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1 Avis de l’AMMD et des Conseils médicaux au sujet du Projet de Loi N° 7056 relative aux établissements hospitaliers et à la planification hospitalière

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Avis de l’AMMD et des Conseils médicaux

au sujet du

Projet de Loi N° 7056

relative aux établissements hospitaliers et à la planification hospitalière

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« Les médecins sont respectés s’ils sont savants, cultivés, humanistes et prêts à faire la démonstration de

leur efficacité dans les domaines techniques et cliniques. Il existe une tendance, chez nos politiques et nos

économistes de faire de nous des techniciens plus faciles à administrer. Ne tombons pas dans cet écueil. ».

Professeur Bernard Guiraud-Chaumeil Ancien Professeur de Neurologie

Ancien Président de la Société Française de Neurologie Ancien Chef de service CHU Toulouse

Ancien Doyen de la Faculté de Médecine de Purpan (Toulouse) Ancien Membre du Collège de la Haute Autorité de la Santé

Ancien Président de l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la Santé

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Résumé exécutif

Dans l’intérêt des patients et par les motifs suivants, les conseils médicaux du pays ensemble avec l'AMMD s’opposent avec force au projet de Loi dans sa forme présente :

1. Une gouvernance hospitalière guidée par des considérations économiques dirigée contre les

médecins finira par opprimer les intérêts légitimes de leurs patients. Nous revendiquons pour les conseils médicaux :

que leur implication soit effective et permanente dans l’élaboration des organigrammes médicaux, les nominations des médecins ainsi que l’organisation médicale et l’attribution des différentes ressources humaines et/ou matérielles,

que leur accès soit garanti aux données-clés sur l'activité et l’organisation médicale,

que leur présence soit obligatoire au sein du conseil d'administration des établissements.

Les médecins coordinateurs doivent être désignés par les médecins hospitaliers et représenter ces derniers dans leurs interactions avec l’hiérarchie hospitalière.

Toute réglementation interne et toute procédure opposable aux médecins ne doivent non seulement être avisées mais aussi approuvées par le Conseil médical de l’établissement en question. Les standards thérapeutiques doivent être élaborés en consensus avec les médecins concernés.

2. Chaque établissement hospitalier participant au rôle de garde doit disposer de tous les services

médicaux de base dûment autorisés. 3. Le nombre de lits aigus, de lits de moyen séjour et emplacements de chirurgie ambulatoire

autorisables, doivent être proportionnels à la population cible et ne doivent pas être imposés par un chiffre fixe.

4. Les services nationaux et les réseaux de compétences doivent être :

limités aux seules activités légitimement concentrées sur base d’arguments scientifiques,

co-gérés par les quatre groupes hospitaliers, avec représentation des médecins de chaque établissement,

ouverts aux agrégations de tous les médecins ayant la qualification requise.

5. La chirurgie ambulatoire doit bénéficier dans chaque établissement hospitalier d’entités distinctes et spécifiquement dédiées, sans quoi les gains d’efficience organisationnels et qualitatifs ne peuvent pas être atteints.

6. Toute garde sur place imposée par la Loi est un service public qui devra bénéficier des dotations

publiques conséquentes. 7. La facturation séparée des honoraires médicaux purs n’est pas négociable, ce qui est

parfaitement compatible avec le calcul ultérieur des coûts globaux par patient. 8. La loi du 24 juillet 2014 sur les droits et obligations des patients implique la création urgente d'un

fonds d'indemnisation des dommages sans faute médicale.

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Commentaires au sujet de l’exposé des motifs

1. Lits autorisables au niveau national

L’AMMD a revendiqué depuis de nombreuses années une diminution de lits aigus en faveur d’un développement cohérent et conséquent de la chirurgie ambulatoire. Toutefois, les chiffres du taux d’occupation des lits aigus dans les établissements hospitaliers de 71,6% en 2014 d’après les chiffres de la carte sanitaire récemment mise à jour, ne correspondent pas au vécu des réalités du quotidien des nombreux médecins de garde, cherchant souvent désespérément des lits dans les établissements hospitaliers, devant parfois renvoyer des patients en situation précaire ou de ne pas admettre certains patients pourtant en situation délicate, et endossant ainsi des risques professionnels faisant suite à une mauvaise gestion des ressources et ceci malgré une souplesse relative de l’occupation de lits par des patients souffrant de pathologies différentes de celles pour lesquelles les lits sont « attribués ».

2. Lits autorisables par service au niveau national

Si les Ministères de tutelle décident qu’il faut autoriser un nombre précis de lits par service et par hôpital, le système perd fortement en flexibilité concernant l’attribution des lits en fonction des besoins urgents, pourtant indispensable au bon fonctionnement des établissements du pays. Cette flexibilité est probablement encore plus indispensable pour les 2 établissements du pays qui assurent un service de garde 24h/24. Au sujet du nombre de lits par service actuellement disponibles dans les différents établissements, force est de constater que les chiffres figurant dans l’exposé des motifs doivent être mis en doute. Une question se pose d’emblée : « par quelle méthode le nombre des lits par service et par hôpital a-t-il été établi ? ». Certains chiffres sont soit étonnants (car variant assez bien d’un hôpital à un autre) ou ne semblent tout simplement pas correspondre aux réalités. Nous reviendrons sur ce point. S’il est exact que le texte de l’exposé des motifs précise lui aussi le fait que bon nombre de services accueillent des patients dont les diagnostics sont à cheval sur plusieurs chapitres du catalogue ICD 10, les conclusions qui devraient en être tirées ne se retrouvent nullement dans les prospections projetées. Ces patients ont-ils séjourné dans le service approprié à leur besoin ? Comment faut-il partager ces patients dans d’autres services si l’on est confronté à un manque de place dans le service où ils auraient dû se trouver ? Il est certain que les services ne fonctionnent pas comme des forteresses imperméables aux patients ne portant pas la bonne « étiquette ». Par l’exercice de fixer par voie légale (ou ministérielle) le nombre de lits par service, nous risquons justement que la flexibilité d’attribution risque de se perdre, au prix de difficultés croissantes de gérer les patients admis en urgence. Il faut rajouter qu’il ne fait aucun doute que bon nombre de patients admis en urgence à l’hôpital relèvent de plus en plus de la discipline de la gériatrie. Or l’importance de l’activité de la gériatrie n’est guère reflétée par les codages ICD 10, qui probablement a repris pour beaucoup l’activité de médecine interne générale dans le pays. L’importance de cette activité n’est pas recensée avec la précision nécessaire en amont de toute nouvelle planification de lits d’hospitalisation. En toute logique, il s’avère délicat, prématuré, voire dangereux, de déduire sur base des codages ICD 10 (établis sans règle de codage), les besoins nationaux de lits autorisables par service. En outre, les « services » hospitaliers de jour ou de semaine mettent des lits qui ne sont pas attribuables à une certaine spécialité à la disposition des chirurgiens. Comment ces lits sont-ils comptés dans l’arsenal global des lits aigus des différents établissements ? Et pour les lits de middle care, sont-ils répertoriés dans les lits des spécialités ? Et les lits d’addictologie ?, ce ne sont pas des lits dits « aigus » mais néanmoins ils sont comptés parmi les lits aigus des établissements qui en disposent.

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Où est la logique ? D’une manière générale, les décomptes des lits ne semblent pas correspondre au nombre de lits « officiels », ce qui met en doute tout l’exercice effectué par les auteurs du texte en question. Mentionnons également que le projet de loi manque de concept crédible pour développer une chirurgie ambulatoire. Sur base des données de la carte sanitaire et des indications du Conseil scientifique qui s’est prononcé en détail il y a 2 ans en la matière (www.conseil-scientifique.lu), on aurait pu espérer que la loi fixe des objectifs et les moyens pour développer la chirurgie ambulatoire (à ne pas confondre avec une chirurgie de jour !). Selon les consignes du Conseil scientifique, le développement d’une chirurgie ambulatoire vraie « …implique un bénéfice en termes d’optimisation et d’efficience de l’organisation et des ressources des plateaux techniques de chirurgie mais aussi en termes de qualité et de sécurité des soins chirurgicaux … ». Le Conseil scientifique a défini une liste des actes pour lesquels une chirurgie ambulatoire est incitée. Dommage que le texte de loi reste assez muet sur ce volet important de réorganisation de l’activité hospitalière.

A. Cardiologie, cardiologie interventionnelle, chirurgie cardiaque, chirurgie vasculaire, neurologie,

neuro-vasculaire et neurochirurgie

a. Cardiologie : une bonne partie de l’activité de cardiologie et de neurologie se déroule en unité « intermediate care » ou en soins intensifs, il n’est donc pas compréhensible que les auteurs du PL ne prévoient pas de définir en tant que tel les lits de réanimation, étant pourtant une source plus demandeuse en ressources humaines. Il ne ressort pas non plus des données de l’exposé des motifs s’il existe des explications aux variances entre différents établissements en termes d’activité.

b. Chirurgie vasculaire

c. Neurologie, stroke unit et neurochirurgie

B. Gastroentérologie et chirurgie viscérale

Le nombre de lits respectivement occupés par la gastroentérologie médicale et la chirurgie

viscérale n’est pas connu, ce qui rend évidemment très difficile le partage entre les 2 disciplines.

