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E TAT DES LUTTES CONTRE LES CONDITIONS DE TRAVAIL INACCEPTABLES DES SALARIÉS AGRICOLES Vendredi 19 mai 2006 au lycée agricole Nîmes-Rodilhan (Gard) Des luttes contre la servitude Résistances en Europe à la servitude en agriculture

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ETAT DES LUTTES CONTRE LES CONDITIONS DETRAVAIL INACCEPTABLES DES SAL ARIÉS AGRICOLES

Vendredi 19 mai 2006au lycée agricole Nîmes-Rodilhan (Gard)

Des luttes contre la servitude

Résistances en Europeà la servitude en agriculture

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ADRES S E SSOC-SAT (Sindicato de Obreros delCampo – Sindicato Andaluz deTrabajadores) Almeriamembre de la Via Campesina1, bajo, 04006, Almería, AndalucíaCourriel : [email protected]

Forum Civique EuropéenLe Pigeonnier, F-04300 Forcalquier, Courriel : [email protected]

Collectif de défense des travailleurs saisonniers (Codetras)BP 87 - 13303 Marseille cedex 3 Courriel [email protected]

Confédération Paysanne membre de la Via Campesina104 rue Robespierre – 93170 BagnoletCourriel :[email protected]

Coordination paysanne européenne18 rue de la Sablonière – 1000 BruxellesBelgiquewww.cpefarmers.org

Plateforme pour une agriculturesocialement durable14, Mauverney, 1196 Gland, SuisseCourriel : [email protected] www.agrisodu.ch

L’autre syndicat14, rue MauverneyCH-1196 Gland, SuisseCourriel : [email protected]

Via Campesinawww.viacampesina.org

Ce document a été rédigé à partir des interventions duSOC, de la Confédération Paysanne, du Codetras, duForum Civique Européen et de L’autre syndicat, et deFréderic Decosse, Patrick Herman, Gérard Filoche,Alain Morice.

nn Gérard Filoche est inspecteur du travail depuis1982. Il est rédacteur en chef de la revue Démocratie& Socialisme depuis 1992. Auteur de différentsouvrages dont «Carnets d’un inspecteur du travail»,Edition Ramsay, 2004 ; «On achève bien… les inspec-teurs du travail», Jean-Claude Gawsewitch Editeur,2004 ; «Le travail jetable», Ramsay, 1997.

nn Alain Morice est anthropologue, chargé derecherche au CNRS. Il est responsable de la spécialitéprofessionnelle « Migrations et relations interethniques»du Master Sociologie et anthropologie : Politique, cul-ture et migrations Il est membre de l’associationMigreurop : http://www.migreurop.orgIl est l’auteur de nombreux ouvrages dont «Comme desesclaves, ou les avatars de l’esclavage métaphorique»,Cahiers d'études africaines, n° 179-180, p. 1015-1036Les lois de l'inhospitalité : Les politiques de l'immigrationà l'épreuve des sans-papiers (dirigé avec Didier Fassin etCatherine Quiminal) La Découverte, Cahiers Libres,Paris, 1997.

nn Patrick Herman est paysan journaliste. A écrit dif-férents articles sur les saisonniers en agriculture in LeMonde diplomatique, Alternatives Internationales,Témoignage chrétien. A paraître en janvier 2007 : «LaRoue: D'une rive à l'autre, la noria des saisonniers agri-coles», 90 photos de Yohanne Lamoulere, textes dePatrick Herman.

nn Frédéric Decosse est doctorant en sociologie sousla direction d’Annie Thébaud-Mony à l'EHESS sur«Santé des travailleurs marocains en agriculture intensive: une approche comparative France-Espagne-Maroc».

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Le SOC (syndicat des ouvriers agricoles en Andalousie) défend depuis30 ans les droits des journaliers. Traditionnellement il était implantédans le centre de l'Andalousie, région de grandes propriétés foncièresde fruits et d'olives qui employaient de nombreux journaliers andalous,environ 500 000 dont une majorité devait émigrer la plus grande partiede l’année à la recherche de travail ailleurs. Depuis les agressionsracistes à El Ejido – province d'Almeria au sud est de l’Espagne – en2000, le SOC s’est implanté dans cette région qui recouvre plus de 35 000 ha (en progression chaque année) de serres réparties entre15000 petites exploitations familiales. La production annuelle estestimée à 4 millions de tonnes de fruits et légumes et plus de 1.5millions de tonnes par an de déchets. Les quantités de pesticides sontconsidérables puisque les concentrations peuvent être jusqu’à 200 foissupérieures à celles autorisées dans l’agriculture classique, la nappephréatique qui constitue l’unique ressource en eau de la région estdésormais contaminée. Environ 90 000 immigrés venus du Maghreb,d’Afrique noire, d’Amérique latine et plus récemment d’Europe del’est (32 nationalités) – hommes et femmes - y travaillent, dont lamoitié en situation régulière. L’impossibilité de louer un logement àcause du racisme latent a engendré de véritable bidonvilles aux abordsdes serres sous des huttes de fortune, bricolées avec les déchets(plastiques, cordes, tôles, contre-plaqués, etc.) issus de l’agriculture.Une grande partie de l’économie de cette région repose sur ce modèlede production : l’agriculture intensive, industrielle. Il est donc trèsdélicat de le remettre en cause en dénonçant l’exploitation destravailleurs ou encore les problèmes environnementaux qu’il

