article_ofce_0751-6614_1999_num_68_1_1716

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 Michel Forsé Libéralisme et interventionnisme. Analyse comparée des opinions sur le rôle économique de l'État et du gouvernement dans six pays In: Revue de l'OFCE. N°68, 1999. pp. 219-240. Citer ce document / Cite this document : Forsé Michel. Libéralisme et interventionnisme. Analyse comparée des opinions sur le rôle économique de l'État et du gouver nement dans six pays . In: Revue de l'OFCE. N°68, 1999. pp. 219-240. doi : 10.3406/ofce.1999.1716 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1999_num_68_1_1716

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  • Michel Fors

    Libralisme et interventionnisme. Analyse compare desopinions sur le rle conomique de l'tat et du gouvernementdans six paysIn: Revue de l'OFCE. N68, 1999. pp. 219-240.

    Citer ce document / Cite this document :

    Fors Michel. Libralisme et interventionnisme. Analyse compare des opinions sur le rle conomique de l'tat et dugouvernement dans six pays . In: Revue de l'OFCE. N68, 1999. pp. 219-240.

    doi : 10.3406/ofce.1999.1716

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1999_num_68_1_1716

  • AbstractEconomic liberalism and interventionism. A comparative analysis of opinions about the economic role ofgovernment in six countries Economic liberalism and interventionism A comparative analysis of opinionsabout the economic role of government in six countries Michel Forse The analysis of the 1996 ISSPsurvey shows that economic opinions are structured according to two very distinct poles: liberalism andinterventionism, which constitute two attitudes having each one strong internal consistency. TheSpaniards prove to be the most interventionist whereas the Americans are the most liberal. Germans,Swedes, Czechs and Frenchmen are less extreme, but the latter are the closest to the American liberalposition. It is striking that this hierarchy is not correlated with standard indicators of the differentmacroeconomic or political situations. In fact, economic attitudes vary according to longer term factorsthan those involved in the only short term economic or political situation.

    RsumUne analyse compare des opinions sur le rle conomique de l'Etat et du gouvernement dans six payspeut tre mene partir d'un sondage ralis dans le cadre de l'nternational Social Survey Program en1996 ou 1997. Ces opinions conomiques se structurent selon deux ples trs tranchs : libralisme etinterventionnisme, qui constituent deux attitudes ayant chacune une forte cohrence interne. LesEspagnols se rvlent tre les plus interventionnistes, alors que les Amricains sont les plus libraux.Allemands, Sudois, Tchques et Fran ais sont moins radicaux, mais ces derniers sont les plus prochesde la position librale amricaine. Il s'agit l de positions relatives. Dans la plupart des cas, les opinionsinterventionnistes restent majoritaires en France. Elles le sont d'ailleurs souvent aussi aux Etats-Unis.Toutefois, en moyenne et relativement aux autres pays, elles le sont moins. Alors que dans chaquepays les caractristiques politiques ou sociales des enqutes expliquent bien, et de faon assezsimilaire, le degr d'adhsion au libralisme, il est frappant de constater que la hirarchie des paysquant ce degr d'adhsion n'est pas corrle avec des indicateurs courants de conjoncturemacroconomique ou politique. En fait, les attitudes conomiques varient selon des facteurs de pluslong terme que ceux qui sont enjeu dans la seule conjoncture.

  • Revue de l'OFCE n 68 /janvier 1999

    Libralisme et interventionnisme

    Analyse compare des opinions sur le rle

    conomique de l'Etat et du gouvernement

    dans six pays

    Michel Fors Directeur de recherche au CNRS Conseiller scientifique l'OFCE

    Une analyse compare des opinions sur le rle conomique de l'Etat et du gouvernement dans six pays peut tre mene partir d'un sondage ralis dans le cadre de /International Social Survey Program en 1996 ou 1997. Ces opinions conomiques se structurent selon deux ples trs tranchs : libralisme et interventionnisme, qui constituent deux attitudes ayant chacune une forte cohrence interne.

    Les Espagnols se rvlent tre les plus interventionnistes, alors que les Amricains sont les plus libraux. Allemands, Sudois, Tchques et Franais sont moins radicaux, mais ces derniers sont les plus proches de la position librale amricaine, fl s 'agit l de positions relatives. Dans la plupart des cas, les opinions interventionnistes restent majoritaires en France. Elles le sont d'ailleurs souvent aussi aux Etats-Unis. Toutefois, en moyenne et relativement aux autres pays, elles le sont moins.

    Alors que dans chaque pays les caractristiques politiques ou sociales des enqutes expliquent bien, et de faon assez similaire, le degr d'adhsion au libralisme, il est frappant de constater que la hirarchie des pays quant ce degr d'adhsion n'est pas corrle avec des indicateurs courants de conjoncture macroconomique ou politique. En fait, les attitudes conomiques varient selon des facteurs de plus long terme que ceux qui sont enjeu dans la seule conjoncture.

    L'ide selon laquelle le progrs conomique se ralise au travers de l'action publique a en France des racines fort anciennes (Kuisel, 1984), dont l'vocation nous ferait remonter jusqu'au colbertisme, et qui expliquent la persistance de la centralit de la figure de l'Etat (Rosanvallon, 1990). Les annes de forte croissance et de plein emploi qui ont suivi la Seconde guerre mondiale prsentaient toutes les caractristiques pour que l'interventionnisme continue avoir trs largement les faveurs des Franais (Suleiman et Courty, 1997). Au dbut des annes 1980, le retournement de l'opinion a donc t aussi brutal qu'inattendu

  • 220 Michel Fors

    (Duhamel, 1985). Des ides relevant du libralisme conomique trouvaient pour la premire fois un cho favorable. Ce mouvement s'est poursuivi et mme amplifi jusqu'au dbut des annes 1990. En 1993 et 1994, plusieurs enqutes tmoignent en effet d'un relatif reflux. Sans retrouver les niveaux des annes 1960, des indicateurs trs diffrents traduisent cet effritement. Par exemple, en analysant les rponses une question comme Pour faire face aux difficults conomiques, pensez- vous qu'il faille faire confiance aux entreprises et leur donner plus de libert, ou qu'il faille au contraire que l'Etat les contrle et les rglemente plus troitement? , Guy Michelat et Michel Simon (1996) constatent que le terme 'libral' de l'alternative, minoritaire en 1978 et ( un moindre degr) en 1980, devient majoritaire en 1982, culmine en 1986 (65 % contre 26 % 'contrle de l'Etat') et 1990, pour ne plus faire que jeu gal avec l'option contraire en 1994 (44 % contre 45 %) .