C. Orthopédie, rhumatologie, traumatologie

Le nombre de lits en orthopédie-traumatologie du CHEM semble anormalement élevé (serait-

ce une simple erreur ?). L’activité en rhumatologie stationnaire est manifestement limitée

comme également le nombre de lits attribués au niveau national qui reste très cantonné. Cette

activité est essentiellement ambulatoire et il faut se poser la question de la justification que ce

domaine fasse l’objet des activités choisies par le Ministère comme « réseau de compétence »

éventuel.

D. Ophtalmologie

Si l’AMMD déplore l’inertie en termes de développement de chirurgie ambulatoire, le texte

sous rubrique ne donne malheureusement toujours pas d’indication claire pour faciliter

l’activité de chirurgie de la cataracte selon un mode ambulatoire pur dans les 4 établissements.

L’AMMD peut toutefois comprendre l’idée de vouloir centraliser certaines activités de chirurgie

ophtalmologique plus poussées de même que la centralisation d’une garde ophtalmologique

au sein de ce site.

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E. Oto-rhino-laryngologie

Si le nombre d’interventions ORL ne peut pas être précisé actuellement par les données à

disposition, il est certain que bon nombre d’interventions pourraient se faire en mode de

chirurgie ambulatoire. Les interventions dites plus lourdes et nécessitant des lits

d’hospitalisations ne demandent pas un nombre de lits suffisant pour en faire un service

d’hospitalisation non partagé avec une autre discipline.

F. Pneumologie

Il est étonnant de voir les disparités du bilan de lits recensés, sachant qu’il existe en outre de

fortes variations saisonnières de lits, il faut se douter que bon nombre de patients relevant de

pathologies pneumologiques sont en réalité hospitalisés dans des services hôtes.

G. Urologie, néphrologie, gynécologie, obstétrique, procréation médicalement assistée

Encore une fois, il faut constater des variations fortes de lits recensés surtout en urologie. Est-

ce que ces variations sont corrélées avec des variations en termes d’activité ?

H. Néonatologie intensive

I. Hématologie et immunologie

Une bonne partie des admissions pour le compte de l’hématologie peut également se faire dans

les services d’oncologie.

J. Maladies infectieuses et tropicales

Nul ne conteste l’existence du service national d’infectiologie en soi mais l’analyse des auteurs

du texte mérite quelques réflexions. D’abord, il est difficile de comprendre si l’ensemble de

l’activité infectiologique recensée du pays correspond à peu près au nombre de lits dont dispose

le CHL, sachant que la plupart des diagnostics concernés (gastroentérites et érysipèles) sont

bien entendu également pris en charge dans les 3 autres établissements hospitaliers. Quelles

sont donc les motifs d’hospitalisation du service d’infectiologie du CHL et quel est le besoin réel

en lits pour ce service ?

K. Pédiatrie, chirurgie pédiatrique, soins intensifs pédiatriques et urgences pédiatriques

Le nombre de lits nationaux maximal de 30 unités risque de ne pas être suffisant pour assumer

l’afflux supplémentaire d’enfants.

En effet, certaines pathologies ne seront plus traitées dans les autres hôpitaux d’une part, et

d’autre part l’extension de l’âge de 15 à 18 ans augmentera les besoins en capacité d’accueil.

Par ailleurs, il faut se demander si une unité d’hospitalisation mixte pour enfants et adolescents

rencontre les besoins de chacun.

La concentration de la pédiatrie hospitalière ainsi que l’extension en prise en charge jusqu’à 18

ans nécessitent une amélioration des services en place, notamment en hôtellerie et en

ressources humaines.

En outre, la formulation « troubles mentaux » devrait être remplacé par « les troubles

psychiques réactionnels ou structurels ».

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L. Chirurgie plastique

Plusieurs questions sont à soulever quant à l’objectif des auteurs de vouloir restreindre le

nombre de services de chirurgie plastique autorisés à un seul.

Tout d’abord l’AMMD estime que si certains chirurgiens plasticiens peuvent se prévaloir de compétences spécifiques en matière de reconstructions complexes, c’est parce qu’ils ont

acquis ce diplôme sanctionnant cette formation spécifique. D’autre part, ces interventions de reconstruction sont en majorité dédiées à la reconstruction mammaire après mastectomie et sont actuellement réalisées par une partie seulement des chirurgiens plasticiens reconnus. Il faut dès lors se poser la question pourquoi limiter cette activité à un seul service national n’hébergeant de toute évidence pas l’ensemble des chirurgiens concernés ? Ensuite, si le nombre de 4000 interventions de chirurgie plastique est plausible, le texte reste muet comment on voudrait regrouper l’ensemble de ces interventions au bénéfice d’un seul service de chirurgie plastique.

M. Oncologie

N. Psychiatrie aiguë, psychiatrie infantile et psychiatrie juvénile

O. Soins intensifs

Il apparaît que les auteurs du texte n’ont pas considéré les lits de soins intensifs de type « middle

care » ou « intermediate care », parfois associés à d’autres services comme la neurologie ou la

cardiologie. D’après le recensement, le nombre total de lits de soins intensifs serait de 94 lits

(seulement). Le nombre de lits de type middle care reste inconnu.

P. Gériatrie aiguë

Il est très difficile d’évaluer les besoins en lits pour la gériatrie aiguë en s’appuyant uniquement

sur les codes ICD 10. Tout patient « âgé » ne relève pas nécessairement de cette discipline. Par

contre, il est certain que d’une part le nombre de patients nécessitant une prise en charge

gériatrique en 1ère ligne est grand mais que les besoins réels n’ont pas été véritablement étudiés

à notre connaissance. Cette inconnue se rajoute aux nombreuses questions mettant en doute

la cohérence d’une planification des lits sur base des codages ICD 10.

Q. Médecine interne générale

Alors que le domaine de la médecine interne joue encore un rôle variable au sein des différents

établissements hospitaliers si l’on croit les chiffres des lits qui y sont attribués, les pathologies

relevant de la prise en charge en médecine interne sont par définition multiples et les données

du codage de sortie ICD 10 ne permettent nullement de formuler une conclusion et de définir

les besoins en lits. Comme bon nombre de médecins spécialistes en médecine interne se sont

surspécialisés en cours du temps, il sera également difficile de considérer les codes ICD 10 faits

par leurs soins comme ceux-ci peuvent être le reflet d’un profil particulier à ces médecins.

Il est à préciser que la plupart des médecins qui s’occupent de la diabétologie relève bien de la

discipline d’endocrinologie et non de la médecine interne. Comme les hôpitaux ont recruté

préférentiellement des médecins mono-spécialistes (endocrinologue, gastro-entérologue,

pneumologue, rhumatologue, néphrologue), ceci posera un problème organisationnel aux

futurs services de médecine interne

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R. Réhabilitation post oncologique, réhabilitation physique

L’AMMD ignore s’il existe un besoin réel et substantiel en réhabilitation post-oncologique mais

il est certain que pour bon nombre de patients souffrant soit de pathologies cardiaques ou

orthopédiques doivent partir à l’étranger se faire soigner en post-aigu. Il est difficile de

comprendre pour quelle raison une nouvelle offre de réhabilitation post-oncologique trouve le

soutien des autorités de tutelle alors que l’ensemble des patients nécessitant des soins de

rééducation ne trouvent pas d’offre cohérente au sein du pays depuis déjà des décennies.

S. Rééducation gériatrique

Sachant que bon nombre de patients nécessitant une rééducation doivent s’orienter vers des

prestataires étrangers, il serait utile de revoir les besoins réels en rééducation de tout genre

pour avoir des idées plus précises quant à une planification de ce type de lits.

T. Imagerie médicale

U. Médecine de l’environnement

V. Douleurs chroniques

L’AMMD reste de l’avis que la prise en charge des douleurs chroniques doit être organisée d’une

manière décentralisée (4 établissements hospitaliers + Rehazenter)

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Commentaires des articles

Article 1 : La finalité des établissements hospitaliers devrait se concentrer sur les prestations nécessitant des soins lourds et complexes. Le présent texte ne délimite absolument pas les types de prestations ambulatoires hospitaliers qui seraient propres aux hôpitaux et qui de cette façon pourraient leur être réservés à condition qu’il y eût une motivation d’intérêt public qui puisse être valablement opposée aux acteurs extra hospitaliers. L’AMMD se réserve le droit de revoir sa position après avoir pu prendre connaissance de l’avis du Conseil d’État sur cette question. Le terme de « centre de diagnostic » est trop vaste comme il dépasse nettement le cadre des analyses offertes par l’établissement visé. Article 2 : L’AMMD propose la classification suivante des lits :

1. Lits de réanimation et de middle care 2. Lits aigus 3. Lits de moyen séjour 4. Lits d’hospitalisation de longue durée 5. Lits porte 6. Emplacements pour traitement ambulatoire (à ne pas confondre avec « des lits d’hospitalisation

de jour ») En particulier :

Il serait opportun de rajouter les lits de réanimation et de middle care (stroke unit etc..) comme des lits distincts des lits « aigus ». En effet, les lits de réanimation (et a fortiori leur nombre) impliquent une organisation bien différente, une localisation dans une structure adaptée et des coûts autrement plus conséquents que les autres lits aigus.

