a9r1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ulb inforsciences › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o...

9
Phéromones, un langage de connexion Francisco Ferrer – Catégorie paramédicale – Section Biologie médicale Les étudiants de Bloc 1 en Biologie médicale encadrés par les tuteurs : Dominique Brossard, Nathalie Defacqz, Anne-Sophie Delattre, Brigitte Dutrieue, Christophe Panier, Patrick Pouplard Envoyé ! Une phéromone est une substance ou un mélange de substance(s) organique(s) sécrétée(s) par un individu et induisant un changement psychologique et/ou comportemental chez un autre individu de la même espèce. Dans certaines situations, cette communication chimique pourrait s’établir entre individus d’espèces différentes, on parle alors d’exophéromones. 1. A quoi servent les phéromones ? Selon la situation, différents types de phéromones, ayant des effets divers, peuvent être produits au sein du règne animal, dont les principaux sont présentés ci-dessous. Les phéromones servent à attirer ou repousser des partenaires sexuels. Chez les girafes (Giraffa camelopardalis par exemple), le mâle en goûtant l’urine de la femelle, détecte les phéromones présentes qui lui indiquent son état hormonal et par conséquent, son éventuelle disponibilité à être fécondée. Les phéromones de piste sont utilisées pour indiquer une direction à suivre à d’autres individus. Les fourmis (Lasius niger notamment) les utilisent, afin d’indiquer à leurs congénères un itinéraire entre la fourmilière et une source de nourriture (Expérience sur stand : exploitation d’une piste par des fourmis). Les phéromones d’alarme préviennent les individus d’un éventuel danger. Ainsi, certains poissons (entre autres Ostariophysi acanthopterygii) émettent des signaux pour alerter leurs proches de la présence d’un prédateur. En effet, ces poissons possèdent des cellules épidermiques qui, une fois lysées lors d’une blessure, libèrent des phéromones qui incitent les autres individus à fuir. Il ne s’agit donc pas ici d’une émission volontaire mais bien liée à un évènement extérieur. Les phéromones de territoire sont destinées à marquer des zones afin d'indiquer aux autres individus s'ils y sont les bienvenus ou pas et quels y sont les champs d'activités pratiqués (chasse, nutrition, repos, …). C'est le cas pour le chat domestique (Felis silvestris catus) qui partage une partie de son territoire avec les autres chats du quartier ou pour les animaux vivant en meute comme le loup (Canis lupus). Les phéromones d'apaisement permettent à un animal de se sentir rassuré dans son environnement, surtout en cas de modification de celui-ci, en s’entourant d’odeurs familières. Le chat domestique, pour son bien-être et sa sérénité doit, par exemple, déposer des phéromones dans son environnement familier. Il le fait de différentes façons : en se frottant les joues contre quelque chose ou quelqu’un, en griffant les meubles, les arbres, les murs, … par contre, une situation angoissante le conduira à projeter de l’urine sur les surfaces verticales. Les phéromones de reconnaissance permettent d'identifier un individu comme faisant partie du groupe et, dès lors, de l'y accepter et, a contrario, de différencier un intrus afin de le refouler. Chez les mammifères, elles permettent par exemple l'attachement entre la mère et les petits. De plus, chez les chiens (Canis lupus familiaris), elles fournissent aussi des informations sur l’identité de l’émetteur, son sexe et son état physiologique. Chez les insectes, elles renseignent également les individus sur la place qu'ils occupent dans l'organisation sociale (reine, guerrière, ouvrière, …). Les phéromones d’agrégation sont émises pour réunir des individus, notamment chez les insectes sociaux. Les abeilles (Apis mellifera par exemple) assurent ainsi la cohésion de la colonie ou commandent aux ouvrières de nourrir et de toiletter la reine. En la léchant, les abeilles ouvrières reçoivent la « substance royale », très nutritive et riche en phéromones, qui marque leur appartenance à la colonie. Les phéromones ont des importances variables dans les diverses sociétés animales. Elles constituent ainsi le principal moyen de communication pour les insectes (abeilles, fourmis, …) qui en utilisent une grande variété.

