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Vie et Mort des étoiles I. Introduction II. Les étoiles Qu’est-ce qu’une étoile ? ; Propriétés des étoiles ; Couleur et température ; Composition des étoiles ; Autres propriétés ; Classification des étoiles III. Fonctionnement d’une étoile Les atomes ; La fusion thermonucléaire ; Les réactions dans les étoiles ; Le cycle du carbone ; le cycle proton-proton ; Equation d’état ; Equilibre stellaire ; Structure d’une étoile typique comme le Soleil ; Emission de lumière ; Champ magnétique IV. Evolution des étoiles IV.1. Naissance d’une étoile Nuages de gaz et effondrement gravitationnel ; Formation du disque stellaire ; L’étoile s’allume ; Réactions thermonucléaires ; Influence des éléments lourds IV.2. Vie d’une étoile Démarrage raté ; Phase initiale ; Combustion de l’hélium ; Combustion en couche IV.3. Mort d’une étoile Etoiles de faibles masses ; Etoiles de grandes masses ; Supernovae de type I V. Stades finaux des étoiles V.1. Naines blanches Fermions et bosons ; Quantification des états ; Matière dégénérée ; Structure et description des naines blanches V.2. Etoile à neutrons Composition des étoiles à neutrons ; Champ magnétique ; Etoiles étranges ; Binaires à neutrons V.3. Trous noirs V.3.1. Relativité Repères ; La relativité restreinte ; Relation entre masse et énergie ; Relativité générale ; De la relativité restreinte à la relativité générale ; La courbure de l’espace-temps V.3.2. Formation d’un trou noir Effondrement gravitationnel ; Déformation de l’espace-temps ; Propriétés des trous noirs ; Les trous noirs existent-ils ? V.3.3. Approcher d’un trou noir Approche du trou noir ; Point de vue extérieur ; Point de vue du voyageur ; Il n’y a pas de paradoxe ; Orbites ; Tunnel autour d’un trou noir V.3.4. Passer l’horizon Passer l’horizon ; Plongée vers le centre ; Descente le long d’une corde ; Envoi d’un rayon lumineux vers l’arrière V.3.5. Trous noirs en rotations Description d’un trou noir en rotation ; Récupérer de l’énergie d’un trou noir V.3.6. Evaporation des trous noirs Fluctuations du vide ; Fluctuations au bord d’un trou noir ; Fin d’un trou noir V.3.7. Trous noirs réels Géométrie en cas d’effondrement stellaire ; Disque d’accrétion ; Trous noirs observés VI. Références I. Introduction De quoi allons-nous parler dans cette petite étude ? Notre but est d’étudier les étoiles et de répondre à quelques questions qu’un curieux pourrait se poser : - Qu’est-ce qu’une étoile ? - Comment fonctionne une étoile ? - Comment naissent les étoiles ? - Comment évolue les étoiles ? - Comment meurent les étoiles ? On ne va donc pas parler ici de constellations ou de mécanique céleste. Ce que nous allons décortiquer c’est que qui se trouve au cœur des étoiles, ce qui fait leurs caractéristiques et leur fonctionnement. Nous ne ferons pas l’impasse sur les phénomènes physiques, nombreux, qui sont à l’œuvre. Nous expliquerons ce qu’il faut savoir au fur et à mesure. La théorie qui se cache derrière ces explications

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Vie et Mort des étoiles I. Introduction II. Les étoiles Qu’est-ce qu’une étoile ? ; Propriétés des étoiles ; Couleur et température ; Composition des étoiles ; Autres propriétés ; Classification des étoiles

III. Fonctionnement d’une étoile Les atomes ; La fusion thermonucléaire ; Les réactions dans les étoiles ; Le cycle du carbone ; le cycle proton-proton ; Equation d’état ; Equilibre stellaire ; Structure d’une étoile typique comme le Soleil ; Emission de lumière ; Champ magnétique

IV. Evolution des étoiles IV.1. Naissance d’une étoile Nuages de gaz et effondrement gravitationnel ; Formation du disque stellaire ; L’étoile s’allume ; Réactions thermonucléaires ; Influence des éléments lourds

IV.2. Vie d’une étoile Démarrage raté ; Phase initiale ; Combustion de l’hélium ; Combustion en couche

IV.3. Mort d’une étoile Etoiles de faibles masses ; Etoiles de grandes masses ; Supernovae de type I

V. Stades finaux des étoiles V.1. Naines blanches Fermions et bosons ; Quantification des états ; Matière dégénérée ; Structure et description des naines blanches V.2. Etoile à neutrons Composition des étoiles à neutrons ; Champ magnétique ; Etoiles étranges ; Binaires à neutrons

V.3. Trous noirs V.3.1. Relativité Repères ; La relativité restreinte ; Relation entre masse et énergie ; Relativité générale ; De la relativité restreinte à la relativité générale ; La courbure de l’espace-temps

V.3.2. Formation d’un trou noir Effondrement gravitationnel ; Déformation de l’espace-temps ; Propriétés des trous noirs ; Les trous noirs existent-ils ?

V.3.3. Approcher d’un trou noir Approche du trou noir ; Point de vue extérieur ; Point de vue du voyageur ; Il n’y a pas de paradoxe ; Orbites ; Tunnel autour d’un trou noir

V.3.4. Passer l’horizon Passer l’horizon ; Plongée vers le centre ; Descente le long d’une corde ; Envoi d’un rayon lumineux vers l’arrière

V.3.5. Trous noirs en rotations Description d’un trou noir en rotation ; Récupérer de l’énergie d’un trou noir

V.3.6. Evaporation des trous noirs Fluctuations du vide ; Fluctuations au bord d’un trou noir ; Fin d’un trou noir

V.3.7. Trous noirs réels Géométrie en cas d’effondrement stellaire ; Disque d’accrétion ; Trous noirs observés

VI. Références

I. Introduction De quoi allons-nous parler dans cette petite étude ? Notre but est d’étudier les étoiles et de répondre à quelques questions qu’un curieux pourrait se poser :

- Qu’est-ce qu’une étoile ? - Comment fonctionne une étoile ? - Comment naissent les étoiles ? - Comment évolue les étoiles ? - Comment meurent les étoiles ?

On ne va donc pas parler ici de constellations ou de mécanique céleste. Ce que nous allons décortiquer c’est que qui se trouve au cœur des étoiles, ce qui fait leurs caractéristiques et leur fonctionnement. Nous ne ferons pas l’impasse sur les phénomènes physiques, nombreux, qui sont à l’œuvre. Nous expliquerons ce qu’il faut savoir au fur et à mesure. La théorie qui se cache derrière ces explications

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est vaste, très vaste, et remplirait sans difficulté plusieurs tomes de bonne taille. Mais notre intention n’est pas d’aller aussi loin. Puisque nous présentons un sujet couvrant de nombreux aspects, nous resterons simples et généraux dans nos explications. Nous resterons ici au niveau de la vulgarisation. Cela signifie donc qu’aucune connaissance préalable n’est nécessaire au-delà de quelques connaissances générales sur le sujet que pourrait vous avoir apporté quelques Beaux Livres, l’un ou l’autre documentaire ou de simples discussions avec des passionnés comme vous (ce qui est forcément le cas si vous faites l’effort de lire cette petite étude). On peut diviser cette étude en trois grandes parties :

Fonctionnement des étoiles. Comment marchent les étoiles, de quoi sont-elles composées, quelles sont les différentes sortes d’étoiles ?

Vie des étoiles. Depuis leur naissance, jusque leur mort, parfois calme, parfois très violente. Principales étoiles. Description plus détaillées de la structure et des propriétés de corps

célestes très important en astrophysique : naines blanches, étoiles à neutrons, trous noirs.

II. Les étoiles Nous allons décrire ici les étoiles dans les grandes lignes. C’est-à-dire leurs propriétés et leurs principales caractéristiques ainsi que les différentes sortes d’étoiles que l’on peut observer dans l’univers.

Qu’est-ce qu’une étoile ? Une étoile est une grande masse de gaz dans l’espace, de forme sphérique et portée à haute température. Le corps céleste est considéré comme une étoile lorsque la température en son cœur est suffisante que pour engendrer des réactions thermonucléaires (sur lesquelles nous reviendrons). Le gaz est presque entièrement ionisé, c’est-à-dire que la température est assez élevée pour arracher tous les électrons des atomes (à cause des chocs violents entre atomes, dû à l’agitation thermique). L’état de la matière correspondant est appelé plasma et est donc constitué d’atomes chargés d’électricité positive et d’électrons libres chargés d’électricité négative. La majorité des astres lumineux visibles la nuit à l’œil nu ou avec un télescope sont des étoiles. A ces étoiles il faut ajouter les planètes et les galaxies. Les étoiles visibles à l’œil nu sont toutes des étoiles appartenant à notre galaxie : la voie lactée. Les étoiles sont presque toujours regroupées en amas de plus ou moins grandes tailles : galaxies, nébuleuses, amas globulaires,… Les galaxies contiennent de dix à cent milliards d’étoiles. Il est assez fréquent de trouver des étoiles doubles : ce sont deux étoiles tournant l’une autour de l’autre (comme le ferait une planète autour de son étoile). Les galaxies contiennent aussi de grand nuages de gaz plus ou moins froids mais visibles seulement avec des instruments tel que télescopes et radiotélescopes. Les moyens d’observations des étoiles sont limités à l’observation de la lumière qu’elles émettent. Cela suffit toutefois à fournir de nombreuses informations. Notons aussi deux exceptions :

Notre Soleil est une étoile qui à l’avantage d’être à notre portée. Il est donc possible de l’étudier attentivement, depuis la Terre, à l’aide de satellite ou de sondes spatiales en analysant les particules qu’il émet ou son champ magnétique.

Les étoiles doubles ou situées au sein d’un nuage de gaz influencent leur partenaire ou ce gaz environnant, ce qui provoque divers phénomènes apportant nombre d’informations.

Notons aussi que par « lumière » il faut entendre tout le spectre électromagnétique : la lumière visible, bien entendu (et pendant longtemps la seule disponible aux astronomes) mais aussi depuis

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quelques décennies : les ondes radios, les infra-rouges, les ultraviolets, les rayons X et les rayons gammas (que l’on connait sur Terre à travers la radioactivité et les réactions nucléaires

Propriétés des étoiles Citons quelques propriétés générales importantes des étoiles.

Distance. La position de l’étoile sur la voute céleste se détermine aisément en mesurant sa hauteur (par rapport à l’horizon) et son azimut (la direction dans laquelle on la voit). La mesure de l’heure et de la date permettent ensuite avec quelques calculs astronomiques de dresser sans difficulté une carte précise avec la position de chaque étoile observée. Mais le paramètre le plus difficile à mesurer est la distance par rapport à l’observateur, c’est-à-dire par rapport à la Terre. On peut mesurer la distance des étoiles les plus proches par la méthode de la parallaxe. Vous avez certainement déjà constaté ce phénomène : lorsque vous observez un objet proche et un lointain, en fermant un œil et plus l’autre, la position relative des deux objets est modifiée. Ceci est simplement dû au fait que la direction des objets, vus par chaque œil varie légèrement car les deux yeux ne sont pas à la même place. De même, si l’on observe une étoile, la direction d’observation varie sur une période de six mois car la Terre n’est pas au même endroit.

Comme la plupart des schémas de cette étude, le dessin n’est pas à l’échelle pour des raisons de lisibilité. Dans la réalité les étoiles sont beaucoup plus loin par rapport à la taille de notre système solaire. L’angle entre les deux directions permet alors une détermination très précise de la distance. Cet angle étant d’autant plus grand que l’étoile est proche, cette méthode ne marche que pour des étoiles situées à quelques centaines d’année-lumière au maximum. Notons qu’une année lumière est la distance par courue en un an par la lumière dans le vide, soit environ 9500 milliards de kilomètres. L’étoile la plus proche (Proxima du Centaure) est située à 4 année-lumière. La Voie Lactée fait environ cent mille années-lumière de long. On mesure aussi les distances en parsecs. Un parsec est la distance correspondant à = 2 seconde d’arc (60 secondes d’arc font une minute d’arc et 60 minutes d’arc font un angle de un degré, ce qui vous donne une idée de la valeur très petite de cet angle).

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Enfin, on mesure aussi les distances en unités astronomiques. Une unité astronomique étant la distance de la Terre au Soleil (149 millions de kilomètres). La mesure des angles très petits étant délicat, on a considérablement amélioré les mesures grâce au satellite Hyparcos (qui, dans l’espace, est affranchit des perturbations atmosphériques) qui a permis une cartographie très précise de milliers d’étoiles proches. Pour des étoiles plus lointaines, on peut utiliser les étoiles variables. Ces étoiles ont une luminosité qui varie au cours du temps (c’est d’ailleurs le cas de notre Soleil avec un cycle de onze ans). La durée des cycles dépend de plusieurs paramètres que l’on sait mesurer (par exemple la luminosité de l’étoile, sa température). En mesurant la durée des variations on peut en déduire la luminosité absolue de l’étoile (voir ci-dessous). Comme la lumière reçue de l’étoile est d’autant plus faible qu’elle est éloignée, la comparaison permet de déterminer la distance. Il faut pour cela, bien entendu connaitre les relations reliant ces variations avec la luminosité, ce qui ne peut se faire au préalable qu’avec des étoiles proches dont on peut mesurer la distance par parallaxe. Cela permet de calibrer les paramètres utilisés dans les calculs pour des étoiles plus lointaines. Une autre méthode utilise les étoiles doubles. On parle parfois de la « parallaxe dynamique ». Si leur séparation est suffisante et leur distance pas trop grande, on peut mesurer directement leur séparation angulaire à l’aide d’un télescope. La mesure de leur période de rotation est assez aisée. Si l’on connait aussi leur masse par d’autres méthodes (par exemple leur type, leur couleur, leur luminosité) on peut, en utilisant les lois de la gravitation (loi de Kepler) calculer leur séparation exacte. Connaissant leur séparation angulaire, et leur séparation exacte, on peut calculer la distance. Une autre mesure des distances est basée directement sur la luminosité. Connaissant différentes caractéristiques de l’étoile, on en estime sa luminosité et à nouveau par comparaison avec la luminosité observée, on en déduit la distance. Cette méthode est beaucoup moins précise car l’estimation peut être assez grossière. Mais c’est la seule méthode disponible pour des étoiles simples, non variables et trop éloignées. Quelques exemples de distances :

o Proxima du Centaure : 1.31 parsecs. o Sirius (l’étoile la plus brillante, après le Soleil, bien sûr, et Vénus qui est en fait une

planète) : 2.66 parsecs. o Luyten : 3.76 parsecs.

Masse. La masse des étoiles est un paramètre important. Une unité fort pratique est la « masse solaire ». C’est-à-dire qu’on compare la masse des étoiles à la masse du Soleil. Ainsi, une étoile de dix masses solaires est une étoile dix fois plus massive que notre Soleil. # Encyclopedia étoiles Masse

Taille. Les dimensions de l’étoile constituent un autre paramètre fort important. Il existe deux méthodes pour déterminer la taille d’une étoile. La première est une mesure directe, en mesurant sa taille sur une photographie. Cette méthode n’est précise que pour

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des étoiles proches et avec des télescopes très puissants, sinon l’étoile apparait comme un simple point. Les télescopes spatiaux ne subissant par les effets des perturbations atmosphériques sont très utiles dans ce domaine. Une autre méthode consiste à mesurer sa luminosité absolue (par exemple en mesurant sa luminosité apparente et sa distance) et la luminosité émise par chaque portion de sa surface. Le simple rapport donne alors la surface visible et donc ses dimensions. La luminosité émise par une portion de sa surface est directement relié à sa température (voir plus bas) par une loi physique (loi de Stefan). Enfin, la méthode des étoiles doubles expliquées plus haut, peut aussi être utilisée dans l’autre sens. Si l’on connait leur distance précise (par parallaxe, par exemple), alors les lois de Kepler permettent de déterminer la masse des étoiles.

Luminosité. La lumière émise par les étoiles vient uniquement de leur surface. Ce sont des corps très chaud et qui émettent ainsi de la lumière (tout comme un filament d’ampoule électrique ou comme un morceau de fer chauffé à blanc). On peut distinguer deux types de luminosité. La luminosité absolue est la quantité de lumière émise par le corps (indépendamment de l’observateur). La luminosité apparente est la quantité de lumière reçue par l’observateur. Comme la lumière est émise dans toutes les directions, on calculer facilement que la lumière diminue comme le carré de la distance. C’est-à-dire que la luminosité apparente est divisée par quatre lorsque la distance double. Du fait de l’énorme différence de luminosité entre certaines étoiles, il est plus pratique d’utiliser une échelle logarithmique (log). Cette échelle transforme les multiples en unités : à 1 correspond 0, à 10 correspond 1, à 100 correspond 2, etc : log 1000 = 3 log 1000000 = 6 etc. Cela permet avec de petits nombres d’exprimer des luminosités extrêmement fortes. On parle de magnitude. Ainsi, si l’on a deux étoiles ayant une luminosité et avec un rapport entre les deux , alors la différence de magnitude est donnée par : (le facteur 2.5 est conventionnel). Si une étoile est un million de fois plus lumineuse que l’autre, la différence de magnitude est de 15 (2.5 fois 6). Il reste à choisir une étoile de référence (par exemple le Soleil) et de comparer les magnitudes des étoiles. On définit bien sûr des magnitudes absolues et des magnitudes apparentes, reliées par une relation simple impliquant la distance. Les mesures de magnitudes sont délicates car elles doivent tenir compte de l’absorption par l’atmosphère, de la couleur de l’étoile de la sensibilité des détecteurs. Mais ces mesures sont extrêmement importantes et donc indispensables. Une relation intéressante a été mise en évidence par Struve et expliquée ensuite par les modèles d’étoiles : il existe un lien entre la masse et la luminosité des étoiles. Pour la plupart des étoiles, la magnitude absolue est proportionnelle au logarithme de la masse. Cette relation n’est toutefois qu’approchée pour certaines étoiles (les géantes) et fausse pour d’autres (les naines). Mais elle est extrêmement utile pour bien des étoiles (les plus abondantes).

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Age. L’âge des étoiles est un autre paramètre important. Il est impossible d’avoir une mesure directe de l’âge d’une étoile. Il faudrait pour cela voir l’étoile vieillir, mais les étoiles ont des durées de vie de plusieurs millions à plusieurs milliards de générations humaines. La mesure de l’âge ne peut être qu’indirecte. On peut d’abord mesurer l’âge de notre Soleil en mesurant l’âge des objets présents dans le système solaire (planètes dont la Terre, météorites,… ce qui se fait en utilisant les propriétés de certaines éléments radioactifs. Ceux-ci se désintégrant en d’autres éléments selon une loi connue et mesurée en laboratoire, la comparaison des concentrations des éléments donne l’âge de l’objet) et en supposant que le Soleil est né en même temps ou peu avant les planètes (ce qui s’observe dans d’autres systèmes solaires en cours de formation). Le Soleil a ainsi un âge d’environ 4.7 milliards d’années. L’élaboration de modèles de fonctionnement des étoiles, modèles calibrés sur notre Soleil très accessible aux mesures, permet de calculer l’âge d’une étoile en fonction des ses caractéristiques. Une autre méthode enfin consiste à faire des calculs statistiques. Imaginons (pour faire très simple) que toutes les étoiles soient semblables et passent toutes par deux phases : A et B. Les mesures des proportions de A et B dans le ciel permettent alors de déterminer la durée relative de A et de B (si B est dix fois moins nombreux, c’est que cette période dure dix fois moins longtemps). Ces calculs statistiques sont délicats d’une part à cause de l’extraordinaire variété d’étoiles, rend les calculs très compliqués, d’autre part à cause d’incertitudes sur l’époques ou un groupe d’étoiles est apparu (avec le modèle simpliste ci-dessus, si toutes les étoiles sont apparues récemment, elles seront toutes dans le stade A, même si le stade B dure très longtemps). A contrario, cela peut donner des informations sur l’origine ou la nature d’un groupe d’étoiles. Par exemple, les amas globulaires sont composés d’étoiles (presque) toutes très âgées et de petite taille (les grosses étoiles vivent moins longtemps et ont disparu de l’amas).

On le voit, la mesure des propriétés d’une étoile est complexe, fait intervenir bien des choses. C’est tout un métier.

Couleur et température Une autre propriété très importante des étoiles est leur couleur. Par exemple, notre Soleil est jaune pâle. Certaines étoiles sont bleues, d’autres rouges. Des mesures précises peuvent se faire grâce à la longueur d’onde de la lumière. La lumière est une onde (comme les vagues) et sa longueur d’onde (la distance entre les vagues) est lié directement à la lumière. Cela s’appelle le spectre de la lumière (qui couvre aussi les ondes radios, etc.-.

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La couleur est grosso modo celle de la longueur d’onde ou la lumière est la plus intense. C’est cette longueur d’onde d’intensité maximale qui est importante : . Cette valeur est aussi appelé « type spectral ». Ce qui est également important est que est directement lié à la température. C’est quelque chose d’assez facile à constater. Lorsque l’on chauffe de plus en plus un morceau de fer, il passe par les couleurs rouges, jaune, blanc… (en fait dans ce dernier cas, le maximum est dans le bleu, mais comme il y a aussi une lumière très forte dans les autres couleurs, le mélange donne du blanc). Le corps humain à 37 degrés émet surtout dans l’infrarouge. La relation entre longueur d’onde et température est très précise et est expliqué par les lois de la thermodynamique (loi dit des « corps noirs »). Ainsi, la simple mesure des longueurs d’onde de la lumière (mesure très précise) donne directement la température de l’étoile. Il s’agit bien entendu de la température de la surface de l’étoile, pas de son cœur, car c’est la surface que l’on peut observer. Le Soleil a ainsi une température d’environ 6000 degrés en surface.

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On a ainsi deux valeurs précises et sûres permettant de caractériser les étoiles : le type spectral et la magnitude absolue. Elles peuvent servir à tracer un diagramme appelé diagramme de Hertzprung-Russel, du nom des deux astronomes qui ont les premiers découverts que ces diagrammes étaient fort utiles.

On porte en abscisse le type spectral (c’est-à-dire la température ou plus précisément le logarithme de la température) et en ordonnée la magnitude absolue. On constate alors que la majorité des étoiles se regroupent dans une bande inclinée appelée « séquence principale ». Au-dessus on trouve quelques étoiles de la classe des géantes et en-dessous des étoiles de la classe des naines. Cela s’explique aisément car plus une étoile est grande, plus elle offre de surface visible et donc, à une température donnée, elle est plus lumineuse. Lors de leur évolution, les étoiles parcourent un chemin précis dans ce diagramme, comme nous le verrons. Ce diagramme est vraiment idéal pour l’étudier. Les étoiles passent l’essentiel de leur vie dans la séquence principale, ce qui explique que la plupart des étoiles s’y trouvent. Les géantes et les naines sont plutôt caractéristiques de la fin de vie des étoiles.

Composition des étoiles La lumière émise par l’étoile contient d’autres informations très importantes. Il faut savoir que chaque atome émet et absorbe la lumière d’une manière très caractéristique, propre à chaque type d’atomes (carbone, fer, oxygène,…). Il absorbe (ou émet) de la lumière à une

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série de longueurs d’onde très précises et différentes pour chaque type d’atome. Le spectre lumineux contient donc de fines raies sombres à des longueurs d’onde précises.