Il serait également nécessaire de préciser que chaque type de lit aura bien une localisation spécifique aux besoins qui y sont relatifs.

Au sujet du nombre des lits, il est fondamental de préciser que la population assurée par la CNS n’est pas constante. De fait elle est en progression constante d’environ 2 à 2,5 % par an. Même si le nombre maximal de lits autorisés se retrouve en hausse par rapport aux limites fixés dans l’APL, le PL sous rubrique ne donne pas d’estimation cohérente des besoins en lits de moyen séjour ou de rééducation et il ne donne pas d’indicatif par rapport au développement d’une chirurgie ambulatoire. Deux éléments clés mériteraient d’être définis avec précision, les besoins en lits pour les personnes âgées ou en état de rééducation d’une part et les besoins en lits de chirurgie ambulatoire. On pourrait s’inspirer des chiffres de la carte sanitaire et des données internationales pour calculer combien de lits aigus pourraient être « épargnés » d’une part et combien de lits aigus doivent être rajoutés dans un contexte de population grandissante et vieillissante. L’AMMD aurait attendu un signal clair à ce sujet, estimant qu’il s’agit de la pierre angulaire de la présente loi. En d’autres termes, comme aucun élément dynamique du nombre de lits par population assurée n’est prévu, il est certain que d’ici quelques années seulement, le carcan imposé par cette loi étouffera les structures hospitalières ou imposera une modification de loi.

Sachant que bon nombre d’assurés sont soignés à l’étranger pour des besoins de rééducation (orthopédique, cardiologique en l’occurrence), l’AMMD met en doute que le nombre total de lits de moyen séjour figurant dans l’annexe 1 soit adapté.

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La présente loi arrête l’existant sans vouloir prendre en compte la croissance des patients étrangers, pour la plupart assurés CNS et actuellement traités sur le sol national.

Le but des lits portes est de désengorger le service d’urgence des patients en attente d’un lit aigu dans l’hôpital et des patients qui ne nécessitent qu’une petite surveillance avant de quitter l’établissement.

Article 3 :

L'évaluation des besoins sanitaires réels d'une population ne peut se faire sans bases de données exhaustives et fiables. Aujourd'hui les motifs d'hospitalisation des patients admis dans un établissement hospitalier ne peuvent être évalués correctement, à défaut d'une documentation hospitalière systématique selon une même classification et selon des règles bien définies (ces règles viennent seulement d’être définies). En particulier, la documentation des diagnostics médicaux, pourtant essentielle à la définition du motif d'hospitalisation, ne remplit aujourd'hui aucun critère d'exhaustivité ni de fiabilité. La nouvelle carte sanitaire ne fait que corroborer ce constat. Il découle de ce fait que les objectifs énumérés de I) à V) ne peuvent être atteints que sous d'importantes réserves et que par conséquent il serait politiquement irresponsable de procéder sur cette base fragile à d'importants changements au niveau de la planification hospitalière. Or le présent texte de projet de loi prévoit une série d’adaptations ou de changements du paysage hospitalier qui dépassent largement le cadre des données recensées par la carte sanitaire.

En comparaison par rapport à la loi abrogée de 1998, le Ministère de la Santé n’assurerait plus de mission de coordination entre les établissements hospitaliers, celle-ci pourrait justement être une des missions du futur Commissaire de Gouvernement aux hôpitaux.

On renvoie à la remarque ci-dessus qu’il n’est pas opportun de fixer les nombres de lits par pays, par hôpital, par service sans tenir compte de la démographie de la population qui pour rappel, sera en croissance rapide et en vieillissement (ce qui fait augmenter le besoin en lits aigus et en lits de moyen séjour), et sans tenir compte du virage ambulatoire (ce qui fait diminuer les besoins en lits aigus). Adapter le nombre de lits à une situation nouvelle revient à devoir modifier la loi avec tous les obstacles procéduraux connus.

Il faut mettre en doute que le nombre de lits par service puisse actuellement être déduit des statistiques de sortie de l’hôpital. Imposer un nombre strict de lits par service donnera lieu à des discussions difficiles en cas de pénurie prévisible de lits pour certains services.

Dans la planification des lits aigus, il est primordial de distinguer les hospitalisations pour besoins de pathologies aiguës par rapport aux activités de médecine élective. Ce point est retrouvé sous c) du contenu de la Carte Sanitaire. Il est évident que dans les hôpitaux de garde 24h/24, l’organisation interne est d’autant plus complexe. Le taux d’occupation d’un service pourra être élevé en cas de médecine purement élective mais ne devra pas dépasser un certain seuil (75-80 %) en cas de médecine d’urgence ceci afin de pouvoir prendre en charge et en totale sécurité les patients concernés. En résumé, il serait indispensable que chaque hôpital puisse distinguer les admissions urgentes des admissions électives et communiquer ces chiffres aux autorités de tutelle afin de permettre une planification adaptée et pondérée des lits aigus.

L’AMMD propose que la loi définisse une adaptation du nombre de lits autorisables pour chaque type en fonction de l’évolution démographique, du vieillissement de la population et de ses besoins particuliers en rééducation. Ceci présuppose évidemment une documentation hospitalière fiable qui va seulement être mise en place.

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Quant à la liste des équipements et appareils médicaux soumis à planification, une telle liste n’est pas utile dans un texte de loi. Si l’on veut planifier, il faut inscrire un montant indexé au-delà duquel, un hôpital doit demander l’autorisation. En effet, il faut éviter que le progrès en médecine soit plombé à l’avenir par des impératifs législatifs aussi lourds que lents.

Sous II, l’AMMD fait remarquer que le texte ne prévoit pas que la carte sanitaire puisse reprendre les détails des équipements médicaux ne nécessitant pas d’accord préalable. Ceci pourrait porter préjudice à une discussion transparente en amont d’une autorisation de service.

Article 4 :

La formulation "et il peut comprendre un ou plusieurs établissements hospitaliers spécialisés" cache l'intention de vouloir intégrer certains établissements hospitaliers spécialisés dans certains hôpitaux. Pour des raisons d'accessibilité égale aux soins et d'indépendance au niveau de la gouvernance, de telles perspectives doivent être catégoriquement exclues. Une gouvernance commune de ces structures doit être visée !

Au niveau des services hospitaliers, on constate que dans beaucoup de cas, les dénominations et les définitions catégoriques s'avèrent dépassées. La réalité des prises en charge hautement spécialisées, à orientation anatomo-fonctionnelle, pourtant la grande tendance au niveau international, ne se reflète aucunement dans la liste en annexe 2, qui est d'un caractère "copié-collé" sans inspiration ni mise à jour. Cette problématique est illustrée dans le cas des catégories "Orthopédie", "Traumatologie" et "Neurochirurgie". En effet, les affections de l'appareil musculo-squelettique, d'origines congénitale ou acquises, donc traumatiques ou non-traumatiques, y compris les affections du rachis d'origine non-neurologique, traversent de manière non discriminatoire les trois catégories. La dénomination du service devrait donc plus logiquement être "Appareil musculo-squelettique" et sa définition tenir compte de la réalité des traitements y proposés. De plus, l'attribution de la prise en charge des lésions d'organes internes au service de traumatologie est dépassée, est-elle aujourd'hui prise en charge par les chirurgiens spécialistes des organes en question (e.g. neurochirurgien pour le trauma crânien, chirurgien thoracique pour le trauma thoracique, chirurgien viscéral pour le trauma abdominal, chirurgien vasculaire pour le trauma vasculaire, chirurgien de l'appareil musculo-squelettique pour le trauma de l'appareil musculo-squelettique, chirurgien plasticien pour le trauma de la peau et des tissus conjonctifs etc.). Dans la grande majorité des cas sont concernés les patients dits polytraumatisés. Leur prise en charge doit se faire au service "Urgences" selon un protocole multidisciplinaire bien défini. La liste en annexe 2 doit être entièrement revue en collaboration avec les sociétés concernées représentant les acteurs du terrain, notamment ayant en main des données exhaustives et fiables issues d'une documentation correcte, afin de pouvoir donner une image réelle des services proposés.

L’AMMD est d’avis que tous les établissements hospitaliers qui sont obligés d’assurer des gardes devront disposer de l’ensemble des services et annexes indispensables pour que les médecins de garde puissent assurer efficacement cette mission de santé publique.

