jean cassien
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8/10/2019 Jean Cassien
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The
University
of
Chicago
Library
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8/10/2019 Jean Cassien
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8/10/2019 Jean Cassien
4/278
jigures
J^fiafticjues
1
PAR
Lt
CHANOINL
\Xm
CRISTIANI
DOYEN
DE
LA
FACULT
CATHOLIQUE
DES
LETTRES
DB
LYON
DITIONS
DE
FQNTENELLE
BBiS/E
SAINT
WANDRILLE
-
8/10/2019 Jean Cassien
5/278
-
8/10/2019 Jean Cassien
6/278
JEAN
CAS SI
EN
-
8/10/2019 Jean Cassien
7/278
-
8/10/2019 Jean Cassien
8/278
DANS
LA
MEME
COLLECTION
SAINT
COLOMBAN,
par
dom
Jean
Laporte,
de
Saint-
Wandrille.
GERBERT,
par
le
chanoine
Leflon,
prof,
l'Institut
cath.
de
Paris.
PIERRE LE
VNRABLE,
par
dom
Jean
Leclercq,
de
Clervaux.
A
PARAITRE
PROCHAINEMENT :
SAINT
GRGOIRE
LE
GRAND,
par
le
R.
P. Paul
Gou-
bert,
S. J.
SAINT
BEDE LE
VNRABLE,
par
le
Rme
dom
Cappelle,
abb
du
Mont-Csar.
SAINT
BONIFACE,
par
l'abb Carlo de
Clercq,
doc-
teur es
sciences
historiques.
SAINT
HUGUES
LE
GRAND,
par
l'abb
A.
Chagny,
inspecteur
de la
Socit
fr.
d'archologie.
SUGER,
par
M.
Marcel
Aubert,
membre
de
l'Institut.
AMDE
DE
LAUSANNE,
par
le
R.
P. A.
Dimier,
de
Tami.
JEAN
III DE
BOURBON,
par
M.
Guy
de
Valons,
con-
servateur
de la
Bibliothque
Sainte-Genevive.
MONSIEUR L'ABB DE
LA
TRAPPE,
par
le
chanoine
G.-A.
Simon,
correspondant
national
de
la
Soc. des
Antiquaires
de
France.
DOM
MARTNE,
par
l'abb
Joseph
Daoust,
docteur
es
lettres.
I
-
8/10/2019 Jean Cassien
9/278
DU
MEME
AUTEUR
En
prparation,
dans
la
prsente
collection
:
AUX
origines'
du
monastre
de LERINS
: S.
HONORAT,
S. HILAIRE
d'ARLES,
S. BUCHER
de
LYON.
Chez
VITTE,
LYON
et
PARIS
:
JSUS-CHRIST,
FILS
DE
DIEU,
SAUVEUR,
3
volumes
in-16,
29
mille.
-
Supplment:
LA VIERGE
MARIE
ET
LES
VAN-
GILES,
in-16.
LE
RETOUR A
L'VANGILE,
UNIQUE
SALUT
DE
LA
CIVILI-
SATION,
in-16.
DOUZE PENSES
SUR
LA
JOIE
CHRTIENNE,
in-16.
MOIS
DE
MARIE,
in-16.
Sous
presse
:
LA
FIN
D'UN
RGIME,
PRCIS
D'HISTOIRE
DE
LA
TROI-
SIME
RPUBLIQUE
DE
1919 A
1939,
in-S .
LES JEUX
DE
LA
DIVINE
SAGESSE, Dialogues
sur la
Conver-
sion de
plusieurs
Isralites,
in-16.
tudes
d'Histoire
.religieuse
:
L'Institut
de
la
Providence de
Grenoble de
1821
1839,
Gre-
noble,
grand
in-8.
Madame de
Franssu,
Fondatrice de
la
Congrgation
de
la Nati-
vit
de
N.
S., Aubanel,
Avignon,
in-S .
SAINT
PIERRE
CANISIUS,
Collection Les
Saints,
Paris,
Gabalda,
in-16.
LA
MERVEILLEUSE HISTOIRE DES PREMIRES URSULINES
FRANAISES,
in-16.
UNE
LAMPE
DEVANT
L'HOSTIE,
MRE
JEANNE-FRANOISE
DE
JSUS,
Fondatrice
de l'Institut de
l'Adoration
perp-
tuelle du
Sacr-Cur
de
Jsus,
Lyon,
in-16.
LUTHER
ET
LE
LUTHERANISME,
Thse.
Paris,
Bloud
et
Gay,
in-S .
LE
CONCEPT
D'TERNIT,
Thse
complmentaire,
Paris,
Bloud
et
Gay,
in-8.
LUTHER
ET
LA
QUESTION
SOCIALE,
Paris,
Editions
Spes,
in-16.
THE REFORMATION
ON
THE
CONTINENT,
dans
EUROPEAN
CIVILISATION,
vol.
IV, University-Press, Oxford,
in-8.
-
8/10/2019 Jean Cassien
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8/10/2019 Jean Cassien
11/278
yrcwcdlloz
iSans
cesse
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rcompense
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or.
15, 58.
BEHnmwHflsawz
^axis'^t^xal
BiSiiwowg'Biai.iinjac^^&agiiBiancscagrgTTM
nnri^a
Gravure
de
Harrbwyn,
tire
de
l'ouvrage
:
Les
Vies des
SS.
Pres des
Dserts
d'Orient,
par
DE
ViLLEFORE.
Paris,
1707,
p.
172.
-
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12/278
FIGURES
MONASTIQUES
/
/
COUECTJON
DlRI6f
E PAR
LES
BENEDICTINS
DE
SAINT
WAN
DRILLE
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SSIEN
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Sj}iHuuiti^
m^
PAR
C '-^'' ^ f^'/^UAX
LE
CHANOINE
LON
ChBISTIANI
DOYEN
DE
LA
FACULT
CATHOLIQUE
DES
lEHRIS
DE
LYON
I
EDITIONS
DE
FNTENELLE
ABBAYE
S,WANDRILLE
1046
-
8/10/2019 Jean Cassien
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'l
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JVIH7I
OBSrA
Elie
MAIRE,
Ch.
Cens, ex
off.
IMPRIMATUR
Lutetiae
Parisionim
die
11
a
octobris
1945
A.
LECLERC,
Vicaire
gnral.
Copyright
bg
EDITIONS
DE
FONTENELLE,
1946.
ih
r
-
8/10/2019 Jean Cassien
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S
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Folge,
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Historia
ecclesiastica,
ibid.
Ne
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8/10/2019 Jean Cassien
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8/10/2019 Jean Cassien
17/278
14
JEAN
CASSIEN
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En
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Cassien
dans
toutes les
grandes
Encyclopdies
et
les
Dictionnaires;
Dict.
de
Thologie,
de
Vacant;
d'Archologie;
Realenzyklopdie
f.
protestantische
Thologie
und
Kiiche;
et
surtout
dans
Dictionnaire
de
Spi-
ritualit,
par
M.
Olphe-Galliard,
le
plus
substantiel
et
le
plus
exact
de tous.
-
8/10/2019 Jean Cassien
18/278
INTRODUCTION
INFLUENCE
DE
CASSIEN
Si
l'on
voulait dresser
un
tableau exact
des
livres
qui
ont
eu,
au
cours des
ges,
le
plus grand
nombre
de lecteurs et exerc
la
plus profonde
influence,
il
y
faudrait
faire
entrer,
en
toute
justice,
au
moins
deux
sur trois des
ouvrages que
Jean
Cassien
a
laisss
la
postrit.
Ces
deux
ouvrages
sont
les
Institutions
cnobitiques
et
les
Confrences
des
saints
Pres
\ Les
preuves
de leur
immense diffusion sont
nombreuses
et
concluantes.
Ils
rpondaient
des
dsirs nettement
exprims
de
la
part
des
amis
de l'auteur. Ils
furent
attendus avec
une sainte
impatience
par
leurs
premiers
destinataires,
des
voques
et
des
moines
du sud
de
la
Gaule. Ils furent
admirs
immdiatement,
copis
avi-
dement,
propags
de
monastre
en
monastre,
lus au
sein
des
communauts
religieuses,
firent
partie
des
textes
recommands
par
les
rgles
monastiques.