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EN ESPAGNE, l’immigration est organisée par l’Etat et cogérée par lessyndicats agricoles majoritaires avec les contrats d’origine. En 2003,7000 femmes sont venues travailler dans la région de Huelva, 22 000en 2005 et 32 000 en 2006 venant de Pologne et de Roumanie maiségalement – phénomène récent - du Maroc (8000 en 2005). Cesfemmes ne travaillent pas à temps plein. Chaque année le nombre defemmes venant travailler augmente pour maintenir une sur-offre dela main d’œuvre Employeurs et entreprises commercialisant lesfraises organisent sur place des bureaux de recrutement pour lamain d’œuvre dont ils ont besoin.

YACOMBA est ivoirien, émigréd’abord au Mali suite aux évè-nements xénophobes récentsdans le pays d’Houphouët, ildécide de partir vers l’Europe,laissant parents, femme etenfants sur place. Il part avecune douzaine de compagnonsvers la Mauritanie, puis pour1400 euros traverse dans unebarque de fortune, pendant 4jours, l’océan pour atteindrel’Espagne où il découvrira unnouvel enfer.

KATARINA fait partie des 90 000 tra-vailleurs saisonniers qui travaillent dansles serres de la région d’Almeria(Andalousie). Elle est ingénieur carto-graphe en Ukraine. Elle a quitté sa famil-le il y a 3 ans lorsqu’elle a appris qu’ausud de l’Europe, on embauchait femmeset hommes n’ayant pas peur de travailler,avec une rétribution qui paraît d’or encomparaison de sa situation à ce momenten Ukraine. Mais en arrivant, c’est lechoc, sous les tunnels de plastique destempératures qu’elle n’a jamais connueset un air irrespirable. Sur les 700 eurosqu’elle gagne chaque mois, elle en dépen-se 200 pour se nourrir et autant de loyerpour une maison qu’elle partage avecd’autres femmes, ne pouvant supporterles conditions insalubres de leurs loge-ments près des serres. Elle cotise égale-ment 42 euros de sécurité sociale et elleenvoie le reste en Ukraine pour payer lecrédit de sa maison et aider ses enfantset son mari.

SOC (syndicat des ouvriersagricoles en Andalousie)

engendre. Le travail représente 60% descoûts dans les cultures de serres. Cemodèle ne tient donc que par unesurenchère de l’exploitation de la maind’œuvre qui se traduit par une division destravailleurs entre eux et leur remplacementcontinuel organisé par les employeurs. Unepolitique de sur-offre permanente de maind’œuvre maintient également cetteexploitation : certains travaillent 3 à 5 jourspar mois uniquement, et chaque matin seretrouvent sur le marché du travail enoffrant leur force de travail pour un coûttoujours plus bas pour l’employeur.Le SOC fait un travail d’information, dedéfense juridique tant au niveau du droit dutravail que du droit des étrangers. Il se batsouvent seul pour défendre ouvriers etouvrières agricoles dans leur grandemajorité étrangers. Le SOC a organisé lesplus précaires des européens dans lesannées 70-80, désormais il organise tout unsecteur de travailleurs maintenantmajoritaires dont les grands syndicats(CGT….) font peu de cas.

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Affaire : vente de contrat OMISix saisonniers sont bloqués au Maroc, pour la campagne 2005/2006

Contexte : augmentation significative des contrats OMI depuis que la Coordination rurale apris la Chambre d’agriculture en 2001, on constate 100 contrats en 2000 et 1400 contrats en2005, 30 employeurs de main d’œuvre étrangère en 2000 à 300 en 2005.