Ce spectre peut s’observer avec un simple prisme (qui décompose la lumière en couleurs) ou avec des instruments plus précis (appelés réseaux) ou adaptés aux longueurs d’onde étudiées (comme des antennes accordées pour les ondes radios). La technique s’appelle spectroscopie et les raies des raies spectroscopiques. L’absorption sera d’autant plus intense que la lumière traverse une quantité importante de matière. En étudiant le spectre de l’étoile on peut ainsi connaitre la composition chimique de son atmosphère traversée par la lumière émise par sa surface. Les étoiles étant composées de gaz, la diffusion et le brassage implique que la composition est proche du reste de l’étoile (même si le cœur peut avoir une composition très différente à cause des réactions thermonucléaires, nous y reviendrons). Les étoiles sont principalement composées d’hydrogène (environ 75% en masse, sauf pour des étoiles très âgées) et d’hélium (environ 25%). Mais on trouve aussi des quantités très variables d’azote, carbone, oxygène, etc. Notons d’ailleurs que c’est d’abord dans le spectre solaire que fut découvert l’hélium (d’où son nom tiré de hélios = soleil) avant de le découvrir sur Terre. Notons aussi que l’intensité des raies est caractéristique de l’état dans lequel se trouve l’atome et apporte des informations physiques très importantes, comme la température. Enfin, lorsque le corps qui émet un rayonnement lumineux est en mouvement, on observe un décalage global de la valeur des longueurs d’onde. Ce phénomène existe également avec le son, ce que vous avez peut-être déjà entendu avec les sirènes des véhicules ou même le bruit des moteurs lorsque l’on est sur aire de repos d’une autoroute : le bruit est légèrement plus aigu lorsque le véhicule se rapproche et plus grave lorsqu’il s’éloigne. Les raies spectroscopiques constituant une véritable empreinte digitale, très précise, la simple comparaison avec les spectres de laboratoire permet de connaitre le décalage et ainsi la vitesse de l’étoile (du moins la vitesse « radiale », c’est-à-dire son mouvement le long de la ligne de visée, dans la direction de l’observateur. Les vitesses « transversales » peuvent se mesurer par simple déplacement de l’étoile sur la voûte céleste mais cela n’est observable que pour des étoiles proches ou… en prenant son temps !) Il faut noter que lorsque les atomes sont assemblés en molécules, ils ont aussi des raies très caractéristiques de la molécule. Ces raies sont plus rares dans les étoiles, bien que parfois présentes, puisque le plasma très chaud tend à séparer tous les atomes et à les ioniser. Lorsque le plasma est moins, chaud, les atomes peuvent toutefois être neutres (tous leurs électrons sont liés au noyau de l’atome) ou sous forme de molécules.

Autres propriétés Il existe d’autres propriétés importantes, essentiellement étudiées avec le Soleil mais aussi (difficilement) avec quelques étoiles très proches.

Le champ magnétique. Les étoiles possèdent un champ magnétique (comme pour un aimant) intense et de structure très complexe. Le champ magnétique solaire influence ainsi la

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propagation des particules chargées dans tout le système solaire. Le champ magnétique d’une planète comme la Terre ressemble très fort à celui d’un simple (et gros) aimant. Mais le champ magnétique d’une étoile est beaucoup plus complexe et apporte nombre d’informations sur la structure de l’étoile et le mouvement des particules chargées au sein de l’étoile. Le champ magnétique d’une étoile peut être étudié à distance car le spectre d’émission est influencé par le champ magnétique (les raies sont démultipliées en fines raies très proches, effet appelé effet Zeeman). Le champ magnétique a pour origine les mouvements importants et complexes des particules chargées dans le plasma de l’étoile. Il varie de manière importante au cours du temps, en particulier pour les étoiles variables. Certaines étoiles (appelées étoiles magnétiques) ont un champ magnétique particulièrement intense.

Le vent solaire est un flux de particules émises par le Soleil. Ces particules consistent essentiellement en protons et électrons libres. Etant chargées électriquement, ces particules sont fortement influencées par le champ magnétique solaire et les champs magnétiques des planètes. Certaines de ces particules sont fortement accélérées par divers mécanismes liés aux éruptions et au champ magnétique, elles forment l’essentiel des rayons cosmiques reçus par la Terre.

De temps en temps, la surface de l’étoile est sujette à de violentes explosions appelées éruptions solaires ou stellaires. Cela se produit lorsque le champ magnétique subit des transformations importantes. De grandes arches de plasmas suivent les lignes de champ puis sont éjectées dans l’espace où elles forment un puissant flux de particules chargées pouvant heurter la Terre (pour les éruptions solaires) et provoquer des aurores polaires. Ces particules chargées très énergétiques et pénétrant profondément dans le champ magnétique terrestre peuvent aussi provoquer diverses perturbations sur les lignes électriques, les satellites et divers dispositifs électroniques.

Les réactions thermonucléaires au cœur du Soleil produisent des particules particulières appelées neutrinos. Les neutrinos sont des particules extrêmement légères et sans charge électrique. On pourrait qualifier le neutrino d’électron sans charge électrique. Il en existe trois types : les neutrinos électroniques, muoniques et tauiques (le muon et le tau étant des électrons lourds et instables qui se désintègrent rapidement en donnant un électron). Les neutrinos interagissent très peu avec la matière. Ils ne sont sensibles qu’à la gravité et à l’interaction faible (une interaction de nature nucléaire, très faible et responsable d’une forme de radioactivité appelée radioactivité bêta). De fait, ils interagissent si peu avec la matière qu’ils peuvent traverser une planète entière et même une étoile entière avec fort peu d’interactions. Le temps que vous lisiez ces quelques paragraphes, des milliards de neutrinos vous sont passés au travers et vont continuer leur chemin en traversant la Terre entière. Du fait de leur caractère « fantomatique », bien qu’ils soient émis au cœur du Soleil, ils s’échappent facilement et sont émis en grandes quantités par le Soleil.

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Bien qu’interagissant très peu, ils ne sont pas indétectables. On construit d’immenses cuves de liquides ultra pur et placées au fond de mines très profondes (pour éviter les perturbations dues aux rayons cosmiques). Les quelques interactions qui se produisent sont détectées par des appareils très sensibles placés tout autour de la cuve. Dès que l’on a été en mesure de détecter les neutrinos, une énigme est apparue. Le Soleil émettait trois fois moins de neutrinos que prévus. Ou étaient passés les autres neutrinos ? Il y avait essentiellement deux explications possibles :

o Ou bien les réactions nucléaires au cœur du Soleil étaient différentes ou moins fréquentes que prévues. Un résultat totalement en désaccord non seulement avec les modèles mais aussi avec les connaissances expérimentales sur la physique nucléaire et avec la quantité d’énergie émise par le Soleil.

o Ou bien les neutrinos étaient différents de ce qu’on croyait. Si les neutrinos étaient différents, il restait encore deux possibilités :

o Ou bien les neutrinos étaient plus difficiles à détecter que prévu. Un résultat en contradiction avec la détection des neutrinos émis par les centrales nucléaires.

o Oui bien les neutrinos se modifiaient pendant leur voyage jusqu’à la Terre. Plus exactement, les neutrinos pouvaient « osciller », les neutrinos électroniques se transformant en muoniques puis en tauiques, etc. Cette étrange possibilité était effectivement admis par la théorie si les neutrinos avaient une petite masse (on a longtemps cru qu’ils étaient sans masse, comme la lumière) et si les propriétés « masse » et « saveur » (le fait d’être d’un des trois types) n’étaient pas liées entre elles.

C’est cette dernière possibilité qui s’est avéré la bonne. o Tout d’abord, le Soleil émet presque exclusivement des neutrinos électroniques.

Après quelques oscillations, on se retrouve avec un tiers de neutrinos électroniques, un tiers muoniques et un tiers tauiques. Les premiers détecteurs de neutrinos ne pouvaient détecter que les neutrinos électroniques. Par conséquent, ils ne pouvaient détecter qu’un tiers des neutrinos solaires.

o Ensuite, on a pu confirmer ces oscillations en mesurant avec précision les flux de neutrinos émis par des centrales situées à grande distance (comme ils traversent toute la planète, on peut utiliser des centrales très éloignées, 12000 km au maximum en traversant toute la planète).

o Des détecteurs de neutrinos muoniques et tauiques ont permis de retrouver les neutrinos manquant.

Les neutrinos sont fort important en physique. Non seulement pour leurs aspects fondamentaux mais aussi pour étudier le cœur du Soleil puisque c’est de là qu’ils proviennent.

On observe sur le Soleil de nombreuses tâches sombres appelées tâches solaires. Ces tâches sont liées à l’activité solaire (son cycle de onze ans. Contrairement à ce que l’on pourrait croire naïvement, ces tâches sont plus nombreuses lorsque le Soleil est le plus actif. Ce sont des zones avec un trou peu dense dans le Soleil. Les tâches correspondent à des « pôles magnétiques ». Lors d’un cycle solaire, le champ magnétique solaire s’inverse complètement. Le pôle nord devant le sud et vice versa. Pendant cette inversion, le champ magnétique devient quelque peu chaotique avec apparition de nombreux petits pôles nord et sud.

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Les tâches sont intimement liées aux éruptions. Un petit dessin vaut mieux qu’un long discours.

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Les étoiles sont en rotation. Comme les planètes. Mais la ressemblance s’arrête là car les

planètes, étant des corps solides, tournent d’un bloc. Tandis que le Soleil, gigantesque boule de gaz, ne tourne pas à la même vitesse selon les latitudes : l’équateur tourne plus vite que les pôles. Les lignes de champ magnétique sont piégées par le plasma à cause des fortes interactions entre champ magnétique et particules chargées. A cause de cette rotation différentielle, les lignes de champ magnétique s’enroulent autour du Soleil en se resserrant. Lorsqu’elles se resserrent, la densité du champ magnétique et l’énergie magnétique augmente. Cette énergie a tendance à se libérer à travers des reconnexions magnétiques. Cet déformation et ces reconnexions sont intimement liée à l’aspect chaotique du champ magnétique solaire et à son cycle, les reconnexions se produisant essentiellement comme décrit ci-dessus.

Enfin, le Soleil vibre (ce qui a également été observé sur des étoiles proches). Ces vibrations sont complexes, essentiellement à cause de sa forme sphérique (c’est plus compliqué qu’une surface plane comme un tambour). Ces vibrations apportent des informations importantes sur la structure du Soleil et des étoiles (héloisismologie), tout comme les séismes sur Terre qui en se propageant sous Terre apportent des informations sur la structure de la Terre (ou du sous-sol proche lorsque l’on provoque ces vibrations avec des explosifs, comme dans l’exploration pétrolière).

Classification des étoiles Nous allons maintenant donner les principaux types d’étoiles que nous décrirons en quelques mots. Nous reviendrons plus longuement sur certaines dans la suite. Notons que ces types ne

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correspondent pas nécessairement à des étoiles réellement différentes mais peuvent aussi caractériser différents stades de l’évolution d’une étoile.

On a tout d’abord les étoiles dites « normales ». Celles de la séquence principale dont un exemple typique est le Soleil. Elles différent tant par la masse, la taille, la couleur, la température que par la luminosité. Le classement dit de Harvard établit au début du vingtième siècle permet de classer les étoiles. Certaines étoiles étant des étoiles normales, d’autres des étoiles reprises ci-dessous. Ce classement est basée sur la présence ou l’absence de certaines raies spectroscopiques ainsi que sur leurs intensités. On utilise les lettres O, B, A, etc. pour le classement avec un chiffre pour raffiner le classement, par exemple de A0 à A9.

o W. Etoiles de de Wolf-Rayet avec de nombreuses raies d’émission. o O. Présence de raies de l’hélium ionisé. o B. Présence de raies de l’hélium neutre. o A. Prédominance des raies de l’hydrogène. o F. Présences de raies nombreuses de métaux ionisés. o G. Présence de raies de métaux neutres et ionisés. o K. Prédominance des raies de métaux neutres. o M. Présence de la raie de l’oxyde de titane. o C. Etoiles présentant des raies du carbone et de molécules carbonées. o S. Présence de nombreuses raies de l’oxyde de zirconium.

Bien d’autres classement ont été imaginés et sont parfois utilisés. Les étoiles doubles sont des couples d’étoiles liées par la gravitation. Les deux étoiles ainsi

liées peuvent être de nature très différentes et peuvent être l’un des quelconques types d’étoiles décrit ici. A peu près 30% des points lumineux dans le ciel sont en fait ds étoiles doubles, très fréquentes. C’est-à-dire que la moitié des étoiles environ s’associent en paires. Il est parfois possible de distinguer les deux étoiles avec de bons télescopes (environ un tiers des cas). L’effet Doppler informe sur le mouvement de rotation du couple (même si l’on n’arrive pas à les distinguer individuellement, les raies se dédoublant suite aux vitesses radiales différentes des deux étoiles par rapport à l’observateur) et si l’on a la chance que le passage d’une étoile occulte périodiquement l’autre (double à éclipses, le plan de rotation étant aligné avec ligne de visée), la variation de lumière donne de précieuse informations sur leurs luminosités et leurs spectres.

Les étoiles de Wolf-Rayet sont des étoiles avec des raies spectroscopiques très élargies par l’effet Doppler. Leur atmosphère, soufflée par le vent stellaire, est en forte expansion (l’étoile perd ses couches supérieures).

Les naines blanches sont de petites étoiles, très compactes composées de matière dite « dégénérée ». Ce sont des étoiles en fin de vie où les réactions thermonucléaires ont cessés. Elles s’éteignent ainsi lentement jusqu’à devenir des naines noires (cela peut prendre de dix à vingt milliards d’années). Leur luminosité est 100 à 100000 fois plus faible que le Soleil et leur diamètre voisin de celui de la Terre. Leur masse est de l’ordre du Soleil. Cela veut dire que la densité est énorme : un centimètre cube ayant une masse compris entre 100 kg et 1000 tonnes.

Les naines brunes sont des étoiles « avortées ». Elles sont de masse trop petite pu « s’allumer » comme le font les autres étoiles. Les réactions thermonucléaires consommant l’hydrogène ne s’enclenchent pas, mais elles sont toutefois suffisamment massives que pour

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entrainer la consommation du deutérium (en petite quantité). Elles rayonnent donc légèrement, essentiellement dans l’infrarouge.

Les géantes rouges sont, comme l’indique leur nom, des étoiles de très grande taille et relativement froide, d’où leur couleur. Ce sont des étoiles âgées.

Les géantes bleues se distinguent des précédentes par leur température fort élevée. Ce sont typiquement des étoiles extrêmement massives.

Les étoiles à neutrons sont de petites étoiles, extrêmement denses, composées (au moins dans le cœur) essentiellement de neutrons (des particules nucléaires sans charge électrique, tel qu’on en rencontre dans les atomes). Ce sont des étoiles mourantes résultant de l’explosion d’une étoile massive. Elles se refroidissent très lentement tout comme les naines blanches. Les étoiles en neutrons sont toujours en rotation très rapide mais elles ralentissent très lentement au cours du temps.

Les pulsars sont des étoiles à neutrons avec une orientation particulière. Les étoiles à neutrons possèdent un champ magnétique particulièrement intense. Les électrons libres peuvent être happés et accélérés par ce puissant champ magnétique ce qui entraine l’émission d’un flux d’ondes radios sous forme d’un fin faisceau très intense. Si la rotation de l’étoile à neutron est telle que le faisceau balaie la Terre pendant la rotation de l’étoile à neutron, alors il est possible de recevoir le signal à l’aide des antennes astronomiques sous forme d’une série de bips rapprochés. La fréquence dépend de la vitesse de rotation eut peut aller de quelques secondes à quelques millièmes de secondes entre chaque bip (ce qui donne une idée de la vitesse de rotation faramineuse, proche de l’éclatement).

Les magnétars sont des étoiles à neutrons dotées d’un champ magnétique extrême. Il est tel que les électrons accélérés, comme dans les pulsars, engendre l’émission de rayons X.

Les novæ sont des étoiles variables sujettes à des explosions périodiques très violentes. Leur magnitude augmente de 10 à 12 lors d’une explosion. La durée de la période de ces novæ est typiquement lié à l’augmentation de luminosité. Plus l’augmentation de luminosité est forte et plus la période avant une nouvelle explosion est longue. La plupart des novæ appartiennent à un système d’étoiles doubles. Une naine blanche tournant autour d’une étoile plus grosse et assez proche. L’étoile naine aspire la matière de sa compagne. Lorsque de la matière fraîche s’est accumulée sur la surface de la naine blanche, celle-ci entre brusquement en réaction nucléaire provoquant l’explosion et l’expulsion de cette matière. Lorsque la matière aspirée se place en orbite (disque d’accrétion) au lieu de tomber directement sur la surface, il y a formation de points chauds et des explosions plus modérées. Plus la quantité de matière accrétée est élevée avant explosion et plus l’explosion est violente et plus il faut de temps pour accumuler cette matière, d’où la relation observée entre période et luminosité. La matière éjectée atteint couramment des vitesses de l’ordre de mille kilomètres par seconde. La quantité totale est de l’ordre d’un millième de masse solaire ou moins. Nous aurons l’occasion de regarder ce mécanisme de plus près lors de l’étude des supernovæ.

Les supernovæ sont des étoiles massives en fin de vie qui explosent. L’explosion est aussi lumineuse qu’une galaxie entière (magnitude 15 à 20), pulvérisant une grande partie de l’étoile. Le cœur résiduel est extrêmement comprimé et donne une étoile à neutrons ou un trou noir.

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Les nébuleuses planétaires sont des étoiles enchâssées au cœur d’une nébuleuse en expansion. Ce sont soit des étoiles ayant perdu leur enveloppe, soit des résidus de supernovæ au centre du nuage de l’étoile ayant explosé.

Les étoiles variables voient leur luminosité varier périodiquement (ou de manière plus irrégulière au cours du temps). La plupart des étoiles présentent des variations, parfois brutales. Les étoiles à variations périodiques ne représentent que quelques cas.

Les céphéides sont des étoiles variables périodiques particulières dont la période de variation est reliée de manière précise à leur luminosité. Cela en fait d’excellents indicateurs de distance. Les périodes de variation sont de l’ordre de 3 à 30 jours. Ce sont des géantes de la classes F et K.

Les RR Lyrae sont des étoiles à variation rapides, de l’ordre de quelques jours ou quelques heures. Ce sont des étoiles de classe A. Leur période est également fonction de la luminosité (et aussi en partie du spectre).

Les supergéantes rouges sont des variables à longue périodes (de 50 à 700 jours) avec une variation considérable de la luminosité (de l’ordre de 2.5 de magnitude). Elles sont de la classe M, R, N ou S.

Les étoiles T-Tauri sont de très jeunes étoiles avec un puissant vent stellaire. Il reste une étoile particulièrement brillante et chaude. Elles sont souvent enfouies dans un nuage de poussière qui constitue le système planétaire en cours de formation. Ces étoiles présentent souvent des éruptions. Elles font partie des classes F5 à G5.

Les trous noirs sont des astres tellement massifs que plus rien ne peut empêcher l’effondrement de la matière sous son propre poids. Il apparait alors une zone sphérique, appelée horizon des événements, dont plus rien ne peut s’échapper, pas même la lumière, tant le champ de gravitation est puissant. Ces astres sont les résidus de supernovæ particulièrement massives.

Enfin, pour terminer, il convient de citer l’exception : les étoiles filantes. Malgré leur nom, ce ne sont pas des étoiles ! Ce sont simplement de petits fragments de météorites ou de comètes tombant dans l’atmosphère de la Terre. En pénétrant dans l’atmosphère à grande vitesse, les frottements engendrent une chaleur intense et le petit corps se consume entièrement en donnant une brève trainée lumineuse. Dommage pour la part de rêve.

III. Fonctionnement d’une étoile Puisque la source de l’énergie faisant fonctionner les étoiles est la fusion thermonucléaire, il est nécessaire d’expliquer un peu celle-ci et les atomes sources de ce phénomène. Il est assez amusant de voir que les plus gros objets de l’univers (les étoiles) nécessitent pour, les comprendre, une étude des plus petits objets de l’univers (les atomes) !

Les atomes Trois particules atomiques composent les atomes :

Les protons, particules massives chargées d’une unité élémentaire d’électricité positive. Les neutrons, de masse presque identique aux protons, neutres. Les électrons, particules très légères (un millième de proton) chargées d’une unité

élémentaire d’électricité négative.

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Les atomes sont constitués : D’un noyau, très compact, composé de protons et de neutrons. D’électrons, situés autour du noyau. La taille du cortège électronique est sans commune

mesure par rapport à la taille minuscule du noyau. Dans l’état habituel, l’atome est neutre, les électrons et les protons ont des charges électriques qui se composent et sont de même nombre. S’il manque des électrons (ou s’il y en a trop), l’atome est dit ionisé et porte une charge électrique. Ces électrons peuvent être arrachés par des réactions chimiques, des rayonnements électromagnétiques (lumière, rayons gamma, X) ou par des chocs violents entre atomes. Les propriétés chimiques des atomes sont dues aux électrons et leur répartition autour de l’atome. Cette répartition est due aux protons du noyau qui par leur charge positive attirent les électrons de charge négative. De fait, la nature chimique d’un atome est donc donnée par le nombre de protons. Les éléments chimiques sont ceux formés d’un seul atome et ils sont désignés par la lettre utilisée dans le tableau périodique des éléments chimiques. Par exemple :

Hydrogène. H. Un seul proton. Hélium. He. Deux protons. Carbone. C. Six protons. Oxygène. O. Huit protons.

On le voit, les neutrons n’interviennent pas dans cette classification. Leur seule rôle est de modifier la masse de l’atome et de stabiliser l’édifice de protons. Si le noyau n’est pas stable il se désintègre au bout d’un temps très variable selon les atomes (c’est la radioactivité) ou désintégration radioactive). Dans ce processus, un neutron peut devenir un proton en émettant un électron et un neutrino ou on peut simplement avoir une éjection de particules (généralement un noyau d’hélium, composé de deux protons et deux neutrons et appelé particule alpha). Les atomes de même nature chimique ne différant que par le nombre de neutrons sont appelés isotopes. Par exemple :

Hydrogène : 1 proton. Deutérium ou hydrogène lourd : 1 proton et un neutron. Tritium ou ou hydrogène superlourd : 1 protons et 2 neutrons. Hélium 3. Deux protons et un neutron. Hélium 4. Deux protons et 4 neutrons.

Pour l’hydrogène et l’hélium ce sont les seules possibilités (plus ou moins de neutrons donne un édifice tellement instable qu’il ne se forme pas). On note parfois le deutérium et le tritium par les lettres D et T. Mais ici nous suivrons la règle générale. On notre la lettre de l’élément chimique précédée de deux chiffres en haut et en bas donnant la masse et le nombre de protons (on omet parfois celui du bas puisqu’il correspond à l’élément). Pour les exemples donnés ci-dessus :

Tous ces éléments sont stables sauf le tritium qui se désintègre en quelques heures pour donner du deutérium. Sous la désintégration, un des neutrons se transforme en proton en donnant un électron

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et un neutrino (pour être précis, c’est un antineutrino, mais peu importe ici). Avec des notations évidentes, on note une telle réaction :

La fusion thermonucléaire Lorsque deux noyaux d’atomes sont mis ensembles, ils peuvent fusionner pour former un noyau plus gros. Parfois une particule excédentaire est éjectée. L’opération peut dégager beaucoup d’énergie. Mais cela ne se fait pas sans mal. Voyons pourquoi. Deux forces de la nature interviennent ici :

La force nucléaire, celle qui lie les protons et les neutrons ensembles. Cette force est extrêmement grande mais elle n’agit qu’à très courte portée, à peu près la taille d’un petit noyau. Au-delà, cette force n’a plus aucune influence.

La force électromagnétique, responsable des ondes électromagnétiques (lumière, ondes radios, etc.), des champs magnétiques, des champs électriques. En particulier ici, les noyaux possédant des charges électriques positives, donc de même signe, se repoussent. Cette force est également assez importante, mais nettement moins que l’énergie nucléaire (on donne souvent par comparaison : une piscine pour la force électromagnétique, une mer pour la force nucléaire). Par contre, elle agit à grande distance. Son intensité est divisée par quatre lorsque la distance double, mais cette diminution est tout de même beaucoup moins brutale que celle de la force nucléaire qui cesse d’agir totalement après une distance égale à quelques diamètres de protons.