    Le libralisme conomique ne se confond pas avec le libralisme culturel. Ils concernent des populations en majorit diffrentes socialement ou politiquement, mais les deux ont au total, et malgr ce dernier revirement, progress au cours des trente dernires annes, marquant de ce fait le progrs d'un systme de valeurs anti-autoritaires (Grunberg et Schweisguth, 1990). Les Franais demandent toujours l'Etat d'assurer son rle protecteur, mais ils critiquent de plus en plus les excutifs lorsqu'ils prennent des mesures ou adoptent des rformes sans concertation pralable avec ceux qui sont concerns (Hrault et Lapeyronnie, 1998). Comme le note Denis Olivennes (1997) partir d'un sondage ralis en 1996, 72 % des personnes interroges pensent que la rforme de l'Etat est urgente.

    Compte tenu de ces volutions, les Franais sont-ils aujourd'hui en matire d'opinions conomiques dans une position aussi originale que certains le pensent? En comparant les rponses un sondage ralis de manire identique dans vingt-cinq pays en 1996 ou 1997, notamment sur ce thme de l'intervention conomique de l'Etat, il va tre possible de mieux cerner cette position. Pour simplifier et pour des raisons de disponibilit de donnes, nous ne retiendrons dans cette tude que six pays, outre la France (avec un chantillon de taille n gale 1312) : l'Allemagne (n = 3 518), l'Espagne (n = 2494), la Sude (n = 1238), la Tchquie (n = 1 100) et les Etats-Unis (n = 1 332) - voir l'annexe pour la description technique de cette enqute.

    L'emprise de l'Etat sur trois secteurs conomiques

    Une premire srie de questions concerne l'emprise conomique de l'Etat. Doit-il grer l'lectricit, les hpitaux et les banques ou faut-il recourir au secteur priv ? Pour une majorit de Franais (74 % de ceux qui se prononcent), les banques devraient relever du secteur priv. Il en

  • Opinions sur le libralisme et l'interventionnisme 221

    va de mme, quoique dans une mesure un peu moindre (57 %), de l'lectricit. En revanche, 71 % pensent que le secteur hospitalier est de la comptence de l'Etat.

    Le type de commune de rsidence et le sexe n'introduisent pas de fortes diffrences d'apprciation. Tout au plus, les hommes et les urbains penchent davantage que la moyenne pour une gestion prive des banques. Il en va de mme des plus jeunes, y compris pour l'lectricit, mais l'avance en ge est davantage corrle avec le choix d'une gestion prive des hpitaux. Plus on est droite, plus on souhaite dans tous les domaines une privatisation. Les indpendants et les cadres y sont les plus favorables. Ensuite, cette attitude dcline mesure que l'on descend dans la hirarchie socioprofessionnelle des salaris.

    Les autres pays membres de l'Union europenne prsentent un profil identique celui de la France pour la gestion des hpitaux et des banques (tableau 1). Le contraste est moins fort en Espagne pour les banques (56 % pour le priv, parmi ceux qui ont une opinion) ou beaucoup plus accentu en Sude pour les hpitaux (6 % pour le priv). En revanche, contrairement la France, ces autres pays prfrent confier l'lectricit l'Etat. La Tchquie fait davantage confiance l'Etat dans tous les domaines (avec des scores de l'ordre de 80 %), tandis qu' l'autre extrme les Amricains prfrent peu prs dans les mmes proportions et dans tous les cas une gestion prive. Au total, la France s'avre ici tre le pays d'Europe le plus proche de la position librale amricaine.

    1. Degr d'approbation d'une gestion prive plutt qu'tatique dans trois secteurs conomiques selon les pays

    En %, parmi ceux qui se prononcent * Electricit Hpitaux Banques

    France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    * Ceux qui ne se prononcent pas ou ne peuvent choisir entre une gestion prive ou publique reprsentent respectivement pour l'lectricit, les hpitaux et les banques, en France 7, 8 et 11 % de l'ensemble des enqutes, en Allemagne 14, 11 et 16 %, en Espagne 24, 15 et 25 %, en Sude 13, 7 et 17 %, en Tchquie 9, 5, et 9 % et aux Etats-Unis 12, 13 et 13 %. Source : Enqutes ISSP 1996 (1997 pour la France).

    56,6 46,7 38,7 35,7 18,9 79,7

    29,1 29,5 20,8 6,2

    16,9 73,8

    74,2 63,0 55,5 63,3 24,3 77,9

  • 222 Michel Fors

    Les domaines de l'intervention conomique

    Ceci n'empche pas les Franais de penser une trs large majorit (environ 80 % et plus de ceux qui ont une opinion) qu'il incombe au gouvernement de contrler les prix, d'assurer les soins de sant, de donner un niveau de vie dcent aux personnes ges et aux chmeurs, de donner des bourses aux tudiants issus des milieux les plus dfavoriss, de rduire les carts entre riches et pauvres, d'assurer un logement dcent aux plus dmunis, de faciliter le dveloppement industriel tout en imposant des lois strictes pour prserver l'environnement, de soutenir financirement la cration d'emploi et les industries pour dvelopper des technologies nouvelles. Ils sont un peu moins nombreux, mais tout de mme 73 %, souhaiter que le gouvernement trouve les moyens de garantir un emploi chacun. Ils sont moins srs (66 %) qu'il revient au gouvernement d'assouplir la rglementation du commerce et des affaires ou (70 %) qu'il faille soutenir les industries en difficult pour sauver les emplois qui y sont menacs. Mais c'est finalement, dans ce contexte trs interventionniste, l'opinion selon laquelle le gouvernement devrait contrler les salaires qui recueille le moins de suffrages (53 %). Juste aprs (59 %), et donc parmi les mesures les moins populaires, vient l'ide que le gouvernement devrait rduire la dure du travail pour crer des emplois nouveaux.

    D'une manire gnrale, moins on est diplm ou plus on est proche des catgories populaires, plus on est interventionniste. Bien sr cette attitude est d'autant plus frquente que l'on est gauche. Les femmes apparaissent galement plus interventionnistes que les hommes. Elles sont 64 %, contre 52 % des hommes, penser que le gouvernement devrait rduire la dure du travail. Les indpendants sont plus libraux, bien que les agriculteurs soient favorables au contrle des prix. L'ge ne joue pas systmatiquement dans le mme sens. Plus on est g, plus on soutient l'ide d'un contrle des prix ou des salaires, mais dans la plupart des cas plus on est jeune, plus on est interventionniste.

    Ces corrlations montrent que les termes de libralisme et d'interventionnisme utiliss ici ne sont pas entendre en un sens strictement doctrinal. L'adhsion l'interventionnisme est le fait des groupes sociaux les plus fragiles conomiquement. Elle traduit donc un besoin de protection. C'est d'ailleurs moins la doctrine de tel ou tel conomiste ou groupe d'conomistes qu'une attitude d'ensemble vis--vis des problmes conomiques que vise l'un ou l'autre de ces deux termes.

