doc ouest #4 les actes - fiction, animation et documentaire

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Les rencontres documentaires doc’ouest réunissent auteurs et réalisateurs, producteurs et techniciens, diffuseurs et décideurs politiques de l’audiovisuel et du cinéma. Durant trois jours, doc’ouest interroge le lien entre création et marché, permet de partager et confronter les savoir faire, de créer de nouveaux réseaux, pour consolider la place du documentaire sur tous les écrans.

Que tous les intervenants soient ici remerciés pour la qualité des débats...

films en bretagne organise les rencontres documentaires doc’ouest avec le soutien du Centre National de la Cinématographie, de la Procirep, de la Scam, du ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Bretagne, du Conseil régional de Bretagne, du Conseil général des Côtes d’Armor, de la ville de Pléneuf-Val-André.

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quel avenir pourla coproductioninterrégionale ?page 6

le court métragedocumentairepage 16

trois politiquesdocumentaires en régionpage 24

la voix-offpage 38

la diffusion en vidéo dudocumentaire en sallepage 48

transcription & synthèseXAVIER LE JEUNE© films en bretagne

30sept02oct2004

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QUEL AVENIR POURLA COPRODUCTION INTERRÉGIONALE ?le 30 septembre 2004

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INVITÉSMICHEL CHICHE, directeur des programmes France 3 Normandie (Normandie)LOUIS-MARIE DAVY, directeur adjoint en charge des programmes régionaux de France 3 (Ile-de-France)XAVIER LE FUR, responsable des études régionales à France 3 (Ile-de-France)JEAN-MICHEL LE GUENNEC, directeur des programmes de France 3 Ouest (Bretagne)JEAN-LUC NELLE, directeur général de TV Rennes et président de TSLP (Bretagne)

ANIMATIONJEAN-FRANÇOIS LE CORRE, producteur, Les Productions Vivement Lundi ! (Bretagne)

Table ronde soutenue par la PROCIREP

JEAN-FRANÇOIS LE CORREPour la première fois au Sunny Side, France 3 projetait une bande-annonce de nouveautés

documentaires produites en région. Lors de cette conférence de presse, le programme « Horizon 2008 » fut également présenté. Le lendemain, Patricia Boutinard-Rouelle, directrice du documentaire, et Alexandre Cazères, conseiller aux programmes, organisait une réunion informelle des producteurs en région pour évoquer les projets de la case documentaire de la chaîne et les collaborations directes que celle-ci pourrait établir avec ces derniers.

Nous vous proposons d’aborder la problématique de la coproduction interrégionale après un bref panorama de la place du documentaire à France 3 et une nouvelle présentation du programme Horizon 2008

Louis-Marie Davy, que représente le programme Horizon 2008 ?

LOUIS-MARIE DAVY, directeur adjoint en charge des programmes régionaux de France 3Lorsque le CNC a fait paraître ses statistiques de l’année 2003, nous avons observé un effet d’équilibre

que l’on ne pensait voir arriver aussi vite : en matière de documentaire, l’ensemble des antennes régionales de France 3 contribuent (cash et industrie) pour une somme équivalente à l’activité de la chaîne nationale. En 2003, environ 13 millions d’euros sont allés à la production régionale. Il y a seulement dix ans, l’antenne nationale pouvait encore s’étonner de l’existence d’une production régionale de documentaire. Ceci explique la présence régionale de France 3 au Sunny Side.

C’est un moment important pour la chaîne, lors la direction générale lance le programme Horizon 2008. Son objectif est annoncé : il s’agit de doubler l’offre régionale de programmes de France 3. Nous parlons-là d’information, de magazine, de documentaire et de produits nouveaux, même s’il est toujours problématique d’envisager du divertissement ou de la fiction produits en région.

Au quotidien, davantage d’information accolée aux repères — bien identifiés par les téléspectateurs — du 12/14 et du 19/20.

Concernant l’offre hebdomadaire, principalement structurée autour du week-end, elle se développera principalement par des nouveaux créneaux de télévision régionale le vendredi après-midi — nouvel espace depuis cette saison — ou le samedi après-midi et le dimanche.

Concernant l’offre mensuelle, déjà présente avec l’émission d’information « les dossiers de France 3 », elle s’augmente dès cette rentrée d’une seconde partie de soirée. Une petite moitié des antennes régionales a choisi d’y privilégier le documentaire.

La nouveauté encore — pour une chaîne qui consacre 75 % de son budget à la masse salariale selon un schéma classique de télévision de première génération qui fabrique ce qu’elle diffuse — l’augmentation de l’offre prévue par le programme Horizon 2008 passera aussi par de l’échange, de l’achat, de la coproduction, plutôt que par de la fabrication interne.

Ce qui s’est passé depuis dix ans n’était pas évident. L’activité de coproduction nous donne de l’espoir. De nouvelles pratiques de production sont admises après avoir été négociées en interne. La voie est ouverte pour ce type de développement.

XAVIER LE FUR, responsable des études régionales à France 3Le doublement des programmes régionaux n’entraînera pas un doublement de l’information, du

magazine, et du documentaire.Rappelons l’importance du documentaire sur France 3 avec quatre cases hebdomadaires dans le

programme national : en seconde partie de soirée le mardi et le samedi, le matin et la fin d’après-midi le dimanche. Cette dernière case est celle réunissant le plus de téléspectateurs.

L’offre de documentaires régionaux s’intègre dans cette politique. Chaque antenne régionale possède une grande liberté de programmation et de production documentaire, d’où la grande diversité entre les

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régions… Jusqu’à cette rentrée où la quasi-totalité des antennes régionales affichent du documentaire en milieu le samedi à 16h00. Ceci peut apporter à une lisibilité de la chaîne en cas de communication.

Les chiffres que je vais énoncer s’entendent en volume de diffusion et non pas de production : le documentaire prend donc de plus en plus de place sur les antennes régionales. Sur une saison 2003, elles ont diffusé environ 500 heures de documentaire. L’antenne France 3 Ouest est la première en termes de diffusion avec près de 62 heures, correspondant à 88 diffusions dont la moitié de 52’ et plus. On constate une tendance à la programmation de format long aux dépens des 26 minutes.

La présence forte de France en région permet des audiences moyennes révélatrices le week-end sur la case documentaire, de 20 à 30 % de parts d’audience très régulièrement. En Alsace ou en Champagne-Ardennes par exemple, le documentaire et l’ensemble de la programmation du samedi s’imposent très fortement depuis quelques années bien que la concurrence y soit particulièrement rude. En Champagne-Ardennes également, même avec une production documentaire moins élevée. Concernant les « autres télévisions », leur poids sur la tranche du 16h00 le samedi après-midi est passé en trois ans de 11 à 17 % de part d’audience pour les chaînes du câble et du satellite. Dans ce contexte de progression de l’offre de complément, France 3 est la seule chaîne à voir son audience constante. Les chaînes nationales TF1, France 2 ou M6 ont vu leur audience baisser. À noter également que sur cette case France 5 propose également du documentaire.

L’audience moyenne cumulée sur l’ensemble du territoire pour le documentaire le samedi après-midi représente un peu plus d’un million de téléspectateurs. Ceci nous rapproche de la moyenne nationale d’audience d’un documentaire sur la chaîne nationale (hors case du dimanche après-midi, d’une audience supérieure). France 3 Ouest affiche notamment sur une saison une moyenne annuelle de 110 000 téléspectateurs pour le documentaire du samedi après-midi.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREIl serait utile de revenir sur les 45 heures de coproduction documentaire souvent annoncées par France

3 Ouest dans leur bilan annuel.Dans un contexte où tout augmente, en particulier le prix d’une œuvre,… Dans un contexte où le

documentaire reste le principal genre qui fait vivre les producteurs, réalisateurs et une partie des techniciens en région,… Dans un contexte où l’on nous annonce un doublement de l’offre de programmes,… Lorsque l’audience prouve que le documentaire est regardé sur les antennes,… le volume de coproduction documentaire n’évolue pas !

Est-ce un pallier, comment est-il amené à évoluer dans le cadre d’Horizon 2008 ?

JEAN-MICHEL LE GUENNEC, directeur des programmes de France 3 OuestPrécisons tout d’abord que ces 45 heures ne concernent que France 3 Ouest. Toutes les antennes

de France 3 n’en produisent pas autant. Ce volume de coproduction et cette dynamique a été tiré par la politique de programmation de mon prédécesseur Louis-Marie DAVY. Nos capacités à produire sont aujourd’hui en limite. Nous accompagnons les coproductions par de l’industrie, et nos moyens de post-production sont quasiment « au taquet ». Nos limites d’exposition sont également atteintes : en créant de nouvelles cases, il nous faut pouvoir proposer des programmes autres que le documentaire.

Les croissances ne sont jamais linéaires, peut-être un jour pourrons-nous passer au delà. Concernant notre antenne Ouest, à court terme et dans le cadre d’Horizon 2008, nous n’envisageons pas d’augmenter beaucoup ce volume de coproduction.

LOUIS-MARIE DAVYN’ayons pas peur de dire que France 3 Ouest a atteint un palier, et que ce volume est loin d’être

négligeable. Il faut maintenant y retravailler, le renouveler, pour faire évoluer le quantitatif et le qualitatif. Des espaces différenciés de programmation régionale nous manquaient. Les cases d’après-midi sont très voisines en terme de fréquentation. L’ouverture d’une seconde case de soirée devrait permettre de diversifier les créneaux, mais pas seulement sur le documentaire unitaire.

MICHEL CHICHE, directeur des programmes France 3 NormandieJe dois préciser le problème de l’écart de pratique entre les différentes régions de France 3. En

Normandie, nous sommes partis de un à deux documentaires par an. Nous allons afficher 15 coproductions en 2004 et plus de 20 l’année prochaine. Il y a des niches, des parts de marché, à conquérir dans d’autres régions. Certes, les volumes coproduits sont contraints à une « limitation de vitesse » inhérente à nos budgets. Je rappellerai ici que certaines régions — ce n’est pas le cas de la Normandie — possèdent une URP et ceci représente un accompagnement important dans la conduite d’une politique documentaire.

Donc va-t-on trouver d’autres alliances entre producteurs et diffuseurs-coproducteurs ? Peut-on envisager une capacité à produire davantage, ensemble, plus intelligemment à la fois dans l’éditorial et dans la façon de produire ? Certaines régions —j’en fait partie — ont encore de l’espace à conquérir.

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Il y a un « gap » et d’ici à l’horizon 2008, même si l’on ne va pas doubler le budget des régions ni des coproductions, il va falloir être un peu plus malin pour dépasser les problèmes structurels.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREComment se positionnent aujourd’hui les télévisions locales sur la coproduction interrégionale ?

JEAN-LUC NELLE, directeur général de TV Rennes et président de TSLPNous venons de très loin. La France a peu ou prou cinq ans de retard pour son paysage télévisuel

local, par rapport à d’autres pays. Ce paysage et ses pratiques sont très hétérogènes : des chaînes locales importantes côtoient des microstructures, et des postulats ancrés tels que « les chaînes locales n’ont vocation qu’à produire de l’information locale ». Il y a là encore un « gap » à franchir.

Il nous fallait donc mettre en place deux notions essentielles parmi les 50 chaînes locales de TLSP: apprendre à coproduire en « rationalisant » les pratiques avec un apport en cash, et mutualiser nos pratiques pour avoir des politiques cohérentes communes et devenir de vrais interlocuteurs vis à vis des producteurs.

Les cinq à dix chaînes locales très concernées par la production documentaire coproduisent ou achètent les droits pour une quarantaine de documentaires par an. Les achats sont faibles mais existent néanmoins à hauteur moyenne de 15 euros la minute. Nous essayons également de mettre en place une véritable unité de programmes pour l’ensemble du réseau TLSP (Lynda Ortolan de Voi Senar, Dominique Hannedouche de TV Rennes) avec un système d’expertise et de mutualisation d’achats de droits — auquel cotiseront les chaînes intéressées — pour faire avancer la coproduction documentaire.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREAvant de passer au cœur du sujet de la coproduction, une question revient souvent : comment

bénéficier d’une meilleure communication sur les espaces régionaux ? Comment mettre en valeur ces programmes alors que la presse quotidienne régionale n’en relaie pas le détail ?

LOUIS-MARIE DAVYActuellement la case La vie d’ici est très hétérogène, de la case de soirée aux cases du week-end.

Cela se termine donc par « la vie d’ici, magazine régional ». Spécifiquement pour le documentaire, nous tâchons d’installer les documentaires sur les antennes à la même heure. La communication de rentrée est cannibalisée par les nouvelles grilles, l’offre régionale est difficile à vendre.

Nous allons aussi mobiliser d’autres moyens : La case de l’oncle Doc fera la part belle aux documentaires régionaux et les projets profiteront d’une logique d’anticipation dès la mise en production en mêlant négociation régionale et nationale.

Il nous faut aussi pourvoir faire émerger des collections documentaires sur le national, sans case fixe. En faisant attention à l’effet démultiplicateur de l’interrégionalité qui peut aussi aboutir à 12 documentaires sur la Libération, par exemple. Il nous faut plutôt essayer des logiques de séries, de collections,un peu moins géographiques

DANS LA SALLE

Les quotidiens éditent chaque semaine des suppléments télévision, n’est-il pas possible que France 3 puissent communiquer sur ces programmes régionaux à l’intérieur de ces déclinaisons ?

JEAN-MICHEL LE GUENNECNous parlerons là d’achat d’espace… aux tarifs inabordables !

JEAN-LUC NELLESi la presse quotidienne me propose un partenariat publicitaire, je signe des deux mains immédiatement !

Mais c’est souvent unilatéral… Et je préfère de loin acheter un documentaire plutôt que de l’espace publicitaire !

LOUIS-MARIE DAVYJe suis peut-être cynique, mais je ne compte plus du tout sur le soutien de la presse quotidienne

régionale pour faire connaître le travail de la télévision locale de service public. Ils nous ressentent davantage comme des concurrents sur l’information que des partenaires ou des compléments. Notamment avec le documentaire ou le magazine, qui font le point sur des dossiers… Ces groupes sont presque tous investis dans des projets de télévision locale. Gardons cette réflexion : nous devons mieux communiquer avec notre outil, dans nos antennes régionales. D’autant plus que je n’ai jamais dressé de corrélation évidente entre un article et l’audience d’un documentaire…

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JEAN-FRANÇOIS LE CORREMais cette communication n’est-elle pas essentielle auprès de nos élus en région, pour une lisibilité de

l’action publique ?

JEAN-LUC NELLEJe souscris aux propos de Louis-Marie Davy, les télévisions locales sont en concurrence frontale avec

la PQR. Concernant la communication auprès des élus, nous avons préféré mener une opération, certes plus lourde mais directe, auprès des élus de France en organisant en octobre un colloque à l’Assemblée Nationale sur la télévision de service public. Il faut comparer ce type d’action avec la difficulté à obtenir d’hypothétiques articles…

XAVIER LE FURL’autopromotion sur une chaîne aura également plus d’impact en nombre de téléspectateurs qu’une

annonce dans un journal.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREPour aborder la question de la coproduction interrégionale, comment allons-nous pouvoir travailler avec

un projet porté par un ou plusieurs producteurs et plusieurs antennes régionales ? Des moyens financiers et techniques plus importants seront-ils disponibles ? Quelle méthode de travail permettra cette nouvelle forme de coproduction ? Quelle cession de droits pour une diffusion interrégionale ?

MICHEL CHICHENous coproduisons par exemple une série 4 x 26 minutes, La Seine partagée. Il y a donc eu quatre

responsables d’antenne, quatre négociations. Si un épisode pose problème à l’un d’entre eux, le projet se bloque.

Il faut donc regarder le problème différemment et avons formuler une nouvelle donne pour d’autres projets dont Les Liberty Ships et Le Havre, port breton : un seul responsable d’antenne, garant auprès de ses collègues, suit le projet. Un atelier de production va initier la répartition de l’apport en cash et en industrie. La société de production n’a qu’un seul référent en un seul lieu, la personne chargée de production à France 3.

Il ne s’agit pas d’aller, comme les contrats que les sociétés signent actuellement le permettent, d’aller choisir dans les projets engagés par telle ou telle antenne. Le plus intéressant en tant que responsable d’antenne, c’est d’être concerné et de participer à l’éditorial du film ou de la série interrégionale, ce qui suppose tout de même l’existence préalable d’un point commun.

On peut alors parler de deux objectifs : une production plus rapide, plus dynamique, et un investissement dans des projets intelligents.

Mais c’est au producteur d’aller vendre le fonds du sujet aux différentes antennes. Une simple lecture du projet permet de signaler sa capacité à l’interrégionalité. Son contenu est la légitimité d’une coproduction interrégionale. Il ne s’agit pas seulement d’aller chercher des partenaires financiers.

LOUIS-MARIE DAVYSous couvert de trouver une simplification des méthodes de travail, l’interrégional peut être un élément

facilitateur pour la production ; il y a également tous les éléments pour créer un triangle de diffuseurs régionaux et nationaux, Case de l’Oncle Doc et France 5 !

JEAN-FRANÇOIS LE CORREQuel est l’intérêt financier pour les producteurs ? Quel est le bonus à travailler avec deux ou trois

antennes avec des pratiques (numéraire, industrie) et des réalités régionales différentes ?

JEAN-MICHEL LE GUENNECJe rappelle le principe qui est de regarder ce dont « l’œuvre » a besoin. La logique pourrait être que la

multiplication des coproducteurs amène une multiplication de moyens. Nous aurions pu dresser un barème des apports, mais il aurait ressemblé à un guichet automatique.

En fonction de la nature de l’œuvre ou du programme, de son coût de réalisation, on abondera en fonction de l’analyse qu’on fera avec le producteur du besoin de financement. Il n’y a pas de décision d’automaticité d’abondement, par contre il y a une volonté collective de majorer l’ensemble des moyens au cas par cas.

