calvet Étude d’un texte alchimique latin du xive siècle- le rosarius philosophorum attribué au...

46
© Koninklijke Brill NV, Leiden, 2006 Early Science and Medicine 11, 2 Also available online – www.brill.nl ÉTUDE D’UN TEXTE ALCHIMIQUE LATIN DU XIVE SIÈCLE: LE ROSARIUS PHILOSOPHORUM ATTRIBUÉ AU MÉDECIN ARNAUD DE VILLENEUVE (OB. 1311) ANTOINE CALVET Paris Abstract This article reports on a fourteenth-century alchemical text that was erroneously ascribed to the physician Arnaldus de Villanova (ob. 1311). The Rosarius is an important alchemical work, which mixes Arabic alchemy with more modern La- tin sources (such as pseudo-Geber and pseudo-Bacon) and provides, step by step, an alchemical magisterium in a very clear style. This articles studies both the handwritten and printed transmission of the Rosarium and its reception into the sixteenth and seventeenth centuries. It provides a summary and explanation of the often original contents of this work and documents how it was understood in the fourteenth and fifteenth centuries as a text of medical alchemy relevant to both man’s health and metals, and in the Renaissance more exclusively as an alchemical text with a high degree of technical accuracy. Le Rosarius philosophorum est, ainsi que l’indique son titre, un florilège d’extraits de l’alchimie arabo-latine et de l’alchimie latine, organisée en 32 chapitres décrivant le processus de la transmu- tation et divisée en théorique et en pratique. On le reconnaît à son titre le plus courant : Liber abreviatus aprobatus verissimus the- saurus thesaurorum Rosarius philosophorum ac omnium secretorum maximum secretorum. Il est généralement attribué au médecin Arnaud de Villeneuve. Le Rosarius n’est pas le premier traité d’alchimie latine. Mi- chel Scot, le pseudo-Geber, le pseudo-Albert et le pseudo-Bacon, pour ne citer que les plus importants, l’ont précédé et nourris- sent son propos. Mais il constitue assurément une des premières tentatives de description du magistère alchimique en suivant un ordre précis, quand des textes comme la Summa perfectionis magisterii du pseudo-Geber (Paul de Tarente) 1 , ou même la Semita recta du pseudo-Albert délivrent avant tout un cours magistral sur l’alchi- mie où est exposée une théorie, où sont définis les termes, clas- 1 W. Newman, The Summa Perfectionis of Pseudo-Geber (Leyde, 1991).

Upload: settemontierma1

Post on 11-Nov-2015

90 views

Category:

Documents


13 download

DESCRIPTION

.

TRANSCRIPT

  • 162 antoine calvet

    Koninklijke Brill NV, Leiden, 2006 Early Science and Medicine 11, 2Also available online www.brill.nl

    TUDE DUN TEXTE ALCHIMIQUE LATIN DU XIVESICLE: LE ROSARIUS PHILOSOPHORUM ATTRIBUAU MDECIN ARNAUD DE VILLENEUVE (OB. 1311)

    ANTOINE CALVETParis

    Abstract

    This article reports on a fourteenth-century alchemical text that was erroneouslyascribed to the physician Arnaldus de Villanova (ob. 1311). The Rosarius is animportant alchemical work, which mixes Arabic alchemy with more modern La-tin sources (such as pseudo-Geber and pseudo-Bacon) and provides, step by step,an alchemical magisterium in a very clear style. This articles studies both thehandwritten and printed transmission of the Rosarium and its reception into thesixteenth and seventeenth centuries. It provides a summary and explanation ofthe often original contents of this work and documents how it was understood inthe fourteenth and fifteenth centuries as a text of medical alchemy relevant toboth mans health and metals, and in the Renaissance more exclusively as analchemical text with a high degree of technical accuracy.

    Le Rosarius philosophorum est, ainsi que lindique son titre, unflorilge dextraits de lalchimie arabo-latine et de lalchimie latine,organise en 32 chapitres dcrivant le processus de la transmu-tation et divise en thorique et en pratique. On le reconnat son titre le plus courant : Liber abreviatus aprobatus verissimus the-saurus thesaurorum Rosarius philosophorum ac omnium secretorummaximum secretorum. Il est gnralement attribu au mdecinArnaud de Villeneuve.

    Le Rosarius nest pas le premier trait dalchimie latine. Mi-chel Scot, le pseudo-Geber, le pseudo-Albert et le pseudo-Bacon,pour ne citer que les plus importants, lont prcd et nourris-sent son propos. Mais il constitue assurment une des premirestentatives de description du magistre alchimique en suivant unordre prcis, quand des textes comme la Summa perfectionis magisteriidu pseudo-Geber (Paul de Tarente)1, ou mme la Semita recta dupseudo-Albert dlivrent avant tout un cours magistral sur lalchi-mie o est expose une thorie, o sont dfinis les termes, clas-

    1 W. Newman, The Summa Perfectionis of Pseudo-Geber (Leyde, 1991).

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM162

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 163

    ss les mtaux et les oprations alchimiques, dcrits des appa-reils, gloss des recettes ; cela, sans que le procs alchimique ysoit dtaill tape par tape. Avec le Rosarius, nous disposonsdun authentique outil de travail, dun texte organis, autantpratique que thorique, ayant la prtention de nous livrer selonlordre des oprations la cl de lalchimie et qui se terminecomme un livre de distillation caractre mdical. Ainsi, dans leprmium, dans son intitul mme, il est prsent comme livreabrg, approuv, trs vrai, trsor des trsors, ce qui sembleindiquer la recherche et ltablissement dauctoritates alchimi-ques de faon non seulement donner lire un procd, unetechnique particulire de la transmutation, mais aussi compo-ser comme le rappelle M.-D. Chenu un corps doctrinal dignede devenir classique2.

    Dans cette tude allant du XIVe sicle au XVIIe sicle, aprsavoir livr une description (lacunaire) de la tradition manus-crite, puis imprime, aprs avoir voqu la fortune de ce texte,abord la question de sa rception dans certaines uvres de laRenaissance, nous traiterons plus en dtail celle des sources et,lie cette dernire, la question de la doctrine alchimique quele Rosarius dfend ainsi que de son rapport la mdecine. Maisavant tout, il convient de rsoudre lpineuse question de sonattribution au mdecin catalan Arnaud de Villeneuve (Arnau deVilanova) et de sa datation.

    Attributions et datation

    Le manuscrit de Palerme

    Nous appelons manuscrit de Palerme ou codex Speciale (Pa-lerme, Biblioteca communale, 4 Qq A 10)3 ce recueil du milieudu XIVe sicle contenant une des plus importantes collectionsde textes alchimiques du moyen ge. Limportance des traits

    2 M.-D. Chenu, La Thologie au Douzime sicle (Paris, 1976), 352.3 I. Carini, Sulle scienze occulte nel medio evo (Palerme, 1872 ; reprint, Bologne,

    1983). Pour une description plus moderne de ce manuscrit, voir Diego Ciccarelli,Palermo, Biblioteca communale, dans Catalogo di Manoscritti filosofici nelle Bibliotecheitaliane, vol. 7 : Novara, Palermo, Pavia (Florence, 1993), 97-105. Pour la datationde 1323, voir S. Harrison Thomson, The Texts of Michael Scots Ars alchemi,Osiris, V (1938), 523-559, ici 524.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM163

  • 164 antoine calvet

    retenus et son anciennet en font un tmoin capital de la diffu-sion de lalchimie cette poque. De plus, le manuscrit de Pa-lerme transmet une liste de livres alchimiques4 appartenant unfrre de Bologne, dnomm Dominique (frater Dominicus monacusmonasterii sancti Proculi de Bononia), peut-tre celui-l mme quicomposa le recueil, du moins sa deuxime partie5. Parmi lestextes appartenant au corpus alchimique attribu Arnaud deVilleneuve, dans sa liste frre Dominique nimpute ce dernier,en toutes lettres, que le Defloratio philosophorum dont, par ailleurs,il donne une transcription plus loin. Les autres traits qui par lasuite seront donns dArnaud de Villeneuve mais qui ici restentanonymes ou connaissent des attributions divergentes, ces traitssont les Flos florum, Speculum alchimi, Novum Testamentum, Luci-darium. Le Rosarius nest jamais cit dans la liste du frre Domi-nique ou encore transcrit. Si lon sen tient lhypothse dunebibliothque alchimique runie par ce dernier se composant detmoins manuscrits crits vers le dbut du XIVe sicle, ce quelaisse supposer lcriture du manuscrit datable entre 1323 et1350, son absence dans la liste confirme une publication dutrait aprs le premier quart du XIVe sicle. Car il semble cu-rieux quun amateur aussi clair que le frre Dominique laitignor, dautant que le manuscrit de Palerme transmet certainesdes sources parmi les plus importantes du Rosarius, comme laSumma perfectionis magisterii du pseudo-Geber. Un tel tmoignage,mme ngatif, nous incite donc choisir une date de confectiondont la terminus ad quem serait la mort de Robert de Naples(1343), puisque nous posons comme probable lhypothse dunecommande de ce roi un frre alchimiste de son royaume6, etdont le terminus a quo ne saurait tre antrieur 1323, le terminusa quo du manuscrit de Palerme.

    4 Carini, Scienze, 175-179 ; S. Harrison Thomson, Texts, 525-528.5 Si Carini estime quil a t compos par une seule main, pour A. Colinet,

    laquelle a consacr une tude ce petit parchemin ( format missel ), le manus-crit comporte deux critures principales, lune de la fin du XIIIe sicle ayant notles textes arabo-latins et quelques textes latins (Semita recta, Summa perfectionis),lautre aprs 1325. Nous tenons remercier, ici, Mme A. Colinet de nous avoirenvoy une copie de son tude ce jour indite : Le manuscrit alchimique latinde Palerme, Biblioteca Communale, 4 Qq A 10. Description et notes de travail.

    6 Cf. infra.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM164

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 165

    Attribution Arnaud de Villeneuve

    Comme par ailleurs lensemble du corpus alchimique qui lui estattribu, il nous semble assur que le Rosarius est tranger laproduction intellectuelle dArnaud de Villeneuve. De plus ilnapparat pas dans le corpus avant les annes 1360 et suivantes,alors mme que des textes alchimiques attribus au mdecincatalan circulent ds les premires dcades du XIVe sicle (leDefloratio dans le manuscrit de Palerme par exemple).

    Notre hypothse est donc la suivante : entre 1323 et 1340, unFranciscain entreprend de runir dans un rosaire7 les plus r-centes thories sur lalchimie lorganisant en se conformant lordre de progression de luvre elle-mme. Cette entrepriselobligea trs certainement consulter des recueils alchimiquesrcemment conus et disponibles l o ils se trouvaient ; ellenaurait pu aboutir sans laide dun puissant mcne : le roiRobert de Naples auquel louvrage, une fois termin, est ddi8.

    Les rares tmoignages de la circulation du Rosarius au XIVesicle confirme quelque peu notre hypothse.

    Tmoignages de la tradition indirecte : Sdacer, Roquetaillade, pseudo-Lulle, Bernardus

    Avant 1350, il nexiste aucune trace atteste du Rosarius. Certes,datant le Testamentum du pseudo-Lulle vers 1332, o est men-tionn le Rosarius associ Arnaud de Villeneuve, quelques-unsont cru y dceler lindice dune influence de lun (le Rosarius)sur lautre (le Testamentum) ; malheureusement, ainsi que le d-montra M. Pereira9, cette citation du Rosarius dans le Testamentumnest quune glose du XIVe sicle, dorigine inconnue, insrepar la suite dans le corps du texte. Cependant, on ne peut nonplus nier les rapports qui unissent les deux textes et si rien nest

    7 Le terme de rosaire (rosarius) appartient au champ lexical de flores, defloratio,lilium, etc. dsignant un ouvrage slectionnant les meilleures pages retenir surun sujet donn. J. Hamesse, Le vocabulaire des florilges mdivaux dans O.Weijers, ed., Mthodes et instruments du travail intellectuel au moyen-ge. tudes sur levocabulaire (Turnhout, 1990), 209230.