Ils devraient donc disposer impérativement des services suivants :

o Chirurgie vasculaire (2 services prévus seulement) o Neuro-vasculaire (3 services prévus seulement) o Néphrologie (service unique)

Au sujet de la chirurgie vasculaire, pourquoi cette limitation à deux services ? Il s’agit pourtant d’une pathologie fréquente et la chirurgie vasculaire est actuellement exercée dans tous les hôpitaux. Il est également difficile à imaginer comment un hôpital qui doit exploiter une dialyse et une traumatologie pourrait se passer de chirurgien vasculaire et à fortiori d’un service de chirurgie vasculaire ?...

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Au sujet de la prise en charge des AVC, il semble prudent que chaque hôpital de garde puisse assumer cette pathologie aiguë. La technique relativement récente de l’embolectomie est impossible à mettre en place partout, une centralisation est dès lors opportune.

D’une manière générale, il faut réfléchir aux investissements nécessaires et à l’organisation à mettre en place car ce n’est pas clairement prévu. Toutefois et afin de garantir une continuité des soins avec accessibilité 24h/24, une adaptation du plateau technique s’impose.

Au sujet de la chirurgie esthétique, elle se retrouve actuellement détachée du service de chirurgie plastique et cet artifice légal n’est pas acceptable. Séparer les 2 aspects d’une même discipline n’est pas acceptable. De faire de la chirurgie plastique, un seul centre national n’est pas acceptable non plus. Il faut en outre préciser que les médecins spécialistes en chirurgie plastique ne disposent actuellement pas d’autorisation de pratiquer le radiodiagnostic car la discipline ne figure pas sur la liste du RGD du 16 mars 2001 relatif à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales (annexe VI).

Il serait urgent (!) d’adapter le présent RGD afin que ces médecins puissent continuer à exercer dans leur droit.

Au sujet de la néphrologie, il se peut que les auteurs veuillent développer un service de « transplantation rénale ». Dans ce sens, il serait plus approprié d’appeler ce service « service de transplantation rénale ». Il faut dire que les néphrologues des 4 établissements hospitaliers possèdent certainement l’expérience nécessaire afin de poser des indications de greffe rénale chez les patients en insuffisance rénale terminale et de prendre en charge les patients greffés. Afin que les néphrologues des 3 établissements hospitaliers exclus de ce service de transplantation y adhèrent malgré tout, il faudra que ce service travaille en étroite collaboration avec les 3 autres services de néphrologie – dialyse.

Si l’ensemble des hôpitaux ne dispose plus des services médicaux de base, il ne faudra pas s’étonner qu’à l’avenir, ces hôpitaux se retrouvent en difficulté pour recruter les spécialistes des disciplines concernées et ne pourront plus assurer leur rôle de garde respectif. Il ne faut pas perdre de vue que la liste ci-dessus n’est pas exhaustive. En effet, d’autres disciplines non citées interviennent également dans le fonctionnement des gardes.

En outre, il faudra se poser la question du sort des gardes « volontaires » des services non énumérés, dorénavant plus autorisés. Depuis de nombreuses années en effet, chaque hôpital affiche un nombre impressionnant de médecins spécialistes qui assurent les gardes. Il serait fort dommage que le présent projet de loi entraîne une déstabilisation profonde du fonctionnement de structures hospitalières par le fait de les amputer de certains services qui risquent être asséchés par perte de financement.

Il faut aussi considérer que ces dernières années, les hôpitaux ont essayé de recruter des médecins mono-spécialistes dans le domaine de la médecine interne et non des médecins spécialistes en médecine interne, dans le but justement d’améliorer la qualité dans leurs domaines respectifs. Ceci est actuellement en contradiction avec le texte sous rubrique qui remet en cause le recrutement passé de pneumologies, endocrinologues, rhumatologues ou néphrologues qui en général ne disposent pas de titre légal de médecin interniste. Y-a-t-il une volonté politique à ce que les hôpitaux engagent à nouveau davantage de médecins internistes ? Le texte est ainsi en porte à faux avec ce qui s’est fait dans les différents établissements hospitaliers.

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L’AMMD est très critique au sujet des définitions des « services nationaux ». L’AMMD estime que l’attribution d’un service national revient à lui accorder un statut de monopole national. Or cette position de monopole doit être justifiée pour être acceptable. Aucune explication concrète ne figure dans les commentaires des articles ce qui laisse supposer que la base de cette décision soit purement un choix politique sans justification médicale or il faut garantir un accès équitable à tous les patients. La carte sanitaire ne permet pas non plus de deviner quelle serait l’argumentaire permettant de restreindre une offre à un service national.

En particulier :

o Chirurgie pédiatrique : la définition d’un service national implique que les hôpitaux n’oseront plus offrir une chirurgie pédiatrique pour des raisons légales. Est-ce qu’il est voulu par le législateur de centraliser toute activité de chirurgie pédiatrique ? La prise en charge de l’enfant pour une durée totale de moins de 72 heures serait tolérée d’après le projet de Loi mais ce critère paraît arbitraire et reflète une vue plus administrative que médicale.

o Chirurgie plastique : il n’est pas compréhensible de vouloir concentrer l’activité de cette chirurgie au sein d’un service national. Cette activité chirurgicale importante en termes de nombre d’actes est actuellement assurée par chacun des hôpitaux et l’on ne comprend pas comment le législateur voudrait la concentrer à 1 site.

o Hémato-oncologie : si certaines techniques et prises en charge en hématologie pourront avantageusement être concentrées, il n’est pas logique de vouloir établir un service national pour l’ensemble des patients souffrant de telles maladies.

o Immuno-allergologie : fait-on allusion à une activité ambulatoire ou stationnaire ? En cas d’activité ambulatoire, il n’est pas compréhensible de vouloir établir un service national. Il faut savoir que les dermatologues, pneumologues et autres médecins spécialistes prennent en charge une large partie des patients souffrant de pathologies allergiques. Pourquoi donc en faire un service national ?

o Maladies infectieuses : si certaines maladies infectieuses sont en effet avantageusement centralisées dans une infrastructure adaptée, l’ensemble des pathologies infectieuses ne pourra pas être l’apanage d’un service national.

o Médecine de l’environnement : pas de remarque

o Néonatologie intensive : pas de remarque car une centralisation est en effet logique

o Néphrologie : à l’exclusion de la transplantation rénale (qui se gère évidemment dans le cadre global d’un service d’urologie), l’activité en néphrologie est concentrée autour des patients dialysés qui par ailleurs nécessitent aussi des hospitalisations pour affections aiguës diverses. Un service national de transplantation rénale peut se justifier si tel est le souhait.

o Neurochirurgie : il faudra également bien différencier de quelles pathologies on parle. Les quatre hôpitaux pratiquent de la neurochirurgie (en l’occurrence de la chirurgie de la colonne). Par contre, une concentration de la chirurgie du cerveau pourra faire l’objet d’un service national.

o Ophtalmologie : il faudra différencier la chirurgie courante de la cataracte (qui ne doit pas nécessairement être réalisé dans un service national) avec la chirurgie de la rétine (par exemple).

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o Pédiatrie : la dénomination de service national pour la pédiatrie donnera lieu à un afflux non gérable de pathologies pédiatriques courantes vers ce service national. La prise en charge de l’enfant pour une durée totale de moins de 72 heures serait tolérée d’après le projet de Loi mais ce critère paraît arbitraire et reflète une vue plus administrative que médicale.

o Procréation médicalement assistée : pas de remarque (en effet, il s’agit ici d’une activité particulière de la gynécologie – obstétrique)

o Psychiatrie infantile : pas de remarque (activité particulière de la psychiatrie)

o Psychiatrie juvénile : pas de remarque (activité particulière de la psychiatrie)

o Rééducation physique post-oncologique : il faut se demander sur quelle base le législateur estime nécessaire qu’une telle activité soit reprise au sein d’un service national. On a l’impression qu’un plan peut en cacher un autre …

o Soins intensifs pédiatriques : pas de remarque

o Urgence pédiatrique : voir commentaires sous pédiatrie ou chirurgie pédiatrique

En résumé, il n’est pas raisonnable de vouloir définir des services nationaux comme des disciplines toutes entières (d’autant plus que certaines disciplines sont des disciplines de base). Il serait la logique même de définir quel type précis d’activité serait utilement proposé dans un contexte de service national. L’AMMD attend avec intérêt la position du Conseil d’Etat au sujet des restrictions évoquées.

En outre, comme ces services nationaux jouissent d’une position monopolistique au pays, l’AMMD exige pour ceux-ci une gestion commune des quatre établissements hospitaliers. Un comité de gestion commun devra être crée pour tout ce qui est commun.

Article 5 :

L’idée de vouloir rattacher l’INCCI au CHL d’une part et le Centre Baclesse au CHEM d’autre part ne doit pas mettre fin au principe de cogestion par les 4 hôpitaux. L’AMMD regretterait fortement si cette collaboration qui a fait ses preuves serait remise en question. En effet, on avait l’impression que les patients des 4 hôpitaux trouvaient ainsi leur accès facilité par une cogestion de ces structures nommés « établissements hospitaliers spécialisés ».