MICHEL CHICHEPour un documentaire 52’ où l’apport est à 8 000 euros de cash, cette somme sera partagée entre

plusieurs coproducteurs. Ils auront moins de mal à rajouter un supplément s’il est besoin.

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GILLES PADOVANI, producteur (Bretagne)Sur la base d’un apport en numéraire de 8 000 euros conservé pour un 52 minutes interrégional, on

atteignait auparavant un coefficient pondérateur du Cosip de 0,85 qui permettait d’obtenir une subvention générée d’environ 30 000 euros. Le nouveau compte de soutien stipule l’apport en cash du diffuseur d’un minimum de 20 000 euros pour un 52 minutes (25 000 euros de l’heure) afin d’accéder au coefficient 0,85. Et l’industrie n’est plus valorisée…

Peut-on espérer qu’avec un projet interrégional obtenant 8 000 euros des antennes régionales, un apport France 3 national de complément tel La Case de l’Oncle Doc pour 8 000 euros, on puisse atteindre les 20 000 euros de l’heure par un supplément ?

Si les œuvres ont des devis divers, les sociétés de production sont toutes « au taquet » avec 8 000 euros de cash…

JEAN-MICHEL LE GUENNECJe vais être cynique : si on veut pouvoir mieux financer, il faut en faire moins. L’offre est pléthorique ! Près

de 250 projets reçus en quatre mois ! Si vous voulez que nous puissions apporter ces montants de cash, nous devrons en faire beaucoup, beaucoup moins.

L’objectif c’est bien sûr de pouvoir mettre plus grâce à l’interrégionalité, mais l’interrégionalité n’est pas l’objectif principal.

PAUL CHIESA, producteur (Midi-Pyrénées)Je ne m’explique pas la contradiction de vos propos — produire moins de documentaire pour mieux

produire — avec l’objectif de doublement des programmes d’Horizon 2008…

JEAN-MICHEL LE GUENNECIl n’y a pas que du documentaire à la télévision.

PAUL CHIESANous le savons. Nous savons aussi que le prix mis dans une émission de Fogiel — l’équivalent de 30 à

40 documentaires de 52 minutes — relève d’un choix politique d’une chaîne !Il existe actuellement trois sources de financement du documentaire : le CNC, les collectivités locales

et les diffuseurs. La baisse tendancielle de l’apport du diffuseur à la minute est régulière depuis quelques années.

JEAN-MICHEL LE GUENNECNotre objectif est de pouvoir mettre davantage sur la coproduction. Mais attention ! Travailler à

l’interrégional ne sera pas synonyme de « guichet automatique ». Nous regarderons au cas par cas. Si maintenant vous me dîtes qu’il vous faut 20 000 euros des chaînes pour obtenir un coefficient de 0,85 au CNC, je vous répond qu’il y aura rarement des cas à ce montant. Surtout pas seuls…

De plus, nous n’avons jamais joué le jeu de l’exclusivité. Nous sommes souvent l’élément déclenchant, et lorsqu’un producteur m’annonce la présence d’un deuxième diffuseur sur un projet, je n’ai jamais refusé si la ligne éditoriale ou sa « philosophie » n’en sont pas altérées.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREAprès une croissance du nombre de producteurs et du genre documentaire en région, la crise va

également accroître le nombre de projets parisiens attirés par l’évolution des fonds régionaux, et donc la pression sur les responsables d’antennes régionales.

MICHEL CHICHENous connaissons cette pression, nous la subissons déjà. Heureusement, France 3 et Louis-Marie Davy

on inscrit un chemin presque obligatoire et un horizon. Ce travail documentaire est bien rentré dans les mœurs. J’entends bien les difficultés de l’œuvre et de la production. Nous sommes au b-a-ba d’un travail maîtrisé.

Nous assurons, pour nos téléspectateurs, des cases de qualité et de nouveautés. Aussi vous correspondez, par rapport à la production interne, à des bulles d’oxygène dans la programmation.

LAURENT DENÉ, producteur (Alsace)J’ai presque envie de me mettre du côté des diffuseurs et de dire : « Heureux bretons, heureux

Normands, vous avez le droit à 8 000 euros pour un 52 minutes ! ». Nous travaillons régulièrement avec France 3 Lorraine, Bourgogne, et plus régulièrement encore avec France 3 Alsace où jusqu’à récemment il n’y avait pas de cash… Depuis le mois de janvier 2004, la chaîne apporte 5 200 euros.

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Ainsi, le dernier film que nous ayons coproduit avec les antennes Alsace et Bourgogne a obtenu 5 200 euros partagés entre les antennes sans industrie ni numéraire supplémentaire…

Pourrait-il y avoir une harmonisation des pratiques des antennes régionales ? Sachant la réponse du responsable de l’antenne d’Alsace, Jean-Marie Boehm, identique à celle de Jean-Michel Le Guennec : « si je finance mieux, j’en coproduis moins ! »

LOUIS-MARIE DAVYJe connais l’exemple alsacien et lorrain, mais je ne cesse pas de m’étonner que les producteurs aient

accepté si longtemps ces conditions. Et je me dis : où est le jeu ? D’où venait l’argent ?

LAURENT DENÉCela relève presque du cynisme, mais lors d’une coproduction avec France 3 Alsace puis France 3

Bourgogne par la suite, l’antenne nous a spécifié qu’elle ne rajouterait rien de plus mais que nous pourrions solliciter le soutien de la Région Franche-Comté…

LOUIS-MARIE DAVYDans le tour de table des antennes régionales, nous travaillons à l’harmonisation des pratiques. Il n’y a

pas beaucoup d’exceptions, sauf celle-ci qui nous est régulièrement retournée dans les gencives…Et cette situation de coproduction dure depuis le début des années 90. Et vous continuez à faire des

films avec un diffuseur qui n’apporte pas de numéraire ?… On dit souvent avec humour que dans les marchés de dupes, il faut être deux…

JOSIANE SCHAUNER, productrice (Alsace)Cela ne nous empêche pas de produire des films sélectionnés ou primés en festival, coproduits par La

Case de l’Oncle Doc avec apport de 8 000 euros. Je pense qu’on doit être des magiciens, mais il est temps que cela change. On y arrive par obligation, car le CNC l’a demandé.

JEAN-LUC NELLEIl arrive aussi qu’une chaîne locale soit un bon atout pour entamer un processus de production : La

révolution des œillets (RTBF, Cityzen) par exemple.Si nous ne sommes pas présents à ce niveau de cash, nous essayons de rationaliser les apports en

industries et la mutualisation. N’oublions pas cet effet de « marchepied ».

DIDIER GERBAUD, producteur (Bretagne)Avec le partage de l’apport en industrie entre les stations régionales coproductrices, on comprend bien

la diminution de coût réalisée par les stations régionales. Mais cela ne produit aucun bénéfice pour les producteurs ?

JEAN-MICHEL LE GUENNECIl existe 6 Unités Régionales de Production pour 13 antennes régionales. D’une part, la coproduction

interrégionale nous permet de diversifier et d’augmenter le nombre de clients pour nos URP.D’autre part, « l’argent mis en moins » sera réinjectés dans d’autres programmes également

coproduits.

LOUIS-MARIE DAVYVous avez bien raison d’être chatouilleux sur la question du formatage éditorial de vos films, mais là vous

nous proposez un formatage économique qui pour nous pose problème : comme si un film valait un film, etc.

Je le répète, toutes les antennes ne sont pas équipées de la même manière. Toutes les antennes ne peuvent pas valoriser un argument industriel.

Qu’est-ce que l’interrégionalité ? Il n’y a pas eu véritablement jusqu’à aujourd’hui une réflexion sur l’interrégionalisation des politiques documentaires. Nous commençons en mutualisant nos bases de données via le logiciel Argos. J’entendais cette discussion soulevée par Gilles Padovani sur le montant des 20 000 euros. Où finit l’interrégional et où commence le national ? Soyons pragmatiques et entendons-nous sur ce point. Nous pourrions fournir l’effort financier supplémentaire contre l’interrégional ad libitum.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREÀ une certaine époque, il aurait existé un bonus financier débloqué par l’engagement de trois antennes

régionales ?

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LOUIS-MARIE DAVYJ’apprends à m’en servir, mais en effet il existe un fonds d’intervention hérité de l’ancienne « direction de

la coordination », doté de 3 millions d’euros, et destiné initialement à permettre aux antennes de diversifier et renouvelé leur programmation. Sans doute qu’à un moment il restait une somme non affectée qui est venue renforcer des coproductions interrégionales. Il y a eu quelques expériences, mais son affectation à du documentaire était exceptionnelle.

Le nouveau directeur financier de France 3 va analyser ce fonds d’intervention, avec une connaissance très fine de la réalité des régions. Nous allons expérimenter à nouveau.

JEAN-FRANÇOIS LE CORRENous assistons à une augmentation mécanique du coût des œuvres due en particulier à la hausse des

charges sociales, et une baisse moyenne des apports par projet des fonds régionaux qui ont compensé l’absence des moyens des diffuseurs. La Procirep a des problèmes de ressources. La réforme du CNC va s’appliquer.

Ainsi, sur un 52 minutes, on perd aux environs de 7 500 euros sur le financement d’une œuvre. Ce qui correspond à la marge du producteur et aux frais fixes. Parallèlement, les demandes des intermittents sont légitimes.

Les attentes en région sur la coproduction concernent donc plutôt les augmentations que les redistributions.

JEAN-MICHEL LE GUENNECPeut-être atteignons-nous à la fin d’un modèle ?

JEAN-FRANÇOIS LE CORREJ’ai le sentiment que nous avons peur de voir que l’on est dans une période malthusienne où l’on veut

faire disparaître un certain nombre de producteurs, d’auteurs et réalisateurs, et écrémer le système. On assiste à la concentration de la production sur un minimum d’entreprises.

JEAN-MICHEL LE GUENNECLes représentants du CNC dans la salle me contrediront s’il le faut, mais la réforme du compte de soutien

est nécessitée par le nombre de projets à financer.Ce n’était pas tout à fait du cynisme que de dire précédemment qu’il fallait faire moins pour faire mieux.

Les 45 heures de coproduction ne peuvent pas toutes être complément réexposées sur la durée de leur droit pour notre antenne. Peut-être devons-nous être drastiques et nous organiser entre antennes pour rationaliser la coproduction en soutenant mieux et moins…

FRANCK DELAUNAY, producteur (Bretagne)Si nous parlons d’interrégionalité depuis deux heures maintenant, j’aimerais que l’on m’explique ce

qu’elle représente. Je sais ce qu’est la région, l’universel…

JEAN-MICHEL LE GUENNECC’est un « machin » à géométrie variable. Le Havre port breton, Les Liberty ships, L’aquaculture, sont

des coproductions à géométrie variable dictées par l’intérêt éditorial du projet.

FRANCK DELAUNAYEn quoi l’aquaculture n’est pas un film « national » ?

MICHEL CHICHECa le sera si vous vous adressez à des représentants de la chaîne au niveau national, mais si vous vous

adressez à nous il sera qualifié d’interrégional. Nous serons des coproducteurs, en juxtaposant nos vitrines régionales.

JEAN-MICHEL LE GUENNECJules Verne pourrait faire l’objet d’un documentaire national, mais si l’on connaît ses lieux de séjour, il

peut faire l’objet d’une coproduction interrégionale.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREN’essayons pas d’inventer une ligne éditoriale alors que nous sommes ici pour parler d’économie de la

production.

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ARIEL NATHAN, réalisateur (Bretagne)Je m’interroge quand même sur la définition de l’éditorial : comment écrire pour l’interrégional ? Avec

quelle ambition ? Et quels moyens ? Les Liberty ships doit intéresser un téléspectateur de Marseille, Jules Verne intéresse le monde entier ! On cherche l’universel… Les plus beaux sujets que j’ai pu voir à l’interrégional étaient des sujets suscités par le national : Voyages en France de Jean-Claude Bringuier, les plus anciens s’en souviennent.

MICHEL CHICHELe but n’est pas de faire de l’interrégional à tout prix. Des sujets s’y prêtent plus que d’autres…

ARIEL NATHANJ’estime qu’une chaîne de service public devrait aussi susciter des projets pour l’interrégional, unitaires,

séries ou feuilletons.

JEAN-MICHEL LE GUENNECJe rajouterai que l’interrégionalité permet au producteur de solliciter plusieurs fonds régionaux.

JEAN-FRANÇOIS LE CORRECette démarche va rencontrer de plus en plus la question de la collectivité locale sur le montant des

dépenses locales. Va-t-il alors falloir monter des équipes interrégionales ? Cette complication ira dans le sens inverse de l’effet voulu.

LOUIS-MARIE DAVYNous rêvons tous d’un espace de liberté : d’écriture, de production, de programmation. Nous sommes

tous dans un désir d’autonomie de choix. Mais notre intérêt commun est d’attirer des téléspectateurs.Il nous manque le lieu d’échanges entre nous pour développer des thématiques ensemble.

DOMINIQUE MARTIN-FERRARRI, Productrice (Paris)L’outil technique, par la démocratisation numérique, est en train de changer. L’industrie que vous

apportez est de moins en moins intéressante pour le producteur ?

JEAN-MICHEL LE GUENNECNous ne proposons pas que du matériel, mais également du savoir faire ! Et une prise en charge de

salaires de techniciens.

DANIEL LACLAVIÈRE, producteur (Bretagne)Je souhaiterais évoquer le problème des fenêtres de diffusion. Une récente coproduction avec France

3 Ouest et d’autres régions m’a été refusée par Planète. Cette chaîne a argué qu’après une diffusion dans l’Ouest et via France 3 Sat, elle ne pouvait plus bénéficier d’exclusivité.

Aujourd’hui, une chaîne locale parisienne souhaite rediscuter notre contrat pour sa présence sur le satellite !

JEAN-LUC NELLEAu delà de la stupidité de tels projets visant à contenter quelques bailleurs de fonds, les télévisions

locales essayent d’avancer sans redevance ni fonds de soutien, ni publicité — ce miroir aux alouettes que des grands groupes utilisent pour persuader le CSA de leur confier des fréquences pour de grands bassins de population.

Dans le cadre de « Réactions en chaîne », notre unité de mutualisation des projets coproduits, nous pouvons lancer des thématiques pour aboutir à une certaine cohérence.

UN PRODUCTEUR (P.A.C.A.)Quel est la plus-value apportée par La Case de l’Oncle Doc, qui va augmenter le nombre de films

diffusés, dans le cas d’un documentaire déjà produit ?

JEAN-MICHEL LE GUENNECOui, 8 600 euros supplémentaire sont apportés en cash.Maintenant que nous rentrons dans une logiquement de doublement des programmes, nous essayons

de travailler au stade du développement et proposer des projets pour cette case.

JEAN-FRANÇOIS LE CORREBeaucoup d’entre nous ont en catalogue des documentaires qui arrivent en fin de droit. Certains ont une

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vraie valeur de diffusion. Pouvons-nous vous représenter ces films à l’achat ? Quelle type de négociation est envisageable ?

JEAN-MICHEL LE GUENNECJe le disais précédemment, nous sommes toujours dans le flux tendu du stock. Donc nous ne ressentons

pas nécessairement le besoin de racheter en plus pour notre grille, sauf besoin éditorial.

JEAN-FRANÇOIS LE CORRENous avons identifié le besoin d’un endroit et d’un moment pour rencontrer les responsables des

antennes et se présenter des projets. Louis-Marie DAVY, vous aviez peut-être l’intention de réunir les responsables d’antennes de France 3 à Pléneuf l’année prochaine ?

LOUIS-MARIE DAVYSans cannibaliser la manifestation, nous pourrions en effet nous réunir à Pléneuf-Val-André avec une

problématique spécifique…En guise de conclusion, lorsque j’ai rejoint l’équipe de France 3 nationale, je me suis dit que le

doublement des programmes ne devrait pas être trop compliqué. Notamment pour certaines régions comme la Bretagne, qui est plutôt bien dotée. Il s’agit ici de 15 heures de télévision régionale par semaine… L’objectif régional serait donc de 30 heures… ce qui reste encore modeste.

Alors la « bagarre » à mener est celle pour l’espace, pour disposer régionalement d’espaces différenciés pour une exposition régionale, pour mieux rediffuser les produits, pour chercher d’autres formes, pour bâtir des logiques de collection.

Chacun est citoyen et apprécie comme il le veut la conduite de la politique de l’audiovisuel public.Je ne cacherai pas une certaine inquiétude, au moment où émergent toutes ces télévisions conduites

par des groupes de presse ou des grands groupes privés : il n’y a pas que des bonnes fées autour de la télévision régionale de service public.

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LE COURT MÉTRAGE DOCUMENTAIREle 2 octobre 2004

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À notre grand bonheur de spectateur, le court documentaire se permet toutes les libertés. Il refuse le “formatage”, il risque toutes les formes et gomme les frontières des genres. Proposez un court métrage documentaire et attendez la réponse : « Mais ce film est une fiction » dit un programmateur de séances documentaires. « Il devrait être montré dans une galerie » dit un diffuseur télé, « Non, il mérite la projection en salle » dit le galeriste. « C’est à la télévision de le diffuser » dit l’exploitant.Au final, ces petits formats souffrent de leur différence et apparaissent bien trop peu sur nos écrans. Sans certains festivals, des structures comme les ateliers Varan ou Ardèche Images, des producteurs téméraires et des réalisateurs audacieux, on ne les verrait plus du tout.Alors que faire pour stimuler la forme courte en documentaire ?

En illustration de cette table ronde ont été projetés les films suivants :

31 boulevard Magenta de PATRICE GOASDUFF12 mn, vidéo, couleur, France, 2004 production Vivement Lundi ! / co-production : 40mcube, TV Rennes.