Cela signifie que les noyaux d’atomes vont se repousser. Il faut les forcer à se rapprocher. Et plus ils vont être près, plus la répulsion va être forte. Ca devient vite difficile. Ce n’est vraiment que lorsqu’ils sont tout-contre, ou presque, que la force nucléaire entre en jeu et grâce à sa grande puissance elle surpasse la répulsion électrique et les noyaux fusionnent. A nouveau, un petit dessin vaut mieux qu’un long discours :

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Enormément d’énergie est libérée sous forme de rayons gammas et le neutron lui-même possède une grande énergie cinétique (vitesse très élevée). Pour vaincre la répulsion électrostatique et rapprocher les noyaux, il faut leur communiquer une vitesse considérable afin qu’ils s’approchent suffisamment pour fusionner avant de reculer. Un moyen possible est d’utiliser un fluide avec une température extrêmement élevée. En effet, la température est juste le reflet de l’agitation des atomes (agitation thermique). L’énergie cinétique (due à leur vitesse) est proportionnelle à la température. La répulsion étant très grande, il faut de très hautes températures. Cela se chiffre en millions de degrés. Et plus les noyaux sont gros, plus il y a de protons, plus la charge électrique est grande et plus la répulsion est forte. Il faut donc des températures d’autant plus grande que l’on désire fusionner de gros noyaux. Le cas décrit ci-dessus est l’exemple le plus facile. Le deutérium et le tritium fusionnent à « seulement » deux millions de degrés. C’est ce genre de combustible que l’homme utilise dans ses tentatives de contrôler la fusion thermonucléaire mais aussi dans ses engins explosifs (bombes H). Mais dans la nature, ce n’est pas le processus qui est rencontré. En effet, le deutérium est assez rare. Mais le tritium c’est encore pire : il est pratiquement absent dans la nature (on le produit sur Terre à l’aide de processus nucléaires). La raison en est qu’il est radioactif et se désintègre en seulement quelques heures. Dans les étoiles, les atomes disponibles sont l’hydrogène, l’hélium et éventuellement des atomes plus lourds.

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L’énergie dégagée par la fusion diminue (pour une masse totale donnée) avec la taille des atomes. La fusion la plus énergétique est celle combinant quatre atomes d’hydrogène pour donner un noyau d’hélium. Ce n’est toutefois pas un processus très simple, nous le décrirons ci-dessous. Plus les atomes sont gros et plus l’énergie produite diminue. Le minimum (zéro) est atteint avec le fer (de masse 56 en nombre de nucléons, c’est-à-dire de protons et neutrons). La fusion du fer consomme plus d’énergie (pour rapprocher les deux noyaux) qu’elle n’en produit (en fusionnant). C’est donc la limite au-delà de laquelle la fusion thermonucléaire ne peut plus servir de source d’énergie. Par contre, avec de l’hydrogène, l’énergie dégagée est énorme et suffisante pour faire briller une étoile comme le Soleil pendant une dizaine d’années. En fait, comme la fusion de l’hydrogène est assez difficile, cela explique que le Soleil brule si « lentement » (il consomme quand même des tonnes d’hydrogène chaque seconde). Si elle était aussi facile que l’exemple donné plus haut, aucune étoile n’existerait : elles exploseraient toutes systématiquement dans leur jeune âge comme une bombe atomique.

Les réactions dans les étoiles La compréhension de l’origine de l’énergie du Soleil est relativement récente. Au dix-neuvième siècle, les seuls processus connus capables de fournir de l’énergie étaient d’origine chimique. Or, en utilisant l’énergie chimique, une étoile n’aurait brûlé que quelques dizaines de millions d’années, ce qui semblait en contradiction avec les estimations de l’âge de la Terre qui commençaient à l’époque à sérieusement s’allonger. Après la découverte de la relativité, on a compris qu’une certaine masse de matière devait être transformée en énergie sous la relation , mais le phénomène physique restait inconnu. Ce n’est qu’en 1939 que Bethe compris que l’essentiel de l’énergie était fourni par la transformation de quatre atomes d’hydrogènes en un atome d’hélium, la différence d’énergie considérable correspond d’ailleurs à une diminution de masse (l’atome d’hélium est plus léger que quatre atomes d’hydrogène) selon la relation d’Einstein. La réaction libère (sous forme de neutrinos, de positrons, ce sont des électrons de charge positive, de rayonnement gamma et d’énergie cinétique) 25 millions d’électronvolts. C’est considérable. C’est l’énergie fournie par un électron traversant une différence de potentiel de un million de volts. Comme le nombre d’atomes dans une petite quantité de matière est gigantesque, on atteint vite des énergies gigantesques. Pour donner une idée, c’est l’énergie fournie par une très grosse centrale électrique (disons une centrale de 100 mégawatts) pendant trois heures. Et une étoile contient des milliards de milliards de tonnes d’hydrogène. Deux cycles principaux existent.

Le cycle du carbone

Plusieurs réactions se produisent successivement

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En plus des symboles utilisés plus haut, nous avons aussi ici : N (azote), (positron, électron positif), (rayonnement gamma). Le bilan de ces réactions est :

On voit aussi que le carbone présent initialement est restauré à la fin. Pour cette raison on l’appelle aussi parfois cycle de phœnix car le carbone renait de ses cendres. La durée complète de ces réactions est estimée à 100 millions d’années à des températures de l’ordre de 15 millions de degrés (température au centre du Soleil).

Le cycle proton-proton

Celui-ci peut se produire à plus basse température mais aussi en l’absence de carbone.

Il est prédominant dans le Soleil (98 %), le cycle du carbone se produisant plutôt dans les étoiles très massives au cœur très chaud. De nombreuses autres réactions existent aussi mais en moindre importance. Par exemple, une fois sur quatre cent, on a la réaction « p.e.p. » (où est un électron) :

La fusion des deux hélium se produit dans 95% des cas, mais dans 5% des cas on a :

(Be pour béryllium) Suivi dans 99.9% des cas de

(Li pour lithium) Et dans 0.1% des cas

(Li pour lithium et l’astérisque * indique un noyau dans un état très excité et très déformé, ici, pour le béryllium 8, au lieu d’un simple réarrangement des nucléons, le noyau se brise en deux noyaux d’hélium) Une variante dans le cas du cycle du carbone est

(F pour fluor) La valeur de 25 Mev (million d’électronvolts) est un bilan. Chaque étape dégage une partie de l’énergie. Donnons trois exemples (inutile de donner plus de détails) :

- La fusion du lithium 7 avec un hydrogène (donnant deux atomes d’hélium) dégage à elle seule 17.35 MeV.

- La fusion du béryllium 7 avec un hydrogène (donnant du bore 8) ne dégage par contre que 0.133 MeV

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- La fusion de deux hydrogènes donnant un deutérium, un positron et un neutrino dégage 1.86 MeV dont un neutrino qui emporte à lui seul 0.42 MeV d’énergie.

Equation d’état Les propriétés d’un fluide tel que le plasma constituant l’étoile sont nombreuses. Mais seulement quatre nous intéresserons au premier chef :

La densité, c’est-à-dire la masse par unité de volume, notée . A titre de comparaison, la densité de l’eau est de 1 kilogramme par litre.

La température, notée T. Comme nous l’avons vu, elle caractérise l’agitation des atomes du fluide. Ici, plus exactement, elle est proportionnelle à l’énergie cinétique (du mouvement) de chaque atome.

La pression, notée P. C’est la force de poussée exercée par le fluide sur une paroi placée dans le fluide (ou simplement sur le fluide voisin de l’endroit considéré). C’est cette force qui maintient la paroi d’un ballon bien tendue lorsqu’on le gonfle. Elle est due aux chocs des atomes sur la paroi (ou le fluide voisin).

Toutes ces quantités ne sont pas indépendantes. Elles sont reliées par une relation appelée « équation d’état » qui dépend de la nature du fluide ainsi que de son état (pression, température, densité). Un exemple typique est la loi des gaz parfaits respectée par presque tous les gaz à pression modérée (par exemple à pression atmosphérique). Celle-ci s’écrit : La pression est égale à la densité fois la température (à une constante près appelée « constante des gaz parfaits »). Les gaz réels ou soumis à de haute pression et température (comme dans une étoile) ont une équation différente. Mais dans tous les cas, elle ressemble à cette équation qui nous servira de modèle pour les raisonnements. Les équations réelles ont simplement des termes correctifs plus ou moins compliqués. Pourquoi avons-nous cette relation ? C’est assez facile à comprendre. Supposons que l’on augmente la température. Cela signifie que les atomes vont plus vite. Si on garde le volume constant (la quantité de matière restant identique, sa densité reste constate), alors la pression augmente puisque les atomes vont plus vite et heurtent donc plus violemment une paroi qui serait placée dans le fluide. C’est vrai dans les deux sens et on peut facilement le vérifier. Si l’on prend une pompe à vélo et que l’on bouche l’extrémité avec son pouce, en comprimant fortement l’air dans la pompe avec la tige du piston, on sent clairement sur le pouce une forte augmentation de chaleur. Supposons qu’on mette le fluide dans un piston et que l’ensemble soit à l’équilibre. Appliquons force sur le piston. Veillons à garder la température constante avec un thermostat par simplicité. La force étant plus grande que la pression, le fluide va se comprimer. Mais en se rapprochant, les atomes vont frapper plus fréquemment la paroi du piston. La pression augmente jusqu’à équilibrer la force appliquée. Comme le volume a diminué, la densité (égale à la masse divisée par le volume) augmente aussi, comme l’indique la relation des gaz parfaits. En réalité, on a trois variables et une seule équation. Cela complique les choses car cette équation seule ne suffit pas. Il faut tenir compte des conditions dans lesquelles les phénomènes se passent (par exemple, ci-dessus quand on a dit qu’on utilisait un thermostat pour garder T constant). Ces conditions seront les forces appliquées (celle du piston par exemple), les quantités de chaleur échangée (avec le monde extérieur, comme l’extérieur d’une étoile ou notre thermostat). Il faut

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utiliser aussi quelques propriétés supplémentaires du fluide comme la capacité calorifique (la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter la température de un degré). Nous n’aurons pas besoin de ces subtilités. Les résultats ci-dessus seront suffisant pour comprendre. Donnons juste quatre effets important influençant l’étoile :

La chaleur produite par les réactions thermonucléaire. La force de gravité, c’est-à-dire la force appliquée au fluide par la gravité provoquée par sa

propre masse (la gravité est d’autant plus grande que la quantité de matière est grande. Elle est évidemment très grande dans une étoile, beaucoup plus que la Terre).

L’énergie dissipée à l’extérieur (en général sous forme de lumière, de particules des éruptions ou du vent solaire ou des neutrinos émis).

La pression exercée par les rayons gammas créés par les réactions thermonucléaire. Ce rayonnement est extrêmement intense et la force qu’il exerce sur le fluide n’est pas négligeable. On l’appelle pression de radiation.

Equilibre stellaire Il est important de comprendre les situations d’équilibre d’une étoile. Il y a deux conditions d’équilibre assez évidente (qui doivent s’appliquer à chaque point de l’étoile mais nous raisonnements globalement, c’est plus simple) :

La quantité de chaleur produite par le cœur (réactions thermonucléaire) est identique à l’énergie émise par l’étoile.

Les forces exercées sur l’étoile sont en équilibre. C’est-à-dire que l’on a égalité entre deux contributions :

o Les forces tendant à comprimer l’étoile. Il s’agit ici de la gravité. o Les forces tendant à faire gonfler l’étoile : la pression du fluide plus la pression de

radiation. La première condition est immédiate : la chaleur produite dans le cœur se propage vers l’extérieur où elle est émise sous forme de lumière (et autres). L’équilibre est généralement stable :

Si l’étoile venait à se contracter un peu, sa pression augmenterait, donc sa température, ce qui amplifierait les réactions thermonucléaires. Ces réactions augmentent la pression de radiation et la température (et donc la pression) ce qui augmente le volume de l’étoile.

Inversement, si l’étoile se dilate, elle refroidit, les réactions nucléaires diminuent, ce qui diminue encore la température et la pression et sous son propre poids, l’étoile se contracte.

Cette stabilité n’est compromise que dans certaines situations :

Un des effets s’emballe (la force de gravité croit plus vite en se comprimant que toute force de résistance ou bien l’étoile gonfle de manière explosive).

Un effet s’arrête : plus de combustible pour les réactions thermonucléaires. Nous reviendrons là-dessus dans l’évolution des étoiles.

Structure d’une étoile typique comme le Soleil Tout d’abord quelques chiffres pour fixer les idées. Le Soleil a pour caractéristiques :

C’est une sphère de rayon égal à 695980 km. Sa masse est de deux mille milliards de milliards de milliards de tonnes, soit 330000 fois la

masse de la Terre. La puissance rayonnée est de 400 milliards de milliards de MW (mégawatts, millions de

watts). Avec les chiffres donnés plus haut, cela veut dire qu’il consomme à chaque seconde

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environ 370 millions de tonnes d’hydrogène (transformé en hélium). Cela peut paraître considérable, mais regardez sa masse plus haut.

Le Soleil est âgé d’environ 4.5 milliards d’années. Avec la consommation donnée ci-dessus, cela signifie qu’il n’a consommé que deux millième de pour cent de sa masse, ce qui est très peu. Il faut toutefois relativiser, car il ne consomme l’hydrogène que dans le cœur qui est évidemment beaucoup plus petit que l’étoile elle-même et il a consommé à peu près la moitié de l’hydrogène disponible au centre.

Au centre on a une zone, le cœur ou noyau, où se produisent les réactions thermonucléaires. Puis on a une zone appelée « zone radiative » où l’énergie produit par le cœur (essentiellement sous forme de rayonnement gamma, la plupart des neutrinos s’échappant du Soleil) se propage. L’intérieur du Soleil étant fort dense et les particules chargées (des protons et des électrons en grande partie) interagissant très fortement avec le rayonnement, celui-ci ne se propage pas librement. C’est un jeu de billard entre ce rayonnement et les particules. Le rayonnement voyageant de proches en proches. Il est ainsi progressivement transformé en mouvement des particules. Tout au long de ce processus, le rayonnement perd de l’énergie (transférée en agitation) thermique devenant un rayonnement X puis un rayonnement ultraviolet et jusque dans le domaine de la lumière visible. Ce processus se produisant à l’échelle atomique, il est assez lent. Il faut dix millions d’années pour que l’énergie produite se propage jusqu’à l’extérieur de la zone radiative. La zone suivante est appelée zone convective. La pression et la densité diminuant progressivement lorsque l’on s’approche de la surface, le fluide se déplace plus facilement. Les mouvements d’agitation thermique des particules se transforment alors en courants appelés mouvements de convections, suivant des trajectoires semblables à celle indiquée dans la figure ci-dessus. Ce phénomène est analogue à la mise en mouvement des masses d’air sous l’action de l’énergie solaire

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sur Terre (vents, cyclones,…) ou au mouvement de l’eau dans une casserole d’eau chauffée. A cela il faut ajouter la rotation globale du Soleil, ce qui donne des mouvements assez complexes et fort turbulents au fluide. Ce processus de convection est beaucoup plus efficace que la diffusion de la zone radiative et la chaleur produite au centre est alors transférée très vite à la surface où elle sera émise sous forme de rayonnement solaire et d’autres processus (vent solaire, éruptions). La zone convective (non représentée à l’échelle ci-dessus) est la plus importante et représente environ 70% du rayon de l’étoile. On peut se demander comment on sait à quoi ressemble l’intérieur du Soleil. On utilise en fait des modèles du Soleil basés sur deux sources d’information.

Les observations : les paramètres globaux (luminosité, masse, température de surface, les neutrinos émis,…) et des paramètres plus fins comme des images détaillées montrant une « granularité » de la surface, image des cellules de convection, ou la sismologique étudiant les nombreuses vibrations du Soleil dont les différents modes dépendent de la densité et de la température intérieur.

La connaissance des lois physiques, c’est-à-dire ici la mécanique des fluides, la physique des plasmas et la physique nucléaire. Les lois décrivant les comportements de ces milieux et phénomènes peuvent être déduites d’études en laboratoire.

A partir de la deuxième source d’information, on peut construire un modèle numérique simulé sur ordinateur. On confronte alors les résultats de la simulation avec la première source d’informations. Par des aller-retour entre modèle et observations, on arrive ainsi à une description relativement précise de l’intérieur du Soleil.

Emission de lumière Un corps noir est, par définition, un corps à l’équilibre thermique (température uniforme et constante) et qui absorbe tout rayonnement qui le touche. On démontre qu’un corps noir émet un rayonnement qui ne dépend que de la température et pas de la nature du corps. En première approximation, le corps est un excellent corps noir ! De fait, sa température en surface est quasiment uniforme et il est très absorbant (évidemment, vu sa luminosité, il n’est pas noir et ce n’est donc pas flagrant). Le calcul tout comme l’expérience montre que la longueur d’onde de la lumière émise ainsi que son intensité augmentent avec la température. A la température de surface du Soleil, 5800 degrés, le maximum d’émission se situe dans l’ultraviolet. Mais il y a aussi une grande partie émise dans le domaine de la lumière visible. Heureusement, l’atmosphère (plus précisément la couche d’ozone stratosphérique) filtre la plupart de ces rayonnements ultraviolets très nocifs. La zone superficielle du Soleil où est émise cette lumière est appelée photosphère. Une étude précise de cette surface montre de petites variations de luminosité formant un réseau de polygones, la granulation signe de la convection, de tailles de l’ordre de 1800 kilomètres. Ce réseau se forme et se déforme en permanence, chaque « granule » ne subsistant que quelques minutes. C’est aussi dans la photosphère qu’affleurent le taches solaires. Au-dessus de la photosphère, on a une zone plus ténue de 1500 km d’épaisseur appelée chromosphère et aisément observable lors des éclipses solaires totales. La chromosphère est très

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chaude (4500 degrés) et très hétérogènes. Elle semble chauffée par des mécanismes de reconnexions des lignes de champ magnétique. Les hétérogénéités, qui se manifestent par l’existence de grandes « cellules » en mouvement rapide et subsistant quelques heures, sont d’ailleurs fortement reliées aux variations du champ magnétique. LA chromosphère change ensuite progressivement encore plus loin en une zone extrêmement ténue appelée couronne solaire et qui peut atteindre deux millions de degrés. L’analyse des rayons X a apporté des informations importantes sur cette région car c’est le rayonnement typique associé à ces hautes températures. La couronne est extrêmement hétérogène et formée d’arches suivant les lignes de champ magnétique. De grands trous, appelés trous coronaux, sont situés au niveau des pôles. Leur forme, leur position et leur taille est très variable dans le temps. De grandes protubérances se forment parfois pendant plusieurs semaines et pouvant atteindre 50000 km de haut. On y observe aussi parfois des jets. Encore au-delà, on entre dans le domaine du vent solaire, flux de particules se déplaçant de 300 à 700 kilomètres par seconde.

Champ magnétique Avant de parler de la manière dont le champ magnétique se forme, quelques mots sur celui-ci seront utiles. Le champ magnétique est un « champ de force » répandu en tout point de l’espace et créé par des aimants (ou des particules présentant une aimantation appelée « moment magnétique) ou par des charges électriques en mouvement.

En chaque point, le champ magnétique a une intensité et une direction. En suivant ces directions, on a ainsi des « lignes de champ », telles que celles créées par un aimant dans la figure ci-dessus est facile à visualiser avec un aimant, une feuille et un peu de limaille de fer. Les particules portant une charge électrique créent aussi un champ magnétique lorsqu’elles sont en mouvement :

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Le courant électrique, qui n’est autre qu’un flux de particules chargées (électrons d’un fil électrique, électrons et protons dans le Soleil) crée ainsi un champ magnétique circulaire. Lorsque les particules parcourent une boucle, on a la formation d’un champ magnétique analogue à celui d’un aimant :

Mais les champs magnétiques influencent aussi les charges électriques. Lorsqu’une charge est en mouvement dans un champ magnétique, celle-ci subit une force perpendiculaire qui tend à la dévier.

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Ainsi, la particule parcourt un traject en forme d’hélice autour du champ magnétique. Dans le Soleil, les mouvements des charges électriques du plasma sont très complexes car elles combinent rotation et convection. Créant ainsi des champs magnétiques complexes mais avec une orientation privilégiée nord – sud à cause de la rotation globale du Soleil. Mais un tel champ magnétique ne devrait pas subsister. En effet, les effets ci-dessus ont tendance à s’annuler. D’une part tout mouvement d’une charge crée un champ magnétique qui s’oppose au mouvement de la charge et tend à annuler l’effet qui lui a donné naissance (loi de Lenz) mais aussi parce qu’une partie de l’énergie se dissipe (par frottements dans le fluide). Le fluide à donc tendance à s’homogénéiser en charges électriques donnant un fluide globalement neutre (autant de charges électriques négatives que positives et suivant toutes un mouvement semblable). Heureusement, un phénomène change tout : l’énergie du Soleil. Par sa rotation et sa convection, le Soleil entretient le mouvement et apporte de l’énergie. De plus, les électrons et les protons ayant des masses très différentes, ils sont influencés de manière très différente tant par la convection que par les champs magnétiques, entrainant des différences dans les flux de charges électriques. Ces divers mécanismes créent ce que l’on nomme une dynamo auto-entretenue. C’est également ce qui est à l’origine du champ magnétique terrestre (la dynamo étant là localisé dans la partie liquide du noyau de fer de la Terre). La situation est plus complexe dans le cas du Soleil où le champ magnétique prend naissance non pas au centre mais dans la couche externe convective. Notons aussi, c’est intéressant à savoir, que les champs électromagnétiques ne sont que des champs magnétiques et électriques mélangés. Et une onde électromagnétique (onde radio, rayon X, lumière visible…) n’est rien d’autre qu’une variation périodique du champ électromagnétique. On a également déjà expliqué que les interactions fortes entre les charges du plasma et champ magnétique bloquent ce dernier dont les lignes de champs sont distordues par le mouvement du fluide entrainant tâches solaires, éruptions et inversion du champ magnétique global. Le principal moteur de ce phénomène est la rotation différentielle : à l’équateur, le Soleil fait un tour sur lui-même en 27 jours, tandis qu’à mi-chemin des pôles, cela prend 28 jours (le fluide tourne plus vite à l’équateur). L’ensemble est extrêmement complexe et très difficile à analyser. On peut utiliser des analyses numériques sur ordinateur. Mais il faut une puissance de calcul considérable. Le phénomène nécessite de prendre en compte un grand nombre d’équations : celles décrivant les champs électromagnétiques, celles décrivant la mécanique des fluides, celles décrivant la physique des plasmas. Et le système de géométrie complexe et de grande taille implique des capacités numériques énormes. On peut aussi tenter de créer des modèles en laboratoire reproduisant le phénomène. Malgré quelques succès, ce n’est pas très réaliste ni facile. La géométrie du système est en effet impossible à

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reproduire en laboratoire : géométrie sphérique avec une force centrale (la gravité du Soleil) attirant le fluide vers le centre de la sphère (et non vers « le bas » dans un laboratoire) avec une rotation et de la convection.

IV. Evolution des étoiles

IV.1. Naissance d’une étoile

Nuages de gaz et effondrement gravitationnel Les galaxies contiennent de grands nuages de gaz froids. Ces nuages sont extrêmement ténus (les meilleures vides de laboratoire sont plus denses que ces nuages !) Malgré-tout, ils sont tellement immenses qu’ils ont facilement une masse totale supérieure à celle de plusieurs milliers d’étoiles. La température de ces nuages est extrêmement basse, proche du zéro absolu (-273 degrés, ou 0 Kelvin), à peine quelques dizaines de Kelvin. L’agitation thermique y est donc très faible est la pression vraiment minuscule. Toutefois, ces nuages étant très ténus, cette légère pression suffit à compenser leur propre poids et ils restent en équilibre. La densité de ces nuages varie entre dix et cent mille atomes par centimètre cube. Les plus denses contiennent beaucoup de molécules (H2, association de deux atomes d’hydrogène) et des poussières. Ce sont les nuages les plus denses qui sont susceptibles d’engendrer de nouvelles étoiles. Ces nuages peuvent être soumis à diverses perturbations : mouvement autour de la galaxie, collision entre nuages, passage d’une étoile dans le nuage et surtout explosion d’étoiles dans le voisinage engendrant une puissante onde de choc. Les galaxies spirales sont aussi le siège d’ondes de densité lui donnant sa structure de bras en spirales qui sont le siège d’une imposante création stellaire. La naissance d’une étoile elle-même engendre un souffle qui comprime le gaz voisin. La naissance des étoiles est contagieuse. Les galaxies de forme elliptiques sont assez pauvre en gaz et ne donnent donc pas naissance à beaucoup d’étoiles. Ces perturbations engendrent des hétérogénéités dans le nuage et la formation de régions un peu plus denses. Du fait de cette augmentation de densité, la gravité augmente accélérant le processus de compression du nuage. Cette compression plus grande augmente encore la gravité et ainsi de suite. On dit que le nuage subit un effondrement gravitationnel. Le nuage étant immense (de dizaines ou des centaines d’années-lumière), sous cet effondrement ils se fragmentent en grumeaux plus petits qui continuent leur effondrement. Chaque grumeau de quelques centaines de masse solaire peut ainsi donner naissance à une ou plusieurs étoiles. Souvent la masse d’un grumeau est suffisante pour créer quelques étoiles, d’où la fréquence élevée des étoiles doubles et parfois multiples (la rotation de trois étoiles l’une autour de l’autre est assez instable, une étoile ayant tendance à être éjectée, d’où l’existence de surtout des étoiles doubles). Un grumeau est asses dense pour s’effondrer sous son poids lorsque sa masse dépasse une grandeur proportionnelle à (en fait à la racine carrée), appelée masse de Jeans. Pour les densités et températures considérées, la masse correspondante est de l’ordre de quelques masses solaires, ce qui explique la fragmentation du nuage. Notons que sous l’augmentation de la densité, les atomes d’hydrogènes s’associent en molécules diminuant ainsi le nombre de particules présentes et donc la

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pression, ce qui facilité l’effondrement. La présence de poussière agglutinant les molécules favorise aussi ce processus. Notons que puisque la masse critique est d’autant plus grande que la densité initiale est faible, cela signifie que les étoiles massives se formeront de préférence en périphérie du nuage, là où il est moins dense. On voit ainsi se former un grand nombre d’étoiles en même temps, appelées flambées d’étoiles. Ces flambées d’étoiles sont fréquemment observées dans les galaxies voisines.

