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Université d’Oran
Faculté des lettres, des langues et des arts
Département des langues latines
Ecole doctorale de français
Pôle Ouest
Mémoire de Magister
Option : Sciences des textes littéraires
Réalisé par l’étudiante : Mecherbet Anissa
Sous la direction du Professeur : Benmoussat Boumediene
Membres du jury :
Président : H. ELBACHIR SAYAD, maitre de conférences « A », université d’Oran.
Encadreur : B.BENMOUSSAT, Professeur, université de Tlemcen.
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Les visées de l’écriture Sansalienne dans « Le village de l’allemand ou le journal des
frères Schiller » :
Examinateur : F. MEDJAD GRINE, maitre de conférences « A », université d’Oran.
Table des matières :
INTRODUCTION :..............................................................6Chapitre I : un roman protéiforme aux frontières du réel.......121- « le journal des frères Schiller » :............................................13 1-1 Tableau récapitulatif :..............................................................13 1-2 L’histoire en trois temps :.........................................................17 Premier temps (chapitre1 et 2) : la découverte de l’intrigue..............................17 Deuxième temps (du chapitre 3 au chapitre 13) : la quête de la vérité...................18 Troisième temps (du chapitre 14 au chapitre 21) : à la recherche du salut...............20 1-3 Une mosaïque dialectale :.........................................................212- Diversité des genres dans « le journal des frères Schiller »:................................................................................................23 2-1 Le journal intime :..................................................................25 2-2 Le roman documentaire / le polar historique (l’Histoire) :..................26 2-3 L’autobiographie :..................................................................273- Aux frontières du réel :.......................................................29 3-1 Une fiction réaliste :................................................................29 3-2 Des faits réels avérés :.............................................................32 3-3 Jeux et enjeux (dispositif d’engrenage) :.......................................33
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Chapitre II : pour une écriture en mouvement........................381- Dans la narration :..........................................................................39 1-1 Dynamique onomastique :................................................................39 Les SCHILLER :...................................................................................40 1-2 Les instances narratives :.................................................................43 ● Malrich narrateur/auteur :.......................................................................43 ● Rachel narrateur témoin :.......................................................................462- A travers la double temporalité roman/journal :............................50 2-1- Le temps dans le journal :...............................................................50 Le rythme :..........................................................................................52 2-2 Le temps dans le roman (le récit narratif) :.........................................543- Dans l’espace :...............................................................................58 3-1 La spatialité dans le roman journal :..........................................................58 3-2 « le journal de Rachel » une spatialité mémorielle :..................................63Chapitre III : les relations transtextuelles entre fiction et réalité............................................................................................................................661- Transtextualité:..........................................................................................67 1-1Quelques notions :......................................................................................67 1-2 Analyse transtextuelle du « journal des frères Schiller » :........................70 a)Intertextualité :................................................................................................70 La citation :.....................................................................................................70 L’Allusion :..................................................................................................72 b)Le paratexte :..............................................................................................72 Le titre, le sous-titre :...................................................................................72
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Les intertitres :..............................................................................................74 L’épigraphe :................................................................................................74 c)La métatextualité :.......................................................................................75 d)L’architextualité :........................................................................................752- Les liens hypertextuels :..........................................................................75 2-1 L’hypertextualité dans « le village de l’allemand » :.................................76 2-2 Hypertextualité dans « le journal des frères Schiller » entre prolongation et
transdiégétisation:..............................................................................................78
CONCLUSION :...........................................................83
Bibliographie..........................................................................87ANNEXES..............................................................................92Annexe 1 : Tableau récapitulatif.........................................................93Annexe 2 : Les faits réels avérés......................................................101Annexe 3 : Glossaire des mots allemands........................................112Annexe 4 : Diagramme de l’évolution du « journal des frères Schiller » :........................................................................................114
Résumé................................................................................115
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Dédicaces
A mon père sans qui je n’aurai pu trouver la volonté d’achever mon mémoire.
A mon mari Karim, pour son soutien infaillible.
A ma mère, Professeur de Psychologie, j’essaie de marcher sur ses traces professionnelles.
Et à mon Ishaac pour qui je fournis tant d’efforts en espérant qu’un jour il sera fier de sa mère.
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Remerciements
Je remercie très chaleureusement le Professeur Benmoussat Boumedienne pour la patience et toute l’aide qu’il m’a apporté
durant la réalisation de mon travail.
Les membres du jury, pour leur lecture et leur attention
Ainsi que toutes personnes ayant contribué de prés ou de loin à la réalisation et la finalisation de mon travail.
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INTRODUCTION :
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La littérature maghrébine, depuis son avènement, a toujours été au contact de la réalité. Coloniale, postcoloniale ou contemporaine, l’écriture maghrébine dépeint la société, la culture et les mouvements politiques de chaque période. A l’indépendance, elle était opprimée par la nouvelle liberté du peuple qui cherchait à retrouver ses origines et à reconstruire son identité. Par la suite, et toujours à travers cet emprunt réaliste, la littérature maghrébine d’expression française, s’est voulue engagée, et dénonciatrice des maux sociaux qui émergeaient au sein de la société. Aujourd’hui la littérature maghrébine, est plus réaliste que jamais. Décrivant un état d’urgence, elle fait essentiellement référence à la décennie noire des années 90.
L’écriture maghrébine contemporaine s’applique à mieux comprendre l’état des lieux dans laquelle la pensée évolue. En effet, bon nombres d’écrivains échafaudent leurs fictions sur les multiples vagues de violences et leurs origines dans l’Algérie. De nos jours, les romanciers maghrébins d’expression française donnent la parole à cette tranche de l’Histoire gardée sous silence et peu médiatisée en raison du profond traumatisme du à la violence qui a frappé toutes les familles algériennes.
Boualem Sansal est l’un des écrivains algériens qui a fait de cette période traumatique et de violence un objet d’écriture. Ses écrits poignants et dénonciateurs du mal qui frappa l’Algérie durant la « décennie noire », de 1990 à 2000, nous ont motivé à lui consacrer la présente étude. D’autant plus que cet auteur est frappé d’un ostracisme institutionnel officiel alors que son œuvre est porteuse d’une valeur
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cathartique quand on regarde le silence imposé à toute la société et particulièrement les acteurs concernés par cette tragédie.
Le roman « le village de l’allemand, ou, le journal des frères Schiller » est l’œuvre la plus emblématique de l’auteur et auquel nous consacrerons l’essentiel de notre étude. Ce roman remporta de nombreux prix dont le prix RTL-Lire 2008, le Grand Prix de la Francophonie 2008, Prix Nessim Habif (Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique) et le Prix Louis Guilloux.
L’auteur, interviewé par le journaliste Grégoire Leménager dans le nouvel observateur (annexe 5), révèle l’élément déclencheur de sa fiction construite autour d’une histoire tout à fait réelle celle d’un ancien officier allemand SS fuyant les répercussions de l’après guerre hitlérienne. Il participera à la guerre de libération algérienne et choisira de s’établir par la suite dans un douar près de Sétif. Devenu « citoyen » de ce douar il le façonnera avec la rigueur et l’organisation propre à l’esprit allemand ce qui lui conférera une estime et une place de choix dans son village d’adoption.
La fiction du roman va tourner autour de la question de l’impunité qui caractérise le plus souvent les conflits violents de par le monde et que l’auteur transpose au cas de l’Algérie et dans les banlieues françaises aux prises avec les islamistes.
A la lumière de nos recherches, hormis quelques articles dans des revues littéraires et d’autres sur le net, peu de travaux académiques ont été consacrés à ce roman. Son histoire universelle l’inscrit pourtant dans une nouvelle facette de la littérature maghrébine, qui se veut mondialiste.
L‘écriture de Sansal.B dans « Le village de l’allemand, ou le journal des frères Schiller » intègre en grande partie, et sous différentes formes, des événements pris directement de la réalité au point d’être censuré dans son pays d’origine, l’Algérie. Cette censure, animant notre curiosité, nous a poussés à nous intéresser à cette œuvre en interrogeant ce récit en tant que production littéraire et qui, après lecture, nous a mené
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à la question principale qui s’est mise en place d’elle-même : Ou s’arrête la réalité et ou commence la fiction ? Quels éléments du texte contribuent à donner l’illusion de la réalité ?
Autrement dit, par quels procédés stylistiques l’auteur est passé pour façonner son histoire ? Comment s’est-il pris pour mélanger le réel au fictif de façon si homogène, au point de brouiller la perception du lecteur ? Est-ce que la structure textuelle, dans la quelle l’auteur présente sa fiction, donne l’illusion du réel ? Ou, est-ce à travers sa construction narrative qu’il réussi à rendre sa fiction aussi réelle ?
Dans cette fiction, l’auteur propose une réflexion générale autour du mal et du bien, qui englobent à la fois un passé camouflé, un présent instable et un futur incertain. Autant de questionnements partagés par une large partie de la population.
L’auteur va construire sa fiction sur les événements de la seconde guerre mondiale pour raconter le terrorisme de la décennie noire des années 90 en Algérie. Décennie sur laquelle l’amnistie présidentielle mit un voile et libéra tout les auteurs des crimes horribles perpétrés sur les citoyens. L’auteur, à aucun moment, n’évoquera cette amnistie, mais il y fera fortement référence à travers la fuite des nazis après la seconde guerre mondiale. Il va relier ces deux drames pour lever l’oubli et donner la parole à la mémoire qui, à travers une écriture en constante mouvement dans l’espace, le temps et à travers les voix narratives, va crier sa condition.
Afin d’apporter des réponses à nos questions, nous avons approché notre corpus à travers les éléments constitutifs de la fiction, et pour ce faire nous nous sommes penchés sur la structure textuelle dans laquelle l’histoire se présente, les éléments internes de la narration et en dernier lieu, les relations transtextuelles multiples que l’auteur travaille de façon à accentuer l’amalgame entre fiction et réalité. Les éléments théoriques nécessaires à notre analyse se trouvent être incérer au fur et à mesure que nous avançons dans notre recherche, d’où l’absence d’un chapitre
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entièrement théorique. En somme, dans chaque chapitre, nous étayerons notre analyse en y incorporant les postulats adéquats à nos hypothèses.
Notre travail se divise en trois chapitres, dans lesquels nous tenterons de cerner sous différents angles la mixtion particulière de la réalité et de la fiction que l’auteur nous propose.
Pour mieux entrevoir le fil conducteur de notre travail sur « le village de l’allemand ou le journal des frères Schiller », nous avons écrit trois chapitres qui composent notre étude.
Le premier chapitre est intitulé un roman protéiforme aux frontières du réel. Il se propose de faire apparaître le réalisme qui caractérise l’écriture de l’auteur et sa quête d’aller jusqu’au bout dans la mise à nu des affres de la décennie noire vécue en Algérie. Ce souci de réalité de Boualem Sansal, outre l’originalité qui caractérise l’œuvre et l’auteur à la fois, s’inscrit dans « Le réalisme (qui) s’applique à des esthétiques et à des œuvres d’une
très grande diversité. Il peut désigner tout d’abord toute forme d’art ou de littérature
qui entend proposer une image complète du monde et de la condition humaine, sans
reculer devant certaines des réalités que, par pudeur ou par manque de courage, les
écrivains taisent d’ordinaire... »1.
Notre corpus est la parfaite illustration de cette citation au niveau de sa structure textuelle où
le réalisme semble prédominer la fiction dans un premier temps. De là, notre réflexion prend
corps et va s’articuler sur la diversité des genres romanesques coexistant dans « le village de
l’allemand, ou le journal des frères Schiller ».
Dans ce premier chapitre notre analyse porte sur le roman essentiellement au niveau de sa forme textuelle. Pour pouvoir entamer notre travail sur le métissage entre la fiction et la réalité qui se constitue des deux points primordiaux de l’écriture de Sansal.B dans le roman « Le village de l’allemand, ou le journal des frères Schiller », nous avons essayé de comprendre le contenu de l’histoire et de cerner ces deux entités fondatrices.
1Forest,P & Conio, G (2004) Dictionnaire fondamental du français littéraire. p.347.
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Ce premier chapitre vise aussi à décortiquer la structure du roman qui nous semble être protéiforme, où plusieurs genres s’entremêlent et créent une (con)fusion entre le fictif et le réel, que nous étudierons plus loin et à différents niveaux. Nous allons montrer comment l’auteur, en jouant avec la diversité des genres, est arrivé à créer une hybridation entre l’histoire et l’HISTOIRE au point de fausser la perception de la réalité.
Effectivement le roman nous propose une fiction profondément ancrée dans le réel. Cet ancrage est du au jeu opéré dans la structure textuelle du roman, où plusieurs genres romanesques défilent et s’entrecroisent. Ce jeu romanesque semble créer un espace dans le roman où la fiction vient combler les vides laissés par l’HISTOIRE et répondre aux questions gardées sous silence.
Dans le second chapitre intitulé une écriture en mouvement, nous entamerons notre travail par une approche narratologique, ou nous étudierons, en premier, les voix narratives, en gardant toujours la même cible que dans le premier chapitre, entre fiction et réalité. Nous nous pencherons sur les fonctions du ou des narrateurs, dans le but de comprendre la complexité des personnages que l’auteur nous propose. En effet la structure diariste, la dualité de l’histoire et l’interférence de la réalité dans la fiction, dans laquelle la fiction nous est livrée, posent un voile sur le rapport auteurs, narrateurs et personnages.
En second, nous aborderons la notion de temps dans la narration. Le temps dans la narration donne aux lecteurs, l’axe temporel dans lequel l’histoire se déroule, le rythme du mouvement des événements, la fréquence de leurs apparitions et l’ordre de leurs développements. Or dans notre cas, l’axe temporel ne répond pas à un plan bien ordonné. Cette perturbation est causée, tantôt par la structure protéiforme et chaotique dans laquelle l’histoire est présentée, tantôt par le mouvement de la narration intercalée qui imbrique les récits les uns dans les autres et tantôt par le métissage du réel et du fictionnel. Ce mixage, qui résulte de la modification d’un événement réel appartenant à l’Histoire, crée une brèche temporelle. Bien que ce désordre temporel régisse l’ensemble de
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l’œuvre, et semble l’inscrire dans le genre de la science-fiction, notre corpus propose un ordre de narration propre à lui entre le temps réel (Historique dans notre cas) en référence aux éléments fondateurs de la fiction, et le temps fictionnel, qui raconte la trajectoire des deux frères à travers leurs découvertes.
La notion de temps dans « le village de l’allemand ou le journal des frères Schiller » est indissociable de l’espace. Effectivement, les actions qui prennent vie à travers le temps voyagent également dans l’espace. Nous aborderons la spatialité sous deux angles : une spatialité vouée à raviver la mémoire à travers des lieux marqués par le passage d’une folie meurtrière et une spatialité liée au genre textuel adopté par l’auteur et qui se meut de façon à engendrer des lieux d’interactions.
Le chapitre trois de l’étude porte sur les relations transtextuelles entre fiction et réalité. Dans ce dernier volet de notre travail, nous tâcherons de comprendre le dessein que l’auteur dépeint à travers ce roman, à la fois personnel et universel. Il nous semble que l’histoire tente de raviver la mémoire, à travers une dialectique entre la fiction et le réel.
L’auteur utilise une structure éclatée, deux registres de langue contradictoire, un mélange de genre dans le but de marquer ses lecteurs et les encourager à pousser leurs réflexions et à s’intéresser au passé et à l’Histoire de trois générations dans trois espaces différents. L’auteur fait appel à la culture des lecteurs pour comprendre toute la dimension de son récit à l’appartenance pluriculturelle. Cette appartenance justifie, en quelque sorte, le plurilinguisme dont jouit l’œuvre et donne aussi une liberté de jeu dans le mélange des genres. Cette richesse, au niveau culturel, linguistique, textuel et référentiel, ne semble se mettre en place que dans le but de remettre les souvenirs enfouis au gout du jour, de soulever les voile qui enveloppe certaines vérités ou de dire simplement les choses telles qu’elles sont, sans les détourner ou les occulter.
Tous ces éléments, l’auteur ne les présente pas de façon ordonnée mais plutôt d’une manière peu commune. En effet l’auteur semble les avoir
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travaillés de façon à ce qu’ils soient indissociables les uns des autres, ou plutôt en opérant des connexions qui relève des relations transtextuelles, entre intertextualité, paratextualité, architextualité, hypertextualité.
Nous terminerons notre recherche par une conclusion dans laquelle nous rappellerons les résultats de notre étude et les perspectives de recherche future qu’elle nous permet d’envisager.
Chapitre I : un roman protéiforme aux frontières du réel
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1- « le journal des frères Schiller » :
1-1 Tableau récapitulatif :Avant d’entamer notre analyse sur la protéiformité du roman que nous nous proposons d’étudier, nous nous sommes penchées sur l’histoire en elle-même. Et de prime abord, nous nous retrouvons face à une pluralité des histoires, des lieux et des évnements reliant les personnages, notamment dans la seconde partie du titre du roman « le journal des frères Schiller ». En effet, l’histoire mêle deux voix fratries, Malrich et Rachel, qui vont raconter, chacun à leur tour, des événements et des découvertes liés intimement au passé de leur famille. L’histoire est présentée sous la forme d’un journal intime daté et attribué, où chacun va apporter sa pierre à l’édifice, et contribuer à raconter leur histoire familiale dans un procédé d’entrecroisement et d’entremêlement.
Faire le résumé de l’histoire nous a semblé insuffisant, et c’est pour cela que nous avons réalisé un tableau récapitulatif (en annexe) plus amène à démontrer le décalage temporel, le déplacement spatial ou l’articulation de l’histoire entre les deux frères qui tout au long du roman vont s’intercaler, s’insérer, s’entrecroiser et s’unifier pour raconter leur histoire familiale. Cependant un résumé s’impose pour exposer les grandes lignes de cette histoire ainsi que le mouvement même de la pensée de l’auteur.
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L’Histoire de l’humanité s’est vue à plusieurs reprises confrontée à la folie meurtrière de
l’être-humain envers ses semblables à travers les guerres et les génocides. Sansal.B va
justement inscrire son roman dans l’histoire d’un crime contre l’humanité (la deuxième guerre
mondiale) qui se répète selon lui à travers les siècles, comme un cercle vicieux en perpétuel
recommencement.
Le roman de Sansal.B fait une jonction entre la deuxième guerre mondiale et la décennie
noire vécue en Algérie. Le lien qui unit les deux tragédies, lointaines dans le temps et
l’espace, est personnalisé par ces soldats SS qui se sont enfuis d’Europe, et se sont réfugiés en
Amérique Latine, Afrique et Asie, y compris en Algérie, afin d’échapper à leur jugement. Les
crimes horribles commis par ces soldats nazis envers les juifs vont se reproduire, un demi-
siècle plus tard, dans les années 90, en Algérie par un groupe islamiste, le GIA, qui perpétrera
des massacres de la population algérienne. Le personnage allemand du roman de Sansal.B va
se retrouver au prise avec des faits identiques à ceux qu’il avait cru fuir et définitivement
enterré grâce à sa nouvelle vie algérienne.
Tous ces éléments sont étalés dans le roman que nous proposons d’étudier, et plantent d’ores
et déjà la fiction dans un décor réaliste. « Le village de l’allemand ou le journal des frères
Schiller » s’en est inspiré, et s’est projeté plus loin que l’Allemagne et l’Algérie pour atterrir
jusque dans les banlieues parisiennes où vivent en majorité des immigrés maghrébins. Un
brassage intense de ces trois espaces-évènements va se dérouler à travers une histoire
familiale insoutenable dans l’imaginaire de l’écrivain.
L’histoire relie trois périodes différentes, la deuxième guerre mondiale et l’horreur de la
Shoah, la décennie noire en Algérie et les massacres perpétrés par le G.I.A., et la situation
d’abandon, par la France, des jeunes issus de la deuxième ou troisième génération de
l’immigration algérienne qui se retrouveront livrés aux prêches des imams radicaux dans les
cités des banlieues françaises.
Le roman est basé sur l’histoire réelle d’un ancien soldat SS « Hans Schiller », qui a fui en
Algérie après la deuxième guerre mondiale afin d’échapper aux conséquences des crimes
commis sur les juifs. Il a épousé la cause de l’Algérie et s’est retrouvé moudjahid dans le front
de libération nationale et a aidé à la décolonisation du pays.
La fiction veut qu’après la libération de l’Algérie, cet ancien officier SS s’est installé à Ain-
Deb, un petit village prés de Sétif, à l’est de l’Algérie et s’y est marié. Il deviendra le Cheikh
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du village connu sous le pseudo de « Si-Mourad ». En 1994, il se fait assassiner avec sa
femme par le G.I.A. en laissant derrière lui deux enfants « Rachel » et « Malrich ». De par le
mariage de Hans SCHILLER avec une algérienne, l’auteur souligne un premier trait d’union
qui relie l’Histoire de la seconde guerre mondiale à celle de la libération algérienne. Puis le
deuxième trait, qui se dessine dans la mort du couple par le G.I.A., réunit ces deux périodes à
celle de la décennie noire en Algérie. Une fois les relations établies, l’auteur plonge dans la
vie, plus actuelle, des deux frères.
« Malrich » et « Rachel », deux frères d’origines germano-algéro-française, se retrouvent au
cœur d’un drame familial après la mort de leurs parents tués par un groupe armé islamiste et
la découverte du passé nazi de leur père.
L’ainé « Rachel » (amalgame de Rachid et Helmut), et le cadet « Malrich » (amalgame de
Malik et Ulrich), partent à la quête de l’identité de leur père partagée entre le bourreau des
juifs d’Europe qu’il fût, le héros de la guerre d’Algérie qu’il était devenu après sa fuite de
l’Allemagne et la victime du G.I.A qui mit fin à sa vie.
Après la mort de leurs parents, Rachel part à Ain-Deb prés de Sétif en Algérie, dans le but de
se recueillir sur la tombe de ses défunts parents, et en visitant la maison paternelle, où rien
n’avait changé depuis son départ, il retrouve ses souvenirs d’enfance mais aussi le passé
obscur et occulté de son père dans une petite valise, à propos de laquelle Malrich écrit : « J’ai
longuement hésité puis j’ai ouvert d’un seul coup. Des papiers, des photos, des lettres,
des coupures de journaux, une revue. Jaunis, écornés, tavelés. Une vieille montre en
acier trempé, datant de l’autre siècle, arrêtée sur 6h22. Trois médailles. Rachel s’était
documenté, l’une est l’insigne des Hitlerjurgens, les Jeunesses hitlériennes, la deuxième
est une médaille de la Wehrmacht, gagnée au combat, la troisième est l’insigne des
Waffen SS. Il y a un morceau de tissu avec une tête de mort, l’emblème des SS, le
Totenkopf. Les photos prises en Europe, en Allemagne sans doute, le montrent en
uniforme, seul ou en bande (…) Sur d’autres, il est plus âgé, il porte l’uniforme noir des
SS, il a le visage sévère (…) »2.
Face à cette découverte accablante, Rachel entame, à travers l’écriture d’un journal intime,
une descente aux enfers en décalquant l’itinéraire de son père entre la France, l’Algérie,
L’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, la Turquie et l’Egypte, il finit sa course folle en mettant
terme à sa vie en se gazant dans un pyjama rayé et sa tête était rasée comme au bagne, dans le
2 Sansal,B. (2008) . Le village de l’allemand ou le journal des frères Schiller », Mayenne. France. p46.
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but d’expier les fautes de son père SS, et de délivrer son frère de ce lourd fardeau. Il laisse
comme note dans la dernière page de son journal « je souhaite que mon journal soit remis
à mon frère Malek Ulrich Schiller. Merci de respecter ma volonté. »3
Malrich prend appui sur le journal de son frère et à son tour écrit son journal intime à travers
un dialogue posthume avec Rachel, et contrairement à lui, Malrich arrive à trouver le moyen
de dépasser ce chaos familial, grâce à un syllogisme qui met en relation le passé de « Hans le
SS » et sa vie de banlieusard dans une cité infestée d’islamistes : les imams de la cave 17 ont
tué Nadia, or les soldats SS d’Hitler ont aussi commis un crime contre les juifs d’Europe,
donc les imams sont des soldats SS d’Hitler. Il dit : « (...) Hitler était le führer de
l’Allemagne, une sorte de grand imam en casquette et blouson noir. En arrivant au
pouvoir, il a apporté avec lui une nouvelle religion, le nazisme. Tous les Allemands
portaient au cou la croix gammée, le truc qui voulait dire : je suis nazi, je crois en Hitler,
je vis par lui et pour lui. Ça voulait dire aussi que ceux qui n’avaient pas la croix
gammée au cou devaient être éliminés. Il a interdit aux Allemands pleines de choses,
comme l’imam de la cité vient de le décréter (...) »4. A travers le combat contre les imams
de la cité, Malrich lutte contre l’héritage sordide du passé nazi de son père.
En même temps que la quête identitaire, une quête culturelle se tisse à partir des trois
appartenances, issus d’un père allemand et d’une mère Algérienne, mais ayant grandi en
France depuis leurs plus jeunes âges, les deux frères se retrouvent sans ancrage culturel réel.
L’ainé avait étudié l’allemand pour se rapprocher un peu plus de la langue maternelle de son
père, et avoir un semblant de relation avec lui, mais ne parlait pas un mot d’arabe ce qui
altérait sa relation avec sa mère berbère d’origine, tandis que son frère cadet n’ayant pas fait
d’études ne parle pas allemand et baragouine un arabe appris à la cité avec ses amis.
Malrich décrit les rencontres ambigus avec sa mère : « ...notre mère est venue trois fois
quinze jours qu’elle a passé à pleurer. On ne se comprenait pas, c’est bête, elle parlait
berbère alors qu’on baragouinait un pauvre arabe des banlieues et un allemand de
bricolage... »5.
A travers ce roman Sansal.B, nous plonge dans une multitude de quêtes, identitaire,
culturelle, sociale, psychologique et historique qui nous donnent un aperçu sur la réalité des
temps modernes, et le chaos dans lequel se complait un système totalitaire. L’auteur prend
possession des deux voix fratries bâties sur le passé à la fois glorieux et sombre de leur père, 3 Sansal,B. (2008).Ibidem p.264.4 Sansal,B. (2008). Op,cit.p.126. 5 Sansal,B. (2008)Ibidem p15
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pour mieux dessiner la situation actuelle de l’être-humain en général pris dans un courant de
folie qui se réincarne sous plusieurs facettes « ...Qu’on songe à tout ce qui a pu être infligé
à tant d’honorables peuples avec des bréviaires aussi nuls que Mein Kampf, et des
moyens dérisoires de pays plutôt sous développés : le livre rouge de Mao, le vert de
Kadhafi, celui de Kim Il-song, celui de Khomeiny, celui des Turkmenbachy
Saparmourat, qu’on songe aussi à ces millions de pauvres gens détruits par des sectes
misérables en idées et en moyens… »6.
En plus du réalisme ambiant dans la fiction, des événements historiques y sont viscéralement
introduits et constituent une partie importante de la fiction. Le roman intervient là où
l’Histoire ne peut agir : il présentifie les événements et introduit les personnages romanesques
qui évoluent selon le mode problématique. La fiction est chargée de reproduire l’Histoire à
partir de situations et d’événements inventés mais représentatifs de l’Histoire.
La meilleure manière de mettre le doigt sur ce jeu entre la fiction et le référent, et de
comprendre l’enjeu qui y découle est de séparer les deux journaux (voir annexe). Cette
séparation va nous aider à mieux cerner le rôle de l’Histoire dans la fiction, l’interaction du
passé avec le présent et l’articulation de tous ces éléments.
1-2 L’histoire en trois temps :Comme le montrent les dates (voir annexe), les deux journaux se succèdent, le premier celui
de Rachel est écrit du 25 avril 1994 à février 1996, quant au journal de Malrich, il se déroule
entre octobre 1996 et février 1997, nous constatons plusieurs coupures entre les dates dans les
deux journaux, cela pourrait montrer une certaine complexité des événements vécus.
Le roman semble évoluer à travers un certain désordre dans le temps de narration.