Leur contrat n’a pas été renouvelé. Ils travaillent souscontrat OMI depuis 2001 pour certains d’entre eux. Ilssont tous originaires du même village, cousins plus oumoins directs du chef d’équipe à qui ils ont acheté leurcontrat (entre 3 à 5000 euros). En France, ils ont étéremplacés par d’autres saisonniers qui avaient euxaussi achetés leur contrat (5000 euros). En plus del’achat de contrat, ces ouvriers s’étaient vu retenir leremboursement de la taxe OMI sensée couvrir lesfrais de transport et de visite médicale au Maroc, soit85 heures de travail à 8.03 euros, au total 680 eurosalors que le montant fixé par décret n’excède pas 500euros pour la campagne 2005. A ces prélèvements,s’ajoutent la valeur de 120 heures de travail soit 960euros par personne pour le transport du lieu de travail

au lieu d’habitation ; 80 à 120 euros pour le logement (un lit dans une chambre de 4 sansdouche) et 10 à 15 euros pour l’eau et l’électricité. Avant de rentrer au Maroc, les salariésavaient dû s’acquitter également de 4 mois de loyer pour retrouver le logement la saisonsuivante. Ces salariés ont décidé de porter plainte auprès du Procureur. Au final, 8 personnesse sont portées partie civile - ils auraient pu être plus nombreux mais certains attendentencore de savoir si ils se verront renouveler ou non leur contrat l’année prochaine. C’est unelimite à souligner du recours à l’action judiciaire : les salariés n’entreprennent ces démarchesque s’ ils n’ont rien à perdre.

Dans les faits, le chef d’équipe a été mis en examen en décembre 2005, événement bienrelaté dans la presse. Une commission d’enquête a été ouverte, les ouvriers ont été entendus,certains ont parlé, d’autres pas, les primo-contrats rentrés pour la saison 2005/2006notamment par l’intermédiaire du deuxième chef d’équipe qui lui également vendait descontrats ont fait bloc derrière les accusés d’où une ambiance délétère. Une commissionrogatoire internationale pour pouvoir enquêter au Maroc et entendre les plaignants a étédemandée par le juge d’instruction. Le patron n’a pas été inquiété, il était déjà connu del’ITEPSA (Inspection du travail et de la protection sociale en agriculture ), il avait été pris enflagrant délit en 2004 pour avoir logé ses ouvriers dans un logement insalubre sur la propriété.Il aurait d’ailleurs dû se voir interdire l’autorisation de contrats cette année mais la Directiondépartementale du Travail est passée outre l’avis de l’ITEPSA…

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Pratiques abusives pour pénurie de droitsLa main d’œuvre étrangère est également une source de profit pour d’autres personnes que pour l’exploitant. Achat de contrat, remboursement de la taxe OMI, insalubrité des logements, nonpaiement des heures supplémentaires, retenues sur salaire,… sont des pratiques très répandues. Mais les mécanismes de spoliation peuvent prendre des formes assez différentes avec plus oumoins d’autonomie du chef d’équipe y compris sur le plan financier, des logements en dehors de l’exploitation gérés par des marchands de sommeil ou en lien avec la prostitution…

Lot et Garonne Une exploitation arboricole de 250 hectares de kiwis, pommes et poires emploie 85 saisonniers sous contratOMI dans la région d’Agen.

A savo i r :• Les contratsOMI relèvent desdispositionsréglementairesd’un contrat àdurée déterminéeet de laconventioncollective : la primed’ancienneté estun dû.

• L’aidejuridictionnellepeut êtredemandée si laprocédureapparaît d’unintérêt probant.

• Il estimpossible depriver de droitssociaux au motifdu statutirrégulier deséjour. Lesarticles L. 161.3et L.161.8 duCode de laSécurité socialeprécisent qu’àpartir du momentoù le bénéficiairecesse d’être affilié,le bénéfice desprestations courtpendant un anpour lesindemnitésjournalières etpendant 4 anspour lesremboursementsde soins.

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de droitsontrat, remboursement de la taxe OMI, insalubrité des logements, non spoliation peuvent prendre des formes assez différentes avec plus oudes marchands de sommeil ou en lien avec la prostitution…

Bouches du Rhone

Baloua est né au Maroc en 1957 et travaille en Francedepuis 1982 chez un arboriculteur avec un contratOMI de 6 mois très souvent prolongé de deux moissupplémentaires. Sa famille vit au Maroc. Surl’exploitation, il fait la cueillette des pommes, puistravaille au conditionnement et pendant la saisonmorte, il «bricole» sur l’exploitation avec des salariéspermanents. Tous les autres saisonniers (36) font lacueillette jusque fin octobre et cherchent du travail surd’autres exploitations «au noir». Si le travail est déclaréc’est par l’intermédiaire du patron «primo-déclarant»,qui encaisse l’argent des autres employeurs et les paie.Ils travaillent dimanches et jours fériés et effectuententre 230 et 250 heures par mois pour un salaireinférieur au SMIC. En 2004, il a effectué 1 750 heuresde travail avec des pointes de 230 heures par mois,«payées 5 euros, les derniers mois». La liste est longuedes infractions à la législation du travail : durée au-delàde la légalité du travail quotidien ou hebdomadaire,heures supplémentaires payées au tarif ordinaire oupas payées, non-respect des temps de repos, salaire netenant pas compte de la qualification, normesd’hygiène et de protection dans le travail nonrespectées, paiement partiel du salaire à chaque fin demois et versement du solde à la fin du contrat (sans lesintérêts, bien sûr...).