Upload: others

Post on 29-May-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr

Phéromones, un langage de connexion Francisco Ferrer – Catégorie paramédicale – Section Biologie médicale

Les étudiants de Bloc 1 en Biologie médicale encadrés par les tuteurs : Dominique Brossard, Nathalie Defacqz, Anne-Sophie Delattre, Brigitte Dutrieue, Christophe Panier, Patrick Pouplard

Envoyé !

Une phéromone est une substance ou un mélange de substance(s) organique(s) sécrétée(s) par un individu et induisant un changement psychologique et/ou comportemental chez un autre individu de la même espèce. Dans certaines situations, cette communication chimique pourrait s’établir entre individus d’espèces différentes, on parle alors d’exophéromones.

1. A quoi servent les phéromones ? Selon la situation, différents types de phéromones, ayant des effets divers, peuvent être produits au sein du règne animal, dont les principaux sont présentés ci-dessous. Les phéromones servent à attirer ou repousser des partenaires sexuels. Chez les girafes (Giraffa camelopardalis par exemple), le mâle en goûtant l’urine de la femelle, détecte les phéromones présentes qui lui indiquent son état hormonal et par conséquent, son éventuelle disponibilité à être fécondée. Les phéromones de piste sont utilisées pour indiquer une direction à suivre à d’autres individus. Les fourmis (Lasius niger notamment) les utilisent, afin d’indiquer à leurs congénères un itinéraire entre la fourmilière et une source de nourriture (Expérience sur stand : exploitation d’une piste par des fourmis). Les phéromones d’alarme préviennent les individus d’un éventuel danger. Ainsi, certains poissons (entre autres Ostariophysi acanthopterygii) émettent des signaux pour alerter leurs proches de la présence d’un prédateur. En effet, ces poissons possèdent des cellules épidermiques qui, une fois lysées lors d’une blessure, libèrent des phéromones qui incitent les autres individus à fuir. Il ne s’agit donc pas ici d’une émission volontaire mais bien liée à un évènement extérieur. Les phéromones de territoire sont destinées à marquer des zones afin d'indiquer aux autres individus s'ils y sont les bienvenus ou pas et quels y sont les champs d'activités pratiqués (chasse, nutrition, repos, …). C'est le cas pour le chat domestique (Felis silvestris catus) qui partage une partie de son territoire avec les autres chats du quartier ou pour les animaux vivant en meute comme le loup (Canis lupus). Les phéromones d'apaisement permettent à un animal de se sentir rassuré dans son environnement, surtout en cas de modification de celui-ci, en s’entourant d’odeurs familières. Le chat domestique, pour son bien-être et sa sérénité doit, par exemple, déposer des phéromones dans son environnement familier. Il le fait de différentes façons : en se frottant les joues contre quelque chose ou quelqu’un, en griffant les meubles, les arbres, les murs, … par contre, une situation angoissante le conduira à projeter de l’urine sur les surfaces verticales. Les phéromones de reconnaissance permettent d'identifier un individu comme faisant partie du groupe et, dès lors, de l'y accepter et, a contrario, de différencier un intrus afin de le refouler. Chez les mammifères, elles permettent par exemple l'attachement entre la mère et les petits. De plus, chez les chiens (Canis lupus familiaris), elles fournissent aussi des informations sur l’identité de l’émetteur, son sexe et son état physiologique. Chez les insectes, elles renseignent également les individus sur la place qu'ils occupent dans l'organisation sociale (reine, guerrière, ouvrière, …). Les phéromones d’agrégation sont émises pour réunir des individus, notamment chez les insectes sociaux. Les abeilles (Apis mellifera par exemple) assurent ainsi la cohésion de la colonie ou commandent aux ouvrières de nourrir et de toiletter la reine. En la léchant, les abeilles ouvrières reçoivent la « substance royale », très nutritive et riche en phéromones, qui marque leur appartenance à la colonie. Les phéromones ont des importances variables dans les diverses sociétés animales. Elles constituent ainsi le principal moyen de communication pour les insectes (abeilles, fourmis, …) qui en utilisent une grande variété.