Un peu de Bédoin de WALDECK WEISZ30 mn, super 8 couleur, France, 2001production Agat Films & Cie / co-production : Cristal Concept, Mikros Image, Transatlantic Vidéo

Comme un seul homme de JEAN-LOUIS GONNET15 mn, Super 16 mm, couleur, France, 2001 production déléguée 4 A 4 Productions

Volta de STEPHEN DEAN10 mn, Beta digital, couleur, France, 2003production Gloria Film

Acouphène de FRANÇOIS-XAVIER DROUET17 mn, vidéo, couleur, France, 2004.production Ardèche Images, master de réalisation documentaire de création de Lussas (partenariat avec l’université Stendhal de Grenoble)

INVITÉ(E)SBLANCHE GUICHOU, productrice, présidente de la commission des contributions financières à la production des films de court métrage au CNC (Ile-de-France)PHILIPPE GERMAIN, directeur de l’Agence du court métrage (Ile-de-France)JEAN-LOUIS GONNET, réalisateur (Ile-de-France)PATRICE GOASDUFF, réalisateur (Bretagne)FRANCOIS-XAVIER DROUET, réalisateur (Rhône-Alpes)

ANIMATIONRICHARD TURCO directeur du Pôle Image Haute-Normandie

Richard TURCO présente les invités et la problématiqueNous allons essayer de présenter la situation du très court métrage documentaire, car il s’agit d’un

domaine peu étudié où les informations sont parcellaires. Je souhaite que cette rencontre livre des pistes de travail pour des débats et des ateliers futurs. Nous savons que ce sujet mérite d’être approfondi.

Nous tâcherons d’aborder les problématiques de la création, de la production et de la diffusion.Nous connaissons une sorte de cloisonnement, parlant du court métrage — avec les quatre genres :

fiction, animation, documentaire et expérimental — ou du documentaire — long métrage pour la salle de cinéma ou audiovisuel pour la télévision… Je poserai donc tout de suite la question aux réalisateurs présents : messieurs, êtes-vous « court métragiste » ou « documentariste » ?

FRANCOIS-XAVIER DROUET, réalisateur (Rhône-Alpes)J’avais plutôt prévu d’être journaliste… Après des études en sciences sociales et un projet de thèse,

je suis revenu d’un long séjour au Pérou avec une idée de film ! Et puis je me suis rendu compte que le journalisme que j‘entendais faire était plutôt du documentaire… J’ai présenté ce film Acouphène dans un

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cadre de fin d’étude du DESS de réalisation documentaire de Lussas. L’exercice consistait en un court métrage documentaire, pour ensuite écrire un moyen ou long métrage documentaire.

JEAN-LOUIS GONNET, réalisateur (Ile-de-France)Après une formation aux Beaux-Arts et un premier travail à l’INA avec Thierry Garel, j’ai réalisé un

certain nombre de courts métrages de fiction. Je ne suis donc pas documentariste au sens où l’on peut l’entendre.

RICHARD TURCOLe documentaire est-il alors un « accident de parcours » ?

JEAN-LOUIS GONNETEn effet, par hasard, j’avais été invité à voir la préparation d’une équipe de rugby dans un vestiaire. De

là s’est mise en place une réflexion sur la manière différente d’aborder un film. J’ai d’abord tourné en vidéo, puis en film, en l’écrivant et en reconstituant une partie de la préparation.

PATRICE GOASDUFFAprès des études d’histoire et un DEA sur la notion de temps dans La jetée de Chris Marker, suite à un

travail universitaire avec la Cinémathèque de Bretagne incorporant des archives, j’ai découvert que réaliser des films était un outil de recherche plus intéressant que l’écrit. Mon travail n’est pas celui d’un ethnologue, mais je pose un regard sur le quotidien du bas de chez nous.

RICHARD TURCOLe choix de ce format très court est donc dicté par le sujet ? À aucun moment vous ne l’avez choisi pour

rentrer dans des cases de diffusion ?

PATRICE GOASDUFFLa matière du film et l’assemblage a dicté le format, que je voulais court de toute façon. Le producteur

n’avait pas non plus d’exigence de format.

FRANÇOIS-XAVIER DROUETLa genèse a été sensiblement compliquée. Sans expérience, j’ai commencé ce premier film comme un

52 minutes… Ce travail n’apparaît pas dans la version projetée. Je mettais en scène des rencontres avec les habitants de la ville, pour aborder la perception du risque et surtout de la mort. Mais ceci n’était pas compatible avec le format de 20 minutes imposé par la formation. J’ai donc opté pour la voix-off.

RICHARD TURCOCette contrainte du temps a-t-elle été bénéfique ?

FRANÇOIS-XAVIER DROUETIl est sans doute préférable de tirer le meilleur parti des contraintes…

JEAN-LOUIS GONNETMa hantise est que les spectateurs s’ennuient… Je me suis dit qu’ils s’ennuieraient moins longtemps

avec un film court ! Il est vrai que nous avons pensé un moment tourner le film sur une période longue en vidéo pour un 52 minutes. Mais ramasser ces moments — d’une heure réellement — dans leur dramaturgie et leur donner une force et une puissance que seule la compression du temps et la contrainte, celle du huis clos, peuvent permettre. Et obtenir cette intensité… impensable dans un film plus long.

RICHARD TURCOBlanche Guichou, quel tableau peindriez-vous du court métrage documentaire au sein de la commission

des contributions financières à la production des films de court métrage au CNC ? Et quel est votre regard de productrice ?

BLANCHE GUICHOU, productrice, présidente de la commission des contributions financières à la production des films de court métrage au CNC (Ile-de-France)

Il n’y a aucune schizophrénie à porter ces deux casquettes, car ces fonctions se rejoignent. Les sociétés associées Agat et Ex-Nihilo ont une grande culture du documentaire classique de télévision. Il n’y a donc pas de « ligne » concernant le court métrage documentaire, qui apparaît plutôt à des détours de chemin. Il s’agit donc à chaque fois d’une aventure particulière. Ce film de Waldeck Weisz a longtemps été porté par son auteur. Nous n’avons pas trouvé de partenaire, pas même au CNC, car nous étions là dans un

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genre hybride entre fiction et documentaire. Les responsables de case documentaire ou fiction courte se renvoyaient l’objet.

Aux contributions financières, nous voyons venir beaucoup de projets documentaires s’apparentant à des 52 minutes qui n’ont pas trouvé leur place en télévision. Il y a très peu de films très courts, sur des expérimentations ou des écritures différentes. Sur l’année 2003, 11 documentaires ont eu une aide du CNC, au titre des contributions financières mais également via la prime à la qualité ou l’aide au programme. Depuis le début de l’année, nous en avons déjà aidé 8, mais il s’agit à — à une exception près — de formes longues, des 52 minutes souvent.

RICHARD TURCOS’agirait-il là d’un réflexe, que de travailler dans un concept, un format ?

BLANCHE GUICHOUCe n’est pas qu’un réflexe des créateurs, mais il s’agit aussi d’une logique de producteurs… Il n’y a pas

encore de culture du court métrage documentaire. Avec ce même auteur, j’ai également produit un film plus court de 8 minutes, et un moyen métrage documentaire — si c’est le terme — de 30 minutes.

Le programme de ce matin m’a vraiment ravi, car rempli d’écritures et de durées différentes, et de cohérences fortes. Nous devrions aller davantage vers ce type d’expérimentation, en gardant toute la difficulté de les produire et de les réaliser.

RICHARD TURCOL’absence de « contrainte » de diffusion télévisuelle fait-elle que les créateurs, ou leurs films, sont plus

libres ?

BLANCHE GUICHOUIl y a tellement peu d’enjeu pour les chaînes sur le court métrage qu’il reste encore aujourd’hui un des

plus grands espaces de liberté à la télévision. Il n’existe pas ou très peu pour le court métrage documentaire. Les représentants des cases de court métrage ne sont pas présents aujourd’hui et c’est dommage.

JEAN-LOUIS GONNETComme un seul homme a obtenu une aide financière de France 2 court métrage, via Alain Gauvreau,

avant le soutien du CNC ou d’une Région. La production a « ramé » près d’un an avant de trouver une aide auprès de la Région Auvergne, d’un montant supérieur à celle de France 2…

BLANCHE GUICHOUFinalement, ce que l’on peut dire c’est que le court métrage documentaire a les mêmes contraintes que

le court métrage de fiction, en plus d’être du documentaire !

RICHARD TURCOPuisque les chiffres de l’Agence du court métrage sont assez éloquents — si on se réfère pour les

vingt dernières années au rapport nombre de productions / nombre de dépôts —et montre une chute du documentaire face à une explosion de la fiction, il y a là un phénomène aggravant assez important ?

PHILIPPE GERMAIN, directeur de l’Agence du court métrage (Ile-de-France)L’agence est une association créée il y a vingt ans par des producteurs et des réalisateurs alors que la

diffusion du court métrage traversait une crise. La vocation de l’agence est de réhabiliter la vocation de ces films à être diffusés dans les salles de cinéma et à la télévision. Depuis vingt ans donc nous menons un travail généraliste sur la définition du court métrage — soyons un peu légaliste, nous irons du 1 minute au 59 minutes — et on balaye tous les genres de la création, tous les films qui nous sont déposés souvent sur support 16 ou 35 mm puisque l’on travaille principalement avec des salles ou des festivals équipés en ce format. On pourra revenir à la fin du débat sur ce nouveau chantier qui arrive : la diffusion du documentaire dans des lieux collectifs, salles de cinéma ou autres...

Nous travaillons également avec l’association Sauve qui peut le court métrage et si l’on recueille les films depuis vingt ans, nous disposons ainsi d’une base de données, comme un observatoire des politiques. Dans les années 1985 par exemple, à l’agence et à l’association, 126 documentaires étaient déposés pour 3 fictions. La bascule se fait dans les années 90. En 2003, nous avons repéré 687 films de fiction contre 70 documentaires dont 8 en format cinéma. Avant les années 90, nous avions eu 76 documentaires déposés dont 68 en format cinéma. Cette bascule est due à l’arrivée d’une vraie économie de production, accompagnée d’une structuration du secteur professionnel vers la fiction, ainsi que de nouvelles orientations de producteurs de documentaires vers des cases audiovisuelles.

Nous avons près de 1500 documentaires déposés à l’Agence, mais relativement anciens car très peu de

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documentaires nous sont confiés aujourd’hui pour faire un travail de diffusion. Sur le volume des locations réalisées l’année dernière par exemple, le documentaire représente à peine 4 % sur un volume de 6000 copies ayant circulé, un peu moins de 300 copies donc. Il y a donc un véritable déficit structurel de la création, celle qui parvient à l’Agence ou à l’association du moins, et de diffusion. Nous essayons donc de travailler sur des dispositifs particuliers : le mois du film documentaire par exemple avec des programmes patrimoniaux, le programme « une heure tout court » en collaboration avec le CNC qui présente des films à la durée atypique entre court et long métrage (dépassant 40 à 45 minutes). Ainsi Les filles de la sardine de Marie Hélia et Sur la plage de Belfast d’Henri-François Imbert ont circulé dans un groupement d’une vingtaine de salles du GNCR. Par leur durée, ces films sont difficiles à programmer.

À l’avenir nous ne travaillerons pas que sur des programmes documentaires car l’Agence, généraliste, propose bien la diversité des genres et leur mélange.

Au niveau des territoires, notamment des pôles régionaux d’éducation à l’image, nous collaborons également aux dispositifs scolaires « école et cinéma », collège au cinéma », « lycéens au cinéma ». Le documentaire de Jean-Louis Gonnet était ainsi inclus dans le programme « lycéens au cinéma » de la Région Auvergne.

RICHARD TURCOOn remarque une véritable inversion de tendance dans l’utilisation des supports film ou vidéo ou une

petite révolution dans le court métrage documentaire. Les chiffres d’inscription au festival de Clermont-Ferrand, depuis l’ouverture de sa compétition numérique puis sa confusion avec la compétition nationale, font apparaître un doublement de la production de court métrage documentaire chaque année. Ces chiffres sont peut-être à minorer par le fait que dès l’ouverture de la compétition numérique de nombreux courts métrages documentaires ont été primés et auraient donc — selon le festival — créer un mouvement d’appel…

Je souhaiterais interroger les participants sur cette question du support : cela est-il déterminant au regard de l’économie dans laquelle vous vous situez pour faire des films ?

FRANÇOIS-XAVIER DROUETClairement non ! Mais en fait la question ne s’est pas réellement posée car le matériel mis à disposition

était du DV-Cam et je n’ai pas les compétences pour manier une caméra-film.

RICHARD TURCOIl y a donc une facilité d’utilisation propre de l’outil qui intervient ?

FRANÇOIS-XAVIER DROUETC’est vrai que nous avons la chance aujourd’hui d’avoir ce matériel disponible et peu onéreux qui permet

de faire un film seul de A à Z, jusqu’au montage. L’intérêt est de faire ses gammes, sans chercher à plaire à un producteur ou un diffuseur. Aussi parce que je me considère encore en apprentissage.

JEAN-LOUIS GONNETJ’ai un vrai problème avec la vidéo… je trouve l’image plate. Et puis, étant un peu plus âgé que mes

collègues, j’ai une culture film 16 et 35 mm. Une chose toute simple s’était dégagée par rapport au film : il repose sur les corps et le grain de la peau. Ce type de support rajoute évidemment une pression supplémentaire sur le réalisateur, mais le bénéfice est qu’il oblige à penser davantage à ce qu’on veut montrer et à comment on va le montrer ; le film est à faire avant le montage. Le support film nous met un peu en danger…

Je suis frappé de voir qu’aujourd’hui l’image est négligée. Finalement, le « crade » devient une référence. Le discours passe mais la sensation, l’impression, disparaît. J’ai en projet des documentaires de plus en plus courts… je pourrais même les autoproduire car je ressors ma vieille Bolex et j’irai taper de la pellicule chez Kodak !

BLANCHE GUICHOULa question du support se pose sur toutes les productions aujourd’hui, y compris en long métrage.

Les projets peu financés ouvrent le débat entre 16mm et HD. Il y avait encore des réticences, mais il y a de tels progrès dans l’image que nous aurons à faire des choix cornéliens. Le court métrage est aussi une possibilité d’expérimentation. J’ai produit trois courts métrages de Waldeck Weisz dont un en 35mm et post-produit sur une chaîne classique, celui présenté aujourd’hui a été tourné en super8, et finalisé en vidéo par manque de moyens. Le dernier, c’était un choix, était de filmer des paysages en super8 et travaillé sur des visages en vidéo (DV-PD150) pour faire se répondre deux types d’images et de filmage. Le manque de moyens fait que l’on arrive à finaliser ou non en pellicule. Les partenaires naturels du court métrage, les prestataires qui prêtent la caméra ou propose la pellicule ne font aucune distinction de genre.

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PATRICE GOASDUFF31, boulevard Magenta est, à la base, de la pellicule car constituée de photos scannées pour en faire de

la vidéo. Je suis de la génération vidéo. Le film… c’est du film, je m’en contrefout en fait. Ce qui importe c’est les films. La belle image ne m’intéresse pas, je suis un peu dans la génération « image crade » justement. J’aime les images banales, du quotidien. Je n’ai pas forcément de réflexion sur le type de support. Je vais utiliser le support le plus facile pour moi, le plus rapide. J’ai tellement entendu ces discussions sur l’arrivée des courts métrages en vidéo dans les festivals, dans les années 90 ils n’étaient pas considérés comme du film. Dix ans après, ces mêmes responsables de festivals programment sans complexe de la vidéo.

BLANCHE GUICHOUVoilà le bel exemple que le court métrage invente ou trouve le support qui lui convient. Je trouve dans ce

film une vraie cohérence, où la matière même des images raconte quelque chose également.

PATRICE GOASDUFFAvec la pellicule, j’ai utilisé une caméra vidéo numérique sur la position « photographie », car j’avais

besoin de son. Chaque image a son référent de six secondes de son, retravaillé ensuite.

RICHARD TURCOEn tout cas, on ne peut nier le redémarrage du court métrage documentaire avec une arrivée forte de

la vidéo dans le secteur du court métrage. Les chiffres que je citais tout à l’heure concerne des courts métrages d’une durée moyenne de 14 minutes.

La question de la diffusion, déjà abordée à DOC’OUEST, se pose pour ces formats. À la télévision, ils sont assez peu fréquents. Dans les salles, l’équipement n’est pas toujours adapté. N’y a-t-il pas là une défaveur pour les courts métrages en vidéo ?

PATRICE GOASDUFFJe dirige un lieu d’exposition en art contemporain à Rennes. Je m’intéresse à la manière dont l’art

contemporain pénètre l’espace audiovisuel et comment les dernières grandes biennales européennes ont intégré le documentaire et le film. Pour revenir à la diffusion, souvent le monde audiovisuel oublie qu’il y a un autre réseau, de galeries ou de lieux d’exposition, qui s’intéresse autant au film qu’à la manière de le montrer avec des dispositifs qui rajoutent au film.

JEAN-LOUIS GONNETLe RADI propose des projections en avant-programme, mais la diffusion du court métrage passe

principalement par les festivals. Le film est tiré à 6 copies et a été présenté dans 60 festivals. Je ne pense pas qu’en vidéo nous aurions eu une telle diffusion, sans oublier l’immense travail d’inscription du film en festival…

PHILIPPE GERMAINPour compléter ce qu’a dit Jean-Louis GONNET, il n’y a pas que les festivals dans la vie… L’Agence

travaille avec les salles, hors événementiel, qui opère un maillage du territoire. Nous touchons près de 700 salles, avec du film court de moins de 15 minutes pour le RADI, ou sous forme de programmes complets de 5 à 6 films courts. Nous avons organisé plus de 1200 éditions de ce type de programmes l’année dernière.