Saint
Benot
s'en
servit
pour
rdiger
la
sienne.
Et loin
de
dissimuler ses
larges
emprunts,
il
y
introduisit
cette
prescription
:
Les
moines,
en
tout
temps,
soit
de
jene
soit
de
repas,
ds
qu'ils
se
seront
levs de
table,
se
runiront
tous
et
l'un
d'entre eux lira les
Conf-
(1)
De
Institutis
Coenobiorum
et
Conlationes
sanctorum
Patrum.
Le troisime
ouvrage
de
Cassien
: De
Incarnatione
Domini
contra
Nestorium
lihri
VII
fut
beaucoup
moins
rpandu.
Il
avait
du
reste
un
caractre
tout
diffrent.
-
8/10/2019 Jean Cassien
19/278
16 JEAN
CASSIEN
reiices
ou
les
Vies
des
Pres
.
Grgoire
de
Tours
nous
est
galement
tmoin
de l'autorit dont
jouissait
Cas-
sien
en
Gaule,
quand
il
rsume la
vie
de
S.
Aredius,
dont
le
nom
dform
par
la
voix
populaire
devint
saint
Yrieix,
originaire
de
Limoges
et
ancien
palatin
du
roi
Thodebert
d'Austrasie.
Il fonda
crit-il,
un
monastre,
o
l'on
observe
non
seulement
la
rgle
de
Cassien,
mais
celle
de
Basile et des
autres
abbs
qui
ont
institu la
vie
monastique'
.
Mais
ce
qui
est
dit
du
monastre
de
Saint-Yrieix
pouvait
s'appliquer,
sou-
vent
avec
plus
de raison
encore,
la
presque
totalit
des
innombrables
monastres
qui
furent
crs,
au
cours
des
Y%
VF
et
VIP
sicles,
dans
tout
le
beau
pays
que
l'on
commena,
justement
cette
date
mme,
appeler
la
France.
Si
Grgoire
de
Tours
joint
au
nom
de
Cassien
celui
du
grand
Basile
de
Csare,
il
est
certain
que
l'influence
de
ce
dernier
n'atteignit
jamais
celle
de
l'auteur
des
Confrences.
Ce fut
en
effet l'un
des
traits
caractristiques
du
monachisme
en
France,
l'poque
mrovingienne,
que
la
prfrence
marque
pour
la
vie
rmitique,
par
rapport
la
vie
cnobiti-
que.
Dans la
plupart
des
couvents
de ces
temps
hro-
ques,
on
n'entrait
que
pour
y
faire
ses
premires
armes,
en
quelque sorte,
et
l'on
en
sortait
le
plus
tt
possible
pour
se
jeter
en
une
solitude,
au
fond
des
bois,
et
y
(2)
Rgula
S.
Benedicti,
cap.
42
:
Monachi,
omn
tempore,
sive
jejunii
sive
prandii
si
tempus
fuerit
prandii,
mox
ut sur-
rexerint
a
cena,
sedeant
omnes
in
unum
et
lgat
unus
Colla-
tiones
vel
vitas
Patrum
.
Cf.
aussi
le
chap.
lxxiii
de
la
mme
Rgle.
Comme
on
lisait
les
Collations
surtout
en
Carme,
au
repas
du
soir,
ce
repas,
trs
lger,
prit
le
nom de
Collation.
(3)
Historia
Francorum,
lib.
X,
n.
29
:
Coenobiumque
fun-
davit in
quo
non
modo
Cassiani,
verum
etiam
Basilii
et
reli-
quorum
abbatum,
qui
monasterialem
vitam
instituerunt.
cele-
brabantur
regulae
.
-
8/10/2019 Jean Cassien
20/278
INTRODUCTION
17
pratiquer
la
vie
sublime
d'anachorte. C'tait
notam-
ment
le cas
l'Ile-Barbe,
Condat
qui
devint
plus
tard
Saint-Claude,
Ment
en
Auvergne,
et surtout
Micy qui prit
le
nom
de
Saint-Mesmin.
Or,
saint
Basile
n'avait
pas
cach,
dans
ses
crits,
l'estime
particulire
qu'il professait pour
la
vie
commune,
tandis
que
c'tait,
on
le
verra,
l'un
des
enseignements
de
Cassien,
la sui-
te
des
Pres
du
dsert,
que
la
vie
rmitique
l'emportait
de
beaucoup
sur
la
vie
en
commun.
De
l,
cette
quan-
-^tit vraiment
prodigieuse
de solitaires
que
comptent
les
martyrologes
de nos saints
de
France,
avant
l're
bndictine
proprement
dite,
et
qui
ont,
en
de
nom-
breux
cas,
laiss
leurs
noms aux
lieux
mmes
o
ils
ont
vcu. A vrai
dire,
les
uvres
de Cassien ne conte-
naient
pas
de
rgle
prcise,
mais seulement
un
expos
des
usages
du
monachisme
oriental et
gyptien.
Mais
r
tous ceux
qui,
chez
nous,
voulurent
donner
des lois
la
vie
monastique,
un
Csaire et
un
Aurlien
d'Arles,
un
Ferrol
d'Uzs,
un
Romain
et un
Lupicin
de
Condat,
un
Mesmin
de
Micy,
et
tant
d'autres,
sans
parler
de
ce Pre
inconnu
qui
rdigea,
vers
570,
la
Rgula
Tar-
natensis,
tous
s'inspirrent
de
Cassien et
puisrent
pleines
mains
dans
ses
prcieux
crits. Et
cela
est
d'au-
tant
plus
remarquable
que
certaines
parties
des
cl-
bres
Confrences
avaient
t
l'objet
des
plus
vives
critiques,
de la
part
d'un
crivain
augustinien
contem-
porain,
saint
Prosper
d'Aquitaine,
dont nous
aurons
rappeler
les
griefs
et rsumer les
vigoureux
argu-
ments;
bien
plus,
des
dbats
parfois
tumultueux et
passionns
s'taient drouls
autour
des
textes
con-'
tests
de
Cassien.
On
avait
fait
de
lui
le
chef
d'une
nouvelle
hrsie,
appele
durant
des
sicles
l'hrsie
des
Marseillais
,
puis,
partir
de la
fin
du
XVP
sicle,
le
semiplagianisme
.
Les
Conciles du
Y
et du
VI'
sicle
avaient discut avec
ardeur sur la
grave ques-
-
8/10/2019 Jean Cassien
21/278
18
JEAN CASSIEN
tion du
concours
de
la
libert
humaine
et
de
la
grce
divine
et,
finalement,
ils
avaient
condamn
la
doc-
trine
du
Confrencier
,
comme
on
l'appelait
cou-
ramment
alors.
Il fallait
donc
qu'il
y
et,
dans ses
ouvrages,
une
grande
richesse
de
doctrine
spirituelle,
en
dpit
de
quelques
taches
regrettables,
pour
que
leur lecture
ne ft
pas
totalement
interdite au
sein
de
l'glise
d'Occident.
Il
n'en
fut
rien
toutefois.
On
se
borna
faire
la
part
du
feu.
Le
tmoignage
du
clbre
Cassiodore,
cet
homme
d'Jtat
devenu moine
(485-578
environ),
est
particulirement
prcieux
cet
gard.
Dans
la
prface
de
son
livre
des
Institutions
des
Lettres
divines
et
humaines,
il
donne sans
hsiter
Cassien le
titre
d'crivain
trs
loquent
,
puis,
au
chapitre
29,
tout
en
blmant
nettement,
la
suite de
saint
Prosper,
sa doctrine
du
libre-arbitre,
il
ne craint
pas
d'ajouter,
s'adressant ses moines
:
Lisez
avec soin et
coutez
volontiers le
prtre
Cassien,
qui
a
crit
sur l'institution
des
moines
fidles.
. .
Il
fait
connatre
avec tant de
comptence
les
mauvaises
passions
de
l'me
qu'il
en
fait
presque
voir
les
excs
et nous
contraint
de
le&
viter,
alors
qu'on
les
ignorait auparavant
par
la
con-
fusion
de
l'obscurit.