Page 2: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr

Les végétaux libèrent des hormones, appelées phytohormones, pouvant être qualifiées de phéromones puisque libérées à l’extérieur de l’organisme. De plus, certains d’entre eux seraient également capables de produire des substances appelées exophéromones, destinées à attirer ou repousser d’autres espèces. Les phéromones de répulsion. Les acacias (Acacia drepanolobium par exemple) en émettent lorsqu’ils sont broutés, induisant chez leurs voisins, la production de tanins. Ceux-ci entraînent alors l’astringence dans la bouche du ruminant et le poussent à chercher sa nourriture ailleurs. Les exophéromones. Certains figuiers (Ficus carica) dépendent, pour assurer leur pollinisation, d’une espèce de mini-guêpes (Blastophaga psenes). Ces insectes pondent leurs œufs dans les figues mais uniquement des figuiers mâles, dont la floraison commence avant celle des figuiers femelles. Les blastophages ne peuvent pas, par contre, pénétrer dans les figues des arbres femelles et meurent sans avoir pu y déposer leurs œufs. Lorsque les figuiers femelles fleurissent, ils ont besoin d’attirer ces pollinisateurs et les trompent en répandant, via une exophéromone, la même odeur que les arbres mâles.

2. Comment sont produites les phéromones? Chez les organismes vivants, la sécrétion de substances organiques est assurée par une structure anatomique composée de cellules épithéliales spécialisées et appelée glande. On en distingue principalement deux types : Les glandes exocrines dont les sécrétions, comme les phéromones, s’écoulent dans des conduits excréteurs débouchant dans les cavités corporelles ou à la surface externe du corps. Les glandes endocrines dépourvues de conduit excréteur et libérant des hormones dans le liquide interstitiel, le sang ou la lymphe. Chez les insectes, les glandes produisant les phéromones sont essentiellement situées dans la tête ou dans l’abdomen. Les phéromones sont transmises dans l’air ou sur une surface en fonction de plusieurs facteurs comme les conditions atmosphériques ou la sociabilité des individus. Chez les mammifères, les phéromones sont sécrétées par des glandes exocrines situées, par exemple, sur le pourtour des lèvres, le menton ou dans les coussinets des pattes. Des phéromones peuvent également être éliminées par l’urine, la transpiration, … Toutes deux produites par des glandes, les phéromones et les hormones sont des substances organiques capables de susciter un changement physiologique. Toutefois, à la différence des phéromones, les hormones ont pour rôle de déclencher une modification du fonctionnement d’un ou de plusieurs organes cibles au sein de l’organisme qui les produit. Cette modification se traduit par une stimulation ou par une inhibition d’une ou de plusieurs fonctions de l’organe en question.

3. Et l’Homme dans tout ça ? Au sein de l’espèce humaine (Homo sapiens), les phéromones seraient sécrétées en quantité minime, parfois non détectable. Cet aspect, notamment, alimente le débat dans le milieu scientifique sur l'existence d'une action significative des phéromones chez l'Homme. Contrairement aux insectes ou à d’autres mammifères, l’Homme ne produirait plus que deux types de phéromones : des phéromones sexuelles qui pourraient influencer le choix du partenaire et des phéromones de reconnaissance qui faciliteraient la succion du nouveau-né et son attachement à sa mère. Il s’agirait d’une communication totalement inconsciente et involontaire. La production des phéromones humaines serait essentiellement assurée par les glandes sudoripares présentes autour des mamelons, de l’anus ainsi qu’au niveau de l’aine et des aisselles. Elles seraient principalement émises dans l'environnement par la transpiration, le sperme ou les sécrétions vaginales. Par ailleurs, l’Homme exploite les phéromones dans divers domaines sociétaux :

- Des phéromones humaines de synthèse (l’androsténone, l’androsténol et la copuline, principalement) sont utilisées dans certains parfums où elles sont censées augmenter l’attraction sexuelle de ceux ou celles qui les portent. Leur efficacité n’est cependant pas démontrée et les résultats observés pourraient résulter d’un effet placebo renforçant la confiance de l’individu qui a choisi de porter ce parfum aux phéromones.