D’après nos informations, le Centre national de rééducation fonctionnelle pourrait être aménagé pour accueillir un nombre plus important de patients requérants d’une rééducation. En conséquence, il pourrait s’avérer peu flexible de vouloir limiter le nombre de lits dans cette structure sachant qu’un nombre important d’assurés CNS se font traiter à l’étranger.

Considérant que Colpach aura 60 lits de réhabilitation physique, la question d’une concordance politique en matière de rééducation est posée.

Au sujet du nombre précis de lits autorisés conformément à l’article sous rubrique, il faut s’attendre que le carcan imposé ne permette pas de donner suite aux besoins actualisés (et sans doute déjà largement sous-estimés par une offre trop restreinte).

Article 6 :

En rapport avec le Centre de diagnostic en matière de génétique, l’étendue des prestations n’est pas précisée.

Jusqu’à présent, le LNS a bénéficié de l’atout de monopoliste mais cette position n’a pas nécessairement suivi les attentes. Même si l’on peut comprendre les arguments d’y centraliser certaines activités, l’AMMD craint que les gains de qualité affirmés tardent.

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Article 7 :

Il faudrait préciser le terme « modernisation ». A défaut de critère exact, une modernisation ne saurait être normative.

Qu’en est-il des conditions citées par le Conseil d’Etat dans son avis du 19 mai 2015 au sujet des justifications de limitation de l’offre hospitalière ?

Article 8 :

Il faut se poser la question si la procédure de sollicitation d’autorisation d’exploitation sur base du projet d’établissement corresponde à une création d’un établissement hospitalier comme le mentionne l’alinéa premier de l’article sous rubrique.

Il est logique que le texte sous rubrique prévoie que le Conseil médical exprime son avis relatif au projet relatif d’établissement. Néanmoins nous revendiquons un droit de veto par rapport aux points touchant directement l’exercice de médecin (points d, f, g, h, i)

Article 9 :

Au sujet des « antennes de service », il faut dire que ces antennes sont nées d’impératifs organisationnels et parfois politiques. Sous c) il faut dire que bon nombre d’antennes actuelles fonctionnent parfois avec des équipes différentes de médecins pour des raisons pratiques. Une tournante des médecins par une seule « équipe » pose d’autres soucis d’organisation. Cette disposition permettra aux Directions d’obliger les médecins à travailler sur deux sites, ce qui pose problème en cas de demande urgente émanant de deux sites simultanément. Il serait mieux de laisser à la discrétion des hôpitaux et des médecins agréés de trouver le chemin optimal d’organisation déjà difficile en cas d’hôpitaux multi-sites et des antennes mal-aimées de tous.

Au sujet des « projets de service », nous saluons que l’avis du Conseil médical soit demandé mais nous revendiquons un droit de veto en cas de désaccord avec la direction.

Article 10 :

L’article se réfère à l’ensemble des services mentionnés à l’article 4.

L’article sous rubrique met bien en exergue la volonté d’étatiser à outrance la médecine hospitalière. Par cet article, les auteurs dévoilent leur drôle de façon de voir la médecine. Réglementer les aspects cités revient à contrer tout avantage à l’autogestion des services concernés, animés jusqu’à présent par les progrès en médecine toujours en évolution. Il faut se demander en outre, sur quelle base, sur quelles compétences les auteurs ou leurs exécutants se prévalent pour s’estimer à la hauteur d’une telle tâche. A l’échelle d’un petit pays comme le Luxembourg, il faudra une politique de régulation gérée avec parcimonie. L’article 10 ouvre la porte aux réglementations outrancières et contre-productives. En bref, cet article est totalement inacceptable pour les médecins.

Article 11 :

En phase avec l’article précédent, les auteurs sous-estiment l’énergie dont on a besoin pour créer un service et avec quelle facilité ils peuvent refuser un service ne répondant plus aux critères éventuellement critiquables de l’article 10. Toutes les créations de services du passé ont abouti non pas grâce au plan hospitalier mais malgré celui-ci !

La formulation "préférence sera donnée à l'établissement ou au service hospitalier répondant aux critères de qualité les plus élevés." laisse craindre une distribution non-transparente et népotique, raison pour laquelle ces critères et leurs juges, dont l'indépendance doit être garantie, doivent être clairement définis

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Article 14 :

Il n’est pas logique de vouloir tout programmer, étatiser et de ce fait étouffer toute initiative émanant d’un établissement hospitalier ou établissement hospitalier spécialisé. Etablir une liste d’équipements et appareils coûteux ne donne pas de sens. Si autorisation et financement seront requis par les pouvoirs publics, il faut définir un seuil au-delà duquel, une demande y relative est requise.

L’article souligne bien la volonté de mettre en concurrence les différents hôpitaux « au cas où plusieurs établissements hospitaliers ou services hospitaliers entraient en ligne de compte, préférence sera donné à l’établissement ou au service hospitalier répondant aux meilleurs critères de qualité ».

Article 24 :

Le règlement général est une sorte de cadre fonctionnel et descriptif des activités médicales de l’hôpital. Pour la partie du règlement général qui concerne l'organisation médicale, les soins et leur gestion administrative ainsi que le mode d'exercice de la médecine, les soins et leurs disciplines annexes, doit nécessairement être validé par le conseil médical, organe représentatif des médecins en particuliers pour les points 1), 3), 4), 5), 6) et 9) pour autant que le personnel médical soit impliqué ! Tout changement concernant l’organisation médicale doit être approuvé par le Conseil médical (CM) qui a le droit de formuler une opposition formelle et un droit de véto, déclenchant une procédure de négociation et de médiation, dirigée par un conciliateur indépendant, à nommer de commun accord.

Article 25 :

Il manque absolument (!) un article portant sur la création d’un fonds d’indemnisation sans faute professionnelle. Ce fonds a été promis depuis la loi portant sur les droits et devoirs des patients du 14 juillet 2014.

Le conseil médical doit être impliqué et représenté également dans ces structures locales.

Article 27 :

L’AMMD est d’avis que chaque établissement hospitalier et chaque établissement hospitalier spécialisé doivent garder leur propre comité d’éthique dans leurs formes actuelles, pour des raisons de réactivité d’une part et de spécificités de chaque établissement hospitalier qui ne peuvent pas être comprises par des membres externes, d’autre part. Un comité d’éthique national, composé d’une majorité de membres externes, devant répondre aux missions énumérées sous rubrique, risque de passer à côté des questions soulevées et comporte un risque plus élevé de divulgation de secrets.

La composition du comité d’éthique, comme il est prévu dans le projet de Loi, n’est pas du tout adéquate. Un input médical solide est indispensable au bon fonctionnement de ce comité, et n’est pas à confondre avec une médiation entre prestataire et patient. L’AMMD considère que le comité d’éthique devrait émettre ses avis en toute indépendance de l’organisme gestionnaire et de la direction de l’hôpital, comme le disait l’ancien texte.

La qualité de membre du comité est strictement incompatible avec les fonctions de gestionnaire ou de Directeur.

Il serait utile que les comités d’éthiques locaux puissent saisir un comité bio-éthique national pour certaines questions sociétales.

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Article 30 :

L’AMMD reste très critique quant au concept des centres de compétences, rebaptisés en « réseaux de compétence ».

Les filières de soins ne sont pas compatibles avec la profession libérale de médecin.

La motivation de la création de ces réseaux de compétence n’est pas explicite comme d’ailleurs la liste des réseaux proposés. Leur communication n’a pas été faite de manière compréhensible.

Il semble que le but serait de limiter l'accessibilité à l'offre de soins dans une logique budgétaire restrictive. En effet, les avantages avancés par les auteurs de l'avant-projet de loi, à savoir une prise en charge interdisciplinaire intégrée, le respect de critères de qualité élevés et la prise en compte des avancées médicales et scientifiques les plus récentes, constituent la base de l'exercice moderne de la médecine. L'amélioration par rapport à l'existant pourrait être obtenue par des certifications de prises en charges définies, avec des critères pour la masse critique de patients, le nombre minimal de traitements, l'équipement, la qualification des intervenants, les procédures opérationnelles standardisées et les chemins cliniques, les paramètres de qualité, la formation continue des intervenants, etc. . Ces certificats peuvent évidemment regrouper plusieurs intervenants (services hospitaliers, intervenants extrahospitaliers) et les lier par des contrats de coopération. La prise en charge par un prestataire et/ou dans un service ayant l'étiquette du certificat donnera au patient l'assurance d'un niveau et d'une qualité de prise en charge définis. Les entités certifiées dans un domaine peuvent travailler en réseau à la fois multi-site, hospitalier et extrahospitalier. L'offre aux soins de qualité pourrait ainsi être étendue à tous les patients, sans que certaines régions soient défavorisées. Ces certificats doivent naître d'initiatives "bottom-up" et non de manière "top-down".

Si le Ministère juge utile de revoir les pratiques pour certaines pathologies, il aurait pu demander au Conseil scientifique existant par le RGD du 26 octobre 2011. Pourquoi le Conseil scientifique, n’a pas été saisi pour donner un avis sur ces questions manifestement controversées ?