En 2005, il découvre dans un journal que le domainesur lequel il travaille depuis 23 ans est mis en ventesans en avoir été informé par son employeur. Il a portéplainte contre cette exploitation : 23 années de travailet presque 2 années de souffrance, la préfecturerefusant de lui délivrer une carte de résidence.

Ce qui est dénoncé à travers le cas Baloua : il aété pendant 23 années surexploité et pénalementvictime d’abus sur personnes dépendantes, victime deservitude au sens moderne du terme. Pourquoi ?Parce qu’après avoir fait le calcul des heureseffectivement payées par le patron et celleseffectivement travaillées au cours de ces 23 années, la

différence s’élève à 4800 heures soit 3 années detravail non payées.Baloua réclame un titre de séjour de 10 ans car aucours de ces 23 années de travail il a fourni 15 annéesde travail au profit de l’économie du département. Ilest l’exemple type de ces gens dont tout le mondes’accorde à dire que sans eux il n’y aurait pasd’agriculture intensive dans les Bouches du Rhône.

Trois terrains de combat juridiques différents : autribunal des Prud’hommes pour l’application du droitdu travail, au tribunal administratif pour le titre deséjour, et au pénal pour dénoncer l’état de servitude.Baloua personnifie le système d’exploitation basésur le contrat saisonnier.

Affaire : heures supplémentaires non payées, pas dedroit à la retraite - Soutien du Codetras

Baloua travaille depuis 25 ans en France sous contrat OMI chez un arboriculteur (pommes).

Communiqué du Codetras

Baloua Aït Baloua gagne la première manche !

Lundi 18 septembre 2006, le juge des référés a rendu sa décision. Il ordonneau préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. Aït Baloua « une autorisa-tion provisoire de séjour l’autorisant à travailler ». Dans la bataille queBaloua a entreprise dès mars 2005, cette décision favorable, toute provisoirequ’elle soit, est extrêmement importante.En effet, le juge considère que Baloua était « en réalité un travailleur perma-nent car occupant un emploi permanent » et que son statut de saisonnierinvoqué par le préfet pour rejeter sa demande de titre de séjour permanentn’était qu’une « apparence juridique que son employeur et l’administrationavaient entendu donner à son embauche et à son séjour sur le territoire fran-çais ».C’est une reconnaissance officielle de la fiction de beaucoup d’emplois sai-sonniers en agriculture qui vient conforter les analyses des inspecteurs géné-raux de l’Agriculture et des Affaires sociales dans le rapport 2001-118 denovembre 2001 tenu secret et, naturellement, sans suite.Elle est une nouvelle perche tendue à l’administration pour cesser des pra-tiques favorisant la surexploitation des travailleurs étrangers et revenir à safonction première : faire respecter l’état de droit.Pour Baloua Aït Baloua, cette première victoire le confirme dans la justessede son combat. Désormais, il peut affronter les étapes suivantes à l’abri durisque d’être exilé de force d’un pays où il a fourni toute sa force de travaildepuis l’âge de 24 ans.

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NAISSANCE DU CODETRAS : Collectif de Défense des Travailleurs Saisonniers

En 2002, c’est la rencontre de personnes, syndicalistes, associations de droits de l’homme, de solidarité, nord-sud…qui partageaient un profond sentiment d’indignation totale devant le fait qu’une activité économique – à savoirl’agriculture industrielle du département – ne se développait, et ne pouvait se développer, que sur le mépris insti-tué des gens qui y travaillaient et en particulier de ces ouvriers étrangers, et plus particulièrement sous contrat sai-sonnier. Le mépris comme attitude des employeurs mais aussi de toutes les institutions concernées et de toute lapopulation apparaît comme une nécessité organique. Ses actions : dénoncer et faire connaître publiquement les situations, contribuer à faire appliquer le droit et les droits dont les travailleurs saisonniers disposent.

Contexte : en 1998 : 3420 contrats ; 1999 : 3378 et2000 : 2858, 4491 en 2001, plus de 4000 en 2005,2400 en 2006. Cette baisse semble avoir étécomblée, d’après les responsables syndicaux CGT,par l’introduction de Marocains résidents espagnolset des Équatoriens via des entreprises de travailtemporaire.