    A l'instar de la France, tous les pays d'Europe penchent pour les mesures interventionnistes, l'Espagne tant le plus radical. Une mesure comme le contrle tatique des salaires y est davantage approuve qu'ailleurs. Il en va de mme pour le soutien aux entreprises en difficult, qui est en revanche une mesure trs dsapprouve par les Tchques. Les Sudois sont ceux qui souhaitent le plus une rduction de

  • Opinions sur le libralisme et l'interventionnisme 223

    la dure du travail, rduction sur laquelle les Espagnols sont d'ailleurs plus rservs. Comme prcdemment, les Amricains sont les plus libraux, bien que sur la majorit des questions les rponses interventionnistes l'emportent. Ils ont peu prs la mme attitude que les Sudois pour ce qui est du soutien aux industries en difficult, mais ils rejoignent les Tchques pour rejeter la rduction de la dure du travail (tableau 2).

    2. Opinions sur le soutien aux entreprises en difficult et la rduction de la dure du travail selon les pays

    En%

    France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    Oui

    67,2 67,5 78,3 49,8 36,3 47,7

    Oui

    57,2 51,3 47,4 59,5 21,5 26,7

    Soutenir les industries en difficult Non

    14,5 15,2 5,4

    21,7 36,9 24,7

    Rduire la Non

    25,0 24,4 24,4 18,4 46,2 42,3

    Ni Oui, Ni Non

    15,3 15,1 10,6 25,1 20,2 24,5

    dure du travail Ni Oui, Ni Non

    15,4 22,2 16,8 19,2 25,4 28,2

    Ne se noncent pas

    3,0 2,2 5,7 3,4 6,6 3,2

    Ne se noncent pas

    2,4 2,1

    11,3 2,8 6,9 2,8

    Source : Enqutes ISSP 1996 (1997 pour la France).

    Les dpenses publiques

    Cette attitude relativement interventionniste dans tous les pays n'empche pas les enqutes de souhaiter que l'Etat rduise ses dpenses. Mais tous les secteurs du budget ou de l'conomie ne sont pas galement touchs par ce souhait.

    En France, dpenser plus pour la dfense (8 % sont d'accord), la culture (15,3 %), les allocations de chmage (24,3 %), les retraites (37,4 %), la police (40,5 %) ou l'environnement (42,9 %) recueillent une minorit de suffrages parmi ceux qui ont une opinion. En revanche, la sant (52,1 %) et surtout l'ducation (62,9 %) apparaissent comme des secteurs prioritaires qui ncessitent une augmentation des budgets qui leur sont d'ores et dj consacrs.

  • 224 Michel Fors

    Education, culture et environnement sont d'autant plus priss que l'on est jeune. La sant et les allocations de chmage sont surtout le souci des ges intermdiaires, tandis que les retraites, la police et la dfense ont davantage les faveurs des plus de 60 ans. Le dsir de voir les postes budgtaires de l'environnement et de la culture s'accrotre est peu prs d'autant plus fort que le niveau de diplme est lev. La relation est inverse pour les autres dpenses. Un effort supplmentaire pour l'ducation fait l'objet d'un consensus (sauf chez ceux qui ont quitt l'cole avant le lyce ou les plus diplms du suprieur) . Parmi les salaris, l'effet de la catgorie socioprofessionnelle va relativement dans le mme sens que celui du diplme, mais ce sont les employs et les professions intermdiaires qui rclament le plus une augmentation des dpenses pour l'ducation. Les indpendants sont peu favorables l'augmentation des dpenses de l'Etat, bien que les agriculteurs plaident pour un accroissement du budget de la police ou de l'arme et soient surtout sensibles une augmentation des retraites. Le sexe n'introduit pas de diffrences d'apprciation en ce qui concerne l'environnement, la sant ou les retraites, mais les hommes sont plus nombreux vouloir une augmentation des dpenses pour la police ou l'arme, alors que les femmes accordent la priorit l'ducation, la culture et aux allocations de chmage. Le type de commune de rsidence n'entrane pas d'carts de rponses forts. On note toutefois une tendance demander davantage de dpenses pour l'art, l'ducation et l'environnement chez les urbains, alors que les ruraux prfrent voir crotre les autres postes, notamment la sant et les retraites. Sauf en ce qui concerne la police ou l'arme, les sympathisants des partis de gauche et cologistes sont davantage favorables une augmentation des dpenses que ceux des partis de droite.

    En moyenne, la France est encore une fois le pays d'Europe le plus proche des Etats-Unis. Les niveaux comme les rangs de classement des diffrents postes de dpenses sont assez proches. Les Amricains sont plus nombreux souhaiter une augmentation des dpenses pour l'arme ou la police, mais au premier rang de leurs proccupations viennent galement l'ducation et la sant. Ce dernier poste est d'ailleurs au premier ou au deuxime rang dans tous les pays. Les Sudois, les Espagnols et les Tchques sont plus soucieux de leur retraite que les autres. Les Allemands se distinguent par le fait qu'ils placent en premier les dpenses pour la police. Comme en Tchquie, les proccupations concernant l'environnement dpassent celles concernant l'ducation. Dans cinq des huit cas possibles, une majorit d'Espagnols souhaite une augmentation des dpenses de l'Etat - ce qui reprsente le score le plus lev.

    Dans le mme temps, lorsqu'ils expriment une opinion, ils sont 85 % vouloir que l'Etat rduise d'une manire gnrale ses dpenses, alors que les Tchques ne sont que 55 % et les Sudois 58 %. Ils rejoignent ainsi les Amricains (83 %) et les Allemands (84 %) , mais sont surclasss par les Franais (92 %) qui, sur cette question de la rduction des dpenses publiques, apparaissent finalement comme les plus revendicatifs.

  • Opinions sur le libralisme et l 'interventionnisme 225

    3. Opinions sur l'augmentation des dpenses publiques

    Pourcentages de rponses favorables par secteur et pays, relativement ceux qui mettent un choix *

    France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    nement

    42,9 58,1 65,7 52,9 68,7 49,6

    Sant

    52,1 59,4 79,6 76,6 82,8 67,6

    Ordre, public Police 40,5 62,2 64,6 46,8 43,2 58,0

    Educa -tion

    62,9 54,0 74,3 58,7 67,7 77,4

    Dfense, Arme

    8,0 7,3

    15,4 13,7 11,8 21,3

    RetraiteAllocations

    37,4 49,3 67,5 56,9 66,7 50,8

    de chmage

    24,3 37,6 53,5 42,7 19,7 28,3

    Art et culture

    15,3 18,2 46,7 14,7 28,4 15,8

    * Ceux qui ne peuvent choisir ou ne se prononcent pas reprsentent selon les questions en France de 3 6 % des enqutes, en Allemagne de 4 7 %, en Espagne de 5 1 1 %, en Sude de 3 6 %, en Tchquie de 2 7 % et aux Etats-Unis de 4 7 %. Source : Enqutes ISSP 1996 (1997 pour la France).