Mais
comme
il a t
bon
droit
incrimin
par
le
bienheureux
Prosper,
au
sujet
du
libre-arbitre,
nous
vous prvenons
de
ne
lire
qu'avec
prcaution
les
passages
excessifs
qui
portent
sur ce
point
.
On savait
donc
et nous
devons
rappeler
notre tour
que
les
ouvrages
de
Cassien
contenaient
des
imprcisions,
des
contradictions,
des
erreurs
mme,
que
nous
aurons,
le
moment
venu,
mettre
en
vi-
dence.
Mais
l'on
n'entendait
pas
se priver,
pour
cela
des trsors
de
vraie
spiritualit
qui s'y
trouvent et
qui
forment
une
part
du
patrimoine
traditionnel
de
l'glise.
Ce fut
peut-tre
pour parer
tout
inconv-
nient,
mais aussi
pour
condenser,
sous un
volume
plus
-
8/10/2019 Jean Cassien
22/278
INTRODUCTION
19
accessible
ce
que
les
amples
priodes
de
Cassien,
qui
est
un
crivain
abondant
et
parfois
diffus,
qu'il
se
fit
des
abrgs
soigneusement
expurgs
de
ses
uvres.
Saint
Eucher,
le
clbre
vque
de
Lyon
donna
l'exemple
d'une
rdaction
de ce
genre
*.
Un
vque
africain
suivit
son
exemple.
De
ces rsums
eux-
mmeSjil
se
fit
des
traductions
grecques.
Car
la
renom-
me
de
Cassien
fut loin de
rester cantonne
dans
l'glise
occidentale. Saint Jean
Climaque
(-j-
694)
l'avait
appel
le
grand
Cassien
,
le
clbre
Photius,
arche-
vque
de
Constantinople,
l'un
des
plus grands
rudits
de son
temps
(-f
vers
891),
lui
donne une
place
de
choix
dans sa
bibliothque,
bien
qu'il
ne
semble
avoir
connu
que
des
rsums
partiels,
en
grec,
de
ses
uvres.
Une
bonne
preuve
de
cette
popularit
universelle
des crits
de
Cassien,
c'est le trs
grand
nombre
de
manuscrits
qui
en
sont
rests.
Le
dernier
et
le
plus
soigneux
de
ses
diteurs,
Michael
Petschenig,
dclare
en
propres
termes
:
Les Institutions et les Conf-
rences de
Cassien,
parce
qu'elles
contenaient
peu
prs
tout
l'ordre de la
vie
monastique
et,
pour
cette
raison,
avaient
reu
l'approbation
des
hommes
les
plus
illustres
de
cet
ordre,
Benot
et
Cassiodore,
.
.
. ont
t
recopies
trs
souvent
par
les moines de
tous les
pays
et
de tous les
temps.
Il
en
est
rsult
qu'aujourd'hui
encore
un
trs
grand
nombre
de
manuscrits
de
ces
uvres
subsiste
dans
les
bibliothques,
au
point
qu'il
y
ait
peine
un
monastre
o il
n'ait
exist
ou
n'existe
encore
au moins un
exemplaire
de ces
crits
.
(4)
Cet
Epitome
n'est
pas
celui
qui
nous a t
conserv
dans
les
uvres
de
S.
Eucher,
Mignb,
Patrol.
lat.,
t.
L,
p.
867
et
suiv.
(5)
Johannis
Cassiani
Opra,
Vienne, 1288,
Prolegomena,
p.
XIII.
Le
savant
diteur
ajoute
:
Par
contre,
la
raret
du
livre
contre
Nestorius
est
telle
qu'il
ne nous a
pas
t
possible
d'en
dcouvrir
plus
de
sept
exemplaires,
dont
une
partie
de
tout
rcents
.
-
8/10/2019 Jean Cassien
23/278
20
JEAN
CASSIEN
Il n'est
donc
pas
excessif de
dire
que
les
uvres
de
Cassien,
nous
ne
parlons
encore
que
des
deux
premires,
ont
toujours
t
considres
comme
fai-
sant
partie
des
classiques
de
la
spiritualit
catho-
lique
.
Nous
aurons
l'occasion de citer des
passages
de
la
Somme
de
saint
Thomas
d'Aquin,
par
exemple,
o
ils
sont traits comme
tels.
On
les
a
lus
et
relus,
on
les
a
mdits
et
en
quelque
sorte
mchs
et
remchs
durant
des sicles.
Au
dire
d'Yves de
Chartres
et
d'Ho-
norius
d'Autun,
ce
mystrieux
et
prolifique
auteur,
qui,
du
reste,
n'eut rien
de commun avec
la
ville
d'Au-
tun,
ce
qu'il
semble,
on
lisait
encore les Conf-
rences de
Cassien,
assidment,
dans les
monastres
de
France
et
d'Allemagne
au
xi*
sicle.
Dante
s'inspira,
selon
Ozanam,
de
sa
doctrine
des
pchs capitaux,
lgrement
diffrente,
comme
nous
le
dirons,
de
celle
qui
a
prvalu
au
sein
de
l'glise
^
Enfin,
le
nom
et
les
crits de
Cassien se trouvrent
encore mls en
plein
XYif
sicle,
la
formidable
querelle
qui
opposa
deux de
nos
plus grands
crivains,
Bossuet
et
Fnelon.
Et
nous
aurons
citer les
pages
que
Bossuet
consacre
au
commentaire
des
passages
du
Pre
des moines
,
que
les
quitistes
lui
avaient
opposs.
De
nos
jours,
un
puissant
rveil de la
curiosit
et
nous
devrions
dire
plutt
: de la
ferveur
catho-
lique,
se
produit
dans
le
domaine de
la
haute
spiri-
tualit. Les
mes sont avides
de
se
replonger
dans
les
grands
courants
mystiques
du
pass
chrtien.
On
comprend
de mieux
en
mieux
que
la
religion
ne doit
pas,
ne
peut
pas
s'enfermer
en
des
pratiques
ext-
(6)
OzANAj ,
Dante
et la
Philosophie
-catholique
au.
XUP
sicle, p.
156,
note.
-
8/10/2019 Jean Cassien
24/278
INTRODUCTION
21
rieures,
mais
qu'elle
est
avant
tout vie
et
amour,
ado-
ration
et
union,
ascension
et
progrs,
purification
et
divinisation,
et l'on
se
porte
avec
un intrt
croissant
vers les
magnifiques
exemples
de tout cela
que
nous
donne
l'histoire
de
la
saintet,
travers
tous les
sicles
chrtiens.
Or,
il
n'est
personne qui
ait
pu acqurir
les
plus lmentaires
.
notions
de
cette
histoire,
sans
apprendre que
l'un
des
plus glorieux
efforts vers
ce
que
nous voudrions
que
l'on
nous
permette d'appeler
l'escalade
de Dieu
,
a
t
tent,
au
cours
du
Iv^sicle,
en
Egypte,
par
la
floraison
du
monachisme,
ef
que
le
principal
mrite de Jean Cassien
fut
prcisment
de
faire
connatre,
avec
dtail,
en
Occident,
non
seule-
ment les
usages
extrieurs,
mais
encore
et surtout la
doctrine
mystique
de
ceux
que
l'on
appela
tout de
suite
d'un
mot
qui
devait
plus
tard
changer
lg-
rement
de
sens
les saints Pres
.
Pour
bien
comprendre
la
porte
des
ouvrages
de
Cassien,
pour
apprcier
son
propre
rle
providentiel
dans
l'histoire
chrtienne,
il
est
ncessaire
de
passer
en
revue les
sources de
l'histoire
du
monachisme
gyp-
tien,
et la
place
que
tiennent,
parmi
ces
sources,
les
Institutions
et
les
Confrences
du
grand
moine.
SOURCES
DE
L'HISTOIRE
DES
MOINES
EGYPTIENS
Dans un
ouvrage qui
marqua
un vritable
tour-
nant
,
il
y
a
prs
d'un
demi-sicle,
dans
notre
con-
naissance
du monachisme
gyptien,
dom
Cuthbert
Butler
tablissait
ainsi
le
bilan
de nos
Sources
g^^.r
ce
point
prcis
:
-
8/10/2019 Jean Cassien
25/278
22
JEAN
CASSIEN
Sources
priimaires
:
1.
La
Vie
de
saint
Antoine,
par
saint Athanase.