Depuis 2 ans, les heures supplémentaires n’étaientpas payées, plus exactement celles de 2003 avaientété payées péniblement en 2004 mais au tarifnormal, et celles de 2004 n’étaient toujours paspayées en 2005. Les ouvriers travaillaient plus de300 heures par mois en moyenne, payées 150. Ont-

ils eu connaissance des difficultés de gestion de cetteexploitation et que des risques de licenciement, et a

fortiori les primes dues ne leur seraient jamaispayées, toujours est-il qu’un petit groupe demarocains a décidé d’arrêter le travail. Situationtypique où des gens se révoltent sans préparationpréalable et sans une grande pratique de luttesyndicale, la question d’un soutien syndical s’estposée. Le délégué de la CGT de Fos les a aidé àorganiser la grève et a commencé à parler au nomdes ouvriers qui, petit à petit, disparaissaient. Uneréunion en préfecture a été rapidement organisée etla négociation s’est conclue ainsi : engagementformel du patron de payer la prime, relogement desouvriers mal logés par l’état qui se substitue aupatron, priorité pour ces 240 ouvriers sur toutes les

nouvelles demandes d’employeurs OMI.

Dans les faits, la prime a été payée, les mallogés ont été relogés dans l’urgence, et lasaison terminée, les ouvriers sont rentréschez eux. Pendant ce temps, l’exploitation aété mise en liquidation judiciaire. En aoûtdernier, seul 3 des 240 ouvriers agricoles ontété repris.

Bagarre actuelle : obtenir l’autorisationprovisoire de séjour pour des ouvriers ayantfini leur contrat et ayant engagé uneprocédure contre leur patron car leurprésence est obligatoire devant lesPrud’hommes. Aujourd’hui la préfecture desBouches du Rhône s’avère être là complice endéfinitive du patron, en déstabilisant l’ouvrier,en faisant en sorte qu’il ne soit pas présent…elle porte une atteinte gravissime au droit dela défense, elle contrevient à l’article 6 de laConvention européenne des droits de

l’homme. C’est un combat qui n’est pas gagné, maisc’est un combat qu’il ne faut pas lâcher.

Bouches du Rhone Une exploitation de 1 000 ha de vergers (pêchers) située dans la plaine de La Crau, 4 sociétés appartenant àLaurent Comte : Sedac, Cossure-Fruits, Grand Brahis, Sep, 15 ans d’existence, 240 saisonniers sous contratsOMI, venant du Maroc et de Tunisie.

Affaire : grève de 240 saisonniers pour dénoncer leurs conditions de travail indignes

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SU I S S EEn Suisse, la législation concernant l’agriculture est moyenâgeuse : letravail agricole n’est pas soumis à la loi sur le travail, les conditions detravail sont réglementées d’une manière non contraignante canton parcanton. Il existe 26 législations différentes concernant les conditions detravail en agriculture. Et même si dans les cantons de Genève et de Vaudans les années 80 et 90 des améliorations ont été apportées, elles n’ontpas abouti à une réelle législation pour les travailleurs agricoles. Lesgrosses centrales syndicales en Suisse ont de la peine à percevoir lesrisques de maintenir l’agriculture hors cadre législatif.

Signataires du «Manifeste pour une agriculture

socialement durable»Organisations agricoles : Uniterre, BIO SUISSE, Bioforum-Möschberg, Schweizerische Vereinigung zum Schutz derkleinen und mittleren Bauern (VKMB), KAG-Freiland,Jardins de Cocagne Genève, aspaari, SchweizerBergheimat, Longo MaïAssociations de consommateurs : Fédération romandedes consommateurs (FRC), Associazione consumatricidella Svizzera italiana (ACSI), Syndicats : Unia, Syndicat interprofessionnel de tra-vailleuses et travailleurs Genève (SIT), l’autre syndicat LaCôteOrganisations de défense des immigré-e-s : Comité euro-péen pour la défense des réfugiés et immigrés (CEDRI),Forum Civique Européen (FCE) Partis politiques : Parti suisse du travail-POP, Parti écolo-giste suisse (les verts), Parti socialiste suisse PSS,Jeunesse socialiste suisse JSAssociation économie-écologie pour un développementdurable Genève AEE+DD, attac Valais et personnes indi-viduelles.

La plateforme pour une agriculture socialement durable est un regroupementd’organisations de producteurs, de syndicats agricoles, d’ouvriers, d’organisations de consommateurs, de défense del’environnement, défense des migrants…. née il y a deux ans. Elle a édité un manifeste pour dénoncer les conséquencessociales désastreuses de la course effrénée au plus bas prix des denrées alimentaires. Ce manifeste contient un certainnombre de revendications : amélioration des conditions de travail des ouvriers agricoles, véritable législation pour letravail agricole, convention collective ou contrat type harmonisé partout en Suisse, régularisation des ouvriers sanspapier, rémunération plus équitable des producteurs et des ouvriers agricoles, qualité des produits.