Effectivement, nous pouvons constater à travers les dates des journaux une certaine
irrégularité dans le déroulement chronologique. Néanmoins, nous sommes parvenus à
fragmenter le roman en trois temps : le premier temps celui de la découverte de l’intrigue, du
décor et des personnages ; le deuxième temps qui représente la quête de la vérité et des
explications qui mèneront vers le troisième temps ou chacun des deux frères trouvera une
issue de secours qui sauvegardera ou pas son humanité. Chaque temps est constitué d’un
nombre de chapitres appartenant ou à Malrich ou à Rachel.
6 Sansal,B. (2008). Ibidem p157.
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Premier temps (chapitre1 et 2) : la découverte de l’intrigueCette première partie se déroule entre Octobre et Novembre 1996, soit six mois après la
découverte du suicide de Rachel. Dans cette partie Malrich pose les piliers de leur histoire
familiale, et va ouvrir son récit, dés les premières pages, par le suicide de son frère aîné et les
causes qui y sont à son origine. Ce suicide sera le motif de l’intrigue qui viendra juste après,
puisque Malrich se voit confier le journal de Rachel par le commissaire de police, journal qui
posera définitivement l’intrigue du roman par son contenu : la découverte du passé nazi de
leur père. Une fois l’intrigue posée, Malrich, dans un effet de rembobinage, va entamer un
récit de naissance expliquant leurs origines, leur arrivée en France et les parcours très
différents que les deux frères ont emprunté.
La structure des deux journaux dans cette partie est quelque peu déroutante du fait que l’une
vient s’imbriquer dans l’autre dans un effet Shéhérazade. En effet, Malrich laisse la parole à
son frère aîné qui raconte dans son journal, à titre posthume, la découverte du massacre
d’Ain-Deb en Algérie dans le journal de 20h, l’obtention de son passeport algérien, les
circonstances de son voyage au village natal et la mallette qui renfermait le passé nazi du
père.
Malrich, en introduisant des passages entiers du journal de son frère, va créer un dialogue
posthume, qui d’ailleurs va nous permettre de mieux comprendre les deux personnages et leur
relation. Tour à tour, ils vont décrire leurs environnements et les changements qui s’y opèrent
après la découverte du secret paternel. En effet, même si ces deux dates sont attitrées à
Malrich, ce dernier introduit des passages du journal de Rachel non datés. Ces intrusions
semblent soulager, en quelque sorte, le poids du drame qui frappe Malrich, dernier survivant
des Schiller.
Malrich entame son récit six mois après la découverte macabre du suicide de son frère et la
lecture de son journal qui contenait tous les détails du secret nazi de leur père. Cette lecture
lui fait prendre conscience de la situation dans laquelle sa cité se trouve : entre les imams et
l’inertie des habitants pour la plupart d’origine algérienne, la pseudo guerre en Algérie qui tua
ses parents et finit par poser une passerelle entre les atrocités de la seconde guerre mondiale et
les mouvements terroristes incarnés par l’imam de la 17 dans la cité, une passerelle qui relie la
fiction, d’un passé plus que présent et au goût du jour, à la réalité d’une situation de crise
emmitouflée.
20
Deuxième temps (du chapitre 3 au chapitre 13) : la quête de la véritéLa première partie pourrait être suffisante dans l’exposition des faits, le suicide de Rachel, la
situation de Malrich dans la cité et la découverte du passé paternel, tout y est dit. Néanmoins
la deuxième partie va retracer deux chemins aux itinéraires différents mais qui ont le même
but : mettre la lumière sur les zones obscures du passé paternel.
Dans cette partie, nous assistons aux parcours des deux frères face au Mal qui règne dans
leurs vies. Effectivement, dés le moment où les piliers ont été édifiés dans la première partie,
nous constatons une séparation entre les deux journaux, et l’effet Shéhérazade va quelque peu
s’estomper et donner à chaque journal son indépendance.
A partir de cette indépendance nous observerons l’évolution des deux journaux qui semblent
répondre à la linéarité du journal intime quelque peu espacé. En effet, dans ce deuxième
temps, le journal de Malrich se développe dans une suite chronologique où parfois les dates se
suivent comme dans le mois d’octobre et de décembre (mercredi 9 octobre 1996, jeudi 10
octobre 1996 et vendredi 11 octobre, puis le 15 décembre et le 16 décembre 1996). Cet ordre
chronologique semble retracer les moments ou Malrich affronte, dans un premier temps le
mal dans sa cité, il se retrouve face à la mort d’une jeune fille de la cité assassinée par un
barbu au nom d’Allah, et fait le lien entre son drame familial qui remonte à la seconde guerre
mondiale et la situation de la cité entre les mains de l’imam führer de la cité, puis dans un
second temps, lors de son arrivée en Algérie et l’atmosphère hostile et méfiante dans laquelle
il va voyager vers son village natal.
Quant au développement du journal de Rachel il montre qu’il délaisse complètement sa vie
personnelle et professionnelle au profil de la quête de l’identité de son père. Il explique par le
biais de sa découverte, ses souvenirs d’un père froid, autoritaire et particulièrement ordonné.
Le journal de Rachel évolue à travers l’itinéraire du carnet militaire nazi de son père et des
lettres qu’il a découvert. Il a commencé par la ville natale de son père en Allemagne, et a suivi
ses pas dans sa participation à la création du gaz employé pour exterminer les juifs lors de ses
études à l’université de Francfort, puis, toujours dans sa quête effrénée, il a rencontré le fils
d’un autre officier SS en suivant l’adresse mentionnée dans les lettres, ce dernier lui explique
le rôle qu’a tenu son père dans la fuite des nazis après la guerre. Rachel, face aux découvertes
qu’il fait et la fuite de son père, se retrouve comptable d’une dette paternelle envers
l’humanité.
21
Cette partie nous livre deux récits entremêlés par l’histoire du passé paternel. Nous passons du
journal de Malrich au journal de Rachel, et les dates de ces deux journaux ne coïncident pas,
bien au contraire, nous ne pouvons établir aucun lien d’ordre chronologique, l’axe temporel
entre les deux semble complètement déréglé, et cela est du au fait que le journal de Rachel a
été écrit avant le journal de Malrich, et que ce dernier ait introduit le journal de son frère dans
une discussion différée et posthume.
Cette discussion correspond à une organisation dialectique, tantôt dans la structure du roman
entre biographie et journal intime, et tantôt dans l’enchevêtrement des deux voies narrateurs,
l’une au passé et l’autre au présent.
Troisième temps (du chapitre 14 au chapitre 21) : à la recherche du salutLa fin de la seconde partie et le début de la dernière, sont clairement posées dans un chapitre
non daté et non situé, où Malrich, dernier porte parole des Schiller, explique le choix porté sur
la disposition des chroniques de Rachel. Il y explique les causes de son interférence dans
l’organisation des deux récits de la dernière partie du roman.
L’enchevêtrement des deux voies narratives se poursuit dans cette partie, mais contrairement
à la partie précédente, où tour à tour, les deux chapitres venaient éclairer et donner des
explications aux événements, cette partie va plutôt mettre l’accent sur la finalité des deux
trajets. Elle est plus brève et plus expéditive : les deux frères vont exposer leur conclusion
face aux drames qui les touchent. Malrich contrairement à Rachel ne va pas s’identifier aux
agissements de son père mais entreprend une lutte contre le mal perpétuel sous toutes ses
formes, et Rachel finit sa descente aux enfers en se suicidant et ainsi en remboursant la dette
de son père.
L’ordre utilisé dans le récit de Rachel s’approche de celui de l’enquête, où pas-à-pas il
découvre et s’identifie à son père et part à la conquête de la sauvegarde de sa fierté qu’il
trouvera dans la mort. Tandis que le journal de Malrich progresse dans un mouvement rotatif.
Effectivement, le roman commence et se termine par le suicide de Rachel.
Le roman n’est pas organisé selon un ordre chronologique, mais il semble se développer entre
deux récits parallèles, l’un qui repart vers les origines et l’autre plus actuel et qui va jusqu’à la
projection dans le futur. L’histoire ne suit pas un itinéraire chronologique mais plutôt une
22
analyse qui prend au départ la gabardine d’un enquêteur à l’affût de la vérité familiale et finit
par se retrouver dans un fauteuil de psychologue dans une analyse qui englobe le Mal en
général.
Ce travail en trois temps, nous montre bien que la recherche de l’ordre réel de l’histoire n’est
pas à faire du côté de la chronologie. Les deux récits se déroulent comme si tous les
événements et toutes les conduites dans l’histoire étaient quasi-contemporains, et cette
actualisation du passé donne un effet brouillon au récit. L’ordre chronologique n’est utilisé
qu’à des niveaux secondaires du texte, et là où nous avons cru lire une histoire, nous avons
suivi en fait une analyse dans laquelle les liens logiques sont déguisés sous les dates des
chapitres par un vocabulaire chronologique. En fait, l’histoire impose la narration des faits
autrement que dans leurs déroulements, car nous sommes face à un dialogue. Effectivement,
l’ordre qui régit l’histoire est celui d’une dialectique déguisée en suite narrative et « Son
objectif est de permettre à des interlocuteurs de combler une ignorance ou de résoudre
une difficulté commune. Il met en scène deux interlocuteurs de statut comparable et égal
face au problème. L'alternance des questions/réponses et des jugements de valeur jouent
un rôle fondamental dans l'intérêt de ce type de dialogue »7, ce qui nous explique le
désordre dans l’axe temporel, que nous retrouvons dans le dialogue entre les deux frères.
Nous qualifions ce dialogue de posthume, étant donné que Malrich converse avec son frère
Rachel par le biais de son journal. Tous les deux se retrouvent face au même secret paternel,
et tout au long du dialogue, chacun va poser ses questions et essayer d’apporter des réponses.
1-3 Une mosaïque dialectale :La dialectique telle qu’elle est définie dans le dictionnaire Bordas de littérature française est :
« ... tout d’abord l’organisation d’une discussion ou d’un débat dans le cadre de la forme
littéraire du dialogue... »8.
« Le village de l’allemand ou le journal des frères Schiller » est le résultat de deux
narrateurs qui coexistent et se juxtaposent à travers une dialectique. Tous deux traitent d’un
même drame et entament la même quête dans un seul journal, où chacun va prendre la parole
et raconter une petite partie de l’histoire.
A cette duplicité vient s’ajouter la richesse textuelle, tantôt dans sa forme et tantôt dans son
fond. Le roman se caractérise par une mise en page et une mise en texte dense, riche et en 7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Dialogue_(genre)#Dialogue_dialectique consulté le 12/09/2011.8 Lemaître, H.(1994). Dictionnaire Bordas de la littérature française p 265
23
total déséquilibre qui affecte son harmonie, son écriture et sa linéarité. Effectivement, le
roman se divise en plusieurs parties appartenant aux deux personnages narrateurs Malrich et
Rachel (voir tableau en annexe). La structure habituelle du texte narratif n’apparaît pas dans
son ordre : situation initiale, déroulement des événements introduit par un élément
modificateur et situation finale ou dénouement. Le texte est le fruit de juxtaposition de récits
mêlant des souvenirs d’enfances à Ain-Deb, des projections de la situation de la cité, des
enquêtes sur le passé paternel...etc. Le passage entre ces récits chamboule, et l’ordre de
narration et la chronologie de l’histoire. Nous nous retrouvons face à des séquences narratives
constamment interrompues qui en s’entrecroisant contribuent au morcellement narratif du
texte. L’histoire ne répond pas à un ordre narratif ou chronologique, mais semble avancer à
travers une discussion entre les deux frères. Cette conversation tourne autour des actes
perpétrés par leur père et s’élargit vers un mal être qui ronge les identités meurtries par leurs
appartenances mixtes.
Bien que notre corpus ne semble pas présenter de signes apparents de dialogue entre les deux
journaux, puisque les dates d’édition de chaque récit ne le permettent pas, il se perçoit quand
même à l’organisation voulue du récit qui dés le départ, dans une note, met les deux histoires
en relation. Nous retrouvons aussi un récit non daté, qui explique plus amplement les raisons
et les choix portés dans l’organisation de cette interaction posthume.
Le dialogue entre les deux frères tourne essentiellement autour du passé paternel dans un
premier temps, qui en soi va rassembler trois périodes différentes, comme nous l’avons cité
plus haut, son implication dans la seconde guerre mondiale entant qu’officier SS, son combat
auprès des Moudjahidines lors de la guerre de libération algérienne et sa mort entant que
victime du G.I.A. à Ain-Deb en Algérie. Dans un second temps, et à la lumière de toutes ces
périodes, il relate les événements qui se déroulent en France et notamment dans la cité de
Malrich et la descente en enfer de Rachel à travers les pas de son père. Comme nous pouvons
le constater, tous ces faits vont s’entrecroiser, se confronter et s’unifier dans une dialectique
qui évolue, tantôt à travers le journal de Malrich et tantôt à travers le journal de Rachel.
Il s’agit d’une histoire écrite à quatre mains. Elle est, en quelque sorte, une histoire hybride, à
bien des égards, et ce qui caractérise l’hybride c’est sa nature croisée, mélangée et fusionnelle
qui compose malgré les disparités une unité homogène. En effet, « le journal des frères
Schiller » est le lieu d’une interaction entre des éléments différents pour faire advenir une
réalité nouvelle et, dans ce cas, divulguer une vérité préjudiciable. Ce caractère hybride se
24
présente non seulement dans la dualité des voix narratrices et la mise en texte, mais dans un
mélange que nous retrouvons au niveau des personnages pour la plupart métissés (Malrich,
Rachel, Hassan Hans, Momo, Raymond, Cinq-pouces, Bidochon, Togo-au-lait, Manchot et
Idir-quoi), des langues croisées (le français, l’allemand, l’arabe dialectal, le tamazight et
l’anglais en bribes) , des cultures brassées(entre l’Algérie, la France et l’Allemagne), de
l’altération de la réalité par la fiction et les enjeux qui y découlent. Tous ces éléments vont
interagir entre eux en s’influençant et se modifiant pour donner à cette histoire hybride un
dédoublement qui, comme sur un blason, reflète la complexité de cette interaction constante
d’éléments réels mais qui restent aussi fictifs. Ce dédoublement résulte de la prise en charge
et de la publication, à titre posthume, du journal de Rachel dans celui de Malrich.
N’oublions pas que tous ces éléments devraient s’unifier selon la loi de la dialectique qui
s’organise autour de trois points : la thèse, l’antithèse et la synthèse. En effet, l’histoire
s’ouvre sur une découverte qui bouleverse le quotidien des deux frères et qui remet en
question toutes leurs existences, mais ne continue pas sur une antithèse pour terminer sur une
synthèse, ces trois points sont chamboulés dans leur ordre d’apparition. L’ordre du récit ne
répond pas à l’organisation de la dialectique, et dans un premier instant cela est du au
caractère posthume du dialogue, ce qui voudrait dire qu’il ne va que dans un seul sens.
Malrich converse avec son frère à l’aide du journal dont il a hérité, il trouve les réponses à la
plupart de ses questions dans les écrits de Rachel.
L’organisation du récit se cristallise dans la violence. Tout au long de l’histoire, les relations
entre les personnages naissent ou disparaissent sous l’emprise de la violence. En effet, tous les
personnages s’unifient ou s’affrontent dans des circonstances dramatiques. Malrich raconte la
mort de son frère gazé, l’assassinat de ses parents sous la joute du G.I.A. et les agissements
des islamistes dans la cité. Rachel dévoile les agissements de son père, ancien nazi durant la
seconde guerre mondiale et le terrorisme ambiant de son village natal. L’auteur utilise
l’allemand pour symboliser cette violence dans le récit. Il en va de même pour la structure du
roman. Les genres romanesques se succèdent, s’emboitent et s’entrecroisent dans le seul but
de mettre en avant la violence d’une réalité gardée sous silence. L’ordre de la dialectique s’est
organisé dans la relation de la violence, comme nous pourrons le voir dans le troisième
chapitre.
25
2- Diversité des genres dans « le journal des frères Schiller »: Toutes les œuvres littéraires sont classées dans des catégories nommées genres littéraires. Nous en comptons quatre : le roman, le théâtre, la poésie et l’essai. Le roman est un genre littéraire aux contours caractérisé par une narration fictive plus ou moins longue.
Ce genre se ramifie selon les théoriciens de la littérature en sous-genre : roman policier, roman épistolaire, roman sentimental...etc. Chaque texte à travers son genre véhicule une visée voulue par son scripteur et qui répond à certains critères formels. « Repérer la structure d’un texte permet d’en circonscrire l’architecture et d’en apprécier le rythme général. C’est un travail de base pour bien connaitre le texte que l’on se propose d’analyser »9 Cette définition sera notre point de départ pour entamer un travail sur la structure de notre corpus.
Effectivement, ce dernier présente une particularité au niveau de sa structure textuelle. Le titre nous donne une première indication sur le genre textuel dans lequel l’histoire est racontée qui est « le journal ». En parcourant le roman, nous trouvons des chapitres datés et attitrés à deux personnages « les frères Schiller », ce qui est propre au journal intime qui se trouve être segmenté et répond à un ordre chronologique dans lequel les événements sont racontés. Cette première particularité inscrit notre roman d’ores et déjà dans un cadre temporel et intime visant à mettre à nu une histoire qui peut être familiale, et par ce procédé ancrer d’avantage sa fiction dans le réel. Nous notons aussi, à travers les titres des récits, que nous sommes face à une dualité des voix narratives, mais nous nous pencherons sur cette particularité dans la seconde partie de notre travail.
Néanmoins le roman semble répondre à plus d’une structure romanesque. Dans un premier temps il correspond à la structure journalière, où l’auteur ne s’est pas contenté de rapporter les événements dans une ambiance réaliste en suivant un ordre chronologique, mais fait référence à des périodes de l’HISTOIRE de l’Humanité, en introduisant dans sa fiction des 9 P 186 Convergences critiques Christiane Achour
26
faits HISTORIQUES avec des noms, des dates et des lieux. Ces références créent dans la structure textuelle une brèche qui permet la juxtaposition de plusieurs genres romanesques.
Dans un second temps, il nous semble que l’HISTOIRE fait partie intégrante de l’histoire, puisque cette dernière pose son intrigue en se rapportant aux événements de trois périodes HISTORIQUES. Ces références à l’Histoire semblent être incorporées dans la fiction par un procédé d’agencement de plusieurs genres dans la structure même du roman.
Ces deux points, la protéiformité et l’ancrage dans le réel vont créer, une confusion entre réel/fictif et la structure textuelle chaotique qui jongle avec les genres. Cette confusion nous porte à nous poser une série de questions: est-ce la référence à l’HISTOIRE qui exige la protéiformité du roman ? Ou à l’inverse, l’HISTOIRE ne peut-être racontée autrement que dans une structure textuelle riche et diverse? Ou encore, l’auteur, en introduisant des événements véridique, ne pouvait rester fidèle à une seule structure romanesque du début à la fin ?
Dans le but de mieux comprendre le pourquoi de cet agencement construit à base de ces
différents genres romanesque, nous avons tenté de décortiquer le corps textuel de l’histoire et
d’introduire une présentation de chaque genre détecté dans la fiction.
2-1 Le journal intime : Le journal intime est un genre littéraire apparu au début de XVIIIe siècle avec l’émergence de
l’individualisme, « (...) au moment ou la singularité personnelle tend à devenir un thème
littéraire dominant (...) »10, pourtant ce genre d’écriture connaitra bien des détracteurs avant
de pouvoir s’affirmer en tant qu’écriture littéraire.
Le journal intime est un « Recueil de notes de longueur variable, écrites au jour le jour,
où un écrivain rend compte des incidents de sa vie personnelle, des émotions, des
réflexions qu’ils suscitent. Simple mémorandum des événements, il peut devenir une
véritable œuvre littéraire (...) »11
10 Henri Lemaitre . op.cit, p49 11. Henri Lemaitre Ibidem p.448.
27
Tenir un journal intime, c’est relater des événements dans un ordre chronologique (quotidien,
hebdomadaire...etc.) lié directement à la vie de son auteur, dans la perspective de laisser une
trace, de comprendre des événements ou de les expliquer durant la période d’écriture, et cela
demande au diariste de vivre d’abord les choses puis de les écrire dans un second temps,
comme l’explique Béatrice DIDIET : « le diariste est deux : il est celui qui agit et celui qui
se regarde agir, et qui écrit »12
Nous reconnaissons un journal intime par sa structure fragmentée en plusieurs récits,
généralement tous datés, situés, adressés et attribués. Cette particularité est clairement
présente dans le tableau récapitulatif, que nous avons réalisé dans le but de synthétiser chaque
récit. Et, effectivement, « le village de l’allemand, ou le journal des frères Schiller »
répond parfaitement aux exigences de l’écriture journalière, ou chaque chapitre (à l’exception
d’un seul chapitre) est daté et attitré, et où nous pouvons remarquer une évolution sur le plan
temporel à travers les dates des deux journaux qui ne suivent pas toujours une fréquence
quotidienne et cela s’explique, dans un premier temps par la présence de deux journaux l’un
de Malrich et l’autre de Rachel dont les deux dimensions temporelles sont autonomes l’une de
l’autre, et dans un deuxième temps, par le moment à vivre et le moment d’écrire où chaque
diariste va suivre une fréquence propre à lui.
Cette particularité propre à l’écriture diariste qui est de vivre les choses dans un premier
temps pour les écrire dans un second, va accentuer le réalisme patent dans la fiction,
puisqu’elle suppose que les personnages narrateurs ont vécu leurs récits avant de nous les
présenter sous la forme d’un journal. Ce supposé vécu est agrémenté dans l’histoire par la
référence à l’HISTOIRE de trois périodes différentes, la première est celle de la seconde
guerre mondiale, la deuxième, celle de la guerre de libération Algérienne et la troisième est
celle de la décennie noire en Algérie et ses répercutions dans les cités en France.
Cette référence à l’HISTOIRE donne au roman une dimension réelle proche du « roman
documentaire » ou nous prélèverons des témoignages de personnes réelles, des faits avérés et
des événements qui se sont réellement déroulés au cours de l’Histoire de l’humanité.
2-2 Le roman documentaire / le polar historique (l’Histoire) :Tel qu’il est défini dans le dictionnaire Bordas de Littérature Française, le roman
documentaire : « c’est la méthode qui fait du document ... l’instrument de base de la
12 Béatrice DIDIET. (2002) . Le journal intime. PUF. Paris. P 116
28
recherche et de la découverte de la vérité des faits. Dans la mesure où une œuvre
littéraire se propose de s’élaborer à partir de faits véridique, elle se fonde sur des
documents»13. Le roman documentaire tend à donner une touche authentique à la fiction, en
exposant des événements incontestables et avérés dans le récit fictionnel, soit dans le but de
les divulguer, de les vulgariser, de les instruire ou simplement de les remémorer, et qui dans
notre cas s’efforce d’accomplir toutes ces actions puisque l’auteur met en scène une histoire
fictionnelle puisée dans une histoire véridique, et pousse le réalisme à travers les détails
troublants de la seconde guerre mondiale de la guerre de libération algérienne et de la
décennie noire en Algérie.
Cette tournure documentaire, l’auteur va habilement la placer dans la situation de crise en
procédant à une description détaillée tantôt à travers la vie de Malrich dans la cité « ZUS-1,
zone urbaine sensible de première catégorie » et de la situation d’épouvante en Algérie
dans les années 90, et tantôt à travers l’enquête de Rachel sur l’extermination des juifs par les
nazis et les descriptions fondées sur une documentation minutieuse, datée et située.
L’enquête de Rachel se développe comme un polar, où nous y trouvons quelques
caractéristiques du récit policier, qui commence par la découverte d’une première énigme, la
mort des parents au village dans d’obscures circonstances, puis vient l’enquête et les
questions sur leurs enterrements sous X. Cette première énigme n’aboutissant pas à une
solution pousse Rachel (le personnage principal de l’enquête) à aller se recueillir sur les
tombes de ses parents au village natal et découvrir une seconde énigme : le passé occulté du
père. C’est cette seconde énigme qui va plonger la fiction au cœur du réel puisqu’elle va se
référer à travers ce passé occulté aux agissements de ce père qui se trouve être un ancien
officier SS avant d’avoir participé à la guerre de libération algérienne.
L’histoire fictionnelle des deux frères va se développer dans un univers fictif avec des
personnages imaginaires où Malrich va reprendre le journal de son frère et narrer sa propre
histoire à base de souvenirs d’enfance et de questionnements sur le suicide de son frère, mais
l’incursion d’images du réel prélevées dans les détails des camps de concentration ou dans les
noms de vraies victimes de la seconde guerre mondiale, ou dans la guerre de libération
Algérienne et des moujahids va ouvrir un passage qui relie la fiction au réel. Ce passage au
réel est étayé par la forme documentaire sur la vie dans la cité en France et de la décennie
noire en Algérie qui nous donne la sensation d’assister à un cours d’histoire.
13 Lemaître, H. (1994). Op.cit. p. 271.
29
Vient s’ajouter à cette dimension réaliste, le récit presque autobiographique sur le vécu
occulte du père, l’organisation des chapitres à l’intérieur de l’énoncé et le récit de naissance
comme nous allons le voir ci-dessous.
2-3 L’autobiographie :A premier abord le roman est présenté sous la forme d’un journal intime, mais en plongeant dans sa lecture force est de constater qu’une touche autobiographique fictionnelle vient s’incruster dans sa structure, et cela dés la première page.
« L’autobiographie représente une tentative d’auto-engendrement visant à saisir le moi
sous l’angle narratif d’une histoire dans la linéarité rétrospective d’un récit, tandis que
le diariste lui se livre à une parole de l’immédiateté, qui se voit souvent rapprochée du
discours de l’analysant en psychanalyse dans ses lapsus, ses biffures, dans sa régularité
et ses interruptions »14.- Effectivement, le texte biographique traite lui aussi l’écriture du moi, mais contrairement au journal intime qui se fait dans l’immédiateté et l’impermanence de son auteur, puisqu’il va se livrer à l’acte de l’écriture au coup par coup, dans un exercice fragmenté par le temps, l’autobiographe prend son temps afin d’organiser son récit, de supprimer des passages qu’il peut juger trop intimes ou inappropriés, et livre son œuvre qu’après l’avoir travaillé. Cette différence nous la prélevons, comme nous venons de le dire, dés la première page du roman dans une note signée par Malrich, qui explique à ses lecteurs que certains passages ont été supprimés pour des raisons de sécurité et ont été réécrits en bon Français.
Nous retrouvons cette structure biographique dans notre corpus au moment où Malrich, dans un effet de rembobinage, va entamer un récit de naissance
expliquant leurs origines, leur arrivée en France et les parcours très différents que les deux
frères ont empruntés. Ce récit de naissance correspond au schéma biographique où « ... sur
dix biographies, neuf commenceront fatalement au récit de naissance... »15.
14 In Méthodes et problèmes : Le Journal Intime. Dominique Kunz Westerhoff/ Département de français
moderne université de Genève. Lien :
http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/journal/index.html
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A travers le récit des deux frères, nous assistons à l’écriture de la biographie du père. Tantôt
dans l’enquête de Rachel qui suivit l’itinéraire du carnet militaire nazi, et essaya d’expliquer
les choix de son père, et tantôt à travers la lutte de Malrich contre le Mal qui règne dans sa
cité par analogie au mal qu’a du occasionner son père dans le passé.
L’histoire englobe plusieurs trames romanesques dans un monde imaginaire, où les
personnages vont se mouvoir entre le passé, le présent et le futur dans le but de sauvegarder
leur humanité. L’histoire des Schiller se trouve être un semblant de chiasme, qui à travers
l’absorption d’un rayon va refléter plusieurs rayons. Ainsi l’histoire en partant d’un récit
intime, intérieur et familial se retrouve popularisé, extériorisé et divulgué.
3- Aux frontières du réel :
3-1 Une fiction réaliste : Le roman réaliste prétend brouiller la perception du réel et de l’imaginaire. Il tend à rester le plus fidèle possible aux descriptions des moindres détails de la nature, de la société, des hommes, etc. Une œuvre dite réaliste raconte, sans chercher à parfaire, des événements, des personnages dans leurs dimensions les plus banales, les plus quotidiennes de la vie. A ce stade, le roman que nous propose Sansal.B répond parfaitement à ces critères. L’auteur, comme nous l’avons montré plus haut, habille sa fiction de réalité à travers les genres qui la véhiculent. Mais il donne aussi beaucoup d’importance et de force aux détails qui solidifient le réalisme déjà très présents dans la fiction. Il expose avec beaucoup de minutie les aventures auxquelles prennent part ses personnages et la description de certaines scènes se posent à la limite du témoignage et « ... une œuvre dite « réaliste » donne la première place au détail de la vie quotidienne, exprimé à l’aide d’un langage à la porté de tous... »16.