    8 Cf. infra.9 M. Pereira, Arnaldo da Villanova e lalchimia. Unindagine preliminare

    dans J. Perarnau, ed., Actes de la I trobada internacional destudis sobre Arnau deVilanova (Barcelone, 1995 ), II, 165-171, ici 128.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM165

  • 166 antoine calvet

    certifi, il semble vident que le Rosarius et le Testamentum ontt conus de manire quasi-simultane. Pour lheure, nayanten la matire aucune certitude et ne voulant formuler de mis-rables supputations, on vitera dexploiter la connivence, relle,des deux textes pour proposer une datation du Rosarius. Plusloin, nous reviendrons sur les liens qui, indubitablement, unis-sent les deux textes.

    propos de llixir au blanc ou lait de vierge10, dans son Liberlucis Jean de Roquetaillade crit vers 135011 que Geber et Avi-cenne nont pas saisi limportance de cette teinture, alors quHer-ms en a adapt le procd, quAlphidius la adapt, que leRosarius la compris et quArnaud de Villeneuve la mis en crit.On remarquera quici le Rosarius est distingu du nom mme decelui que lon pensera un peu plus tard tre son auteur.

    Les tmoins qui citent ensuite le Rosarius comme appartenant luvre dArnaud de Villeneuve sont tardifs et se reprent vers1380 : Chaucer dans ses Contes de Canterbury (The Canons YeomanTale)12, Bernard de Trves dans sa Responsio Thomas de Bolo-gne (1385). Mais Sdacer, qui crit aprs 1378, ignore tout lienentre Arnaud de Villeneuve et le Rosarius13.

    Il est donc clair quavant dtre une composante essentielle ducorpus alchimique attribu Arnaud de Villeneuve, le Rosariuseut une vie propre comme anonyme.

    Histoire du texte

    Les manuscrits latins

    XIVe sicle

    La tradition manuscrite du Rosarius philosophorum, en particulierdans le domaine latin, est au XIVe sicle dune rare indigence.Nous ne sommes assur que dun manuscrit qui transmet luvreen 1380-1400, le Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria, ms. EIV 22, ff. 2-22v. Cette copie ralise par lcole avignonaise pour

    10 R. Halleux, Les ouvrages alchimiques de Jean de Rupescissa Histoire Lit-traire de la France (Paris, 1981), vol. XL1, 265.

    11 Ibid., 267.12 Chaucer, Les Contes de Cantorbry, J. Dor , ed (Paris, 1991), 246.13 P. Barthlmy, ed., La Sedacina ou luvre au crible (Paris, 2002), II, 18.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM166

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 167

    le compte dun riche donateur, un ecclsiastique, comporte unelongue ddicace au roi Robert de Naples (1309-1343) ; elle estillustre par la reprsentation du livre au roi Robert par unmoine (ou frre) en froc gris, barbu et plutt jeune, lauteur,semble-t-il, du Rosarius14. Une reproduction de cette illustrationpeut tre vue sur Internet (http://hdelboy.club.fr/sommaire_rosaire.html). La copie manuscrite est abondamment annoteen marge.

    Comme pour les autres manuscrits que nous avons choisis deprsenter, nous en donnons ici le titre, lincipit et lexplicit. Deplus, nous signalons par le vocable vidi le fait davoir pu con-sulter lesdits tmoins, soit sur microfilm, soit en bibliothque.

    1. T. Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria, ms. E IV 22, ff. 2-22v (vidi)

    Titre : Liber abreviatus aprobatus verissimus thesaurus thesaurorumRosarius philosophorum.

    inc. : Iste liber nempe nominatur Rosarius

    expl. : ut merito merearis dici et esse de numero sapientium antiquorum.Vale! Amen.

    Les catalogues consults font tat galement dune autre copiepeut-tre compose la mme poque. Mais nous ne savons rien(ou presque) de ce tmoin, le Prague, Universitn knihovna, ms.1765 (IX.E.9.), ff. 40-58v.

    2. P. Prague, Universitn knihovna, ms. 1765 (IX.E.9.), ff. 40-58v

    Titre : Rosarius (= Rosarius philosophorum).

    inc. : Incipit quidam liber Rosarius appellatus Rosarius philosophorum

    expl. : quamvis intelligentibus sint satis prolixa.

    Miscellanes alchimiques : Turba philosophorum, Liber luminum,Semita recta du pseudo-Albert, Liber trium verborum de Razi, Dialogus

    14 I. Massabo Ricci, M. Carassi e L. Clotilde Gentile, Blu, Rosso e Oro, Segni ecolori dellaraldica in carte, codici e oggetti darte (Milan, 1998), 263 a, b. Sur ce ma-nuscrit, voir aussi G. Camilli, Il Rosarius philosophorum attribuito ad Arnaldo daVillanova nella tradizione alchemica del Trecento, dans J. Perarnau, ed., Actes dela I trobada, II, 175-208.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM167

  • 168 antoine calvet

    patris et filii de lapide philosophico (= Flos florum du pseudo-Arnaud),etc. Une main15.

    Fait remarquable, ces deux copies restent anonyms.

    XVe sicle

    Les manuscrits du XVe sicle sont de loin les plus nombreux,plus de 40 copies. Ils sont gnralement imputs au mdecinArnaud de Villeneuve (ob. 1311), qui laissa le souvenir dun hommeexpert en de nombreuses sciences, dont lalchimie. Notre proposnest pas de donner ici un panorama complet de la traditionlatine du Rosarius au XVe sicle, mais du moins den retirerdes enseignements aprs lexamen de quelques tmoins parmiles plus intressants, commencer par ceux qui restent notreporte : les manuscrits parisiens.

    3) B. Bologne, Biblioteca Universitaria, ms. 104 (Lat. n 138),ff. 109-123v (vidi).

    Titre : Incipit Rosarius et Thesaurus philosophorum secretus a magistroArnaldo de Villa nova

    inc. : Iste namque liber vocatur Rosarius

    expl. : quoniam est donum Dei magnum et cui vult largiter et aufert ipsum.Explicit Rosarius ma[gistri] Arnaldi de Villa nova collationatus est per meTebracum cum Dei magni auxilio die 7 septembris in Lugduno m. cccclxxxvi. Laus Deo vivo, Amen.

    Titre et attribution Arnaud de Villeneuve dans lincipit etlexplicit, de la main du copiste. Miscellanes de textes dalchimielatine et arabo-latine (Razi, Geber). En partie transcrits Vienneaux abords du Rhne par le suppos pimontais Johannes Bartho-lomei de Lachellis de Fontaneto16, entre 1476 et 1477, puis corrig,enrichi et parfois complt par au moins trois autres mainspostrieures. Le Rosarius aurait donc t collationn Lyon en

    15 J. Trulhr, Catalogus codicum manuscriptorum latinorum qui in C.R. Bibliothecapublica atque Universitatis Pragensis asservantur, II, codices 1666-2752 (Prague,1906), 24.

    16 L. Thorndike, History of Magic and Experimental Science (New York, 1934), vol.IV, 344. C. Crisciani, Il papa e lalchimia, Felice V, Guglielmo Fabri e lelixir (Rome,2002), 112-117.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM168

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 169

    septembre 1486 par lun de ces possesseurs du manuscrit, unalchimiste de cette ville dnomm Tebrac (?). Ce dernier a,semble-t-il, rajout les dernires lignes de lexplicit se terminantpar quoniam est donum Dei magnum et cui vult largiter etaufert ipsum17. Le manuscrit appartient au fonds Caprara de laBibliothque Universitaire de Bologne18. Une main du XVIIesicle, celle du collectionneur, la annot inscrivant en margesuprieure : Impressus in operibus Arnaldus de Villanova. Cemanuscrit contient la plus importante collection de textes alchimi-ques attribus Arnaud de Villeneuve. Outre ces derniers, lemanuscrit de Bologne collecte des traits dalchimie latine parmiles plus importants, dont, entre autres, le De lapide philosophorumet de auro potabili de Guylelmi Fabri de Dya19 ou encore la lettrede Bernard de Trves Thomas de Bologne, des traits du pseudo-Lulle et le Rosarius de Dastin, si proche de notre Rosarius etparfois confondu avec lui.

    4) C1. Cambrai, Bibliothque municipale, 919, ff. 92-98v.

    Titre : Incipit quidam liber abreviatus verissimus approbatus thesaurusthesaurorum Rosarius philosophorum.

    inc. : Iste namque liber vocatur Rosarius

    expl. : brevitate tamen truncata quanvis intelligentibus sint satis prolixa.Explicit Rosarius magistri Arnaldi.

    Titre et attribution Arnaud de Villeneuve dans lincipit, de lamain du copiste. Miscellanes de textes dalchimie latine, arabo-latine, de recettes et de textes mdico-alchimiques (De aqua vitcomposita et simplici du pseudo-Arnaud). Le Cambrai, 919, est unrecueil de traits scientifiques compos par au moins deux mainsdont celle de Raoul le Prtre (ob. av. 1443), neveu et collaborateurde Pierre dAilly20.

    17 Lexplicit de Lachellis est alors le suivant : Brevitate suprascripta tamentruncata quamvis intelligentibus satis sit prolixa. Deo gratias amen. Finis. Explicitrosarius magistri Arnaldi de Villanova. Quant celui de Tebrac, il correspond une version abrge de celui de T se terminant par : ut merito merearis dici etesse de numero sapientium antiquorum.

    18 D. Kahn, Le fonds Caprara de manuscrits alchimiques de la BibliothqueUniversitaire de Bologne, Scriptorium, 1, XLVIII (1994), 103-110.

    19 Crisciani, Il papa.20 J. Corbett, Catalogue des manuscrits alchimiques latins, Manuscrits des biblioth-

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM169

  • 170 antoine calvet

    5) C2. Cues, St Nikolaus Hospitalsbibliothek, 201, ff. 1-18v, XIVe/XVe sicles (vidi).

    Titre : Incipit quidam liber abbreviatus approbatus verissimum thesaurusthesaurorum philosophorum Rosarius.

    inc. : Iste namque liber nominatur Rosarius () de modo petendi cumexhortatione ad legendum philosophorum libros

    expl. : ut merito merearis dici et esse de numero sapientium antiquorum.Explicit liber Rosarii philosophorum.

    Titre de la main du copiste dans lincipit, attribution Arnaudde Villeneuve dans la marge par une main plus tardive. Miscellanesalchimiques composes en grande partie de traits arabo-latins(Turba philosophorum, Liber Alboali philosophi, ). Au moins troismains dont la premire, la plus ancienne, celle qui a transcrit leRosarius, serait de la fin du XIVe sicle21.

    6) F. Florence, Biblioteca nazionale, Palatinus, 758, ff. 110v-147(vidi).

    Titre : Incipit liber Rosarii de lapide phylosophico componendo edito et permaiori parte extractus ab Alberto magnus phylosophus ut dicitur in receptaet compositus per Arnaldum de Villa nova. Capitulum primum indicitur demodo petendi cum exortatione ad legendum philosophorum libros. Incipitquidam liber abbreviatus verissimus thesaurus thesaurorum Rosarius phi-losophorum.

    inc. : Iste autem liber nominatur Rosarius

    expl. : merito merearis elici et esse de numero sapientum antiquorum. Ex-plicit liber Rosarii Arnaldi.

    Titre et attribution Arnaud de Villeneuve dans lincipit, de lamain du copiste. Miscellanes de textes dalchimie arabo-latineet latine, de recettes, de pratiques alchimiques, de secrets et desonnets en langue italienne. Le Rosarius est ici abondammentglos et augment de nombreuses interpolations. Au folio 117

    ques publiques des dpartement franais antrieurs au XVIIe sicle (Bruxelles, 1951), II,n 11 ; D. Muzerelle, avec la collaboration de G. Grand, G. Lano, M. Peyrefort-Huin, Manuscrits dats des Bibliothques de France, I, Cambrai (Paris, 2000), XVII, 108.

    21 J. Marx, Verzeichnis der Handschriften-Sammlung des Hospitals zu Cues (Trves,1905), 186-188.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM170

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 171

    de cette copie, il est port la leon suivante : secundum Albertumde colonia Theotonicum, auctorem huius tractatus a quo isteliber Rosarius pro maiori parte est extractus.

    7) M. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm, 457, 132-154v(vidi).

