knowledge – pro-moting sustainable progress 22 » et que deux de ses conférences satellites portaient spécifiquement sur la place des bibliothèques au sein du mouve-ment du libre accès à l’information scientifique : la première, en Grèce 23, permettait aux participants d’échan-ger autour de retours d’expériences, d’études de cas et de réflexions sur le développement d’archives insti-tutionnelles et les évolutions de la publication scientifique ; la seconde, en Suède 24, posait explicitement la question des nouveaux rôles de la bibliothèque dans ce contexte. Ellen Tise, actuelle présidente de l’Ifla, après en avoir rappelé l’implication, men-tionne trois rôles « traditionnels » de la bibliothèque : acquisition, archivage et passerelle vers les ressources per-tinentes, et elle y ajoute une nouvelle dimension, celle de la publication de l’information scientifique pour le bien public, permettant ainsi de répondre à la crise économique et morale du sys-tème actuel 25. Cette nouvelle fonction, qui se développe effectivement de plus en plus, s’appuie à la fois sur les nou-velles modalités technologiques de services et d’accès et sur les compé-tences des bibliothécaires à organiser, valider et former à l’accès à l’informa-tion : « Les bibliothèques doivent prendre l’initiative et assumer que le libre accès est une obligation pour elles parce que son focus porte sur la mise à disposition de l’information à ceux qui en ont besoin

22. World Library and Information Congress: 76th IFLA General Conference and Assembly, “Open access to knowledge –promoting sustainable progress”, 10-15 août 2010, Göteborg, Suède. www.Ifla.org/en/Ifla76

23. Open Access to Science, Medical and Technical Information: Trends, Models and Strategies for Libraries, IFLA Satellite meeting, 6-8 août 2010, Chania, Grèce www.Ifla-sat-chania.com/images/Program.pdf

24. Open Access and the Changing Role of Libraries, IFLA satellite meeting, 9 août 2010, Göteborg, Suède. www.kb.se/aktuellt/utbildningar/2010/Open-Access-and-the-Changing-Role-of-Libraries

25. Ellen Tise, Open Access: a new paradigm for libraries and a new role for librarians, Open Access and the Changing Role of Libraries, IFLA satellite meeting, 9 août 2010, Göteborg, Suède. www.kb.se/dokument/Aktuellt/utbildning/Ifla%20OA%202010/IFLA2010_EllenTise.pdf

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Bibliothèques et archives ouvertes :

pour changer leur vie ou pour ajouter à leurs innovations 26. »

Sans aller jusqu’à considérer que les bibliothèques doivent toutes de-venir des éditeurs et supplanter les acteurs existants, on ne peut nier que la convergence à la fois entre les objec-tifs fondamentaux des usagers et des bibliothécaires (faciliter l’accès à l’in-formation), et entre les technologies de l’information et l’expertise tradi-tionnelle portée par les bibliothèques, donne à ces dernières une certaine maturité pour le développement et la mise à disposition de services autour de réservoirs numériques institu-tionnels. Dans son analyse des pers-pectives stratégiques pour les biblio-thèques universitaires, Florence Muet mentionne également « l’assistance à la production académique » comme un des cinq grands pôles de services que la bibliothèque doit pouvoir offrir 27. C’est aussi sur cette dimension de ser-vices que le récent rapport du groupe de travail de l’ARL 28 sur les archives

26. Idem, p. 7.

27. Florence Muet, « Mutations de l’enseignement supérieur et perspectives stratégiques pour les bibliothèques universitaires », Documentaliste – Sciences de l’information, 2009, vol. 46, no 4, p. 4-12.

28. The Research Library’s Role in Digital Libraries Services. Final report of the ARL Digital Repository Issues Task Force, janvier 2009. www.arl.org/bm~doc/repository-services-report.pdf

institutionnelles se focalise, indiquant que celles-ci ne représentent qu’une part des types de collections gérées par les bibliothèques. Ce rapport pré-cise aussi que si elles ne sont pas les seuls acteurs concernés et que les ser-vices impliqués dépassent souvent le seul cadre de l’institution, les biblio-thèques sont un point d’entrée privi-légié pour créer des interactions entre les différents partenaires locaux. Et puisqu’il faut réfléchir non seulement en termes de besoins mais aussi de moyens, chaque organisme doit pou-voir définir le niveau auquel il peut opérer, ces services pouvant être déve-loppés en interne et/ou en partenariat avec les acteurs concernés (usagers ; éditeurs publics, associatifs ou com-merciaux ; agences intermédiaires et prestataires de services ; consor-tiums et institutions de recherche, etc.), et aux plans locaux, nationaux et/ou internationaux, selon les objec-tifs visés et les moyens disponibles. Sur ce point, le site du consortium Couperin dédié aux archives ouvertes liste les bonnes raisons pour une bibliothèque de contribuer à la mise en place d’une archive ouverte, ainsi que les compétences que les biblio-thécaires peuvent mettre à disposition d’« un projet orienté système d’informa-tion documentaire », et note que « les bibliothèques contribuent à la gestion et à la diffusion des contenus scientifiques et académiques. Les établissements peuvent s’appuyer sur leur expertise pour qu’elles

prennent en charge la gestion des réser-voirs institutionnels, en particulier des plates-formes de dépôt. Les bibliothèques deviennent alors de véritables éditeurs de contenu en libre accès 29 ».

Le libre accès : une opportunité pour les bibliothèques et organismes documentaires

Ce positionnement stratégique (s’appuyant sur une expertise tradi-tionnelle pour développer des services innovants) est aussi une opportunité pour les bibliothèques de (re)gagner en légitimité et en visibilité. Comme nous l’avons mentionné au départ, le libre accès est bien « la mission fon-damentale des bibliothèques 30 ». Ce libre accès s’organisait traditionnelle-ment autour de la mise à disposition de collections construites selon des critères de sélection définis par les bibliothèques. Dernièrement, cette fonction s’était considérablement affaiblie face aux propositions com-merciales des éditeurs, et il est assez révélateur que la fonction d’acqué-reur soit celle qui soit de plus en plus clairement identifiée par les cher-cheurs 31 (même s’ils n’ont pas tou-jours une claire perception des coûts impliqués). Cependant, aux difficultés endogènes (augmentation des coûts d’acquisition des revues) s’ajoutent depuis peu des facteurs exogènes ayant des répercussions directes sur les moyens des bibliothèques (réduc-tions budgétaires) : de propositions alternatives basées largement sur la prise de conscience militante, l’impli-cation et la participation active à un nouveau paradigme économique autour de l’information scientifique

29. www.couperin.org/archivesouvertes/spip.php?article96

30. Jean-Michel Salaün, « Libre accès aux ressources scientifiques et place des bibliothèques », BBF, 2004, no 6, p 20-23.

31. Ithaka S+R, « Faculty Survey 2009: Key Strategic Insights for Libraries, Publishers, and Societies », 2010. www.ithaka.org/ithaka-s-r/research/faculty-surveys-2000-2009/Faculty%20Study%202009.pdf

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deviennent une nécessité vitale pour la plupart des organismes documen-taires. Comme l’université de Cornell aux États-Unis qui avait annulé l’abon-nement à un nombre important de titres Elsevier en 2003, l’université Pierre et Marie Curie (UPMC) vient de prendre la décision de supprimer son contrat chez le même éditeur 32, et le choix de développer les services autour d’une archive ouverte institu-tionnelle s’impose. Même si la logique documentaire est différente, le levier fort dans ces initiatives parallèles reste le lien privilégié que les biblio-thécaires maintiennent auprès des communautés scientifiques de leurs institutions. De simples acquéreurs, ils peuvent redevenir des acteurs à part entière de la production de l’in-formation scientifique et de sa diffu-sion, et nous voyons là se concrétiser les orientations qui se dégageaient il y a quelques années : « participer à la construction du nouveau modèle docu-mentaire » (autant dans sa promotion que dans son développement techno-logique ou ses expérimentations éco-nomiques) et « être leader sur la promo-tion de la culture de l’information 33 ».

Pour cela, il est sans doute néces-saire, comme le mentionnait la prési-dente de l’Ifla, que les bibliothèques assument leur position centrale : de par leurs activités, les bibliothèques et les organismes documentaires sont des interlocuteurs naturels et privi-légiés, à la fois en interne, auprès de leurs usagers, mais aussi des ins-tances de décision institutionnelles, et en externe, auprès des éditeurs, des institutions de recherche et d’autres organismes documentaires. La récente crise financière, en exacerbant plus encore les difficultés économiques chroniques des bibliothèques, aura au moins eu le mérite de faire prendre conscience plus largement encore qu’il y a quelques années des dysfonc-tionnements et des alternatives pos-

32. « Édition scientifique électronique : l’UPMC sur le point de résilier son abonnement avec Elsevier pour passer en mode “archives ouvertes” », Dépêche AEF, 4 octobre 2010. www.upmc.fr/fr/salle_de_presse/upmc_dans_les_medias/agences/edition_electronique_l_upmc_passe_en_archives_ouvertes.html

33. Cf. note 29.

sibles au système traditionnel de la communication scientifique, et, dans le même temps, du rôle joué par les bibliothèques depuis les débuts du mouvement du libre accès à l’informa-tion scientifique.

Cela est parfaitement illustré par l’évolution récente du modèle écono-mique d’arXiv : cette archive théma-tique emblématique est hébergée et maintenue depuis 2001 par la biblio-thèque de l’université de Cornell, qui prenait en charge les coûts de sa ges-tion sur son budget propre. En 2010, la situation budgétaire de la biblio-thèque et la nécessité de faire évoluer l’archive amènent la bibliothèque à demander une contribution finan-cière aux institutions les plus utilisa-trices du service. Aujourd’hui, plus de 120 institutions ont accepté de parti-ciper, à hauteur de 360 000 dollars, c’est-à-dire la quasi-totalité du budget 2010 : somme importante à l’échelle d’un seul organisme, elle devient presque négligeable au regard de l’importance de l’archive dans le quo-tidien des chercheurs qui l’utilisent, et encore plus en comparaison des coûts actuels de la documentation scienti-fique. Cette initiative, à l’instar de celle de l’UPMC, permet de mettre en lu-mière un rôle jusque-là très largement joué à l’ombre des murs des biblio-thèques, et montre la nécessité pour elles de considérer « la cohérence entre stratégie universitaire et politique docu-mentaire 34 », ainsi que d’insérer « la documentation dans les objectifs straté-giques des établissements d’enseignement supérieur 35 ». Car, comme le montrent aussi ces deux initiatives, si les biblio-thèques sont des contributeurs natu-rels et actifs du mouvement du libre accès, elles ne peuvent se substituer aux décisions institutionnelles locales, nationales ou internationales (telles

34. Pierre Carbone, « L’université à l’horizon 2012 », BBF, 2009, no 6 : p. 12-17.

35. Suzanne Jouguelet et Claire Vayssade, Comparaison internationale de bibliothèques universitaires : étude de cas. Rapport à madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Inspection générale des bibliothèques, 2010. http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/78/0/Rapport_etude_comparative_18_fevrier_2010_definitif_137780.pdf

que le mandat de dépôt de l’univer-sité de Liège, l’obligation de dépôt de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou encore celui à effectuer dans le cadre du projet OpenAIRE). Mais, si elles le veulent bien, elles continue-ront à jouer un rôle majeur à ces dif-férents niveaux : par la sensibilisation, l’information et la formation au libre accès et aux archives ouvertes, par le développement et/ou la maintenance d’outils et de plateformes, ou par la participation à des collectifs permet-tant la mutualisation des compétences et expertises, tels que la récente Confe-deration of Open Access Repositories (COAR) visant la mise en place d’une infrastructure mondiale d’archives ou-vertes 36. « Penser global, agir local », tel était l’intitulé bien choisi d’un récent colloque à Nice sur l’évolution des « politiques de mise en ligne de la production académique 37 », révélateur des enjeux en cours. •

Décembre 2010

36. http://coar-repositories.org Collectif mis en place en octobre 2009, qui regroupe actuellement près de 50 institutions de 35 pays, et dans lequel on retrouve de nombreux organismes documentaires. Les groupes de travail portent sur le contenu, l’interopérabilité, le soutien et la formation.

37. Colloque « Penser global, agir local », université de Nice Sophia Antipolis, 29-30 mars 2010. http://bibliotheque.unice.fr/jahia/page4775.html

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Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

2 – Valorisations

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èque Action culturelle

et production de contenusLa bibliothèque, pourvoyeuse ou productrice ?

À en croire la doxa profession-nelle, la bibliothèque est en passe de faire sa petite révolution : de pour-voyeuse de contenus (entendons d’ores et déjà contenus documentaires, qu’elle abrite, fournit et procure au public, dont elle prend en charge l’approvi-sionnement et la mise à disposition, en tant que puissance contenante), elle relèverait actuellement le défi de deve-nir une productrice de contenus, au même titre que d’autres institutions ou établissements culturels. Ce serait là une autre des multiples métamor-phoses de cette noble institution aux mille et une vies, sans cesse déchi-rée entre deux transitions, avec pour point fixe le caractère immuable et intangible de ses collections, au gré de l’histoire politique et des évolutions techniques qui jalonnent sa courte existence au chevet de l’humanité.

Si l’on ne peut que se féliciter de cette récente perspective, qui ouvre l’institution à de séduisantes pro-messes à l’heure où elle traverse une crise grave liée à la fragilisation des pratiques de lecture et à la modifica-tion plus profonde, en particulier dans les jeunes générations, des pratiques culturelles 1, sans doute est-il intéres-sant de s’attarder sur certains termes, examiner la tension qui existe entre valorisation et production des savoirs,

1. Cf. notamment Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique, Paris, La Découverte, Ministère de la Culture et la Communication, 2009, et le travail réalisé par Sylvie Octobre, Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ?, Culture-prospective, 2009.

voir de quelle manière cette (nou-velle ?) pratique de production peut s’ancrer dans une histoire et doit né-cessairement, pour réussir, s’arrimer à un projet général qui est celui de l’éta-blissement.

En ce sens, la production de conte-nus, en tant qu’activité prise en charge par la bibliothèque pour offrir aux usa-gers de nouveaux services, peut être un projet éminemment politique qui offre à la bibliothèque une occasion inespérée de dire ce qu’elle est, qui lui donne ainsi l’opportunité de dévoi-ler quel est son projet pour l’espace public, et qui lui permet de trouver de nouveaux modes de conversation avec le public. Alors, produire des conte-nus, oui, mais de quelle nature ? Que doit porter la bibliothèque devant le monde ?

Si l’on considère que l’identité de la bibliothèque se construit autour de ses collections documentaires, qui offrent déjà, par le seul fait de leur structuration et de leur agence-ment, un certain regard sur le monde, quelles stratégies mettre en place pour valoriser ces contenus, les diffu-ser, comme le font déjà de nombreux établissements ; comment articuler la valorisation avec la production des savoirs, qui instaure alors la biblio-thèque comme producteur cultu-rel ? L’action culturelle ne joue-t-elle pas déjà un rôle essentiel dans cette chaîne ? Avec quelles limites ? La pos-sibilité donnée dorénavant aux biblio-thèques de numériser ne peut-elle pas nous permettre de mieux faire connaître nos contenus documen-taires et de renouer ainsi avec une posture culturelle forte, plus axée sur la mise en valeur des contenus que sur la gestion des supports ?

Emmanuèle PayenBibliothèque publique d’[email protected]

Emmanuèle Payen est conservateur en chef des bibliothèques, actuellement chef du service de l’animation de la Bibliothèque publique d’information. Elle contribue à de nombreuses formations et ouvrages autour de l’action culturelle, et a codirigé le manuel L’action culturelle en bibliothèque publié aux éditions du Cercle de la librairie en 2008. Elle est titulaire d’un DESS de direction des projets culturels (Sciences-Po) et tout récemment du certificat du cycle national « Direction de projets artistiques et culturels et développement des territoires », délivré par l’Observatoire des politiques culturelles de Grenoble.

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Action culturelle et production de contenus :

Une mission traditionnelle

Valoriser les contenus documen-taires des médiathèques auprès du pu-blic est une mission traditionnelle ; de la présentation des nouveautés à l’en-trée des espaces de lecture au choix du mobilier ou à la présentation de tables de valorisation thématiques, ce service relève de l’accueil des publics que l’on s’efforce d’informer de l’ac-tualité bibliographique et culturelle en animant ainsi les espaces de lecture. C’est la forme la plus courante de valo-risation des savoirs qui sont à l’œuvre dans les fonds documentaires ; une autre forme consiste à proposer aux publics une découverte plus approfon-die des œuvres et des documents, en organisant des actions de médiation destinées à transmettre aux usagers des informations sur les contenus qui traversent ces documents 2.

C’est la mission première de l’action culturelle, dont les objectifs peuvent aller de la simple présentation des contenus (par le biais de séances de présentation des nouveautés, des livres jeunesse, etc.) à des formes plus sophistiquées d’animation, faisant intervenir le plus souvent des acteurs extérieurs, écrivains (la rencontre avec un auteur ayant une actualité litté-raire), conférenciers, représentants du monde associatif local, etc. à qui il est demandé de faire preuve de civilité et de pédagogie pour rendre compte, là encore, de l’activité de la bibliothèque. C’est une forme d’action culturelle déjà extrêmement développée dans les établissements, avec des valeurs variables, que ce soit dans les biblio-thèques de lecture publique, les bi-bliothèques nationales ou les services communs de la documentation des universités, comme en témoignent les programmations menées sur les campus universitaires d’Angers, Bor-

2. Cf. notamment la participation des établissements universitaires à des manifestations multimédias, comme le festival Ciné-sciences à l’université de Montpellier 2, le festival du court métrage à Clermont-Ferrand ; la sensibilisation à l’art contemporain par la bibliothèque universitaire d’Angers, les dossiers documentaires, les expositions numériques proposées par certains établissements, comme la BPI, la BnF, etc.

deaux, Toulouse, etc. Se manifeste ici la volonté de représenter et de tra-duire, par l’intermédiaire de nouveaux médias (expositions, présentations d’ouvrages, lectures à haute voix, pro-jections de films documentaires, ma-nifestations parlées, ateliers, cinéma, dossiers numériques, etc.), les savoirs à l’œuvre, et de proposer ainsi une nouvelle manière de les décrypter. En ce sens, l’action culturelle est bien une tentative d’élaborer, tout au long d’une programmation, un nouveau langage de médiation pour valoriser, expliquer, confronter, mettre en débat les infor-mations dont la bibliothèque dispose, et rendre compte du patrimoine des idées qu’elle conserve dans ses rayon-nages.

Cette proposition initiale d’anima-tion peut s’enrichir également de la volonté de construire des passerelles entre des notions souvent complexes, des expressions artistiques, des dis-ciplines scientifiques, des travaux de recherche, pour mettre en dialogue tous ces savoirs et ces types de sup-ports auprès d’un public qui trouve là une nouvelle proposition de chemine-ment dans les collections ; elle puise sa légitimité dans cette mission de valorisation des collections, de mons-tration et d’exposition, de manière à proposer aux lecteurs et plus géné-ralement aux visiteurs de nouveaux points d’entrée pour découvrir ce qui est à l’œuvre dans les textes, docu-ments imprimés et audiovisuels, ou les supports numériques : rien moins que le travail de l’esprit, de la créativité et de l’intelligence humaine, proposé par des moyens divers, imprimés, audiovisuels, sonores ou numériques, sélectionnés par des processus com-plexes d’édition et de diffusion – et par là même protégé souvent par la légis-lation relative à la protection du droit d’auteur 3 –, et rassemblé par des pro-fessionnels des bibliothèques qui ont pour charge de constituer une collec-tion homogène et cohérente destinée à rendre compte, à travers cette produc-tion éditoriale, de la richesse intellec-tuelle.

3. Yves Alix, « Quelques aspects juridiques », in L’action culturelle en bibliothèque, Paris, Éditions du Cercle de la libraire, 2008.

La programmation d’actions cultu-relles doit donc refléter ce travail et prendre appui sur la politique docu-mentaire de la médiathèque, de même qu’elle doit s’articuler aux autres orientations adoptées par l’institution en terme de coopération, relations aux publics, etc., pour se développer en inscrivant son action dans le fonction-nement profond de l’établissement. Elle est, au même titre que d’autres actions, un service proposé au public, qui trouve là de nouvelles formes pour découvrir la production de la pensée, et gagne à être encadrée et explici-tée par une charte d’action culturelle, articulée à la charte de politique docu-mentaire, pour définir les missions, objectifs et méthodes de program-mation de cette activité de l’établisse-ment, comme cela tend à se dévelop-per dans certains établissements 4.

Simple reflet ou processus de création ?

Mais l’action culturelle ne peut être le simple reflet des contenus documentaires : elle s’inscrit non pas dans un processus de réitération ou de tautologie, mais bien de reformulation et, en un certain sens, de création : en utilisant pour cela des formes nou-velles, de l’ordre de la parole, du lan-gage, des arts visuels, de l’expérimen-tation, en s’appuyant sur des procédés de scénographie et de mise en scène destinés à accompagner ce discours, elle se constitue alors comme une nouvelle proposition de sens : faire acte de médiation, c’est d’abord trou-ver le chemin adéquat pour accompa-gner le public dans la découverte des contenus, en empruntant des voies parfois surprenantes et innovantes pour donner accès à l’essentiel et, par-fois, à l’émotion d’une œuvre.

4. Voir à ce sujet la charte de la Bibliothèque publique d’information (www.bpi.fr), celle de la bibliothèque municipale de Lille (www.bm-lille.fr), celle du service commun de la documentation de l’université de Toulouse (www.univ-tlse1.fr) ou celle de la médiathèque André Malraux de Béziers (www.mediatheque-beziers-agglo.org), pour n’en citer que quelques-unes.

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Expositions, débats, journées d’étude ou colloques, ateliers, par-cours architecturaux, littéraires ou artistiques, les formes sont larges et sont amenées à toujours évoluer ; la difficulté est de trouver au sein de ce catalogue le médium approprié pour développer un discours, combiner plusieurs approches pour proposer une manifestation riche et diversifiée, argumenter un exposé, élaborer une présentation construite d’un sujet ou d’un thème qui rendra compte des connaissances inscrites dans les fonds de la bibliothèque, les replacera dans un contexte de culture générale qui permettra de mieux les appréhender 5, comme cela se développe actuellement dans certains établissements.

L’action culturelle peut permettre également de sensibiliser les usagers à de nouvelles formes artistiques qui réclament une médiation particulière, comme le montre le travail récent mené par la médiathèque des com-munautés françaises de Belgique, qui donne à découvrir, grâce à l’exposition sonore « Archipels », présentée à l’au-tomne 2010 à la BPI, des musiques sin-gulières, et propose des passages entre musiques expérimentales et musiques d’aujourd’hui. Toujours, la recherche de nouvelles formes pour mieux dire l’œuvre et replacer l’individu au centre de ce dispositif de découverte.

Quelle voix pour la bibliothèque ?

Qu’a la bibliothèque à dire sur ce sujet ? Telle est la première question qui doit se poser lorsqu’elle décide de s’exposer en proposant à son public une manifestation. Cette nécessité d’élabo-rer un discours et de trouver sa voix est à l’œuvre de la même manière dans les deux formes courantes que sont l’ex-position et la manifestation orale : la bibliothèque, certes, peut proposer des expositions de caractère muséal pour présenter au public son patrimoine et, de la même façon que le ferait un musée, donner à voir des manuscrits, documents précieux, à la façon d’un

5. Cf. Guy Hazzan, « Haute curiosité et lectures infinies », BBF, 2004, no 1, p. 56-61.

ostensoir – c’est également une mis-sion de service public.

Mais ne trouve-t-elle pas encore meilleur langage lorsqu’elle prend la responsabilité d’une présentation or-ganisée de l’œuvre d’un auteur, d’un courant de pensée, d’une thématique, à travers un angle de vue particulier, en utilisant les sources documentaires, imprimés, images animées, audiovi-suelles, objets de collection, textes litté-raires, dont la coexistence à l’intérieur d’un même espace et pour une durée éphémère démultiplie le pouvoir d’évo-cation et organise ce discours entre les œuvres et les objets qui, soudain, fait sens ? L’originalité réside alors dans le choix des objets convoqués pour signi-fier de manière métonymique les mul-tiples aspects d’une œuvre ou d’une thématique, rassemblés auprès de col-lectionneurs ou institutions, ou issus des collections patrimoniales de l’éta-blissement, et de construire, à l’aide du parcours scénographié et de multiples dispositifs visuels et sensibles, un univers où ce dialogue est possible ; à la fois parcours pédagogique, volonté de démontrer, d’expliquer, mais aussi présentation sensible de la création, rehaussée par la scénographie desti-née à accompagner et mettre en valeur ce processus de création 6. Là surgit le sens, comme un jaillissement éphé-mère né non pas du hasard, mais bien du dessein de confronter et faire jouer les idées.

De la même manière, les formes de l’oralité sont nombreuses, et la bibliothèque est loin de déroger à ses missions lorsqu’elle propose à ses lecteurs des séances de présentation d’ouvrages, des actions de valorisa-tion (heure du conte, exposé, et même conférence) destinées à rendre compte de ses collections et à faire jouer la tension entre lecture et écriture. Mais la véritable force d’une manifesta-tion orale, qu’elle soit débat, journée d’études ou colloque, réside dans la manière dont les multiples aspects de l’œuvre ou de la problématique seront agencés et articulés pour à la

6. Cf. Emmanuèle Payen, « La bibliothèque et l’œuvre, entre savoir et création », in Les bibliothèques dans la chaîne du livre, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2004.

fois rendre compte des contenus docu-mentaires et également construire un discours singulier qui sera celui de la bibliothèque : ni le lieu de la parole universitaire de l’enseignement et de la recherche, car la parole énoncée par la bibliothèque se veut ouverte à un pu-blic plus large et divers, non spécialiste de la question ; ni l’espace médiatique, car le rapport distancié à l’actualité im-médiate y est privilégié, comme mis en perspective par la tension et le poids de sédimentation de la collection qui per-met de faire la chasse aux certitudes ; mais bien le lieu du partage des idées, de la confrontation et du débat, dans le souci d’apporter aux publics des outils de compréhension du monde contem-porain, des repères qui permettront le développement de la pensée critique et de la citoyenneté.

Du côtoiement des œuvres et des prises de position naît, du moins faut-il l’espérer, un sens enrichi par les multiples angles de vue convoqués, la rage de convaincre, la volonté d’expli-quer, le goût de l’approfondissement et du dialogue, la luminosité de l’exposé. L’exercice reste périlleux, et sa réussite difficile, tant il faut éviter que la mani-festation orale ne se réduise à une suc-cession et une juxtaposition de com-munications sans réelle articulation ni volonté de dialogue. Mais qui a un jour assisté à un débat contradictoire, où les intervenants défendent avec détermination et force leurs points de vue respectifs, tout en respectant la parole de leurs détracteurs et faisant ensemble le pari, non pas du consen-sus, mais d’une construction partagée qui s’élabore au fil du débat et s’éclaire du point de vue de l’autre pour ouvrir une brèche dans le jeu des évidences, peut comprendre l’exemplarité de cet événement.

C’est ici, dans le cadre d’un débat, lorsque les intervenants acceptent le risque que leurs convictions profondes puissent être déplacées, ébranlées, ou tout au moins éclairées au contact de la pensée de l’autre, que se love le ca-ractère exceptionnel que peut parfois revêtir l’événement culturel, qui surgit et se manifeste au cœur de l’assem-blée ; et c’est là que la bibliothèque peut s’enorgueillir d’avoir produit peut-être plus qu’un savoir : la possi-bilité pour l’auditoire de développer

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Action culturelle et production de contenus :

son sens critique et sa propre pensée, la conscience de la complexité des en-jeux, le goût de la nuance, la volonté de poursuivre sa réflexion, parfois moyen-nant des recherches complémentaires que la bibliothèque est à même de lui faciliter grâce à la production de bibliographies. D’où l’inclination de la bibliothèque pour une program-

mation privilégiant le traitement plu-ridisciplinaire des sujets, qui permet de faire fonctionner dans les esprits le décloisonnement déjà traduit dans l’architecture de nombreux espaces de lecture, à la manière d’une déambula-tion qui ouvre les problématiques à de nouveaux horizons, trace des perspec-tives parfois insoupçonnées, provoque

des rapprochements inédits, élargit le champ de vision, fait jaillir le sens de la confrontation de points de vue sin-guliers, à travers l’encyclopédisme de nos collections comme à travers l’uni-versalisme de la pensée. L’exercice est pourtant loin d’être simple, et le dan-ger toujours présent de schématiser une pensée à trop vouloir la synthétiser

Ce qu’une bibliothèque organise dans le cours de sa politique d’action culturelle présente l’inconvénient d’être éphémère, puisqu’il s’agit d’une succession d’événe-ments dont chacun disparaît à son tour, préparant les voies du prochain. Dans un schéma clairement conçu, l’articulation des lignes directrices choisies par l’établissement pour sa programmation doit être perceptible en amont, pour accrocher le public sur une durée signifi cative et lui permettre d’appré-hender le sens et le motif de chaque mani-festation dans l’ensemble qui la comprend ; mais il est souhaitable qu’une telle entreprise de mise en valeur et de transmission des savoirs ne se limite pas à la temporalité de l’événement, et qu’elle fasse l’objet de pro-longements systématiques susceptibles de lui donner une certaine résonance.Cette position relève d’un double constat, qu’on pourrait qualifi er de revers de l’action culturelle : d’une part, l’élaboration de conte-nus de qualité suppose une dépense de moyens et d’énergie qui se trouve rarement compensée par les effets immédiats d’une manifestation, si bien qu’il en résulte une incertitude économique et, le cas échéant, des interrogations sur le bien-fondé global de poursuivre une politique d’animation jugée peu rentable ; d’autre part, et qui peut tempé-rer le premier point, l’action culturelle a tou-jours deux publics distincts : celui qui vient, et celui qui ne vient pas.La programmation n’est pas un jeu de colin-maillard où les bibliothécaires chercheraient à satisfaire à tâtons, sur la base d’études approximatives, la demande informulée d’un public préexistant, capable d’éprouver collec-tivement des attentes spécifi ques : bien au contraire, c’est à partir d’une offre culturelle intuitive que se constitue le public de chaque manifestation, parmi les personnes que l’in-

formation touche et qu’intéresse ou mobilise la thématique visée. Mais ce public dont on provoque ainsi la naissance, on n’en connaî-tra jamais qu’une infi me délégation, puisqu’il faut être physiquement disponible pour assis-ter à l’événement, voire aux événements dont se compose la manifestation : l’étendue véri-table de son public nous demeure invisible.C’est à partir d’un postulat paradoxal, mais confi rmé par l’expérience, que se déduit le besoin d’une politique des traces : le public invisible est de loin plus nombreux, voire plus attentif, en tout cas plus important pour l’établissement que la maigre assistance un instant réunie dans le cours de l’événement. L’effet principal d’une manifestation ne se produira donc pas sur place, mais autrement, dans le cadre nécessaire d’un accès différé. Le développement des réseaux nous offre le moyen d’y procéder avec une effi cacité redou-blée : assurer cette permanence de l’action culturelle en vue de satisfaire l’intégralité de son public devrait être un axe majeur de tout projet de bibliothèque numérique, ou de bibliothèque en ligne, formulé dans un éta-blissement.Le contenu d’une manifestation n’est pas autre chose qu’une œuvre de l’esprit, dont la forme est variable, mais dont la bibliothèque est a priori l’auteur principal. À la cohé-rence des choix de programmation qu’opère en amont la bibliothèque réelle répondra, puisqu’elle en est la conséquence directe, la construction documentaire de la bibliothèque virtuelle ; et surtout, ses collections originales affi rmeront le rôle de l’établissement comme créateur de contenus, lui garantissant un cré-dit complémentaire dans la chaîne de trans-mission des savoirs et de la culture.D’un point de vue juridique, la diffusion d’œuvres en ligne, sur un support adapté, réclame des précautions pour ménager les

droits d’éventuels collaborateurs, mais on peut traiter cette question d’avance pendant la préparation des manifestations, voire en faire une clause du contrat type que l’on présente aux intervenants. Il s’agira, dans la plupart des cas, de documents nés numé-riques – par exemple des captations de confé-rences – pour lesquels des licences de type Creative Commons pourront être proposées.Les conditions mêmes de création de ces documents numériques doivent être mûre-ment pesées pour atteindre un certain niveau de qualité : sans doute suffi t-il d’un enregis-trement sonore convenable si l’on n’a pas les moyens de filmer l’événement dans de bonnes conditions de lumière et de scénogra-phie ; les dispositifs d’expositions virtuelles ne sont possibles que s’ils comprennent suf-fisamment d’œuvres significatives, et non seulement quelques reproductions libres de droit. Le souci légitime de rendre un compte exact de l’événement n’excusera pas des ar-ticles médiocres ou disparates, et profession-naliser la production technique de ses traces demeure une priorité.Enfin, l’intérêt d’une valorisation systéma-tique a posteriori des manifestations renou-velle de manière opportune le rapport entre l’action culturelle et la politique documen-taire, objet de fréquentes revendications théoriques, mais dont l’application dans les faits n’est pas toujours perceptible : en cris-tallisant la mémoire des événements sous la forme de documents numériques sus-ceptibles d’entrer dans les collections de la bibliothèque, on fait de l’action culturelle une ressource documentaire, et non plus seule-ment le moyen de valoriser les acquisitions antérieures. De cette nouvelle réciprocité peuvent naître au sein des établissements de fructueux échanges entre les équipes, et bien sûr une programmation culturelle articulée plus étroitement sur les missions fondamen-tales des bibliothèques.

Bernard [email protected]

La politique des traces

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Dans tous les cas, l’objectif est bien de développer une stratégie d’acquisition et d’approfondissement du champ des connaissances, dans un temps rela-tivement serré et avec la plus grande efficacité. La seconde privilégie l’appé-tence pour cette forme culturelle d’ex-position de savoirs et d’oralité ; elle est en particulier le fait de personnes qui naviguent entre les multiples offres culturelles disponibles dans la ville.

Mais quelle que soit la motivation principale, tous les participants inter-rogés disent l’importance accordée par eux à l’exercice oratoire du débat, le goût pour la mise en scène organisée entre les intervenants, l’animateur ou modérateur et le public, la jubilation de cette parole partagée de manière extrêmement codifiée, presque sym-bolique, la dimension collective de l’exercice de maniement de la pensée, la fulgurance d’une présentation syn-thétique du sujet qui concoure à la formation de l’individu, et la perspec-tive que cette transmission d’un savoir devienne possibilité de création chez le sujet qui reçoit, rendue possible par l’exercice d’une expression ouverte 8.

N’est-ce pas là un enjeu pour les bibliothèques ? Valoriser, produire et organiser des savoirs, certes, mais sur-tout rester, ou devenir, un des lieux où peut s’exercer, à la fois individuelle-ment et collectivement, l’art de l’inter-prétation des œuvres, qu’elles soient littéraires, cinématographiques et mu-sicales ? C’est ce que souligne le théo-ricien Yves Citton, lorsqu’il dénonce dans son dernier essai 9 ce qu’il appelle « l’industrialisation du cognitif » des sociétés industrielles, qui organisent la captation des savoirs de manière rentable grâce à des outils de commu-nication numériques toujours plus performants ; à cela, il oppose l’impor-tance de l’activité d’interprétation, qui permet de développer vis-à-vis des connaissances une capacité d’analyse,

8. L’une des participantes interrogées utilise l’expression suivante : « formation, information, transformation », pour exprimer le sentiment de déplacement intérieur qu’elle ressent à l’écoute et au contact des intervenants.

9. Yves Citton, L’avenir des humanités. Économie de la connaissance ou cultures de l’interprétation ?, Paris, La Découverte, 2010.

ce travail particulier de recombinaison qui permet l’entrée dans un proces-sus de subjectivation. Au bruit et à la fureur d’une société qui organise les circulations d’informations de plus en plus rapides et privilégie un modèle rentable qui assèche les contenus, Yves Citton oppose la possibilité ou le devoir qu’ont les médiateurs culturels d’ouvrir des espaces pour que celui qui reçoit les informations amorce son tra-vail d’interprétation, et trace une friche dans le flux des connaissances qui lui permettra de faire preuve lui-même de création et d’innovation.

À la suite des philosophes Hart-mut Rosa, qui dénonce une société de l’accélération 10, ou Gilles Deleuze, Yves Citton insiste sur le fait que le travail d’interprétation requiert de la place et du temps, pour que l’on puisse avoir enfin « quelque chose à dire ». Ce peut être indubitablement un enjeu cultu-rel fort pour les institutions culturelles que sont les médiathèques, aux côtés d’autres opérateurs culturels, que de chercher à favoriser institutionnelle-ment les occasions de discussions et d’attitudes d’expérimentation inter-prétative du sujet. En développant leur rôle de filtre par la sélection des ouvrages, les propositions de réflexion, d’action, et en ménageant des temps de « blancs », des vides, des vacuoles pro-tectrices où vient se construire l’inter-prétation, les médiathèques occupent pleinement leur rôle d’institutions pro-ductrices de savoirs ; les savoirs déjà constitués, certes, mais surtout les sa-voirs à venir ; en ce sens, ne sont-elles pas avant tout productrices de ques-tions ? C’est sans doute l’enjeu le plus passionnant : devenir une fabrique à questions, et donner à l’individu la pos-sibilité, dans le cours de son existence, de mener ses propres investigations.

Une proposition culturelle ambitieuse

Cette dimension du temps et de l’espace dans lesquels se déroule la production des savoirs est, en matière

10. Cf. son dernier livre, Accélération : une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010.

ou la simplifier ; d’où l’importance du choix des intervenants à qui l’on confie cette mission, qui doivent allier péda-gogie et fidélité à la complexité du sujet abordé. Mais l’enjeu est important : en mettant les contenus documentaires en dialogue avec les champs plus larges de la recherche, avec l’actualité, les mondes professionnels, associatifs ou artistiques, les manifestations cultu-relles ouvrent la bibliothèque aux cou-rants du monde, elles lui font prendre le risque et lui apportent la grande richesse de cet engagement de plain-pied dans les problématiques contem-poraines, et en font une institution vivante, capable de se transformer et de réagir aux multiples tohu-bohu de l’actualité.

Un enjeu pour les bibliothèques

C’est ce qui ressort avec force de l’enquête menée en 2009 par le ser-vice Études et recherches de la BPI sur les publics des manifestations orales ; enquête quantitative et qua-litative destinée à nous renseigner sur la composition et les motivations de ce public, elle a révélé avec force à quel point l’auditoire était sensible à la forme du débat et aux contenus abordés lors de ces manifestations 7. En particulier, le versant qualitatif développé dès la phase exploratoire de l’enquête a mis en lumière deux caté-gories de motivation principales des participants aux manifestations orales. La première montre l’intérêt prédomi-nant de certains pour les thématiques et les connaissances abordées lors des manifestations, pour des motifs qui peuvent être professionnels ou de for-mation personnelle : le débat est pris comme le moyen d’accéder à des infor-mations dans un domaine dans lequel les participants sont déjà fortement investis, que ce soit par leur milieu professionnel chez les actifs, ou, pour les étudiants, par leur champ d’études.

7. Cf. en particulier le travail de synthèse mené par la sociologue Agnès Camus : Les publics des manifestations orales à la Bpi, synthèse de la phase exploratoire, www.bpi.fr/fr/professionnels/etudes_et_recherche/publics_et_usages_a_la_bpi.html

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Action culturelle et production de contenus :

d’action culturelle, un aspect fonda-mental : temps du parcours d’une exposition qui déroule son discours et le met en scène ; temps du débat qui se déploie et invite l’auditoire à la concentration et à l’écoute ; temps de l’atelier, où l’on apprend à faire, à se tromper, à rater, pour comprendre et vivre la complexité d’un savoir-faire, qui rend possible également la pro-duction personnelle ; temps d’une programmation qui se construit au fil de l’année, et ensuite d’année en année, autour d’axes et d’itinéraires thématiques, en proposant des ren-dez-vous culturels puissants, des cycles de débats et rencontres au long cours, pour donner la chance à la complexité de se faire connaître, à la nuance de s’installer, au doute et à la crainte de se vivre et d’être surmontés. Temps pour mettre à distance l’actualité assourdissante, organiser la résistance et trouver les repères pour la domestiquer et la comprendre. Temps également pour la production personnelle, l’expéri-mentation, lorsque l’on sait le succès rencontré par les lieux (studios mu-sicaux, ateliers, etc.) où les usagers sont invités à coproduire eux-mêmes des œuvres ou documents, ou le dé-veloppement des pratiques collabora-tives du web 2.0.

Et l’espace aussi, celui du silence, de l’interprétation et de l’échange ; mais aussi, l’espace de l’exposition, aménagée et scénographiée, l’impor-tance offerte aux publics d’accéder à des équipements ambitieux pour que la programmation puisse s’y dérou-ler dans des conditions optimales d’écoute et de découverte ; espace de la disponibilité et de l’inaction qui est aussi, d’une certaine manière, déjà, celui de la lecture, pour permettre l’interprétation. La proposition cultu-relle de la bibliothèque se doit d’être ambitieuse si elle veut être le lieu où vivent les idées et où se développe une pensée du monde contemporain, à tra-vers les apports du texte, de l’écrit et plus généralement du multimédia, et doit s’éloigner autant que faire se peut d’un événementiel fabriqué de ma-nière empirique et anecdotique qui est encore trop souvent inscrit dans les programmations des établissements, faute de moyens et de réelle volonté

politique de développer une véritable action dans ce domaine.

D’où l’importance d’un travail de fond sur cette activité, fer de lance pour promouvoir les contenus auprès des publics ; la nécessité de construire une programmation de long terme, par saison culturelle, et de réfléchir à la pérennité des actions menées et à la possibilité de les faire fructifier en intégrant cette production issue de l’éphémère dans le continuum tem-porel de la collection documentaire, comme l’activité éditoriale et les nou-velles technologies nous permettent dorénavant de le faire, et la perspective de créer ainsi des collections d’archives sonores, audiovisuelles, imprimées ou numériques qui viennent nourrir et compléter les documents existants et contribuer ainsi au développement de l’établissement. C’est la politique des traces qui est mise à l’œuvre dans cer-tains établissements, qui organise la collecte, la diffusion et la valorisation des événements culturels de la pro-grammation et leur reversement dans les bases documentaires, et qui se ré-vèle avec bonheur, dans le meilleur des cas, point de fuite vers l’innovation, la recherche, les problématiques à venir, en plaçant la bibliothèque en dialogue ouvert avec l’espace public. Le travail de sédimentation des savoirs peut alors se constituer, les interactions entre les diverses manifestations archi-vées s’opérer, et la circulation se faire, de la collection documentaire, initia-trice des contenus qui traversent les manifestations, à la collection enrichie par la conservation de l’éphémère, pour constituer une bibliothèque qui se régénère au fil de sa programma-tion. Séduisant paradoxe que cette immatérialité du numérique qui vient permettre en quelque sorte la maté-rialisation des productions culturelles, en faisant vivre et exister au sein de la bibliothèque ce qui était de l’ordre de l’éphémère.

Des difficultés

Les difficultés à cette mise en perspective sont loin d’être levées : on ne s’étendra pas sur les moyens défaillants, la difficulté qu’ont les éta-blissements à trouver leur spécificité

et à investir un champ de program-mation particulier par rapport à l’offre culturelle existante. Mais il faut avoir conscience que les bibliothèques ne pourront occuper avec force ce nou-veau domaine de compétence que si elles développent une véritable straté-gie culturelle. Car qui dit production de savoirs dit la force d’un projet qui vient remodeler la structure même des établissements, reconfigurer dans son ensemble la chaîne des services offerts aux publics, en construisant une lo-gique qui traverse les différentes activi-tés de la bibliothèque. Porter auprès du public et de nos partenaires ces nou-veaux contenus, c’est mettre en place une chaîne de production renforcée par une politique d’établissement qui va irriguer tous les aspects de dévelop-pement, en articulant les acquisitions aux actions culturelles, à la politique éditoriale, au service de développement des publics, et cela ne peut se faire qu’en interrogeant également les com-pétences des acteurs de ce projet, les bibliothécaires, toujours écartelés entre une vision généraliste de leur métier et une spécialisation et une exigence qui leur sont également de plus en plus demandées. C’est donc interroger ce nouveau projet en termes de moyens, de ressources et de formation des pro-fessionnels à qui il est confié.

Peut-être est-on bien, en défini-tive, dans cette volonté d’ériger ces « bibliothèques troisième lieu 11 » sur le modèle des établissements qui voient dorénavant le jour dans certains pays du nord de l’Europe, et commencent à émerger en France. Promesse d’ave-nir, lieu d’échanges et de lien social et culturel, la bibliothèque devient un espace de confrontations publiques et d’enrichissement personnel, qui favo-rise la conversation et l’interaction ; avec pour corollaire de faire entrer le monde au milieu du salon, ce qui ne peut que nous interroger sur notre propre capacité à l’accueillir. •

Décembre 2010

11. Cf. Mathilde Servet, « Les bibliothèques troisième lieu, une nouvelle génération d’établissements culturels », BBF, 2010, no 4, p. 57-63.

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production académique :

La mission « thèses » à l’Abes

Le ministère chargé de l’Enseigne-ment supérieur mène depuis plusieurs décennies une politique volontariste en matière de thèses, qu’il s’agisse de leur signalement, de leur conservation ou de leur diffusion, de valoriser la re-cherche ou de favoriser l’insertion pro-fessionnelle des jeunes docteurs.

À la faveur de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le MESR 1 s’est recentré sur sa mission de pilotage stratégique. Appelé à deve-nir « une administration de mission, stratège, innovante, transparente 2 », ses activités opérationnelles ont été transfé-rées à d’autres opérateurs, dont l’Abes, agence nationale. Parmi les activités transférées figure notamment le volet « thèses », dont l’Abes a officiellement la charge depuis septembre 2010.

Pourquoi les thèses ?

« Le vrai diplôme universel, c’est le doctorat. Faire une thèse, c’est faire preuve d’inventivité, de ténacité et de ri-gueur. C’est autre chose que de suivre des cours puis de valider des examens 3. »

La thèse de doctorat 4 est un docu-ment particulier, travail exigeant et

1. Pour le détail des sigles rencontrées dans ces articles, se reporter à l’encadré p. 28.

2. http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/organigramme/29/0/MESR17-03-09_46290.pdf

3. Cédric Villani, médaille Fields 2010, au congrès de la Conférence des grandes écoles – 7 octobre 2010.

4. Nos propos se limitent aux thèses de doc-torat – ne sont pas évoquées ici les thèses

innovant de recherche et exercice aca-démique donnant accès à un grade universitaire. Ces deux éléments (un document scientifique + un diplôme) forment un couple administrative-ment indissociable. On pourrait iden-tifier au moins six éléments consti-tutifs d’une thèse, chacun de ces éléments soumettant la thèse à des textes, codes ou règlements distincts qui correspondent à autant de pro-tections (de l’auteur par exemple) ou de garanties (de l’accès au document thèse). L’abondance des métadonnées relatives aux thèses en reflète bien la complexité (voir figure page 27).

En 2008, 10 700 thèses de docto-rat ont été soutenues en France 5. Les thèses conservent une importance prépondérante dans le paysage scien-tifique et au sein des établissements, universités ou grandes écoles, qui se positionnent comme des producteurs et diffuseurs d’informations scienti-fiques, dans un contexte d’intégration (PRES), d’autonomie des établisse-ments (LRU) et de compétition inter-nationale accrue (voir le classement de Shanghai 6 et autres palmarès inter-nationaux). Chacun se doit donc de valoriser sa recherche, son patrimoine scientifique et, singulièrement, ses thèses, grâce aux possibilités ouvertes

d’exercice, HDR (habilitation à diriger des recherches) et thèses sur travaux.

5. Source : DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) du ministère de l’Éducation nationale, « Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche », septembre 2010 : www.education.gouv.fr/pid316/reperes-et-references-statistiques.html

6. Version 2010 consultable ici : www.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20100812/ 1398457_5eeb_arwu2010.pdf

CoLLECTE, CoNSERVATIoN, DIFFUSIoN

Anne-Laurence [email protected]

Séverine [email protected]

Marianne [email protected]

Isabelle [email protected]

Abes (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur)

Conservateur des bibliothèques, Anne-Laurence Mennessier, en poste à l’Abes depuis 2005, est actuellement responsable des missions « Thèses » et « Pilotage national des opérations de rétroconversions ».

Bibliothécaire contractuelle à l’Abes, Séverine Dabernat est administratrice du Fichier central des thèses.

Ingénieur de recherche à l’Abes, Marianne Giloux est responsable fonctionnelle de l’application Star.

Conservateur des bibliothèques, Isabelle Mauger-Perez, en poste à l’Abes, est responsable fonctionnelle du projet de portail des thèses.

Page 29: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

bbf : 2011 27 t. 56, no 1

Valorisation de la production académique :

par les technologies actuelles. Celles-ci ne permettent pas seulement de dématérialiser, d’exposer et diffuser les documents, elles enrichissent aussi considérablement les fonctionnalités de recherche, de rebond ou de naviga-tion, sans parler des nouveaux services possibles autour du document, de son auteur ou des différents intervenants (directeur, membres du jury, etc.).

Pourquoi l’Abes ?

La volonté de signaler les thèses soutenues est ancienne et continue, puisque le fichier qui recense les thèses soutenues existe depuis 1929 pour sa forme imprimée (répertoire bibliographique) et depuis 1985 sous forme informatique – accessible d’abord par télématique. En 1991, le ministère de l’Éducation nationale (et plus particulièrement la DPDU : Direction de la programmation et du développement universitaire) attribue une existence officielle 7 au fichier

7. Arrêté du 10 septembre 1991 portant création d’un traitement automatisé des thèses soutenues en France (NOR : MENT9102183A).

attributions du Sunist et se voit confier notamment le soin d’assurer la gestion et le développement de la banque de données Téléthèses, ainsi que l’édition sur tout type de support de produits dérivés. Elle produit donc Docthèses, version sur disque optique compact de Téléthèses, de 1992 à 2002. Depuis 2000, date de sa mise en production, le catalogue Sudoc prend le relais du disque compact, difficile à mettre à jour, et signale toutes les thèses fran-çaises soutenues, de façon exhaus-tive depuis 1972 (depuis 1982 pour les thèses de médecine et de chirurgie den-taire). Pour les thèses plus anciennes, le catalogue est complété progressive-ment par des conversions rétrospec-tives de fichiers papier. Le Sudoc, géré par l’Abes, est donc la bibliographie nationale des thèses en France : le si-gnalement des thèses soutenues y est en effet obligatoire 9, qu’il soit effectué manuellement dans l’interface de cata-logage Sudoc par la bibliothèque de l’université de soutenance dans le cas d’un dépôt papier, ou automatiquement via l’application Star 10 dans le cas d’un dépôt électronique.

La préoccupation de l’Abes pour les thèses et sa responsabilité en ce do-maine ne datent donc pas d’hier. Cet in-térêt a même été renforcé récemment :

• par la forte implication de l’Abes dans la rédaction de la recommanda-tion TEF 11 ;

• par la mise en production fin 2006 de l’application nationale Star ;

• par le transfert à l’Abes, le 1er janvier 2010, du Fichier central des thèses 12 (FCT), auparavant hébergé et

9. Arrêté du 7 août 2006 relatif aux modalités de dépôt, de signalement, de reproduction, de diffusion et de conservation des thèses ou des travaux présentés en soutenance en vue du doctorat (NOR : MENS0602085A).

10. Voir page 30 l’article de Marianne Giloux, « Star : au-delà d’une application, un réseau ».

11. La recommandation TEF (Thèses Électroniques Françaises) définit un jeu de métadonnées pour les thèses électroniques soutenues en France. Son objectif est d’organiser de manière cohérente des métadonnées de thèses normalisées et riches, pour faciliter leur échange et leur diffusion, au niveau national ou international. www.abes.fr/abes/documents/tef/index.html

12. Voir page 29 l’article de Séverine Dabernat, « Le Fichier central des thèses ».

Téléthèses et en confie la gestion au centre du Catalogue collectif national. Ce fichier Téléthèses a pour objet de permettre le signalement des thèses soutenues en France :

• en lettres et sciences humaines et sociales : la saisie des bordereaux de thèses soutenues est confiée au CTIAG (Centre de traitement de l’informatique administrative et de gestion) ;

• en sciences : le traitement est effectué par l’Inist (Institut de l’infor-mation scientifique et technique) ;

• en médecine, pharmacie, odon-tologie et sciences vétérinaires : la saisie des bordereaux revient à la bi-bliothèque municipale et interuniver-sitaire de Clermont-Ferrand, la BMIU (actuelle BCIU, bibliothèque commu-nautaire et inter universitaire).

La base Téléthèses est chargée sur le Sunist (Serveur universitaire natio-nal pour l’information scientifique et technique), librement consultable par le grand public. À sa création en 1994 8, l’Abes hérite d’une partie des

8. Décret no 94-921 du 24 octobre 1994 portant création de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (NOR : RESK9401199D).