    4. Opinions sur la rduction des dpenses de l'Etat selon le pays

    En%

    France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    Oui

    89,4 82,2 76,5 56,1 47,9 80,9

    Non

    2,7 4,5 5,9

    19,6 14,0 5,7

    Ni Oui, Ni Non

    4,4 10,9 7,5

    20,4 25,9 10,4

    Ne se noncent pas

    3,5 2,4

    10,1 3,9

    12,2 2,9

    Source : Enqutes ISSP 1996 (1997 pour la France).

    Les quilibres conomiques et les choix budgtaires

    A la question si le gouvernement pouvait choisir soit de rduire les impts, les taxes et les prlvements (cela pouvant entraner une rduction des dpenses sociales), soit d'augmenter les dpenses sociales (cela pouvant entraner une augmentation des impts et des taxes), que devrait-il faire selon vous? , 76 % des Franais ayant une opinion (ces derniers reprsentant 78 % des enqutes) rpondent qu'ils prfrent la rduction d'impt. Ce choix est davantage celui des jeunes, des moins diplms, des indpendants et des catgories populaires. Il est majoritaire chez les sympathisants des partis de droite alors que l'autre terme de l'alternative l'est chez les sympathisants des partis de gauche ou cologistes.

    Une autre question, qui n'est pas pose dans tous les pays, formule le choix de manire diffrente. On suppose ici que le niveau des prlvements divers reste inchang. Dans cette hypothse, il n'y a plus que 53 % des Franais ayant une opinion (soit 80 % des enqutes) qui choisissent la rduction des dpenses sociales pour lutter contre le dficit public,

  • 226 Michel Fors

    alors que les 47 % restant prfrent le maintien des dpenses sociales actuelles, mme si le dficit public reste ce qu'il est. Il est donc clair que l'on opte pour la diminution des dpenses de l'Etat beaucoup plus en raison de la baisse des impts qu'on en attend personnellement que pour rduire les dficits macroconomiques.

    Ensuite, si le gouvernement pouvait choisir, 81 % pensent qu'il devrait en priorit prendre des mesures pour rduire le chmage plutt que l'inflation. Les Espagnols, et dans une mesure moindre les Amricains, pensent la mme chose. En sens inverse, pour les Allemands comme pour les Tchques, la priorit va la lutte contre l'inflation. Les Franais sont seuls penser en majorit qu'il vaut mieux rduire le dficit public que de maintenir leur niveau actuel les dpenses sociales. Ils ne sont rejoints que par les Allemands et les Sudois, mais de faon beaucoup moins consensuelle, pour penser qu'il vaut mieux rduire les impts et les taxes que d'augmenter les dpenses sociales. Les Espagnols, les Tchques et mme les Amricains pensent le contraire.

    5. Opinions sur la politique conomique dans trois domaines selon les pays

    En % de rponses favorables parmi ceux qui mettent un choix *

    France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    Rduire les impts plutt que

    d'augmenter les dpenses sociales

    76,3 59,5 43,7 56,0 40,0 40,1

    Lutter contre le chmage plutt que rduire l'inflation

    81,3 40,8 78,5 n.d. 35,1 53,0

    Rduire le dficit public plutt que de maintenir les dpenses sociales

    52,6 n.d. 42,2 n.d. 43,3 36,9

    * Ceux qui ne peuvent choisir ou ne se prononcent pas reprsentent dans l'ordre des colonnes du tableau 5 en France 22, 8 et 19 % des enqutes, en Allemagne 27 et 19 %, en Espagne 24, 13 et 30 %, en Sude 22 %, en Tchquie 32, 20 et 23 % et aux Etats-Unis 24, 16 et 19 %. Source : Enqutes ISSP 1996 (1997 pour la France).

    La justice fiscale

    Le questionnaire aborde d'une dernire manire les opinions en matire conomique par une srie de trois questions sur la justice fiscale. Il s'agit de juger si les impts sont trop levs ou pas assez pour les personnes hauts, moyens ou bas revenus. La comparaison entre pays montre de plus faibles divergences que sur les questions tudies prcdemment. Dans tous les pays, on trouve une majorit relative pour penser que les impts sur les revenus levs sont trop faibles et une majorit absolue pour penser que ceux sur les revenus moyens (sauf en Tchquie et Sude) ou bas sont trop lourds. Il semble donc assez gn-

  • Opinions sur le libralisme et l'interventionnisme 227

    ralement peru que les revenus les plus levs peuvent bnficier de diverses possibilits d'vasion fiscale qui ne sont gure accessibles aux revenus moyens ou modestes.

    Pour les plus hauts niveaux de revenus, l'opinion penche davantage pour une imposition trop faible en Allemagne, Espagne et Sude, tandis que parmi ceux qui se prononcent, cet avis ne recueille pas la majorit absolue aux Etats-Unis, en France et en Tchquie. Pour les revenus moyens, la Sude et la Tchquie font figure d'exception puisqu'on y juge majoritairement que les taux d'imposition sont corrects. Dans tous les autres pays, l'instar de ce que l'on trouve pour les bas revenus, ils sont considrs comme trop levs. Si l'on s'en tient aux hauts et bas revenus, l'Allemagne, la Sude et l'Espagne ont des avis relativement diffrents de ceux rencontrs majoritairement aux Etats-Unis, en France et en Tchquie. Pour le premier groupe de pays, il y a encore trop d'injustice fiscale, tandis que ce sentiment est moins fort dans le second groupe, surtout aux Etats-Unis, la France tant encore une fois le pays d'Europe qui en est le plus proche. En France comme aux Etats-Unis,

    6. Opinions sur la justice fiscale selon les pays

    En %, parmi ceux qui mettent un choix * Les impts sont pour les hauts revenus France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis Les impts sont pour les revenus moyens France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis Les impts sont pour les bas revenus France Allemagne Espagne Sude Tchquie Etats-Unis

    trop levs

    30,2 15,1 20,6 18,2 17,2 36,9

    trop levs

    79,4 52,9 59,7 42,4 36,7 66,1

    trop levs

    75,7 84,5 83,0 82,3 78,2 65,1

    comme il faut

    22,3 24,9 28,2 19,4 34,0 24,3

    comme il faut

    18,5 43,7 36,4 54,4 56,7 31,6

    comme il faut

    19,1 15,1 14,6 16,8 20,0 30,5

    trop faibles

    47,5 60,0 51,2 62,4 48,8 38,8

    trop faibles

    2,1 3,4 3,9 3,2 6,6 2,3

    trop faibles

    5,2 0,4 2,4 0,9 1,8 4,4

    * Ceux qui ne peuvent choisir ou ne se prononcent pas sont, dans l'ordre des trois questions reprsentes au tableau 6, en France 7, 2 et 5 % des enqutes, en Allemagne 12, 9 et 8 %, en Espagne 20, 15 et 12 %, en Sude 7, 7 et 6 %, en Tchquie 16, 13 et 12 % et aux Etats-Unis 9, 7 et 10 %. Source : Enqutes ISSP 1996 (1997 pour la France).