    Titre : Incipit quidam liber abreviatus Rosarius aprobatus verissimusthezaurus thezaurorum Rosarius philosophorum.

    inc. : et nominatur Rosarius () cum exortatione ad legendum libros philo-sophorum.

    expl. : brevitate tamen truncata quamvis intelligentibus sint satis prolixa.Explicit Rosarius a magistro Arnaldo editus de Nova Villa.

    Titre et attribution Arnaud de Villeneuve dans lexplicit, de lamain du deuxime copiste qui achve la transcription. Miscellanesde textes latins mdicaux (Lilium medicin de Bernart Gordon, leThesaurus pauperum de Pierre dEspagne, le De plebotomia de Jeande Procida) et de textes dalchimie latine comme le Rosarius etle Correctorium alchimi attribu Ricardus Anglicus. Deux mainsont, semble-t-il, travaill lcriture du Rosarius22.

    8) P1 Paris, BnF, ms lat. 7149, ff. 3-10 (vidi).

    Titre : Incipit liber quondam abreviatus verissimum thesaurusthesaurorum, Rosarius philosophorum.

    inc. : Iste liber nominatur Compositor, alias Rosarius () Primum capitulumdicitur cavendi, cum exortatione ad legendum libros philosophorum.

    expl. : secretum secretorum Rosarium omnium philosophorum. ExplicitRosarium Arnauldi de Ville nova.

    Titre, attribution Arnaud de Villeneuve dans lexplicit de lamain du copiste. Miscellanes de textes alchimiques latins. Unemain franaise du XVe sicle23.

    22 C. Halm, G. Laubmann, Catalogus codicorum latinorum Bibl. Regi Monacensis(Munich, 1868), vol. 1, pars 1, 92 ; A. Calvet, Mutations de lalchimie mdicaleau XVe sicle propos des textes authentiques et apocryphes dArnaud de Ville-neuve, Micrologus, III (1995) : Le crisi dellAlchimia, 185-209, 207-208.

    23 Corbett, Catalogue des manuscrits alchimiques latins, manuscrits des bibliothquespubliques de Paris, antrieurs au XVIIe sicle (Bruxelles, 1939), vol. I, n17.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM171

  • 172 antoine calvet

    9) P2 Paris, BnF, ms. lat. 7163, ff. 76-87v (vidi).

    Titre : Incipit liber veridicus a Philosophis complilatus. Convenit hic libercum Rosario Magno Arnaldi de Villa Nova, paucis verbis immutatis.[=Totum continens]

    inc. : Dividitur autem ista sciencia prima seu divisione in theoricam et prac-ticam

    expl. : tamen sciendum est quod siccum non fit humidum nisi prius fueritfrigidum, id est aqua nec frigidum fit calidum nisi prius.

    Titre alternatif et attribution Arnaud de Villeneuve dans lincipit,de la main du copiste. Manuscrit lullien. Plusieurs mains du XVesicle24.

    10) P3 Paris, BnF, ms. lat. 11202, ff. 103-136v (vidi).

    Titre : Incipit liber abbreviatus, approbatus, verissimus, thesaurusthesaurorum, Rosarius philozophorum () Incipit prohemium librimagistri Arnaldi de Villa Nova.

    inc. : Iste namque liber nominatur Rosarius () ac legendum libris philo-sophorum

    expl. : brevitate tamen truncata quamvis intelligentibus sunt satis prolixa. Deogratias. Explicit Liber Rozarii a magistro Arnaldo de Villa Nova compositus.

    Titre et attribution Arnaud de Villeneuve dans lincipit, de lamain du copiste. Miscellanes de textes alchimiques latins (Or-tulanus, Lulle, Roquetaillade, pseudo-Thomas, Jehan de Meung,etc.). Plusieurs mains franaise et occitane avec des fragmentsen langue vulgaire25.

    11) P4 Paris, BnF, ms. lat. 14005, ff. 31-50 (vidi)

    Titre : Hic liber Rosarius intytulatur (marge suprieure, rubriqu).Incipit quidam liber Rosarius approbatus, verissimus, thezaurusthezaurorum, Rosarius philosophorum.

    inc. : et nominatur Rosarius () cum exortatione ad legendos libros philo-sophorum

    expl. : quamvis intelligentibus sunt satis prolixa.

    24 Ibid., n 27.25 Ibid., n 47.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM172

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 173

    Titre sans attribution. Miscellanes de textes dalchimie latine etde textes dalchimie arabo-latine, importante section consacreaux recettes. Trois mains du XVe sicle ont, entre autres, copile Liber de compositione alkimie de Morien, le Liber Luminum, leRosarius minor dOrtolanus, le Tractatus Avicenne de Mineralibus,etc. ct de ces grands traits thoriques, des recettes et desnigmes nombreuses. Les recettes portent presque toujours lenom de leurs auteurs, comme par exemple Lonard de Maurperg,un prtre de Prague, dont un voyage pour rechercher de bonnesrecettes ad aurum est relat26. Lorigine de ce manuscrit estgermanique. Il est annot par une main du XVIe sicle (1514).

    12) P5 Paris, BnF, ms. lat. 14008, XVe-XVIe sicle, ff. 124-138(vidi).

    Titre : Incipit liber veridicus de investigatione lapidis philosophici et deperfectione eiusdem qui totum continens vocatur.

    inc. : Dividitur autem ista scientia prima sui divisione in theoricam et prac-ticam.

    expl. : (le texte sarrte au chapitre XXXII et diverge du modle) sana mentequerentibus prestare et concedere dignetur. Jesus Christus Dei benedictusFilius qui in Trinitate perfecta cum Deo Patre et Spiritu Sancto vivit et regnatin secula seculorum. Amen. Explicit Totum continens. Completus die 3anovembris, 1450.

    Titre, incipit et explicit alternatifs (ceux du Totum continens) ;titre dans lexplicit sans attribution. Miscellanes de textes dal-chimie latine dominante lullienne. La premire partie laquelleappartient le Rosarius, est date : 1450. La deuxime partie, duXVIe sicle, a t compose par L. de Maindreville27.

    13) P6 Paris, BnF nouv. acq. latines, 1293, ff. 13v-29 (vidi).

    Titre : Deus cum tua veritate et benedictionem, incipit Testamentummagistri LLullii abreviato.

    inc. Primum vel primum ergo regimen lapidis est disolvere

    expl. faciasque volare solutum, adque volucrem volvas faciat te vivere tutum.Explicit Rosarius. Deo gratias. Amen. Amen. Amen.

    26 Ibid., n52.27 Ibid., n 55.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM173

  • 174 antoine calvet

    Titre, incipit et explicit alternatifs et attribution Raymond Lulledans lincipit de la main du copiste. Miscellanes de textesdalchimie latine et de nombreuses recettes, soit en latin, soit encatalan ou provenal, italien. Une main principale, celle de mastroRaphael. Le roi Martin de Sicile est cit la fin du manuscrit propos dune recette (Martin I et Martin II ont t rois de 1409 1412). Le Rosarius est ici rduit la seule Practica et, prenantle titre de Testamentum, il est donc attribu Raymond Lulle ; deplus, augment de gloses lulliennes relativement importantes(alphabets, etc.)28.

    14) Y. New Haven (Conn.), Yale University, Beinecke Rare Bookand Manuscript Library, coll. Mellon, ms. 5, 1v-19, vers 1400(vidi).

    Titre : Liber abbreviatus verissimus, thezaurus thesaurorum sivephilosophorum ac omnium secretorum.

    inc. : Iste namque liber vocatur Rosarius () de modo petendi et exhor-tatione ad legendum philosophorum libros.

    expl. : ut merito merearis dici et esse sapientum antiquorum. Gratia Deifilius, Amen. Explicit Rosarius magnus.

    Titre dans lincipit sans attribution. Miscellanes alchimiques, leplus souvent des textes dalchimie latine (le pseudo-Arnaud, lepseudo-Geber, le pseudo-Albert, Ortulanus, le pseudo-ThomasdAquin, Roquetaillade). Une main qui na pas t formellementidentifie a soigneusement compos ce manuscrit. Plusieurs in-dices semblent indiquer quil est dorigine germanique et que,peut-tre, il fut luvre de Johannes Tecenensis, un alchimistede cette poque, de Teschen en Autriche29.

    28 Ibid., n 64.29 L. C. Witten et R. Pachella, Alchemy and the Occult. A Catalogue of Books and

    Manuscripts from the collection of Paul and Mary Mellon (New Haven, 1977), vol. III,26-41.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM174

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 175

    XVIe sicle

    15) M2. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 2848, ff. 114v-143, 1531.

    Titre : Arnoldi de nova villa thesaurus thesaurorum sive Rosariusphilosophorum.

    inc. Iste liber qui vocatur Rosarius

    expl. de numero sapientium antiquorum. Explicit Rosarius a magistro Ar-naldo de Nova villa compositus.

    Titre et attribution Arnaud de Villeneuve dans lincipit. Mis-cellanes de textes dalchimie latine dont plusieurs attribus Arnaud de Villeneuve. Le manuscrit est dat : 153130.

    16). S. Salamanque, Biblioteca universitaria, ms. 2108, ff. 77v-114.

    Titre : Incipit quidam liber appellatus Thesaurus thesaurorum, Rosariusphilosophorum.

    inc. : Iste namque liber vocatur Rosarius

    expl. : Explicit Rosarius a magistro Arnaldo de Villanova compositus.

    Titre, attribution Arnaud de Villeneuve dans lexplicit, apparem-ment de la main du copiste. Miscellanes de textes dalchimielatine. Les traits du pseudo-Arnaud de Villeneuve sont les plusnombreux (Rosarius, Novum Lumen, Flos florum, De secretis natur,Epistola super alchimia, De vita philosophorum). Les autres auteurscopis sont Raymond Lulle (version catalane de lArs intellectiva,seu Magica lapidis philosophorum) et Roquetaillade (De considerationequinte essencie, Liber lucis)31.

    * * *

    Commentaires : ltude de cet chantillon de manuscrits nouspermet de tirer les consquences suivantes. Premirement, les

    30 Halm-Laubmann, Catalogus (1871), I, pars 2, codices num. 2501-5220, 36.Thorndike, Magic, 670.

    31 G. Beaujouan, Manuscrits scientifiques mdivaux de luniversit de Salamanqueetde ses colegios mayores (Bordeaux, 1962), 112-115.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM175

  • 176 antoine calvet

    premires copies datables au XIVe sicle restent anonymes. Unedes plus anciennes est adresse au roi Robert de Naples ; copiequi, au vu de la tradition manuscrite au XVe sicle, resta con-fidentielle32. Plus nous remontons dans le temps, et moins, dumoins dans la tradition latine, lattribution Arnaud de Villeneuvenest donne (T, P, C2, Y). En revanche, les manuscrits du XVesicle sont souvent attribus au clbre mdecin par les scribes: B, C1, F, P3, M2 ont le titre et lattribution Arnaud de Villeneuvedans lincipit ; C2, P4, Y ont le titre sans attribution. De mme,le Rosarius prsente une grande stabilit dans son expos. Letitre le plus courant ne varie gure, ainsi que les incipits et lesexplicits. Le titre de la copie de Turin est : Liber abreviatus aprobatusverissimus thesaurus thesaurorum Rosarius philosophorum (T, C2, P4,Y, B, C1, F, P3, M2, M, P1, S)33. On le retrouve dun bout lautrede la tradition manuscrite. De mme lincipit, qui permet diden-tifier ce texte et de le distinguer des autres Rosarius : Iste namqueliber vocatur (nominatur) Rosarius (T, B, C1, C2, F, M, P1, P3,Y, M2, S). Quelques tmoins comportent une formule tenant expliciter le prologue compos pour engager les lecteurs sereporter aux livres de philosophie (= alchimie) : de modo petendicum exhortatione ad legendum philosophorum libros (C2, F,M, P1, Y). Cette formule napparat pas dans les premires cop-ies. Lexplicit du Rosarius est bien quamvis intelligentibus suntsatis prolixa (P, C1, M, P3, P4) ; mais, et ce depuis le dbut,quelques lignes ont t ajoutes se terminant par : ut meritomerearis dici et esse de numero sapientium antiquorum (T, B,C2, F, Y, M2). Toutefois, nous avons quelques exemples de cop-ies scartant du modle central. Tout dabord, deux tmoins(P2, P5) portent un autre titre (Totum continens) avec des incipits

    32 On remarquera que cette adresse au Roi de Naples est voque dans unautre Rosarius, celui de John Dastin, dans le cas prsent imput Arnaud maisdissoci de notre Rosarius : voir une note en marge dans le manuscrit Cambridge,Trinity College, ms. lat. 1122, ff. 81-94, XIVe/XVe sicle.Voir M. Rhodes James,The Western Manuscripts in the Library of Trinity College (Cambridge, 1902), vol. 3,107. Dautres manuscrits ont conserv cette adresse en tte du Rosarius de Dastin:Vienne, sterreichische Nationalbibliothek, 5230, ff. 380-389, 1481 (RosariusMagistri Arnaldi de Villanova regi Ruperto missus de la main du copiste) ; Leyde,Universiteitsbibliotheek, ms. Vossiani Chymici, F 1, XVIe (seconde moiti), ff. 131-143.