Les membres de cette plateforme tentent d’intervenir auprès des grands distributeurs car les prix à la productionbaissent alors que les prix à l’étal augmentent. Il est difficile au bout de deux ans d’en faire un bilan cependant, suite auxdifférentes campagnes menées dans le cadre de la sensibilisation sur les événements d’El Ejido ou contre les grandsdistributeurs, on constate que le débat sur le rôle de l’agriculture dans la société, les politiques agricoles, l’OMC… sontautant de thèmes sur lesquels les suisses débattent.L’autre point positif est l’attitude plus critique des consommateurs face à des importations hivernales de fruits etlégumes. Au niveau syndical, l’Union des paysans en Suisse est aujourd’hui, après avoir refusé pendant dix ans, en trainde discuter d’une convention collective. Bio Suisse, organisation principale des producteurs biologiques – a intégré dansson cahier des charges des normes sociales qui jusqu’à maintenant n’existaient pas. La situation n’est pas évidente, certeselle est moins visible que dans le sud de l’Espagne ou dans les Bouches du Rhône en France, mais devrait nous interpellersur la manière de mieux mettre ensemble nos forces afin d’obtenir des avancées.

Initiative citoyenne

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Le système actuel est une mise en concurrence des zones de production au niveau mondial accompagnée d’unemise en concurrence des mains d’œuvre les unes avec les autres. Rappelons que dans la région d’Almeria 32nationalités ont été recensées.

Tendance à la délocalisationAu niveau de la production des fruits et légumes -productions qui emploient beaucoup de maind’œuvre – on peut considérer d’une certainemanière qu’une nouvelle frontière se dessine :transfert de zones de production de l’Espagne etde la France vers le Maghreb et les pays de l'est.Même si au Maroc, ce n’est pas tout à fait nouveaude la part des espagnols puisque dans la région deLarache en particulier, déjà plusieurs centaines deproducteurs espagnols y font de la fraise, cettetendance s’est accentuée ces dernières annéesavec par exemple la délocalisation de productionde haricots verts. Il faut savoir que le Marocproduisait il y a deux ans, 80 000 tonnes par and’haricots verts, 2000 ha de poivrons, maiségalement du maïs doux… c’est une tendance defond qui apparaît désormais en Europe de l’est.

Nouvelle réglementation

La loi Sarkozy 2 est une extension de la possibilitéd’avoir des travailleurs saisonniers, sans distinctiondu secteur d’activité. La nouvelle disposition ditqu’il sera désormais possible de délivrer une cartevalable 3 ans avec la mention «ouvrier saisonnier»à des gens qui déclareront explicitement avoir leurrésidence à l’étranger et qui seront autoriséespour chacune des trois années à travailler 6 moisen France. Ce qui ressort des débatsparlementaires est la simplification de la procédurepour les patrons qui embauchent - qui n’aurontplus trois déclarations à faire mais une seule - et dela gestion administrative- plus qu’un visa à délivrer.Cette nouvelle réglementation va dans le sensd’une extension du statut de saisonnier à d’autresnationalités (que Maroc, Tunisie, Pologne), maispas à une disparition d’un sous statut de travailleur.

Dans un tel contexte, quelle place les contratsOMI vont occuper dans la stratégie d’emploi de lamain d’œuvre dans l’avenir ? Est-ce lagénéralisation de ce qui s’est produit à Huelva avecles contrats d’origine - une telle préfiguration est-elle perceptible en France avec le remplacementde l’Office des migrations Internationales (OMI)par l’ANAEM (Agence Nationale de l’Accueil des

Etrangers et des Migrations) ? Est-ce la prioritédonnée aux travailleurs des pays de l’est quipréfigure? En Dordogne par exemple pour la première foisen 2006, contre l’avis de l’ITEPSA et de l’ANPE,250 travailleurs polonais sont venus faire lacueillette de fraises.

Une politiqued’immigration choisie Même si les états européens cherchent à garderchacun leurs prérogatives en matière de politiquesmigratoires, on constate une tendance lourde quis’exprime aussi bien en France, qu’en Espagne ouen Italie, non pas à fermer les frontières commec’était le cas dans les années 90 mais à choisir lesmigrants et surtout essayer d’éviter au maximumqu’ils s’installent durablement. Les contrats OMIsont un véritable modèle appelé à fleurir dans tousles aspects de politiques migratoires et passeulement celles de saisonniers agricoles. A traversune régulation, la mise en place de quotas danscertains pays et surtout l’établissement d’un lien deplus en plus étroit et sévère entre le contrat deséjour et le contrat de travail.

Processus deprivatisation

des terres au MarocLe processus de privatisation des terres de laSODEA (Société de développement del’agriculture) et de la SOGETA (Société degestion des terres agricoles) a été lancé il y adeux ans. La SOGETA avait été créée dansles années 70 pour gérer les terres quiappartenaient auparavant aux colons, fran-çais en particulier. Il y a eu le lancement de laprivatisation de 50 000 ha avec des appelsd’offre qui ont surtout concerné les entre-preneurs espagnols et les entrepreneursfrançais, ces derniers sont d’ailleurs en têteen terme de soumission de projets (une qua-rantaine) sur des grosses exploitations.