  • 228 Michel Fors

    on pense davantage qu'ailleurs que les taux d'imposition sur les hauts revenus sont trop levs et c'est aussi dans ces deux pays qu'ils sont le moins fortement ressentis comme trop pesants sur les faibles revenus.

    Ces opinions ne sont pas, il est vrai, galement partages par tous les groupes sociaux. En France, ce sont les plus jeunes et les plus gs qui considrent que les taux d'imposition sont trop levs pour les hauts revenus, alors que pour les faibles revenus ce sentiment crot avec l'ge. Plus on monte dans la hirarchie socioprofessionnelle des salaris ou dans celle des diplmes, plus on trouve que les hauts revenus sont trop taxs et moins on le pense des bas revenus. Les agriculteurs ne se distinguent pas fortement de la moyenne, alors que les autres indpendants sont encore plus radicaux que les cadres suprieurs. La tendance trouver que les bas revenus sont trop imposs s'accrot chez les sympathisants de partis de gauche, des cologistes et surtout (88 %) du Front National. Elle s'accrot au contraire pour les hauts revenus chez les sympathisants des partis de droite (FN, puis UDF, puis RPR). Les diffrences d'apprciations selon le sexe sont assez faibles. C'est surtout en ville que les impts sont jugs trop lourds pour les revenus levs, et la campagne pour les revenus faibles.

    Une analyse d'ensemble

    Au total, il existe indubitablement, dans tous les pays, une opposition entre attitudes librales et interventionnistes, mais un autre clivage struc- ture-t-il l'ensemble des opinions conomiques qui viennent d'tre examines? Une analyse factorielle des correspondances multiples va permettre de le dterminer.

    En France, elle montre que cela ne semble pas tre le cas. Les deux premiers axes factoriels expliquent trs ingalement l'inertie totale du nuage de points. Le premier axe (horizontal sur la graphique 1) en reprsente 46 % et le deuxime, seulement 6 %. Les axes suivants en reprsentent encore moins. Nous ne nous y attarderons donc pas.

    Le premier axe oppose, sans aucune exception, les opinions interventionnistes ( gauche sur le graphique 1) aux opinions librales ( droite sur le graphique 1). Sur le deuxime axe, qui donc correspond une structuration de l'opinion beaucoup moins forte, on voit tout de mme se dessiner, au sein de l'interventionnisme, un clivage entre des thmes scuritaires (en bas du graphique 1 : augmentation des dpenses pour l'arme et la police) et des thmes lis la promotion d'une certaine qualit de vie (en haut du graphique 1 : augmentation des dpenses pour l'art, la culture, la dfense de l'environnement, et dans une moindre mesure, puisque plus proche du centre, rduction de la dure du travail, qui peut aussi s'interprter comme le souhait de pouvoir consacrer davantage de temps aux loisirs) .

  • 1. Analyse factorielle des correspondances m

    ultiples entre opinions conom

    iques en France

    extr-iuuiche no rduire dp Etat

    no assouplir rgle ' rduire dp Etat

    ijnpot+ dPens art moy imp =

    dficit =/

    socialiste lec tat

    moy imp - ? as

    rduire dure t sup imp -

    + d rduire ing

    + loge pau + rduire ing

    banque tat + dpens sant control salai

    + eara + dpens alloc chom ss diplme

    + dpens

    no control prix no soutenir industrie techno

    - control prix no soutenir industrie emploi

    no financer cration emploi arantir emploi dpens retraite

    _ 3age

    ntrol salaire bas imp - - dpens sant

    - sant - rduire ini;

    - lose pauvre - alloc chom

    "-"dpens duc

    no rduire ing - bourse - loi environ

    pens alloc chom no rduire dure trav

    - dpens environment

    fn - dpens arme

    Lgende : La signification des libells abrgs utiliss dans ce graphique est donne en annexe. Les segments de droite qui relient les diverses modalits des variables supplmentaires sont seulement des aides la lecture.

  • 230 Michel Fors

    Cette structuration des opinions conomiques en deux ples trs tranchs, le long d'un premier axe factoril reconstituant une forte part de l'inertie totale, se retrouve dans les cinq autres pays. La deuxime dimension est partout beaucoup moins importante et elle oppose surtout ceux qui mettent une opinion, qu'elle soit librale ou non, aux indcis - distinction qui correspond en France au troisime axe factoril.

    Le fait qu'il n'y ait qu'un seul clivage important est confirm par une analyse post-factorielle effectue avec la mthode du logiciel tri-deux. Les modalits de rponse du graphique 1 sont relies deux deux par des segments de droite classs par ordre dcroissant d'importance selon l'indicateur (PEM) du pourcentage de l'cart maximum l'indpendance (Cibois, 1993).

    En se limitant aux 340 liaisons les plus significatives, nombre suffisant pour que toutes les modalits de rponses apparaissent, le graphique 2 montre qu'il ne se forme que deux paquets de traits, l'un gauche et l'autre droite de ce graphique, entre lesquels il n'y a aucun passage. Il y a donc deux mondes bien distincts et seulement deux. Un rsultat aussi net n'tait pas acquis d'avance, puisqu'a priori on aurait pu imaginer de multiples configurations de liens entre rponses au questionnaire. Cette structure bipolaire l renforce l'ide selon laquelle le libralisme et l'interventionnisme constituent deux attitudes ayant chacune une forte cohrence interne.

    Il y a toutefois des attitudes qui sont plus consensuelles, celles qui sont au centre du graphique factoril, et d'autres qui le sont beaucoup moins, celles qui sont l'extrme droite ou l'extrme gauche de ce graphique. L'ducation apparat ainsi comme un domaine d'intervention de l'Etat beaucoup plus facilement approuv que d'autres. Il faut en arriver une position ultra-librale pour prner une baisse du budget de l'ducation ou une diminution des bourses alloues aux tudiants. A l'autre extrme, rclamer une hausse des impts, une nationalisation des banques ou une augmentation des allocations de chmage font figure de positions ultra-interventionnistes.