Thèse

Œuvre de l’espritCode de la propriété

intellectuelleDadvsi

Document administratifArchive

Code du patrimoine Cada, Cnil

Document incluant des œuvres ou

extraits d’œuvres d’autres auteurs

Validation et déontologie scientifiques

Code de la recherche

Travail étudiant en vue de l’obtention

d’un diplôme Code de l’éducation

Document produit dans le cadre d’un contrat ou

d’une convention : droit du travail, propriété industrielle, secret de laboratoire, brevet,

mécénat

Figure illustrant l’abondance et la complexité des métadonnées relatives aux thèses (d’après un document du ministère de l’Enseignement supérieur

et de la Recherche – Mission de l’information scientifique et des réseaux)

Page 30: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

28 bbf : 2011 t. 56, no 1

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fonctionnelle est assurée par l’Abes, un comité décisionnel et opérationnel en fixe les orientations), le conseil lors de la mise en place ou de la réorga-nisation de services, la réalisation, la mise à jour et l’hébergement de divers documents de référence (formulaire de dépôt de la thèse, guide du docto-rant…) ;

• les dossiers qui restent du ressort du MESR. Il s’agit de dossiers qui relèvent du pilotage politique : habi-litations des établissements pour la délivrance du diplôme de doctorat, tutelle des partenaires impliqués dans la diffusion ou valorisation des thèses (ANRT, presses universitaires), ques-tions juridiques (relatives à la pro-priété intellectuelle en particulier).

La « mission thèses » dévolue à l’Abes depuis septembre 2010 n’est donc pas liée à une application en particulier (Star, Sudoc, FCT, futur portail des thèses…) mais s’exerce à un niveau stratégique. Il s’agit en effet d’avoir une vision d’ensemble afin de :

• mettre en œuvre la politique gé-nérale décidée avec le MESR (en parti-

Pour quoi faire ?

Lors des réunions de travail pré-parant le transfert du « volet thèses » à l’Abes, les activités relatives aux thèses ont été listées et classées en trois caté-gories :

• les activités transférées intégrale-ment à l’Abes. Y figurent notamment la gestion et la modernisation du Fichier central des thèses, la formation pro-fessionnelle et celle des usagers, la normalisation et les standards docu-mentaires relatifs aux thèses (dans le cadre du transfert de l’ensemble de la mission « normalisation » du MESR à l’Abes) ;

• les activités ou dossiers délégués à l’Abes en collaboration avec le MESR. Se trouvent dans cette catégorie la mise en place d’une politique de valorisa-tion et de diffusion des thèses électro-niques, la mise en place d’un « portail des thèses » (si la partie technique et

Perez, « Le projet de portail des thèses : un moteur de recherche dédié à la production doctorale ».

géré par l’université Paris 10 Nanterre, qui signale les sujets de thèses en cours dans les disciplines des lettres et sciences humaines et sociales.

Si la possibilité de localisation (voire consultation pour les thèses numériques) des « documents thèses » donnée par le catalogue Sudoc est essentielle, la connaissance des sujets de thèses en cours n’en est pas moins importante pour la communauté uni-versitaire, voire pour les acteurs éco-nomiques 13.

L’Abes bénéficie donc d’une vision globale – et, plus important, va pou-voir en faire profiter les usagers – du circuit de la thèse, depuis le dépôt du sujet – bien en amont de la soute-nance donc – jusqu’à « l’après-thèse » : c’est tout l’enjeu du futur portail des thèses 14, dont la réalisation, confiée à l’Abes, devrait voir le jour en 2011.

13. Les grandes écoles ont d’ailleurs instauré elles aussi un « fichier des sujets de thèses » en cours en leur sein, Thesa.

14. Voir page 32 l’article d’Isabelle Mauger-

Abes • Agence bibliographique de l’enseignement supérieurwww.abes.fr/abes/page,675,mission-theses.htmlANRT • Atelier national de reproduction des thèseswww.anrtheses.com.frCCSD • Centre pour la communication scientifique directewww.ccsd.cnrs.frCines • Centre informatique national de l’enseignement supérieurwww.cines.frDART-Europe E-theses Portal • Portail européen des thèses électro-niqueswww.dart-europe.eu/About/info.php?lan=fraFRBR • Spécifications fonctionnelles de notices bibliographiques (Functional Requirements for Bibliographic Records) qui proposent une modélisation conceptuelle de l’information contenue dans les notices bibliographiques.FCT • Fichier central des thèseswww.fct.abes.fr/FCT-APP/index.jspMESR • Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherchehttp://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/organigramme/ 29/0/MESR17-03-09_46290.pdfMISTRD • Mission de l’information scientifique et technique et du ré-seau documentaire du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle est commune aux deux directions : Direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI) et Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP).

ORI-OAI • Outil de référencement et d’indexation open source pour un réseau de portails OAI-PMH (Open Archives Initiative Protocol for Metadata Harvesting ) destiné à faciliter le partage, l’accessibilité et la diffusion des ressources numériques entre établissements.www.ori-oai.orgTEF • Thèses électroniques françaisesFormat TEF : jeu de métadonnées défini par la recommandation TEF, qui propose à la fois une modélisation des métadonnées et un format d’échange XML. Ce schéma XML, permettant de spécifier la structure et le contenu d’une notice TEF, a pour vocation d’échanger, sous une forme normalisée et validée, les métadonnées des thèses électro-niques françaises.www.abes.fr/abes/page,403,tef.htmlTEL • Serveur de thèses en ligne du CCSD. TEL est un environnement particulier de l’archive ouverte pluridisciplinaire HAL (Hyper Articles en ligne) destinée au dépôt et à la diffusion d’articles scientifiques de niveau recherche, qui est dédié aux thèses de doctorat et HDR.http://tel.archives-ouvertes.frSudoc • Système universitaire de documentationwww.sudoc.abes.frThesa • Base de données répertoriant les sujets de thèses et les PhD en cours dans les écoles d’ingénieur et de management membres de la Conférence des grandes écoles (CGE), ainsi que ceux des thèses soute-nues depuis moins d’un an.http://thesa.inist.fr

Le circuit des thèses en sigles

Page 31: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

bbf : 2011 29 t. 56, no 1

Valorisation de la production académique :

blir les prescriptions indispensables à la cohérence du dispositif, de fournir les ou-tils techniques nécessaires et de jouer un rôle d’assistance et de conseil ; il revient en revanche aux établissements de soute-nance d’assurer le signalement, la valori-sation et la diffusion de leurs thèses 15. » C’est simplement le curseur qui a bougé, au profit de l’opérateur natio-nal qu’est l’Abes. •

Anne-Laurence MennessierNovembre 2010

15. Rapport sur la diffusion électronique des thèses établi par un groupe de travail [rapport rédigé par Claude Jolly], 2000, p. 13 : www.cndwebzine.hcp.ma/IMG/pdf/La_Diffusion_electronique_des_theses.pdf

culier avec la Mission de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire – MISTRD) et avec les partenaires sur la gestion des thèses. Il convient pour cela de voir, au-delà des applications (pas seulement celles créées ou gérées par l’Abes), comment elles s’articulent ou pourraient s’arti-culer entre elles, comment elles sont complémentaires plutôt que concur-rentes. Il s’agit également de voir au-delà des spécificités locales qui sont bien réelles et s’expliquent par la taille des établissements (de 10 thèses par an à plus de 700 – la complexité du circuit n’est forcément pas la même), les disci-plines, le support matériel de la thèse, le mode de dépôt du document, etc. ;

• travailler avec les partenaires extérieurs (déjà identifiés ou à venir) : acteurs de la formation doctorale,

acteurs documentaires (des établisse-ments et acteurs nationaux – Cines, CCSD), partenaires associatifs et économiques du domaine public ou privé, fournisseurs d’applications (Apogée, ORI-OAI, etc.) elles aussi impliquées dans le circuit des thèses ;

• assurer la liaison avec le Minis-tère pour les fonctions qui n’ont pas (ou pas intégralement) été transférées.

Ce transfert de missions entre le MESR et l’Abes ne bouleverse pas le paysage des thèses ni le dispositif en place. En confortant l’Abes dans son rôle et dans son expertise sur les thèses, il reste fidèle à une préconisa-tion du groupe de travail dont le rap-port a, entre autres, inspiré les arrêtés du 7 août 2006 :

« Il revient à l’État ou à un opérateur national de fixer le cadre général, d’éta-

Le Fichier central des thèses

Des origines à l’Abes

Depuis 1968, le Fichier central des thèses, le FCT, signale les sujets de thèses en cours de préparation ou soutenues depuis moins d’un an dans plus de quatre-vingt-dix universités et établissements d’enseignement supérieur et de recherche français partenaires. Il est compétent dans les disciplines suivantes : lettres, sciences humaines et sociales, théologie, droit, sciences politiques, sciences écono-miques et sciences de gestion.

Le signalement des sujets dans une base de données accessible au public sur internet permet aux futurs doctorants, directeurs de thèses, et plus largement à l’ensemble de la communauté scientifique, d’avoir un aperçu de l’état de la recherche doc-torale en cours et de pouvoir faire le point sur un thème de recherche ou une discipline.

En 2009, la mission de gestion du dispositif de signalement et valorisa-tion des thèses de doctorat soutenues dans les établissements français d’en-seignement supérieur a été confiée par le ministère à l’Agence biblio-

graphique de l’enseignement supé-rieur, l’Abes. C’est dans ce cadre que l’Agence a récupéré, le 1er janvier 2010, la gestion du FCT, assurée jusque-là par l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense. Le transfert d’application a été totalement transparent pour les utilisateurs du Fichier central des thèses et l’interface de la base de don-nées a été conservée à l’identique.

État des lieux : aujourd’hui et demain

Aujourd’hui, le Fichier central des thèses 1 est alimenté par 160 per-sonnes qui travaillent au sein des services de scolarité et des écoles doc-torales des établissements partenaires en saisissant et en mettant à jour les informations relatives aux sujets de thèses des doctorants inscrits dans leur établissement.

Dans le cadre du portail des thèses, l’interface actuelle du Fichier central des thèses est appelée à dis-paraître et les données vont être inté-grées à la future application.

Afin de préparer la migration des données vers le portail des thèses, un

1. www.fct.abes.fr/FCT-APP/index.jsp

travail de nettoyage et de mise à jour du FCT est effectué actuellement à l’Abes. En effet, sur 109 345 sujets de thèses déclarés comme en « cours » dans le Fichier central des thèses, 33 158 le sont depuis plus de dix ans. Les membres du comité de pilotage du projet de portail des thèses ont dé-cidé que ces données datant de plus de dix ans ne seront pas migrées dans la nouvelle application.

Une fois versé dans le portail des thèses, le signalement des sujets ne sera plus limité aux disciplines visées initialement par le FCT : l’ambition est de s’ouvrir à toutes les universités. En ce qui concerne les grandes écoles, un partenariat a été noué avec Thesa 2, la base de signalement des thèses en cours de préparation dans ces établis-sements. Ainsi, la brique « thèses en cours » du portail des thèses donnera une visibilité à l’ensemble des do-maines de la recherche doctorale fran-çaise. •

Séverine DabernatNovembre 2010

2. http://thesa.inist.fr Thesa se développe dans le cadre d’une convention établie entre la Conférence des grandes écoles (CGE) et l’Institut national de l’information scientifique et technique du CNRS, l’Inist.

Page 32: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

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Star : au-delà d’une application, un réseau

Depuis la publication de l’arrêté du 7 août 2006 relatif aux modalités de dépôt, de signalement, de repro-duction, de diffusion et de conser-vation des thèses ou des travaux présentés en soutenance en vue du doctorat 1, chaque établissement habi-lité à délivrer des diplômes de doctorat doit faire le choix entre opter pour le dépôt des thèses sous leur forme pa-pier ou sous leur forme électronique. Les établissements ayant fait le choix du dépôt électronique se voient offrir le service Star (application nationale pour le signalement des thèses, archivage et recherche développée par l’Abes) leur permettant de procéder au signale-ment et à l’archivage pérenne de ces documents.

L’application a été ouverte en 2006 et, depuis, 96 établissements ont choisi d’être déployés dans le ré-seau Star et 37 sont effectivement en production et ont choisi officiellement le mode de dépôt électronique pour leurs thèses.

Un circuit à mettre en place

Le passage au dépôt électronique a souvent été l’occasion pour les éta-blissements de revoir l’ensemble du circuit de la thèse en impliquant les différents acteurs concernés dans la réalisation du processus de signale-ment et d’archivage de la thèse électro-nique.

Par exemple, ont été impliqués à l’École centrale Paris 2 le service des affaires juridiques (convention de dif-fusion sur internet, droits d’auteur…), la direction des systèmes d’informa-tion (modes de diffusion, imports partiels…), l’école doctorale (nouveau circuit de la thèse) et la bibliothèque,

1. www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENS0602085A%20

2. Retour d’expérience par deux établissements du PRES Universud Paris – Jean-Marie Barbiche, École centrale Paris, et Martine Coppet, université d’Évry : www.abes.fr/abes/page,564,journee-de-lancement-star.html

sans oublier la communication envers les doctorants eux-mêmes.

L’alimentation

Les établissements utilisent l’appli-cation pour venir y déposer les fichiers de la thèse (éditions d’archivage et de diffusion) et saisir les métadonnées associées, qu’il s’agisse des métadon-nées descriptives ou des métadonnées de gestion (administration, archivage, droits). Chaque établissement possède un espace de travail collaboratif sur le web, dans lequel interviennent ses différentes composantes (doctorant, école doctorale, scolarité, SCD…), pour y effectuer les tâches pour lesquelles elles sont habilitées.

Les établissements ont également la possibilité d’importer les données déjà gérées dans leur propre environ-nement (système d’information, GED, ORI-OAI 3…) afin d’éviter les saisies multiples de métadonnées. C’est le format TEF 4 qui est utilisé pour cet échange de données, ce schéma XML ayant précisément pour vocation d’échanger, sous une forme norma-lisée et validée, les métadonnées des thèses électroniques françaises.

Les sorties

À la fin du processus d’alimen-tation, Star se charge, d’une part d’exporter les fichiers d’archives et certaines métadonnées vers la plate-forme d’archivage pérenne du Cines 5, d’autre part de convertir les méta-données TEF en Unimarc pour ali-menter en masse le catalogue Sudoc 6 (voir figure 1 ci-contre).

Star alimente automatiquement un réservoir OAI-PMH 7, permettant à l’établissement de soutenance de récupérer ces métadonnées et/ou les fichiers déposés, dans le format sou-

3. www.ori-oai.org

4. www.abes.fr/abes/page,403,tef.html

5. www.cines.fr/spip.php?rubrique219

6. www.sudoc.abes.fr

7. Open Archives Initiative Protocol for Metadata Harvesting : www.openarchives.org/OAI/openarchivesprotocol.html

haité (TEF, mais aussi DC 8, Unimarc en XML) afin de leur permettre de répondre à l’obligation légale qui leur est faite de communiquer la thèse en leur sein (physiquement ou virtuel-lement). Ce réservoir est également moissonné régulièrement par DART 9 (Portail européen des thèses électro-niques).

Enfin, Star propose à chaque établissement des options supplé-mentaires : export de la version de diffusion de la thèse vers le serveur de diffusion de l’Abes et/ou l’archive ouverte du CCSD, Thèses en ligne (TEL)10.

La diffusion des thèses

Dans l’application Star, les établis-sements doivent définir la politique de diffusion des thèses soutenues dans leur établissement, qu’il s’agisse d’une diffusion intranet et/ ou internet, sur leur propre serveur de diffusion ou sur un serveur national (CCSD, Abes). Ensuite, thèse par thèse, il est toujours possible de modifier ces droits en fonction des autorisations de l’auteur. Il est également possible de définir une période de confidentialité édictée par le chef d’établissement ou une pé-riode d’embargo demandée par le doc-teur (voir figure 2 ci-contre).

L’année 2010

2010 est une année charnière pour le réseau Star, une nouvelle version de l’application ayant été déployée en octobre. Entièrement développée par l’Abes, cette version permet de répondre en grande partie aux lacunes de la première version : amélioration de l’ergonomie des formulaires de saisie, exemplarisation automatique des thèses dans le Sudoc, amélioration de l’interface de saisie des liens aux autorités Sudoc avec création possible

8. Dublin Core : http://dublincore.org

9. DART-Europe E-theses Portal : www.dart-europe.eu

10. CCSD : Centre pour la communication scientifique directe. Thèses en ligne : http://tel.archives-ouvertes.fr

Page 33: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

bbf : 2011 31 t. 56, no 1

Valorisation de la production académique :

La diffusion internet

La diffusion intranet

34

3

Choix du type de diffusion par défautdes établissements dans Star

Établissement de soutenance

CCSD

Abes

15

13

31

Choix du serveur de diffusion par défaut des établissements

dans Star

Accessibles en intranet

Accessibles sur internet

Avec une restriction temporelle

2416

211109

Choix des options de diffusion, thèse par thèse, dans Star

Figure 1 Schéma des sorties de Star

Figure 2 La répartition actuelle des thèses déposées dans Star sur les différents sites de diffusion (certains établissements choisissent de diffuser sur plusieurs sites)

Page 34: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

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Le projet de portail des thèses : un moteur de recherche dédié à la production doctorale

Comment avoir une idée précise de la production doctorale en France ? De plus en plus d’informations sont disponibles librement sur internet, mais avoir une vue globale de la ques-tion reste souvent très difficile.

où chercher une thèse ?

Vous cherchez une thèse en par-ticulier ? Le Sudoc, parce qu’il inclut la bibliographie nationale des thèses, signalement exhaustif de toutes les thèses de doctorat soutenues en France depuis 1985, vous permet d’ob-tenir des références bibliographiques, de consulter sur place, de faire une demande de prêt entre bibliothèques ou parfois de consulter la thèse recher-chée en ligne.

Vous cherchez à consulter le texte intégral d’une thèse électronique ? Avec un peu de chance, le docteur a lui-même déposé son document dans le réservoir d’archives ouvertes dédié aux thèses, le serveur thèses en ligne

(TEL) géré par le CCSD. L’établisse-ment de soutenance peut aussi piloter une archive institutionnelle : après accord du docteur et des ayants droit, la thèse a été mise en ligne dans sa version de soutenance sous la respon-sabilité de l’établissement.

Vous souhaitez acheter une thèse ? Cette thèse a peut-être fait l’objet d’un travail d’édition et figure au catalogue des presses universitaires ou d’autres éditeurs commerciaux. Le docteur peut également avoir donné son ac-cord pour que son document figure au catalogue des « Thèses à la carte » de l’Atelier national de reproduction des thèses (ANRT) de Lille, permettant ainsi l’édition à la demande de son document.

En résumé, bien qu’il n’existe pas de point d’entrée unique sur internet, il est de plus en plus facile d’obte-nir des informations sur le « docu-ment-thèse » et même d’accéder à son contenu.

En amont et en aval de la thèse : un vrai jeu de piste

Si, par contre, vous vous intéres-sez à la thèse en tant que formation professionnalisante, vos recherches

seront plus laborieuses. En amont de l’obtention du diplôme, savoir qui encadre qui aujourd’hui reste diffi-cile : les bases recensant les thèses en cours (Fichier central des thèses et Thésa notamment) ne couvrent pas tous les champs disciplinaires. En aval de l’obtention du doctorat, des services de mise en relation des docteurs et des employeurs potentiels existent, propo-sés notamment par l’Association Ber-nard Gregory, mais n’ont pas la visibi-lité qu’ils méritent.

Le portail des thèses : l’ambition d’un guichet unique

Le projet de portail des thèses est né de ce constat dressé en 2008 dans deux rapports distincts : le rapport du comité Information scientifique et technique présidé par Jean Salen-çon 1 et le rapport du groupe de travail « Adéquation public-privé » présidé par Germain Sanz dans le cadre de

1. Travaux du comité du 19 décembre 2007 au 18 mai 2008, remis à la DGRI et à la DGES, www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid21677/rapport-du-comite-ist-information-scientifique-et-technique.html

via la nouvelle application IdRef 11 mise à disposition par l’Abes.

En effet, l’Abes s’est lancée dans un nouveau projet afin d’encourager la réutilisation des référentiels d’autorité du Sudoc par les applications docu-mentaires relevant de l’enseignement supérieur et de la recherche : catalo-gues de bibliothèques, archives ou-vertes et institutionnelles, plateformes pédagogiques, bibliothèques numé-riques, applications de gestion de la recherche, etc.

Autre nouveauté de la version, la mise en place d’une URL pérenne tel que prévu dans l’arrêté du 7 août 2006. La pérennité de l’accès à la thèse est ainsi garantie par l’attri-

11. www.idref.fr

bution d’une URL, à la fois adresse fiable et label d’authenticité. Ces URL pérennes sont un élément essentiel du projet de portail des thèses : la thèse pourra être citée, de façon pérenne, dans n’importe quel environnement (article, notice descriptive).

Un nouveau réseau

Certains établissements comme l’École centrale Paris et l’université d’Évry ont tiré un bilan assez posi-tif de la mise en place de ce nouveau circuit : meilleure visibilité et diffu-sion des thèses, simplicité du work-flow (peu d’intervenants), moins de « paperasse », ou encore appropriation rapide de l’application. Reste encore à

améliorer certains points non négli-geables : meilleure communication vers les doctorants, feuille de style encore trop peu utilisée, méconnais-sance du droit d’auteur, etc.

La mise en place d’un réseau comme Star permet également aux établissements de partager et d’échanger leurs expériences dans ce domaine. Certains s’associent doré-navant pour mettre en place des for-mations communes destinées aux doctorants et souhaitent également concevoir et partager leurs feuilles de style ou leurs chartes de diffusion des thèses. •

Marianne GilouxNovembre 2010

Page 35: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

bbf : 2011 33 t. 56, no 1

Valorisation de la production académique :

FutuRIS 2. Fin 2008, la MISTRD a confié à l’Abes la mission de proposer un guichet unique pour l’ensemble des thèses.

Interface de recherche destinée à tous les publics, le site donnera accès à des métadonnées relatives à la fois aux thèses et aux personnes et orga-nismes impliqués dans le cycle de vie des thèses. Le périmètre du portail des thèses a été arrêté par le comité de pi-lotage du projet 3 :

• les thèses de doctorat (les thèses d’exercices sont exclues du périmètre du portail) ;

• en cours et soutenues ;• quel que soit le support exigé

pour la soutenance (papier ou électro-nique) ;

• dans leur version de soutenance et dans leurs versions dérivées.

Les données du Sudoc relatives aux habilitations à diriger les re-cherches seront également accessibles dans le portail des thèses.

Le modèle de données du portail des thèses est basé sur une extension de la recommandation Thèses électro-niques françaises (TEF) et, par voie de conséquence, sur le modèle FRBR. Le but du portail des thèses est d’exploi-ter les métadonnées de l’œuvre thèse, puis de présenter à l’internaute les différentes expressions (par exemple, version complète/version partielle), et les différentes manifestations (pa-pier, électronique mis en ligne sur TEL, électronique mis en ligne par l’Abes, électronique accessible dans une archive institutionnelle, micro-fiche, édition commerciale…). Cet

2. Entreprise et recherche publique : développer les synergies, Rapport final du groupe de travail FutuRIS « Adéquation public-privé », avril 2008. www.anrt.asso.fr/fr/futuris/pdf/rapport_futuris_gt3_2008.pdf

3. Le comité de définition et d’opération du portail des thèses rassemble des représentants de l’administration centrale (MISTRD, DGESIP, DGRI), de la Conférence des présidents d’université, de la Conférence des grandes écoles, des formations doctorales dans les établissements habilités, des représentants de la recherche privée et du monde économique, des représentants des opérateurs documentaires nationaux des thèses (CNRS-Inist, Atelier national de reproduction des thèses, Cines), et des représentants d’associations : Association Bernard Gregory, ADBU, Aura.

effort de modélisation rendra plus aisée la recherche : les métadonnées qui permettent l’identification de la thèse comme diplôme (nom de l’au-teur et des intervenants, organisme de délivrance, date de soutenance, discipline…) et comme production scientifique (indexation, résumés…) seront mises en avant et permettront de regrouper sous une même notice chapeau tous les supports matériels du document éventuellement dispo-nibles.

L’interface publique permettra d’exploiter la richesse de la recom-mandation TEF : recherche par membres du jury, par école doctorale, par établissement de cotutelle, etc. L’internaute pourra se laisser guider par les rebonds par facettes et accé-der aux informations par des nuages de mots clés. Lorsque le texte intégral des thèses sera accessible, il sera bien entendu indexé.

Le portail comportera également des services pour exploiter les données sans passer par l’interface publique : fils RSS, alertes mail, web services, intégration au web de données (web sémantique).

Les informations concernant chaque thèse mais aussi chaque per-sonne ou chaque organisme lié à une thèse seront présentées dans une page web dotée d’une URL ad hoc. Le référencement par les moteurs de recherche classiques gagnera ainsi en efficacité.

Calendrier

Une première version du portail des thèses verra le jour à la fin du pre-mier semestre 2011 avec les données provenant de l’application Star (thèses électroniques des établissements de soutenance ayant abandonné le papier comme support de la version de sou-tenance).

Au cours du second semestre 2011, une interface professionnelle du por-tail destinée à la saisie des thèses en cours sera mise en production. Les données du Fichier central des thèses seront versées dans le portail. Les recherches sur les thèses en cours et les thèses soutenues seront alors pos-sibles.

Les chantiers suivants concerne-ront le versement de la bibliographie nationale des thèses du Sudoc (plus de 500 000 notices) et le signalement des thèses en ligne non recensées par l’application Star.

Le portail des thèses renforcera la visibilité de la production doctorale française. Il fédérera les informations sans bousculer le paysage institu-tionnel : chaque acteur des thèses en France garde ses compétences en ma-tière de signalement, de mise en ligne ou de numérisation. •

Isabelle Mauger-PerezNovembre 2010

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èque Plus elles se répandent,

plus les bibliothèques deviennent centrales

Première thèse : la machine bibliothèque est « une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part »

Que la bibliothèque ou, pour mieux dire, que la fonction bibliothèque ne soit plus circonscrite par les murs qui ceignent ses collections, nous en avons tous l’expérience quotidienne. Chacun d’entre nous, équipé d’un ordinateur, d’une tablette, d’une liseuse, voire d’un téléphone portable, peut se déplacer dans les rayons « virtuels » d’une biblio-thèque dont les dimensions, la variété, les facilités d’accès, d’emprunt ou d’achat dépasseront bientôt celles dont tous les chercheurs français rêvaient avec nostalgie après avoir été éloignés des campus nord-américains.

Qu’il s’agisse d’une sphère, tout le monde en sera bien d’accord aussi : il y faut le réseau de satellites ou d’an-tennes hertziennes, les énormes parcs d’ordinateurs de Google ou d’Amazon (si vastes que les dépenses en électri-cité pour les refroidir pèsent lourde-ment dans les bilans…), il y faut des milliers de programmeurs et les inno-vations de plus en plus rapides des fa-bricants de matériels. Rome n’est plus dans Rome et les bibliothèques sont sorties de leur univers feutré pour se déverser dans le monde même. L’im-mense médiasphère dans laquelle nous résidons désormais dépasse par sa dimension et par son coût ce que les plus gourmands des directeurs de centres d’information scientifique et technique n’osaient pas demander à leurs tutelles. Leibniz lui-même en resterait stupéfait.

Mais que le centre en soit par-tout, nous en faisons l’expérience chaque fois que, même au milieu d’une campagne peuplée de vaches et de moutons, nous commandons sur notre liseuse la version électronique d’un livre – épuisé ou nouveau – dont nous venons de lire la critique ou la référence dans un document que nous avons sous les yeux. Il y faut, bien sûr, un bon « accès réseau », mais enfin l’expérience est maintenant devenue banale.

Il suffit d’ailleurs de regarder les étudiants d’une université, par exemple ceux de Sciences-Po, pour constater qu’ils travaillent exactement de la même façon à l’intérieur ou à l’extérieur de la bibliothèque. Ou plu-tôt qu’ils sont « en bibliothèque » par-tout où ils peuvent, à quelques-uns, à discuter en commun, au-dessus d’un écran, des documents qu’ils ap-pellent ou consultent en direct et sur lesquels ils prennent des notes (tout en surfant, en parallèle, sur deux ou trois réseaux sociaux, pendant qu’ils consultent quelques courriels et en-voient deux ou trois twitters…). Petit miracle quotidien de cette nouvelle ubiquité de la bibliothèque : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. »

Bruno LatourInstitut d’études [email protected]

Philosophe et anthropologue, Bruno Latour a été professeur à l’École des mines (Centre de sociologie de l’innovation) où il était responsable du cours de « description de controverses scientifiques ». Depuis septembre 2006, il est professeur des universités à Sciences-Po, dont il est également depuis 2007 directeur adjoint, chargé de la politique scientifique. Ses ouvrages, La vie de laboratoire ; La science en action ; Nous n’avons jamais été modernes ; Politiques de la nature : comment faire entrer les sciences en démocratie ; Changer de société, refaire de la sociologie, ont été traduits dans de nombreuses langues.

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Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centrales :

Deuxième thèse : la machine bibliothèque est de moins en moins virtuelle et de plus en plus réelle et matérielle

Les termes « délocalisé », « déma-térialisé », « virtuel », « numérique », « digital » ont quelque chose de si fas-cinant qu’on a parfois l’impression, en contemplant l’avenir des biblio-thèques dans la boule de cristal des voyants et des chiromanciennes, que toute la lourde machinerie des livres et de leurs serviteurs va bientôt s’envo-ler en fumée. Or, c’est le contraire qui se passe : plus on numérise, plus on matérialise l’ensemble des flux et des fonctions qui entouraient jusqu’ici le travail du livre sans qu’on s’en rende toujours compte.

Tout le monde savait bien, par exemple, qu’il fallait conserver le livre et parfois le restaurer. Mais rien ne préparait les bibliothécaires aux dépenses astronomiques qu’il va falloir consentir pour conserver les traces numériques des fichiers tirés de ces mêmes livres qui duraient des siècles. Dématérialiser ne veut rien dire d’autre que rematérialiser chaque dizaine d’années un fonds numérique sur de nouveaux supports et de nou-veaux parcs d’ordinateurs. Il va falloir migrer d’une machine peu coûteuse à une autre plus coûteuse, mais pas d’une machine vers un monde virtuel qui ne coûterait plus rien.

Même les opérations de l’esprit laissent derrière elles des traces que l’on ne pouvait suivre jadis qu’avec d’énormes difficultés, et pour les seules œuvres savantes : chaque com-mentaire d’un livre, chaque citation dans un autre livre, chaque allusion même à un mot, à un trope, à un cli-ché, peut faire l’objet d’un fichier, parfaitement matériel, que l’on peut télédécharger, décoder et visualiser. On pouvait bien sûr, avec une infinie patience, trouver, au fond de la biblio-thèque de l’École normale, quels livres avaient empruntés Durkheim ou Sartre au cours de leurs études. Mais on peut maintenant retrouver par des logiciels quelle tournure de phrase circule de textes en textes, aussi bien dans la littérature haute et savante que

dans les documents les plus triviaux et les blogs les plus illettrés. Comptée en bits et en coût d’accès, en réseaux et en pixels, la vie de l’esprit rejoint celle de la matière. Ce que Jack Goody, Eli-zabeth Eiseinstein ou Roger Chartier nous avaient appris du papier, nous pouvons le transposer de plus en plus facilement à la matière digitale. Par-tout où l’on numérise, on matérialise aussi. Les traces que nous laissons en pensant restent désormais accessibles. Les « mains de l’intellect » se visua-lisent en temps réel1*.

Troisième thèse : la machine bibliothèque délie ce que le livre avait lié et déborde ce qu’il avait limité

L’épreuve que le numérique fait subir au livre oblige les bibliothèques à disséminer et à démultiplier ce qu’avait tenu resserré la figure pro-visoire de l’ouvrage sur papier relié par une couverture et conservé dans des rayons à côté d’autres objets sem-blables.

Chaque auteur sait bien qu’un livre doit avoir une taille raisonnable, qu’il ne peut inclure que quelques photos et documents, qu’il ne faut pas exagérer avec les références et les notes, que les tableaux et les gra-phiques ne doivent contenir que quelques données, qu’il lui faut syn-thétiser autant que faire se peut des propos qui ne doivent pas trop s’éta-ler. Le plus bavard des auteurs, le plus obsessionnel des réviseurs, doit savoir s’arrêter. Un livre c’est d’abord un dé-veloppement, mais aussi une clôture. Ce rêve éveillé de la lecture indéfinie prend place en fait dans un jardin tou-jours soigneusement fermé : hortus closus.

Ceux qui ont parlé « d’intertex-tualité » ont manqué d’imagination – il est vrai qu’ils ne pouvaient pas

* Voir la bible que Christian Jacob continue courageusement de publier : Christian Jacob (ouvrage dirigé par), Lieux de savoir, volume 2 : Les mains de l’intellect, Albin Michel, 2008 ; après avoir publié en 2007, chez le même éditeur, Lieux de savoir. Espaces et communauté.

prévoir la venue du numérique, du web, des blogs, et la démultiplication des gloses. C’est que l’intertextualité numérique ne désigne plus du tout le lien d’un livre avec un autre livre (ou d’un article avec un autre article qui le précède), mais la plongée dans une jungle, dans un marais, dans un océan de documents dont aucun n’a plus les limites d’un ouvrage relié que l’on tiendrait dans sa main ou même sur sa liseuse, cette petite ga-lette de silicium qui cherche encore désespérément à mimer l’ancien livre relié – jusqu’à imiter le bruissement des pages qu’on humecterait avec la langue.

Tout se passe comme si l’on avait dérelié les ouvrages, découpé les revues en articles distincts dont chacun cir-cule à part, puis libéré chaque docu-ment cité pour le renvoyer à d’autres documents dont la nature, la dimen-sion, la circulation, le commentaire, obéissent à des règles d’usage, à des habitudes de lecture, à des droits d’accès, à des business plans totalement différents. On peut passer d’une allu-sion dans un livre à un blog qui cite un film, lequel renvoie à des com-mentaires anonymes ou orduriers qui dérivent vers un site, lequel entre-croise des sources diverses encadrant la citation d’un livre d’un auteur qu’on ne connaissait pas et que l’on finit par acheter sur un site internet… Mais on peut aussi bien passer d’un article aux données de base de l’enquête résumée par cet article avant de plonger par l’intermédiaire de caméras en temps réel vers un site qui donne accès aux phénomènes originels dont on était parti.

On partait de documents, voilà qu’on se trouve devant des « paysages de données » (des datascapes). On lisait un texte, voilà qu’on visionne une si-mulation. On pensait à voix haute, et voilà qu’on se trouve au milieu d’une agora furieuse et tumultueuse. On se croyait dans un monde savant dont l’autorité était aussi contrôlée que la climatisation, voilà qu’on se retrouve à jongler avec des alternances de confiance et de doute comme si les thermostats de l’autorité s’étaient tous déréglés. De l’entrelacement des textes, on est passé au pandémonium.

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Quatrième thèse : la machine bibliothèque devient encore plus importante qu’auparavant car elle doit réinventer les synthèses que l’éclatement des documents ne permet plus

À l’époque du livre papier, dans ce petit espace de temps qui va du xvie au xxe siècle, on avait confondu les capa-cités d’analyse et de synthèse (vertus morales aussi bien que cognitives ou esthétiques) avec la figure provisoire du livre borné, limité et relié. On pouvait certes multiplier les livres, allonger les rayons des bibliothèques, entasser les dictionnaires, on allait toujours, malgré tout, d’un document relié à un autre (à moins de plonger dans les archives des lettres, des affiches ou des tracts). En lisant un livre, on apprenait la double compétence du développement et de la synthèse, comment établir une chaîne d’arguments appuyés sur des exemples, des citations ou des don-nées. Le mot « relié » dit tout : on savait se relier à un autre raisonnement.

Or, les documents déreliés par la métamorphose du numérique obligent à réinventer une à une chaque compétence que l’on croyait acquise par les générations précé-dentes grâce à l’habitude de lire des livres sur papier reliés et clôturés. Au-jourd’hui, qui va le faire ? Où va-t-on apprendre à suivre un argument qui se trouve désormais écartelé entre des médias irréconciliables et incommen-surables ? Qui va stabiliser la version provisoire d’une affirmation dont le contenu peut changer en temps réel ou disparaître d’un coup faute d’accès réseau ou par un acte de censure ? Qui va apprendre comment naviguer dans un paysage de données ? Qui va savoir suivre le destin d’une image dont les pixels sont visibles chaque fois diffé-remment en fonction de l’adresse IP de l’ordinateur ? Comment stabiliser les niveaux d’autorité dont le thermos-tat a été si déréglé que les étudiants perdus confondent l’esprit critique avec les théories du complot ?

Tout enseignant un peu âgé le sait bien : il faut réapprendre non seule-ment à lire et à écrire mais aussi à pra-tiquer l’art de la composition à partir de données hétérogènes que rien ne vient plus formater, stabiliser, limiter ou synthétiser d’avance. Ce qu’on avait pris un peu vite pour des façons de pensée dépendait en fait, on s’en aper-çoit maintenant, d’un écosystème du livre en papier relié. Les bibliothèques avaient cru qu’il suffisait d’archiver, de conserver, de référencer, de mettre à la disposition et d’orienter des lec-teurs déjà tout pleins de l’habitude des livres. Qui va se charger d’enseigner à ceux qui ne partagent plus aucune de ces compétences ? En partie les biblio-thèques et les bibliothécaires – mais il faudra probablement leur trouver d’autres noms. Centre de documenta-tion ? Centre d’orientation ? Centre de calcul ? Centre d’information ? Rien ne tient plus s’il faut créer de nouvelles habitudes et réinventer à partir de ce pandémonium de nouvelles vertus, elles aussi morales, cognitives et es-thétiques.

Cinquième et dernière thèse : la machine bibliothèque fusionne avec les salles de classe et les centres de recherche

Les centres de recherche produi-saient des données, puis publiaient leurs études. Certaines de ces études finissaient en livres et en articles. Les bibliothèques les archivaient, les réfé-rençaient, puis les tenaient à la dispo-sition du public et des étudiants en les aidant à s’orienter dans les rayonnages et à consulter les différents fichiers. Dans les salles de classe, les ensei-gnants citaient certains de ces docu-ments, les photocopiaient souvent (les photocopillaient parfois) mais exi-geaient toujours des étudiants qu’ils les lisent et les commentent. Certains étudiants allaient ensuite à la biblio-thèque pour en trouver d’autres grâce aux efforts des bibliothécaires et des documentalistes.

Cette répartition des tâches n’a plus grand sens aujourd’hui. Qu’on

soit hors de la bibliothèque ou à l’inté-rieur, le poste de travail est peu ou prou le même (aux codes d’accès près) : un écran, un accès wifi, un groupe de tra-vail, une table, un café ou un coca et ça y est, on est soit en bibliothèque, soit en salle de cours. Où est l’ensei-gnant ? Derrière le groupe d’élèves, sur un poste de travail, en train de cher-cher lui aussi, à travers les documents, comment se représenter visuellement ce dont il est en train de parler. S’ils pénètrent dans les murs de la biblio-thèque, ce n’est plus seulement pour trouver des livres ni même pour avoir accès à d’autres documents. C’est pour rencontrer des spécialistes du forma-tage de la lecture et de l’écriture, de la visualisation et de la simulation, de l’archivage et de l’exploration.

Mais d’où viennent ces spécia-listes que l’on hésite encore à appeler « bibliothécaires » et qu’il faudrait ap-peler formateurs – ils donnent forme à l’océan des informations – ou cher-cheurs – ils apprennent à naviguer sur la mer des données ? Mais alors, est-ce une bibliothèque ou un centre de recherche ? Autre distinction qui n’a plus guère de sens. La production, l’archivage, l’orientation, la consom-mation, le rafraîchissement des don-nées, leur visualisation, leur synthèse et leur bornage, sont devenus des tâches aussi nouvelles que la lecture, l’écriture ou le calcul. •

Décembre 2010

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Nouveau dépôt des thèses, nouveau positionnement pour les bibliothèques ?

L’adoption du dépôt électronique national des thèses 1 joue le rôle de catalyseur pour les bi-

bliothèques en les incitant à redéfinir leur positionnement par rapport à la recherche. Les bibliothèques, en tant qu’actrices réglementaires du dépôt, du signalement, de la reproduction, de la diffusion et de la conservation des thèses selon l’arrêté du 7 août 2006 2, jouent de fait un rôle central dans la mise en place du nouveau circuit.

Comment la dynamique induite par l’adoption du dépôt électronique des thèses peut-elle se traduire sur le terrain pour les bibliothèques ? Les exemples des services communs de la documentation (SCD) de Lille 2 3 et

1. Marianne Giloux et Isabelle Mauger Perez, « Le dispositif national d’archivage et de signalement des thèses électroniques », BBF, 2007, no 6, p. 46-49. Voir également, dans ce présent dossier du BBF, l’article d’Anne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux et Isabelle Mauger-Perez, « Valorisation de la production académique : collecte, conservation, diffusion », p. 26-33.

2. Arrêté du 7 août 2006 (NOR : MENS0602085A) relatif aux modalités de dépôt, de signalement, de reproduction, de diffusion et de conservation des thèses ou des travaux présentés en soutenance en vue du doctorat : www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000635069&dateTexte

3. L’université de Lille 2 est spécialisée dans les domaines du droit et de la santé. Elle fait partie de la 4e vague de Star. Le dépôt électronique national des thèses y est en vigueur depuis le 1er octobre 2010.

de Valenciennes 4 en constituent deux illustrations. À Lille 2, la mise en place du dépôt électronique des thèses a permis au SCD de rationaliser le cir-cuit, de renforcer sa visibilité auprès des autres services de l’université et de valoriser des compétences parfois mé-connues. En effet, le passage au dépôt électronique des thèses a exacerbé les problématiques liées à la production et à la diffusion de l’information scien-tifique et technique. Or, si le SCD est clairement reconnu comme un four-nisseur de documentation, il est en revanche plus difficilement identifié comme un partenaire de la production scientifique. Le retour d’expérience du SCD de Lille 2 montre aussi comment l’offre de formation s’est adaptée à l’évolution induite par le dépôt électro-nique des thèses.

Le cas du SCD de Valenciennes met lui en lumière une forme de par-tenariat où les relations entre biblio-thèque, doctorants et services de l’université se jouent au quotidien. À l’heure de la « désintermédiation 5 »,

4. L’université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis est pluridisciplinaire (hors santé) et fait partie de la 5e vague de Star.

5. Jean Salençon, Rapport du comité IST, information scientifique et technique, 2008, remis le 19 mai 2008 au directeur général de la recherche et de l’innovation et au directeur général de l’enseignement supérieur, http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2008/65/8/Rapport_IST-Juin_2008_31658.pdf

LES REToURS D’ExPéRIENCE DES SERVICES CoMMUNS DE LA DoCUMENTATIoN DE LILLE 2 ET VALENCIENNES

Perrine Cambier-MeerschmanService commun de la documentationde l’université de Lille [email protected]

Solenn BihanService commun de la documentationde l’université de Lille [email protected]

Sabrina GrangerService commun de la documentationde l’université de [email protected]

Perrine Cambier-Meerschman, conservatrice, est responsable de la formation documentaire des usagers et du personnel pour le secteur droit-gestion du SCD.

Solenn Bihan, conservatrice, coordonne le dépôt électronique des thèses et mémoires, et se charge des formations documentaires pour les usagers du secteur santé du SCD depuis 2008.

Sabrina Granger, docteur en lettres modernes et conservatrice, coordonne le projet de dépôt électronique des thèses au SCD de l’université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, où elle est responsable du département des ressources et services numériques.

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des liens se renouent grâce au projet de dépôt électronique des thèses.

Le SCD et le dépôt électronique à Lille 2 : de l’ombre à la lumière

À l’université de Lille 2 comme dans beaucoup d’autres établisse-ments, la mise en place du dépôt élec-tronique des thèses a été pilotée par le service commun de la documentation. En effet, la bibliothèque est apparue assez naturellement comme légitime pour assurer cette nouvelle fonction : d’abord, en raison de son statut de service commun de l’université ; en-suite, grâce à son expertise reconnue en matière de signalement norma-lisé et de communication efficace des documents ; enfin, grâce à une longue expérience de collaboration au sein d’un réseau national sous l’égide de l’Agence bibliographique de l’ensei-gnement supérieur (Abes)6.

Traditionnellement, c’était le SCD qui assurait le signalement des thèses. Aujourd’hui encore, via le rôle de cor-respondant Star 7, c’est le SCD qui paramètre et sélectionne les métadon-nées de la thèse, dans le respect de la recommandation TEF 8. En outre, il répartit entre ses partenaires les diffé-rents rôles dans la saisie des données : en l’occurrence, à Lille 2, les données administratives sont saisies par les écoles doctorales et importées auto-matiquement dans Star avec l’aide du centre de ressources informatiques (CRI) qui gère le logiciel de gestion de scolarité.

Le SCD gérait certes déjà les mo-dalités de conservation et de diffusion des thèses (thèse confidentielle, dispo-nible ou non pour le prêt entre biblio-thèques, envoi à l’Atelier national de

6. Notamment au sein du réseau Sudoc, qui fête ses 10 ans cette année : www.abes.fr/abes/page,352,le-reseau-sudoc.htm

7. Signalement des thèses électroniques, archivage et recherche.

8. Il s’agit de la recommandation pour les métadonnées des « Thèses électroniques françaises » élaborée par l’Afnor et intégrée dans Star : www.abes.fr/abes/documents/tef/recommandation/tef.pdf

rentrée 2009-2010, deux formations ont été d’abord mises en place, dans le droit fil des sessions établies dans les années antérieures de la scolarité, pensées comme un cycle de forma-tion. La première consiste à former à la maîtrise des outils documentaires disciplinaires de niveau recherche. La seconde vise à sensibiliser les doc-torants à la rédaction de la bibliogra-phie, en appréhendant les normes à partir d’exercices pratiques. Une troisième, facultative et plus récente, propose la prise en main du logiciel de gestion bibliographique Zotero.

Ces formations déterminantes, pérennisées grâce au travail d’écoute et de dialogue entre le SCD et l’école doctorale, restent marquées du sceau de la formation à la recherche et à la méthodologie documentaire : le biblio-thécaire est un formateur, cela ne sur-prend (presque) plus personne, qui a pour but de former des doctorants en demande de formation. Sa légitimité à prendre en charge ces questions a été acquise au fil des ans.

La possibilité de voir son travail diffusé en ligne, notamment pour les thèses, marque un tournant déter-minant dans le statut du doctorant : de consommateur d’informations, il passe de manière concomitante à celui de producteur d’informations – et cela sans même compter sur les incita-tions nombreuses à publier pendant et après son travail de thèse.

Cette bascule statutaire interroge nécessairement le travail du biblio-thécaire-formateur. En effet, ce der-nier doit trouver des réponses à ces nouveaux besoins induits par une évolution même du « métier » de doc-torant. L’éventail des nouvelles inter-rogations est très large, et s’étend de « Comment faire pour proposer un article à une revue ? » à « Comment connaître l’impact de mon travail dans d’autres publications ? ». Autant de questions auxquelles le bibliothécaire-formateur est sensibilisé par sa connaissance de la naissance et du traitement du docu-ment et de l’information, mais pour lesquelles il entre en concurrence directe avec les éditeurs, les juristes, les enseignants, les doctorants eux-mêmes.

Comment alors traduire ces ques-tions par des contenus de formations ?

reproduction des thèses – ANRT,...), mais cette tâche était souvent mécon-nue des doctorants, voire des écoles doctorales elles-mêmes : d’aucuns se représentaient les exemplaires dépo-sés au SCD comme des documents destinés à prendre la poussière sur une étagère au fond d’un magasin.

À Lille 2, les doctorants doivent désormais prendre rendez-vous avec le bibliothécaire référent pour venir déposer leur thèse et préciser leur choix quant à sa diffusion en ligne 9. C’est l’occasion pour le bibliothécaire d’avoir un contact direct avec les doc-torants, d’expliquer l’importance du dépôt et du signalement, et de pré-senter les différentes modalités de diffusion prévues à Lille 2. Enfin, le correspondant Star représente l’uni-versité auprès de l’Abes et des autres établissements par le biais du réseau des correspondants Star.

La mise en place du nouveau cir-cuit des thèses s’est donc traduite à l’université de Lille 2 par une recon-naissance des compétences déjà exer-cées précédemment par le SCD, une meilleure visibilité de son action et une légitimité renforcée par rapport à ses partenaires tant au sein de l’uni-versité (scolarités, informaticiens, doc-torants) qu’à l’échelle régionale (écoles doctorales) et même nationale (réseau des correspondants Star).

La formation des doctorants : du consommateur au producteur

Le travail entre l’école doctorale 74 des sciences juridiques, politiques et de gestion 10 et la bibliothèque de droit-gestion du SCD de Lille 2 est au-jourd’hui fort de plusieurs années de collaboration. Inscrites au catalogue des formations de l’école doctorale depuis 2006, obligatoires pour tout doctorant inscrit à l’ED 74 depuis la

9. http://scd.univ-lille2.fr/depot-de-these-ou-de-memoire/these-de-doctorat.html

10. Le site de l’école doctorale 74 est disponible à partir de l’adresse suivante : http://edoctorale74.univ-lille2.fr

Page 41: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

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Nouveau dépôt des thèses, nouveau positionnement pour les bibliothèques ?

Doit-on former selon les modalités adoptées pour les formations décrites plus haut (le format classique du TD méthodologique) ? Et, surtout, com-ment rester dans ce contexte un acteur efficace de la formation des docto-rants ? La réponse du SCD de Lille 2, se veut, en la matière, pragmatique. Le bibliothécaire, s’il est formateur, n’est pas un enseignant, pas un juriste, pas un éditeur, pas systématiquement un doctorant. Par contre, il est le seul à avoir tous ces acteurs pour interlocu-teurs directs, si bien qu’il se trouve dans une position de force pour or-ganiser, par exemple, une journée d’étude qui pourra tous les rassembler, en s’appuyant sur son réseau profes-sionnel et interprofessionnel 11, et qui sera organisée par le pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Université Lille Nord de France, signe que ces aspects de la formation ga-gnent à être envisagés à une échelle dépassant un seul établissement docu-mentaire ou une seule école doctorale.

Est-ce là abandonner son travail, son statut et sa légitimité de forma-teur, gagnés de si haute lutte dans la communauté universitaire ? La ques-tion reste posée et suscite un réel débat. Il reste que la capacité à être force de proposition, à coordonner les actions de différents interlocuteurs, est une réelle compétence. Une nou-velle corde s’ajoute donc à l’arc du bi-bliothécaire-formateur.

Émergence d’un nouveau besoin : l’aide à la diffusion

Le développement de formations collectives et structurées ne suffit pas à répondre à tous les besoins des doc-torants. Ainsi, au travers des multiples questions qui parviennent aux SCD (questions soit directement formulées par les doctorants, soit réorientées par les écoles doctorales, ou encore via la liste des correspondants Star), se des-

11. Cette journée, intitulée « Introduction à l’édition scientifique : comment améliorer ses chances d’être publié ? » sera organisée au cours du premier trimestre 2011.

sine la nécessité d’un accompagne-ment des doctorants plus quotidien et personnalisé dans les différentes étapes de leur thèse, et en particulier dans le domaine du droit d’auteur et des perspectives de diffusion. Ces questions révèlent en effet une grande ignorance du statut juridique de la thèse, une inquiétude persistante quant au risque de plagiat et une mé-connaissance du rôle des thèses dans la diffusion et la valorisation de la re-cherche française.

Or, il apparaît qu’aucun interlocu-teur lié au circuit des thèses (scolarité, écoles doctorales, Abes, PRES, SCD…) ne semble légitime pour prendre en charge à lui seul ces demandes émer-gentes, car elles font appel à des com-pétences nouvelles, que personne ne maîtrise complètement à ce jour, puisqu’il faut connaître précisément le statut juridique complexe de la thèse 12 ainsi que son évolution dans le cadre de la loi Dadvsi 13. De plus, des connaissances juridiques théo-riques ne suffisent pas : il faut être en mesure de proposer aux doctorants des solutions pragmatiques et appli-cables à leur propre cas. Enfin, il faut être conscient de l’importance de la diffusion des thèses en ligne, ce qui suppose une certaine familiarité avec l’économie de la documentation élec-tronique et les divers modes de diffu-sion de la recherche. S’il est clair que les formations collectives et structu-rées destinées aux doctorants consti-tuent une forme de réponse, elles ne

12. Schéma « Le droit applicable aux thèses », réalisé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et présenté par l’Abes lors des journées de lancement de Star : www.abes.fr/abes/page, 564,journee-de-lancement-star.html#cercle5

13. En tant que document électronique, les thèses sont concernées par la loi Dadvsi (droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), mais aussi par l’exception pédagogique, qui fait l’objet de négociations encore en cours à ce jour entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et les représentants des ayants droit : note du 23 janvier 2007 parue au Bulletin officiel no 5 du 1er février 2007 sur la mise en œuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche (NOR MENJ0700078X). www.education.gouv.fr/bo/2007/5/MENJ0700078X.htm

comblent cependant pas un besoin de suivi individualisé et réactif.

Pour répondre à ces demandes émergentes, le SCD est en définitive le service le plus indiqué, en agissant non pas seul, mais en s’appuyant sur le réseau de ses partenaires.

De fait, il est naturellement solli-cité par les doctorants, compte tenu de son rôle de premier plan dans la mise en place de Star, mais aussi parce que la bibliothèque est souvent le service le plus ouvert et le plus accessible de l’université, aussi bien sur place qu’à distance. Par ailleurs, en tant qu’ac-quéreur, utilisateur et producteur de ressources électroniques, le SCD connaît les enjeux de la publication scientifique et des archives ouvertes : il a donc une certaine légitimité pour présenter le paysage de la documen-tation électronique et promouvoir la diffusion des thèses en ligne. Ainsi, le SCD de Lyon 2, pionnier dans ce domaine, assume pleinement cette mission depuis plusieurs années 14 et s’engage encore davantage dans cette voie, puisqu’il propose à ses docto-rants de diffuser leur thèse sous une licence Creative Commons 15.