En termes de diffusion, le système est plus respectueux des œuvres que pour le long métrage et les premiers longs métrages. Les copies restent disponibles et circulent d’années en années. Près de 30 % des films que l’Agence diffuse sont antérieurs aux années 90. Ils se transmettent dans la mémoire des programmateurs et continuent de rencontrer de nouveaux publics. C’est une réalité que le long métrage a un peu oublié, au profit d’un consumérisme grandissant.

Il y a un vrai débat mené par les salles de cinéma, notamment sur les installations, pour prendre en considération les œuvres en vidéo. À l’Agence, nous nous posons la question du traitement de cet afflux. Lorsque le festival de Clermont-Ferrand reçoit allègrement 2000 à 2500 films en sélection dont plus des trois-quarts en vidéo, notre structure qui est ouverte toute l’année en accueillant sans sélection près de 400 films sur pellicule va accueillir et valoriser cet afflux en vidéo. Peut-être passerons-nous d’une logique de cinémathèque à celle d’une ligne éditoriale pour sélectionner les films et mieux travailler avec nos correspondants salles de cinéma, médiathèques et galeries. Je défends davantage la diffusion par des lieux collectifs, même si les expériences des galeries sont intéressantes…

La réalité du terrain aujourd’hui c’est le manque d’équipement des lieux, et la définition juridique de la diffusion pour la rémunération des œuvres.

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RICHARD TURCOComment la Commission des contributions financières à la production des films de court métrage au

CNC reçoit-elle les projets documentaires, et quels sont les critères d’écriture recherchés ?

Blanche GUICHOUPrès de 1500 projets de documentaires sont présentés, toutes chaînes confondues, en France chaque

année. Les chaînes doivent n’en produire qu’environ 300 ? La commission doit donc donner un message clair sur ses exigences en matière d’écriture pour ne pas voir arriver les 1200 autres dossiers refusés par les télévisions. Ce que l’on a vu ce matin peut aller dans des familles de formes, de recherche, différentes.

Nous savons comment se construit un scénario de fiction qu’il soit court ou long. Un scénario de documentaire, c’est une note d’intention, une matière du réel déjà un peu explorée… En documentaire, je préfère de très loin les dossiers qui se posent les questions sans les avoir résolues, et trouvant leur forme en avançant, plutôt que ceux bien documentés qui ne se posent même pas la question du traitement.

Jean-François LE CORRE, co-producteur du film 31, boulevard MagentaCe court métrage documentaire est passé au Cosip via une coproduction avec un diffuseur local qui

avait un apport trop faible pour bénéficier de mon compte automatique. Il a donc été examiné en sélectif, et il semblerait que la commission ait été heureuse de recevoir ce type de dossier lorsqu’elle traite habituellement des 52 minutes traditionnels pour la télévision.

J’avais peur d’une chose : le film, par sa forme même et son principe, était tourné…

Blanche GUICHOUIl ne faut pas le dire ?...

Jean-François LE CORREOui mais dans le dossier, il était quasiment impossible de ne pas le sentir… Et cela n’a posé aucun

problème à la commission, qui a été à même de juger une forme d’écriture. Je n’ai jamais senti d’ostracisme entre documentaire, fiction et animation — et je produis les trois — que ce soit dans des commissions sélectives cinéma ou de l’automatique ou sélectif en compte de soutien.

Blanche GUICHOUDe toute façon, nous agissons de même lorsque les textes juridiques nous le permettent. Car nous

avons aussi envie de nous faire plaisir. Lorsque que nous voyons un beau projet et que nous pouvons le faire « rentrer dans les cordes », nous ne demandons pas mieux. Je ne pense pas qu’il y ait de rigueur extrême dans les commissions, et je n’ai jamais rencontré de réglementation appliquée strictement. Nous avons en face de nous, dans les commissions régionales, au CNC, ou ailleurs, des personnes ouvertes… Je ne vois pas de création empêchée… La contrainte majeure que nous subissons chaque jour est plutôt le financement et les sources de financement. Sauf si l’on fait du flux, mais c’est un autre débat.

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TROIS POLITIQUESDOCUMENTAIRESEN RÉGIONLe 1er octobre 2004

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Similitudes, différences et expériences des politiques d’aides à l’écriture, à la production, et à la diffusion du documentaire de la Bretagne, du Nord Pas-de-Calais et de l’Alsace. Entre culture et économie, comment les politiques régionales de soutien au documentaire devront-elles évoluer ? Comment faciliter les coordinations des différentes politiques sur un même territoire ? Comment les collectivités peuvent-elles aider à l’émergence de nouveaux talents et à la diffusion des films documentaires qu’elle soutient ? Le documentaire échappera-t-il à une obligation de retour sur investissement ? Quel sera le rôle futur du CNC dans les régions ?

INVITÉ(E)SVÉRA NETTE, responsable du pôle de développement culturel de la région Alsace (Alsace)SYLVIE ROBERT, vice-présidente chargée de la culture au Conseil régional de Bretagne (Bretagne)ÉRIC BRIAT, directeur de la création des territoires et des publics au CNC (Ile-de-France)JOËL DANIÉLOU, chef du service Audiovisuel au Conseil régional de Bretagne (Bretagne)OLIVIER TRUSSON, responsable des services audiovisuels de la Communauté Urbaine de Strasbourg (Alsace)(EXCUSÉ )VINCENT LECLERCQ directeur général du CRRAV (Nord Pas-de-Calais)(REMPLACÉ PAR) BRUNO FLORENTIN, producteur pour Real Production (Nord Pas-de-Calais)

ANIMATIONMICHEL GUILLOUX, chargé de mission à Films en Bretagne (Bretagne)

MICHEL GUILLOUXHier déjà, le thème de l’interrégionalité était abordé à Doc’Ouest avec des responsables d’antennes

régionales de France 3. Il est regrettable que les intervenants d’aujourd’hui et d’hier n’aient pu se croiser car les débats sont complémentaires.

Nous connaissons tous le contexte de raréfaction des sources de financement pour la production documentaire. Les collectivités territoriales sont donc fortement « courtisées ». L’État et le CNC ont récemment confirmé le rôle de chef de file des Régions en matière d’aides à la production. Nous mènerons ce débat d’actualité en présence de trois régions : la Bretagne, l’Alsace et le Nord Pas-de-Calais. Bruno Florentin remplacera au pied levé Vincent Leclercq qui a malheureusement dû s’excuser, devant défendre un projet triennal de soutien à la fois économique et culturel auprès de la Région.

SYLVIE ROBERT, vice-présidente chargée de la culture au Conseil régional de BretagneJe remercie Films en Bretagne de cette invitation à ces rencontres documentaires, et d’accueillir des

représentants d’Alsace, du Nord Pas-de-Calais et du CNC.En préambule, je souhaitais vous dire que la nouvelle équipe élue à la Région s’est donnée pour objectif

de continuer à écrire l’histoire de l’audiovisuel en Bretagne, mais également d’en écrire de nouveaux chapitres. Et par rapport au contexte actuel, nous nous devions, si ce n’est d’infléchir, du moins de renforcer un certain nombre de choses. C’est dans ce cadre que je me situe ce matin, à la fois pour vous dire et entendre les expériences d’autres régions, avec leurs spécificités. Ici en Bretagne, des réflexions et chantiers sont en cours. Je souhaite continuer à les mener avec les partenaires CNC et État, DRAC. J’attends de cette matinée qu’elle soit propice à faire émerger des pistes de travail que nous pourrions développer.

J’ai été désignée pour animer la commission culture au sein de l’Association des Régions de France (ARF). Sa première réunion se tiendra la semaine prochaine, et il me semble que forcément les politiques régionales de l’audiovisuel vont faire partie des préoccupations des vice-présidents chargés de la culture. J’essayerai que les professionnels de la région puissent s’approprier cette réflexion.

MICHEL GUILLOUXJe souhaiterais dresser une première présentation des fonds régionaux dont nous allons parler ce matin,

afin de donner quelques éléments de comparaison chiffrés. Après un rapide descriptif des conditions d’accès à ces fonds — nous ne nous étendrons pas car vous possédez tous les moyens d’avoir accès facilement aux informations détaillées — nous nous intéresserons aux spécificités d’action et aux modalités de soutien des politiques en faveur du documentaire. Enfin, Éric Briat nous présentera les dispositifs

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nouveaux que le CNC met en œuvre avec les Régions, ainsi que ceux qui s’appliqueront à partir de 2005.

tableau 1 : comparaison par collectivité du budget consacré à la culture au sein du budget général en 2003

source : collectivités concernées, APCVL

Les dates de création de ces fonds relèvent sensiblement de la même période, entre 1990 et 1992. N’oublions pas de comparer leur montant à celui de l’Ile-de-France (10 M€) ou Rhône-Alpes (5M€).

tableau 2 : comparaison par collectivité du budget de soutien à la production au sein du budget consacré à l’audiovisuel et au cinéma en 2003

source : collectivités concernées, APCVL

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tableau 3 : comparaison par collectivité du budget consacré au documentaire au sein du budget de soutien à la production en 2003

source : collectivités concernées, APCVL

tableau 4 : comparaison par collectivité et selon le type d’aide du budget consacré au documentaire en 2003

source : collectivités concernées, APCVL

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tableau 5 : comparaison par collectivité et selon le type d’aide du nombre de projets de documentaires soutenus en 2003

source : collectivités concernées, APCVL

tableau 6 : comparaison par collectivité et selon le type d’aides de la moyenne du soutien par projet en 2003

source : collectivités concernées, APCVL

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tableau 7 : comparaison par région du nombre d’heures de programme aidées du CNC en 2003source : CNC

tableau 8 : comparaison par région du nombre d’heures produites par des producteurs régionaux selon la nature du diffuseur en 2003

source : CNC

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VÉRA NETTE, responsable du pôle de développement culturel de la région AlsaceAu niveau de la Région, nous fonctionnons beaucoup avec l’Agence Culturelle d’Alsace, dans une

coopération concertée construite avec l’expérience des années de collaboration. Comme cela l’a été rappelé, notre fonds de soutien a 10 ans et mérite un bilan.

Au fur et à mesure de l’examen des dossiers, nous nous étions rendus compte que les premiers projets étaient souvent écartés puisqu’il n’avait le niveau de professionnalisation nécessaire au passage devant le comité de lecture. Nous avons donc travailler sur un système d’aide à la première œuvre, mis en place en 2000. Depuis 2003, nous travaillons sur les aides à l’écriture et au développement. Jusqu’alors, sur une attribution issue du fonds d’aide global de la Région, 50 % des projets aidés en écriture aboutissaient à une production. Après avoir senti de la part des réalisateurs la volonté d’aller plus loin dans l’accompagnement, nous avons transféré les aides à l’Agence Culturelle qui travaille également avec un comité de sélection, avec l’association Scénario, avec des sessions de formation au niveau national. Ainsi, cette politique vise à confier à l’Agence une mission d’accompagnement des premiers projets et des nouveaux talents.

Initialement, le fonds de soutien de la Région était dédié principalement au documentaire puisque nous comptons plusieurs sociétés de production de documentaire structurées en association et donc force de proposition importante vis-à-vis de la collectivité. Le documentaire représente 63 % des attributions du fonds de soutien ; mais si on ôte de ce chiffre les attributions consacrées au long métrage par crédits supplémentaires, le genre se voit attribuer environ 80 % des aides, soit 320 000 euros.

Olivier Trusson nous parlera certainement de la relation avec la Communauté urbaine de Strasbourg.

OLIVIER TRUSSON, responsable des services audiovisuels de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Il est vrai que la situation à Strasbourg est un peu compliquée car l’on slalome entre les compétences

de la Ville, de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS). Ainsi, votre premier tableau fait apparaître le budget de la CUS, et il faut y ajouter celui de la Ville qui est beaucoup plus important…

En fait, au titre de la CUS, nous sommes amenés à gérer trois instruments qui sont dédiés aux professionnels, sur une action de titre « économique » : un soutien à la production, une commission du film membre de Film France, et une antenne transfrontalière (Bade-Wurtemberg) du programme MEDIA. Du côté des compétences de la Ville, capitale audiovisuelle européenne, les actions envers le public s’appuient sur l’Odyssée, seul cinéma en France consacrant entièrement sa programmation au cinéma européen, une Maison de l’Image destinée à l’éducation du jeune public, et des moyens d’aide à la diffusion. Nous accueillerons en novembre prochain les premières rencontres internationales des scénaristes européens.

Le fonds de la CUS s’élève aujourd’hui à 457 000 euros après avoir doublé voilà deux ans. La coordination avec la Région est constante : nous avons fait en sorte d’harmoniser nos critères d’éligibilité, nous sommes mutuellement représentés au sein des comités de sélection, nous avons récemment édité une plaquette de promotion commune, et nous commémorerons bientôt le dixième anniversaire de la création de nos fonds respectifs. Il est évident qu’il y a un effet de synergie : nous aidons en moyenne près de 60 % de projets en commun. Mais notre approche est différente, car la CUS, par son action économique, a pour objectif d’aider à la structuration des entreprises et à la diversification de leurs activités. Pour ce faire, nous avons donc ouvert notre comité de lecture à des professionnels extérieurs à la région, voire au monde de l’audiovisuel : un économiste, un libraire, aux côtés d’un producteur parisien, d’un distributeur, permettant des approches différentes mais certainement complémentaires.

MICHEL GUILLOUXEn l’absence de Vincent Leclercq, serait-il possible d’avoir une rapide présentation du fonds de soutien

de la Région Nord Pas-de-Calais ?

BRUNO FLORENTIN, producteur pour Real Production (Nord Pas-de-Calais)Sans donner de chiffres, le CRRAV aide à la fois des projets à l’écriture, au développement et à

la production, pour le court métrage, le documentaire, l’animation et la fiction longue. Ces aides sont subordonnées à une contrainte de territorialité : activité ou tournage, siège social de la société, personnel employé, etc.

Par ailleurs, le CRRAV apporte un soutien à la production associative, gère l’accueil de tournages, propose des formations, organise plusieurs événements…

MICHEL GUILLOUXJoël Daniélou, pourriez-vous nous dresser un bref historique du fonds de soutien de la Région

Bretagne ?

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JOËL DANIÉLOU, chef du service Audiovisuel au Conseil régional de BretagnePermettez-moi de vous donner deux dates : 1990, une première rencontre entre la Commission culture

et un certain nombre de professionnels de la région, puis 1998 où un coup d’accélérateur certain est donné par la nouvelle assemblée régionale de l’époque. C’est davantage l’histoire de notre région qui a porté le Conseil régional en direction de l‘audiovisuel et de la création de ce fonds d’aide. L’Atelier Régional Cinématographique de Quimper, le rôle qu’à jouer France 3 Ouest, et la conjugaison des deux ont amené des hommes et des talents. Le Conseil régional a tenu compte de cela en permettant les premiers soutiens en 1990. Le fonds d’aide n’a été officialisé — sous son nom Fonds d’Aide à la Création Audiovisuelle (Faca) — qu’en 1991. La création était et a toujours été le critère premier d’intervention : l’homme, l’auteur, l’idée, ses projets. Par étape, cette politique a été développée, tous genres confondus, avec une idée générale d’ouverture, contre des critère stricts régionaux voire « régionalistes ».

Nous avons nous aussi connu le chiffre noir des films aidés non réalisés, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui majoritairement.

MICHEL GUILLOUXÉric Briat, je souhaiterais que nous revenions sur le rôle de « chef de file » des Régions. Identifier

clairement un interlocuteur principal satisfaisait tout le monde jusqu’à présent… Mais cela a parfois été perçu comme un amoindrissement du rôle des autres collectivités territoriales. Ce rôle de chef de file ne va-t-il pas étouffer les velléités des autres collectivités ?

ÉRIC BRIAT, directeur de la création des territoires et des publics au CNCCette question est tout à fait d’actualité puisque les règles sont en train de changer. La loi de

décentralisation qui a été votée au mois d’août rebat sensiblement les cartes. Nous travaillions jusqu’à présent dans le cadre de la loi « démocratie de proximité » de 2002 qui précisait nettement la notion de « chef de file » des Régions en matière d’intervention économique. Nos aides à la production audiovisuelle et cinématographique étant attribuées à des entreprises, elles étaient raccrochées à ce régime général des aides des collectivités territoriales. Le législateur avait affirmé pour la première fois avec clarté ce rôle de subordination des collectivités infrarégionales à la collectivité régionale. Tout l’équilibre des lois de décentralisation de 1982 tenait en ce qu’aucune des collectivités n’avait ni n’exerçait de tutelle.

Le CNC a profité de cette petite révolution juridique pour confirmer la pertinence du niveau régional en matière d’interventions économiques. Tout d’abord, vous l’avez rappelé précédemment, les budgets des Régions sont modestes vis-à-vis des autres collectivités, mais ils sont affectés d’une moindre inertie que ceux des Départements et Villes. Le taux de dépenses obligatoires y est inférieur, et les marges de progression y sont donc plus importantes dans la mobilisation des crédits. Ensuite, l’identité régionale est plus facilement repérable à l’extérieur que celle de tel ou tel département. Aussi, le CNC n’aide que la création de commissions régionales du film. Enfin, au niveau européen s’organisent beaucoup de fonds régionaux — en Allemagne, en Espagne — et la production se délocalise de plus en plus. Ces fonds régionaux vont revêtir une importance grandissante dans le financement des œuvres. Il était important que la France participe à cela, mais si elle fait figure de relative exception compte tenu de son système national de soutien encore prédominant.

La nouvelle loi de décentralisation votée en août — dont les décrets d’application seront votés avant la fin de cette année — apporte de nouvelles modifications. Les Régions pourront veiller au rétablissement d’un équilibre économique qui serait perturbé par des aides des collectivités territoriales. Il faut donc constater préalablement qu’il y a équilibre économique perturbé pour que l’intervention des régions en termes de coordination avec les Départements et les Communes soit effective. Ensuite, elle permet la mise en place de régimes d’aide par les départements et les communes ou leurs groupements dans un cadre agréé par la Région.