Évolution prévisible des législations et de l’utilitarisme migratoire en agriculture

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Le racisme, élémentorganique de la politiquemigratoireIl a été montré, notamment dans les travaux deJean-Pierre Berlan sur le modèle californien, que leracisme est un élément fonctionnel, organique deces politiques de choix des personnes. Il estd’ailleurs très difficile pour les pouvoirs publics etles employeurs de s’en passer. Lors d’un entretienavec un exploitant dans les Bouches du Rhône quiembauchait des saisonniers, il disait «…moi cessaisonniers marocains, je les aime bien, ilstravaillent très bien et il n’y a pas de problème, ilssont très courageux mais sincèrement je suisraciste, je préfère qu’ils ne s’installent pas !». C’est-à-dire qu’il les aimait dans la mesure où ilsretournaient régulièrement dans leur pays.Simultanément, chez ces mêmes employeurs onrelève un dénigrement de la main d’œuvre localesouvent qualifiée de «bras cassés, de personnes qui

n’ont aucune ardeur au travail, qui viennent un jouret qui s’aperçoivent que c’est dur de lever les brasdans les pommiers et ne reviennent pas lelendemain…». Derrière ce dénigrement destravailleurs locaux - qui sont souvent des enfantsissus de l’immigration - on s’aperçoit quecontrairement à ce qui est dit, cette main d’œuvreest extrêmement prisée car elle permet d’amortirles excédents de production ou les périodes de«coup de feu». Le discours raciste cache en fait uneutilisation au rabais de cette main d’œuvrecomplémentaire.

Evolution de la stratégied’emploi de main d’œuvrepour l’employeurAvec la loi Sarkozy 2 et la disparition des contratsOMI stricto sensu, il est possible que l’on observeun désavantage pour certains employeurs et leurglissement vers d’autres stratégies. En l’oc-currence, les prestataires de service qui utilisent lamain d’œuvre détachée à partir de pays extérieurset qui peuvent parfois avoir des formes mafieusesd’exploitation. C’est toute une diversification quise présente : un excédent de main d’œuvre pourpouvoir faire pression sur le prix du travail, ou aucontraire l’allongement de la durée du travail, ouencore le recours à de la main d’œuvre venant despays de l’est pour faire de la substitution au cas oùles gens commenceraient à revendiquer leursdroits.

Trafics de main d’œuvre etde contrats OMI ?

En Haute Corse, 14 contrats OMI en 99 et 872 en2004. A cela, à titre dérogatoire était autorisée lasignature de contrats de 2 mois - alors que la règlepar circulaire depuis 1976 veut que les contratssoient de 4 à 6 mois avec prolongationexceptionnelle à 8 mois -, contrats représentantplus de la moitié des contrats signés. Les primocontrats en 2003 représentaient 81% du total descontrats signés.

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Introduction des contratsd’origine en 2001 en Espagne

Il y a eu un changement de stratégie de la partdes employeurs à Huelva pour remplacer la maind’œuvre africaine et nord africaine par desfemmes venues des pays de l’est après unemanifestation collective de saisonniers marocainsqui - au printemps 2001 - avaient occupé desbâtiments publics à Huelva pour réclamer dutravail. Le cycle de réunions qui a présidé à lanaissance des contrats d’origine a eu lieu àl’automne 2001. La même attitude peut êtresoulignée dans la région d’Almeria où lesémeutes d’El Ejido ont suivi un débutd’organisation des travailleurs marocains quiavaient manifesté pour un peu plus de dignité etpour du travail dans les années 98/99. Ons’aperçoit que les changements de stratégies desemployeurs sont souvent liés à l’apparition d’unpremier mouvement collectif de la part destravailleurs.

ns et de l’utilitarisme migratoire

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Quelle est cettedéréglementation

qui est en traind’affecter toutes

les relations du travail ?

Est-ce que lecontrat OMI va

être généralisé àd’autres secteurs

d’activité sousforme de contrat

de saison ou decontrat

de chantier ?

Quel est le rôledes entreprises

prestataires de services ?

Quelles sont lespossibilités pour

les inspecteurs dutravail de faire

respecter lalégislation parrapport à ces

entreprisesprestataires de services ?

