cncdh avis pjl criminalité organisée

Upload: jhourdeaux

Post on 13-Apr-2018

240 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    1/21

    1

    Avis sur le projet de loi renforant la lutte contre le crime organis,

    le terrorisme et leur financement,

    et amliorant lefficacit et les garanties de la procdure pnale1

    (Assemble plnire 17 mars 2016 Adoption : unanimit, une abstention)

    1. Le 3 fvrier 2016, un projet de loi renforant la lutte contre le crime organis, leterrorisme et leur financement, et amliorant lefficacit et les garanties de laprocdure pnale a t adopt en Conseil des ministres. Cette rforme sinscrit dans uncontexte postrieur aux attentats de 2015 qui, au-del des craintes exprimes par laCNCDH2, a galement conduit les instances europennes et internationales sinquiterdes possibles drives de ltat durgence3.

    2.

    Lexpos des motifs du projet prcise, entre autres, que les attentats qui ont

    douloureusement touch notre pays cette anne ont renforc la conviction duGouvernement de la ncessit dadapter notre dispositif lgislatif de lutte contre lecrime organis et le terrorisme afin de renforcer de faon prenne les outils et moyensmis la disposition des autorits administratives et judiciaires, en dehors du cadrejuridique temporaire de ltat durgence. La dimension internationale de cesorganisations criminelles, les armements dont elles disposent, les moyens, y comprisfinanciers ou de communication, sur lesquels elles sappuient, la grande mobilit deleurs membres, rendent indispensable cette adaptation. La loi n 2015-912 du 24 juillet2015 relative au renseignement a accru et encadr les possibilits de recueil durenseignement. Cet arsenal de prvention doit tre complt par un volet judiciaire .Partant, la CNCDH formulera, titre liminaire, plusieurs observations critiques.

    3.

    Premire observation, le passage en Conseil des ministres du projet est intervenu le 3fvrier 2016, soit un peu moins de trois mois aprs la survenance des crimes terroristesde novembre 2015 et un peu plus de 6 mois aprs lentre en vigueur de la loi n 2015 -912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Il nest pas inutile de rappeler quecette dernire loi a t labore peu aprs les attentats de janvier 2015 et quelques moisseulement aprs lentre en vigueur de la loi n 2014-1353 du 13 novembre 2014renforant les dispositions relatives la lutte contre le terrorisme conscutive laffaire Nemmouche, qui succdait elle-mme de peu deux autres lois conscutives,

    1 Le prsent avis porte sur le projet de loi adopt en premire lecture, le 8 mars 2016, par lAssemblenationale.2CNCDH 18 fvrier 2016,Avis sur le suivi de ltat durgence, JORFn 0048 du 26 fvrier 2016, texte n 1023 Voir notamment la rsolution n 2090 (2016) de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope(http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=22481&lang=FR).

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    2/21

    2

    elles, laffaire Merah: la loi n 2012-1432 du 21 dcembre 2012 sur la Scurit et lalutte contre le terrorisme et la loi n 2013-1168 du 18 dcembre 2013 relative laprogrammation militaire pour les annes 2014 2019 et portant diverses dispositionsconcernant la dfense et la scurit nationale. La CNCDH ne peut, une fois de plus, quedplorer cette prolifration de textes lgislatifs, relevant davantage dune approchepolitique et motionnelle que dun travail lgislatif rflchi, comme elle la djfait, plus forte raison, pour la rvision constitutionnelle en cours4. La Commission rappellelimportance dune politiquepnale et de scurit pense, cohrente, stable et lisible,dont la qualit ne se mesure pas son degr de ractivit aux faits divers ou auxcirconstances du moment5. Lempilement des rformes dans les domaines du champpnal et de la scurit intrieure (prs de 30 lois adoptes entre 1999 et 20166) rvlemalheureusement lextrme segmentation des sujets traits et, trop souvent, uneabsence de rflexion densemble7. La lecture du projet rvle ainsi une manire delgifrer tous azimuts conduisant retoucher plusieurs codes (notamment : code pnal,code de procdure pnale, code de la scurit intrieure, code des douanes, code decommerce, code civil, code de la dfense, code de lenvironnement,etc.) :

    - tantt de manire substantielle,

    4CNCDH 18 fvrier 2016,Avis sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, JORF n 0048du 26 fvrier 2016, texte n 103, 5.5CNCDH 15 avril 2010,Avis sur llaboration des lois, en ligne sur :www.cncdh.fr, 3-9.61999 : loi n 99-515 du 23 juin 1999 renforant lefficacit de la procdure pnale ; loi n 99-929 du 10novembre 1999portant rforme du code de justice militaire et du code de procdure pnale ;2000: loi n 2000-516 du 15 juin 2000 renforant la protection de la prsomption dinnocence et les droits desvictimes; loi n 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant prciser la dfinition des dlits non-intentionnels ; loin 2000-1354 du 30 dcembre 2000 tendant faciliter lindemnisation des condamns reconnus innocents et

    portant diverses dispositions de coordination en matire de procdure pnale;2001: loi n 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative la scurit quotidienne;2002: loi n 2002-307 du 4 mars 2002 compltant la loi du 15 juin 2000; loi n 2002-1094 du 29 aot 2002dorientation et de programmation pour la scurit intrieure; loi n 2002-1138 du 9 septembre 2002

    dorientation et de programmation pour la justice;2003: loi n 2003-239 du 18 mars 2003pour la scurit intrieure; loi n 2003-495 du 12 juin 2003 renforantla lutte contre la violence routire ;2004: loi n 2004-204 du 9 mars 2004portant adaptation de la justice aux volutions de la criminalit; loi n2004-811 du 13 aot 2004 de modernisation de la scurit civile;2005: loi n 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant conforter la confiance et la protection du consommateur;loi n2005-1549 du 12 dcembre 2005 relative au traitement de la rcidive des infractions pnales ;2006 : loi n 2006-64 du 23 janvier 2006 relative la lutte contre le terrorisme et portant dispositionsdiverses relatives la scurit et aux contrles frontaliers ; loi n 2006-399 du 4 avril 2006 relative la

    prvention et la rpression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs;2007: loi n 2007-297 du 5 mars 2007 relative la prvention de la dlinquance; loi n 2007-1198 du 10 aot2007 renforant la lutte contre la rcidive des majeurs et des mineurs;2010:loin 2010-201 du 2 mars 2010 renforant la lutte contre les violences de groupes et la protection des

    personnes charges d'une mission de service public; loin 2010-242 du 10 mars 2010tendant amoindrir lerisque de rcidive criminelle et portant diverses dispositions de procdure pnale;2011: loi n 2011-266 du 14 mars 2011 relative la lutte contre la prolifration des armes de destructionmassive et de leurs vecteurs ; loi n 2011-267 du 14 mars 2011 dorientation et de programmation pour la

    performance de la scurit intrieure; loi n 2011-392 du 14 avril 2011 relative la garde vue; loi n 2011-939 du 10 aot 2011 relative la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pnale et au

    jugement des mineurs;2012: loi n 2012-409 du 27 mars 2012relative lexcution des peines; loi n 2012-1432 du 21 dcembre2012 sur la scurit et la lutte contre le terrorisme ;2013: loi n 2013-1168 du 18 dcembre 2013 relative la programmation militaire pour les annes 2014 2019 et portant diverses dispositions concernant la dfense et la scurit nationale;2014: loi n 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforant les dispositions relatives la lutte contre leterrorisme ;2015 : loi n 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement ; loi n 2015-1501 du 20 novembre 2015

    prorogeant l'application de la loi n 55-385 du 3 avril 1955 relative l'tat d'urgence et renforant l'efficacitde ses dispositions.7CNCDH 15 avril 2010, Avis prcit sur llaboration des lois, 14-15; CNCDH 27 mars 2014, Avis sur le

    projet de loi relatif la prvention de la rcidive et lindividualisation des peines, JORF du 12 avril 2014,texte n 48, 86.

    http://www.cncdh.fr/http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0818935Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX0915158Lhttp://www.cncdh.fr/
  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    3/21

    3

    -

    tantt a minima, avec nanmoins une porte beaucoup plus large que ce que laissepercevoir premire vue le peu dimportance de la modification textuelle.

    Au total, la poursuite dune politique de repltrage ponctuelle est prfre laconduite dune rflexiondensemblesur larchitecture de la procdure pnale et de lascurit intrieure, pourtant trs attendue.

    4.

    Deuxime observation, la prsente loi est labore, alors mme quau lendemain desattentats terroristes qui ont frapp la France, l'tat d'urgence a t dclar par lesdcrets des 14 et 18 novembre 2015portant application de la loi du 3 avril 19558, avantdtre prorogune premire fois pour trois mois compter du 26 novembre par la loi n2015-1501 du 20 novembre 2015, qui a galement modifi plusieurs articles de la loi n55-385 du 3 avril 1955 relative ltat durgence9.Une deuxime prorogation de troismois est intervenue avec la loi n 2016-162 du 19 fvrier 2016prorogeant l'application dela loi n 55-385 du 3 avril 1955 relative l'tat d'urgence.Sagissant de cette dernireloi, la CNCDH a, dans son avis du 18 fvrier 2016 sur le projet de loi constitutionnelle deprotection de la Nation, mis en garde contre la possibilit dun tat durgencepermanent et ce dautant que le lgislateur sest autoris proroger une deuxime fois

    sans respecter le cadre fix par les articles 2 et 3 de la loi de 1955, qui exigent, dans untel cas de figure, de recommencer la procdure par un dcret. Ltat dexception, quidoit demeurer provisoire, ne saurait devenir la rgle : il a pour seul et unique objectifun retour rapide la normalit 10.En outre, ainsi que le relevait trs justement Guy Braibant, les crises laissent derrireelles, comme une mare dpais sdiments de pollution juridique, ds lors que les loisprvoyant des mesures extraordinaires survivent aux circonstances qui les ont faitnatre11. Plusieurs dispositions du prsent projet de loi visent, comme lindiqueincidemment lExpos des motifs, inscrire dans le droit commun certaines mesuresinspires du rgime de ltat durgence et donc, par leur banalisation, normaliserlexceptionnel. Cela est flagrant sagissant tout particulirement des nouvellesdispositions relatives aux perquisitions de nuit (article 1er du projet de loi), de celles

    relatives aux perquisitions informatiques (article 3 du projet de loi) ou encore de cellesrelatives au contrle administratif des retours sur le territoire national (article 20 duprojet de loi).

    5.