Des collectivités vont pouvoir venir ou revenir vers les aides au cinéma et à l’audiovisuel. De plus, sur certains territoires où la Région n’est pas relais, des politiques d’intervention pourront se mettre en place à des niveaux infrarégionaux. Le CNC souhaite conserver, autant que faire se peut, l’idée d’un cadre régional harmonisé. Car nous avons construit à petits pas depuis 1990 des politiques régionales complètes dans les champs de la création, de la production mais aussi de la diffusion et de la formation. Cet équilibre ne doit pas être perturbé. Nous continuerons à avoir ce lien privilégié avec les Régions.

Les Départements, les Communautés d’agglomération, sont les bienvenus. Mais nous privilégierons dans l’approche et la méthodologie une association de ces collectivités au système que nous mettons en place au travers de nos conventions. Pourquoi ne pas imaginer les mêmes partenariats qui étaient en place auparavant pour tout ou partie des conventions ? La convention représente plutôt un projet de cohérence

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que de concurrence entre collectivités.Les professionnels n’ont pas d’intérêt dans la multiplication des guichets, des dossiers d’aides — c’est

un prochain chantier au CNC avec les Régions — et dans la dispersion des procédures, notamment dans un contexte où la dépense publique dans le champ d’intervention économique va être de plus en plus contrôlée au niveau communautaire avec des conséquences contentieuses sur la pérennité des systèmes d’intervention. Nous avons donc intérêt, dans le cadre de plusieurs collectivités désirant s’investir, à s’associer pour une harmonisation bénéfique à tous.

MICHEL GUILLOUXJe vous propose de nous intéresser maintenant aux croisements d’intervention entre Régions et

d’aborder les notions de critères d’éligibilité, de territorialité, et de retours sur investissement, pour envisager la participation des collectivités à l’interrégionalité qui se met en place au niveau professionnel.

JOËL DANIÉLOUCette politique du Conseil régional de Bretagne précédemment décrite en quelques phrases, nous

l’avons construite de manière un peu isolée, vis-à-vis des autres collectivités et du CNC. Nous n’étions pas un irréductible village de gaulois, mais nos voisins n’étaient pas non plus engagés sur cette intervention en faveur de l’audiovisuel. Il est envisagé une prochaine harmonisation interrégionale entre Bretagne et Pays-de-la-Loire.

SYLVIE ROBERTLes cartes sont rebattues, Éric Briat le confirme. Les collectivités vont se retrouver sur la complémentarité.

Il s’agit ici également d’une méthode de travail, puisque je souhaite réunir les quatre départements pour une discussion avant la fin de l’année au sujet de nos politiques culturelles.

Par ailleurs, depuis mon arrivée, la notion d’interrégionalité s’est très vite posée. Sa mise en œuvre va rencontrer les questions sensibles de la circulation et de la réciprocité, pour que les politiques s’harmonisent tout en conservant leur spécificité.

La loi du 13 août ne nous aide pas beaucoup… Nous attendons les décrets avec beaucoup d’impatience et nous craignons qu’ils ne mettent les Régions en concurrence.

JEAN-FRANÇOIS LE CORRE, producteur (Bretagne)Les producteurs développant des coproductions européennes rencontrent des collectivités intervenant

peu mais massivement, trois à quatre fois le montant de la Région française la plus généreuse, avec des obligations de retours sur investissement sur le territoire proportionnels à l’aide. L’harmonisation doit donc être européenne et pas seulement nationale, car la concurrence existe déjà. Ceci concerne plutôt la fiction et l’animation que le documentaire, mais réfléchissons-y.

MICHEL GUILLOUXEst-ce qu’aujourd’hui l’intervention économique naissante de certaines Régions dans le domaine du

soutien au documentaire, jusqu’à présent « soutien culturel », va modifier les critères de soutien ?

OLIVIER TRUSSONLe fonds de soutien de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) provient de l’intervention

économique. Ceci n’empêche pas que l’aspect culturel soit pris en compte. Nous sommes conduits non pas à verser des aides ou des subventions, car nous n’y sommes pas autorisés, mais à acheter des droits de diffusion non commerciaux sur le territoire de la CUS aux sociétés de production. Nous avons la possibilité de diffuser les programmes aidés sur les chaînes locales des différentes communes, de les exploiter de manière non-commerciale en salle, et de les mettre à disposition des médiathèques et vidéothèques. Le montant de l’achat de droit ne correspond évidemment pas au prix du marché, mais le fait que ces financements interviennent dans un sens favorable sur l’activité économique de la CUS — pour les producteurs extrarégionaux, l’un des critères est de dépenser 120 % de l’aide sur le territoire de la CUS — auquel s’ajoutent des retombées en termes d’images et de notoriété, légitiment l’intervention et sa forme.

Ce critère des 120 % est, de fait, rempli facilement par les sociétés de la région. Nous sommes dans une situation d’émulation vis-à-vis de nos partenaires du Bade-Würtemberg qui imposent des clauses de dépenses locales supérieures à 120 %, sachant que sa MFG a un budget 10 fois supérieur au budget cumulé de la CUS et de la Région Alsace.

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MICHEL GUILLOUXVéra Nette, pourriez-vous nous décrire le soutien aux jeunes auteurs en Région Alsace ?

VÉRA NETTECe dispositif fonctionne en coopération avec l’Agence Culturelle d’Alsace. Cette dernière accompagne

quatre premières œuvres par an, dont le projet a été déposé et proposé au comité de sélection — composé de professionnels, et récemment élargi pour ouvrir les débats. Le CNC et la Direction des Affaires Culturelles d’Alsace devraient abonder par convention à ce fonds de soutien pour le doubler dès 2005.

BRUNO FLORENTINQuelle est la part que l’on donne à l’écriture et au développement de projets ? Écrire un projet est une

chose, le développer au niveau national ou international en est une autre, également en termes de coût et de temps…

La formation des producteurs, notamment au pitch, existe en Alsace et Nord Pas-de-Calais. Qu’en est-il en Bretagne ?

JOËL DANIÉLOUFormation, émergence de talents, etc. ne font pas partie du tableau actuel. Nous avons trouvé deux

points d’ancrage : via la convention avec le CNC, l’abondement du fonds de soutien notamment fléché vers la première œuvre et la réalisation d’un état des lieux de la formation professionnelle qui reste à faire.

PIERRE GUICHENET, réalisateur (Pays-de-la-Loire)Les Régions peuvent-elles avoir l’ambition européenne que n’ont pas les antennes régionales de France

3 dans leurs coproductions ? Peut-on sortir du « régionalisme régional », notamment dans les projets de collaboration entre les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire ?

SYLVIE ROBERTMa première réponse ira d’abord à la qualité de la production. Au-delà du sujet, la qualité du film donne

sa dimension.La Région Bretagne a déjà soutenu des œuvres n’ayant pas de rapport direct avec le territoire, mais

parce qu’elles correspondaient à de bons projets artistiques et répondaient aux autres critères d’éligibilité. Ayant assisté déjà à trois comités de lecture, je confirme qu’il n’y a pas débat sur le régionalisme. En complément, nous devons être attentifs à toutes les autres formes de soutien pour permettre la circulation des œuvres.

LAURENT DENÉ, producteur et président de l’APAA (Alsace)Il faut replacer les fonds de soutien régionaux en France dans un contexte historique et européen.

Jean-François Le Corre faisait la comparaison avec l’Allemagne et l’Espagne, mais il n’y existe pas de compétences centrales au niveau culturel. Celles-ci se font au niveau des « lander » et des « generalidad », comparativement en France ou existe le ministère de la Culture et du CNC qui affirmait encore son monopole au début des années 90. Rappelez-vous l’affaire « Germinal » ou le recours au Conseil d’État pour la création de Rhône-Alpes Cinéma.

Il faut donc se féliciter aujourd’hui du discours du CNC qui reconnaît les collectivités comme force d’intervention dans le soutien à la production. Cette évolution est favorable, même hors convention.

Pendant sept ans j’ai exercé la fonction de chargé de mission audiovisuel pour la CUS au moment de la création du fonds de soutien. Dans un respect de la légalité nous avons pu mettre en place cet achat de droit. Cette intervention n’était, à l’époque, pas reconnue par le CNC — alors même que la ministre de la Culture était Catherine Trautman, ancien maire de Strasbourg !

BRIGITTE CHEVET, réalisatrice (Bretagne)Nous entendons aujourd’hui le mot « création » cité dix fois plus qu’hier lors du débat avec les antennes

régionales de France 3… Comme si « création » et « politique d’auteur » étaient devenus des gros mots dans la télévision d’aujourd’hui ! Il revient peut-être aujourd’hui aux Régions de faire contrepoids à la médiocrité télévisuelle. Quelle peut être, selon vous, votre responsabilité dans ce projet ?

SYLVIE ROBERTJe n’ai pas envie de répondre sur cette responsabilité, même si je suis d’accord avec ces propos. Mais

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nous serons plus fort, en tant que Régions, à se dire qu’une politique d’auteurs et d’écriture est encore plus importante aujourd’hui, qu’on sera aidés pour que les diffuseurs puissent s’en emparer. Ce sera sûrement une bataille pour essayer d’infléchir les choses. L’enjeu et les modalités de soutien sont extrêmement importants.

EMMANUEL AUDRAIN, réalisateur (Bretagne)J’abonderai à ce que dit Brigitte Chevet, et noter que les critères d’accès au fonds de Bretagne ne

nécessitent pas d’avoir un diffuseur pour le projet. Ceci est une liberté qui nous est donnée.

CLAUDE BERTRAC, producteur (Bretagne)Je regrette également, comme dit au début de ce débat, l’absence des diffuseurs aujourd’hui. L’aide

initiale des collectivités à la création est devenue une béquille pour les producteurs régionaux. Sans elles, les producteurs sont sous perfusion car les diffuseurs n’assurent plus leur rôle et demandent aux collectivités de s’y substituer en sous-payant leurs programmes et partant du principe que celles-ci et le CNC compenseront la différence.

Le problème est assez complexe, car un fonds de soutien à la « création » ne peut obliger les diffuseurs à la programmer. Il faut prendre conscience que la majorité des professionnels ne vivent pas du documentaire, qu’une grande partie de l’activité est en région dépendante des aides des collectivités et du CNC. Et pendant ce temps, on soutient des formations initiales qui amènent des centaines de jeunes sur un marché de l’emploi très restreint… sans parler de la crise de l’intermittence…

Madame la Vice-présidente de la Région Bretagne, quelle sera votre nouvelle politique ? Sera-t-elle enfin transversale avec d’autres fonds tels l’économie ou le tourisme ?

MICHEL GUILLOUXJe vous propose que la nouvelle politique de la Région Bretagne termine ce débat, mais il est primordial

qu’Éric Briat présente auparavant les dispositifs nouveaux du CNC en faveur de la production en région.

ÉRIC BRIATD’ici à la fin de l’année, nous signerons une douzaine de conventions d’objectifs de nouvelle génération,

c’est-à-dire triennales. Elle comportent deux parties : la première concerne l’aide à la création, à la production, et à l’accueil de tournage, et une seconde consacrée à la diffusion culturelle, afin de couvrir l’ensemble de la vie des œuvres.

Sur les 435 courts métrages — dont des courts métrages documentaires — produits en France, près de 200 sont aidés par les Régions et les collectivités. Le volet consacré à l’aide à la création verra se maintenir le niveau d’intervention que le CNC apportait auparavant dans ces conventions, augmenté de 500 000 euros et davantage les années suivantes pour répondre au réajustement des projets par rapport au droit social.

L’abondement à la politique régionale, le « 1 euro de soutien du CNC pour 2 euros de la Région », soutient le long-métrage de cinéma, avec une enveloppe de 10 millions d’euros renouvelée en 2005. Les élections en Région et les changements d’assemblée ont donné naissance à des phases de nouvelle réflexion. Le calendrier de signature de ces conventions a toutefois été tenu pour effectuer le lancement de cette mesure. Cette mesure intéresse un nombre croissant de longs-métrages documentaires qui envisagent une exploitation en salle de cinéma.

À partir du 1er janvier 2005, nous allons mettre en place une mesure identique dans le champ de la production audiovisuelle : pour les Régions ayant un fonds d’intervention supérieur à 100 000 euros, le CNC abondera d’un euro pour deux euros de la collectivité, dans la limite de 1 million d’euros par région. Rappelons qu’aujourd’hui seule la région Ile-de-France est susceptible d’être touchée par cette mesure de plafonnement. Nous investirons donc environ 4 millions d’euros sur l’ensemble des régions de France, aux côtés des quelques 8 millions d’euros des Régions.

Nous parlons ici d’audiovisuel au sens du COSIP : animation, fiction télévision, et documentaires.Le 20 octobre prochain, nous réunions à Lyon l’ensemble des représentants des collectivités et des

organismes professionnels pour la mise en place de ces mesures et qu’elles soient inscrites aux budgets primitifs.

Je souhaiterais intervenir également sur la question des retombées locales.Le directeur du CRRAV Vincent Leclercq — et cela explique son absence aujourd’hui — va plaider

pour que les interventions de la Région ne proviennent pas uniquement des crédits « culture » et mobiliser les crédits économiques. Nous avons réalisé une étude cet été au cours de laquelle nous nous sommes

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penchés sur les critères d’éligibilité des Régions : y a-t-il une relative harmonisation entre les régions ? Et permettent-ils les coproductions interrégionales ? Respectent-ils les plafonds communautaires ? Nous nous sommes aperçus d’une grande diversité, d’une grande complexité, et d’une intrication parfois élevée empêchant de donner réponse à ces questions…

Aussi, nous souhaitons — sur une base identique de convention — pouvoir travailler avec les Régions à rendre compatibles et lisibles les critères en dissociant les genres. Par exemple, il faut manier avec beaucoup de précaution la notion d’obligation de retombées locales dans le documentaire ! Nous pensons également à simplifier les procédures administratives dans la constitution de dossier maintes fois demandés.

Le crédit d’impôt a été une mesure efficace dans le domaine du cinéma, dont l’objectif est de favoriser la relocalisation de tournages en France. Il sera étendu à l’audiovisuel dès 2005, pour un coût de 40 millions d’euros. L’impact sera certainement moins important dans le champ du documentaire que de la fiction.

Concernant les coopérations européennes, il est vrai que les régions françaises n’interviennent pas avec des fonds aussi importants que leurs homologues d’autres pays. Il faut s’appuyer sur les antennes MEDIA.

OLIVIER TRUSSONLa CUS et la Région Alsace ont proposé au Bade-Würtemberg la création d’un mécanisme

financier incitatif aux coproductions transfrontalières. En amont de cette démarche, il fallait organiser un rapprochement entre les diffuseurs. Si le succès est au rendez-vous, ce mécanisme pourrait être proposé à d’autres régions frontalières de l’Alsace, dont peut-être la Suisse qui rejoint le programme MEDIA.

CHRISTIAN HUTEAU, monteur et Vice-président d’Actions Ouest (Bretagne et Pays-de-la-Loire)Je suis heureux que l’intervention économique fasse partie du débat, mais il serait utile que l’on distingue

les aides directes et les retombées locales, indirectes. Les techniciens sont très souvent dépendants des marchés régionaux et donc des aides régionales. Il serait bon que les retombées en termes d’emploi soient explicites dans le dispositif rénové de la Région Bretagne. Pour cela, il faut adopter le bon mécanisme : grille à points, quotas, pourcentage de la subvention… Le territoire régional est notre espace professionnel.

ANTOINE MARTIN, producteur (Normandie)Je souhaiterais revenir sur le crédit d’impôt. Le documentaire semble être la variable d’ajustement dans

la gestion du secteur par le CNC. Ce genre est le seul à présenter un seuil d’accès à ce crédit : le CNC a envisagé que ce crédit ne pouvait porter que sur les dépenses techniques, c’est-à-dire 47 % du budget d’un film, et a estimé le seuil d’accès à 145 000 euros de dépenses techniques. Ce qui portent le budget du film à 300 000 euros ! Ceci limite vraiment la portée de ce dispositif pour le documentaire…

Par ailleurs, un critère exclue des « parts négatif » à 100 % française.

ÉRIC BRIATLe crédit d’impôt n’est pas encore votée, et l’instruction fiscale n’est pas parue… Nous sommes au

stade de la réflexion.Le documentaire n’est pas une variable d’ajustement du CNC : l’abondement des fonds régionaux va

soutenir un tissu de production en région, en collaboration avec des collectivités, pour atteindre environ 12 millions d’euros et permettre qu’il y ait un peu plus de cash dans les productions.

ARIEL NATHAN, réalisateur (Bretagne)Madame la Vice-présidente, vous accordez une grande importance à la formation. La question qui

se pose est : sous l’effet de la crise, devons-nous abandonner la formation de nouveaux réalisateurs ou producteurs ? Je suis persuadé qu’il faut être volontariste, nous aurons besoin de nouveaux talents dans les prochaines années. Il faut aujourd’hui les former.

L’Université est très généraliste et éveille le goût. Les écoles privées sont sélectives. Il faut nous mobiliser ensemble pour un calendrier et des moyens.

PAUL CHIESA, producteur et président de Rezo (Midi-Pyrénées)J’ai quelques inquiétudes sur le dispositif « un euro du CNC pour deux euros de la Région ». Ceci

concerne les films aidés par la Région et possédant un accord d’investissement du CNC. Que devient la production des autres films ? Les critères d’accès seront-ils ceux du COSIP ? Sachant la difficulté d’existence des documentaires de création…

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ÉRIC BRIATEn effet, les films aidés au travers du dispositif cité doivent disposer de l’agrément du CNC. Les films

qui n’en bénéficieraient pas pourraient néanmoins être soutenus par les Régions, sans la contribution du CNC. Pour le dispositif consacré à l’audiovisuel, la question posée est essentielle dans la réflexion actuelle : les films n’ayant pas le soutien d’un diffuseur doit-il être bénéficié du soutien du CNC dans le cadre de cet abondement.