Comme le concept avait de la peine à être compris, le Ministère a relancé l’idée en modifiant certains aspects mais le choix des pathologies est resté identique si ce n’est qu’on a rajouté les maladies neuro-dégénératives en comparaison avec l’avant-projet de loi.

L’AMMD ne comprend pas pourquoi le Ministère lui-même insiste que telle liste figure dans un texte de loi plutôt que dans un règlement grand-ducal. Comme le Ministère lui-même a rajouté une nouvelle pathologie visée par le concept des réseaux de compétences en comparaison avec le texte de l’avant-projet de loi, il fait la preuve qu’une telle liste ne devrait pas figurer dans un texte de loi mais plutôt dans un règlement grand-ducal qui peut être modifié avec moins de barrières procédurales.

Le texte du projet de loi prévoit l’instauration d’un Comité de gestion inter-hospitalière chapeautant les réseaux de compétences. Si l’AMMD peut comprendre qu’il faut une gestion inter-hospitalière, l’AMMD insiste que la représentation soit paritaire entre médecins et gestionnaires. L’objet même de ce comité serait de soutenir les établissements hospitaliers dans l’élaboration de projets de réseaux de compétences en déterminant notamment le profil d’activité et le champ d’action, la direction hospitalière responsable de la gestion quotidienne, l’organisation de la coordination médicale et professionnelle, les modalités d’agrément des médecins et professionnels de santé concernés et la composition du Conseil scientifique, et comme ce Comité est également responsable de l’élaboration des critères relatifs à l’agrément des prestataires de soins de santé en réseau de compétences, son accord est requis pour l’agrément des médecins, professionnels de santé, services hospitaliers et prestataires extrahospitaliers exerçant dans ce réseau de compétences. Il va de soi que chaque prise en

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charge à l’intérieur de ce réseau de compétence passera par un concept médical qui reste à développer. Et sans médecin, pas de concept. Ce comité de gestion décidera également de l’agrément des médecins, d’où nécessité absolue que les représentants des CM soient impliqués activement.

D’une manière générale, l’on constate que les réseaux de compétences visent plutôt une concentration de pathologies fréquentes (à part les affections rhumatologiques chez les enfants). Peut-être que le concept aurait été mieux compris si on avait visé des pathologies rares requérant un haut niveau de savoir-faire pour mieux les concentrer ?

L’AMMD se pose toujours des questions quant à l’utilité de certaines pathologies énumérées :

o Accidents vasculaires cérébraux : il serait certes utile de concentrer l’activité d’embolectomie à un endroit (Stroke Unit de niveau 2). Ne plus accepter un patient avec un AVC dans les autres hôpitaux est fort critiquable d’un point de vue rapidité de prise en charge. En d’autres mots, il serait utile que chaque hôpital puisse disposer d’une stroke unit de niveau 1, en tenant compte que les patients sélectionnés devront être transférés dans un service de niveau 2 pour procédure d’extraction d’embole. En cas de séquelles post AVC, une rééducation neurologique dans les meilleurs délais est évidemment indiquée. Il faut entamer une réflexion portant sur les investissements nécessaires et à l’organisation à mettre en place car ce n’est pas clairement décrit.

o Cancer du sein et certains autres cancers intégrant le service de radiothérapie : la Société de Gynécologie et d’Obstétrique a longtemps insisté que la centralisation de la chirurgie mammaire ne donne pas de preuve ni par la complexité de l’acte chirurgical, ni pas les chiffres qualitatifs à disposition de conclure à un éventuel déficit. L’expression « certains autres cancers » n’est pas judicieuse.

o Affections rachidiennes à traitement chirurgical : quid de l’argumentaire ?

o Diabète de l’adulte et de l’enfant : la prise en charge des patients diabétiques adultes et pédiatriques devrait être considérée comme des prises en charge totalement à part.

Au sujet des adultes, le diabète constitue une véritable maladie de société dont l’objectif d’un réseau de compétences semble en opposition avec une prise en charge effectuée en proximité géographique des patients concernés.

o Obésité morbide : il serait opportun de connaître les chiffres des interventions réalisées par rapport aux « besoins » de la population.

o Problèmes cardiaques de nature … : pas de commentaire

o Immuno-rhumatologie de l’adulte et de l’enfant : en ce qui concerne la pathologie rhumatismale de l’adulte, il n’est pas compréhensible en quoi consisterait un réseau de compétences qui serait différent des pratiques actuelles

o Maladies psychosomatiques : s’agit-il de prise en charge ambulatoire ou stationnaire ou les deux ? Concept ?

o Douleur chronique : la prise en charge de la douleur chronique devrait se faire d’une manière décentralisée. Seulement certaines techniques bien particulières se prêtent à une centralisation de l’offre. Au sein du plan cancer, ces discussions ont été abordées par la Société d’Algologie.

o Maladies neuro-dégénératives : nouvel élément de la liste des réseaux de compétences, prouvant que le Ministère devrait définir une telle liste dans un RGD plutôt que dans une loi.

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L’AMMD s’empresse de répéter que les filières de soins même déguisées en prétendus réseaux de compétence ne sont pas compatibles avec l’exercice libéral de la profession de médecin, si elles s’ensuivent d’une perte de choix du médecin par le patient.

A ce titre, il est absolument indispensable qu’on connaisse les critères d’agrément des médecins.

Article 31 : Vue la particularité du caractère et de la mission d'un hôpital, dont la gestion ne peut être comparée à celle d'une entreprise classique, il serait préférable que le directeur général soit également un médecin. En effet, il n’est guère compréhensible que la gestion d’un hôpital soit mise en mains d’un directeur se suffisant d’un diplôme de master avec seulement 1 année d’expérience dans le domaine hospitalier face à la complexité des tâches imposées. Un non-médecin risque davantage d’imposer des vues purement économiques et oublier la vocation première de soigner des patients.

Article 32 : Il n'est pas acceptable que le Directeur général ou le gestionnaire procède à la nomination, l’engagement ou la révocation d’un médecin contre l'avis du Conseil médical qui doit avoir le pouvoir de valider un organigramme et qui doit pouvoir refuser une candidature. En effet, vouloir parachuter un médecin contre l’avis du Conseil médical est contraire à toute politique de cohérence d’équipe.

Article 33 :

L’AMMD insiste que les médecins coordinateurs soient proposés par les médecins du service concerné pour être nommés par le gestionnaire.

Le concept du médecin coordinateur actuellement en vigueur met en difficulté les autres médecins des services concernés dans leur pratique.

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Articles 34 et 35 ou « Adage selon lequel légiférer peu permettrait de légiférer bien » Mal légiférer (par excès) conduit à faire peser sur les destinataires de la loi des charges excessives et des contraintes irréalistes. Il est troublant de lire que les auteurs se sont inspirés de la législation belge pour fournir un texte qui semble ne rassembler que les contraintes du médecin hospitalier, sans que ses droits et son rôle important dans les structures hospitalières belges ne soient également mentionnés. Nonobstant des considérations importantes autour d’un statut juridique du médecin hospitalier, il faut poser la question si ces modifications majeures que les auteurs veulent imposer servent au patient ? Il s’empresse de mettre certains aspects au clair comme les auteurs ont tendance à faire un amalgame de plein d’aspects sans se rendre compte des détails qui n’en sont pas. Prenons ainsi successivement les points comme ils sont énumérés dans le texte du projet de loi pour détailler ce qu’ils représentent pour le médecin et pour le patient. « Le médecin hospitalier …

1) respecte les dispositions du règlement général visé à l’article 24 ; Cette obligation de respecter le règlement général était déjà inscrite dans le contrat d’agrément suivant le contrat type EHL – AMMD en vigueur et dans le contrat de travail d’autres établissements. A ce sujet, rien de neuf. Par contre, le médecin signant le contrat à un certain moment risque de constater que le RG sera modifié et c’est ainsi qu’il faut que ces changements pour les parties qui touchent directement l’exercice du médecin, soient validés par le Conseil Médical de l’établissement concerné. Le Conseil Médical suivra les démarches logiques et nécessaires d’une direction qui seront ensuite opposables aux médecins hospitaliers individuels. Une direction qui devrait décider en cavalier seul, risque de prendre des décisions non pondérées et finalement non utiles pour la prise en charge du patient. L’attrait pour travailler dans pareille structure va faire fuir au galop les futurs candidats médecins hospitaliers.

2) Participe à la continuité de soins et des gardes, et le cas échéant, des réseaux de compétences au sein desquels il exerce son activité hospitalière ;

Il faut souligner ici que les médecins n’ont pas attendu un texte légal pour dresser en toute conformité avec la déontologie, des tableaux de garde très complets et même parfois en double suite aux fusions de certains établissements avec des activités partagées entre deux sites, ce qui rend encore plus pénible cette tâche jusqu’à présent non rémunérée. Jusqu’à présent le patient pouvait bénéficier de soins urgents hautement spécialisés inédits dans de nombreuses institutions étrangères parfois beaucoup plus grandes que les nôtres. Il est clair que l’obligation légale des gardes ou astreintes rendra ce service public plus cher et moins flexible.

