002_le dilemme de l'organisation

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Le dilemme de l'organisation. La spcialisation coordonne.

Si aprs un sicle qui a vu l'mergence des entreprises conglomrales, des organisations internationales ou des vastes bureaucraties d'tat, l'hritage des pres fondateurs taylor, Fayol et Weber est encore perceptible dans l'analyse organisationnelle, d'autres travaux ont bien entendu t dvelopps, qui permettent d'apprhender plus prcisment ce qu'est une organisation et quels sont ses composantes lmentaires. Il ressort de cette description qu'une organisation est avant toute chose un dilemme entre la spcialisation et la coordination. Chacun de ses membres est charg d'une tche spcifique, qui doit pourtant s'insrer harmonieusement dans l'obtention des objectifs communs.

1. Qu'est-ce qu'une organisation?

Comment dfinir une organisation? La dfinition la plus commode - inspire de celle qu'en donne Henry Mintzberg - est probablement la suivante. Une organisation est un ensemble relativement stable d'acteurs, tourns vers des objectifs gnraux communs, et qui en vue de leur ralisation, recourent une division du travail (une spcialisation des taches) et des modalits de coordination et de contrle >>.C'est vrai par exemple d'un petit groupe d'tudiants qui doit raliser un mmoire collectif sur l'conomie mondiale. Ils se rpartiront les tches (division du travail), par thmes, par rgions gographiques ou encore par tape de ralisation (aux uns la collecte des donnes, aux autres la rdaction, etc.) et en vue d'un rsultat cohrent, dfiniront des modalits de coordination (runions priodiques, utilisation du mme logiciel de traitement de texte et des mmes standards de mise en forme, lection d'un coordinateur, etc.).C'est vrai galement d'une trs grande organisation comme un ministre, qui sera organis en grandes directions rgionales et en directions fonctionnelles (par exemple, pour le ministre de l'ducation, une direction des lyces et collges, une direction de l'enseignement suprieur, une direction des personnels, etc.). La coordination entre ces diffrents services spcialiss sera assure au moyen de relations hirarchiques, avec, par exemple, au sein de chaque direction, des sous-directions, des chefs de services, des chefs de bureaux, et coiffant les diffrentes directions, un directeur gnral ou le ministre lui-mme. Cette coordination sera galement largement le fait de procdures, de rgles administratives communes permettant de traiter la plupart des problmes sans avoir recourir aux suprieurs hirarchiques.Les organisations n'ont pas attendu qu'on les thorise pour exister, et inventer les modalits labores de division du travail et de coordination.L'glise catholique a constitu en ce sens un exemple assez remarquable d'organisation, capable, l'chelle historique, de contrler, sur le plan religieux et idologique un espace gopolitique immense. la fin du Moyen ge, qui constitue probablement l'apoge temporelle de l'glise catholique en Europe, la vitesse maximale de circulation des hommes et de l'information tait de l'ordre de 40 200 km par jour. Il fallait deux trois semaines pour aller de Paris Lyon. L'espace-temps tait donc incommensurablement plus distendu qu'aujourd'hui. Or l'glise contrlait l'ensemble de l'espace gopolitique europen de l'Irlande la Sicile. Elle devait pour partie cette efficacit politico-religieuse, une organisation trs labore. C'tait tout d'abord une division du travail par zones gographiques (paroisses, diocses, provinces, etc.). hrite de la carte administrative de l'empire romain, mais aussi par fonctions avec, Rome, une technostructure puissante, la congrgation de la foi, qui arbitrait les problmes de doctrine et les diffrents services de la secrtairerie d'tat, quoi s'ajoutait une structure en rseau, avec les ordres religieux, dpendant directement du pape et dont le dynamisme et l'autonomie supplrent parfois aux insuffisances du maillage gographique des paroisses (notamment avec le dveloppement de grandes cits urbaines au XIIIe sicle) et permirent un renouvellement des ides. L'glise recourut galement parfois des structures par projets, ainsi pour les croisades ou encore l'Inquisition, la perscution de ceux qu'elle jugeait hrtiques. Il s'agissait de missions temporaires dpendant d'un lgat pontifical et indpendantes de la hirarchie oprationnelle des vques.Le succs historique de l'glise catholique s'explique aussi par le recours des modalits diverses de coordination et de contrle. La hirarchie, avec une ligne hirarchique oprationnelle parfaitement dfinie (prtre, archiprtre, vque, archevque, etc.) ; les procdures et les rgles, avec le droit canon qui rglait le fonctionnement de l'glise; la standardisation des croyances et des pratiques religieuses avec une dfinition toujours plus prcise des articles de foi et des rites, la mise en concurrence de structures diffrentes (le clerg sculier et les ordres religieux), etc.Une organisation, qu'il s'agisse d'une PME, d'un parti politique, d'une glise, d'un tat ou encore d'une association, repose donc sur une division du travail et des modalits de coordination. Mais l'entit ainsi caractrise n'a de sens et de chance de survie que si, grce cette division du travail et ces modalits de coordination, elle parvient gnrer une valeur ajoute, produire une valeur suprieure la somme des valeurs cres sparment par les diffrents membres de l'organisation s'ils agissaient individuellement, qu'il s'agisse d'une production matrielle, intellectuelle ou d'une autre nature. Ainsi, l'existence d'une universit, c'est--dire l'organisation d'un ensemble d'acteurs et de moyens - enseignants, administratifs, locaux, etc. - en vue de la formation d'tudiants se justifie, dans lamesure o elle permet une production plus efficace et plus efficiente que ne le permettrait un simple march non organis de formation, o se rencontreraient une offre de formation atomise de cours particuliers, et une demande atomise d'lves. Visibilit et crdibilit des formations proposes identifies par des diplmes, capitalisation des savoirs acadmiques et des recherches des enseignants; conomie des moyens grce la mise en commun des ressources matrielles (locaux, secrtariats, bibliothque, etc.) et administratives (organisation des examens, services des stages, etc.).Il reste qu'une organisation peut subsister en quelque sorte artificiellement mme si elle ne produit aucune valeur ajoute au moins si l'on considre ses objectifs explicites.