Formation du disque stellaire Si l’on regarde l’agitation thermique des atomes constituant le gaz, ils ont des mouvements forts erratiques. Leur moyenne donne zéro… ou presque. Il serait extraordinaire que cela donne zéro exactement. Il y a donc un léger mouvement global et toujours une infime rotation de l’ensemble. Cet effet est amplifié par les effets gravitationnels induits par la galaxie ou les masses voisines (étoiles, autres nuages) qui agissent sur l’ensemble du nuage. Lorsqu’un corps en rotation diminue de taille, sa rotation augmente. C’est un effet bien connu des patineurs artistiques qui se mettent en rotation sur la glace avec les bras écartés puis les rapprochent du corps pour augmenter leur vitesse de rotation de manière impressionnante. On peut aussi expérimenter aisément ce phénomène en étant assis sur une chaise tournante et en écartant ou rapprochant les bras (en tenant éventuellement de petites masses dans les mains pour amplifier l’effet). Ce phénomène, résultant des lois de la mécanique, est appelé conservation du moment angulaire. Il est universel et absolu (aucune violation connue, même légère). Le nuage en se comprimant voit donc augmenter sa rotation. Cette augmentation est réellement considérable. On part d’une rotation infime, vraiment minuscule, mais la contraction est colossale puisque l’on passe d’un système faisant des dizaines d’années-lumière à un système de la taille d’un système solaire (on peut avoir des contractions de la taille de cent mille à un millions). La rotation finale est donc sensible (de l’ordre de celle observée pour les étoiles ou les mouvements des planètes). Sous cette rotation, le nuage à tendance à s’aplatir. En effet, perpendiculairement à l’axe de rotation, le mouvement du gaz tend à le garder éloigné du centre à cause de la force centrifuge. Par contre, le long de l’axe, la rotation est très faible et le gaz chute vers le centre. Il se forme un disque (souvent appelé disque d’accrétion) avec un bulbe au centre, là où le plus de gaz s’est accumulé. Tout cela n’est pas suffisant. Si cela s’arrêtait là, le disque arrêterait de se contracter et on n’aurait pas apparition d’étoiles. En effet, toujours à cause de la force centrifuge, le gaz en rotation à tendance à rester en place. Tout comme les planètes tournent autour du Soleil sans tomber dessus. Mais deux phénomènes viennent changer la donne. Tout d’abord la viscosité. La force centrifuge, pour une rotation donnée, augmente avec la vitesse, tandis que la gravité diminue lorsqu’on s’éloigne du centre. Le centre du disque tourne donc beaucoup plus vite que les parties extérieures. Le disque ne tourne pas comme un disque rigide. Le fluide est donc sujet à des frottements entre les différentes parties du disque. La viscosité du fluide n’étant pas nulle, cela entraine une augmentation de température qui se dissipe sous forme de rayonnements. L’énergie de rotation est ainsi progressivement dissipée ce qui permet au gaz de continuer à tomber vers le centre.

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Ensuite, il y a formation de jets. Ces jets sont émis perpendiculairement aux disques. Ils résultent de phénomènes de turbulences et de viscosité, les particules les plus rapides et légèrement excentrées par rapport à l’épaisseur du disque ont tendance à s’éloigner perpendiculairement. Les champs magnétiques, lorsqu’ils sont présent, jouent aussi un rôle dans la formation de ces jets et leur maintien. Ces jets sont universellement observés dans l’espace (étoiles en formation, disques d’accrétions des trous noirs, galaxies dites actives,…) Ils ont tendance à emporter une grande partie du moment angulaire permettant au bulbe central de ralentir et de se contracter.

L’étoile s’allume Ce bulbe central, d’une masse allant d’une fraction de masse solaire à quelques dizaines de masse central, se comprime ainsi de plus en plus jusqu’à atteindre une dimension comparable aux étoiles. Sous cette compression extrêmement importante, la température augmente. Ce phénomène est amplifié par le fait que lorsque le nombre de particules atteint environ 100 milliards de particules par centimètre cube, le milieu devient opaque aux rayonnements infrarouges, ce qui favorise une augmentation de température car le rayonnement s’échappe plus difficilement. Notons aussi que lorsque la température est devenue suffisante pour briser les molécules H2 en atomes d’hydrogène, ce qui accélère l’effondrement du cœur. Lorsque la température atteint quelques milliers de degrés en surface, l’étoile devient lumineuse. Le gaz de l’étoile s’ionise fortement, les atomes voyant leur électrons arrachés pour former un plasma. Notons que ce phénomène est dû à la compression et l’augmentation de température. Nulles réactions nucléaires à ce stade. Cet effet est suffisant pour permettre à l’étoile d’éclairer plusieurs millions d’années, ce qui est assez impressionnant. L’étoile, en s’allumant, se met à émettre un rayonnement important ainsi qu’un vent stellaire puissant, celui-ci étant amplifié par le gaz fort dense en marge de l’étoile. La pression induite par le rayonnement stellaire et ce vent stellaire va littéralement « souffler » le gaz résiduel situé autour de l’étoile. Notons que cela prend quelques millions d’années. Si le gaz contient des poussières, ce qui est actuellement très fréquent, celles-ci vont avoir tendance à s’agglutiner (par simple contact au début, puis par attraction gravitationnelle). Il y a apparition de proto planètes dans le disque. Le fait que le gaz soit soufflé explique d’ailleurs le fait que les planètes proches soient des planètes rocheuses alors que les planètes plus lointaines soient des planètes gazeuses. Le mécanisme de formation des planètes est par ailleurs fort complexe et n’est pas le sujet de cette étude. Le gaz soufflé interrompt aussi la croissance de l’étoile qu ne peut ainsi excéder une masse maximale de l’ordre d’une centaine de masses solaires. A ce stade, les étoiles formées sont de type T-Tauri. Les étoiles plus massives forment de jeunes étoiles au rayonnement très irrégulier appelée étoiles de Herbig.

Réactions thermonucléaires L’étoile continue à se contracter sous son poids au fur et à mesure qu’elle rayonne et se refroidit en surface. Lorsque son cœur atteint une dizaine de millions de degrés, les réactions thermonucléaires commencent à se produire. A partir de ce moment-là, la chaleur et la pression de radiation va

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contribuer à stabiliser l’étoile. Le processus prend quelques millions d’années, le temps que le rayonnement atteigne la zone convective et qu’un nouvel équilibre s’établisse.

Influence des éléments lourds Il convient de toucher un mot sur la présence initiale d’éléments lourds. La présence d’éléments plus lourds que l’hélium facilite le démarrage des réactions thermonucléaires. De plus, comme nous l’avons vu, le carbone joue le rôle de catalyseur dans les noyaux très chauds d’étoiles massives. Les éléments lourds facilitent aussi le refroidissement des nuages permettant une contraction plus rapide et la formation d’étoiles plus petites. Au tout début de l’univers, les nuages de gaz ne contenaient pratiquement pas d’éléments lourds. Il n’y avait que de l’hydrogène et de l’hélium (et un peu de deutérium et de lithium) synthétisés au début de l’univers pendant la phase chaude du big bang. De plus, au début l’univers était beaucoup plus petit (puisqu’il est en expansion) et le gaz non consommé au sein des étoiles. Par conséquent, les nuages de gaz étaient nombreux (ils remplissaient même tout l’univers au début) et denses. Après que l’univers se soit suffisamment refroidit à cause de l’expansion de l’univers, le gaz a commencé à se condenser pour former des étoiles. Le gaz étant extrêmement abondant, les premières étoiles à se former ont été très massives. D’autant que l’absence d’étoile avant ce début et donc d’explosions d’étoiles impliquaient un effondrement lent et progressif de très grands grumeaux fort homogènes. Enfin, ces étoiles ne pouvaient enclencher le processus des réactions thermonucléaires qu’avec suffisamment de masse. Notons d’ailleurs que de grandes quantités de gaz peuvent s’infiltrer au niveau des pôles, même pour les étoiles actuelles, du moins tant que du gaz est disponible. Permettant la formation de grosses étoiles malgré l’allumage de l’étoile qui souffle le gaz voisin. Cette première génération (non encore observée) devait donc être formée d’étoiles extrêmement massives à la durée de vie courte et la fin violente (explosion, nous y reviendrons). Ces explosions ont dispersés les atomes synthétisés dans ces premiers étoiles, ensemençant les nuages de gaz avec des éléments lourds, permettant la formation de poussières et permettant ainsi non seulement la naissance plus facile des étoiles suivantes mais aussi la formation de cortèges de planètes. Pour mieux visualiser le processus complèxe qu’est la formation d’une étoile, il est intéressant de montrer deux courbes d’évolution. Ces courbes sont tracées dans le diagramme HR et elles ont été calculées à partir de modèles numériques. La première montre l’évolution d’une protoétoile de 0.25 masse solaire.

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La deuxième est une protoétoile de 10 masses solaires.

Le nuage de gaz part d’une situation initiale à une dizaine de Kelvin mais la courbe commence après une phase initiale de contraction et une élévation de la température. Le petit rond montre le moment om environ la moitié de la masse a été accrétée sur l’étoile en formation. Les années sont indiquées sur les courbes.

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IV.2. Vie d’une étoile

Démarrage raté Si la masse de l’étoile est très faible, environ un dixième de masse solaire, lors de la compression du cœur, la pression due au poids étant beaucoup plus faible, la température n’atteint pas une valeur suffisante que pour enclencher la fusion thermonucléaire de l’hydrogène. Si l’on a des masses vraiment très faibles (moins d’un centième de masse solaire), rien de particulier ne se passe et le corps obtenu ressemble juste à une grosse planète gazeuse comme Jupiter. Elle va rayonner un peu dans l’infrarouge, à cause de l’échauffement provoqué par la compression, mais sans plus. Toutefois, pour des masses intermédiaires il se passe tout de même quelque chose. La température est insuffisante pour fusionner l’hydrogène, mais par contre le deutérium peut, lui, être consommé. Comme nous l’avions déjà signalé cet atome est plus efficace pour effectuer la fusion et une température de un à deux millions de degrés suffit. Mais le deutérium ne représente qu’une petite fraction de la masse de l’étoile et cette combustion va donc être plus modérée et pendant un laps de temps assez court où ensuite toute combustion s’arrête. Pendant la phase assez courte où l’étoile va rayonner, elle est essentiellement visible dans le domaine du rayonnement infrarouge. Ces petites « étoiles ratées » ont pris le nom de « naines brunes ».

Phase initiale Pour les étoiles plus grosses, la combustion de l’hydrogène peut commencer. La masse de l’hydrogène étant importante (75 %), cette combustion va fournir beaucoup d’énergie pendant longtemps. Pendant cette phase, de longue durée, nous l’avons vu, un équilibre s’installe et les étoiles ainsi formées constituent les étoiles de la séquence principale. Plus une étoile est massive et plus la compression est importante au centre, entrainant des températures beaucoup plus élevée. Comme la température diminue progressivement en s’éloignant du centre, la zone ayant une température suffisante pour enclencher les réactions thermonucléaires est d’autant plus grande que l’étoile est massive. Comme ces réactions thermonucléaires participent à l’augmentation de température du cœur, cette zone est d’autant plus grande. Cela signifie que les étoiles très massives consomment extrêmement vite leur hydrogène. Cela a trois conséquences importantes :

La température des étoiles massives est beaucoup plus grande en surface à cause de l’énorme quantité d’énergie libérée et évacuée. On parle ainsi de géantes bleues.

Si la température est élevée, la luminosité aussi. De plus, ces étoiles massives sont aussi beaucoup plus grosses, ce qui augmente leur surface et augmente donc leur luminosité totale qui peut être extrêmement grande.

Elles épuisent beaucoup plus vite leur carburant et ont donc une durée de vie plus courte. Les étoiles les plus massives, une centaine de masse solaire, ne vivent que quelques millions d’années. La durée qu’une étoile passe dans la séquence principale peut être approchée par :

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(

) années, où est la masse du Soleil pour les étoiles de faibles masse et

(

)

pour les étoiles massives (pour une étoile de 100 masses solaires, la masse

maximale, cela ne fait qu’un million d’années). Notons que la composition initiale des étoiles influe sur leur évolution. Les étoiles récentes, dites de population I, contiennent jusqu’à 2% en masse d’éléments lourds tandis que les vieilles étoiles dites de population II sont très pauvres en éléments lourds et ne contiennent quasiment que de l’hydrogène et de l’hélium. Les éléments lourds modifient nettement l’évolution des étoiles pour deux raisons :

Ces éléments sont nettement plus opaques aux rayonnements, ce qui permet au régions centrales d’atteindre facilement des températures élevées en retenant le rayonnement émis par les réactions thermonucléaires mais échauffe aussi l’enveloppe (vers un million de degré, l’opacité est essentiellement due au carbone, l’oxygène, l’azote et le néon).

Ces éléments peuvent catalyser des réactions nucléaires qui se produisent alors plus facilement.

Le détail de l’évolution est, à fort peu de chose près, dicté par la masse et la composition chimique de l’étoile. La présence d’une étoile voisine peut avoir un impact mais surtout sur les phases finales, nous y reviendrons.

Combustion de l’hélium Lorsque l’hydrogène du cœur a été épuisé, dans la zone où la température est suffisante pour produire sa fusion, les réactions nucléaires s’arrêtent. Cela se produit quand environ 12% de l’hydrogène de l’étoile a été consommé. Suite à cet arrête, la pression de radiation et la chaleur produite cessent, ce qui provoque une contraction du cœur de l’étoile. Sous cette compression, la température augmente jusqu’à atteinte une valeur suffisante que pour enclencher la fusion thermonucléaire de l’hélium (de l’ordre de cent millions de degrés). La température et la densité étant beaucoup plus grande, la combustion se produit beaucoup plus vite avec un fort dégagement d’énergie. Sous cette température interne très élevée et sous ce flot d’énergie dégagée, l’enveloppe de l’étoile se met à gonfler (contrairement au cœur qui s’est contracté). Les lois de la physique montrent que lorsqu’un corps se contracte sous son propre poids, la moitié de l’énergie gravitationnelle est rayonnée vers l’extérieur et l’autre moitié transformée en énergie interne (agitation thermique, convection ou rotation). Ce qui suffit à expliquer le double phénomène d’échauffement du cœur et de dilatation de l’enveloppe. Au moment où ce flot d’énergie très intense arrive à la surface, il se produit une augmentation de luminosité brutale appelée flash de l’hélium dû essentiellement au passage brutal à la combustion de l’hélium. Puis, l’étoile gonflant, sa surface extérieure devient de plus en plus grande. En plus de l’important gradient de température entre le cœur et la surface (à cause de l’augmentation du rayon), on a aussi un flux de chaleur qui se disperse sur une plus grande surface. Le résultat net est une baisse de la température de surface : l’étoile devient rouge. C’est la raison pour laquelle cette période de la vie de l’étoile est appelée géante rouge. Lorsque le Soleil atteindra cette phase dans environ cinq milliards d’années, sa taille sera telle qu’il englobera

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les orbites de Mercure, Vénus et la Terre, qui seront consumés. Certaines étoiles dites supergéantes ont un rayon égal à deux cent fois celui du Soleil. Comme le cœur s’est contracté et que l’enveloppe s’est fortement dilatée, la densité des couches extérieures de l’étoile a très fortement diminué, il en est de même de la gravité de surface (même masse totale, mais la surface est plus éloignée du centre ; la gravité diminuant comme le carré de la distance). De plus, le flot d’énergie très important a tendance à expulser une partie de la matière qui peut s’échapper plus facilement avec cette densité offrant moins de résistance et cette gravité plus faible. Le résultat net est un très puissant vent stellaire emportant une partie non négligeable de la masse de l’étoile. Durant toute la phase géante rouge, l’étoile peut perdre jusqu’à environ 20% de sa masse totale, ce qui est considérable.

Combustion en couche A nouveau, à un moment donné, l’hélium au centre sera épuisé, entièrement fusionné en d’autres éléments, et la combustion va cesser. La cœur se contracte, la température centrale augmente et la combustion d’éléments plus lourds peut se faire. On va ainsi voir se former du carbone, du néon, de l’oxygène, du silicium puis le fer qui lui ne peut pas fusionner sans consommer de l’énergie au lieu d’en produire (il est produit également une quantité importante de nickel également « incombustible »). Nous verrons ce qui se passe alors plus loin. Pendant toute ces phases des combustions successives, la température centrale augmente et l’étoile gonfle un peu, mais le changement n’est pas énorme et pas aussi remarquable que lors du passage de l’hydrogène à l’hélium. Vue d’un observateur lointain, une géante rouge est toujours une géante rouge. Un autre aspect remarquable est à indiquer. Lorsque l’étoile entame la combustion de l’hélium, la température centrale est alors beaucoup plus grande et donc la dimension du cœur ayant une température suffisante pour fusionner l’hydrogène grandit. Evidemment, au centre, l’hydrogène ayant été consommé, cela ne change rien. Mais en périphérie de ce nouveau cœur on trouve de l’hydrogène « frais » qui n’a pas été consommé car la température n’était pas suffisante jusque-là. Donc, si l’hélium est au fusionné au centre, l’hydrogène lui est consommé en périphérie du cœur, contribuant au flux d’énergie très important libéré par le cœur des géantes. Le même phénomène se produit ensuite. On aboutit donc à un cœur qui a la structure d’un oignons. Au centre, l’étoile consomme les éléments les plus lourds (par exemple le silicium), puis on a une couche avec la combustion du d’ l’oxygène, du néon, du carbone, de l’hélium, puis l’hydrogène. On parle de combustion en couches. Lors du passage de la combustion de l’hélium aux combustions d’atomes plus lourds, l’étoile n’est pas très stable vis-à-vis des oscillations et forme des étoiles variables du type RR Lyrae. Un autre point important concerne la vitesse laquelle se produisent ces combustions. Deux phénomènes vont dans le même sens :

- La température énorme, nécessaire au flux d’énergie très important capable de surmonter la plus grande densité plus élevée du cœur, conduit à une consommation rapide des atomes disponibles.

- Plus les atomes sont lourds et moins leur fusion libère d’énergie pour culminer, nous l’avons dit, avec le fer qui lui ne produit aucune énergie en fusionnant et au contraire en consomme.

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Le résultat net est une vitesse de combustion de plus en plus grande. Au fur et à mesure que l’on passe de l’hydrogène à l’hélium, au carbone, au néon, etc…, chaque étape a une durée nettement plus brève que la précédente. Lorsque le noyau de fer / nickel se forme, il a une température d’environ dix milliards de degrés pour une densité de dix mille tonnes par centimètre cube. Une géante rouge va donc avoir une vie courte allant de quelques millions à une bonne centaine de millions d’années selon que sa masse initiale est grande ou petite. Donnons les courbes d’évolution des étoiles pour plusieurs faibles masses dans le diagramme HR. Les âges sont indiqués en milliards d’années.

Pour une étoile de cinq masses solaires l’évolution détaillée est la suivante. Les durées de chaque branche sont indiquées en millions d’années.

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IV.3. Mort d’une étoile

Etoiles de faibles masses Lorsque la masse d’un étoile est faible (quelques masses solaires au maximum), l’effondrement du cœur ne peut continuer indéfiniment. La contraction du cœur atteint des températures élevées mais insuffisamment pour déclencher les réactions thermonucléaires de fusion du carbone. En fait, dès la production d’un cœur d’hélium, pour les étoiles de faible masse (moins de deux masses solaires), la matière se met dans un état dit de matière dégénérée que nous étudierons plus loin dans le cadre des naines blanches. Dans cet état la pression de la matière devient énorme et peut compenser l’effet de la gravité. De plus, la matière dégénérée est un excellent conducteur thermique et sa pression dépend peu de la température, cela garantit une grande stabilité de l’équilibre stellaire. Cette absence de variation de pression et cette grande conductivité thermique explique aussi que l’enclenchement de la combustion de l’hélium se déclenche assez brutalement car aucun mécanisme de compensation (chute de température en s’éloignant du cœur ou dilatation du cœur sous l’augmentation de pression ne vient le freiner, tout le cœur d’hélium entre en réaction et cela entraine le flash de l’hélium. Le phénomène s’arrête dès que la combustion atteint un seuil suffisant et l’étoile continue alors de brûler son hélium tranquillement. Arrivé au carbone, l’étoile atteint alors un nouvel équilibre où l’effondrement s’arrête même sans combustion du carbone. L’hélium et l’hydrogène continue à bruler en couche jusqu’à épuisement. Au cours de cette période, l’enveloppe se rétrécit. Lorsque la combustion atteint les couches supérieures, l’extérieur est littéralement soufflé conduisant à la formation d’une nébuleuse planétaire (le mot « planète » est malheureux car cela n’a rien à voir avec les planètes). Le reste de l’étoile continue à se contracter en achevant la combustion. Lorsque toute combustion s’arrête, l’ensemble de l’étoile a atteint un état de matière dégénérée de densité colossale.

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Cet état est appelé naine blanche. Celle-ci a une température très élevée mais rayonne très peu de lumière (elle est fort éloignée de l’état de corps noir, la matière dégénérée elle-même n’absorbe pratiquement aucun rayonnement). Elle va se refroidir très lentement (cela peut prendre une centaine de milliards d’années) jusqu’à devenir une naine noire. La masse des naines blanches n’est pas illimitée. Il existe une limite théorique appelée masse de Chandrasekhar (environ 1.4 masses solaires) et on n’observe effectivement pas de naine blanche plus massive. Au-delà de cette mase, la pression de la matière dégénérée n’est plus suffisante que pour compenser le poids de l’étoile. Au-delà, les protons et les électrons fusionnent pour se transformer en neutrons. Nous allons y revenir. Cela ne signifie pas que les étoiles de plus de 1.4 masses solaires ne deviennent pas des naines blanches. Il ne faut pas oublier que l’étoile perd une partie importante de sa masse lors de la phase géante rouge (vent solaire puissant) et lors de la phase finale des géantes lorsque l’extérieur est soufflé.

Etoiles de grandes masses Pour les étoiles d’une dizaine de masse solaires ou plus, la combustion va au-delà du carbone. La compression et la température atteinte dans le cœur sont tels que l’état dégénéré ne se forme pas. De nombreux protons capturent des électrons donnant des neutrons et diminuant fortement la pression (moins il y a de particules et moins la pression est forte). Le noyau enclenche la combustion du carbone, donne du néon, de l’oxygène, du silicium et du fer et du nickel. La formation du noyau de fer et de nickel signe l’arrête des réactions thermonucléaires car la fusion de ces atomes est endothermique, c’est-à-dire qu’elle consomme de l’énergie au lieu d’en produire, provoquant une diminution de la température et stoppant les réactions. Lorsque le noyau atteint une taille critique avec l’épuisement du silicium, l’arrêt est brutal et ne prend qu’une fraction de seconde. Sous les réactions thermonucléaires entourant le cœur de fer, un flux intense de rayons gammas est produit. Celui-ci produit une photodésintégration du fer qui se transforme en 13 noyaux d’hélium et quatre neutrons. Cette réaction est très endothermique et absorbe donc très fortement le rayonnement gamma contribuant à cet arrêt brutal. Sous cet arrêt, la pression de radiation stoppe ainsi que tout afflux d’énergie venant du cœur. La totalité de l’étoile s’effondre alors d’un seul coup sous son propre poids. Les couches extérieures tombent pratiquement en chute libre sur le cœur de fer. Le choc sur ce cœur est extrêmement violent. Il entraine une compression brutale du cœur conduisant à plusieurs conséquences importantes :

La compression et l’extrême augmentation de température entraine la fusion de la matière jusqu’à des masses élevées, même si ces réactions sont énergétiquement défavorables. De cette manière, une grande quantité de noyaux lourds sont formés, jusqu’à l’uranium et plus.