Je crois qu’il faut que les Régions gardent cet espace de liberté d’aider des films de création.

JEAN-FRANÇOIS LE CORRELe débat d’hier a montré que les capacités de coproduction et d’investissement des télévisions locales

en régions atteignent leur limite, dans un contexte où la redevance n’augmente pas. La télévision locale de service public est encore un des rares espaces de développement de la télévision en région. Cet été, nous avons assisté à une tentative d’accord entre la Socpresse, le groupe Dassault, et TF1. Le modèle de télévision locale qui se profile est celui-là… Ce modèle ne sera pas garant d’un pluralisme et de démocratie locale, et sûrement pas synonyme de développement culturel. Les élus ont une responsabilité à suivre ce dossier. Voilà le risque de voir disparaître des modèles de télévisions locales de service public, lorsque le CSA aura attribué des fréquences à des groupes de presse qui fonctionneront en réseau pour distribuer des programmes façon NRJ, Fun ou autre, selon les cibles publicitaires.

SYLVIE ROBERTVoici donc les chantiers en cours…Tout d’abord, la clarification des règles du fonds d’aide régional

avec validation politique, dans le cadre de la réflexion que l’on vient d’émettre à savoir l’interrégionalité, interviendra pour la fin de l’année.

La transversalité des politiques, même si la loi du 13 août biaise un peu les projets, passe par l’inscription de la filière audiovisuelle dans la politique économique de la Région. C’est chose faite, mais la nature de l’intervention reste à définir en prenant en compte la réalité de l’activité bretonne. Nous connaissons les sociétés, leur situation et les crises rencontrées récemment. Je ne souhaite pas qu’il y ait antagonisme ou rupture avec l’aide culturelle.

Au delà du documentaire, nous lancerons bientôt l’appel à projet pour la création d’un bureau d’accueil des tournages.

La nouvelle convention avec le CNC et la Drac est en préparation.La formation est une compétence régionale, renforcée par la loi du 13 août. Nous devons nous donner

les moyens, par une analyse de l’existant, de savoir comment les formations sont adaptées aux métiers, et aux métiers de demain. Plus globalement, nous ouvrons le chantier de l’emploi culturel.

Il faut également travailler à la valorisation et à la visibilité de l’action régionale.Enfin, je souhaite que nous nous attachions à la diffusion des œuvres auprès du public, au-delà de la

télévision.Et puis une nouvelle équipe va rejoindre nos services, l’audiovisuel correspondra enfin à un temps

plein. Nous procéderons à un nouveau recrutement pour succéder à Joël Daniélou, appelé à de nouvelles responsabilités.

Je suis attentive aux méthodes de travail, aussi j’invite les professionnels de la région à une prochaine rencontre, avant la fin de l’année.

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LA VOIX-OFFle 2 octobre 2004

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La voix-off fait souvent partie de l’écriture documentaire et peut constituer un élément central du dispositif narratif. Fréquemment imposée, la voix-off peut aussi se révéler un atout. Elle est multiple comme il existe une multitude d’approche de mise en scène documentaire.Nous ne jouerons pas le jeu des “pour “et “contre” la voix-off et de ses multiples questionnements :Pourquoi ajouter une voix-off alors que l’image est signifiante ? Préférer celle du comédien, du journaliste ou du réalisateur ? Comment peut-elle servir et enrichir l’image ? Est-ce une facilité ?...Nous voulons simplement ici donner à voir et à entendre quelques voix-off et comprendre leur sens et leur légitimité. C’est pourquoi nous avons demandé à plusieurs professionnels du cinéma documentaire de choisir des films dont ils ont aimé la voix-off. Chacun a été libre de prendre un ou plusieurs extraits de documentaires dans le répertoire classique ou contemporain dont nous découvrirons au cours du débat des extraits.

En illustration de cette table ronde ont été projetés les films suivants

Ma mort dans tous ses états de ROBERTO GARZELLIToute la mémoire du monde de ALAIN RESNAISLa langue ne ment pas de STAN NEUMANN

ainsi que des extraits de :

Pasquine l’impudique de FRANÇOIS LEVY-KUENTZMa mort dans tous ses états de ROBERTO GARZELLILa raison du plus fort de PATRIC JEANLes glaneurs et la glaneuse d’AGNÈS VARDA

INVITÉ(E)S

ESTHER OFFENBERG, productrice à Lapsus Production (Ile-de-France)NATHALIE VERDIER, chargée de programme à Arte France (Ile-de-France)ROBERTO GARZELLI, réalisateur (Italie)FRANÇOIS LEVY-KUENTZ, réalisateur (Ile-de-France)

ANIMATIONFRÉDÉRIC GOLDBRONN, réalisateur

FRÉDÉRIC GOLDBRONN présente la problématique.Nous assistons à un retour de la voix-off, à des fins créatives plutôt qu’à des fins informatives ou

explicatives, comme en témoignent les nombreux documentaires écrits aujourd’hui d’une façon ou d’une autre à la première personne.

Des ateliers de réflexion sur cette question vont se réunir à La Fémis la semaine prochaine, un cycle de films sur ce thème sera présenté au cinéma George Méliès à Montreuil dans le cadre des rencontres du cinéma documentaire, la revue Vertigo va sortir un numéro sur le sujet. Cette table ronde est donc un jalon dans la réflexion.

Pour certains auteurs, la voix-off est constitutive de leur travail. Pour d’autres, elle s’impose ou non selon les projets. Certains y puisent une nouvelle liberté narrative, d’autres la vivent comme une contrainte et parfois comme un sujet de conflit avec les diffuseurs. Quelle est la fonction de la voix-off dans le documentaire ? Est-elle première dans l’élaboration d’un film ou s’impose-t-elle a posteriori ? Qui écrit la voix-off ? Est-ce une voix ou des voix ? Est-elle la voix de l’auteur, d’un acteur ou d’un personnage du film ? Quel mode d’élocution utilise-t-elle ? Comment la voix-off influence-t-elle chaque étape de la fabrication d’un film, l’écriture, le tournage, le montage, ou encore le mixage ? Met-elle en place une dramaturgie, et comment ? Quels sont ses rapports avec les autres éléments sonores du film ?

Comme on le voit, la question de la voix-off en soulève beaucoup d’autres. Pour essayer d’y répondre nous avons proposé à nos invités de présenter des extraits de films utilisant différents types de voix-off.

On peut d’ailleurs se demander si le terme de voix-off est bien approprié. Serge Danet, par exemple, réfutait cette distinction classique entre le « off » et le « in » et proposait de définir la voix comme « in » dès lors qu’elle interférait avec l’image.

À partir des extraits proposés, nous essayerons donc de nous interroger sur les conditions qui permettent

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ou non à la voix-off de cesser justement d’être un élément extérieur, redondant, ou imposant une lecture de l’image, pour devenir une voix « in » au sens de Danet, un élément à part entière du film.

Je passe immédiatement la parole à Esther Offenberg et François Levy-Kuentz autour d’un extrait de Pasquine l’impudique.

ESTHER OFFENBERG, productrice (Ile de France)Pour situer le film, il s’agit d’un documentaire diffusé par France 5 — un ovni de France 5… — un portrait

d’artiste. Je laisse François Levy-Kuentz présenter plus en détail le film et nous reviendrons ensuite sur sa production et le choix du type de voix-off.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZPasquine est un peintre de l’École de Paris, emblématique de l’époque, le début du 20ème siècle à

Montparnasse et Montmartre. Aujourd’hui on ne réalise pas de documentaire sur la peinture sans qu’il soit rattaché à une grande exposition. L’actualité voulait qu’une exposition allait être consacrée à l’École de Paris. Avec Esther Offenberg, nous avons pris le parti de nous intéresser à l’un d’eux, pas très connu, davantage dessinateur que peintre, et dont on n’avait aucune image… Il fallait donc créer un dispositif de narration, pour le faire vivre.

Je vous propose d’en voir immédiatement un extrait.

projection

FRANÇOIS LEVY-KUENTZNous avons voulu donner un aspect fictionnel ou « fictionnalisé » au film. Je pense que souvent les

films d’art sont des films avec des commentaires, mais pas avec des voix. Et le parti pris de choisir Jean-Pierre Kalfon était un parti pris de dynamique par rapport au film. Il ne « dit pas des commentaires ». La narration obéit à une forme de deux voix qui font va-vient, qui se répondent, qui sont dites par le même acteur. Car il est capable de donner un ton lorsque c’est de la narration — c’est d’ailleurs souvent écrit à l’infinitif — et jouer véritablement Pasquine, l’incarner au sens véritable de la couleur de sa voix et, par cela, nous rapprocher du personnage. C’était ce pari là, qui n’était pas évident parce que les chaînes voulaient absolument deux voix au lieu d’une, parce « qu’il faut bien scinder un commentaire d’un homme qui parle ». Et je trouve que la réussite de Jean-Pierre Kalfon était celle-là, cette fragilité toujours en équilibre d’arriver à être le personnage qu’il disait, qu’il ressentait.

ESTHER OFFENBERGCe que j’ai trouvé passionnant dans ce travail, c’est de raconter une œuvre en même temps qu’une vie

sans que ça soit dans l’anecdotique, et tout en se répandant… c’est ce flirt permanent entre trois éléments qui sont la voix — celle, unique, de Jean-Pierre Kalfon — qui passe de l’intérieur à l’extérieur sans que l’on sente le glissement et qui fait que le commentaire n’est pas explicatif bien qu’il donne une dramaturgie et qu’il fasse progresser le récit. Si l’on a recours à la voix-off, c’est bien que l’on a besoin de construire un récit. Dans ce film, le récit a un rapport spécifique à l’image et mêle tous les registres de l’œuvre d’art, de la fiction — traitée ici comme une apparition, comme un personnage qu’on devine, nous sommes dans la subjectivité en permanence — et l’objectivité qui nous est livrée en même temps l’est à travers un texte littéraire élaboré par Stephan LEVY-KUENTZ et François.

D’où la question : quand naît ce texte de la voix-off ? On imagine sa place au départ, on imagine un récit, mais c’est devant l’image qu’elle se compose et qu’elle répond. Il y a eu un petit livre édité ensuite, et Stephan LEVY-KUENTZ a retravaillé le texte parce qu’un bon texte de voix-off ne peut pas exister en dehors du film. Le texte et l’image se nourrissent l’un de l’autre. Et l’on voit dans cet ouvrage le re-travail littéraire pour se passer de l’image. Un bon texte de voix-off est indissociable du film.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZDans le documentaire des années 60, et notamment le documentaire d’art, le commentaire avait

beaucoup d’influence sur le film. Il y a eu une sorte d’engorgement, où la télévision devait être didactique, informative et collait à l’image. Dans les années 80, le cinéma dit « du réel » — je ne sais pas ce que c’est le réel dans la mesure où l’on monte, l’on mixe et l’on trafique l’image — a un peu bousculé les choses, il fallait que ce soit l’image qui parle et l’on n’osait plus le commentaire ni la littérature.

Je crois au contraire que l’on peut être littéraire et cinématographique. Et c’est ce qui nous intéresse avec Stephan LEVY-KUENTZ : garder le meilleur des deux, et de créer l’osmose entre l’écriture, la narration — qui peut être poétique quand le sujet s’y prête — et le film. Pasquine, qui s’exprimait par le trait, écrivait aussi de très belles lettres d’amour. Nous sommes partis des sources de la documentation, et sommes tombés sur une masse de lettres d’amour à une femme avec qui il avait une vie difficile ; nous avons voulu construire ce film à partir de lettres. Il y a donc la vraie voix de Pasquine, ses pensées, et puis

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des textes de liaison qui articulent et véhiculent une petite histoire à l’intérieur d’une grande Histoire, celle des trentes premières années de Montmartre et Montparnasse au début du siècle.

FRÉDÉRIC GOLDBRONNNous nous retrouvons donc au départ devant un cas classique : un personnage disparu ne laisse

comme solution que de recourir à une voix-off. Et si justement cette voix-off n’est pas classiquement didactique, c’est aussi parce qu’elle est la voix de Pasquine lui-même. C’est à la fois une voix qui dit « je », « tu » lorsqu’il s’agit de l’être, et qui parle en même temps de Pasquine. Le fait que toutes ces voix soient réunies en une seule fait que la voix s’intègre au film et devient un élément narratif.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZEt même par moment, lorsqu’il s’agit du commentaire, on peut croire que c’est Pasquine… C’est cela

le mélange, puisque c’est de l’infinitif. Rien n’est scindé, il n’y a pas deux voix et deux timbres, il y a un style qui fusionne…

FRÉDÉRIC GOLDBRONNEt qui se rapproche d’ailleurs d’un certain mode d’écriture littéraire, où l’on passe d’un mode dialogué à

un mode descriptif ou de récit dans une certaine fluidité et continuité.

Dans la salle,BÉNÉDICTE PAGNOT, réalisatrice (Bretagne)C’est vraiment un exemple extrêmement intéressant qui montre à quel point on peut faire preuve de

créativité avec le commentaire, et tout en remplissant finalement un cahier des charges de connaissances — le film permet de découvrir une œuvre, un personnage — tout en se permettant la liberté. Ce documentaire, qui pourrait être considéré comme « classique », est donc très inventif.

FRÉDÉRIC GOLDBRONNCet exemple nous confrontait à un personnage disparu, dont un acteur incarnait la voix. Nous allons

voir maintenant un extrait d’un documentaire avec la voix d’un auteur qui parle de sa disparition à venir… Nathalie Verdier vous présente Ma mort dans tous ses états de Roberto Garzelli, également présent.

NATHALIE VERDIER, chargée de programme à Arte FranceIl s’agit d’un documentaire diffusé il y a près d’un an dans une soirée thématique autour de la mort. C’est

un film qui aborde la question de l’angoisse de la mort, et plus particulièrement de ce que devient le corps mort dans la société. Il s’agit donc d’un vrai tabou…

Ce que je trouve intéressant dans ce documentaire, c’est le dispositif qu’a proposé le réalisateur Roberto Garzelli en choisissant de prendre en charge — à travers lui-même et un personnage qu’il a construit à partir de lui-même — une sorte d’enquête…

Projection

NATHALIE VERDIERNous avons reçu un projet extrêmement développé, presque un scénario. D’une certaine façon, le

commentaire et surtout le personnage — construit et pensé par Roberto — était absolument essentiel à la construction du film. D’une part il s’agissait d’une incarnation, en même temps il s’agissait d’un élément de fiction qui permettait d’interroger la réalité, mais en plus il incarnait à travers sa personne propre des interrogations complètement contemporaines : il se mettait dans la position dans laquelle une grande partie d’entre nous sommes aujourd’hui par rapport à la mort… c’est-à-dire que ce n’est plus la communauté ou la société qui prend en charge lorsqu’il y a un mort, mais l’on se retrouve en position de choisir.

ROBERTO GARZELLIPourquoi ai-je voulu faire ce film ? Je souhaitais parler de la mort d’un point de vue concret, c’est-à-dire

ce que l’on n’ose pas aborder. Ce sont des questions que l’on peut se poser. Vous avez vu ici le début du film, au fur et à mesure on aborde la question du devenir du corps : inhumation, crémation, etc. Je ne voulais pas aborder la question religieuse, ni philosophique car je préférais que cette dernière soit sous-jacente et arrive comme une quête. Cela démarre comme une enquête, et finit comme une vraie quête… J’ai écrit un projet, en connaissant la difficulté du thème, avec une voix-off qui n’est pas celle que vous avez entendue. C’était une voix-off où je permettais des inventions, je ne voulais pas aller au bout de l’enquête à ce stade mais je me devais d’être convaincant dans mon projet. Je devais donner l’impression de savoir où j’allais, alors que je n’en savais pas beaucoup.

J’avais toutefois quelques idées précises : mes interventions devaient être off. Je ne voulais pas être

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omniprésent et squatter l’écran, le cadrage faisait que j’étais déjà off. Ma voix était déjà off. On imagine, au fur et à mesure que je pose les questions, mes réactions. Une intimité se crée avec le spectateur qui devance presque mes réactions. Il fallait peut-être que l’on me voit au tout début via un montage de photos et un travelling où l’on me voit marcher et que j’ai souhaité accéléré. Je voulais ainsi donner le ton, sérieux et autodérision.

Et puis, lors du montage, nous avons ressenti le besoin de mettre la voix-off. Pas uniquement pour des questions d’articulation, mais aussi pour des questions de présence humaine car en avançant, le sujet devient dur… Il fallait donc m’entendre, quel que soit le propos.

Lors d’une projection, j’étais excédé de m’entendre et j’ai coupé le son de la voix-off… je me suis pris le film « en pleine figure » ! Il se trouvait défiguré et devenait une sorte de mauvais film scientifique sans rigueur !

NATHALIE VERDIERNous nous sommes rendus compte que nous avions besoin de ce personnage — le film était conçu

comme cela — qui amenait la gravité, l’humour, et toutes les nuances, surtout un point de vue.

ROBERTO GARZELLIJ’étais devenu un personnage malgré moi…

NATHALIE VERDIERAu fond, il y avait un personnage de fiction qui devenait presque autonome. On réfléchissait en disant

que le personnage devrait dire ou penser cela à tel moment, ce n’était plus Roberto mais il prenait une existence…

ROBERTO GARZELLIJ’ai toujours eu du mal avec cette schizophrénie entre moi et le personnage… Mais beaucoup de choses

se passent en direct, pas dans la voix-off.La question est en fait celle-là, au delà des débats théoriques : l’idée du film conduit-elle vers la voix-off ?