    La projection des positions sociales, dmographiques et politiques en variables supplmentaires permet de dterminer quelles catgories de population s'associent aux diffrentes opinions. Comme le montre le graphique 1, les sympathisants des cologistes et des partis de gauche sont interventionnistes alors que ceux des partis de droite sont libraux. L'ge, le sexe et le niveau d'urbanisation de la commune de rsidence, dont les diffrentes modalits restent proches du centre, sont moins explicatifs de ce clivage que la catgorie socioprofessionnelle ou le niveau de diplme.

    1. D'un strict point de vue mthodologique, on notera qu'une telle structure n'aurait que peu de chances d'apparatre partir de donnes de moins bonne qualit.

  • 2. Reprsentation des 340 liaisons les plus im

    portantes (selon le PEM

    ) entre m

    odalits de rponse telles qu 'elles figurent au graphique 1

    NO

    y\

    7 KEDLI IPlI ' ' V

    1 '

    + JTi P O ^

    ^

    |

    ^?

    \ REDUIRE

    DEP ETflT

    HP

    s

    m

    \i flSSOLIPLIR

    REGLE

    ETRT

    vA \\ +NDEPENS EW

    UggpEMi

    ai

    iPETHS RETRfllTE

    3EPENS RRHEE

    n o aj3 i-jUT-Bit^- i1rjifef^J?fi e"3 't t

    __ -" ytttr*:^UTEHlK'1 IN

    DUSTRIE

    &3^^"'

    ' lm

    FINRNCER CRERT

    ^M^SH

    i^=f^^Pl% F ETRfliTlflGE

    ^^^JJ^^^S

    ENUIRONhENT

    EH

    ION

    Lgende : La signification des libells abrgs utiliss dans ce graphique est donne en annexe. A titre d'exemple, le trait qui relie, en haut gauche, no rduire dp Etat et + impt signifie qu'il existe un lien, qui compte parmi les 340 les plus importants, entre penser qu'il ne faut pas que l'Etat rduise d'une manire gnrale ses dpenses et souhaiter une augmentation des dpenses sociales mme si cela conduit une augmentation des impts et des taxes.

  • 232 Michel Fors

    A mesure que celui-ci s'lve ou que l'on monte dans la hirarchie des salaris, on passe de la thmatique scuritaire celle concernant la qualit de vie , mais surtout de l'interventionnisme au libralisme. Plus proches du thme scuritaire , ou de mesures telles que le contrle des prix, les agriculteurs apparaissent seulement un peu moins libraux que les cadres suprieurs, eux-mmes l'tant d'ailleurs moins que les artisans, commerants ou chefs d'entreprise.

    Comment se situent en moyenne les diffrents pays vis--vis de cette opposition entre libralisme et interventionnisme ? Il suffit pour le savoir d'effectuer une analyse factorielle des opinions conomiques considres dans tous les pays simultanment et de projeter en variable supplmentaire, dans ce nouvel espace factoriel, la variable pays (graphique 3). Dans cette analyse d'ensemble, le premier axe continue de surclasser nettement les autres dimensions et de distinguer libraux et interventionnistes. Le deuxime axe oppose ceux qui ne se dterminent pas dans un sens ou un autre ceux qui ont une opinion. Comme prcdemment et pour les mmes raisons, il ne sera pas ncessaire de se proccuper des dimensions factorielles suivantes.

    La Sude, l'Allemagne et la Tchquie sont la fois plus proches du centre du graphique et plus proches des items rvlant une certaine indcision, voire un certain conservatisme lorsqu'il s'agit des dp enses. Aux Etats-Unis, en France et en Espagne, les enqutes ont plus facilement une opinion tranche. L'Espagne apparat comme le pays le plus interventionniste et les Etats-Unis comme le plus libral. A l'instar de la Sude, de l'Allemagne et de la Tchquie, la France est plus proche du centre, mais elle est aussi le pays d'Europe le moins loign de la position librale amricaine.

    Il ne faut pas se mprendre sur l'interprtation de ce rsultat. Il s'agit ici de position relative et non absolue. Sauf en ce qui concerne les dpenses publiques, les opinions interventionnistes restent majoritaires en France et elles le sont d'ailleurs souvent aussi aux Etats-Unis, mais en moyenne et relativement aux autres pays, elles le sont moins.

  • 3. Analyse factorielle des correspondances m

    ultiples entre opinions conom

    iques dans six pays

    assouplir rg

    Sude moy ii

    Allemagne

    Tchquie hpital tat

    rduire ing , -undasa banquedSto W

    ree -P"W5p<

    + dpens retraite + Espagne +- dpens alloc chom

    + dpens art

    ? control prix ire dp Etat

    ? fjnancer c,atjon emploi ? soutenir industrie techno

    ontrol salaire? soutenir industrie emploi

    s? rduire dure trav

    ? dpens duc ? rduire ing

    ? dpens sant ? dpens police

    ? dpens alloc chom? dpens retraite

    ? dpens environment dpens art p =

    ? dpens armebas imp =

    sup imp =

    iens arme banque prix

    - garantir emploi rduire ing

    -de?\?pWvFtats-Unis

    i emploiaidis-uiu

    idimtnBidp~

  • 234 Michel Fors

    Conclusion

    Alors que dans chaque pays les positions politiques et sociales, notamment le niveau de diplme et la profession, expliquent bien et de faon assez similaire, le plus ou moins grand degr d'adhsion au libralisme conomique, il est frappant de constater que la hirarchie des pays (telle qu'elle ressort du graphique 3) n'est pas sur ce point corrle avec des indicateurs macroconomiques comme la richesse nationale ou le taux de chmage. Elle n'est d'ailleurs pas non plus corrle avec la nature politique du gouvernement en place. Les Espagnols, qui sont les plus interventionnistes, ont lu un gouvernement de droite, les Amricains, qui sont les plus libraux, ont un prsident dmocrate et les Franais, qui en sont les plus proches, venaient d'lire, juste avant que le sondage ne soit men, un gouvernement de gauche. Les facteurs qui expliquent un rsultat lectoral sont vraisemblablement trop nombreux et complexes pour que celui-ci s'avre tre le fruit des seules opinions conomiques. L'absence de lien est tout de mme assez intriguante.

    Des tudes antrieures nous avaient dj appris que le libralisme conomique tait largement autonome vis--vis du libralisme culturel, cette analyse comparative montre qu'il l'est galement vis--vis de la conjoncture macroconomique ou lectorale des diffrents pays Sans doute cela signifie-t-il que les opinions conomiques varient aussi selon des facteurs de plus long terme que ceux qui sont en jeu dans la seule conjoncture.