Toutefois « ... toute littérature est réaliste. On saisit mal, en effet, de quoi pourrait parler la littérature si ce n’est du réel, car celui-ci
15 Lejeune, Phillipe.(2005). Le pacte autobiographique2. Editions du Seuil. p 197.16 Lemaître. H. (1994). Op, cit. p 710.
31
est tout ce que nous connaissons... »17. La réalité est la base de tout écrit. La fiction doit créer l’illusion du réel dans laquelle le lecteur doit pouvoir croire, pendant un temps limité que les faits relatés sont possibles. Elle est tel un miroir qui refléterait l’image de la réalité mais à laquelle l’auteur vient ajouter sa vision personnelle.
L’histoire est narrée par deux frères, Malrich et Rachel, qui après la découverte, chacun à son tour, du passé de leur père vont ouvrir les yeux sur leurs entourages et entamer une (en)quête identitaire à travers leurs présents, le passé de l’officier SS Hans Schiller et le futur incertain qui les attend.
Notre fiction se trouve fortement ancrée dans le réel par ses références à l’HISTOIRE de l’Humanité à travers trois périodes distinctes: la seconde guerre mondiale, la guerre de libération Algérienne et la décennie noire en Algérie et ses répercutions dans les cités françaises, et trois lieux différents : la France, l’Algérie et le carnet militaire du père (où nous trouvons : l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, la Turquie et l’Egypte).
Ce voyage spatio-temporel s’effectue, tantôt dans la fiction, véhiculée essentiellement par les deux personnages narrateurs Malrich et Rachel et les éléments qui se rapportent à leurs vies et leurs entourages, et tantôt dans la réalité, à travers la découverte du vécu paternel qui retrace un récit HISTORIQUE véridique.
L’auteur dépeint, dés les premières lignes de sa fiction, les deux mondes de la fratrie tout-à-fait opposés l’un à l’autre : « Cela fait six mois que Rachel est mort... Il était cadre dans une grosse boite américaine, il avait sa nana, son pavillon, sa bagnole, sa carte de crédit, ses heures étaient minutées, moi je ramais H24 avec les sinistrés de la citée. Elle est classée ZUS-1, zone urbaine sensible de première catégorie... »18
17Lemaître. H. (1994). Ibidem. p.34818 Sansal , B. (2008) Op.cit P11
32
le train de vie de Rachel est à l’antipode de celui de Malrich, et l’auteur le souligne dans sa présentation de la cité « ZUS-1, zone urbaine sensible de première catégorie», et de ses habitants « sinistrés ». Cette description nous renseigne sur un état de crises et de conflits et nous laisse imaginer un bourg isolé, condamné, fini où des âmes égarées, accidentées planent sans buts précis. Le verbe « ramais » véhicule deux sens à la fois : le premier appuie cet état d’égarement dans lequel Malrich baigne, quant au second il dénote d’un effort fourni face à la dureté de la vie. A ce stade, l’auteur inscrit d’ors et déjà les deux personnages dans des classes sociales distinctes. Ce fossé entre les deux saute aux yeux dans l’utilisation du pronom possessif qui revient dans le passage dans lequel Malrich présente son frère Rachel : « ... il avait sa nana, son pavillon, sa bagnole, ses cartes de crédit, ses heures étaient comptées... ».
Cette utilisation du pronom possessif marque la réussite de Rachel dans la société. La notion de temps « H24 » consolide la continuité de la souffrance ou aucun répit n’est accordé aux « sinistrés de la ZUS-1 », contrairement au temps de Rachel pour qui « ses heures étaient minutées » ; ce qui suggère un emploi du temps, une organisation ou chaque moment est mis à profit. Cette description des lieux, de l’atmosphère met le lecteur en confiance quant à la véracité de ce qu’il lit.
L’auteur habille sa fiction de réalité, que ce soit au niveau de l’utilisation de la description qui, tout au long du roman, est fortement présente et véhicule un savoir, un contenu pédagogique précis avec ses références au réel entre autre à l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, ou au niveau des personnages, lorsque l’auteur met en scène les villageois de Ain Deb ou les banlieusards des cités françaises affaiblis par les coups de la vie et de la société, et qui continuent d’avancer malgré tout et de chercher un moyen de survivre. Cette description des rapports des personnages et de leurs milieux, notamment dans la résignation et l’acception du drame, reproduit fortement la réalité où il n’y a pas de place à l’extraordinaire. En effet, la dureté des événements qui bouleversent les vies des personnages
33
ne s’adoucit pas, au contraire, l’auteur raconte, et met un point d’honneur à bien décrire ce sentiment de soumission au bourreau : en Algérie, après la mort des parents au cours du massacre de Ain Deb par le G.I.A., en France, après la mort de la jeune Nadia sous l’emprise des imams, ou dans l’histoire des camps de concentrations où des millions de juifs, hommes, femmes et enfants ont trouvé la mort.
L’insertion d’événements historiques, réalistes et véridiques avec tant de détails et de richesses tend à minimiser le drame personnel et à l’extrapoler vers une portée universelle. Effectivement, l’histoire s’ouvre sur un drame personnel et évolue crescendo vers une tragédie plus large où les frontières de l’espace/temps, et de la fiction/réalité sont abolies.
Le récit débute par le suicide de Rachel en France et se poursuit par l’assassinat des parents perpétré par le G.I.A. en Algérie. Cette première révélation introduit d’ors et déjà la réalité à la fiction et inscrit le drame personnel, issu de l’imagination de l’auteur, dans une tragédie réelle, celle de la décennie noire en Algérie. De découverte en découverte un secret familial finit par être percé pour révéler le passé paternel d’ancien officier SS lors de la seconde guerre mondiale (grâce auquel l’auteur introduit l’Histoire à sa fiction), et le meurtre d’une jeune fille de la cité « Nadia » exécuté par l’imam. L’ensemble de ces événements, à la fois fictifs et réels, d’aujourd’hui et d’hier, intimes et communs, personnels et universels vont s’enchevêtrer et s’interpénétrer pour dénoncer la condition humaine face à l’horreur de l’extermination au passé et au présent, qui se trouve être bien énoncé dans le passage suivant : « ... je sais ce qui se passe dans ta caboche. Tu fais un téléscopage entre hier et aujourd’hui, entre Rachel et toi, entre ton père et l’imam, tu penses aux nazis qui t’ont volé ton père, qui en ont fait l’instrument d’un génocide, tu penses aux islamistes qui ont tué tes parents et cette pauvre Nadia, tu veux te venger en commençant par l’imam parce qu’il est le chef, le führer, parce que toi-même tu as fait partie de cette bande de minables qui
34
veulent supprimer l’humanité, et que c’est là une façon pour toi de te racheter, de voir ton père autrement, de lui pardonner... »19.
L’auteur construit une mosaïque, qui représente une histoire à la fois familiale et universelle avec une touche d’authenticité, en agençant le suspens de l’enquête policière, la rétrospection d’un biographe, l’exactitude d’un historien et la confession d’un diariste.
3-2 Des faits réels avérés :Tous les faits présentés dans la fiction ne sont pas nécessairement imaginaires, et c’est le cas dans le roman que nous proposons d’analyser. L’auteur, en profitant des vacuités de l’Histoire, introduit des personnages, des événements, tirés de son imagination. Il crée un monde imaginaire en interaction avec des faits réels aux dimensions universels que nous avons extrait du texte (voir tableau en Annexe 2), en y apportant toutes les références inscrites dans l’Histoire de l’Humanité.
Vu l’entrelacs de l’Histoire dans l’histoire il nous semble primordial d’établir la différence entre l’HISTOIRE, l’Histoire et l’histoire. A ce titre nous faisons notre les définitions apportées par C. ACHOUR et S. REZZOUG : « HISTOIRE : histoire-processus, réalité historique, « ce qui se passe dans les sociétés et qui existe indépendamment de l’idée qu’on en a ».
Histoire : l’histoire des historiens, « le genre historique, le
discours historique qui prend pour sujet l’histoire », « toujours tributaire de l’idéologie, donc des intérêts sous-jacents à la vie culturelle et sociale » (p. 179).
histoire : l’histoire-récit, ce que raconte le texte littéraire. »20
19 Sansal, B. Op.cit. p83& 8420 Achour, C & Rezzoug, S. (1990). Convergences critiques. Introduction à la lecture du littéraire. OPU. Alger.
35
A la lumière de cette définition il est possible de placer « Le village de l’allemand » entre une écriture littéraire et une écriture historique. En effet l’histoire à partir des données HISTORIQUES intégrées a une fonction pédagogique vu qu’elle transmet des faits réels et avérés. Cependant les relations qui se tissent entre les faits, réels ou imaginaires, sont de nature causale et racontent des événements qui se produisent au moment de leur transcription, et non qui se sont déjà déroulés dans le temps.
L’écriture HISTORIQUE est ici un moyen pour l’auteur de raconter une factualité qui prend ses racines dans l’HISTOIRE. Et là ou nous croyons lire une morale méthodologique, nous nous retrouvons face « une morale du fantasme, d’une autoconstruction comme on peut douloureusement bricoler, individuelle même si elle a un sens collectif, non (…) une « instruction » donnée par un écrivain au-dessus des contingences »21. Effectivement, même si les deux journaux se basent sur les mêmes faits HISTORIQUES, leurs dénouements restent différents. Là où l’aîné échoue, le cadet tente de s’en sortir et survivre.
La disposition de l’HISTOIRE dans l’histoire suppose aussi des connaissances du lecteur pour décoder cette juxtaposition qui contribue lourdement à la construction sémantique. L’auteur, comme pour souligner ses références à l’HISTOIRE de la Seconde Guerre Mondiale, introduit beaucoup de termes et de mots en allemand que nous reprenons entièrement (voir l’annexe 3) dont nous donnons, dans ce qui suit, quelques exemples:
Lager : camp, entrepôt, stock.
Mein Ehre Heisst Treue : mon honneur se nomme fidélité.
Judenramp : la rampe juive.
Hitlerjugends : les jeunesses hitlériennes.
21 Achour, C & Rezzoug, S. (1990) . ibidem. P267
36
Toute cette terminologie apporte à l’histoire plus de crédibilité mais alourdit surtout le poids dramatique par la nature rugueuse de la langue allemande dont la sonorité est autoritaire et violente.
3-3 Jeux et enjeux (dispositif d’engrenage) :Cette écriture réaliste et véridique accentuée par sa forme journalière, rend trois notions
indispensables les unes aux autres, qui sont la réalité, la véracité et la fiction dans le roman.
Cette dernière présentée sous la forme d’un journal intime, crée une double dimension à ces
trois notions. Afin de mieux comprendre les relations établies entre elles, nous avons recouru
à une représentation sous forme d’un double engrenage, présenté ci-dessous, et qui nous
semble illustrer fidèlement le dispositif de fonctionnement du roman.
Figure 1. Dispositif d’engrenage
Notre dispositif représenté par trois roues dentées aux dimensions différentes, la plus grande
en rouge représente la « fiction », la seconde en vert « la réalité » et la plus petite en bleue
reflète « la véracité ». Les flèches directives qui véhiculent un mouvement de quête, dans une
triple animation, représentent l’importance des liens qui les fusionnent. Ce dispositif
d’engrenage est déclenché par la mise en action de la fiction, celle-ci dans sa rotation met en
marche la réalité, qui à son tour, en s’appuyant sur des faits authentiques et authentifiés, va
37
faire tourner la roue de la véracité, et de la sorte, inscrit ce triple mouvement dans une rotation
dense et perpétuelle, qui se vérifie dans la répétition de l’Histoire dans l’histoire.
Au-delà de ce dispositif d’engrenage explicite qui nous offre une illustration parfaite du
déroulement de l’histoire telle qu’elle nous est présentée, baignant dans une atmosphère de
quête réaliste et fondée sur des faits avérés, nous décelons un second dispositif plutôt
implicite, représenté dans notre illustration par l’effet d’ombre, qui est l’esthétique même du
roman, ainsi sous la forme d’un journal intime, nous retrouvons nos trois roues avec leurs
flèches directives qui viennent solidifier ce mouvement de quête et convenir de la perpétuité
de l’histoire dans l’incipit/excipit du journal des frères Schiller, effectivement le premier
chapitres sert de prélude au dernier, autrement dit, arrivant à la lecture du dernier chapitre,
nous nous retrouvons propulsés dans le premier.
Cet engrenage est valable autant dans le fond, où l’Histoire sert de référence à la fiction qui
comme nous l’avons dit précédemment est ancrée dans la réalité à travers la description
sociale et environnementale minutieuse, que dans la forme, où le roman modelé sous l’aspect
d’un journal intime, entraine le lecteur à travers la succession de chapitres appropriés, datés et
pour certains situés, dans une perspective réaliste.
L’auteur, à travers cet ingénieux double engrenage, arrive à mêler Histoire et histoire, quelles
soient individuelles ou collectives à travers l’intrigue qui se veut ironique, où les situations
s’inversent puisque le père victime du G.I.A. se retrouve à la place du bourreau, le fils ainé
ingénieur et instruit finit par s’aliéner et se suicider, et le cadet qui zonait sans aucun but
précis trouve sa voie et finit par sauvegarder son humanité.
Ces revirements de situation dénotent une certaine instabilité dans le récit, et ouvrent à son
rédacteur, une large étendue de possibilités, où il peut utiliser à sa guise l’histoire comme
parodie de l’Histoire, comme l’explique Gentte.G : « le récit de fiction est une pure et
simple feintise ou simulation du récit factuel, où le romancier, par exemple, fait
semblant de raconter une histoire vraie sans rechercher la créance du lecteur, mais sans
laisser dans son texte la moindre trace de ce caractère non sérieusement simulé »22. Cette
parenthèse offre une première explication à la confusion entre discours factuel et discours
fictionnel, où en effet, le fictionnel ne fait que reproduire le factuel.
22 Genette,G. (2005). fiction et diction . Seuil. Paris. p68
38
Le factuel, dans notre objet d’étude, repose essentiellement sur l’Histoire et comme nous le
savons, l’historiographie est liée à la littérature par deux attaches, la première d’ordre
génétique étant donné que l’Histoire avant de se constituer en science elle faisait partie de la
littérature, et par une deuxième attache, où elle est formellement analogue aux textes
littéraires puisqu’elle n’échappe ni à la relativité méthodologique et conceptuelle ni à celle
proprement narratologique de la formulation.
Gentte.G dans son livre « discours du récit », met en place cinq procédés : l’ordre, la durée,
la fréquence, le mode et la voix, qui nous conduiront à mieux préciser les divergences et les
convergences du discours factuel avec le discours fictionnel dans notre roman-journal. Nous
allons nous focaliser sur trois points, l’ordre, la fréquence et la voix, qui nous semblent
pertinents et porteurs des deux entités (Histoire/histoire) constituants le roman de Sansal.B.
1- L’ordre : l’Histoire n’obéit pas à un ordre temporel chronologique, tout comme la
fiction elle peut utiliser des analepses et des prolepses selon ses besoins dans le récit.
Et c’est ce que nous avons constaté, vu que la référence aux faits Historiques avérés
dans la fiction intervient à différents moments du récit. Notre roman- journal nous
donne une vision plus claire des anachronies présentes. Effectivement, daté, il offre à
la fiction un ordre de narration qui nous laisse deviner le déroulement des événements
et de la sorte entrevoir l’enchâssement de la véracité dans la fiction.
2- La fréquence : « un événement n’est pas seulement capable de se produire : il peut
aussi se reproduire, ou se répéter... L’identité de ces multiples occurrences est
bien sûr contestable, la répétition n’étant qu’une construction de l’esprit »23,
l’imagination de l’auteur va construire une histoire qui s’inscrit dans la répétition de
l’Histoire par le biais d’une relation analogique, où il va prendre uniquement les
événements susceptibles de l’aider à édifier son récit. Cette répétition, « Des
événements semblables ne sont considérés que dans leur ressemblance et non
dans leurs différences»24, de l’Histoire dans l’histoire correspond au récit répétitif, ou
l’Histoire de l’horreur de l’extermination juive et des massacres de la décennie noire
en Algérie vont se reproduire dans le village d’Ain-Deb, dans la tête de Rachel et
risque de se reproduire dans la cité de Malrich.
23 Genette, G. (2007). Discours du récit. Seuil. Paris. P14524 Genette, G. (2007). Ibidem. P 145
39
3- La voix ou l’instance narrative : Malrich, n’étant pas seulement celui qui accomplit et
subit l’action, mais aussi celui qui la rapporte, il est tantôt, homodiégétique, entant que
personnage-narrateur, quand il raconte les actions auxquelles il prend part notamment
dans la cité avec ses copains, et son voyage vers Ain-Deb, et tantôt hétérodiégédique
quand il raconte les événements auxquels il est absent et ne fait que les rapporter,
comme le massacre d’Ain-Deb, et le journal de Rachel. Ce dernier, à travers
l’enchâssement de son récit (métadiégétique) à son tour se constitue en personnage-
narrateur (donc homodiégétique) d’une part, quand il raconte sa quête à travers
l’itinéraire de leur père retracé dans un carnet militaire où tout y est confessé, et
d’autre part il est hétérodiégédique à travers son récit sur les déportations des juifs
vers les camps de concentrations et d’exterminations, et quand il raconte la nuit
tragique dans laquelle ses parents et plusieurs habitants du village meurent sous les
coups du G.I.A.
En plus de l’enchâssement des journaux des deux frères, l’aspect journalier de la
narration, nous impose un récit intercalé entre les moments de l’action, comme nous
l’avons évoqué dans l’aspect transdisciplinaire du diariste, il lui faut d’abord vivre les
événements pour les raconter après : « Le journal et la confidence épistolaire allient
constamment ce que l’on appelle en langage radiophonique le direct et le différé.
Le narrateur est tout à la fois le héros et déjà quelqu’un d’autre... »25.
Nous trouvons aussi, l’insertion du « récit prédictive » dans le roman, à travers la voix
de Malrich. Celui-ci prédit l’avenir de la cité dans les mains des islamistes. Cette
prédiction est mentionnée dans sa lettre au ministre français de l’intérieur où il
écrit : « ... les islamistes ont colonisé notre cité et nous mènent la vie dure. Ce n’est
pas un camp d’extermination mais c’est déjà un camp de concentration... A ce
train, la cité sera bientôt une république islamique parfaitement constituée. Vous
devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses
frontières actuelles... »26.
Il est clair que dans ce roman-journal, la frontière entre le réel et le fictionnel nous semble très
fine, et la confusion y est très présente, notamment au niveau narratif où les deux personnages
se constituent tour-à-tour narrateurs d’un fait qui au final les concerne tous les deux.
25 http://bouche-a-oreille.pagesperso-orange.fr/grammaire/genette.htm consulté le 25/08/1126 Sansal, B. (2008). Op.cit. p 231
40
Cette doubles présence de personnages-narrateurs, voulu par l’auteur, donne lieu à une
interaction entre plusieurs notions, discours factuel et discours fictionnel, passé et présent,
l’individuel / l’intime et le collectif, la mémoire et l’oubli, le direct et le différé, et c’est le
tissage de tous ces éléments à travers l’enveloppe textuelle (le journal intime) qui est la
matrice ou nous voyons fonctionner tous ces mécanismes.
Chapitre II : pour une écriture en mouvement
41
1- Dans la narration :
1-1 Dynamique onomastique :Dans l’étude du texte, les personnages détiennent un rôle central, puisqu’ils articulent les
événements qui font l’histoire en y figurant, participant ou en les narrant. Et l’une des
dimensions très importante de la mise en texte de la fiction est celle des désignateurs des
personnages (nominaux, pronominaux ou périphrastiques) puisque « Le nom est à la fois
produit pour un texte et producteur de sens dans ce texte »27. Nous avons relevé bon
nombres de personnages dont leurs désignateurs renvoient à une qualification ou une
évolution. Nous les survolerons pour nous focaliser ensuite sur les personnages qui nous
intéressent : les SCHILLER.
Parmi les personnages dont le nom renvoie à une qualification ou une évolution, nous
recensons :
- « Cinq-Pouces » surnom qui décrit son habilité et sa dextérité : « ...Ce n’est pas
des paluches qu’il a au bout des bras mais des trousses à outils suisses »28.
- « Garçon-de-Café dit Bidochon »29 qui « ...toute sa vie a bossé trois jours
comme garçon de café... »30.
27 Achour,C & Rezzoug, S. ( 1990) Op. cit.P.204 28 Sansal. B. (2008) P.12329 Sansal. B. (2008). P.7330 Sansal. B. (2008)P.122
42
- « Idir-Quoi » : est un surnom composé du prénom Idir d’origine berbère, et qui
signifie « vivants » en Tamazight et du pronom interrogatif Quoi qui décrit son
caractère réfléchi « ... mais ne sais pas dire son idée, le bégaiement le bloque
dés qu’il ouvre le bec... »31.
- « Raymond », après avoir fréquenté « ...la cave de la tour 17 où les frères
tenaient mosquée ouverte... »32 se faisait appeler « Ibn Abou Mossab... il avait
son billet et son manuel pour les camps de la mort de Kaboul... »33 jusqu’à ce
que son père l’en extrait in extremis.
- « Togo au Lait » ou togolais qui définit l’origine de son pays le Togo, un pays de
l’Afrique de l’Ouest, et Lait par opposition à sa couleur « ... noir corbeau et
coiffé à la black... »34.
- « Com’Dad, le commissaire Daddy »35 : Com, diminutif de commissaire et Dad,
diminutif de daddy qui veut dire papa. Personnage qui veille sur Malrich et ses
copains afin de leurs éviter de faire des bêtises.
L’auteur introduit un effet de réel à travers le choix des noms attribués aux personnages dans
notre corpus qui est « un acte d’onomatomancie » où chaque surnom sert à « prédire à
travers le nom la qualité de l’être »36 ou à raconter ses origines socioculturelles de
provenances différentes. En effet, la plus part des désignateurs sont chargés de connotations,
soit à leurs origines : «... Afrique, ou Moyen-Orient, à Kaboul, en Bosnie. Les copains
viennent tous de quelque part ou court la guerre, ou frappe la famine... »37, Soit à un trait
de caractère, soit à une évolution ou un changement de statut, ce que nous retrouvons dans le
choix nominatif des Schiller.
Les SCHILLER : Les prénoms de Rachel et Malrich SCHILLER présentent un ensemble de caractéristiques très
significatives dans le récit de part leurs compositions, la signification de leurs prénoms et le
rôle que chacun détient dans la fiction. Les noms seuls des personnages contiennent ainsi une
métaphore de leurs destins. Les deux prénoms sont en réalité des surnoms, résultat d’une
31 Sansal. B. (2008) P.12232 Sansal. B. (2008)P.40 33 Sansal. B. (2008) P.41 34 Sansal. B. (2008. )P.12235 Sansal. B. (2008).P.2436 Molho, M. (1984). « Le nom : le personnage ».Travaux de l’université de Toulouse Le Mirail. S.E.L., p .88.37 Sansal. B. (2008). P.23
43
contraction de prénoms, qui nous met, d’ors et déjà, face à une double appartenance
géographique et culturelle peu probable, inattendue et curieuse.
Enfant d’un mariage algéro-germanique, l’ainé, Rachel, contraction de Rachid (prénom
algérien) et Helmut (prénom allemand), est ironiquement un prénom féminin à forte
résonnance juive. Cadre dans une multinationale, il réussit dans la vie jusqu’au jour où il finit
par se suicider « ... dans le garage, assis par terre, dos contre le mur, jambes allongées, le
menton sur la poitrine, la bouche ouverte... »38 à la suite de la découverte de l’identité nazie
occultée de leur père. Rachel, en voulant comprendre comment son père s’est transformé en
bourreau, il finit par s’identifier à lui : « je suis Helmut Schiller, le fils de Hans Schiller, et
dans cet endroit mon père a sa part des un million trois cent mille morts, gazès pour la
plupart »39et s’infliger le même sort que ses victimes jusqu’aux moindres détails, au moment
du passage à l’acte « Il portait un drôle de pyjama, un pyjama rayé (...) et il avait la tête
rasée comme au bagne... »40 Comme les juifs d’Europe gazés au Zyklon B par les nazis.
Malrich : est le résultat de l’association de Malek (prénom algérien) et Ulrich (prénom
allemand) qu’on peut segmenter de la sorte Mal/rich. Ce surnom, que Rachel se charge
d’expliciter en ses termes : « Mon pauvre Malrich, tu portes bien ton surnom. La vie n’a
pas été chic avec toi »41, réunit effectivement l’ensemble des caractéristiques du personnage
où « le nom fonctionne en interaction avec l’être et le faire du personnage (...) ce qui
signifie concrètement que le nom programme et synthétise en quelque sorte ce qu’est et
ce que fait le personnage »42. Le choix de ce surnom n’est effectivement pas innocent,
puisqu’il va devoir comprendre le suicide de son frère ainé, l’identité nazi de son père, la fin
tragique de ses parents et de bons nombres d’habitants de Ain-Deb en Algérie et sa vie dans
une cité classée « ZUS-1, zone urbaine sensible de première catégorie »43 oubliée de l’Etat
français et sous l’emprise des islamistes du G.I.A.
Quant au père, personnage absent/présent dans le roman, il connait plusieurs appellations qui
indiquent soit une évolution sociale, soit un changement de religion, soit la dissimulation
d’une identité meurtrière. Face à ces multiples désignateurs, nous avons réalisé le tableau ci-
dessous pour mieux les retracer :
38 Sansal. B. (2008). P.12 39Sansal.B,. .(2008). P23540 Sanal,B. (2008)..p1241 Sansal. B. (2008) P4242 Reuter, Y ( 2000) . Analyse du récit . Nathan éditions. Paris.P6843 Sansal. B. (2008) P11
44
Dénominations Extraits du roman
Hans Schiller « Hans Schiller, né le 5 juin 1918 à Uelzen, fils de Erich Schiller et
Magda Taunbach. Adresse : 12B, Millenstrasse, Landorf, Uelzen.
Formation : ingénieur en génie chimique, université Johann
Wolfgang Goethe de Frankfurt am Main » 44 .
Si Mourad « Il y a deux papiers administratifs algériens (...) La première, datée
du 17 juin 1957, signée par le colonel Boumediene, chef d’état-major
de l’armée des frontières, dit ceci :
Le dénommé Si Mourad est affecté au centre de formation de
l’EMG, en qualité de conseiller en logistique et armement (...).
La deuxième, du 8 janvier 1963, signée par le secrétaire général de
l’Ecole des cadres de l’armée de Cherchell, dit :
Art 1 : Il est mis aux fonctions du dénommé Mourad Hans, formateur
civil temporaire. »45
Hassan Hans « J’apprenais que papa s’était converti à l’islam en 1963 (...) séduit
par la jeune et très belle Aïcha, la fille du cheikh du village, il se
convertissait pour l’épouser et prenait pour prénom Hassan. »46
Cheikh Hassan « A la mort du vieux sachem, le village lui octroya naturellement le
titre de cheikh. C’était une confirmation, on disait déjà le cheikh
Hassan »47
Hassan Hans dit
Si Mourad
« Sa tombe était dans le carré des martyrs, et celle de maman à côté.
Elles portaient les noms de Aïcha Majdali et Hassan Hans dit si
Mourad. Encore cette bizarrerie »48
Tableau 1. Classification des multiples désignateurs du père.
La classification des multiples désignateurs du père révèle les maintes identités qu’il a
endossé depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Comme nous pouvons le voir dans le tableau, à
la fin de la seconde guerre mondiale, Hans Schiller, comme beaucoup de dignitaires nazis,
prend la fuite vers l’orient pour atterrir en Algérie sous le pseudonyme de Si Mourad, sous
44 Sansal. B. (2008)P.49 45 Sansal. B. (2008). P 48 46 Sansal. B. (2008). P.38 47 Sansal. B. (2008). P.38 48 Sansal. B. (2008). P.38
45
cette seconde identité il participe à la guerre de libération algérienne. Puis il va s’enterrer dans
un bourg perdu « si loin de tout ! Aïn Deb, la Source de l’âne, n’est sur aucune carte (...)