- Des phéromones d’insectes sont utilisées en agriculture dans la lutte biologique contre les insectes nuisibles, permettant ainsi de réduire l’utilisation de produits chimiques dangereux pour l’environnement. Des pièges attractifs pour certaines espèces sont imprégnés de phéromones provoquant une confusion sexuelle entre mâles et femelles afin d’empêcher leur reproduction. Ces pièges permettent, de plus, au jardinier d’estimer la période de reproduction desdits nuisibles et donc de prévoir et de prévenir une éventuelle attaque néfaste pour la récolte.

Page 3: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr

- En médecine vétérinaire, des phéromones de synthèse sont disponibles pour les chats domestiques afin, par exemple, de les rassurer lors d'un déménagement ou de diminuer l'agressivité ou l'anxiété d'un sujet perturbé.

En vol !

Les phéromones, une fois émises par les glandes exocrines, sont transmises entre deux individus, soit par déplacement de molécules gazeuses, soit par contact direct, soit par ingestion de nourriture échangée. Ces trois modes de transmission sont présentés ci- dessous.

1. Molécules transmises à l’état gazeux En théorie Fréquemment, les phéromones présentent une volatilité élevée. Dès lors, même à température ambiante, un grand nombre de ces molécules se retrouvent dans l’air à l’état gazeux. Cette propriété est fonction de la tension de vapeur, à savoir la pression exercée par la phase vapeur des molécules en équilibre avec leur phase liquide. Plus la tension de vapeur est élevée, plus la molécule passe facilement en phase gazeuse. Une molécule volatile possède une tension de vapeur supérieure à 10 hPa (0,00098 atm). Les molécules gazeuses diffusent ensuite dans l’air. La vitesse de déplacement des molécules dépend de la température et de la masse molaire de ces dernières selon les courbes de distribution de Maxwell-Boltzmann. Plus la température est élevée et plus la masse molaire des molécules est faible, plus cette vitesse sera élevée. Généralement, la masse molaire des phéromones volatiles se situent entre 30 et 300 g/mol. Lors de la diffusion, les molécules de phéromones se mélangent spontanément aux molécules d’air. Il s’agit d’un déplacement aléatoire et continuel de toutes les molécules présentes à l’état gazeux qui se traduit par une migration des molécules d’un milieu plus concentré vers un milieu moins concentré. Au final, les deux milieux seront homogènes. Certaines phéromones, parfois moins volatiles, sont caractérisées par un seuil de perception très faible. Il s’agit de la concentration à partir de laquelle une molécule odorante induit une réponse olfactive. Plus la molécule est concentrée, plus cette dernière sera facilement identifiée par les récepteurs olfactifs. Deux familles de molécules odorantes se distinguent principalement, les composés oxygénés et les hydrocarbures. Les molécules oxygénées regroupent les carbonyles (aldéhydes et cétones) et les esters. Exemple : l’acétate d’isoamyle L'acétate d'isoamyle est une molécule organique caractérisée par la présence d’une fonction ester. Sa masse molaire est de 130 g/mol. Il s’agit d’un liquide transparent incolore à l’odeur de banane. Le seuil de perception de cet ester est particulièrement faible (1 mg/L dans l’eau). Cette molécule est une phéromone d'alarme du dard émise par les abeilles ouvrières lorsqu’elles se sentent agressées. Elle est produite par la membrane qui recouvre la poche à venin. Lorsque l’abeille expose cette poche lors d’une piqûre, elle découvre cette membrane et diffuse de l’acétate d’isoamyle, ce qui incite les autres ouvrières à piquer également. Ce phénomène est accéléré par l’arrachement du dard et le degré d'agressivité est lié à la quantité d'acétate d'isoamyle produite. Synthétiquement, l’acétate d'isoamyle est produit par la réaction d’estérification de Fisher entre l'alcool isoamylique et l'acide acétique, catalysée par l’acide sulfurique (Démonstration sur stand : synthèse des esters).