2. Division du travail et coordination.

Si une organisation se caractrise essentiellement par une division du travail et un systme de coordination, alors ces deux concepts mritent quelque approfondissement.De la division du travail, Fayol, Taylor comme Max Weber, ont montr l'utilit. Spcialisation des acteurs, ds lors de plus en plus performants; capitalisation de l'exprience par des services spcialiss dans leur domaine de comptences, etc.Quant la coordination, elle constitue l'indispensable corollaire de la division du travail, permettant l'organisation de conserver un fonctionnement cohrent, malgr sa diffrenciation en des services aux logiques ncessairement spcialises et divergentes.

Quels sont les diffrents critres possibles de division du travail? Quelles sont les diffrentes modalits possibles de coordination?Dans les faits, les organisations se font et voluent au gr d'ajustement successifs, souvent pas parfaitement conscients, en fonction des ncessits du moment. On dcide de crer tel services, spcialis dans la vente de tel produit, parce que l'exprience a montr qu'il appelait des techniques de vente spcifiques, ou pour rcompenser le vendeur qui s'en occupait efficacement ou pour toute autre raison. Si l'on s'amuse parfois des refontes compltes d'organigramme, en gnral les organisations voluent par glissement progressifs.Il n'est pas inutile nanmoins, de faire comme si on fabriquait une organisation la faon dont on assemble une maison de Lgos. Notre joueur va donc regrouper les Lgos, pour constituer autant d'units spcialises. Quels seront les critres possibles de division de travail? Et le joueur va ensuite relier les petits groupes de Lgos. Quelles modalits de coordination sont sa disposition?

2.1. Les diffrents critres de division du travail.

Le premier stade naturel , en quelque sorte, d'une organisation est celui d'une faible division du travail. Simplement embryonnaire. Dans bien des PME, tout le monde fait un peu tout; l'ingnieur fera tantt du travail de conception et d'tudes, tantt de la production, voire, l'occasion, ira vanter les mrites du produit auprs d'un client; le commercial fera, l'occasion, de la comptabilit, ira dmarcher la banque, ou donnera un coup de main sur le plan technique, etc.Bientt, cependant, au fur et mesure que l'activit se dveloppera, les uns et les autres se spcialiseront et constitueront bientt des services stables, spcialiss par fonctions. Service commercial, service d'tudes, service de mthodes, services administratif et financier, etc.Mais bien d'autres critres de division du travail, de regroupement des acteurs en services spcialiss existent. Imaginons que notre entreprise dcide de se diversifier avec un nouveau produit trs diffrent de ses fonctions actuelles. Peut-tre faudra-t-il crer une structure spcifique pour ce produit nouveau. On aura alors affaire une structure par produits, comme le groupe Danone (qui a cr en son sein, une branche produits frais, une branche biscuits, branche boissons, etc.).

Imaginons maintenant une entreprise prsente sur plusieurs marchs internationaux. On pensera alors peut-tre une structure par zone gographique.Si l'entreprise doit traiter avec des clientles radicalement diffrentes, par exemple une banque qui traite aussi bien avec des particuliers qu'avec des entreprises, on ira sans doute vers une structure par clientle. Bien d'autres critres sont imaginables.