2. La
Vie,
VAsceticon,
les
Rgles
de
saint
Pacme
et
l'ptre
d'Ammon sur
Thodore.
3.
L'Histoire
lausiaque
de Palladius.
4.
VHistoire des
moines
en
Egypte
de
Rufin.
5. Les
Institutions
et
les
Confrences
de Cassien.
6. Les
Apophtegmes
des
Pres.
Sources
subsidiaires :
7.
Les
documents
coptes
sur S.
Schnoudi,
publis
par Amlineau.
8.
La
Vie
de
saint Macaire
d'Egypte
par
Srapion
en
copte
(Amlineau)
et en
syriaque
(Bedjan).
9.
Le
chapitre
de l'Historien
Socrate,
Histoire
ecclsiastique,
IVj
23,
consacr
ce
sujet.
10. Le
premier
Dialogue
de
Sulpice
Svre.
IL
Les indications
de
Rufm,
principalement
dans
son
Histoire
ecclsiastique,
II,
4,
8,
et
dans
son
Apo-
logie
Jrme,
11,
12.
12. La
Rgle
d'Antoine,
Rgle
de
Macaire,
et
Rgles
similaires,
publies
dans
Holsten
au
Codex
Regularum
et dans
Patrologie grecque,
tome
XXXIV,
pages
967
et
suivantes
\
Neuf ans
plus
tard,
en
1907,
c'tait encore
peu
prs
le mme
tableau
que
dressait
Mgr
Duchesne dans
/
(7)
Dom
Cuthbert
Butler,
Texts
and Studies
:
The Laa-
sac
Historg
of Palladius,
Cambridge,
1898, I,
p.
197.
-
8/10/2019 Jean Cassien
26/278
INTRODUCTION
23
son
Histoire
de
l'glise'.
On
remarquera que
dans ces
listes
de
sources,
ni
dom Butler
ni
Duchesne
n'ont fait
jBgurer
saint
Jrme.
Ce
grand
saint
a
pourtant
crit sur
les
Pres
du
dsert.
Bien
plus,
il a
voulu
les
voir,
il a
voulu
tre
l'un des
leurs.
Mais,
si
profondment
que
cela
puisse
nous
tonner de la
part
d'un
si
grand
gnie,
il
st
avr
que
les
vies des
Pres
crites
par
lui,
et
en
particulier
celle de saint
Paul,
le
premier
de
tous
les
moines
d'Egypte,
si elles
reposent
sur un
noyau
histo-
rique
incontestable,
se
prsentent
nous
comme des
rcits
fortement
romancs .
Il
n'en
est
que
plus agrable
de
souligner
l'entire
confiance
que
doivent
inspirer,
surtout la suite
des
dmonstrations
de
dom
Butler,
les sources
numres
ci-dessus
de
l'Histoire
du
monachisme
gyptien.
Tous
les
travaux
qui
ont
t
faits
depuis
trente
ans
sur
cette
question
ont
abouti
la
confirmation
de
son
jugement.
Il
n'y
a
plus
de
contestation
ce
sujet.
Mais
ce
n'est
pas
le
seul
rsultat,
tant
s'en
faut,
que
ces trente der-
nires
annes
de
recherches
nous
aient
apport.
Il
est
(8)
Au
tome
II,
page
507,
en
note.
Il
insiste
surtout sur
l'Histoire
des
Moines, qu'il
appelle
le
voyage
de 394
,
parce
que
Rufin
nous
a
donn
sous
le
titre 'Bistoire
des
Moines
en
Egypte,
une traduction
latine
d'un rcit
de
voyage
accompli par
sept plerins
en
394;
puis
sur
l'Histoire
lausiaque,
reconstitue
dans
sa
puret
authentique
par
dom
Butler,
enfin
sur
les
Insti-
tutions
et
les
Confrences
de Cassien.
En
dernier
lieu,
il
men-
tionne
les
-
8/10/2019 Jean Cassien
27/278
24
JEAN
CASSIEN
mme
permis
de
parler
ici d'une sorte
de
rvolution
dans
notre
conception
du monachisme
gyptien.
D'un
mot,
disons
qu'un
nouveau
nom
s'est
ajout
la
liste
de
nos
sources,
celui
d'Evagre
le
Pontique.
Et la
chose
a
pris
peu
peu
une
telle
importance,
elle
est
arrive
un
tel
degr
de
certitude,
elle a
permis
des
constata-
tions d'une si
haute
porte,
qu'il
convient
de
s'y
arrter
un
instant.
VAGRE
LE
PONTIQUE (346-400)
Il
ne
saurait tre
question
de donner
ici
une
bio-
graphie
dtaille
d'vagre
le
Pontique.
Il
mrite
une
tude
part
et
cette tude
sera
faite
dans la
prsente
collection
des
grandes
Figures
monastiques
. Nous
nous
bornerons
donc rsumer les
dcouvertes
rcentes
sur
son
activit
littraire et
son
immense
influence'.
(9)
Les
principaux
travaux sur
ce
point
sont
les
suivants
i
jusqu'ici
on
connaissait
de
lui
:
Practicus
I
{Epistola
ad
Ana-
tolium),
MiGNE,
Patrol.
grecque,
t.
XL,
p.
1220-1244;
Practicus
II,
ibid,,
1244-1252;
De
Octo
vitiosis
cogitationibus,
ibid.,
1272-1277.
Mais
on
a
fait
la
preuve qu'il
faut lui attribuer
en'^ore
VEpistola
8
S.
Basilii,
Migne,
ibid.,
t.
XXXII,
p.
245-263;
le
De
Oratione,
publi
sous
le
nom
de S.
Nil,
Migne,
ib'd.,
t.
LXXIX,
p.
1165-1200.
En
outre,
les
uvres
suivantes
d'Evagre
ont
t
dcouvertes
et
publies
par
W.
Frankenberg,
dans
Abhandlungen
der
knig-
lichen
Gesellschaft
der
Wissenschaften
zu
Gttingen,
Neue
Folge,
Band
XIII,
2, Berljn,
1912
:
Centuriae
VII,
Antrrheticus,
Parae-
neticus,
Epistulae,
Liber
gnosticus. Enfin,
Muyldermann a
publi,
dans
Muson,
15
anne,
1931
:
Ccpita
cognoscitiva.
Il
a donc
t
possible
de
reconstituer
la
doctrine
d'Evagre,
sur
la
base
d'uvres
indiscutables.
C'est
ce
qui
a
t
fait
par
Wilhelm
Bous-
set,
dans
Apophtegmata,
Tubingue,
1923,
III
Buch,
Eoagriosstu-
dien;
Marcel
Viller,
dans
Revue
d'Asctique
et
de
Mystique,
t.
XI
(1930)
;
Aux Sources
de
la
spiritualit
de
saint
Maxime,-
les
uvres
d'Evagre
le
Pontique;
Irne
Hausherr,
dans la
-
8/10/2019 Jean Cassien
28/278
INTRODUCTION
25^
Rien n'est
plus
trange
en
vrit
que
la destine
posthume
d'vagre
Il
est vrai
que
son
existence
mme tenait
en
grande
partie
du roman. N
vers
346,
dans le
Pont,
d'o
son surnom
de
Pontique,
il
avait
t
ordonn
lecteur
par
saint
Basile
le
Grand,
puis
diacre,
par
saint
Grgoire
de
Nazianze,
et
il
avait
suivi
ce
dernier
Constantinople,
lors
de
son*
transfert
ce
sige.
Wilhelm Bousset
pense
que
dj,
cette
date,
il
avait t initi
par
saint Basile
la
vie
monasi-
tique
et avait
reu
de
lui
le
saint
habit. Mais
il n'tait
point
rest dans la
communaut
basilienne.
Aprs
le
dpart
de
saint
Grgoire
de la
capitale
byzantine,.
vagre
resta
auprs
de
Nectaire,
son
successeur.
Il
tait
loquent,
maniait avec
vigueur
l'argumentation
contre les
hrtiques.
Il
se
fit
ime
vritable
rputation.
Une
estime
universelle l'entourait.
Soudain
clata
le
drame de sa vie.
Une
femme
du
plus
haut
rang
se
mit
le
poursuivre
de
ses assiduits.