3) Doit tenir à jour le dossier patient conformément aux prescriptions légales et réglementaires ; Il s’agit bien entendu d’une obligation légale qui fait un peu doublon par rapport à la loi sur les droits et obligations du patient du 24 juillet 2014, article 15.

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4) Participe à la démarche qualité et à la prévention des risques ;

De quelle qualité parle-t-on ? S’agit-il de la qualité de l’acte médical ? De la qualité d’organisation ? de la qualité d’hygiène ? de la qualité du personnel soignant paramédical sous la responsabilité du médecin ? Tous ces aspects constituent des éléments d’une politique de qualité. La qualité de l’acte médical est évidemment sous la responsabilité du médecin concerné. Quant aux questions de rapidité de prise en charge par exemple, on a grand intérêt à ne pas alourdir le médecin de tâches administratives sans profit pour le patient. Au sujet de l’hygiène hospitalière, l’AMMD a toujours défendu un service d’hygiène national qui détermine les standards à respecter comme il n’y a pas de raison de changer de standard d’un établissement à un autre et que certains, dont les établissements spécialisés n’ont de toute façon pas les mêmes moyens en personnel de se doter de plan hygiène étoffé. Au sujet de la qualité des prestations paramédicales sous la responsabilité des médecins mais qui n’ont quasi pas de moyen d’avoir un impact concret, on ne peut que constater que le texte sous rubrique reste entièrement muet sur la question. Est-ce qu’il ne serait pas logique qu’un médecin puisse intervenir s’il constate des déficits ? Ne faudra-il pas que le directeur médical puisse imposer des choix d’attribution de personnel paramédical le cas échéant contre l’avis de son homologue directeur des soins ? Pour le moment, on vit en monde contraire : c’est le directeur de soins qui attribue du personnel aux services de son choix. Le directeur médical assume. Toute démarche qualité ne signifie pas automatiquement qu’elle soit adaptée et pondérée. L’expérience des années passées nous a appris qu’on peut s’égarer bien loin de toute finalité légitime tout en poursuivant une politique qualité. L’input du corps médical par son Conseil Médical pourra certainement donner des idées pratiques pour développer une démarche de qualité cohérente qui convainc sans contraindre. « Le médecin hospitalier est tenu de se conformer au règlement général et aux directives du directeur médical pour toutes les questions liées à l’organisation des services de l’établissement hospitalier, la standardisation des procédures et la continuité des soins » Le présent alinéa suppose que le directeur agit comme « organisateur » de l’activité médicale, suggérant qu’il y a un vide d’organisation. Si l’organisation peut certes toujours être améliorée, la vraie question c’est comment ! A travers le pays, organiser environ 600.000 journées d’hospitalisations, 1.100.000 passages aux urgences ou en policliniques et 55000 interventions chirurgicales ne s’improvise pas, ce n’est pas une mince affaire surtout si chacun de ces patients individuels est en droit d’attendre une médecine de qualité, des soins personnalisés et que les quelques 800 médecins spécialistes soient parfaitement à l’écoute du patient. Les chiffres montrent à l’évidence que vouloir diriger l’activité médicale sous forme du texte présenté revient à vouloir écarter naïvement les problèmes sans chercher à les résoudre. L’AMMD est d’avis que l’organisation structurée ne peut pas se faire sans les médecins participant aux diverses activités médicales et encore moins contre eux. Ce sont les patients qui seraient les premiers à encaisser des résultats de vrais dysfonctionnements à la façon « rien ne va plus ». Faut-il tenter le diable pour en constater l’échec qui se dessine en évidence ? Faut-il vraiment risquer des pannes à large échelle pour le bénéfice à qui ? L’AMMD revendique une implication claire des médecins dans la gestion des processus nonobstant d’un statut de libéral ou de salarié. L’activité médicale ne peut être dissociée de l’organisation médicale. L’activité médicale implique une organisation (mais non l’inverse) et celle-ci doit être entièrement assumée par les médecins concernés, que ce soit l’organisation du bloc opératoire, des policliniques ou des lits d’hospitalisation. Toute directive touchant l’organisation médicale doit être validée par le Conseil médical.

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Au sujet des standardisations : de quelles standardisations parle-t-on ? des recommandations scientifiques pour définir une bonne pratique ? des standardisations de matériel, de médicaments ? des standardisations locales pour savoir qui fait quoi quand et comment ? D’après le texte, il revient au directeur médical de réfléchir à ces sujets complexes, et dépassant certainement de loin les possibilités raisonnables de gestion en cavalier seul. En effet, la liberté thérapeutique reconnue au médecin, prolongement du principe d’indépendance, est un principe fondamental dans l’exercice de la médecine qui ne trouve ses limites que dans l’obligation d’agir conformément aux données acquises de la science. La notion de données acquises de la science est apparue avec l’arrêt Mercier en 1936 : « il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques […], mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ». L’origine de ces données a été précisée par différents arrêts : livres et traités médicaux, recommandations d’éminents spécialistes. Elles sont issues de la connaissance, de l’expérience et des études réalisées sur un nombre de cas suffisant pour admettre l’exactitude (momentanée) d’une vérité scientifique (relative). Or D’abord: la standardisation des procédures ou les standards thérapeutiques ne sont pas nécessairement d’ordre scientifique, mais également d’ordre économique, ce qui les éloigne déjà du concept des données acquises de la science médicale. De plus, un standard thérapeutique ou une procédure standardisée peut très vite devenir obsolète, en bien moins de temps qu’il n’en faut pour la rédiger. Chacun sait que le processus administratif de standardisation, par les délais et souvent sa lourdeur qu’il implique, ne permettra jamais aux standards d’être à la pointe des connaissances scientifiques du moment comme le sont, par essence même, les données acquises de la science médicale, dont la notion traverse les âges et renvoie à un contenu scientifique pur, en perpétuelle évolution et perfectible à l’infini, ce qui exclut toute possibilité de codification rigide. Puis on court le risque que la normativité scientifique de ces standards (déjà incertaine) soit, ensuite, transformée de plein droit en normativité juridique, ce qui constituerait une confusion entre deux ordres d’impératifs ! Au sujet des standards de bonne pratique, les « guidelines », il faut savoir que seulement une petite partie de l’activité médicale peut répondre aux guidelines dites « evidence-based ». Les difficultés rencontrées par les pays limitrophes illustrent bien que le Luxembourg est bien trop petit pour développer pour chaque sujet des guidelines luxembourgeoises. Même s’il est louable qu’un Conseil scientifique s’occupe de certains sujets, il ne saura être exhaustif, et de loin. Comment procéder alors ? Il n’y a pas d’autres solutions qu’au Luxembourg, on adopte des guidelines étrangères, il reste à choisir si l’on s’oriente plutôt du côté francophone ou du côté germanophone mais il est illusoire de réinventer l’œuf même au petit format. Au sujet des standardisations de matériel ou de médicaments : Il suffit de se de rendre compte qu’un directeur médical, même s’il est médecin, ne connaît que très peu des disciplines qui ne sont pas la sienne et même au sein de sa propre discipline, il est impossible de connaître l’ensemble du matériel utile pour les disciplines techniques. Alors comment définir les standards de matériel ? Il faudra que les médecins de chaque discipline concernée, définissent ensemble avec la direction les prothèses ou autres matériels en partenariat, en concertation. Il faut éviter que les procédures imaginées soient trop lourdes au risque de travailler avec du matériel dépassé. L’AMMD est opposée à imposer des choix par une direction trop aiguillée par des considérations économiques (les seules faciles à comprendre) et trop peu orientées par des considérations de qualité (beaucoup plus difficiles à apprécier). En cas de désaccord entre la direction et les médecins concernés, le Conseil médical de par sa composition