    33 Voir galement D. Waley Singer, Catalogue of Latin and Vernacular AlchemicalManuscripts in Great Britain and Ireland dating from before the XVIth Century (Bruxel-les, 1928), 3 vol, n 233.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM176

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 177

    et des explicits diffrents34. Il sagit cependant du mme texte35.Dautre part, si, au vu de ce que nous avons constat sur pices,le texte varie peu dune version lautre, il est malgr tout destmoins plus fluctuants intgrant des donnes trangres auRosarius36. Le Rosarius, dont le succs ne sest pas dmenti pen-dant cette priode, connat des versions rsumes, ou des extraitsapparaissant sous dautres titres37. De plus, nous connaissons aumoins une copie rduite la Practica (P6), alors que la plupartprsentent le texte combinant une Theorica et une Practica38, cequi caractrise le Rosarius, linscrivant mme dans une pro-blmatique initie par Roger Bacon (voir plus bas). Cette copieest alors attribue Lulle. Nous remarquons, ce propos, quedes manuscrits, contenant des traits dalchimie lullienne, trans-mettent galement le Rosarius. Cela nest gure tonnant, tantles liens entre les deux corpus (lullien et arnaldien) sont grands,en particulier ceux qui ont t relevs entre le Testamentum dupseudo-Lulle et le Rosarius. De sarrter, par exemple, sur desmanuscrits entirement crits par une main comme Y39 ou Blivre une ide du contexte dans lequel volue la transmission dece texte considr comme un des plus importants pour com-prendre lalchimie. Ce contexte est dune part marqu par unealchimie de llixir but mdical divulgue dans les travauxdun pseudo-Lulle ou dun Roquetaillade ; dautre part unealchimie fonde sur le mercure (pseudo-Geber).

    Lachellis (B), outre quil runit la plus importante collectiondalchimica pseudo-arnaldiens, la mle des traits o mdecinede llixir et alchimie font bon mnage, ceux de Guglielmo Fabri40,ceux du pseudo-Lulle, des traits sur lor potable comme celui

    34 Voir aussi Cambrai, Bibliothque municipale, ms. lat. 920 (819), ff. 1-21 ;Paris, BnF, ms. lat. 14008, ff. 124-128 ; Paris, BnF, ms. lat. 7163, ff. 76-87v.

    35 Voir P2.36 Voir par exemple ms. F.37 La Fixatio elixiris (inc. Illumina corpus), conserv dans deux manuscrits,

    correspond au chapitre 25 de la Practica du Rosarius Philosophorum (Iste namqueliber). Voir L. Thorndike and P. Kibre, A Catalogue of Incipits of Medival ScientificWritings in Latin (Cambridge (Mass.), 1963), 660.

    38 Parfois, le Rosarius est divis non en Theorica et en Practica mais en Rosariusminor et Rosarius major qui correspondent aux dites Theorica et Practica. Voir, parexemple, Florence, B. Riccardiana, 1165 (L III, 34), ff. 51-75.

    39 Witten-Pachella, Alchemy .40 Pour ce dernier, lelixir est illa medicina, cum qua Medea renovavit Eso-

    nem patrem Iasonis, cit dans Crisciani, Il papa, 166.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM177

  • 178 antoine calvet

    attribu Jean Msu41. Lambigut du Rosarius, un texte depure alchimie aux intentions thrapeutiques, fait que nous leretrouvons par ailleurs dans un manuscrit mdical (M1), montrantpar l combien les deux sciences se compltent parfois. Cetteimpression est quelque peu confirme par ltude du manuscritde Cambrai supervis par Raoul le Prtre, lil scientifique dePierre dAilly, lassociant des tables astronomiques, un textede Philippe Elephant sur lalchimie42, dautres grands classiquesde lalchimie, de nombreuses recettes et surtout au De aquavit composita et simplici, un texte mdico-alchimique attribu Arnaud de Villeneuve o se retrouvent des parties mdicales,alchimiques et de mlothsie.

    Les traductions

    Langue dol

    Le Rosaire dans le manuscrit de lArsenal, ms. 2872, ff. 429v-450v43.

    Ce manuscrit qui contient plusieurs traductions de textes scientifi-ques mdivaux est datable du XIVe sicle, aprs 1361 maisavant 1400, dans les annes 138044. Il sagit de toute videncedun ouvrage remarquable destin un haut personnage, peut-tre mme Charles V, le Sage (roi de 1364 1380)45. Ce manuscrit

    41 Bologne, 104, ff. 284-286v (Tractatus elixiris vit). Voir Crisciani, Il papa, 114,n. 54.

    42 Sur Philippe Elephant et son alchimie, voir Beaujouan, Philippe lphant(mathmatique, alchimie, thique), Histoire Littraire de la France (Paris, 1981),XL1, 285-351. Beaujouan livre aux pages 322-351 une longue tude du texte al-chimique de Philippe lphant (lAlkimia) selon son unique version conservedonc Cambrai. Il sagit dun texte trs influenc par la Summa du pseudo-Ge-ber, minemment pratique se pliant aux exigences numriques dune structureprtablie (Beaujouan).

    43 Calvet, Le Rosier alchimique de Montpellier, Lo Rosari (Paris, 1997), 65-113.44 Sur ce manuscrit, voir J. Monfrin, La place du Secret des secrets dans la littra-

    ture franaise medivale, dans W.F. Ryan and C. Burnett, eds., Pseudo-Aristotle, theSecret of Secrets, Sources et Influence (Londres, 1982), 73-113, ici 83-84 ; voir aussiCalvet, Rosier, XXI-XXII.

    45 Le manuscrit 2872 de la Bibliothque de lArsenal provient de la biblioth-que du marquis de Paulmy. Ce dernier avait achet un grand nombre de volumesau couvent des Clestins, lesquels Clestins, par lentremise de son conseillerPhilippe de Maizires, le roi Charles V gratifia de nombreuses donations. Cf. A.Franklin, Les anciennes bibliothques de Paris (Paris, 1867-1870), 2 vols., 89-100.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM178

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 179

    constitue lui seul une vritable bibliothque de traits desciences naturelles, dastronomie, dastrologie et dalchimie ()Ce gros recueil [ajoute-t-il] est postrieur 1361 ; il parat antrieuraux premires annes du XVe sicle. Il constitue un documentde grand intrt sur la diffusion la cour de France de lactivitscientifique parisienne pendant le second tiers du XIVe sicle46.Plusieurs mains ont travaill son laboration qui commencepar le Testament des nobles Philosophes du pseudo-Lulle (= Testa-mentum), se poursuit avec le Livre de la Branchete attribu Bernardde Trves47, des versions franaises du Perfecto magisterio du pseudo-Aristote (ou Lumen Luminum) ou pseudo-Razi, de la PretiosaMargarita novella de Petrus Bonus, le passage de Jean de Meungconsacr lalchimie, et dautres rcits alchimiques. Il est remarquer que tous ces textes alchimiques ont un lien avec lamdecine, qui, par ailleurs, nest pas absente du manuscrit puisquesy trouvent la version franaise du Libellus medicorum du pseudo-Hippocrate (une traduction ici attribue Arnaud de Villeneuve),le Rgime du Corps dAlexandrin de Sienne, le Secret des secrets dupseudo-Aristote, etc. ce propos, on notera aux folios 473-475vla relation dune gurison grce une eaue alchimique (lapierre de mercure dont la dcouverte est impute Arnaud deVilleneuve) : Moymesmes, [tmoigne le mdecin alchimiste],ovecques la vertu divine en gairi le duc Henry de Gironne a larequeste de son pere le roy dArragon de meselerie 48. On levoit, dans ce manuscrit comme ailleurs, le Rosarius apparat commeun texte au carrefour des deux disciplines (mdecine et alchimie).

    La version dol du Rosarius commence par : Ci commence leRosaire de maistre Arnauld de Ville neuve sur la fleur dAlkemie() Livre approuv vray tresor des tresors, etc. Plus loin, onlit : et le premier chapitre sera comment len doit demanderavec exortacion a lire les livres aux philozophes. Et la fin duchapitre 2 de la Theorique : aynsi come je layt faicte en ressemblanttoutes mes operacions leuvre de nature approuves par moyvivent Arnauld de Villenove. Le Rosaire, une traduction relative-

    46 Monfrin, La place, 84.47 Florilge en franais de la Responsio de Bernard de Trves et de lEpistola de

    Thomas de Bologne. Voir Didier Kahn, Recherches sur le Livre attribu au pr-tendu Bernard le Trvisan, dans C. Crisciani, A. Paravicini Bagliani, Alchimia emedicina nel Medioevo (Florence, 2003), 292.

    48 Corbett, Catalogue, vol. I, 282.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM179

  • 180 antoine calvet

    ment fidle, scarte parfois de son modle latin (le manuscritde Turin entre autres) pour indiquer par exemple une recettedu verre blanc pil et de sa fabrication49. Surtout, le Rosaire estmaill de formules et dexpressions venues du peuple qui luiconfrent un ton doriginalit et de familiarit absent des ver-sions latines. Par exemple, au folio 431v : et cuident faire dunchat un beuf et en font un cinge ; au folio 442v : Ains ouvrezcome celui qui peche le poisson qui ne scet si prandra ou non,etc. Le scribe traducteur a insr dans le corps du texte desfigures, en dautre termes des diagrammes destins visual-iser les divisions, employes dans toutes les disciples afin detransmettre un savoir50. Il est possible, voire probable, que cespetites tables ou tabletes aient dans un premier t tracesen marge dun manuscrit, puis quelle aient t intgres autexte par le scribe traducteur. La tablete du folio 445v, parti-culirement reprsentative de ces schmas (accolades et grandstraits marquant les correspondances), est introduite de la maniresuivante : Or diray je les matieres qui se affierent pour faire ouacomplir le elixir sur le Mercure par une tablete et sur Venus. LeRosaire, outre quil est lun des premiers tmoins tre attribuau matre Arnaud de Villeneuve, apparat donc dans cette ver-sion comme un trait mdico-alchimique, fait pour tre enseignet glos, sinscrivant dans un important recueil scientifiquecombinant alchimie, mdecine et astrologie.

    Le Petit Rosaire dans le manuscrit de Cambrai, Bibliothquemunicipale, 918, ff. 1-20051.

    Ce tmoin, compos en 1426 par Charles Pecquart, contient ungrans Rosier. Donc, au folio 1, commence le Petit Rosaire dematre Arnaud de Villeneuve translat de latin en franchois parJ.-B. de Ga. Nous livrons ici les premiers mots de cette uvre:

    Comme il soit ainssy que ja piecha nostre peres et patrons en science, cestassavoir Hermes, Platon, et son filz Aristouts et est icest livre appellezRosaires de Philosophes sur les preparations des esperis et des vrais elixirsnaturelz et artificielx et sur la preparation des corps metalluis qui planettes

    49 Calvet, Rosier, 89.50 D. Jacquart, La mdecine mdivale dans le cadre parisien (Paris, 1998), 201-204.51 Corbett, Catalogue, vol. II, n10 ; Muzerelle, Manuscrits, 107-108 ; Pereira,

    Maestro di segreti o caposcuola contestato ?, Actes de la II Trobada internacionaldestudis sobre Arnau de Vilanova dans Arxiu de Textos Catalans Antics 23/24 (Barce-lone, 2004-2005), 408-411.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM180

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 181

    terrestrez povent estre nommeez. Cest Rosaire en luy contient quatre Ro-siers desquelx vient une Roze qui inlumine tous les dis des anchiens sages etest appelles Secret souverain en terre laquelle, moy Arnault de Villenove, aycoilli de touz les quatre Rosiers si ay trouve le meilleur et le plus briefmaniere f. 4v : jai encompile cest Rozaire et lay traitiet des chozes quiestoient cachees par les dis de dautres philozophes et apres, moy Arnault deVillenove, de degre en degre, chapitre apres chapitre, moultes fois aprouve,en le ville de Monpellier, en ma propre maison asise en la plache de CampNoef, a la requeste de mes amz filz Arnault et Jehan de Villenoefve quiadche priez estoient par certains filz de philosophie soubs lanee del incar-nation nostre seigneur mil .iiiic. et .vi.