Il
semble
qu'il
ne soit
pas
rest
insensible
ses
avances
dangereuses.
On
lit
en
effet
aux
premires
lignes
de
l'ptre
ddicatoire
de
son
trait
sur
la
Prire
celui
qui
fut mis
plus
tard
sous
le
nom
de
saint Nil
ces
lignes
rvlatrices
:
Je
brlais
de
l'embrasement
des
passions,
quand,
ton
ordinaire,
tu
m'as
remis,
par
le contact
de
ta
pieuse
lettre;
mon
intelligence
se
dbattait
dans les
pires
hontes
et
tu
l'as
rconforte .
vagre cependant priait
beaucoup.
Il
\oulait
s'en-
fuir,
pour
chapper
l'horrible
tentation.
Une
nuit,
il
mme
Revue,
t.
XV
(1934),
Le
Trait de l'Oraison
d'Evagre
le
Pontique
{Pseudo
Nil),
traduction
franaise
et
Commentaire
d'aprs
les
autres
crits
d'Evagre;
D.
Salvatore Marsili,
0.
S.
B.,
Giovanni Cassiano
ed
Evagrio Pontico,
Dottrina
suUa
Carit e
contemplazione,
Rome,
Herder,
1936.
(10)
Hausherr,
Le
Trait
de l'Ordison
d'Evagre
le
Pontique,
dans
Revue
d'Asctique
et
de
Mijutique,
janvier
1934,
p.
42.
-
8/10/2019 Jean Cassien
29/278
26
JEAN
CASSIEN
eut
un
affreux
cauchemar.
Il
lui
sembla
qu'on
l'avait
jet
en
prison,
sans
lui
dire
pourquoi.
Mais,
lui,
il
savait
que
c'tait
le mari
offens
qui
l'avait
accus.
Dj,
il
entendait les
cris
des
supplicis.
Il
tremblait
dans
l'attente
de son
propre
chtiment,
lorsqu'un
de
ses
amis
vint le
voir dans
sa
prison,
lui
conseillant
de
quitter
la ville au
plus
vite.
vagre
y
consentit
et
l'ami
le
lui fit
jurer
sur
l'vangile.
A
son
rveil,
vagre,
repassant
tout cela
dans
son
esprit,
se
regarda
comme
li
par
son
serment.
Il
passa
de
Gonstantinople
Jru-
salem
o il
fut
reu
par
sainte
Mlanie,
cette
noble
romaine
qui
visitait
alors
les Lieux Saints
en
rpan-
dant
partout
ses
bienfaits.
.
De
nouvelles
tentations
de
vaine
gloire,
cette
fois
vinrent l'assaillir. Il en
fut
puni
par
une
mala-
die
qui
dura
six mois.
Mlanie
le visita durant
son
preuve
et
lui
fit
avouer
ses
penses
intimes.
Elle
l'en-
couragea
alors
la
solitude,
lui
promettant
de
prier
pour
lui. Il
gurit
et
partit
peu
aprs
pour
l'Egypte.
Pendant
deux
ans,
il
habita
sur
le
mont
de
Nitrie.
Il
s'enfona
ensuite
plus
avant dans
le dsert
et
vcut
quatorze
ans
dans
la solitude des
Cellules
.
Palladius,
qui
nous
raconte
tout
cela,
avec une
visible
complaisance
et
une vive
admiration,
nous
dcrit
ses
austrits
:
une
livre
de
pain par jour
il
s'agit
de
la
livre
romaine
d'un
peu plus
de
300
grammes
une mesure
d'huile
tous les trois
mois,
jamais
rien
de
cuit,
pas
de
fruits,
cent
prires
chaque
jour,
travail de
copie
pour
vivre,
car
il crivait
la
perfection.
Il
parvint
ainsi,
poursuit
Palladius,
qui
le
visita
et
devint son
disciple,
la
plus
parfaite
purifi-
cation
de
son
me
et fut
jug
digne
du
charisme
de
la
science
et
de
la
sagesse
et
du
discernement
des
esprits,
luttant
contre les mauvais
esprits,
les
combat-
tant
force
de
mortifications.
Le
seul
rcit
que
Palla-
-
8/10/2019 Jean Cassien
30/278
INTRODUCTION
27
ivLS
nous
fait
de
ces
dernires
a
quelque
chose
d'effrayant
pour
nous. Mais
il
rappelle
aussi
les
admi-
rables
ouvrages
laisss
par
lui,
pour
l'instruction
des
moines et le
peu
qu'il
nous en dit
concide
parfaite-
ment
avec
ce
que
nous
en
savons maintenant
.
Il est
donc
bien clair
que
l'on
se
trouve
ici
en
prsence d'un
esprit
tout
fait
suprieur.
A
la
pratique
ordinaire
du
monachisme,
il
joignait
une
doctrine
pro-
fonde. Et c'est
justement
ici
que
tout
devient,
en 6e
qui
le
concerne,
de
nouveau
extraordinaire.
On
l'admi-
rait,
on
recevait ses
leons,
on
s'imbibait
de
ses
ensei-
gnements.
Parmi
ceux
qui
se
mirent
son
cole,
il
faut
srement
compter
notre
Jean
Cassien
et
son
ami
-
8/10/2019 Jean Cassien
31/278
28
JEAN
CASSIEN
dans
les
cercles
antiorignistes
d'Egypte.
Il
circula
sur
lui les
histoires
les
plus
malveillantes.
Et de
ces
his-
toires,
on
trouve
un curieux
cho,
dans
le
Pr
spirituel^.
ce
petit
livre
de Jean Moschus
crit
vers
l'an
600
qui
devait avoir
une
si
vaste diffusion
:
-
8/10/2019 Jean Cassien
32/278
INTRODUCTION
29
Du
coup,
celui-ci
reprend
dans
l'histoire
de
la
mystique
une
place
de
premier
ordre,
au-dessus
mme
de
Denys
pour
l'Orient.
En
Orient,
Denys
est venu
trop
tard,
lorsque
les
spirituels
y
possdaient
une
doctrine
dfi-
nitivement
organise par vagre
et
transmise
travers
Climaque, Hsychius,
Maxime,
Nictas
Sttathos,
jus-
qu'aux
hsichastes,
chez
les
byzantins
:
par
Philioxne
de
Mabboug,
Isaac
de
Ninive,
Jean
Bar-Kaldoun,
jus-
qu'
Barhebraeus,
chez
les
syriens.
Il
m'est
arriv,
^n
recherchant
les
origines
de la mthode
d'orison hsi-
chaste,
d'appeler
cette
spiritualit
sinatique
{Orientalia
christiana,
vol.
IX,
fasc.
2,
1927).
Elle
l'est,
parce que
les Sinates ont contribu
plus
que
tous
les autres
la
conserver
travers
les
sicles,
o
la condamnation
de
l'orignisme
entrana
la
droute
des
mystiques
et
conduisit,
la
suite
de
Barsanuphe,
Dorothe,
Thodore
Studite,
une
con-
ception
toute
asctique
de la vie
spirituelle.
Mainte-
nant
que
nous avons
reconnu
vagre
dans le
pseudo-
sinate
Nil,
c'est
de
spiritualit
vagrienne
qu'il
faudra
parler, pour
dsigner
la
grande
cole
mystique
orientale
qui
va
du
quatrime
sicle
au
quinzime
et
mme au
vingtime.
C'est
par
vagre que
les
grandes
ides
d'Origne
et de
Grgoire
de
Nysse
sont
descen-
dues de
leurs
hauteurs inaccessibles la
porte
des
intelligences
moyennes.
Nil,
en
prtant
son
nom,
Maxime
en
donnant
la
garantie
de
son
orthodoxie,
les
Sinates
en continuant
d'aspirer
aux
dlices
de la con-
templation,
n'ont
fait au
fond
que
sauver
les
enseigne-
ments du
moine-philosophe
de
Sct,
jusqu'au
jour
o
Grgoire
le Sinate
viendrait
ranimer
la
flamme
dans
les
monastres
byzantins
et
provoquer
cette
explosion
de
mysticisme que
nous
appelons
l'hsichasme
.