    Les rponses une question de ce sondage accrditent cette thse en montrant la prgnance de l'histoire conomique nationale. Comment expliquer, qu'en dpit de la monte du chmage qui svit en Allemagne depuis le dbut des annes 1990 et alors que l'inflation est reste modeste, une majorit d'Allemands dclare que, si le gouvernement pouvait choisir, il vaudrait mieux qu'il lutte contre l'inflation que le chmage? Ce n'est pas par dfaut de connaissance conomique. Les principales grandeurs conomiques et leurs variations sont en gnral bien perues par les populations (Fors et Mucchielli, 1998). N'est-ce pas plutt parce que l'inflation de la priode de Weimar a entran les funestes consquences que l'on sait qu'il apparat encore aujourd'hui prfrable, bien que le problme du chmage soit plus aigu, d'viter tout prix une politique conomique qui laisserait entrevoir la possibilit d'une drive inflationniste? Si cette explication a au moins partiellement une certaine validit, il ne faut pas s'tonner que les opinions conomiques nationales ne soient pas seulement une question de conjoncture de court ou moyen terme.

  • Opinions sur le libralisme et l 'interventionnisme 235

    Rfrences bibliographiques

    Cibois Ph., 1993 : Le PEM, pourcentage de l'cart maximum : un indice de liaison entre modalits d'un tableau de contingence , Bulletin de Mthodologie Sociologique, n. 40, p. 43-63.

    Duhamel O., 1985 : Libraux-socialistes-conservateurs : les volutions idologiques des Franais , in SOFRES, Opinion publique 1985, Paris, Gallimard, p. 89-103.

    Grunberg G., Schweisguth E., 1990 : Libralisme culturel et libralisme conomique , in CEVIPOF, L'lecteur franais en question, Paris, Presses de la FNSP, p. 45-68.

    Fors M., Mucchielli L., 1998 : Diffusion d'une vision conomique de la socit , in Louis Dirn (dir.), La socit franaise en tendances, 1975-1995. Deux dcennies de changement, Paris, PUF, p. 437-442.

    Hrault B., Lapeyronnie D., 1998 : Le statut et l'identit. Les conflits sociaux et la protestation collective , in O. Gall and et Lemel Y. (dirs), La nouvelle socit franaise. Trente ans de mutation, Paris, Armand Colin, p. 181-212.

    Kuisel R. F, 1984 : Le capitalisme et l'Etat en France, Paris, Gallimard.

    Michelat G., Simon M., 1996 : 1981-1995 : changements de socit, changements d'opinion , in SOFRES, L'tat de l'opinion 1996, Paris, Le Seuil, p. 167-186.

    Olivennes D., 1997 : Les Franais et l'Etat : un rformisme de proximit , in SOFRES, L'tat de l'opinion 1997, Paris, Le Seuil, p. 149- 159.

    Rosanvallon P., 1990 : L'Etat en France de 1789 nos jours, Paris, Le Seuil.

    Suleiman E., Courty G. 1997 : L'ge d'or de l'Etat : une mtamorphose annonce, Paris, Seuil.

  • 236 Michel Fors

    ANNEXE

    Les enqutes tudies dans cet article ont t ralises dans le cadre de Y International Social Survey Program. En France, le questionnaire a t administr durant le quatrime trimestre 1997 par voie postale; dans les cinq autres pays, l'enqute s'est faite en face face au cours de l'anne 1996. Dans tous les cas, les chantillons sont alatoires. Une pondration a ici t utilise pour les donnes franaises. Elle redresse les rsultats par calage sur la distribution de la population en termes de sexe, ge et professions et catgories socioprofessionnelles ( un chiffre) .

    Libells des questions retenues dans cette tude et des abrviations utilises dans les analyses factorielles de correspondances (entre parenthses ci-dessous)

    Qui, d'aprs vous, devrait principalement grer les services suivants, l'Etat ou le secteur priv ?

    le secteur priv l'Etat ne peut choisir - L'lectricit (lec. pri) (lec tat) (en supplmentaire) - Les hpitaux (hpital priv) (hpital tat) (suppl.) - Le banques (banque priv) (banque tat) (suppl.)

  • Voici quelques actions conomiques que le gouvernem

    ent pourrait faire. Pour chacune d'elles, pouvez-vous m' indiquer votre

    degr d'approbation ou de dsapprobation ?

    - contrler les salaires

    - contrler les prix - rduire les dpenses de l'Etat

    - soutenir financirement la cration

    d'emplois

    - assouplir la rglementation du

    comm

    erce et des affaires

    - soutenir l'industrie pour dvelopper des produits et des technologies nouvelles - soutenir les industries en difficult pour protger les em

    plois - rduire la dure du travail pour crer des em

    plois nouveaux

    trs favorable

    (control salaire)

    (control prix) (rduire

    dp Etat) (financer

    cration emploi)

    (assouplir rgle)

    (soutenir industrie techno)

    (soutenir industrie em

    ploi) (rduire dure

    trav)

    assez favorable

    (control salaire)

    (control prix) (rduire

    dp Etat) (financer

    cration emploi)

    (assouplir rgle)

    (soutenir industrie techno)

    (soutenir industrie em

    ploi) (rduire dure

    trav)

    ni pour ni contre

    (? control salaire)

    (? control prix) (? rduire dp Etat) (? financer

    cration emploi)

    (? assouplir rgle)

    (? soutenir industrie techno)

    (? soutenir industrie em

    ploi) (? rduire dure

    trav)

    assez dfavorable

    (no control salaire)

    (no control prix) (no rduire dp Etat)

    (no financer cration em

    ploi)

    (no assouplir rgle)

    (no soutenir industrie techno)

    (no soutenir industrie em

    ploi) (no rduire dure trav)

    trs dfavorable

    (no control salaire)

    (no control prix) (no rduire dp Etat)

    (no financer cration em

    ploi)

    (no assouplir rgle)

    (no soutenir industrie techno)

    (no soutenir industrie em

    ploi) (no rduire dure trav)

    f I

  • Globalem

    ent, les responsabilits suivantes incombent-elles ou non au gouvernem

    ent ? 0 00

    - garantir un emploi chacun

    - contrler les prix - assurer les soins de sant - donner un niveau de vie dcent

    aux personnes ges -

    aider le dveloppement industriel

    - donner un niveau de vie dcent aux chm

    eurs - rduire l'cart entre riches et pauvres - donner des bourses aux tudiant

    de familles dfavorises

    - assurer un logement dcent aux dm

    unis - im

    poser des lois strictes pour que l'industrie dtriore m

    oins l'environnement

    tout fait

    (+ garantir em

    ploi) (+ control prix)

    (+ sant)

    (+ 3e ge)

    (+ industrie)

    (+ alloc chom.)