    Au vu de ce que nota Corbett, ce Petit Rosaire, trs long (201folios), semble une lointaine paraphrase du Rosarius, enrichidautres sources, voire une recomposition de celui-ci par unscribe, J.-B. de Ga, sollicitant galement le concours dun mdecinJehan de Rhodes52. Du Rosarius, il ne reste quune vague trameaugmente dajouts philosophiques et des propres expriencesdu scribe, lui-mme alchimiste. Par exemple, au chapitre sur lesluts (f. 165), il dit la premire personne : je fis prendre ennon de Dieu de tres bonne terre grassement sabelonneuse. Onrappellera que le Rosaire (ms. de LArsenal) comprenait galementune courte section consacre cette question du lut53. De plus,le Petit Rosaire est illustr par de nombreuses reproductionsdappareils, en particulier de fours sublimer : figure, au folio39, du four fixatoire avec les cucubites conioncgtes pour fixerzarnec, et dune tablete54.

    Langue doc

    Le Rosari ou Rosier alchimique de Montpellier55

    Le Rosari est une copie occitane, peut-tre compose Montpellier,dans le dernier quart du XIVe sicle. On le trouve dans unmanuscrit factice runissant des textes du XIVe sicle finissant(Rosari), du XVe sicle (le Liber lucis de Roquetaillade) et du

    52 E. Wickersheimer, Dictionnaire biographique des mdecins en France au MoyenAge (Paris, 1936), II, 473.

    53 Calvet, Rosier, 90 : et soient les fioles bien estouppez avec leur couvertour,et draps linges avec chaux vive sur le marbre et destrampez daubun duf cor-rumpu et un poy de sel solu mesl avecques laubun.

    54 ces deux tmoins, sajoute une autre version franaise du XVe sicle, queje nai pas vue, conserve dans le ms. Bologne, Biblioteca Universitaria, 457,XXVIII: Le Rosaire dArnault de Villeneuve. Kahn, Caprara, 109.

    55 Calvet, Rosier, 1-61 (d. du Rosari).

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM181

  • 182 antoine calvet

    XVIe-XVIIe sicle (un trait astrologique). Les langues sont aussibien loccitan que le latin et le franais (les textes astrologiques).Les donnes du Rosari sont les suivantes

    Paris, BnF, nouvelles acquisitions franaises, ms. 4141, ff. 4-25.

    Titre : Incipit Rosarius alchimicus Montispessullani (main postrieure).

    inc. : lo premier regimen de la nostra peyra es dissolvre

    expl. : als ben entendens son pron claras et longas. Explicit liber Rosarii.

    Titre sans attribution rajout au XVIIe sicle voquant loriginede cette traduction. Le scribe traducteur na traduit que la Practica,et seulement partir de son deuxime chapitre. crit dans unelangue plus directe et plus simple que son modle latin, le Rosaritrahit lintention de son auteur de rendre accessible un publicde semi-lettrs un texte scientifique56, utilisant par dfinitiondes mots abstraits. Quil nait retenu que la partie pratique duRosarius constitue un indice ne pas ngliger, cela traduisantson souci de sen tenir aux aspects les plus techniques du proc-essus alchimique. Le Rosari, semble-t-il, eut une influence touterelative sur les autres traits alchimiques crits en langue doc,comme surtout la Soma de Bernat Peyre (1366)57 et, de manirebeaucoup moins probante, lObratge dels philosophes58. Il est parexemple cit cinq reprises dans la Soma de Bernat Peyre, quilimpute Arnaud de Villeneuve59.

    Autres

    notre connaissance, il nexiste pas de traductions mdivaleou renaissante anglaise, italienne60 ou allemande du Rosarius, ou

    56 Ibid., XLII-XLV.57 Kahn, Recherches, 316. S. Thiolier-Mjean, Alchimie mdivale en pays dOc

    (Paris, 1999), 65, ed. et trad. fr. 294-323.58 Ibid., 54-56, ed. et trad. fr. 160-288 ; Calvet, Rosier, XLI.59 Ibid., XXXIX-XL. Il est bien difficile de dterminer exactement si Bernat

    Peyre se rfre la version occitane du Rosarius, lo Rosari, ou sil rsume simple-ment des propos puiss dans la version latine, cette explication nous paraissantaprs lecture et comparaison des extraits attribus dans la Soma Arnaut de VillaNova en son Rozari la plus probable. Cf. Thiolier, ed., Alchimie, 306, 308, 312, 314.

    60 En 1599, parat Brescia une nouvelle dition de Della tramutatione metallicasogni tre de G.B. Nazari augmente de quatre textes alchimiques attr. Arnaud

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM182

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 183

    mme catalane61. En revanche, nous avons en langue castillaneau moins deux versions62 : lune du XVIe sicle conserve laBibliothque universitaire de Saragosse, lautre la Bibliothquenationale de France sous la cote 208 du fonds espagnol. Lapremire version due un certain Juan Tovar et adresse aumarquis de Tarifa, don Fadrique Henriquez de Ribera, ainsi quelexplique de Luanco layant collationne avec les versions im-primes de Grataroli et de Manget, prsente peu de similitudeprobante avec le Rosarius. Nous pensons, pour notre part, quilsagit l dune adaptation castillane du Petit Rosaire de J.-B. deGa (?). En effet, lexorde reprend au mot prs les termes de celivre :

    Recapitul aqueste Rosario sacado de los secretos de los philosophos y des-pes por mi solo de grado en grado & de Capitulo en Capitulo muchas vezesaprovado en la Ciudat de Mompeglier en mi posada que era en el Camponuevo para reposo de mis amados hijos Arnaldo & Johan de Villanueva porruegos & requerimiento de ciertos hijos de Philosophia en el Anno de la en-carnation del seor de Mil et trezientos y treynta & seys.

    La deuxime version est, quant elle, une traduction fidle denotre Rosarius, comenant par : Este libro, pues, se llama Rosariocorrespondant au latin : Iste namque liber vocatur Rosarius.

    Les ditions des XVIe sicle et XVIIe sicle

    Opera omnia

    Ds la premire grande dition des Opera omnia dArnaud deVilleneuve63, celle de Murchi en 1504, le Rosarius philosophorumest imprim, avec les Flos florum, Novum Lumen et lEpistola superalchimia ad regem Neapolitanum. Il doit davoir t distingu parMurchi parmi plus dune cinquantaine de textes pseudo-arnaldiens

    de Villeneuve, dont le Rosarius bien entendu. Cf. notre art., Les alchimica dAr-naud de Villeneuve travers la tradition imprime (XVIe-XVIIe), dans D. Kahn,S. Matton, eds., Alchimie : Art, Histoire et Mythes (Paris, 1995), 157-190, ici 170.

    61 Pour le domaine catalan, voir lart. de L. Cifuentes, Les obres alquimques,arnaldianes en catal a finals de lEdat Mitjana, Actes de la II Trobada, 129-150.Voir aussi du mme, La cincia en catal a lEdat Mtjana i el Renaixement (Barce-lone-Palma, 2002).

    62 Jos Ramn de Luanco, La Alquimia en Espaa (Barcelone, 1975), 203-209.63 Sur la production imprime des uvres dArnaud de Villeneuve, voir notre

    article alchimica, 157-190 ; voir surtout Sebasti Giralt i Soler, Arnau de Vilanovaen la imprenta renaixentista (Barcelone, 2002).

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM183

  • 184 antoine calvet

    au fait quau mme titre que les trois autres alchimica, il transmetles rgles de la vritable alchimie, cest--dire dune alchimielatine fonde sur le mercure. La version quen livre Murchicorrespond quelques nuances prs aux versions les plus courantesdu Moyen-ge :

    Titre : Incipit quidam liber appellatus thesaurus thesaurorum, Rosariusphilosophorum ac omnium secretorum.

    inc. : Iste namque liber vocatur Rosarius

    expl. : tamen truncata quamvis intelligentibus satis sunt prolixa.

    Lditeur de la Renaissance innove en plaant en tte de chacunedes deux parties du Rosarius la table correspondante, alors quela plupart des versions manuscrites transmettent la table desdeux livres ensemble au dbut de luvre. Murchi semble icisinspirer directement de la copie de B. Comme le scribe decelle-l, il crit prmium en tte du prologue ; et comme lui,il attribue Morienus la dernire phrase de la Theorica (Nihilreputans inde lucrum tradidit meliora)64. Il est donc possi-ble, voire probable, que Murchi ait eu entre les mains le recueilque composa Iohannes Bartholomei Lachellis, de plus collationn Lyon en 1486 ; et quil lui servit de modle du moins pour leRosarius65.

    De 1504 1520, les Opera de Murchi transmettent cette ver-sion du Rosarius (rimp. 1505, 1509), mais celle de 1520 queprfaa Symphorien Champier semble lgrement diffrente auvu de lexplicit, celui de la version manuscrite de T. En fait, rienninfirme que lditeur des Opera 1520 nait utilis le modle deMurchi : dans la copie de B les dernires lignes66 sont distinguesdu reste du texte de sorte quon pouvait ne pas lassocier cedernier, estimant quelles avaient t ajoutes ensuite. Il est possible

    64 Cette mention de Morienus chappe la plupart des tmoins manuscritsque nous avons consults, except donc la copie de B et celle de P4.

    65 Pour les autres textes pseudo-arnaldiens, transmis par B, rien de compara-ble na t constat. Seul, la version du Rosarius appartenant ce manuscrit ser-vit, semble-t-il, de modle Murchi.

    66 Cf. Bologne, Biblioteca Universitaria, ms. 104 (Lat. n 138), f. 123v : Tuqui habes istum librum in sinu tuo, recondas, nulli ipsum reseres nec in manibusimpiorum offeras quia secretum secretorum omnium philosophorum completecomprehendit : talis si quidem et tanta margarita porcis et indignis non estlargienda, quoniam est donum Dei magnum et cui vult largitur et cui vult auffertipsum .

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM184

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 185

    aussi que, pour lexplicit, lditeur de Opera 1520 ait consult unautre tmoin plus complet.

    Titre : Incipit quidam liber appellatus thesaurus thesaurorum, Rosariusphilosophorum ac omnium secretorum.

    inc. : Iste namque liber vocatur Rosarius

    expl. : et esse de numero sapientum antiquorum.

    La dernire dition des Opera omnia, lyonnaise, Praxis medicinalis(1586), commence de la mme faon que toutes les autres :

    Titre : Thesaurus thesaurorum, et Rosarius Philosophorum, ac om-nium secretorum maximum secretum, etc.

    inc. : Iste liber vocatur Rosarius

    expl. : et esse de numero sapientum antiquorum.

    Cette dernire version, en caractres romains et non plus gothi-ques, est apparente la prcdente, celle de Ble 1585 quauraitdite le paracelsien Thomas Zwinger (1533-1588)67. Toutes deuxsparent les uvres mdicales des uvres dites exoterica. Cesquelques sondages dans les imprims laissent entrevoir que lesditeurs (Murchi, Champier, Zwinger) utilisrent une copiemanuscrite principale. Le texte du Rosarius semble peu prstabli, les variantes portant sur dinfimes points de dtail. Pournous, lhypothse dun modle manuscrit unique ( une varianteprs, celle de lexplicit) comme celui de Lachellis (B) semblesimposer en ce qui concerne le Rosarius. On remarquera quedans ses versions imprimes, jamais lattribution nest livre dansle titre comme cela apparaissait dans les versions manuscrites. Ilne faut peut-tre y voir que le souci, chez les diteurs, de nerpter une attribution admise par tous ; cela cependant tait signaler. On peroit, en outre, en tudiant ces diffrentes Operaomnia que les textes alchimiques, au dpart complmentairesdes uvres mdicales, sont la fin du XVIe sicle distingues deces dernires et regroupes dans des recueils autonomes. Si,aprs 1586, il ny a plus de grandes ditions des uvres ar-naldiennes, la carrire ditoriale du Rosarius va nanmoins sepoursuivre, et tout particulirement dans le milieu des Paracelsiensde Ble.

