dominique barjot - revues et congrès
TRANSCRIPT
Dominique Barjot l / d S C e n s i o t l d'une entreprise familiale : Dumez (1890-1990)
avec la collaboration de
Pierre-Paul Heiser, Richard Molay, Hélène Solomonidis
Ci-contre : le tunnel de Rogers' Pass, (Colombie Britannique, Canada) en 1986.
Ci-dessus : le barrage de Loukos au Maroc.
Dans le bât iment et les travaux publics, les ascensions ne
sont pas rares : la plupart des grands groupes ont d 'abord été des
P M E à base familiale. Tel a été l'itinéraire du groupe D u m e z \ de
sa création, en 1890, à sa fusion, un siècle plus tard, avec la
Lyonnaise des Eaux, depuis longtemps l 'un des plus beaux
fleurons du capitalisme français. Cet te ascension du groupe
D u m e z s'effectue en trois périodes : l 'apprentissage de 1890 à
1957 ; la m o n t é e en puissance en t re 1958 et 1972 ; la
mondialisation de l'activité de 1973 à 1990 2 .
L'APPRENTISSAGE (1890-1957)
Les débuts (1890-1944)
Le fondateur s'appelle Alexandre Dumez . N é en 1864, à
Fins dans la Somme, il vient d 'une famille modeste, son père
faisant profession d'artisan tisserand. A sa sortie de Centrale, en
1888, A. Dumez travaille deux ans comme ingénieur-conseil,
avant de s'établir à Paris en tant qu' ingénieur-constructeur. En
1897, il épouse Eugénie Roth, veuve du banquier Charles-Joseph
Démange , puis, en 1905, il fonde la SA des Etablissements Ramez
et Dumez . Sis à H a u t m o n t (Nord) , ceux-ci se spécialisent dans les
travaux de grosse chaudronnerie et la réalisation de péniches
métalliques. La Première Guerre mondiale prive la maison D u m e z
de ses installations et l'oblige, pour survivre, à construire des
chalands en béton armé. Au lendemain du conflit, A. D u m e z se
rallie au nouveau matériau, obtenant d'emblée d ' importants
marchés : ainsi, dès 1919, celui de la construction des usines et
ateliers Babcock et Wilcox à La Courneuve. D'autres suivent, qui
valent à Alexandre D u m e z la croix d'officier de la Légion d 'hon
neur. Mais, l'âge venant, il lui faut trouver un successeur. Il le
découvre en 1926, date à laquelle sa maison adopte la forme de
société anonyme. En juin de cette même année, il marie son
unique fille, Renée, avec Pierre Chaufour, à qui elle donnera dix
enfants, don t deux garçons. N é en 1901 , P. Chaufour est issu de
la classe moyenne cultivée. Centralien, son père a travaillé au
Brésil avant le premier conflit mondial ; quant à sa mère, elle les
éduque dans la foi catholique, lui et son frère André. Pierre fait
aussi l'Ecole centrale, d 'où il sort en 1925, avant de devenir, au
lendemain de son mariage, conducteur de travaux chez son beau-
père. Couran t 1927, la Société D u m e z enlève une grosse affaire :
celle de la reconstruction de la gare de l'Est, qui, quatre ans durant ,
lui assure une activité soutenue.
En octobre 1932, A. Dumez meurt . Seul héritier de l'af
faire, P. Chaufour fait appel à son cadet André, lui aussi centralien
et né en 1903. Ils se complètent bien : Pierre est un meneur
d ' homme, André un technicien inventif. Gestionnaires efficaces,
ils se t iennent mutuel lement informés, se contrôlent et se corri
gent l 'un l 'autre, allant jusqu'à partager le même bureau. Recru
tant des ingénieurs, des chefs de chantier et des administratifs de
valeur, ils créent autour d'eux un esprit de corps. Leur réussite se
lit d'ailleurs au travers des chiffres : alors même que les entreprises
de bât iment et de travaux publics souffrent beaucoup de la crise,
la maison D u m e z continue de se développer à un rythme soutenu
durant les années trente. P. et A. Chaufour abandonnent les
constructions métalliques, mais renforcent les positions acquises
dans les domaines du génie civil industriel et du bâtiment. Ils
réalisent des bureaux, des usines, puis des hangars et des ateliers,
avant de prendre une part importante à l'effort de défense
nationale. Ils élargissent le champ d'activité de leur firme au génie
portuaire, aux travaux ferroviaires et participent à la réalisation du
premier t ronçon de l 'autoroute de l 'Ouest. En 1937, ils créent
une agence à Limoges et une succursale à Marseille. Surtout, ils
s ' implantent dès 1935 en Tunisie, au travers d 'une autre filiale
qui, jusqu'en 1944, mène des travaux importants à Tunis et à
Bizerte. En 1941, vient s'y adjoindre une société algérienne, mais
don t l'activité reste limitée. La Seconde Guerre mondiale frappe
en effet plus durement la maison Dumez que la moyenne de la
profession. Tandis que A. Chaufour suit les affaires de la zone
occupée, son frère s'occupe des marchés maghrébin et de la zone
sud. En 1942, bloqué en Afrique du Nord , Pierre s'engage dans
les rangs de la France libre.