On
voit
tout
l'intrt
qui
s'attache de
telles cons-
tatations,
s'il
est
vrai,
comme
le
pense
et
comme
l'a
prouv
dom
Marsili,
que
l'heure
o
l'unit cultu-
(13)
Hausherr,
dans
Revue
d'Asctique
et
de
Mystique,
..avril
1934,
p.
169-70.
-
8/10/2019 Jean Cassien
33/278
30
JEAN CASSIEN
relie
hellnistique
tait sur
le
point
de se
briser,
Cas-
sien,
en
acceptant
les
ides
d'vagre,
nous transmettait
une
doctrine
de
caractre
grco-oriental
et
jetait
ainsi
le
pont
qui
seul
unit encore deux
peuples
et deux cul-
tures.
Celui
qui
avait
codifi,
l'usage
du
monachisme,,
la
savante
spiritualit
des matres
du
Didascale
alexandrin,
Evagre,
dont
l'uvre,
en
dpit
des
temptes
orignistes,
avait
form de la
sorte
la
vie
spirituelle
des
sicles
suivants,
est
pass,
par
l'uvre
spcialement,
de
Cassien,
galement
en
Occident.
Anonyme,
bien
mieux,
sous
l'ombre
d'un nom
aim,
vagre
est devenu:
ainsi
l'un des
matres
de
la
mystique
occidentale. . .
Nous
pouvons
donc
bien
parler,
avec
Bousset,
d'Evagre
comme
de
l'initiateur et
fondateur
de
la
doctrine
mys-
tique
chrtienne
en
gnral
^*
.
Avant
d'aborder
la
biographie
de Jean Cassien
et
l'expos
de
sa
pense niystique,
il
tait
indispensable
de
runir
ici les
donnes
qui prcdent.
Nous
tenons^
maintenant
l'un
de
nos
plus
utiles
fils directeurs.
Nous,
ne
le lcherons
plus.
Cela nous
obligera
cependant
poser
plus
d'un
problme
auquel
il
sera
malais
de
donner une
rponse
dfinitive.
En
revanche cela
nous-
permettra
d'en
rsoudre d'autres
dont
l'ide
ne
nous
serait
mme
pas
venue
avant
les
tudes
vagriennes
rcentes. Mais on
voit,
ds
prsent,
la
place
de
choix
qui
revient
Cassien
dans la
liste
des
sources
du
mona-
chisme
gyptien.
Toutes
les
autres
sources
numres.
plus
haut,
Athanase
lui-mme et surtout
Palladius,
Rufin
galement
et
les auteurs
de
biographies parti-
culires,
ne
nous
apportent
gure que
des
anecdotes,,
des
rcits
d'austrits
prodigieuses,
ou
de
miracles.
(14)
D.
Salvatore
Marsili,
Giovanni
Cassiano
ed
Evagri
-
8/10/2019 Jean Cassien
34/278
INTRODUCTION
31
tonnants,
tout au
plus
des
mots
,
des
paroles
tan-
tt
profondes,
tantt
naves.
Avec
Jean
Cassien,
tra-
duisant, commentant,
dveloppant
Evagre,
nous
avons
infiniment
mieux
:
une
doctrine,
un
enseignement,
une
spiritualit,
une
mystique
Et
c'est
tout
cela
que
nous
aurons
lui
demander.
Cette tude
est
divise
en
trois
parties
:
I.
L'homme,
le
moine, l'crivain;
IL
La doctrine
asctique
et
mystique;
m.
Le
thologien
contest.
-
8/10/2019 Jean Cassien
35/278
-
8/10/2019 Jean Cassien
36/278
^
Premire Partie
L'HOMME.
LE
MOINE,
L'CRIVAIN
-
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37/278
-
8/10/2019 Jean Cassien
38/278
Chapitre
I
LES
PREMIRES
ANNES
LE NOM
Les
origines
de Jean
Cassien
demeurent
envelop-
pes
de
la
plus
grande
obscurit.
La
date
et
le
lieu
de sa
naissance'
nous
sont
pareillement
inconnus ou
du
moins
nous
ne
pouvons
faire,
leur
sujet, que
des
conjectures
plus
ou
moins fondes.
Son nom mme
est
objet
de discussion.
Sans
doute,
il
est certain
qu'il
s'appelait
Jean
Cassien,
que
le
premier
de
ces
deux
noms
tait
d'usage
courant
pour
le
dsigner.
Au
cours
de la
quatorzime
Confrence,
il
se
fait
interpeller
sous ce
nom
par
l'abb
Nesteros \
Saint
Prosper
d'Aquitaine
dit
positivement,
dans
sa
Chronique
: Le
moine Jean
surnomm Cassien de Marseille
est
tenu
pour
un
crivain
insigne
et
loquent .
Mais,
en
sens
(1)
Et
maxime,
tu
Johannes,
cui
magis
ad
custodienda
haec
quae
dicturus sum aetas
adhuc
adolescentior
suffi
agatur...
,
Conl.
XIV,
9.
(2)
Johannes monachus
cognomento
Cassianus
Massiliae
insignis
et
f
acundus
scriptor
habetur
,
Prosper, Chronique,
MiGNE,
Patrol.
lat.,
t.
LI,
ad
annum
436.
-
8/10/2019 Jean Cassien
39/278
36
JEAN
CASSIEN
contraire,
les manuscrits
de ses
uvres
ne
l'appellent
que
Cassien,
prtre
de Marseille
ou encore
Cas-
sien,
abb
de
Marseille .
Gennadius,
qui
tait
lui-mme
de
Marseille,
le
nomme
tout
simplement
Cassien,
sans
ajouter
le nom de
Jean^
et Cassiodore fait
de
mme.
Aprs
eux,
tous
les
auteurs
les
imitrent*.
Mais
nul
n'a
jamais pu
dire,
si
Cassien
tait,
chez
lui,
un
nom
hrit
de
son
pre,
auquel
celui de
Jean aurait t
ajout
au
baptme
ou lors
de
son
entre dans la
vie
monastique,
ou
bien si
ce
surnom lui
tait
particulier.
Peu
importe
du reste. Nous
l'appelons
aujourd'hui
le
plus
ordinairement
Jean
Cassien
et
son
nom
a
tra-
vers
les
sicles,
l'gal
des
plus
grands.
LA PATRIE
'
.
Obscurit encore
bien
plus grave
en ce
qui
con-
cerne
la
patrie,
c'est--dire
le
lieu
de naissance
de notre
hros.
Si
l'on
n'avait,
pour
s'en
instruire,
que
ses
uvres
et
ce
qu'elles
nous
apprennent
de
sa
vie,
il ne
serait
jamais
venu
personne
le moindre doute
ce
sujet.
Ce
prtre
de
Marseille ou abb de
Marseille,
l'ami
de
saint
Castor,
vque
d'Apt,
le
correspondant
de
saint
Eucher,
de
saint Honort
et
des autres moines des
les
d'Hyres,
n'aurait
jamais
t
considr
que
comme un
(3)
Gennadius,
De
viris
inlustribus,
cap.
62
:
Cassianus,
natione
Scytha,
.
.
,
Migne,
Patrol.
lat.,
t.
LVIII. Nous
auroas
beaucoup
discuter
ce
texte
un
peu
plus
loin.
(4)
Cassiodore,
De
divinis
lectionibus,
praefatio
:
Nec
me
praeterit
eloquentissimum
Cassianum,
in
quinto
Collationum
dixisse
volumine.
.
.
,
et au
chap.
xxix :
Cassianum
presbyte-
rum.
.
.
sedulo
legite
et libenter
audite
.
Migne,
Patrol.
lat,
t.
LXIX.
-
8/10/2019 Jean Cassien
40/278
LES
PREMIRES
ANNES
37
Marseillais
d'origine
ou
du
moins comme
un
Gallo-
Romain
de
Provence.
Au
surplus,
c'est
lui-mme,
dans
sa
vingt-quatrime
et
dernire
Confrence,
qui
nous
apprend
le dsir
qu'il
n'avait
cess
de
nourrir,
aprs
sa
longue
formation
monastique
en
Egypte,
de
revenir
dans son
pays
natal
et
d'y
travailler
y rpandre
l'idal
de
la vie
religieuse.