Quel péril les premiers hommes fuyaient-ils pour s’être isolés ici ? ». Comme pour se faire
oublier. Dans ce petit village, il se convertit à l’islam et prend pour prénom Hassan,
remarquons que ce dernier a la même initiale que Hans : « H », et sonne presque de la même
façon. Puis il épouse la fille du cheikh du village, et à la mort de ce dernier, Hassan le
succède, hérite du titre de « cheikh du village » et devient cheikh Hassan. A sa mort, le cheikh
du village d’Aïn Deb prend comme dernier désignateur Hassan Hans dit Si Mourad. Cette
dernière dénomination réunit tous les noms qu’a porté le patriarche, tout au long de sa vie et
pour diverses raisons, à l’exception de son nom de famille Schiller. L’omission de cette
dernière identité, par les autorités algériennes, pousse ses enfants à la curiosité et au
questionnement « Pourquoi son nom a-t-il été remplacé par son prénom ? En fait, tout
simplement, pourquoi le nom Schiller n’apparaît-il pas ? »49, Et finit par révéler un passé
meurtrier que le père cachait soigneusement mais qui au final l’a rattrapé.
Ainsi l’attribution de plusieurs désignateurs surtout pour le patriarche, semble être la
conséquence d’une certaine incertitude quant à l’identité réelle (dans la fiction) de ce dernier
d’où l’abstention pour adopter une dénomination stable tout au long du récit. Dans cette
situation le rôle identificateur des noms propres est ébranlé, créant ainsi une altérité dans
l’identité du personnage en question. Tout est basé sur des manipulations intentionnelles de
l’identification, réalisées par l’attribution de plusieurs noms pour l’un et même personnage.
1-2 Les instances narratives :Comme nous le trouvons dans le titre « le journal des frères Schiller » nous sommes en présence d’un journal au pluriel, ce qui nous pousse à nous interroger sur le statut narratif existant et comment l’histoire se déroule entre deux voix fratries.
● Malrich narrateur/auteur :« Il y a des cas où un narrateur est nominalement présenté, personnage qui au début du
roman annonce qu’il va raconter son histoire ou celle dont il a été le témoin. » 50. Le
49 Sansal. B. (2008) P.45 50 Zanone, Damien. (2002). L’autobiographie. Ellipses. Paris. P 09
46
roman s’ouvre sur un préambule51 signé, dans lequel Malrich donne au lecteur un avant-goût
du récit qui va suivre, et qui semble aussi l’installer comme l’auteur-narrateur du « journal des
frères Schiller ».
Cette particularité, que nous retrouvons dans une seconde note « concernant l’organisation
des chapitres suivants et le choix des chroniques de Rachel »52, crée effectivement une
certaine confusion entre narrateur et auteur. S’ajoute à cela, l’aspect diariste de la fiction où
l’auteur se doit d’abord de vivre les événements qu’il écrira ensuite, les références Historiques
qui constituent une bonne partie de l’histoire et l’insertion de passages du journal de Rachel
directement dans celui de Malrich dans la première partie du « journal des frères Schiller ».
Cette confusion « peut être légitime dans le cas d’un récit historique ou d’une
autobiographie réelle, mais non lorsqu’il s’agit d’un récit de fiction, où le narrateur est
lui-même un rôle fictif, fut-il directement assumé par l’auteur »53 .
Il est clair que « -L’auteur a vécu ou vit réellement : son nom est sur la couverture
[Boualem Sansal.B] (...) – le narrateur, lui, est celui qui raconte la fiction, c’est la
« médiation narrative » selon l’expression de J.P. Goldenstein (p.29). »54.
Sauf que par le biais de ces deux notes, Malrich explique son choix de la progression
narrative, son choix de centrer l’intérêt dans telle ou telle séquence sur tel ou tel
personnage ou tel ou tel événement, son choix de la progression temporelle, le rythme du
récit avec l’alternance des temps forts et des temps faibles
(narrations/descriptions/actions...) 55.
En remplissant pleinement sa fonction de régisseur de leur histoire, il se pose comme
l’organisateur et narrateur/auteur de leur journal. Ce sont tous ces éléments, réunis ensemble,
qui nous poussent à nous intéresser au statut que Boualem Sansal.B a donné à Malrich, entre
simple personnage narrateur et auteur fictif, et les effets qui en découlent.
Comme nous l’avons exposé dans le premier chapitre, l’histoire des Schiller est segmentée en
trois parties (non visibles au niveau formel du texte, puisqu’il est morcelé en 21 chapitres). La
51 Je remercie très affectueusement Mme Dominique G.H., professeur au lycée A.M., qui a bien voulu réécrire mon livre en bon français. Son travail est tellement magnifique que je n’ai pas reconnu mon texte. J’ai eu du mal à le lire. Elle l’a fait en mémoire de Rachel qu’elle a eu comme élève. « Son meilleur élève », a-t-elle soulignée. Dans certains cas, j’ai suivi ses conseils, j’ai changé des noms et supprimés des commentaires. Dans d’autres, j’ai conservé ma rédaction, c’est important pour moi. Elle dit qu’il y a des parallèles dangereux qui pourraient me valoir des ennuis. Je m’en fiche, ce que j’avais à dire, je l’ai dit, point, et je signe : MALRICH SCHILLER.52 Sansal,B (2008) . P191 53Genette. G .(1972). figures III Seuil. Paris. P.226.54 Achour,C & Rezzoug,S. (1990).Op.cit. P19755Achour,C & Rezzoug,S. (1990). Ibidem. P198
47
première partie est complètement assumée par Malrich qui introduit dans son récit des
passages du journal de Rachel. La seconde intègre la voix de Rachel indépendamment de celle
de Malrich, et la troisième et dernière partie ébauchée par une note explicative (chapitre 14),
continue les récits de la fratrie.
Nous nous intéressons plus à la première partie (chapitre1 et 2), dans laquelle Malrich
annonce l’écriture de son journal qu’il nous adresse directement en ces termes : « j’ai senti
aussi très fort, sans savoir pourquoi, que je devais le raconter au monde [...] Et tout à
coup, moi qui avait horreur de ça, je me suis mis à écrire comme un dingue »56. Ainsi,
dans le premier chapitre, Malrich est tantôt extradiégétique-homodiégétique, c’est-à-dire,
narrateur au premier degré « présent comme personnage dans l’histoire qu’il raconte »57,
et tantôt narrataire extradiègètique, désigné par Rachel comme son légataire dans une note
post-scriptum à la fin du roman, et hétérodiégétique, puisque même s’il s’agit d’une histoire
familiale, Malrich est généralement absent dans le récit de Rachel qui est surtout centré sur le
passé paternel.
Dans le second chapitre, nous assistons à l’insertion d’un récit second « homodiégétique,
c’est-à-dire concernant [...] les mêmes personnages que le récit principal »58, pris en
charge par Rachel à l’intérieur du récit premier (celui de Malrich). Gérard Gentte.G dans
Figures II nomme « diégétique le niveau premier, et métadiégétique le niveau second »59.
Ces insertions de récits métadiégétiques de Rachel, et qui sont au nombre de quatre,
confèrent, encore une fois, à Malrich le statut d’auteur puisqu’il est devant lui comme nous
sommes devant eux. C’est-à-dire que pour Malrich les récits de Rachel sont diégétiques au
second degré. Malrich n’est pas un personnage dans un récit assumé par Boualem Sansal.B, il
est l’auteur fictif du « village de l’allemand, où le journal des frères Schiller » puisqu’il
s’adresse directement à nous, lecteurs réels, il nous raconte l’histoire de sa famille, du suicide
de son frère, du passé nazi de son père, de la fin tragique de ses parents dans un pays sous
l’emprise du G.I.A., et de sa vie à la cité.
Cette première partie va servir de préambule pour le reste du récit. Effectivement, Malrich va
poser les piliers de leur histoire en insérant dans son propre récit celui de son frère. Tandis
que dans la seconde et dernière partie, nous assistons à la séparation des deux voix. Ainsi,
nous retrouvons deux journaux datés et attitrés tantôt Malrich et tantôt Rachel, à travers 56 Sansal,B (2008).P14 et 18 57Genette. G. (1972). op.cit. P252 58 Genette. G.(1969). P20259 Genette. G.(1969). P202
48
lesquels chacun exposera sa propre vision de leur histoire familiale commune. C’est ce qui
nous pousse à nous intéresser à la focalisation.
« La formule de focalisation ne porte [...] pas toujours sur une œuvre entière, mais
plutôt sur un segment narratif déterminé, qui peut être fort bref »60. En sommes, dans la
première partie, en s’appropriant le récit de Rachel, Malrich fait une présentation de leur
passé, parle des événements présents et prédit même l’avenir, il sait tout et révèle tout. De ce
fait, nous sommes tentés de le qualifier de narrateur à focalisation zéro, puisqu’ « Il fait du
lecteur son complice en lui donnant des clefs de sens que ne possèdent pas les
personnages, il use d’analepses ou de prolepses pour satisfaire la curiosité de son lecteur
ou l’appâter »61.
Ceci dit, les insertions du journal de Rachel, que Malrich intègre dans son récit, sèment le
doute puisqu’ils présentent les caractéristiques d’une focalisation interne variable, et nous
savons que « le récit non focalisé pouvant le plus souvent s’analyser comme un récit
multifocalisé ad libitum, selon le principe qui peut le plus peut le moins »62. Nous parlons
de focalisation interne variable lorsque le personnage focal change en cours du récit.
Effectivement, dans le chapitre 2, le point de vue est d’abord celui de Malrich qui insère celui
de Rachel pour revenir à celui de Malrich et ainsi de suite. Ce changement de foyer est plus
évident dans la seconde et troisième partie du roman, dans lesquelles nous passons du
« Journal de Malrich » au « Journal de Rachel » et ce jusqu’à la fin du roman.
Cette multifocalisation, pour Gentte.G, relève de la focalisation zéro du narrateur qui voyage
dans les consciences et marque son omniscience. Cette dernière particularité affirme le statut
d’auteur fictif de Malrich.
Ce procédé accentue le réalisme, définitivement recherché par l’auteur, dans l’écriture de sa
fiction. Ainsi, en plus de l’aspect formel, déjà très réel, sous lequel il nous présente son roman
et les éléments Historiques relevés plus haut, l’auteur continu sur sa portée même dans la
construction interne de sa fiction.
60Genette. G.(1969).P208 figures 61Achour, C & Rezzoug, s. (1990) Op.cit. P19962Genette, G (1969). P209 .
49
● Rachel narrateur témoin :Dans l’analyse que nous nous proposons de faire de Rachel entant qu’instance narrative, nous
nous arrêterons sur les attitudes et fonctions narratives qu’adopte le personnage dans la
fiction. Aussi, nous nous pencherons sur la présence d’éléments réels insérés essentiellement
par le biais de ce personnage.
Rachel est un personnage narrateur homodiégétique, il va raconter dans son journal comment
il apprend la mort de ses parents en Algérie, la découverte du passé paternel dans une valise,
son errance à la quête de la vérité et les conséquences que cela a sur sa vie. Dans la première
partie (comme nous l’avons vu dans le titre précédent) il est narrateur au second degré
(intradiégétique) introduit dans le récit de Malrich en ces termes : « Rachel a écrit [...] il a
écrit ». Mais dans la seconde et la dernière partie du roman, les chroniques de Rachel sont
présentées comme celles de Malrich, datées et attitrées. A partir delà, le statut intradiégétique
de Rachel change pour devenir extradiégétique, en d’autres termes, le narrateur au second
degré de la première partie assumé par Malrich devient narrateur au premier degré qui raconte
sa propre histoire. Ce changement de statut de l’instance narrative fait de Rachel un narrateur
autodiégétique, impliqué, s’exprimant à la première personne (je) et se mettant en scène
comme protagoniste dans son histoire.
Dans son récit, Rachel agrémente son histoire d’informations attestées et vérifiables en
relation avec l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Cette spécificité nous interroge sur
les fonctions que Sansal.B confère à Rachel entant que personnage narrateur.
Nous savons que le monde narratif est représenté de différentes manières, selon l’effacement
ou la représentation perceptible du narrateur au sein de son propre récit. A ce sujet, Gentte.G
répertorie cinq fonctions qui exposent ce degré d’intervention du narrateur, selon
l’impersonnalité ou l’implication voulue. Outre la fonction narrative, « c’est-à-dire, le fait
de raconter l’histoire [...] le discours du narrateur [...] peut assumer d’autres
fonctions »63.
Les indications (au début de chaque chapitres), temporelles et parfois spatiales (chapitres 15,
16 et 19) propres au journal intime, qui viennent organiser le récit du diariste relèvent de la
fonction de régie64. Cette fonction comporte les commentaires et les interventions 63Genette. G. (1972). op.cit. P261 figures 64 Notons que cette fonction est beaucoup plus explicite dans le journal de Malrich que dans celui de Rachel. Effectivement, Malrich intervient plus fréquemment dans son récit en se posant comme le régisseur de leur journal, notamment dans un chapitre non attribué et non daté (chapitre 14) dans lequel il va longuement expliquer « l’organisation des chapitres suivants et les choix des chroniques de Rachel ».
50
« métaliguistique (métanarrtifs en l’occurrence) »65 du narrateur qui vient organiser son
récit dans lequel il insère et alterne entre narration, descriptions et paroles des personnages.
Nous citons à titre d’exemples les passages suivants :
« Après trois moi de courses infernales, je l’ai eu ce précieux document. Obtenir des
papiers administratifs d’Algérie est assurément la mission la plus difficile au monde »66.
Ici Rachel rend compte des complications administratives rencontrées pour l’obtention de son
passeport algérien.
« Silence. Hochement de tête. L’homme était dans ses souvenirs, c’était le moment de le
toucher au bon endroit »67. Cette description que le narrateur introduit, au plein milieu du
dialogue qu’il tient avec l’ami d’enfance de son père retrouvé fortuitement à Uelzen, a pour
fonction l’organisation de la discussion, puisqu’elle exprime le moment où Rachel entame les
vraies questions qui l’ont orienté vers la ville natale de son père.
La troisième fonction, que Gentte.G nomme fonction de communication et qui émane
directement de la situation narrative, implique le narrateur et son narrataire. Dans le but
d’établir ou de maintenir le contact avec lui, le narrateur s’adresse directement au narrataire,
c’est-à-dire son lecteur potentiel. Cette fonction « rappelle à la fois la fonction « phatique »
(vérifier le contact) et la fonction « conative » (agir sur le destinataire) »68. Il est clair que
l’intention de communication de la part de Rachel est explicitement énoncée dans son récit et
cela de deux différentes manières. Dans l’emploi de la 2ème personne du singulier (tu) en
désignant Malrich : « Mon pauvre Malrich, tu portes bien ton surnom, la vie n’a pas été
chic avec toi »69, « Un jour, tu liras mon journal et tu comprendras et surement tu me
pardonneras, le temps aura passé et fait son œuvre »70 .
Et dans une note post-scriptum à la fin de son journal, qui pour prévenir d’éventuels lecteurs
du destinataire désigné :« P-S : Je souhaite que mon journal soit remis à mon frère Malek
Ulrich Schiller. Merci de respecter ma volonté »71.
Rachel s’investit tellement dans la recherche de l’humanité de son père qu’il finit par perdre
son boulot, sa femme, son foyer et jusqu’à sa vie. Cette implication atteste de La fonction
65Genette. G. (1972). op.cit. P 261 66Sansal, B.(2008). P. 2767 Genette. G. (1972). op.cit. P 66 68 Genette. G. (1972). op.cit. P262 69 Sansal, B.(2008).P 42 70 Sansal, B.(2008).P43 71 Sansal, B.(2008).
51
testimoniale ou d’attestation, qui comporte la relation du narrateur avec son histoire, centrée
sur les émotions et les sentiments qu’elle éveille en lui, mais aussi sur les valeurs et le rapport
« moral et intellectuel, qui peut prendre la forme d’un simple témoignage, comme
lorsque le narrateur indique la source d’où il tient son information, ou le degré de
précision de ses propres souvenirs »72.
Après la découverte du passé paternel consigné dans les documents, photos, revues et lettres
que contient une mallette trouvée dans la maison familiale à Aïn Deb, Rachel effectue des
recherches poussées sur ce passé nazi, basées sur ses lectures, tel le « livre par lequel le plus
grand drame du monde s’est abattu sur nous, sur moi. Mein Kampf »73 d’Hitler, ou le
témoignage d’un rescapé des camps de concentration Primo Levy, auquel il apportera une
réponse aux vers de « Si c’est un homme »74.
Toutes ces recherches sur la seconde guerre mondiale ont un but explicatif. En effet, Rachel
les introduit dans son journal pour venir expliquer la présence de son père dans tel ou tel
endroit, à tel ou tel moment. Itinéraire parfaitement retracé dans son livret militaire.
Cette fonction combine aussi un rôle d’évaluation, centré sur les valeurs, il affiche le
jugement que le narrateur porte sur les personnages. Toutes ces recherches que Rachel réalise,
finissent par le persuader de la culpabilité de son père et son implication dans les meurtres de
la seconde guerre mondiale, qu’il rend compte en ces termes : « Mon père savait ce qu’il
faisait, je le connais, il était un homme de conviction et de devoir [...]. Hans Schiller, tu es
une crapule, le pire des assassins, je te vomis, je te hais [...] et que ceux que tu as gazés
viennent te cracher au visage ! [...]. Tu n’avais pas le droit de fuir, papa. Je dois assumer à
ta place, je vais payer pour toi, papa. Hans Schiller, soit maudit ! »75. La fin de ce passage
atteste encore une fois du degré d’implication de Rachel dans son histoire familiale.
Il est clair que Rachel est viscéralement attaché au passé paternel. Durand toute son histoire,
tout y est rapporté, en ponctuant de temps-en-temps de commentaires plus généraux, comme
nous pouvons le constater à travers le passage suivant : « si un seul crime demeure impuni
sur terre et que le silence l’emporte sur la colère, alors les hommes ne méritent pas de
vivre »76. Cette intervention émane de la fonction idéologique, qui se manifeste sous
72 Genette. G. (1972). op.cit.P 262 73 Sansal, B.(2008)P95 74Sansal, B.(2008) P68 75Sansal, B.(2008) P 244 76 Sansal, B.(2008)P99
52
l’apparence d’un commentaire plus didactique, plus abstrait, proposant un point de vue
généralisant sur la société, les hommes... etc., contrairement aux personnages proustiens
« chargée [és] de provoquer la pensée, non de l’exprimer »77
Toutes ces fonctions, plus ou moins assumées par Rachel dans son récit, permettent à Malrich,
entant que narrataire, d’évaluer l’information apportée et le degré d’implication et de distance
de Rachel.
2- A travers la double temporalité roman/journal :« Le village de l’allemand, ou le journal des frères Schiller » se présente sous la forme
d’un roman journal, par conséquence sa structure temporelle peut être considérée sous deux
optiques, celle du journal intime (discontinu, lacunaire, allusif, redondant et répétitif), et celle
du récit narratif (ordre, durée, fréquences).
Ce genre littéraire, en question de temporalité « essai d’établir un compromis entre ce qu’il
y a de spécifique au journal intime (le vécu immédiat, la contingence, le temps non
dominé, l’indifférence à la communication littéraire) et ce qu’il y a de spécifique au
roman (la reconstruction, le sens, la communication) »78.
Ce que nous essaierons de clarifier, dans cette analyse temporelle, au-delà de cette mixtion
entre le temps du journal et celui de la narration, qui est une union plutôt contradictoire
comme nous le verrons, c’est que l’auteur par cette démarche poursuit son ancrage du réel
dans la fiction.
2-1- Le temps dans le journal :Nous nous appuierons sur l’analyse de Philippe Lejeune pour analyser le temps dans le
journal intime sous l’angle de la continuité et de la discontinuité 79 « comment le journal,
qui projette des vues discontinues de la vie, en ressaisit le mouvement ».
Notre corpus, certes, se manifeste sous la forme d’un journal, mais pas à son état pur.
Effectivement, et comme nous l’avons déjà signalé, le récit des frères Schiller est un journal
composé après être passé par deux des trois étapes pour le transformer en récit : « trier et 77 Genette. G. (1972). op.cit P264 78 Philippe Lejeune (2005). Op.cit. P 66 79 Philippe Lejeune (2005).Ibidem
53
réécrire (une toilette qui le mette en ordre) ; procéder à un montage »80. Ce processus est
clairement énoncé dans la note épigraphe de Malrich, dans laquelle il remercie l’aide de Mme
Dominique G.H. « qui a bien voulu réécrire mon livre en bon français […]. Dans certains
cas, j’ai suivi ses conseils, j’ai changé des noms et supprimé des commentaires. Dans
d’autres, j’ai conservé ma rédaction »81.
Ces modifications clairement amorcées dénotent d’une intervention et d’un travail de lecture
et de réécriture qui affectent l’aspect tragique du journal : « Là ou cesse l’écriture cesse
aussi la vie »82.
Ceci dit, l’auteur a su garder quelques artifices liés à l’écriture diariste pure, telle l’annonce du
début de l’écriture et ce pourquoi le diariste entame l’écriture d’un journal. Cet aspect nous le
retrouvons dans le journal de Malrich qui lui consacre tout un chapitre (le premier), dans
lequel il exprime les raisons qui l’ont poussé à entamer l’écriture De son journal, lui qui avait
horreur d’écrire. Par contre, l’annonce de la fin de l’écriture du journal y est absente.
Cependant nous la retrouvons dans le journal de Rachel, dans la dernière page, en caractères
majuscules et bien centrée avant une note P.S :
« FIN »83
Cette fin est synonyme de mort, vue le dénouement tragique du journal de Rachel. Cet
achèvement, bien qu’issu d’un montage des deux journaux, accentue le côté journalier du
roman, puisque « le dernier mot d’un journal qui accompagne une vie, c’est la mort »84
L’idée de continuité et de discontinuité dans le journal, Lejeune l’analyse sous trois angles : le
support en termes de cahiers (continu) et de feuilles volantes (discontinu) que nous
aborderons entant qu’espace d’écriture, le rythme et le cadre. Nous axerons notre étude
essentiellement sur le rythme qui est plus représentative de la temporalité dans notre corpus.
Le rythme :Le rythme d’écriture d’un journal est morcelé. Le journal est l’endroit dans lequel nous
entreposons des événements auxquels nous sommes sensés avoir pris part, ou étions témoins,
80Philippe Lejeune (2005). Op.cit. P.72 81Sansal, B. (2008) P.9 82 Philippe Lejeune (2005).Op .cit. P 6783 Sansal, B. (2008)P 264 84 Philippe Lejeune (2005). Op.cit.P.70
54
ceci suppose que nous avons vécu ces événements avant de les disposer dans le journal. Nous
relevons, dés ce stade, deux temps reliés à l’écriture diariste : le temps de vivre les choses, qui
est un temps présumé réel, et un temps pour les rédiger. Cette particularité fait du journal des
frères Schiller une histoire quasi-réelle, puisqu’elle suppose de ses diaristes d’avoir vécu les
événements qu’ils relatent.
L’écriture diariste est aussi fragmentaire par son aspect « elle se compose d’une suite
d’ « entrées » ou de « notes » ; on appelle ainsi tout ce qui est écrit sous une même date.
Ces unités, séparées les unes des autres, ont leur morphologie : en tête, la date, un début,
une fin, avec éventuellement des divisions intérieures »85.
Nous retrouvons, effectivement, ce morcèlement dans notre corpus entre les 21 chapitres qui
le constituent. Chaque chapitre à pour en tête l’attribution à l’un des deux frères et la date du
récit. Aussi, chaque chapitre rapporte un événement précis filtré parmi d’autres, ce qui
affermit sa discontinuité. Au hasard, le chapitre 3 du journal de Rachel daté du 22 mars 1994,
entreprend la narration de son voyage à Uelzen le village natal de son père, alors que le
chapitre qui suit daté de mars 1995 relate la perte de sa vie au détriment de ses recherches, et
sa lecture de « Mein Kampf ». Ensuite, celui d’avril 1995, raconte sa rencontre avec Jean92.
Il en va de même pour le journal de Malrich, par exemple : le chapitre 4 de Malrich daté du 9
octobre 1996, il y raconte la mort d’une jeune fille de la cité Nadia et continue sous le même
chapitre à l’aide de divisions intérieures (jeudi 10 octobre, vendredi 11 octobre : 7 heures du
matin, 8 heures, 18 heures). Puis dans le chapitre qui suit (31 octobre 1996) il dissèque le
suicide de son frère et entame une réflexion sur la vie à la cité sous la lumière de la Shoah.
En somme, le journal, par son caractère fragmentaire, effectue un travail de sélection pour
dire en dix minutes ce qui s’est produit en vingt-quatre heures. La fonction du journal est un «
travail de tri, qui dissocie le réel, le digère, en rejette la plus grande partie pour faire du
sens avec le reste, c’est le travail même de la vie. Mais le journal le pousse jusqu’au bout
en en fixant le résultat, et en construisant la suite des ces résultats en série »86.C’est
justement ce que Malrich fait sur le journal de son frère. Son tri ne correspond pas à un récit
de 24H mais s’étend sur deux ans et, est confiné dans quatre cahiers. Même si chaque chapitre
raconte un événement différent, ils se regroupent sous un, deux ou trois thèmes redondants
« Les discontinuités du journal sont donc mises en série, et retissées en continuités »87 .
85Philippe Lejeune (2005). Op. Cit. P.78 86 Philippe Lejeune (2005). Ibidem. P.79 87 Philippe Lejeune (2005).Ibidem. P.80
55
L’étude du journal comme rythme, revient à le prendre dans sa continuité mais aussi dans sa
discontinuité. Dans notre cas, ce rythme est double étant donné que nous sommes en présence
de deux journaux assemblés. Chacun a son propre rythme. Lejeune propose de mesurer ce
rythme en réalisant un diagramme à travers deux dimensions : interne (qui se rapporte à la
quantité d’écriture mesurée en lignes ou en pages) et externe (se rapporte au temps mesuré en
jours, semaines et mois).
Afin de mieux visualiser le rythme de notre corpus, nous avons procédé à la réalisation du
diagramme (en annexe 4), en ignorant volontairement son aspect décuplé pour le considérer
comme un seul et unique journal.
Ce diagramme en courbes, représente le rythme de l’évolution de notre corpus à travers la
dimension interne (sur l’axe horizontal) et la dimension externe (sur l’axe vertical). Comme
nous pouvons le voir, son évolution est croissante mais de manière irrégulière et discontinue
et à vitesse variable.
Comme nous pouvons le constater, la courbe ne suit pas une croissance stable et régulière,
bien au contraire elle est, certes croissante, mais complètement irrégulière et discontinue.
Nous constatons aussi une coupure au niveau de la courbe qui est représentative du chapitre
non daté qui se situe entre les pages 191 et 198.
Ce diagramme représente bien le caractère discontinu du journal intime, mais ne synthétise
pas très bien son caractère continu. En sachant que la continuité d’un journal se manifeste
toujours en l’évolution croissante de sa courbe. Notre courbe ne reproduit pas très bien celui
du journal. En effet, nous notons une évolution irrégulière, tantôt croissante et tantôt
déclinante que nous pouvons décrire comme un mouvement de yoyo. A titre d’exemple : la
courbe commence au point de croisement entre « de 9 à 18 » (axe horizontal) et « octobre
96 » (axe vertical) et, évolue en augmentant jusqu’au point de croisement entre « de 19 à 52 »
et « novembre 96 ». Puis elle diminue au point entre « de 53 à 69 » et « 22 septembre 94 »
pour repartir à la hausse au point entre « de 71 à 87 » et « 9 octobre 96 », et ainsi de suite
jusqu’à la fin de la courbe. Idem au niveau de la vitesse qui n’est pas toujours constante entre
augmentation et décroissance. L’augmentation évolue à vitesse plutôt régulière par rapport à
celle de la décroissance. Effectivement si au début elle est rapide, elle ralentit petit-à-petit
vers la fin.