2. Molécules transmises via la peau

2.1. En théorie Les molécules de phéromones hydrophobes et/ou de masse moléculaire élevée peuvent être transmises par contact direct de la peau. Ces molécules organiques apolaires sont caractérisées par la présence principalement de liaisons entre des atomes de carbone et d’hydrogène et l’absence ou la faible fréquence d’atomes électronégatifs comme l’oxygène ou l’azote. La peau est plutôt hydrophobe car les membranes de ses cellules sont constituées de phospholipides disposés en bicouche lipidique. Ces molécules sont basées sur un glycérol estérifié par deux acides gras et également, sur sa dernière position, par un acide phosphorique lui-même relié à un radical. Les acides gras sont constitués d’une fonction acide carboxylique polaire ainsi que de chaînes carbonées de 12 à 20 unités particulièrement hydrophobes. Ces chaînes s’assemblent à l’intérieur de la bicouche tandis que leurs têtes hydrophiles sont orientées vers l’extérieur. Par conséquent, les molécules aptes à traverser la bicouche doivent présenter un caractère hydrophobe.

2.2. Exemples: androsténol et estratétraénol Nous allons vous présenter deux molécules dérivées d’hormones sexuelles dans les sécrétions humaines, à savoir l’androsténol et l’estratétraénol.

Page 4: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr

- L’androsténol, molécule organique composée de quatre cycles carbonés et d’une fonction alcool, est un dérivé de la testostérone produite naturellement chez l’homme et la femme. Bien que ce ne soit pas démontré, l’androsténol semble participer à la synchronisation des cycles menstruels au sein des communautés de femmes.

- L’estratétraénol, molécule organique composée de quatre cycles carbonés dont un cycle aromatique et d’une fonction alcool, est un dérivé d’une hormone sexuelle, l’œstrogène,produite chez l’homme et la femme. Le rôle de cette molécule, en tant que phéromone,semblerait provoquer un sentiment de douceur et de protection mais reste controverséactuellement.

3. Molécules transmises par trophallaxie

3.1. En théorie Les phéromones peuvent également être transmises via l’échange d’aliments liquides entre deux insectes sociaux hyménoptères comme les guêpes, les abeilles ou les fourmis. Ces insectes possèdent deux estomacs caractérisés par des rôles différents : à savoir d’une part, le jabot social qui stocke de la nourriture prédigérée et d’autre part, un estomac standard utilisé à des fins personnelles. La trophallaxie consiste à régurgiter la nourriture prédigérée stockée dans le jabot afin de nourrir et d’informer les membres de la colonie. Cet échange permet, entre autres, de communiquer sur la qualité et la quantité des sources de nourriture. De plus, la présence de protéines de croissance et d’hormones joue un rôle important dans le développement, la reproduction et le comportement des insectes.

3.2. Exemples : l'acide (E)-9-oxodec-2-ènoïque L'acide (E)-9-oxodec-2-ènoïque est une molécule organique constituée d’une fonction cétone et d’une fonction acide carboxylique. Cette dernière possède également une stéréochimie particulière à savoir une double liaison de configuration trans. Seul, ce stéréoisomère est recensé comme phéromone. L'acide (E)-9-oxodec-2-ènoïque, ou substance royale, est une phéromone sexuelle et d’agrégation transmise par trophallaxie entre les ouvrières. Cette phéromone assure la cohésion de la colonie des abeilles. Elle bloque également le fonctionnement ovarien des abeilles ouvrières afin de ne pas engendrer de nouvelles reines tant que celle-ci est toujours en vie. Lorsqu’il n’y a plus de substance royale (en raison de la mort de la reine), les ouvrières vont donner naissance à de nouvelles reines pour la survie de la colonie. Bien reçu !

Différents mécanismes de réception des phéromones vont se mettre en place pour permettre aux individus d’interpréter et de traduire ces informations en influx nerveux qui sera transféré vers le système nerveux central afin de déclencher la réponse adéquate. Selon les espèces, les moyens mis en place pour la réception de ces phéromones sont différents. Nous allons explorer le système de réception des phéromones chez les insectes et chez les mammifères.