Premier exemple. Le critaire par spcialits professionnelles. On l'utilise lorsqu'il s'agit d'une organisation haut degr d'expertise, telle une universit, structure en dpartements de Philosophie, Lettres, Histoire, Mathmatiques, etc.

Deuxime exemple. Le critaire par projets. On l'utilise lorsque l'activit de l'organisation est centre sur la ralisation de missions temporaires, comme dans le BTP.

Troisime exemple. Le critaire par tapes. On l'utilise dans le processus de production, par exemple pour une entreprise qui contrle l'ensemble d'une filire, des approvisionnements de matire premire au service aprs-vente, etc.

Mais il faut laisser au lecteur quelque matire sa propre imagination cratrice, et nul doute qu'il trouve son tour d'autres critres de division du travail.Cependant, quel que soit le critre envisageable pour regrouper des acteurs en un service spcialis, sa pertinence reposera sur l'avantage en termes d'efficacit - de qualit de la production - et d'efficience - d'conomie des ressources - que ce regroupement permet. Par exemple: si l'entreprise a plusieurs activits nettement diffrencies, il vaut mieux, en termes d'efficacit et d'efficience, que chacun aie ses propres spcialistes techniques et commerciaux plutt que de vouloir traiter des problmes trop diffrents avec des services techniques et commerciaux communs; une structure par activit sera donc a priori prfrable une structure par fonctions.

2.2. La ncessit d'une coordination.

Une fois choisis les critres de la division du travail les plus pertinents, une fois regroupes les pices de Lgo en des sous-ensembles, notre dmiurge mythique devra les relier entre eux pour construire cette organisation cohrente dont il rve. quelles modalits de coordination peut-il recourir?L'enjeu est important, de sorte que les diffrentes units, les diffrents services, oeuvrent dans le mme sens, ou, tout le moins, dans des directions qui ne soient pas contradictoires. C'est dj vrai d'une organisation mcanique, d'une machine, par exemple d'un moteur d'automobile, dont les diffrents organes de fonctionnement (l'alimentation en carburant, l'allumage des bougies, etc.) doivent tre coordonns (par exemple par une rgulation lectronique). Ce le est encore davantage d'une organisation humaine, dont les acteurs sont capables d'initiatives, parfois divergentes.En fait, la ncessit de la coordination relve de trois dimensions distinctes. Il y a tout d'abord une dimension quasiment mcanique. Que les diffrents postes d'une chane de production travaillent des cadences compatibles, de sorte viter les ruptures de stocks ou, l'inverse, l'accumulation de stocks intermdiaires ; que les agences commerciales d'une mme socit n'aient pas de recoupements inutiles dans leurs zones de chalandises; que, dans une universit, l'utilisation des salles informatiques ou de laboratoires de langues soit bien planifie entre les diffrents dpartements d'enseignement, etc. cette ncessit en quelque sorte mcanique, s'ajoute une ncessit de cohrence de l'action. Ds lors qu'il y a division du travail et, partout, subdivision de l'organisation en des services relativement indpendants, le risque est considrable que chacun, suivant sa propre logique, partir de sa perception forcment fragmentaire de la ralit, perde de vue les objectifs de l'organisation et les orientations gnrales qui ont t dfinies. La coordination vise en quelque sorte viter une excessive diffrenciation de l'organisation.On peut enfin voquer une troisime dimension, qui est simplement celle du contrle des ralisations ffectives des acteurs et ce, tous les niveaux.Une organisation, ds lorsqu'elle se dveloppe par subdivision du travail, appelle ncessairement la mise en place de modalits de coordination et de contrle.

2.3. les principaux modes de coordination.