Réussite en métropole et dans la zone Franc
A la Libération, la maison Dumez retrouve une forte
activité, tant sont énormes les besoins de la reconstruction. Pour
y faire face, l'entreprise embauche de jeunes ingénieurs qui
contribueront beaucoup à sa réussite ultérieure. La Société Dumez
travaille à l 'équipement des ports de Cherbourg, Dieppe et
surtout Brest, où elle fait mont re de sa maîtrise de la technique des
fondations à l'air comprimé. Elle oeuvre aussi pour la SNCF,
participe à la reconstruction des villes d'Amiens et de Caen, où elle
crée une usine de préfabrication d'éléments de planchers en béton
précontraint. Grâce à son ralliement rapide au procédé Freyssinet de
précontrainte, la société se fait une spécialité de la construction des
cuves et dépôts d'hydrocarbures. Elle obtient quelques gros marchés
de l 'Otan et s'impose fréquemment à la concurrence lorsqu'il s'agit
de réaliser des pistes d'aérodromes. Elle ne délaisse pas pour autant
le génie civil industriel. Ayant livré la soufflerie subsonique d'Aussois,
elle participe en 1955-1956 à la construction du Centre d'essais
nucléaires de Saclay. Dès le début des années cinquante, elle adopte
le système Camus de préfabrication, mène à bien quelques chantiers
pilotes, avant d'édifier, en 1957, le siège parisien de l'Unesco. Elle
fonde en outre deux nouvelles filiales à Strasbourg et à Caen.
Jusqu'à l ' indépendance, la Tunisie demeure un débouché
de premier ordre. La filiale locale y exécute des ouvrages de haute
technicité, dont , entre 1949 et 1955, le barrage de Nebeur sur
l 'oued Mellègue. Conçu par André Coyne et construit en parti
cipation, cet ouvrage à contreforts et à voûtes multiples atteint
71 mètres de hauteur, pour une largeur de 470 mètres. La société
D u m e z y fait mont re de ses capacités d ' innovation : grâce à la mise
au point d 'un système de coffrages glissants, elle autorise une
économie d 'un tiers sur le coût final des travaux. En Algérie, c'est
le bât iment qui offre aussi les meilleures opportunités, mais la
succursale algéroise œuvre aussi à d ' importants chantiers de génie
civil : extensions de la base navale de Mers el-Kébir ; construction,
en plein Sahara, de la route Ghardaïa-Ouargla. Surtout, Dumez
s'implante en 1948 au Maroc, où sa filiale mène à bien la
réalisation de plusieurs bases aériennes et aéronavales, tant pour
le compte du gouvernement chérifien que pour l 'US Navy. Elle
fait de même en Afrique noire : dès 1949, la société se tourne vers
la Guinée, où elle réalise l 'aménagement hydroélectrique des
Grandes Chutes , puis participe à la construction de la puissante
usine d 'alumine de Fria. Présente sans interruption à Dakar à
partir de 1950, elle œuvre aussi en Côte-d'Ivoire et à Madagascar,
où elle construit entre autres deux barrages à voûtes multiples.
Percée à l'étranger
En 1949, D u m e z conclut un gros marché de dragages en
Egypte. Deux ans plus tard, la société prend pied au Tanganyika
et surtout au Kenya, où, dans des conditions très difficiles, elle met
en place de 1953 à 1956 les 250 kilomètres de conduites néces
saires à l 'alimentation en eau potable de Mombasa. A la même
époque, elle travaille également en Libye. Mais le fait essentiel
réside ailleurs :en 1953, la société soumissionne en vue d'exécuter
les travaux du barrage du Dokan en Irak. Ce grand ouvrage-voûte
de 116 mètres de haut sur 360 de largeur en crête vise à régulariser
le débit du Tigre, qui menace périodiquement de submerger
Bagdad et sa région, ainsi qu 'à créer une vaste réserve d'eau
destinée à l'irrigation. Associée à la maison Ballot, Dumez enlève
le marché au terme d 'une lutte très serrée qui met aux prises des
firmes allemandes, américaines, françaises, italiennes et yougosla
ves. Les difficultés sont multiples : caractère très continental du
climat, nécessité d 'un volume considérables d'injections pour
garantir l 'étanchéité de la cuvette, problèmes d 'acheminement et
d 'emploi du matériel du fait d'insuffisance des voies d'accès,
nécessité d'utiliser un système très élaboré de réfrigération des
bétons, crues catastrophiques du Tigre en avril 1954 et mars
1957, effets désastreux de la crise de Suez, puis de la révolution
irakienne du 14 juillet 1958. Elle les surmonte et livre l'ouvrage
dès la fin de cette dernière année. Entre-temps, la Turquie vient
de s'ouvrir. Dumez y mène, entre 1955 et 1960, de gros travaux
pour le compte de l 'Otan et du ministère de la Défense nationale.
D e 1956 à 1961, pour l 'US Navy, l'entreprise œuvre au port de
Rota en Espagne : elle y édifie entre autres une jetée de 2,1 kilo
mètres, constituée de tétrapodes et faisant appel à un procédé
inventé par Jacques Bordes, l 'un de ses ingénieurs.