    Troisime observation, le Gouvernement a, le 3 fvrier 2016, engag la procdureacclre. A cet gard, la CNCDH ne peut que rappeler une nouvelle fois sa fermeopposition la mise en uvre de cette procdure dans des matires aussi sensibles pourles droits et liberts que celles abordes dans le projet. Certes la Commission nignorepas que la rforme constitutionnelle de 2008 a entran une rduction du tempsparlementaire consacr lexamen des projets de loi ce qui, en pratique, conduit leGouvernement mettre en uvre plus frquemment la procdure acclre. Cependant,celle-ci ne permet pas un fonctionnement normal du Parlement, ds lors quelle restreintconsidrablement le temps de rflexion et de maturation ncessaire au dbatdmocratique, et nuit, par ricochet, la qualit de la loi 12. Pour la CNCDH, cetteprocdure prsente assurment un intrt dans des circonstances exceptionnellesjustifiant ladoption dune loi en urgence ; pour autant, elle dplore que de nombreuxtextes dont le caractre urgent nest pas avr et portant sur des sujets relatifs aux

    8Dcret n 2015-1475 du 14 novembre 2015portant application de la loi n 55-385 du 3 avril 1955,JORF n0264 du 14 novembre 2015, p. 21297 ; Dcret n 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n 55-385 du 3 avril 1955, JORF n 0268 du 19 novembre 2015, p. 21517.9Loi n 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n 55-385 du 3 avril 1955 relative l'tat d'urgence et renforant l'efficacit de ses dispositions, JORFn 0270 du 21 novembre 2015, p. 21665.10CNCDH 18 fvrier 2016,Avis sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, en ligne sur :www.cncdh.fr, 16.11G. Braibant, LEtat face aux crises, Pouvoirs1979, p. 8.12Dans ce sens CNCDH 15 avril 2010,Avis prcit sur llaboration des lois, 3-9.

    http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/
  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    4/21

    4

    droits et liberts fondamentaux soient adopts selon cette procdure13. A ce propos, laCNCDH note que larticle 33, III. du projet de loi prvoit une liste dhabilitation duGouvernement lgifrer par ordonnances dans un dlai de 6 mois compter de lapromulgation de la loi et ce alors mme que les dlais consacrs au travail parlementairesont nettement infrieurs. Rien ne semble alors justifier que lurgence soit caractrise.A cela sajoute que llaboration un rythme effrn de projets de loi ne permet pas unevaluation complte et rigoureuse du droit en vigueur, afin que soit tabli un bilan de lapertinence et de lefficacit des mesures existantes14. Depuis la rvision constitutionnellede 2008, ces textes doivent en effet tre accompagns dune tude dite dimpact dfiniss[ant] les objectifs poursuivis par le projet de loi, recens[ant] les optionspossibles en dehors de l'intervention de rgles de droit nouvelles et expos[ant] les motifsdu recours une nouvelle lgislation15. La CNCDH insiste sur limportance quelleattache cette valuation en relevant, linstar du Conseil dEtat16, la pauvret delEtude dimpact accompagnant le projet de loi, bien souvent trop succincte, voirelaconique, sur les raisons motivant les modifications envisages du droit existant. LaCNCDH avait dj dress des constats similaires propos de lEtude dimpact quiaccompagnait tant le projet de loi renforant les dispositions relatives la lutte contre

    le terrorisme17

    que le projet de loi relatif au renseignement18

    . Ainsi, alors quunevaluation complte et rigoureuse du droit existant contribuerait amliorer la qualitde la loi, la succession des textes, sans un tel travail pralable, rend le droit trop souventimprcis, voire indchiffrable et contradictoire19. A titre dexemple, il convient demettre laccent sur la complexification des dispositions du code de procdure pnale,dont la perte de cohrence a t maintes fois dnonce20. Aussi, la CNCDH ne peut-elle que dplorer la pauvret des dispositions du projet de loi destines simplifier ledroulement de la procdure pnale (articles 28 et suivants), alors que cette matireimpose lintervention dune rforme denvergure traduisant une vision politiquedensemble et doncun travail lgislatif ambitieux et rflchi.

    6.

    Quatrime observation, la procdure acclre est dautant plus inadapte en lespce,

    que le consensus dont fait lobjet la lutte contre le terrorisme et la criminalit organisenuit un dbat de qualit : tout se passe comme si la simple invocation dune plusgrande efficacit de la lutte contre le terrorisme pouvait justifier ladoption, sans aucunediscussion, de mesures attentatoires aux liberts21. Dans le contexte actuel, la CNCDH sedoit de raffirmer avec force que les Etats ne sauraient prendre, au nom de la luttecontre le terrorisme, nimporte quelle mesure juge par eux approprie, ds lors que

    13A titre indicatif, tel a notamment t le cas de la loi n 2006-64 du 23 janvier 2006 relative la lutte contrele terrorisme et portant dispositions diverses relatives la scurit et aux contrles frontaliers, de la loi n2007-1198 du 10 aot 2007 renforant la lutte contre la rcidive des majeurs et des mineurs,de la loi n 2008-174 du 25 fvrier 2008 relative la rtention de sret et la dclaration d'irresponsabilit pnale pour causede trouble mental,de la loi n 2012-1432 du 21 dcembre 2012 sur la scurit et la lutte contre le terrorisme,de la loi n 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforant les dispositions relatives la lutte contre leterrorisme, ou encore de la loi n 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.14CNCDH 15 avril 2010,Avis prcit sur llaboration des lois, 12-13.15Article 8 de la loi organique n2009-403 du 15 avril 2009 relative l'application des articles 34-1, 39 et 44 dela Constitution.16 Conseil dEtat (Assemble gnrale/Section de lintrieur/Section des finances) 28 janvier 2016, Avis n391004 sur un projet de loi renforant la lutte contre le crime organis, le terrorisme et leur financement, etamliorant lefficacit et les garanties de la procdure pnale, 5-6, pp. 2-3.17CNCDH 25 septembre 2014,Avis sur le projet de loi renforant les dispositions relatives la lutte contre leterrorisme, JORF n 0231 du 5 octobre 2014, texte n 45, 4.18CNCDH 16 avril 2015, Avis sur le projet de loi relatif au renseignement dans sa version enregistre le 1eravril 2015 la prsidence de l'Assemble nationale,JORFn 0171 du 26 juillet 2015, texte n 43, 4.19Dans ce sens CNCDH 15 avril 2010,Avis prcit sur llaboration des lois, 10-17.20Voir Cour de cassation (dir.), La procdure pnale en qute de cohrence, Dalloz 2007 ; S. Guinchard et J.Buisson (dir.), Les transformations de la justice pnale, Dalloz 2014.21CNCDH 20 dcembre 2012, Avis sur la loi relative la scurit et la lutte contre le terrorisme, en lignesur :www.cncdh.fr, 3.

    http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/
  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    5/21

    5

    cela aboutirait saper, voire dtruire la dmocratie au motif de la dfendre22. Cet effortconstant pour raisonner la raison dEtat23ne doit pas faire oublier que cest dans lecadre du droit, du droit international comme du droit constitutionnel, que la ncessairelutte contre le terrorisme doit tre mene. Faute de quoi les dmocraties ruineraientles principes qui font leur force24. La lutte contre le terrorisme nautorise pas tout. Laplus grande victoire du terrorisme serait de mettre en pril lEtat de droit25. A cet gard,la CNCDH ne peut que regretter quun certain nombre de dispositions du projet de loifassent basculer dans le champ de la police administrative des mesures qui devraient treentoures de toutes les garanties relatives la procdure pnale. Elle dplore galementlextension du domaine des rgimes procduraux drogatoires et la diffusion, au sein desnouvelles dispositions de procdure pnale, dune logique prdictive26 propre au droitpnal de la dangerosit27.

    7. Cinquime et dernire observation, en raison de cette procdure acclre, la CNCDHna pu remplir de manire efficace sa mission consultative de gardienne des droits etliberts fondamentaux, qui implique de pouvoir clairer le Gouvernement et les deuxassembles en temps utile. Nayant pu adopter un avis dans un temps aussi court, elle a

    d se contenter, dans un premier temps, de formuler des remarques sur certainesdispositions du projet de loi par la voie dune note de sa Prsidente. Toutparticulirement, la CNCDH dplore :

    -

    ne pas avoir t saisie par le Gouvernement, alors quune telle dmarche sejustifiait pleinement tant donn le caractre extrmement sensible de la matireau regard de la protection des droits et liberts fondamentaux, en consquence,avoir t contrainte de sautosaisir;

    -

    ne pas avoir t auditionne par la Commission des lois de lAssemble nationale.Dans un second temps, sagissant du prsent avis, en raisondes dlais extrmement brefset de limportance quantitative du projet de loi, la Commission doit se contenter deformuler des commentaires et recommandations sur quelques articles seulement duprojet de loi.

    I. LES CRITIQUES DE LA CNCDH PORTANT SUR LES MODIFICATIONSAPPORTEES PAR LE PROJET DE LOI AU CODE DE PROCEDURE PENALE

    A. UN DESEQUILIBRE DE LA PROCEDURE PENALE AU PROFIT DE LENQUTE

    8. Si la CNCDH note avec satisfaction un renforcement du contradictoire dans la phasedenqute (cf. articles 24 et 27 quater du projet de loi), il sagit cependant dunevolution, dont les incidences pratiques nont manifestement pas t pralablementmesures. De plus, pour la CNCDH, la discussion du prsent projet de loi devrait tre

    loccasion de repenser larchitecture de cette phase du procs pnal avec le souci demieux la coordonner avec linformation judiciaire. A cette fin, elle renvoie aux constatset recommandations formuls dans son avis sur la refondation de lenqute pnale28.

    22Voir Cour EDH 6 septembre 1978, Klass c. R.F.A.,Srie A n 28.23Voir M. Delmas-Marty (dir.), Raisonner la raison dEtat, PUF 1989.24E. Decaux, Terrorisme et droit international des droits de lhomme, in :H. Laurens et M. Delmas-Marty(dir.), Terrorismes. Histoire et droit, CNRS Editions 2010, p. 304.25 Dans ce sens, voir C. Lazerges, Ddoublement de la procdure pnale et garantie des droitsfondamentaux , Mlanges Bernard Bouloc, Dalloz 2007, p. 573 et s.26Voir dj sur cette question M. Mass, A. Giudicelli et J.-P. Jean, Un droit pnal postmoderne ? Mise en

    perspective des volutions et ruptures contemporaines, PUF 2009.27Voir G. Giudicelli-Delage et C. Lazerges (dir.), La dangerosit saisie par le droit pnal,PUF 2011.28CNCDH 29 avril 2014,Avis sur la refondation de lenqute pnale,JORFn0108 du 10 mai 2014, texte n 84, 34-47.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    6/21

    6

    9.