Ecoutons-le
s'en
expliquer
l'abb
Abraham :
En
notre
me,
chaque jour,
nouveaux
orages
:
nous
nous
sentions
violemment
presss
de
regagner
notre
province
et de revoir nos
parents.
Ce
qui
don-
nait
surtout occasion
ces
dsirs,
c'tait
le
souvenir
de leur
religion
et
de leur
pit.
Ils
ne
mettraient
point
d'empchement
notre
genre
de
vie,
nous nous
en
flattions.
Au
contraire,
nous
tions
sans
cesse
occups
rouler
cette
pense
que
leurs soins
assidus
favori-
seraient
plutt
nos
progrs.
Nul souci des choses
mat-
rielles ni
l'embarras
de
pourvoir
notre subsistance
ne
viendraient
plus
nous
distraire :
eux-mmes,
avec
joie,
nous
fourniraient
absolument
tout
le
ncessaire.
En
outre,
nous
repaissions
notre me de
l'esprance
de
vains
succs.
Notre
imagination
escomptait
une
moisson
merveilleuse;
nous
allions
convertir
quantit
de
gens, que
notre
exemple
et
nos
avis conduiraient
dans la
voie du
salut.
Alors
se
peignaient
nos
regards
les lieux
qui
renferment
le
domaine
hrditaire
de
nos
anctres,
avec
leurs
contours et
la
beaut riante
de
leurs
pay-
sages.
Quelles
tendues
remplies
d'une solitude aussi
douce
qu'opportune. Quel
bonheur
pour
un
moine,
dans le secret des
forts,
mais encore
quelles
facilits
vivre
^
Comme
il est sr
que
Jean Cassien a
pass
au
moins
les
vingt dernires
annes
de
sa
vie
Marseille,
qu'il
y
a
fond deux
monastres,
un
pour
les
hommes.
(5)
Conl.
XXIV,
1. Traduction
de dom
Pichery,
avec
trs
lgres
retouches.
-
8/10/2019 Jean Cassien
41/278
38
JEAN CASSIEN
l'autre
pour
les
femmes,
et ce
dernier trs
probable-
ment
sous
la
direction
de
sa
propre
sur,
il
semble
bien
que
c'est dans
les environs
de Marseille
qu'il
faille
chercher la
proprit
ancestrale
dont
il
est
ici
ques-
tion.
Sans
doute,
l'abb
Abraham
s'lve
vivement,
dans
la
rponse
qu'il
fait aux confidences
de Cassien
et de
son
ami
Germain,
contre
le
dsir
qu'ils
viennent d'ex-
primer.
II
y
voit un
manque
de
gnrosit.
Il
prco-
nise
un
renoncement
plus
entier,
plus
parfait.
Il
donne
en
exemple
les moines
d'Egypte,
dont il
fait
partie.
Eux
aussi,
ils
avaient des
parents,
des
patri-
moines
agrables,
des amis
puissants capables
de leur
venir
en
aide
au
besoin.
Eux
aussi,
ils
auraient
pu
trouver sur les
bords
du
Nil
d'agrables
et commodes
emplacements
pour
leurs cellules.
Dans notre
pays
galement,
dit-il,
il
existe des
retraites
charmantes
:
nous
ne
l'ignorons
pas.
L'abon-
dance des
fruits,
l'agrment
et
la
fertilit des
jardins
nous
y
fourniraient
sans
fatigue
les choses
ncessaires
la
vie,
si
nous
ne
craignions
que
le
reproche
adress
au
riche
de
l'vangile,
ne tombe
aussi
sur
nous
:
Tu
as
reu
ta
consolation
pendant
la
vie
S>.
Toutefois les deux amis
ne se
laissent
pas
con-
vaincre
par
cette
remontrance
plutt
svre
et
Ger-
main,
l'an
des
deux,
insiste
en
ces
termes
:
Mais,
pour
le
voisinage
des
parents,
vous
ne
paraissez
pas
vous-mmes
l'avoir
beaucoup
fui.
Pour-
quoi
nous,
devons-nous
l'viter avec
tant
de
soin ?
Cela
n'est
pas
trs
clair.
Vous
autres,
qui
marchez
sans
reproche
dans
toute
voie de
perfection,
vous
rsidez
bien dans votre
pays
Nous
en
remarquons
mme
plusieurs qui
ne
se sont
pas
retirs trs loin
de leur
(6)
Conl.
XIV,
2
-
8/10/2019 Jean Cassien
42/278
LS
PREMIRES
ANNES
39
propre
bourg.
Ce
qui
ne
vous
est
pas
nuisible,
pour-
quoi
l'estimer contraire
pour
nous
?
'
L-dessus,
l'abb Abraham
se
radoucit.
Il
ne
s'op-
pose
plus
ce
que
Gassien
et
son
ami
Germain
retour-
nent
dans
leur
pays
natal. Il
leur
recommande
seule-
ment
de
bien
mesurer,
leurs
forces.
Et
ce
qu'il
dit
du
pays
en
question,
sans
nous
clairer
positivement
sur
la
rgion
exacte
o il
se
trouve,
offre
pour
nous
quel-
^
que
intrt.
N'oublions
pas
que
c'est
un
gyptien qui
parle
et
qu'il
parle
uniquement
par
ou-dire
:
Vous mettez
ici,
leur
dit-il,
toutes
vos
nergies
physiques
et
morales
combattre
en
bien des
points
le
naturel,
si
je puis
dire,
de votre
patrie.
Mais
exa-
minez
si,
dans
vos
rgions,
roidies
dans
une
torpeur
d'hiver,
ce
qu'on
dit,
et
comme
glaces
par
le froid
d'une
excessive
infidlit,
vous
pourrez
supporter
l'espce
de
nudit
que
vous
voyez
chez
nous.
. . Si vous
dcouvrez
en vous
une constance
gale
et
une
mme
vertu,
vous
n'tes
pas
obligs
non
plus
de
fuir
vos
parents
ni
vos
frres
*
.
L-dessus,
le
bon
vieillard
leur
cite
l'exemple
d'un
autre
moine,
l'abb
Apollon, qui
se
considrait
comme
mort
pour
les
siens.
Et
la
discussion
continue
long-
temps
encore. Mais
il
n'en
ressort
pas
une
conclusion
trs nette. Il
semble
bien
que
l'abb
Abraham,
en
pr-*
conisant
le
renoncement,
ne
soit
pas
oppos
un
ta-
blissement
monastique
dans sa
propre
patrie.
Comme
l'avait
remarqu
Germain,
videmment
approuv
par
Cassien,
qui
rapporte
cet
entretien
mmorable,
c'tait
le
cas
de tous les
moines
gyptiens
ou
presque.
L'im-
mense
majorit
d'entre eux
tait
d'origine
gyptienne.
Donc,
tout
en
pratiquant
une
sparation
rigoureuse
(7)
Ibid.
7,
(8)
Ibid.
8.
-
8/10/2019 Jean Cassien
43/278
40
JEAN
GASSIEN
d'avec le
monde,
tout
en
se
dclarant hautement
mort
au
monde
,
il
n'est nullement
ncessaire
de
changer
de
patrie
pour
se
faire
moine,
sunout
si
l'on
veut
fonder
un
monastre,
ce
qui
ne
peut
gure
se
faire en
dehors
des lieux
o
l'on
est connu
Encore
une
fois,
si
nous
n'avions
que
de
tels
tex-
tes,
aucun
critique
n'hsiterait
au
sujet
de
la
patrie
de
Cassien et de
son
ami.
Cassien s'est
fix
Marseille.
Rien
n'empche
qu'il
se
soit
spar
des siens.
Il
est
probable,
du
reste,
qu'
cette
poque
dj
avance
de
sa
vie,
il
ait
t
priv
de
ses
parents.
Il
s'accuse
quel-
que
part
de n'avoir
su
chapper
ni
sa
sur
ni
l'vque.
Et
cela veut
dire sans
doute
qu'il
regrette
de
s'tre
laiss ordonner
d'une
part,
et,
de
l'autre,
d'avoir
cd
aux
instances
de
sa
sur en fondant
pour
elle
un
couvent
proximit
du
sien
*.
'
Tout
concourt
donc
nous
faire
croire
que
Cas-
sien,
en
venant
fonder
Marseille
le
clbre
monastre
de
Saint-
Victor, revenait tout
simplement,
comme
il
se
l'tait
toujours
propos,
au
lieu de
sa
naissance
ou
dans
la
proximit
de
ce
lieu.