Le noyau de fer et nickel lui-même subit une compression extrême accélérant très fortement la fusion des protons et des électrons produisant une quantité gigantesque de neutrons.

Le noyau de fer et nickel est déjà d’une densité extrême et ne peut quasiment pas diminuer de volume. La matière tombant en chute libre rebondit littéralement dessus.

La transformation des protons et électrons et neutrons produit une quantité importante de neutrinos. Normalement les neutrinos passent aisément à travers la matière. Mais trois facteurs favorisent les interactions.

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o Le flux de neutrinos est extrêmement intense. Même si une petite partie seulement interagit avec la matière, ses effets ne peuvent être négligés.

o La densité atteinte par la matière la rend plus imperméable aux neutrinos. o Les neutrinos produits sont très énergétiques, 50 à 100 fois plus que ceux issus du

Soleil. Or les neutrinos interagissent plus facilement avec la matière s’ils sont plus énergétiques. L’interaction est proportionnelle au carré de l’énergie. L’absorption est donc 2500 à 10000 fois plus efficace.

Le résultat final conduit à trois effets poussant sur l’enveloppe :

Son rebond. Les réactions thermonucléaires intenses induites par la compression. Le flux de neutrinos qui s’avère être un excellent mécanisme pour transmettre l’énergie de

l’explosion aux couches externes. Sous cette poussée, l’enveloppe de l’étoile est entièrement pulvérisée. L’étoile explose et devient une supernovae aussi lumineuse pendant quelques heures qu’une galaxie entière. On les appelle supernovae de type II. L’enveloppe expulsée s’éloigne à des vitesses de l’ordre de 20000 kilomètres par seconde. Le coeur déjà comprimé à l’extrême par les compressions successives durant la vie de l’étoile, puis par le choc de l’enveloppe tombée sur lui, subit encore une compression puissante due à l’explosion qui l’entoure et qui accélère la production de neutrons (et donc de neutrinos qui contribue encore plus à l’explosion, c’est une véritable emballement du processus, d’où sa violence). Notons aussi que le cœur dépasse facilement la masse de Chandrasekar. Le cœur restant après tout cela est essentiellement composé de neutrons et forme une étoile à neutrons. Nous y reviendrons. L’enveloppe très enrichie en éléments lourds est totalement dispersée dans l’espace, enrichissant les nuages interstellaires en atomes lourds. Un point important est à souligner, c’est la création d’atomes lourds lors de l’explosion. Le calcul des réactions nucléaires est en excellent accord avec les abondances d’éléments observées dans l’univers. Citons les différents mécanismes à prendre en compte.

La synthèse primordiale, lors du début de l’univers, donne essentiellement de l’hydrogène et de l’hélium (et un peu de deutérium et de lithium). Les calculs sont en parfait accord avec les abondances observées dans les nuages de gaz primordiaux (pauvres en éléments lourds).

La synthèse stellaire dans les étoiles massives qui voient ensuite leur contenu dispersé par l’explosion. Les simulations numériques de l’évolution d’une supernovae permet de calculer avec précision les quantités d’éléments libérés que l’on peut aussi observer en analysant le spectre des supernovae. Les étapes que nous avons décrit suffisent déjà à expliquer pourquoi on observe une telle abondance sur Terre d’éléments tels que le fer, le carbone, l’oxygène, le silicium,…

Lors de l’explosion on a d’une part une importante photodésintégration comme pour le fer ci-dessus et qu’il faut prendre en compte, on a en outre la synthèse d’éléments lourds jusqu’à l’uranium (synthèse dite explosive).

Les atomes libérés dans l’espace sont parfois radioactifs et se désintègrent en donnant des éléments plus légers. Certains ont même une signature détectable à l’observation.

Le processus de spallation est un mécanisme ou des atomes sont frappés par les rayons cosmiques (essentiellement les protons rapides) et transformés en atome plus légers par arrachement d’une partie de leur noyau. Ce processus ainsi que le précédent expliquent les

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abondances de certains éléments rares qui ne se forment pas naturellement lors de processus de fusion dans la synthèse explosive.

Supernovae de type I Il existe une autre situation pouvant engendrer une supernovae. C’est celui d’une étoile double ou une étoile est arrivée au stade de naine blanche alors que l’autre étoile entame son stade de génate rouge. Les étoiles doubles étant assez fréquente, cette situation l’est aussi.

Lorsque l’étoile voisine se transforme en géante rouge, il peut arriver que son enveloppe externe se rapproche tant de la naine blanche qu’elle franchit le point d’équilibre gravitationnel (où un corps est attiré avec la même intensité par les deux étoiles), auquel cas la matière de la géante rouge tombe sur la naine blanche. La surface de la naine blanche étant constituée de matière dégénérée, elle est à très haute température (de l’ordre de dix millions degrés). La matière tombant sur elle est donc repoussée par la chaleur (tout comme de l’eau tombant sur une plaque chaude se vaporise). Mais lorsque le nuage de matière en accrétion autour de la naine blanche dépasse une masse critique, ce nuage s’effondre sur la naine blanche.

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On a alors une quantité importante de matière « fraiche » (essentiellement de l’hydrogène) comprimée et portée à très haute température. Les réactions thermonucléaires qui s’enclenchent sont extrêmement brutales et rapides. On peut qualifier cela de bombe thermonucléaire (bombe H ou bombe à hydrogène) stellaire. La naine blanche explose violemment. Les supernovae de ce type sont dites de type I. Elles sont caractérisées par un spectre lumineux bien particulier et sont facilement identifiables. De plus, les propriétés de l’explosion dépendent peu des caractéristiques internes des deux étoiles et sont surtout liées à la masse de la naine blanche. On a donc une relation extrêmement précise entre certains paramètres, en particulier la luminosité totale de la supernovae et la durée de cette émission lumineuse. Cette dernière est aisément mesurable et en mesurant la luminosité apparente on en déduit ainsi la distance avec une très bonne précision. Ces supernovae constituent donc d’excellentes chandelles standards pour la mesure des distances, d’autant que leur luminosité intense les rends facile à distinguer même dans des galaxies lointaines. Elles sont ainsi un outil très pratique pour vérifier la loi d’expansion des galaxies (expansion de l’univers, loi de Hubble) et elles ont permis de constater qu’étrangement cette expansion s’accélérait. Notons que les supernovae sont rares : en moyenne une explosion par siècle (type I et II confondus) et par galaxie. Mais le nombre de galaxies étant très grand, cela suffit pour en observer fréquemment. On a même eut la chance d’en observer une dans le nuage de Magellan (une galaxie naine satellite de la nôtre) en 1987 et on a pu ainsi mesurer sur Terre le flux de neutrinos émis par l’explosion. Les supernovae, malgré leur rareté, sont le principal mécanisme de réchauffement du gaz interstellaire et de son ionisation. Elles jouent un rôle capital dans la dynamique des galaxies. On distingue aisément les deux types de supernovae en mesurant leur courbe de lumière (ainsi que leur spectre, assez différent, le spectre de type I étant pauvre en hydrogène car la masse explosant, la naine blanche, est composée de matière dégénérée, la quantité d’hydrogène déposé à sa surface étant nettement plus faible et en plus soumis à des très puissantes réactions thermonucléaires). La courbe de lumière et l’intensité lumineuse au cours du temps. Voici des courbes typiques :

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V. Stades finaux des étoiles

V.1. Naines blanches Les naines blanches sont le stade final des étoiles de faible masse. Mais avant de les examiner d’un peu plus près, voyons ce qu’on appelle « matière dégénérée ».

Fermions et bosons Les particules composant toute matière peuvent être regroupées en deux catégories :

Les fermions. Ce sont les neutrons, protons, électrons, neutrinos,… Les bosons. Ce sont notamment les photons (particules associées à la lumière).

Ces deux catégories sont associées à des comportements collectifs assez particuliers. Ici, ce sont les fermions qui nous intéresseront car ils composent la matière. Il faut aussi savoir que lorsqu’une particule est en réalité un objet composite, composé de plusieurs particules, son caractère est lié aux nombres de fermions et de bosons qui le composent. Si le nombre de fermions est pair, alors l’objet composite est un boson, sinon c’est un fermion. Comme exemple, on peut donner l’atome d’hydrogène. Composé d’un proton et d’un électron, il se comporte comme un boson. Alors que des protons et des électrons non liés au sein d’un atome (ou considérés tout simplement individuellement) se comportent comme des fermions. Le comportement collectif des fermions est assez particulier. En effet, le principe d’exclusion de Pauli (démontré rigoureusement en physique quantique relativiste) indique que deux fermions identiques (par exemple deux électrons) ne peuvent jamais se trouver exactement dans le même état (même position, même vitesse, même énergie,…) En fait, il serait plus correct de dire que l’état d’une paire d’électrons telle que « électron 1 et électron 2 = même état » n’existe pas. Il n’y a pas de « force » particulière empêchant les deux électrons de ce mettre dans le même état, la nature est un peu plus complexe et subtile que ça. Mais d’un point de vue interprétation, ça revient au même. On peut raisonner en se disant que toutes les possibilités existent mais qu’une « force quantique » empêche les deux électrons de se mettre dans le même état. Les conséquences de ce phénomène sont très importantes.

Quantification des états La physique quantique nous apprend que les grandeurs physiques sont (généralement) quantifiées. Une particule restreinte à rester dans un certain domaine (autour d’un atome, dans une boite, dans une naine blanche) ne peut posséder que certaines positions, certaines vitesses,… Pour une énergie maximale donnée, le nombre d’états que peut prendre une particule est fini. Ce genre de comportement n’est pas perceptible à notre échelle et dans les conditions où nous vivons, le nombre d’états étant extrêmement grand, nous avons l’impression que les objets peuvent occuper n’importe quelle position, avoir n’importe quelle vitesse. Mais ce n’est plus vrai à très petite échelle. Autour d’un atome, en particulier, un électron a un comportement très différent des objets de la vie courante. Et, notamment, les états qu’il peut prendre sont limités.

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Ainsi, près du noyau, il est possible de loger deux électrons. Mais à cause du principe d’exclusion, il est impossible d’y loger un troisième électron car les deux seuls états sont occupés. Pour mettre le troisième électron, il faut le placer un peu plus loin où huit places sont disponibles. A cette place, l’électron a un peu plus d’énergie. Pous le onzième électron, il faut à nouveau le mettre plus loin, etc. Chaque atome ayant un nombre d’électrons donné (dicté par le nombre de protons du noyau), ils vont donc se répartir d’une manière précise, très structurée. C’est cette structure qui donne à l’atome la plupart de ses propriétés et en particulier ses propriétés chimiques permettant la formation de molécules. Sans le principe d’exclusion, non seulement les atomes seraient tous petits (les électrons se placeraient tous dans l’état d’énergie minimale, près du noyau) mais il n’y aurait pas non plus de chimie, pas de molécule, pas de vie.

Matière dégénérée Dans les étoiles, la température est telle que les atomes sont entièrement ionisés. On a donc des noyaux et des électrons libres (plasmas). La physique quantique montre que le nombre d’états disponibles est d’autant plus grand que la place est grande.

Dans ces schémas on a représenté le type de répartition que prennent les différents états. Plus ils sont haut dans le schéma et plus les particules dans ces états ont une énergie et une vitesse élevée. Lorsqu’il y a toute la place nécessaire (par exemple dans le cœur d’une étoile comme le Soleil), il y a de nombreux états possibles (schéma de gauche) et les fermions peuvent se disposer un peu n’importe où. En fait, en pratique, le nombre d’états est tellement élevé que les particules se comportent comme des objets classiques avec tout le spectre d’énergie et de vitesse possible. Par contre, si la matière est très fortement comprimée, alors le nombre d’états disponibles diminue. Les fermions doivent alors occuper chaque état au maximum comme dans le schéma de droite. Cela a trois conséquences :

Tous les états sont occupés. C’est essentiellement pour cela qu’on parle de matière dégénérée.

Pour placer tous les fermions dans les états disponibles, on doit en mettre très haut dans le schéma. Une grande partie des fermions ont une énergie, une vitesse, extrêmement grande.

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Les fermions occupant tous les états, ils ne peuvent pratiquement pas changer d’états. La physique quantique montre que plus une particule est légère, plus le phénomène ci-dessus est marqué. Les électrons étant mille fois plus légers que les protons, ce sont essentiellement les électrons qui vont se comporter de cette manière et donner le caractère dégénéré à la matière. La matière ainsi obtenue a plusieurs propriétés importantes :

Sa densité est très grande puisque les fermions sont tassés au maximum. Une grande partie des électrons ont une vitesse gigantesque, cela correspond à une

température extrêmement élevée. La température typique est autour de dix millions de degrés.

Les électrons des états inférieurs ne peuvent pas absorber de lumière car ce faisant ils devraient changer d’état, ce qui n’est pas possible. Et les électrons les plus énergétiques se comportent comme les électrons d’un métal, ils sont libres de se mouvoir et interagissent fortement avec la lumière. Le résultat est que cette matière est très réfléchissante. C’est pour cette raison que la matière dégénérée est très différent d’un corps noir.

Le rayonnement émis par la matière dégénérée est très faible, malgré sa température, seuls les quelques électrons les plus énergétiques, situés un peu plus haut que les autres, peuvent encore éventuellement redescendre un peu dans les états afin d’achever le remplissage complet des états et ainsi émettre un peu de rayonnement en refroidissant la matière (vraiment très peu).

Les propriétés des électrons dans ces états sont proches d’un matériau supraconducteur. Du fait de la grande mobilité des électrons les plus énergétiques, qui ont une vitesse extrême (proche de celle de la lumière), la matière dégénérée conduit extrêmement bien le courant et la chaleur. Sa température est donc très uniforme.

Du fait que les fermions occupent pratiquement tous les états inférieurs, le comportement collectif des fermions est analogue à celui d’une matière normale à une température proche du zéro absolu (-273 degrés). Voilà qui est assez spectaculaire pour une matière à près de dix millions de degrés : pour étudier ses propriétés, on peut fait l’approximation que sa température est nulle !

Structure et description des naines blanches L’essentiel a été dit. Une naine blanche est une boule très compacte (quelques milliers de kilomètres de diamètre, une taille voisine de la Terre), de densité élevée (jusqu’à 100000 fois celle de l’eau), de température élevée et très uniforme, émettant très peu de rayonnement et se refroidissant extrêmement lentement. L’intérieur de l’étoile est solide et extrêmement rigide. Les noyaux y sont organisés régulièrement comme dans une structure cristalline, tandis que la surface peut encore présenter une certaine fluidité. Dans cette fine couche de surface on trouve de l’hydrogène et de l’hélium, mais le reste de la naine blanche est constitué essentiellement d’atomes plus lourds. Du fait de la température quasiment uniforme, l’étoile n’est pas le siège de convection. La ségrégation des éléments se fait essentiellement par le poids, les éléments lourds descendant dans le cœur et les légers restant en surface. Cela explique que la couche extérieure soir de l’hydrogène pratiquement pur, même si cette couche est mince, et le fait que le spectre lumineux ne contienne que des raies de l’hydrogène. Aucune naine blanche n’est visible à l’œil nu. Il fallut donc attendre le dix-neuvième siècle pour découvrir la première. Celle-ci compagne de l’étoile Sirius (une étoile très brillante dans le ciel)

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perturbe son mouvement. C’est à travers cette perturbation qu’on en déduisit la présence d’un corps massif (1.05 masse solaire) peu lumineux et qui fut observé en 1862. Son diamètre est de 24000 km. La nature de ce type d’étoile ne fut compris qu’en 1924 lorsque Eddington compris la physique régissant ces astres compacts à l’aide des découvertes récentes de la physique quantique. On estime maintenant que 3% des étoiles de notre galaxie sont des naines blanches. La masse maximale que peut atteindre une naine blanche est donnée par la masse de Chandrasekar de 1.4 masse solaire. L’existence de cette limite peut être comprise comme suit :

On a vu que pour un gaz dégénéré, les fermions se plaçaient dans tous les états disponibles. Il n’y a plus d’état libre à basse énergie et donc cela se traduit par une pression appelée pression de Fermi qui maintient l’équilibre de l’étoile sous son propre poids.

Si l’on a deux fois plus de fermions, la pression est deux fois plus grande. Lorsque la masse augmente, le nombre de fermions augmente. Les fermions les plus

énergétiques atteignent des vitesses proches de la vitesse de la lumière. Celle-ci constitue une limite infranchissable (relativité), la vitesse des fermions n’augmente pas beaucoup plus.

A très haute énergie, la vitesse variant très peu avec l’énergie, le nombre d’états disponibles dans une tranche de vitesse donnée augmente fortement. Les fermions ont plus d’états à leur disposition.

Par conséquent, lorsque l’on atteint une certaine énergie, la pression de Fermi ne croît plus aussi vite.

Passé un stade critique (que l’on calcule comme étant la masse de Chandrasekar), la pression de Fermi ne suffit plus à contrebalancer le poids de l’étoile.

L’étoile se contracte donc encore, et comme les fermions n’ont plus d’états disponibles, l’énergie gravitationnelle énorme communiquée sert à provoquer la fusion des protons et des électrons donnant des neutrons.

Les neutrons étant plus massif, ils peuvent constituer une matière dégénérée avec plus d’états par unité de volume et donc une densité beaucoup plus grande.

V.2. Etoile à neutrons Les étoiles à neutrons sont le stade final résultat de l’explosion des étoiles massives (jusqu’à une certaine limite). Lorsque le cœur de l’étoile dépasse la masse de Chandrasekar, les protons et les électrons fusionnent pour donner des neutrons. La supernovae observée par les chinois en 1054 et située à 6000 années-lumière a ainsi donné la nébuleuse du Crabe au centre de laquelle se trouve une étoile à neutrons (un pulsars). L’étoile à neutrons la plus proche se situe à 500 années-lumière.

Composition des étoiles à neutrons Une étoile à neutrons est composée essentiellement de neutrons sous forme d’une matière dégénérée. Les neutrons étant des particules mille fois plus massives que les électrons, la matière dégénérée peut être beaucoup plus compacte. L’étoile supporte ainsi, grâce à la pression de Fermi, une gravité extrêmement élevée. En surface, ma matière est moins comprimée et elle est non dégénérée. Elle contient des protons et des électrons.

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99 % de l’étoile est sous forme de neutrons. L’étoile à neutrons a une température de l’ordre de 100 millions de degrés. Les étoiles étant en rotation, leur cœur l’est aussi. Sous la compression énorme donnant l’étoile à neutrons, cette rotation s’amplifie fortement (comme pour le partenaire). Les étoiles à neutrons sont donc en rotation extrêmement rapide. On observe ainsi dans la nature des étoiles à neutrons effectuant un tour en une dizaine de secondes jusqu’à environ mille tour par secondes (on parle de « pulsars milli seconde »). La rotation atteint alors presque la limite supérieure au-delà de laquelle l’étoile à neutrons éclaterait sous l’effet des forces centrifuges. Au fur et à mesure qu’elle refroidit ou lorsque sa rotation diminue (diminuant l’effet des forces centrifuge), l’étoile à neutrons peut subir des modifications de structure provoquant des tremblements d’étoiles, ce qui se traduit par une fluctuation de sa période de rotation.

Champ magnétique Les neutrons possèdent un petit moment magnétique. Ces moments magnétiques peuvent s’aligner (comme des aimants mis bout à bout) constituant un gigantesque aimant, d’autant plus fort que la densité de neutrons est énorme. De plus, les charges électriques (les électrons) à sa surface sont soumis à la rotation extrêmement rapide de l’étoile, engendrant là aussi un champ magnétique puissant. Le résultat final est que les étoiles à neutrons possèdent un champ magnétique extrêmement fort, sans commune mesure avec celui de la Terre ou des étoiles ordinaires. Il est communément un milliard de fois plus élevés que celui du Soleil. Notons que dans un champ magnétique aussi intense, aucun atome ne peut subsister, il est littéralement déchiqueté. Les électrons situés dans le voisinage vont être soumis à ce champ magnétique et subir de fortes accélérations. Sous cette accélération, ces électrons émettent un faisceau d’ondes radios très intense et très directionnel appelé rayonnement synchrotron. Lorsque ce faisceau est bien orienté, il balaie la Terre à chaque tour qu’effectue l’étoile à neutrons. On peut alors recevoir sur Terre des « bips » à la fréquence de rotation, mesurables avec une antenne radioastronomique. Ces bips extrêmement réguliers sont très caractéristiques. Ces étoiles à neutrons sont qualifiées de pulsars. Les bips reçus ont une régularité exceptionnelle qui n’a d’égal que la stabilité des horloges atomiques. Le rayonnement émit, directionnel et cohérent, est analogue à celui d’un maser (un laser dans le domaine radio). Il peut aussi arriver que le champ magnétique de l’étoile à neutrons sont encore plus puissant. On parle alors de magnétars. Dans ce cas, les électrons soumis au champ magnétique peuvent émettre des rayons X. La théorie ainsi que l’analyse des impulsions radios reçues montre que les pulsars ont une typiquement une dizaine de kilomètres de diamètre. La zone de matière dégénérée occupant plus de 80% du diamètre. Notons que ce rayonnement est très intense et de nature non thermique. Un corps chaud qui émettrait autant de rayonnement devrait avoir une température atteignant le milliard de milliards de degrés !

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Etoiles étranges Les protons et les neutrons ne sont pas des particules élémentaires. Ils sont constitués de particules appelés quarks. Il en existe de plusieurs type notés u, d, s, c, b, t. Les neutrons et les protons sont constitués des quarks u et d. Les quarks sont décrit par une théorie appelée « chromodynamique quantique ». Cette théorie élaborée est bien vérifiée par l’expérience. Elle reste toutefois très difficile à traiter, les calculs prenant vite des proportions monstrueuses même pour les plus puissants calculateurs. Il reste donc quelques aspects encore mal compris des propriétés des quarks. En particulier pour le quark s, appelé aussi quark étrange, qui est le quark le plus léger après les quarks u et d. La théorie admet la possibilité (non confirmée, elle reste basée sur des hypothèses) que des quarks étranges puissent aussi former une matière dégénérée. Auquel cas, il y a un état de densité supérieur aux étoiles à neutrons appelés étoiles étranges avec un cœur constitué principale de quarks étranges. Malheureusement, les propriétés visibles d’une telle étoile devraient être assez proches d’une étoile à neutrons. Aucune confirmation ni rejet définitif n’a donc pu encore être réalisé pour ces objets. Quoi qu’il en soit, que cette possibilité existe ou pas, il y a aussi une limite à la masse des étoiles à neutrons pour des raisons analogues à celles des naines blanches. Lorsque les neutrons sont forcés à se rapprocher au-delà de la limite imposée par un fluide de fermions dégénéré, ils se décomposent en leurs quarks. Les quarks ont une propriété assez étrange. La force d’interaction qui les lie diminue avec la distance (c’est l’inverse des autres forces de la nature). Ainsi, lorsque les quarks ont une très grande énergie, ils peuvent s’approcher très fortement et se comporter comme s’ils étaient des particules libres, sans entrave. C’est contraire à l’intuition où une foule de personnes qui se tasse rend les mouvements habituellement plus difficiles. On qualifie cela de comportement asymptotiquement libre. Comme les quarks sont libres et que le nombre d’états croîts au fur et à mesure que le volume est plus petit, cela signifie qu’arrivé à ce stade, plus rien ne peut s’opposer à une diminution du volume. Au-delà d’une masse limite, il y a donc effondrement inéluctable de l’étoile. On a formation d’un trou noir. Celle limite est appelée masse de Oppenheimer – Volkoff.