    La CNCDH salue galement le renforcement des prrogatives du juge des liberts et de ladtention dans la phase denqute, qui vient contrebalancer llargissement des pouvoirsdenqute du parquet, mais regrette quil ne soit pas assortide garanties suffisantes. Leprojet de loi raffirme en effet le rle du parquet dans la direction de lenqute (article2229), tout en prvoyant lautorisation du JLD notamment pour :

    -

    les perquisitions de nuit dans les locaux dhabitation (article 1erdu projet de loi) ;-

    la captation de donnes de connexion par le biais du recours la technologie de lIMSI catching (article 2 du projet de loi) ;

    -

    la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcespar une ou plusieurs personnes titre priv ou confidentiel, dans des lieux ouvhicules privs ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvantdans un lieu priv (article 3 du projet de loi) ;

    -

    linterception de donnes stockes dans un systme informatique (article 3 duprojet de loi)30.

    Ainsi que la relev le Conseil dEtat, ces nouvelles dispositions ont pour effet dattnuerles diffrences entre lenqute et linformation et destomper partiellement la spcificit du rle du juge dinstruction31. Au-del de ce constat, la CNCDH sinterroge

    sur lventualit de la fin programme du juge dinstruction.

    10.Pour autant, la CNCDH rappelle32 son attachement au principe de la garantiejudiciaire fond sur larticle 66 de la Constitution de 1958, ainsi que sur les articles 5 et6 de la Convention europenne des droits de lhomme(CESDH)33exigeant linterventiondun juge du sige, ds la phase denqute, pour tous les actes relatifs aux droits etliberts fondamentaux (libert daller et de venir, droit au respect de la vie prive,etc.)34. Toutefois, elle peut lgitimement sinterroger sur les consquences pratiques dela mise en uvre des nouvelles dispositions, lEtude dimpact ne prcisant pas si les JLDseront en mesure de traiter, dans de bonnes conditions matrielles, les dossiers relatifs leurs nouvelles prrogatives. Partant, la CNCDH ritre quelle est favorable aurenforcement du statut de lactuel juge des liberts et de la dtention de manire

    instituer un authentique juge des liberts35, savoir : une fonction juridictionnellespcialise au sens de larticle 28-3 du statut de la magistrature36, exerce par un

    29Larticle 22 du projet de loi prvoit dintgrer dans le code de procdure pnale un nouvel article 39-3 ainsirdig : Dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la Rpublique,sans prjudice des instructions gnrales ou particulires quil adresse aux enquteurs, contrle la lgalitdes moyens mis en uvre par ces derniers, la proportionnalit des actes dinvestigation au regard de lanature et de la gravit des faits, lorientation donne lenqute ainsi que la qualit de celle-ci.Il veille ce que les investigations tendent la manifestation de la vrit et quelles soient accomplies, dansle respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspecte, charge et dcharge.30Larticle 3 du projet de loi modifiant larticle 706-102-1 du code de procdure pnale a pour objet dtendrela captation des donnes informatiques aux donnes stockes. En ltat actuel, cet article du code deprocdure pnale ne mentionne pas les donnes stockes, si bien que la captation dcide sur le fondement deces dispositions se limite aux flux de donnes en temps rel.31CE 28 janvier 2016,Avis prcit n 391004, 9, p. 3.32Voir CNCDH 29 avril 2014, Avis prcit sur la refondation de lenqute pnale, 19.33Larticle 5 de la CESDH concerne spcifiquement la privation de libert, alors que larticle 6 de la CESDHsapplique de manire gnrale tous les droits et liberts fondamentaux garantis par la Convention et lesprotocoles, ainsi quceux dgags par la Cour partir des notions autonomes d accusation en matire

    pnale et de droits et obligations de caractre civil au sens de son paragraphe 1.34Commission Justice pnale et Droits de lhomme, La mise en tat des affaires pnales, La documentationfranaise 1991,p. 115.35Voir dj CNCDH 29 avril 2014,Avis prcit sur la refondation de lenqute pnale, 13.36Article 28-3 du statut de la magistrature : Les fonctions de juge d'instruction, de juge des enfants et de

    juge de l'application des peines d'un tribunal de grande instance ou de premire instance et celles de juge d'untribunal de grande instance charg du service d'un tribunal d'instance sont exerces par un magistrat du sigede ce tribunal de grande instance ou de premire instance, dsign cet effet dans les formes prvues

    l'article 28 () Nul ne peut exercer plus de dix annes la fonction de juge d'instruction, de juge des enfants,de juge de l'application des peines ou de juge charg du service d'un tribunal d'instance dans un mme tribunalde grande instance ou de premire instance. A l'expiration de cette priode, s'il n'a pas reu une autre

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    7/21

    7

    magistrat du premier grade nomm par dcret du Prsident de la Rpublique37, ayant unecomptence de droit commun en matire de contrle des investigations et de garantiejudiciaire des droits et liberts fondamentaux tous les stades de la procdure.

    11.Par ailleurs, la CNCDH se permet de rappeler quelle est favorable une refonte gnraledu statut du parquet, dont il est urgent de garantir lindpendance dans le cadre dunervision constitutionnelle38.

    12.

    Enfin, ds lors que la rforme va indniablement dans le sens du renforcement delenqute au dtriment de linformation, la CNCDH rappelle lurgente ncessit dejuridictionnaliser la premire suivant les principes et recommandations formuls dans sonavis sur la refondation de lenqute pnale39.

    B. SAGISSANT DES DISPOSITIONS MODIFIANT LA PROCEDURE DE DROIT COMMUN

    13.Demble, la CNCDHrappelle son profond attachement au respect du droit la vie privegaranti aux articles 8 de la CESDH et 8 de la Charte des droits fondamentaux de lUnion

    europenne. Elle ne peut donc que sinquiter de lextension considrable des pouvoirsdes forces de lordre loccasion des contrles et vrifications didentit raliss sur lefondement des article 78-2 et suivants du code de procdure pnale. Cest ainsi quelarticle 17 du projet de loi permet aux OPJ et, le cas chant, aux APJ, agissant surrquisitions du procureur de la Rpublique, de procder linspection visuelle et lafouille de bagages (article 78-2-2 du code de procdure pnale dans sa nouvelleversion). Dune part, la liste des infractions permettant au parquet de recourir cesmesures intrusives tant extrmement large, la CNCDH sinquite de leur possiblegnralisation en pratique. Dautre part,les nouvelles dispositions sont silencieuses sur lerespect des principes de proportionnalit et de non-discrimination dans la mise en uvrede ces pouvoirs de police. Pour toutes ces raisons, la Commission voit dans les nouvellesdispositions une violation potentielle des articles 8 (droit la vie prive des personnes

    contrles) et 14 (non-discrimination) de la CESDH.

    14.

    Par ailleurs, larticle 1840du projet de loi permet aux forces de lordre, loccasion duncontrle ou dune vrification didentit, de retenir une personne pendant quatre heures

    affectation, le magistrat est dcharg de cette fonction par dcret du Prsident de la Rpublique et exerce ausein du tribunal de grande instance ou de premire instance les fonctions de magistrat du sige auxquelles il at initialement nomm. Il en est de mme dans les cas o, avant ce terme, il est dcharg de cette fonctionsur sa demande ou en application de l'article 45.37Article 28 alina 2 du statut de la magistrature : Les dcrets portant promotion de grade ou nominationaux fonctions de magistrat () sont pris par le Prsident de la Rpublique sur proposition du garde des sceaux,ministre de la justice, aprs avis conforme de la formation comptente du Conseil suprieur de lamagistrature pour ce qui concerne les magistrats du sige et aprs avis de la formation comptente du Conseilsuprieur pour ce qui concerne les magistrats du parquet .38Voir CNCDH 27 juin 2013, Avis sur lindpendance de la justice, JORF n 0176 du 31 juillet 2013, texte n102.39CNCDH 29 avril 2014, Avis prcit sur la refondation de lenqute pnale, 13-23.40Article 18 du projet de loi : aprs larticle78-3 du code de procdure pnale, il est insr un article 78-3-1ainsi rdig : Toute personne faisant lobjet dun contrle ou dune vrification didentit prvus au prsentchapitre peut, lorsquil existe des raisons srieuses de penser que son comportement est li des activits caractre terroriste, faire lobjet dune retenue sur place ou dans le local de police o elle est conduite pourune vrification approfondie de sa situation par un officier de police judiciaire permettant de consulter lestraitements automatiss de donnes caractre personnel relevant de larticle 26 de la loi n 78-17 du 6

    janvier 1978 relative linformatique, aux fichiers et aux liberts, selon les rgles propres chacun de cestraitements, et, le cas chant, dinterroger les services lorigine du signalement de lintress ainsi quedes organismes de coopration internationale en matire de police judiciaire ou des services de police

    trangers.La retenue ne peut donner lieu audition.Le procureur de la Rpublique en est inform sans dlai.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    8/21

    8

    lorsquil existe des raisons srieuses de penser que son comportement est li desactivits caractre terroriste . Ces nouvelles dispositions consacrent, du fait delexercice de la coercition et indpendamment de sa brivet,une privation de libertdevant rpondre aux exigences de larticle 5 de la CESDH 41. A ce propos, les motifs de laretenue de quatre heures, pourtant considre par les auteurs du projet de loi commeune mesure de police administrative42, se distinguent mal de ceux prvus pour la garde vue (articles 62-2 et 77 du code de procdure pnale : une personne lencontre delaquelle existeune ou plusieurs raisons plausibles de souponner quelle a commis outent de commettre un dlit puni dune peine demprisonnement ), dont le rgimejuridique est plus protecteur. Il y a l une nouvelle confusion entre police administrativeet police judiciaire, susceptible de caractriser une violation de larticle 16 de laDclaration de 1789 (DDHC). Pour la CNCDH, il ne faudrait pas que les nouvellesdispositions soient destines vincer les droits du gard vue (articles 63-1 et suivantsdu code de procdure pnale)43. Aussi, la ncessit, ladquationet la proportionnalitde la retenue de quatre heures sont-elles difficilement perceptibles. En ltat de larticle18 et faute de garanties, la CNCDH recommande le retrait des dispositions relatives lartention administrative de quatre heures.

    15.