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pluridisciplinaire, peut très bien pondérer les arguments des uns et des autres pour en arriver au meilleur compromis. Les patients en seront reconnaissants ! Au sujet des standardisations locales, la direction médicale ne peut en aucun cas imposer des solutions sans concertation, non pas parce que c’est un dogme mais parce que les standardisations locales sont complexes à établir, et infiniment plus faciles à imaginer en théorie qu’à en mettre en pratique. En effet, les standards de procédures sont d’autant plus importants quand les personnes impliquées n’ont pas d’expérience, quand on a affaire à des stagiaires ou des médecins en voie de spécialisation. A ce moment, elles servent de repère, de recette de cuisine. Un médecin expérimenté est plutôt lassé de certaines contraintes qu’il juge rapidement comme superflues, un peu comme les passagers d’avion qui entendent pour la nième fois les consignes de sécurité. N’empêche, il n’est pas contesté que certaines procédures de sécurité s’imposent, aussi contraignantes qu’elles soient, pour se prévaloir de garantir au patient les meilleurs soins à tout moment. C’est ainsi qu’il ne faut pas démultiplier les procédures qui n’apportent pas de vrai gain en qualité au risque de freiner la vitesse de prise en charge des patients, paramètre également qualitatif. Soigner un patient par jour avec toutes les procédures qu’on puisse imaginer n’arrange certainement pas les douzaines de patients qu’on n’aurait pas eu le temps de voir, et qui en souffrent. « Le règlement général ne peut contenir de dispositions qui mettraient en cause l’autonomie professionnelle du médecin hospitalier individuel dans sa relation individuelle avec un patient. Les décisions individuelles prises par le médecin dans l’intérêt du patient relèvent de la liberté thérapeutique. Néanmoins, en considération des critères d’organisation de l’établissement, ces choix respectent les standards thérapeutiques définis, les procédures de qualité, les critères d’efficience et les procédures internes du service et de l’établissement, ainsi que, le cas échéant, tiennent compte des décisions des réunions de concertations pluridisciplinaires. » Dans la situation où c’est le directeur qui impose l’organisation, les standards thérapeutiques, les procédures de qualité, les critères d’efficience, il reste aux médecins que d’attendre ses consignes, ses décisions. Les décisions vont évidemment être guidées prioritairement par des considérations économiques, seul critère objectif sur lequel une administration peut se baser.Face aux milliers de contacts quotidiens entre patients et médecins, il ne faut vraiment pas envier le directeur médical qui doit endosser ce fardeau légal ! A l’image de ce qui est écrit dans la Loi du 31 juillet 2014 sur les droits et obligations des patients, il faudra savoir si, soit on a une liberté thérapeutique, soit on ne l’a pas. Le texte sous rubrique scelle que dorénavant le médecin ne l’a plus. Enfin, il a été clairement évoqué lors de réunions au sujet des réunions de concertations pluridisciplinaires nationales, que les recommandations ne constituent qu’un avis ! Le médecin en charge du patient doit évidemment pouvoir ne pas tenir compte de ces recommandations comme le choix du patient s’impose à toute recommandation et que même après discussion en réunion pluridisciplinaire, le médecin doit revoir avec le patient en fonction de l’ensemble des paramètres le concernant, et en dernière minute, la discussion peut très bien s’écarter des recommandations faites. On ne va tout de même pas imposer une chimiothérapie à un patient qui n’en veut pas par exemple. On ne pas non plus blâmer un médecin qui s’oppose finalement aux recommandations de la RCP parce qu’il estime par exemple qu’après avoir revu le patient, il se rend compte que le patient n’est plus en état de supporter une chimiothérapie. « Le règlement général de l’établissement peut prévoir une participation financière du médecin hospitalier aux charges de l’établissement » Cette phrase n’a d’autre fonction que de rendre dépendant le médecin dans ses choix diagnostiques ou thérapeutiques. Cette phrase mettra forcément à nu le système de conventionnement obligatoire. La dichotomie des honoraires n’est pas négociable.

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« Le médecin hospitalier est tenu de :

a) Se conformer dans le choix de ses thérapies aux recommandations liées à la prévention des risques et à la prévention des infections nosocomiales ;

b) Participer aux réunions de son service en matière de décisions de standards thérapeutiques et d’amélioration de qualité et plus généralement participer aux réunions de concertation pluridisciplinaires

c) Déclarer sans délai tout incident ou accident thérapeutique mettant en cause la sécurité ou la santé du patient hospitalisé, stationnaire ou ambulatoire, au directeur médical ainsi que dans le système de signalement prévu à l’article 26 ;

d) Planifier ses activités et ses congés en fonction de l’organisation efficiente et des contraintes du service en fonction étroite avec l’organisation générale de l’hôpital

Au sujet de a), on peut accepter que des directives existent quant à la prévention des risques et des infections nosocomiales, mais encore une fois, qui rédige ces fameuses recommandations ? Un plan hygiène national aurait le bénéfice de s’accorder sur une politique homogène, d’autant plus utile si certains médecins exercent à 2 endroits différents b) le médecin a le devoir de participer aux réunions de service pour que le directeur lui explique quels standards qu’il doit respecter ? Le bon emplacement de ce texte serait de toute façon plutôt un règlement interne qu’une loi. c) l’ensemble des actes invasifs peuvent mettre en danger la santé d’un patient. A quel moment décide-t-on de déclarer ? Ou bien faut-il déclarer l’ensemble des 50000 interventions chirurgicales (environ 130 déclarations tous les jours), l’ensemble des admissions en polycliniques ou aux urgences (environ 3000 déclarations tous les jours ?) d) planifier les congés : les médecins ont jusqu’à présent assumé leur rôle de garde astreignant et très prenant sans qu’on puisse sérieusement leur opposer des manquements majeurs. Faut-il rappeler que le métier du médecin hospitalier est lourd mais le texte sous rubrique l’alourdi au plomb. C’est particulièrement le cas pour les gynécologues qui doivent en plus des anesthésistes et pédiatres, dormir sur place pour 2 des 4 maternités. On a souvent évoqué comme argument qu’en période d’été, on constate une chute d’activité significative. Peut-être que certains ont oublié qu’en période de vacances, les interventions dites électives se font évidemment plus rares, parce que les patients le désirent ainsi, parce que ça arrange le personnel paramédical et parce que ça arrange aussi les médecins. En faire un problème, c’est chercher les problèmes. Et quelle loi primera finalement ? Est-ce celle de l’article 35 de la loi sur les établissements hospitaliers (le médecin se conforme aux directives du directeur médical … liées à …, la standardisation des procédures et respecte les standards thérapeutiques définis…) ou celle de l’article 8.3) de la loi du 31 juillet 2014 sur les droits et obligations du patient (le patient prend... les décisions concernant sa santé.) Une dérive de la loi sur les établissements hospitaliers pourrait conduire à une médecine dogmatique d’usage général. La dimension humaine et individuelle dans laquelle s’inscrit tout acte de soin pourrait en devenir étrangère. Cette loi pourrait bien substituer le dogme à la liberté thérapeutique exercée en conscience… et les préoccupations économiques nationales à l’intérêt individuel et théoriquement supérieur du patient. Mais cela peut aussi être rassurant pour le médecin, qui n’ayant plus besoin d’aucun sens critique, d’aucune analyse personnelle, n’a plus qu’à suivre les standards ? Il pourra même se réfugier derrière cette loi. Suivant strictement le standard, il n’aura pas fait l’examen qui aurait pu sauver le patient, mais il sera serein puisqu’il n’aura pas utilisé ce moyen en accord avec la tendance actuelle de faire des économies. Cette loi risque de façonner une médecine bureaucratique, normative et impersonnelle dans laquelle le médecin perdrait tout sens critique pour devenir une sorte d’automate porteur d’un Code… d’une bible Le patient, lui se retrouve orphelin face à un médecin téléguidé par une administration en autogestion qui, elle est sans lien direct avec le patient concerné.

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Article 37 :

Au sujet du suivi pharmaceutique, il faudra veiller à ce que ce suivi se fasse en collaboration avec le médecin prescripteur et non dans son dos !

Article 39 :

En cas de dossier patient hospitalier unique pour l’ensemble des établissements hospitaliers, un logiciel développé par des ressources du pays et constituant en quelque sorte la colonne vertébrale sur laquelle seraient connectés les autres logiciels des hôpitaux, rendrait facile l’interchangeabilité des données d’une part et ferait gagner énormément d’argent.

Article 40 :

D’après le projet de loi, les données médicales seront dorénavant codées selon ICD 10-CM et ICD 10 PCS.

Il serait utile que la commission consultative de documentation puisse s’adjoindre d’experts externes si la commission le juge utile ou nécessaire

Les modalités pratiques de la mise en route de la documentation médicale restent à définir. Il faut toutefois s’attendre que cette mise en route du codage prévu demande un certain temps.

Article 41 :

Si chaque patient reçoit lors de son admission une information écrite sur la possibilité d’une médiation par le Service National de la Médiation, il faut se poser la question de l’utilité d’une médiation in-house qui a fait ses preuves dans tous les établissements. Orienter le patient directement vers la Médiation Nationale n’est pas opportun. La médiation in-house ne saura être court-circuitée par une médiation nationale.

L’AMMD redoute que le texte de l’article sous rubrique ne constitue une incitation pour les patients à déposer plaintes, fondées - non-fondées/ en tout ou en partie et ainsi court-circuiter les démarches in-house des établissements hospitaliers.

Article 56:

Article problématique pour de nombreux établissements hospitaliers comme pour beaucoup de services qui disposent de lits de même type à des localisations géographiques différentes.

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Luxembourg, en date du 29 septembre 2016

Pour le Conseil d’Administration de l’AMMD

Dr Alain SCHMIT Dr Marc PEIFFER

Dr Annick CONZEMIUS Dr Xavier MILLER

Pour les Conseils médicaux du CHEM, du CHdN, du CHL, des HRS

Dr LENS Vincent Dr REIMER Hansjörg

Dr THEISEN Robert Dr WILMES Philippe

Dr STIEBER Marc Dr HIRSCH Marco

Dr LEDESCH-CAMUS Danielle