1. La réception des phéromones chez les insectes, l’exemple des fourmis La réception des phéromones se fait, chez la fourmi, grâce à des cils chimiosensoriels, appelés sensilles, situés sur les antennes. Les antennes sont composées de plusieurs segments et recouvertes de cuticule, couche externe de l’épiderme des insectes qui sert de protection au système neuronal des antennes. Formées d’une multitude de fines couches ayant des propriétés propres (imperméabilisation, rigidification, structuration, ...), les antennes, situées de part et d’autre de la tête des fourmis, ont plusieurs fonctions : réception des phéromones, analyse de l’environnement par tâtonnement, détection de mouvement, ... Les sensilles de la fourmi sont poreuses et laissent entrer par diffusion les molécules pour qu’elles atteignent les dendrites des neurones spécialisés. Avant d’atteindre les neurones, les phéromones doivent traverser la cuticule par les pores présents sur la sensille et arrivent dans la lymphe sensillaire, hydrophile, jouant un rôle de barrière vis-à-vis des phéromones hydrophobes. La lymphe de chaque sensille contient deux types de protéines : des PBP (Pheromon Binding Proteins) et des enzymes destructrices. Les PBP se fixent aux phéromones et forment un complexe qui les protège de la dégradation et permet leur transport dans la lymphe. Une fois au niveau de la membrane des dendrites présentes dans la sensille, les phéromones se détachent des PBP et se fixent sur leurs récepteurs membranaires spécifiques afin de transmettre l’information aux neurones. Ceci déclenche, au niveau de la dendrite d’un neurone sensoriel, la création d'un message nerveux électrique sous forme de potentiel d’action qui se propage jusqu'au soma du neurone, pour se poursuivre via l'axone jusqu'au deutocérébron. Arrivé au ganglion cérébroïde de la fourmi, le message est analysé et interprété. La fourmi va alors réagir en fonction du message reçu. Si la phéromone était une phéromone d'alerte, la

Page 5: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr

fourmi réceptrice émettrait à son tour des phéromones d'alerte et irait, en fonction de sa caste et de son rôle dans la colonie, faire en sorte de protéger le nid. La phéromone se fera ensuite dégrader par les enzymes destructrices.

2. Chez les mammifères, l’exemple du chat Les organes responsables de la réception des phéromones constituent une partie annexe du système olfactif des mammifères et sont :

- le canal nasopalatin ; - l’organe voméro-nasal ou organe de Jacobson ; - le bulbe olfactif accessoire.

Le canal nasopalatin est un conduit situé derrière les incisives dans le palais et qui relie la cavité buccale et la cavité nasale. On y retrouve l’organe voméro-nasal qui repose sur ses deux prolongements antérieurs. En coupe transversale, il a une forme de croissant ; en coupe frontale, il ressemble à un cul-de-sac. Il s’agit d’un tissu épithélial semi-creux composé de deux épithéliums différents : l’épithélium sensoriel interne dont les cellules vont être en contact avec les phéromones et l’épithélium non sensoriel latéral qui se trouve au-dessus du tissu caverneux. Ces différentes structures anatomiques baignent dans un mucus qui permet, entre autres, d’absorber les phéromones. L’épithélium latéral est tapissé de cellules ciliées qui brassent le mucus environnant, et permet de transporter les phéromones jusqu’aux cellules de l’épithélium interne. Le tissu caverneux situé à la base de l’épithélium latéral est traversé d’une veine. Par une variation de sa turgescence, il a pour rôle de pomper le mucus. En effet, la contraction du tissu caverneux dilate l’épithélium interne, ce qui augmente le volume de mucus à l’intérieur de l’organe voméro-nasal et par conséquent, la quantité de phéromones. A l’inverse, la dilatation du tissu caverneux contracte l’épithélium interne et ainsi, expulse le mucus. L’épithélium interne est composé de neurones sensitifs, de mucus et de glandes sécrétrices de PBP. Seules les dendrites des neurones sont localisées dans l’organe voméro-nasal. Ces dendrites sont recouvertes de microvillosités qui servent à augmenter la surface de contact entre la membrane des dendrites et le mucus. Sur les microvillosités se trouvent les récepteurs spécifiques des phéromones, de la famille des GPCR (Récepteur Couplé aux Protéines G). Il s’agit de récepteurs qui peuvent distinguer les phéromones par complexation spécifique de la phéromone. La phéromone est complexée par une PBP pour assurer sa protection et son transport jusqu’au récepteur GPCR dont l’activation entraîne une cascade d’évènements qui conduit à la production d’un potentiel d’action sur la dendrite. Après activation du GPCR, la phéromone est libérée et digérée par les enzymes baignant dans le mucus pour éviter une seconde excitation du neurone. C’est ensuite le bulbe olfactif accessoire qui va recevoir les informations de l’organe voméro-nasal. Les axones du bulbe olfactif accessoire se projettent vers l'amygdale et l'hypothalamus.