Lorsque l’idée de départ est la bonne…

FRÉDÉRIC GOLDBRONNJe trouve intéressant le rapport entre ta voix « off » et ta présence « in » ; on voit bien là que la voix-off,

dès qu’elle acquière une vraie puissance narrative, joue beaucoup sur la présence et l’absence. Par rapport à ton sujet, elle est complètement juste puisque que tu es à la fois là et que tu te projettes dans la mort. C’est un peu ton fantôme ? Je trouve cela très beau.

ROBERTO GARZELLISurtout qu’à la fin du film, je ne suis plus du tout à l’écran alors que ma voix-off subsiste. Je m’éclipse

en douceur, comme un passeur.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZJ’ai très envie de voir la suite, cela est très frustrant… Mais sans voix-off, il n’y a pas de film au début

finalement ! Car ça part d’un point d’interrogation, d’une question que tu te poses ?

ROBERTO GARZELLIOui, je pensais au tout début en mettre une et puis… Encore une fois, cette voix-off a été ce qu’il y a

de plus dur à écrire pour moi… j’avais une sorte de blocage. Après deux versions, j’ai écrite celle-ci une semaine avant le mixage ! Après avoir retardé maintes et maintes fois le moment.J’avais aussi l’impression qu’il fallait d’entrée jouer carte sur table. Je ne voulais pas un film lugubre, je voulais prendre les gens par la main. On peut avoir une grande conscience de la mort — c’est mon cas — et jouer de l’autodérision.

ESTHER OFFENBERGJ’ai beaucoup aimé cette manière d’entrer dans le film. C’est à partir de ta propre interrogation, ton

effacement progressif est aussi une manière de nous approprier le sujet, pour nous amener parfois jusqu’au rire.

ROBERTO GarzelliCe film, est le cas typique d’un film qu’on ne peut faire qu’en DV parce que ça ne coûte pas cher. Ce qui

m’intéressait était de rencontrer les personnes dont c’est le métier, aucun rôle n’est joué. Dans le domaine de la mort, chacun d’entre eux se protège. Et plus on monte dans la hiérarchie, plus ce sont des gens qui font de la communication sans connaître grand chose, avec un manque de naturel issu de stages en

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communication !J’ai donc accordé de longs moments d’entretien avec toutes les personnes rencontrées, en filmant dans

la chronologie, et en suivant mon intuition.

NATHALIE VERDIERN’oublions pas que ces métiers sont rarement interrogés d’une façon précise et concrète, hors le temps

de deuil. Tout d’un coup, ces personnes ne maîtrisant pas forcément le discours provoquent des moments extrêmement étonnants, et qui provoquent le rire.

Tu as aussi pu jouer du dispositif — toi et ton personnage — qui a permis ce mélange de registres, avoir une idée un peu préconçue de ce que tu voulais et être ouvert à tous les accidents.

FRÉDÉRIC GOLDBRONNNathalie Verdier voulait également présenter une autre voix d’un auteur, mais qui a une fonction

extrêmement différente de la précédente.

NATHALIE VERDIERIl s’agit d’un film que je n’ai pas produit, mais sa productrice n’est autre qu’Esther Offenberg avec l’unité

documentaire d’Arte France. Ce film, La raison du plus fort de Patric Jean, ne dit pas « je » mais « nous ». Ce documentaire d’un jeune réalisateur est un film militant, à texte, un manifeste, audacieux.

Projection

ESTHER OFFENBERGC’est un film de voyage, avec un continuum de récit. Le réalisateur belge part et fait un constat depuis

la Belgique, en passant par de nombreuses villes en France. À chaque ville, une situation permet d’exposer les aspects de l’exclusion.

Les personnages sont des silhouettes, le réalisateur n’apparaît jamais. Son rôle est de nous inclure dans cette responsabilité citoyenne.

NATHALIE VERDIERCe film a été réalisé en 2002, il tranchait parmi les films « du réel ». Il apportait un vrai point de vue,

lorsque d’autres posaient simplement leur caméra dans des lieux sociaux. Ce faisant, il s’inscrivait dans une tradition plus ancienne, plus politique du documentaire.

ROBERTO GARZELLIOui, c’est un film militant, réquisitoire.Aujourd’hui, on laisse davantage le spectateur libre de se faire son opinion, plutôt que donner son propre

point de vue via la voix-off.

FRÉDÉRIC GOLDBRONNSur cette voix introductive, je suis moins enthousiasmé… Peut-être l’emploi du « nous » : « qu’avons-

nous fait pour en arriver là… »Moi, je ne m’intègre pas dans ce nous… je n’ai rien fait pour qu’on en arrive là… Je me suis battu toute

ma vie pour qu’on en n’arrive pas là et je continuerai. Je n’ai pas envie qu’on me culpabilise comme cela, c’est une position que je ne trouve pas très juste. La voix de la télévision, peut-être ?

ESTHER OFFENBERGJ’ai respecté l’engagement du réalisateur, cela faisait partie de son travail, colossal. Pour lui, cette volonté

de dénoncer en faisait partie intégrante. Les films d’opinion ont disparu. Je trouvais ça assez sain que d’avoir un tel film, hors norme. Cette voix fait partie de ce moment de voyage où il avait envie de crier…

ROBERTO GARZELLIC’est un « nous » de colère. Il se culpabilise aussi lui-même.

FRÉDÉRIC GOLDBRONNOui, c’est un cri de colère, et c’est un cri extrêment fort, mais je trouve cela un peu redondant.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZC’est juste embêtant pour les gens un peu sensible, qui se prenne ça un peu brutalement…

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ESTHER OFFENBERGEn effet, le début du film est assez dur. Tout est en off, et cela s’apparente à un coup de poing.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZC’est Dieu qui parle…

ESTHER OFFENBERGNon, car les personnages sont inclus dans la voix-off. Et des situations réelles ont été difficiles à filmer,

notamment de la justice et de la banalisation de l’exclusion par cette dernière. Le film donne une image très forte de cette implication.

ROBERTO GARZELLIPourquoi cette lecture des tags ? Pourquoi nous prendre par la main, alors que nous pouvons les lire

nous-même ?

FRÉDÉRIC GOLDBRONNPeut-être pourrions-nous passer la parole à la salle, pour sortir du commentaire de chaque extrait ?

Dans la salle,La question de la musique n’est pas abordée. Dans le premier film, comme une strate, une autre couche,

la musique est présente. Pareil pour le film de Patric Jean, le fonds sonore se superpose à la voix. Le second film commence avec de la musique qui disparaît ensuite…

Comment choisissez-vous les musiques ?Seconde question à Roberto, sur la question du scénario. La première version devait convaincre vos

interlocuteurs. Mais comment peut-on décider de financer un film sur la base d’un texte qui sera peut-être très éloigné de la première version ? Nous nous éloignons un peu de la problématique de la table ronde, mais il y a là une vraie question.

ROBERTO GARZELLIPour chaque sujet, il y a une écriture. Je devais passer par ce type de scénario pour convaincre, pour

donner envie. Sans cela, au vu du sujet, j’avais l’intuition que ça ne passerait pas.J’avais repéré les personnages, mais rien n’est tout à fait prévisible.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZCela paraît évident, nous sommes ici dans un « work in progress ». Il n’y a pas eu de casting des

personnages, le tournage est au gré de ce qui arrive. Donc le film évolue jusqu’au dernier jour de montage. Le scénario est un postulat de départ.

Chacun les fait comme il veut, et comme il peut.Pour répondre à la question de la musique, bien entendu, elle est capitale car elle donne la couleur au

même titre que le choix de la voix — elle aussi une musique. Lorsqu’on a la chance de travailler au montage avec la voix définitive dans l’oreille, on l’utilise comme une partition et l’on ressent des choses, on recherche des couleurs,… on parle de sentiment. Les choses se font de manière inconsciente et intuitive.

ESTHER OFFENBERGC’est vrai que la musique et la voix se répondent, surtout dans les films de peinture, car on a besoin de

laisser l’œil regarder. La musique soutient le regard et joue avec la voix du narrateur.

FRÉDÉRIC GOLDBRONNNous allons passer à l’extrait suivant, Les glaneurs et la glaneuse d’Agnès Varda que Roberto souhaitait

présenter.

ROBERTO GARZELLICette voix-off incarne pour moi l’idée de la liberté : liberté narrative, liberté de ton dans la voix d’Agnès

Varda. Elle nous apprend beaucoup, et donne conscience de tout ce que l’on peut faire en narration avec la voix-off. Le film ne serait pas le même sans la voix-off.

Projection

ROBERTO GARZELLITout de suite, Agnès Varda introduit une touche de subjectivité. Nous sommes avec elle et elle nous

avertit que nous allons passer par son regard. On n’a pas le choix, on la suit. Elle nous captive, nous prend

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et nous emmène.Un épisode est intéressant, lorsqu’elle aborde son retour du Japon… Elle nous ramène vers le passé tout

en restant dans le présent. On n’a pas le sentiment qu’elle soit allée au Japon pendant le film. Elle rentre chez elle, retrouve le chat et le courrier… digresse sur divers sujets, puis revient au sujet du film à travers les objets glanés au Japon. Elle filme sa main, âgée, sans tristesse, les peintures de Rembrandt, et introduit au portrait.Les enchaînements sont remarquables, dans la pure subjectivité. C’est un film d’Agnès Varda, à un certain âge de sa vie. Toute la force de la voix-off se révèle ici, je suis hypnotisé. Elle nous parle en direct…

FRÉDÉRIC GOLDBRONNPour Agnès Varda, glaner c’est regarder le monde, et se regarder dans le monde. Bien sûr, elle parle

— avec ces moisissures — du temps et de la dégradation, donc de la mort au travail, elle parle en même temps de la résistance au temps, de la résistance à la mort, c’est-à-dire de l’art et bien sûr de la peinture. Elle se constitue elle-même en peinture…

ROBERTO GarzelliLa vieillesse n’est pas morbide chez elle, c’est un constat. C’est plutôt la perspective de la mort qui

l’interroge.Agnès Varda parle de cinécriture, et utilise cette voix-off.

MIRABELLE FRÉVILLE, directrice artistiqueIl est intéressant de remarquer le côté ludique de la voix-off, et se met en scène et se crée un personnage

dans son film. Elle n’est pas forcément Agnès Varda, elle est une personne âgée. J’aimerais poser cette question, lorsque la voix-off intervient dans l’image et interpelle ?

ROBERTO GARZELLIJe disais tout à l’heure que c’est une voix-off subjective, et j’aime ça.

NATHALIE VERDIERDans ce cas, Agnès Varda qui conduit le film, avec connivence. Tu poses la question du commentaire a

posteriori, jamais très loin de la manipulation. Ca peut être assez insupportable.Dans La trace vermillon Delphine de Blic filme un documentaire personnel sur la relation avec sa mère.

Sa voix-off vient parfois couvrir celle de sa mère, après le film donc. Mais cela a du sens, celui du reproche, dit après. Il n’y a pas là manipulation, Elle assume alors ce film règlement de compte, le met en scène, et reprend le pouvoir en faisant un film sur sa mère.

FRANÇOIS LEVY-KUENTZJ’aimerais rebondir sur l’idée de pouvoir. Agnès Varda prend le pouvoir du film, et le texte est en avance

sur l’image. Je pense à certains journalistes de Canal + qui aborde en force les hommes politiques avec des convictions déjà établies.

Il y a donc cette idée « je vous emporte, vous m’appartenez »…

ROBERTO GARZELLIC’est la subjectivité, un film est une œuvre personnelle. C’est vrai qu’elle nous conduit, mais sans nous

forcer. Elle nous invite à ce voyage avec elle, avec générosité.

ESTHER OFFENBERGC’est une manipulation, comme tout montage, mais généreuse.

BRIGITTE CHEVET, réalisatriceNous avons vu là des films magnifiques, passionnants, où les voix-off jouent tout leur rôle. Mais nous

aurions pu montrer l’exemple inverse… car le problème que je me pose ne concerne pas ces films d’auteurs avec un univers, mais plutôt dans un documentaire « entre deux » qui emprunte un peu au discours journalistique. Comment racontons-nous l’histoire ?

FRANÇOIS LEVY-KUENTZUne voix est aussi faite de son et de silence, on pourrait aussi parler du silence, et de la liberté du

spectateur de rêver sur ces silences dans une bande son.

NATHALIE VERDIERIl faut revenir à cette question sous-jacente. C’est évident qu’il y a un usage redondant, abusif et

envahissant du commentaire, très répandu à la télévision parce qu’il facilite l’audience, etc.

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Il ne faut pas opposer ces deux voix-off. On peut injecter de la créativité pour atténuer les frontières.

ROBERTO GARZELLISi la voix-off est uniquement là pour suppléer l’information, c’est une béquille narrative selon moi.

ESTHER OFFENBERGLa voix qui donne des informations peut aussi créer une dramaturgie et un suspens, voire un tempo de

montage, selon le genre de documentaire. Pensons à William Karel, par exemple.

ARIEL NATHAN, réalisateurOn peut se trouver dans une situation douloureuse, où le diffuseur sollicite un commentaire. Nous

sommes alors désemparés, le film est-il loupé ou l’horaire de diffusion nécessite-t-il de capter le spectateur tout de suite ?...

Et puis il se pose la question du choix de la voix… C’est un travail passionnant. Par manque de moyens et de réflexion, on passe à côté.

Je pense à La plage de Belfast d’Henri-François Imbert, dont la voix caractéristique est un élément moteur de la narration, de sa poésie. Je pense également à Claudio Pazienza.

Je ne crois pas non plus à cette frontière entre deux genres. Il faut plutôt réfléchir à la place des voix dans les formes de récit : voyage, pamphlet, poésie…

FRÉDÉRIC GOLDBRONN remercie les intervenants.

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LA DIFFUSION EN VIDÉO DU DOCUMENTAIREEN SALLE DECINÉMAle 30 septembre 2004

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Alors que le documentaire tourné ou kinescopé en 35 mm a su trouver sa place sur les écrans des salles de cinéma, son homologue en vidéo peine à faire son entrée.Les Sucriers de Colleville, tourné avec une petite caméra numérique, est un des premiers documentaires à sortir en salle en vidéo, en avril 2004. Un choix économique et une volonté d’indépendance ont guidé ses deux producteurs, Juliette Guigon et Patrick Winocour, et sa réalisatrice Ariane Doublet. Les salles de cinéma équipées pour de la projection vidéo sont encore rares en France. Soutenu lors de sa sortie par le GNCR et l’ACOR, le film n’a pu compter que sur un réseau de 6 salles équipées dans l’Ouest (sur les 28 lieux adhérents de l’ACOR).Deux semaines plus tard, une coopérative de diffusion autonome, Co-errances, distribue en salle Pas assez de volume de Vincent Glenn, sur support vidéo. Là encore, des raisons militantes et économiques (en cohérence avec la logique économique de sa production, c’est à dire légère) motivent ce choix. Ces expériences jugées originales en France sont monnaie courante dans certains cinémas des Pays Bas depuis la création de DocuZone : ce réseau européen regroupe plusieurs salles de cinéma dans une dizaine de pays d’Europe, et va diffuser chaque mois en numérique des documentaires. Alors que diverses initiatives ont permis au documentaire de trouver un public hors du petit écran en projetant dans les médiathèques, cafés, maisons de quartier..., qu’en est-il des salles de cinéma ? Sont-elles prêtes à s’équiper ? Le documentaire en serait-il une des raisons ? Imaginent-elles la même vie qu’un documentaire projeté en argentique ? Et qu’en pensent les producteurs et les distributeurs qui ont déjà tenté l’expérience?

INVITÉSCATHERINE BAILHACHE, déléguée générale d’ACOR (Pays-de-la-Loire)NOÉMIE MENDELLE, fondatrice de DocSpace, représentant European DocuZone en ÉcosseJEAN-JACQUES RUE, représentant du réseau Co-Errance (Ile-de-France)PATRICK WINOCOUR, producteur à Quark Production (Ile-de-France)

ANIMATIONBÉATRICE DUPONT, exploitante, Cinéma Iris à Questembert (Bretagne)

BÉATRICE DUPONT introduit l’objet de cette table ronde et présente les invités.Pourquoi et comment envisage-t-on de diffuser des documentaires en vidéo en salle ?

PATRICK WINOCOURDeux raisons principales amènent à envisager la diffusion du documentaire en salle de cinéma.Tout d’abord, on a le sentiment que le statut des réalisateurs et des œuvres est incomparablement

défendu lors d’une exploitation en salle, comparativement au réseau de la télévision où les films sont noyés dans un flux de programmes. La télévision ne sait pas ce qu’est un auteur. Il n’y existe donc pas de lieu qui permette de la reconnaissance de ce travail.

Ensuite, une raison financière intervient. Soit l’on parle d’une diffusion exclusivement en salle, ce qui est assez rare, indépendamment des circuits de la télévision ; soit l’on distingue d’une exploitation secondaire d’un film qui a déjà trouvé son financement dans le circuit de la télévision. Je vous propose de ne parler que du premier cas : un documentaire diffusé en salle, financé par les circuits du cinéma, Les Sucriers de Colleville d’Ariane Doublet.

Son plan de financement fait intervenir le fonds de soutien de la société, issu du précédent film de la réalisatrice, puis une avance sur recettes après réalisation. Il s’agit donc d’une œuvre de cinéma, indépendamment du support, au sens réglementaire du CNC. Il y avait, dès l’origine, le projet de sortir ce film en salle.

Mais un petit détour s’impose, car il n’est pas tout à fait vrai que cette intention était présente dès l’origine… Il y eut une période un peu « molle » pendant laquelle nous envisagions d’en faire un film de télévision, car nous avons toujours été réservés sur ses possibilités d’exploitation en salle. En effet, le sujet du film n’est pas extrêmement réjouissant : des ouvriers résignés devant faire face à la fermeture d’une usine, sans conflit. Or, nous connaissions des projets de films en cours sur des thématiques proches et les cases de télévision susceptibles de les accueillir. Il n’y avait pas vraiment de place pour lui, aussi nous avons décidé de nous tourner vers un financement de cinéma et une diffusion en salle.