56
En fait, la courbe évolue en suivant un mouvement de zigzag qui ne relève pas de l’évolution
d’un journal mais plutôt d’un récit narratif, entre analepses, prolepses, pause, ellipse,
sommaire… etc. Ce qui explique cette évolution à la fois croissante et décroissante. Quant à la
vitesse de décroissance, nous l’approchons entant que portée et amplitude.
2-2 Le temps dans le roman (le récit narratif) :Après notre tentative d’analyser la dimension temporelle de notre corpus entant que journal
intime, nous avons réussi, essentiellement grâce à la réalisation d’un diagramme88, à
comprendre que la temporalité de cette histoire, bien qu’elle se présente sous la forme d’un
journal et qu’elle répond à certains caractères de ce genre comme le début et la fin, est à
aborder en tant que récit. Ceci dit, ce genre d’écriture à la première personne se prête plus aux
jeux temporels que d’autres. Durant notre poursuite de l’analyse temporelle, nous reviendrons
à notre diagramme qui est très représentatif de la trajectoire temporelle entre le temps de la
fiction et celui de la narration.
« Le récit est une séquence deux fois temporelle… : il y a le temps de la chose-racontée
et le temps du récit (temps du signifié et temps du signifiant) »89. En général, nous parlons
du temps de la fiction ou de l’histoire en termes de temps écoulé dans la vie des personnages
en heures, jours, années au niveau de l’action racontée. Et temps de la narration, donc nombre
de lignes, pages. Le rythme varie alors en fonction du rapport de ces temps (la pause, le
ralentie la scène, le sommaire, l’ellipse).
« Le village de l’allemand, ou le journal des frères Schiller » se déroule entre le 24 avril 1994
et Février 1997 sur 264 pages, dans un ordre qui n’est pas celui de la chronologie. En effet
« Il s’organise autour d’un présent de la fiction qui est une sorte de point zéro de la
temporalité et autour duquel s’articulent un avant et un après »90.
Le degré zéro de la temporalité
Un avant Un après
« Journal de Rachel » « Journal de Malrich »
Du 24 avril 94 au 24 avril 96 Du 9 octobre 96 à février 97
Le suicide de Rachel88 Voir P.49 89Genette,G (1972). Op.Cit. P.77 90 Achour, C &Rezzoug, S ( 1990). Op. Cit. P.217
57
Le 24 avril 1996
Figure2. Temporalité du roman
Le récit s’ouvre sur le suicide de Rachel qui est le degré zéro de la narration puisqu’il
comporte un avant le journal de Rachel, et produit un après, qui est celui de Malrich. Histoire
de ne pas nous confondre, nous appelons « le journal de Rachel » récit second, du fait qu’il
s’insère dans celui de « journal de Malrich » que nous appelons récit premier. L’ordre
temporel du récit ne suit pas une évolution croissante ou déclinante stable, comme nous
l’avons déjà démontré dans notre diagramme mais un mouvement en zigzag. Ce mouvement
nous pousse à étudier la temporalité en confrontant l’ordre temporel des chapitres (c’est-à-dire
du 24 avril 1994 à février 1997) à l’ordre de succession de ces mêmes chapitres dans le
roman. En d’autres termes entant qu’anachronie qui « constitue par rapport au récit dans
lequel elle s’insère – sur lequel elle se greffe – un récit temporellement second,
subordonné au premier »91.
Avant de procéder à l’analyse de la jonction des deux récits en termes d’anachronies, nous
nous pencherons sur la portée et l’amplitude entre les deux. Au niveau des dates, le journal de
Malrich a une portée d’à peu près six mois, c’est-à-dire la distance temporelle entre les deux
journaux. Le journal de Malrich commence en octobre 1996, et le journal de Rachel s’achève
le 24 avril 1996, soit un écart de six mois. Cette distance couvre une durée de l’histoire du
récit second d’une période de deux ans, clairement énoncée entre le 24 avril 1994 et le 24
avril 1996.
Le récit premier s’ouvre sur une analepse complète qui s’étend sur les deux premiers chapitres
datés d’octobre et de novembre 1996. Il est clair que les deux récits, malgré leur distance
temporelle très proche, ne se joignent pas. Effectivement, là ou le premier journal prend fin, le
second débute quelque mois plus tard. Cette distance est reprise dans le deuxième journal
dans un résumé rétrospectif qu’il entreprend, dés la première page « Cela fait six mois que
Rachel est mort »92 et se poursuit, toujours en remontant le temps, à travers l’exposition des
éléments principaux de son histoire. Cette analepse est complète par rapport au reste de
l’histoire qui relate des événements qu’après coup, puisqu’elle constitue une part importante
du récit ou elle y expose l’essentiel de son histoire soit un début in médias res, qui consiste à
nous placer, nous en tant que lecteur, au milieu de l’action :
91 Genette,G (1972). Op.Cit.P.9092 Sansal, B ( 2008) P.11
58
Dans le premier chapitre : - le suicide de Rachel – les problèmes à la cité –
présentation de leurs origines et leur arrivée en France – l’obtention de leur
nationalité française.
Dans le deuxième chapitre : - le massacre d’Aïn Deb le 24 avril 1994 raconté
par Rachel – la description du massacre par Malrich en novembre 1996 – le
voyage de Rachel à Aïn Deb après l’obtention de ses papiers algériens -
l’arrivée de Rachel au village et son recueillement sur les tombes de ses
parents – retour sur la situation à la cité – l’omission de Rachel sur la tuerie de
leurs parents – résumé des découvertes de Rachel et de son déclin.
Ces deux premiers chapitres servent de récit sommaire, c’est-à-dire une « une narration en
quelques paragraphes ou quelques pages de plusieurs journées, mois ou années
d’existence »93. Effectivement, l’analepse complète, par sa rétrospection contribue à la
réalisation du récit sommaire. Ce dernier a pour fonction, dans un mouvement tantôt en avant
et tantôt en arrière de nous résumer le passé des personnages en question. Une fois les
présentations faites dans cette première partie, le récit premier reprend la narration de ses
événements dans un ordre chronologique stable, puisque tous les chapitres attribués à Malrich
se poursuivent dans une évolution croissante comprise entre le 9 octobre 1996 et février 1997.
Nous observons aussi un vide, un blanc sur la courbe qui se situe entre les pages 191 et 198.
Ce blanc représente le chapitre non daté, non attribuer dans lequel Malrich vient expliquer les
raisons de l’ordre de succession des chapitres de Rachel qui suivent. Il y décrit aussi,
évasivement, le contenu du journal de Rachel « (…) des centaines de pages, elles
fourmillent d’informations techniques très précises sur les stalags (…) »94. Ce chapitre est
situé hors du champ temporel des deux récits. En effet, le narrateur effectue une pause en
délaissant le cours de son histoire pour décrire le déroulement de la suite des chapitres de
Rachel, qui effectivement ne vont pas se succéder dans un ordre chronologique mais en
opérant un mouvement de va et vient. Il apporte aussi des éclaircissements et des
commentaires sur les chapitres antécédents. Ce chapitre correspond en tout point à une pause
commentative.
Nous y trouvons aussi des passages ou Malrich projette son intention de publier le journal de
Rachel en entier : « un jour, j’en ferai un livre »95 et d’aller à Jérusalem « Si un jour les
93 Genette,G (1972). Op.Cit.P130 94 Sansal, B ( 2008) P.193 95 Sansal, B ( 2008):p.193
59
moyens le permettent, j’irai pour lui. Et pour moi. Et je lirai tous les noms à haute voix,
et à chacun, je demanderai pardon au nom de mon père »96. Ces deux passages, ne faisant
pas partie de l’univers diégétique puisqu’ils ne se produisent nulle part dans les chapitres qui
suivent ni dans les postérieurs, sont des prolepses externes qui annoncent les projets du
protagoniste après l’achèvement de la narration.
Nous décelons aussi une autre prolepse dans la lettre adressée au ministre de l’intérieur, dans
laquelle Malrich prédit l’avenir de la cité sur la base des événements qui s’y produisent au
présent : « A ce train (…) le cité sera une république islamique parfaitement constituée.
Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ces
frontières actuelles. Sachez que nous ne vous suivrons pas dans cette guerre, nous
émigrerons en masse ou nous nous battrons pour notre propre indépendances »97. Celle-
ci est une prolepse interne homodiégétique, puisqu’elle interfère avec les événements du récit
de Malrich. En effet, cette prolepse constitue la suite logique de l’évolution de la situation
dans la cité. Cette prédiction, à pour fonction de laisser le récit ouvert, dans l’attente d’un
dénouement probablement tragique.
Outre les indices temporels révéler par le diagramme, nous retrouvons aussi des scènes en
grand nombre. Ces scènes mettent à égalité le temps de narration et le temps du récit en
racontant les événements tels qu'ils se sont passés. Bien qu’elles englobent beaucoup de
moments forts de l’histoire, elles ne s’opposent pas au récit sommaire du point de vue de la
dramatisation, qui comme nous l’avons vue expose rapidement la quasi-totalité de la tragédie
de l’histoire des Schiller entre le passé, le présent et même le futur.
La quasi-totalité des scènes sont de courtes durées mais très virulentes et divulgatrices. Les
plus marquantes contribuent à élucider le rôle qu’a tenu le père dans la Shoah à travers les
rencontres de Rachel avec le passé de son père, ou les discussions qu’a tenues Malrich avec
ces amis et Tata Sakina, où tantôt il racontait le nazisme à ses amis et tantôt il questionnait sa
tante sur le passé de son père. Outre le passé paternel clairement énoncé, d’autres scènes
tournent autour du même et unique sujet de l’histoire mais sous différentes formes, qui est le
totalitarisme.
Ce mouvement se réincarne sous plusieurs facettes, à plusieurs endroits différents et à
différents moments de l’Histoire. Cette occurrence relève de la fréquence, rythme auquel les
96 Sansal, B ( 2008) P.19597 Sansal, B ( 2008) P.231
60
événements sont racontés, et que Gentte.G appelle un récit singulatif (dans notre cas) qui
consiste à raconter n fois ce qui s’est passé n fois.
L’auteur raconte les camps de concentrations, la décennie noire en Algérie en y apportant le
plus de détails possible, et reprend ces mêmes événements en les transposant dans des faits
fictifs : la tuerie de Aïn Deb, la mort de Nadia, les islamistes qui contrôlent la cité. La
fréquence entre récit et histoire se passe dans la fictionnalisation (si je puis dire)
d’événements réels. Par occurrence, l’auteur veut surtout mettre le doigt sur le mal qui se
répète à travers le temps et les lieux, et crée de la sorte une fréquence singulative entre réel et
fiction.
La temporalité, à travers son mouvement entre passé, présent et avenir, mais aussi, à travers
son aspect fragmentaire et son ordre atypique, non seulement contribue à l’insertion du réel
dans la fiction, mais donne une certaine crédibilité aux événements imaginaires que Sansal.B
construit. Cette structure temporelle nous la retrouvons dans l’espace, ou les espaces que nous
propose « Le village de l’allemand » sont aussi porteurs de réel. Nous pouvons schématiser
la fréquence narrative dans la représentation graphique suivante :
Raconter n fois ce qui s’est passé n fois
La situation de la cité, le massacre La seconde guerre mondiale et l’horreur
à Ain-Deb, la mort de Nadia, de l’extermination juive par les nazis
la mort de Rachel. sous la direction d’Hitler, et la décennie noire
en Algérie, la situation de crise dans la cité.
Discours fictionnel Discours factuel
Figure 3. La fréquence narrative.
3- Dans l’espace :
61
3-1 La spatialité dans le roman journal :La spatialité, tout comme la temporalité, dans notre corpus se rattache au genre dans lequel
elle s’étend c’est-à-dire le journal. L’espace dans le journal est d’abord un lieu où le diariste
se réfugie, s’isole pour écrire ses pensées. Ce lieu Lejeune.P le décrit comme un support qui
peut être ou un cahier, ou des feuilles volantes, c’est-à-dire ou continu ou discontinu.
« Le journal des frères Schiller » comme il est indiqué est le résultat de l’union de deux
journaux. Le premier, celui de Rachel a pour support un cahier ou plutôt « quatre gros
cahiers chiffonnés »98. Le second, celui de Malrich n’est pas clairement annoncé mais vu son
intention de publication cela laisse penser qu’il a aussi pour support un cahier. Ce dernier
représente pour son diariste « une assurance de continuité »99, étant donné qu’il regroupe
tous les récits, ou chapitres qu’ils soient espacés temporellement, divergents thématiquement
ou comme dans notre cas, lieu de présence de deux journaux, « le cahier va tout cicatriser,
enchaîner et fondre »100. A ce titre, le support continu se trouve être l’espace adéquat pour la
juxtaposition des deux journaux pour n’en former qu’un seul à la fin.
Le cahier, entant qu’espace d’écriture continu, observe des discontinuités marquées par les
blancs entre les passages des différents chapitres, ou par l’achèvement d’un cahier et le
passage à un nouveau. Ces discontinuités sont aussi clairement exposées dans notre roman
journal, ou chaque chapitre, peut importe son attribution, est séparé d’un blanc par celui qui le
suit et celui qui le précède.
Cet espace d’écriture, concret et palpable sous la forme d’un cahier est aussi un espace de
création littéraire où l’histoire racontée se déploie à la fois à travers l’indication d’un lieu ou à
travers les événements narratifs qui créent de nouveaux espaces signifiants.
Rien qu’à ce stade de notre analyse, nous pouvons déjà parler de fusion entre espace réel et
fictif. En effet le premier contient le second, ou plutôt, l’espace fictionnel se déploie dans le
support réel.
Au-delà des lieux (fictifs ou réels) évoqués et décrits dans « Le village de l’allemand »
entant que tel, c’est-à-dire d’espaces géographiques où les actions se déroulent, nous trouvons
aussi « une spatialité littéraire, active et non passive, signifiante et non signifiée, propre à
98 Sansal, B ( 2008) P.13 99 Lejeune, P (2005) Op. Cit. P.74100 Lejeune, P (2005) ibidem. P. 75
62
la littérature, spécifique à la littérature, une spatialité représentative et non
représentée »101.
Cette spatialité littéraire se manifeste dans l’espace du langage, qui est la capacité de
communiquer par un ensemble de signes structurés selon un code, autrement dit en utilisant
une langue. Le langage se concrétise par la parole en faisant vibrer les cordes vocales et
bouger plusieurs muscles de la bouche et de la langue.
Le langage fonctionne à travers un système de relations où chaque élément prend sens par la
place qu’il occupe dans un ensemble d’éléments différents et par les rapports syntagmatiques
(horizontaux) et paradigmatiques (verticaux) qu’il tisse avec ces mêmes éléments parents et
voisins. Le langage ne se produit pas de manière linéaire mais en se propageant dans l’espace.
Cette spatialité du langage est accentuée dans l’œuvre littéraire qui se matérialise sous forme
de texte écrit, et de ce fait échappe à la parole. Ainsi à l’espace du langage s’ajoute celui du
texte écrit qui est l’existence même du livre pris dans sa totalité (mise en page, graphie…etc.).
Cette nouvelle dimension spatiale du texte écrit, qui peut-être pris comme le corps qui abrite
l’espace du langage, fonctionne, contrairement à la linéarité temporelle et en prenant l’œuvre
dans sa totalité, à travers la lecture qui retrace ces rapports verticaux et horizontaux propres au
langage que nous avons déjà explicités, mais aussi des rapports « transversaux, de ces effets
d’attente, de rappel, de réponse, de symétrie, de perspective »102. Cette dimension suppose
du lecteur de percevoir l’espace littéraire à travers son dédoublement, celui du langage et celui
de son enveloppe, le texte littéraire.
A cette double spatialité s’ajoute l’espace sémantique qui s’exerce à travers la figure qui est «
à la fois la forme que prend l’espace et celle que se donne le langage, et c’est le symbole
même de la spatialité du langage littéraire dans son rapport au sens »103. Autrement dit,
c’est la relation qui se tisse entre le mot, la manière dont il est présenté et le sens
généralement multiples qu’il dégage. Effectivement, le mot comporte plusieurs sens (figuré,
littérale) qui ne suivent pas un mouvement linéaire mais plutôt en profondeur « qui se creuse
entre le signifié apparent et le signifié réel »104, et qui est propre au style de son auteur.
101 Genette,G (1972). Op.Cit.P.44 102 Genette,G (1969). Op.Cit.P. 46 figures II103 Genette,G (1969). Ibidem. Op.Cit.P.47 104 Genette,G (1969). Ibidem. P.47 idem
63
Et pour finir, l’espace littéraire est un lieu ouvert de rencontre « où tous les livres sont un
seul livre, où chaque livre est tous les livres »105. C’est le lieu intemporel ou les relations
hypertextuelles se tissent entre transformation et imitation.
Cette définition de la spatialité littéraire ne peut prendre forme que dans le cadre de son
écriture, qui dans notre corpus est le lieu de prédilection de l’écriture du « je ». En effet, étant
donné que le roman se présente sous la forme d’un journal revisité, il y reproduit les effets liés
à ce genre, ou les deux narrateurs relatent leur histoire à la première personne du singulier.
Notons que nous avons introduit, à ce stade, la mention « revisitée » au journal qui implique
une relecture du journal et des modifications apportées généralement sous forme de notes. Ces
dernières créent un espace dans le texte ou s’insère une dialectique entre deux « je », le
premier qui se produit dans le passé dont les événements lui sont contemporains et le second
est celui relatif au « je » dont la perspective réside dans l’intention de publication, d’où les
retouches sous formes de notes ou de suppressions. Ces annotations font que l’histoire se
déploie sur plusieurs niveaux. Chaque niveau est différent de l’autre par sa construction
textuelle. Ces notes de Malrich expliquent, bien évidemment, son intention de publication
mais aussi l’insertion du journal de Rachel et l’ordre dans lequel il figure. L’espace textuel
n’est pas seulement dédoublé mais triplé.
Sansal.B, à travers le travail qu’il a effectué sur son texte, produit une histoire dont
l’architecture s’élève effectivement sur plusieurs niveaux : celui de Rachel, dont le style
soutenu révèle une personnalité cultivée et instruite, se construit dans sa propre spatialité, et
celui de Malrich dont l’architecture est dédoublée.
Le journal de Malrich est agrémenté de notes dans lesquelles il révèle le remaniement de son
texte de la part de « Mme Dominique G.H. (…) qui a bien voulu réécrire mon livre en bon
français »106. Ces notes supposent l’existence d’une version antérieure dont le style diffère
partiellement de la version publiée puisque les changements apportés ne recouvrent pas la
totalité du texte comme nous pouvons le comprendre à travers cette note : « Dans certains
cas, j’ai suivi ses conseils, j’ai changé des noms et supprimé des commentaires. Dans
d’autres, j’ai conservé ma rédaction, c’est important pour moi »107.
Ces transformations fonctionnent comme une écriture en abîme, où le journal de Malrich est
l’objet même de son journal, ou plus simplement le journal se reflète en lui même. A partir de 105 Genette,G (1969). Ibidem. P.48 idem106 Sansal, B (2008). .P.9 107 Sansal, B (2008). .P.9
64
là nous pouvons dire qu’il n’est plus seulement question d’un espace d’écriture du « moi »,
puisqu’on son auteur dévoile son travail en apportant son propre jugement sur son écrit. Cette
réécriture donne une nouvelle dimension au texte à travers sa relation avec ses lecteurs (nous),
puisque ces notes nous mettent dans la confidence des changements et des coupures qui
favorisent notre implication dans la mesure où elles attisent notre curiosité. En somme le
journal de Malrich est le lieu d’une spatialité dédoublée, ou nous lisons sa première version
exclusivement rédigée de sa main et une seconde révélée par les notes, dont il a eu recours à
une aide étrangère à lui pour la réécrire. Cette mise en abîme configure aussi le texte comme
un espace complètement ouvert, lieu de rencontre entre plusieurs textes à travers des relations
transtextuelles.
« Le village de l’allemand » se meut à travers un espace réaliste poignant dans lequel
sont juxtaposés deux fragments de l’Histoire très espacés au niveau temporel, la plus récente
se rattache à la situation de guerre civile étouffée dans les années 90 en Algérie et la plus
ancienne est l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Cette juxtaposition se construit
particulièrement dans le journal de Malrich qui emprunte des mots en Allemand propres à la
Seconde Guerre Mondiale, sans les traduire ou donner leurs significations, pour décrire cette
situation de crise en Algérie transposée dans sa banlieue parisienne « zone urbaine sensible
de première catégorie ». L’imam est le führer, ses fidèles sont des kapos, la cité est un camp
de concentration et ses habitants des déportés juifs en attente de leur sort. Ces emprunts
racontent l’Histoire de la seconde guerre mondiale indirectement et, opèrent de la sorte un
travail implicite sur la mémoire, en la ravivant ou plus simplement en l’inculquant. En effet,
l’auteur touche aussi à travers ces emprunts l’ignorance des plus jeunes de ce génocide. Ceci
dit le plus gros travail de remémoration s’exerce dans le journal de Rachel qui nous plonge
dans les détails de cette extermination sur laquelle nous reviendrons plus tard.
Le texte de Malrich est un espace de cohabitation entre son présent qui reflète sa vie dans une
cité de banlieue parisienne dans laquelle se répercutent les événements de la décennie noire en
Algérie et, le passé à travers l’Histoire de la Shoah à laquelle sont père avait participé entant
qu’ingénieur chimiste. Le personnage, entant qu’auteur-fictif de son propre journal, retrace en
cinq mois, l’itinéraire à la fois personnel et intime de son histoire familiale et plus général et
collectif de deux Guerres qui se sont réellement produites.
65
Tandis que le texte de Rachel se focalise essentiellement sur le passé nazi du père en en
faisant une obsession qui se dessine dans l’errance à travers les lieux de passages de son père
et la condensation de détails relatifs à cette période.
3-2 « le journal de Rachel » une spatialité mémorielle :Dans cette approche de l’espace entant que lieu de mémoire, nous suivrons les étapes établies
par Goldenstein formulées en trois questions : « Où se déroule l’action ? Comment l’espace
est-il présenté ? Pourquoi a-t-il été choisi ainsi de préférence à tant d’autres ? »108.
La première question, Où ? Nous mène vers la spatialité du roman en termes
géographiques : l’auteur situe le déroulement du journal de Rachel entre deux lieux
imaginaire et réel. Le premier imaginaire se déroule entre le pavillon en France et le village
natal en Algérie dont il ne cache pas le caractère fictionnel : « Aïn Deb, la Source de l’âne,
n’est sur aucune carte. On ne peut même pas croire qu’on puisse tomber dessus par
hasard »109. Et le deuxième réel comprenant plusieurs endroits : l’aéroport d’Alger Algérie,
Strasbourg en France, Francfort et Uelzen en Allemagne, Istanbul en Turquie, le Caire en
Egypte, Auschwitz en Pologne.
La seconde question, comment ? Nous pousse à nous intéresser aux techniques de
représentation de ces espaces réels ou imaginaires. L’auteur fait une description de ces lieux
en les dotant d’un poids significatif relatif aux événements qu’ils renferment en eux entant
qu’objets inanimés « matériels avec lesquels nous sommes en contact journalier ne
changent pas, ou changent peu, et nous offrent une image de permanence et de
stabilité »110.
A ce titre la description du contenu de la mallette s’y prête parfaitement. Tous les objets
(photos, articles, lettres, médailles, le carnet militaire…etc.) renferment en eux des bribes
d’histoire que Rachel détaillera à travers une enquête minutieuse, mais aussi des lieux
géographiques auxquels ils revoient, à commencer par sa description de l’aéroport d’Alger.
108 Goldentstein, JP. ( 2005) Lire le roman. DeBoeck Editions. Bruxelles. p . 89109 Sansal, B (2008). p.32110 Halbwachs, M. (1968). PUF. Paris. P.83
66
L’auteur le décrit brièvement mais avec des détails qui relancent la mémoire vers l’attentat à
la bombe perpétré en 1992. Nous notons qu’à aucun moment il ne fait explicitement la
narration inutile de ce drame puisque les détails choisis par l’auteur pour décrire le lieu en
question s’en chargent : « Il s’est passé des choses dernièrement, l’aéroport a été plastifié,
le trou dans le hall est encore béant et les traces de sang toujours visibles sur les
murs »111.
Idem pour la suite du voyage entre l’aéroport d’Alger et Sétif, ou la route de l’angoisse « était
déserte à glacer le sans. Pas âme qui vive. Pas un bruit. Seulement le vent qui siffle
autour de la voiture et les pneus qui chuintaient comme des serpents écrasés »112. La
description se poursuit de la même manière autour du village d’Aïn Deb (lieu sortie
directement de l’imagination de l’auteur) où il est question de la mort des parents et de
plusieurs membres du village dans un massacre perpétré par le G.I.A., comme si l’endroit y
était propice. Puis continue de plus belle à travers sa visite d’Uelzen la ville natale de son
père : « qui a disparu, emportée par la guerre, achevée par la reconstruction »113. Cet
endroit, du fait de son renouvellement, ne referme pas d’indices relatifs à la quête de Rachel
contrairement aux autres lieux de passage de son père, néanmoins il parvient à y croiser une
vieille connaissance de son paternel du quel il n’en tira aucune réponse à ses questions. Puis
viennent les lieux chargés de l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale (Francfort,
Auschwitz…etc.) que Rachel va abreuver de détails de tout genre. Toutes ces descriptions
opèrent de façon à créer un effet de réel. Leur description fait partie intégrante de l’action
puisqu’elle en est le noyau, tous les événements, au-delà de leur inscription dans le temps, se
rattachent à un lieu par un lien mémoriel que Rachel questionne pour comprendre qui était son
père.
Pourquoi ? A cette question nous répondons avec les mots de M. Halbwachs : « notre
entourage matériel porte à la fois notre marque et celles des autres »114. C'est-à-dire que
les lieux, réels ou fictifs, ne figurent pas uniquement dans le but d’apporter ou de contenir les
événements du récit, ils y apportent par leurs marques, leurs topographies et surtout par leur
vécu du sens tout comme les personnages, les actions et la temporalité.
La spatialité dans « Le village de l’allemand » ne se cantonne pas seulement à la description
des lieux où se passe le récit, mais fait figure d’actant du moment où elle ravive la mémoire. 111Sansal, B (2008). P.28 112 Sansal, B (2008).P.30 113 Sansal, B (2008).P.60 114 Halbwachs, M. (1968). PUF. Paris. P.83.
67
Dans le passage où Rachel retourne dans ses souvenirs d’enfance, il décrit son village natal
non seulement comme l’endroit où il a passé ses plus jeunes années, mais surtout en s’axant
sur les changements que son père y a apportés : « on s’émerveillait des changements que ses
idées imprimaient au fonctionnement du village. Les étrangers, (…), en repartaient
éblouis et non loin de croire que ce village n’était pas de ce pays »115. Cet extrait dessine
les marques de passage du père Hans Schiller mais fait surtout allusion à « Son savoir, son
expérience, son art de l’organisation, son autorité naturelle » qui nous renvoie directement
à son passé d’officier SS durant la Seconde Guerre Mondiale, où l’art de l’extermination des
juifs était réglée comme une montre suisse.
Autre description qui ne se contente pas de dépeindre la spatialité d’un objet ou d’un lieu mais
l’inscrit dans une pensée significative, c’est le passage où Rachel reproduit la photo de son
père à Gizeh en Egypte. La visualisation de cette photo devient possible à travers l’action
qu’entreprend le personnage pour reproduire la fameuse photo. Cinquante ans plus tard, au
pied de la même pyramide de Gizeh, le décor est le même, les figurantes presque identiques
aux originales et le fils prend la place du père au milieu de la photo. Cette duplication
picturale joue un rôle significatif dans la remémoration, comme la reproduction d’une scène
de crime, son but est de faire parler les lieux pour mieux comprendre les faits qui s’y sont
déroulés. Il en va de même pour tous les lieux confinés dans le carnet militaire que Rachel
prospecte à la recherche d’une trace ou d’un indice qui puisse rendre l’humanité à son père.
Rachel laisse en dernier le lieu le plus chargé en termes d’Histoire de la Shoah, Auschwitz. Il
y décrit les trains qui ramenaient les déportés, les cellules d’emprisonnement, les chambres à
gaz…etc. Sa description regorge de détails qui contribuent à la dramatisation du récit des
événements qui s’y sont déroulés et rendre à la mémoire de ce lieu toute sa conscience.