3. Comment se forme le potentiel d’action ? Les phéromones sont des ligands pour les récepteurs GPCR. Quand un ligand se complexe au récepteur, la protéine G couplée au récepteur s’active et produit une molécule effectrice. La molécule effectrice vient à son tour se complexer avec une protéine transmembranaire de la dendrite activant l’ensemble du système permettant la création d’un potentiel d’action. La membrane des neurones est soumise en permanence à un potentiel de repos (différence de potentiel d’environ -60 mV) qui correspond à la différence de potentiel existant entre les faces interne et externe de la membrane des neurones. Ce potentiel est dû aux différences de concentration des ions de part et d’autre de la membrane

(particulièrement les ions Na+ et K+). Lors de l’excitation d’un neurone, un potentiel d’action positif d’environ +40 mV se crée par la dépolarisation rapide de la membrane. La dépolarisation vient du fait que des canaux ioniques s’ouvrent et laissent alors passer les ions bloqués par la membrane du neurone. Finalement, lors de la repolarisation, d’autres canaux ioniques transportent l’excès d’ions qui est entré dans le neurone pour ramener leur concentration à leurs valeurs de repos et donc abaisser le potentiel à ses -60 mV de repos. C’est l’élément unitaire du message nerveux, le nombre et la fréquence des potentiels d’action qui codent l’intensité de l’information. Les potentiels d’action sont transmis le long des dendrites et permettent la transduction jusqu’aux somas des neurones sensoriels raccordés à l'axone, qui vont transmettre à leur tour le message au système nerveux.

4. Phéromones vs odeurs La perception des phéromones est inconsciente, alors que la perception des odeurs est consciente et se fait via l'odorat. En effet, la molécule permet d’établir un lien entre la conscience et l’odeur sentie. La réaction à une phéromone est innée, mais celle des odeurs est acquise, c’est-à-dire qu’un sujet apprend à avoir plus ou moins d’affinité pour une odeur. Les odeurs et les phéromones sont reconnues par des récepteurs différents. Chez le chat, les phéromones sont captées par les cellules réceptrices de l’organe voméro- nasal et décodées par le bulbe olfactif accessoire. Les odeurs sont captées par les cellules de la muqueuse olfactive qui se trouvent dans la cavité nasale du chat, et sont décryptées par le bulbe olfactif primaire.

Page 6: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr

Il existe un phénomène particulier chez les chats, appelé le flehmen qui consiste à fermer les narines et à inspirer de l’air par la bouche. De cette manière, le chat bloque l’accès des molécules odorantes au tissu olfactif se trouvant dans la cavité nasale et ainsi, privilégie la réception des phéromones. Chez l’Homme, la controverse concernant l'action des phéromones est renforcée par le fait que l'organe voméro-nasal n’existe plus qu’à l’état de vestige non fonctionnel. Par contre, l’épithélium olfactif, une muqueuse recouvrant le palais et permettant la réception des odeurs, pourrait malgré tout capter les pheromones.

Page 7: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr
Page 8: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr
Page 9: A9R1qriivo bbtbnd 5cg.tmp - ULB INFORSCIENCES › printemps › download › ... · /¶dqgurvwpqr o propfxohr u jdqltxhfrpsrvphghtxd wu hf \ fohvfd u erqpvh w g¶xqhirqfwlrq o propfxohr