    67 C. Gilly, Spanien und der Basler Buchdruck bis 1600 (Ble, 1985), 127.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM185

  • 186 antoine calvet

    Collections

    Avant daborder la question des collections dalchimica o lecorpus alchimique attribu au mdecin Arnaud de Villeneuveoccupe une place importante, penchons-nous sur ces recueilscontenant soit, comme celui de Janus Lacinius, un texte capitalde lalchimie latine (la Pretiosa Margarita novella de Petrus Bo-nus), accompagn dautres traits comme notre Rosarius ; soitde travaux originaux usant du Rosarius sous forme de paraphraseet de commentaire : le Clum Philosophorum de P. Ulstad (1525),lIsagog dAdam von Bodenstein (1559), la Nova medicina veterumde A. Libavius (1598).

    Le Rosarius dans Janus Lacinius Therapus, Pretiosa Margarita novella,Venise, 1557 (11546)

    Janus Lacinius, le premier diteur de la Pretiosa Margarita novellade Petrus Bonus (1330), ajoute, entre autres, cette dernire(paraphrase) des textes dArnaud de Villeneuve (le Rosarius) etde Raymond Lulle (Testamentum) vus comme des contemporainsde Petrus Bonus68. Son choix du Rosarius sexplique dune partpar limportance dArnaud dans lalchimie, lui qui sut apporterles preuves ncessaires la vrit de cet art non seulement parlexposition de rationes mais aussi per experientia69, dautre partparce que dans le Rosarius, il traite surtout de la partie pratiquede lopus ( la diffrence de la Pretiosa Margarita novella)70. Lditiondu Rosarius, que propose Lacinius, a t ralise partir dunmanuscrit et non de lune des versions imprimes71 . De plus,mme sil prte lire lintgralit du trait, Lacinius a recomposlordre des chapitres, les disposant sa manire, sparant lechapitre sur les principes des mtaux de la Theorica et portant

    68 R. P. Multhauf, The Origins of Chemistry (Londres, 1966), 191-197 ; Crisciani,ed., Pietro Bono da Ferrara, Precioza Margarita Novella. Edizione del volgarizzamento(Florence, 1976), XLV.

    69 Lacinius accorde Arnaud de Villeneuve davoir invers lordre de la na-ture en transmutant tous les mtaux en or et le contraire.

    70 Luvre de Petrus Bonus est essentiellement un texte thorique qui dve-loppe un discours argument sur lalchimie. Il prfigure les grands traits de laRenaissance o les mythes grco-latins sont mentionns confirmant cet art.

    71 Nous avons not quelques variantes comme au chap. III de la Practica lem-ploi de vitriolo l o la version officielle met cum vitro et sale ; plus basauthoritas Arist. 4 Meteor., au lieu de auctoritas Aristotelis.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM186

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 187

    laccent sur la Practica. Outre cette recomposition du trait, sesinterventions se bornent introduire le propos du pseudo-Arnaudpar des Arnaldus ait, secundus Arnaldus de pure forme ; carLacinius ne commente pas mais, en complment de la PretiosaMargarita novella, il reproduit le texte (le Rosarius) relevant avecle Testamentum du pseudo-Lulle de la mme alchimie, tenue icipour authentique.

    Le Rosarius dans Philippe Ulstad, Clum philosophorum (1525)

    Ds la premire moiti du XVIe sicle, le Clum philosophorumconnut un succs indiscutable ; il est assurment lun des vecteursdu triomphe la Renaissance de la Quinte essence. Cependant,contrairement ce que nous crivions dans notre article72, leRosarius philosophorum nest pas exploit par Ulstad. En effet, sildonne plusieurs recettes de lor potable, sil se rfre maintesreprises Arnaud de Villeneuve, Ulstad ne conserve de son uvreet de ses avis que ceux du mdico-alchimiste plutt que delalchimiste73 . Il crit par exemple quil ntudie que lor naturelet non lor alchimique, car iceluy l na aucune vertu laconservation de lhumaine vie, mais plutost est deception, &obsuscation des yeulx. Qui est celuy l des arquemistes qui sosevanter avoir compos jamais or, sans matiere de venin, qui estMercure, & pourtant la vrit, cest or des arquemistes, combienquil ait la vraye couleur dor, la forme aussi, le son, & le poix,il na pas toutesfois la vertu de lor materiel venant de la minede terre74. Toutefois, en 1572, parat Lyon chez G. Roville (ca1518-1589) une nouvelle dition du Clum philosophorum aug-

    72 Calvet, alchimica , 174.73 Nous distinguons deux aspects de lalchimie dArnaud, lun plus mdical

    qualchimiste, conforme aux thmes voqus dans le De vinis, lautre plus spcifi-quement alchimique. Il y aurait donc deux Arnaud alchimiste, le premier parti-san de la distillation de lor (ou du sang), sans transmutation, lautre attach lathse du mercure seul. Les textes attribus Arnaud, dans lun et lautre cas, sonttous sujets caution.

    74 Nous citons daprs la version franaise du Clum philosophorum : Le ciel desphilosophes, ou sont contenuz les secretz de nature, & comme lhomme se peut tenir en sant,& longuement viure, compos par Phelippe Ulstade, extraict des livres de Arnould deVilleneufve, du Grand Albert, Raymont Lulle, Jehan de la Roche Tranche, & plusieursautres bons autheurs, de nouveau traduict de latin en franoys, auquel livre ont estadjoustes les figures, pour donner plus facile intelligence, avecques la table de ce qui estcontenu audict livre, Paris : par Vivant Gaultherot, 1550.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM187

  • 188 antoine calvet

    mente du Rosarius philosophorum et des traits alchimiques imputs Arnaud qui se trouvent dans les Opera de 1520 et de 153275.

    Le Rosarius dans lIsagog in excellentissimi Philosophi Arnoldi devillanova Rosarium chymicum dAdam de Bodenstein (1559)

    Divulgateur Ble des ides mdicales de Paracelse, le mdecinAdam de Bodenstein (1528-1577) donne un commentaire duRosarius dArnaud. Ce commentaire est longuement introduitpar une lettre aux frres Fugger auxquels il confirme la dcouvertede la vritable Pierre, celle-l ntant accessible qu des personneshors ligne, dune grande patience et expertes en lharmonieuniverselle76. Bodenstein estime que dans le Rosarius et dansson Epistola ad regem Aragonum (= Flos florum), Arnaud de Villeneuvea livr les clefs de la Pierre exposant une description argumentedu mode de prparation la plus exacte possible77. Ayant alors leprojet de dvoiler au lecteur les arcanes de lalchimie se rsumant la reproduction en laboratoire dun processus naturel, il sestlivr, dit-il, une rcriture de ce texte attribu au clbremdecin, dont lui-mme mit en pratique le propos. Il sagit enquelque sorte dune paraphrase rvalue par ses propres obser-vations. On notera quen reprenant et paraphrasant le Rosariusde manire linaire, il ne fait jamais que de soutenir lopiniontraditionelle des alchimistes selon laquelle le vif-argent est lamatire premire des mtaux ; une thse avec laquelle romptParacelse ajoutant aux mercure et soufre comme constituantsde base le sel et surtout considrant comme indigne du mdecinla recherche de lor. Par la suite, le paracelsisme de Bodensteinse confortant, ses opinions sur lalchimie sidentifient cellesdu matre78. Dans son Isagog, Bodenstein met laccent sur lesapplications mdicales de llixir plutt que sur la transmuta-

    75 Giralt, Arnau, 132, 123-124. En 1630, le Clum philosophorum est rdit Strasbourg avec les alchimica pseudo-arnaldiens : Rosarius, Novum Lumen, etc. Cf.eod., Un alquimista medieval per als temps moderns, Actes de la II Trobada, 61-128, 113-114.

    76 W. Klhmann, J. Telle, Der Frhparacelsismus (Tbingen, 2001), 440. Voiraussi le commentaire de Giralt, alquimista, 61-128, 71-75.

    77 Klhmann & Telle, Frhparacelsismus, 106.78 A. Perifano, Les deux ddicaces dAdam de Bodenstein au De vita longa

    de Paracelse, Chrysopia, V (1992-1996), 471-481, 472. Idem, Lalchimie la cour deCme Ier de Mdicis : savoirs, culture et politique (Paris, 1997), 131-141, 151-170 (d.de 1562).

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM188

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 189

    tion mtallique : Outre de transmuter les mtaux, [crit-il],notre lixir possde la vertu admirable de soigner la paralysie,etc.79. Homme de la Renaissance, il orne son texte de rfrences la mythologie (mythes de Pris, et de Mde) ; parfois, il oseune allusion la thorie de la sympathie universelle introduitepar une citation dHraclite80.

    Le Rosarius dans le Novus de medicina veterum dA. Libavius (1599)81

    Libavius (c. 1560-1616), un esprit indpendant et anti-paracelsien,nous offre son tour un commentaire paraphrastique du Rosarius,confrontant ses affirmations celles du pseudo-Geber, du pseudo-Lulle, de Roquetaillade, du Thomas alchimique et du Platonalchimique, de la Clavicula du pseudo-Lulle82. Il en rsulte, selonlui, que ce texte alchimique, aux aspects pratiques vidents, nepeut tre compris que par un Physicus (un philosophe de lanature) confirm. : Qui nest pas un phisycus expriment(ingeniosus), [dit-il], quil scarte et sabstienne83 ! la diffrencede Bodenstein, jamais Libavius nvoque les vertus mdicinalesde la Pierre, telles quelles sont dfinies dans le dernier chapitredu Rosarius. Et pour cause : Libavius est un violent dtracteur dela iatrochimie de Paracelse dont le Rosarius dans sa dernirepartie peut apparatre comme lanctre.

    Le plus intressant chez Libavius rside dans son approche dutexte. En effet, sceptique sur lattribution du Rosarius Arnaudde Villeneuve, il dit nanmoins ne pas souhaiter polmiquer surce sujet. Quimporte aprs tout. Visiblement, Libavius consulta

    79 Bodenstein, Isagog, 70.80 Ibid., 44 : Ubi rectius Heracliti sententiam qui professus est : omnia fieri

    per litem & amicitiam . Cette citation est dj utilise par Petrus Bonus dans saPretiosa Margarita Novella (d. Manget, Bibliotheca Chemica Curiosa (Genve, 1702),II: 1-80), 35b : Et in eodem similiter increpat Empedoclem, qui dicit : Omniamoveri per litem et amicitiam .

    81 Libavius (Andreas Libau), Novus de medicina veterum, tam hippocratica quamhermetica, tractatus, in cujus priore parte dogmata plaeraque inter utriusque professoresrecentes controversa, adversus ultimum per Josephum Michelium paracelsitarum co-natum discuntur ; in posteriore universale alchymistarum, autoribus Lullio etArnoldo... exponitur ; aspersa sunt passim peripateticorum dogmata nonnulla... autoreAndrea Libavio,... - Medicinae hermeticae artificibus catholicae ad hominis sanitatemtuendam... expositio fidelis... Raymundi Lullii et Arnoldi Villanovani, cum scholiis,Francofurti : impensis P. Kopffi, 1599.

    82 Giralt, alquimista, 84-85.83 Libavius, Novus, 561.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM189

  • 190 antoine calvet

    plusieurs manuscrits de la tradition ayant eu connaissance, parexemple, de celui, rduit la Practica, imput Lulle (P6)84. Del viennent en fait ses interrogations sur la paternit arnaldiennede ce trait.