On peut voquer les principaux modes de coordination ou contrle. L encore, on n'a pas attendu la thorie pour y recourir.La premire de ces modalits, la plus spontane sans doute, est l'ajustement mutuel, la coordination informelle, qu'il s'agisse des joueurs d'une quipe de football sur le terrain qui, au-del des injonctions de leur capitaine, ajustent leur jeu les uns aux autres, de collgues de bureau qui, l'occasion d'une pause-caf, voquent un problme en suspens, de rencontres dans le couloir, etc. L'ajustement mutuel constitue un trs puissant moyen de coordination qu'une structuration parfois trop formelle ou clate des conditions de travail (gographie des bureaux, emplois du temps trop serrs, absence de lieux et de moments de convivialit, etc.) peut conduire ngliger.La hirarchie, la supervision directe par un responsable, est une autre modalit de coordination trs employe. Elle constitue souvent le fondement de bien des organisations, comme l'arme et Henri Fayol en faisait, avec la division du travail, le principe de base d'une bonne admimistration. Qu'il s'agisse du contrematre dans un atelier, d'un directeur d'usine ou d'un prfet, la justification fonctionnelle est la mme. Il faut coordonner et contrler les acteurs par une supervision directe.Une troisime faon de coordonner et de contrler les diffrents acteurs d'une organisation, est la standardisation des tches, des rgles, des procdures, des mthodes de rfrence, que tout le monde devra appliquer quelle que soit l'usine, quel que soit le service. On est ainsi, assur que l'activit de l'organisation aura une forte homognit. Comme le soulignait Taylor, s'il existe une forte standardisation des tches, le rle de la hirarchie s'en trouve simplifi. Si, dans un atelier, on a indiqu chaque ouvrier un poste de travail bien dfini, avec des gestes bien prcis effectuer et un nombre donn de pices fabriquer par heure, le contrematre peut, la limite, se contenter de vrifier si les cadences sont respectes, sans avoir contrler constamment le droulement de la production, sans avoir non plus rentrer dans une ngociation implicite avec les ouvriers sur les cadences possibles. Celles-ci ont t tablies a priori aprs de longues tudes par le service des mthodes.Toutefois, l'tablissement de mthodes et de procdures standardises ne convient pas toujours, notamment grer des activits trs diffrentes et ncessitant une grande autonomie oprationnelle. Dans ce cas, il est prfrable de fixer aux responsables de chaque activit, des objectifs prcis, tout en leur laissant toute libert oprationnelle. Le contrle par les objectifs, ou standardisation des rsultats, constitue donc une autre stratgie de coordination. C'est par exemple fixer un responsable d'activit, des objectifs annuels de chiffre d'affaire, de taux de marge, ou de rsultat net, le tout sous contrainte de ressources standards, d'un budget prcis. Libre lui de faire comme il veut, du moment qu'il parvienne raliser les objectifs.Mais il est encore des activits pour lesquelles ni la hirarchie, ni les procdures standard, ni le contrle par les objectifs ne sont des modalits de coordination vraiment adaptes. C'est ainsi le cas d'activits d'expertise comme la mdecine, la recherche, l'enseignement. On ne va pas soumettre un mdecin dans l'exercice de son mtier une supervision tatillonne, ni des procdures trop contraignantes ou encore des objectifs standards de pourcentage de gurisons, etc. On ne peut pas non plus se contenter en la matire d'improvisation ou d'ajustements informels. La meilleure stratgie de coordination et de contrle consiste alors, principalement s'assurer que les oprationnels ont un niveau, et un type de qualification garantissant la matrise des comptences requises. La meilleure modalit de contrle et de coordination pour que, dans un hpital, les patients soient bien soigns et de faon peu prs homogne, c'est encore de s'assurer qu'ils ont un doctorat de mdecine ou satisfait aux exigences d'un concours rigoureux. La garantie mme octroye par ces standards de qualification, permet de laisser aux oprationnels, l'autonomie dont ils ont besoin.Une autre faon de coordonner des services et des activits, c'est de les mettre en concurrence entre eux ou avec le march. Par exemple, de mettre deux agences d'une mme banque en rivalit sur une zone donne, de sorte qu'elles se rpartissent par concurrence la clientle en fonction de leurs points forts spcifiques, l'une par exemple la clientle des entreprises, l'autre plutt celle des particuliers. Ce peut aussi mettre un service de l'entreprise en concurrence avec un fournisseur extrieure, voire sous-traiter tout ou partie de la production. Cette mise en concurrence - cet ajustement concurrentiel, oblige les acteurs de l'organisation, faire au moins aussi bien que le march.Mais l'un des instruments de coordination les plus efficaces, est probablement l'adhsion des acteurs aux mmes valeurs et reprsentations, la standardisation des valeurs. Si les gens partagent des valeurs communes, ils se comportent a priori de faon analogue et prvisible sans qu'il soit ncessaire d'un contrle hirarchique troit, ou d'tablir des rgles trop formalises.Il est bien sr autant de formes d'organisations qu'il existe d'organisations. Pour autant, toute organisation, au fur et mesure de son histoire, est amene, de faon plus ou moins dlibre, en fonction des diffrents facteurs de contingence qui influent sur son volution, privilgier tel ou tel mcanisme de coordination, tel ou tel critre de spcialisation. Une entreprise centre sur une activit de R&D sera ainsi amene privilgier des modles trs souples de coordination, et une spcialisation par projets, cependant qu'une entreprise de production de masse, sera encline mettre en place des procdures de standardisation de la fabrication et de la gestion, et s'organiser en services spcialiss par fonctions (service charg des mthodes, service charg des tudes, service charg de la gestion administrative, etc.).