Pour Gérard Filoche, inspecteur du travail…

La tendance est vers une dégradation générale des droits dessalariés, une évolution des contrats de travail vers davantage deprécarité : 950 000 CDD (contrat à durée déterminée),800 000 saisonniers, 3.6 millions de temps partiel (dont 85%de femmes et 80% de non qualifiés), des travailleurs pauvres…et plus de 4 millions de chômeurs. L’emploi saisonnier agricoleen France représente 800 000 personnes dans le secteur desfruits et légumes en 1998 (contre 140 000 permanents et90 000 à temps plein). Environ 100 000 saisonniers sontemployés sur une période de plus de 3 mois ; 200 000saisonniers entre 20 jours et 3 mois et 500 000 saisonniers demoins de 20 jours. 40 % des emplois sont féminins. L’Inspection du travail a peu de moyens pour faire appliquer laloi : 427 inspecteurs du travail et 813 contrôleurs du travailpour 400 lois, 8 000 décrets et plus de15 millions de salariés.Ils sont moins nombreux en 2006 qu’au début du XXe siècle.Ces 1300 agents de contrôle établissent entre 15 et 25 000procès verbaux mais les 3/4 sont classés sans suite. Quand ilssont jugés, cela débouche sur moins de 5000 condamnationspar an dont 90% à des amendes limitées en moyenne à 840 €,à moins de 500 peines de prison dont 480 avec sursis, et cellesqui sont «fermes», en moyenne de deux mois, le sont pour«récidive dans le trafic de main d’œuvre» ou «faute inexcusableavec mort d’homme» mais ne sont pas exécutées.C’est dans ce contexte que deux inspecteurs – un homme etune femme – en septembre 2004 à Saussignac en Dordogne sefont assassiner par un agriculteur qui refusait un contrôle surles saisonniers travaillant sur son exploitation. Ils auraient, lorsde ce contrôle, découvert des ouvriers agricoles marocains,mis à disposition par une société qui a d’ailleurs étécondamnée, fin septembre, à 1000 euros d’amende pour avoirconfondu le statut de prestataire de travaux agricoles avec celuid’agence de travail temporaire. Cette entreprise de prêt illicitede main d’œuvre avait déjà été l’objet de plusieurs procéduresen Dordogne pour des cotisations sociales non versées. EnPérigord, il y aurait plusieurs sociétés de marchands d’esclavesde ce type venues de Gironde. Aujourd’hui l’Inspection du travail est menacée alors qu’elledevrait être renforcée pour empêcher la généralisation de cesentreprises de main d’œuvre illicites. Augmenter lescontrôles au lieu de les remettre en cause est unequestion d’emploi, d’ordre social et de santé publique.

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Pour la Confédération Paysanne…

La position de la Confédération paysanne peut sembler paradoxale. Classifié dans la nomenclatureinstitutionnelle syndicat de patrons, de petits patrons employeurs de main d’œuvre parfoistemporairement, parfois à temps plein, ce syndicat de patrons se positionne au côté des travailleursde la terre en lutte contre leurs exploiteurs…. Rien d’étonnant à cela au vu des thèses défendues par la Conf. Mais par ailleurs, il est difficile detransformer cette position de soutien en participation active à la dénonciation et ensuite à la solidaritéconcrète dans les luttes que mènent parfois les travailleurs saisonniers trop souvent dans la solitudeet l’invisibilité.

Les idées sont simples et les faits têtus :•La politique agricole libérale engendre la disparition des petites fermes dans les pays riches et dans

les pays cibles des exportations des surplus agricoles. Elle est doublement criminelle : enassassinant les savoir faire locaux, elle empêche la production locale qui ne peut plus êtrerémunérée, et elle organise par là même la déportation de centaines de milliers de personnes,souvent issues du milieu rural, qui vont se trouver pour beaucoup en situation d’esclavage et deservitude dans les «eldorados» promis.

•Quand les prix de vente baissent, c’est souvent parce qu’a été organisé, planifié un certain volumede surproduction afin de peser sur le marché. C’est pareil sur le marché des fruits et légumes etsur le marché du travail (national ou international, dont les codes sont chaque jour un peu plusérodés). C’est une évidence que lorsque les prix sont bas, le travail ne peut plus être rémunéré.Celui du paysan, comme celui de l’ouvrier. La lutte pour le respect du droit du travail, au logement,des droits de l’homme pour les salariés (saisonniers ou non) dans les champs est donc le synonymecomplémentaire de la lutte du paysan pour un revenu ou des prix rémunérateurs.

Une des difficultés rencontrées lors des luttes est celle des intérêts immédiats des uns et des autres,et celle des moyens que chacun a à sa disposition pour poser ses revendications et les négocier (pasde syndicat de travailleurs agricoles au sens strict, corporatisme du syndicat agricole, lié à ses statuts,ses adhérents…). Il faut donc dépasser dans nos rencontres ces contradictions, qui sont réelles maissecondaires. Une fois mis en route le traitement des «urgences», en utilisant tous les outilsdisponibles, il faut donner du sens au concept de souveraineté alimentaire, et l’imposer dans le corpsdu discours et des pratiques des politiques. Travail de longue haleine, mais indispensable pour assureret garantir l’accès à la nourriture des peuples du monde.

Pour la Confédération Paysanne…

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et le soutien financier de :

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sous l'égide de la Fondation de France

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