    Sagissant maintenant de lobjet de la privation de libert, les nouvelles dispositionsprvoient quelle est destine une vrification approfondie de la situation delintress par un officier de police judiciaire permettant de consulter les traitementsautomatiss de donnes caractre personnel relevant de larticle 26 de la loi n 78-17du 6 janvier 1978 relative linformatique, aux fichiers et aux liberts, selon les rglespropres chacun de ces traitements, et, le cas chant, dinterroger les services lorigine du signalement de lintress ainsi que des organismes de cooprationinternationale en matire de police judiciaire ou des services de police trangers.LEtude dimpactprcise utilement ce sujet que ces vrifications ont pour finalit lerecueil de renseignement44. En consquence, la CNCDH ne peut que sinterroger sur lacompatibilit des nouvelles dispositions avec larticle 5 de la CESDH qui ne permet pas de

    priver un individu de libert aux seules fin de recueillir des renseignements45, tant

    La personne retenue est immdiatement informe par lofficier de police judiciaire ou, sous le contrle decelui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue quelle comprend, de la dure maximale de lamesure. Si des circonstances particulires lexigent, lofficier de police judiciaire prvient lui -mme la

    personne choisie par la personne faisant lobjet de la retenue.Cette personne ne peut tre retenue que pendant le temps strictement ncessaire laccomplissement desvrifications mentionnes au premier alina, pour une dure qui ne peut excder quatre heures compter dudbut du contrle effectu. Le procureur de la Rpublique peut mettre fin tout moment la retenue.Lorsquil sagit dun mineur de dix-huit ans, celui-ci doit tre assist de son reprsentant lgal ou, en casdimpossibilit, la retenue doit faire lobjet dun accord exprs du procureur de la Rpublique.Lofficier de police judiciaire mentionne dans un procs -verbal les motifs qui justifient la vrification desituation administrative et les conditions dans lesquelles la personne a t prsente devant lui, informe deses droits et mise en mesure de les exercer. Il prcise le jour et lheure partir desquels la vrification a teffectue, le jour et lheurede la fin de la retenue et la dure de celle-ci.Ce procs-verbal est prsent la signature de la personne. Si cette dernire refuse de le signer, mention est

    faite du refus et des motifs de celui-ci. Le procs-verbal est transmis au procureur de la Rpublique, copie enayant t remise la personne.Les prescriptions numres au prsent article sont imposes peine de nullit.41Voir notamment Cour EDH 24 juin 2008, Foka c. Turquie, req. n 28940/95, 78.42 Etude dimpact, p. 61, qui voque une mesure privative de libert organise des fins de policeadministrative.43Dans ce sens Dfenseur des droits 12 fvrier 2016,Avis n 16-04, p. 10.44 Etude dimpact, p. 63 : Au fond, la finalit de cette vrification de situation est lobtention durenseignement, notamment sur la localisation de la personne. Ce renseignement est prcieux pour le suividun certain nombre de rseaux pour lesquels les lments recueillis demeurent insuffisants pour la

    judiciarisation .45Cour EDH 30 aot 1990, Fox, Campbell & Hartley c. Royaume-Uni, req. n 12244/86, 12245/86 et 12383/86, 29-36.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    9/21

    9

    prcis que linterdiction de laudition de lintress nest pas de nature attnuer cerisque de violation de la CESDH.

    16.

    Surtout, larticle 18 du projet de loi permet une telle retenue pour les mineurs de 18ans, autrement dit tous les mineurs. A ce propos, la CNCDH entend rappeler que cesderniers sont des personnes intrinsquement vulnrables et quils ne doivent en aucuncas pouvoir faire lobjet dune telle mesure, ds lors que les motifs qui la fondent et laprivation de libert quelle entrane sont ncessairement contraires lintrt suprieurde lenfant (article 3 de la Convention internationale des droits de lenfant). Notonssurtout que dans le cadre dune procdure pnale, il est interdit de priver de libert unmineur de moins de 10 ans. Quant aux mineurs de 10 13 ans, sils peuvent faire lobjetdune retenue de 12 heures, cest aux conditions poses par larticle4 I. de lordonnancedu 2 fvrier 194546. Sagissant des mineurs de plus de 13 ans, les garanties entourant leurplacement et leur maintien en garde vue sont plus exigeantes lorsquils sont gs demoins de 16 ans que lorsquils ont plus de 16 ans47. Pour toutes ces raisons, la CNCDH

    46

    Article 4, I. de lOrdonnance du 2 fvrier 1945 relative lenfance dlinquante: Le mineur de treize ansne peut tre plac en garde vue. Toutefois, titre exceptionnel, le mineur de dix treize ans contre lequelil existe des indices graves ou concordants laissant prsumer qu'il a commis ou tent de commettre un crimeou un dlit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement peut, pour l'un des motifs prvus par l'article 62-2 ducode de procdure pnale, tre retenu la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord pralableet sous le contrle d'un magistrat du ministre public ou d'un juge d'instruction spcialiss dans la protectionde l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une dure que ce magistrat dtermine et qui ne saurait excderdouze heures. Cette retenue peut toutefois tre prolonge titre exceptionnel par dcision motive de cemagistrat pour une dure qui ne saurait non plus excder douze heures, aprs prsentation devant lui dumineur, sauf si les circonstances rendent cette prsentation impossible. Elle doit tre strictement limite autemps ncessaire la dposition du mineur et sa prsentation devant le magistrat comptent ou sa remise l'une des personnes vises au II du prsent article.Les dispositions des II, III et IV du prsent article et de l'article 803-6 du code de procdure pnale sontapplicables. Lorsque le mineur ou ses reprsentants lgaux n'ont pas dsign d'avocat, le procureur de la

    Rpublique, le juge charg de l'instruction ou l'officier de police judiciaire doit, ds le dbut de la retenue,informer par tout moyen et sans dlai le btonnier afin qu'il commette un avocat d'office .47Article 4, II. et s. de lOrdonnance du 2 fvrier 1945 relative lenfance dlinquante: II-Lorsqu'un mineurest plac en garde vue, l'officier de police judiciaire doit, ds que le procureur de la Rpublique ou le jugecharg de l'information a t avis de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou leservice auquel est confi le mineur.Il ne peut tre drog aux dispositions de l'alina prcdent que sur dcision du procureur de la Rpublique oudu juge charg de l'information et pour la dure que le magistrat dtermine et qui ne peut excder vingt-quatre heures ou, lorsque la garde vue ne peut faire l'objet d'une prolongation, douze heures.III-Ds le dbut de la garde vue d'un mineur de seize ans, le procureur de la Rpublique ou le juge charg del'information doit dsigner un mdecin qui examine le mineur dans les conditions prvues par l'article 63-3 ducode de procdure pnale.Lorsqu'un mineur de plus de seize ans est plac en garde vue, ses reprsentants lgaux sont aviss de leurdroit de demander un examen mdical lorsqu'ils sont informs de la garde vue en application du II du

    prsent article.IV-Ds le dbut de la garde vue, le mineur peut demander tre assist par un avocat, conformment auxarticles 63-3-1 63-4-3 du code de procdure pnale. Il doit tre immdiatement inform de ce droit. Lorsquele mineur n'a pas sollicit l'assistance d'un avocat, cette demande peut galement tre faite par sesreprsentants lgaux qui sont alors aviss de ce droit lorsqu'ils sont informs de la garde vue en applicationdu II du prsent article.V-En cas de dlit puni d'une peine infrieure cinq ans d'emprisonnement, la garde vue d'un mineur g detreize seize ans ne peut tre prolonge.

    Aucune mesure de garde vue ne peut tre prolonge sans prsentation pralable du mineur au procureur dela Rpublique ou au juge d'instruction du lieu d'excution de la mesure.VI-Les interrogatoires des mineurs placs en garde vue viss l'article 64 du code de procdure pnale fontl'objet d'un enregistrement audiovisuel.L'enregistrement ne peut tre consult, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'encas de contestation du contenu du procs-verbal d'interrogatoire, sur dcision du juge d'instruction, du jugedes enfants ou de la juridiction de jugement, la demande du ministre public ou d'une des parties. Les huit

    derniers alinas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation del'enregistrement, cette demande est forme et le juge d'instruction statue conformment aux deux premiersalinas de l'article 82-1 du code de procdure pnale.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    10/21

    10

    recommande le retrait de ce texte et, dfaut, celui des dispositions tendantlapplicationde la mesure aux mineurs de 18 ans.

    17.

    Enfin, la CNCDH exprime son opposition au renforcement des peines en cas de refus decommuniquer les donnes protges par un moyen de cryptologie intressant l'enquteet utiles la manifestation de la vrit lgard des constructeurs de moyen decryptologie (article 230-1 du code de procdure pnale). Cette disposition pourraitfortement conduire obliger les constructeurs mettre en place des portes drobes (backdoors) ce qui fragiliserait lensemble dusystme de chiffrement. En prvoyant unecondamnation allant jusqu cinq ans d'emprisonnement et 350 000 d'amende, cettedisposition cre une responsabilit pnale qui sapparente symboliquement unecomplicit pour les constructeurs d'outils de chiffrement. La CNCDH estime dune partque larsenal lgislatif en la matire est suffisant (article 230-1 du code de procdurepnale) et dautre part que les sanctions, ne sont ni ncessaires ni proportionnelles lobjectif vis et considreque ces articles constituent une violation grave de larticle 8de la CESDH.

    C.

    SAGISSANT DES DISPOSITIONS MODIFIANT LA PROCEDURE DEROGATOIREAPPLICABLE A LA CRIMINALITE ET A LA DELINQUANCE ORGANISEE

    18.

    En premier lieu, un grand nombre de dispositions du projet de loi modifient la procduredrogatoire applicable la criminalit et la dlinquance organise, afin de renforcerlefficacit des investigations (voir notamment les articles 1, 2, 3, 8 et 11 du projet deloi). Le recours cette procdure drogatoire repose sur la notion extrmement floue de bande organise , circonstance aggravante critique par la CNCDH48 et par ladoctrine49tant sur le plan juridique que sur le plan criminologique, comme le fut et lestencore celle dassociation de malfaiteurs, incrimination dont la dfinition (article 450-1du code pnal) est identique celle de bande organise (article 132-71 du code pnal)50.A cela sajoute que le rgime de la criminalit et de la dlinquance organise est

    tentaculaire car la liste des infractions qui en relve est vaste, fluctuante et peu

    Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement original ou une copie ralise en application duprsent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.Lorsque l'enregistrement ne peut tre effectu en raison d'une impossibilit technique, il en est fait mentiondans le procs-verbal d'interrogatoire qui prcise la nature de cette impossibilit. Le procureur de laRpublique ou le juge d'instruction en est immdiatement avis.