Binaires à neutrons La relativité générale décrit la gravitation comme étant une conséquence de la déformation de l’espace-temps. Pour un espace déformé, les lignes les plus courtes entre deux points ne sont plus des droites, les parallèles peuvent se rencontrer (comme les grands cercles d’une sphère) ou diverger. Les angles d’un triangle ne font plus 180° au total, etc. Bref, la géométrie est différente. De tels déformations de l’espace-temps, ou si l’on préfère de la géométrie décrivant les distances et les durées, peuvent varier périodiquement et se propager (à la vitesse de la lumière). La théorie prévoit donc l’existence d’ondes gravitationnelles. Lorsque l’on a une étoile binaire, le calcul montre que le couple doit émettre des ondes gravitationnelles qui augmente la rotation l’une autour de l’autre de ces étoiles et les rapprochent. A cause de la conservation du moment angulaire, l’augmentation de rotation l’une autour de l’autre de ces étoiles est compensée par une diminution de la rotation propre (la rotation sur elles-mêmes) des étoiles.

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Si une de ces étoiles est un pulsar, le rythme des bips doit donc diminuer au cours du temps. Le calcul permet de déterminer cette diminution avec une grande précision. L’observation a confirmé ce phénomène. La première observation fut faire avec le pulsar binaire PSR 1913 + 16 (période des bips de 59 millièmes de seconde). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les physiciens doutent peu de l’existence des ondes gravitationnelles, même si une observation directe de ces dernières manque encore. Au fur et à mesure que les deux étoiles se rapprochent, l’émission d’ondes gravitationnelles s’amplifie et le rapprochement s’accélère. La fin est brutale et se termine par la fusion des deux étoiles. Récemment, on a observé une géante rouge absorber une étoile à neutrons. Si les deux étoiles binaires sont des étoiles à neutrons, leur fusion dépasse immédiatement la limite de masse d’une étoile à neutrons, ce qui provoque l’effondrement gravitationnel du corps ainsi formé.

V.3. Trous noirs

V.3.1. Relativité Les trous noirs sont le stade final de supernovaes très massives ou de la fusion de deux étoiles à neutrons. Ces objets étant intrinsèquement relativistes, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la relativité que nous allons expliquer dans les grandes lignes.

Repères Pour pouvoir faire des mesures, des expériences, des études de phénomènes physiques, il est nécessaire de donner de valeurs numériques précises aux positions et aux instants auxquels se produisent les phénomènes. Cela se fait en utilisant des repères précis par rapport auquel on détermine la position des objets. Un exemple bien connu est le système des latitudes et longitudes qui repèrent les lieux par rapport à la Terre. En plus de repérer les positions, on détermine les instants à l’aide d’horloges. Considérons deux observateurs A et B, chacun équipés de son horloge. Par facilité, nous

considérerons la situation suivante.

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L’observateur A est situé au point O, il utilise trois directions (x, y et z non représenté) pour identifier

la position de chaque objet ou événement auquel il attribue ainsi trois coordonnées x, y et z. Il a aussi

une horloge indiquant le temps t. Ce système de repérage constitue son repère (K) par rapport

auquel il peut donner des coordonnées (position et instant) précis à chaque événement. Nous avons

l’habitude de tels repères quand on dit « la colline est à trois kilomètres de ma maison » ou « l’île se

situe à 45° de longitude ouest avec le méridien de Greenwich », anciennement on utilisait le

méridien de Paris).

De même, l’observateur B est situé au point O’ et utilise les trois directions (axes) x’, y’, et z’ et il

dispose d’une horloge indiquant le temps t’. Le repère sera noté K’. Les axes sont disposés comme

sur la figure.

L’observateur B est en mouvement par rapport à A à la vitesse V, qui est aussi la vitesse de O’ par

rapport à O (ou de O par rapport à O’ avec renversement du sens de la vitesse) ou la vitesse de K’ par

rapport à K. Lorsque les points O et O’ coïncident, on choisit les coordonnées du temps telles qu’à cet

instant t = t’ = 0 (c’est juste une question de facilité).

Par exemple, A pourrait être immobile sur le quai d’une gare et B pourrait être dans un train où il

effectue toutes ses mesures par rapport à sa propre position.

La relativité restreinte La relativité utilise deux postulats :

Principe de relativité restreinte : tous les repères inertiels sont équivalents. Un repère inertiel est un repère en mouvement à vitesse constante où l’on ne ressent aucune accélération et où les lois classiques de la mécanique (les lois de Newton) sont valides. Ce principe signifie que les lois physiques décrivant les phénomènes doivent garder la même forme quel que soit le repère utilisé pour les formuler. Cela ne signifie évidemment pas que ces repères sont identiques et que tout ce qui s’y passe aussi. Par exemple, notre observateur A sur voit le train en mouvement tandis que B considère que le train ne bouge pas par rapport à lui. Ce principe est en fait assez naturel. Il est difficile d’imaginer un repère absolu, spécial, par rapport auquel repérer les événements. Par exemple, on pourrait dire que A a un « meilleur » repère que B car il est immobile tandis que B est dans un train. Mais le repère de A est-il si bon ? Après tout la Terre n’est pas immobile, elle tourne autour du Soleil. Et l’ensemble Terre – Soleil tourne autour de la Galaxie. En réalité, il n’y a pas de repère absolu. Il n’y a que des choix arbitraires, humains. C’est nous qui choisissons de déterminer les positions par rapport à tel ou tel repère. Ce choix n’influence évidemment pas la manière dont les phénomènes physiques se produisent (un passager sur le quai laisse tomber son billet : ce phénomène se produit autant du point de vue de A que de B). Ce choix n’influence que la manière de décrire le phénomène. On souhaite donc que cette description soit la plus universelle possible et ne dépende pas du repère. Le choix des repères inertiels est un choix restreint, d’où le nom de relativité restreinte. On généralisera plus tard.

La vitesse de la lumière dans le vide, c, est constante et invariante. Cela signifie que cette vitesse ne varie pas au cours du temps et qu’elle est identique pour tout observateur.

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Cette vitesse a été mesurée dans de nombreuses circonstances et à l’aide de nombreux moyens. Ce postulat est vérifié expérimentalement avec une précision extrêmement grande (à tel point qu’on se sert maintenant de la vitesse de la lumière pour définir le mètre étalon pour la mesure des longueurs). La vitesse de la lumière ne dépend pas du mouvement de l’émetteur ni du récepteur. En physique classique, cela peut sembler étrange. En effet, si l’observateur B émet un rayon lumineux vers l’avant du train et que ce rayon se déplace à la vitesse c par rapport à lui, on s‘attend à ce que la vitesse du rayon lumineux mesurée par A soit V + c. Ce n’est pas ce qui est expérimentalement constaté. De toute évidence, la simple addition des vitesses ne marche pas lorsque l’on envisage des vitesses très élevées comme celle de la lumière. Comme la vitesse n’est rien d’autre qu’une certaine distance parcourue en un certain temps, cela signifie qu’il doit y avoir des changements dans les concepts d’espace et de temps. Ces changements ne nous concernent qu’indirectement, puisque nous nous intéressons qu’à l’énergie.

La mesure de l’espace peut se faire en utilisant des règles étalons disposées de la manière indiquée pour les repères ci-dessus. La mesure du temps peut se faire en utilisant des horloges. Il reste un détail important à régler. Comme on a deux observateurs, on a deux horloges. Comment

les synchroniser ? En fait, comme les observateurs vont noter des phénomènes se produisant à

différents endroits, il faut aussi se poser la question : comment mesurer le temps à un endroit

différent de O ou O’ ?

Pour cette deuxième question on peut, au moins par la pensée, disposer des horloges un peu partout

de façon à en avoir une à chaque endroit où l’on désire mesurer le temps. Il reste donc la question de

synchronisation des horloges. Voici une procédure possible (procédure d’Einstein, plusieurs

procédures sont possibles et elles sont équivalentes au prix, éventuellement, d’une redéfinition des

coordonnées).

Pour A, on dispose un ensemble d’horloges immobiles par rapport à A. C’est-à-dire que les

coordonnées x, y, z de chaque horloge ne varient pas au cours du temps. Ainsi, la distance

entre O et chaque horloge peut être mesurée en utilisant le repère et cette valeur ne change

pas.

A synchronise alors toutes ses horloges avec l’horloge H située en O. Pour ce faire, il envoie

des signaux entre les horloges en tenant compte du temps de propagation du signal entre

chaque horloge. S’il utilise la lumière, connaissant la distance entre les horloges et

connaissant la vitesse de la lumière, le temps de propagation est facile à calculer. Ainsi,

l’ensemble des horloges mesurera un temps t concordant dans l’ensemble du repère K.

B peut faire de même avec des horloges immobiles par rapport à O’ (donc différentes de

celles utilisées par A même si d’aventure elles peuvent se croiser) et il les synchronise par

rapport à son horloge H’ située en O’.

Pour pouvoir comparer les mesures effectuées par A et B, il reste à synchroniser les horloges

H et H’. La définition des repères ci-dessus en donne la clef. Au moment où O et O’ se

croisent, les horloges H et H’ sont situées au même endroit. On peut aisément les

synchroniser en réglant t = t’ = 0, puis A et B synchronisent les autres horloges comme

expliqué ci-dessus.

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Sans entrer dans les détails techniques, notons deux choses importantes :

Il entre dans les différentes relations en relativité, un facteur, appelé « facteur gamma » ( ) qui est environ égal à un pour des vitesses V faibles et qui diverge lorsque V tend vers c. La valeur de gamma ne diffère de un que pour des valeurs notables de V par rapport à la vitesse de la lumière. Ainsi, même à 100000 km/s, gamma vaut seulement 1.06.

En général, pour un événement donné E, on aura , même si l’on a synchronisé les

horloges.

Relation entre masse et énergie La relativité montre qu’il existe une relation entre l’énergie et la masse des objets. Pour un objet au repos, c’est-à-dire immobile dans le repère considéré, on a : Formule célèbre s’il en est. Pour un objet en mouvement, avec un facteur gamma donné, on a :

Cette énergie croît donc très vite. En fait, même pour un objet au repos, l’énergie propre donnée ci-dessus est très élevée, à cause du facteur (carré de la vitesse de la lumière, en mètres par seconde, il vaut 90000000000000000). Ainsi, l’énergie d’un électron au repos est de 512000 électronvolts, à comparer aux 13.6 de l’ionisation de l’hydrogène. Il existe dans la nature des particules appelée antimatière qui sont simplement les mêmes particules que celles que nous connaissons mais avec des charges opposés. Ainsi, l’antiélectron, ou positron, est exactement identique à l’électron mais avec une charge électrique positive.

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Lorsqu’une particule rencontre une antiparticule correspondante, elles s’annihilent en se transformant en photons. Par exemple, un électron et un positron s’annihilent (par exemple) en donnant deux photons de 512000 électronvolts, ce qui est considérable (rayons gammas).

Relativité générale La relativité générale est la généralisation de la relativité restreinte à tous les repères, mêmes

accélérés et pour des accélérations quelconques, y compris non uniformes.

Elle inclut les effets de la gravitation.

C’est une théorie assez vaste et difficile, autant d’un point de vue conceptuel que par ses outils

mathématiques. On ne fera que l’esquisser sans entrer dans le détail des déductions. Nous

présenterons juste ce qui permet de comprendre le statut de l’énergie en relativité générale.

De la relativité restreinte à la relativité générale Considérons un point, ou plus exactement un événement. On peut toujours construire un système de

coordonnées tel que dans le voisinage immédiat (autant spatial que temporel) de cet événement, la

relativité restreinte s’applique.

Mais cette propriété ne peut pas s’étendre partout. Il est impossible, en général, de trouver un

système de coordonnées tel que la relativité restreinte garderait sa forme en tout point.

Plus précisément, la géométrie de l’espace-temps n’est plus décrite par un espace de Minkowski où

les droites sont… droites ! L’espace-temps est courbe (pas l’espace tout seul, mais bien l’ensemble).

Comme peut l’être une surface :

Sauf qu’une surface est à deux dimensions (deux coordonnées suffisent pour repérer un point sur la

surface) tandis que l’on parle ici d’espaces à quatre dimensions (trois coordonnées spatiales et une

de temps). Il est clair qu’il est difficile de se représenter de tels objets que l’on appelle aussi des

variétés.

En chaque point de cette variété courbe on peut construire un espace-temps tangent (c’est la

généralisation d’une droite tangente à une courbe ou d’un plan tangent à une surface courbe). Cet

espace-temps tangent n’est autre que l’espace-temps de Minkowski.

Parlons plus physiquement. Le principe d’équivalence affirme que la masse inerte (celle de la loi

d’inertie de Newton) est égale à la masse pesante (celle de la loi sur la gravitation). Par conséquent

tous les corps tombent à la même vitesse (plus exactement avec la même accélération de

pesanteur), pour peu qu’ils soient suffisamment petits (pour avoir une gravité uniforme) et

suffisamment légers (pour ne pas eux-mêmes attirer la Terre !). Si l’on est dans un ascenseur qui en

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chute libre (le câble s’est rompu) alors on est en apesanteur (jusqu’au crash final en bas). Si on lâche

son stylo, celui-ci tombant à la même vitesse que nous et l’ascenseur, il va « flotter » à nos côté. Ce

type d’expérience est régulièrement mené avec des avions qui coupent leurs moteurs (vols

balistiques) pour y effectuer des expériences (courtes) en apesanteur ou pour l’entraînement des

astronautes (et même parfois pour filmer des acteurs en apesanteur pour un film).

C’est en utilisant ce type de raisonnement qu’Einstein a montré que le principe d’équivalence

impliquait qu’il y avait équivalence locale entre la gravité et un repère accéléré. Plus précisément, si

on attache un repère à cet objet en chute libre, il décrit localement un espace-temps de Minkowski,

comme expliqué plus haut.

De proche en proche on peut alors construire la variété complète de l’espace-temps, courbe en

général en présence d’une gravité non constante et uniforme.

On montre aisément que les trajectoires suivies par les objets en chute libre, c’est-à-dire sans force

appliquée sur l’objet (autre que la gravité), sont les géodésiques de la variété. Ces géodésiques sont

les généralisations des droites des espaces sans courbure. Les géodésiques sont le chemin le plus

court entre deux points (de l’espace-temps).

On peut l’illustrer dans un cas plus simple. Considérons une sphère :

On peut tracer sur cette sphère des grands cercles, appelés comme ça car ce sont les plus grands

cercles que l’on peut tracer sur la sphère. Chacun sépare la sphère en deux parties égales. Des

exemples sur Terre sont l’équateur ou les méridiens (mais pas les parallèles autres que l’équateur).

Les grands cercles sont les géodésiques de la sphère.

Il est facile de voir que sur une sphère, le chemin le plus court entre deux points est un arc de grand

cercle. C’est le chemin généralement suivi par les navires ou les avions sur de grandes distances (à

des écarts près liés aux vents, aux courants, aux frontières de pays à risque, à la préférence du vol au-

dessus des terres et le respect des couloirs aériens).

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Considérons maintenant un observateur de très petite taille placée sur la sphère et observant une

route. Par exemple une fourmi ou même un humain en général tant qu’il ne regarde pas trop loin

vers l’horizon. Le sol lui parait bien plat et la route bien droite. Mais si on prolonge la route, on finit

par faire le tour de la Terre et par tracer un grand cercle. Les géodésiques sont la généralisation

naturelle des droites à des espaces courbes.

La courbure de l’espace-temps La courbure de l’espace-temps est, comme nous l’avons dit, difficile à se représenter.

Nous, humains, qui sommes habitué à l’espace qui nous entoure et qui se représente avec une très

bonne approximation par un espace euclidien (l’espace habituel, sans courbure et avec la géométrie

que l’on apprend à l’école), nous avons tendance à nous représenter les variétés courbes comme

étant plongées dans l’espace ordinaire (ou tout espace avec plus de dimensions que la variété). Par

exemple, une courbe tracée sur une feuille, un ballon ou un cylindre posé sur la table devant nous.

Malheureusement, plonger une surface courbe dans un espace plus grand est trompeur, car ce qui

nous importe ici est la courbure intrinsèque et non la courbure extrinsèque. Voyons ça d’un peu plus

près.

Considérons une ligne droite graduée. Si on la tord, sans l’étirer ni la contracter, par exemple comme

avec une ficelle ou un mètre ruban, voici ce qu’on obtient :

La courbure ainsi obtenue de la ligne est une courbure extrinsèque. Elle est liée non pas à la ligne

elle-même mais à son parcourt dans l’espace où on l’a dessinée. Toute la structure de la ligne elle-

même, indépendamment du reste de l’espace, est donnée par les graduations tracées sur la ligne et

qui donnent, par exemple, la distance entre deux points en suivant la ligne. Cette distance est

indépendante de la manière d’enrouler la ligne. Une ligne n’a jamais de courbure intrinsèque, elle

est, de ce point de vue, équivalente à une droite.

Un bon moyen d’étudier la géométrie d’une surface est d’y tracer un triangle (dont les côtés sont des géodésiques). Nous avons tous appris à l’école que la somme des angles aux sommets du triangle est égale à 180°. Traçons un tel triangle à la surface d’une sphère.

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Ici nous avons tracé un triangle assez grand, obtenu par exemple avec l’équateur et deux méridiens à

90°. Les angles au sommet du triangle sont tous des angles droits et la somme des angles vaut 270°.

La différence avec 180° est appelée excès sphérique. Si l’on divise l’excès sphérique par la surface du

triangle, on obtient le rayon de courbure qui n’est autre que le rayon de la sphère. Si la courbure

n’est pas constante (forme irrégulière) on fait le calcul en prenant des triangles de plus en plus petits

pour obtenir la courbure en un point.

Il existe aussi le cas de la géométrie hyperbolique où la courbure est négative (typiquement, le col

d’une selle de cheval). Ici on dit que la sphère a une courbure intrinsèque liée à sa géométrie

sphérique.

Si l’on fait le même exercice avec la surface arrondie d’un cylindre, on constate que la somme des

angles d’un triangle fait toujours 180°. Donc le cylindre n’a pas de courbure intrinsèque ! Il a une

courbure extrinsèque et on peut voir qu’il est équivalent à un plan simplement en fendant le cylindre

(dans le sens de la longueur) et en le déroulant comme une feuille. Cette opération n’est pas

réalisable avec la sphère qui ne peut pas être aplatie sans être déformée ou déchirée en tout point.

En relativité générale, on parle de la courbure intrinsèque de la variété à quatre dimensions. C’est

évidemment difficile à visualiser. On peut et on doit faire abstraction d’un hypothétique espace

contenant la variété courbe.

A quatre dimensions, la situation est plus complexe et au lieu d’avoir une seule valeur pour la

courbure comme pour la sphère, il faut 20 valeurs de courbure. L’objet mathématique rassemblant

ces 20 paramètres est appelé tenseur de courbure de Riemann-Christoffel et on en déduit d’autres

objets mathématiques tel que le tenseur de Ricci ou la courbure scalaire (analogue au rayon de

courbure).

Les paramètres de la courbure peuvent être identifiées avec la déviation géodésique (le fait que deux

géodésiques qui se côtoient vont s’écarter progressivement) ou avec les forces de marrées.

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La forme exacte de la variété dépend de la distribution de matière et énergie à l’origine de la force

gravitationnelle. La relation est donnée par l’équation d’Einstein qui relie la courbure de l’espace-

temps à la densité de matière et d’énergie.

Selon la distribution de matière, on obtient des solutions différentes. Par exemple, pour une

distribution de matière concentrée et à symétrie sphérique, des solutions possibles sont la géométrie

de Schwartzchild (décrivant une variété décrite par une métrique de Schwartzchild, la métrique est la

description des relations entre coordonnées) ou la géométrie de Kerr.

Le champ gravitationnel autour du Soleil est assez proche de ce genre de solution.

V.3.2. Formation d’un trou noir

Effondrement gravitationnel Comme nous l’avons vu, lorsque de la matière fortement comprimée dépasse une certaine masse, plus aucune force n’est capable d’empêcher l’étoile de s’effondrer sous son propre poids. La matière s’effondre et donc le volume de cette masse diminue avec une augmentation de la gravité. L’effondrement étant inéluctable, la gravité augmente sans limite. Arrivé à un certain stade, la gravité devient tellement forte que plus rien ne peut s’échapper de l’étoile, même pas la lumière. Ce stade correspond à la formation de ce que l’on appelle l’horizon des événements. C’est la surface d’une sphère sous laquelle est passée toute la matière de l’étoile et telle qu’aucun signal, aucune particule, aucun rayonnement ne peut en sortir. On parle alors de trou noir et l’horizon constitue sa limite. La taille de l’horizon des événements est appelé rayon de Schwartzchild est il est strictement proportionnel à la masse de l’étoile. Notons que sous l’horizon, la matière continue de s’effondrer jusqu’à atteindre une taille infime. Lorsque la taille de l’étoile atteint des dimensions microscopiques, les lois physiques que nous connaissons ne sont plus valides. Il nous manque une théorie capable de traiter sur le même pied la gravitation et la physique quantique. De telles théories existent (théorie des cordes, gravitation quantique à boucles, géométries non commutatives,…) mais elles ne sont ni arrivées à maturité ni validées par l’expérience. Les lois connues (relativité générale, physique quantique) sont toutefois valides jusqu’à une très petite taille et il ne fait aucun doute que la matière se retrouve comprimée dans une zone minuscule, pesant des milliards de tonnes et portées à une température de milliards de degrés. Notons que le reste du trou noir, entre cet endroit et l’horizon, est alors essentiellement vide (hors matière pouvant continuer à tomber sur le trou noir). Cette zone centrale du trou noir est souvent appelée « singularité centrale » car la relativité générale prédit une telle singularité de taille nulle et où toutes les grandeurs physiques deviennent infinies. Mais on peut le considérer comme une idéalisation, une vue de l’esprit, au vu de ce que nous venons d’expliquer.

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Déformation de l’espace-temps Ce concept de corps retenant la lumière est assez ancien et il avait été imaginé par Laplace sous la dénomination de corps sombre. Le raisonnement utilisait la physique classique et l’idée newtonienne que la lumière était constituée de petits corpuscules se déplaçant à grande vitesse et obéissant aux lois de la balistique classique. On appelle vitesse d’évasion la vitesse à communiquer à un objet pour qu’il s’échappe à l’infini, c’est-à-dire pour qu’il échappe à l’attraction du corps massif sur lequel il se trouve. Sur Terre, la vitesse d’évasion est de 11 kilomètres par seconde. Si vous aviez assez de force pour lancer une pierre à cette vitesse (en négligeant les frottements de l’air), celle-ci serait éjectée dans l’espace et ne reviendrait pas. Laplace imagina que si un corps était suffisamment massif, la vitesse d’évasion pourrait atteindre 300000 kilomètres par seconde (vitesse de la lumière dans le vide). Dans ce cas, même la lumière finirait par retomber sur le corps. Toutefois, avec des gravités aussi intense, la physique classique ne peut plus s’appliquer. De plus, la lumière ne se comporte pas comme un objet obéissant aux lois de la physique classique. Elle n’est pas composée de petits corpuscules se comportant comme des billes. La relativité affirme (et l’expérience le confirme) que la lumière se propage toujours à la vitesse c dans le vide. Par conséquent, elle ne saurait pas retomber car pour cela il faudrait que sa vitesse diminue, s’arrête puis s’inverse. Dans des circonstances aussi extrêmes, la situation ne peut être décrite que par la relativité générale. Pour celle-ci, la gravité n’est pas une force mais la conséquence de la déformation de l’espace-temps par les corps massifs. Les objets suivants les géodésiques de cet espace-temps déformés, ils sont déviés par la présence de ces corps massifs. Un trou noir correspond à une déformation extrême de l’espace-temps. C’est la situation où l’espace-temps est tellement déformé qu’au niveau de l’horizon il n’existe que des trajectoires se dirigeant vers l’intérieur. Il n’existe tout simplement pas de trajectoires allant de l’intérieur vers l’extérieur. Il est faux de dire que la lumière quitte le trou noir puis retombe. En réalité, la lumière ne peut pas quitter le trou noir car il n’existe pas de trajectoire menant de l’intérieur vers l’extérieur. L’horizon introduit donc une coupure causale entre l’intérieur et l’extérieur du trou noir. Une affirmation telle que « Je suis à l’extérieur trou noir, je l’observe et pendant ce temps la matière s’effondre à l’intérieur », est totalement sans aucun sens. La difficulté est liée à la partie soulignée : il n’y a aucune base physique permettant de relier le temps qui s’écoule dans le trou noir avec celui qui s’écoule à l’extérieur. C’est difficile à imaginer. C’est lié au fait que dans la vie quotidienne nous sommes ancré dans la certitude d’un temps unique, global, battant le rythme de tous les phénomènes qui nous entourent. C’est lié au fait que mentalement nous nous représentons le trou noir comme un film de cinéma avec un seul temps qui s’écoule : celui du film. Malheureusement, la nature n’a pas eu la bonté de s’adapter à notre vision étriquée et adaptée seulement à notre environnement proche. Le temps ne peut se considérer que localement (dans le voisinage d’un événement, c’est une conséquence de la relativité générale) et que par rapport à un système de référence particulier (servant à attribuer des positions et des durées aux objets à l’aide de coordonnées et d’horloges, c’est une conséquence de la relativité restreinte).