MONTÉE EN PUISSANCE (1958-1972)
Les années 1958-1972 voient la montée en puissance du
groupe Dumez . Elles s'achèvent aussi sur fond de tristesse, en
raison du décès brutal et imprévu du président P. Chaufour en
juillet 1970. Son frère lui succède aussitôt à ce poste. Sous leur
direction c o m m u n e puis sous celle d 'André, la Société Dumez et
ses filiales poursuivent leur développement à un rythme soutenu.
Renforcement des positions en métropole et en zone franc
Sur le sol métropolitain, Dumez participe à l 'aménagement
hydraulique du Rhin, du Rhône et de la Durance, et exécute à
partir de 1965 d' imposants travaux souterrains : P C militaire du
Mont-Verdun , gares souterraine de Paris-Austerlitz et La Dé
fense, tunnel routier sous Fourvière ainsi que cinq lots du RER.
L'entreprise demeure à la pointe dans le domaine des travaux
portuaires et s'oriente de plus en plus vers les terrassements. Elle
œuvre à la mise au gabarit européen de la Moselle et prend une
part déterminante à l 'équipement autoroutier du pays. Surtout,
elle s'impose comme l 'un des entrepreneurs privilégiés du CEA,
en édifiant de 1961 à 1965 les quatre usines de séparation
isotopique de Pierrelatte, la construction de la première donnan t
à Pierre Fouillade, un autre de ses ingénieurs, l'occasion de mettre
au point des coffrages métalliques spéciaux à grande surface. La
société participe en outre activement à la réalisation de la centrale
nucléaire du Bugey I (1967-1969) .
L'entreprise subit de plein fouet le choc de la décolonisation.
En Algérie, le désengagement est spectaculaire. En Tunisie, le
déclin semble beaucoup mieux enrayé. Ce pays demeure même
un champ privilégié de l ' innovation, puisque la société dépose les
brevets de deux procédés, à l'occasion de la construction des murs
de quais de La Goulet te , puis à celle de la mise en place dans le
même port de la couverture par coques-béton de hangars et
d'ateliers. Les opportunités s'avèrent meilleures au Maroc. Entre
1966 et 1974, la société y édifie trois importants barrages, don t
celui du Bou Regreg, gros ouvrage en enrochements, don t le
marché a été obtenu face à une très sévère concurrence allemande,
espagnole, française et italienne. En Afrique noire, le chiffre
d'affaires de la firme se contracte fortement, par suite du départ
de Guinée, dès 1961, et des difficultés rencontrées au Sénégal,
d 'où D u m e z se désengage en 1972. En dépit de deux gros
chantiers en Mauri tanie, la Côte-d'Ivoire constitue le seul marché
porteur : outre de nombreux logements et bâtiments administratifs,
la socié té y c o n s t r u i t , en p a r t i c i p a t i o n , l ' a m é n a g e m e n
hydroélectrique de la Bia, puis le por t de San Pedro. En revanche,
Dumez réalise une percée significative dans les départements et
territoires d 'outre-mer : elle prend ainsi une part déterminante à
l 'exécution, entre 1965 et 1972, de la base de Kourou en Guyane,
et à celle, de 1965 à 1968, du Centre d 'expérimentation nucléaire
de Mururoa , avant de se tourner vers la Nouvelle-Calédonie.
Hors zone franc, une série de succès
D u m e z accentue sa percée hors zone franc. C'est au Nigeria
que le groupe D u m e z réalise désormais son volume d'affaires le
plus considérable. T i ran t avantage du fait que nombre de leurs
ingénieurs ont une parfaite maîtrise de l'Anglais et que le gou
vernement du jeune Etat cherche à se dégager de l'emprise
bri tannique, motivés par le souci de compenser la perte du marché
guinéen, P. et A. Chaufour s ' implantent dans le pays dès 1959.
Les résultats dépassent leurs espérances : entre 1959 et 1976, le
groupe construit près de 1800 kilomètres de routes et édifie, entre
1961 et 1966, le pon t métallique d 'Oni tsha, d 'une longueur
totale de 1400 mètres. La sanglante guerre du Biafra provoque
bien des inquiétudes, mais, grâce entre autres à l 'action d 'André
Kamel, les positions du groupe sont préservées. D u m e z joue
d'ailleurs un rôle majeur dans la reconstruction du pays : le French
Bridge d 'Onitsha, comme le su rnomment les Nigérians, est remis
à neuf dès 1972-1974.
Le Pakistan donne l'occasion de travaux importants . Asso
ciée aux Etablissements Sainrapt et Brice, la Société D u m e z y
mène à bien, de 1962 à 1965, l 'aménagement hydraulique de
Sidhnai : au total, pas moins de 100 000 mètres cubes de béton
et de 18 millions de mètres cubes de terrassements. Toujours avec
le même partenaire, D u m e z édifie, entre 1967 et 1971 , à Chasma,
un barrage au fil de l'eau et deux digues de retenue, l 'ensemble
atteignant une longueur de 11,7 kilomètres. Pièce maîtresse de
l ' Indus Bassin Project, qui réalise u n partage des eaux du Pendjab
entre Un ion indienne et Pakistan, cet ouvrage nécessite la mise en
œuvre de 450 000 mètres cubes de béton et de 21 millions de
mètres cubes de terrassements. C e chantier donne lieu à de
nombreuses difficultés : retard à la signature du fait du conflit
indo-pakistanais de 1965, violents mouvements de grèves en
1969, problèmes financiers du gouvernement payeur ne trouvant
leur solution qu 'en 1972, après arbitrage international. Mais, sur
le plan technique, la réussite est incontestable.