Enfin, bien que n’étant pas spé-cialiste du droit d’auteur appliqué aux documents électroniques, la biblio-thèque est néanmoins constituée de professionnels de la recherche d’infor-mation, c’est-à-dire d’interlocuteurs capables de retrouver toute la docu-mentation disponible par une veille documentaire efficace, d’identifier un réseau de spécialistes (service juri-dique, professeurs de droit…) vers qui réorienter les demandes qui dépassent ses compétences, et de capitaliser toutes les réponses apportées dans des bases de connaissances ou des foires aux questions.

14. Université Lumière – Lyon-2, Cyberthèses : la philosophie du projet : http://theses.univ-lyon2.fr/?q=node/15

15. Lionel Maurel, « Creative Commons en bibliothèque : vers une alternative juridique ? », BBF, 2007, no 4, p. 69-75.

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Un nouveau souffle pour le service des thèses du SCD de Valenciennes : d’une logique administrative à une logique de services

Les services des thèses des biblio-thèques sont souvent réduits à une dimension strictement administrative. Les interactions entre ces services et leur public sont rares, et se produisent essentiellement au moment de la pro-cédure de dépôt à la bibliothèque.

Le projet de dépôt électronique des thèses a permis à ce service du SCD de Valenciennes de se position-ner comme un véritable partenaire de la recherche grâce à la création de « Points info thèses » sur chaque site accueillant des doctorants. L’objectif est de rassembler en un lieu claire-ment identifiable par les usagers une sélection de documents répondant aux questions que peuvent se poser les doctorants tout au long de leur parcours. Il ne s’agit pas de dupliquer l’offre des autres services mais au contraire d’établir des partenariats au sein de l’établissement en orientant les doctorants vers les services ad hoc. Concrètement, les doctorants peuvent consulter de la documentation sur : les conventions Cifre (Conventions industrielles de formation par la re-cherche), les associations de docteurs, la procédure de dépôt de thèse, l’inser-tion professionnelle des docteurs, etc. Chaque « Point info thèses » est géré par un responsable formé pour être en mesure d’apporter aux usagers tous les compléments d’information néces-saires et de faire de la veille pour enri-chir l’offre de documents.

Le service des thèses du SCD de Valenciennes a également intégrale-ment revu le contenu du guide qui était distribué aux usagers, toujours dans cette même logique d’accompa-gnement du doctorant. La procédure de dépôt de thèse y est détaillée, et le guide s’est enrichi d’une foire aux questions traitant les thèmes de la diffusion, du droit d’auteur, du deve-nir de la thèse après soutenance, des moyens pour améliorer la visibilité de la thèse dans le Sudoc, de la produc-tion de la thèse comme document.

Des entretiens avec des doctorants et des enseignants-chercheurs ainsi qu’un travail de rédaction impliquant l’ensemble du service ont permis de cibler les questions récurrentes autour de la thèse. Document d’information, ce guide du doctorant est aussi un outil de communication pour le ser-vice des thèses puisqu’il permet de valoriser les compétences de l’équipe et de positionner le SCD sur le thème de l’aide à la diffusion de la recherche. Dans une logique de partenariat, le guide est diffusé dans les autres ser-vices en contact avec les doctorants, et est disponible sur le portail documen-taire et sur le site de l’université dans la rubrique « Recherche 16 ».

Un impact considérable

La mise en place du dépôt électro-nique national des thèses a un impact considérable sur les différents ser-vices et métiers de l’université. Et le SCD, en tant qu’acteur réglementaire du dépôt des thèses, tire pleinement parti de cette nouvelle configuration. Au cœur de toutes les interactions, il est en mesure d’identifier les acteurs, actuels comme potentiels, et de les fédérer. Si les bibliothèques ont acquis une nouvelle visibilité à l’échelle de leur établissement, il n’en demeure pas moins qu’elles doivent encore la conquérir à l’échelle régionale, en trouvant entre autres une place dans le paysage complexe de la formation doctorale. Cette question est particu-lièrement prégnante pour les biblio-thèques d’établissements membres d’un PRES doté de compétences dans la formation doctorale, comme le PRES ULNF dont font partie les uni-versités de Lille 2 et de Valenciennes.

L’effort de coopération régio-nale peut s’appuyer sur de multiples leviers. Ainsi, dans le cadre du PRES ULNF et à l’initiative du SCD de Valenciennes, un groupe de travail réunissant les SCD de la région a été formé afin de recenser les dispositifs mis en place dans chaque établisse-ment, d’envisager les bases possibles

16. http://recherche.univ-valenciennes.fr/these/soutenir_sa_these

d’une action mutualisée et de cartogra-phier les domaines de compétence de chacun.

À travers les exemples des SCD de Lille 2 et de Valenciennes, on constate que, si les solutions d’accompagne-ment aux doctorants se déclinent de manière locale, il n’en demeure pas moins qu’à l’échelle nationale on assiste à l’émergence de questionne-ments communs aux professionnels des bibliothèques. La liste de diffusion des correspondants Star témoigne de cette convergence autour de théma-tiques récurrentes : comment orga-niser le nouveau circuit de dépôt des thèses ? Quelles formations proposer pour accompagner les doctorants ? Comment apporter une réponse concrète aux problèmes juridiques exacerbés par la diffusion des thèses sur internet ? etc. Les professionnels des établissements engagés dans le passage au dépôt électronique natio-nal des thèses bénéficient de ce lieu d’échanges qu’est le réseau Star, mais on peut se demander quels pourraient être les autres espaces de dialogue nationaux autour des problématiques de production et de diffusion de la re-cherche. De plus, si les bibliothèques veulent jouer pleinement le rôle de partenaires de la recherche, elles doivent mobiliser et développer de nouvelles compétences. Ainsi, la ques-tion de la formation continue consti-tue le centre de ce nouveau position-nement des bibliothèques. Nouveau dépôt des thèses, nouveaux acteurs, nouveaux rôles, nouveaux partena-riats : autant de défis à relever pour les bibliothèques universitaires. •

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Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

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èque Histoire de la santé

et contenus électroniques :

Inauguré en 2001 et constamment enrichi depuis, le portail patrimo-nial de la Bibliothèque interuniver-

sitaire de médecine (BIUM)* a l’ambi-tion de répondre à plusieurs objectifs :

• proposer un accès sur le web à des ressources intéressant l’histoire de la médecine et de l’odontologie, dans un domaine (la santé) où l’informa-tion en ligne est devenue, depuis une bonne quinzaine d’années, un instru-ment banal et d’usage quotidien ;

• desservir des publics qui ne se déplacent plus guère physiquement, et de nouveaux publics, en France comme à l’étranger où les chercheurs connaissent nos fonds ou leur exis-tence, et y recourent ;

• valoriser les collections de la bibliothèque et les services qu’elle pro-pose ;

• créer un portail francophone sur le web, complémentaire des sites existants qui, pour la plupart, de-meurent anglophones ;

• mais aussi, et peut-être surtout, positionner la bibliothèque non plus dans son (unique ?) rôle traditionnel de diffuseur d’information secondaire (de type signalétique ou bibliogra-phique), mais plutôt dans celui d’un producteur de contenus originaux. En faire un réservoir de ressources pri-maires, scientifiques, un réservoir où l’on va puiser parce que les données sont là et nulle part ailleurs.

* www.bium.parisdescartes.fr/histmed

Des prérequis indispensables

Naturellement, une telle ambition suppose l’existence de prérequis indis-pensables :

• une collection de qualité, un fonds, comme on dit du fonds d’un libraire. Celui de la BIUM, à cet égard, offre des garanties et passe pour être, avec ceux de la National Library of Me-dicine (États-Unis) et de la Wellcome Library (Grande-Bretagne) parmi les plus pertinents du monde ;

• un public : 1 000 lecteurs fré-quentent chaque année la Réserve de la bibliothèque, venus de tous les horizons disciplinaires (médecine, histoire, philologie, économie, droit, journalisme, etc.), pour ne pas citer les usagers potentiels à distance, qui sont au demeurant bien plus nom-breux (en Amérique du Nord et en Europe notamment). Principalement des chercheurs, des doctorants, des universitaires, mais aussi des ama-teurs éclairés, voire le grand public des curieux ;

• des compétences locales : scien-tifiques bien sûr, mais aussi infor-matiques et techniques. Certaines préexistaient au projet ; d’autres ont été acquises au fil des ans, au fur et à mesure que le projet se développait. Acquises par toutes les catégories de personnel concernées, puisque parti-cipent aux travaux des conservateurs, mais aussi des bibliothécaires et des magasiniers (qui se reconvertissent à des fonctions nouvelles) ;

• enfin, une ambition intellec-tuelle, et une volonté qui définit une autre politique documentaire et s’en

LA BIBLIoTHèqUE NUMéRIqUE DE LA BIUM (PARIS)

Guy CoboletBibliothèque interuniversitaire de mé[email protected]

Conservateur général, Guy Cobolet a été notamment directeur de la bibliothèque universitaire de Reims et en poste à l’École française d’Athènes. Il dirige la bibliothèque interuniversitaire de médecine depuis 2000.

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Histoire de la santé et contenus électroniques :

donne les moyens (financements, ressources humaines), qui autorise la nouveauté sans délaisser les fonda-mentaux traditionnels de l’institution. Bref, le changement dans une conti-nuité revue et corrigée.

Une relation rénovée entre bibliothécaires et usagers

Fondamentalement, le projet re-pose sur une relation rénovée entre bibliothécaires et usagers, et ne fonc-tionne que grâce au partenariat avec les « spécialistes » qui fréquentent le fonds sur place ou à distance, qui le connaissent parfois mieux que les

de sociétés savantes, où les membres versent des matériaux inédits) et as-sure ensuite la promotion du produit (corpus, exposition virtuelle, informa-tions) au sein de sa communauté ; en échange, la bibliothèque offre d’abord ses ressources, ses compétences et sa logistique, ensuite un accompagne-ment personnalisé, des contacts, une diffusion, un suivi, etc. Relation d’es-time, de confiance, sur un pied d’éga-lité, où chaque partie complète l’autre pour élaborer ensemble un objet col-lectif et original.

Avant de présenter brièvement quelques-unes des ressources pro-duites, signalons un autre point im-portant qui caractérise l’économie globale du projet : les ressources sont

bibliothécaires, qui le situent parfai-tement par rapport aux autres fonds existants, qui savent ce que leurs pairs ou étudiants font, recherchent, utilisent et désirent, et qui sont enfin tout disposés à partager leur savoir et leur temps.

C’est pourquoi, autant que faire se peut, nous œuvrons avec les lecteurs dans un rapport où chacun apporte sa contribution : le spécialiste valide l’in-térêt d’un projet, suggère par exemple des documents à numériser (des titres, des éditions) ou valide notre sélection, rédige des présentations (nombre de dossiers de Medic@ sont accompagnés de présentations par des auteurs reconnus ; le site web hé-berge par ailleurs une dizaine de sites

Page d’accueil de l’exposition virtuelle « Les Monstres de la Renaissance à l’âge classique ». © BIUM

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concaténées, se complètent et rebon-dissent entre elles.

Ainsi, un document numérisé une fois (dans Medic@, ou dans la banque d’images, ou dans une exposition vir-tuelle) pourra faire l’objet de plusieurs exploitations ultérieures, au gré des besoins, selon les sujets abordés (et les sujets se recoupent souvent au cours de recherches pluridisciplinaires : l’histoire de la santé est par nature une discipline ouverte, à l’intersection des sciences et des humanités). Il s’agit donc bien là de produire un docu-ment premier, qui sera ensuite décliné et réemployé de diverses manières, comme le font les grands producteurs d’information (Bowker, Elsevier) qui, à partir d’un corpus de base, déclinent leurs produits à l’infini.

De même, l’internaute pourra aisément voyager d’un produit à l’autre, en passant d’une exposition à un corpus ou à un texte mis en ligne dans un autre module, ou à une série d’images figurant dans la banque, etc., selon un processus de circumnaviga-tion virtuelle et fluide où les espaces se répondent et s’enrichissent mutuel-lement.

Des exemples de contenus

Des exemples de contenus ? Citons en quelques-uns brièvement.

• Medic@ : 8 000 documents en ligne, organisés en corpus où figurent les sources majeures d’une théma-tique, destinés en priorité à des niches d’usagers, accompagnés le plus sou-vent possible d’une introduction où un chercheur présente le dossier, met en perspective les documents et l’inté-rêt des textes (introduction mainte-nant plus substantielle que naguère, apparentée à un véritable article) (www.bium.univ-paris5.fr/histmed/me-dica.htm).

• Banque d’images : 80 000 il-lustrations, dans une discipline où abondent les banques spécialisées (anatomie, pathologies) mais où les réalisations patrimoniales demeurent rares, regroupant des collections de la BIUM et celles d’organismes par-tenaires qui jouent ici le même rôle que les chercheurs pour Medic@

(Académie de médecine, Musée de l’Assitance publique – Hôpitaux de Paris, Musée des moulages de l’hôpital Saint-Louis, Musée Frago-nard de l’École vétérinaire d’Alfort) (www.bium.parisdescartes.fr/histmed/images.htm).

• Expositions virtuelles : sans doute les produits les plus aboutis en termes de production de contenus, qui allient une démonstration (sous la res-ponsabilité d’un commissaire scien-tifique), des images et des textes nu-mérisés qui sont aussi accessibles en d’autres endroits du site web. Parfois destinées à mettre en valeur un docu-ment remarquable qui a servi de point de départ et de prétexte (une planche de photographies de Gueules cassées, un herbier, un journal de voyage), parfois contenant de véritables corpus iconographiques (600 représentations de monstres dans la littérature médi-cale des xvie-xviie siècles, 500 plaques de verre de Marey), toutes développent un discours scientifique sur un sujet, en jouant des possibilités offertes par la technologie moderne qui permet de regarder, feuilleter, lire, approfondir, zapper, zoomer, etc.

• Des actes de congrès : ceux de la Société française d’histoire de l’art dentaire, mis en ligne depuis 1995 (www.bium.parisdescartes.fr/sfhad/actes_deb.htm), ou ceux de l’associa-tion Guerre et médecine, qui opère aux marges de l’histoire, de l’anthro-pologie et de la médecine de guerre (www.bium.parisdescartes.fr/histmed/guerre).

• Une base biobibliographique de médecins : comportant plus de 18 000 entrées, elle donne directe-ment accès à leur notice, à leurs por-traits numérisés, au catalogue de leurs écrits (http://web2.bium.univ-paris5.fr/bio/bio_rech.htm).

• Des sites web partenaires, ali-mentés par des sociétés savantes, qui ne disposent pas de moyens logis-tiques (la BIUM met à leur disposi-tion informaticien et serveur), mais recèlent en leur sein des compétences scientifiques et des auteurs, adhèrent à notre politique éditoriale et com-plètent valablement notre offre (Asso-ciation de sauvegarde du patrimoine dentaire, Société botanique de France, Académie nationale de chirurgie qui

combine aspect patrimonial et méde-cine actuelle en publiant avec la BIUM ses « e-Mémoires de chirurgie », et al.).

Une démarche multifacette et globale

Un dernier point, pour conclure : la démarche suivie pour développer ce portail et ces contenus est mul-tifacette et globale. Elle combine le numérique et le virtuel avec l’im-primé et le présentiel, l’ancien et le moderne, et c’est le tout qui fait sens. Un exemple ? En 2001, nous avons commencé par lancer un corpus élec-tronique des médecins de l’Antiquité, en collaboration avec une unité mixte Paris 4–Sorbonne/CNRS et l’Acadé-mie des Inscriptions et Belles-Lettres. Ce corpus compte aujourd’hui plu-sieurs centaines de textes (les éditions majeures du xvie au xixe siècle, de la Renaissance à la grande philologie allemande), que tous les antiquisants et les philologues du monde entier consultent. Cette première réalisation nous a conduits à organiser ensuite des colloques, avec les mêmes cher-cheurs (« Lire les médecins grecs à la Renaissance », 2003 ; « Femmes en médecine », 2006 ; « René Chartier éditeur des œuvres d’Hippocrate et de Galien », 2010), publiés chez de Boccard, dans la forme la plus tra-ditionnelle de l’édition académique. Tout cela pour rebondir récemment sur un nouveau produit électronique, Medicina : un produit hybride, qui conjugue base de données bibliogra-phique, textes en ligne, annonces de congrès et liste de discussion (http://web2.bium.univ-paris5.fr/medicina). •

Décembre 2010

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Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque française

Rappels historiques

Par la volonté de son fondateur, Henri Langlois, la Cinémathèque fran-çaise a été définie, dès son origine, comme un lieu de conservation et de valorisation du « répertoire cinéma-tographique 1 ». Au long des quarante années de son activité au sein de l’or-ganisme, Langlois n’a cessé de réaf-firmer la vocation de son institution à conserver des films mais aussi « tous les documents ayant trait au cinéma ». Les statuts mentionneront longtemps la fonction de « conservateur de la bibliothèque-musée », appellation étonnante, surtout à une époque où les musées et les bibliothèques sont des institutions rigoureusement dis-tinctes et où les grands centres cultu-rels pluri disciplinaires sont encore à inventer.

Quoi qu’il en soit, Langlois cherche immédiatement à légitimer cette voca-tion en constituant des collections, non seulement de films, mais aussi de photographies, d’affiches, de dessins, de costumes, d’appareils, de livres et de revues. Puis il prépose à cette tâche Lotte Eisner, qui s’y consacre avec la compétence et la passion que l’on sait.

Dès 1943 est créée une « Commis-sion de recherche historique » dirigée par Langlois en personne, avec la colla-

1. Voir l’objet social défini par les premiers statuts de la Cinémathèque française in Laurent Mannoni, Histoire de la Cinémathèque française, Paris, Gallimard, 2006 p. 46-47 ; rappelons aussi que la Cinémathèque française fut en fait cofondée par Langlois, par le grand historien de cinéma Jean Mitry et par le futur réalisateur Georges Franju.

boration de Jean Mitry, Georges Sadoul et Musidora 2. Pendant quinze ans, réa-lisateurs, acteurs, producteurs, tech-niciens ayant travaillé dans le cinéma des origines aux années 1930 défilèrent pour témoigner devant cette commis-sion dont les archives servirent de base de travail à de nombreux historiens (Sadoul le premier) aussi bien qu’aux personnes qui œuvrèrent au catalo-gage des films de la Cinémathèque.

Fin 1944, Langlois est en mesure d’organiser sa première exposition, « Images du cinéma français », en s’ap-puyant sur les collections amassées par la Cinémathèque. En dépit des nom-breuses péripéties qui ponctueront son existence durant les trente années suivantes, la Cinémathèque s’effor-cera, avec plus ou moins de moyens, avec plus ou moins de succès, d’être à la fois lieu de conservation et de pro-grammation, de recherche et d’ensei-gnement, d’offrir les services d’une bibliothèque (de capacité modeste au regard des collections qu’elle a à pro-poser) et d’un musée du cinéma (le célèbre musée « Langlois » du Palais de Chaillot fut ouvert en 1971 et fonc-tionna jusqu’en 1997), avant de traver-ser, dans les années 1980-1990, une période de doutes et de remises en cause.

En constituant ses collections, Lan-glois pensait musée ET bibliothèque, mais sans doute d’abord musée. Aussi, la création de la Bibliothèque du film (BiFi) en 1993 put-elle être perçue comme une rupture avec la conception « langloisienne ». La naissance de la

2. Cf. Laurent Mannoni, op. cit., p. 114.

Joël DaireLa Cinémathèque franç[email protected]

Joël Daire est directeur du patrimoine de la Cinémathèque française. Politologue et juriste de formation, il fut précédemment administrateur, puis délégué général de la Bibliothèque du film. Il a publié dans le BBF, en collaboration avec Virginie Crétien, « Une iconothèque en ligne : la base Cinémage de la Bibliothèque du film » (BBF, 2007, no 2).

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BiFi fut le fruit de la volonté conjointe du Centre national du cinéma 3, de la Cinémathèque et de la Femis 4. Sa mis-sion était de préfigurer la bibliothèque du futur Palais du cinéma, qui devait ouvrir ses portes au Palais de Tokyo en 1995 et réunir sous un même toit une cinémathèque-musée, une école de ci-néma et une bibliothèque spécialisée. À cet effet, la BiFi reçut en dotation, sous forme de dépôts, l’ensemble des collections « papier » détenues par les trois institutions fondatrices, à savoir : ouvrages, périodiques, dossiers de coupures de presse, affiches, dessins, matériels publicitaires, photographies, fonds d’archives. La Cinémathèque conserva quant à elle ses collections d’appareils (et la documentation y afférente), de costumes, d’objets et d’éléments de décors, et, bien sûr, ses collections de films. Cette répartition s’avérait quelque peu problématique, tant pour la Cinémathèque que pour la Bibliothèque. La première, qui de-vait concevoir le nouveau musée du cinéma, se trouvait coupée de maintes collections à vocation muséale. La se-conde se trouvait en charge de traiter ces mêmes collections dans une pers-pective essentiellement documentaire, en dehors de toute finalité muséale ou presque. Il lui fallait fusionner en un ensemble cohérent des collections provenant d’institutions différentes par leur vocation comme par leur his-toire, et comportant parfois de nom-breux doublons. Elle héritait de masses documentaires considérables dont beaucoup, faute de moyens suffisants, n’avaient pu être préalablement catalo-guées ou l’avaient été au fil du temps avec des méthodes différentes et sans homogénéité réelle.

La BiFi se mit donc au travail avec l’objectif assigné de présenter, deux ans plus tard, un catalogue aussi clair, complet et cohérent que possible au public de la bibliothèque du Palais du cinéma. Il est évident qu’un tel cahier des charges imposait des choix de traitement structurellement différents de ce qu’ils auraient pu être si l’on

3. Devenu depuis Centre national du cinéma et de l’image animée, www.cnc.fr

4. École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, www.femis.fr

avait pris en compte la double voca-tion, muséale et documentaire, des collections, et si les délais avaient été moins contraints. Or, si la BiFi parvint à atteindre son objectif dans les délais fixés, le projet de Palais du cinéma quant à lui fut abandonné. Il en fut de même du projet de « Maison du cinéma » qui lui succéda.

Entre-temps, la BiFi avait ouvert au public, ad experimentum, le 1er dé-cembre 1996, une bibliothèque du cinéma. Elle fonctionna de manière autonome pendant neuf ans, dans un bâtiment du 12e arrondissement de Paris. En 2005, elle se trouva enfin réunie à la Cinémathèque française au sein d’un même bâtiment, situé au 51, rue de Bercy. Le 1er janvier 2007, les deux institutions opéraient leur fu-sion juridique, la Bibliothèque du film étant absorbée par la Cinémathèque française, et les collections « films » et « non film » réunies au sein d’une même entité et placées sous une auto-rité unique, celle d’une direction du patrimoine créée à cette occasion. La vocation de cette direction est de gérer l’ensemble des collections de l’institu-tion dans ses différentes dimensions : collecte, conservation, traitement (res-tauration, numérisation, catalogage, indexation), valorisation. Elle est no-tamment responsable du musée, de la bibliothèque et des expositions tempo-raires réalisées à partir des collections. On est ainsi revenu à la conception originelle de Langlois après une pa-renthèse de près de quinze ans.

Ces préliminaires historiques, même sommaires, nous semblaient indispensables pour bien comprendre la spécificité, voire la singularité, des collections de la Cinémathèque dans leur double rapport au musée et à la bibliothèque. Conçue dès son ori-gine comme lieu de constitution, de développement et de transmission de savoirs fondés sur des collections, la Cinémathèque a, depuis peu, et sans doute pour la première fois de son histoire, soixante-quinze années après sa naissance, les moyens matériels, financiers et humains permettant de répondre totalement au programme établi par son fondateur. Si l’environ-nement et les circonstances dans les-quels elle évolue sont bien différents de ce qu’ils étaient en 1936, et im-

posent des adaptations à la « doctrine Langlois », la Cinémathèque trouve encore sa légitimité dans la mise en œuvre aussi complète et fidèle que possible de ses missions originelles.

Des savoirs assis sur des collections

Il fut un temps, pas si lointain, où, en France du moins, connaissance du cinéma signifiait essentiellement, voire exclusivement, connaissance des films. C’est sur une telle conception que s’est constituée la cinéphilie classique. Avant l’ère de la vidéo, et a fortiori celle du numérique, l’accès au film, et sin-gulièrement à ce que nous appelons aujourd’hui le film de patrimoine, était difficile et parcimonieux. Le référen-tiel commun de la cinéphilie classique s’est constitué autour d’un nombre d’œuvres limité, celles qui étaient pro-jetées dans les ciné-clubs et les ciné-mathèques, et étudiées dans les cours de cinéma. La documentation écrite sur le cinéma était elle-même peu dis-ponible (les archives papier en particu-lier) et la notion critique de « politique des auteurs » encourageait, en France tout au moins, à porter l’intérêt quasi exclusif du spectateur sur le film et son réalisateur.

Une approche systémique

L’accès facilité au film par le déve-loppement des catalogues de VHS puis de DVD, l’élargissement consi-dérable des corpus d’œuvres dispo-nibles, la mise à disposition de masses documentaires importantes au fur et à mesure que progresse le traitement des collections dans les archives et bi-bliothèques spécialisées, la numérisa-tion en nombre de plus en plus consé-quent de documents de toutes natures offerts à la consultation en ligne ou dans les salles de lecture des média-thèques, tout cela favorise aujourd’hui une approche plus « systémique » du cinéma 5.

5. Le terme « systémique » est ici employé au sens de l’analyse systémique, comprise comme champs interdisciplinaire d’étude des

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Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque française :

Certes, l’œuvre cinématographique (le film) tient toujours, à juste titre, la place centrale dans le système, puisque c’est autour d’elle que s’organisent les autres activités. Mais il n’est plus pos-sible d’ignorer que cette œuvre est le produit, en amont, d’environnements techniques (fabrication d’appareils de prise de vue, de prise de son, de pelli-cule, de dispositif d’éclairage…), éco-

objets dans leur complexité. Sur cette notion, voir notamment : Ludwig von Bertalanffy, Théorie générale des systèmes, Paris, Bordas, 1973.

nomiques (systèmes de production, de financement), artistiques (écriture, conception de costumes, de décors…), culturels, etc., qui influent sur la créa-tion de l’œuvre elle-même. Ni, de même, qu’en aval, une série d’agents (distributeurs, exploitants, organisa-teurs de festivals, critiques, publics) vont avoir une influence sur la carrière et la réception publique de l’œuvre, et donc sur sa perception.

Nous nous en tenons à une des-cription bien schématique et incom-plète de la complexité du système cinématographique. L’important ici est

de retenir que chaque agent qui inter-vient dans ce système, que ce soit en amont, en aval ou pendant la réalisa-tion du film, produit à l’occasion de son activité un ou plusieurs objets (ou documents), et que ces objets sont la matière même de la collecte entreprise par Henri Langlois et ses successeurs jusqu’à aujourd’hui. Ils constituent ce que nous appelons les collections cinématographiques et, si l’on voulait les énumérer tous, ils formeraient un formidable inventaire « à la Prévert », au raton laveur près.

Or, chacun de ces objets et docu-ments, dans leur extrême diversité, est porteur d’un savoir sur le cinéma, et témoigne d’un savoir-faire parti-cipant de l’expérience cinématogra-phique. L’un des meilleurs exemples, en même temps qu’un des documents les plus complexes, est ce que nous appelons « scénario de tournage ». Principalement établi par la scripte, mais pouvant compter l’interven-tion manuscrite de bien d’autres collaborateurs, ce document retrace, plan par plan, l’histoire du tournage du film, mais s’avère, au premier abord, d’une interprétation extrême-ment difficile 6.

Organiser la convergence des savoirs

Dès lors, le travail de l’archiviste, du documentaliste, du conservateur, de l’iconographe, qui traitent ces ob-jets et documents dans le cadre d’une cinémathèque, est d’en comprendre la nature, d’en connaître l’histoire et la signification, et de transmettre le plus fidèlement, clairement et com-plètement possible, l’ensemble de ces informations au public à travers ces outils extrêmement formatés et nor-malisés que l’on nomme catalogues, répertoires, plans de classement, etc. On mesure la complexité de la tâche et le degré d’expertise requis de ces pro-fessionnels, dont le champ de connais-sances doit embrasser le technique,

6. Sur cette question, voir l’exposition en ligne « Le métier de scripte » sur le site internet de la Cinémathèque française : www.cinematheque.fr/expositions-virtuelles/scripte/index.htm

Copie du robot de Metropolis au Musée de la Cinémathèque française, par Walter Schulze-Mittendorff, 1970. Photo : Stéphane Dabrowski, collection CF © Family Schulze-Mittendorff

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l’industriel, l’économique, le social, le culturel aussi bien que l’artistique, sans compter les savoir-faire propres aux différents artistes et artisans inter-venant dans la réalisation d’un film, et ce, dans une perspective historique (en effet, les savoir-faire, les pratiques professionnelles, varient parfois consi-dérablement selon l’époque et le pays de production). Et l’on comprend que, isolé et livré à l’analyse des seuls ob-jets et documents qu’il a sous les yeux, l’archiviste, s’il n’a acquis à force d’ex-périence et d’échanges avec d’autres professionnels une réelle expertise, est réduit, à coup presque sûr, à l’im-puissance. Car, coupé du savoir et du savoir-faire de celui qui l’a produit ou fabriqué, le document ou l’objet de cinéma est souvent mutique, incom-préhensible, mystérieux. Il l’est d’au-tant plus si le champ de connaissances dans lequel il s’inscrit est en friche, ou a été jusqu’à présent peu étudié. Le ré-sultat sera, au mieux, une description pauvre et incomplète de l’objet étudié, au pire, une description inexacte ou franchement erronée.

C’est ainsi, par exemple, qu’il aura fallu une collaboration suivie sur plus de dix années avec des photographes de cinéma de différentes générations pour que l’on parvienne à établir une typologie un peu précise de l’extrême diversité de genres que recouvre l’appellation générique de « photogra-phie de cinéma ». De même, c’est en travaillant à plusieurs reprises avec l’Association des story-boardeurs fran-çais qu’il a été possible d’identifier, dans les collections de dessins, ceux qui constituaient de véritables story-boards et, le cas échéant, de rectifier la catalographie de ceux à qui cette qua-lité avait été attribuée par erreur 7.

L’un des enjeux majeurs pour l’ar-chive cinématographique, du point de vue du traitement et de la valorisation de ses collections, est donc de consti-tuer un réseau d’expertises et d’organi-ser la convergence des savoirs autour des objets conservés : savoirs internes des conservateurs et archivistes, sa-

7. Sur ce sujet, voir l’exposition en ligne « Story-board » sur le site internet de la Cinémathèque française : www.cinematheque.fr/expositions-virtuelles/storyboard/index.htm

depuis sa fondation et régulièrement enrichies au fil des ans, notamment par l’apport de collections du CNC (environ un millier d’appareils) : une collection de machines anciennes et modernes de plus de 4 000 pièces (caméras, projecteurs, lanternes ma-giques, dispositifs d’éclairage, de prise de son, matériels de laboratoire, etc.), une abondante collection de plaques pour lanterne magique (environ 16 000 pièces dont les plus anciennes remontent au xviiie siècle), une collec-tion de 2 000 costumes de cinéma, de 1 000 objets et éléments de décors, des collections documentaires relevant de l’histoire des techniques (6 000 plans et dessins techniques, 6 000 brevets, 4 000 dossiers d’archives contenant des notices techniques, des gravures, des photographies, etc.). Ces collec-tions sont gérées par un personnel stable qui a acquis une expertise scien-tifique reconnue. Elles contiennent nombre de pièces exceptionnelles : appareils d’optique du xviiie siècle, plaques de lanterne magique de la Royal Polytechnic, premières caméras de Marey et de Méliès, kinétoscope d’Edison, Cinématographes Lumière, camera 8-35 de Beauviala et Godard…

Au plan externe, la France se trouve paradoxalement dans une situa-tion de retard en ce qui concerne l’his-toire technique du cinéma. Aucune entreprise d’envergure n’est venue ac-tualiser le Traité général de technique du cinéma de Jean Vivié, dont le premier volume est consacré à une approche historique et qui fut publié en 1946 8. Les recherches dans ce domaine sont rares, alors que le monde du cinéma est plongé dans la révolution du nu-mérique qui bouleverse l’ensemble de la chaîne technique de production du film, et qui est en passe de trans-former les conditions techniques de l’exploitation. Cette mutation tech-nologique est radicale. Elle périme matériels et savoir-faire. Les indus-tries techniques sont touchées de plein fouet. De nombreux laboratoires ferment leurs portes, laissant sans

8. Jean Vivié, Traité général de technique du cinéma. Tome i : Historique et développement de la technique cinématographique, Paris, Bureau de presses et d’informations, 1946.

voirs externes des professionnels, des chercheurs, des collectionneurs. C’est ensuite d’organiser les connaissances obtenues autour d’outils permettant leur restitution aux publics internes et externes sous les formes les plus appropriées. Nous incluons les pu-blics internes, car il est bien évident que meilleure est la connaissance des œuvres conservées, meilleures sont les décisions qui sont prises par ceux qui ont la charge de les restaurer, de les numériser ou de les communiquer, soit individuellement (comme c’est le cas au lecteur d’une bibliothèque), soit collectivement (dans le cadre d’une exposition, d’un article, d’une confé-rence, etc.).

Dans les développements qui suivent, nous voudrions montrer, à travers quelques exemples concrets, comment les enjeux liés au développe-ment et à la transmission des savoirs sur le cinéma structurent aujourd’hui la politique patrimoniale de l’institu-tion, à un moment où la révolution numérique exige d’elle d’être aussi un lieu de recueil de la mémoire d’un monde en train de disparaître : celui du cinéma sur pellicule.

La création d’un conservatoire des techniques cinématographiques

L’une des premières décisions importantes prise par la Cinéma-thèque française après sa fusion avec la Bibliothèque du film et l’institution d’une direction du patrimoine fut de créer, au sein de celle-ci, un « Conser-vatoire des techniques cinématogra-phiques ». Cette décision reposait sur une série de constats tirés de l’analyse de la situation interne de l’association comme de l’évolution du milieu pro-fessionnel du cinéma.

Des collections d’une richesse exceptionnelle

Au plan interne d’abord, la Ciné-mathèque se trouve en possession de collections « techniques » d’une richesse exceptionnelle constituées

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Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque française :

emploi des techniciens chevronnés dont la compétence se trouve bruta-lement disqualifiée. Des pans entiers du savoir technique sont menacés de disparaître avec les professionnels qui en conservaient la mémoire. Il y avait donc urgence pour la Cinémathèque à recueillir matériels et témoignages de ces savoir-faire qui ont constitué l’ex-cellence d’une industrie française du cinéma sur pellicule. Le Conservatoire des techniques cinématographiques a donc pour vocation de collecter et préserver les traces technologiques du cinéma, de rassembler les archives et témoignages des techniciens, de sau-vegarder la mémoire des industries techniques du cinéma.

Une nouvelle dynamique

Les missions du Conservatoire des techniques sont ainsi définies :

• Collecter, conserver, restaurer et étudier tout ce qui concerne les tech-niques cinématographiques (la pelli-cule, les formats, l’argentique et le nu-mérique, la prise de vue, la projection, les laboratoires, la lumière, le son, les costumes, les décors, etc.) des origines à nos jours.

• Étudier, valoriser et enrichir la collection des appareils.

• Favoriser la recherche et l’ensei-gnement de l’histoire des techniques du cinéma.

Lieu de convergence des savoirs, le Conservatoire est doté d’un conseil scientifique qui rassemble des person-nalités des différents milieux profes-sionnels susceptibles de contribuer à ses missions : représentants des grandes institutions cinématogra-phiques (CNC, Femis, CST 9), des in-dustries techniques et de la production (fabricants de matériels, laboratoires, chefs opérateurs, cinéastes), des éta-blissements de recherche et d’ensei-gnement (Conservatoire national des arts et métiers, École des hautes études en sciences sociales, universités Paris 1, Paris 3, Paris Diderot et Paris Ouest), institutions patrimoniales (Musée des arts et métiers, Musée Gaumont, Fon-dation Pathé – Jérôme Seydoux).

La création du Conservatoire des techniques a donné une formidable impulsion à la collecte de matériels et d’archives techniques. Plusieurs cen-taines de pièces ont été données à la Cinémathèque depuis trois ans (plus de 300 pour la seule année 2009), ainsi que des archives précieuses (celles de la CST et de la société Aaton en particulier).

Une nouvelle dynamique a éga-lement été donnée à la recherche et à l’enseignement, grâce à une série d’initiatives prises par le Conserva-

9. Commission supérieure technique de l’image et du son, www.cst.fr

toire. Dans le cadre de la nouvelle politique d’aide à la recherche mise en place par la Cinémathèque (voir ci-après), de jeunes chercheurs sont accueillis par le Conservatoire chaque année. Une conférence publique sur l’histoire des techniques a été mise en place mensuellement depuis 2008. Elle accueille chaque mois 200 audi-teurs en moyenne, signe que cette dimension de l’histoire du cinéma cor-respond également à une réelle attente des publics. Les conférenciers sont issus tant du monde des métiers tech-niques que du milieu universitaire. Certaines de ces conférences ont été le cadre d’expérimentations inédites, telle celle sur les premiers systèmes sonores qui permit de voir un extrait du premier film parlant, Le chanteur de jazz 10, avec le son Vitaphone d’époque spécialement remis en service pour l’occasion. Par ailleurs, le Conserva-toire des techniques organise chaque année un colloque destiné à faire le point sur l’état des connaissances sur des sujets particuliers. Ont été ainsi abordés l’histoire de la société Éclair, la couleur, les studios de cinéma.

En outre, le Conservatoire entre-prend des actions de valorisation de ses collections à travers des exposi-tions et la publication de catalogues. Les collections de la Cinémathèque

10. Film d’Alan Crosland (1927) avec Al Jolson.

Pages de scénario de tournage avec annotations de la scripte Catherine Prévert pour Le vieux fusil de Robert Enrico, 1975. Collection CF © Pascal Jardin

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française, et celles du Musée national du cinéma de Turin, ont été mises à contribution au cours de l’hiver 2009-2010 pour une grande exposition sur le thème « Lanternes magiques et films peints ». En retraçant l’histoire des premières projections lumineuses en couleur, l’exposition a permis de mettre en évidence l’influence du spectacle de lanterne magique sur les premiers temps du cinéma 11. Des spectacles vivants de projection lumi-neuse ont été organisés chaque mois avec le concours des meilleurs « lan-ternistes » européens, faisant revivre pour le public tout un pan oublié de l’imaginaire collectif du xixe siècle.

Dans le même temps, le Conser-vatoire a restauré et numérisé les plus belles plaques de ses collections, désormais consultables sur internet à travers une interface spécialement conçue à cette occasion et qui s’enri-chit de nouvelles œuvres chaque année 12. Une interface comparable est en cours d’élaboration pour la collec-tion des appareils et la documentation technique. Elle devrait être publiée à l’automne 2011, rendant ainsi plus facilement accessible cette collection difficile à communiquer.

Enfin, le Conservatoire vient de signer une convention de partenariat avec le département des études ciné-matographiques de l’université Paris 3. Aux termes de cette convention, les conférences du conservatoire font désormais partie des enseignements optionnels des étudiants de master. La Cinémathèque s’engage à favoriser l’accès à ses collections aux chercheurs de Paris 3. Par ailleurs, la Cinéma-thèque et l’université conviennent de coopérer à l’organisation de cam-pagnes de recueil de témoignages de techniciens du cinéma qu’il devient urgent de mettre en place.

11. Voir le catalogue de l’exposition : Laurent Mannoni, Donata Pesenti Compagnoni, Lanterne magique et film peint, 400 ans de cinéma, Paris, Éditions de La Martinière, 2009.

12. Actuellement, environ 2 000 plaques sont consultables à l’adresse suivante : www.laternamagica.fr

Politique de recherche et valorisation des collections

Le premier devoir d’une insti-tution patrimoniale possédant des collections est de conserver celles-ci dans les conditions les plus optimales possibles. Le second, c’est de rendre ces collections accessibles au public. Une archive inaccessible est comme une archive qui n’existe pas, au sens où elle n’est pas en mesure de contri-buer à l’accroissement des connais-sances dans un domaine donné.

L’une des principales préoccupa-tions de la Cinémathèque française est donc de rendre ses collections consul-tables, accessibles. C’est le sens de sa politique de traitement documen-taire et de conservation : mettre les collections en état d’être consultées, notamment à des fins d’étude et de recherche.

Une Charte du patrimoine

La Charte du patrimoine que la Cinémathèque française a adoptée en 2008 définit parmi les objectifs géné-raux de sa politique de diffusion :

• Favoriser l’accès aux éléments communicables : permettre l’accès direct aux originaux lorsque le docu-ment le permet. Lorsque les docu-ments nécessitent des précautions particulières pour la mise à disposi-tion (notamment les films du cata-logue Albatros disponibles en version numérique à la vidéothèque), ils sont consultés dans des espaces spécifiques nécessitant un rendez-vous (espace chercheurs, iconothèque, espace de visionnage des films sur pellicule à Saint-Cyr). Pour les documents les plus précieux, fragiles ou difficilement consultables, on a recours à la numé-risation.

• Développer les outils d’accès in-tellectuel aux collections (catalogues et bases de données documentaires) en veillant à la facilité de l’interrogation et à la qualité des informations fournies.

Ces principes posent quelques questions importantes. À l’heure de la numérisation de masse, nous cédons

parfois facilement à l’illusion que cette technologie va résoudre tous les pro-blèmes, notamment, via la dématéria-lisation des supports, celui de l’acces-sibilité des documents. La réalité nous semble plus complexe.

En effet, dans le rapport de l’ar-chive au chercheur, le retour à l’ori-ginal est souvent nécessaire, voire indispensable. Dans le domaine des sciences humaines, l’une des grandes tâches du chercheur est d’établir des éditions critiques. En littérature, il ne viendrait à l’idée d’aucun chercheur de partir de l’édition de poche d’un texte pour une telle entreprise. Le livre de poche permet au chercheur de « convo-quer » aisément le texte. Mais il aura besoin de revenir à l’édition originale, de consulter et comparer les sources manuscrites, pour mener à bien son travail. De même en cinéma. Tous ceux qui ont travaillé sur de la pelli-cule le savent : l’opération qui consiste à numériser un film fait perdre au passage une quantité d’informations qui ne peuvent être lues que sur l’élé-ment argentique. Ainsi, lorsque nous numérisons une photo, pour des rai-sons économiques évidentes, nous ne numérisons pas son verso, sur lequel pourtant peuvent se trouver des infor-mations indispensables au chercheur. C’est pourquoi, même si la numéri-sation permet de mettre à disposition plus facilement le document, le cher-cheur aura toujours besoin de revenir à l’original. Le travail de l’archive est de rendre ce retour possible d’une ma-nière ou d’une autre.

La question de l’accessibilité intel-lectuelle n’est pas moins importante ni complexe. Le catalogue reste l’outil privilégié de cet accès. Sa forme cou-rante est aujourd’hui celle d’une base de données interrogeable à distance, via le réseau internet, à l’aide de cri-tères de recherche plus ou moins nombreux. Le développement des normes d’interopérabilité permet des échanges entre catalogues et institu-tions à un plan international, ce qui permet d’accroître considérablement les possibilités d’accès aux données. Tout ceci constitue un indéniable pro-grès mais, ici non plus, la technolo-gie ne résout pas tout. D’une part, et c’est heureux, la qualité des données présentées dans les catalogues reste

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Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque française :

tributaire de l’activité des personnes en charge de leur traitement. D’autre part, les catalogues généraux ont ten-dance à mettre tous les éléments sur le même plan, à un moment où les masses de données qu’ils contiennent nécessitent un travail de nature qua-litative, permettant de faire ressortir les éléments remarquables, la cohé-rence ou l’unicité de certains sous-ensembles d’objets, etc. Au travail classique de catalogage s’ajoute donc désormais la nécessité de développer une démarche de type éditorial qui dépasse la neutralité traditionnelle du point de vue documentaire. En termes économiques, une telle démarche relève d’une politique de l’offre, alors que le catalogue traditionnel s’inscrit plus dans une politique de satisfaction de la demande. En termes culturels, elle participe d’une politique de valori-sation patrimoniale. Sa mise en œuvre

exige un degré de développement des connaissances sur les collections très élevé, et la capacité d’intégrer ces sa-voirs dans les systèmes d’information documentaires de manière à en per-mettre l’accès au public.

Dans cette perspective, il nous semble que la collaboration entre le monde de l’archive et celui de la re-cherche est plus que jamais indispen-sable. C’est en effet du dialogue de ces deux univers que peut naître le plus fructueux effet de levier sur l’accrois-sement des connaissances. La Ciné-mathèque française souhaite d’une part accroître le savoir scientifique sur les collections qu’elle conserve, d’autre part mettre ses collections au service de la communauté des chercheurs, en particulier dans le domaine de l’his-toire du cinéma. Dans ce cadre, elle a mis en place des dispositifs destinés à développer les échanges avec la com-

munauté scientifique et l’université autour de ses collections. Nous avons vu que le Conservatoire des tech-niques cinématographiques constitue l’un de ces dispositifs. Nous voudrions en présenter ici deux autres.

Des dispositifs d’échange

Depuis 2008, la Cinémathèque a mis en place un programme d’aide aux jeunes chercheurs en histoire du cinéma. Ce programme repose sur un appel à projets annuel et a pour but d’offrir un accueil privilégié, assorti de divers avantages matériels, à des cher-cheurs intéressés par des travaux sur ses collections, en vue de thèses ou de mastères (master 2). Un jury composé de membres de la Cinémathèque et d’universitaires sélectionne six pro-jets éligibles à l’aide à la recherche.

Réserve des collections d’appareils de la Cinémathèque française. Photo : Stéphane Dabrowski – Cinémathèque française

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Le partenariat entre le chercheur et la Cinémathèque française donne lieu à un contrat de recherche stipulant les droits et obligations du chercheur. Grâce au soutien d’un mécène privé, parmi les chercheurs dont les projets sont retenus, deux peuvent bénéficier d’une bourse, la bourse Jean-Baptiste Siegel.

L’un des aspects importants des collaborations avec les premiers lau-réats des bourses (étudiants de mas-ter 2 à Paris 3 et Paris Diderot) est qu’elles ont permis d’avancer sur un double plan : celui de la recherche uni-versitaire (les étudiants ont soutenu leur mémoire avec succès) et celui de la valorisation patrimoniale des fonds (l’une s’est traduite par une restau-ration de deux films muets du fonds Triangle, l’autre par un projet d’expo-sition de photographies de tournage des années 10 aux années 30 qui a été présentée de mars à juillet 2010 à la Cinémathèque sous le titre « Tour-nages : Paris-Berlin-Hollywood, 1910-1939 13 »).

La valorisation scientifique de fonds patrimoniaux inédits ou peu do-cumentés constitue une autre priorité pour la Cinémathèque française. Elle met en jeu la collaboration de spécia-listes de l’histoire du cinéma avec des spécialistes de la conservation et du traitement de fonds patrimoniaux sur des projets à moyen terme.

C’est pourquoi la Cinémathèque s’est associée en 2007 à une initia-tive de l’université Paris Diderot, à laquelle se sont également joints des chercheurs de Paris 3, Montpellier 3, le laboratoire Arias (Atelier de re-cherche sur l’intermédialité et les arts du spectacle) du Centre national de la recherche scientifique et l’Institut Jean Vigo de Perpignan. Ce programme de recherche autour de fonds patri-moniaux, appelé Cinémarchives 14, a reçu le soutien de l’Agence natio-nale de la recherche. Le programme viendra à terme en 2011. En ce qui concerne la Cinémathèque, il a déjà

13. www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/precedentes-expositions/tournages.html

14. Un carnet de recherches rendant compte des avancées de ce projet est disponible en ligne : http://cinemarchives.hypotheses.org

produit de nombreux aspects posi-tifs. Un dialogue extrêmement fruc-tueux s’est instauré entre chercheurs et archivistes ou documentalistes, permettant aux uns et aux autres de progresser dans leur travail, de mieux comprendre les attentes de l’autre, de s’y adapter le cas échéant pour le bien du projet commun. Les connais-sances sur les fonds étudiés se sont considérablement accrues. La Ciné-mathèque a développé de son côté des outils documentaires d’indexation ou de valorisation spécifiquement desti-nés aux chercheurs travaillant sur les fonds. Les chercheurs ont eu accès à des fonds inédits ou non consultables, ce qui est valorisant pour leur travail. Une synthèse des travaux menés en commun sur deux fonds particuliers (celui de la société de production amé-ricaine Triangle et celui du décora-teur de cinéma Serge Pimenoff ) fera l’objet, au printemps 2011, de deux sites internet mettant en évidence une grande quantité d’informations nou-velles et inédites, fruits de ces trois années de collaboration.

Ce type de démarche, qui s’inscrit sur un socle conventionnel, paraît réellement très fructueux, et la Ciné-mathèque souhaite poursuivre dans cette voie, soit dans le cadre de pro-jets multilatéraux comme celui de Cinémarchives, soit dans le cadre de projets bilatéraux entre la Cinéma-thèque française et un laboratoire de recherche particulier. C’est en tra-vaillant sur des projets communs que la qualité de la relation entre cher-cheurs et archivistes augmentera, et corrélativement la quantité et la qua-lité des savoirs produits sur et autour des collections, et donc, au final, sur le cinéma lui-même. •

Novembre 2010

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no 2 Politique(s) et bibliothèques

Institutions essentiellement publiques, les bibliothèques sont de fait des « objets politiques », dont les missions et le fonctionnement sont conditionnés par les instances représentatives de la République. Quels sont ces rapports ? D’où viennent-ils ? Comment évoluent-ils ? Élus et professionnels mêlent leurs témoignages et leurs réflexions.Parution : mars 2011

no 3 Le droit contre les bibliothèques

La facilité avec laquelle peuvent être copiés et diffusés à l’identique les fichiers numériques (textes, images, sons…) a sécrété chez les acteurs de la production des biens culturels une méfiance, voire une panique, qui se sont incarnées dans une offensive juridique tous azimuts de grande ampleur. Ce mouvement aboutit aujourd’hui, parfois involontairement (car les bibliothèques sont les grandes oubliées de ces reconfigurations), à rendre impossibles certains usages licites dans l’univers analogique, menaçant, plus que la révolution numérique elle-même, le rôle et les fonctions traditionnelles des bibliothèques, et au-delà la circulation des savoirs. Jusqu’à la contre-productivité ? Avec quelles menaces pour la création ? Pour les libertés fondamentales ? Sur la base de quelle vision des usages de l’écrit ?Parution : avril 2011

no 4 Archives, bibliothèques, musées : confluences

Archives, bibliothèques, musées, documentation : vers la fusion ? Les collections, leurs descriptions, les lieux, leurs usages, les services, les pratiques, les usagers, les contraintes, tout ou presque semble inviter à une convergence plus ou moins rapide, plus ou moins volontaire, plus ou moins convaincante, de ces mondes hier si spécifiques : vérités et mensonges de cet état réel et supposé des lieux.Parution : juin 2011

no 5 Métamorphoses de la lecture

La question de l’avenir du livre a donné lieu ces dernières années à quantité de rapports centrés sur les métamorphoses pressenties de l’objet ou les évolutions à venir de sa chaîne de production, de distribution, de diffusion. Force est de constater qu’aucune de ces analyses n’a emporté une complète adhésion. Peut-être parce qu’avant d’aborder les questions de support, de format, ou d’économie du livre, il convient de s’interroger sur les métamorphoses de la lecture à l’ère du numérique. En croisant les points de vue de divers professionnels du livre (éditeurs, libraires, bibliothécaires, historiens et sociologues de la lecture), sans oublier bien sûr ceux des lecteurs, on fait ici l’hypothèse que ce sont les usages en marche, ou pressentis, ou simplement possibles du livre qui pourraient le mieux bien dessiner les contours de son avenir (sous réserve).Parution : octobre 2011

no 6 L’avenir des bibliothèques : vues d’ailleurs

Le projet est simple, si sa réalisation peut être complexe : puiser le temps d’un dossier et dans l’actualité le meilleur des revues bibliothéconomiques étrangères. De quoi parlent nos collègues ? Quels sont leurs enjeux, leurs enthousiasmes, leurs craintes, leurs espoirs ? Croient-ils à la disparition prochaine des bibliothèques – ou non ?Parution : décembre 2011

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Les propositions de contributions sont à adresser au rédacteur en chef, à l’adresse suivante : [email protected]

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engagées dans la diffusion des savoirs de l’université :

Comment les bibliothèques uni-versitaires participent-elles à la diffusion des savoirs ? Aux yeux

des utilisateurs, cette participation est certes indiscutable, mais reste can-tonnée au rôle passif de simple lieu d’accès au savoir. Pour faire court, di-sons que leur conception est celle-ci : le chercheur crée le savoir, l’éditeur le diffuse, la bibliothèque le stocke et contribue à le rendre accessible. Son rôle ne se place qu’en fin de proces-sus, et se réduirait à une simple mise à disposition de contenus.