    Le Rosarius dans le Ver alchimi de G. Grataroli (1561)

    En 1561, le mdecin calviniste Guglielmo Grataroli (1516-1568)85,rfugi Ble, publie chez Pietro Perna une importante collec-tion de traits alchimiques : le Ver alchimi artisque metalliccitra nigmata doctrina certusque modus, cest--dire De la vritablealchimie et de lart mtallique, sans nigmes, la doctrine et lapratique certifie, etc., donnant lire 53 titres. Dans le tome IIdu Ver alchimi, il reprend les quatre traits attribus Arnaudde Villeneuve, constamment rimprims depuis 1504 avec lesOpera, auxquels il ajoute, publie pour la premire fois, la Practicaad quendam Papam, une variante du Flos florum.

    Bien que mdecin, Grataroli na pas retenu que des textesalchimiques aux intentions mdicales comme le Rosarius ou lestextes du pseudo-Lulle ou de Roquetaillade, mais, plus gnrale-ment les grands classiques de lalchimie transmutatoire tantmprise par Paracelse, ce dont il navait cure. Son ouvragesachve avec la Chrysopia de Giovanni Aurelio Augurelli (c.1456-1524), une interprtation alchimique, versifie, des mythesgrco-latins.

    De la page 35 60, le Rosarius est publi dans sa version laplus courante, celle que nous retrouvons dans les ditions im-primes (1504, 1520). Elle a cependant t revue et corrige parGrataroli qui, par exemple, cite le nom de lauteur (Arnoldo deVillanova, authore) ou encore la page 42 isole la phrase attribue Morienus et la signale par des italiques lintulant : nigma.

    En 1572, sinspirant du travail de Grataroli, Perna ditera lArtisaurifer quam chemiam vocant86. Ce recueil, et ceux de 1593 et de1610, contiennent bien le Rosarius dans la version des Opera. Onnote cependant que cette version diverge parfois de celle deGrataroli et que, fautive, il lui manque certaines occasions des

    84 Ibid., 472.85 Sur G. Grataroli, voir la notice de Kahn avec bibliographie dans le site de la

    Bibliothque Interuniversitaire de Mdecine (BIUM) : http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/alchimie.htm. Voir Giralt, alquimista, 76-79.

    86 Ibid., 80-81.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM190

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 191

    mots que na pas oubli le mdecin de Bergame. Une grandecollection comme celle de J.-J. Manget (1702) sen tiendra aumme modle87. Il est toutefois remarquable que Johann DanielMylius (c. 1584-c. 1628) semble premire vue ignorer la tradi-tion imprime initie par Murchi. Il publie en effet dans saPhilosophia reformata (1622) une version du Rosarius, sans sontitre (celui de Pars tertia de scientia divina abbreviata lui est substitu)ni attribution, ni prologue, ni table, qui lon penserait provenirdun manuscrit88, sinon que plus vraisemblablement Mylius trafiquala version de lArtis aurifer (1593) lallgeant de tout ce quilidentifierait comme tant le Rosarius philosophorum dArnaud deVilleneuve (titre, table, prologue, chapitres, les dernires lignes)pour ainsi lui donner lapparence dune uvre propre sintgrant la troisime partie du premier livre : Philosophia reformata I : 3docet de scientia divina abbreviata (do le titre de Pars tertia descientia divina abbreviata)89.

    Rcapitulation

    Nous avons vu que la composition du Rosarius tait peut-tredue un frre, un franciscain, agissant sur commande de Robertde Naples, le Salomon de lItalie. La version de T, ddie cemme roi, latteste. En consquence, voil un texte alchimiqueralis pour le compte dun prince dont la route, au mme titreque celle de Philippe IV le Bel ou du roi Jacques II dAragon,croisa celle du mdecin Arnaud de Villeneuve. Cela, assurment,contribua lattribution de ce trait ce dernier dont la renommecomme savant omniscient, matre en de nombreux domaines,ne cessa de crotre aprs sa mort. Nous la datons de la deuximepartie du XIVe sicle, aprs les annes 1350, car cette dateencore, un Roquetaillade, pour ne citer que lui, considrant parailleurs Arnaud de Villeneuve comme un alchimiste, ne lassociepas au Rosarius. Cependant, la fin du XIVe sicle voit grandir

    87 Giralt note au sujet du Rosarius que Manget reproduit la version de lArtisaurifer (1610) laquelle il apporte se fondant, semble-t-il, sur les Opera de 1585quelques corrections ponctuelles. Cf. Ibid., 92.

    88 Elle commence avec la premire phrase du premier chapitre de la Theorica( Porro dicimus utrum natura omnia liquabilia sint ). comparer avec la ver-sion imprime de Murchi, Rosarius, I, cap. 1 : utrum natura omnia liquabiliasint. Cf.J.D. Mylius, Philosophia reformata (Francfort, 1622), 60-95.

    89 Giralt, alquimista, 91, 113.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM191

  • 192 antoine calvet

    trs vite la rputation du Rosarius comme un texte marquant delalchimie li au mdecin catalan ainsi quen tmoigne la manuscritde lArsenal, une version franaise crite pour un roi et mle dautres textes plus mdicaux que vritablement alchimiques.Ltude de la tradition manuscrite, plus particulirement au XVesicle, semble indiquer quau Rosarius sont ds lors adjoints destextes dinspiration lullienne transmettant une alchimie de llixir(B) et quil apparat au moins une fois dans un manuscrit mdical(M).

    la Renaissance, le Rosarius, compris dans les Opera omnia, nesy trouve quen tant quil est un alchimicum tmoin de la vritablealchimie et non plus un texte mdico-alchimique, cela tantrserv des uvres comme celles de Roquetaillade ou dautresattribues Arnaud de Villeneuve (le De aqua vit simplici et com-posita ou le De sanguine humano). preuve le Clum philosophorumde Ulstad ignorant le Rosarius reprsentatif dune alchimie fondesur le Mercure quil condamne, mais non les travaux mdico-alchimiques dArnaud. Lintrt dun Lacinius pour ce texte, silne faiblit pas, rside essentiellement en ce quil transmet unepratique quasi exprimentale de lalchimie. Il nest alors queLibavius pour rappeler limportance de la thorie et lobligationde connaissances philosophiques pour y avoir accs. Toujoursest-il que le Rosarius, serait-il du mdecin Arnaud de Villeneuve,ce que semble contester un Libavius, ne mrite la lecture et sonexamen par les humanistes que parce quil reste un livre dex-primentation alchimique dune grande prcision (Bodenstein).Enfin, quun diteur (Roville) le publie la suite dun textecomme le Clum philosophorum de Ulstad tmoigne de sa valeurmarchande.

    En ce qui concerne la transmission du texte, de manuscrite celle imprime, il est devenu pour nous peu prs certain quele ms. B compos par Lachellis, ayant transit Lyon o il futcollationn, servit de modle la copie imprime des Opera 1504et par la suite toutes les autres. Cela nempcha pas les inter-ventions dditeur comme Grataroli (ou mme Manget) ni lestrucages dun plagiaire comme Mylius.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM192

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 193

    Sources et fortune du texte

    Les sources arabo-latines : pseudo-Aristote, pseudo-Avicenne, pseudo-Platon, Avicenne (De congelatione), Geber, etc.

    Le Rosarius est donc un recueil dextraits de livres alchimiques.Ces extraits ont deux origines : ils proviennent soit de sourcesarabo-latines, soit latines. De limportant corpus alchimique arabe,lauteur du Rosarius tire le pseudo-Aristote, le pseudo-Avicenne,la Tabula Smaragdina dHerms, la Tabula Chemica de Senior Zadith(Ibn Umal), le Liber Quartorum du pseudo-Platon, le pseudo-Pythagore. Il mentionne nommment Aristote, Avicenne, Platon,Pythagore. Est attribu Aristote tout le chapitre II de la Theoricaqui correspond verbatim aux paroles dAvicenne dans sa partiedu Shifa consacr aux mtaux et qui, aprs sa traduction enlatin par Alfred lAnglais, circula intgre aux Mtorologiques IVdAristote. De ce mme nom (celui dAristote) relvent le Deperfecto magisterio exploit sutout dans le prmium, ainsi quunecompilation dauctoritates alchimiques dorigine arabe, peut-trecompose tardivement : le Tractatulus de practica Lapidis philosophici90

    dont, semble-t-il, notre auteur sest servi plusieurs reprises. Lesextraits de ces traits sont noncs sans guillemets et fondusdans le texte. DAvicenne, lauteur du Rosarius utilise le trsimportant travail alchimique qui lui est attribu : le De anima inarte alchimi91, soit en clair, soit non. Des chapitres entiers de laPractica (XX, XXI, XXIV) nous ont sembl de simples para-phrases du De anima in arte alchimi. Une autre source arabe duRosarius, quoiquy contribuant fort rarement, est la Tabula chemicadu Senior Zadith. En revanche, les interventions du pseudo-Platon, cit en clair deux reprises, font du Liber Quartorum unesource dterminante du Rosarius ne pas ngliger92. La citationde Pythagore, de fait, renvoie aux Allegori Sapientum93, des com-

    90 Manget, I, 661b ; Thorndike-Kibre, 323. Cf. M. Steinschneider, Die Euro-pischen bersetzungen aus dem Arabischen bis Mitte des 17.Jahrhunderts (Vienne,1905), 8.

    91 Il sagit dun pseudpigraphe arabo-latin ralis en Espagne au XIIe sicle.92 Voir notre article, Recherches sur le platonisme mdival dan les uvres

    alchimiques attribues Roger Bacon, Thomas dAquin et Arnaud de Villeneuve,Revue des Sciences Philosophiques et Thologiques, 87 (2003), 457-498.

    93 Cf. Allegori Sapientum supra librum Turb XXIX, Distinctio Septima, ed. Manget,I, p. 472b.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM193

  • 194 antoine calvet

    mentaires de la Turba que visiblement notre auteur a lues etauxquels il attribue plus loin (Theorica, VIII) une phrase venue,elle, du De perfecto magisterio. Remarquons que tous ces textes,compils par notre auteur, lexception du De anima in artealchimi du pseudo-Avicene, sont transmis par le manuscrit dePalerme.

    Les sources latines : pseudo-Geber, Albert et le pseudo-Albert, RogerBacon et le pseudo-Bacon94

    Si, donc, le Rosarius recueille et agence les fondements delalchimie arabe, en particulier ce quAvicenne (le pseudo-Aristote)et son cole ont thoris dans le champ de lalchimie, son apportprincipal reste, encore aujourdhui, davoir su trait et compildes sources latines provenant dhorizons divers afin de soumettreau public lettr une doctrine sre de lalchimie, celle de lavritable alchimie. La premire et la plus importante de cessources est videmment la Summa perfectionis magisterii du pseudo-Geber (ed. Newman)95. Selon Newman, le Rosarius a pill laSumma perfectionis, plus particulirement pour sa thorie dumercure seul96 et celle des trois mdecines (de premier, secondet troisime ordre, celui de la transmutation acheve). Effective-ment, les chapitres IV et VI de la Theorica, les chapitres XXVIII,XXIX et XXXII de la Practica contiennent des lments importantsde phrase qui se retrouvent dans la Summa perfectionis. Ainsi laconclusion (chap. XXXII) du Rosarius est un plagiat pur et sim-ple de son dernier chapitre. Si donc le Rosarius a repris laSumma, parmi ses thses les plus originales, celle du mercureseul et des trois mdecines, il faut reconnatre quil na pas nonplus nglig la thse corpusculaire de cette uvre qui en constituemme lapport le plus intressant. Nous renvoyons au chapitreIV de la Theorica o le corpuscularisme de la Summa est fidlementexpos. Donc, on peut lgitimement proposer que lauteur du

    94 Voir galement Camilli, Scientia mineralis e prolongatio vit nel Rosariusphilosophorum, Micrologus, III (1995), 211-225 ; et surtout, eadem, Rosarius, 188-205.

    95 Camilli a relev quen marge du ms. T, un exemplaire glos, le nom deGeber a t not preuve que la dpendance du Rosarius au travail du pseudo-Geber tait dj connu. Cf. Camilli, Rosarius, p. 192.