Elle l'est aussi dans le cas du barrage d 'Hendr ik Verwoerd,
construit entre 1967 et 1972, pour le compte du Secretary for
Waters Affairs d'Afrique du Sud. Associée aux Entreprises André
Borie et à l 'Union Corpora t ion Publics Works , une firme
afrikaander, la maison D u m e z y exécute l 'un des ouvrages les plus
osés que l 'on ait construit jusque-là dans le monde : ce barrage en
béton à double courbure présente en effet un développement en
crête de 100 mètres pour une hauteur de 80 et suppose en outre
la mise en place de 1,7 million de tonnes de béton (contre
600 000 pour le Dokan) . Les difficultés apparaissent démesu
rées : non seulement le chantier se déroule dans une zone déser
tique, mais encore les études on t été mal menées, le gouvernement
sud-africain étant passé outre aux conseils de prudence des
experts. Chargée de la direction technique des travaux, D u m e z
réexamine de fond en comble le dossier. Sous l ' impulsion entre
autres de Jean-Pierre Garbe, les responsables du chantier mènent
à leur terme les travaux, don t le coût final dépasse toutefois de
beaucoup celui prévu par le gouvernement de Pretoria.
Les connaissances - en mécanique des sols no t ammen t -
acquises aux Etats-Unis, après la Seconde Guerre mondiale, par
des ingénieurs centraliens comme Jean-Paul Yaher et Jacques
Fournier por tent leurs fruits : la Société D u m e z s ' implante en
Austra l ie c o u r a n t 1 9 6 5 . Elle y réalise t rois barrages en
e n r o c h e m e n t s , d ' i m p o r t a n t s t e r r a s semen t s dans l ' île de
Bougainville, y met en place les deux ponts de Weipa - don t un
de 1200 mètres de long - , y construit une usine d 'alumine et un
port minéralier, avant de fermer son agence en 1972, l 'abandon
de la convertibilité du dollar rendant t rop grands les risques
financiers. D u m e z s'intéresse au Canada. La Société établit une
agence à Montréal en 1961 , qu'elle transforme en filiale trois ans
plus tard. Celle-ci conduit de multiples chantiers, réalisant no
t amment le pavillon de la France à l 'Exposition universelle de
Montréal en 1967.
Formation d'un groupe puissant
En juin 1964, les titres de la Société D u m e z sont introduits
avec succès à la Bourse de Paris. Si le public détient désormais
10 % du capital de l'entreprise, celle-ci se développe presque
exclusivement par autofinancement, grâce à une gestion rigou
reuse lui permet tant de dégager les marges les plus élevées de la
profession. H u i t ans plus tard, le groupe procède à une
réorganisation profonde de son organisation : la Société D u m e z
se transforme en holding, sous le n o m de D u m e z SA. Ce holding
contrôle un certain nombre de filiales d'exploitation : Dumez-
Bâtiment, D u m e z Travaux Publics, D u m e z Canada Ltd, Société
générale routière, née en 1963 d 'une association entre D u m e z et
Razel, etc. Développant son réseau de participations, D u m e z
provoque en 1970 la formation de l 'Union mari t ime de dragages.
CROISSANCE DU CHIFFRE D'AFFAIRES DU GROUPE DUMEZ DE 1944 À 1988 (Chiffre d'affaires consolidé hors taxes)
Mi l l ions
de francs
1 9 8 0
En 1972, elle entre dans le capital de la Société de l 'Autoroute
Paris-Est-Lorraine. Le bât iment constitue l'un des axes privilégiés
de l'expansion du groupe. Tandis que ses filiales métropolitaines
construisent de nombreux logements collectifs, la Société Dumez
crée en 1965 une filiale immobilière, introduit de nouveaux
procédés de préfabrication et s ' implante même outre-Rhin. La
création de filiales offre en effet le moyen d 'une meilleure
pénétration sur les marchés étrangers : ainsi en Espagne, où,
depuis 1956, Obras y Construcciones Dumez SA se développe
avec succès par ses propres moyens. D'abord cantonnée aux
dragages et aux terrassements, elle étend à partir de 1966 son
activité aux routes et aérodromes et édifie le barrage-voûte du
Riano dans le Léon. Consti tuée en 1961, la Construtora Dumez
SA réalise au Brésil de nombreuses constructions industrielles.
MONDIALISATION DE L'ACTIVITÉ
Son expérience des travaux à l'étranger constitue une chance
de premier ordre pour le groupe Dumez, qui sort renforcé de la
grande crise mondiale.
En métropole, crise et renouveau
Duran t la seconde moitié des années 1970, Dumez Travaux
Publics connaît encore une activité soutenue en métropole, grâce
à la construction, en participation, du terminal pétrolier d'Antifer,
à la poursuite d ' importants travaux autoroutiers ainsi qu 'à l'ac
célération du programme d 'équipement en centrales nucléaires.