    A l'expiration d'un dlai de cinq ans compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrementoriginal et sa copie sont dtruits dans le dlai d'un mois.Un dcret prcise en tant que de besoin les modalits d'application du prsent VI.VII.- L'article 706-88 du code de procdure pnale, l'exception de ses sixime huitime alinas, estapplicable au mineur de plus de seize ans lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de souponnerqu'une ou plusieurs personnes majeures ont particip, comme auteurs ou complices, la commission del'infraction.48CNCDH 27 mars 2003,Avis sur lavant-projet portant adaptation des moyens de la justice aux volutions dela criminalit,en ligne sur : www.cncdh.fr.49Voir B. de Lamy, La loi n 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux volutions de lacriminalit (Crime organis - Efficacit et diversification de la rponse pnale) , Rec. Dalloz 2004, pp. 1912-1913 ; B. de Lamy, Lavance de la conception matrielle de la lgalit criminelle , Rec. Dalloz2004, p.2756 ; C. Lazerges, Le Conseil constitutionnel acteur de la politique criminelle. A propos de la dcision 2004-492 DC du 2 mars 2004 , RSC2004, p. 725.50 ...tout groupement form ou toute entente tablie en vue de la prparation, caractrise par un ou

    plusieurs faits matriels... , dune ou de plusieurs infractions (article 132-71 du code pnal) ou bien d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs dlits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement (article 450-1du code pnal).

    Nanmoins, sur l'affirmation que les composantes de l'infraction et de la circonstance aggravantes sontdistinctes, voir Cass. crim.8 juillet 2015, n 14-88.329, Dr. Pnal2015, comm. 120, note P. Conte ; Gaz. Pal.2015, 1, p. 29, obs. S. Dtraz ; Rec. Dalloz2015, p. 2541, note R. Parizot.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    11/21

    11

    cohrente (voir les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procdure pnale)51.Larticle 8, 2 du projet de loi prvoit dtendre encore cette liste plusieurs dlits enmatire darmes et de produits explosifs52. Quant larticle 11 II., 5 du projet de loi, ilcomplte larticle 706-73-1 par le dlit datteinte aux systmes de traitement automatisde donnes caractre personnel mis en uvre par ltat et par le dlit dvasion. Endfinitive, les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 ne dfinissent pas un comportementincrimin, mais dsignent un inventaire d'infractions dont le seul point commun est d'trecommises en bande organise53. Pour toutes ces raisons, la CNCDH y voit la possibilitjuridique dune viction du droit commun. Elle se doit en outre de rappeler que, selonelle, plus linfraction est grave, plus la protection du suspect prsum innocent simpose,et de ritrer sa ferme opposition au maintien de tels rgimes drogatoires54, dont laconstitutionnalit est au demeurant discutable55.

    19.En deuxime lieu, la possibilit prvue larticle 1erdu projet, dordonner, dans deslocaux dhabitation,des perquisitions de nuit dans le cadre duneenqute prliminaireou dune instruction afin de prvenir un risque srieux datteinte la vie ou lintgrit physique pose question56. En effet, la CNCDH relve le caractre

    extrmement vague de ces motifs, dont la mise en uvre reposera vraisemblablementsur un diagnostic de dangerosit et un pronostic de passage lacte par dfinitionalatoires57. Dans ces conditions, le primtre exact des personnes concernes par lamesure nest pas dfini avec prcision, ce qui enpratique est de nature porter uneatteinte disproportionne larticle 8 de la CESDH. Quant la ncessit duneautorisation du juge des liberts et de la dtention (JLD), elle reste un rempartinsuffisant (voir supra, 9-10).

    20.En troisime lieu, larticle 2 du projet de loi rglemente le recours un dispositif deproximit (mentionn au 1 de larticle 226-1 du code pnal) dans le cadre de lenquteet de linformation du chef des infractions vises aux articles 706 -73 et 706-73-1 du codede procdure pnale et ce afin de recueillir les donnes techniques de connexion

    permettant lidentification dun quipement terminal ou du numro dabonnement deson utilisateur (alina 1erdu nouvel article 706-95-1 du code de procdure pnale58).

    51 B. de Lamy, La loi n 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux volutions de lacriminalit (Crime organis - Efficacit et diversification de la rponse pnale) , Rec. Dalloz 2004, pp. 1912-1913.52Article 8, 2 du projet de loi : Le 12 de larticle 706-73 du code de procdure pnale est ainsi rdig : 12 Dlits en matire darmes et de produits explosifs prvus aux articles L. 2339 -2, L. 2339-3, L. 2339-10,L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la dfense ainsi quaux articles L. 317-2, L. 317-4, L. 317-7 et au1 de larticle L. 317-8 du code de la scurit intrieure; 53C. Lazerges, La drive de la procdure pnale , RSC2003, p. 644.54Voir dj CNCDH 10 juin 2010, Avis sur la rforme de la procdure pnale, en ligne sur : www.cncdh.fr,18 ; CNCDH 6 janvier 2011,Avis sur le projet de loi relatif la garde vue, en ligne sur :www.cncdh.fr, 29 ;CNCDH 29 avril 2014, Avis prcit sur la refondation de lenqute pnale, 46.55Cons. const. 9 octobre 2014, n 2014-420/421 QPC.Voir galement P. Cassia, Les gardes vue particulires ne sont plus conformes la Constitution , Rec.Dalloz2010, p. 1949 et s.56A ce jour, de telles perquisitions ne sont possibles quen enqute de flagrance (article 706 -89 du code deprocdure pnale) ou, lors de linformation, en cas durgence et dans trois hypothses (article 706-91 du codede procdure pnale).57 Voir CNCDH 27 mars 2014, Avis prcit sur le projet de loi relatif la prvention de la rcidive et lindividualisation des peines, 10.Sur la notion de dangerosit et ses drives, voir G. Giudicelli-Delage et C. Lazerges (dir.), op. cit.58Article 706-95-1 alina 1ernouveau du code de procdure pnale : Lorsque les ncessits de lenqute oude linformation concernant un crime ou un dlit entrant dans le champ dapplication des articles 706 -73 et706-73-1 lexigent, le juge des liberts et de la dtention, sur requte du procureur de la Rpublique, ou le

    juge dinstruction, aprs avis du procureur de la Rpublique, peut autoriser les officiers de police judiciaire

    mettre en place un dispositif technique mentionn au 1 de larticle 226-3 du code pnal afin de recueillir lesdonnes techniques de connexion permettant lidentification dun quipement terminal ou du numrodabonnement de son utilisateur. Ces oprations sont effectues sous lautorit et le contrle du magistrat

    http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/http://www.cncdh.fr/
  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    12/21

    12

    Plus concrtement, ces nouvelles dispositions sont destines lgaliser le recours latechnologie dite de lIMSI-catching, qui permet de capter, par le biais dune fausseantenne relais, les donnes de connexion de toutes les personnes dtenant unpriphrique lectronique (tlphone cellulaire, ordinateur, tablette, etc.) dans unezone gographique dtermine. Ainsi, les donnes relatives des personnes trangres la procdure se trouvant dans le primtre daction de lIMSI-catcher serontinvitablement interceptes leur insu. A cela sajoute que la mise en uvre dudispositif peut tre autorise :

    -

    au cours de lenqute, pour une dure maximale dun mois renouvelable unefois, dans les mmes conditions de forme et de dure (article 706-95-1, II. alina1erdu code de procdure pnale) ;

    -

    au cours de linstruction, pour une dure maximale de deux mois renouvelabledans les mmes conditions de forme et de dure, sans que la dure totale desoprations ne puisse excder six mois (article 706-95-1, II. alina 2 du code deprocdure pnale).

    Aussi, le nombre des donnes pouvant tre recueillies durant de telles priodes est-ilconsidrable, ce qui pose indniablement problme lorsquelles sont relatives des

    personnes trangres la procdure. Dans ces conditions, quand bien mme la mesureserait-elle ordonne par un magistrat du sige (JLD en enqute et juge dinstruction eninformation), la CNCDH regrette le silence du texte initial du projet sur :

    -

    la dure et les modalits de conservation des donnes ;-

    les modalits dexploitation des donnesrecueillies ;- les modalits de tri entre les donnes pertinentes et les donnes non pertinentes ;-

    lobligationde destruction des donnes concernant des personnes trangres laprocdure, une telle obligation ntantprvue que dans le cadre de la procduredurgence59;

    -

    les modalits de cette destruction.Il est notable que ce silence a t combl, mais en partie seulement 60, par lAssemblenationale au cours de la premire discussion. A dfaut damlioration du texte, la CNCDH

    voit dans lapplication de ces nouvelles dispositions une violation potentielle de larticle8 de la CESDH.

    21.

    Enfin, la CNCDH relve que, contrairement par exemple la matire des coutesjudiciaires (article 100-7 du code de procdure pnale), la version initiale du projet deloi ne comprenait aucune disposition spcifique en ce qui concerne les personnes ayant

    qui les a autorises et ne peuvent, peine de nullit, tre mises en uvre pour une finalit autre que cellede la recherche et de la constatation des infractions pour lesquelles elles ont t autorises. Le fait que cesoprations rvlent des infractions autres que celles vises dans la dcision de ce magistrat ne constitue pasune cause de nullit des procdures incidentes.59Article 706-95-1 alina 2 nouveau du code de procdure pnale : Dans le cadre dune enqute relative uncrime ou un dlit mentionn au premier alina du prsent article, en cas durgence, lautorisation peut treaccorde par le procureur de la Rpublique. Elle doit alors tre confirme par le juge des liberts et de ladtention dans un dlai de vingt-quatre heures, dfaut de quoi il est mis fin lopration et procd ladestruction des donnes recueillies .60Article 706-95-1, III. alinas 2 et suivants du code de procdure pnale : Lofficier de police judiciairedresse un procs-verbal des oprations de recueil des donnes mentionnes au premier alina du I. Ce procs-verbal mentionne la date et lheure auxquelles chacune des oprations ncessaires a commenc et cellesauxquelles elle sest termine.Lofficier de police judiciaire joint au procs-verbal mentionn au premier alina du prsent III les donnesrecueillies qui sont utiles la manifestation de la vrit.Un dcret en Conseil dtat, pris aprs avis motiv et publi de la Commission nationale de linformatique etdes liberts, dtermine les conditions dans lesquelles, partir du 1er janvier 2017, la plate-forme nationaledes interceptions judiciaires prvue larticle 230-45 centralise et conserve les donnes recueillies enapplication du premier alina du I du prsent article.

    Les donnes collectes sont dtruites, la diligence du procureur de la Rpublique ou du procureur gnral, lexpiration du dlai de prescription de laction publique ou lorsquune dcision dfinitive a t rendue au

    fond. Il est dress procs-verbal de lopration de destruction.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    13/21

    13

    un statut ou exerant une profession imposant une protection particulire, commenotamment les magistrats, les avocats, les parlementaires, les mdecins ou encore lesjournalistes. Elle recommande instamment une amlioration du texte sur cette question.En consquence, la CNCDH salue lintroduction, en premire lecture, dun nouvel article2 bis dans le projet de loi, aux termes duquel Aucune des mesures prvues au prsentchapitre ne peut tre ordonne lencontre dun parlementaire, dun magistrat, dunavocat ou dun journaliste raison de lexercice de son mandat ou de sa profession (article 706-104 nouveau du code de procdure pnale).