Et pourtant, les bibliothèques universitaires disposent aujourd’hui de tous les atouts pour jouer un rôle majeur en matière de diffusion des sa-voirs. De nombreux facteurs sont réu-nis pour une nouvelle conception de la bibliothèque et une redéfinition de ses missions. La « révolution numérique » est une occasion mer veilleuse donnée aux bibliothécaires de renouveler le métier, de remettre en question et faire évoluer le concept de bibliothèque : pour quel usage ? pour quel public ? La prise de conscience, de la part des chercheurs-producteurs du savoir, du péril que représente la mainmise des éditeurs commerciaux sur la diffusion du fruit de leurs recherches, le déve-loppement consécutif du mouvement pour le libre accès à l’information scientifique sont autant d’opportuni-tés offertes aux bibliothèques univer-sitaires d’occuper une place centrale dans la diffusion des connaissances en assumant un rôle d’éditeur. La création

de services « virtuels » liés à la diffusion des savoirs produits par l’université (archives ouvertes des publications, thèses et cours en ligne) peut être enfin l’occasion de valoriser la bibliothèque « concrète » (la bibliothèque « comme lieu »), d’y implanter de nouvelles acti-vités et d’en faire un véritable espace d’échanges et de rencontres fertili-santes entre tous les acteurs du savoir, contribuant activement à la construc-tion des connaissances. Un learning centre intégral, pourrait-on dire.

Les bibliothèques de l’INPT au cœur du processus pédagogique et de recherche

Valoriser la bibliothèque « comme lieu » par le développement d’une offre de services en ligne peut sembler paradoxal, et pourtant cette expérience est menée de manière volontariste à l’Institut national polytechnique de Toulouse 1. La politique du service

1. L’INPT est une université fédérant sept écoles : École nationale supérieure des arts chimiques et technologiques ; École nationale supérieure d’électricité, électronique, informatique, hydraulique et télécom ; École nationale supérieure d’agronomie de Toulouse ; École nationale d’ingénieurs de Tarbes ; depuis 2009, se sont ajoutées l’École nationale de la météorologie, l’École nationale vétérinaire de Toulouse et l’École d’ingénieurs de Purpan.

Sandrine MalotauxInstitut national polytechnique de [email protected]

Archiviste paléographe, conservateur des bibliothèques, Sandrine Malotaux est directrice du SCD de l’Institut national polytechnique de Toulouse depuis 2008. Elle a entre autres dirigé la médiathèque de l’Institut français de Londres, puis la BU de sciences de l’université Paul Sabatier. Elle a écrit « La place des bibliothèques publiques dans la politique du gouvernement britannique » (BBF, 1999, no 6) et « L’insertion professionnelle, enjeu pour les universités : des perspectives pour les services communs de la documentation » (BBF, 2009, no 2).

L’ExEMPLE DE L’INSTITUT NATIoNAL PoLyTECHNIqUE DE ToULoUSE

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Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université :

commun de la documentation et des bibliothèques (SCD), chargé de piloter l’action documentaire dans sept biblio-thèques dispersées aux quatre coins de l’agglomération toulousaine (et une à Tarbes) est animée d’un double objectif : replacer le SCD et les biblio-thèques au cœur du processus péda-gogique et de recherche, en assurant la diffusion numérique des savoirs produits par l’université ; associer au développement de ces services numé-riques la mise en place systématique d’un service « physique » dans les bibliothèques, généralement lié à l’in-formation, la formation et le soutien technique des auteurs-usagers. Trois éléments sont importants :

• l’action de diffusion n’est pas confiée à un service central, mais dé-concentrée dans chaque bibliothèque ;

• les bibliothèques ne se conten-tent pas de diffuser, elles contribuent en amont à la formation et l’informa-tion des auteurs et assurent un sou-tien technique ;

• la présence de services de proxi-mité chargés de diffuser la production académique, de former et d’informer les auteurs, permet d’amener dans les bibliothèques un public de plus en plus diversifié, donc de leur faire jouer un rôle central dans l’animation des écoles et l’échange des connaissances.

Le développement de l’offre numérique : chance ou fatalité pour les bibliothèques ?

Le SCD de l’INPT a pris dès 2000 le virage électronique, en s’attelant d’abord aux contenus : il développe dans la décennie 2000-2010 une offre documentaire étoffée, portant le nombre d’abonnements scienti-fiques d’environ 300 en 2001 à plus de 5 000 en 2010. Cet élargissement a certes permis de valoriser le rôle du SCD en tant que prestataire incontour-nable pour la recherche, mais qu’en est-il des bibliothèques et de l’offre documentaire pour les étudiants ? Le constat n’est pas très positif : les ensei-gnants-chercheurs ne fréquentent plus les bibliothèques, puisqu’ils ont « tout sur leur PC » et n’ont, croient-ils, plus

rien à y faire ; ils ont donc tendance à penser (et ils le disent) que « bientôt, il n’y aura plus besoin de bibliothèques », et montrent finalement peu d’intérêt pour les questions de documenta-tion de niveau étudiant. La fréquen-tation des bibliothèques par le public recherche (doctorants et enseignants-chercheurs) diminue : ce public repré-sentait à l’INPT 35 % des inscrits en 2001, mais seulement 15 % en 2009. Ce phénomène n’est pas propre à l’INP Toulouse, il a été constaté dans d’autres universités à dominante scien-tifique 2 : la bibliothèque de sciences de l’université Paul Sabatier, par exemple, enregistre une baisse très sensible de son public de niveau recherche, qui passe de 20 % des inscrits en 2003 à 2,5 % en 2008.

La conséquence du développement de l’électronique semble donc être un public rétréci et peu diversifié ; les bibliothèques craignent d’être canton-nées au rôle de salle d’étude pour étu-diants de premier et deuxième cycles. Le peu de mixité de leur public ne leur permet pas de favoriser l’échange et le débat entre enseignants, chercheurs et étudiants, elles ne peuvent s’affir-mer comme lieu de rencontre entre acteurs du savoir. Il devient aussi plus difficile d’associer les enseignants-chercheurs à la politique d’acquisition d’ouvrages de niveau étudiant, car ceux-ci ne fréquentent plus la biblio-thèque et ne connaissent de ses fonds que les collections électroniques pour la recherche. Pa ra doxa le ment, malgré le développement de l’offre électro-nique proposée par le SCD, et malgré la profusion de contenus librement accessibles sur le web, les étudiants, eux, utilisent plus que jamais les bibliothèques : entre 2001 et 2009, le nombre de prêts réalisés dans les bibliothèques de l’INPT a augmenté de 73 % ! Preuve s’il en est que le dé-veloppement du numérique n’est pas incompatible avec le maintien des supports traditionnels, et que le rôle

2. Comprendre « scientifique » au sens de « sciences exactes, médicales et appliquées ». Les universités à dominante sciences humaines et sociales ont aussi une forte activité de recherche, mais leur usage de la documentation n’est pas le même.

des bibliothèques reste fondamental. Reste à le valoriser et l’étoffer.

Fort de ce constat, le SCD, qui depuis 2005 élargit sa gamme de ser-vices numériques à la diffusion de la production scientifique de l’INPT, va les organiser de manière à conduire de nouveaux publics vers les biblio-thèques. Il met en place en 2005 une plateforme de diffusion des thèses, puis en 2008 une archive ouverte des publications. Depuis 2009, la gestion de ces services est organisée de ma-nière à créer dans chaque bibliothèque un véritable service de proximité pour chercheurs et doctorants.

La diffusion d’une archive ouverte par le SCD : offrir un produit sur mesure à ses chercheurs

En 2004, le SCD convainc l’INPT que la diffusion électronique des thèses permettra d’accélérer et de dé-multiplier l’accès à cette information. À partir de 2005, les thèses sont dépo-sées sous forme numérique et diffu-sées grâce à une plateforme conçue et maintenue par le SCD, en partenariat avec la Direction des systèmes d’infor-mation (DSI). La mise en ligne répond à un cahier des charges précis, destiné à favoriser la consultation des thèses dans toutes les parties du monde, y compris les moins bien équipées (donc réduire le poids des fichiers), et à permettre une navigabilité et une cherchabilité optimales : les biblio-thécaires sont amenés à remodeler les fichiers déposés par les doctorants et réaliser un long travail de balisage, afin d’en permettre l’accès le plus large possible. Le SCD a des exigences importantes en matière de qualité : le temps de travail consacré à la reprise des fichiers est généralement de deux à six heures par thèse. La plateforme assure fin 2010 la diffusion de plus de 700 thèses. Avec un résultat fin 2005 de près de 11 000 téléchargements dans l’année pour moins d’une cen-taine de thèses, les chercheurs sont convaincus qu’ils gagnent beaucoup à confier au SCD la diffusion de leur production.

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En 2008, l’INPT, l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) et l’Institut des sciences aéronautiques et de l’espace (ISAE), bientôt rejoints par l’École nationale de formation agrono-mique (ENFA), lancent leur archive ouverte commune OATAO 3. OATAO assure la diffusion des publications de recherche (articles, conférences, brevets) dans le cadre du libre accès à l’information scientifique, et contribue ainsi à valoriser l’activité des établisse-ments, dont elle devient en quelque sorte la « vitrine scientifique ». Actuelle-ment, l’entrepôt assure le libre accès à quelque 3 300 publications. Soulignons ici aussi le rôle fondamental de la DSI de l’INPT dans la mise en place d’un tel service : une collaboration harmo-nieuse DSI-SCD reste un préalable in-dispensable pour mener à bien de tels projets.

3. http://oatao.univ-toulouse.fr

On pourrait se demander quel be-soin ont eu ces établissements de déve-lopper une archive institutionnelle, au lieu d’utiliser directement les services de l’archive nationale HAL 4 : les deux approches ne sont pas inconciliables. L’intérêt que présente une archive ins-titutionnelle est bien d’être dévelop-pée localement, d’être conçue à par-tir des besoins des chercheurs et des établissements, d’être un produit sur mesure. Dès sa genèse, les chercheurs ont été associés au projet, ce qui favo-rise éminemment leur appropriation de l’outil. Le mouvement des archives ouvertes se fonde sur le principe du dépôt par les chercheurs, autrement dit de l’auto-archivage de leurs publi-cations dans l’entrepôt géré par leur institution 5 : si les chercheurs ne sont

4. http://hal.archives-ouvertes.fr

5. Rappelons le rôle éminent joué par Stevan Harnad, dès les années 1990, pour

pas satisfaits de l’outil, si celui-ci ne prend pas en compte leurs contraintes et leurs besoins, ils ne déposeront pas volontiers. La nécessité d’un entre-pôt national comme HAL n’est plus à prouver, et HAL propose des services performants. Mais HAL reste un outil national, il ne peut ni ne doit s’adapter au gré des demandes parfois incompa-tibles de telle ou telle institution, de tel ou tel groupe de chercheurs : son rôle est avant tout d’assurer un accès et une visibilité internationaux à la produc-tion nationale. Dans certains cas, et pour certaines communautés scienti-fiques, HAL correspond aux besoins : la communauté des physiciens, qui a une habitude ancienne des archives ouvertes, dépose sans difficulté dans

promouvoir l’auto-archivage. Cf. Stevan Harnad, « The Self-archiving initiative, freeing the refereed research literature online », Nature, 410, p. 1024-1025, 2001. http://cogprints.org/1642/1/nature4.htm

Figure 1 Un article déposé dans oATAo est référencé par des moissonneurs internationaux (DRIVER, oAIster) ou thématiques (AVANo en sciences de la mer), transféré vers HAL et de là vers des entrepôts thématiques internationaux, référencé par des moteurs de recherche spécialisés (Academic Search, Google Scholar, Vetseek en sciences vétérinaires)

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Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université :

HAL, mais ce n’est pas le cas dans d’autres disciplines, encore sous-repré-sentées 6. Le taux de couverture de l’ar-chive nationale reste faible : 10 % de la production scientifique française selon l’estimation la plus récente 7. L’un des moyens d’améliorer ce taux de couver-ture est la mise en place dans les ins-titutions d’une archive ouverte person-nalisée, adaptée aux besoins locaux, capable d’une prestation de services plus large et « à façon ».

L’autre intérêt pour l’institution est de garder la maîtrise de sa politique de diffusion : l’archive ouverte insti-tutionnelle est interopérable, mois-sonnable à volonté et indexée par les moteurs de recherche ; elle doit être aussi capable d’alimenter HAL. L’ar-chive institutionnelle assure certes la visibilité directe de la production de l’institution, elle joue également le rôle d’outil documentaire « indirect », procédant par redistribution : elle alimente les entrepôts thématiques, nationaux et internationaux, plus à même de jouer un véritable rôle d’ou-til transversal de recherche documen-taire (figure 1). Le rôle d’une archive institutionnelle est bien de recueillir (et pour cela, il faut être convaincant) pour redistribuer. L’archive ouverte institutionnelle est un outil incitatif qui permet une meilleure appropria-tion par les chercheurs, et un taux de couverture bien supérieur à celui d’un « méta-outil » plus lointain. Une fois les documents rassemblés, il procède au transfert vers HAL et contribue à l’amélioration du taux de couverture national. Ce dernier point est impor-tant : même équipée de sa propre archive ouverte, l’institution garde le souci de l’intérêt commun et se préoc-cupe tout autant de la qualité de l’ar-chive nationale. Elle s’est dotée d’un moyen efficace d’y contribuer. On a cru bon un temps d’opposer en France archives institutionnelles et archive

6. Cf. Hélène Bosc, L’auto-archivage en France : deux exemples de politique différente et leur résultat, 2008. http://cogprints.org/6284

7. Cf. Joachim Schöpfel et Hélène Prost, Développement et usage des archives ouvertes en France – 1re partie, 2010. http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/49/73/89/PDF/DUAO_partiei.pdf

nationale : cette opposition est infon-dée, nous le voyons bien.

OATAO propose une gamme im-portante de services : statistiques de téléchargements personnalisées, qui permettent au chercheur de mesurer l’usage de ses articles, nombre de cita-tions recensées par le Web of Science (figure 2), mise à jour automatique des curriculum vitæ des chercheurs. Elle fait l’objet d’une communication interne soutenue. Le résultat est là : le taux de couverture (nombre d’articles déposés/nombre d’articles publiés) at-teint presque 50 % en 2010. L’archive ouverte OATAO est à 100 % un outil de diffusion du savoir, sa vocation est d’assurer l’accès au document : pas de référence qui ne soit accompagnée du texte intégral. Et dans les cas où la mise en ligne de l’article n’est pas autorisée par l’éditeur, un bouton inti-tulé « request for copy » apparaît bien visible dans la référence : il permet de contacter directement l’auteur pour se procurer un tiré à part. Fonctionnalité fondamentale, qui permet à l’archive ouverte de créer des échanges entre les chercheurs et d’être un véritable outil de communication scientifique (figure 3 en page suivante).

L’expertise du SCD au centre de l’activité de recherche : le retour des chercheurs en bibliothèque

Cette réalisation permet de placer le SCD au cœur de l’activité de re-cherche de l’institution : son action ne se limite plus à donner accès à l’infor-

mation produite ailleurs, mais aussi à diffuser et garantir le libre accès à la production locale. Les chercheurs sont convaincus lorsqu’ils voient la version libre de leur article bien visible sur Google Scholar, lorsqu’ils suivent, éba-his, la courbe des téléchargements de leur article dans les vingt-quatre der-niers mois, ou lorsqu’ils constatent, flattés, le succès de leur article aux États-Unis ou en Chine (figures 4 et 5 en page suivante). Et le savoir-faire documentaire de l’établissement se trouve ainsi singulièrement valorisé, en interne comme à l’extérieur.

La gestion de l’archive est entière-ment assurée par le service commun de la documentation et des biblio-thèques : maintenance et évolution de la plateforme, formation des cher-cheurs, mise en ligne des documents déposés et saisie des métadonnées 8. Cette dernière tâche est fondamentale et impose la médiation des profes-sionnels de l’information : diffuser le savoir n’est pas se contenter de mettre en ligne un document, c’est aussi mul-tiplier les accès par un référencement rigoureux, donc un jeu de métadon-nées riche et contrôlé.

8. N’ayant pas le loisir de développer ici l’aspect collaboratif de OATAO et tout l’intérêt que présente une archive mutualisée locale, nous renvoyons à diverses communications consultables en ligne : – Jean-Marie Le Bechec, « OATAO : genèse, évolution », Journée d’étude ADBS, Toulouse, novembre 2010. www.slideshare.net/sandrinemalotaux/toulouse-adbs-2010-bis – Sandrine Malotaux, « OATAO, archive ouverte multi-établissements », Journées Abes 2010, Montpellier, mai 2010. www.abes.fr/abes/page,395,journees-abes.html

Figure 2 Insertion du nombre de citations recensées dans le Web of Science

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Outre les exigences qualitatives évoquées concernant les thèses et les archives ouvertes, l’originalité de ces services tient à leur organisation qui, depuis 2009, n’est plus centralisée mais déconcentrée : le traitement des documents et l’information des cher-cheurs relèvent d’une ou deux per-sonnes dans chaque bibliothèque, de manière à répartir les compétences au plus près des utilisateurs. La biblio-thèque d’école devient pour les uni-tés de recherche l’intermédiaire qui assure la diffusion et la valorisation de leurs publications, l’interlocuteur privilégié, qu’il s’agisse d’aide tech-nique pour la rédaction (utilisation d’applications type LaTeX par exemple, problèmes posés par des images volu-mineuses, etc.) ou de questions plus générales liées à l’information scienti-fique et technique, son évaluation, sa diffusion, ainsi qu’au droit des auteurs et des éditeurs – le développement du libre accès remet en effet cette dernière question au centre des pré-occupations des auteurs. Cette orga-nisation exige un important travail de coordination et n’est certes pas la plus économique en temps. Pourtant, son impact sur l’image des bibliothèques est réel : les chercheurs y reviennent pour y trouver une information pro-fessionnelle. Le SCD et ses biblio-thèques ne sont plus de simples four-nisseurs au service des chercheurs, mais commencent à jouer un rôle actif dans la diffusion des résultats de la recherche. Leur rôle de médiateur devient incontournable, et va bientôt s’étendre.

Pari réussi : un, le SCD assume maintenant le rôle éminent de diffu-seur de la production de l’établisse-ment ; deux, l’organisation déconcen-trée des activités liées aux thèses et aux archives ouvertes permet de créer dans les bibliothèques un véritable service de renseignements pour toute question relative à l’information scien-tifique et technique, physiquement identifié dans chaque bibliothèque. Ce service est compétent en matière de droit d’auteur, bibliométrie et éva-luation, archives ouvertes en général, il forme les doctorants à la recherche documentaire ou à l’utilisation de cer-tains logiciels nécessaires à la rédac-tion de leur thèse. Sa mise en place

Figure 5 Provenance géographique des téléchargements

Figure 3 Fonctionnalité Request a copy

Figure 4 Service proposé aux chercheurs : courbe des téléchargements réalisés pour chaque article

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Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université :

s’accompagne d’un effort de formation important des personnels concernés, qui voient ainsi leurs missions consi-dérablement évoluer et être ample-ment valorisées. Finalement, nous réinventons un « service de référence » nouvelle formule, qui, au-delà de la simple information bibliographique, répond à des questions plus larges et plus « sensibles » sur la publication scientifique et les droits afférents. Ser-vice militant également, chargé de pro-mouvoir le libre accès à l’information scientifique auprès des chercheurs.

Diffusion des ressources pédagogiques aux étudiants : où en est le SCD ?

Les bibliothèques offrent leur expertise en matière de diffusion de l’information scientifique et les cher-cheurs en retrouvent le chemin, mais qu’en est-il de la documentation de ni-veau étudiant ? Quelle place pour une offre numérique ? Quels services ?

Hormis quelques ouvrages de référence incontournables, l’offre électronique de niveau étudiant à l’INPT reste encore limitée. Car, en ce domaine, le développement d’une offre documentaire électronique ne peut se faire qu’en liaison étroite avec le développement du e-learning, com-prenons des cours en ligne. Les biblio-thécaires le savent bien : les ouvrages qui sortent le plus sont ceux qui sont recommandés par les enseignants. Il en est de même pour l’électronique : un manuel électronique ne connaîtra un véritable usage que s’il est relié, voire intégré à un cours en ligne. Avant de développer une offre de ma-nuels électroniques, les bibliothèques doivent s’emparer de la question des ressources pédagogiques, et ils ont matière à intervenir :

• pour référencer les ressources, contrôler, enrichir les métadonnées, par exemple ajouter une indexation Dewey ;

• pour vérifier, mettre à jour, éventuellement suggérer la bibliogra-phie ;

• pour gérer l’entrepôt de res-sources pédagogiques, tout comme

ils gèrent déjà les publications scienti-fiques ;

• pour recenser les ressources pé-dagogiques librement accessibles via internet ;

• pour former les étudiants à l’usage de ces ressources ;

• pour participer à la formation des enseignants à la production de supports pédagogiques numériques.

Les ressources pédagogiques sont des documents comme les autres, les bibliothécaires ont vocation à les gérer et en assurer la diffusion. Ils intègrent ainsi les bibliothèques au processus pédagogique et créent de nouveaux liens avec les enseignants. S’inspirant des réalisations observées dans les bibliothèques de l’université polytechnique de Catalogne 9, le SCD de l’INPT vient de suggérer la créa-tion d’un service d’accompagnement de l’usage et de la production des res-sources pédagogiques : diffusion (ges-tion de l’entrepôt numérique, gestion des métadonnées), enrichissement (mise à jour des bibliographies en lien avec les acquisitions, notamment les ouvrages électroniques), mise à disposition d’espaces dédiés à la for-mation et à l’accompagnement des enseignants, proposant matériels, logiciels et personnels compétents, en partenariat avec les services Tice 10. Ces propositions ont suscité l’intérêt de la direction de l’INPT, qui souhaite faire des bibliothèques le centre du nouveau dispositif d’innovation péda-gogique : accompagnement à l’usage des Tice, « coaching » en langues étrangères pour permettre les ensei-gnements en anglais, accueil des ate-liers d’innovation pédagogique pour la formation continue des enseignants, fonds documentaires spécialisés, toutes actions menées en lien étroit avec la Direction de l’innovation péda-gogique dont la création est prévue à court terme.

9. Cf. la présentation du service des « Factoria », ou « ateliers des ressources pédagogiques », sur le site web de l’UPC : www.upc.edu/factoria/el-servei

10. Tice : Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement. Les services Tice sont, dans les universités, chargés de développer l’usage du numérique pour la pédagogie.

Pari tenu : les bibliothèques au cœur du processus de valorisation et de production des savoirs

Rôle central en matière de dif-fusion de la production scientifique et pédagogique de l’établissement ; contribution majeure à la formation des chercheurs concernant l’informa-tion scientifique et technique dans tous ses aspects ; rôle central dans la formation des enseignants et contri-bution essentielle à la mise en place d’une pédagogie rénovée ou pédago-gie active : les bibliothèques sont au cœur des préoccupations de l’établis-sement. Elles deviennent de véritables learning centres, outils d’auto-appren-tissage au service de l’ensemble de la communauté académique, espace commun aux enseignants, chercheurs et étudiants. Elles s’ouvrent enfin aux entreprises à qui elles proposeront de nouveaux services : formation à la recherche d’information, organisation de séances de présentation de pro-duits innovants ou de logiciels libres. Les learning centres deviennent un lieu pivot au sein des écoles d’ingé-nieurs de l’INPT, leur gamme de ser-vices diversifiée permet d’y faire se croiser chercheurs et entrepreneurs, enseignants et étudiants, étudiants et employeurs potentiels, créant ainsi les conditions nécessaires à l’échange et la confrontation des connaissances et participant à la construction d’un savoir vivant. •

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èque Le Graal à la BnF ou

« La Légende du roi Arthur » :

Donner à voir une partie d’une immense collection de manus-crits prestigieux, les mettre à

la disposition de tous par des accom-pagnements spécifiques, faire en sorte que l’événement traduise le dernier état du savoir sur une question, telles étaient quelques-unes des ambitions de l’exposition « La légende du roi Arthur », qui a ouvert ses portes sur le site François-Mitterrand de la Bi-bliothèque nationale de France à l’au-tomne 2009.

Parmi les écueils possibles, étaient identifiés : le caractère très abondant de cette collection, un sujet connu de tous qui prête à rêver – avec des risques de déconvenue –, le fragile équilibre à maintenir entre le souci d’être acces-sible et la tenue scientifique du propos, la complexité de l’histoire de ces textes mythiques. Une fois précisés quelques éléments de contexte, nous revien-drons sur certains choix proposés par le commissaire de l’exposition, Thierry Delcourt, directeur du département des Manuscrits de la BnF, et l’équipe projet du service des expositions de la BnF pour faire vivre à tous « une aventure enchanteresse ».

Une exposition qui s’inscrit dans un partenariat entre trois bibliothèques

À tout seigneur tout honneur, l’idée d’une exposition sur le mythe issu de la « matière de Bretagne » est née à Rennes. Sarah Toulouse, conser-vatrice à la bibliothèque Rennes-Mé-tropole, en a été l’instigatrice en pro-posant un partenariat à la BnF. En effet, le grand projet d’exposition inau-gurale des Champs libres 1, nouvel établissement culturel, portait sur le roi Arthur et coïncidait en 2008 avec le 22e Colloque de la Société interna-tionale arthurienne. La BnF, pour ses collections, et Thierry Delcourt, au titre de son expertise, furent sollicités.

Bientôt, naquit l’idée d’un cycle d’expositions bien différenciées dans leurs propos, mais qui permettraient de mutualiser à la fois les savoirs, les

1. Consultable sur le site : www.leschampslibres.fr/11821574/0/fiche___pagelibre/

Anne-Hélène RigogneBibliothèque nationale de [email protected]

Anne-Hélène Rigogne, conservateur en chef, est adjointe au chef du service des expositions de la BnF. Elle a coordonné une vingtaine de grandes expositions patrimoniales telles « Brouillons d’écrivains » ou « L’Enfer de la Bibliothèque ».

UNE ExPoSITIoN éRUDITE ACCESSIBLE à ToUS

« À cause des nobles barons qu’il avaitEt dont chacun pensait être le meilleur,(Chacun se considérait au mieuxEt aucun ne connaissait de pire)Arthur établit la Table RondeDont les Bretons disent mainte fable.Les vassaux siégeaient làTous en qualité de chevalier et à égalité.Ils étaient assis à la table égalementEt également étaient servis. »

(Wace, Le roman de Brut)

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Le Graal à la BnF ou « La légende du roi Arthur » :

collections, les expériences en action culturelle, et de donner par là même un écho plus important à chacune d’entre elles.

L’exposition « Le roi Arthur, une légende en devenir 2 », qui eut lieu à Rennes du 15 juillet 2008 au 4 jan-vier 2009, avait comme objectif de revenir sur la figure du roi Arthur et d’explorer les croisements entre les sources anciennes et les adaptations tardives du mythe, essentiellement au xixe siècle et aujourd’hui. Première réalisation conjointe entre les occu-pants des Champs libres, le musée de Bretagne, l’espace des sciences et la bi-bliothèque de Rennes-Métropole, elle comportait également une importante thématique autour de la forêt, en réfé-rence à la proche forêt de Brocéliande, donnant ainsi une empreinte régio-nale au propos.

L’exposition de la BnF 3, elle, fut rapidement définie comme devant donner la primauté aux textes et aux manuscrits qui ont alimenté ce mythe littéraire fécond, et privilégier l’époque médiévale.

Enfin, celle qui ouvrira ses portes à la médiathèque du Grand Troyes 4, en mars 2011, reviendra sur les sources de la légende arthurienne, mais en la recentrant sur l’œuvre de Chrétien de Troyes.

Une convention de partenariat a été signée entre la BnF, les Champs libres et la médiathèque de l’agglo-mération troyenne, et, pour partie, la bibliothèque du musée Condé à Chantilly. Ce partenariat au long cours a permis une synergie entre les trois projets qui ont pu compter sur une concertation entre spécialistes, une harmonisation des choix édito-riaux pour les catalogues, une mise en commun des documents numé-risés, un échange de prêts des docu-ments originaux, et des éléments scé-nographiques et d’accompagnement comme les sélections audiovisuelles

2. Ibid.

3. Dossier de presse de l’exposition consultable en ligne : www.bnf.fr/documents/dp_arthur.pdf

4. Programme des expositions de la médiathèque consultable en ligne : www.mediatheque.grand-troyes.fr/webmat/category/tags/exposition

et sonores. Point fort de cette colla-boration, un site web commun sur la légende arthurienne 5 a été conçu dès l’ouverture de l’exposition de Rennes par le service multimédia de la BnF et s’est enrichi au fil des avancées de chaque projet. Plus symboliquement, une épée monumentale fichée dans un bloc de granit est devenue l’élé-ment commun aux trois expositions, ce qui n’était pas prévu au départ dans la convention !

L’exposition de la BnF

Dans les choix de programma-tion des expositions de la BnF, « La Légende du roi Arthur » a bénéficié de la typologie « grande exposition », ce qui signifie des moyens consé-quents, mais également des attentes en termes de fréquentation.

5. http://expositions.bnf.fr/arthur/index.htm

L’exposition a eu lieu du 20 oc-tobre 2009 au 24 janvier 2010 dans la grande galerie du site François-Mit-terrand de la Bibliothèque nationale de France.

Thierry Delcourt, médiéviste et spécialiste de la littérature arthu-rienne, a été le commissaire de cette exposition ambitieuse et le directeur du catalogue, ouvrage de référence publié à l’occasion de l’exposition. En tant que chargées de projet au sein du service des expositions de la BnF, Anne Manouvrier et moi-même avons successivement assumé la production de l’exposition et coordonné sa réalisa-tion. La scénographie, quant à elle, a été confiée à l’agence MAW, et son gra-phisme à l’agence CL Design.

L’exposition revenait sur ce mythe d’hier qui perdure jusqu’à nos jours : présenté comme une véritable figure historique par Geoffroy de Monmouth au début du xiie siècle, mis en roman par Chrétien de Troyes, et sujet de grandes sommes romanesques en prose comme le Lancelot-Graal et le

© BnF – photographe Pascal Lafay

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Tristan en prose, objet de nombreuses adaptations cinématographiques, le roi Arthur n’a cessé de faire rêver.

La première partie de l’exposition interrogeait l’histoire des textes pour traiter de l’historicité du roi Arthur, de la légende et de sa fortune littéraire. Ensuite, ont été largement abordés les grands thèmes arthuriens, comme la chevalerie, l’amour courtois, les grands personnages de cette légende tels Arthur, Merlin, Tristan… Pour finir, l’exposition s’est attachée à pré-senter la réception du mythe, que ce soit dans l’Europe médiévale, à la Re-naissance, ou plus tardivement.

Le visiteur était tout d’abord ac-cueilli par une projection d’extraits de films bien connus, de Merlin l’en-chanteur à Kamelott, pour entrer en-suite dans une forêt bleutée, peuplée d’arbres et de figures arthuriennes, et suivre un sentier sinueux qui l’invitait à passer de clairières en clairières. La forêt était faite de voilages et de ban-nières textiles, servant de simple cloi-sonnement, de supports de texte, ou encore de décors réalisés avec des pho-tographies de forêt ou des détails d’en-luminures. Le cheminement, sur une moquette vert pré, était tracé au sol et permettait d’aller de vitrine en vitrine,

celles-ci étant quelquefois assemblées en « tables rondes ». En revanche, dans la dernière partie de l’exposition, qui était consacrée à la diffusion de la légende arthurienne dans les biblio-thèques princières, l’alignement des vitrines était volontairement plus sage, comme dans un scriptorium. Enfin, le parcours de l’exposition s’achevait sur un espace vide faisant fonction de sas, où seule trônait l’épée du roi Arthur fichée sur son rocher, avant de pro-poser un retour à notre époque avec un salon de lecture et de consultation multimédia où le visiteur pouvait trou-ver des preuves de la persistance du mythe dans la production éditoriale actuelle.

Un parti pris fort, une exposition de manuscrits

L’exposition de la BnF devait s’ins-crire dans la suite de celle de Rennes, être en cohérence avec celle-ci et ap-porter sa contribution particulière.

La richesse de la collection de ma-nuscrits arthuriens de la BnF, unique au monde, a permis d’accentuer l’orien-tation retenue par Thierry Delcourt : donner à voir ces trésors patrimoniaux

au public en sélectionnant des manus-crits richement illustrés.

Sur les 140 pièces présentées, les deux tiers étaient des manuscrits, et parmi ces derniers – soit 90 pièces –, 77 étaient issus des fonds de la BnF.

La primeur a donc été donnée aux collections de la bibliothèque, ainsi mises en valeur.

Des emprunts, soit 34 pièces, ont toutefois été faits à des établissements prestigieux tels le Musée du Moyen Âge ou celui du Louvre. L’emprunt de remarquables objets de collection auprès de ces institutions a permis de montrer combien le mythe arthurien irriguait la société entière, et donné l’occasion de retrouver les héros de la légende sur des coffres en ivoire, dans les thèmes de tapisserie, sur certaines peintures murales, etc. Enfin, certains manuscrits, complémentaires aux collections de la BnF d’un point de vue scientifique, ont été empruntés à cette occasion. Des manuscrits issus de collections princières mais séparés par l’histoire se sont alors retrouvés réunis dans les vitrines de l’exposition pour le bonheur des spécialistes. La démonstration de la dernière partie de l’exposition, consacrée à la fortune littéraire du Lancelot-Graal en Italie

© BnF – photographe Pascal Lafay

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Le Graal à la BnF ou « La légende du roi Arthur » :

au xve siècle, et plus largement en Europe, s’est appuyée, elle, sur des emprunts faits à l’étranger.

Quant au choix de l’écrit comme matière première de l’exposition, il correspondait à la volonté de mieux faire connaître auprès du public les sources de ce mythe littéraire, qui se tient à la limite de l’histoire, et de faire la part belle aux multiples décli-naisons qui s’y entrecroisent, suivant en l’espèce les innombrables versions manuscrites ou imprimées, en vers et en prose de la légende – dont certains pensaient encore, avant de visiter l’ex-position, qu’elle était vraie…

Le choix de la référence, de l’illustration et de la narration

Le risque de décourager les non-spécialistes, en réalisant une expo-sition essentiellement composée de nombreux manuscrits, même riche-ment illustrés, était grand. C’est pour-quoi un certain nombre de dispositifs ont été déployés pour éveiller les sens et favoriser les conditions de décou-verte d’ouvrages remarquables pour leur qualité, mais dont les codes de lecture demeurent complexes pour l’œil contemporain et non initié.

Entre autres stratégies de média-tion du mythe, la projection de courts extraits de films, dès l’entrée de l’expo-sition, avait pour objectif de montrer

missaire de l’exposition, Thierry Del-court, pour une trentaine de pièces, ont été mis à disposition gratuitement pour accompagner la visite. Prévues en complément de dispositifs d’acces-sibilité pour les déficients visuels, les explications y étaient volontairement descriptives. Un livret « parcours en-fant » et des fiches cartonnées à desti-nation du jeune public, et de ceux qui se sentent toujours jeunes ou curieux, proposaient, eux, des précisions sur ce que sont le Graal, les rites de la cheva-lerie, etc.

Toucher le sensible

Le visiteur ne pouvait qu’être im-médiatement touché par la beauté des enluminures, en particulier celles des manuscrits destinés aux bibliothèques princières.

Amour, aventure et merveilleux sont les ingrédients du roman arthu-rien. La puissance de l’imaginaire dé-veloppé dans les manuscrits se devait d’être amplifiée par la mise en espace. En effet, le parcours scénographique de l’exposition, tout en sensibilité et subtilité, se vivait comme un che-min sinueux avec des surprises, des espaces différenciés, parcouru dans une ambiance légère et mystérieuse. Y contribuaient les effets d’agrandis-sement des personnages et l’éclairage, qui ont permis de réintroduire le mer-veilleux dans la scénographie, là où la traduction du roman dans les manus-crits médiévaux reste généralement assez prosaïque. En effet, ainsi que le fit souvent remarquer Thierry Del-court dans ses visites de l’exposition à propos des fées, elles n’ont jamais d’attribut particulier et ressemblent à de simples gentes dames.

Y contribuaient également les quelques objets présentés, tous beaux et précieux, coffres et valves de mi-roirs en ivoire, et une copie de chau-dron celtique, peut-être un ancêtre du Graal. Ou encore, une vidéo de Bill Viola tout à fait contemporaine, Beco-ming light, inspirée de Tristan et Iseult, qui plongeait le visiteur dans une rêve-rie aquatique hors du temps.

La force d’évocation du son a éga-lement été utilisée avec la mise en place d’îlots pour écouter des extraits

au visiteur combien la légende arthu-rienne fait déjà partie de sa culture. Les images d’Excalibur et les facéties du Monty Python Sacré Graal ont ainsi ravivé les couleurs des héros de la légende, tels Merlin, Arthur, Lancelot ou Guenièvre, et contribué à stimuler l’imaginaire des visiteurs.

Autre artifice déployé à l’ouverture de l’exposition, le choix de bannières illustrées par des enluminures pour résumer les grands épisodes de la version la plus célèbre de la légende, le grand cycle du Lancelot-Graal. D’autres bannières, également placées en début de parcours, présentaient une chronologie des textes, la généalo-gie arthurienne et une carte des lieux évoqués dans l’exposition.

D’autre part, pour mettre en avant les figures de la légende, et permettre au visiteur de les aborder comme une galerie de figures familières, Arthur, Guenièvre, Gauvain, Lancelot, Viviane, Perceval, apparaissaient à la fois en vignette dans les manuscrits et en agrandissement sur les bannières. À cet effet, le graphisme, à la fois poé-tique et ludique, a privilégié le va-et-vient entre agrandissement d’images et petite vignette enluminée, qui de-mande plus d’attention visuelle. En ce qui concerne les cartels, aux conte-nus détaillés et nourris des savantes notices du catalogue, ils ont été sys-tématiquement introduits par une ligne précisant ce qui était à observer ou à savoir. Enfin, des audioguides, proposant les commentaires du com-

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contés de la légende arthurienne ou des passages musicaux éclectiques al-lant de Parsifal de Wagner à Avalon de Roxy Music… Un manuscrit de Chré-tien de Troyes était même lu en ancien français avec les intonations picardes, wallonnes et normandes de l’époque.

Enfin, le toucher a été non seu-lement permis mais également en-couragé tout au long de l’exposition avec l’introduction d’objets factices, tels différents modèles de coupe du Graal ou l’épée monumentale à ne pas confondre avec celle d’Excalibur, et même des planches tactiles repro-duisant certains objets sous vitrine à destination des déficients visuels. De même, la possibilité de toucher et de feuilleter l’abondante produc-tion éditoriale inspirée par la légende était possible dans le salon de lecture. On pouvait alors rêver au détour des pages de bandes dessinées, des ro-mans et même feuille ter, sur écran, quelques manuscrits numérisés.

Pour prolonger la rêverie, chaque week-end, le conteur Philippe Imbert a été, pour le bonheur de tous, un pas-seur d’imaginaire.

Un roi connu de tous ?

L’exposition a permis de montrer un véritable inédit, une des plus an-ciennes représentations du roi Arthur dans un manuscrit de Geoffroy de Monmouth du xiie siècle. Ce dessin inconnu de tous, découvert par Fran-çois Avril, conservateur au départe-ment des Manuscrits, était présenté en majesté dans une des vitrines. C’est ce dessin qui figure sur la ban-nière qui ouvrait l’exposition, don-nant ainsi un visage emblématique à ce roi dont Thierry Delcourt rappelait quelques mètres plus loin dans le par-cours qu’il n’a jamais existé…

Environ 33 000 visiteurs, dont 20 % de scolaires, ont vu les manus-crits de l’exposition « La Légende du roi Arthur » à la BnF et ont sans doute, par le biais de ce sujet pas-sionnant, mieux appréhendé la richesse des trésors patrimoniaux que conserve notre institution. Le catalogue BnF/Seuil, qui constitue un ouvrage de référence sur le sujet, a eu des chiffres de vente très satisfaisants,

de même l’album dit « grand public » publié à l’occasion de l’exposition. L’exposition virtuelle est toujours à la disposition de tous et comporte un important volet pédagogique. L’accès aux sources a été facilité : en effet, l’accent ainsi mis sur le roi Arthur a suscité la mise en ligne d’importants manuscrits arthuriens de la BnF sur Gallica. La synergie du partenariat élaboré autour du « cycle arthurien » et des trois expositions qui lui sont consacrées, accompagnées de publi-cations et de conférences, a été béné-fique pour la diffusion des origines

du mythe et de son rôle dans la littéra-ture et l’art auprès du public.

La meilleure critique de l’exposi-tion revient à Alain Nicolas, journa-liste littéraire à L’Humanité : « Ama-teurs de parchemins ou cinéphiles, érudits ou rêveurs, tous seront séduits par cette exposition qui prouve, s’il était be-soin, que le savant peut se conjuguer avec le populaire 6. » •

Décembre 2010

6. L’Humanité, 10 décembre 2009.

Compilation arthurienne de Micheau Gonnot. Centre de la France entre 1466 et 1470. BnF, Manuscrits français 112.

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De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalification profonde et mutations subtiles

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De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 :

Si elle s’intéresse aux constructions nouvelles et aux rénovations de biblio-thèques anciennes, la documentation professionnelle ignore souvent les chantiers de requalification, opérations moins prestigieuses qui visent à

corriger des défauts structurels ou à simplement améliorer un équipement im-parfait.

Ces chantiers ne manquent pourtant pas d’intérêt, comme en témoigne l’exemple singulier de la bibliothèque Mériadeck, tête du réseau municipal de lecture publique à Bordeaux, qui est aujourd’hui engagée dans des travaux d’en-vergure ; pourquoi, vingt ans après son ouverture, faut-il requalifier Mériadeck ? Les transformations effectuées et programmées suffisent-elles à adapter la biblio-thèque centrale aux rapides évolutions qui s’observent aujourd’hui en matière d’offre documentaire comme d’usages et de besoins socioculturels ?

Projet ambitieux mais inabouti, Mériadeck a rapidement montré des limites qui ont conduit à requalifier son bâtiment gigantesque, une modernisation archi-tecturale accompagnée et amplifiée par toute une dynamique de changements internes.

Les enjeux et les contraintes d’un projet ambitieux : construire une vaste médiathèque

Tenant compte des rapports convergents de bibliothécaires successifs, le maire Jacques Chaban-Delmas prend la décision à l’été 1980 d’installer la biblio-thèque centrale du réseau bordelais dans le nouveau quartier Mériadeck. Siège de la bibliothèque depuis 1891, le couvent des Dominicains de la rue Mably était bien trop exigu pour tout à la fois conserver les collections, offrir au personnel des conditions de travail satisfaisantes et accueillir correctement le public ; en-core moins ce bâtiment construit au début du xviiie siècle pouvait-il permettre le développement de la lecture publique (par opposition aux missions d’étude et de recherche) à travers une offre de lecture diversifiée et évolutive.

À l’époque, le projet de construction est considérable du fait de la superficie envisagée, environ 25 000 m² ; seule la bibliothèque municipale de la Part-Dieu, ouverte huit ans plus tôt à Lyon, est plus grande. Il s’agit de créer un équipement qui puisse répondre aux besoins pendant plusieurs dizaines d’années en rem-plissant une double fonction : d’une part, conserver et communiquer l’un des patrimoines les plus considérables du pays, d’autre part, offrir aux Bordelais – et, au-delà, aux habitants de l’agglomération, voire de la région – une documenta-tion contemporaine sur des supports divers. L’objectif de Pierre Botineau 1 et de son équipe est donc bien de fonder une « véritable médiathèque [qui], outre celles

1. Pierre Botineau a été directeur de la bibliothèque municipale de Bordeaux de 1980 à 2002.

Marie-Claude Julié[email protected]

Conservateur général, Marie-Claude Julié a entre autres dirigé la bibliothèque départementale du Lot-et-Garonne de 1991 à 2002, puis la bibliothèque municipale classée de Bordeaux de 2003 à 2010.

REqUALIFICATIoN PRoFoNDE ET MUTATIoNS SUBTILES

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De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 :

nicipale centrale aujourd’hui, encore moins ce qu’elle sera de-main » 8. Conscient que la notion de bibliothèque de lecture publique est « évolutive [à cause de] l’irruption de l’audiovisuel et du développement accéléré de l’informatique, il demande aux architectes de donner au bâtiment une adaptabilité et une flexi-bilité maximales 9 ». En juin 1991, au terme d’un long chan-tier, le public bordelais découvre les vastes et lumineux espaces de la bibliothèque Mériadeck, étonnant polygone de verre et de béton.

Un bilan mitigé dix ans après l’ouverture

Au début des années 2000, les deux directeurs succes-sifs dressent un premier bilan qui fait apparaître des résul-tats contrastés.

Certes, la nouvelle bibliothèque attire beaucoup de Bordelais qui ne fréquentaient pas l’ancienne centrale et, par-delà l’effet d’ouverture inhérent à une création qui sus-cite la curiosité, les vastes espaces et la richesse de l’offre documentaire sont plébiscités par le public. Sur le plan budgétaire, les premières années de Mériadeck sont fastes, de généreux crédits permettant d’augmenter substantiel-lement les collections d’ouvrages modernes destinées au libre accès.

Néanmoins, force est de constater que Mériadeck souffre, dix ans après son ouverture, de certaines faiblesses tant au niveau des moyens que de la fonctionnalité du bâ-timent. Dès 2001, Pierre Botineau alerte la ville sur les li-mites de la capacité de stockage des magasins, insuffisante

8. Pierre Botineau, Document programme (décembre 1983), p. 4.

9. Ibid., p. 4.

des documents traditionnels comme le livre, […] s’effor-cera d’organiser la conserva-tion et l’utilisation des docu-ments apparus au cours de la période récente, de la dia-positive au vidéodisque 2 ».

Parmi les fonctionna-lités innovantes, le pro-jet intègre une salle de conférence et une salle d’exposition, un service de documentation locale et régionale ainsi qu’un service d’actualité et d’in-formation, « sorte de libre-service […] tenant compte de l’ensemble des besoins de la population dans les domaines administratif, ci-vique, économique, familial et social, vie pratique, loisirs et bricolage compris 3 ». Par ailleurs, le maître d’œuvre est prié de faire en sorte que « le public soit attiré par cette nouvelle bibliothèque et incité à y entrer 4 ». Il faut éviter qu’elle ressemble « à un silo à livre, à un bâtiment adminis-tratif ou à un “temple de la culture” 5 ». Enfin, il est demandé que les services intérieurs et les magasins soient bien dis-posés les uns par rapport aux autres, et les uns et les autres par rapport aux services publics 6, commande qui revient à placer les différents locaux professionnels à proximité de l’espace public desservi.

Dès 1983, la Ville envisage d’adopter les méthodes de gestion les plus modernes pour relier salles de lecture et magasins (voir encadré page 70).

Augmenté de la vidéothèque Bordeaux Aquitaine (VBA) et d’un service spécifique pour les déficients visuels (l’espace Diderot), le programme final accueille enfin deux associations, le CRALEJ 7 et la Société des bibliophiles de Guyenne.

Le projet présenté par les architectes Trinqué, Tour-nier-Ardilouze, Gresy et Hébrard semble en mesure de répondre aux demandes de la ville et des bibliothécaires, tout en respectant les contraintes liées à l’exiguïté du ter-rain, l’importance de l’environnement bâti et l’obligation de limiter la hauteur. Néanmoins, Pierre Botineau pressent la difficulté de construire un équipement qui puisse s’ins-crire dans la durée : il n’est « pas facile de dire d’une manière précise et détaillée ce que doit être une grande bibliothèque mu-

2. Pierre Botineau, Document programme (décembre 1983), p. 3.

3. Ibid., p. 12.

4. Pierre Botineau, La reconstruction de la bibliothèque municipale centrale de Bordeaux (rapport du 24 juillet 1984), p. 4.

5. Pierre Botineau, Document programme (décembre 1983), p. 4.

6. Ibid., p. 5.

7. Centre régional aquitain pour la littérature d’enfance et de jeunesse.

Vue générale du bâtiment. © Mériadeck

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• l’absence d’organisation centralisée du temps de tra-vail et le faible taux d’encadrement interdisent tout projet d’extension des horaires d’ouverture ;

Par ailleurs, le bâtiment et ses installations ont révélé à l’usage certains défauts qui grèvent les budgets ou limitent la fonctionnalité de l’équipement :

• le coût de maintenance du magasin robotisé (voir encadré page 70) ;

• le hall d’entrée du rez-de-rue n’assure pas un véri-table accueil du public, tandis que les flux d’usagers au niveau rez-de-dalle tendent à se télescoper ;

• strictement configurée pour les conférences, la salle du même nom limite les possibilités de prestations en ma-tière d’action culturelle ;

• les escalators installés dans le puits de jour génèrent un bruit de fond constant et pénible ;

• l’absence d’un espace de détente confortable, de type cafétéria, pénalise d’autant plus les usagers séjournants que les abords de la bibliothèque manquent de cafés et de brasseries ; par ailleurs, l’impossibilité de se détendre sur place conforte l’image austère de Mériadeck ;

• la visibilité extérieure de la bibliothèque est faible (pas de signalétique ou de marque forte), si bien que, para-doxalement, ce bâtiment de verre semble opaque.

S’il lui paraît possible d’améliorer ces points défec-tueux, la direction prend conscience que d’autres choix initiaux sur le plan architectural ou sur celui des aména-gements intérieurs continueront à peser lourd sur la fonc-tionnalité du bâtiment ; ainsi, la forêt de poteaux soutenant l’immeuble de verre complique l’installation des collec-tions sur les plateaux, la disposition des espaces publics autour du vaste puits de jour dessert leur lisibilité, la dis-persion des bureaux et locaux professionnels favorise le cloisonnement des services.

au regard de l’accroisse-ment normal des collec-tions et de l’arrivée mas-sive de dons. Il regrette également que la munici-palité n’ait pas poursuivi les efforts des quinze premières années (1980-1995), parlant de « stagna-tion ou régression 10 » pour qualifier la situation pré-sente, marquée par une baisse des crédits pour les acquisitions et l’action culturelle, ainsi que par la vacance d’une douzaine de postes. Faute de moyens suffisants, l’élargissement des horaires d’ouverture, limités à 36 heures heb-domadaires (voire 25 ou 20 heures pour certains services spécifiques de la centrale), est compromis, tout comme le remplacement des installations vidéos déjà obsolètes et le développement du numérique (cédéroms, internet, numérisation) pour lequel la bibliothèque de Bor-deaux commence à prendre un inquiétant retard.

À ma prise de fonction en 2003, découvrant tout à la fois Mériadeck et ce diagnostic, je ne peux que souscrire à l’analyse de mon prédécesseur. Rapidement, je me trouve même en mesure de compléter son bilan par des constats portant d’abord sur les services offerts et l’organisation in-terne :

• le catalogue antérieur à 1990 n’étant pas rétrocon-verti, les ressources immenses de Mériadeck demeurent ignorées du plus grand nombre et, sur place, les fichiers traditionnels continuent d’occuper une place importante ;

• l’absence d’internet, de site web, de catalogue en ligne, de politique de numérisation, révèle un retard tech-nologique qui nuit à l’utilisation et au rayonnement des richesses de Mériadeck ;

• les collections en libre accès commencent à s’étendre démesurément au détriment de la lisibilité de l’offre, sans que soient questionnées les missions initiales des services ;

• ces derniers souffrent d’un important cloisonne-ment, tant sur le plan fonctionnel que physique, de nom-breuses parois de verre séparant les espaces publics sur plusieurs niveaux ;

• sur le plateau du 1er étage, deux zones de 150 m2 ini-tialement destinées au public lui restent fermées, servant de bureaux ou d’espace de stockage ; or, au 5e étage, niveau administratif, demeure inutilisé un espace de 192 m², qui comprend sept bureaux et le magasin robotisé des vidéos ;

10. Pierre Botineau, Besoins et difficultés/septembre 2001 (note du 31 août 2001), p. 1.

Vue intérieure de Mériadeck. © Mériadeck

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De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 :

font au rez-de-rue tandis que les banques de prêt occupent le centre du hall rez-de-dalle dans le sens logique de la sor-tie des usagers. Entre les deux niveaux, les bruyants escala-tors sont remplacés par un escalier en fer à cheval condui-sant le public arrivé par la rue vers les banques de retour et les accès aux espaces publics ;

• le « délaissé-sous-dalle » est construit : de nouveaux magasins, assortis d’une salle de traitement des docu-ments, sont aménagés dans l’ancienne zone abandonnée où prennent place également la salle de préparation des ex-positions et le local du service courrier-manutention. Cette extension permet de repositionner dans le bâtiment princi-pal, dans un ordre logique, les services en charge du circuit des documents ;

• le bâtiment mitoyen est complètement réhabilité : au rez-de-chaussée, sont installés les bureaux et magasins du CRALEJ et des Bibliophiles de Guyenne, ce qui permet de libérer dans le bâtiment de Mériadeck une salle de 213 m² et des bureaux de 32 m² pour accueillir des groupes. À l’étage, est aménagée une salle de formation de 54 m² qui, reliée à l’espace autoformation de la bibliothèque, permettra d’orga-niser des ateliers autour des ressources numériques.

La première phase de requalification n’est pas seule-ment l’affaire des architectes et professionnels du bâti-ment. Dès 2006, les agents travaillant dans les magasins commencent à sortir les 250 000 documents du robot et des magasins traditionnels attenants. Il leur faudra encore des mois de travail pour réinstaller les documents disper-sés sur plusieurs sites de stockage. À l’été 2009, profitant de la fermeture de quatre mois et demi nécessaire pour effectuer les travaux les plus lourds, plusieurs services (adultes, enfants, musique, patrimoine) revoient complète-ment la disposition de leurs rayonnages afin de supprimer l’effet « murailles de livres » et faire entrer davantage de lumière. Des tables de travail sont retirées pour agrandir l’espace dévolu à l’image et régler le conflit d’usage entre étudiants et emprunteurs de documents vidéo. Par ailleurs, certaines banques de renseignement sont raccourcies ou reculées pour améliorer l’accueil ou dégager de l’espace. La fermeture pour requalification permet enfin de mener des travaux de fond (inventaire, catalogage, indexation de docu-ments musicaux…).