La mémoire d’un événement se manifeste généralement à partir de l’association d’une date à
un lieu précis. Dans le journal de Rachel, l’auteur se concentre essentiellement sur les lieux de
passages du père, malgré la présence de quelques dates significatives. En fait le journal de
Rachel se rapproche plus d’un carnet de voyage, où il y est noté toutes les étapes par
lesquelles il est passé pour en arriver à son suicide. En effet, Rachel entreprend un voyage
extérieur en quête de l’identité de son père en même temps qu’une quête intérieur de son
identité. Son périple, préalablement tracé, suivra l’itinéraire du carnet militaire de son père et
les objets qu’il retrouve dans la maison familiale. Cette quête s’apparente à une errance à
115Sansal, B (2008). pp.38,39
68
travers des lieux à la fois réels et fictionnels qui ne sont présents dans la fiction que pour
raviver une mémoire collective passée sous silence ou tout simplement oubliée.
Chapitre III : les relations transtextuelles entre fiction et réalité
69
1- Transtextualité :
Avant toute chose, il nous faut d’abord rappeler que tout texte dérive d’un autre texte,
antérieur ou postérieur, et cela de façon explicite ou implicite. « « Seul l’Adam mythique,
abordant avec le premier discours un monde vierge et encore non dit, le solitaire Adam,
pouvait éviter absolument cette réorientation mutuelle par rapport au discours d’autrui
qui se produit sur le chemin de l’objet ». (In Todorov, 1981). »116
Notre corpus est très représentatif des tissages et relations que les textes entretiennent entre
eux. Avant d’entamer ce volet de notre analyse, il nous semble important de passer par une
approche théorique qui simplifiera notre travail.
1-1Quelques notions :Comme nous venons de le dire, tout texte contient en lui des traces d’un autre texte. Ces
traces peuvent être ouvertement affichées ou au contraire assimilées avec discrétion. Elles
peuvent prendre l’apparence d’une imitation ou d’une transformation.
Gentte.G. s’est sérieusement penché sur la question, en imposant une rigueur terminologique,
dans son ouvrage « Palimpsestes »117. Il y définit cinq types de relations entre un texte et un
autre qu’il englobe sous le terme générique de transtextualité, « ou transcendance textuelle
du texte [...] « tout ce qui le met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres
textes » »118. Ainsi, nous retrouvons, dans un ordre taxonomique :
L’intertextualité :
116 Achour, C & Rezzoug, S. (1990) Op. Cit. P279 117 Gerard Genette, (1992). Palimpsestes, La littérature au second degré, éditions du seuil.Paris118 Gerard Genette, (1982. Ibidem. P.7
70
La présence visible d’un texte dans un autre texte, sous une forme explicite comme la citation
(avec ou sans les guillemets et les références...etc.), ou moins explicite comme celle du
plagiat qui consiste en l’appropriation d’un texte sans signaler son origine, et enfin, sous la
forme implicite d’une allusion. Cette dernière requièrt du lecteur une large connaissance des
codifications du texte en question.
La paratextualité :
Tout ce qui relève de l’ensemble des discours, de commentaires et de présentations qui
entretiennent avec le texte une relation pragmatique, « c’est-à-dire de son action sur le
lecteur »119. Et qui se présente sous la forme de : « titre, sous-titre, intertitres ; préfaces,
postfaces, avertissements, avant-propos, etc. ; notes marginales, infrapaginales,
terminales ; épigraphes ; illustrations ; prière d’insérer, bande, jaquette, et bien
d’autres types de signaux accessoires, autographes ou allographes, qui procurent au
texte un entourage (variable) et parfois un commentaire, officiel ou officieux »120.
La métatextualité :
C’est la relation qui unit un texte à un autre par le biais d’un commentaire sans pour autant le
citer ou l’expliciter. « C’est, par excellence, la relation critique »121.
L’hypertextualité :
Met en relation un texte B (hypertexte) avec un texte A (hypotexte), qui n’est pas de l’ordre
du commentaire. Par transformation simple ou indirecte que Gentte.G.G nomme : imitation.
L’architextualité :
C’est ce qui nous permet d’organiser, ou de déterminer, le plus implicitement possible, le
statut générique d’un énoncé, et d’orienter l’ « horizon d’attente » du lecteur. Cette sous-
relation fait souvent appelle à la métatextualité.
119 Gerard Genette, (1982).Ibidem P.9 120 Gerard Genette, (1992). Op. Cit. P.9 121 Gerard Genette, (1992. Ibidem. P.10
71
Toutes ces sous-relations que définit le poéticien dans son ouvrage, ne sont pas hermétiques,
isolées, sans interactions ni liaisons. « Leurs relations sont au contraire nombreuses, et
souvent décisives. »122
Notons aussi que l’hypertextualité, qui constitue l’essentiel des travaux de Gentte.G.G de par
son aspect universel de la littérarité, puisqu’ « il n’est pas d’œuvre littéraire qui, à quelque
degré et selon les lectures, n’en évoque quelques autres et, en ce sens, toutes les œuvres
sont hypertextuelle »123, recoupe six pratiques liées à deux critères : la relation qui unit les
deux textes (transformation et imitation), et le régime du texte (ludique, satirique et sérieux) :
Ludique Satirique Sérieux
Transformation Parodie Travestissement Transposition
Imitation Pastiche Charge Forgerie
Tableau 2 L’hypertextualité selon Genette.G .
La parodie, contrairement au travestissement, transforme le texte sans pour autant le
dégrader ou l’avilir. La transposition, que Gentte.G analyse avec beaucoup d’attention,
correspond à de nombreuses pratiques comme : la traduction (qui est une transposition
linguistique), la prosification (transformation en prose, ou mise en prose) et son contraire la
versification (transformation en vers), la réduction et son contraire l’augmentation.
L’amplification qui résulte de la coopération et la synthétisation de l’extension thématique et
l’expansion stylistique (ces deux dernières notions d’extension et d’expansion sont des sous-
pratiques de l’augmentation). Et la dernière pratique qui unit un texte à un autre, et qui relève
de la transformation, la transmodalistion. Elle peut-être une pratique intermodale dans le
sens du passage d’un mode à un autre entre le mode dramatique et le mode narratif ou
intramodal , changement affectant le fonctionnement interne du mode ; cette pratique
intramodale s’intéresse aux changements qui affectent les catégories narratives : le temps, le
mode et la voix, et qui donne lieu à des sous-pratiques de transmodalisation telles que : la
transvocalisation (ou substitution d’une première personne à une autre), la transdiégétisation
(qui résulte de transformations homodiégétiques, ou hétérodiégétiques), la transmotivation, la
transvalorisation...etc.
Les trois pratiques restantes liées à l’imitation sont le pastiche, la charge et la forgerie. La
première est une imitation à régime ludique qui a le rôle de divertir, la seconde est une
122 Gerard Genette, (1992) Ibidem P.17 123 Gerard Genette, (1992) IbidemP.18
72
imitation truffée d’effets comiques et satiriques et qui a comme fonction dominante la
dérision. La troisième, qui est une imitation sérieuse et qui s’accomplit à travers la poursuite
ou l’extension d’un texte littéraire préexistant (l’hypotexte).
1-2 Analyse transtextuelle du « journal des frères Schiller » :
« [...] chaque mot est une histoire en soi imbriquée dans une autre. [...] un drame qui en
entraîne un autre qui en révèle un troisième »124
L’analyse des relations transtextuelles possibles dans le « journal des frères Schiller », que
nous entamons ici, se déroulera en suivant l’ordre dans lequel Gentte.G les présente ; c’est-
à-dire « un ordre approximativement croissant d’abstraction, d’implication et de
globalité »125. Ce qui signifie que nous commencerons par l’intertextualité, puis la
paratextualité, ensuite la métatextualité...etc.
a) Intertextualité :
Le roman comprend formellement, deux textes juxtaposés, appartenant à deux narrataires
différents. Malrich et Rachel (dans l’ordre de leur première apparition dans la fiction). Cette
première particularité dénote, de prime abord, de l’intertextualité, qui s’annonce comme une :
« relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire eidétiquement et le
plus souvent, par la présence effective d’un texte dans un autre »126. L’une des pratiques
les plus explicites de l’intetextualité, recensée par le théoricien, est celle de la citation.
La citation :
Nous trouvons cette pratique dans le deuxième chapitre « Journal de Malrich, Novembre
1996 »127, où Malrich cite explicitement Rachel en introduisant quatre passages entiers de son
124 Sansal, B. Op.cit. P19 125 Gerard Genette, (1992). Op. Cit. P.7 126 Gerard Genette, (1992). Op. Cit.P.7 127 Sansal, B . Op. Cit. P.19
73
journal. Ces citations sont identifiables grâce à deux caractéristiques présentes dans le texte.
La première relève des énonciations introductives des récits de Rachel par Malrich (récits qui
lui servent de référence, et auxquels nous attribuons le statut d’hypotextes plus bas):
« Rachel à écrit : »
« Rachel à écrit : »
« Il a écrit : »
« Il a écrit » 128
Et la seconde au changement apparent du type de police entre le récit de Malrich et celui de
Rachel. Autre citation de Rachel dans le journal de son frère, introduite clairement avec des
guillemets et la référence « Rachel a écrit : »129.
Cette première union, d’ordre intertextuel, se poursuit dans la seconde et la troisième partie du
roman. Nous assistons, effectivement, à la juxtaposition des deux récits, à la différence que le
récit de Rachel ne se présente plus sous la forme d’une citation mais en énoncé complètement
émancipé et indépendant de celui de son cadet.
Le récit de Rachel comporte, à son tour, des marques d’intertextualité, essentiellement à
travers la présence du témoignage de Primo Lévy dans son récit intitulé « Si c’est un
homme ». Rachel en cite à plusieurs reprises des passages de longueurs différentes (des vers,
un passage du récit, des phrases, un mot). L’une des citations les plus prégnantes sont les vers
de Lévy (qui ont le même intitulé que son récit Si c’est un homme), auxquels Rachel ajoute
ses propres vers :
Les enfants ne savent pas ;
Ils vivent, ils jouent, ils aiment.
Et quant ce qui fut vient à eux ;
Les drames légués par les parents ;
Ils sont devants des questions étranges,
128 Sansal, B .Ibidem P.19, 26, 32,41. 129 Sansal, B . ibidem P.197.
74
Des silences glacés,
Et des ombres sans nom.
Ma maison s’est écroulée et la peine m’accable ;
Et je ne sais pourquoi.
Mon père ne m’a rien dit.130
Malrich, reprend aussi des passages des vers de Lévy dans son propre journal, qu’il introduit
avec des guillemets et la référence « c’est cela que dit ce Primo Lévy »131. Ces citations du
texte de Lévy ont un double statut. Celui d’un hypotexte dans le journal de Rachel, et celui
d’un hypo-hypotexte dans celui de Malrich (nous y reviendrons dans notre analyse
hypertextuelle).
L’Allusion :L’allusion est « un énoncé dont la pleine intelligence suppose la perception d’un rapport
entre lui est un autre auquel renvoie nécessairement telle ou telle de ses inflexions,
autrement dit non recevable »132.
Nous retrouvons cette pratique intertextuelle dans le choix du prénom de Rachel, qui à
l’origine est un prénom à résonnance juif. Ce prénom rappelle le personnage biblique de
Rachel femme de Jacob et belle-fille d’Isaac qui fût sauvé in extremis par un ange alors que
son père Abraham s’apprêtait à le sacrifier au nom de Dieu. Nous reviendrons sur ce point
dans notre étude hypertextuelle en nous concentrons sur l’acte de sacrifice entre hypotexte (la
Bible) et hypertexte (notre corpus).
Une autre allusion est perceptible dés les premières lignes du roman, lorsque Malrich décrit
sommairement les étapes par lesquelles son frère Rachel est passé avant de se suicidé : « il
lisait, il ruminait dans son coin, il écrivait, il délirait. Il a perdu la santé. Puis son travail.
Puis la raison. Ophélie l’a quitté »133. Ce passage fait allusion à l’Ophélie d’Hamlet qui l’a
quitté lorsqu’il a feint la folie pour venger la mort de son père assassiné par son frère.
130 Sansal, B . Op. Cit P.69 village de l’allemand131 Sansal, B .Ibidem. P.121 132Gerard Genette, (1992). Op. Cit P.8 133 Sansal, B . Op. Cit P.P.11
75
b) Le paratexte : Notre corpus offre plusieurs éléments péritextuels que nous tacherons de relever et d’analyser.
Le titre, le sous-titre :
Le titre du roman « Le village de l’allemand, ou le journal des frères Schiller » dénote, de
prime abord, d’une pluralité. Dans la première de page, nous trouvons en gros caractère
rouge, en-dessous du nom de l’auteur SANSAL.B, le titre « Le village de l’allemand »
suivit, en caractère plus petit le sous-titre « ou le journal des frères Schiller ». Ensuite la
mention roman, qui relève de l’architextualité et à laquelle nous nous intéresserons au
moment voulu. Et pour finir la maison d’édition GALLIMARD.
Le titre, en soi, nous donne deux premières informations. La première : « le village », est
d’ordre spatial, suggère par sa définition un espace rural caractérisé par un habitat plus ou
moins concentré, aux moyens restreints et offrant une forme de vie communautaire. Et la
seconde nous informe de la nationalité que nous supposant celle du personnage principal
« allemand ». Ce qui nous fait déduire que l’histoire va tourner autour d’un personnage et de
son existence dans un endroit déterminé.
A ce titre s’ajoute un sous-titre « ou le journal des frères Schiller ». Par la mention
« journal » le sous-titre souscrit le texte dans une seconde appartenance architextuelle à
laquelle nous reviendrons plus-bas. «Frères Schiller», ici nous trouvons deux
éclaircissement : la nature des liens de fratrie qui les unis (liens de parenté), et le nom de
famille des cette fratrie qui est d’origine allemande.
Ce sous-titre pose comme une sorte de double opposition au titre. La première opposition se
cristallise dans le passage du général « allemand » au particulier « Schiller », et la seconde
est, paradoxalement, le passage du singulier au pluriel « les frères ». Les deux paratextes
(titre + sous-titre) sont liés par une conjonction de coordination « ou », qui dénote de
l’attachement ou de la proximité entre l’allemand et les frères Schiller, vue que « le ou
conjoint plus qu’il ne disjoint »134.
134 Genette. G. ( 2007). Op.cit. P.62
76
En sommes, le titre, à lui seul, comporte plusieurs éléments informateurs de l’histoire. Il nous
informe, dans un mouvement déductif (passage du général au particulier), de la dimension
intime, voire cachée ou dissimulée, d’une histoire familiale prise en charge par une fratrie.
Les intertitres :« L’intertitre est le titre d’une section du livre : parties, chapitres, paragraphes d’un
texte unitaire »135. A la lecture du roman nous trouvons des intertitres qui soulignent le genre
diariste « [...] où la division du texte est en quelque sorte mécanique [comme] le journal,
authentique ou fictif, dont la scansion n’est en principe faite que de dates ; le récit de
voyage, que de date et de nom de lieux »136
Le roman semble être segmenté en plusieurs chapitres attribués à leurs auteurs (tantôt Malrich
et tantôt Rachel), dont trois comportent des noms de lieux, en plus des dates et du nom de
l’auteur.
Ces intertitres, à leurs tours, contribuent à dégager des éléments informatifs complémentaires
au titre, et d’y apporter plus d’éclaircissement. Effectivement, en plus de l’attribution à l’un
des deux auteurs, nous y trouvons des dates (mois + année), qui nous délimitent la fourchette
temporelle dans laquelle les événements se déroulent. Nous y trouvons aussi (dans certains
chapitres) des indications spatiales (nom de villes) qui aident à situer l’action dans l’espace.
Ces informations spatio-temporelles ne se cantonnent pas seulement à leur fonction explicite
d’indicateur, mais peuvent dénoter implicitement d’autres informations en relation avec
l’histoire, la culture...etc.
L’épigraphe :L’épigraphe est « une citation placée en exergue, généralement en tête d’œuvre ou de
partie d’œuvre »137, pour en annoncer ou résumer le contenu.
L’épigraphe, signée par Malrich, dans laquelle il remercie Mme Dominique G.H., professeur
de lycée, pour l’aide qu’elle lui a apportée dans la réécriture de son livre en bon français, a
pour fonction principale de faire camper Malrich dans sa position d’auteur-fictif puisque
135 Genette. G. ( 2007). Ibidem. P.295 Seuils136Genette. G. ( 2007). Ibidem. P. 299 137Genette. G. ( 2007). Ibidem. P.147
77
« l’acte typiquement littéraire d’assumer le choix et la proposition d’une épigraphe [...]
constituerait automatiquement le narrateur en auteur (ce qui ne signifie pas l’identifier
à l’auteur réel) »138.
c) La métatextualité :Il n’y a pas de relation métatextuelle dans le sens ou un texte produirait un commentaire sur
un autre texte sans le citer, ou en faire allusion. Comme nous pourrons le voir dans les
relations hypertextuelles, le récit de Malrich puise essentiellement ses références dans celui de
Rachel, qui à son tour se réfère au témoignage de Primo Lévy, à l’œuvre d’Hitler « Mein
Kampf », aux revues historiques...etc.
d) L’architextualité :L’architextualité se réalise à travers une mention paratextuelle, généralement présentée
accompagnée du titre, dans le but d’expliciter le genre littéraire dans lequel l’histoire s’inscrit.
Le roman comporte effectivement la mention « Roman », cependant le titre introduit l’écriture
diariste à travers le sous-titre « le journal des frères Schiller ». Cette double indication nous
oriente, entant que lecteur, vers la forme du contenu qui est susceptible de se présentée en
plusieurs chapitres généralement datés. L’architextualité, ici, comporte et divulgue le
caractère hétérogène et réaliste de l’histoire.
2- Les liens hypertextuels :L’hypertextualité, telle que la définit Gentte.G est une relation unissant un texte A, qu’il
nomme hypotexte, à un autre texte B nommé hypertexte. Ces deux textes s’unissent de deux
façons possibles : par transformation simple, ou indirecte qu’il nomme imitation. Et en
suivant trois régimes : ludique, satirique ou sérieux.
Avant d’entamer ce volet de notre analyse transtextuelle, il nous faut d’abord expliquer notre
approche du corpus, qui pourrait paraître erronée mais qui nous semble pertinente puisqu’elle
véhicule l’objet de notre travail qui est la forte présence du réel dans la fiction. Ainsi, nous
analyserons les liens hypertextuels existants dans le roman sous deux optiques :
- La première se rattache au roman que Sansal.B, auteur-réel, nous présente et que
nous approcherons sous son titre « Le village de l’allemand ».138 Genette. G. ( 2007). Ibidem. P .158
78
- La seconde se rattache au statut d’auteur-fictif de Malrich qui produit son journal
en échos au journal de son aîné, auquel nous attribuons le sous-titre du
roman : « le journal des frères Schiller ».
2-1 L’hypertextualité dans « le village de l’allemand » :
La fiction que Sansal.B nous propose se déroule entre 1994 et 1997, à travers la France,
l’Algérie et l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, la Turquie, l’Egypte. L’auteur cède la parole
à deux narrateurs qui se partagent la narration de leur histoire familiale imprégnée de
références à la seconde guerre mondiale et à la décennie noire en Algérie.
Le premier récit dont le narrateur est Rachel, chronologiquement parlant (1994 – 1996),
apporte l’essentiel des références concernant la seconde guerre mondiale en se focalisant sur
les procédés de gazage des juifs en utilisant le Zyklon B, les conditions de vie dans les camps
de concentration, notamment à travers le récit de témoignage de Primo Lévi qui rapporte dans
son livre « Si c’est un home » son passage dans le camp de concentration d’Auschwitz entre
1944 et 1945 dont il tient à préciser dans sa préface signée et datée « Il me semble inutile
d’ajouter qu’aucun des faits n’y est inventé » et le procès de Nuremberg contre les
dignitaires nazis.
Le second récit dont le narrateur est Malrich (1996 – 1997), reprend le vocabulaire propre à la
seconde guerre mondiale et le transpose dans la cité parisienne sous influence des Imams du
G.I.A. directement débarqué d’Algérie. Cette transposition crée le lien entre la Shoah, la
décennie noire en Algérie et la situation dans sa banlieue.
L’hypertexte que construit Sansal.B prend pour source explicite le récit de témoignage de
Primo Lévi, qu’il cite d’ailleurs à plusieurs reprises dans son roman. Bien que la présence de
l’hypotexte est clairement énoncé, le lien hypertextuel est beaucoup plus implicite, vu qu’il
fait appel à des emprunts, à la fois réels se rattachant à la vie de Primo Lévi et à son récit dont
il apporte une réponse.
L’hypertexte trace le parcourt de Hans Schiller avant et après la seconde mondiale. Tout
comme l’auteur de l’hypotexte qui effectua des études de chimie avant d’être capturé et
emprisonné dans le camp de concentration d’Auschwitz, Hans Schiller est chimiste de
formation et met son savoir au profil de l’extermination juive par les nazis. Et dans l’après
guerre, Primo Lévi, par un geste incompréhensible se donne la mort en 1987 après une vie
79
bien remplie. Il épouse Lucia Morpugo dont il aura deux enfants, et prend la direction d’une
entreprise de produits chimiques, il publie une douzaine d’ouvrages dont le premier qui
constitue notre hypotexte « Si c’est un homme ». Tandis que notre personnage, prend la fuite
pour échapper aux conséquences de cette guerre dont il a sa part de responsabilité et atterrit en
Algérie, ou il élit domicile dans un bourg perdu. Il se marie à une Algérienne dont il aura
également deux enfants et mène une vie honorable de Cheikh du village jusqu’au jour ou il
meurt égorgé par le G.I.A. Crime qualifié d’incompréhensible par ses deux fils.
Ainsi l’auteur décalque, à quelques exceptions près, la trajectoire d’une vie réelle d’une
victime de la Shoah pour dessiner celle d’un personnage fictif dont le lien avec cette période
de l’Histoire de l’humanité est antagoniste, puisqu’il fait partie des bourreaux nazis.
En fait, Sansal.B raconte la Shoah à travers deux visions antagonistes. Celle des victimes, à
travers le témoignage réel de Primo Lévi, et celle des bourreaux, dont leur représentant est un
personnage fictif, qui à aucun moment de l’histoire ne prend la parole, mais dont l’itinéraire
tracé dans son livret militaire expose pleinement sa perception. Ce mutisme, volontaire de la
part de Sansal.B, à la fois par l’omission du père et de son absence dans les instances
narratives, lui sert de faille pour introduire le personnage « porte-parole » par qui tous ces
éléments sont rapportés sous la forme de confessions : Rachel. De ce fait nous ne pouvons
parler d’une transfocalisation, ni de transvocalisation, bien que les éléments essentiels à cette
transposition sont réunis. Il y a bien une transfocalisation qui s’explique par l’adoption de
deux perspectives, comme nous l’avons déjà mentionné, antagonistes, mais toutes les deux
sont combinées pour former une seule perspective, celle du personnage de Rachel.
Par contre, le choix du surnom de Rachel, qui après une longue errance sur les pas de son père
finit par se sacrifier pour expier ses erreurs et rendre justice à ses victimes, s’apparente
étroitement aux récits des personnages bibliques. Comme nous l’avons précisé dans la
pratique intertextuelle de l’allusion, le prénom de Rachel renvoit à un personnage biblique
féminin qui n’est autre que l’épouse de Jacob, la belle-fille d’Abraham, dont le fils Isaac fût
sauvé in extremis par un ange, alors que son père s’apprêtait à le sacrifier à l’ordre de Dieu.
A ce stade nous pouvons parler de transexuation que subit Rachel et qui consiste au passage
du sexe féminin dans l’hypotexte (la bible) au masculin dans l’hypertexte. Ce changement de
sexe « est un élément important de la transposition diégétique »139.
139 Genette. G. ( 1992). Op.Cit. P.449
80
Effectivement, Rachel, dans l’hypotexte, est un personnage de la genèse, le premier livre de la
Bible. Elle est la femme de Jacob avec qui elle donne naissance à Joseph et Benjamin. Son
tombeau est un lieu saint du judaïsme, il symbolise pour les juifs la route que les Judéens
prirent lors de l’exil de Babylone. Tandis que le Rachel de l’hypertexte est le fruit d’un
mariage mixte peu probable, le fils d’un allemand au passé nazi voilé. Le seul lien, plus ou
moins évident est celui qui se noue lors de la seconde guerre mondiale. Ce changement de
sexe a pour but de donner une charge significative supplémentaire au lourd héritage de ce
personnage porteur par son surnom d’un symbole judéen et par ses origines d’une
monstruosité génocidaire à ce même peuple. Le surnom que l’auteur attribue à son
personnage renvoit à un autre univers diégétique qui est la bible pas seulement par le biais de
cette transexuation, mais aussi par la notion de sacrifice.
Dans la bible, Abraham, en obéissant à l’ordre de Dieu, allait sacrifier son fils Isaac qui fut
épargné grâce à l’apparition d’un ange. Le Rachel de l’hypertexte, dont il porte le prénom de
la belle-fille d’Abraham, accompli son sacrifice pour rendre justice aux victimes de son père
en expliquant que sa « mort ne répare rien, elle est un geste d’amour »140.
2-2 Hypertextualité dans « le journal des frères Schiller » entre prolongation et transdiégétisation:
Afin de déceler les liens hypertextuelles qui unissent les deux journaux, ou de possibles autres
liens hypertextuelles avec d’autres textes que ceux de la fratrie, nous procéderons par étapes
et en suivant l’ordre taxinomique instauré par Gentte.G.
L’aîné entame la rédaction de son journal après la double découverte : de la mort des ses
parents égorgés par le G.I.A. et leurs mises à terre sous pseudonymes, et la découverte du
passé paternel nazi. Quant au cadet, entame, à son tour, l’écriture de son journal six mois
après le suicide de son frère dont il hérite le journal qui contient les raisons de son geste
funeste.
Les relations hypertextuelles qu’entretiennent les deux textes se rapprochent plus de la
prolongation qui est une pratique de la forgerie (imitation sérieuse) et qui s’explique par son
caractère opposé à celui de la continuation ou de l’achèvement qui viendrait apporter une fin à
140 Sansal, B. (2008) Op.Cit. P.264
81
son hypotexte. Contrairement à la continuation, l’hypertexte de notre analyse propose une
suite, ou prolongation pour rester fidèle à la terminologie de Gentte.G, qu’il appose à
l’hypotexte à travers la réalisation d’un montage entre les deux textes. Ce montage révèle une
transposition au niveau diégétique ou transdiégétisation (ou cadre spatio-temprel) et au
niveau pragmatique « ou modification des événements et des conduites constitutives de
l’action »141. Les deux sont vont ensemble, puisque la seconde, ou transpragmatisation,
résulte de la première.
Les deux textes se présentent sous la forme d’un journal, daté, attribué et parfois
même situé. Le journal de Rachel est antérieur à celui de Malrich, comme nous pouvons le
constater, le premier (Rachel) débute le 22 mars 1994 et se termine le 24 avril 1996, et le
second (Malrich) commence en octobre 1996 et se termine en février 1997. Ce qui nous mène
à déduire que, Malrich adopte la démarche de son aîné et produit son histoire sous la forme
d’un journal dans lequel il expose sa vision des faits et sa position face au passé meurtrier du
père. Effectivement, le journal de Malrich ne vient pas apporter une fin à celui de Rachel, déjà
terminé, en lui greffant une continuation, mais y ajoute son récit, en reprenant l’élément
central de celui de son aîné (le passé nazi du père) et en l’interposant dans son univers. Les
deux récits traitent la même histoire mais de deux façons différentes, vision que Malrich
annonce dés les première lignes de son journal : « j’ai compris, son histoire est la mienne,
la nôtre, c’est le passé de papa, il me fallait à mon tour le vivre, suivre le même chemin,
me poser les mêmes questions et, là où mon père et Rachel ont échoué, tenter de
survivre.»142.