    II. LES CRITIQUES DE LA CNCDH PORTANT SUR LES MODIFICATIONSAPPORTEES PAR LE PROJET DE LOI AU CODE DE LA SECURITEINTERIEURE

    A. SAGISSANT DE LINTEGRATION DE LADMINISTRATION PENITENTIAIRE DANS LACOMMUNAUTE DU RENSEIGNEMENT

    22.

    Larticle 4 ter du projet de loi61 tente une nouvelle fois62 douvrir la possibilit dedsigner par dcret en Conseil dEtat le bureau du renseignement de ladministrationpnitentiaire, afin que celui-ci puisse recourir aux techniques de recueil durenseignement dans les conditions fixes par le code de la scurit intrieure.Lintgration potentielle de ladministration pnitentiaire dans la communaut durenseignement a t dcide en Commission des lois de lAssemble nationale, sans quecela donne pralablement lieu expertise. A cet gard, la CNCDH pense quune telleoption est de nature bouleverser le rle dvolu au renseignement pnitentiaire dont lamission dfinie par les textes consiste uniquement recueillir et analyser les informations utiles la scurit des tablissements63. Elle conduirait en effet fairevoluer le mtier des surveillants pour crer un corps de professionnels du renseignementautoriss mobiliser, sur le fondement des finalits dfinies larticle L. 811-3 du codede la scurit intrieure (prvention du terrorisme, prvention de la criminalitorganise, intrts conomiques, industriels et scientifiques majeurs de la France, etc.),des techniques particulirement intrusives, dont la mise en uvre ne sera ainsi plusdestine au seul maintien de la scurit dans les tablissements pnitentiaires64. De plus,une telle volution brouillerait la nature des missions confres au service publicpnitentiaire qui doit principalement contribuer linsertion ou la rinsertion despersonnes qui lui sont confies par lautorit judiciaire, la prvention de la rcidive et la scurit publique dans le respect des intrts de la socit, des droits des victimeset des droits des personnes dtenues (article 2 de la loi n 2009-1436 du 24 novembre2009 pnitentiaire). Pour toutes ces raisons, la CNCDH recommande dexclureladministration pnitentiaire de la communaut du renseignement, sans pour autant

    remettre en cause la possibilit de recueillir du renseignement par les moyens lgauxdj existants.

    23.

    Par ailleurs, la CNCDH a, dans son avis du 25 septembre 2014 relatif au projet de loirenforant les dispositions relatives la lutte contre le terrorisme, exprim sonopposition lemploi par ladministration pnitentiaire de technologies telles que

    61Article 4 ter du projet de loi : la premire phrase de larticle L. 811-4 du code de la scurit intrieure,les mots : et de lintrieur sont remplacs par les mots : , de lintrieur et de la justice.62 Cette possibilit avait certes t envisage au cours de la discussion de la rcente loi relative aurenseignement, mais finalement rejete.63 Article 2 de larrt du 9 juillet 2008 fixant lorganisation en sous-directions de ladministration

    pnitentiaire(NOR : JUSG0816354A).64 Voir OIP, Insertion de la pnitentiaire dans la communaut du renseignement ? Une drivedangereuse , en ligne sur :www.oip.org.

    http://www.oip.org/http://www.oip.org/
  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    14/21

    14

    lIMSI-catching. A partir dun tel procd, les donnes techniques de connexion depersonnes non dtenues prsentes dans ltablissement pnitentiaire ou proximit(riverains, avocats, magistrats et autres personnels de justice, agents de ladministrationpnitentiaire, journalistes, parlementaires, etc.) pourraient tre systmatiquementrecueillies65. Pour cette raison, la CNCDH y voit un risque datteinte grave larticle 8 dela CESDH.

    B. SAGISSANT DE LINTERDICTION DACQUISITION ET DE DETENTION DARMES DESCATEGORIES B, C et D

    24.Larticle 7 du projet de loi modifie les trois premiers alinas de larticle L. 312-3 du codede la scurit intrieure, rdigs de la manire suivante : Sont interdites dacquisitionet de dtention darmes des catgories B, C et D:1 les personnes dont le bulletin n 2 du casier judiciaire comporte une mention de lacondamnation pour lune des infractions suivantes [par exemple, le meurtre,lassassinat, la traite, mais aussi, de manire plus surprenante, lexhibition sexuelle, leharclement sexuel ou le harclement moral]();

    2 Les personnes condamnes une peine dinterdiction de dtenir ou de porter unearme soumise autorisation ou condamnes la confiscation dune ou de plusieursarmes dont elles sont propritaires ou dont elles ont la libre disposition en applicationdes articles du code pnal et du prsent code qui les prvoient. Si la CNCDH comprendlopportunit dune mesure visant largir linterdiction dacquisition et de dtentiondarmes, elle exprime nanmoins une rserve sur le rgime juridique retenu qui prsenteun risque dinconstitutionnalit. La rdaction propose ( sont interdites) chappe auprincipe dindividualisation de la peine pos larticle 132-1 du code pnal, principe devaleur constitutionnelle66. Il sagit donc indniablement dune peine automatique ouaccessoire.

    25.En effet, il convient de rappeler que, si ces peines sont supprimes thoriquement par le

    code pnal, elles continuent nanmoins tre prvues dans dautres textes, ainsi quenatteste le prsent projet de loi. Sur question prioritaire de constitutionnalit, le Conseilconstitutionnel se prononce rgulirement sur la conformit des peines accessoires auxexigences de larticle 8 de la DDHC. Il se rfre ce dernier texte pour censurer desdispositions lgislatives qui prvoient le prononc dune peine automatique chappant,en consquence, au pouvoir dapprciation du juge67. En effet, le principedindividualisation de la peine exige que le juge conserve un pouvoir d'apprciation pourmoduler la peine, au regard des circonstances de l'espce et de la personnalit dudlinquant68. Dans ces conditions, la CNCDH estime que le lgislateur devrait remdier cette ambigit en rendant effectives les dispositions de larticle 132-17 alina premier

    65Voir CNCDH 25 septembre 2014, Avis prcit sur le projet de loi renforant les dispositions relatives lalutte contre le terrorisme, 31.66Cons. const. 22 juillet 2005, n 2005-520 DC ; Cons. const. 9 aot 2007, n 2007-554 DC ; Cons. const. 11 juin2010, n 2010-6/7 QPC ; Cons. const. 29 septembre 2010, n 2010-40 QPC ; Cons. const. 29 septembre 2010, n2010 41 QPC ; Cons. const. 10 dcembre 2010, n 2010-72/75/82 QPC.67Cest ainsi qua t dclare contraire la Constitution l'interdiction du territoire pour une dure d'un anfaisant automatiquement suite un arrt de reconduite la frontire (Cons. const. 13 aot 1993, n 93-325DC, cons. 49). De mme, une disposition relative lincapacit dexercer une fonction publique lective quidcoulait de plein droit du prononc lencontre dun dirigeant ou dun chef dentreprise, dune faillitepersonnelle ou dune interdiction de diriger, grer, administrer ou contrler directement ou indirectement unepersonne morale ou une entreprise, a t censure, le haut conseil dplorant que le juge soit empch dendcider selon les circonstances de lespce (Cons. const. 15 mars 1999, n 99-410 DC, cons. 41, 42).68Cons. const. 11 juin 2010, n 2010-6/7 QPC, propos de larticle L. 7 du code lectoral; Cons. const. 29

    septembre 2010, n 2010-40 QPC, propos de larticle L. 234-13 du code de la route ; Cons. const. 29septembre 2010, n 2010 41 QPC propos de larticle L. 212 -4 du code de la consommation ; Cons. const. 10dcembre 2010, n 2010-72/75/82 QPC, propos de larticle 1741 du code gnral des impts.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    15/21

    15

    du code pnal69. En consquence, elle recommande la suppression des dispositionssusvises du code de la scurit intrieure.

    C. SAGISSANT DU CONTRLE ADMINISTRATIF DES RETOURS SUR LE TERRITOIRENATIONAL

    26.

    Larticle 20 du projet de loi autorise la mise en uvre de mesures de policeadministrative par le ministre de lintrieur lgard de toute personne qui a quitt leterritoire national et dont il existe des raisons srieuses de penser que ce dplacement apour but ()2 de rejoindre un thtre doprations de groupements terroristes ;3 Ou une tentative de se rendre sur un tel thtre,dans des conditions susceptibles de la conduire porter atteinte la scurit publiquelors de son retour sur le territoire franais peut faire lobjet dun contrleadministratif, ds son retour sur le territoire national (article L. 225-1 nouveau ducode de la scurit intrieure).

    27.

    Cette formulation est de nature brouiller la distinction classique entre policeadministrative et police judiciaire, ds lors que les personnes concernes sontinvitablement souponnes au minimum, voire susceptibles dtre mises en examenduchef dentreprise individuelle terroriste (article 421-2-6 du code pnal) ou dassociationde malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (article 421-2-1 du code pnal).Dans ces conditions, les mesures de police administrative de larticle 20 du projet de loisont voues tre mises en uvre des fins rpressives. Pour la CNCDH, elles relventdonc de la police judiciaire. A ce propos, larticle 16 de la DDHC dispose: TouteSocit dans laquelle la garantie des droits n'est pas assure, ni la sparation despouvoirs dtermine, n'a point de Constitution. En application de ces dispositions, ilest interdit de faire basculer dans le champ de la police administrative des mesuresnormalement rpressives et qui, ce titre, devraient tre assorties de toutes les

    garanties entourant la procdure pnale70. Au regard de ce qui prcde, les dispositionsde larticle 20 du projet de loi ne rpondent pas ces exigences. Pour la CNCDH, lespersonnes concernes doivent exclusivement relever des dispositions du code deprocdure pnale et faire lobjet, le cas chant, dun contrle judiciaire , dcid, selonles cas, par un juge dinstruction ou par un JLD (article 138 du code de procdurepnale).

    28.

    A ce dernier propos, il convient de souligner que ces mesures administratives, quivoquent fortement certaines obligations du contrle judiciaire71, ne font lobjet que

    69Article 132-17 du code pnal : Aucune peine ne peut tre applique si la juridiction ne la expressmentprononce.70Sur le dveloppement des mesures prventives liberticides et lapparition dune prvention punitive, voirB. E. Harcourt, Preventing Injustice , Mlanges en lhonneur de Christine Lazerges, Dalloz 2014, pp. 633-648.71Article L. 225-2 nouveau du code de la scurit intrieure : Le ministre de lintrieur peut, aprs en avoirinform le procureur de la Rpublique territorialement comptent, faire obligation la personne ayantaccompli un dplacement mentionn aux 1 et 2 de larticle L. 225-1, dans un dlai maximal dun mois compter de la date certaine de son retour sur le territoire national, de :1 Rsider dans un primtre gographique dtermin permettant lintress de poursuivre une vie

    familiale et professionnelle normale et, le cas chant, lastreindre demeurer son domicile ou, dfaut,dans un autre lieu lintrieur de ce primtre, pendant une plage horaire fixe par le ministre, dans lalimite de huit heures par vingt-quatre heures ;2 Se prsenter priodiquement aux services de police ou aux units de gendarmerie, dans la limite de trois

    prsentations par semaine, en prcisant si cette obligation sapplique les dimanches et jours fris ou

    chms.Les obligations prvues aux 1 et 2 du prsent article sont prononces pour une dure maximale dun mois,non renouvelable .