Mais les opportunités se raréfient. Au début des années quatre-
vingt, l'activité de D u m e z - T P n'est plus soutenue que par quel
ques grands chantiers : réalisation du second pas de tir d'Ariane
à Kourou (1982-84) ainsi que des terrassements et ouvrages d'art
du T G V Sud-Est, construction, en participation mais sous la
direction technique de Dumez-TP , des barrages de Grand-
Maison et Verney, menée de 1980 à 1984. Le premier est un
ouvrage en terre et enrochements de 160 mètres de haut pour 550
de longueur en crête, pour lequel il aura fallu mettre en place
1,3 million de mètres cubes de terrassement ; le second, édifié en
alluvions avec masque amont de béton bitumineux ne fait que
42 mètres de hauteur pour 430 d'encrêtement, mais il nécessite
un apport de 1,6 million de mètres cubes. Ces années difficiles
voient encore la réalisation de la centrale nucléaire de Cat tenom,
dont Dumez-TP pilote le chantier. Il faut cinq ans, entre 1979 et
1984, car Cat tenom est un prototype dont la construction souffre
des retard imprimés par les incertitudes techniques et les mesures
d'austérité budgétaire. Ce chantier donne lieu à plusieurs inno
vations : pour l'exécution du dôme interne, les ingénieurs de la
société mettent au point un système de quarante-huit éléments
préfabriqués, grâce auquel l 'ensemble est couvert en quatre jours
au lieu d 'un mois ; la charpente du dôme repose sur quatre vérins
hydrauliques, selon un procédé acheté ensuite par E D F ; de
surcroît, le levage du dôme externe donne lieu à une performance
notable, puisque, au moyen de coussins d'air, ses 3 800 tonnes
sont élevés de deux mètres en quatre heures.
A partir de 1985-1986, s'engagent à nouveau de très gros
chantiers : T G V Atlantique, extension de l'aérogare de Roissy 2
et surtout tunnel sous la Manche. Dumez joue un rôle détermi
nant dans la formation d 'Eurotunnel , puis dans l 'obtention par le
groupement France-Manche Construct ion des travaux du tun
nel. Sa part au sein du groupement l ' indique : 22 %, soit autant
que Bouygues et Spie Batignolles, SAE et SGE détenant chacune
17 %. Lancés en mai 1986, ces travaux sont techniquement en
bonne voie, mais le problème de leur règlement demeure entier.
Autres domaines porteurs : l'eau et les espaces de loisirs, avec la
réalisation de la station d 'épuration de Valenton en amont de
Paris et le parc Astérix. Par ailleurs, à cette époque, Dumez-
Bâtiment a redressé une situation initialement compromise par la
crise : après avoir dans un premier temps concentré son activité en
région parisienne, la société, amorce, dans les années quatre-
vingt, un redéploiement vers la province, dans le domaine de la
maison individuelle surtout. Le groupe apporte par ailleurs une
contr ibut ion de premier ordre à la réalisation des « chantiers du
président ». Entre 1985 et 1989, il construit le nouveau ministère
des Finances et du Budget. Q u a n t à l 'aménagement du Grand
Louvre, il débute en février 1986 pour s'achever deux ans plus tard
et donne lieu à de nouvelles innovations techniques 3 .
Numéro un à l'exportation
A l'étranger et jusqu'en 1983, l'Afrique offre les débouchés
les plus importants . Plus encore qu 'au cours de la période précé
dente, le Nigeria constitue la zone privilégiée de l'activité du
groupe, qui y réalise jusqu'au tiers de son chiffre d'affaires au
début des années quatre-vingt. Dumez Nigeria accumule les
grands chantiers : routes et autoroutes ; pon t de Koton Karifi,
long de 1751 mètres et construit par encorbellement au moyen de
voussoirs précontraints ( 1975-79) ; aéroport international d'Abuja
(1980-82), la nouvelle capitale de l 'Etat nigérian ; second lot du
chemin de fer Port Harcourt-Ajaokuta (1982-85) ; ville nouvelle
de l'aciérie de Warri (1980-83) ; l o tn° 3 du complexe sidérurgique
d'Ajaokuta. Mais, depuis le milieu des années quatre-vingt, le
pays est confronté à de graves difficultés financières qui en
réduisent de plus en plus l'intérêt pour Dumez . Il en va de même
de l'Afrique francophone, en dépit de réalisations spectaculaires
au Zaïre, en Côte-d'Ivoire (basilique No t r e -Dame de la Paix à
Yamoussoukro), en Algérie et au Maroc (barrage d'Aït Chouari t ,
édifié de 1982 à 1986). Néanmoins , D u m e z a développé son
champ d'action en Angola, en Libye et en Egypte, où elle a pris
part, de 1981 à 1985, aux travaux du métro du Caire
A partir de 1974, le groupe D u m e z porte de plus en plus son
intérêt vers le Moyen-Orient . Dès 1974, il engage les travaux de
construction de la route de Bid-Bid à Sour dans le sultanat
d ' O m a n , qu'il livre en 1977 avec sept mois d'avance sur les délais
prévus. Entre 1975 et 1977, il exécute le chantier du port de
Bandar Shapour en Iran. C'est toutefois en Arabie Saoudite que
la réussite est la plus indiscutable. D u m e z y construit, entre 1976
et 1981 , les ports de Jizzan, puis de D a m m a m , ainsi que, de 1979
à 1983, la ville nouvelle de Khasm-Al-Aan livrée clefs en mains et
capable d'accueillir aussitôt 53 000 habitants. En Irak enfin, le
groupe édifie 4 000 logements entre 1980 et 1983. A partir du
milieu des années quatre-vingt, les marchés du Proche et du
Moyen-Or ien t perdent toutefois de leur importance.