En raison de son ampleur, inédite pour une construc-tion récente, les journaux locaux mais aussi la presse professionnelle se font l’écho de cette première phase de requalification 11, qui en annonce une seconde moins de deux ans plus tard.

Phase 2 : la valorisation des espaces intérieurs

Prévue pour les années 2011 et 2012, la phase 2 aura pour le public des effets nettement plus visibles que la pre-mière, qui a principalement touché des zones intérieures

11. Marie Claude Julié et Bernard Démay, « Bordeaux en phases de requalification », in BIBLIOthèque(s), no 44, mai 2009 ; « Le glissement progressif de Mériadeck », in Livres Hebdo, no 794, 23 octobre 2009.

La nécessité d’amorcer un processus de changement s’impose donc dès 2003, non pas pour infléchir les orien-tations premières mais pour atteindre l’objectif initial de Mériadeck. Une contrainte technique va donner l’occasion d’engager une première série de transformations dans le cadre d’un vaste projet de requalification.

Nécessité et apports d’une requalification en deux phases

L’origine de la requalification

L’origine de la requalification ne se trouve pas dans le double diagnostic effectué au début des années 2000 mais dans l’obligation de modifier le système d’autoextinction en cas d’incendie, le gaz halon que ce système utilise étant interdit à partir du 31 décembre 2003. La direction propose alors à la ville un projet beaucoup plus ambitieux pour optimiser l’équipement de Mériadeck, en faisant valoir les bénéfices de cette valorisation : un coût de fonctionnement réduit grâce à la suppression du magasin robotisé, des es-paces problématiques réhabilités, une capacité de stockage accrue, des espaces intérieurs rénovés quinze ans après l’ouverture. Le site dispose d’atouts pour une extension spatiale ; sur la dalle de Mériadeck, se trouve un bâtiment mitoyen de 356 m² que la ville peut acquérir, tout comme elle peut se rendre propriétaire de l’espace à l’abandon de 715 m², appelé à juste titre « délaissé-sous-dalle », qui pro-longe la cour arrière de la bibliothèque au niveau de la rue.

En avril 2003, la ville valide le projet ; le cabinet ABCD est retenu à la fin de l’année pour établir les différents scénarios. L’étude montre vite que le bâtiment est beau-coup moins flexible que ce que l’on pouvait supposer ; de plus, l’évolution des normes de sécurité depuis sa création empêche d’envisager une transformation en profondeur de Mériadeck, sauf à y consacrer un budget exorbitant. C’est la raison pour laquelle la ville opte pour un projet a minima en 2004. Pour des raisons également budgétaires, elle décide de procéder à cette requalification en deux phases, bien que ce choix induise deux longues fermetures en peu de temps, désagrément important et peu compré-hensible pour le public.

Phase 1 : de lourds travaux internes et externes

Commencée en mars 2009, la phase 1 s’achève qua-torze mois plus tard. Vingt-huit entreprises investissent la bibliothèque et ses abords pour réaliser les transforma-tions du programme :

• le système de sécurité incendie est intégralement changé, remplacé par du gaz inerte ou de la brumisation selon le type de magasin ;

• démantèlement du magasin robotisé (voir encadré page 70) ;

• les halls d’accueil sont repensés pour fluidifier la cir-culation du public : désormais, l’accueil et l’inscription se

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ou périphériques. Il s’agira en effet de rénover et d’amélio-rer en premier lieu des espaces accessibles aux usagers :

• la salle de conférence sera transformée en véritable salle de spectacle, dotée d’une scène polyvalente pouvant accueillir aussi bien des conférenciers qu’un groupe de musique ou une troupe de comédiens ; les sièges et leur disposition seront changés, la sonorisation rénovée ;

• sur une partie de l’actuel garage du bibliobus sera créée une cafétéria, visible depuis l’extérieur ; destiné à proposer une restauration rapide, ce lieu de détente devrait constituer l’espace de convivialité qui fait défaut à la cen-trale ;

• après vingt ans d’utilisation, les revêtements de sol, peintures et éclairages feront l’objet d’une réfection com-plète, aussi bien dans les espaces publics que dans les espaces internes. À cette occasion, l’espace musical sera sonorisé ;

• une signalétique opérante sera mise en place pour améliorer l’orientation des usagers au sein d’un bâtiment complexe de par l’agencement de ses espaces ;

• enfin, les escalators qui conduisent actuellement les usagers du rez-de-dalle au 3e étage seront remplacés.

Investissement coûteux pour la ville 12, la requalifi-cation se chiffre à environ 10 millions d’euros et, entre la décision de lancer les travaux et leur réalisation, presque dix ans vont s’écouler. Compte tenu de ce coût et de ce ca-lendrier, il apparaît nécessaire en 2003 d’engager en paral-lèle une politique de mutations internes pour transformer visiblement Mériadeck, sur d’autres plans et à moindre frais 13 ; nul doute que la bibliothèque doit trouver quasi-ment en elle-même 14 les ressources pour relever les défis de la modernité.

Les effets visibles d’une dynamique de changements progressifs

Tout en préparant la requalification et en réalisant sa première phase, la bibliothèque effectue entre 2003 et 2010 une série de transformations dont la première, à la visibilité symbolique, avait été décidée avant 2003. Dans le cadre du « Plan lumière » de la ville, le bâtiment est mis en lumière, à l’aide de spots bleus et d’un panneau vertical donnant une information lumineuse. Pour compléter cet éclairage nocturne, cinq auvents reproduisant des illustra-tions patrimoniales sont installés devant les deux entrées,

12. Phase 1 : 5 572 156 €, avec une participation de l’État de 2 196 000 €.

13. Les crédits de fonctionnement étant restés quasiment constants, la plupart des actions de modernisation se sont faites sur le budget de la bibliothèque, par des réaffectations de crédits. Or, la baisse importante des crédits d’acquisition et les difficultés dans le domaine des ressources humaines qui s’observent depuis 2009 menacent ce processus de développement, alors même que la bibliothèque, par-delà ses missions traditionnelles, investit le champ de l’insertion socio-économique.

14. L’aide de la direction de l’organisation et de l’informatique et de la direction des constructions publiques, sur des crédits d’investissement pour la bibliothèque, a été essentielle pour les projets plus complexes.

Le système de stockage et de gestion automatisés mis en œuvre à la bibliothèque de Bordeaux a été une innovation issue d’un transfert de tech-nologie. Adaptant la robotique manutentionnaire de l’industrie aux exigences spécifiques de la communication unitaire des do-cuments demandés en consul-tation, son concepteur, Game Ingéniérie, a créé un logiciel de dialogue avec le catalogue informatisé permettant l’identification et le repérage immédiat du volume recherché grâce au lien établi entre son code à barres et le code de sa position physique dans le magasin.La ville se lance ainsi « dans la réalisation d’un système qui sera sans doute unique au monde 1 ». En s’engageant dans « cette voie oné-reuse, qui est aussi celle du risque technologique 2 », elle escompte des bénéfices de plusieurs ordres : réduction à quelques minutes du temps d’attente des ouvrages demandés, possibilité de com-muniquer un nombre de documents plus important, amélioration des conditions de travail du personnel libéré de tâches peu enri-chissantes, limitation de l’effectif du personnel et donc de son coût pour la collectivité.Le « robot » est mis en service dès l’ouverture en 1991. D’une ca-pacité de 120 000 documents, rangés en pochettes individuelles suspendues dans 3 000 tiroirs métalliques, il est desservi par un dispositif de distribution composé de deux transtockeurs sur rails équipés de bras préhenseurs destinés à extraire les pochettes et à les déposer dans des bacs circulant verticalement vers les banques. Pour les livres concernés, sélectionnés initialement parmi les fonds les plus communiqués, le temps d’acheminement est de 5 minutes. Le système pouvait en théorie assurer, dans des conditions opti-males de fonctionnement, la sortie de 240 documents à l’heure. Son coût global était de 26 879 900 francs.Ce système unique fait d’abord la renommée de Mériadeck et attire de nombreux visiteurs français et étrangers. Mais les bénéfices attendus ne sont pas au rendez-vous. Seul, au début, le délai de livraison des documents est remarquable. Mais au fil des années, le coût de maintenance du magasin robotisé s’avère très élevé (240 000 € an en 2003), alors que la demande de consultation des documents en magasin connaît une baisse régulière. Il est donc décidé, dans le cadre de la requalification, de lancer une opération très complexe, pour démanteler ce magasin au profit de magasins traditionnels (rayonnages fixes et compactus) installés sur les dalles de béton construites à la place de l’immense structure métal-lique qui s’élevait du 6e au 8e étage. Cette zone y gagne à la fois en cohérence et en capacité de stockage.

M.-C. J.

1. Pierre Botineau, Le projet de système de stockage et d’acheminement auto-matiques de documents de la nouvelle bibliothèque centrale de Bordeaux (rap-port du 27 juillet 1989), p. 11.2. Ibid., p. 11.

Le robot

Page 73: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

bbf : 2011 71 t. 56, no 1

De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 :

base, composée de ressources électroniques accessibles sur 34 postes informatiques (via la plateforme Ermès d’Archi-med) et d’un fonds de 4 000 imprimés sur les langues, l’informatique, la formation, les métiers et l’emploi. Les usagers s’inscrivent pour surfer sur internet, apprendre des langues dans les cabines insonorisées, accéder aux res-sources numériques sélectionnées par les bibliothécaires ; des ateliers leur sont proposés (informatique et recherche documentaire).

À proximité et en complément de l’espace autoforma-tion, il est possible de consulter 400 périodiques, augmen-tés fin 2008 par de nouveaux titres étrangers et d’outre-mer, ainsi que par une offre de 130 magazines réservés au prêt. En 2009, les ressources numériques essaiment dans d’autres espaces de Mériadeck, tandis que la base de don-nées de la Cité de la musique et les films documentaires de la Bibliothèque publique d’information enrichissent l’offre du nouveau service Image et Musique. Désormais mise en avant, l’image fait l’objet d’un effort budgétaire important depuis 2007, les acquisitions de films vidéo ayant été ren-forcées pour satisfaire la forte demande des usagers.

Diversifiée dans ses supports, l’offre documentaire doit aussi être contenue dans sa volumétrie. Tournant le dos à la logique de l’accumulation, la direction se lance dans une politique active de désherbage, pour actualiser les col-lections, en réduire la masse et limiter l’engorgement des réserves comme des magasins. Des milliers de documents obsolètes ou doubles sont sortis des collections pour être, selon leur état et leur intérêt, pilonnés, donnés ou vendus. Relayées par la presse, les braderies de livres connaissent un étonnant succès auprès du public. Désormais, la qua-lité de l’offre est privilégiée à la quantité, l’important étant d’améliorer la présentation de documents en bon état et au contenu valide. Sur certains plateaux, une redéfini-

tandis que la bibliothèque est signa-lée par des kakémonos sur mât et un lettrage éloquent sur les portes vitrées.

optimisation de l’organisation interne

Après la période de stagnation déplorée par Pierre Botineau, les an-nées 2006-2009 sont fastes sur le plan des ressources humaines. Pour renforcer l’encadrement à Méria-deck, plusieurs bibliothécaires sont recrutés et les nombreux agents partis en retraite remplacés par des agents au niveau de qualification souvent supérieur ; la première décennie du xxie siècle est en effet marquée par un important renou-vellement démographique, la moi-tié des agents actuellement en poste étant arrivés depuis 2000. L’amé-lioration de l’encadrement permet d’engager ce que l’on peut appeler une « requalification intellectuelle », les projets réalisés nécessitant un manage-ment inventif et de valeur.

Sur le plan organisationnel, l’évolution majeure concerne la mise en place des conditions permettant l’élar-gissement des horaires d’ouverture. Autorisé par la cen-tralisation préalable des plannings de service public et le recours massif à des vacataires le samedi, le passage de 36 à 47 heures d’ouverture hebdomadaire, effectif en oc-tobre 2007, est préparé en concertation avec le personnel et ses délégués ; désormais les agents ne travaillent plus qu’un samedi sur trois et les usagers accèdent à la biblio-thèque du lundi après-midi au samedi soir, à l’exception du jeudi matin.

Diversification et valorisation documentaire

Marquée par une image de bibliothèque d’étude que la présence massive des étudiants accentue, Mériadeck se doit de développer une offre grand public, riche en nou-veaux médias, pour gagner ou regagner de nouveaux usa-gers. Il lui faut aussi mener un travail important sur ses collections, dont l’accroissement mal maîtrisé nuit à la lisi-bilité de l’offre documentaire.

Laborieuse, l’arrivée d’internet est le fruit de longues discussions avec l’administration. Finalement, 12 postes internet sont installés pour le public en 2005 ; le succès immédiat qu’ils connaissent démontre la pertinence d’une offre plus ambitieuse. L’existence de 16 cabines, destinées initialement à consulter les films de la VBA, mais en réa-lité peu utilisées, conduit la direction à concevoir le projet d’un espace dédié à l’autoformation. En février 2008, le public découvre une offre multimédia, labellisée Cyber-

Réaménagement des espaces intérieurs © Mériadeck

Page 74: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

72 bbf : 2011 t. 56, no 1

et montre au public la modernisation en cours de ses es-paces et ses collections. Pour ce faire, une nouvelle charte graphique est élaborée, uniformisant les supports de com-munication. Le catalogue informatisé est mis en ligne sur le site web de la ville dès 2005, dans l’attente d’un site propre à la bibliothèque qui devrait voir le jour courant 2011.

Parallèlement, la programmation culturelle est renfor-cée et diversifiée, afin de donner une identité à la biblio-thèque, de valoriser ses ressources et d’attirer un public plus large que les seuls inscrits. Tiré à 9 000 exemplaires et diffusé partout dans la ville, l’agenda culturel constitue aujourd’hui le premier outil promotionnel de la biblio-thèque.

Conclusion

Opérée par la requalification autant que par les chan-gements internes, la modernisation de Mériadeck a permis d’améliorer l’équipement initial et d’adapter les services aux besoins des usagers, réalisant en cela l’objectif initial de créer une médiathèque centrale pour tous les publics. La rapidité avec laquelle il a fallu transformer un équipe-ment récent tient en partie au contexte particulier des deux dernières décennies ; comme l’ensemble de la société, les bibliothèques ont été confrontées à l’explosion du numé-rique, qui a profondément modifié la documentation, mais aussi aux difficultés économiques fragilisant la situation de nombreux citoyens, phénomènes concomitants qui ont accru le besoin de médiation et de formation continue.

Dans une bibliothèque marquée par des choix cor-respondant à l’état des médias disponibles au début des années quatre-vingt et aux missions alors reconnues aux bibliothèques, le processus d’adaptation ne pouvait que s’enclencher peu après l’ouverture, et ce d’autant que, ces vingt dernières années, les bibliothèques se sont affirmées comme des lieux de lien social et intergénérationnel, d’ap-prentissage tout au long de la vie, de réduction de la frac-ture numérique.

Ainsi, loin d’être un handicap condamnant Méria-deck aux chantiers chroniques, les contraintes architectu-rales ont permis d’amorcer une dynamique continue, qui apparaît aujourd’hui comme un atout en des temps de mutations qui obligent chaque bibliothèque à réinventer constamment son projet de lecture publique. •

Novembre 2010

tion stricte de la collection, parfois assortie d’un numerus clausus, empêche l’inflation documentaire ; c’est le cas du fonds de références, des usuels du patrimoine, du fonds d’actualité et d’information, de la documentation locale et régionale.

Reconfiguration des espaces

Entre 2004 et 2009, quasiment tous les espaces pu-blics de Mériadeck sont déménagés. L’objectif poursuivi est de rendre la bibliothèque moins austère, d’offrir des pla-teaux plus spacieux, lumineux et conviviaux, de mettre en avant les nouveaux supports et de multiplier les présenta-tions de documents.

En 2003, la zone de bureaux du 5e étage est affectée à l’administration. En 2006, la reconquête de 150 m², véri-table verrue de bureaux sur un plateau destiné au libre accès, permet la restructuration complète de la zone dévo-lue aux périodiques, donnant à ce média un plus grand es-pace, agrémenté de plantes vertes et chauffeuses. En 2007, un autre espace de 150 m² est restitué au public, augmen-tant les surfaces allouées à la musique et à la documenta-tion locale et régionale. Avec un premier étage entièrement affecté aux usagers, où la circulation autour du puits de jour central se fait désormais sans entrave, la bibliothèque retrouve la configuration voulue initialement par les archi-tectes. Au fur et à mesure de ces aménagements tombent les cloisons de verre qui isolaient les espaces publics au profit de vastes plateaux grand ouverts.

À l’été 2008, l’informatisation des notices antérieures à 1990 étant réalisée, l’intégralité du fichier auteurs peut être retiré du 2e étage. Dès lors, la libération de l’espace autorise un vaste mouvement de services et de collections ; tandis que le fichier matières et le fonds bibliographique rejoignent les références au 3e étage, sur un plateau entiè-rement reconfiguré, la documentation locale et régionale s’installe au 2e étage, laissant place au 1er étage aux docu-ments relatifs à l’image : bandes dessinées, vidéos, impri-més sur la photographie et le cinéma 15. Signe fort dans une centrale assimilée à une bibliothèque d’étude, le pre-mier niveau de collections pour les adultes devient un pla-teau résolument multimédia où l’imprimé cède le pas aux documents audiovisuels et numériques.

Renforcement de la communication et de l’action culturelle

Pendant cette période, une stratégie de communica-tion est mise en place pour faire connaître au public bor-delais les nouvelles offres : par des campagnes d’affichage sur panneaux Decaux, une diffusion massive de flyers aux stations de tramway, la vente de sacs éco-éthiques, l’envoi d’une lettre électronique. La bibliothèque fait parler d’elle

15. « La renaissance de Mériadeck », Livres Hebdo, no 732, 2 mai 2008.

Page 75: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

Le livre électronique : quels services pour quelles pratiques ?Marie-Laure Duval

Les doctorants et l’information scientifique : 10es rencontres FormistAurélie Hilt

Vous avez dit TEI ?Blandine Nouvel

Éloge de la lenteurMonique Calinon

Académies, enseignement supérieur, recherche : valorisation des archives et des services d’archivesIsabelle Gallois et Anne Rohfritsch

Architectures numériques d’informations : usages, contenus et technologiesAnila Angjeli et Cécile Kattnig

Le Liber nouveau est arrivé !Christine Fleury

Haïti, l’Afrique et le web 2.0 : congrès de l’Ifla 2010Jean-Philippe Accart

Le Livre, la Roumanie et l’Europe Jean-Philippe Accart

International Consortium of Libraries Consortia 2010Benjamin Bober

Page 76: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

74 bbf : 2011 t. 56, no 1

dans les bibliothèques universitaires. Si les établissements hongkongais ont su développer leur offre en livres électro-niques en créant un consortium d’achat, les bibliothèques italiennes se révèlent encore pauvres en e-books.

Livres électroniques et nouvelles pratiques en bibliothèque

Bill Tang a expliqué comment la bibliothèque Fong Sum Wood de l’uni-versité de Lingnan de Hong-Kong a optimisé la gestion des ressources élec-troniques en repensant ses méthodes de travail et le management des ressources humaines. Cette bibliothèque a aussi mené une réflexion autour de l’accès aboutissant à la création d’un moteur de recherche fédéré. Par ailleurs, les résul-tats d’expériences françaises de cartable électronique dans le secondaire et dans l’enseignement supérieur ont aussi été présentés.

Delphine Merrien (service commun de la documentation de l’université de Toulon) a, quant à elle, rendu compte d’une enquête sur les prêts de liseuses d’e-books dans les bibliothèques univer-sitaires françaises. L’expérience est limi-tée, au moment de l’enquête, à deux bi-bliothèques. Plusieurs recommandations pour mieux adapter ce type de service aux bibliothèques ont été formulées.

Des limites au développement des e-books

Du point de vue des lecteurs, les principaux freins au développement des e-books sont le prix, le manque d’infor-mations et surtout l’inconfort de lecture. Thierry Baccino, directeur du Laboratoire des usages en technologies d’informa-tion, confirme que les caractéristiques propres au document électronique et à la machine de lecture (liens hypertextes,

rétro-éclairage, scrolling, multimédia) empêchent une lecture rapide appro-fondie. Même les liseuses basées sur la technologie e-paper ne peuvent encore rivaliser avec la feuille papier.

L’intervention de Catherine Thiolon, des éditions QUAE, a permis de mieux comprendre les problématiques actuelles des éditeurs : modèle économique à trou-ver, archivage pérenne, archives ouvertes, etc. Les éditions QUAE ont fait plusieurs choix dont celui, encore rare, de la mul-tidiffusion sous plusieurs modalités (avec ou sans verrous numériques).

Quant aux difficultés de signale-ment, l’intervention de Camille Dumont, de l’Abes (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur), a montré que l’intégration des e-books aux catalogues de bibliothèque n’est pas aisée. Unimarc n’est pas adapté aux ressources électro-niques et les notices des éditeurs sont trop souvent incomplètes. Afin de déve-lopper rapidement les notices d’e-books, l’Abes envisage d’adosser le Sudoc à la base de connaissances d’un ERMS 2. Hadrien Gardeur, de Feedbooks, a pré-senté le protocole OPDS 3, développé par plusieurs acteurs de la chaîne numérique (Internet Archive, O’Reilly, Adobe, Feed-books, la Library of Congress, Aldiko). Il s’agit d’un écosystème standardisé qui vise la création d’un véritable « web du livre » qui s’opposerait aux « applications-magasins » qui empêchent la découverte et la diffusion libre des contenus.

Du piratage au partage : vers de nouveaux modèles ?

La disponibilité des contenus et la gratuité ont aussi été au cœur des ré-flexions. Comment passer de la rareté à l’abondance de contenus ? La question du piratage a été abordée par Mathias

2. Logiciel de gestion des ressources électroniques.

3. Système de publication de catalogue.

Le livre électronique

Un panorama international contrasté

La première session des 5es Journées sur le livre électronique, organisée par la Cellule e-Books (CeB) du consortium Couperin les 17 et 18 mai derniers, à Lille, a fourni un bilan français et international des pratiques et usages du livre électro-nique en bibliothèque universitaire. Le cas français a été présenté au travers de deux études : l’utilisation des e-books dans les portails CNRS (Centre natio-nal de la recherche scientifique), d’une part, et les résultats de l’enquête sur la perception et les attentes du public du livre électronique commandée par le ministère de la Culture 1, d’autre part. Ces études ont été mises en perspective avec des retours d’expérience de Hong-Kong, d’Italie et de Grande-Bretagne. Des convergences mais aussi des spécificités nationales ont ainsi pu être établies.

Selon l’étude du CNRS, il appa-raît que l’usage des e-books diffère de celui des périodiques électroniques. En Grande-Bretagne, le National Ebooks Project du JISC (Joint Information Sys-tems Comittee) a montré que les livres électroniques ne sont pas utilisés comme substituts aux livres papier. L’enquête du ministère de la Culture a permis d’iden-tifier le profil des lecteurs d’e-books : des hommes jeunes, très technophiles, grands lecteurs (public actuel) ou lec-teurs modérés (public potentiel). Les étu-diants apprécient l’aspect pratique des e-books (mobilité, accessibilité, capacités de stockage). De son côté, Bill Tang, de l’université de Lingnan de Hong-Kong, a présenté plusieurs enquêtes menées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Inde et à Hong-Kong montrant une réelle attente des étudiants pour les livres électro-niques. Néanmoins, les études menées en Italie témoignent d’une situation moins tranchée, les lecteurs de la Pénin-sule leur manifestant moins d’intérêt. Ce contraste entre pays se retrouve égale-ment dans les fonds d’e-books présents

1. Lancée en septembre 2009.

QUELS SERVICES POUR QUELLES PRATIQUES ?

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bbf : 2011 75 t. 56, no 1

Daval du MOTif (Observatoire du livre et de l’écrit de la Région Île-de-France) qui a présenté les résultats de la pre-mière étude française sur l’offre illégale de livres électroniques. Elle a permis de mieux cerner ce phénomène et de faire des préconisations aux éditeurs, en leur enjoignant, notamment, de développer un modèle économique innovant. À la suite de cette étude, le MOTif a créé un observatoire sur le piratage du livre nu-

mérique (portraits des pirates, étude des plateformes légales et illégales, étude du rôle de l’intermédiation dans la diffusion numérique des livres).

Enfin, la lecture de l’intervention de Joël Faucilhon, absent, a présenté les paradoxes du DRM (Digital Rights Management). Ces verrous numériques, facilement craqués, ont nourri les sites d’échange. Là encore, de nouveaux mo-dèles apparaissent nécessaires.

Au final, ces 5es Journées du livre électronique ont fourni un panorama relativement large des enjeux actuels du livre électronique en bibliothèque univer-sitaire. On peut néanmoins regretter que les nouveaux supports de lecture tels que les tablettes du type iPad ou les smart-phones n’aient été que très peu abor-dés. •

Marie-Laure [email protected]

versité Grenoble 3, a fait le point sur les spécificités disciplinaires de l’écriture scientifique, qui rendent nécessaires des formations dès les années de master.

Une enquête menée par le SCD de Clermont-Ferrand 1 sur les pratiques documentaires des doctorants révèle que ces derniers utilisent massivement Google et ne connaissent pas ou n’uti-lisent pas un certain nombre d’outils de recherche documentaire avancés et spé-cialisés.

Une offre de formation globalement satisfaisante à institutionnaliser

Plusieurs SCD ont mis en place des formations à la recherche d’information pour les doctorants de leurs universi-tés. Les exemples des bibliothèques de l’université Paris 6, de l’Institut national de recherche agronomique et de Cujas ont souligné la nécessité de proposer des contenus sans se couper des disci-plines étudiées. Les séances proposées

1. Florence Alibert, Enquête sur les besoins des doctorants clermontois en formation à la recherche documentaire, Clermont-Ferrand, BCIU, 2009. www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-40779

couvrent les champs de la recherche documentaire, les bases de données, les outils du web 2.0, les logiciels de gestion de références bibliographiques, en pas-sant par des formations plus ciblées : le circuit de la thèse et la feuille de style par exemple.

À la demande de doctorants en sciences de l’éducation, le Conservatoire national des arts et métiers dispense une formation sur la communication scien-tifique (comment écrire et publier un article scientifique).

Ces savoirs, dont la maîtrise nous semble indispensable pour de futurs chercheurs, ont pourtant du mal à trou-ver leur place au sein de l’université. Les formations spécifiques sont souvent ab-sentes des catalogues des écoles docto-rales. Christophe Boudry (Urfist de Paris) a pointé les difficultés rencontrées pour faire valider une formation à destina-tion des doctorants par les responsables des écoles doctorales. Ces derniers ne semblent pas toujours sensibilisés aux problématiques de la compétence infor-mationnelle. Néanmoins, des partena-riats avec les enseignants et les écoles doctorales sont établis par les bibliothé-caires-formateurs. La mise en place de formations en présentiel ne peut s’affran-chir d’une validation par les instances universitaires.

Les doctorants et l’information scientifique

Les 10es Rencontres Formist et les 3es Journées d’étude du réseau des Urfist (unités régionales de forma-

tion à l’information scientifique et tech-nique) se sont associées cette année, les 3 et 4 juin derniers, pour aborder un sujet cher aux professionnels de la documen-tation : les doctorants et l’information scientifique.

Les besoins spécifiques des doctorants

La formation du public universitaire se limite souvent aux étudiants de niveau licence alors que les pratiques de re-cherche documentaire des niveaux avan-cés ne sont pas meilleures.

Thierry Ermakoff, de l’Enssib, et Michel Roland, président de l’Associa-tion du réseau des Urfist, ont insisté sur les besoins de formation des doctorants et sur le rôle à jouer des services com-muns de la documentation (SCD) et des Urfist. Après un bref rappel du contexte institutionnel, Joachim Schöpfel, de l’université Lille 3, a souligné comment les changements induits par le dévelop-pement des ressources électroniques et d’internet pour l’IST (information scien-tifique et technique) appellent la création de nouveaux services, tels que la veille et l’évaluation. Francis Grossman, de l’uni-

10es RENCONTRES FORMIST

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76 bbf : 2011 t. 56, no 1

pose de publier les résultats des évalua-tions qualitatives afin de valoriser les actions de formation assurées par les SCD auprès des instances universitaires. L’idée d’une enquête nationale sur les pratiques des doctorants a également émergé des échanges entre les partici-pants afin de souligner les besoins spé-cifiques et essentiels de ce public en ma-tière de recherche informationnelle.

Problématique internationale et nationale

Les 10es Rencontres Formist se sont achevées par une conférence de Maria-Carme Torras i Calvo de la biblio-thèque de l’université de Bergen (Nor-vège). Les constats sur les pratiques de recherche des publics avancés sont les mêmes : utilisation massive de Google et confiance limitée dans l’expertise des

L’autoformation apparaît aussi être une option intéressante pour les docto-rants. Le projet de tutoriel Form@doct 2, élaboré conjointement par les SCD de Bretagne et l’Urfist de Rennes, a vocation à proposer aux doctorants des guides pratiques sur les outils de recherche do-cumentaire. Son objectif est de répondre à la problématique de formation des doctorants selon les spécificités discipli-naires.

Les offres de formation présentées pendant ces journées offrent un bilan globalement satisfaisant. Évalués en fin de stage, les doctorants se disent contents des enseignements reçus et estiment que les compétences acquises leur serviront dans leurs études. Marie-France Andral (Urfist de Bordeaux) pro-

2. Site web Form@doct en cours de réalisation au 1er décembre 2010 : http://formadoct.ueb.eu

bibliothécaires. Pour relever le défi de la formation des étudiants à la recherche documentaire, les bibliothécaires norvé-giens essaient de connaître leurs publics et d’identifier leurs besoins. Différents types de formation sont alors proposés en fonction des attentes des doctorants : sur place, à distance à l’aide de tutoriels, personnalisées.

Une table ronde finale, animée par David Aymonin, a réuni des doctorants et des professionnels de la documen-tation sur la question de la formation à l’IST. Tous sont d’accord pour dire que les niveaux des doctorants sont très hété-rogènes et que les formations doivent se plier aux contraintes de temps et aux spé-cificités disciplinaires. L’idéal – inacces-sible ? – restant la formation individuali-sée et donc une grande disponibilité des bibliothécaires… •

Aurélie [email protected]

par le TGE Adonis 2, une quarantaine de chercheurs ont trouvé là l’opportunité de présenter leurs projets. Ils se sont confrontés aux arcanes de l’encodage et ont débattu de leurs pratiques et de leurs usages de la TEI.

Les secrets du « bon » encodage

Au départ, il y a un texte, élément d’un corpus. S’il est manuscrit, il est transcrit puis numérisé ; imprimé, il sera scanné. Le fichier produit est structuré en XML. Lui seront appliquées des balises de la TEI qui définiront les éléments informationnels et la structure logique du texte originel. Cette opération d’enco-dage peut parfois être automatisée, du moins en partie, mais le spécialiste devra nécessairement y mettre la « main » pour

2. La structure TGE Adonis (Très grand équipement du Centre national de la recherche scientifique) a pour mission de développer l’édition électronique scientifique en sciences humaines et sociales en France.

Vous avez dit TEI ?De la description des textes numérisés

Appliquées aux sciences humaines et sociales, les technologies du numé-rique transforment les méthodes d’étude des sources de la recherche et l’accès au savoir au travers d’un ensemble de pra-tiques et de méthodologies regroupées aujourd’hui sous le terme de digital hu-manities ou humanités numériques. Parmi les méthodes, les formats et les outils disponibles, la TEI constitue un standard pour la description des données.

Du 9 au 11 juin dernier se sont te-nues à Lyon des journées de rencontres sur « La TEI en France, pratiques et pers-pectives ». Grâce au MutEC 1, soutenu

1. MutEC : Mutualisation pour les éditions critiques et les corpus. Associe l’Atelier des humanités numériques de l’École normale supérieure de Lyon et le Service d’ingénierie documentaire de l’Institut des sciences de l’homme autour de la diffusion de méthodologies et de technologies pour des projets d’édition critique et de corpus numériques. www.mutec-shs.fr

TEI • Text Encoding Initiative (codage des textes électroniques en vue de leur échange)Le consortium Text Encoding Initiative naît dans les années 1990. Son site fournit l’ensemble des recommandations et outils utiles à l’encodage d’un texte numérique, notamment la dernière version (2007) des Guidelines for Electronic Text Encoding and Interchange P5 : www.tei-c.org/index.xml

XML • eXtensible Markup Language (lan-gage extensible de balisage)

Xpath • langage de requête pour le XSLT qui permet de sélectionner des parties d’un document en XML

XTF • XML Transformation Framework

XSLT • eXtensible Stylesheet Language Transformations (langage de transforma-tion XML)Le site français sur la XSLT : www.xslt.fr

Liste des principaux sigles

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bbf : 2011 77 t. 56, no 1

Une communauté française en devenir

Les projets exposés 5 et ceux recen-sés en France démontrent une présence forte dans les disciplines des humanités : linguistique, littérature, histoire, dans les domaines de l’archivistique, de l’édition et des bibliothèques. Malgré l’intérêt tout récent du secteur privé pour les forma-tions proposées 6, se confirme en France le rôle majeur des structures de l’ensei-gnement supérieur et de la recherche. Les compétences y sont fortes, voire uniques, puisqu’elles y trouvent logique-ment la matière même de leur exercice : les corpus sont une tradition humaniste et universitaire.

Reste à organiser la communauté TEI nationale. Le TGE Adonis est idéa-lement positionné et sollicité pour jouer un rôle fédérateur. Les utilisateurs et pra-ticiens doivent néanmoins se « prendre en charge », adhérer au consortium, s’entraider et discuter via les outils exis-tants 7. Dans la mouvance des digital humanities, une nouvelle compétence émerge, à l’interface de l’informatique, de la recherche et de l’édition. •

Blandine [email protected]

5. Outre les BVH du CESR, ont été présentés des travaux de l’ATILF, de ICAR, de l’IRHT et de l’École nationale des chartes.

6. À l’École nationale des chartes, au CESR de l’université François Rabelais à Tours, à l’ENS-LSH de Lyon.

7. Soit la liste de discussion francophone [email protected], et son wiki https://listes.cru.fr/wiki/tei-fr/index, et une traduction partielle des Guidelines réalisée par l’Afnor.

XML-TEI et éditionLe XML structure l’information mais

ne constitue pas la forme de lecture idéale ! En suivant l’exemple des Biblio-thèques virtuelles humanistes 3, on peut gérer un site web en XML-TEI via XTF. Plus traditionnellement, on utilisera le langage de transformation XSLT pour gérer l’affichage des données. Puis un processeur type Xpath appliquera aux nœuds successifs du fichier XML un schéma XSLT défini afin de restituer le document mis en forme. Les applications sont multiples : d’abord, rendre lisible un fichier XML pour produire des docu-ments et des outils électroniques de tra-vail répondant directement aux besoins de la recherche, mais aussi élaborer des maquettes sophistiquées, propres à l’édi-tion en ligne ou à la création de supports d’impression.

C’est, entre autres, parce qu’un seul fichier XML peut fournir autant de supports éditoriaux que le trinôme XML-TEI-XSLT est devenu le cœur de la nouvelle chaîne éditoriale des Presses de l’université de Caen, qui ont ainsi su préserver les spécificités des métiers de l’édition et favoriser les relations auteur/éditeur autour du texte, tout en négociant avec succès le tournant du numérique. D’autres expériences convergentes sont conduites 4, mais le modèle doit encore essaimer. Cependant, les obstacles de-meurent dans les mentalités : la collabo-ration chercheur/éditeur et la relation à la publication scientifique doivent changer, les versions évolutives d’un texte doivent être intégrées, les publications électro-niques reconnues par l’évaluation scien-tifique.

3. BVH : Bibliothèques virtuelles humanistes du Centre d’études supérieures de la Renaissance de l’université de Tours. www.bvh.univ-tours.fr

4. À différents niveaux, sont concernées les éditions de l’ENS-LSH Lyon (www.ens-lyon.eu), Revues.org, portail des revues en sciences humaines et sociales et plateforme d’édition électronique (www.revues.org), l’Association des éditeurs de la recherche et de l’enseignement supérieur qui regroupe 35 éditeurs d’universités, d’écoles d’enseignement supérieur, d’institutions scientifiques (www.aderes.fr) et les éditions QUAE qui réunissent depuis 2006 les activités éditoriales du Cemagref, du Cirad, de l’Ifremer et de l’Inra (www.quae.com).

vérification et compléments. Le recours à des prestataires extérieurs au groupe projet pourra être profitable, par exemple pour l’acquisition de données.

Exposés théoriques, exercices d’appli-cation, partage d’expériences ont donné les moyens, aux néophytes comme aux plus aguerris, de percer les secrets du « bon » encodage. Rien n’est possible sans compréhension du texte, dans sa forme et dans son fond, puisque l’enco-dage doit restituer fidèlement la structure du document et les éléments à décrire. D’où l’importance des métadonnées, définies pour l’ensemble du corpus. La TEI n’impose que la description bibliogra-phique comme élément obligatoire dans l’entête du fichier XML. On y définira alors dans un ordre déterminé l’ensemble des métadonnées en prenant soin de veiller à leur compatibilité avec les autres standards. Elles préciseront les éléments relatifs à l’origine du document, à son codage, son profil, ses éventuelles révi-sions.

Ceci explique le choix épineux du schéma TEI (sélection des balises et spé-cification de valeurs d’attributs) à définir pour tenir compte des spécificités de chaque projet. Largement discuté, docu-menté, testé et validé au cours de l’avan-cement du projet, il devra restituer tous les éléments porteurs de sens, la structu-ration du texte ainsi que les entités non textuelles, en veillant à clarifier les termes homonymes. En parallèle, on pourra ex-ploiter un thésaurus, construire des listes d’autorité et inclure des liens vers des éléments différents du corpus ou asso-ciés. La question de la meilleure méthode reste cependant posée : faut-il intégrer dès le départ toute la bibliothèque TEI pour rejeter finalement les balises inex-ploitées ou bien sélectionner a priori les balises jugées utiles, quitte à en ajouter plus tard et à devoir corriger l’encodage déjà réalisé ?

D’où, enfin, la nécessité de définir les résultats à atteindre : s’agit-il de consti-tuer une publication en ligne, d’organi-ser et de gérer un corpus pour l’étude, quel niveau de profondeur choisir dans la description ? Rassurons-nous, l’enco-dage parfait n’existe pas : le compromis se portera sur un rapport temps d’enco-dage/objectifs et tiendra compte de la capacité des outils et des logiciels de trai-tement à gérer toute la TEI.

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BnF aussi sait ce que veulent dire obsti-nation, résistance, lenteur, pour exhaus-ser des trésors, les donner en partage.

Françoise Muller, directrice de la bi-bliothèque multimédia communautaire, Moulins Communauté, présidente de l’ABF Auvergne, par un texte vibrant, a rappelé l’impérative nécessité de l’inter-profession autour du livre, et souligné que proposer la poésie au plus grand nombre, c’est offrir la liberté du sens au plus grand nombre…

Des expériences ont été minutieuse-ment décrites, telle celle de Martine Prin-guet, conservateur en charge du réseau de médiathèques de la communauté de communes Provence Lubéron Durance, membre de la commission poésie au CNL (Centre national du livre) et com-pagne de longue route de Cheyne, tant par les multiples ateliers organisés pour le public ou les professionnels que par la constitution de fonds de livres de poésie et d’art comme de livres d’artistes, acqui-sitions parfois plus difficiles à légitimer auprès des responsables locaux et, de ce fait, combat à mener. Elle nous a rappelé l’injonction salutaire de Pierre Seghers : « Si la poésie ne vous aide pas à vivre, faites autre chose », qui pourrait être la devise de Jean-François Manier.

Agnès Ginhoux, directrice de la bibliothèque départementale de Haute-Loire, et Renaud Aïoutz, directeur des médiathèques municipales de Tence, Saint-Jeures et Le Mazet-Saint-Voy, ont aussi décrit leur travail de terrain, qu’ils définissent comme « l’obstination de la poésie », à commencer auprès des bi-bliothécaires eux-mêmes. Et l’exemple de réussite triomphale des « bonbons-poèmes » en dépôt chez les commer-çants villageois nous a ravis !

Indépendance

André Schiffrin, éditeur, fondateur de The New Press, auteur de L’argent et les mots (La Fabrique, Paris, 2010) est venu parler, avec sa détermination habituelle, de territoires et d’expériences de résis-tance indispensables – et possibles – qui se répandent partout, pour lutter contre un ultralibéralisme ravageur, notamment pour les biens culturels, nécessitant là

encore du temps, et s’opposant consubs-tantiellement à l’immédiate rentabilité, à la vitesse de rotation assassine…

Même insistance sur les valeurs de partage, de lien, de temps, d’espace, de la part de Jean Mallet, conservateur ho-noraire et pionnier de la lecture publique au sens le plus noble du terme, et de Do-minique Arot, inspecteur général des bi-bliothèques : ils nous incitent tous deux, en concluant le matin et l’après-midi, à être des « veilleurs amoureux », selon la belle formule de Dominique Arot.

Jean-François Manier, avant de pas-ser la parole aux poètes pour parachever cette journée, a déployé tous les aspects de son travail d’éditeur indépendant, de l’imprimerie à la distribution. Ses choix d’auteurs, de collections, de manières de travail, sa collaboration de toujours avec sa compagne Martine Mellinette, cofondatrice de Cheyne et merveilleuse illustratrice, notamment de la collection « Poèmes pour grandir », nous sont pré-sentés avec une belle alliance de ferveur, de mesure et d’humour, marque de Jean-François Manier.

Linda Maria Baros, David Dumortier et Jean-Pierre Siméon sont venus nous lire des extraits de leurs œuvres, afin que la parole du poète nous accompagne longtemps après la fin de cette journée empreinte de réflexion et d’amour des textes et, par conséquent, des autres…

Laissons le dernier mot – lyrique et vrai, moteur et fruit de toute une vie – à Jean-François Manier : « Le temps, sans doute, que mûrissent les rencontres, que s’accomplissent les imprévisibles métamor-phoses, le temps du lent émerveillement, celui de l’urgence d’aimer. »

Et pour prolonger notre plaisir et continuer à défendre la création, rendez-vous a été pris au merveilleux festival de Cheyne, « Lectures sous l’arbre », pour sa 20e édition, du 16 au 21 août 2011… •

Monique [email protected]

Éloge de la lenteur«Oui, il faut un autre temps pour

le livre : un temps pour l’écrivain face à son œuvre, pour l’artisan

face aux papiers, aux encres, un temps aussi pour le bibliothécaire en ses choix, le libraire en son commerce, comme pour le lecteur en son plaisir. »

Nombre de librairies en France et chez nos voisins francophones, nombre de bibliothèques affichent, dès leur en-trée, ce très beau texte, « profession de foi professionnelle et culturelle » de Jean-Fran-çois Manier, le fondateur de Cheyne, édi-teur de poésie installé au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire.

Notre époque semble perdre la tête et souvent s’opposer à cette lenteur et à cette réflexivité, si nécessaires au fait culturel et à notre vie même…

À l’occasion des 30 ans de Cheyne éditeur, et en prélude à l’exposition à l’Orangerie du Sénat qui s’est tenue en juillet, « Cheyne, trente ans d’édition de poésie », de nombreuses manifestations ont eu lieu à Paris. L’une d’elles s’est déroulée à la Bibliothèque nationale de France, le 28 juin 2010 : « Indépendance, vous avez dit indépendance ? », journée d’étude professionnelle organisée par l’ABF (Association des bibliothécaires de France) et proposant justement une réflexion, un tour d’horizon, à propos de la poésie, de l’édition de création et, plus largement, de l’indépendance édito-riale et des métiers qui auraient à cœur de les défendre, ne serait-ce que celui des bibliothécaires en leur royaume.

De nombreux professionnels des bi-bliothèques, mais aussi des auteurs, des poètes, un éditeur indépendant installé aux États-Unis, des auditeurs passion-nés, ont fait de cette journée d’étude un moment grave et beau.

Poésie et bibliothèques

Denis Bruckmann, directeur des col-lections de la BnF, a ouvert cette jour-née par un rappel des infinies richesses de la BnF dans le domaine de la poésie, effets du dépôt légal essentiellement, des actions de valorisation, des partenariats, comme celui souvent développé avec le Printemps des poètes, des acquisitions de livres rares, de livres d’artistes… La

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par l’archiviste lors de la collecte et de la mise en place de procédures ont des conséquences sur la constitution des fonds, aussi bien privés que publics. Les forts enjeux de l’expertise professionnelle doivent faire l’objet d’une politique de communication et de diffusion d’articles.

Marie-Laure Bachelerie, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a ensuite présenté l’exemple de l’exposition « Archi-facile ! ». Organisée en 2008, en collaboration avec une char-gée de communication, cette exposition a eu pour but de valoriser les activités d’un service atypique au siège du CNRS et de faire connaître l’instruction de tri CNRS/DAF (2007). Se voulant attrac-tive, l’exposition a été installée dans la galerie centrale du siège, mêlant pan-neaux thématiques sur tissu, documents d’archives présentés sous vitrine, borne interactive… Cette manifestation s’est prolongée par la diffusion d’un guide pra-tique 2 et par l’organisation d’une confé-rence.

Olivier Azzola, de l’École polytech-nique, a présenté quant à lui l’exemple de l’université Paris 7, en distinguant : d’une part, la constitution d’un fonds « amiante » pour répondre à la stratégie de défense des avocats ; d’autre part, la politique volontaire de collecte dans les laboratoires et auprès des chercheurs de l’Institut Jacques Monod.

Du point de vue de Damien Hamard de l’université d’Angers, la célébration du 40e anniversaire de l’université peut ou-vrir de nouvelles perspectives pour son service d’archives, à condition que son positionnement hiérarchique soit correct et qu’il bénéficie de personnels formés et

2. Toujours téléchargeable sur le site internet du CNRS : www.cnrs.fr/paris-michel-ange/spip.php?article1813

aptes à expérimenter de nouvelles tech-niques. Le soutien de personnalités exté-rieures – enseignants-chercheurs entre autres – permet d’améliorer la visibilité du service et de développer de nouvelles activités : collecte de témoignages oraux, photothèque, refondation du site inter-net, projet de création d’un pôle archives avec un bâtiment dédié, création d’un réseau.

La valorisation collaborative des archives

L’expérience de la préparation du déménagement de l’École pratique des hautes études en sciences sociales pré-sentée par Brigitte Mazon illustre la dimension collective de la valorisation. La structure de l’actuel bâtiment a été conçue comme une plateforme collabo-rative entre chercheurs, archivistes et bibliothécaires. De nombreux gisements documentaires (dont 3 300 mètres liné-aires d’archives, où l’articulation entre archives publiques et archives privées est sensible) peuvent venir enrichir les fonds d’archives. Les opérations de car-tographie préalables au déménagement ont donné naissance à différents projets : publication d’instruments de recherche sur PLEADE 3, collecte d’archives photo-graphiques et sonores, projet de numéri-sation des archives d’enquêtes du Centre de sociologie européenne (CSE), Groupe de réflexion sur les archives des sciences sociales (Grass).

Charlotte Maday, de l’université Paris Sorbonne Cité Paris Diderot, a ensuite

3. PLEADE est un outil libre permettant de diffuser des instruments de recherche archivistiques dans une architecture web : www.pleade.org

Académies, enseignement supérieur, recherche :valorisation des archives et des services d’archives

L’université d’Angers a accueilli, le 29 juin 2010, la troisième journée d’études du réseau des archivistes

des universités, rectorats, organismes de recherche et étudiants (Aurore)1. Cette année, le réseau avait choisi d’aborder la question de la valorisation des archives et des services d’archives.

L’ouverture des données publiques à un plus grand nombre, comme le sou-ligne en introduction Antony Taillefait, doyen de la faculté de droit d’Angers, offre un positionnement stratégique aux archivistes. Didier Devrieses, de l’Univer-sité libre de Bruxelles, a distingué valori-sation directe (mise en archives, collecte) et valorisation indirecte (mise en valeur d’archives).

La valorisation du travail de l’archiviste

De manière originale, Élise Barzun, du rectorat de Paris, a posé la ques-tion de la valorisation de la collecte des archives administratives. L’archiviste doit fourbir ses armes pour partir à la « chasse à l’archive » : textes de lois, pro-cédures qualité, stratégies de collecte et d’information, stratégie politique et relationnelle. Dans le cadre de ces opéra-tions, il bénéficie d’une liberté d’action et met en œuvre son expérience de terrain, en s’appuyant sur un réseau profession-nel constitué. Parler de valorisation dans le cadre de la gestion et de la collecte des archives courantes et intermédiaires peut paraître inapproprié. Cependant, certaines activités peuvent et doivent être valorisées comme, notamment, le records management. Les choix opérés

1. www.archivistes.org/Groupes-de-travail-et-Commissions

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pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Les collections d’instruments de l’océa-nographie sont considérées comme patrimoine et sont, en ce sens, représen-tatives de l’activité de la recherche dans les sciences marines. Certains objets ont été conçus et fabriqués par les dépar-tements de l’Ifremer. Il existe donc des liens étroits entre objets, instruments et archives dans les fonds des chercheurs. La collecte de ce patrimoine « multiple » a permis d’impliquer plus fortement les chercheurs : dons, expositions, rédaction de fiches.

Si la valorisation patrimoniale ne représente pas le cœur de métier de l’archiviste, ses enjeux sont nombreux au regard du droit de mémoire et d’informa-tion. •

Isabelle [email protected]

Anne [email protected]

balises qui ont permis un passage facile à HyperText Mark-Up Language (HTML). En choisissant ce mode de diffusion de l’information, l’Institut a pu toucher un lectorat étranger et dynamiser son travail de collecte d’archives.

La question de la mise en valeur des archives dans et par une institution publique n’est pas dissociable de celle posée sur le métier et les valeurs por-tées par l’archiviste, selon Olivier Robert de l’université de Lausanne. Même si elle constitue une des finalités du métier d’archiviste, elle peut s’avérer être un exercice périlleux, car les enjeux de cer-taines actions de valorisation peuvent dépasser les motivations originelles de l’archiviste. En même temps, la valorisa-tion permet, dans certains cas, le lance-ment d’actions qui n’auraient pu voir le jour sans la volonté de communication des institutions.

Enfin, Gilles Chatry a fait part de l’ex-périence d’étude et de valorisation colla-borative du patrimoine mobilier scien-tifique à l’Institut français de recherche

présenté comment la constitution du patrimoine audiovisuel de son univer-sité a été rendue possible grâce à la col-laboration entre la présidence, le service de la communication et le bureau des archives.

Le studio audiovisuel a été créé en 1976 dans le cadre de la rénovation péda-gogique des enseignements et de la cou-verture de l’événementiel à Paris Dide-rot. Aujourd’hui, le fonds est constitué de 30 mètres linéaires d’archives vidéo : cours, reportages, controverses scienti-fiques, films réalisés par les étudiants. Un projet de numérisation des films est en cours pour répondre à plusieurs pro-blèmes : pérennité, recensement et diffu-sion de l’information.

Le service archives de l’Institut Pas-teur, présenté par Daniel Demellier, a fait le choix de valoriser sa politique d’acqui-sition sur le web avec, notamment, la mise en ligne de fonds entiers facilement accessibles grâce à des mots-matière. Les instruments de recherche avaient été, dès leur conception, structurés par des

tectures numériques complexes sans que de réelles stratégies humaines ne soient la clef de l’unification fonctionnelle. Les interventions abordent donc cette ques-tion sous des angles divers, sans disso-cier le document numérique des disposi-tifs techniques qui contribuent à sa créa-tion, sa gestion ou son exploitation.

Évolution des technologies de recherche d’information

Deux exposés portent l’un sur les applications innovantes et l’autre sur le développement de la recherche multi-

lingue. Luc Grivel 2 met l’accent sur les évolutions marquantes que connaissent les technologies de recherche d’infor-mation, notamment avec les fonctions sémantiques. Il illustre ses propos en présentant la solution d’analyse séman-tique Luxid® de Temis, l’interface de recherche par facette Infomagie de Cap Digital, ou le moteur d’analyse et de recherche Lingway KM. Ces outils, qui permettent un traitement de plus en plus intelligent, sont fondés sur l’indexation

2. Évolutions sociotechniques des bibliothèques numériques : traité des sciences et techniques de l’information, série « Environnements et services numériques d’information », 2010, Hermès Lavoisier, sous la direction de Fabrice Papy.

Architectures numériques d’informations : usages, contenus et technologies

La journée d’étude du laboratoire de recherche « Document numérique et usages 1 », le 2 juillet 2010 à Paris,

s’est intéressée aux usages, non-usages ou mésusages des TIC (technologies de l’information et de la communication) à l’ère du numérique, où des systèmes d’information s’agrègent au sein d’archi-

1. Depuis 2004, le laboratoire de recherche « Document numérique et usages » de l’université Paris 8 organise régulièrement des journées d’étude avec d’autres partenaires. Le SCD de l’université de l’Artois est l’un de ses collaborateurs privilégiés. Les présentations sont consultables en ligne à l’adresse : http://docnum.info/je/2010/2juillet/ #programme

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et d’information : service de médiation, développement de ressources numé-riques multimédias, accès à un catalogue informatisé nouvelle génération, mais aussi en prenant en compte les nouvelles pratiques culturelles et informationnelles des publics et les nouveaux équipements.