Mais
il
y
a,
cette
conclusion,
une
objection
des
plus graves,
et
cette
objection
n'a
pas
t
leve,
jus-
qu'ici,
d'une
manire
dfinitive. Elle
ne
le
sera
peut-
tre
jamais.
UN
TEXTE
DIFFICILE
Cette
objection,
la
voici
:
ce mme
prtre
de
Mar-
seille,
dont
nous avons
invoqu,
il
n'y
a
qu'un
instant,
le
tmoignage
sur le
nom
de
Cassien,
Gennadius
de
(9)
C'est
un
sentiment
tabli
de toute
antiquit
parmi
les
Pres,
mais
que
je
n'ose noncer
sans
confusion,
moi
qui
n'ai
pu
ni
viter
ma
sur
ni
chapper
aux
mains
de
l'vque, qu'un
-
8/10/2019 Jean Cassien
44/278
LES
PREMIRES
ANNES
41
Marseille,
dit
en
propres
termes
;
Cassien,
Scythe
de
nation,..
Voil
qui
est
catgorique.
La
critique
interne a
beau
tre
insistante,
le
tmoignage
de Genna-
dius
est
sans
rplique.
Gennadius
est
en
eflfet
un
homme
bien
inform,
un crivain
soigneux
et
exact,
un
critique
avis.
Il
tait
de
Marseille,
il
crivait
quelque
cinquante
ans
au
plus
aprs
la
liiort
de Cassien.
Il
tait
par
ailleurs
trs
fier
de
sa
petite
patrie,
tout
prt
lui
annexer les
gloires
qui pouvaient
s'offrir
lui:
Nul
doute
que
si Cassien
avait t
de
Marseille,
il
l'aurait
dit,
il
l'aurait
peut-tre
mme
soulign
avec
empresse-
ment,
d'autant
plus qu'il
partageait
pleinement
les
ides
de
Cassien
sur le
difficile
problme
de la
grce
et
n'avait nulle
envie
de le
dprcier,
en
Provence
ni
en Occident en
gnral,
en le
faisant venir
d'une
rgion
lointaine
et
plus
orientale
qu'occidentale.
Ces
raisons
ont
paru
si
fortes
bon nombre
de
critiques
et
en
par-
ticulier
celui
qui
a,
le
plus
rcemment,
trait
de
ce
petit problme ,
qu'ils
ont
admis
sans
hsiter
que
Cassien
tait
originaire
de cette
province
romaine
que
l'on
appelait
la
Scythie
mineure,
et
qui
n'est
autre
que
la
Dobrogea
roumaine de nos
jours.
Et il
est
certain
que
si
le texte de
Gennade
nous
a
bien
t
conserv,
dans sa
teneur
originale,
il est
impossible
d'chapper
cette
conclusion.
Mais le texte
de
Gennade
est-il
bien
conserv ? Il
y
a de trs
fortes raisons
d'en
douter.
moine
doit
fuir
les
femmes
et les
vques.
Nul
ne
peut
en
effet,
s'il
se laisse enchaner
par,
leur
familiarit,
ni
goter
en
paix
le
repos de
sa cellule
ni
s'attacher,
avec
des
regards
trs
purs
la divine
contemplation par
la
considration
des choses
sain-
tes
,
Instit
XI,
18.
(10)
Henri-Irne
Marrou, professeur
l'Universit de
Lyon,
dans Revue du
Moyen Age
chrtien,
janvier-mars
1945 :
Jean
Cassien
Marseille,
p.
5-26.
L'tude
est du
reste
trs
vigoureuse
et
la
conclusion
trs
affirmative.
-
8/10/2019 Jean Cassien
45/278
42
JEAN
CASSIEN
Le
dernier
diteur de
Gennade,
Richardson
,
recon-
nat
qu'il
s'est trouv
en face d'
un
vrai carnaval
de
variantes
. Et
comme
il
lui
fallait
bien
choisir,
il n'a
retenu
que
sept
manuscrits,
dont
cinq,
les
meil-
leurs
contiennent
bien la
leon
discute.
Au
point
de
vue
de
la
simple
critique
textuelle,
la
question
est
donc
tranche.
Mais
la
critique
textuelle,
quoi qu'on
en
dise,
ne
reflte
que
l'tat de
nos
possessions
manus-
crites.
Elle
ne
suffit
pas
lever
les
doutes
que
la
cri-
tique
tout court
peut
susciter.
On enfonce une
porte
ouverte
quand
on
veut
nous
prouver que
la
Scythie
n'tait
pas
le
moins
du
monde
une
rgion
barbare
,
qu'elle
tait
peuple
de Romains tout aussi
civiliss
que
ceux
du
reste
de
l'empire, qu'elle
tait
chrtienne
depuis
deux
sicles,
au
temps
de
Cassien. Sozomne
nous
apprend
mme
que
cette
province,
rige
vers
290
en
gouvernement rgulier, comptait
de
nombreuses
cits,
donc
plus
d'un
centre de
culture,
alors
mme
qu'elle
n'avait
qu'un
vque
Tomes,
aujourd'hui
Constantsa.
Tout
cela
est
juste.
Mais
le
problme
n'est
pas
l. Il
est
dans
le
texte de Gennadius et nulle
part
ailleurs.
Il
ne
manque
pas
de
cas
o la
critique
tex-
tuelle conclut
en un
sens
et
la
critique
tout court
en
un autre.
Ce
qui
est
troublant,
comme le
remarque
trs
justement
le
pntrant
Tillemont,
au
xyii'
sicle,
c'est
qu'un
Honorius
d'Autun,
au dbut
du xii'
sicle,
reproduisant
in
extenso
la
notice de
Gennadius
sur
Cassien,
la lisait ainsi :
Cassien,
Africain
de
nation,
. . .
Sur
quoi
le
grand critique
observe
:
... il
semble
qu'on
ait
lu
diffremment
dans
Gen-
(11)
Dans les Texte
nnd
Untersuhungen,
de von
Gebha.rt,
XIV,
1,
Leipzig,
1896.
(12)
Patrologie
lat,
t.
CLXXII,
col.
217.
-
8/10/2019 Jean Cassien
46/278
LES
PREMIRES
ANNES
43
iade .
C'est
pourquoi
il
concluait
lui-mme
avec
une
prudence que
l'on
voudrait voir imite
par
tous
ses
admirateurs :
En un
mot,
on a
plusieurs
indices
qu'il
tait
latin
et
de
Provence,
si
Von
veut,
puisque
ce
fut
le
lieu
de
sa
retraite,
sans
que
nous
en
sachions
de
raisons
particulires.
Mais
le
tmoignage
de
Gennade
est
upe
preuve
et
une
preuve
qui
doit,
ce
semble,
l'emporter
sur
tous
ces
indices.
Je
voudrais
que
nous
puissions
croire
que
Gennade
a
voulu
dire
qu'il
avait
t
long-
temps
moine
du
dsert
de
Sct,
nomm
quelquefois
Scythie.
Mais
moins
que
les manuscrits
ne
changent
son
texte,
il
a
voulu
marquer
sa
patrie,
qui
certaine-
ment
n'est
point
Sct
.
UNE
PROVINCE
BIEN
AGITE
Nous
sera-t-il
permis
de
verser
dans
ce
dbat
un
nouvel
argument
?
Il
ne suffit
pas
de
parler
de la
Scy-
thie
en
gnral,
comme
d'une
province
romaine,
o,
sauf sur les
ctes,
la culture
latine
l'emportait
nette-
ment
sur
la
culture
grecque.
Il faudrait
voir
si
au-
del
des
deux
facteurs
tainiens
:
la
race
et
le
milieu,
il
ne
se
trouve
pas
d'objection
de la
part
du
troisime
facteur
:
le
moment.
Or,
la
province
de
Scythie
nous
(13)
Mmoires
pour
servir
l'Histoire
ecclsiastique, pre-
mire dition
de
Venise, 1732,
t.
XIV, p.
739.
(14)
Ibid.
p.
740.
C'est
nous
qui
avons
soulign.
Ce
que
dit
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