Le groupe ne s'y est d'ailleurs jamais cantonné. En Indoné
sie, par exemple, il édifie d e l 9 8 1 à l 9 8 5 l e barrage en enrochements
de Sanguling. L'Amérique du Sud intéresse plus encore les
dirigeants de Dumez . Le groupe s'établit au Chili dès 1980, en
Colombie en 1983, et y construit surtout des logements. Cette
même année 1983, il installe une agence en Argentine, afin d'y
Ci-dessus : le port de Jizan en Arabie Saoudite : pose d'un caisson de 900 tonnes par
l'entreprise Dumez.
La plus longue voûte de barrage (980 m),
l'élancement (rapport longueur de voûte/hauteur maximale) le plus élevé :
Le b a r r a g e Hendrik V e r w o e r d (Afrique d u S u d , 1 9 7 1 ) *
La rivière Orange, sur 2 100 km de longueur, débite au droit du barrage Hendrik Verwoerd, bon an mal an, 11 milliards de
m3 d'eau. La retenue a une capacité de 6 milliards de m3 (6 000 hm3).
Dans une vallée large, pour des raisons où la technique n 'avaitpas toujours eu le dernier mot, on a décidé de construire un barrage-
voûte à double courbure. Sur une roche de fondation exceptionnellement rigide et dure, avec une crête de barrage ayant 948 m de long,
le barrage réunissait par la combinaison d'un ratio 1/h de 10,5 et dune rigidité très importante de la roche, les pires conditions pour une
voûte de courbure.
Rappelons qu'à l'époque le barrage de Kariba, avec un ratio de 5, passait pour un exemple d'audace, que d autres ouvrages de
beaucoup plusfaibles dimensions avaient atteint des ratios de l'ordre de 7 mais sur des fondations souples. Or, la dolérite (sorte de diabase)
de fondation à Hendrik Verwoerd, avec une densité de 2,99, une résistance à la compression à l'essai brésilien de 391,3 MPa, etun module
d'élasticité à l'échelle de ces caractéristiques, avait nécessité un frettage particulier de la cuve du concasseur primaire giratoire pour éviter
qu 'il n 'éclate ; c'est dire qu 'elle n 'étaitpas disposée à suivre les mouvements de la voûte.
Malgré un design qui réduisait, par la présence de butées poids-voûte sur les deux rives, la longueur libre de la voûte centrale, on
craignit des amorces de fissurations à partir de la face amont en pied de voûte. Pour mettre en compression cette zone basse et l'isoler
complètement de l'eau, une jupe suspendue à la voûte avait été, à l'origine, jugée nécessaire et suffisante.
Mais les études complémentaires et croquis sur maquette faits pendant le début des travaux démontraient que cette solution n 'était
pas viable. La densité des armatures sur la face amont était beaucoup trop importante pour permettre une réalisation satisfaisante. En
fait, le design a évolué vers des formes beaucoup plus complexes qui ontfait de ce barrage un ouvrage extrêmement sophistiqué, en réalité
deux barrages l'un dans l'autre avec deux conceptions très différentes : deux galeries de contrôle, l'une triangulaire au contact de la roche
nue, l'autre au contact du joint ouvert entre la voûte proprement dite et le plot inférieur à l'amont.
De plus, des évacuateurs de contrôle des crues, au nombre de 6, travaillaient en pression à mi-hauteur de la voûte, et de part et d'autre
sur chaque rive, par groupe de 3.
Avec des poussées vers les rives extrêmement importantes, qui ont été révélées lors des essais sur modèle réduit, ces ouvertures
entraînaient dans les zones environnantes des efforts énormes qui ont nécessité la mise en place d'armatures d'une densité et d'une dimension
considérables, au point que, pour permettre au personnel de placer les bétons, il a fallu redessiner les dispositions des armatures.
L'ouvrage a utilisé plus de 25 catégories de bétons de composition différente. Tous les sables ont dû êtrefabriqués à partir de dolérite,
ceux existant dans le lit de la rivière ayant des caractéristiques chimiques inacceptables.
Enfin, autre contrainte dans l'élaboration des méthodes de construction, il était impensable de faire transiter les crues pour leurs
pointes prévisibles par des ouvrages de dérivation de dimension acceptable. On a doncprévu le noyage du chantier, et les ouvrages provisoires
de batardage ont été conçus pour supporter le passage des eaux.