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Dans le cas d’une situation telle qu’un trou noir, il ne faut jamais hésiter à se poser la question de « comment faire en pratique ». Si l’on parle d’une distance entre deux points, d’une simultanéité de deux événements … Il faut se demander comment le mesurer pratiquement, par quelle méthode, en utilisant quels instruments, objets et phénomènes physiques. L’environnement d’un trou noir est tellement exotique que l’intuition brute ne peut servir de guide. L’espace-temps déformé du trou noir est représenté par diverses géométries dont la plus simple est la géométrie de Schwartzchild. La représentation mentale de la géométrie de l’espace-temps est difficile. Et pour cause : non seulement il y a déformation de la géométrie (les droites ne sont plus des droites) mais en plus cela concerne un espace à quatre dimensions (l’espace ordinaire et le temps). Et dans le cas des trous noirs, la déformation implique le temps de manière essentielle. Par exemple, si la déformation n’impliquait que l’espace ordinaire et pas le temps, la notion de trajectoires à sens unique ne pourrait pas exister : pour toute trajectoire (dans l’espace) pénétrant dans le trou noir, il suffirait de considérer la même trajectoire mais parcourue dans l’autre sens. Ce n’est que parce que les trajectoires réelles ont un passé (le début de la trajectoire) et un futur et parce que l’on ne peut pas remonter le temps qu’une telle possibilité existe. A défaut de se représenter mentalement la géométrie de Schwartszchild dans tous ses détails et ses aspects, on peut au moins espérer avoir une description partielle qui pourrait se mettre sous forme graphique. C’est le cas et il existe même plusieurs représentations de ce type. La plus connue est aussi la moins bonne. Elle représente l’effet de la gravitation d’un corps comme le Soleil comme une masse déformant un espace « caoutchouteux » à deux dimensions et le trou noir comme un entonnoir se formant dans une telle surface. Une telle représentation est assez trompeuse pour plusieurs raisons :

Tout d’abord l’espace n’est pas à deux dimensions comme une feuille de caoutchouc mais à trois dimensions. C’est certainement le moins problématique car on n’est pas obligé de représenter toutes les dimensions.

La déformation « verticale » de la feuille ne correspond pas réellement à un déplacement spatial. Il est possible de définir rigoureusement une telle représentation, la position verticale représentant alors l’intensité de la gravité.

Mais le pire est que la déformation ne concerne que l’espace et pas le temps alors qu’il est un ingrédient essentiel des trous noirs.

Ce type de représentation a un seul avantage : elle donne une idée assez intuitive de ce que signifie « espace déformé ». Mais son utilité s’arrête là. Une meilleure représentation graphique est celle de Schwartschild. Son but n’est pas de montrer cette déformation mais de permettre de discuter, par exemple, des trajectoires prisent par les objets. Il existe d’autres représentations : Penrose, Kruskal-Szekeres, souvent plus puissantes et plus pratiques, mais elles nécessitent d’introduire et d’expliquer un certain nombres d’aspects techniques. Voici la représentation de Penrose d’un trou noir.

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Cette représentation est fort simple. C’est un schéma très… schématique ! On n’a que deux coordonnées : la distance au trou noir et le temps écoulé. Ce dernier est à prendre avec un grain de sel car il s’agit ici essentiellement d’un paramètre commode pour la représentation. Il manque deux coordonnées spatiales mais c’est déjà suffisant pour discuter de certaines propriétés). Ce diagramme est obtenu en déformant l’espace-temps de manière à le faire tenir entièrement dans le schéma (d’où les infinis indiqués) tout en conservant les angles (on parle de transformation conforme). Les trajectoires des objets sont des lignes se dirigeant vers le haut (du passé ver le futur) et avec un angle de 45° pour la lumière ou plus (plus verticales) pour des objets moins rapides, du bas vers le haut (du passé vers le futur). La singularité se trouve en r = 0. On remarque que l’horizon est ici représenté par une ligne oblique à 45 ° (on dit d’ailleurs que l’horizon est une surface de « type lumière »). Comme l’horizon a un diamètre bien précis (il ne grossit pas démesurément au cours du temps !), cette représentation illustre le caractère déformé de l’espace-temps (bien que ce ne soit ni flagrant à première vue, ni le but de cette représentation). On remarque à gauche une zone notée II. La géométrie de Schwartschild admet une symétrie qui sous sa forme « étendue maximale » contient un autre univers (le II) avec un pont les séparant (le pont Einstein-Rosen, qui dans ce cas-ci ne pourrait pas être franchit : il est sur la singularité, une zone assez brutale et c’est peu de le dire). Ce dédoublement de la géométrie ne doit pas être nécessairement vu comme une réalité physique, nous en rediscuterons à propos des « trous noirs réels », mais plutôt comme un artefact mathématique de la représentation. On voit aussi que toute trajectoire fini dans le trou noir (ou part vers l’infini) et qu’aucune ne permet de sortir du trou noir.

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Propriétés des trous noirs Nous reviendrons sur certaines propriétés. Nous en donnons ici simplement une liste avec quelques mots d’explication.

La lumière issue d’un point situé près de l’horizon (mais en dehors, évidemment) et se dirigeant vers l’extérieur est fortement décalée vers le rouge. C’est-à-dire que sa longueur d’onde est fortement étirée. Son énergie diminue en proportion. Ce phénomène est analogue à celui d’une pierre que l’on jette en l’air. Lorsque celle-ci s’élève, elle ralentit de plus en plus sous l’effet de la gravité. L’énergie cinétique de la pierre diminue. La lumière, elle, ne peut pas ralentir (elle se déplace toujours à la même vitesse dans le vide), mais elle perd aussi de l’énergie, tout comme la pierre, et cela se manifeste par un changement de longueur d’onde. Cet effet n’est pas hypothétique et est observable avec le Soleil et d’autres étoiles : le spectre correspondant aux éléments chimiques est très légèrement décalé vers le rouge. Bien entendu, l’effet est beaucoup plus faible qu’avec un trou noir. Pour un trou noir, l’effet est extrême et plus la source est proche de l’horizon plus le décalage est important. Il tend vers l’infini sur l’horizon.

Pourquoi le nom de « trou noir » ? Est-il bien représentatif de cet objet ? Oui, pour deux raisons.

o Toute matière ou lumière franchissant l’horizon suit un chemin de non-retour. Exactement comme si elle tombait dans un trou.

o On montre que lorsqu’une matière lumineuse tombe sur un trou noir, elle devient rapidement totalement invisible. Non seulement la lumière reçue est décalée vers le rouge, puis vers les ondes radios jusqu’au point d’avoir une trop grande longueur d’onde pour être captée, mais en plus l’énergie reçue diminue. Pour un objet tombant en chute libre, arrivé à une distance de l’horizon disons égale au diamètre du trou noir, l’extinction complète ne prend qu’une fraction de seconde.

Il en est de même de la matière de l’étoile qui s’effondre et forme le trou noir. Entre le moment ou la lumière émise commence à faiblir de manière notable et l’extinction complète, il ne s’écoule qu’une fraction de seconde.

Tout signal émis près de l’horizon subit en s’éloignant une dilatation du temps. Ainsi, un signal radio émettant des bips toutes les secondes, en s’approchant de l’horizon, serait capté au loin comme des bips espacés de plusieurs minutes, puis des heures, des années,… La dilatation tend vers l’infini sur l’horizon. Si l’on pouvait observer un voyageur tombant dans un trou noir (nonobstant l’extinction de la lumière qu’il pourrait émettre ou refléter), cette dilatation du temps donnerait l’impression que le voyageur se « fige », ne vieillit plus et ne franchit jamais l’horizon. Notons que ce phénomène est identique au décalage vers le rouge. L’augmentation de longueur d’onde est équivalente à une diminution de la fréquence (la longueur d’onde fois la fréquence est égale à la vitesse de l’onde qui est constante). Et une diminution de fréquence, c’est exactement cela une dilatation du temps. Un tel effet de dilatation du temps est constaté avec les signaux des satellites GPS (en altitude ils subissent une gravité plus faible, la dilatation agit dans le sens opposé) et elle doit être corrigée.

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Il y a aussi un phénomène de contraction des longueurs. Un observateur extérieur verrait le voyageur s’aplatir de plus en plus comme une crêpe en se collant à l’horizon. Notons qu’il s’agit d’un effet de perspective. Le voyageur n’est pas écrasé.

Les forces de marées peuvent être très importante près d’un trou noir. Les forces de marées sont dues au fait qu’à des distances différentes du corps massif, la gravité est différente. Ainsi, un homme posé à la surface de la Terre subit une gravité légèrement plus forte à ses pieds qu’à sa tête. Cette différence provoque un étirement. Cette force de marée est proportionnelle à la masse du corps attracteur et à la distance considérée (plus exactement, le cube de cette distance, la force croît donc rapidement avec la distance). Ainsi la force de marée exercée sur un être humain sur Terre est totalement négligeable. Par contre, les forces de marées provoquées par la Lune sur la Terre (la distance étant ici les points diamétralement opposés de la Terre, séparés de 12000 kilomètres), sont non négligeables et observables, surtout sur les masses fluides (les océans) qui se déplacent plus facilement que les roches terrestres. Les forces de marées sont beaucoup plus grande près d’un trou noir. Pour un trou noir supermassif, les forces de marées sont relativement faibles près de l’horizon (cela peut paraître paradoxal, mais cela est dû à leur grande taille et le fait que ces forces diminuent comme le cube de la distance). Par contre, les forces de marées près de l’horizon d’un trou noir de masse stellaire sont si grandes qu’un être humain serait étiré et déchiqueté en un instant. Ces forces de marées augmente au fur et à mesure que l’on s’approche tendant vers l’infini près du centre du trou noir (sans variation particulière lors du passage de l’horizon).

La surface de l’horizon est une grandeur caractéristique dépendant de la masse d’un trou noir. Puisque la matière peut entrer dans le trou noir mais pas en sortir, la masse du trou noir ne peut qu’augmenter. Par conséquent l’aire du trou noir ne peut aller qu’en augmentant. Cela constitue même un théorème en relativité générale classique (donc sans les effets quantiques qui peuvent changer la donne).

On démontre (c’est aussi un théorème de la relativité générale) est entièrement caractérisé par seulement trois paramètres.

o La masse du trou noir. o La charge électrique du trou noir. o La rotation du trou noir.

Deux trous noirs stationnaires (n’évoluant pas au cours du temps) ayant ces trois paramètres sont totalement identiques, rien ne permet de les distinguer. En somme les trous noirs n’ont pas la moindre irrégularité ou aspérité qui les distingueraient. On dit parfois que « les trous noirs n’ont pas de cheveux ». La rotation du trou noir peut paraître intrigante. Nous verrons qu’elle a des effets sur les objets du voisinage. Si toute la matière du trou noir est sous l’horizon, et si rien de ce qui est sous l’horizon ne peut influencer l’extérieur : qu’est-ce qui tourne ? La même remarque peut d’ailleurs être faites sur la gravité : comment peut-elle agir à l’extérieur ? Cette gravité et cette rotation est en fait imprimée dans le « champ gravitationnel », c’est-à-dire dans la déformation de l’espace-temps autour du trou noir. En cas de rotation, la déformation a une structure particulière avec une symétrie de rotation autour d’un axe.

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Ce qui provoque l’effet gravitationnel (et la rotation) n’est pas la matière sous l’horizon. C’est en fait le champ gravitationnel de l’étoile qui a formé le trou noir (et de toute matière tombant dedans après) ! Juste avant que la matière de l’étoile soit engloutie, c’est-à-dire juste avant apparition de l’horizon, le champ gravitationnel est identique à celui du trou noir. Mais rappelons-nous que la dilatation du temps est extrême. C’est exactement comme si ce champ gravitationnel était « gelé » en formant le trou noir.

Les trous noirs existent-ils ? Certains mettent parfois en doute l’existence des trous noirs. Plusieurs éléments tendent dans ce sens.

1) Nous l’avons dit plus haut, du point de vue extérieur, un voyageur qui s’approche d’un trou noir approche indéfiniment l’horizon, de plus en plus lentement, sans jamais le franchir. Il en est de même de la matière constituant l’étoile qui s’effondre. Lorsque l’on est tout prêt de voir l’horizon se former, pour un observateur extérieur, l’étoile voit son effondrement ralentir et l’horizon n’apparait jamais.

2) Vu que rien ne peut sortir de l’horizon, nous n’avons aucun moyen de savoir si la théorie modélise correctement un trou noir.

3) Nous ne connaissons peut-être pas toutes les forces de la nature. Certaines, plus grandes que celles des étoiles à neutrons, pourraient empêcher l’effondrement. Auquel cas on aurait juste une étoile plus dense mais pas de trou noir. L gravité serait telle que les effets de décalage vers le rouge et de dilatation du temps empêcherait de pouvoir les distinguer des trous noirs. Les tenants de ce genre d’idée les appellent des étoiles gelées.

Voyons ces arguments de plus près.

1) Pour le premier, on y reviendra dans la section suivante. 2) Le deuxième est exact. Mais est-ce si important ? Si l’intérieur échappe à toute observation,

en quoi le décrire est-il si important ? Il est vrai que la théorie le permet, et cette théorie est plausible, mais ce qui est réellement important c’est que la théorie prédise des observations extérieures conformes aux observations réelles.

3) Précisons tout d’abord que l’existence d’une force arrêtant l’effondrement doit se manifester avant la formation de l’horizon. Nous y reviendrons dans l’expérience de la corde. Une fois l’horizon formé, la matière sous l’horizon qui « essaierait » de rester immobile subirait des forces croissantes qui finissent par tout surpasser. Et puis, de toute façon, si l’horizon s’est formé, ça y est, on a notre trou noir. Si cette force se manifeste avant, alors, oui, c’est possible. Les étoiles étranges entrent un peu dans cette catégorie : elles serraient un peu plus denses et stables. Il peut exister diverses forces permettant l’existence d’états plus dense jusqu’à la limite de la formation de l’horizon. Mais toute force, aussi grande soit-elle, a une limite de masse où l’effondrement se poursuit. Si une étoile gelée se formait à une fraction de seconde avant l’apparition de l’horizon, alors jeter sur cette étoile un tout petit peu de matière provoquerait l’apparition de l’horizon et là, ce serait trop tard. A l’extrême opposé il y a le cas des trous noirs super massifs. Ceux-ci ont une densité moyenne relativement faible. Ils ne se sont probablement pas formés d’un seul coup mais en

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avalant de nombreuses étoiles ou en fusionnant avec d’autres trous noirs (ceux créés par la première génération d’étoiles particulièrement massive et de vie courte). Pour un corps de faible densité, pas de mystère : les forces sont parfaitement bien connues. Il ne faut pas s’attendre à des forces mystérieuses dans de la matière dont l’état se reproduit facilement dans n’importe quel laboratoire. Et pourtant, même là l’horizon peut se former. Une analogie va aider à comprendre. Supposons que l’on place des planètes côte à côte dans un grand volume. On les empile comme des œufs. La densité moyenne sera assez faible (un peu moins que celle d’une planète) et on peut imaginer qu’on les maintient en place avec des super fusées pour empêcher qu’elles s’écrasent les unes contre les autres. Pourtant à force d’en empiler, de plus en plus, à un moment donné l’horizon apparait : nous venons de créer un trou noir ! La courbure de l’espace-temps est assez faible auprès d’une planète et même de nombreuses planètes mises côte à côte. Mais tout se passe comme lorsque l’on prend un petit segment de courbe à peine marqué, presque droit. En empilant des milliers et des milliers de tels segments, on finit par construire un très grand cercle. De même ici, la courbure de l’espace-temps est faible, mais appliquez cette courbure dans un volume colossal et on finit par avoir la géométrie d’un trou noir. Et une fois fait, fini les super fusées, plus rien ne peut s’apposer à l’écrasement des planètes les unes sur les autres.

En conclusion, l’existence d’étoiles gelées n’est pas exclue, mais tout converge vers la possibilité d’existence des trous noirs. Leur formation serait même assez facile dans les conditions où on les observe. Soyons encore plus brutal. De toute façon on en observe et on les appelle trous noirs. De ce simple fait ils existent ! Peut-être que nos modèles sont imparfaits ? Peut-être qu’ils ne décrivent pas bien ces objets astronomiques que nous appelons trous noirs ? Eh bien, on améliorera nous modèles au fur et à mesure qu’on en saura plus. C’est d’ailleurs vrai de tous les modèles et de toutes les représentations que nous nous faisons des corps célestes. Les modèles décrivant le Soleil ne sont pas ceux d’il y a cinquante ans. Même les modèles de notre bonne vieille planète ont changé : au Moyen-âge on pensait qu’il était impossible de vivre de l’autre côté du globe car on y avait la tête en bas ! Ce n’est pas parce que notre vision s’améliore au cours du temps que les objets cessent d’exister. Ce n’est plus la Terre du Moyen-âge mais c’est toujours la Terre. Ce n’est peut-être pas les trous noirs que nous imaginons mais ce sera encore des trous noirs même quand nous en saurons plus. Affirmer que les modèles sont imparfaits est une évidence mais affirmer que les trous noirs n’existent pas s’appelle rechercher la petite bête ou bien chercher des cheveux sur la tête d’un (trou noir) chauve.

V.3.3. Approcher d’un trou noir

Approche du trou noir Considérons ce qui se passe maintenant pour un voyageur approchant d’un trou noir. Le principe de correspondance affirme que dans un petit voisinage du voyageur, la relativité restreinte s’applique. Plus précisément il existe un repère ou dans son voisinage tout se comporte

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comme s’il n’y avait pas de gravité : le voyageur est en apesanteur. C’est le cas du voyageur en chute libre. Sa vitesse augmente au fur et à mesure qu’il approche de l’horizon. Il subit une importante dilatation du temps et un décalage vers le rouge. Mais lui ne constate rien de spécial. C’est plus loin que tout change : tout signal qu’il émet doit remonter le « puits de potentiel » gravitationnel ce qui lui fait perdre de l’énergie, le décale vers le rouge et ralentit la fréquence du signal. Mais le phénomène a lieu aussi dans l’autre sens. S’il regarde vers l’extérieur, il va voir que le temps dans le reste de l’univers semble se dérouler beaucoup plus vite. La lumière qu’il reçoit de l’extérieur est de plus en plus décalée vers le bleu et de plus en plus énergétique. Il risque tout simplement d’être grillé ! Si sa vitesse de chute est très importante, cela atténue quelque peu cet effet à cause de l’effet Doppler. Mais si localement autour de lui la physique sans gravité s’applique, cela n’est vrai que dans un voisinage théoriquement infinitésimal. Le voyageur n’est pas ponctuel, il a une certaine taille et il faut prendre en compte le fait que la gravité varie d’un point à l’autre. Ce n’est rien d’autre que les forces de marées. Pour un trou noir super massif, ces forces sont raisonnables (près de l’horizon), mais pour un trou noir stellaire, ces forces sont telles que le voyageur serait déchiqueté. Pour résister aux forces de marées aux abords d’un trou noir stellaire il faudrait disposer d’une capsule d’une très grande résistance. Mais cela ne permettrait pas pour autant l‘envoi d’un voyageur humain car si la capsule résiste, lui continue a être soumis aux forces de marées dans sa capsule et cela peut le tuer même si la capsule reste intacte. Le voyageur peut aussi souhaiter s’approcher de l’horizon mais sans le franchir, afin de pouvoir rentrer chez lui ! Pour cela il équipe sa capsule de fusées très puissantes de façon à effectuer un vol stationnaire près de l’horizon. La puissance de ces fusées est d’autant plus grande que la gravité augmente. Près de l’horizon il faudrait employer des fusées d’une puissance incommensurable. La puissance nécessaire tend vers l’infini lorsque l’on tend vers l’horizon, ce qui est compatible avec le fait qu’une fois franchit il devient impossible de faire demi-tour. Mais même en effectuant un vol stationnaire, les forces de marées sont toujours là. Le voyageur pourrait choisir un trou noir super massif afin d’effectuer sa petite promenade au raz de l’horizon sans risquer d’être déchiqueté. Malheureusement, il y a un autre effet. Puisque le voyageur est stationnaire au-dessus du trou noir, il en ressent la gravité (tout comme un être humain immobile au sol ressent la gravité terrestre). En relativité générale, le point de vue est légèrement différent : on considère que la gravité n’est pas une force et que l’usage des fusées provoque une accélération extrêmement importante et c’est ce que ressent le voyageur. En pratique, ça revient au même. Cela signifie que s’il s’approche près d’un horizon de trou noir, le voyageur a un choix cornélien à faire : ou bien il se laisse tomber en chute libre, définitivement, ou il allume ses fusées pour rester immobile (ou s’éloigner) et il est écrasé comme une crêpe sur le plancher de sa capsule. Voyager vers un trou noir est décidément bien périlleux.

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Point de vue extérieur Pour un observateur éloigné du trou noir, la situation est différente. A cause de la dilatation du temps, comme nous l’avons dit, il voit le voyageur se rapprocher de plus en plus lentement de l’horizon. Donc, pour cet observateur, la vitesse du voyageur diminue de plus en plus, le temps d’approche de l’horizon est infini et le voyageur ne franchit jamais l’horizon.

Point de vue du voyageur Alors que nous l’avons vu : pour le voyageur, sa vitesse en chute libre augmente constamment et il franchit l’horizon. Voilà des conclusions opposées qui semblent contradictoires. Y aurait-il un paradoxe ?

Il n’y a pas de paradoxe En réalité il n’y a pas de paradoxe. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, n’oublions pas que la lumière émise par le voyageur diminue rapidement d’un point de vue extérieur. Le décalage vers le rouge et la diminution d’énergie de la lumière émise rend très vite le voyageur totalement invisible. Mais ce type de raisonnement s’apparente à cacher la poussière sous le tapis. Fermer les yeux n’a jamais fait disparaitre le monde et le paradoxe semble subsister. La solution est plus subtile et liée à la courbure de l’espace-temps. En relativité générale, il est difficile de définir une notion globale du temps. C’est déjà un problème en relativité restreinte, ça l’est encore plus en relativité générale où le temps écoulé entre deux points dépend du chemin emprunté pour le calculer, la courbure de l’espace-temps influençant le temps de manière différente selon les endroits traversés. L’observateur n’a pas réellement accès au temps du voyageur « à l’instant » où il le regarde. Tout ce qu’il peut détecter c’est son image et en tirer des conclusions. Cette difficulté est criante dans le cas d’un trou noir puisque l’on a une coupure causale entre l’intérieur et l’extérieur. Comment l’observateur pourrait-il suivre du regard le voyageur passer sous l’horizon alors que rien ne peut en sortir ? Tout ce qui est accessible physiquement à l’observateur est la période du voyageur entre le début de son voyage et le moment où il franchit l’horizon. Il est donc assez logique qu’il le voie ralentir et doive attendre un temps infini pour atteindre l’horizon. Pour le voyageur, a contrario, il voit l’extérieur se dérouler de plus en plus vite jusqu’à ce qu’un temps extérieur infini semble s’être écoulé juste au moment où il franchit l’horizon. Tout est donc cohérent. Un autre élément est à prendre en compte. Il semble que du point de vue extérieur le voyageur ne franchisse pas réellement l’horizon et il en est de même de la matière de l’étoile qui s’effondre pour former le trou noir. Tout ce que l’on aurait c’est une boule de matière noire, complètement figée par la dilatation du temps, à un instant infime près de former un horizon mais sans jamais y arriver.