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    16/21

    16

    dun contrle juridictionnel a posteriori(article L. 225-4 alina 3 nouveau du code de lascurit intrieure72) et voient au surplus leur violation sanctionne pnalement de 3 ansdemprisonnement et 45 000 euros damende (article L. 225-6 nouveau du code de lascurit intrieure).

    D. SAGISSANT DU CADRE LEGAL DE LUSAGE DES ARMES PAR LES FORCES DESECURITE (POLICIERS, GENDARMES, etc.)

    29.

    Larticle 19 du projet de loi prvoit dintgrer dans le code de la scurit intrieure unarticle L. 434-2 ainsi rdig : Constitue un acte ncessaire la sauvegarde despersonnes, au sens de larticle 122-7 du code pnal, lorsquun ou plusieurs meurtres outentatives de meurtre viennent dtre commis et quil existe des raisons relles etobjectives de craindre, au regard des circonstances de la premire agression et desinformations dont dispose lagent au moment o il fait usage de son arme, que plusieursautres de ces actes, participant une action criminelle visant causer une pluralit devictimes, soient nouveau commis par le ou les mmes auteurs dans un tempsrapproch, le fait pour un fonctionnaire de la police nationale ou un militaire de la

    gendarmerie nationale de faire un usage de son arme rendu absolument ncessaire pourfaire obstacle la ritration de ces actes . La CNCDH formulera deux critiques lgard de ces nouvelles dispositions.

    30.

    Premire observation critique : comme la relev le Dfenseur des droits, lon peutraisonnablement se poser la question de lutilit de ces nouvelles dispositions ds lorsque le droit existant permet dj de faire bnficier les intresss, se trouvant dans lescirconstances dcrites par le texte, de lirresponsabilit pnale sur le fondement de lalgitime dfense ou de ltat de ncessit (articles 122-5 et 122-7 du code pnal)73.

    31.

    Seconde observation critique, larticle 2 de la CESDH, qui garantit le droit la vie,impose de mettre en place un cadre lgislatif et administratif adquat fixant des critres

    clairs concernant le recours la force en temps de paix74. A ce propos, le nouvel articleL. 434-2 du code de la scurit intrieure cre une nouvelle hypothse dusage des armespar les forces de scurit, sans quelle soit mise en cohrence avec les rglesprexistantes (articles 122-5 et 122-7 du code pnal, exigeant en outre laproportionnalit entre les moyens employs et la gravit de latteinte ou la menace;article L. 2338-3 du code de la dfense et article 56 du code des douanes). Dans ces

    Article L. 225-3 du code de la scurit intrieure : Le ministre de lintrieur peut, aprs en avoir inform leprocureur de la Rpublique territorialement comptent, faire obligation toute personne mentionne larticle L. 225-1, dans un dlai maximal dun an compter de la date certaine de son retour sur le territoirenational, de :1 Dclarer son domicile et tout changement de domicile ;2 Dclarer ses identifiants de tout moyen de communication lectronique dont elle dispose ou quelle utilise,ainsi que tout changement didentifiant ;3 Signaler ses dplacements lextrieur dun primtre dtermin ne pouvant tre plus restreint que leterritoire dune commune ;4 Ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommment dsignes, dont ilexiste des raisons srieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la scurit et lordre

    publics.Ces obligations sont prononces pour une dure maximale de trois mois, renouvelable une fois par dcisionmotive.72 Article L. 225-4 alina 3 nouveau du code de la scurit intrieure : La personne faisant lobjetdobligations fixes en application des articles L. 225-2 et L. 225-3 peut, dans un dlai de deux mois compterde la notification de la dcision ou de son renouvellement, demander au tribunal administratif lannulation decette dcision. Le tribunal administratif statue dans un dlai de quatre mois compter de sa saisine. Cesrecours sexercent sans prjudice des procdures prvues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice

    administrative .73Dfenseur des droits 12 fvrier 2016,Avis n 16-04, p. 11.74Voir F. Sudre, Droit europen et international des droits de lhomme, 11med., PUF 2012, n 194, p. 311.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    17/21

    17

    conditions, la CNCDH craint, linstar du Conseil dEtat, que la mise en uvre desnouvelles dispositions ne soit sujette des difficults dapprciation et dinterprtation75susceptibles de caractriser une violation de larticle 2 de la CESDH76. La CNCDHrecommande en consquence le retrait du projet de larticle L. 434-2 du code de lascurit intrieure.

    E.

    SAGISSANT DE LUSAGE DES CAMERAS MOBILES PAR LES FORCES DE LORDRE

    32.

    Larticle 32 du projet de loimodifie larticle L. 241-1 du code de la scurit intrieure77,afin de clarifier le cadre lgal de lutilisation des camras mobiles par les forces depolice et de gendarmerie. A ce propos, il doit tre rappel que lors du comitinterministriel lgalit et la citoyennet78, le Premier ministre a confirm lagnralisation du dispositif des camras pitons , sur la base dune exprimentationmene depuis 2013 par les services de police et de gendarmerie (ainsi quau dploiementde ce matriel dans plusieurs zones de scurit prioritaire en 2014) qui se serait rvleconcluante.

    33.

    Le fait de filmer les interventions de maintien de lordre et les contrles didentit via lerecours au dispositif de vido mobile (camras pitons , camras portes, camrasembarques dans des vhicules terrestres ou des aronefs) seraient de nature enapaiser le droulement. La camra est en effet visible par la personne faisant lobjetdune intervention; dans le cas dun contrle didentit, elle est positionne au niveaude lpaule de lagent avec une sangle, une diode rouge sallumant pour signaler quelenregistrement est en cours. De plus, ce dispositif permettrait lobjectivation des faits(image/son), notamment lors dune procdure judiciaire, tout en protgeant les libertsindividuelles et en renforant la transparence de laction policire.

    34.

    Dans son prcdent Rapport annuel sur la lutte contre le racisme, lantismitisme et laxnophobie,la CNCDH avait exprim quelques inquitudes quant la mesure retenue au

    regard du respect des liberts individuelles79. Interrog sur ce point, le ministre de

    75CE 28 janvier 2016,Avis prcit n 391004, 31, p. 16.76Pour une tude rcente sur les drives dans lusage des armes par les forces de lordre, voir ACAT, Lordre etla force. Enqute sur lusage de la force par les reprsentants de la loi en France, 2016.77Article L. 241-1 nouveau du code de la scurit intrieure : Dans lexercice de leurs missions de prventiondes atteintes lordre public et de protection de la scurit des personnes et des biens ainsi que de leursmissions de police judiciaire, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale

    peuvent procder en tous lieux, au moyen de camras individuelles, un enregistrement audiovisuel de leursinterventions.Lenregistrement nest pas permanent. Il est dclench lorsquun incident se produit ou, eu gard auxcirconstances de lintervention ou au comportement des personnes concernes, est susceptible de se produire.Il est galement dclench la demande des personnes concernes par les interventions des agents de la

    police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale.Les enregistrements ont pour finalits la prvention des incidents au cours des interventions des agents de la

    police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale, le constat des infractions, la poursuite de leursauteurs par la collecte de preuves, le respect par les agents et militaires de leurs obligations et la formationde ces agents et militaires.Les camras sont portes de faon apparente par les agents et les militaires. Un signal visuel spcifiqueindique si la camra enregistre. Le dclenchement de lenregistrement fait lobjet dune information des

    personnes filmes, sauf si les circonstances linterdisent. Une information gnrale du public sur lemploi deces camras est organise par le ministre de lintrieur. Les personnels auxquels les camras individuellessont fournies ne peuvent avoir accs directement aux enregistrements auxquels ils procdent.Les enregistrements audiovisuels, hors le cas o ils sont utiliss dans le cadre dune procdure judiciaire,administrative ou disciplinaire, sont effacs au bout de six mois.Les modalits dapplication du prsent article et dutilisation des donnes collectes sont prcises par undcret en Conseil dtat, pris aprs avis de la Commission nationale de linformatique et des liberts.78 Voir les mesures du plan daction galit et citoyennet : la Rpublique en actes prsentes lors du

    comit interministriel du 6 mars 2015.79 CNCDH, La lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie. Rapport 2014, La documentationfranaise 2015, p. 83.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    18/21

    18

    lintrieur a prsent de manire prcise les garanties pouvant tre offertes par cedispositif80. Le Conseil dEtat ayant estim quun usage actif et ininterrompu des camraspourrait tre attentatoire aux liberts publiques, lenregistrement nest dclench quelorsquune intervention est sur le point de mal tourner. La camra conserve ce qui a tfilm 30 secondes avant le dclenchement et 30 secondes aprs larrt delenregistrement, afin que leffet du choix discrtionnaire de lagent quant la plageenregistre soit attnu. En outre, le champ de la camra se situe entre 70 et 110 (etnon 180), le but tant de filmer lintervention et non la voie publique. Par ailleurs, lesdonnes, intgres dans un logiciel informatique, sont cryptes, et leur exploitation estlimite et confidentielle, puisque seuls le suprieur hirarchique de lagent (commissairede police, officier de gendarmerie), ou linstitution judiciaire le cas chant, peuvent yautoriser laccs. Les informations sont conserves seulement six mois. Le ministre delintrieur rapporte que plusieurs enregistrements ont dj t utiliss au cours deprocdures et que lapport de la vido a t jug positif tant par les forces de scuritque par les magistrats.

    35.Les garanties offertes en termes de protection des liberts publiques et des donnes

    personnelles sont apprciables, mais le pouvoir dapprciation laiss lagent de policeou de gendarmerie quant lopportunit du dclenchement de la camra ou encorelorientation de la prise de vue sont problmatiques. Interrog sur ce point, le ministrede lintrieur a rpondu quil sagissait dun faux problme car, en cas de difficults,lagent qui naurait pas activ la camra devrait en rpondre son suprieurhirarchique, le plaant dans une situation inconfortable. Par mesure de totaletransparence, et afin de garantir que ce dispositif protge tant les forces de lordre queles usagers, la CNCDH recommande dlargir linitiative du dclenchement delenregistrement aux personnes faisant lobjet dune intervention. Elle se rjouit doncque cette possibilit soit prvue larticle L. 241-1 du code de la scurit intrieure.