Bien que le chantier ait effectivement été noyé par deux fois, la remise en état du site n 'a nécessité qu 'une vingtaine de jours après
le passage d'une crue, sans dommage pour les ouvrages de protection.
L'ouvrage a pourtant été exécuté dans les délais.
Il est intéressant de constater que les extrapolations de l'expérience passée à des ouvrages de dimensions ou de caractéristiques
inhabituelles entraînent une remise en cause des connaissances acquises, tant sur le plan technique que sur le plan économique. Dans le
cas de cet ouvrage, par exemple, les bétons de 6pouces, qui représentaient à l'origine 92 % de la totalité des bétons, ne représentaient plus
que 69 % de l'ouvrage terminé. Alors que les bétons de 3 pouces sont passé de 7 à 25 %. Citons également le découpage de l'ouvrage dont
le nombre de levées de 2 m de hauteur de béton a augmenté de 22 %. Quant aux aciers, leur tonnage avait augmenté de 59 % en fin de
travaux.
Le site de contsruction était couvertpar quatre blondins de 1 000 m de portée chacun, 16tde capacité de levage et des grues de350 tl
m qui étaient à l'époque les plus puissantes.
Les quantités mises en œuvre dans l'ouvrage sont les suivantes :
- terrassements : 2 210 000 m3 au total dont 1 543 000 m3 en rocher,
- bétons : 1 725 000 m3,
- armatures 27 0001.
Maître d'ouvrage : Ministry of Water Affairs ôc Forests - République sud-africaine.
Entreprises : Dumez , Borie.
* Cet article est paru dans la revue Travaux, organe officiel de la Fédération des travaux publics, n° 672, janvier 1992
exécuter les travaux du barrage de Yacireta, le plus grand du
monde avec ses 70 kilomètres de digues destinées à créer une vaste
retenue alimentant une usine d 'une puissance de 2 700 M W .
Financé par la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de
développement, le chantier ne s'ouvre qu 'au terme de sept années
de négociations avec les gouvernements argentin et paraguayen,
ainsi que de lutte acharnée avec Impregilo, qui convoite aussi
l'affaire. En 1980, le groupement conduit par Dumez soumis
sionne 15 % moins cher que celui emmené par son concurrent.
Puissamment soutenu par la communau té italienne d'Argentine,
Impregilo obtient finalement un partage du marché. D u rappro
chement naît le consort ium Eriday, lequel inclut, outre les deux
pilotes D u m e z et Impregilo, deux firmes allemandes, quatre
italiennes, quinze argentines, dix paraguayennes et une uru
guayenne. Commencés en décembre 1983, les travaux se pour
suivent encore aujourd'hui, mais la fermeture du bras principal
du Parana a été assurée dès juin 1989, avec un mois d'avance.
En 1985, un tournant stratégique
Entre 1973 et 198 5, le groupe se développe rapidement : en
francs constants, son chiffre d'affaires se trouve multiplié par
trois. Une telle expansion rend de plus en plus difficile le maintien
du contrôle des Chaufour-Dumez sur le holding, d 'où la création
dès 1972 d 'un fonds c o m m u n de placement spécifique au groupe
et dont le portefeuille de valeurs mobilières comprend 60 % de
titres Dumez SA. C'est une réussite, puisque, dès 1979 ,7 ,5 % du
capital de cette société appartient à son personnel. Il faut en outre
préparer la relève au sommet : cette même année, D u m e z SA se
transforme en société à directoire et à conseil de surveillance.
Tandis que le premier porte André Chaufour à sa tête, J. Fournier,
gendre de Pierre, accède à la présidence du second, qu'il conservera
jusqu 'en 1986. La nouvelle s tructure s 'accompagne d 'une
rationalisation : le holding tantôt renforce son contrôle sur ses
filiales ou ses principales participations, tantôt n'hésite pas si
nécessaire à en freiner l'activité et à les mettre en veilleuse, voire
à les dissoudre, et tantôt renforce aussi l ' implantation provinciale
du groupe en rachetant des firmes bien implantées dans leurs
régions respectives. Loin de se limiter à l 'Hexagone, il prend une
participation dans S E A T a n k Co , qui construit plates-formes off
shore et réservoirs sous-marins, renforce sa présence au Maroc et
au Brésil. Surtout, il se réoriente vers l 'Amérique du Nord . Sa
filiale canadienne décroche de gros marchés (préparation des Jeux
olympiques de Montréal , aménagement de la baie James) et prend
en 1981 le contrôle du groupe Atconcorps. Dès 1980, D u m e z
s ' implante aux Etats-Unis, où il acquiert une société de Hous ton
(Texas). Devenue Payne and Keller Corporat ion, la nouvelle
filiale constitue autour d'elle un véritable groupe, mais doit être
mise en veilleuse en 1986.