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Mais ce n’est qu’une apparence à cause de la dilatation du temps extrême reliée au décalage vers le rouge subit par la lumière s’éloignant du trou noir. On peut le constater comme suit. Tant qu’un voyageur n’a pas franchi l’horizon, on peut toujours se dire qu’on peut le rattraper (en tombant plus vite que lui, en utilisant une fusée), le prendre par la main et le ramener. Effectivement, au début, c’est possible. Mais on calcule aisément (si la vitesse de chute libre était constante, le calcul est même élémentaire) qu’il y a un stade critique où il n’est plus possible de le rattraper. Même en fonçant à la vitesse de la lumière, on arriverait trop tard et on franchirait l’horizon après lui. Cette impression que le voyageur reste immobile indéfiniment au bord de l’horizon est donc bien trompeuse. Cela fait tomber le premier argument contre les trous noirs qui avait été donné.

Orbites Au lieu de plonger dans le trou noir ou de se maintenir stationnaire, le voyageur peut aussi souhaiter rester en orbite. Dans ce cas il échappe non seulement à l’accélération nécessaire pour rester stationnaire mais il évite aussi de tomber dans le trou noir. Notons que ces orbites peuvent être stables ou instables. Dans ce dernier cas, à la moindre perturbation, le corps en orbite plonge dans le trou noir ou s’en éloigne définitivement. Une telle trajectoire pourrait être utile puisque l’on peut s’éloigner du trou noir facilement, mais il faut alors corriger constamment la trajectoire pour rester sur l’orbite instable. Il existe malgré tout une limite située à une distance de l’horizon égale au rayon du trou noir. C’est la « dernière orbite des photons » ou d’un rayon lumineux. Pour rester sur cette orbite, il faut se déplacer à 300000 kilomètres par seconde ! Toutefois cette orbite est instable. La première orbite stable se trouve à une distance de l’horizon égale au double du rayon du trou noir. On ne peut donc pas être aussi près que l’on veut du trou noir. Ce qui peut être un avantage si on veut éviter de se faire pulvériser par les forces de marée. En dessous de la dernière orbite stable, il est toujours possible de rester en orbite mais il faut alors utiliser une fusée pour garder l’altitude constante. Notons un phénomène étonnant. Lorsque l’on est loin du trou noir, la force centrifuge se comporte comme d’habitude. Un corps en rotation autour du trou noir subit une force centrifuge qui tend à l’éloigner du trou noir. Avec une vitesse bien précise, cette force centrifuge compense l’attraction gravitationnelle. C’est d’ailleurs le principe des satellites. Mais si on se rapproche du trou noir, quelque chose d’étrange se produit. La force centrifuge n’obéit plus aux lois de la mécanique classique et elle tend à diminuer. Sur la dernière orbite des photons, cette force centrifuge est nulle. Plus bas encore, la force centrifuge s’inverse. Lorsqu’un corps tourne en orbite (en se maintenant avec une fusée), la force centrifuge tend à l’attirer vers le trou noir. Et plus le corps tournera vite, plus la force sera grande. Pour se maintenir en orbite il faut donc une fusée plus puissante que si l’on

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désirait simplement rester immobile ! Voilà qui n’améliorerait pas le problème de l’accélération destructrice.

Tunnel autour d’un trou noir Un tel comportement semble étrange. Mais il est simplement lié à la courbure de l’espace-temps et on peut le voir assez simplement comme suit. Construisons un tunnel circulaire entourant le trou noir.

On va supposer que le voyageur est dans ce tunnel et que les parois sont opaque. Tout ce qu’il peut voir est l’intérieur du tunnel. Supposons d’abord que ce tunnel est loin du trou noir. Dans ce cas, tout est normal. Le voyageur constate que le tunnel s’incurve dans la direction du trou noir. Et s’il se déplace rapidement dans le tunnel, il va subir une force centrifuge qui va le pousser vers la paroi extérieure. C’est exactement ce qui se passe lorsque l’on est assis dans une voiture qui roule rapidement et qui tourne : on est poussé vers la portière du côté opposé à la courbure de la trajectoire. Supposons maintenant que l’on a construit le tunnel exactement sur la dernière trajectoire des photons. Dans ce cas, tout rayon lumineux se propageant dans le tunnel va suivre le même chemin que le tunnel. Le rayon va pouvoir faire le tour complet sans heurter les parois. Dans ce cas, le voyageur va avoir l’impression que le tunnel est totalement rectiligne ! S’il a une bonne vue, les rayons faisant le tour, en regardant loin dans le tunnel il va même voir son propre dos ! Dans cette circonstance, lorsque le voyageur se déplace rapidement, il ne ressent aucune force centrifuge. Rapprochons encore le tunnel. Dans ce cas, les rayons lumineux lancés dans le sens du tunnel vont se précipiter immédiatement en direction du trou noir. Donc, au lieu de heurter la paroi extérieure du tunnel (dû au fait que le tunnel s’incurve) il va heurter la paroi intérieure (côté trou noir) car c’est le rayon lumineux qui s’incurve encore plus que le tunnel. Optiquement, le voyageur va avoir l’impression que le tunnel s’incurve dans l’autre sens. Pour lui, le centre de la boucle formée par le tunnel est située du côté opposé au trou noir ! Voilà un jeu d’optique encore plus extraordinaire que les jeux des palais des glaces. S’il se déplace, la force centrifuge est dirigée cette fois vers le trou noir. Mais comme il voit le tunnel incurvé dans l’autre sens, pour le voyageur, la force centrifuge le pousse vers ce qu’il voit être la paroi extérieur du tunnel.

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Tout ceci est en parfait accord avec le principe d’équivalence. Localement, dans son voisinage immédiat, le voyageur ne peut pas dire s’il est soumis à une force de gravité ou à une simple accélération. Localement les lois classiques (en fait la relativité restreinte) s’appliquent parfaitement. Ainsi, dans un tunnel aux parois opaques, il ne peut pas savoir où se situe le trou noir. Tout ce qu’il peut mesurer est localement dans le tunnel. Et il constate dans tous les cas que la force centrifuge, lorsqu’il se déplace dans le tunnel, le pousse vers ce qu’il considère comme la paroi extérieure du tunnel. Dans le cas où le tunnel lui paraît rectiligne, il ne perçoit aucune force centrifuge. Ce comportement étrange de la force centrifuge est donc simplement une conséquence de la courbure de l’espace-temps et du principe d’équivalence.

V.3.4. Passer l’horizon

Passer l’horizon Continuons notre voyage. Le voyageur tombant dans le trou noir décide donc de franchir l’horizon. Que se passe-t-il de particulier à ce moment-là ? La réponse est simple : rien ! L’horizon est un lieu géométrique, par une barrière matérielle. Toute la matière qui constituait l’étoile en effondrement a déjà passé l’horizon et est tombée au centre. De plus, il faut appliquer le principe d’équivalence. En chute libre, le voyageur est en apesanteur et dans son voisinage immédiat, les lois de la physique sont décrites par la relativité restreinte, sans usage de la gravité. Rien de particulier ne se produit au niveau de l’horizon. Certaines formulations de la géométrie du trou noir, en particulier la métrique de Schwartzchild, donnent une singularité au niveau de l’horizon. Mais c’est un artefact mathématique dû à un choix malheureux de coordonnées. Le calcul montre que tous les paramètres physiques, tel que la courbure, varient progressivement sans discontinuité au passage de l’horizon. Il en est ainsi des forces de marée. Elles sont peut-être destructrices même hors du trou noir, ou pas, il n’empêche qu’elles n’augmentent pas brusquement au passage de l’horizon. Elles augmentent progressivement jusqu’au centre où là elles divergent pour tendre vers l’infini. Cela signifie que si le voyageur est enfermé dans une capsule et ne peut pas voir ce qui se passe dehors, il sera dans l’incapacité totale de constater le passage de l’horizon. Cela peut être ennuyant s’il désire freiner avant de rentrer dans le trou noir. Il risque bien de freiner trop tard et de rentrer dans le trou noir sans même s’en rendre compte !

Plongée vers le centre Une fois passé l’horizon, le voyageur plonge vers le centre de manière inéluctable, sans pouvoir faire demi-tour. Voci quelques propriétés de cet étrange et définitif voyage.

Les forces de marées augmente jusqu’au centre où tout est pulvérisé, écrabouillé,... Le temps vécu par le voyageur pendant cette chute à l’intérieur est fini. Il ne dure que

quelques millisecondes pour un trou noir stellaire et quelques heures pour un trou noir super massif (ce qui donne le temps de se dire qu’on est condamné).

Toute tentative pour ralentir (utiliser des fusées, essayer de descendre en spirale pour allonger le chemin) est sans espoir et a même l’effet inverse (temps d’arrivée au centre plus court). Toute est étrange avec les trous noirs.

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Descente le long d’une corde Supposons que deux voyageurs descendent près du trou noir. L’un d’entre eux reste stationnaire juste au-dessus de l’horizon grâce à des fusées très puissantes. Il attache son compagnon avec une corde et celui-ci descend dans le trou noir. On peut espérer ainsi qu’à l’aide de la corde, celui resté à l’extérieur pourra ramener son compagnon simplement en tirant sur la corde. Mais c’est peine perdue car les deux voyageurs suivent des trajectoires telles qu’ils s’éloignent inexorablement, quoi qu’ils fassent (les trajectoires dans le trou noir mènent toutes vers la singularité). La corde est donc soumise à une force de traction croissant sans limite. A un moment donné, il faut bien se résoudre soit à lâcher la corde, soit à la voir se briser, soit à ce que les deux plongent ensemble dans le trou noir.

Envoi d’un rayon lumineux vers l’arrière Considérons un voyageur qui tombe dans le trou noir. Il envoie alors un rayon lumineux vers l’arrière. Le principe de correspondance est clair. Par rapport à lui, le rayon lumineux va vers l’arrière à la vitesse c (300000 km/s), plus vite que lui. Cela voudrait-il dire que le rayon va sortir ? Non, rien n’est aussi simple dans un trou noir.

Dans ce diagramme de Penrose, nous avons utilisé une vitesse du voyageur constante par simplicité. Les lignes « smimultané » indiquent les points à temps donné tel que mesuré dans le référentiel du voyageur. Il voir effectivement le rayon lumineux s’éloigner à la vitesse c et il atteint le premier la singularité. Malgré-tout, on voit que le rayon plonge lui aussi vers la singularité qu’il atteint plus tard (rappelons-nous : si on essaie d’aller moins vite, on atteint la singularité plus rapidement). La courbure extrême conduit à des situations fortement non intuitives !

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V.3.5. Trous noirs en rotations

Description d’un trou noir en rotation Revenons au cas ‘un trou noir ayant une rotation. C’est le cas le plus fréquent car les étoiles sont en rotation. En s’effondrant, le cœur de l’étoile voit son accélération augmenter et devenir très importante, comme pour les étoiles à neutrons. La géométrie de l’espace-temps dans ce cas est donnée par la géométrie de Kerr. L’espace-temps a alors une structure assez particulière (« rotation gelée ») assez difficile à représenter car ici on ne peut pas faire l’impasse sur les autres directions spatiales.

Tout objet tombant en chute libre radialement va subir une dérive en s’approchant du trou noir. Cette dérive se produit dans le sens de la rotation. L’objet est entrainé par la rotation du trou noir. On peut compenser cette rotation en s’équipant de fusée de manière à s’approcher en ligne droite. Mais cette compensation a ses limites. Il existe autour du trou noir une zone appelée ergosphère où la rotation devient inéluctable. Notons que cette zone est en dehors du trou noir. Un voyageur pénétrant dans cette zone a encore la possibilité de faire demi-tour. Par contre, même avec des fusées superpuissantes il ne pourra pas lutter contre la dérive et sera entrainer en rotation autour du trou noir. S’il continue à descendre vers le trou noir il ne pourra que le faire en spirale, comme dans cette vue du « dessus » du trou noir.

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Dans cette zone, même les rayons lumineux ne peuvent aller à contre-sens. La frontière de l’ergosphère est aussi appelée limite statique.

Récupérer de l’énergie d’un trou noir Il est possible de récupérer de l’énergie d’un trou noir en rotation. Imaginons la situation suivante.

Un voyageur de masse M transporte un objet de masse m. Il plonge vers le trou noir, traverse l’ergosphère, fait le tour puis ressort vers l’extérieur. Arrivé près du trou noir, il largue l’objet et le laisse tomber dans le trou noir. Le voyageur a perdu définitivement cet objet. L’énergie totale cédée au trou noir est égale à mc². Mais le calcul montre que le voyageur de masse M en ressort avec une vitesse plus grande qu’il n’était entré et que l’énergie cinétique gagnée est supérieure à mc².

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Le trou noir gagne un peu de masse (m) mais sa rotation diminue un peu. Le calcul montre que l’énergie qu’il est possible de récupérer est considérable. Cela peut sembler paradoxal. Comment peut-on puiser de l’énergie dans un trou noir alors que rien ne peut en sortir ? En fait, l’énergie récupérée vient du champ gravitationnel « en rotation » gelé. C’est cette énergie que l’on pompe et qui ralentit la rotation du trou noir. Cette récupération a une limite. Elle est atteinte lorsque le trou noir cesse de tourner. Il devient alors un trou noir de Schwartzchild. Dyson avait ainsi imaginer une civilisation extrêmement avancée ayant construit une gigantesque sphère avec un trou noir en rotation en son centre. La civilisation située à la surface jetterait ses déchets dans le trou noir et récupérerait l’énergie considérable dont elle a besoin.

V.3.6. Evaporation des trous noirs Les explications que nous venons de donner sont entièrement basée sur la physique classique, en particulier la relativité générale. Si l’on adjoint les effets de la physique quantique, des choses étranges peuvent se produire et certaines propriétés des trous noirs en sont affectées.

Fluctuations du vide Commençons par décrire une propriété de la physique quantique appliquée aux particules. La physique quantique affirme qu’il est impossible de déterminer avec une précision arbitraire la position et la vitesse d’une particule. Cela s’appelle le principe d’indétermination de Heisenberg. Si l’on note l’incertitude sur la position et l’incertitude sur la vitesse, alors on doit toujours avoir :

C’est-à-dire que le produit des deux incertitudes est supérieur ou égal à une certaine quantité. Cela signifie que si la position est très précise, alors la vitesse doit être totalement incertaine et vice versa. On ne peut pas avoir des incertitudes arbitrairement petites. La valeur m ci-dessus est la masse de la particule et h est une constante appelée constante de Planck. Cette un constante ayant une très petite valeur. Cela veut dire que les incertitudes peuvent être très petites même si elles ne peuvent pas s’annuler. Donc, à grande échelle ou pour des masses m élevées, ces incertitudes sont totalement négligeables. Par contre pour de très petites masses (les électrons par exemple) et à très petite échelle, ces incertitudes deviennent importantes. Elles jouent un rôle majeur dans les propriétés des atomes. Notons que ces incertitudes ne sont pas dues à un problème de connaissance. Les particules ne sont pas à des positions précises mais inconnues. Leur position est réellement indéterminée. A ce titre elles sont d’ailleurs plus proches des ondes que des corpuscules. Une conséquence importante de ce principe est que cela signifie qu’une particule ne peut pas être immobile à un endroit précis car dans ce cas les incertitudes seraient nulles.

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Cette relation s’applique à d’autres variables. Par exemple au temps et à l’énergie. Ce principe implique alors que si l’on considère un processus de durée très courte, l’énergie devient imprécise. A nouveau, c’est à l’échelle microscopique que ce phénomène se manifeste. Considérons le champ électromagnétique (une forme générale des ondes électromagnétiques) ou le champ de Dirac des électrons (l’équivalent du champ électromagnétique pour des électrons). Alors ce principe implique que sur de très courtes durées, l’énergie du champ est extrêmement imprécise ce qui peut se traduire par l’apparition de particules (selon la loi E = mc²) qui disparaissent aussi tôt. Ce sont les fluctuations du vide. Cet effet n’est pas qu’une vue de l’esprit. Par exemple, on peut calculer les variations de ces fluctuations en présence de plaques métalliques. On trouve alors que même dans le vide et sans source de courant ou de magnétisme, ces plaques vont subir une force qui les attirent l’une vers l’autre. C’est l’effet Casimir qui, bien qu’extrêmement faible, a pu être mesuré.

Fluctuations au bord d’un trou noir Mais que se passe-t-il si ces fluctuations se produisent au bord d’un trou noir ?

Les fluctuations consistent en paires de particules (par exemple deux photons, les particules associées aux ondes électromagnétiques) qui apparaissent et disparaissent très vite. Mais près de l’horizon, tout change. Une des particules peut être absorbée par le trou noir et une fois l’horizon franchit, plus de retour en arrière possible, l’autre particule peut éventuellement s’évader si elle a assez d’énergie (énergie qu’elle va perdre en grande partie en s’éloignant à cause du décalage vers le rouge). Le calcul, effectué la première fois par Stephen Hawking, montre que la particule absorbée a une énergie négative tandis que celle qui s’éloigne a une énergie positive (ce qui garantit la conservation

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de l’énergie). La particule d’énergie négative va faire diminuer légèrement la masse du trou noir tandis que l’autre va se comporter comme un rayonnement émis par le trou noir. Les travaux sur le sujet ont montré qu’il existait un lien remarquable (bien qu’encore mal compris) entre ce phénomène et la thermodynamique. Tout se passe comme si le trou noir était un corps noir ayant une certaine température et rayonnant comme le fait tout corps noir. La température augmente si la taille du trou noir diminue. La relation calculée est :

Avec la masse donnée en grammes. Pour un trou noir de la masse du Soleil, cela fait 0.00000006 degrés au-dessus du zéro absolu (à -273 degrés). C’est vraiment très peu ! Un tel trou noir émet donc un rayonnement extrêmement faible, essentiellement dans le domaine des ondes radios, totalement indétectable avec nos moyens. S’il existait des trous noirs de un seul gramme, leur température serait par contre d’environ cent millions de milliards de milliards de degrés : là, à l’inverse, c’est extrêmement chaud !

Fin d’un trou noir Nous voici arrivé à la fin de la vie des plus grosses étoiles. L’univers étant en expansion, les galaxies s’éloignent les unes des autres. Dans des milliards et des milliards d’années, il sera surtout remplit de vide ! D’autant que à cette époque tout le gaz aura été consommé dans des étoiles totalement éteintes depuis. Arrivé à ce stade, un trou noir ne peut plus grossir. Il ne peut que rayonner et voir sa masse diminuer progressivement. Pour des trous noirs stellaires ou super massifs, la température est si basse, que cela peut durer des milliards de milliards d’années. Ce n’est qu’arrivé vers la fin, quand le trou noir est devenu suffisamment petit, qu’il voit sa température augmenter fortement et son rayonnement s’accélérer. Le trou noir disparait alors rapidement dans une dernière bouffée de rayons gammas. Notons que ce destin final est encore incertain car lorsque le trou noir devient minuscule, les outils théoriques à notre disposition perdent de leur validité. Cela s’appelle la « limite de Planck ».

V.3.7. Trous noirs réels Les trous noirs réels ont quelques aspects particuliers non décrit jusqu’ici.

Géométrie en cas d’effondrement stellaire La géométrie de Schwartzchild que nous avons présenté représente un trou noir dit « éternel », c’est-à-dire existant de tout temps. Il est évident que les trous noirs réels ne sont pas comme ça. Ils résultent de l’effondrement d’une étoile et au début ils ne sont pas des trous noirs. Ils le deviennent seulement après. Cela ne change heureusement pas beaucoup la description qui en a été faite. Une fois l’horizon formé, l’extérieur est exactement comme nous l’avons décrit. Quant à l’intérieur, juste après l’apparition de l’horizon, la géométrie est plus classique. Elle est décrite par une géométrie dite de

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Friedmann (typiquement le genre de géométrique qui décrit l’univers lorsqu’on le considère homogène et isotrope, donc quelque chose d’assez familier) ou une géométrie proche (tout dépend de l’équation d’état de la matière en effondrement). Mais rapidement, la matière s’effondrant vers le centre, la géométrie intérieure devient semblable à celle que nous avons décrite. Toutefois, dans ce type de solution, il n’y a pas la zone II dont nous avons parlé, pas de pont d’Einstein-Rosen cher aux auteurs de science-fiction. Il n’y a pas de tunnel vers un autre univers, pas de trou de ver. De même, on n’a jamais observé de mini trous noirs tels qu’ils pourraient résulter de la naissance de l’univers dans certaines théories. Dans l’univers actuel, il n’existe pas de mécanisme connu de formation de mini trou noir ou de trou de ver. Mais après tout, on ne sait pas tout et on n’a pas tout vu. Gardons l‘esprit ouvert et surveillons attentivement ce que les étoiles nous réservent comme surprises.

Disque d’accrétion Les trous noirs ne sont pas isolés dans l’univers. Ils font partie de Galaxies où se trouvent des étoiles et des nuages de gaz. Il est donc fréquent que de la matière tombe dans un trou noir. Le trou noir étant en rotation, la matière tombe dans le trou noir en prenant la forme d’un disque appelé disque d’accrétion.

La matière s’entasse dans le disque à la limite de la dernière orbite stable. Dès que la matière dépasse cette orbite, elle tombe dans le trou noir. Les différentes parties du disque tournent à des vitesses différentes, cela entraine des frottements provocant une élévation importante de la température. Celle-ci peut atteindre des millions de degrés. Le disque et la matière qui chute sont donc le siège d’une importante émission de rayons X et gammas.

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Le trou noir présente également des jets. Ceux-ci sont émis au niveau des pôles. Et sont très puissants. Ils sont constitués d’une partie de la matière du disque qui s’est déplacée vers le nord ou le sud du trou noir suite à des instabilités. Les champs magnétiques jouent aussi un rôle important dans la structure de ces jets qui sont par ailleurs fort difficiles à analyser vu la complexité du phénomène.

Trous noirs observés Deux types de trous noirs sont observés dans les galaxies. Les trous noirs stellaires, dispersés au sein des galaxies, et les trous noirs super massifs qui se situent au centre de semble-t-il presque toutes les galaxies. Celui de notre galaxie atteint une centaine de millions de masses solaires, mais certains peuvent faire plus de dix milliards de masses solaires. Les trous noirs peuvent être observés car ils sont trahis par trois phénomènes.

Les jets sont observés avec des trous noirs stellaires aspirant l’étoile d’une étoile compagnon ou avec les trous noirs super massifs des galaxies dites actives. Dans les galaxies actives le trou noir central absorbe de grandes quantités de matière (nuages de gaz, étoiles) situés dans leur voisinage. Une fois que le trou noir a fait le vide autour de lui, il se calme et de vient beaucoup moins actifs (mais manifeste toujours une certaine activité, juste beaucoup moins violente). C’est le cas du trou noir central de notre galaxie qui est assez calme. C’est aussi le cas des galaxies elliptiques qui sont très pauvres en gaz. Le cas typique des galaxies actives sont les quasars, des galaxies extrêmement actives ayant existé pendant une période relativement précoce de l’univers où les galaxies venaient de se former avec un trou noir massif en leur centre. La jeunesse de ces galaxies signifiait de très grande quantité de gaz disponibles et susceptible d’alimenter le trou noir en gaz ou en jeunes étoiles.

Si l’on peut observer le mouvement des étoiles près du trou noir, leurs mouvements ou leurs orbites trahissent la présence du trou noir. C’est le cas du trou noir central de notre galaxie où ces mouvements sont aisément observables ce qui a permis d’estimer avec précision la masse de notre trou noir central.

Le rayonnement X et gamma émis par le disque d’accrétion et par la matière engloutie est extrêmement puissant et très caractéristique. Les variations rapides de ces rayonnements donnent de surcroît des informations sur la taille de la zone émettant le rayonnement. En effet, si la variation est rapide cela signifie que les différentes parties de cette zone ont pu se synchroniser ce qui ne peut se faire que par échange d’informations (de nature quelconque) à une vitesse inférieure ou égale à la vitesse de la lumière. Plus la variation est brusque et plus la zone est petite.

Il nous manque encore une image directe du trou noir (ou plutôt de la lumière environnante déviée par le trou noir et l’image du disque d’accrétion). Cela ne devrait pas tarder (cela dépendra quand vous lirez ces lignes). Malgré tout, l’accumulation des données rend certaine l’existence de ces objets petits et très massifs et obéissant aux propriétés attendues.

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