    (+ rduire ing)

    (+ bourse) (+ loge pauvre)

    (+ loi environ)

    probablement

    (+ garantir em

    ploi) (+ control prix)

    (+ sant)

    (+ 3e ge)

    (+ industrie)

    (+ alloc chom)

    (+ rduire ing)

    (+ bourse) (+ loge pauvre)

    (+ loi environ)

    probablement

    pas

    (- garantir em

    ploi) (- control prix)

    (- sant)

    (- 3e ge)

    (- industrie)

    (- alloc chom)

    (- rduire ing)

    (- bourse) (- loge pauvre)

    (- loi environ)

    pas du tout

    (- garantir em

    ploi) (- control prix)

    (- sant)

    (- 3e ge) (- industrie)

    (- alloc chom)

    (- rduire ing)

    (- bourse) (- loge pauvre)

    (- loi environ)

    ne peut choisir

    (suppl.)

    (suppl.) (suppl.)

    (suppl.) (suppl.)

    (suppl.) (suppl.)

    (suppl.) (suppl.)

    (suppl.)

  • Que pensez-vous de la dclaration suivante : II incom

    be au gouvernement de rduire l'cart entre personnes revenus

    levs et personnes faibles revenus ? (rduire ing) (rduire ing) (? rduire ing) (no rduire ing) (no rduire ing) (suppl.)

    -vous l'approuvez fortem

    ent -

    vous l'approuvez plutt

    -vous tes ni pour ni contre

    -vous la dsapprouvez plutt

    -vous la dsapprouvez fortem

    ent -

    vous ne pouvez choisir

    Pour chacun des secteurs suivants, pouvez-vous me dire si vous souhaiteriez que le gouvernem

    ent dpense plus ou moins ?

    N'oubliez pas que dpenser beaucoup plus peut entraner une augm

    entation des impts.

    - l'environnement

    - la sant - la police et l'ordre public - l'ducation - l'arm

    e et la dfense - les retraites - les allocations de chm

    age

    - l'art et la culture

    dpenser beaucoup plus

    (+ dpens environnem

    ent) (+ dpens sant) (+ dpens police) (+ dpens duc) (+ dpens arm

    e)

    dpenser plus

    i

    (+ dpens environnem

    ent) (+ dpens sant) (+ dpens police) (+ dpens duc) (+ dpens arm

    e)

    maintenir

    dpenses actuelles

    (? dpens environnem

    ent) ? dpens sant) (? dpens police) (? dpens duc)

    (? dpens arme)

    dpenser m

    oins

    (- dpens environnem

    ent) (- dpens sant) (- dpens police) (- dpens duc)

    (- dpens arme)

    dpenser beaucoup m

    oins (- dpens

    environnement)

    (- dpens sant) (- dpens police) (- dpens duc)

    (- dpens arme)

    (+ dpens retraite) (+ dpens retraite) (? dpens retraite) (- dpens retraite) (- dpens retraite) (+ dpens

    alloc chom)

    (+ dpens art)

    (+ dpens alloc chom

    ) (+ dpens art)

    (? dpens alloc chom

    ) (? dpens art)

    (- dpens alloc chom

    ) (- dpens art)

    (- dpens alloc chom

    ) (- dpens art)

    ne peut choisir

    (suppl.)

    (suppl.) (suppl.) (suppl.) (suppl.) (suppl.) (suppl.)

    (suppl.)

  • Si le gouvernement pouvait choisir, soit de rduire les impts, les taxes et les prlvements, soit d'augmenter les dpenses sociales, que devrait-il faire selon vous?

    rduire les impts et les taxes, mme si cela entrane une rduction des dpenses sociales (- impt)

    augmenter les dpenses sociales, mme si cela conduit augmenter les impts et les taxes (+ impt)

    ne peut choisir (suppl.)

    Si le gouvernement avait le choix entre rduire l'inflation et rduire le chmage, que devrait-il faire en priorit?

    rduire l'inflation (rd infaltion) rduire le chmage (rd chmage) ne peut choisir (suppl.)

    Supposons que le niveau des diffrents impts et taxes en France reste inchang. Dans cette hypothse, le gouvernement devrait-il :

    maintenir les dpenses sociales actuelles, mme si, du coup, le dficit public reste ce qu'il est (dficit =)

    rduire les dpenses sociales pour rduire le dficit public (dficit -)

    ne peut choisir (suppl.)

    Globalement, comment valuez-vous le rgime fiscal franais actuel, en tenant compte nouveau de tous les impts, taxes ou prlvements ?

    a. D'abord, diriez-vous que, pour les revenus levs, ces impts sont : beaucoup trop levs (sup imp +) trop levs (sup imp +) comme il faut (sup imp =) trop faibles (sup imp -) beaucoup trop faibles (sup imp -) ne peut choisir (suppl.) b. Ensuite, diriez-vous que, pour les revenus moyens, ces impts sont : beaucoup trop levs (moy imp +) trop levs (moy imp +) comme il faut (moy imp =) trop faibles (moy imp -) beaucoup trop faibles (moy imp -) ne peut choisir (suppl.) c. Enfin, diriez-vous que, pour les bas revenus, ces impts sont : beaucoup trop levs (bas imp +) trop levs (bas imp +) comme il faut (bas imp =) trop faibles (bas imp -) beaucoup trop faibles (bas imp -) ne peut choisir (suppl.)

    InformationsAutres contributions de Michel Fors

    Pagination219220221222223224225226227228229230231232233234235236237238239240

    PlanL'emprise de l'tat sur trois secteurs conomiques Les domaines de l'intervention conomiqueLes dpenses publiques

    Les quilibres conomiques et les choix budgtaires La justice fiscaleUne analyse d'ensembleConclusionRfrences bibliographiques Annexe

    Illustrations1. Degr d'approbation d'une gestion prive plutt qu'tatique dans trois secteurs conomiques selon les pays2. Opinions sur le soutien aux entreprises en difficult et la rduction de la dure du travail selon les pays3. Opinions sur l'augmentation des dpenses publiques4. Opinions sur la rduction des dpenses de l'tat selon le pays5. Opinions sur la politique conomique dans trois domaines selon les pays6. Opinions sur la justice fiscale selon les pays1. Analyse factorielle des correspondances multiples entre opinions conomiques en France2. Reprsentation des 340 liaisons les plus importantes (selon le PEM) entre modalits de rponse telles qu'elles figurent au graphique 13. Analyse factorielle des correspondances multiples entre opinions conomiques dans six pays