Vu sous cet angle là, le journal de Malrich s’inscrit dans le registre de la forgerie (imitation à
régime sérieux), ou plus précisément, dans celle d’une de ses sous-pratiques : la prolongation,
qui consiste en « une suite [...], diffère de la continuation en ce qu’elle ne continue pas
une œuvre pour la ramener à son terme, mais au contraire pour la relancer au-delà de
ce qui était initialement considéré comme son terme »143.
Précisons-le une dernière fois : Malrich apporte une suite au texte déjà fini de Rachel
(hypotexte) non dans une relation de commentaire, puisque le récit de Malrich (hypertexte) ne
reprend pas les péripéties de l’hypotexte dans une relation critique, mais raconte ses propres
événements dont il est acteur. Malrich incorpore des chapitres de Rachel (dont le choix et
141 Genette. G. ( 2007). Ibidem.P.445142Sansal, B. (2008) Op.Cit. P.14143 Genette. G. ( 2007). Ibidem.P.299
82
l’organisation sont pleinement expliqués dans le chapitre quatorze) et donne naissance ainsi à
un récit intercalé entre hypertexte et hypotexte.
Les prolongations que l’hypertexte apportent à son hypotexte s’ajoutent de différentes
manières selon ce que « le continuateur croit devoir (ou trouve profil à) leur apporter »144.
Dans la première partie (comportant les chapitres 1 et 2), ces prolongations s’ajoutent au récit
de Rachel dans un mouvement changeant essentiellement entre continuations analeptiques,
paraleptiques et elleptiques.
En claire, dans le premier chapitre (Le Journal de Malrich Octobre 1996) nous assistons à un
flash back dans lequel Malrich expose leurs origines algéro-germaniques, leur arrivée en
France, leur parcours scolaire dont la réussite de Rachel et l’échec de Malrich, leur
naturalisation et leur mode de vie différents, ce qui relève des continuations analeptiques
« chargée de remonter, de cause en cause, jusqu’à un point de départ, plus absolu, ou du
moins plus satisfaisant »145.
Puis dans le chapitre deux, l’hypertexte s’unit à son hypotexte, tantôt à travers une relation de
continuation paraleptique « chargée de combler d’éventuelle paralipses, ou ellipses
latérales (« Que faisait X pendant que Y... ») »146, Dans laquelle Malrich raconte de quoi
était fait son quotidien en échos au récit de Rachel sur le décès de leurs parents. Tantôt en
continuations elleptiques « chargée de combler une lacune ou une ellipse médiane »147, à
travers laquelle l’hypertexte vient apporter des éclaircissements à des passages de l’histoire
que l’hypotexte omet comme l’extrait du journal de Malrich qui prolonge le récit de Rachel
sur son voyage à travers l’Algérie pour rejoindre son village natal : « Rachel ne dit pas
comment il s’est débrouillé à Sétif et par quel moyen il a rejoint Aïn Deb. J’imagine
qu’il a contracté avec un clandestin et que el tarif incluait le danger inhérent à l’arrière-
pays ...»148.
Ces continuations se poursuivent pendant la seconde et la troisième partie du journal des deux
frères. Cependant nous assistons à l’émancipation du journal de Rachel, dont les intertitres
viennent annoncer son nouveau statut de narrateur extradiégétique. De ce fait nous nous
retrouvons devant deux journaux à narrateurs extradiégétiques (au premier degré). En somme
144 Sansal, B. (2008) Op.Cit.P.254 145 Sansal, B. (2008) Op.Cit.P.254. 146 Sansal, B. (2008) Op.Cit.P254 147 Sansal, B. (2008) Op.Cit.P.254 148Sansal, B. (2008) Op.Cit. P.32
83
l’émancipation du journal de Rachel de celui de son frère Malrich a pour conséquence la
création d’un nouvel univers spatio-temporel, celui de Rachel. Autrement dit, l’émancipation
de l’hypotexte de son hypertexte, donne lieu à deux univers diégétiques distincts qui apportent
avec eux des changements au niveau des événements et des conduites constitutives des
actions. Bien que la transposition diégétique résulte de ce que Gentte.G nomme la
transformation sémantique, elle n’est « ni une condition nécessaire ni une condition
suffisante de la transformation sémantique. Elle n’en est qu’un instrument facultatif,
bien souvent traité comme une pratique autonome »149. Il est clair que l’hypertexte se
produit en analogie thématique entre son action et celle de son hypotexte comme nous allons
le voir ci-dessous.
Cette pratique hypertextuelle, comme son nom la présente, démontre comment un
texte B s’unie à un texte A en apportant une transformation au niveau diégétique ou spatio-
temporel. Cette transposition diégétique, peut-être homodiégétique ou hétérodiégétique, relie
une transposition pragmatique.
Effectivement, le niveau diégétique est clairement déplacé. L’action dans l’hypotexte se passe
entre septembre 1994 et avril 1996 et dans un cadre spatial lié à plusieurs endroits (fruit des
multiples déplacements de Rachel à la recherche de l’humanité de son père), tandis que
l’hypertexte, vient par la suite, dans un cadre spatio-temporel (certes proche du premier,
surtout au niveau de l’espace ou le personnage de l’hypertexte effectue comme un pèlerinage
en suivant les pas de son frères, donc de l’hypotexte, mais différents par la perspective) entre
octobre 1996 et février 1997 à travers la banlieue française et l’Algérie. Cette
transdiégétisation est une transposition hétérodiégétique, puisque même si le héross n’est plus
le même, le thème reste toujours centré sur le passé nazi du père, et Malrich (personnage
narrateur et héros de son propre récit) entame le même parcours que son frère mais à sa
manière et dans son univers.
Idem pour le niveau pragmatique qui est « une conséquence inévitable de la transposition
diégétique »150. L’hypertexte reprend l’intrigue de l’hypotexte, soit le passé nazi du père, et le
présente à sa manière en apportant des modifications aux niveaux des personnages, des
événements et des actions auxquelles il prend part. Dans l’hypotexte, le héros (Rachel)
entreprend une quête de l’humanité de son père en se basant essentiellement sur les
informations temporelles et géographiques consignées dans le livret militaire nazi et en 149Genette. G. ( 2007). Op. Cit. P.464 150 Genette. G. ( 2007). Op. Cit. P.468
84
puisant dans des informations et des événements véridiques relatifs à ce passé. Alors que dans
l’hypertexte, Malrich tente de comprendre toutes ces informations relatives à la seconde
guerre mondiale en les transposant dans son univers. Ainsi, l’Imam de la 17 est proclamé
Führer, ses condisciples des kapos, et la cité devient un camp de concentration. Là ou l’aîné
juge son père en l’accusant du pire crime commis contre l’humanité, et finit par se donner la
mort pour laver leur nom familial, le cadet essaie de comprendre par quel moyen son père
s’est retrouvé dans ce drame à la lumière des événements tragiques qui touchent sa vie dans
une banlieue parisienne sous l’emprise des islamistes.
85
CONCLUSION :
86
Au terme de notre modeste recherche, nous en sommes arrivés à entrevoir le dessein que
l’auteur nous propose dans son roman « Le village de l’allemand, ou, le journal des frères
Schiller » entre fiction et réalité. Une œuvre dite réaliste raconte, sans chercher à parfaire, des
événements dans leurs dimensions les plus banales, les plus quotidiennes de la vie. Au-delà
d’une simple fiction réaliste, l’auteur nous propose un récit mêlant HISTOIRE, Histoire et
histoire comme les définit Christiane Achour dans « convergences critiques », et cela à travers
plusieurs niveaux de son écriture.
Dans le premier chapitre, nous nous sommes intéressés à la forme textuelle de notre corpus,
entre le journal intime, l’autobiographie, le roman documentaire et le polar historique.
L’auteur multiplie et fusionne les genres romanesques dans le but d’homogénéiser les
éléments réels et avérés insérés à sa fiction.
Chaque genre, à travers ses particularités réalistes apportent des détails qui font que la fiction
s’apparente plus à une histoire qui aurait pu se dérouler qu’au fruit de l’imagination de son
auteur. Le journal intime, à travers sa temporalité dédoublée donne le ton du réel en suggérant
que les événements relatés ont d’abord dû être vécu avant de les mettre noir sur blanc. La
touche autobiographique, moins explicite que la forme journalière dans laquelle la fiction se
présente, donne de l’épaisseur à l’histoire à travers les flash-back et l’évocation des souvenirs
d’enfances qui élargissent l’axe temporelle au-delà de la temporalité de la fiction qui se
déroule entre 1994 et 1997. L’autobiographie raconte l’histoire d’une vie dans sa globalité
contrairement au journal intime qui en retrace des bribes rapportées dans l’instantanéité. A
cela s’ajoute l’enquête sur le passé paternel qui se trouve jonché de références à l’HISTOIRE
et étayé de sources documentaires qui sont relatifs aux structures du roman documentaire et
du polar Historique.
L’auteur en adoptant une structure protéiforme donne l’illusion d’un récit réel, dont le but
n’est pas uniquement de décrire le plus fidèlement possible la réalité, mais de la dépeindre et
de la divulguer à travers une relation analogique avec les événements de la Shoah, la réalité
du peuple algérien, entre l’Algérie et la France, sous l’emprise des islamistes et l’ignorance du
gouvernement. Aussi, l’auteur réussit, à travers ce mélange de différents genres romanesques,
d’unifier sa fiction avec les éléments HISTORIQUES au point d’altérer la perception de la
fiction et de la réalité.
87
Dans le second chapitre, nous avons approché la fiction du point de vue narratologique, en
nous basant essentiellement sur les théories de Genette.G concernant les éléments constitutifs
de la fiction. Toujours en essayant de discerner le réalisme, déjà très présent dans la structure
protéiforme, nous nous sommes attelés à disséquer les éléments internes de la fiction :
personnages, temps et espaces.
L’auteur, ne se contentant pas seulement d’envelopper sa fiction de réalité, il travaille son
récit de façon à solidifier cette impression de réel à travers ses personnages qu’il dessine de
manière très réaliste. En effet, l’auteur décrit ses personnages ordinaires, en adéquation avec
leurs environnements, et en les affublant de noms qui mettent en avant deux aspects : le
premier, naturaliste, visible à travers l’accent mis sur la corrélation entre le milieu où vit le
personnage, ses origines et ce qu’il est, et le second physiologiste entre le physique du
personnage (son aspect extérieur) et son caractère (son intériorité). En effet, la quasi-totalité
des personnages portent des noms ou des surnoms soit en relation avec leurs origines, soit en
relation avec leur profession soit en relation avec des aspects de leurs caractères.
Un autre aspect de l’écriture réaliste se cristallise dans l’illusion que l’auteur du « journal des
frères Schiller » soit Malrich un des deux personnages narrateurs de l’histoire. En effet, le
roman s’ouvre sur une note signée par celui-ci dans laquelle il se pose comme l’auteur de son
journal et l’organisateur de celui de son frère aîné. Sansal cède complètement la parole aux
deux frères à travers l’utilisation de la première personne du singulier « je », de lexiques
spécialisés se référant à la Seconde Guerre Mondiale et de niveau de langue en conformité
avec le statut des deux personnages. Effectivement, le registre de langue de l’aîné est plus
soutenu et riche que celui du cadet.
Il en va de même pour la temporalité et la spatialité. En effet l’auteur, tout en mixant les
différents genres romanesques, reste le plus fidèle possible à leur construction spatio-
temporelle. Ainsi entre la spontanéité de l’écriture diariste qui fixe le temps dans le moment
de son déroulement, le travail temporel plus large et réfléchi de l’autobiographie et la
temporalité relative à l’écriture fictionnelle entre analepses, prolepses…etc. l’auteur réussit à
inscrire son histoire dans une sorte de non-temps spécifique aux récits d’HISTOIRES qui
subsistent au temps à travers la mémoire collective. Tandis que pour la spatialité, l’auteur fixe
son réalisme à travers les lieux de mémoires porteurs d’une réalité vécue et sauvegardée dans
les camps de concentrations et d’exterminations.
88
Le dernier chapitre de notre travail met le doigt sur les relations transtextuelles dans le roman
entre fiction et réalité. L’auteur en plus des évidentes allusions au réel à travers ses emprunts
au lexique de la Seconde Guerre Mondiale, travaille son texte de façon à rendre l’histoire des
Schiller plus crédible et par la même occasion plus réaliste. En effet, les deux journaux se
lient à travers une relation hypertextuelle qui permet d’une certaine façon d’associer la fiction
au réel. En prenant le journal de Rachel comme hypotexte de celui de Rachel, Sansal.B
accentue le statut d’auteur de Malrich et octroie, en quelque sorte, au journal de Rachel le
rang d’écrit référentiel. Ce qui fait que les deux journaux, bien que liés par une histoire
familiale commune au niveau thématique, sont organiquement soudés au niveau textuel.
L’auteur, à travers les procédés d’écritures de son œuvre, tant au niveau explicite qu’au
niveau implicite du texte cerne sa fiction sous tous ses angles de réalité, à travers la
multiplicité des genres romanesques, la référence à l’HISTOIRE de la Seconde Guerre
Mondiale, la construction de ses personnages et de leur contexte spatio-temporel, et sa
manière de joindre les deux journaux dans une relation hypertextuelle, ce qui finit de faire de
sa fiction un récit réel. En effet, cette écriture réaliste donne à ses êtres fictifs une épaisseur
humaine, qui traversent l’HISTOIRE de deux périodes différentes, et présentent leurs récits
dans la forme la plus commune à une écriture qui ne se veut pas littéraire mais uniquement
porteuse d’une histoire intime, personnelle et surtout réelle.
« Le village de l’allemand, ou, le journal des frères Schiller » surpasse les exigences de
l’écriture réaliste par une écriture épique et une visée symbolique d’un nouveau genre. Certes
le roman ne fait pas la consécration d’un héros en relatant ses exploits comme il est de rigueur
dans le registre épique, mais raconte l’itinéraire d’un bourreau et de son lègue à sa
descendance dans un réalisme contemporain. Et par succession et extrapolation, l’auteur
réussit à dessiner le portrait d’un bourreau symbolique entre officier SS de la Seconde Guerre
Mondiale, Imam de la cave 17 des cités de banlieues et le G.I.A de la décennie noire en
Algérie.
Pour finir, le roman que nous propose Sansal.B met la réalité et l’HISTOIRE au service de la
fiction pour pouvoir, non seulement donner la parole aux voies opprimées du peuple algérien
mais aussi de l’affirmer dans sa globalité avec ses cultures, son HISTOIRE et ses métissages.
L’œuvre ne nous propose pas uniquement une fiction réaliste, mais met aussi en avant un
aspect interculturel et idéologique qui mérite d’être exploré dans une recherche ultérieure.
89
Bibliographie :
Du même auteur :
Publications techniques :
La Postcombution dans les turboréacteurs, Alger, Office des Publications Universitaires,
1986.
La Mesure de la productivité dans les entreprises industrielles, Alger, Office des Publications
Universitaires ; 1989.
Romans :
Le serment des barbares, Gallimard, 1999.
Prix du premier roman 1999 ; Prix Tropiques 1999.
L’Enfant fou de l’arbre creux, Gallimard, 2000.
Prix Michel Dard 2001.
Dis-moi le paradis, Gallimard, 2003.
Harraga,Gallimard, 2005.
Le Village de l’Allemand ou Le journal des frères Schiller, Gallimard, 2008.
Grand Prix RTL-Lire 2008 ; Grand Prix SGDL du roman ; Grand Prix e la Francophonie
2008 ; Prix Nessim Habif de l’Académie royale de Belgique ; Prix Louis Guillous.
Rue Darwin, Gallimaed, 2011.
Prix du roman-news ; Prix du roman arabe.
2084, la fin du monde, Gallimard, 2015.
Essais :
90
Poste restante : Alger, Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes, Gallimard, 2006.
Petit Eloge de la mémoire, Quatre mille et une année de nostalgie, Gallimard, 2007.
Gouverner au nom d’Allah, Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, Gallimard,
2013.
Contributions à des ouvrages collectifs ; Textes publiés dans des organes de
presse :
« L’Âge de raison », in Journal intime et politique, Algérie, 40 ans après, Littera 05-L’aube, 2003.
« Souvenirs d’enfances et autres faits de guerre », in l’Algérie des deux rives Raymond Bouzier (dir.), Mille et une nuit, 2003.
« Alger mon amour », in Amours de villes, villes africaines, Editions Drapper, 2003.
« A quoi rêvent les hommes ou l’Odyssée de la mémoire », Senso Magazine, Discours inaugural de Festival Passa-Porte, Bruxelles, 2005.
C’est quoi, la France, Gallimard, 2007.
« De l’insolence », Revue Littéraire, 2007.
« Avoir vingt ans », Revue de Meet, 2007.
« Où est passé ma frontière ? », in Pour une littérature-monde, Michel Le Bris et Jean Rouaud (dir.), Gallimard, 2007.
« Les leçons de grand-père », in C’était leur France, En Algérie, avant l’indépendance, Leïla Sebbar (dir.), Gallimard, 2007.
« Histoire/Géo ou Le piège de l’ubiquité », in L’Histoire ou la Géographie, Meet, 2008.
Ma Mère, textes inédits recueillis par Leïla Sebbar, Editions Chèvre-feuille étoilée, 2008.
L’Algérie et la France, Jeannine Verdés-Leroux (dir.), Robert Laffon, 2009.
Le Sentiment d’être Père, l’Iconoclaste, 2009.
Préface à Jacque Ferrandez, l’Hôte, Gallimard, 2009.
91
93, rue de Lyon (texte sur Albert Camus), Grasset, 2009.
« Une histoire vieille comme le monde », préface à Françoise Saur, Les Eclats du miroir, Petits contes algériens, Editions Trans Photographic Press, 2009.
Être père, disent-ils, l’Iconoclaste, 2010.
A la recherche d’une issue, Toulouse, Novela, 2010.
« Le journal », in Jean Rouaud (dir.), Le Roman du XXe, les Assises internationales du roman 2010, Christian Bourgois, 2010.
La Méditerranée, une histoire de tellurisme et de magie, Festival international de littérature de Vienne, Alte Schmiede, 2012.
« La Torture entre passé et présent », Londres, Sebso, 2012.
« Mezghana ou le premier homme », Présence d’Albert Camus, Société des Etudes camusiennes, 2013.
L’Afrique qui vient, Brazzaville, Etonnants Voyageurs, Festival international du livre et du film, 2013.
« Une guerre pour rien », Le Figaro, 5 novembre 2012.
« Dernières Nouvelles du front et quelques questions subsidiares », Le Débat, novembre-décembre 2014.
« Baudelaire », dans Les Archives durêve, Wernier Spies (éd.), musée d’Orsay, 2014.
La voix, in Le Monde, 2003.
La Femme sans nom, Littera, 2003 ; Editions de l’Aube, 2004.
La vérité est dans nos amours perdus, Editions Métailié, 2005.
Homme simple cherche événement heureux, in Le monde, 2005.
Tous les bonheurs ne valent pas le déplacement, in Beaux Arts, janvier 2006 ; trptis dans Voix du monde, Nouvelles Francophones, Presses Universitaire de Bordeaux, 2011.
La Terrible Nouvelle ou la femme aux pieds nus, in Le Monde, 2007.
Plus que marre, plein le dos, in Mots pour Maux, Gallimard, 2008.
Rendez-vous à Clichy-sous-bois, in Des nouvelles de la banlieue, Editions Textuel, 2008.
Conférences et discours :
La médiation dans l’art contemporain, musée de Jeu de Paume, 2001.
Les Guerres d’Algérie, Université de Berkeley, Californie, 2006.
92
Le Sacré, Fés, Festival des musiques sacrées de Fés, 2007.
Littérature maghrébine, Université de Minneapolis, 2008.
Discours de remerciement pour le prix de la Paix, Francfort, 2001.
Justice transitionnelle, Sofia, 2011.
La Censure, Saint-Malo ; Etonnants Voyageurs, Festival international du livre et du film, 2013.
Les Ecrivains et la censure, Berlin, discours inaugural à l’assemblée générale annuelle du Borsenverein, 2013.
Ouvrages consultés :
Œuvres théoriques :
Achour, C., & Rezzoug, S. (1990). Convergences Critiques. Introduction à la lecture du
littéraire. Alger: Office des publications universitaires.
Didier, B. (2002). Le journal intime. Paris: PUF.
Genette, G. (2007). Discours du récit. Paris: Seuil.
Genette, G. (2005). Fiction et diction. Paris: Seuil.
Genette, G. (1969). Figures II. Paris: Seuil.
Genette, G. (1972). Figures III. Paris: Seuil.
Genette, G. (1992). Palimpsestes. La littérature au second degrè. Paris: Seuil.
Genette, G. (1987). Seuils. Paris: Seuil.
Goldenstein, J.-P. (2005). Lire le roman. Bruxelles: De Boeck Supérieur " Savoirs en
Pratiques".
Halbwachs, M. (1968). La mémoire collective. Paris: Presses universitaires de france.
Lejeune, P. Le pacte autobiographique.
Lejeune, P. (2005). Signes de vie, le pacte autobiographique 2. Mesnil-Sur-l'Estrée: seuil.
Molho, M. (1984). Le nom: le personnage. Travaux de l'Université de Toulouse-Le Mirail
(pp. 85-92). Toulouse: S.E.L.
93
Reuter, Y. (2000). L'analyse du récit. Paris: Nathan.
Sanal, B. (2008). Le village de l'allemend,ou le journal des frères Schiller. Mayenne, France:
Gallimard.
Zanone, D. (2002). L'autobiographie. Paris: ellipses.
Dictionnaires :
Clédrière, J., & Rocher, D. (1983). Larousse de poche, dictionnaire bilingue, français
allemand, allemand français. Sarthe: Le livre de poche.
Forest, P., & Conio, G. (2004). Dictionnaire fondamental du français littéraire. Sarthe: Maxi-
Livres.
Lemaître, H. (1994). Dictionnaire Bordas de littérature française. Paris: Bordas.
Sitographie :
Genette. (25, 01 2015). Google. Consulté le 08 25, 2011, sur bouche à oreille, page perso-
orange: http://bouche-a-oreille.pagesperso-orange.fr/grammaire/genette.htm
Kunz Westerhoff, D. (2005). Méthodes et problèmes : Le journal intime. Consulté le 09 22,
2011, sur Département de français moderne, université de Genève:
http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/journal/index.html
Wikipédia. (2014, 03 14). Google. Consulté le 09 12, 2011, sur Dialogue (genre):
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dialogue_(genre)#Dialogue_dialectique
94
ANNEXES
95
Annexe 1 : Tableau récapitulatif
N° de page
Journal de
Date Lieu Contenu
De 11 à
18
Malrich
Octobre 96 FranceMalrich apprend le suicide de son frère aîné Rachel et hérite de son journal intime. Après sa lecture, il apprend la mort de ses parents en différé et découvre un passé obscur concernant leur père.Pour mieux expliquer les événements, il commence par présenter rapidement sa famille d’origine germano-algérienne et explique son arrivée en France après celle de Rachel chez Tonton Ali, puis il décrit son parcours scolaire soldé par un échec au CM2 contrairement à celui de Rachel qui devint ingénieur. Il termine son premier récit en revenant sur les raisons qui l’ont poussé à écrire son journal à son tour.
De 19 à
52
Malrich
Novembre 96 FranceDans ce second récit, Malrich introduit des passages entiers
du journal de Rachel qui viennent raconter avec plus de
précision l’assassinat des
96
parents par le G.I.A. à Ain-Deb dans le village natal, son trajet entre l’aéroport d’Alger et le village après les difficultés
rencontrées à l’acquisition de son passeport algérien et
termine par décrire l’atmosphère chargée de peur
et de désarroi, et son recueillement sur les tombes de ses parents inscrits sous
leurs pseudos au village.Malrich vient placer entre les
passages de Rachel ses pensées et ses commentaires. Il n’apprend le décès de ses
parents qu’après la lecture du journal de Rachel et s’étonne
du changement que cette perte opère sur lui. Il
commence à regarder sa cité à la lumière du journal de son frère qui le porte à décrire les lourds changements suite à
l’arrivée d’un imam de la G.I.A. Malrich termine son récit en retraçant la découverte de la mallette contenant le passé
nazi de Hans Schiller par Rachel et établit une liaison
entre ce passé et les événements présents
auxquelles il est acteur.
97
De 53 à
69
Rachel
22 septembre 94
Allemagne
En s’appuyant sur le carnet militaire de son père, trouvé dans la mallette, Rachel part
en Allemagne, à Uelzen la ville natale de Hans Schiller pour chercher des réponses à ses questions. Il y retrouve une
connaissance de son père qui se terre dans le silence et
accuse le devoir après avoir compris les raisons du voyage
de Rachel.
De 71 à
87
Malrich
Mercredi9octobre96Jeudi10octobreVendredi11octobre7h du matin8h du matin18h
FranceMalrich entame un récit de
trois jours successifs :Le premier jour (mercredi) il
relate la mort d’une jeune fille Nadia, tuée par un barbu au
nom d’Allah. Il décide de prendre les choses en mains
et de se venger en tuant l’imam de la cité investigateur de ce meurtre, le führer de la cité, qui avait annoncé une messe pour le vendredi à 12h30, en menaçant les
absents de punitions.Le deuxième jour (jeudi),
Malrich assiste à l’impuissance et la résignation de la cité
endeuillée et les mouvements des barbus dans la cité
transformée en camps de concentration.
98
Le troisième (vendredi) jour à 7h du matin il se poste
devant la mosquée avec sa bande pour exécuter son plan
de vengeance.8h du matin, au moment de passer à l’action, Com’dad interpelle Malrich et l’en
empêche, il le convoque à son bureau pour 18h et lui
demande de rentrer chez lui.18h, Malrich se rend au
commissariat. Com’dad essaie de lui remettre les idées en
place en lui parlant du suicide de son frère, du passé nazi de son père et de la mort de ses
parents de Nadia par les islamistes. Malrich essaie de
comprendre la relation qu’entretenaient son père et
Tonton Ali et se pose des questions sur les raisons de leurs exils en France loin de
leurs parents.
De 89 à
103
Rachel
Mars 1995 FranceRachel perd petit à petit tout ce qu’il a réussit dans sa vie, ses études, sn mariage, son travail...etc. il expose avec
noirceur le tournant que prend sa vie et commence à
envisager le suicide pour retrouver humanité perdue
99
dans le passé de son père. Il essaie de trouver des
explications pour justifier les actes de son père mais n’en
trouve aucunes.
De 105
à 114
Rachel
Avril 1995 Strasbourg
Rachel part à la quête de Jean 92 en se présentant à
l’adresse mentionnée dans les lettres qu’il avait trouvé
auparavant dans la mallette de son père. Il trouve un
homme, Adolphe le fils du compagnon de son père, qui lui explique l’après-guerre, la fuite des allemands nazis vers
la Corée, le Chili... etc. il lui explique que son père était l’organisateur de tout ça. Au
cours de leur discussion Adolphe lui trouve un trait de ressemblance avec son père, ce qui rend Rachel malade.
De 115
à 132
Malrich
31 octobre1996 France (pavillon
de Rachel)
Malrich essaie de comprendre les pensées de Rachel,
comment ce dernier s’est identifier à son père à travers
la pensée de Primo Lévi. Il essaie de trouver le salut pour son âme et de comprendre à son tour, comment son père
s’est retrouvé au service d’Hitler. Il compare sa vie dans la cité et celle de Rachel dans
100
la banlieue avec la vie de leur père dans les camps
d’exterminations. Il en arrive à l’aide d’un syllogisme logique
à relier l’islamisme (mouvement totalitaire) ai
nazisme d’Hitler, il expose à ses copains l’horreur de la
Shoah brièvement et entame un rapprochement avec la situation plus actuelle dans
leur cité, et que si ils ne réagissent pas vite la Shoah se
reproduira dans leurs vies à eux.
De 133
à 136
Malrich
Samedi 2 novembre 1996
FranceMalrich se voit contraint de
quitter le pavillon après l’arrivée de la mère d’Ophélie. Il apprend la mise en vente du
pavillon et récupère une enveloppe d’Ophélie ou elle lui explique son prochain mariage et lui laisse un billet de mille dollar en remerciement pour
avoir garder le pavillon en son absence.
De 137
à 144
Malrich
Décembre 1996 FranceMalrich décide d’utiliser
l’argent qu’Ophélie lui a donné pour se rendre à Ain-Deb. Il
réussit à se procurer son passeport algérien plus facilement que Rachel, prépare ses valises et
101
appréhende ce voyage vers l’inconnu.