Services et usages innovants ?

Bruno Hénocque dresse un histo-rique du développement des architec-tures numériques à très haut débit et des usages possibles : services d’aide à la personne, explosion de contenus mul-timédias, développement du travail col-laboratif entre universités et entreprises, etc. Annoncée comme la 5e révolution après le web, le mobile, le haut débit et la convergence des réseaux de télécommu-nication et de télévision, « la fibre optique devrait équiper 50 % du territoire français en 2015 ». Les questions sur les effets dans les organisations et chez les parti-culiers restent ouvertes : opulence com-municationnelle ? Infobésité ? Culture de travail collaboratif ? La question reste ouverte… •

Anila [email protected]

Cécile [email protected]

communauté de clients (PMB) ou encore l’éditeur libre avec une communauté de prestataires et de clients (Koha) –, Claire Scopsi 7 montre qu’ils visent à contrôler et préserver la cohérence du développe-ment, à se garantir d’intrusions de préda-teurs et à réguler plutôt que multiplier les contributions au sein des communautés de clients.

Mettre le numérique au service de l’usager

Les interventions de Bernard Michon et de Marc Maisonneuve mêlent témoi-gnages et préconisations. Pour Bernard Michon 8, il est nécessaire d’intégrer l’usage du numérique dans la produc-tion scientifique des humanités tant au niveau de la recherche qu’au niveau de la formation. Problème disciplinaire ou tra-dition française d’enseignement ? Fort est de constater que les humanités laissent peu de place à la technologie. En réfé-rence à Bourdieu, il insiste sur l’urgence à construire des stratégies de transmis-sion pour réduire la fracture à la connais-sance en insistant sur quelques principes édictés à l’Université ouverte des huma-nités : analyser les publics, préserver la qualité et produire des « essentiels » aux contenus courts.

Avec quelques statistiques et beau-coup d’humour, Marc Maisonneuve 9 brosse la situation des bibliothèques en matière d’usages en insistant sur l’écart croissant entre offre et demande. L’ap-port du numérique doit s’intégrer dans deux nouveaux modèles : la bibliothèque de loisir et la bibliothèque hors les murs, pour tenter de rajeunir et élargir les pu-blics et démocratiser la culture numé-rique. De nouvelles compétences sont à développer, car la fracture numérique sociale pourrait être réduite par de véri-tables actions d’orientation, de formation

7. Coauteure de Mener un projet Open Source en bibliothèque, documentation et archives, Éd. du Cercle de la librairie, 2007. Son intervention au symposium Koha des 27 et 28 mai 2010 est accessible en ligne : www.dailymotion.com/video/xdp34d_le-logiciel-libre-claire-scopsi

8. Chargé de la mise en place du projet de l’Université ouverte des humanités, www.uoh.fr. Son intervention au colloque international des humanités du 3 décembre 2009 est accessible en ligne : www.canalc2.fr/video.asp?idVideo=9123& voir=oui

9. Page de veille sur les mutations en bibliothèque : www.toscaconsultants.fr/veille

plein texte filtrée par critères statistiques et sur l’indexation par extraction d’entités selon des critères linguistiques (lexicaux, syntaxiques). De plus, l’utilisation des technologies sémantiques leur donne une autre dimension. Christian Fluhr 3 explicite les difficultés existantes dans la recherche multilingue sur internet. Il in-siste sur l’environnement linguistique in-ternational dans lequel l’exploitation des entités nommées (noms de personnes, lieux, produits, etc.) et des ontologies géographiques, comme aide à la contex-tualisation, prennent une importance stratégique. En effet, les internautes pro-duisent de plus en plus d’information dans leurs langues locales. La maîtrise de celles-ci devient un enjeu pour les applications en développement dans les domaines de la veille, de la sécurité na-tionale, de la surveillance d’opinion, de la lutte contre les trafics ou du partage d’in-formation dans les sociétés multinatio-nales. Ainsi l’ICANN (Internet Corpora-tion for Assigned Names and Numbers)4 a-t-il introduit en 2010 une extension per-mettant de désigner l’adresse web d’un pays dans l’alphabet ou l’écriture locaux.

Regards sur l’usager professionnel

Deux regards, deux vigilances au point de vue de la conception des sys-tèmes et de la gouvernance des dévelop-pements. Alexandra Ciaccia 5, docteur en psychologie cognitive, expose les travers du « sur-outillage » avant de décrire un processus de conception centrée utilisa-teur normé ISO 13407 6. Elle préconise plusieurs méthodes dont trois sont illus-trées : les tests utilisateurs, les obser-vations in situ et l’analyse des traces. À travers l’observation des différents modèles de gouvernance des dévelop-pements de système d’information et de gestion des bibliothèques, libres ou open source – l’éditeur libre avec des partena-riats (OpenFlora), l’éditeur libre avec une

3. Directeur de recherche, spécialiste en ingénierie de la connaissance multimédia multilingue.

4. www.icann.org

5. Consultante en ergonomie, société DIXID, www.dixid.com

6. ISO 13407 : 1999 réactualisée en 2009 à travers la norme ISO/DIS 9241-210 (ergonomie de l’interaction homme-système – Partie 210 : Conception centrée sur l’opérateur humain pour les systèmes interactifs).

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l’e-science positionne Liber en faveur de l’open access. Les travaux de ce comité ont été menés en relation étroite avec ceux de Sparc Europe, et visent à pro-mouvoir des outils européens comme Dart-Europe ou Driver. Le comité « nu-mérisation et accès aux ressources » pro-meut quant à lui activement Europeana. L’un des groupes de travail au sein du comité « collections patrimoniales et préservation » est une émanation du CERL (Consortium of European Research Libraries)2. Le comité « organisation et ressources humaines » œuvre à la mise en cohérence d’un portefeuille de com-pétences communes et renouvelées, maillon indispensable à la construction de la bibliothèque du futur 3. Enfin, le comité « Liber services » met à la dis-position des bibliothèques une gamme d’outils et de conseils, notamment dans les domaines de l’aménagement, de la qualité et de l’évaluation.

Réinventer la bibliothèque, défi dans le nouvel environnement de l’information

Mais revenons au programme du Congrès : pendant la première matinée, au sein des quatre Master Class, for-mule inaugurée en 2009, les participants étaient sollicités directement sur les questions du changement : « La biblio-thèque de Babel a besoin d’une stratégie de communication 4 », « Gérer les thèses électroniques 5 », « La transition dans les

2. On salue ici Monique Hulvey, Database manager Rare Books and Special Collections à la bibliothèque municipale de Lyon.

3. À signaler parmi ses membres : Raymond Bérard, directeur de l’Abes (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur), Marc Martinez, directeur de la bibliothèque de l’INRP (Institut national de recherche pédagogique) et Julien Roche, directeur de la bibliothèque de Lille 1 et responsable de ce comité.

4. Chris Pressler, université de Nottingham (UK) ; Andy Mac Gregor, JISC (UK).

5. Master class proposée par Dart Europe.

bibliothèques 6 ». La réunion annuelle du consortium « Publications universi-taires et ressources académiques Europe (Sparc) » faisait l’objet de la quatrième master class.

Après la traditionnelle cérémo-nie d’ouverture, « Réinventer la biblio-thèque : la voie danoise », ont alterné sessions plénières et sessions paral-lèles, nouveau format plus propice à la participation des adhérents. Autre nou-veauté au programme : une session de présentation de posters. C’est sous un angle assez original qu’a été abordée la question cruciale du devenir des biblio-thèques de recherche. Entre autres confé-renciers, se sont succédé à la tribune des sessions plénières des représentants des géants incontestés de l’ère numérique (Jon Orwant de Google, Lee Dirk de Mi-crosoft, Rafael Sidi d’Elsevier), invités à livrer aux bibliothécaires européens leur point de vue sur les enjeux et défis à rele-ver pour « réinventer la bibliothèque ». Comment renforcer l’efficacité des biblio-thèques et réaffirmer leur rôle privilégié dans un univers numérique en expansion et en pleine mutation au sein duquel leur utilité est souvent interrogée (voire déni-grée) à l’aune de ces géants du web et de l’édition scientifique ?

Il ressort des différentes allocutions qu’il est indispensable de positionner les usagers – et leurs usages – au cœur de toute démarche prospective. Comment ? En privilégiant une meilleure articulation entre les ressources et les interfaces, en se mettant au diapason des usages du web par une bonne intégration des logiques du web social (2.0) comme du web de données, en se positionnant acti-vement au sein des dispositifs d’appren-tissage mais aussi des infrastructures de recherche, et en privilégiant une partici-pation plus active des bibliothèques aux processus d’évaluation de la production scientifique et technique – parfois gal-vaudés en fonction d’intérêts plus écono-miques que scientifiques.

Au sein de cette révolution numé-rique, la mise en œuvre de vastes opé-

6. Birger Larsen, Royal School of Library and Information Science (Danemark) ; Kurt de Belder, Leiden University (Netherlands).

Le Liber nouveau est arrivé !

Le 39e Congrès de la Ligue des biblio-thèques européennes de recherche (Liber) s’est déroulé du 29 juin au

4 juillet 2010 à Aarhus, seconde ville universitaire du Danemark, et a rassem-blé environ 400 participants en prove-nance de 34 pays (notons la participation d’une trentaine de collègues français, un record !).

D’importants changements dans l’organisation

« Réinventer la bibliothèque », telle était la thématique ambitieuse de ce Congrès dont la formule, à l’image de Liber, a été renouvelée. Liber, organisa-tion non gouvernementale fondée en 1971 sous les auspices du Conseil de l’Europe et regroupant plus de 400 bi-bliothèques de recherche européennes, connaît depuis 2009 une restructuration en profondeur. Les statuts ont été réé-crits, le bureau renouvelé, et un direc-teur recruté. Les bureaux de Liber sont désormais implantés à la Koninkijke Bibliotheek (KB) de La Haye après une vingtaine d’années à la Bibliothèque royale de Copenhague.

Le Plan stratégique 2009-2012, rédigé en partie suite aux travaux des ateliers mis en place à cet effet lors du Congrès Liber de Toulouse (2009), a été mis en œuvre. Les outils de communi-cation ont été refondus avec la mise en ligne d’un nouveau site web et la réno-vation de la revue en ligne Liber Quar-terly 1. De plus, les comités directeurs (steering committee) seront réorganisés autour de cinq axes étayés ou animés par les groupes de travail d’autres grandes infrastructures européennes, ce qui conforte Liber dans sa position de force de proposition et de leadership.

Les sessions parallèles au pro-gramme du Congrès se sont d’ailleurs fait l’écho des travaux de ces comités. En ce qui concerne la communication scientifique, l’approche globale des trans-formations liées au développement de

1. http://liber.library.uu.nl

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rations de numérisation, qu’elles soient ou non déléguées à des sociétés comme Google ou consort, a été présentée comme un acte responsable, tant pour la valorisation que pour la préservation à long terme, mais il a été également souligné que, pour obtenir une véritable plus-value, les bibliothèques se doivent d’adopter des stratégies adaptées : in-terfaces plus conviviales, plus grande cohérence des métadonnées, meilleure efficacité des outils de recherche. Le par-ticularisme des collections patrimoniales au sein des bibliothèques de recherche a également été interrogé : leur place natu-relle ne serait-elle pas plutôt le musée ? (Grincements de dents ?!)

Mais ce tour d’horizon qui nous projette dans un futur numérique – si loin, si proche – serait incomplet si l’on omettait de mentionner la belle convi-vialité qui a présidé à ce Congrès à taille humaine, ainsi que l’hospitalité efficace et sympathique des collègues de la bi-bliothèque universitaire d’Aarhus qui ont œuvré à faire de ce 39e Congrès Liber un temps de rencontres constructives et d’échanges sympathiques. On pourra regretter toutefois que les débats sur la vie de l’association soient réduits à la portion congrue, ce qui ne permet guère aux membres de Liber de se prononcer en toute connaissance de cause sur ses orientations.

À toutes fins utiles, rappelons que le 40e Congrès Liber se déroulera à Bar-celone. D’ici là, il vous est possible de répondre à l’appel à participation pour devenir « Liber ambassadeur », initiative originale du Liber nouvelle formule 7. •

Christine [email protected]

7. Pour en savoir plus : www.libereurope.eu

Une cinquantaine d’« Ifla bloggers 3 » se relaie pour informer la communauté pro-fessionnelle des tendances, nouveautés et avancées du monde de l’information. Le site de l’Ifla reprend sous forme syn-diquée (soit la liste compilée de tous les messages heure par heure, dans toutes les langues) tous ces micro-messages qui, assemblés les uns aux autres, for-ment un portrait certainement fidèle de la conférence 4. D’autre part, le groupe Ifla FAIFE (Comité sur la liberté d’accès à l’information et sur la liberté d’expres-sion) ouvre une page Facebook 5.

Le dossier brûlant de Haïti

La conférence est loin d’être virtuelle, avec des préoccupations très concrètes. L’une d’elle, et non la moindre, est : « Comment sauver Haïti ? » L’Ifla s’im-plique fortement dès le début de l’an-

3. Soit chaque membre de la communauté professionnelle possédant un blog, un compte Twitter… qui parle de la conférence et qui se voit attribuer le statut d’« Ifla blogger ».

4. Voir « Activity stream » : http://2010.ifla.org

5. Ifla FAIFE : www.facebook.com/faife

nonce de la catastrophe le 12 janvier 2010 en désignant Danielle Mincio, membre du conseil d’administration de l’Ifla, comme représentante officielle de la Fédération pour Haïti : suite à plu-sieurs voyages et de nombreux contacts, un premier rapport est remis 6. À Göte-borg, une session spéciale est organisée sur la reconstruction des bibliothèques dévastées par le tremblement de terre et la reconstitution d’une offre documen-taire et éditoriale. L’accent est mis sur le projet d’Arche (Ark) lancé par Danielle Mincio, un centre de traitement et de res-tauration réalisé avec l’aide d’Architectes Sans Frontières. De nombreuses initia-tives sont prises, telles celles du Bou-clier bleu, de Bibliothèques Sans Fron-tières ou de la Bibliothèque nationale de France. Les efforts pour rebâtir les biblio-thèques haïtiennes vont se poursuivre. Les bonnes volontés sont nombreuses, qu’elles viennent d’associations natio-nales (comme l’Association des biblio-thécaires de France), de bibliothèques (comme la médiathèque de Hyères) ou de particuliers. L’association genevoise

6. Rapport Ifla/Haïti : www.ifla.org/news/international-blue-shields-mission-to-haiti-online-report

Haïti, l’Afrique et le web 2.0

Au goût du jour, la conférence de l’International Federation of Library Associations and Insti-

tutions (Ifla) 2010 l’est à maints égards : branchés, connectés sur YouTube, Twitter, Facebook… en temps réel, les bibliothécaires du monde entier peuvent suivre la conférence de Göteborg (ou Gothenburg) en Suède du 9 au 15 août 2010. Nos collègues suédois relèvent le défi d’organiser une conférence d’une telle ampleur après l’annulation de celle de Brisbane en Australie pour cause de crise économique. Avec pour thème générique « Accès libre au savoir, pro-mouvoir un progrès durable 1 », plus de 3 000 participants 2 sont dénombrés.

1. Le programme en français sur le site du Comité français Ifla : www.cfifla.asso.fr/conferences/goteborg/indexgoteborg.htm

2. Avec l’aide de huit mécènes différents, dont la bourse Shawky Salem 2010, plus de 40 bibliothécaires de pays en voie de développement ont pu assister à la conférence de Göteborg. Le Dr Ismail Serageldin, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, et la secrétaire générale de l’Ifla, Jennefer Nicholson, ont eu le plaisir de confirmer la poursuite de la coopération avec le Centre de langue arabe de l’Ifla, grâce à la signature d’un accord renouvelé.

CONGRèS DE L’IFLA 2010

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84 bbf : 2011 t. 56, no 1

tuite au prochain congrès, sous l’égide du groupe éditorial Emerald – par ailleurs l’un des sponsors officiels de l’Ifla 13 : le prix récompense des actions marquantes pour faire connaître les bibliothèques. Cette année, il est décerné au Centre de ressources et d’apprentissage (LCR) de l’École de commerce indienne représen-tée par le Dr K. Mohan. La seconde place est accordée à la bibliothèque publique de quartier Gail Borden, aux États-Unis, et la troisième place à la bibliothèque de l’université de Bergen, en Norvège 14.

La bibliothèque 2.0 et les Linked Data

Le thème des réseaux sociaux est un thème sous-jacent et présent dans bon nombre de présentations cette année à l’Ifla. Plusieurs concepts sont évoqués : la bibliothèque hyperliens (Stephens et Collins) ; la bibliothèque sociale (de Sozial Bibliothek – Danesky et Heller) ; le catalogue 2.0 (Coyle) ; le Cataloblog (Bigwood). Le concept de bibliothèque hybride revient assez régulièrement. Oli-vier Le Deuff, l’un des intervenants d’un atelier très suivi, « Marketing et biblio-thèque 2.0 15 », souligne le dynamisme de la blogosphère bibliothéconomique – qu’il appelle une « biblio-blogosphère ». Les blogs de bibliothèques permettent à tout utilisateur de « contribuer à construire l’identité de la bibliothèque », ce qui est une définition très juste.

La technologie des Linked Data est en plein essor et intéresse au plus haut point les bibliothèques. Rendre les don-nées du web « plus intelligentes », c’est l’objectif avoué et qui semble atteignable grâce à cette technologie dites des don-nées liées, projet du World Wide Web Consortium (W3C). Défendue par Tim Berners-Lee, co-inventeur avec Robert Cailliau du World Wide Web, cette tech-nologie lie les données du web entre elles non pas par un lien hypertexte (comme c’est le cas actuellement pour les documents), mais par un identifiant, le « Uniform Resource Identifier » (URI).

13. Pour déposer un dossier : www.ifla.org/en/management-and-marketing/marketing-award

14. Plus d’informations : www.ifla.org/en/news/winners-announced-for-the-8th-ifla-international-marketing-award

15. À partir de la présentation d’Olivier Le Deuff, « La bibliothèque 2.0, Genèse et évolutions d’un concept », Ifla 2010 : https://docs.google.com/present/view?id=dfsgrrd6_11899hswfkddh

sibilité offerte aux utilisateurs de déposer des commentaires 11. Parmi les thèmes traités : bibliothèques et internet, aspects juridiques et légaux, aspects sociaux.

Une manière différente de conduire les actions de l’Ifla

L’Ifla est souvent perçue de l’exté-rieur comme une organisation complexe, peu capable de produire du concret. Rien n’est plus faux et ce, grâce à l’action des derniers présidents et secrétaires généraux, plus pragmatiques peut-être que leurs prédécesseurs. La conférence annuelle est en cours de réévaluation et subit d’importants changements (plus courte qu’auparavant, avec de nombreux ateliers satellites) ; le secrétariat perma-nent est plus efficace sous la houlette de l’Australienne Jennefer Nicholson ; l’Ifla essaye de réagir rapidement (voir le cas d’Haïti), elle est présente dans le monde grâce à ses représentations régionales.

La future présidente de l’Ifla en 2011, la canadienne Ingrid Parent, a présenté le programme « Construire des associa-tions de bibliothèques solides » (Pro-gramme BSLA)12. Le programme BSLA facilite la création et le maintien dans la durée des associations de bibliothèques. Pour cela, trois pays sont sélectionnés chaque année et la Sud-Africaine Ellen Tise – actuelle présidente – a annoncé que les pays sélectionnés pour l’année 2010 sont le Cameroun, le Liban et le Pérou. La Fondation Bill and Melinda Gates, qui soutient l’Ifla depuis plu-sieurs années, permet à trois pays sup-plémentaires de prendre part au Pro-gramme BSLA : le Bostwana, la Lituanie et l’Ukraine. Un site internet du BSLA est opérationnel à partir de septembre 2010, et rend accessible des études de cas et du matériel de formation à tous les membres de l’Ifla.

Le prix Marketing Ifla 2010

Depuis huit ans maintenant, la dyna-mique section Management et Marke-ting remet un prix annuel comprenant la somme de 1 000 $ et l’inscription gra-

11. http://ifla-world-report.org

12. www.ifla.org/en/about-bsla

AGBD 7 fait un don en argent. L’associa-tion « Bibliothèques sans frontières » œuvre activement pour sa part, relaie les initiatives et peut également recevoir des dons dans le cas de Haïti 8.

Henning Mankell, lien entre la Suède et l’Afrique

Un des premiers orateurs invités est le célèbre auteur suédois de romans policiers, Henning Mankell. Outre un discours introductif, il est également l’invité d’une session à l’université de Gothenburg 9. D’une façon générale, les questions ont porté sur l’Afrique, les bibliothèques et la politique, car l’écrivain partage son temps entre la Suède et le Mozambique depuis une vingtaine d’an-nées, et il est très impliqué au plan hu-manitaire sur ce continent. Pour lui, les bibliothécaires en Afrique ont un rôle im-portant à jouer pour lutter contre l’illet-trisme. En période de crise économique, les enfants et la culture sont souvent les premières victimes. Et ce, parce que les enfants ne votent pas et ne se plaignent pas, et parce que la culture est une « cible facile ». De cette réalité, Henning Mankell dit : « Nous ne devrions pas seu-lement dire aux hommes politiques qu’ils doivent nous aider, mais aussi pourquoi ils doivent nous aider. » Quant à la manière d’aborder les hommes politiques, il dit que l’on devrait « utiliser un langage effi-cace ».

Le Rapport mondial 2010 sur l’accès à l’information

Sorti juste avant la conférence an-nuelle, la publication du Rapport mon-dial de l’Ifla 10 est un des moments forts de l’année : il dresse un état de l’art de la liberté d’expression et de l’accès à l’in-formation dans 122 pays en prenant un spectre assez large de bibliothèques. Une carte Google permet la navigation dans les différents pays du rapport avec la pos-

7. Association genevoise des bibliothécaires et professionnels diplômés en information documentaire : www.agbd.ch

8. www.bibliosansfrontieres.org

9. Ce compte rendu de la rencontre est extrait de celui rédigé par Johan Magnusson : http://2010.ifla.org/node/1374

10. Rapport mondial Ifla 2010 : www.ifla-world-report.org

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bbf : 2011 85 t. 56, no 1

Un moteur de recherche dit « intelligent » fournira donc de meilleurs résultats grâce à cette technologie.

Seules quelques préoccupations actuelles des professionnels de l’informa-tion sont développées ici : il va sans dire que de nombreuses autres auraient pu

l’être. Le programme intégral est en ligne sur le site de l’Ifla 16, avec quelques tra-ductions françaises. La prochaine confé-

16. Actes de la conférence 2010 : www.ifla.org/en/conferences-sessions/216

rence internationale de l’Ifla est prévue à San Juan de Puerto Rico en août 2011. •

Jean-Philippe [email protected]

centrale pour la Région de Bruxelles-Ca-pitale. Plus d’une vingtaine d’interven-tions sont au programme de la section. Celui-ci débute par « Être bibliothécaire dans un environnement numérique », de votre serviteur, qui dresse le tableau actuel de l’information numérique : des archives ouvertes aux moteurs de recherche, des services de référence vir-tuels aux plateformes d’apprentissage à distance (e-learning), du phénomène actuel de « numérisation du monde » aux nouveaux usages numériques, le biblio-thécaire est confronté à un environne-ment très complexe qu’il doit apprendre à maîtriser 2. Trois interventions de col-lègues africains – Eustache Megnigbeto de la République du Bénin, Amadou Anta Samb du Sénégal et Ahmed Ksibi de Tunisie – rappellent que, s’ils sont convaincus de la nécessité d’élaborer et d’améliorer les services en ligne, cela passe aussi par une incontournable for-mation à l’information des usagers, des connexions internet et électriques pé-rennes et l’accès à une information non censurée. Un discours qui nous ramène vers des problématiques bien plus prag-matiques et peut-être essentielles 3, no-tamment celles du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI)4.

Marie Martel, bibliothécaire du réseau des bibliothèques de la ville de

2. Pour plus d’informations voir : www.jpaccart.ch/me-conna-tre/editoriaux/edito-n-53-septembre-2010-etre-biblioth-caire-dans-un-environnement-num-3.html

3. Cité par Lionel Dujol (lire le billet du 7 octobre 2010 sur son blog « La bibliothèque apprivoisée » : http://labibapprivoisee.wordpress.com/2010/10/07/la-mediation-numerique-un-projet-global-de-bibliotheque-lexemple-des-mediatheques-du-pays-de-romans-symposium-bucarest-septembre-2010

4. Voir le site du SMSI : www.itu.int/wsis/index-fr.html

Montréal, décrit le dispositif mis en place dans ce réseau pour forger « une culture de la médiation numérique » aux bibliothécaires. Lionel Dujol complète ce concept en l’éclairant avec l’expé-rience menée dans les médiathèques du Pays de Romans, puisqu’il est lui-même chargé de cette fonction 5. Cristina Ion de la Bibliothèque nationale de France axe son intervention sur « Bibliothèques, web 2.0 et démocratie » : l’évolution actuelle du web, appliquée aux biblio-thèques, conduit à un véritable renverse-ment dans le domaine des relations entre la bibliothèque et ses publics. Les termes suivants sont alors cités : « co-construc-tion » ; « bibliothèque participative » ; « évaluation par les usagers », montrant le passage d’un public-objet à un public-sujet. Celui-ci est autonome, individua-lisé, « indifférent aux objectifs collectifs pré-établis et aux savoirs validés ».

Outre ces différentes communica-tions axées sur le savoir numérique et son utilisation, d’autres abordent la question des nouvelles bibliothèques (du point de vue architectural), des ressources papier vs des ressources électroniques, de la dif-ficulté des petites bibliothèques à s’insé-rer dans le mouvement du web 2.0.

L’ensemble de ces interventions forme un tout cohérent, en phase avec les préoccupations du moment, à savoir le devenir des bibliothèques et les nouveaux usages numériques. •

Jean-Philippe [email protected]

5. Déjà en 2007, Silvère Mercier, auteur du blog Bibliobsession, donnait la définition suivante de la médiation numérique : « L’utilisation d’outils numériques afin de se faire rencontrer une offre et une demande de contenus dans le cadre d’une politique documentaire. » www.bibliobsession.net/2007/06/28/la-mediation-numerique-dans-les-bibliotheques-une-voie-d-avenir

Le Livre, la Roumanie et l’Europe

La 3e édition du symposium « Le Livre, la Roumanie et l’Europe » organisé par la bibliothèque métro-

politaine de Bucarest, la mairie de Bucarest, l’université de Bucarest et l’Académie roumaine du 20 au 23 sep-tembre 2010 rassemble des participants provenant d’une vingtaine de pays. Placée sous le signe de la francophonie qui fête ses 40 ans, avec un large appui de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)1, la cérémonie d’ou-verture est l’occasion d’un rappel des liens unissant la Roumanie et la France depuis la Révolution française (même si la langue française n’est plus la seconde langue parlée dans ce pays) : la culture française constitue le lien le plus évident et le plus fort. « L’esprit européen » cher à Montesquieu est cité. Le professeur Ion Panzaru, recteur de l’université de Bucarest, tout en évoquant le livre « vu comme un cas de figure sémantique », parle de Gallica en tant qu’outil impor-tant de promotion de la langue française, ainsi que du processus actuel de dématé-rialisation de la culture.

La mission de la bibliothèque a-t-elle changé ?

Le programme « Francophonies et modernités dans les bibliothèques à l’ère du web 2.0 » est proposé dans le cadre de cette réflexion par la section des sciences de l’information – coordonnée par Réjean Savard, professeur à l’École de bibliothécaires de l’université de Mon-tréal, et Chantal Stanescu, bibliothécaire dirigeante de la Bibliothèque publique

1. www.francophonie.org

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86 bbf : 2011 t. 56, no 1

soient commerciaux ou à but non lucra-tif, n’ont pas grandement changé leurs habitudes d’avant la crise. Des hausses spectaculaires, supérieures à 15 %, ont même été constatées. Malheureusement, l’issue de la crise et la fin des coupes budgétaires semblent bien lointaines pour certains pays.

L’édition scientifique, accrochée à ses modèles économiques et à une crois-sance à deux chiffres, va bientôt être confrontée à une clientèle qui sera bien incapable de suivre cette marche forcée vers plus de services et plus de contenus. Plusieurs collègues des consortiums ont fait remarquer l’inflation artificielle de la production scientifique et l’impossi-bilité actuelle de distinguer à un niveau macroscopique les articles qui font simplement état de la compétence de leurs auteurs avec des publications qui apportent véritablement des éléments nouveaux à la science. D’autres ont ma-nifesté leur agacement face à certains services inadaptés à leur contexte local et pourtant facturés d’une manière ou d’une autre.

Face à ces critiques, les éditeurs Elsevier, Springer et Brill, qui avaient été invités pour des sessions spécifiques, tiennent un discours rebattu : « Nous œuvrons dans l’intérêt de la science. » Seul Wiley-Blackwell a annoncé sa volonté de trouver un modèle économique qui en-courage les bonnes publications et pas simplement plus de publications. Qu’en pensent les chercheurs ? Qu’en pensent leurs évaluateurs ?

La mutualisation, raison d’être des consortiums

Le congrès a été l’occasion de mon-trer par ailleurs que les consortiums de bibliothèques ne se limitent pas à l’acqui-sition de ressources électroniques mais cherchent également à mutualiser les moyens de leurs membres.

Au Royaume-Uni, JISC (Joint Infor-mation Systems Committee) s’est saisi depuis plusieurs années des questions de l’archivage des revues électroniques, soutenant des mouvements comme l’UK

LOCKSS Alliance 2 ou des projets comme PECAN 3, dont le but est de trouver la meilleure solution possible pour accéder au contenu souscrit après une annula-tion de contrat, ou PEPRS 4, qui vise la construction d’un registre recensant les revues présentant une solution d’archi-vage pérenne. L’alliance des organismes de recherche allemands s’intéresse éga-lement aux questions des revues électro-niques mais élargit sa réflexion aux docu-ments numérisés par les bibliothèques.

Une autre collaboration possible ré-side dans la mise au point d’un système consortial de gestion des ressources électroniques (ERMS). La grande diffi-culté de tels projets et l’absence de solu-tion véritablement aboutie de la part des fournisseurs font malheureusement que, dans certains cas, les projets ont revu leurs ambitions (Danemark, Suède) ou ont été annulés (Pays-Bas).

Les membres des consortiums ont beau tendre tous vers un objectif com-mun – la plus large diffusion des travaux de recherches à des conditions accep-tables pour tous –, il convient de recon-naître qu’ils sont parfois traversés de tensions internes. Les débats que l’on connaît en France – le consensus à tout prix est-il la meilleure solution ? Faut-il des négociateurs professionnels ? Com-ment gérer l’hétérogénéité des struc-tures composant le consortium ? – se retrouvent partout ailleurs, sans que les solutions trouvées chez les uns puissent s’appliquer telles quelles chez les autres.

Pour autant, contrairement à ce qu’a affirmé non sans malice le président-di-recteur général de Springer, les consor-tiums ont un avenir. Ce qu’on ne fait que percevoir, le réseau canadien de docu-mentation pour la recherche l’a montré grâce une série d’indicateurs sur dix ans, affirmant ainsi sa valeur ajoutée auprès de ses membres et de ses financeurs. •

Benjamin [email protected]

2. http://edina.ac.uk/lockss

3. http://edina.ac.uk/projects/pecan

4. http://edina.ac.uk/projects/peprs_summary.html

International Consortium of Libraries Consortia 2010

C’est à Amsterdam, à quelques kilomètres à vol d’oiseau des sièges européens de masto-

dontes de l’édition scientifique – Else-vier, Wolters-Kluwer, Brill… – que s’est tenue, du 3 au 6 octobre 2010, la ses-sion européenne 2010 de l’Internatio-nal Consortium of Libraries Consortia 1. L’ICOLC est une structure informelle dont le rôle principal est de faire cir-culer l’information entre les différents consortiums de bibliothèques afin de disposer au niveau local d’un niveau de connaissance du marché au moins égal à celui que détient un éditeur donné lors d’une négociation. Il est alors plus facile de tordre le cou à un des arguments préférés des éditeurs commerciaux qui consiste à dire lors d’une négociation : « Mais vous disposez de bien meilleures conditions que le consortium du pays voi-sin ! » Pour autant, dans l’idéal, il s’agit également de disposer de quelques coups d’avance par rapport à l’éditeur en disposant de données stratégiques qui ne pourront pas être évoquées ici (je reste par ailleurs volontairement vague sur la nature de ces données). Faire un compte rendu riche et intéressant des débats et échanges qui eurent lieu lors de cet événement sans pour autant dévoiler certains éléments clés relève donc un peu de l’exercice d’équilibriste.

Business as usual

La crise économique internatio-nale a été au centre des échanges de la première session. En guise d’écho au communiqué de janvier 2009 appelant les éditeurs à ne pas augmenter leurs prix entre 2009 et 2010, l’étude sur la hausse réelle des tarifs menée auprès de soixante et un consortiums montre une réalité différente. Même si les consor-tiums nord-américains ont en moyenne mieux réussi à contenir les hausses que leurs homologues européens et asia-tiques, force est de constater que les acteurs de l’édition scientifique, qu’ils

1. www.library.yale.edu/consortia

Page 89: Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

Mikkel Birkeggaard La librairie des ombresLaurence Tarin

Adrienne Cazenobe Les collections en devenir. Typologie des documents, politique et traitement documentaires.Yves Desrichard

Yves Citton Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gaucheThierry Ermakoff

Francesco Della Casa et Eugène Meiltz Rolex Learning CenterFrançois Rouyer-Gayette

Jean-Charles Hourcade, Franck Laloë et Erich Spitz Longévité de l’information numérique : les données que nous voulons garder vont-elles s’effacer ? Rapport du groupe PSN (pérennité des supports numériques) commun à l’Académie des sciences et à l’Académie des technologiesYves Desrichard

Daniel Kaplan Informatique, libertés, identitésLouis Burle

Anne Langley et Jonathan D. Wallace A Practical Writing Guide for Academic Librarians. Keeping it short and sweetJoachim Schöpfel

Mariangela Roselli et Marc Perrenoud Du lecteur à l’usager. Ethnographie d’une bibliothèque universitaireThomas Marty

Pascal Robert Mnémotechnologies, une théorie générale critique des technologies intellectuellesYves Desrichard

L’esthétique du livre Sous la direction d’Alain Milon et Marc PerelmanFrançoise Lonardoni

Les sciences de l’information et de la communication à la rencontre des Cultural Studies Sous la direction de Françoise Albertini et Nicolas PélissierOriane Deseilligny

Sciences et démocratie : doculivreChristelle Di Pietro

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88 bbf : 2011 t. 56, no 1

Mikkel BirkeggaardLa librairie des ombresParis, Fleuve noir, 2010, 456 p., 23 cm ISBN 978-2-265-08722-4 : 20,90 €

Thriller et pouvoir de la lecture

Un polar danois avec pour scène de crime une librairie, c’est toujours alléchant ! Le titre, La librairie des ombres, et l’accroche de la couverture, « Et si la lecture pouvait tuer ? », piquent la curiosité et ne peuvent qu’attirer le lecteur. Ce roman, qui a effectivement pour thème le pouvoir de la lecture, met en scène un jeune avocat danois dont le père, d’origine italienne, vient de mourir mystérieusement. Peu à peu, le jeune avocat va découvrir la véritable personnalité de ce père qui gérait avec passion la librairie de livres anciens qui porte son nom : « Libri di Luca ». Luca Campelli jouait un rôle de toute première importance au sein d’un cercle très fermé, celui des « lettore ». Ces « lecteurs », qui se divisent entre les émetteurs qui lisent à haute voix et les récepteurs qui « entendent » les textes lus silencieusement par d’autres, ont le pouvoir d’influencer et de lire les pensées de leurs prochains à travers leurs lectures. Parmi ces « lettore », deux clans s’affrontent : ceux qui se servent positivement de leurs pouvoirs, pour encourager le goût de la lecture chez les enfants par exemple, et ceux qui voudraient utiliser leurs étranges atouts pour s’enrichir et dominer le monde.L’idée de départ est intéressante, mais La librairie des ombres ne remplit pas ses promesses.Tous les poncifs sur la lecture et les lecteurs sont en effet égrenés dans cet ouvrage. Il y est question de bonnes et de mauvaises lectures, de la dangerosité de la lecture : les livres peuvent être des instruments de crime. On reconnaît facilement dans les lettore un groupe d’initiés qui s’opposent aux autres, et, derrière la distinction entre émetteurs et

récepteurs, celle entre ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Certes, ils ne peuvent se passer les uns des autres, mais bien évidemment ce sont les premiers qui ont le pouvoir.

Une idée de départ prometteuse

Tout y passe, même la bibliothèque d’Alexandrie où se déroule la scène finale quelque peu caricaturale. Surtout, de nombreuses idées reçues traversent le texte : contrôler la lecture permettrait de contrôler le monde, ceux qui se passionnent pour les livres anciens ne seraient pas capables de se servir de l’informatique…Même si tous les ingrédients d’un « bon » roman policier y sont : un peu de sang et de torture, un peu d’amour, une bonne dose de fantastique, un zeste de science-fiction, il n’en reste pas moins que l’intrigue n’est pas toujours bien menée et que l’ensemble demeure terriblement manichéen.En définitive, toutes ces histoires de livres qui pulvérisent le cerveau de ceux qui en font mauvais usage finissent par indisposer le bibliothécaire, le libraire et même, si l’on en croit différents blogs d’amateurs de polars, le lecteur lui-même.Enfin, on regrettera, mais ce n’est hélas pas une particularité propre aux éditions du Fleuve noir, le manque de soin apporté à la relecture du texte. Un certain nombre de coquilles et d’incorrections (d’erreurs de traduction ?) sont en effet présentes dans le texte.Un premier roman décevant donc, surtout si on le compare, dans le même registre, à la géniale Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón, publié en 2004 (Grasset), dont Mikkel Birkegaard s’est peut-être inspiré.

Laurence [email protected]

Adrienne CazenobeLes collections en devenir. Typologie des documents, politique et traitement documentairesParis, Éditions du Cercle de la librairie, 2010, 304 p., 24 cmColl. BibliothèquesISBN 978-2-7654-0981-6 : 39 €

Dans un récent numéro du Bulletin des bibliothèques de France (2010, no 3), nous interrogions le

« concept de collection ». En effet, est-il besoin de rappeler que, à l’heure de la dématérialisation (même si le terme est bien impropre) des supports, à l’heure où la bibliothèque physique, numérique, n’est plus le seul lieu à proposer documents et informations à ses publics, la notion de « collection », sur laquelle s’est fondée nos métiers (bien avant les publics) est plus que malmenée, disséquée, parfois niée, moquée, brocardée.

Un manuel parfaitement composé et richement documenté

La publication de Les collections en devenir pouvait laisser espérer, sur ces sujets, un point de vue solide et documenté, à l’image de nombre de titres déjà publiés par Martine Poulain dans sa collection « Bibliothèques » du Cercle de la librairie. L’ouvrage d’Adrienne Cazenobe, actuellement responsable de formation au centre régional de formation aux carrières des bibliothèques Médiadix, à Saint-Cloud, laisse, sur ces points, quelque peu sur sa faim de connaissances et sur sa soif de perspectives nouvelles.Mais c’est, à notre sens, que son intérêt se situe ailleurs, et que, s’il prendra aisément sa place parmi les ouvrages de référence pour nos métiers, pour les professionnels et pour les candidats au recrutement dans nos établissements, c’est plutôt en tant que manuel que comme outil de réflexion, ce en quoi il se situe tout à la fois en deçà et au-delà des ambitions initialement affichées.

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L’ouvrage se structure autour de trois parties : une sur la typologie des documents, la seconde sur la constitution et le développement des collections, la troisième sur leur « référencement » et leur « ordonnancement », bref ce qu’on n’ose plus qualifier de catalogage et d’indexation.C’est dans la première partie que se situe la surprise à vrai dire la plus désagréable de l’ouvrage : il ne sera en effet question que du livre, « objet premier » des bibliothèques, que ce soit sous sa forme matérielle ou ses déclinaisons électroniques. On pourra regretter que cette précision n’ait pas été figurée, d’une manière ou d’une autre, dans le titre ou le sous-titre de l’ouvrage, ni même à vrai dire dans la quatrième de couverture, où on parle d’« écrits » sans plus de précision. Sans obérer l’intérêt de ce qui suit, il est évident que cette restriction handicape gravement une réflexion vraiment probante sur les sujets abordés car, si rares sont les bibliothèques qui puissent se passer d’« écrits », rares aussi sont celles qui, désormais, peuvent s’en contenter.Passée cette désillusion, il faut reconnaître qu’Adrienne Cazenobe fait, à propos du « livre » écrit, une remarquable synthèse, des manuscrits aux imprimés, qui sera familière (on l’espère tout au moins) aux professionnels, mais fort utile toutefois. Des illustrations auraient été bienvenues, on sait pour autant que de tels ajouts grèvent gravement les coûts de fabrication et de vente. On sera plus circonspect sur l’approche typologique des « écrits dématérialisés », d’abord parce qu’on ressent ici plus que dans la première partie du chapitre le manque des autres types de documents et d’informations, d’autre part, et on ne saurait en faire le reproche à l’auteur, parce que tout ce qui relève du « livre numérique » (terme ici privilégié) est dans une évolution si rapide que sa mise en perspective typologique est des plus aléatoires. Il n’empêche que, par exemple, la présentation d’un format comme « E-Pub » aurait été bienvenue.

Sur la constitution des collections papier

La deuxième partie, sur la constitution des collections, propose là encore une série de développements très complets sur les politiques d’acquisition, dans toutes les acceptions du terme, qui sera fort utile comme inventaire exhaustif des pratiques en la matière. Les développements très spécifiques sur le dépôt légal (25 pages) auraient pu être utilement résumés, le site web

de la Bibliothèque nationale de France étant à cet égard comme à bien d’autres remarquablement complet1*. Ce qui gêne surtout dans ce chapitre, c’est qu’il paraît désormais difficile d’envisager la politique d’acquisition d’une bibliothèque sans la replacer dans un contexte plus large, celui de la concurrence d’autres prestataires, ou de la complémentarité entre différents établissements. Aujourd’hui, encore moins qu’hier, la bibliothèque ne peut s’envisager comme « seule au monde », d’être entourée d’« ennemis », mais aussi d’amis… Cette donnée, parfois esquissée, n’est pourtant pas développée de manière aguerrie.

Le mot et la chose

Enfin, la troisième partie, si elle n’ose pas le mot, s’intéresse avant tout à la chose : c’est bien de catalogues et de catalogage qu’il s’agit, et, là encore, Adrienne Cazenobe propose une synthèse parfaite et documentée de ces fondements professionnels si rassurants, dont le principal évangile (on ne doit pas être le premier, mais tant pis) est celui de Marc. Dommage, là encore, que ces techniques documentaires ne soient pas replacées de manière plus décisive dans un contexte de concurrence et de complémentarité : l’interface Google aurait méritée plus de développements, et le « traitement en collection des documents dématérialisés » peut difficilement faire abstraction (ce qui semble pourtant être le cas) de ce qu’une partie des « collections » désormais proposées par la bibliothèque ne sont pas sa propriété, et qu’elle n’en définit que de manière limitée les modalités descriptives et de recherche. L’ouvrage se conclut d’ailleurs sur la mise en œuvre des RDA (Ressource Description and Access), avatar des normes de catalogage américaines, présentées comme une « révolution ». Mais une révolution pour quoi faire ?À la lecture de ce compte rendu, on se rend compte qu’on a parfois été peu tendre. Adrienne Cazenobe, à partir d’une documentation considérable, a réalisé une série de synthèses remarquables sur des sujets encore fondamentaux pour nos métiers, mais dont on peut craindre qu’ils vont plus concerner des candidats aux concours que des professionnels endurcis, pour la plupart confrontés à des réalités autres,

* www.bnf.fr ; le parti pris initial de l’ouvrage fait que les deux autres principaux titulaires du dépôt légal, l’Institut national de l’audiovisuel et le Centre du cinéma et de l’image animée ne figurent pas.

et ici peu abordées. Dès lors, notre relative déception vient sans doute d’un malentendu de bonne foi entre un auteur proposant un manuel parfaitement composé et richement documenté, et un professionnel malveillant attiré plus par le mot « devenir » que par la notion de « collections » et qui, sans doute, attendait tout autre chose.

Yves [email protected]

Yves CittonMythocratie. Storytelling et imaginaire de gaucheParis, Amsterdam, 2010, 221 p., 21 cm ISBN 978-2-35480-067-3 : 17 €

Ce livre, dont le titre est emprunté à Sun Ra, propose une théorie de la scénarisation à destination de la

gauche ou de ses représentants, partant du constat que la « gauche » est en peine de recréer une histoire commune, en gros depuis la Révolution française, et que, par un habile revers, la droite et le capitalisme ont fait, en quelque sorte, main basse sur l’imaginaire. Bien qu’Yves Citton soit professeur de littérature à Grenoble 3, il fait là œuvre politique, et il l’a déjà montré en collaborant régulièrement à feue la Revue internationale des livres et des idées (Rili)1 ; la Rili, dont les lecteurs attendaient avec impatience la parution au 10 de chaque bimestre, avec le Bulletin des bibliothèques de France ; il y avait publié, entre autres contributions – il publiait toujours de longues recensions –, un texte sur le livre de Bruno Latour : Sur le culte moderne des dieux faitiches 2, dans le numéro 14 de novembre-décembre 2009. Hélas, le poids financier de la fabrication et de la distribution, pensons-nous, a eu raison de cette belle aventure éditoriale, de cette

1. Site de la revue : http://revuedeslivres.net/index.php2. Publié aux éditions de la Découverte, en 2009.

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incroyable revue, excellente, intelligente, anglophile et controversante ; bref, Yves Citton, parce qu’il est professeur de littérature, y avait toute sa place, comme, par sa position même, il nous entraîne aussi, à partir de cette « mythocratie », dans une belle théorie littéraire qui prend pied chez Diderot (Jacques le fataliste).

Une théorie politico-littéraire

Yves Citton s’avance d’abord dans une théorie du pouvoir s’appuyant sur les thèses de Michel Foucault, Gilles Deleuze, Gabriel Tarde : « Contrairement à un imaginaire souvent répandu encore aujourd’hui, malgré l’insistance avec laquelle Foucault lui-même a essayé de dissiper ce malentendu, le pouvoir ne saurait se confondre ni avec la répression, ni avec la contrainte. Le pouvoir mérite moins d’apparaître comme ce qui empêche de faire ce qu’on veut, que comme ce qui invite à vouloir faire ce qu’on veut. » Bref, le pouvoir est l’effet d’une captation du potentiel de la multitude par celui qui l’exerce et d’une incapacité à s’en apercevoir ; comme le souligne Frédéric Lordon, « le pouvoir est l’effet d’une captation de potentia multitudinis par celui qui l’exerce et d’une incapacité de ceux sur qui il l’exerce à s’en reconnaître comme la véritable origine » : qui donc, de là-haut, comme le dit Jacques le fataliste, écrit notre histoire ?Il s’agit donc bien de scénarisation : qui écrit le scénario de notre avenir commun ? Dans un livre désormais célèbre, et traduit en de nombreuses langues, même les plus lointaines et obscures, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits 3, Christian Salmon fustigeait le « storytelling » comme l’art de raconter des histoires qui permettent au capitalisme, pour faire vite et court, d’envelopper sa politique agressive et destructrice, en obtenant, de surcroît, l’adhésion de « la multitude ». Yves Citton consacre une bonne partie de son ouvrage à bâtir une théorie politico-littéraire sur l’art de scénariser : reprenant les origines du conte (sans citer, étrangement, Propp), les théories du récit, il montre comment les individus captent, retiennent des récits, des morceaux de récits, des personnages, des vies, et que ce qu’ils retiennent oriente, parfois seulement comme par effet levier, leur façon de penser, et donc aussi, leur action et leur existence. L’ensemble des hypothèses, celles du « frayage », celle des « attracteurs », des « capteurs », concepts dont la terminologie est

3. Publié aux éditions de la Découverte, en 2007.

empruntée à la philosophie des sciences, par exemple celle de René Thom, ou de Benoît Mandelbrot, ou à la pensée de Bernard Stiegler et ses recherches sur l’économie de l’attention, cet ensemble, donc, est séduisant et convaincant. Pour nous en persuader, Yves Citton fait appel à Madame de la Pommeraye et au marquis des Arcis, histoire édifiante, racontée, comme en abîme, par Diderot dans Jacques le fataliste. Il y parvient, en partie, surtout sur le constat de l’éloge de la singularité à rebours de celui de l’abondance, la singularité étant, grâce à l’internet, le nouveau modèle économique, celui, bien sûr, de la publicité. Bref, nous voilà emportés, nous nous emportons, le sang ne fait qu’un tour, nous percevons que la pensée d’Yves Citton travaille à plein rendement.

Vers quel devenir collectif ?

La dernière partie, hélas, « renouveler l’imaginaire de gauche », n’est pas à la hauteur de nos espérances ; le constat d’évidence perdure : il reste à réinventer un imaginaire, des histoires, un récit qui ne soit pas uniquement accaparés par le capitalisme, la droite, Reagan, Hollywood, Schwarzenegger, que sais-je ? Mais si les récits actuels sont des pièges, Yves Citton ne nous propose pas de pistes réellement novatrices, solides et incontestables sur lesquelles s’appuyer : évoquant les récusations successives des revendications de « gauche », récusation des Divinités, des Souverains, des Appropriations, il pose que nous en sommes à la récusation des Données ; fort bien. Mais il ne s’agit pas tant des données informatiques qui formatent nos vies et contrôle(raient) nos libertés, il s’agit plutôt de rejeter ce qui est « donné », de renoncer à la « Croissance-Reine » ; et de proposer de conter sans compter, d’oser le mythe contre la réalité, le virtuel contre le donné, le devoir être contre le pouvoir être, le bonheur présent contre la prospérité différée, le temps libre contre le temps forcé, l’ambivalence contre l’arrogance : cette énumération, dont au moins trois des termes pourraient être les ingrédients d’une mythologie de « droite », laisse le lecteur sur sa faim, comme si l’auteur lui-même, en mal de conclusion conclusive, roborative et définitive, n’avait plus vraiment su où donner de la tête.Il nous faut donc, nous l’avons bien compris, (re)lire Foucault, Deleuze, Guattari et sa « révolution moléculaire », Marthe Robert, Vladimir Propp, Bruno Bettelheim, Denis Diderot, Christian Salmon, et nous confronter alors aux bibliothèques. Car l’auteur prend soin,

en introduction, de mentionner que son livre « émane de quelqu’un qui est devenu professeur de littérature, et qui se confronte plus souvent au doux pouvoir des bibliothécaires qu’aux coups de matraque des policiers ».

Thierry [email protected]

Francesco Della Casa et Eugène Meiltz Rolex Learning CenterLausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2010, 221 p., 24 cmColl. ArchitectureISBN 978-2-88074-861-6 : 39,50 €

I l est de tradition quand on imagine l’avenir des bibliothèques de se tourner vers des terres lointaines, de

songer avec mélancolie à l’Europe du Nord, de rêver des pays anglo-saxons, de s’inscrire dans une tradition de l’ailleurs (les pays asiatiques, nouvel eldorado des bibliothèques !) comme pour mieux se persuader que la distance à parcourir serait la preuve irréfutable de notre indéfectible attachement à cet obscur objet du passé que serait la bibliothèque encyclopédique.Avec l’ouverture du Rolex Learning Center le 22 février 2010 à Écublens, il va peut-être falloir s’habituer à être plus curieux de nos voisins suisses, à accepter l’idée que, discrètement, une communauté scientifique imagine ce que sera, peut-être, la bibliothèque du futur, en en confiant le design à des architectes venus de l’empire du Soleil-Levant.Ainsi le rêve devient projet, sa réalisation un exploit technique, et son ouverture un terrain d’envol vers une autre approche des chemins de la connaissance.

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Rêver la connaissance

Situé au centre du campus de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le Rolex Learning Center 1 est à la fois un espace dédié à la connaissance, une bibliothèque et un lieu d’échanges culturels. C’est en quelque sorte le cœur d’une « place publique », le poumon d’un site, une ville dans la ville, le carrefour de liens, de réseaux, d’activités d’enseignement, de recherche, de loisir, de restauration, de convivialité, de pratiques collectives ou individuelles. C’est aussi un lieu où se rêve la connaissance, non pas d’une manière abstraite, mais bien au contraire dans le souci d’une approche « charnelle » inscrite dans le temps et tournée vers l’horizon… du lac Léman. Ce rêve, voulu en cinémascope, a pris naissance dans le canton de Vaud et à en quelque sorte épousé son absence de relief, afin de dialoguer avec les « vagues-collines » environnantes, comme une réminiscence de la topographie mais aussi de l’époque glaciaire. Il est ainsi l’affirmation tranquille que l’architecture inscrite dans un site nous en révèle le sens, le mystère, le paysage. La bibliothèque est au cœur du Rolex Learning Center (20 000 m2), fruit de la fusion de la bibliothèque centrale et de neuf structures documentaires qui existaient auparavant sur le campus. Son offre est à la fois physique (500 000 livres en accès direct) et numérique (20 000 ouvrages et 15 000 revues), et elle affirme une volonté de décloisonner les savoirs, les pratiques et les usages pour proposer un nouveau modèle d’accès à la connaissance : la bibliothèque « infinie ».