    36.Enfin et surtout, lexprimentation, puis la prennisation et bientt la gnralisation de

    ce dispositif, ont t entrines alors mme quaucune doctrine demploi, la fois surles aspects juridiques et techniques, na encore t arrte. Il est de mme peucomprhensible que seuls les retours dexpriences des agents, savoir donc desfonctionnaires, aient t pris en compte pour acter la gnralisation dun dispositif censbnficier autant aux forces de lordre quaux usagers. La CNCDH appelle le ministre delintrieur formaliser le cadre juridique de ce dispositif afin dencadrer les conditionsdusage des camras et de traitement des vidos. La Commission espre que cette tapeinterviendra avant la gnralisation effective du dispositif.

    III. LES CRITIQUES DE LA CNCDH SUR LES MODIFICATIONS APPORTEES PARLE PROJET DE LOI AU CODE PENAL ET AU CODE DES DOUANES

    37.La CNCDH sinterroge sur lutilit de lintroduction dans le code pnal dun article 421-2-781 rprimant le trafic de biens culturels provenant de thtres doprations degroupements terroristes (article 12 du projet de loi), ds lors que le comportementnouvellement incrimin - puni de 7 ans demprisonnement et/ou de 100 000 euros

    80Voir la contribution du ministre de lintrieur paratre dans le rapport annuel 2016 de la CNCDH sur lalutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie.81Article 421-2-7 nouveau du code pnal : Est puni de sept ans demprisonnement et de 100 000 damendele fait dimporter, dexporter, de faire transiter, de transporter, de dtenir, de vendre, dacqurir oudchanger un bien culturel prsentant un intrt archologique, artistique, historique ou scientifique ensachant que ce bien a t soustrait dun territoire qui constituait, au moment de la soustraction, un thtre

    doprations de groupements terroristes et sans pouvoir justifier la licit de lorigine de ce bien.Les peines sont portes dix ans demprisonnement et 150 000 damende lorsque linfraction prvue au

    prsent article est commise avec la circonstance mentionne au 1 de larticle 322-3.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    19/21

    19

    damendepourrait, pour partie au moins82, entrer dans les prvisions de larticle 421-2-2 du code pnal83, relatif au financement du terrorisme et prvoyant, lui, une peine de10 ans demprisonnement et/ou de 225000 euros damende, si lon admet que la notionde biens quelconques puisse recouvrir celle de biens culturels. De plus, la CNCDHregrette que le trafic de biens culturels soit apprhend par le lgislateur sous le seulprisme rducteur du terrorisme, alors que la question des trafics illicites de biensculturels mriterait une rflexion densemble, ainsi que le recommandent dailleursplusieurs organisations internationales84.

    38.

    Par ailleurs, larticle 4 ter A du projet de loi modifie le rgime juridique de la priode desret en matire de terrorisme en intgrant dans le code pnal un article 421-7 ainsirdig : Les deux premiers alinas de larticle 132-23 relatif la priode de sretsont applicables aux crimes ainsi quaux dlits punis de dix ans demprisonnement prvusau prsent chapitre. Toutefois, lorsque le crime prvu au prsent chapitre est puni de larclusion criminelle perptuit, la cour dassises peut, par dcision spciale, soitporter la priode de sret jusqu trente ans, soit, si elle prononce la rclusioncriminelle perptuit, dcider quaucune des mesures numres larticle 132-23 ne

    pourra tre accorde au condamn. En cas de commutation de la peine, et sauf si ledcret de grce en dispose autrement, la priode de sret est gale la dure de lapeine rsultant de la mesure de grce. A cet gard, la CNCDH se doit de ritrer sesplus vives inquitudes lendroit du systme des priodes de sret, dont la mise enuvre repose sur la prdiction alatoire de comportements futurs85. Une fois de plus,elle rappelle sa plus vive opposition au dveloppement du droit pnal de la dangerosit.

    39.

    Afin de faciliter ltablissementde linfraction de blanchiment, larticle 16 du projet deloi prvoit un renversement partiel de la charge de la preuve en instituant uneprsomption dorigine illicite des fonds. Un nouvel article 415-1 du code des douanes estainsi rdig : Pour lapplication de larticle 415, les fonds sont prsums tre leproduit direct ou indirect dun dlit prvu au prsent code ou dune infraction la

    lgislation sur les substances ou plantes vnneuses classes comme stupfiants lorsqueles conditions matrielles, juridiques ou financires de lopration dexportation,dimportation, de transfert ou de compensation ne paraissent obir dautre motif quede dissimuler que les fonds ont une telle origine . Si ces dispositions ne sont pas denature violer la prsomption dinnocence au regard des exigences dcoulant desarticles 9 de la DDHC86 et 6-2 de la CESDH87, elles en attnuent nanmoinsconsidrablement la porte et ce dans une matire dont la procdure est souventexorbitante de droit commun.

    82Sagissant notamment de la fourniture de biens.83 Article 421-2-2 du code pnal : Constitue galement un acte de terrorisme le fait de financer uneentreprise terroriste en fournissant, en runissant ou en grant des fonds, des valeurs ou des biensquelconques ou en donnant des conseils cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilissou en sachant qu'ils sont destins tre utiliss, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque desactes de terrorisme prvus au prsent chapitre, indpendamment de la survenance ventuelle d'un tel acte.84Cest notamment le cas de lUNESCO (http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/).85CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de lhomme. Tome II: Les alternatives la dtention, Ladocumentation franaise 2007, pp. 108-109.86Cons. const. 10 juin 2009, n 2009-580 DC, cons. 17.87Voir notamment Cour EDH 7 octobre 1988, Salabiaku c. France, req. n 10519/83, 28.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    20/21

    20

    EN CONCLUSION,

    40.

    Les observations de la CNCDH rvlent que le projet de loi a t indniablement prpardans la prcipitation et quun grand nombre des questions quil abordencessiterait unerflexion plus approfondie. Une rforme de grande ampleur devrait se nourrir des apportsde la recherche en sciences sociales. Comme le relve trs justement un rcent rapportde lAlliance ATHENA, Les formes de radicalisation et le dveloppement des violencesne peuvent tre compris et prvenus que dans le cadre plus global de lvolution de lasocit franaise et insparablement dune approche de la question des ingalits et desdiscriminations. Contrairement une ide en cours, analyser et expliquer nest pas excuser et les enseignements des sciences sociales peuvent contribuer lutterefficacement contre toutes les formes de terrorisme. Connatre les causes est lapremire condition de la protection contre la menace. Rciproquement les scienceshumaines et sociales ne peuvent plus refuser dassumer la pertinence sociale et davoirdes effets sur la socit quelles prennent pour objet88.

    SYNTHESE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

    A titre gnral :

    Recommandation n 1: La CNCDH recommande dabord le renforcement du statut delactuel juge des liberts et de la dtention de manire instituer un authentique juge des liberts, savoir : une fonction juridictionnelle spcialise au sens delarticle 28-3 du statut de la magistrature, exerce par un magistrat du premier grade

    nomm par dcret du Prsident de la Rpublique, ayant une comptence de droit communen matire de contrle des investigations et de garantie judiciaire des droits et libertsfondamentaux tous les stades de la procdure.

    Recommandation n 2 : La CNCDH recommande ensuite la refonte globale du statut duparquet, dont il est urgent de garantir lindpendance dans le cadre dune rvisionconstitutionnelle.

    A titre spcifique :

    Recommandation n 3: La CNCDH recommande le retrait de larticle 18 du projet de loi

    relatif la rtention administrative de 4 heures et dfaut, le retrait des dispositionsprvoyant lapplication de la mesure aux mineurs de 18 ans.

    Recommandation n 4: La CNCDH recommande de mettre fin lextension illimite dudomaine des rgimes drogatoires, notamment par le biais de la circonstance aggravantede bande organise.

    Recommandation n 5: La CNCDH recommande que l'article 1er du projet de loiautorisant, en enqute prliminaire ou en cours d'information, des perquisitions de nuitdans les locaux d'habitation en cas de crimes ou dlits terroristes afin de prvenir un

    88ATHENA/Alliance nationale des sciences humaines et sociales, Recherches sur les radicalisations, les formes

    de violence qui en rsultent et la manire dont les socits les prviennent et sen protgent.tat des lieux,propositions, actions. Rapport remis M. Thierry Mandon, Secrtaire dtat charg de lEnseignementSuprieur et de la Recherche, mars 2016, p. 44.

  • 7/26/2019 CNCDH Avis PJL Criminalit Organise

    21/21

    21

    risque srieux d'atteinte la vie ou l'intgrit physique voie sa rdaction amliore, lanotion de risque, mme srieux, tant trop alatoire pour constituer un critre satisfaisantde recours de telles mesures.

    Recommandation n 6: La CNCDH recommande damliorer larticle 2 du projet de loirelatif au dispositif de proximit destin au recueil des donnes de connexion, le textedevant imprativement prvoir :

    - la dure et les modalits de conservation des donnes ;-

    les modalits dexploitation des donnes recueillies;-

    les modalits de tri entre les donnes pertinentes et les donnes non pertinentes ;- lobligation de destruction des donnes concernant des personnes trangres la

    procdure, une telle obligation ntant prvue que dans le cadre de la procduredurgence;

    - les modalits de cette destruction ;- des dispositions spcifiques en ce qui concerne les personnes ayant un statut ou

    exerant une profession imposant une protection particulire, comme notammentles magistrats, les avocats, les parlementaires, les mdecins ou encore les

    journalistes.

    Recommandation n 7: La CNCDH recommande dexclure ladministration pnitentiairede la communaut du renseignement (article 4 ter du projet de loi), sans pour autantremettre en cause la possibilit de recueillir du renseignement par les moyens lgaux djexistants. En consquence, elle prconise le retrait de larticle 4 ter du projet de loi.

    Recommandation n 8: La CNCDH recommande la suppression de larticle 7 du projet deloi relatif linterdiction dacquisition et de dtention darmes des catgories B, C et Dqui introduit une peine automatique dans le code de la scurit intrieure et comporte,pour cette raison, un risque dinconstitutionnalit. A dfaut, elle recommande deconsacrer le pouvoir d'apprciation du juge en remplaant les termes sont interdites

    dacquisition et de dtention par les termes peuvent tre interdites dacquisition etde dtention.

    Recommandation n 9: La CNCDH recommande le retrait de larticle 20 relatif aucontrle administratif des retours sur le territoire national qui, en brouillant la distinctionentre police administrative et police judiciaire, comporte un risque non ngligeable deviolation de larticle 16 de la DDHC.

    Recommanda