Cette sortie en salle de Les Sucriers de Colleville, le troisième film d’Ariane Doublet que nous produisons, doit nécessairement s’accompagner d’une communication ad hoc. Il nous faut « faire du bruit autour » :

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attachée de presse, projections et dossiers de presse, affiche, bande-annonce, etc. Et cette campagne représente entre 40 et 50 000 €, sans laquelle le réseau ne se mobilise pas. Avec cet investissement somme toute peu élevé — pour peu que le film sorte dans une semaine calme, et plaise aux critiques ! — nous avons pu obtenir une couverture presse phénoménale…

Le kinéscopage en 35 mm se rajoute au compte d’exploitation du film pour près de 40 000 € de plus.Lorsque le distributeur et le producteur récupèrent environ 2 € par entrée, le poids mort du film s’élève

donc à 40 000 spectateurs. Et nous pensions que le film ne les ferait pas, parce qu’il n’est pas suffisamment « militant ». Nous avons donc décidé de ne pas tirer de copie 35 mm, tout en sachant de manière lucide que cela briderait l’exploitation du film.

À ce jour, Les Sucriers de Colleville a attiré 8 500 spectateurs environ ; ce chiffre devrait être porté à 10 000 avec le Mois du Film Documentaire en novembre. Ce score n’est pas déshonorant, pas totalement disproportionné par rapport à une exploitation avec des copies 35 mm. Mais nous ne pouvons pas deviner ce qu’aurait été sa vie dans ce format, hormis quelques regrets de certains exploitants de ne pas disposer d’une copie 35 mm.

Ariane Doublet a tourné en DV. De nombreuses scènes se déroulent dans l’usine, en plans serrés,… Son exploitation en DV ou en copie BETA (avec beaucoup de perte malheureusement…) ne porte pas atteinte à la qualité artistique de l’objet.

Avec 10 000 spectateurs, nous subissons une perte sur la sortie commerciale aux environs de 12 à 13 000 €, mais il nous reste les droits de diffusion à la télévision et il semblerait que ce film puisse avoir une longue vie. Il s’agissait donc d’une stratégie de production, après analyse de nos moyens. Et nous recommencerions de la même manière. Car notre objectif est de produire des auteurs, de permettre que le public voit aussi leur travail en salle de cinéma.

BÉATRICE DUPONTLe prochain film d’Ariane Doublet sera-t-il également diffusé en salle ?

PATRICK WINOCOURNous préparons actuellement son nouveau documentaire, financé par Arte, qui nous permet de gagner

convenablement notre vie. De manière générale, l’essentiel du financement du documentaire se situe en télévision. Il est alors possible que le film ait une deuxième vie en salle de cinéma, et dans d’autres réseaux de diffusion, que nous considérons aujourd’hui comme sous-exploités. Ainsi, à moyen terme, nous réfléchissons à l’embauche d’une personne chargée de prospecter et proposer nos films pour cette seconde vie. Aujourd’hui, notre catalogue ne compte que 40 titres ; mais chaque soir, il nous faut poster des « charrettes » de cassettes pour les festivals ou autres manifestations !

BRIGITTE CHEVET, réalisatrice (Bretagne)L’intérêt de la diffusion en salle paraît évident. Rencontrer un public, anonyme pour la diffusion à la

télévision, permet au réalisateur d’assurer le « service après-vente » c’est-à-dire le débat. Nous recréons peut-être là le lien social que la télévision a détruit. Les deux formes de diffusion sont complémentaires.

BÉATRICE DUPONTL’expérience de Les Sucriers de Colleville suscite-t-elle l’ambition d’autres réalisateurs pour une

exploitation en salle ?

PATRICK WINOCOURLorsqu’un réalisateur pousse la porte de notre société, il ne peut qu’être intéressé par l’exploitation en

salle de son film : la reconnaissance et la qualité de relation avec le public sont incomparables. En effet, les deux formes de diffusion sont complémentaires, et il ne faut pas rejeter l’un au profit de l’autre. Une audience minable sur une chaîne de télévision peut tout de même représenter 1 à 2 millions de téléspectateurs… Certes, le lien social n’est pas le même. Mais avec de nombreux films diffusés engageant tout de même certaines idées de citoyenneté, la télévision reste encore un vecteur important.

Le rapport avec le public en salle, et la pertinence des débats (hormis la sempiternelle question du nombre d’heures de rushes !), prouvent qu’il s’agit d’une expérience nécessaire pour chaque réalisateur.

Mais tous les films ne peuvent affronter la sortie en salle dans de bonnes conditions : sans doute faut-il que le documentaire réaffirme des valeurs communes ou soit raccroché à un récit fondateur, mythique, faisant écho à des convictions déjà existantes chez le spectateur… Le succès d’Etre et avoir est caricatural sur ce plan, les succès de Michael Moore relèvent d’une autre explication… Mais il y a peu d’exemples de très grands succès de documentaires en salles qui ne soient pas dans cette réaffirmation de valeurs communes.

De bons documentaires en salle tels Histoire d’un secret (de Mariana OTERO) ou Arbre font 40 ou 50 000 spectateurs, il est difficile de passer la barre.

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ANNE ALIX, réalisatrice (P.A.C.A.)Je discute beaucoup en ce moment avec des réalisateurs de Marseille qui ont signé des documentaires

avec des chaînes reconnues et se retrouvent face au formatage du documentaire (52 minutes). La salle de cinéma apparaît alors comme un espace permettant aux réalisateurs de proposer des formes et des durées différentes…

PATRICK WINOCOURJe ne suis pas tout à fait d’accord avec cela. Il est vrai que le formatage est une bataille. Le problème est

que la télévision est en train de chasser le documentaire dans un nombre de case limité, mais où l’on peut tout de même mener des combats intéressants. Nous ne pouvons adopter une vision binaire de la méchante télévision et le magnifique espace libre de la salle. Car une véritable sortie en salle, et non l’expérience marginale de diffusion, engage de nombreux risques et ne constitue pas un modèle économique.

BÉATRICE DUPONTJe vous propose d’aborder rapidement la question de l’équipement vidéo des salles, et les autres points

techniques ?

ARIEL NATHAN, réalisateur, et animateur de Comptoir du Doc (Bretagne)Je souhaiterais rebondir sur Les Sucriers de Colleville, et j’ai trouvé intéressant que vous preniez le risque

de diffuser en vidéo à partir d’un film tournée en DV. En termes de qualité de projection, et de confort du spectateur, a-t-on un gain réellement appréciable du kinéscopage de DV par rapport à une bonne projection vidéo ? Nous devons également tenir compte de la nature intimiste du film… Cette dépense de 40 000 € est-elle justifiée en dehors des règles propres du CNC sur la distribution en 35 mm?

PATRICK WINOCOURJe suis sans doute le dernier à qui l’on doive poser la question car un producteur voit souvent les films en

sortie d’Avid, et rarement la version définitive, après avoir visionné douze versions !... Mais le kinéscopage — par son étalonnage — adoucit les images pour peu que l’on ait prévu cette étape dès le réglage de caméra au tournage. La vraie question reste sur l’équipement de l’exploitant. Nous avons même été amené à réaliser du conseil technique, sur le choix du projecteur… Mais la puissance du film n’est pas là.

CATHERINE BAILHACHEJ’ai récemment assisté, en compagnie d’une exploitante de salle très bien équipée en vidéo, à la

projection en 35 mm de Mur de Suzanne Bitton, tourné en vidéo. Cette responsable de salle s’apprête à refuser la copie 35 mm du distributeur au profit d’une version vidéo. Cette affirmation d’une démarche peut être exemplaire.

ARIEL NATHAN,Avec Comptoir du Doc, dans le cadre de collaborations avec des salles de cinéma, nous rencontrons

assez souvent la nécessité d’accompagner techniquement l’exploitant dans cette évolution, après avoir démontré les possibilités de la vidéo. Mais il nous faut également accompagner les auteurs, intéresser le réseau de cet exploitant, pour ouvrir le dialogue.

Je souhaite donc que nous abordions cette question de l’accompagnement du documentaire en salle. Car nous ne diffuserons pas simplement le documentaire de la même façon que la distribution classique. Proposer le film supporté par une campagne de presse n’est pas gage de succès.

Jean-Jacques RUE, représentant du réseau Co-ErrancesJ’atteste de cette constatation : les exploitants sont souvent désemparés face à la projection vidéo,

même lorsqu’ils sont de bonne volonté. Nous distribuons Pas assez de volume, notes sur l’OMC de Vincent Glenn en vidéo, et nous avons rencontré tous les cas de figure.

BÉATRICE DUPONTDécouvrons maintenant l’expérience de l’Écosse en matière de diffusion vidéo en salle.

NOÉMIE MENDELLE, représentant de DocSpace, membre de European DocuZone.L’objectif de Docspace, créé par la cinéaste Amy Hardie, est de présenter davantage de longs-métrages

documentaires en salles en Écosse. Pour atteindre cet objectif, Amy Hardie a interviewé un bon nombre de personnalités internationales de l’univers du documentaire et a dirigé une recherche d’auditoire en Écosse qui a mené à la publication du rapport «Docspace, a fresh look at audiences and screening». Ce rapport a permis d’obtenir l’appui de l’industrie de l’audiovisuel, particulièrement en Écosse, pour la création d’un

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réseau numérique de diffusion de documentaires internationaux. Docspace est devenu un partenaire majeur du réseau européen Docuzone - un réseau numérique de 255 écrans dans 98 pays. Docspace est l’organisme qui a dirigé la recherche sur le potentiel d’auditoires en distribution numérique de Docuzone. Docspace a pu se développer avec le partenariat du Scottish Screen et du Scottish Documentary Institute at the Edinburgh College of Art.

Une centaine de cinémas sont équipés aujourd’hui. Nous commençons la diffusion en novembre.Les programmations sont faites par pays. DocSpace prend en charge la programmation pour le

Royaume-Uni. Ainsi le même documentaire va être diffusé dans les salles qui travaillent avec nous sur ce territoire. Au niveau européen, une fois par mois le même documentaire est programmé par European DocuZone dans les 250 salles européennes membres du réseau.

Pour la France, CinéNova vient à peine de joindre European DocuZone. Avant elle, la Belgique, par exemple, souhaitait accueillir la programmation mais n’était pas intéressée par l’équipement de projection.

European DocuZone prévoit les outils de communication et de marketing. Les projecteurs numériques seront identiques pour chaque pays, et les diffusions seront simultanées (par satellite) prévoyant une visio-conférence avec le réalisateur.

JEAN-JACQUES RUEIl nous faut alors débattre des enjeux et des risques de la diffusion numérique simultanée en salle, projet

de majors, excluant les logiques locales de programmation, les choix individuels de distribution sur les différents territoires, et offrant une autoroute.

BÉATRICE DUPONTLa capacité d’investissement réduite des salles associatives indépendantes va concentrer le parc de tels

projecteurs dans les multiplexes, entraînant également une réduction de la vie des films, une réduction du nombre de copies 35 mm et une inégalité d’accès à la distribution.

BRIGITTE CHEVETQuelle est la place pour la présence du réalisateur et du débat ?

NOÉMIE MENDELLEL’idée de DocSpace est bien de ramener les producteurs et réalisateurs dans les salles, ou bien amener

un débat lié au sujet du film, réintégrant ainsi le cinéma dans la communauté. On pourrait ainsi parler, après le « e-cinéma » de « c-cinéma » avec un « c » pour culture, communauté,… Car notre expérience montre que cette présence facilite la venue des spectateurs en salle pour du documentaire.

DANS LA SALLE,Peut-on cloner les réalisateurs dans ce système ? Plus sérieusement, quel est l’intérêt de la présence du

réalisateur par visio-conférence ?

NOÉMIE MENDELLEL’intérêt est bien évidemment de multiplier les paroles du débat, du Royaume-Unie à la Slovaquie, des

Pays-Bas à l’Espagne. Pour information, tous les films vont être sous-titrés dans la langue nationale, grâce à une aide européenne.

CATHERINE BAILHACHEComme un DVD ! Tu choisis la version française ou anglaise… mais dans une salle de cinéma.

BÉATRICE DUPONTL’exploitant peut toutefois rencontrer un problème de programmation si la date de diffusion simultanée

est impérative, au regard d’autres distributeurs qui pourraient ne pas comprendre ce privilège.

NOÉMIE MENDELLEChaque pays a des méthodes et des réseaux de travail différents.

CHRISTINE GAUTIER, monteuse (Bretagne)Le Monde a fait paraître un article dressant un bilan, il y a deux ans, sur le cinéma numérique aux Etats-

Unis, où les salles s’équipent en projecteur utilisant un support numérique. Est-ce que ce phénomène se met également en place en France ?

Par ailleurs, la diffusion en salle de documentaires, telle qu’envisagée par Docuzone, a-t-elle des conséquences sur la production des films ?

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NOÉMIE MENDELLEEn termes de production, je pense que cette diffusion donne une liberté de plus au réalisateur par

rapport aux cadres normés de la télévision. Concernant le financement, au Royaume-Uni, la présence d’un distributeur est aussi importante que le soutien d’un diffuseur, et permet de débloquer certaines aides. Peut-être aussi les diffuseurs perdront un peu de leur hégémonie et reviendront sur leur attitude ?

MIRABELLE FRÉVILLE, directrice artistique de Doc’Ouest (Bretagne)Concernant le catalogue documentaire de Cinénova, relais français de DocuZone, nous avons été invités

à visiter leur site internet qui comporte assez peu, en fait, de documentaires pour l’instant, et tous distribués en vidéo. Nous avons ensuite interrogé l’organisme sur sa ligne éditoriale, et nous n’avons pas vraiment obtenu de réponse…

EVELYNE WICKY, programmatrice (Bretagne)La présence virtuelle du réalisateur ne peut suffire pour un réel débat ! C’est le rôle de la télévision… La

salle de cinéma a besoin de la présence physique, et du contact.

CATHERINE BAILHACHEJ’attendais cette réaction d’un membre d’ACOR. Nous sommes un réseau de 28 lieux « art & essai » et

« recherche », assez ancien, dans des villes de taille moyenne sur 7 régions. Et aucun ne s’engagera pour un projet de ce type : projeter le même film au même moment ! Chacun, à sa façon, va prendre un parti pour défendre un film. Et cela passe par un contact réel, dans la salle, tel Luc Decaster qui a accompagné sur un an les 120 projections de son film Rêves d’usine par 120 débats, tous différents.

Lorsque Les Sucriers de Colleville sont sortis en vidéo, je me suis posé une première question : que vais-je en faire ? Huit ans après un premier sondage auprès des salles, lors de mon arrivée dans l’association, j’ai immédiatement relancé une enquête sur l’équipement des lieux membres d’ACOR. Là où, par comparaison, ces lieux ont tous suivi l’évolution technique en se dotant d’un ordinateur et d’une adresse e-mail, seuls 5 ou 6 d’entre eux sont équipés en vidéo, soit autant qu’auparavant. Mais la plupart s’équipent temporairement pour un film qui les intéresse.

Depuis, ACOR a ouvert un chantier en concertation avec les salles. Les lieux qui s’équipent de façon sporadique formulent tous des critiques sur la vidéo-projection : du fait d’une mauvaise maîtrise des appareils, d’une installation difficile voire incompatible avec le matériel existant, d’une résistance du projectionniste, etc., on déplore assez souvent des pannes ou des ennuis techniques, des retards dans le planning, l’obligation de projeter en fin de soirée pour ne pas gêner les autres séances,... Mais la réticence la plus forte relève de l’impossibilité des exploitants à pouvoir être au courant et s’intéresser aux films en vidéo ! Parmi le flux déjà important de films en pellicule ! Les grands festivals ayant ouvert leur compétition à la vidéo le savent… Le distributeur indépendant a tout de même, en France, une ligne éditoriale et constitue donc un premier repère. Et certains d’entre eux refusent de voir des films en vidéo.

Pour la petite histoire, lorsque nous avons dû présenter À l’Ouest des rails — documentaire chinois sous-titré de 9 heures en vidéo — à des exploitants, nous avons appelé une salle équipée, Le Cinématographe de Nantes, pour une séance professionnelle un peu ouverte (enseignants, étudiants) en présence d’Alain Bergala. En fait, de nombreux programmateurs étaient présents,… Lorsqu’après une heure et demie de projection, lors de la pause pour « changement de cassette », j’entendais les programmateurs se poser la question du « comment faire » et que je les interrogeai sur la question du matériel, je me suis aperçu que ce n’était absolument pas leur souci et que les questions de visa, billetterie et de planning de projection les préoccupaient davantage.

Six mois plus tard, dans l’Ouest de la France, dix salles vont programmer ce documentaire chinois. Le coordinateur du programme Lycéens au cinéma de la région des Pays de la Loire était présent à la projection, et un travail se met en place avec des lycéens…

Il faut donc accompagner les exploitants sur la question technique parce qu’ils sont parfois désemparés, leur prouver qu’une œuvre peut être de qualité dans ce type de projection. Et surtout comment fait-on pour leur donner envie de s’intéresser à cette production ? Mais en aucun cas il ne s’agit de les contraindre à s’engager.

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l’équipe

DIDIER GERBAUD président

MIRABELLE FRÉVILLE directrice artistique

XAVIER LE JEUNE délégué général

GÉRALDINE BERRY communication et coordination accueil

ANNE-CLAIRE CHARLES accueil invités

NICOLAS LE BRUN accueil participants

SERGE LAQUAIS technique

ainsi queMICHEL GUILLOUXLUC GUILLERMICGWENDAL QUESSEVEUR

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doc’ouest_rencontres documentaires

films en bretagne_union des professionnels50 bis rue jules le grand 56100 lorientT 02 97 84 00 10F 02 97 84 47 [email protected]

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