Réaliser l’infini

Pour incarner l’objectif et la philosophie du projet de l’EPFL, un concours international d’architecture a été organisé en 2004, et pas moins de douze propositions ont été analysées pour retenir à l’unanimité le projet présenté par Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa du cabinet SANAA 2 à qui l’on doit, entre autres, l’élégant « Christian Dior Building » de Tokyo, le délicat pavillon de verre du « Toledo Museum of Art 3 » aux États-Unis, et prochainement la reconversion du site de la Samaritaine à Paris. Rarement on aura perçu une telle symbiose entre un projet scientifique, un site et un bâtiment. Le Rolex Learning

1. http://rolexlearningcenter.epfl.ch2. Le bureau d’architecture japonais Sejima And Nishizawa And Associate : http://sanaa.co.jp3. www.toledomuseum.org/glass-pavilion

Center voulu par l’EPFL trouve dans sa traduction architecturale son incarnation parfaite. Les frontières traditionnelles entre les disciplines sont dépassées, l’espace est quant à lui ouvert pour n’en faire qu’un, sans limite physique, tout en répondant à des usages différents définis par une géographie organique rythmée par des cours intérieures de dimensions et de formes variables. De forme rectangulaire, elle n’en n’est pas moins ondulante, comme délicatement posée au sol sur une structure porteuse d’une belle légèreté. Tout y semble fluide : point d’escalier, mais des pentes douces (des ascenseurs horizontaux) et des terrasses. Le dehors dialogue avec le dedans, libérant ainsi le champ des possibles comme autant de combinaisons à créer, à inventer, pour donner vie au rêve, incarner le progrès des sciences et des technologies, offrir, comme le souhaitait le cabinet SANAA, depuis lors lauréat du prestigieux prix Pritzker 4, un « espace public intime ».

S’approprier le dehors dedans

Pour s’approprier cette caresse du temps, l’ouvrage publié par les Presses polytechniques et universitaires romandes est un écrin minimaliste d’une belle facture et d’une haute exigence formelle. Composé comme un portfolio, il alterne dans des tonalités grisées des carnets photographiques et des cahiers d’articles dans une ondulation en résonance avec le bâtiment conçu par les architectes. Il est riche de détails sans être ostentatoire, et il alterne les points de vue. Celui du maître d’ouvrage, celui du maître d’œuvre, de l’équipe d’engeneering (dans un beau développé sur l’exploit technique qu’ont constitué l’élaboration et la fabrication de la grande coque), des constructeurs (avec de superbes clichés du chantier), des utilisateurs mais aussi des lecteurs que nous sommes. Enfin, il s’inscrit surtout dans une temporalité humaine, une saisonnalité rassurante, loin de tout discours arrogant, traduisant ce souhait de concevoir la science comme ouverte sur la société. Cette « saga » ainsi racontée prend les allures d’une épopée marquant, à n’en point douter, une nouvelle génération de centres de ressources.

François [email protected]

4. www.pritzkerprize.com

Jean-Charles Hourcade, Franck Laloë et Erich SpitzLongévité de l’information numérique : les données que nous voulons garder vont-elles s’effacer ? Rapport du groupe PSN (Pérennité des supports numériques) commun à l’Académie des sciences et à l’Académie des technologies[Les Ulis] : EDP sciences, 2010, 106 p., 24 cmISBN 978-2-7598-0509-9 : 14 €

Ce court rapport, rédigé par le groupe Pérennité des supports numériques (PSN), composé de

membres de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies, s’intéresse à la préservation à long terme de l’information numérique, en distinguant « deux notions très différentes », celle de stockage des données (à court terme) et celle d’archivage, pour « des décennies ou un siècle », donc à long terme. Or, si « nos sociétés génèrent des masses toujours plus grandes d’informations… la durée de vie des supports disponibles pour la [sic] conserver n’a jamais été aussi courte ».

Les deux stratégies d’archivage possibles

Présupposant une sélection des données « qui ont réellement besoin d’être préservées à long terme », le rapport s’intéresse aux supports, aux formats, aux logiciels, en insistant sur le fait que « c’est bien le support physique de l’information qui est la clé de tout le processus de conservation ». Sur ce point, les experts constatent que les supports dits « pressés » (CD et DVD notamment) ont une « durée de vie… relativement bonne, sans commune mesure avec celle des disques type CD-R ou DVD-R », alors même que les CD et DVD « ne sont pas adaptés aux usages qui sont l’objet de ce rapport ».Les auteurs examinent les deux stratégies d’archivage possibles, la « stratégie

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passive : archive et oublie » et la « stratégie active : migration perpétuelle », cette dernière étant celle des « grands acteurs institutionnels ». Deux autres solutions sont envisagées, la délégation à un prestataire de service, qui n’apporte pas de réponse probante, et même le retour à l’analogique, préconisé par le Science and Technology Council of the Academy of Motion Pictures Arts and Sciences (en gros la commission technique des Oscars du cinéma) pour la conservation à long terme des films de cinéma.Quatre types de supports sont potentiellement concernés pour ce qui est de l’archivage numérique, les disques optiques numériques enregistrables (DONE), les bandes magnétiques, les disques durs magnétiques et les « mémoires flash », même si, « pour le moment, personne ne considère les mémoires flash comme des supports de stockage à long terme ». En privilégiant la stratégie active, et en se basant sur une estimation du « patrimoine numérique » à conserver pour chaque foyer (conservation pour des raisons objectives ou sentimentales), les auteurs estiment que « rapporté à l’échelle d’un pays comme la France… le coût annuel de préservation de l’information du patrimoine numérique [sic] est donc probablement compris entre 2 et 20 milliards d’euros par an (100 à 1 000 euros par foyer et par an), et 2 ou 3 fois moins dans une hypothèse minimale ne couvrant pas les enregistrements vidéo ».Dans la perspective d’une stratégie de conservation passive, ils insistent sur le fait que les DONE sont « les mieux placés pour jouer le rôle de support ». Mais les processus physicochimiques mis en jeu, même dans de bonnes conditions de conservation, et malgré les tests de vieillissement artificiel déjà effectués, appellent à « conserver la plus grande prudence concernant les extrapolations et les prédictions de durées de vie en termes d’années, qui sont probablement fausses dans un grand facteur » – observation qui les amène à examiner avec scepticisme les évolutions technologiques à l’œuvre dans ce domaine : « L’avenir dépendra… en bonne partie de la capacité des fabricants à effectuer une reconversion par rapport aux tendances actuelles, et de réaliser une avancée significative dans le domaine de la longévité. »

Des recommandations

En conclusion, le rapport souligne que la « préservation active » semble la solution « pour le moment la plus sûre », mais qu’« elle n’est cependant probablement pas transposable à l’échelle de tous les besoins, y compris familiaux et personnels ». Les auteurs proposent

quatre recommandations de bon sens : « débloquer les études sur le sujet », en engageant « rapidement une étude réellement scientifique des phénomènes de vieillissement des supports… visant à dégager des recommandations fiables en matière de standardisation des formats de supports d’archivage longue durée » ; « éviter la perte des compétences dans le privé et le public, en favorisant “des actions conservatoires” pour les dernières équipes de R & D [Recherche et développement] qui sont compétentes dans le domaine » ; « favoriser l’innovation et l’apparition d’une offre industrielle de qualité », pour permettre l’émergence de solutions industrielles visant à « la réalisation de disques optiques numériques enregistrables de très bonne longévité » ; « élaborer une véritable politique d’archivage numérique », en évaluant notamment « l’intérêt d’une mutualisation des moyens, dans la perspective d’une stratégie active à l’échelon national ».En annexes du rapport, figurent entre autres la « Charte de l’Unesco sur la conservation du patrimoine numérique » d’octobre 2003, la présentation de « quelques projets français », notamment le « Century Disc », le schéma du processus d’enregistrement d’un disque optique numérique, « quelques images illustrant le vieillissement de disques optiques enregistrables », et « quelques idées reçues » parmi lesquelles on pourra retenir, d’une part que « si dans quelques siècles on sait que tel ou tel support ou type de fichier [sic] contient une information importante, on pourra toujours arriver à la lire », d’autre part que « les métadonnées ne sont pas le cœur du problème ».

Yves [email protected]

Daniel KaplanInformatique, libertés, identitésParis, Fyp, 2010, 142 p., 19 cmColl. La fabrique des possibles ISBN 978-2-916571-32-4 : 12,90 €

L’identité numérique

L’attitude des citoyens vis-à-vis des données personnelles qu’ils diffusent sur internet est très paradoxale. La multiplication des moyens de communication pousse à s’exposer, à se « théâtraliser », se mettre en scène ; cela nous conduit à divulguer de nombreuses informations et données personnelles. Celles-ci peuvent être collectées, utilisées à des fins de marketing, voire monnayées par les entreprises ou organismes qui les collectent.Les individus s’exposent, mais ils ne sont pas prêts à assumer les risques que cela implique. Ils reportent sur l’État et la collectivité la nécessaire protection de leur vie privée.Les données personnelles sont désormais disponibles partout, tout le temps et de toutes parts. L’identité numérique ainsi constituée et sans cesse augmentée tend à se rapprocher des normes sociales en vigueur. Si les individus s’exposent, ils le font souvent sciemment et dans le but de se construire une identité qui soit la plus proche possible des normes sociales en vigueur.L’un des dangers tient dans ce qu’ils sont souvent dépassés par les informations qu’ils dispersent. L’agrégation des multiples données personnelles peut conduire à forger un portrait numérique très éloigné de la construction opérée par les individus. Ainsi en va-t-il de l’utilisation de Google pour connaître le parcours d’une personne (les recruteurs « googlent » désormais les candidats afin d’avoir une image claire de la personne qu’ils vont embaucher).La construction d’une identité numérique n’est pas un simple exercice. C’est

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une réelle gageure. Il ne s’agit plus de protéger strictement ses données mais de se forger une identité qui est une réelle projection numérique de soi, maîtrisée certes, mais absolument nécessaire.

Apporter des réponses à cette gageure

L’auteur propose de changer de paradigme ; la protection de la vie privée comme « un village fortifié » ne doit plus être considérée comme un principe infrangible. L’identité numérique construite doit devenir une compétence. Il s’agit désormais du prolongement naturel de l’individu. Le « je » devient une marque qu’il s’agit d’exploiter à bon escient. Certes, il convient d’éduquer aux médias, d’organiser l’hétéronymat ; mais il faut également exploiter pleinement les capacités d’analyse qu’offre l’informatique afin que l’individu en tire le plus grand parti possible.Si la loi doit continuer d’organiser la protection de l’individu, les échanges de données personnelles sont tels qu’il n’est plus possible d’y contrevenir. Il reste seulement à faire bon usage dans le cadre de la loi de ces données, un usage raisonné pour que le profit tiré soit partagé entre les individus et les organisations qui utilisent et exploitent les données personnelles.Si le droit à l’oubli est une nécessité et est permis par les outils informatiques, la loi doit le garantir. Toutefois, la projection de soi organisée est devenue la règle.Cette lecture roborative amène à se poser de nombreuses questions et donne des pistes de réflexion pour poser un cadre législatif et organisationnel plus clair. Elle pose un principe : celui d’outiller correctement l’individu face aux bouleversements introduits par internet lorsqu’il s’expose.

Louis [email protected]

Anne Langley et Jonathan D. WallaceA Practical Writing Guide for Academic Librarians. Keeping it short and sweetCambridge, Chandos Publishing, 2010, 162 p., 24 cmColl. Chandos Information Professional SeriesISBN 978-1-84334-532-9 : 55 €

Pour une écriture efficace

Rédiger fait partie des activités d’un bibliothécaire. Savoir s’exprimer par écrit figure dans la liste des compétences du métier. Or, écrire est rarement facile. Parfois, la page blanche fait peur. Et puis, dans l’environnement professionnel, quel style utiliser ? Comment rendre un document lisible et efficace ?L’objectif de ce livre est d’aider le professionnel dans une bibliothèque universitaire à améliorer son écriture pour renforcer l’impact de sa communication. Le message : « Sois concis, direct, et évite le jargon. Écris en fonction de tes lecteurs. Joue sur la forme pour que le lecteur trouve l’information plus facilement. » Le livre décline cette « règle d’or » en 29 documents professionnels.

Le plan

Après une courte introduction, le livre propose deux chapitres sur le style professionnel et sur l’audience, tous les deux avec quelques définitions et, surtout, des conseils pratiques d’ordre général (syntaxe, terminologie, style, relecture). Quant à l’audience, les auteurs proposent dix questions pour mieux cerner les lecteurs ou destinataires avant de commencer la rédaction.Six chapitres sont consacrés aux différents cadres d’écriture en milieu bibliothécaire : recrutement et carrière, réunions et projets, gestion et administration, services publics et collections, site web et illustrations,

articles et cours. Chaque chapitre suit la même logique : une courte description du domaine, plusieurs types de documents, puis une synthèse.Le dixième et dernier chapitre contient quelques ressources et conseils utiles pour aller plus loin.

Les « projets d’écriture »

Chaque type de document est décrit suivant le même schéma : les destinataires et leurs caractéristiques démographiques et professionnelles, les objectifs du document, ses particularités (idiosyncrasies), les auteurs ou rédacteurs, les ressources utiles. Des exemples concrets aident à mieux comprendre les « projets d’écriture », leurs spécificités et problèmes.Voici quelques exemples des documents que ce livre décrit : lettre de recommandation, auto-évaluation, note de remerciement, compte rendu de réunion, rapport annuel, proposition de projet, description de poste, demande budgétaire, évaluation de collection, description de collection à destination des enseignants-chercheurs, rédaction d’un site web, billet de blog, article, résumé, étude de cas, programme de cours.

à propos des auteurs

Anne Langley est bibliothécaire et professeur associé en chimie à l’université de Duke à Durham, NC. Elle a une licence en « écriture créative » et un master en bibliothéconomie. Jonathan D. Wallace a un master d’histoire, travaille dans la presse écrite comme rédacteur en chef et enseigne à l’école de journalisme et de la communication à l’université de la Caroline du Nord, Chapel Hill.

Pourquoi un tel livre pour un bibliothécaire français ?

Il y a d’autres livres sur l’expression écrite en français, quel est l’intérêt de lire celui-ci ? Pour plusieurs raisons : tout d’abord, les « règles d’or » des auteurs sont universelles, les mêmes règles sont enseignées dans les cours de méthodologie et de communication dans les universités en France. Le style du livre est clair et précis, son concept est pragmatique. L’anglais n’est pas un obstacle. Au contraire – pour ceux qui envisagent une mutation à l’étranger, qui travaillent avec des partenaires étrangers ou qui sont engagés dans des organisations internationales (Ifla, Liber, Icolc, etc.), ce livre sera plus qu’utile,

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en particulier pour la richesse de ses exemples. Il sera également utile pour l’enseignement de l’anglais à des (futurs) professionnels de l’information.

Joachim Schö[email protected]

Mariangela Roselli et Marc PerrenoudDu lecteur à l’usager. Ethnographie d’une bibliothèque universitaireToulouse, Presses universitaires du Mirail, 2010, 283 p., 23 cmColl. Socio-logiques ISBN 978-2-8107-0085-1 : 25 €

De par la systématisation d’une méthode ethnographique, l’enquête menée par M. Roselli

et M. Perrenoud porte sur un idéal-type de bibliothèque universitaire, celle de « l’université de masse » de lettres et sciences humaines (l’université de Toulouse Le Mirail), un regard qui nous semble totalement neuf, en tout cas largement rénové. Au-delà de l’analyse courante des pratiques des usagers (voir le no 5, 2010 du BBF 1), les résultats produits par ces deux sociologues ne manqueront pas de heurter certaines considérations professionnelles des bibliothécaires, largement atteintes par ce dévoilement sociologique, en même temps qu’ils viendront alimenter le constat désabusé sur les publics, figure quant à elle partagée tant par les universitaires que par les professionnels de la documentation. Ce paradoxe peut tenir lieu de trame à un compte rendu de cet ouvrage.

1. Dossier « Pratiques socioculturelles » : http://bbf.enssib.fr

La thèse globale, déclinée en autant de portraits, serait que « l’impact de la technicité » (p. 10) produirait des pratiques de lecteurs (ou plutôt d’usagers) qui iraient à l’encontre des attentes des professionnels. Disons d’emblée que la valorisation des pratiques de l’informatique (documentaire ou non) permet aux auteurs de décrire toutes les facettes de l’interaction usager/bibliothécaire : de la mise en espace des collections et des pratiques (p. 29, sur le fait que les bibliothécaires renvoient les comportements déviants à la périphérie de la BU du Mirail) jusqu’au rapport social entre le personnel et les étudiants (p. 41 : « des professionnels qui ne connaissent pas bien les jeunes »).

Une sociologie de la réception

La méthode ethnographique du tracking (suivi des usagers dans leur déplacement, entretiens in situ avec eux, etc.) transporte le lecteur de cet ouvrage dans le regard même de l’usager, avec certes des lunettes sociologiques. Ce parti pris est toutefois altéré par deux principes : le premier est la volonté d’observer ce qui ne se voit pas (notamment les pratiques culturelles extérieures au monde de la bibliothèque et surtout extérieures à la culture académique elle-même), le deuxième est l’immersion préalable et revendiquée avec les bibliothécaires (p. 39 : « […] un temps long d’immersion aux côtés des bibliothécaires à la fois dans les activités de back-office et de front-office […] ») La restitution de ces entretiens et de cette observation ethnographique se fait à travers une alternance de portraits et de scènes numérotés et organisés par une typologie des usagers : la salle d’étude, l’errance, la bonne volonté culturelle, l’internet (comme pratique exclusive), l’autonomie. Les usagers de la salle d’étude sont des personnes venant seules (portraits 1, 2 et 3 : Une salariée précaire, Un « L1 bis » en histoire, Une « bosseuse » qui révise) et profitant au maximum du lieu de travail sans forcément faire appel aux « compétences des bibliothécaires » (portrait 2, p. 87). Ils côtoient les usagers errants, cherchant quant à eux une sociabilité qui passe nécessairement par une utilisation de l’internet en libre accès (réseaux sociaux, recherche utilitaire, etc.), et demeurant hermétique à toute forme de signalement des collections (p. 114). Ce rapport est en partie généré, selon les auteurs, par l’incitation négative que le milieu familial porte souvent sur la condition même d’étudiant. Ce défaut de légitimité devient pour les usagers de « bonne

volonté » un « rapport malheureux […] à la culture légitime » (portrait 11 : Reprise d’études et complexe d’infériorité, p. 132). Cette troisième configuration induit des pratiques documentaires peut-être plus en phase avec les collections traditionnelles. Les usagers internautes utilisent également la BU sans recourir au livre et en se laissant perdre au fil des navigations sur l’écran. À la différence des usagers errants, les « internautes » peuvent très bien solliciter lors d’une même recherche le catalogue de la bibliothèque, Archipel, une page web quelconque ou même un document de traitement de texte à visée scolaire. Dans ce cas, la BU est bel et bien considérée comme un lieu de savoir (portrait 20 : Deux copines « inséparables »), un lieu dont l’aménagement propre à Toulouse (l’université du Mirail est implantée dans le quartier du même nom marqué par l’immigration et le chômage) en fait un équipement culturel sollicité parfois par des non-étudiants (voir, dans le chapitre iv, les portraits de travailleurs immigrés comme « passagers clandestins »). L’ultime chapitre concerne les usagers autonomes. Ce sont là encore les individus qui, pour d’autres raisons, contournent les attendus d’une recherche documentaire traditionnelle, en privilégiant l’achat personnel de livres plutôt que leur emprunt collectivisé (portraits 24 et 28 : Enseignante et chercheuse, deux logiques d’engagement distinctes, « Les bibliothécaires ne nous aident pas »), en maximisant les recherches et surtout les consultations à distance, bref en voulant bénéficier surtout d’une « offre gratuite et diversifiée » (p. 207).

Une sociologie du travail des bibliothécaires

On l’aura compris, cette typologie est constamment nourrie par l’étude des interactions usager/personnel. L’internet en bibliothèque cloisonne fortement ces deux catégories (p. 19). Le cadre de sociologie de la réception revendiqué par les auteurs (à partir de l’usage œcuménique de Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron ou Bernard Lahire) est redéfini très tôt par le recours à la littérature professionnelle (l’ouvrage de Claude Poissenot et Sophie Ranjard sur « les usages des bibliothèques 2 ») qui introduit alors l’hypothèse que le personnel a pour mission de « rendre l’équipement humain » (p. 27). Cette

2. Publié en 2005 aux Presses de l’Enssib : Usages des bibliothèques : approche sociologique et méthodologie d’enquête.

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hypothèse est maintes fois déployée au fil des chapitres et offre à voir une gamme assez étendue des comportements professionnels des « bibliothécaires » en fonction de la diversité des publics qu’ils ont à affronter : depuis leur déception d’une recherche documentaire ne fonctionnant que sous l’injonction des enseignants (p. 110), en passant par le sentiment de « perte d’identité » face à des étudiants maîtrisant souvent mieux le « clavier » qu’eux (p. 188), jusqu’à, finalement, devoir essuyer la critique la plus violente exprimée par un enseignant-chercheur : « Moi je suis toujours pressé, eux, ici, à la BU, travaillent au ralenti et ne comprennent pas ce que nous faisons » (portrait 28, p. 231).La limite de ce livre tient pourtant paradoxalement au caractère parfois acrobatique de la sociologie du travail des bibliothécaires qui parcourt toutes les pages mais qui ne s’appuie sur aucune enquête systématique (en tout cas systématiquement restituée). L’étude du rapport de genre est certes bien menée, puisque la très grande féminisation de la profession est plusieurs fois rappelée, notamment dans l’homologie avec les étudiantes (p. 106 et 215) ou dans la valorisation des comportements studieux (note 49). Mais d’autres dimensions sociales de la profession sont totalement absentes : tout d’abord, la hiérarchie (il n’est fait mention à aucun moment des différents niveaux hiérarchiques ou de formation initiale, dont on sait qu’ils affectent le rapport – parfois douloureux – aux missions d’accueil et de service public) mais également la nature de l’emploi en bibliothèque – la part de contractuels devant sans doute créer des homologies ou des dissonances avec les étudiants et leurs pratiques « déviantes » dans des proportions tout aussi importantes sans doute que le facteur de genre.

Thomas [email protected]

Pascal RobertMnémotechnologies, une théorie générale critique des technologies intellectuellesParis, Lavoisier, 2010, 400 p., 24 cmColl. Communication, Médiation et construits sociauxISBN 978-2-7462-2488-9 : 85 €

Il convient de préciser dès l’abord de cette recension que l’ouvrage de Pascal Robert, fort intéressant, est

cependant à réserver, comme l’on dit, aux lecteurs avertis et disposant d’un temps certain pour se plonger dans une lecture parfois ardue, érudite, et qui fait appel à nombre de concepts et d’auteurs qui sont supposés familiers au lecteur – ce qui, hélas, ne s’avère pas toujours.

Des outils dynamiques

Comme le dit le sous-titre de son ouvrage, Pascal Robert propose une théorie générale des « technologies intellectuelles », mais de quoi s’agit-il exactement ? Se plaçant sous le patronage de Jack Goody, de Pierre Lévy et de David Bell, l’auteur n’explicite pas d’emblée la notion, qu’il rapproche de celle qui constitue le titre, celle de « mnémotechnologie » – pour indiquer que « les technologies intellectuelles ne sont pas seulement des techniques qui figent et fixent, mais des outils dynamiques qui produisent de la mémoire ». Dès lors, il ordonne très rigoureusement son propos autour de quatre parties extrêmement structurées : une « théorie générale » et trois « raisons » – graphique, classificatrice, simulatrice.La première partie permet de préciser qu’une technologie intellectuelle est « un outil, c’est-à-dire, et a minima, une réalité technique matérielle ». « Un outil, quel qu’il soit, sert à quelque chose. » En l’espèce, il s’agit de gérer le nombre, « une opération de traduction de l’évènement en document ». Le professionnel se retrouve lors en terrain disons un peu moins inconnu : le document est soit

écriture, soit image, la première n’étant, comme l’on sait, qu’une « variante » de la seconde. Pascal Robert puise (on lui en sait gré) dans les mânes de Paul Otlet et de Suzanne Briet, même s’il reproche à cette dernière de concéder que, parfois, une antilope peut être un document… Il pose, non sans pertinence, que les technologies mises en jeu impliquent un travail de conversion des trois (ou quatre, c’est selon) dimensions qui définissent notre perception du monde.Il évoque ensuite des sujets fondamentaux, plus encore à l’ère numérique, ceux de stabilité, de mobilité, de réversibilité et d’irréversibilité des documents, précisant : « Il est fort possible que le pouvoir [ne soit] pas autre chose que cette capacité de jouer sur le coût des réversibilité/irréversibilité. »

Un instrument scientifique

La présentation des trois « raisons » est plus rude encore, mais on comprend que la raison graphique « s’exprime et travaille sur des surfaces à deux dimensions », que la raison classificatrice « crée les “lieux” d’une réponse pertinente » au problème d’empilement et de classement des documents issus de la première raison, et que la raison simulatrice permet d’ajouter la dimension du temps, ou plutôt, selon l’auteur, celle du mouvement, pour « le développement de nouveaux supports, eux-mêmes dynamiques ». Les bibliothèques ont bien évidemment tout à voir avec la raison classificatrice, qui invitent à une « inextricable hybridation de la carte et du territoire », tout en proposant « les signes de leur [des livres] reconnaissance, non une synthèse de leur contenu » – ce sur quoi, si on veut bien considérer que les bibliothèques fonctionnent grâce à des bibliothécaires, on pourra ne pas être entièrement d’accord.Le reste de l’ouvrage, à raison d’une (dense) partie par raison, détaille les contenus des raisons graphique, classificatrice et simulatrice. On en retiendra, toujours à propos des bibliothèques, cette observation : « La grande bibliothèque constitue un instrument scientifique à l’image d’un cyclotron. Or, cet investissement, sur très long terme la plupart du temps, est lui-même doté d’une réelle force d’inertie : autrement dit, le retour sur investissement est pour le moins difficilement évaluable et s’étale sur [une] longue durée. »Dans les chapitres finaux, l’auteur propose une perspective de science sociale sur l’informatique, « un autre discours sur l’informatique », puisque, « de même qu’il n’est ni exigé ni recommandé d’être un dauphin pour

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tenir un discours à vocation scientifique sur les dauphins, de même, il n’est nul besoin d’être informaticien pour poser un discours scientifique… sur l’informatique » : on ne peut qu’approuver, et suivre Pascal Robert dans sa dissection (déjà largement présente dans son travail antérieur) sur « l’impensé informatique ».On l’a dit, on le comprend, l’ouvrage et sa lecture sont exigeants, mais on est frappé par la cohérence de la démarche, le souci puissamment classificatoire du propos, qui change d’ouvrages trop souvent enclins au discursif et au dilettantisme comme forme d’intelligence (avec l’ennemi ?). Le lecteur peut donc avec confiance s’embarquer dans un voyage qui a un début, un milieu, et une fin – mais qui comporte, comme tout voyage, son lot d’embûches.

Yves [email protected]

L’esthétique du livreSous la direction d’Alain Milon et Marc PerelmanParis, Presses universitaires de Paris Ouest, 2010, 447 p., 26 cmISBN 978-2-84016-052-6 : 25 €

Le programme annoncé dans ce livre est ambitieux. Il couvre de vastes périodes historiques et approche

le sujet avec des outils critiques variés, ce qui présente l’avantage d’élargir la question esthétique au-delà du champ habituel de « l’apparence du livre ».Ce volume rassemble une bonne vingtaine de contributeurs, universitaires ou professionnels, et s’inscrit dans la continuité des recherches menées par les auteurs ; il fait suite à leur publication antérieure, Le livre et ses espaces* (publié chez le même éditeur en 2007). Les deux ouvrages sont issus de journées d’études.

* Voir le compte rendu de Benoit Berthou dans le BBF, 2007, no 5, p. 124-125.

La perception du livre comme objet

La première partie ausculte l’esthétique du livre en ses « diverses expériences ». Une excellente étude sur la composition graphique du livre à la Renaissance et les sources de son orchestration visuelle ouvre le bal. L’approche visuelle du livre est également privilégiée dans des études de collections ou d’ouvrages choisis pour leur exemplarité éditoriale : livres d’artistes, définition, questionnements identitaires, illustrés par le rapport complexe peinture-écriture chez Henri Michaux. Ou encore le pouvoir de l’édition, qui peut offrir une véritable vision du monde, au travers d’exemples emblématiques de l’après-guerre (le « Dali de Draeger », la collection « L’univers des formes », les éditions Skira…).Un second chapitre couvre un autre champ de l’esthétique, celui de l’expérience profonde de la conscience suscitée par le livre, en deux articles : l’un porte sur les modifications de la perception et de la notion de durée lors de la lecture, l’autre énonce une phénoménologie du livre, objet qui n’existerait et ne s’éluciderait qu’à l’instant de la lecture.

L’éthique et l’esthétique du livre

La seconde partie, plus homogène, traite de « l’éthique et l’esthétique du livre ». Elle est concentrée sur la fin du xixe et le xxe siècle.Les conventions de l’édition sont-elles vraiment explicites et leur impact en tant que métalangage, analysé ? Brigitte Ouvry-Vial l’appelle de ses vœux, démontrant qu’une édition maladroite peut rompre le pacte de lecture, trahir, dénaturer.Est étudié ensuite l’impact des qualités formelles de l’édition, impact perçu et formulé par des auteurs aussi différents que Mallarmé – passionné de typographie dès sa jeunesse – ou Vercors, qui investit d’une valeur éthique la qualité de ses éditions pendant la guerre. De manière comparable, on lit que les pères bénédictins, qui fondèrent les éditions Zodiaque dans les années 1950, chargeaient l’illustration photographique d’un pouvoir de transmission du sacré.En fin de partie, l’étude des livres d’artistes de Christian Boltanski déplace le sujet vers le sabordage de la lecture signifiante. L’artiste conduit l’éthique éditoriale à l’aporie, bouleversant l’édifice raisonnable qui a précédé.« L’espace d’exposition » offert par le livre forme le corps de la troisième partie. La période contemporaine a vu artistes et

écrivains s’approprier l’imprimé comme une scène : les revues gratuites d’artistes, qui fleurissent depuis une petite décennie, ou la nature de l’illustration dans les livres de Winfried Georg Sebald (mort en 2001) sont analysées.Dans ces exemples, ce ne sont pas les supports du livre qui sont interrogés, mais bien la substance du message, l’usage du rapport texte-image dans l’espace de l’imprimé. Plus près de l’étude graphique, et à l’opposé de ce qui précède, un article étonnant analyse l’évolution des codes de mise en page du texte de théâtre, et un autre propose une histoire minutieuse de la reliure.La dernière partie de cette somme érudite est consacrée au « livre illustré dans l’histoire ».La montée en puissance de l’illustration entre le xviie et le xixe siècle est analysée dans son rapport dialectique avec le texte, et à travers les positions contrastées des écrivains (Rousseau, Flaubert, Musset). Mais on découvre aussi l’illustration comme point focal des stratégies éditoriales, et, partant, comme paradigme du rapport à la lecture et de l’édification de personnages littéraires.On lira aussi trois études qui conjuguent le périmètre serré de leur sujet avec une problématique plus vaste : la construction d’un modèle esthétique dans les frontispices des secrétaires anglais au xviiie siècle, les fac-similés d’écriture manuscrite à partir de Plantin, et l’énorme entreprise éditoriale du comte Auguste de Bastard au xixe siècle.Enfin, le rapport au livre du pouvoir religieux est mis en évidence dans un article sur le Coran, ses multiples éditions depuis le viie siècle et leur signification historique, anthropologique et liturgique.Dans la conclusion, les auteurs abordent l’évolution du livre vers des formats numériques, sur un mode binaire qui limite un peu le sujet.On déplore l’absence d’illustration dans certains articles et, lorsqu’il y en a, leur piètre qualité. On peut aussi regretter les fautes laissées dans certains articles, qui se conjuguent mal avec la réflexion sur la qualité éditoriale.Au-delà de ces détails, ce livre est une somme passionnante, d’un haut niveau de recherche, qui offre des pistes de réflexion pluridisciplinaires et une importante bibliographie.

Françoise [email protected]

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Les sciences de l’information et de la communication à la rencontre des Cultural StudiesSous la direction de Françoise Albertini et Nicolas PélissierParis, L’Harmattan, 2009, 254 p., 24 cmColl. Communication et CivilisationISBN 978-2-296-10689-5 : 24,50 €

Issu pour partie d’un colloque qui s’était déroulé en novembre 2007 à l’Institut scientifique de Cargèse en

Corse, cet ouvrage collectif analyse les relations entretenues entre les sciences de l’information et de la communication (SIC) et les Cultural Studies (CS) depuis plusieurs décennies. Dès l’introduction, les directeurs de l’ouvrage évoquent la fertilité actuelle des interactions entre les deux traditions scientifiques, succédant à une période de méconnaissance, voire de rejet des Cultural Studies par les SIC.La première partie de l’ouvrage se focalise sur les « Pères fondateurs » des Cultural Studies et leur réception française. Dans la seconde partie, des chercheurs en SIC portent leur attention sur des objets fécondés par les CS qui pourraient enrichir l’approche communicationnelle. Le dernier temps du livre est consacré à des terrains croisés par les deux disciplines à travers des travaux qui posent la question des territoires.

Regards croisés et réflexifs

P. Rasse retrace le parcours de Richard Hoggart et souligne la capacité de l’auteur de La culture du pauvre1* à mettre à distance sa propre histoire, à déployer un regard complexe, une approche

* La culture du pauvre (The Uses of Literacy), étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, publié en 1970 aux Éditions de Minuit (coll. « Le sens commun »). Traduit de l’anglais par Françoise et Jean-Claude Garcias et par Jean-Claude Passeron.

compréhensive et ethnographique à propos des cultures populaires. M. Rapoport s’intéresse quant à lui à la réception de l’œuvre de Hoggart ainsi qu’à celle d’Edward Palmer Thompson dans les revues françaises. L’enquête révèle des réseaux de transferts culturels et des passeurs communs – P. Bourdieu et J.-C. Passeron notamment qui ont œuvré pour la traduction française de leurs écrits –, mais des réceptions et des postérités décalées. L’auteur met aussi l’accent sur le rôle déterminant des directeurs de revues et des traducteurs dans la lecture et l’interprétation de La culture du pauvre pour le lecteur français.Dans les deux dernières parties du livre, à travers des exemples précis d’études portant notamment sur l’approche culturelle du journalisme, sur les identités et les minorités (F. Albertini et N. Pélissier), sur des genres journalistiques « hybrides » comme le fait divers et le people (A. Dubied), sur le design des objets (B. Darras et S. Belkhamsa), les auteurs mettent en exergue la complémentarité des approches et des méthodes (focus group, « tournant ethnographique »). Certains auteurs s’attachent en outre à l’analyse de notions issues des Cultural Studies, comme celle de « communauté interprétative » (J. Simonin, E. Wolff). D’autres insistent davantage sur la manière dont les CS ont permis de remettre en question certains paradigmes un peu figés et de nourrir le champ scientifique : M.-J. Bertini souligne par exemple l’impact global des studies anglo-saxonnes, marquées par une logique de transgression et de « contestation des pouvoirs et savoirs établis », tandis qu’E. Maigret évoque l’intérêt récent pour des objets de recherche naguère ignorés.

Comprendre les espaces de convergence et de divergence théorique

Au fil des articles, les freins culturels, académiques, institutionnels et théoriques qui pourraient expliquer les rendez-vous manqués entre les deux disciplines sont discutés. Sont aussi soulignés et encouragés les points de convergence et la manière dont les deux courants peuvent construire ensemble des objets scientifiques inédits.B. Miège attribue la prise de distance initiale des SIC par rapport aux Cultural Studies à des projets divergents liés à la professionnalisation des formations françaises et à la faveur accordée aux méthodologies interdisciplinaires. E. Maigret souligne de son côté la responsabilité d’une sociologie de

la légitimité culturelle adossée à une dénonciation de la culture de masse. La notion de « médiacultures » qu’il a proposée avec E. Macé en 2005 vise précisément à réconcilier « Culture » et communication de masse. Il voit en outre dans l’adhésion à la cybernétique, et dans la nécessité de délimiter précisément une discipline alors émergente, des éléments d’explication du rejet par les SIC des CS dans les années 1970-1980. Toutefois, les redéfinitions actuelles de la culture et de la communication et la pénétration de plus en plus massive de la première dans le champ de la seconde attestent, selon lui, d’un tournant majeur en sciences de l’information et de la communication. C. Roth adopte du reste un point de vue similaire pour décrire le rôle conjoint de la culture et de la communication dans l’élaboration des identités collectives, à travers le cas de la construction européenne.L’ouvrage offre une intéressante mise en perspective des deux disciplines et permet au chercheur de mieux saisir la complexité des dynamiques à l’œuvre dans la construction des traditions scientifiques. Il propose également des pistes de réflexion épistémologique autant que pragmatique dans la définition d’objets de recherche complexes.

Oriane [email protected]

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Sciences et démocratie : doculivreCaen, C&F, 2010, 91 p., 21 cmISBN : 978-2-915825-07-7 : 28 €Accompagné d’un DVD et d’un site compagnon : http://cfeditions.com/sciences-et-democratie

Entre actes de colloque et brochure d’accompagnement, ce livret de 91 pages assorti d’un DVD présente

quelques documents de référence du premier Forum mondial sciences et démocratie* (FMSD) qui s’est déroulé à Belém (Brésil) les 26 et 27 janvier 2009. Certaines des contributions individuelles recueillies sur le site du Forum y sont retranscrites, et l’essentiel des débats est repris dans un reportage vidéo.

Une approche plus philosophique que scientifique ou politique

Le thème général annoncé, sciences et démocratie, pourrait laisser envisager une vaste rencontre entre scientifiques, politiques et citoyens sur l’impact de la science sur les préoccupations quotidiennes et les degrés d’influence mutuels des uns sur les autres. Le Forum social mondial, lancé en 2001 au Brésil, qui est l’organisateur de cet événement, est un sommet biennal des mouvements altermondialistes. L’orientation donnée à cette édition 2009 est résolument tournée vers une réflexion sociale et économique.Le postulat général du Forum est l’affirmation que la science appartient à tous, en ce qu’elle est synonyme de progrès social et économique. Il pose le concept de « bien commun des connaissances » qui confère un statut universel et partagé au savoir humain.À ce titre, l’appropriation par les firmes commerciales (pharmaceutiques et biotechnologiques en particulier) des découvertes scientifiques est néfaste au

* Le site du Forum : http://fm-sciences.org/spip.php?rubrique30

développement global, et les dépôts de brevets ultra-protégés constituent un vrai risque vital lorsque cela prive les populations les plus défavorisées d’accès au soin (comme par exemple dans le cas des traitements contre le virus du sida). Au fil du forum, d’autres risques sont abordés, comme la militarisation de la recherche, et plus largement la « vassalisation » de la science et la diminution de l’intervention publique.

L’exemple du chercheur en action

L’un des thèmes abordés est celui de la responsabilité (responsabilisation) du chercheur. Il est illustré par un reportage qui s’attache à suivre une jeune chercheuse en biodynamique des sols de l’université de Québec au Brésil, où elle rejoint les communautés avec lesquelles elle accomplit son travail de recherche. Si l’on comprend que l’objet du reportage est d’affirmer que la recherche peut associer en bonne intelligence les populations locales à ses travaux, la démonstration peine à dépasser le stade du story-telling et demeure un cas particulier peu généralisable. Par ailleurs, la rencontre entre le monde occidental et une population autochtone demeure trop caricaturale pour ne pas laisser circonspect sur l’avenir des échanges Nord-Sud.

Une vision partielle

En limitant le dialogue entre sciences et démocratie aux seules perspectives altermondialistes élaborées à l’aune des risques environnementaux ou économiques – et le choix de Belém, à l’embouchure de l’Amazone, n’est à ce titre pas anodin –, le Forum ne convainc pas sur l’urgence d’un dialogue entre chercheurs et société civile. La délimitation des débats aux aspects philosophiques et sociaux ne permet pas de prendre la mesure des enjeux scientifiques, ni d’appréhender le paradoxe entre développement technologique et conservation de l’intérêt général. Le savoir scientifique n’est envisagé qu’à travers son instrumentalisation commerciale, en négligeant les demandes pourtant pressantes et réelles du citoyen d’une toujours plus grande technicisation des processus.On regrette que les contributeurs n’aient pas été plus variés : davantage d’interventions de scientifiques (très minoritaires) ou de firmes commerciales (totalement absentes) liés à la recherche technologique ou médicale auraient certainement débouché sur des

débats, peut-être moins consensuels, probablement plus fructueux.

Christelle Di [email protected]

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Arts et métiers du livreLa Bibliothèque de Riom, écrin de la création contemporaineNo 279 – Juillet/août 2010ISSN 0758413X : 8,50 €

Arts et métiers du livre a consacré son numéro de juillet-août 2010 à la bibliophilie contemporaine, avec un dossier relatif à la Bibliothèque communautaire de Riom (Puy de Dôme). Nous avons déjà eu, ici même (http://bbf.enssib.fr), l’occasion de dire tout le bien que nous pensons des 3R (Riom, Reliures, Rencontres).Il est toutefois bon de rappeler l’histoire de ces rencontres, nées de la volonté de la bibliothécaire de s’appuyer sur le fonds ancien de la bibliothèque pour s’orienter résolument vers la création contemporaine, en commandant des reliures ; elle a tout naturellement constitué un fonds de poésie (Cheyne éditeur, dont on a fêté les 30 ans au Sénat, en juillet dernier, n’est qu’à deux heures et demie de voiture, en passant par Dunières et Tence), et a acquis un certain nombre d’ouvrages d’Yves Peyré. Ce dernier, à l’occasion d’un long entretien publié dans cette même revue, rend compte de l’importance de la rencontre entre la bibliothécaire et ses propres textes ; le rôle de complice et parfois de passeur qu’il a pu tenir pour obtenir de ses ami(e) s relieurs des commandes que nul n’aurait pu atteindre : c’est ainsi qu’on peut voir des œuvres de Carmencho Arregui, Sün Evrard, dans cette ville de 18 000 âmes, orner, accompagner Le lointain foyer du jour, avec une gravure de Tal Coat, ou Matière d’une transparence, typographié par François Da Ros. C’est un bien beau dossier que ce dossier, qui prouve que la forte présence de bibliothécaires convaincues, munies de leur seule force de conviction, d’élus éclairés (nous pensons tout particulièrement à Jean Ehrard, ancien maire, spécialiste du xviiie siècle) peut entraîner de belles aventures. Le fonds de reliure contemporaine aujourd’hui disponible et visible à la bibliothèque de Riom est sans doute unique : éclectisme, curiosité, exigence intellectuelle ont guidé les choix. On y retrouve, outre les artistes ci-dessus cités, Annie Boige, Annie Bascoul pour qui nous confessons un certain faible, dont on a pu voir récemment des œuvres au musée des Tissus de Lyon, ainsi qu’un texte de Pascal Riou, « en témoignage », confié à plusieurs relieurs : Anne Bossenbroeck Bouchard, Florent Rousseau, Jacky Vignon… Le fait que la Drac Auvergne ait accompagné ce travail à la croisée du contemporain et du patrimoine ne nous est pas totalement indifférent.

Thierry [email protected]

Aux livres, citoyens ! : les partenariats en questionsCoordonné par Céline MartinCuesmes (Belgique), Éd. Du Cerisier, 2010, 206 p., 22 cmColl. Place PubliqueISBN 2-87267-138-2 : 13 €

Cet ouvrage est né d’une urgence : la montée de l’extrême droite belge, et la nécessité de la combattre par le livre, par l’émancipation citoyenne.C’est, concrètement, le témoignage écrit d’une opération initiée et montée par la bibliothèque centrale de Liège et deux associations d’éducation permanente : le Centre d’action laïque de la Province de Liège et les Territoires de la mémoire.Son objet est d’analyser, et de proposer des actions à partir du livre, du livre outil, levier d’éducation.Cet ouvrage pèche par beaucoup de défauts inhérents à son objet même. Les textes sont fort inégaux : ceux qui racontent, de façon factuelle et sans distance les actions entreprises ont un côté militant sympathique, on y apprend, entre autres, l’existence des femmes « prévoyantes socialistes », et on y perçoit beaucoup de convictions ; au titre de l’inévitable, il y a les photos des débats, des rencontres, et même des expositions sur grille caddie. Mais, comme toujours, en se donnant la peine de chercher, on trouve des textes qui méritent d’être lus : entre autres deux ou trois sur le rôle irremplaçable du livre, du récit, en convoquant (comme on dit aujourd’hui) Paul Ricœur, Jacques Rancière, Michel Foucault et Pierre Bourdieu, et une analyse, que nous partageons, de façon un peu vaine, hélas, sur la montée des extrémismes.Tout tenter pour lutter, c’est une belle initiative.

Thierry Ermakoff [email protected]

Les Cahiers de l’Esquisse[Du CDI à la bibliothèque universitaire : former les usagers à l’information]Sous la dir. de Philippe Girard, Franc Morandi, Vincent LiquèteMérignac, IUFM d’Aquitaine Université Montesquieu Bordeaux IV, 2010, 30 cm No 1 (2010, janvier)ISSN en cours

On le sait depuis Alain Coulon, passer du statut d’élève à celui d’étudiant ne se fait ni sans douleur, ni sans casse. Le métier d’étudiant s’apprend et les statistiques pointant le taux d’échec en fin de première année de faculté l’attestent. Suite à ce

constat, des unités d’enseignement de méthodologie universitaire ont été mises en place et se sont généralisées, incluant pour la plupart des formations à la recherche documentaire, voire plus largement des formations aux sciences de l’information. Cette inscription dans les cursus n’a pourtant jamais été ni systématique ni uniformisée, puisque aucun contenu n’a jamais été fixé. Ce sont ces disparités qui sont à l’origine de la tenue d’une journée d’étude organisée par l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) d’Aquitaine et Médiaquitaine, le centre de formation aux carrières des bibliothèques, journée intitulée « Du CDI à la bibliothèque universitaire : former les usagers à l’information ». Les Cahiers de l’Esquisse en ont publié les actes, qui reprennent donc les contributions des différents intervenants s’interrogeant ensemble sur les points de divergence ou de convergence des différentes formations dispensées aux élèves et aux étudiants.Les différents intervenants ont au cours de cette journée émis le souhait d’un rapprochement entre bibliothécaires et documentalistes, mais également entre professionnels de l’information et enseignants afin de croiser les cultures professionnelles et d’offrir des formations cohérentes en prise directe avec les préoccupations des élèves/étudiants. Car si les discours et les pratiques, les points de vue et le vocabulaire des uns et des autres se sont rapprochés, si chacun reste persuadé que la médiation reste nécessaire y compris face à une génération de digital natives, les obstacles – malgré les rapprochements institutionnels (le rapport Durpaire/Renoult en mars 2009) – persistent et les questionnements perdurent, notamment sur les contenus à enseigner et les progressions à respecter. Le chantier est encore vaste et cette publication tente donc d’apporter sa pierre à l’édifice.

Marie-Pierre Ermakoff [email protected]

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Enjeux et perspectives de l’édition électronique : actes de la journée d’étude « Édition électronique » organisée à Bordeaux le 18 avril 2008/Université Michel de Montaigne-Bordeaux, AMERIBER-GRIALSous la direction de Federico BravoBordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2010, 77 p., 22 cmISBN 978-2-86781-669-7 : 8 €

L’ouvrage rassemble des travaux issus d’un séminaire « Édition électronique » organisé en 2008 par l’équipe de recherche des hispanistes (Groupe interdisciplinaire d’analyse littérale AMERIBER) de l’université bordelaise Michel de Montaigne. Il s’agissait, lors de cette journée d’étude, d’apporter un éclairage précis, et si possible innovant, sur les enjeux mais aussi sur les interrogations que soulèvent l’édition électronique, la dématérialisation du texte et le devenir du livre.Quatre contributions tentent de répondre à ces questions en abordant, pour Grégory Miura, la question de l’offre documentaire en sciences humaines et son accès en bibliothèque, et pour Emmanuel Marigno, celle des carences de l’édition « critique » papier mais aussi la notion d’hypertexte au travers de l’œuvre satirique de Francisco de Quevedo. De leur côté, Ana Stulic-Etchvers et Soufiane Rouissi se sont intéressés à la mise en place d’un corpus numérique judéo-espagnol tout en s’interrogeant sur la représentation des sources documentaires de cette tradition écrite. Enfin, Raphaël Estève s’est consacré, à partir d’un texte du philosophe espagnol Eugenio Trias, aux perspectives de recherche qu’ouvre le traitement informatisé des données textuelles.La lecture de ces études demande une attention soutenue, et plus particulièrement la dernière, qui se révèle être difficile tant la présence de nombreux tableaux peu explicites en compromet la lecture. Par contre, l’approche de l’hypertexte dans une édition numérique est parfaitement décrite avec l’exemple du Siècle d’Or de Francisco de Quevedo, car elle pose clairement la question du type de lecture que l’on souhaite proposer au lecteur. Au final, la contribution introductive et resserrée de Grégory Miura se révèle être celle qui participe d’une réflexion prospective tant elle sait intelligemment interroger la source documentaire comme outil, moyen, document pour interpeller la place et le rôle du bibliothécaire/médiateur dans ces « lieux numériques ».

François [email protected]

I manoscritti medievali di Trento e provincia : Trento, Biblioteca Capitolare dell’Archivio diocesano, Castello del Buonconsiglio, Fondazione Biblioteca S. Bernardino, Museo Diocesano Tridentino, Seminario teologico ; Ala, Biblioteca comunale ; Arco, Biblioteca civica ; Lizzana, Archivio diocesano ; Riva del Garda, Biblioteca civica ; Rovereto, Biblioteca civicaA cura di Adriana Paolini, con la collaborazione di Marina Bernasconi, Leonardo GranataFirenze : SISMEL Edizioni del Galluzzo ; Trento : Provincia Autonoma di Trento, Soprintendenza per i Beni librari, archivistici e archeologici, 2010, 198 p, 29 cm Coll. Biblioteche e archivi ISBN 978-88-8450-311-4

Le second volume du catalogue des bibliothèques de la province autonome de Trente (Italie) propose la description de 158 manuscrits antérieurs au xve siècle ; il complète ainsi le premier volume, paru en 2006, qui décrivait la collection de la Biblioteca Civica de Trente. Il est enrichi par un essai introductif de Marina Bernascono et Lorena Dal Poz consacré aux enluminures françaises de manuscrits trentins, et de la présentation de l’histoire des collections décrites. Ce magnifique grand volume relié présente des notices relativement synthétiques, composées de la description du livre, des mentions de possession et d’une bibliographie à jour. Il est bien entendu complété par une bibliographie générale et plusieurs index. Les nombreuses illustrations présentent, en couleurs et en noir et blanc, 151 des 158 manuscrits décrits.La soprintendenza per i Beni librari, archivistici e archeologici de la province de Trente continue sa politique de financement de travaux menés sur les archives et les bibliothèques. Elle publie elle-même des ouvrages, comme les actes du colloque consacré à l’histoire des bibliothèques au xviiie siècle dont il avait été rendu compte, dans cette même rubrique, il y a un an (http://bbf.enssib.fr). Elle s’associe ici à la SISMEL, Società internazionale per lo studio del Medioveo latino (Fondazione Ezio Franceschini) pour ajouter aux catalogues des manuscrits de Vénétie et Toscane ceux du Trentin. La SISMEL en effet, présidée pendant de très nombreuses années par Claudio Leonardi, et aujourd’hui par Agostino Paravicini Bagliani, est depuis 1996 un acteur central de l’édition pour l’histoire du Moyen Âge. La collection « Biblioteche e archivi » accueille des catalogues raisonnés de manuscrits et bibliothèques médiévaux

de toute l’Italie. La SISMEL mène à plusieurs autres collections importantes comme le « Corpus Philosophorum Medii Aevii », l’« Edizione nazionale dei testi mediolatini », « Manoscritti datati d’Italia », « L’Europe des philologues », etc., ainsi que plusieurs périodiques scientifiques (www.sismel.it). Elle a aussi lancé des collections et bibliographies électroniques, parmi lesquelles Mirabile (archivio digitale della cultura latina medievale).

Raphaële Mouren [email protected]

Ministère de la Culture et de la Communication, Direction régionale des affaires culturellesBibliothèques en Limousin : 24 ans de construction[Limoges], Drac, 2010, 186 p., 17 cm, ISBN 978-2-11-099346-5

La direction régionale des affaires culturelles (Drac) du Limousin vient d’éditer un petit opuscule, un guide, une sorte de vade-mecum des « bibliothèques en Limousin : 24 ans de construction ». L’ensemble recense les principales constructions, de la plus petite (56 m2, Saint-Priest-sous-Aixe, cette « trop petite bibliothèque ») à la plus importante en taille et en qualité architecturale, du moins on le dit, tant ses fonctionnalités épousent avec harmonie son esthétique (Limoges, 15 966 m2, Pierre Riboulet architecte), en passant par la plus emblématique des « Ruches », puisque ce fut une des premières du programme, la bibliothèque du Père Castor, à Meuzac (700 m2, Fabrice Levêque, architecte).Cet ouvrage est conçu comme un pendant de ce que feue la Direction du livre avait publié concernant les bibliothèques municipales à vocation régionale (BMVR). Outre des fiches signalétiques précises et détaillées, il comporte le compte rendu d’une table ronde où l’on apprend que même les architectes connaissent et louent le concours particulier créé au sein de la dotation globale de décentralisation (ce n’est donc pas l’apanage d’un quarteron de bibliothécaires en jargon), ainsi qu’un avant-propos de Georges Perrin (inspecteur général des bibliothèques) et d’Hélène Caroux (historiennes de l’architecture des bibliothèques), complété par un témoignage de Marc Germain, architecte conseil du service du Livre et de la Lecture. L’ensemble est fourni gracieusement à qui en fait la demande, de façon polie et courtoise : c’est dire si cet ouvrage,

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bbf : 2011 101 t. 56, no 1

qui a fait l’objet de toutes les attentions du ministère de la Culture déconcentré, mérite aussi la nôtre.