De 145
à 165
Rachel
Juin – Juillet 1995
FrancfortRachel, renvoyé de son boulot, quitté par Ophélie, entame son
enquête par Francfort. Il se rend à l’université ou son père
avait fait ses études, là ou, coïncidences ou suite logique,
le Zyklon B a été produit. Il empreint les traces de son
père pour comprendre qui il était réellement, un pauvre jeune homme innocent qui
s’est retrouvé embarqué dans cette horreur malgré lui ou un membre actif conscient de ses
actes.
De 167
à 169
Rachel
16 Aout 1995 FranceRachel rédige une lettre au
ministre algériens des affaires étrangères, lui demandant de restituer la véritable identité
de ses parents sur la listes des victimes du massacre d’Ain-
Deb, et de lui faire parvenir les suites de l’enquête pour
retrouver les acteurs de ce crime.
De 171
à 183
Malrich
15 Décembre 1996
Aéroport d’Alger
A peine descendu de l’avion à l’aéroport d’Alger Malrich se
retrouve déporté dans un hangar avec d’autres
personnes et questionné par quatre policiers à l’allure pas
102
très rassurante. Libéré une heure plus tard, il prend un
bus pour Ain-Deb où il trouve abri chez son ami d’enfance
Mimed.
De 185
à 190
Malrich
16 Décembre 1996
Ain-DebFace aux tombes de ses
parents Malrich ne supporte plus le silence dans lequel il se terre, il décide de prendre les
choses en main et de divulguer la vérité sur leur
identité et celle de leur père, sur la situation de crise dans la
cité et d’établir le dialogue avec ses copains dés qu’il sera
de retour.
De 191
à 198
Malrich
Récit non daté Non situéMalrich explique les choix
porté avec Mme Dominique G.H. sur l’organisation des récits à venir qui relatent le
long périple de Rachel à travers le pas de son père en
Europe et ailleurs, puis met en avant une introduction de
l’après-guerre et de l’itinéraire de la fuite de leur père.
De 199
à 205
Rachel
09 Mars 1996 IstanbulRachel part à Istanbul dans le but de retracer la fuite de son père à travers les pays arabes
qui le mènera en Algérie, il retrace historiquement et
fictionnellement le chemin que son père aurait suivi.
103
De 207
à 216
Rachel
10 – 13 Avril 1996
CaireRachel relate son séjour en Egypte entre ses propres
souvenirs et celles imaginées de son père, il décalque
l’itinéraire de ce dernier et montre la monstruosité de ses
actes restés impunis.
De 217
à 227
Malrich
Janvier 1997 FranceDés son retour à la cité Malrich entreprend les décisions qu’il avait prise à Ain-Deb. Il part
voir Mme Dominique G.H. pour lui demander son aide dans l’écriture de son journal. Il
annonce clairement la guerre au nouveau Imam de la cité
qui l’avait invité pour discuter le crime perpétrait au village
natal.
De 229
à 232
Malrich
Février 1997 FranceMalrich écrit une première
lettre au ministre algérien des affaires étrangères au sujet de l’enterrement de ses parents l’un sous pseudo et l’autre
sous une identité périmée. Et une seconde lettre au ministre
français de l’intérieur le mettant au courant de la
situation de la cité sous les griffes des islamistes.
De 233
à
Rachel
Février 1996 Auschwitz
Rachel part pour Auschwitz dans la perspective d’entrevoir les actes de son père, vite il se
rend compte des atrocités
104
250 commises en se référant à l’histoire et revendique sa part
de punition, et raconte sa rencontre avec une vieille
juive en pèlerinage auprès de qui il demande pardon.
De 251
à 259
Malrich
Février 1997 FranceMalrich fait le point sur le
trajet de son frère et donne son avis. Tout en se référant
au passé de son père pas très glorieux il prédit un avenir qui
pourrait retomber dans l’horreur à n’importe quel
moment. Tiraillé entre la fuite et la lutte, Malrich termine leur journal sur la dernière page du manuscrit de Rachel qui date
du jour de son suicide.
De 261
à 264
Rachel
24 Avril 1996 FranceLe journal se termine sur les derniers moments avant le
suicide de Rachel, où il explique les raisons de son geste qu’il qualifie d’amour
envers son père et ses victimes. En mettant fin à ses jours il pait sa dette envers le passé et rend à son père son
humanité qu’il avait perdu une première fois dans les camps
de concentrations et une seconde fois dans sa fuite au
moment de rendre des comptes.
105
Annexe 2 : Les faits réels avérés
Faits relatés dans la fiction(tous les passages sont extraits de
notre corpus « Le village de l’allemand, ou le journal des
frères Schiller »)
Faits réels avérés(toutes les explications apportées
ont été prélevées du site wikipédia)
P.28 : « Je suis arrivé à Alger comme une lettre à la poste en Suisse [...] L’aéroport a été plastiqué, le trou dans le hall est encore béant et les traces de sangs toujours visibles sur les murs »
Le 26 août 1992 le terminal international a été visé par un attentat qui a couté la vie à neuf personnes.
P.47 : « [...] il est à côté d’un type en battle-dress, grand, squelettique, au regard halluciné, souriant comme s’il avait mal aux dents. Rachel l’a reconnu, il le nomme Boumedienne c’est le chef des maquisards »
Mohammed Ben Brahim Boukharouba dit Houari Boumedienne : était un colonel et un homme d’état algérien. Il est le 2ème chef de l’Etat de 1965 à 1976 puis président de la république.
106
P.47 : « [...] les coupures de journaux sont en anglais, français, italiens. L’article en français est un dossier de la revue Historia »
La revue « Historia : le passé éclaire le présent », est une revue mensuelle de vulgarisation consacrée à l’histoire.
P.47 : « [...] Je l’ai lu. Il parle du procès de Nuremberg contre les dignitaires nazis, Bormann, Goering, von Ribbentrop, Dönitz, Hess, von Schirach et compagnie. Il parle de ceux qui ont été retrouvé plus td, Adolf Eichmann, Franz Stangl, Gustavo Wagner, Klaus Barbie »
Bormann Martin : mort officiellement en 1945 à Berlin, est un haut dignitaire nazi, conseiller d’Hitler, il devint l’un des hommes les plus puissants du Troisième Reich.Goering Wilhelm Herman : mort par suicide en 1946 à Nuremberg, était un militaire et homme politique allemand de premier plan de parti national socialiste et du gouvernement du 3ème Reich. Il fut condamné à mort à l’issu du procès de Nuremberg en raison de son implication dans les crimes du régime nazi.Von Ribbentrop Joachim : fut ambassadeur du 3ème Reich de 1936 à 1938 à Londres puis ministre des affaires étrangères. Il a été condamné à mort lors du procès de Nuremberg en 1946.Dönitz Karl : mort en 1980 EN Allemagne, est un amiral allemand qu’Adolf Hitler désigna par testament comme son successeur à
107
la tête du 3ème Reich. Condamné lors du procès de Nuremberg pour crimes de guerre paye de dix ans de prison sa participation à la guerre sous-marine.Hess Rudolf Walter Richard : mort le 17 août 1987 à la prison de Spandau à Berlin. Il est une personnalité majeure du Troisième Reich. Après avoir été le compagnon influent d’Adolf Hitler dés ses débuts politiques, il en devient le représentant officiel auprès du parti nazi.Von Schirach Baldur : mort le 8 août 1974 à Kröv-an-der-Mosel, était le chef des Jeunesses hitlériennes et également gauleiter de Vienne. Il fut condamné à vingt ans de prison à la suite du procès de Nuremberg et emprisonné à la prison de Spandau.Eichmann Adolf : est un criminel de guerre nazi, haut fonctionnaire de Troisième Reich, officier SS et membre du parti nazi. Ayant réussi à échapper à la justice après la capitulation allemande, retrouvé, puis capturé par des agents du Mossad en mais 1960 à Buenos Aires en Argentine sous le nom de Riccardo Klement. Eichmann est exfiltré en Israël où il sera
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condamné à mort et exécuté le 31 mai 1962.Stangl Franz : était un officier SS qui fut commandant des camps d’extermination de Sobibor et de Treblinka. Il fut condamné à la réclusion à perpétuité en 1970 par un tribunal allemand. Il est mort le 28 juin 1971 à Düsseldorf en Allemagne.Wagner Gustav : était un SS de Vienne. Il était commandant adjoint du camp d’extermination de Sobibor en Pologne. En raison de sa brutalité, il était connu comme « The Beast » et « Loup ». après la Seconde Guerre Mondiale Wagner a été condamné à mort par contumace vue qu’il s’était échappé au Brésil où il s’est suicidé le 3 octobre 1980 à São Paulo.Barbie Klaus : mort à Lyon en France le 25 septembre 1191. Il a été le chef de la section IV dans les services de la police de sureté allemande basée à Lyon, surnommé « le boucher de Lyon », il a été condamné pour crime contre l’humanité à Lyon en 1987.
P47 : « … Elle parle d’un enquêteur acharné désigne par les lettres S.W, d’un groupe désigné par les lettres BJ, et
S.W : Simon Wiesenthal : était un survivant autrichien de la Shoah connu pour ses activités de chasseur de nazis.
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d’un autre désigné par la lettre N, affilié à une organisation hyper-dangereuse nommée : le M… »
M : le Mossad : qui signifie « Institut pour les renseignements et les affaires spéciales », est l’une des trois agences de renseignement d’Israël avec le Shabak et l’Aman.
P68-69 : « si c’est un homme » « Si c’est un homme » : est un témoignage de Primo Lévi écrit entre décembre 1945 et janvier 1947, c’est un récit autobiographique.Primo Lévi : mort le 11 avril 1987 à Turin est un écrivain italien ainsi que l’un des plus célèbres survivants de la Shoah. Chimiste de formation de profession et de vocation, il devient écrivain afin de montrer transmettre et expliciter son expérience concentrationnaire et d’extermination d’Auschwitz, où il fut emprisonné à Monowitz au cours de l’année 44.
P95 : « … Finalement il l’a déniché, ce livre par lequel le plus grand drame du monde s’est abattu sur nous. Sur moi. Mein kampf. »
Mein Kampf : Mon combat : est un ouvrage rédigé par Adolf Hitler entre 1924 et 1925 pendant sa détention à la prison de Landsberg, détention consécutive au putsch de la Brasserie coup d’état manqué. Il contient des éléments autobiographiques, l’idéologie politique du nazisme, l’histoire du début du NSDAP et diverses réflexions sur la propagande et l’art oratoire.
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P98 : « La question me rend fou ; papa savait-il ceQu’il faisait à Dachau, à Buchenwald à Majdanek, à Auschwitz ?... »
Dachau : est le premier camp de concentration nazi (21 mars 1933).Buchenwald : est un camp de concentration créé en juillet 1937.Majdanek : est un camp d’extermination et de travail nazi se trouvant dans la ville polonaise de Lublin. Le camp est un symbole de l’Holocauste à partir du moment de l’occupation allemande de la Pologne.Auschwitz : est le plus grand camp de concentration de Troisième Reich. Sa situation est partagée entre les localités d’Auschwitz et de Birkenau.
P122 : « Et maintenant … où en sommes-nous, tonton Adolph ?-Pff … c’est fini, petit, les juifs ont gagnés.-Hitler reviendra ... ou un autre de plus … d’aussi fortiche.-Ouais, on peut rêver.-Il sera peut être français comme nous.-Tu me feras rire, t’as vu un français avec des couilles ?-Pétain en avait deux, non ?-Ouais mais il n’avait pas le génie d’Hitler. Ce type d’homme ne peut venir que d’Allemagne.Quand même, il y a eu Staline, Polpot, Ceausescu, Mao, Kim Il-
Hitler Adolf : mort par suicide le 30 avril 1945 à Berlin, est un dirigeant allemand, fondateur et figure centrale du nazisme, instaurateur de la dictature totalitaire désignée sous le nom de Troisième Reich (1933 – 1945). Sa politique impérialiste, anti-slave, antisémite et raciste est à l’origine du volet européen de la Seconde Guerre Mondiale, et en fait responsable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité ayant causé plusieurs dizaines de million de victimes, crimes dont la Shoah reste le plus marquant.Pétain Henri Philippe Benoni Omer
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song, Amin Dada… » Joseph : connu sous le nom de Philippe Pétain mort le 23 juillet 1951 à Port-Joinville, sur l’île d’Yeu est un militaire diplomate homme politique et homme d’Etat français. Il fait signer l’amnistie du 22 juin 1940 avec l’Allemagne d’Adolf Hitler. Installé à Vichy à la tête d’un régime autoritaire, il abolit les institutions républicaines et les libertés fondamentales. Il engage la France dans la révolution nationale et dans la Collaboration d’Etat avec l’Allemagne nazie.Staline Joseph (Lossif) Vissarionovitch Djougachvili : connu sous le nom de Joseph Staline, mort à Moscou le 3 mars 1953, est un révolutionnaire communiste et homme d’Etat soviétique d’origine géorgienne. Il établie en Union soviétique un régime de dictature personnelle, période pendant laquelle les historiens lui attribuent, à des degrés divers la responsabilité de la mort de trois à plus de vingt millions de personnes.Pol Pot : mort le 15 avril 1998, de son vrai nom Saloth Sàr est le dirigeant politique et militaire des Khmers rouges, partisant d’un communisme radical. De 1976 à 1979, il fût le premier ministre du
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Cambodge qui s’appelait alors Kampuchéa démocratique. Le programme d’études sur le génocide cambodgien de l’Université Yale évalue le nombre de victimes des politiques de son gouvernement à environ 1,7 millions de morts soit plus de 20 % de la population de l’époque.Ceausescu Nicolae : mort le 25 décembre 1989, est un homme d’état et dictateur de la Roumanie communiste. Il est le principal dirigeant du pays de 1965 à son renversement, suivi par son exécution lors de la libération de 1989. Pendant le culte de sa personnalité, il se faisait appeler Conducâtor « guide », « géni des carpates » ou encore « Danube de la pensée ».Mao Zedong : plus connu en français sous la transcription de Mao Tsé-toung, est un home d’Etat et chef militaire chinois, fondateur et dirigeant de la République Populaire de Chine. Un des membres historiques du Parti communiste. Il proclame la République Populaire de Chine le 1er
octobre 1949 à Pékin, il en sera le premier président de 1954 à 1959. Au nom de la définition d’une « voie
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chinoise vers le socialisme » il se démarqua ensuite progressivement de l’URSS et fut l’inspirateur direct du Grand Bond en avant (1958 – 1960) politique économique dont on estime qu’elle causa entre quinze et trente millions de morts.Il-Song Kim : fut le fondateur et le premier dirigeant de la Corée du Nord de 1948 jusqu’à sa mort le 8 juillet 1994. Il occupa les postes de premier ministre de 1948 à 1972 et de président de la république à partir de 1972. Il était couramment désigné du titre de Grand Leader « Président éternel » ou « Professeur de l’humanité toute entière ». son fils Kim Jong-Il lui succéda à la tête du parti et du régime.Dada Idi Amin : né Idi Awo-Ongo Angoo le 17 mai 1928 et mort le 16 août 2003, est un militaire et homme d’Etat ougandais, exerçant le pouvoir entre le 25 janvier 1971 et le 11 avril 1979. Il a laissé l’image d’un dictateur fou, violent et sanguinaire, tout autant qu’un cannibale présumé.
P.125 : « … -Ce sont des durs, des G.I.A., des cracks de la clandestinité, ils arrivent de
G.I.A. : le Groupe Islamique Armée est une organisation armée, dont le but apparent est de renverser le
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Boufarik… » gouvernement algérien pour le remplacer par un Etat Islamique. L’organisation est considérée par l’ONU comme proche d’Al-Qaïda et à ce titre sanctionnée par le conseil de sécurité des nations unies. Un courent dissident, à la suite de l’affaire de l’assassinat des moines du monastère de Tibérine impute désormais les manœuvres terroristes du G.I.A. à des barbouzes du FLN dans le but de mobiliser l’opinion internationale en faveur du gouvernement algérien.
P138 : « …Un secret enveloppé de mystère a l’intérieur d’une énigme, disait un nommé Churchill que Rachel considérait comme le grand héross de la guerre contre les nazis.»
Churchill : durant la Seconde Guerre Mondiale, il fût premier ministre de 1940 à 1945 au Royaume-Uni.
P148 : « … J’avais lu quelque part que c’est dans les laboratoires du groupe de chimie industrielle IG Farben, avec l’appuis de l’université JWG, sous la direction très sinistre Nebe le chef l’Einsatzgruppe B, que le Zyklon B, le gaz de la mort, avait été mis au point …»
IG Farben : était une société allemande fondée le 1er janvier 1925 et dissoute en 1952 qui produisait de nombreux produits chimiques dont le Zyklon B, initialement utilisé comme insecticide et raticide puis en grandes quantités par les nazis qui l’utilisaient dans les chambres à gaz de certains camps d’extermination.Nebe Artur ; mort le 21 mars 1945, est un criminel de guerre nazi, directeur de la Kripo et premier
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commandant de l’Einsatzgruppe B.Le Zyklon B : est un insecticide à base d’acide cyanhydrique. Durant le Seconde Guerre Mondiale, les nazis l’ont utilisé dans les chambres à gaz des camps d’extermination.
P. 154 : « … ils rivalisaient d’entregent, d’ardeur, d’inventivité, tous avaient à cœurs de séduire le Führer, tous tremblaient à l’idée de décevoir le ténébreux Himmler. »
Himmler : est l’un des plus hauts dignitaires du Troisième Reich. Il est le maître absolu de la SS, chef de la police allemande dont la gestapo et à partir de 1943 ministre de l’intérieur du Reich et commandant en chef de l’armée de terre de réserve de la Wehrmacht et responsable de l’armement de l’armée de terre. « Criminel de guerre, il est considéré comme le meurtrier du siècle ». Les camps de concentrations et les camps d’exterminations dépendaient entièrement de son autorité et il a mis en œuvre la solution finale.
P162 : « … Il est jeune, il ne sait pas, la Solution Finale est un secret d’Etat, une affaire prodigieusement intime entre le Grand Führer, perché dans son nid d’aigle, l’imprenable Berghof, et le petit déporté affamé … »
Berghof : était la résidence secondaire d’Hitler, il fût l’endroit où il séjourna le plus de temps pendant la guerre. Plutôt de 1927 à 1936, il fût présent plus de la moitié de l’année dans un refuge des Alpes.
P213 : « … Je ne sais de quand date la prise, probablement de l’époque du roi Farouk, entre
Roi Farouk : avant dernier monarque d’Egypte de 1936 à 1952.
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45, quand papa est arrivé en Egypte, et 52, quand le monarque a été renversé par le général Neguib... .»
Général Neguib : Mohammed Neguib fût le premier président de la République d’Egypte.
P237 : « … Dans ce lieu, la Buna, dans un autre complexe également bombardé et rasé, on produisait le caoutchouc synthétique … »
Buna : est un sous camp de l’un des trois grands camps du complexe concentrationnaire et de mise à mort d’Auschwitz. Au camp de Monowitz était adjointe la Buna-Werke, une fabrique de caoutchouc à laquelle on envoyait les détenus travailler. La Buna était dirigé par des civils de la compagnie IG Farben et en coopération avec la SS.
P238 : « …petite autorité malsaine, jeter un œil à travers la verrière de la clinique d’expérimentation du professeur Karl Clauberg ou celle du très sinistre docteur Josef Mengel, le Frankenstein des jumeaux monozygotes … »
Clauberg Karl : est un médecin nazi ayant mené des expériences sur les femmes des camps d’Auschwitz et Ravens-burck.Mengel Josef : connu sous le surnom d’Ange de la mort est un médecin et anthropologue nazi allemand et un criminel de guerre. Il a été actif notamment au camp de concentration d’Auschwitz.
P239 : « … Cette même raison de date ma fait dire que papa était sous les ordres du premier commandant d’Auschwitz, le très sinistre SS Obersturmbann führer Rudolf Höb… »
Höb Rudolf : était un officier de la SS qui occupa une fonction de premier plan dans le génocide des juifs d’Europe. Condamné à mort il est exécuté par pendaison le 16 avril 1947 suite au procès d’Auschwitz.
P 239 : « …Au milieu de l’été 43, Buchenwald : est un camp de
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au moment ou mon père rejoignait sa nouvelle affectation, Buchenwald, il sera remplacé par Arthur Liebehenschel et Richard Baer, le premier sera arrêté et exécuté en 48, en même temps que la très sinistre commandante du lager des femmes de Birkenau, Maria Mandel, et son adjointe la belle et terrible Jeannette Irma Grese, que papa a peut-être draguée entre deux fournées. »
concentration nazi crée en juillet 1937 sur la colline d’Ettersberg près de Weirmar, en Allemagne.Liebehenschel Arthur : fût l’un des commandants des camps d’Auschwitz et de Majdanek durant le Seconde Guerre Mondiale. Avant la fin de la guerre il est arrêté par l’armée américaine et extradé vers la Pologne. Jugé à Cracovie, il est exécuté le 24 janvier 1948.Baer Richard : est un nazi allemand, commandant du camp d’Auschwitz-1 de 1944 à a dissolution au début de 1945. Il meurt en détention le 17 juin 1963 à Francfort-sur-le-Main avant d’avoir été jugé.Mandel Maria : était gardienne SS des camps de concentration et exécutée par pendaison le 24 janvier 1948 à Cracovie en Pologne.Grese Jeannette Irma : était gardienne auxiliaire dans les camps de concentration nazi de Ravens-burck, Auschwitz et de Bergen-Belsen. Surnommée « la hyène de Belsen » à cause de son comportement particulièrement pervers à l’égard des prisonniers elle reste l’une des criminelles nazies les plus connues et fût pendue le 3 décembre 1945 à la
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prison de Hameln.P242 : « … J’ai lu et relu les livres de ces revenants devenus illustre, Charlotte Delbo, Elie Wiesal, Jorge Semprun, Primo Lévi, je n’ai pas trouvé un mot de haine… »
Delbo Charlotte : est une femme de lettres française et une résistance qui a vécu la déportation. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 parmi 230 femmes et libérée par la Croix Rouge le 23 avril 1945.Wiesel Elie : est un écrivain et un philosophe américain issu d’une famille juive hongroise. Il consacre une partie de son œuvre à l’étude de la Shoah dont il est rescapé.Semprun Jorge : est un écrivain, scénariste et homme politique espagnol dont l’essentiel de l’œuvre littéraire est rédigée en français. En septembre 1943, il est arrêté par la Gestapo et déporté au camp de concentration de Buchenwald. Le camp est libéré le 11 avril 1945 par les troupes américaines du général Patton.
P258 : « … certains sont connus et leurs noms hautement respectés : Oskar Schindler, Albert Battel et d’autres… »
Schindler Oskar : est un industriel allemand qui a sauvé durant la Shoah plus de 1100 personnes en les faisant travailler dans ses fabriques d’émail et des minutions situées respectivement en Pologne et en République Tchèque.Battel Albert : est un avocat allemand et lieutenant de la Wehrmacht, reconnu pour sa
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résistance à la liquidation du ghetto juif de Przemyl en 1942.
Annexe 3 : Glossaire des mots allemands
Blockhaus (p.30) : casemate, fortin, bunker, forteresse.
Hitlerjugends (p.46, 65) : les jeunesses hitlériennes.
Wehrmacht (p.46, 66) : force de défense.
Waffen SS (p.46) : armée de l’escadron de protection.
Totenkopf (p.46, 97) : représente une tête de mort vue de trois quarts la face traversée par deux tibias (l’insigne allemande).
Obersturmbannführer (p.49) : c’est un grade paramilitaire du parti nazi, utilisé par la SA et la SS.
Sonderkommandos (p.51, 115) : initialement les commandos du crématoire, étaient des unités de travail dans les camps d’extermination, composés de prisonniers, juifs dans leur très grande majorité, forcés de participer au processus de la solution finale.
Vernichtung lebensunwerten lebens (p.51, 118) : la destruction de la vie qui ne vaut pas d’être vécu. / Le droit de détruire la vie dénuée de valeur.
Befehl ist befehl (p.51) : un ordre est un ordre.
Schleus (p.59) : boches.
Franzose (p.59) : français.
« Gut appetite ! – Danke » (p. 62) : Bon appétit ! – Merci.
Flnjugends (p.65) : la jeunesse FLN.
Mein Ehre heißen Treue (p.67, 110) : mon honneur se nomme fidélité.
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Führer (p.81) : dirigent.
Mein Kampf (p.95, 103) : mon combat.
Bonzen (p.99, 116, 117) : Bonze : les prêtres bouddhistes.
Arbeit (p.102) : travail, emploi.
Schnell (p.102) : rapide.
Gut (p.102) : bon.
Juden Kaput (p.102) : juif cassé, crevé, affaibli, désuni, brisé, ruiné, à bout.
Danke (p.102) : merci.
Einsatzgruppen (p.115) : groupes d’interventions, étaient des unités de police politique militarisés du Troisième Reich.
Half-Deutsche (p.116) : à moitié allemand.
Lager (p.116) : camp, entrepôt, stock.
Ausweis (p.139) : document d’identité.
Zig Heil (p.142) : Salut à la victoire.
Minderwertige leute (p.149) : des personnes de moindres qualités.
Humansten lösung (p.149) : la solution humaine.
Ein der humansten tötungsarten (p.149) : la façon la plus humaine de tuer.
Warmstoff (p.149) : tissu chaud.
Judenhaus (p.162) : maison de juifs.
Blitzkrieg (p.163) : la guerre éclaire.
Mein Got, vas ist das (p.164) : mon Dieu, qu’est-ce là ?
Judenrampe (p.236) : la rampe juive.121
Arbeit Macht Frei (p.236) : le travail end libre.
Ausrüstungswerke (p.236) : travaux d’armement manuels.
Häftlingskrankenbau (p.236) : les détenus blessés.
Abgewandert (p.246) : des étrangers.
Untermensch (p.255) : un sous-homme.
Annexe 4 : Diagramme temporel :
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Résumé :
Notre étude porte sur le réalisme omniprésent dans le roman de Sansal. B. intitulé « Le
village de l’allemand, ou, le journal des frères Schiller ». Nous avons tenté de prélever les
éléments porteurs de ce réalisme que l’auteur insère à travers plusieurs niveaux de son
écriture pour comprendre ses visées. En effet, en plus des éléments HISTORIQUE en relation
avec la Seconde Guerre Mondiale, l’auteur choisit une structure protéiforme et chaotique, des
personnages très proches du réel et une mise en texte à la fois éclatée et organique. Le roman
parle d’un état des lieux contemporain en analogie avec le génocide de la Shoah, et pour ce
faire l’écrivain a choisi la forme diariste pour donner la parole à ses deux personnages
narrateurs qui vont exorciser le passé obscur de leur père pour trouver leur propre salut…etc.
Mots clés :
Structure protéiforme, journal intime, HISTOIRE, deux voix narratrices, double temporalité :
le rythme du journal intime, la temporalité romanesque, double spatialité : spatialité
romanesque, sptialité mémorielle. Les liens transtextuels.
تتناول دراستنا موضوع الواقعية التي يتميز بها كتاب المؤلف الجزائري بوعالم صنصال و المعنون " قرية األلماني،أو،جريدة اإلخوة شيالر". حاولنا تحديد و اقتطاف العناصر المرجعية التي تعبر عن هذه الواقعية و المتواجدة في نص الكتاب حتى نتمكن من فهم نوايا المؤلف من خاللها. وبالفعل يدرج الكاتب من وراء الحكاية ىاحذات تاريخية متعددة،منها التي ترجع بالقارئ الى الحرب العلميةالثانية ومنها متعلقة بالحاضر في الجزائر و الكل في تداخل يشخصه أبطال الحكاية وهم األب وأبنائه. بفضل بنية سردية متغيرة باستمرار يجول بنا الكاتب في أماكن مختلفة، المانيا النازية،الجزائر في عشريتها السود و فرنسا المهملة لرعايتها دوي األصل ألمغاربي.القاسم المشترك بين أبطال القصة هو البحث
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عن نجاة الضمير بفضل فهم تاريخ األب و استنكاره لما يحمل من "قيم" ضد .اإلنسانية
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