A cette date, le groupe amorce un redéploiement stratégi
que de grande ampleur. Membre de plusieurs cabinets ministé
riels, P D G de Peugeot SA de 1977 à 1985, Jean-Paul Parayre
entre cette même année au directoire de Dumez SA, don t il
devient le président dès 1986. Sous sa direction, le groupe
remodèle ses structures internes :dès 1985, naît Fided ou Financière
de développement et de diversification ; puis, de 1986 à 1988,
s'opère une réorganisation géographique autour de trois grandes
filiales, Dumez-France, D u m e z - N o r t h America et Dumez Inter
national. La nouvelle direction renforce également le pôle B T P du
groupe. Elle s'y emploie en France : prise de participation, puis de
contrôle de GTM-Ent repose entre 1986 et 1988 ; prise de
Ci-dessus : le barrage Hendrik Verwoerd en Afrique du Sud. Cl. Dumez.
participation dans Razel en 1990. Elle développe aussi une
stratégie européenne : dès 1987, D u m e z s'assure le contrôle de
Copisa, une société de travaux publics établie à Barcelone, ainsi et
surtout qu 'une forte participation au sein de la Compagnie
d'entreprises CFE, le numéro un belge ; courant 1990, le groupe
acquiert une partie du capital d'Alfred Mac Alpine, importante
société bri tannique.
Les horizons de D u m e z ne se l imitent pas au B T P . Entre
1985 et 1988, le groupe procède à une réorientation géographi
que, puisque, à cette dernière date, l 'Amérique représentait 53 %
du total de ses marchés contre 31 % à la France métropolitaine,
5 % à l'Afrique, 3 % à l 'Europe et 2 % à l 'Amérique du Sud. La
raison essentielle de cette réorientation réside dans le rachat, en
1987, de Wes tburne International Ltd : au terme de l 'opération,
D u m e z devient le premier distributeur de matériaux de plombe
rie, électricité, ventilation et chauffage du Canada, et l 'un des plus
impor t an t s des E ta t s -Unis . D a n s cette m ê m e logique de
diversification, D u m e z s'est intéressé, en France, à la distribution
de matériel électrique, a renforcé ses intérêts dans le secteur
parapétrolier et s'est rapproché en 1988 de Tobishima Corpora
tion, puissant groupe japonais de BTP, en vue de mener en
c o m m u n de grandes opérations de promot ion immobilière en
Europe, en Amérique du N o r d et dans la zone des Caraïbes.
Dumez y a gagné d'être la première firme européenne à recevoir sa
licence d'entreprise de bât iment et travaux publics dans l'archipel.
Le 11 juillet 1990, Jérôme M o n o d , P D G de la Lyonnaise
des eaux, et Jean-Paul Parayre annoncent la fusion de leurs deux
sociétés. L'opération fait l'effet d 'une surprise. Elle donne nais
sance à un nouveau géant européen capable de concurrencer la
puissante Générale des eaux. La fusion prend en outre la forme
d 'une absorption de D u m e z par la Lyonnaise, devenue désormais
Lyonnaise des eaux-Dumez. Mais, bien que le poids de la Lyon
naise soit supérieur en terme de capitaux propres, de bénéfices
nets, de cash flow et de capitalisation boursière, la bonne santé
financière de Dumez autorise une transaction avantageuse pour
les actionnaires de l'entreprise de B T P : ces derniers reçoivent
quatre actions de la Lyonnaise pour trois des leurs, ce qui
constitue une prime instantanée de 46 % par rapport au dernier
cours des actions de la société absorbée. La famille Chaufour-
D u m e z intervient à hauteur de 10 % du capital d u nouvel
ensemble, contre 12 % à la Compagnie de Suez, le principal
actionnaire. Enfin, avec 45 % du chiffre d'affaires consolidé total,
le secteur aménagement-construct ion demeure la première acti
vité, contre 27 % à la gestion de l ' env i ronnement 4 , 21 % à la
distribution d 'équipements électriques et sanitaires et aux autres
activités de service. Mais le plus dur reste à faire : fondre des
cultures d'entreprise d 'autant plus fortes qu'elles portent, chacune,
la marque d 'une histoire profondément originale. La difficulté
apparaît d 'autant plus grande que, pour Dumez , la fusion de 1990
marque la fin de son caractère familial.
Notes
1. Le présent article résulte d'un travail collectif, mené sous la direction de Dominique Barjot, à partir des archives de la Société Dumez. Que soient ici remerciés tous ceux qui ont contribué à son aboutissement, en particulier Monsieur Jean-Paul Parayre, PDG du groupe jusqu'en juillet 1990, et devenu depuis lors vice-président de la Lyonnaise des eaux-Dumez, Monsieur Jean-Pierre Chaufour, directeur des ressources humaines de Dumez, Madame Isabelle de Tavernost, directeur de la communication, et Madame Chantai de Crépy, chef du service documentation de cette même société, Monsieur Pierre Thuillot, qui nous a aimablement ouvert ses archives, Monsieur A. de Beukelaer, de la Compagnie d'entreprises CFE et tous ceux qui ont bien voulu se livrer au jeu de l'interview.
2. Pour le détail de l'information chiffrée, voir D. Barjot, Dumez, Paris, 1990, 43 p. dactyl.
3. Mise en place d'une structure mixte acier-béton ; obtention d'une « préflexion » au moyen de tirants verticaux dont la tension est progressivement relâchée au fur et à mesure de l'exécution du béton des poutres de la pyramide, afin que celles-ci restent rectilignes tout au long de son édification.
4. Eau, énergie et chaleur, propreté urbaine.