Thierry Ermakoff [email protected]

L’usager numérique : séminaire INRIA, 27 septembre – 1er octobre 2010, AngletSous la direction de Lisette Calderan, Bernard Hidoine et Jacques Millet ; Institut national de recherche en informatique et en automatiqueParis, ADBS, 2010, 203 p., 24 cmColl. Sciences et techniques de l’informationISBN 978-2-84365-126-7 : 28 €

On attend toujours avec une grande impatience la publication des indispensables séminaires de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA. Doublement attractif de s’intéresser cette fois à « l’usager numérique », l’ouvrage publié par l’ADBS est en l’espèce une grosse déception, tant les contributions semblent pour une large part à la limite du contresens, tant on regrette que les résultats de véritables enquêtes comportementales n’aient pas été exposés, des appréciations quantitatives fiables et des instruments de mesure convaincants présentés. À vrai dire, un tel ouvrage, dans ses effets d’évitement, conforte les plus sceptiques sur les triomphes quantitatifs et qualitatifs que les médias nous assènent quant à certains services vedettes et à leur fréquentation ; on en vient à se demander si la doxa ne transforme par des envies prédictives en fausses réalités auto-prophétisées.

Yves Desrichard [email protected]

Véronique Bernardet et Sabine SouillardBibliothèques d’archivesParis, Association des archivistes français, 2010, 55 p., 27 cmColl. Petits guides des archivesISBN 978-2-900175-01-9 : 13 €

Cet opuscule, qui propose les bases des techniques documentaires pour la mise en place et la gestion d’un centre documentaire ou d’une bibliothèque de référence au sein d’un service d’archives, s’inscrit dans la collection « Petits guides des archives », dirigée par le centre de formation de l’Association des archivistes français (AAF), en écho à leurs stages

de formation. Porté par une mise en page dynamique autant que soignée, ce petit guide apporte, en 7 étapes, les fondamentaux nécessaires à la gestion documentaire de ces « bibliothèques spécialisées ». La brève conclusion est un bel appel à coopération : « Il semble temps de rompre leur isolement [celui des bibliothèques d’archives], de les répertorier, de les intégrer aux autres bibliothèques spécialisées et les rattacher aux bibliothèques patrimoniales. »

Yves [email protected]

Philippe Bouquillion, Jacob T. MatthewsLe web collaboratif. Mutations des industries de la culture et de la communicationGrenoble, PUG, 2010, 150 p., 21 cmColl. Communication en +ISBN 978-2-7061-1593-6 : 15 €

À partir du discours des principaux acteurs du domaine et en s’appuyant sur des recherches antérieures menées dans les domaines de l’économie de la culture et des sciences de l’information, l’ouvrage interroge le phénomène web 2.0.Un angle d’étude original et pertinent, qui permet de s’affranchir du discours angélique qui peut accompagner l’essor de ces nouvelles technologies tout en replaçant les problématiques dans le cadre plus large du système économique dont elles dépendent, et plus spécifiquement dans l’histoire générale des médias. Mettant les nouveaux outils au centre de la réflexion, l’ouvrage permet de prendre un peu de recul dans un domaine en pleine mutation : une pause bienvenue quand on travaille en permanence avec ces outils.

Thomas Chaimbault [email protected]

Bernard GrelleDes bibliothèques pour les ouvriers et des lectures de ceux-ci au xixe siècle. Le cas de Roubaix.Bernay, Société d’histoire de la lecture, 2010, 63 p., 25 cm.Coll. Matériaux pour une histoire de la lecture et de ses institutions. Deuxième série, I.ISBN 978-2-912626-22-6 : 20 €

Pourquoi les ouvriers liraient-ils ? À la demande de leurs patrons, pour comprendre les consignes écrites utiles à leur travail ? À l’instigation des

organisations ouvrières, parce qu’il n’y a pas d’amélioration possible dans le monde du travail sans compréhension globale du monde ? Ou par démarche personnelle, pour progresser dans l’échelle sociale ? Le cas de Roubaix ne permet pas, faute d’archives exploitables, de répondre complètement à la question des fonds documentaires disponibles ou des pratiques du lectorat ouvrier. Bibliothèques institutionnelles, bibliothèques populaires, syndicales ou politiques : leur étude dans le cadre roubaisien dans la seconde moitié du xixe siècle constitue un apport à une synthèse à venir.

Noëlle [email protected]

Émile LittréComment j’ai fait mon dictionnaireParis, Sonneur, 2010, 93 p., 15 cmColl. La petite collectionISBN 978-2-916136-26-4 : 6,50 €

Le récit fait par Émile Littré de l’immense aventure éditoriale et intellectuelle que fut la publication de « son » dictionnaire vaut autant par son style, délicieusement vieilli, que par son contenu. Il fallut un peu plus de treize ans, du 27 septembre 1859 au 4 juillet 1872, pour mener à bien l’entreprise, qualifiée plus tard et à raison de « monument national » : 415 636 feuillets, pour 27 « livraisons », étalées entre 1863 et 1872. Littré mêle avec franchise des considérations parfois triviales sur le mode de financement du projet, pour lequel il perçut de la part du clairvoyant M. Hachette des avances importantes, largement compensées (mais sur le long court) par le succès quasi immédiat et durable de l’ouvrage, et des propos sur les devoirs des auteurs à l’égard de leurs éditeurs dont la clairvoyance et la pertinence font parfois soupirer d’aise et de dépit le rédacteur en chef du Bulletin des bibliothèques de France. On mentionnera cependant que l’homme ne prisa guère la Commune, dont l’avènement, seul, interrompit son grand œuvre pendant quelques mois, et qu’il fut sans remords de l’Assemblée nationale versaillaise.À noter que, eu égard au sujet, il faut saluer la délicate qualité de l’édition, et saluer comme il se doit les 5 ans des éditions du Sonneur (et de leur petite grenouille : www.editionsdusonneur.com/index.php), au catalogue résolument éclectique, d’Edith Wharton à Jack London, de Roger Vaillant à Valery Larbaud.

Yves Desrichard [email protected]

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102 bbf : 2011 t. 56, no 1

Chloé MartinLe guide des bibliothèques numériques : le guide essentiel des s@voirs numérisésParis, FYP, 2010, 226 p., 20 cm Coll. Entreprendre Développement personnel ISBN 978-2-91657-40-9 : 12,90 €

Ce Guide des bibliothèques numériques part d’un constat simple : depuis une dizaine d’années, nombre d’établissements dans le monde proposent des bibliothèques numériques sur le web. Issues de la numérisation des fonds, de mises en ligne raisonnées de documents, ces bibliothèques reflètent l’évolution d’un métier qui voit les bibliothécaires devenir non plus seulement prescripteurs mais également producteurs de contenus.Chaque bibliothèque est distribuée dans une des grandes thématiques suivantes : « généraliste, sciences et technique, sciences humaines et sociales, histoire, droit-économie, lettres et langues, arts, jeunesse ». La bibliothèque numérique est ensuite décrite dans une courte fiche détaillant le type de document présenté, le public auquel elle est destinée, son contenu thématique, son mode de consultation ou de téléchargement. Surtout, et c’est peut-être ce qui importe le plus, un rapide descriptif souligne les particularités de chaque base et met en exergue une information notable, ici un moteur de recherche, là un espace pédagogique, là encore des outils de partage… Quelques informations significatives complètent la description – comme le statut privé ou public de la base, l’année de création, les éventuels partenaires et contributeurs.Ce guide est facile d’utilisation et intéressant en ce qu’il regroupe un très grand nombre d’outils existants et qu’il permet de découvrir de nombreuses initiatives locales.Cependant, un des reproches qui peut lui être fait, outre le fait qu’une version numérique, permettant des mises à jour, aurait été appréciée, c’est le manque de regard critique : de fait, l’ouvrage s’apparente plutôt à un guide d’orientation et d’information.

Thomas Chaimbault [email protected]

Presses de l’enssib

LibrairesLe Centre interinstitutionnel pour la diffusion de publications en sciences humaines (CID) diffuse et distribue les ouvrages publiés par l’enssib aux libraires.

FMSH-diffusion (CID)18-20 rue Robert Schuman94220 Charenton-le-Ponttél. + 33 (0)1 53 48 56 30fax + 33 (0)1 53 48 20 95e-mail [email protected]

Institutions et particuliersLes commandes des établissements publics et des particuliers se font par l’intermédiaire d’un libraire ou directement sur le site du Comptoir des presses d’universités : www.lcdpu.fr

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Communiquer !Les bibliothécaires, les décideurs et les journalistes

Sous la direction de Jean-Philippe AccartCollection La Boîte à outils #21176 pages. Format 15 x 21 cm.ISBN 978-2-910227-84-5. 22 €

L’enjeu de la communication en direction des élus, des décideurs, mais aussi des journa-listes, est devenu vital pour les bibliothèques. De quels moyens dispose la bibliothèque pour faire la preuve du bien-fondé de son existence ? Comment communiquer en direction d’un élu ? Que peut apporter une bonne collaboration avec des journalistes, avec les partenaires natu-rels ou hiérarchiques au sein de l’université ou de la collectivité territoriale ? Comment utiliser à bon escient les méthodes du lobbying et du marketing, ou l’emploi des réseaux sociaux ? Voilà quelques-unes des questions abordées ici.

ÉCoLe NAtIoNALe SuPÉRIeuRe DeS SCIeNCeS De L’INFoRMAtIoN et DeS BIBLIotHèqueS

Presses de l’enssibenssib  •  service des éditions

17-21 boulevard du 11 novembre 191869623 Villeurbanne Cedextél. + 33 (0)4 72 44 43 43fax + 33 (0)4 72 44 43 44e-mail [email protected]

Retrouvez le catalogue des éditions sur notre site :

www.enssib.fr/presses/

Une nation de lecteurs ?La lecture en Angleterre (1815-1945)

Marie-Françoise CachinCollection Papiers272 pages. Format 15 x 23 cm.ISBN 978-2-910227-79-1. 35 €

Cet ouvrage est le premier rédigé en français sur l’histoire contemporaine de la lecture en Grande-Bretagne. L’étude présentée ici comble donc un manque en faisant apparaître l’impor-tance de la lecture en Angleterre de la période victorienne à la fin de la Seconde Guerre mon-diale. Sont ici analysés, grâce à une présenta-tion chronologique, les modalités de l’alpha-bétisation de la population, l’émergence de nouveaux lectorats, le rôle des cabinets de lec-ture, la création de bibliothèques publiques, les pratiques et les modes de lecture spécifiques de ce pays. Leur évolution au fil des décennies est mise en regard du contexte politique, écono-mique et social. Comme Bibliothèque publique et Public Library, d’Anne-Marie Bertrand, publié dans la même collection, Une nation de lec-teurs ? La lecture en Angleterre (1815-1945) contribue à la réflexion sur les fondements de la lecture privée et publique. Au-delà de l’identification de spécificités anglaises à l’intérieur du monde anglophone, cette étude contribue à enrichir l’analyse comparée des représentations de l’imaginaire collectif occidental autour de la lecture. de l’imaginaire collectif occidental autour de la lecture.

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Constituer une bibliothèque, constituer des savoirsDavid-Georges Picard

Comment une collection est-elle productrice d’un savoir ? Par quels rassemble-ments, quels rapprochements ? La bibliothèque est-elle intrinsèquement consti-tution de savoir ? Comment une collection parvient-elle à faire sens ? La création d’une bibliothèque, la constitution de collections, physiques ou numériques, sont, par elles-mêmes, une démarche de constitution d’un savoir dépassant la seule somme des contenus. Au prisme des bibliothèques, les savoirs s’orga-nisent différemment : la classification choisie est ainsi susceptible de connecter des connaissances voire de susciter l’interdisciplinarité ou, à l’inverse, de neu-traliser le croisement des sources. Dans le cadre de la bibliothèque numérique, le choix de l’organisation et des outils permettant la connexion des documents est l’élément qui déterminera l’exploitation des sources : une approche du sa-voir non pas tant universelle que par matière s’avère un moyen efficient pour susciter des liens « riches » entre les sources et l’interdisciplinarité.

Défiances et production : les bibliothèques françaises et WikipédiaRémi Mathis

Alors que Wikipédia fête ses 10 ans, cet article vise à faire le point sur l’impli-cation des bibliothèques dans le projet d’encyclopédie collaborative. Wikipédia, production dont le processus de validation est original, a longtemps eu mau-vaise presse dans une profession où la fiabilité de l’information est une valeur essentielle. Cependant, l’auteur voit cet état de fait évoluer au niveau individuel, ce qui permet à des bibliothécaires et wikipédiens d’agir de concert. Si la pro-duction institutionnelle existe, elle demeure peu importante – seule la BnF a un véritable projet abouti. En revanche, il est possible que les tutelles encou-ragent à une plus grande implication dans un avenir proche – dans le cadre d’une volonté de mise en valeur des institutions françaises et de leurs fonds. La production de contenu sur Wikipédia n’est toutefois pas une fin en soi, mais doit prendre place dans une stratégie plus large de diffusion et de présence sur internet – prenant en compte non seulement les vœux de l’institution mais éga-lement sa capacité à produire une connaissance de référence.

Bibliothèques et archives ouvertesAnnaïg Mahé

Dès les débuts du mouvement du libre accès à l’information scientifique et technique et des archives ouvertes, les bibliothèques s’engagent concrètement et politiquement, à différents niveaux, local, national et international. Au fil des années et des réalisations, il devient évident que, si les bibliothèques ne sont pas les seuls acteurs concernés, elles jouent un rôle majeur et central dans le développement des archives ouvertes : de la sensibilisation des communautés dans les institutions à la mise en place de plateformes logicielles jusqu’aux ac-tions collectives de lobbying et de réflexion, l’implication des bibliothèques est à la fois basée sur leur mission et leurs compétences fondamentales, mais aussi sur l’innovation et l’expérimentation de nouveaux modèles documentaires, tant sur le plan technique qu’économique. Ces nouveaux défis représentent une op-portunité pour définir une nouvelle légitimité des bibliothèques au sein de leurs institutions de recherche.

Action culturelle et production de contenusEmmanuèle Payen

L’action culturelle en bibliothèque joue un rôle prépondérant dans la production des savoirs proposés aux publics de nos établissements ; elle a pour mission première de valoriser les contenus documentaires à l’œuvre dans la biblio-thèque et de les mettre en dialogue avec les contenus scientifiques et intellec-tuels du monde contemporain. Mais elle est aussi une source importante de production de connaissances, compte tenu du caractère exemplaire et éphé-mère de sa programmation. Cet aspect est d’autant plus renforcé que se met

en place une politique de collecte et de valorisation des traces de ces manifes-tations (numériques et éditoriales) associée à une politique d’animation ambi-tieuse et structurée.

Valorisation de la production académique : collecte, conservation, diffusionAnne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux et Isabelle Mauger-Perez

La réorganisation récente du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) a occasionné le transfert à l’Abes d’un certain nombre de missions, notamment relatives aux thèses. Ce transfert conforte l’intérêt et l’expertise de l’Abes, opérateur national, dans un champ qu’elle a investi depuis sa création en 1994, avec le développement de multiples applications. En 2010, l’agence hérite de la gestion du Fichier central des thèses qui permet de signaler les sujets de thèses en cours de préparation pour les disciplines de sciences humaines et sociales. L’application est toutefois appelée à disparaître, sous sa forme actuelle, avec l’extension du signalement des sujets à toutes les disciplines et l’ouverture d’un portail des thèses. Par ailleurs, l’application Star est ouverte en 2006 pour permettre aux établissements de déposer, sous forme électronique, l’ensemble des thèses ou des travaux présentés en soutenance en vue du doctorat. Dernière mission en date confiée à l’Abes en 2008 par la Mis-sion de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire (MIS-TRD), le projet de portail des thèses, dont l’ambition est de proposer en 2011 un guichet unique, très attendu, pour l’ensemble des thèses, et une meilleure visibilité de la recherche doctorale française.

Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centralesBruno Latour

L’auteur propose, quant à la place des bibliothèques dans le monde du savoir, cinq thèses sur la « machine bibliothèque », « sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ». Pour lui, la bibliothèque est de plus en plus ma-térielle et de moins en moins virtuelle, où le livre, cependant, perd rapidement sa prééminence. Elle est plus importante que jamais, et les bibliothécaires et les formateurs doivent apprendre et dispenser des savoirs nouveaux, qui n’ont plus rien à voir avec le monde « d’avant ».

Nouveau dépôt des thèses, nouveau positionnement pour les bibliothèques ? Les retours d’expérience des services communs de la documentaton de Lille 2 et ValenciennesPerrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan et Sabrina Granger

L’adoption du dépôt électronique national des thèses joue le rôle de catalyseur pour les bibliothèques en les incitant à redéfinir leur positionnement par rap-port à la recherche. Les bibliothèques, en tant qu’actrices réglementaires du dépôt, du signalement, de la reproduction, de la diffusion et de la conservation des thèses selon l’arrêté du 7 août 2006, jouent de fait un rôle central dans la mise en place du nouveau circuit de dépôt. Comment la dynamique induite par l’adoption du dépôt électronique des thèses peut-elle se traduire sur le terrain pour les bibliothèques ? Les exemples des services communs de la documenta-tion de Lille 2 et de Valenciennes constituent autant d’illustrations.

Histoire de la santé et contenus électroniques : la bibliothèque numérique de la BIUM (Paris)Guy Cobolet

La bibliothèque numérique de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM), portail patrimonial constamment enrichi, constitue une collaboration exemplaire basée sur une relation rénovée entre bibliothécaires et usagers. Elle se décline en un grand nombre de produits et services différents, comme

résumés des articles

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Medic@, base de documents en ligne, des banques d’images, des expositions virtuelles, des actes de congrès, etc. et, dernier mis en place, Medicina, pro-duit hybride qui conjugue base de données bibliographiques, textes en ligne, annonces de congrès et liste de discussion.

Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque françaiseJoël Daire

L’article s’attache à montrer pourquoi, au sein d’une institution patrimoniale comme la Cinémathèque française, la question du développement des savoirs et de leur gestion au sein du système documentaire est devenue un enjeu majeur de la politique de valorisation des collections. À travers deux exemples concrets (la création d’un Conservatoire des techniques cinématographiques et la mise en place d’une politique de coopération avec le monde de la recherche), il ex-plique comment la Cinémathèque a tenté de répondre à ce nouveau défi.

Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université : l’exemple de l’Institut national polytechnique de ToulouseSandrine Malotaux

Les bibliothèques universitaires disposent aujourd’hui de facteurs favorables pour jouer un rôle majeur en matière de diffusion des savoirs : le développe-ment du numérique, bien entendu, et le développement parallèle du mouve-ment pour le libre accès à l’information scientifique sont autant d’opportuni-tés offertes aux bibliothèques universitaires d’occuper une place centrale dans la diffusion des connaissances, en assumant un rôle d’« éditeur ». La création de services « virtuels » liés à la diffusion des savoirs produits par l’université (archives ouvertes des publications, thèses et cours en ligne) peut être égale-ment l’occasion de valoriser la bibliothèque « comme lieu », d’y implanter de nouvelles activités et d’en faire un véritable espace d’échanges entre tous les

acteurs du savoir, favorisant activement la construction des connaissances. L’expérience menée à l’Institut national polytechnique de Toulouse montre com-ment la mise en place d’entrepôts d’archives ouvertes, et l’organisation d’une gestion déconcentrée de ces services, permet de créer dans les bibliothèques de nouvelles fonctions, contribuant ainsi à les mettre au cœur du processus péda-gogique et de recherche.

Le Graal à la BnF ou « La Légende du roi Arthur » : une exposition érudite accessible à tousAnne-Hélène Rigogne

« La Légende du roi Arthur », exposition de la BnF, a permis sans aucun doute une plus large diffusion du savoir sur la littérature arthurienne. Elle a bénéfi-cié de la synergie du partenariat entre trois bibliothèques, la BnF et les biblio-thèques municipales de Rennes et de Troyes. Un grand nombre de dispositifs d’accompagnement du public a été déployé pour que cette exposition valorise à la fois les collections de manuscrits et un contenu scientifique exigeant.

De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalification profonde et mutations subtilesMarie-Claude Julié

Vingt ans après l’ouverture de la bibliothèque Mériadeck à Bordeaux, un impor-tant chantier de requalification du bâtiment a été engagé. Après un rappel du projet initial, ambitieux mais inabouti, et le bilan dix ans après l’ouverture, l’auteur expose l’origine et le contenu du projet de requalification. Elle explique comment cette modernisation architecturale (au cours d’une première phase) a été accompagnée et amplifiée par toute une dynamique de changements internes (optimisation de l’organisation interne, diversification et valorisation documentaire, reconfiguration des espaces, renforcement de la communication et de l’action culturelle).

abstracts

Building a library, building knowledgeDavid-Georges Picard

How do collections produce knowledge? Are libraries intrinsically about building knowledge? How do library holdings make sense? Creating libraries and collec-tions, whether real or virtual, is in itself an act of building knowledge that goes beyond the simple sum of their content. The very fact of structuring knowledge changes it: the type of classification chosen creates connections and encourages interdisciplinarity or, conversely, cancels out the interchange between sources. In digital libraries, the choice of the organising principle and tools allowing documents to be connected is the key factor in deciding how the sources are to be exploited. This approach to knowledge – field by field rather than universal – is an effective way to create “rich” links between sources, thereby encouraging interdisciplinarity.

French libraries and WikipediaRémi Mathis

This article marks Wikipedia’s tenth birthday by looking at the participation of French libraries in the collaborative online encyclopaedia. Wikipedia’s unique validation process meant that the project long had a bad press in a profession where the reliability of information is paramount. However, the author notes that the situation has moved on at an individual level, allowing librarians and wikipedians to work together. While some institutions are involved in Wikipedia, this remains on a small scale, and only the BnF has completed a project of any significance. However, partnerships may encourage greater involvement in the near future with the aim of showcasing French institutions and their collections. Producing content on Wikipedia is not an end in itself, however; it should be

part of a wider strategy of improving online presence, taking account not only of the institution’s own wishes, but also of its capacity as a reliable source of knowledge.

Libraries and open archivesAnnaïg Mahé

Libraries have long been actively and politically engaged in the move towards open access to scientific and technological information and open archives, on a local, national, and international level. As the years pass and the number of projects increases, it is becoming clear that while libraries are not the sole stake-holders in the process, they nonetheless play a major role in developing open archives, from raising awareness within institutions to implementing software platforms, lobbying and think tanks. Libraries are involved both in terms of their key missions and skills and in experimenting with innovative new models, both in technological and economic terms. These new challenges are an opportunity for libraries to define a new form of legitimacy as key partners within their re-search institutions.

Cultural programmes and content productionEmmanuèle Payen

Cultural programmes play a vital role in knowledge production for library users, their primary aim being to make the best use of the library’s holdings and bring them into dialogue with scientific and intellectual content from wider contem-porary society. The exemplary, albeit temporary, nature of such programmes also makes them a major source of knowledge production. This aspect becomes all

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the more significant when libraries implement a policy for recording such cul-tural events online or in publications, in conjunction with an ambitious, struc-tured events policy.

Collecting, conserving and facilitating access to scholarly publicationsAnne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux and Isabelle Mauger-Perez

The recent restructuring of the French Ministry for High Education and Re-search (MESR) led a number of projects to be transferred to ABES, including the management of PhD theses. The transfer strengthened ABES’s national role and expertise in a field it first entered in 1994, allowing it to develop a range of programmes. In 2010, the agency was entrusted with running the database of French PhD theses, which records all PhD projects currently underway in the humanities and social sciences. Plans are afoot to extend the database to in-clude all subject areas and open a portal devoted to PhD theses. The STAR pro-gramme, launched in 2006, allows institutions to store electronic versions of all PhD theses and associated doctoral research projects. In 2008, the Mission de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire (Project for scientific and technological information and the documentation network) asked ABES to create a portal for PhD theses. The much-anticipated project, scheduled for 2011, will offer a one-stop shop for all French PhD theses, raising the interna-tional profile of French doctoral research.

The more libraries spread out, the more central they becomeBruno Latour

Studying the place of libraries in the world of knowledge, the author puts for-ward five arguments on the “library machine”, “a sphere whose centre is every-where and its circumference nowhere”. He argues that libraries are increasingly material and less and less virtual, although books are rapidly losing their central place within them. Libraries are more important than ever; librarians and train-ing staff must learn and pass on new forms of knowledge that are very different from the “world as it used to be”.

A new database of theses – a new opportunity for libraries? A case study at the Lille 2 and Valenciennes university librariesPerrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan and Sabrina Granger

The decision to implement a nation-wide e-repository of PhD theses has proved a catalyst for libraries, encouraging them to redefine themselves in relation to research. A law voted on August 7, 2006 charged libraries with stocking, cata-loguing, printing, distributing, and conserving theses, giving them a central role in implementing the new repository. What impact did the decision to launch this new e-repository have on libraries? This article provides a case study of the Lille 2 and Valenciennes university library services.

The history of healthcare and electronic content: the digital library at the BIUM (Paris)Guy Cobolet

The digital library at the inter-university medical library in Paris is a constantly updated portal of significant historical material. It is an exemplary collabora-tion drawing on a new relationship between librarians and users, offering a wide range of products and services such as Medic@, an on-line document database, image banks, virtual exhibitions, conference proceedings, and so on. Its most recent project is Medicina, which offers a bibliographical database, online texts, conference announcements, and email discussion lists.

Collections, knowledge, and knowledge management at the Cinémathèque françaiseJoël Daire

The article sets out to demonstrate why knowledge development and manage-ment has become a key issue in collection development policy at an institution like the Cinémathèque française, which has a role in maintaining historic collec-tions. The author draws on two concrete examples –the creation of an institute of film technology and the implementation of a policy of co-operation with the research field– to explain how the Cinémathèque has responded to this new challenge.

The role of libraries in disseminating knowledge at university: the Institut National Polytechnique, ToulouseSandrine Malotaux

University libraries are now in a favourable position to play a major role in dis-seminating knowledge. Developing digital resources and the parallel develop-ment of the movement in favour of free access to scientific information offer university librarians the opportunity to take up a central role in disseminating knowledge by acting as “publisher”. Creating “virtual” services in association with university research, such as open archives of publications, theses, and on-line teaching materials, can also offer the opportunity to make the most of the library as a space, setting up new activities and turning them into a hub for all participants in the knowledge process, actively encouraging knowledge building. An experiment carried out at the Institut National Polytechnique in Toulouse demonstrates how creating an open archive and de-centralising management for the services in question opens libraries up for new functions, placing them at the heart of teaching and research.

The Grail at the BnF: “La Légende du roi Arthur”. A scholarly exhibition for allAnne-Hélène Rigogne

“La Légende du roi Arthur”, a BnF exhibition, was a great success in disseminat-ing knowledge on Arthurian literature. It benefited from the synergy of a partner-ship between three libraries: the BnF and the municipal libraries in Rennes and Troyes. The exhibition was accompanied by a number of educational initiatives for a wide audience, making the most of the collection of manuscripts while maintaining high scientific standards.

From Mériadeck 1 to Mériadeck 2: thoroughgoing redevelopment and subtle shiftsMarie-Claude Julié

Twenty years on from the opening of the Mériadeck library in Bordeaux, major changes in the building’s intended use are underway. The article begins with a look back at the initial project, which was highly ambitious but never fully com-pleted, and an assessment of the situation ten years on. It then studies the ori-gin and content of the new redevelopment programme. It explains how the first phase of the architectural modernisation took place alongside a whole range of internal shifts, optimising the internal organisation, diversifying and showcas-ing the material on offer, reconfiguring the space, and strengthening the com-munication and cultural programmes.

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Eine Bibliothek aufbauen, Wissen aufbauenDavid-Georges Picard

Wie kann ein Bestand Wissensproduzent sein? Durch welche Zusammenstel-lungen, welche Verbindungen? Ist die Bibliothek an sich Anlage von Wissen? Wie erreicht es ein Bestand, Sinn zu machen? Die Schaffung einer Bibliothek, der Aufbau von Beständen, physischen oder digitalen, sind durch sich selbst ein Schritt des Aufbaus von Wissen, das die bloße Summe der Inhalte über-trifft. Im Prisma der Bibliotheken organisiert sich das Wissen anders: die aus-gewählte Klassifikation ist somit in der Lage das Wissen zu verbinden, ja sogar Interdisziplinarität hervorzurufen oder hingegen die Überkreuzung der Quellen einzustellen. Im Rahmen der digitalen Bibliothek ist die Wahl der Organisa-tion und der Hilfsmittel, die die Verbindung der Dokumente ermöglichen, das Element, das die Verwertung der Quellen bestimmen wird. Ein nicht so sehr universaler, vielmehr thematischer Wissensansatz erweist sich als effizientes Mittel zum Hervorrufen „reicher“ Verknüpfungen unter den Quellen und der Interdisziplinarität.

Misstrauen und Herstellung: die französischen Bibliotheken und WikipediaRémi Mathis

Während Wikipedia sein 10-jähriges Bestehen feiert, hat dieser Artikel zum Ziel, Bilanz über die Miteinbeziehung der Bibliotheken in das Projekt der gemein-schaftlichen Enzyklopädie zu ziehen. Wikipedia, eine Produktion, deren Frei-gabeprozess eigenartig ist, hat lange Zeit in einer Berufswelt, in der die Zuver-lässigkeit der Information einen wesentlichen Wert darstellt, einen schlechten Ruf genossen. Dennoch sieht der Autor diesen Zustand auf individueller Ebene weiterentwickeln, was den Bibliothekaren und Wikipedianern ermöglicht, ge-meinsam vorzugehen. Obwohl die Erstellung durch Institutionen existiert, so bleibt sie doch kaum bedeutend – lediglich die BnF besitzt ein erfolgreich abge-schlossenes Projekt. Es ist hingegen möglich, dass die Träger in naher Zukunft im Rahmen eines Wunsches der Aufwertung der französischen Institutionen und ihrer Bestände zu einer größeren Miteinbeziehung ermuntern. Die Erstel-lung von Informationsgehalt in Wikipedia ist jedoch kein Selbstzweck, sondern muss einen Platz in einer ausgeweiteten Verbreitungsstrategie und Präsenz im Internet einnehmen, indem nicht nur die Wünsche der Institution, sondern auch ihre Kapazität, Referenzwissen zu erstellen, berücksichtigt werden.

Bibliotheken und offene ArchiveAnnaïg Mahé

Seit den Anfängen der Bewegung des freien Zugangs zur wissenschaftlichen und technischen Information und der offenen Archive, verpflichten sich die Bi-bliotheken konkret und politisch auf unterschiedlichen Ebenen, lokal, national und international. Im Laufe der Jahre und der Realisierungen wird es offensicht-lich, dass, auch wenn die Bibliotheken nicht die einzigen betroffenen Akteure sind, sie dennoch eine bedeutende und zentrale Rolle bei der Entwicklung der offenen Archive spielen. Angefangen bei der Sensibilisierung der Gemeinschaf-ten in den Institutionen, über die Einrichtung von Softwareplattformen bis hin zu gemeinsamen Lobbying- und Reflexionsaktionen, basiert die Miteinbezie-hung der Bibliotheken zum einen auf ihrer Aufgabe und ihren grundlegenden Kompetenzen, aber auch auf der Innovation und der Erprobung neuer doku-mentarischer Modelle, auf technischer wie auch auf wirtschaftlicher Ebene. Diese neuen Herausforderungen stellen eine Gelegenheit dar, eine neue Legiti-mität der Bibliotheken in ihren Forschungseinrichtungen zu definieren.

Kulturprojekte und Erstellung von InhaltenEmmanuèle Payen

Die kulturellen Aktivitäten der Bibliothek spielen eine entscheidende Rolle bei der Erstellung des Wissens, das den Benutzern unserer Einrichtungen angebo-ten wird ; sie haben in erster Linie die Aufgabe, die dokumentarischen Inhalte zur Geltung zu bringen und sie zum Dialog mit den wissenschaftlichen und in-tellektuellen Inhalten der zeitgenössischen Welt zu bringen. Sie sind aber auch eine wichtige Quelle der Wissensproduktion angesichts des exemplarischen und kurzlebigen Charakters ihrer Programmgestaltung. Dieser Aspekt wird umso

mehr verstärkt, dass eine Sammel- und Aufwertungspolitik der Spuren dieser Veranstaltungen (digitale und verlegte) eingeführt wird, einhergehend mit einer anspruchsvollen und strukturierten Veranstaltungspolitik.

Aufwertung der akademischen Produktion: Sammlung, Konservierung, VerbreitungAnne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux und Isabelle Mauger-Perez

Die jüngste Reorganisation des Ministeriums für Hochschulwesen und For-schung (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, MESR) hat bei der Abes die Verlagerung einer bestimmten Anzahl von Aufgaben, insbesondere die Doktorarbeiten betreffend, verursacht. Diese Verlagerung bestärkt das In-teresse und die Expertise des nationalen Anbieters Abes auf einem Gebiet, in dem er sich seit seiner Gründung im Jahr 1994 mit der Entwicklung zahlreicher Anwendungen engagiert. Im Jahr 2010 übernimmt die Agentur die Verwaltung des zentralen Hochschulschriftenkatalogs, der es ermöglicht, die sich in Arbeit befindenden Themen der Dissertationen in den Fächern der Geistes- und Sozi-alwissenschaften anzuzeigen. Die Anwendung in ihrer aktuellen Form ist mit der Erweiterung der Anzeige der Themen aller Fächer und der Eröffnung eines Dissertationsportals dazu berufen, nicht weiter zu existieren. Die Anwendung von Star wurde übrigens 2006 zugänglich, um den Einrichtungen die Einrei-chung der gesamten Dissertationen oder vorgestellten Arbeiten im Hinblick auf das Doktorat in elektronischer Form zu ermöglichen. Das Projekt des Dis-sertationsportals, das die Absicht hat, im Jahre 2011 eine einheitliche, gespannt erwartete Auskunftsstelle für die Gesamtheit der Dissertationen und eine bes-sere Sichtbarkeit der französischen Dissertationsforschung anzubieten, ist der neueste Auftrag, mit dem die Abes 2008 von der Mission für wissenschaftliche und technische Information und dem dokumentarischen Verbund (Mission de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire, MISTRED) be-traut wurde.

Je weiter sie sich ausbreiten, desto zentraler werden die BibliothekenBruno Latour

Der Autor unterbreitet den Platz der Bibliotheken in der Wissenswelt betreffend fünf Thesen zur „Maschine Bibliothek“, „Wirkungsbereich, dessen Mittelpunkt überall und dessen Peripherie nirgends ist“. Für ihn ist die Bibliothek mehr und mehr materiell und immer weniger virtuell, wo das Buch dennoch schnell seine Vorrangstellung verliert. Sie ist wichtiger als nie zuvor und die Bibliothekare und Ausbilder müssen die neuen Kenntnisse, die nichts mehr mit der Welt „von frü-her“ zu tun haben, erlernen und vermitteln.

Neue Dissertationsabgabe, neue Positionierung für die Bibliotheken? Die Erfahrungsberichte der Universitätsbibliotheken Lille 2 und ValenciennesPerrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan und Sabrina Granger

Die Einführung der nationalen elektronischen Dissertationsablieferung wirkt als Katalysator für die Bibliotheken, indem sie dazu angeregt werden, ihre Positio-nierung der Forschung gegenüber neu zu definieren. Die Bibliotheken spielen als vorschriftsmäßige Akteure der Ablieferung, des Nachweises, der Repro-duktion, der Verbreitung und der Konservierung der Dissertationen laut Erlass vom 7. August 2006 in der Tat eine zentrale Rolle bei der Einführung des neuen Ablieferungswegs. Wie kann sich die durch die Einführung der elektronischen Dissertationsablieferung hervorgerufene Dynamik für die Bibliotheken vor Ort umsetzen? Die Beispiele der Universitätsbibliotheken Lille 2 und Valenciennes stellen viele Veranschaulichungen dar.

Gesundheitsgeschichte und elektronische Inhalte: die digitale Bibliothek der BIUM (Paris)Guy Cobolet

Die digitale Bibliothek der Universitätsbibliothek für Medizin (Bibliothèque in-teruniversitaire de médecine, BIUM), ein stets angereichertes Portal, stellt eine

zusammenfassungen

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exemplarische Zusammenarbeit dar, die auf einer modernisierten Beziehung zwischen Bibliothekaren und Benutzern basiert. Sie kommt durch eine große Anzahl von Produkten und unterschiedlichen Diensten wie der Onlinedatenbank Medic@, Bilddatenbanken, virtuellen Ausstellungen, Tagungsberichten etc., und Medicina, dem zuletzt bereit gestellten hybriden Produkt, das bibliografische Datenbanken, Onlinetexte, Tagungsankündigungen und Diskussionsliste ver-eint, zum Ausdruck.

Bestände, Wissen und Know-how an der französischen Cinémathèque Joël Daire

Der Artikel befasst sich damit, aufzuzeigen, warum in einer Kultureinrichtung wie der französischen Cinémathèque die Frage der Entwicklung von Wissen und seiner Verwaltung im Dokumentationssystem ein entscheidendes Ziel der Poli-tik der Bestandsaufwertung geworden ist. Anhand zweier konkreter Beispiele (die Einrichtung einer filmtechnischen Hochschule und die Einführung einer Politik der Kooperation mit der Forschungswelt) erklärt er, wie die Cinéma-thèque versucht hat, auf diese neue Herausforderung zu reagieren.

Für die in der Wissensverbreitung der Universität engagierten Bibliotheken: das Beispiel des nationalen polytechnischen Instituts ToulouseSandrine Malotaux

Die Universitätsbibliotheken verfügen heute über geeignete Faktoren, um eine entscheidende Rolle bei der Wissensverbreitung zu spielen: die digitale Ent-wicklung selbstverständlich und die parallele Entwicklung der Bewegung für einen freien Zugang zur wissenschaftlichen Information stellen so viele den Uni-versitätsbibliotheken angebotene Gelegenheiten dar, um einen zentralen Platz bei der Wissensverbreitung einzunehmen und eine „Herausgeberrolle“ zu über-nehmen. Die Schaffung von „virtuellen“ Diensten, die mit der Verbreitung des von der Universität erstellten Wissens (offene Archive von Publikationen, Dis-sertationen und Onlinekursen), zusammenhängen, kann auch die Gelegenheit sein, die Bibliothek „als Ort“ aufzuwerten, dort neue Aktivitäten einzuführen

und aus ihr einen wahren Ort des Austauschs zwischen allen Wissensakteuren zu machen, der den Wissensaufbau aktiv fördert. Der am nationalen polytech-nischen Institut Toulouse durchgeführte Versuch zeigt, wie die Einsatz von Spei-chern offener Archive und die Organisation einer dezentralisierten Verwaltung dieser Dienste es ermöglichen, neue Funktionen in den Bibliotheken zu schaffen und somit dazu beizutragen, sie in den Mittelpunkt des pädagogischen Prozes-ses sowie des Forschungsprozesses zu rücken.

Der Gral an der BnF oder „Die Legende von König Artus“: eine wissenschaftliche, allen zugängliche AusstellungAnne-Hélène Rigogne

Die Ausstellung der BnF „Die Legende von König Artus“ hat zweifellos eine grö-ßere Verbreitung des Wissens über die Artusliteratur ermöglicht. Sie hat vom Zusammenwirken der Partnerschaft zwischen drei Bibliotheken, der BnF und der Stadtbibliotheken Rennes und Troyes profitiert. Damit diese Ausstellung gleichzeitig die Handschriftensammlungen und einen anspruchsvollen wissen-schaftlichen Inhalt zur Geltung bringt, wurde eine große Reihe von Maßnahmen zur Begleitung der Besucher eingesetzt.

Von Mériadeck 1 zu Mériadeck 2: tiefgründige Requalifizierung und subtile VeränderungenMarie-Claude Julié

20 Jahre nach der Eröffnung der Bibliothek Mériadeck in Bordeaux wurde eine bedeutende Baustelle zur Requalifizierung des Gebäudes begonnen. Nachdem die Autorin an das anspruchsvolle, aber nicht abgeschlossene Grundprojekt und die Bilanz zehn Jahre nach der Eröffnung erinnert hat, beschreibt sie den Ursprung und den Inhalt des Requalifizierungsprojekts. Sie erklärt, wie diese architektonische Modernisierung (im Laufe einer ersten Phase) von einer wah-ren Dynamik interner Veränderungen (Optimierung der internen Organisation, dokumentarische Diversifikation und Aufwertung, räumliche Neukonfigurierung der Bereiche, Verstärkung der Kommunikation und der kulturellen Aktivitäten) begleitet wurde.

resúmenes

Constituir una biblioteca, constituir saberesDavid-Georges Picard

¿Cómo una colección es productora de un saber? ¿A través de qué reagrupa-mientos, qué aproximaciones? ¿La biblioteca es intrinsicamente constitución de saber? ¿Cómo una colección llega a tener sentido? La creación de una biblio-teca, la constitución de colecciones, físicas o digitales, en sí mismas, un plan-teamiento de constitución de un saber que supera la sola suma de los conteni-dos. Bajo el prisma de las bibliotecas, los saberes se organizan diferentemente: la clasificación escogida es de esta manera suceptible de conectar conocimien-tos e incluso suscitar la interdisciplinaridad o, inversamente, neutralizar el cruce de fuentes. En el marco de la biblioteca digital, la elección de la organi-zación y de las herramientas que permiten la conexión de los documentos es el elemento que determinará la explotación de las fuentes: un enfoque del saber no tanto universal como por materia resulta un medio eficiente para suscitar lazos “ricos” entre las fuentes y la interdisciplinaridad.

Desconfianzas y producción: las bibliotecas francesas y WikipediaRémi Mathis

Mientras que Wikipedia festeja sus 10 años, este artículo apunta a evaluar la im-plicación de las bibliotecas en el proyecto de enciclopedia colaborativa. Wikipe-dia, producción cuyo proceso de validación es original, ha tenido durante largo tiempo mala prensa en una profesión donde la fiabilidad de la información es un valor esencial. Sin embargo, el autor ve este estado de hecho evolucionar a nivel individual, lo que permite a bibliotecarios y wikipedianos actuar de con-cierto. Si la producción institucional existe, ésta permanece poco importante

– unicamente la BnF tiene un verdadero proyecto concluido. Por el contrario, es posible que las tutelas alientan una más grande implicación en un futuro cercano – en el marco de una voluntad de puesta en valor de las instituciones francesas y de sus fondos. La producción de contenido en Wikipedia no es sin embargo un fin en sí pero debe tomar lugar en una estrategia más amplia de difusión y de presencia en internet – tomando en cuenta no solamente los votos de la institución sino igualmente su capacidad a producir un conocimiento de referencia.

Bibliotecas y archivos abiertosAnnaïg Mahé

Desde los inicios del movimiento del libre acceso a la información científica y técnica y de los archivos abiertos, las bibliotecas se comprometen concreta y po-liticamente, en diferentes niveles, local, nacional e internacional. Con el correr de los años y de las realizaciones, se ha vuelto evidente que, si las bibliotecas no son los únicos actores concernidos, juegan un papel mayor y central en el desa-rrollo de los archivos abiertos: de la sensibilización de las comunidades en las instituciones a la instalación de plataformas de programas informáticos hasta las acciones colectivas de lobbying y de reflexión, la implicación de las bibliote-cas está a la vez basada en su misión y sus competencias fundamentales pero también en la innovación y la experimentación de nuevos modelos documenta-les, tanto en el plano técnico como económico. Estos nuevos desafíos represen-tan una oportunidad para definir una nueva legitimidad de las bibliotecas en el seno de sus instituciones de investigación.

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Acción cultural y producción de contenidosEmmanuèle Payen

La acción cultural en biblioteca juega un papel preponderante en la producción de saberes propuestos a los públicos de nuestros establecimientos; ella tiene por misión primera valorizar los contenidos documentales en práctica en la bi-blioteca y de ponerlos en dialogo con los contenidos científicos e intelectuales del mundo contemporáneo. Pero ella es también una fuente importante de pro-ducción de conocimientos, habida cuenta del carácter ejemplar y efímero de su programación. Este aspecto es tanto más reforzado cuanto que se instala una política de recolección y de valorización de las huellas de estas manifestacio-nes (digitales y editoriales) asociada a una política de animación ambiciosa y estructurada.

Valorización de la producción académica : recolección, conservación, difusiónAnne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux y Isabelle Mauger Perez

La reorganización reciente del ministerio de la Enseñanza superior y de la In-vestigación (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, MESR) ha ocasionado el traslado al Abes de un cierto número de misiones, sobretodo relativas a las tesis. Este traslado conforta el interés y la pericia del Abes, ope-rador nacional, en un campo en el que se ha involucrado, desde su creación en 1994, con el desarrollo de múltiples aplicaciones. En 2010, la agencia hereda la gestión del Fichero central de las tesis que permite señalar los temas de tesis en curso de preparación para las disciplinas de ciencias humanas y sociales. La aplicación, sin embargo bajo la forma actual, es llamada a desaparecer con la extensión del señalamiento de los temas a todas las disciplinas y la apertura de un portal de tesis. Por otro lado, la aplicación Star se abre en 2006 para permitir a los establecimientos depositar, bajo forma electrónica, el conjunto de las tesis o de los trabajos presentados en sustentación en vistas del doctorado. Ultima misión en data confiada al Abes en 2008 por la Misión de la información científica y técnica y de la red documental (Mission de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire, MISTRED), el proyecto de portal de tesis, cuya ambición es proponer en 2011 una ventanilla única, muy esperada, para el conjunto de las tesis, y una mejor visibilidad de la investigación doctoral francesa.

Mientras más se expanden, las bibliotecas se vuelven más centralesBruno Latour

El autor propone, en cuanto al lugar de las bibliotecas en el mundo del saber, cinco tesis sobre la “máquina biblioteca”, “esfera cuyo centro está en todas par-tes y la circunferencia en ninguna parte”. Para el autor, la biblioteca es cada vez más material y cada vez menos virtual, en donde el libro, sin embargo, pierde rápidamente su preeminencia. Esta es más importante que nunca, y los biblio-tecarios y los formadores deben aprender y dispensar saberes nuevos, que no tienen nada que ver con el mundo de “antes”.

Nuevo depósito de tesis, ¿nuevo posicionamiento para las bibliotecas? Los retornos de experiencia de los SCD de Lille 2 y ValenciennesPerrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan y Sabrina Granger

La adopción del depósito electrónico nacional de tesis juega un papel cataliza-dor para las bibliotecas incitándolas a redefinir su posicionamiento con relación a la investigación. Las bibliotecas, en tanto actrices reglamentarias del depósito, del señalamiento, de la reproducción, de la difusión y de la conservación de tesis según el decreto del 7 de agosto 2006, juegan de hecho un papel central en la instalación del nuevo circuito de depósito. ¿Cómo la dinámica inducida mediante la adopción del depósito electrónico de tesis puede traducirse en el terreno para las bibliotecas? Los ejemplos de servicios comunes de la documen-tación de Lille 2 y de Valenciennes constituyen tantas ilustraciones.

Historia de la salud y contenidos electrónicos: la biblioteca digital de la BIUM (Paris)Guy Cobolet

La biblioteca digital de la Biblioteca interuniversitaria de medicina (BIUM), por-tal patrimonial constantemente enrriquecido, constituye una colaboración ejem-plar basada en una relación renovada entre bibliotecarios y usuarios. Ella se declina en un gran número de productos y servicios diferentes, como Medic@, base de documentos en línea, bancos de imágenes, exposiciones virtuales, actas de congresos, etc. y, el último instalado, Medicina, producto híbrido que con-juga base de datos bibliográficos, textos en línea, anuncios de congresos y lista de discusión.

Colecciones, saberes y pericia en la Cinemateca francesaJöel Daire

El artículo se aferra en mostrar por qué, en el seno de una institución patrimo-nial como la Cinemateca francesa, la cuestión del desarrollo de los saberes y de su gestión en el seno del sistema documental, se ha convertido en un reto mayor de la política de valorización de las colecciones. A través de dos ejemplos concretos (la creación de un Conservatorio de técnicas cinematográficas y la instalación de una política de cooperación con el mundo de la investigación), el autor explica cómo la Cinemateca ha intentado responder a este nuevo desafío.

Por bibliotecas comprometidas en la difusión de los saberes de la universidad: el ejemplo del instituto nacional politécnico de TolosaSandrine Malotaux

Las bibliotecas universitarias disponen hoy en día de factores favorables para jugar un papel mayor en materia de difusión de saberes : el desarrollo de lo di-gital, desde luego, y el desarrollo paralelo del movimiento por el libre acceso a la información científica son tantas oportunidades ofrecidas a las bibliotecas universitarias de ocupar un lugar central en la difusión de los conocimientos, asumiendo un papel de “editor”. La creación de servicios “virtuales” ligados a la difusión de los saberes producidos por la universidad (archivos abiertos de las publicaciones, tesis y cursos en línea) puede ser igualmente la ocasión de valorizar la biblioteca “como lugar”, de implantar ahí nuevas actividades y hacer un verdadero espacio de intercambios entre todos los actores del saber, favore-ciendo activamente la construcción de los conocimientos. La experiencia llevada a cabo en el Instituto nacional politécnico de Tolosa muestra cómo la instala-ción de depósitos de archivos abiertos, y la organización de una gestión descon-centrada de estos servicios, permite crear en las bibliotecas nuevas funciones, contribuyendo de esta manera a ponerlos en el corazón del proceso pedagógico y de investigación.

El Graal en la BnF o “La Leyenda del rey Arturo”: una exposición erudita accesible a todosAnne-Hélène Rigogne

“La Leyenda del rey Arturo” exposición de la BnF, permitió sin ninguna duda una más amplia difusión del saber sobre la literatura arturiana. Ella se benefició de la sinergía de la asociación entre tres bibliotecas, la BnF, las bibliotecas mu-nicipales de Rennes y de Troyes. Un gran número de dispositivos de acompaña-miento del público fue desplegado para que esta exposición valorizara a la vez las colecciones de manuscritos y un contenido científico exigente.

De Meriadeck 1 a Meriadeck 2: recalificación profunda y mutaciones sútilesMarie-Claude Julié

20 años después de la apertura de la biblioteca Meriadeck en Burdeos, una importante obra de recalificación del edificio fue emprendido. Después de un recuerdo del proyecto inicial, ambicioso pero inacabado, y el balance diez años después de la apertura, la autora expone el origen y el contenido del proyecto de recalificación. La autora explica cómo esta modernización arquitectural (en el curso de una primera fase) fue acompañada y amplificada mediante toda una dinámica de cambios internos (optimización de la organización interna, diver-sificación y valorización documental, reconfiguración de los espacios, reforza-miento de la comunicación y de la acción cultural).

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Malgré le raz-de-marée du numérique etd’Internet, les enquêtes récentes montrentque les étudiants, comme le public engénéral, fréquentent de plus en plus lesbiblio thèques. Par tout, on observe une de -mande croissante d’actualité, de rencontresautour d’intérêts partagés, de lieux ouverts,confor tables et conviviaux. Le besoin delecture sur papier coexiste avec celui d’une

information virtuelle et multimédia facilementaccessible. Cet ouvrage, qui concerne tousles types de bibliothèques, s’appuie surdes exemples innovants pris en France etdans les pays voisins. Il fournit un éventail de recommandationset de pistes nouvelles pour la conceptionde bâtiments accueillants et chaleureux,en phase avec les appétits sans cesse

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Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

De Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalifi cation profonde et mutations subtiles

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DOSSIER

Valorisation et production des savoirs en bibliothèque

1 – ProductionsConstituer une bibliothèque, constituer des savoirsDavid-Georges Picard

Défi ances et production : les bibliothèques françaises et WikipédiaRémi Mathis

Bibliothèques et archives ouvertesAnnaig Mahé

2 – ValorisationsAction culturelle et production de contenusEmmanuèle Payen

La politique des tracesBernard Huchet

Valorisation de la production académique : collecte, conservation, diffusionAnne-Laurence Mennessier, Séverine Dabernat, Marianne Giloux et Isabelle Mauger-Perez

Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centralesBruno Latour

Nouveau dépôt des thèses, nouveau positionnement pour les bibliothèques ? Les retours d’expérience des services communs de la documentation de Lille 2 et ValenciennesPerrine Cambier-Meerschman, Solenn Bihan et Sabrina Granger

3 – ExemplaritésHistoire de la santé et contenus électroniques : la bibliothèque numérique de la BIUM (Paris)Guy Cobolet

Collections, savoirs et savoir-faire à la Cinémathèque françaiseJoël Daire

Pour des bibliothèques engagées dans la diffusion des savoirs de l’université : l’exemple de l’Institut national polytechnique de ToulouseSandrine Malotaux

Le Graal à la BnF ou « La Légende du roi Arthur » : une exposition érudite accessible à tousAnne-Hélène Rigogne

À PROPOSDe Mériadeck 1 à Mériadeck 2 : requalifi cation profonde et mutations subtilesMarie-Claude Julié

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BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2009 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 6

BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2009 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2010 / Numéro 6BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 1BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 2BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 3BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 4BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 5BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 6

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