    96 W.R. Newman, Linfluence de la Summa perfectionis du pseudo-Geber ,dans J.-Cl. Margolin et S. Matton, eds., Alchimie et Philosophie la Renaissance (Pa-ris, 1993), 69-71.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM194

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 195

    Rosarius na rien omis des quatre caractristiques remarquables(Newman) de la Summa perfectionis : prface moralisatrice, thmesdes trois mdecines, corpuscularisme et mercure seul. En dignehritier des travaux du pseudo-Geber, lauteur du Rosarius sestlargement inspir des apports thoriques dAlbert et du Brevebreviarum, un alchimicum de la fin du XIIIe sicle, attribu Roger Bacon. Ces recherches savantes ont entre autres contribu contourner linterdit du Sciant artifices du pseudo-Aristote(Avicenne), dcrtant quil ntait possible aux alchimistes detransmuter les espces des mtaux cause de leur forme spcifiquecre par Dieu. Albert substituera ce concept de formespcifique celui de lhylmorphisme permettant une transfor-mation sensible des mtaux sans toucher leurs espces intan-gibles. Le chapitre IX de la Theorica explique par exemple quequand la forme de cet individu ou de cet autre est corrompue,une fois rsolue en matire premire, elle se transmute de bellefaon et sintroduit en une autre forme, la corruption de luntant introduction de lautre (Albert). Sache quaucune matirene se peut ainsi dtruire quelle ne se maintienne sous uneforme quelconque. Il sensuit que, dans le cas dune forme dtruiteimmdiatement, une autre sintroduit pour cette opration oubien, une fois dispose, pour une autre97. En somme, lortransmut aura bien les mmes caractristiques que lor naturel,son poids, son clat, sans que sa species originaire en soit affecte.Ainsi, dans lexposition de ces preuves thoriques, le Rosarius, eten cela il ne fait que prolonger la recherche intellectuelle dunPaul de Tarente (le pseudo-Geber), sappuie sur des donnesscientifiques, celles relevant de la physique de lpoque, initiespar Albert et ses continuateurs.

    Lauteur du Rosarius utilise galement un pseudpigraphealchimique dAlbert (attribu par ailleurs Avicenne), le Liberocto capitulorum un ouvrage des XIIIe sicle/XIVe sicle compilantdes textes arabes latiniss (Turba, Morienus) et des sources oc-cidentales comme le commentaire de la Tabula smaragdina parHortulain, datable davant 1325 et des extraits de la Summaperfectionis98.

    97 Nous tirons les citations du Rosarius (et la traduction) de notre dition paratre dans louvrage que nous prparons : Les alchimica du pseudo-Arnaud deVilleneuve : mdecine, alchimie, prophtie au Moyen-ge. Pour ldition latine, nousrenvoyons Manget, I, 665b.

    98 J. Ruska, Die Alchemie des Avicenna , Isis, XXI (1934), 48-50 ; P. Kibre, Alchemical writings ascribed to Albertus magnus , Speculum, XVII (1942), 499-

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM195

  • 196 antoine calvet

    Jusque-l, le Rosarius apparat donc comme un rsum habilede la Summa perfectionis dont il reprend les principaux thmes enles glosant. Rien, dans ce quil compilait, ne semblait tranger louvrage du pseudo-Geber (Albert, le Breve breviarum, le pseudo-Avicenne). Mais, une autre source vint ajouter ce texte unetouche indite qui, au final, en fait un trait diffrent de sasource dorigine. De tous les matres scolastiques, Roger Baconreste celui qui accorda lalchimie pratique une importancetelle que, selon lui, elle aurait vocation certifier les autressciences, plus thoriques comme lalchimie spculative, la mdecineet la philosophie naturelle, cela pour prolonger la vie humaine.Dune part, il est probable que cette distinction des deux aspectsde lalchimie, le premier intellectuel et le second exprimental,influena lauteur du Rosarius quand il divisa son uvre en deuxlivres, le premier thorique et le second pratique. Dautre part,nous avons vu plus haut quil exploita le Breve breviarum attribu Roger Bacon, auquel il reprend plus loin une comparaison,fort clairante, avec lurine (ch. XVII de la 2me partie). Maissurtout, il termine son uvre par une longue formule extraitedu Secretum secretorum natur de laude lapidis du pseudo-Bacon quise retrouve entre autres dans un texte mdico-alchimique dupseudo-Arnaud de Villeneuve traitant de la distillation du sang99.Voil pourquoi, nous avons fini par estimer que le Rosarius sedfinit comme une rcapitulation des thmes gbriens et deleur mise en application des fins purement baconiennes (laprolongation de la vie), quil tait en quelque sorte un mixte deces deux sources. On notera enfin que de partir de lor commematriau de base ajoute la thse de la pntration des idesbaconiennes dans le petit monde des alchimistes, dont le Rosariusserait un bon tmoin.

    Le Liber Compostille de Bonaventura da Iseo (milieu XIIIe sicle),une source mconnue ?

    Le Liber compostille se prsente comme une encyclopdie alchimiquecrite au tournant du XIIIe sicle par le frre Bonaventure da

    518, 509, n 16. Herms Trismgiste, La Table dmeraude, prface de D. Kahn(Paris, 1994), XIX, n. 2 (datation du Commentaire dHortulain).

    99 Pereira, Indagine, 164-171.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM196

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 197

    Iseo100. Selon son diteur101, le Liber compostille serait typique dunealchimie dite franciscaine du XIIIe sicle, nourrie de Roger Baconet de Paul de Tarente. Sans entrer dans le dtail de cetteencyclopdie divise en quatre importantes sections et principale-ment consacre, outre les mtaux et les esprits, aux eauxalchimiques, on remarquera que la partie, o Bonaventure abordela question de lalchimie mtallurgique, est alors divise enthorique et pratique, une distinction rapporter linfluencede Bacon (Carli), sensible par ailleurs quand lauteur dfinitlalchimie comme la science des sciences. Sil est possible quelauteur du Rosarius se soit inspir du Liber compostille, qui luiaurait donn accs certains des concepts baconiens en matiredalchimie (alchimie thorique et alchimie pratique, do sadivision en deux parties ; lalchimie vue comme la science dessciences102), il reste que le Rosarius va beaucoup plus loin quele Liber compostille ne se tenant, lui, quau seul rapport analogiqueentre mtaux et humains et se refusant considrer llixir commeun produit surnaturel soignant et amliorant les capacits ducorps humain. Lalchimiste est un mdecin, certes, mais il nestque celui des mtaux, pas plus. De plus, pour Bonaventure, lesmdecines sont nombreuses et varies quand, chez le pseudo-Geber, et le matre du Rosarius, elles ne sont quune.

    La part dapport original venu du compilateur (commentaire)

    Si le Rosarius est nen pas douter un centon de textes alchimiques,on ne peut nier quil soit aussi une uvre part entire et nonpas comme le Rosarium philosophorum (1550) une collectiondextraits distribus dans le dsordre, indpendants les uns desautres103. Son auteur a fix un plan ; il sest impos une rgleconforme aux mthodes de la scolastique, celle dcrire des

    100 Manola Carli, Unenciclopedia alchemica duecentesca : il Liber Compostilledi Bonaventura da Iseo , VIII Convegno Nazionale di Storia e Fondamenti dellaChimica (Arezzo, 28-30 ottobre 1999), 45-57.

    101 Ead., Il Liber Compostille di Bonaventura da Iseo. Presentazione e prima edizionedal manoscritto Firenze, Biblioteca Riccardiana L.III.13 (119), Tesi di laurea dattiloscritta,Universit di Siena - Facolt di Lettere e Filosofia, a.a. 1998-1999.

    102 Dans le prmium du Rosarius, son auteur parle de lalchimie comme de lamre ultime et principale de toute la philosophie. Manget, I, 662.

    103 J. Telle, Remarques sur le Rosarium philosophorum (1550), Chrysopia, V(1992-1996), 265-320, ici 275.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM197

  • 198 antoine calvet

    chapitres clairs, recourant la dmonstration, en rsumant lespoints essentiels dans des recapitulatio et divisio ; preuve dunindiscutable souci didactique. Dune part, son uvre sappuiesur celle des philosophes, non seulement les alchimistes commele pseudo-Avicenne ou le pseudo-Geber, mais plus largementsur les concepts dAristote et dAlbert. Tout cela sent son matres arts habile manier les fondements de la Physique mdivale.Dautre part, il est vident que nous avons affaire un authentiquealchimiste qui possde une connaissance directe du magistre.Plusieurs de ces propos, loin dtre de simples extraits tirs dautrestextes, semblent bien provenir dexpriences personnelles. Ainsi,au chapitre XXIV de la Practica, il nous livre une recette ; demme, au chapitre II du livre II o il nonce clairement com-ment purifier le mercure avec du verre pil. De plus, certainsdveloppements nous ont paru de son cru, ayant plus la formedu commentaire que dune source compile. Par exemple, auchapitre XXV de la deuxime partie, il glose les bienfaits de lanature et de ses progrs104. Certes, le propos nest gure origi-nal105 mais il semble personnel. On remarquera aussi que lauteurdu Rosarius vite les Decknamen, les allgories alchimiques ornantet masquant les oprations et les produits de luvre. On entrouve quelques-uns (tte de corbeau, oiseau dplum, )mais rarement et toujours comme pour illustrer une dmonstrationplutt que comme cache du magistre alchimique. Au total, leRosarius ne laisse pas de produire limpression dun texte fortcohrent, matris de bout en bout, dans lequel les interventionsdu compilateur confirment les propos des philosophes cits.

    Les rapports du Rosarius avec le Rosarius de John Dastin et leTestamentum du pseudo-Lulle

    Le Rosarius de Dastin

    John Dastin serait un alchimiste dorigine anglaise ayant vcuvraisemblablement au dbut du XIVe sicle, un contemporain

    104 Donc, trs cher ami, [dit-il], il te suffit dordonner savamment la naturede lextrieur, car de lintrieur elle agit en suffisance pour ce qui est ncessaire son uvre. Car les mouvements qui lui sont propres, tous saccordent avec elle,tous forment avec elle une seule voie, un seul ordre et la meilleure et la plus sremthode quon ne pourrait imaginer, ainsi quon le constate dans la cration dechaque chose engendre. Manget, I, 674b.

    105 L-dessus, voir P. Hadot, Le Voile dIsis (Paris, 2004), 42.

    esm11-2.pmd 4/19/2006, 3:00 PM198

  • tude dun texte alchimique du xive sicle 199

    du pape Jean XXII (1334) auquel il aurait envoy une lettrealchimique106, et du cardinal Napolon Orsini (1263-1342), undfenseur des Franciscains Spirituels. Cest Orsini que Dastinddia certaines de ses uvres alchimiques107. Un Rosarius (inc.Desiderabile desiderium) lui est attribu. Le carme Sdaceren possda un exemplaire avant de le gager avec 34 autresmanuscrits (1382)108, suppos donc circuler dans les annes 1340-1380. Or ce Rosarius de XXII chapitres qui, dans sa forme, sedistingue de celui attribu Arnaud de Villeneuve dans la mesureo il apparat comme un texte crit dans un style dessence plusphilosophique (citation du Time, par exemple) et plus orn,contient des lments qui leur sont communs. Dune part ladoctrine et le magistre alchimiques sont identiques ceux queprsente le Rosarius (Iste namque liber). Comme ce dernier,il se rclame du pseudo-Geber (thorie corpusculaire, per minima,entre autres), proposant une uvre qui imite la nature : cest lebut mme de lart. Car, explique-t-il, la nature delle-mme napas le moyen de faire ces choses comme de construire une maisonou de confectionner un lectuaire109. Lemploi de ce terme(lectuaire) signale la forte influence des crits mdicaux sur leRosarius de Dastin qui, linstar du Rosarius (Iste namque liber),reconnat luvre alchimique de produire un lixir dont lafonction premire est damliorer les capacits du corps humain.Il rjouit lme, conserve la jeunesse, renouvelle le viel hommeet il te du corps toute maladie. Il est comme le levain de lapte, comme la presure du lait dans le fromage, et comme lemusc dans les bons parfums110. Plus peut-tre que le Rosarius(Iste namque liber), celui de Dastin adhre la thse de RogerBacon faisant de lor un corps gal111. Dastin lexprime clairementdans son chapitre III : Lor et largent sont composs de maniregale et juste et parmi les autres pierres sublunaires ils sont, eux,vritablement temprs112. Ainsi, dans ce Rosarius (Desiderabile

    106 Camilli a dmontr le rapport troit qui unit lEpistola ad papam de Dastinau Rosarius du pseudo-Arnaud de Villeneuve. Camilli, Rosar