en entrevue le libraire - revue les libraires
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PANTOUTEL I B R A I R I E
juillet-août 2005 ⹠no 29
le librairej o u r n a l d e l i b r a i r i e s i n d Ă© p e n d a n t e s p o s t e s - p u b l i c a t i o n s 40034260
Le libraire dâun jour
GĂRARD BOUCHARDGĂRARD BOUCHARD
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BIMESTRIEL GRATUIT
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Jardinage, plein air et tourismeLE JARDIN DE BERTRAND DUMONTDĂCOUVRIR LES PARCS QUĂBĂCOIS
BiographiesAUJOURDâHUI, ON MANGE BIO
Polars et thrillersĂLĂMENTAIRE, MON CHER SHERLOCK
Science-fiction et fantastiqueDES NOUVELLES DE L'IMAGINAIREALEC COVIN : L'OMBRE DES LOUPS
Portrait d'Ă©diteurSCIENCES ET CULTURE :BOUILLON D'UN SUCCĂS
LE JARDIN DE BERTRAND DUMONTDĂCOUVRIR LES PARCS QUĂBĂCOIS
AUJOURDâHUI, ON MANGE BIO
ĂLĂMENTAIRE, MON CHER SHERLOCK
DES NOUVELLES DE L'IMAGINAIREALEC COVIN : L'OMBRE DES LOUPS
SCIENCES ET CULTURE :BOUILLON D'UN SUCCĂS
LE TOUR DU MONDE DETARASGRESCOE
LE TOUR DU MONDE DETARASGRESCOE
En entrevue
Collaborateurs et collaboratrices :â Librairie Pantoute : ISABELLE LEBLANC-BEAULIEU, YOHAN MARCOTTE, ANNIE MERCIER,
CHARLES QUIMPER, MĂLANIE QUIMPER, ĂRIC SIMARD, MATHIEU SIMARD, CHRISTIANVACHON
â Librairie ClĂ©ment Morin : RENĂ PAQUIN, JOHANNE VADEBONCOEUR, JACQUELINE CHAVIGNOT
â Librairie Les Bouquinistes : JACYNTHE DALLAIRE, MARIE-BELLE GIRARD, JOSIANERIVERIN-CLOUTĂE
â Librairie Monet : FRANĂOIS BOUTIN, SUSANE DUCHESNE, MATISSE GODIN-CONSTANT,ĂRIC LACASSE, YOLANDE LAVIGUEUR, BRIGITTE MOREAU, JEAN-PHILIPPE PAYETTE
Chroniqueurs : JOCELYN COULON, LAURENT LAPLANTE, ROBERT LĂVESQUE, ANTOINE TANGUAY
Collaborateurs spĂ©ciaux : PIERRE BLAIS, FRANCINE BORDELEAU, GENEVIĂVE THIBAULTCorrection et rĂ©vision linguistique : YANN ROUSSET
Conception graphique et montage : KX3 COMMUNICATION inc.Photo (couverture) : IDRA LABRIE / PERSPECTIVE PHOTO
PublicitĂ© : HĂLĂNE SIMARDImpression : PUBLICATIONS LYSAR, courtierDate de publication : 20 juin 2005, volume 8 no 29Calendrier de publication : fĂ©vrier, avril, juin, septembre, octobre, dĂ©cembre.
Le Libraire nâest pas responsable des opinions Ă©mises par ses collaborateurs et chroniqueurs.
Volume 8, no 29Juillet-août 2005
Journal de librairies indépendantesLe Libraire est un journal bimestriel publié par leslibrairies Pantoute (Québec), Clément Morin (Trois-RiviÚres), Les Bouquinistes (Chicoutimi), Le Fureteur(Saint-Lambert), Monet (Montréal)
Une production deLâASSOCIATION POUR LA PROMOTIONDE LA LIBRAIRIE INDĂPENDANTE (APPLI)Directeur de la publication : DENIS LEBRUNRĂ©dacteur en chef : STANLEY PĂANCoordonnatrice-rĂ©dactrice adjointe : HĂLĂNE SIMARDAssistant Ă la rĂ©daction : ANTOINE TANGUAYĂdimestre : MATHIEU SIMARDWebmestre : DANIEL GRENIER
ComitĂ© de rĂ©daction : PASCALE RAUD (Pantoute), LINALESSARD (Les Bouquinistes), MICHĂLE ROY (Le Fureteur),JEAN MOREAU (ClĂ©ment Morin), ĂRIC BOUCHARD (Monet)
PROLOGUEĂ lâordre du jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
LITTĂRATURE QUĂBĂCOISELa vie, en dĂ©pit de tout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7NoĂ«l Audet : Le vol arrĂȘtĂ© . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
EN ĂTAT DE ROMANIrĂšne NĂ©mirovsky, Ă©crivaine de nulle part . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
LE LIBRAIRE DâUN JOURGĂ©rard Bouchard : La recherche du temps perdu . . . . . . . . . . . . . . 12
LITTĂRATURE ĂTRANGĂRELes faussaires sont parmi nous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Tom Gilling : DĂ©fier la gravitĂ© . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17
ESSAIS ET DOCUMENTSAh ! les journalistes ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
DANS LA POCHELectures de plage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
PORTRAIT DâĂDITEURSciences et culture : Bouillon de poulet pour lâĂąme... . . . . . . . . . 23
LâĂDITION ET LES BEST-SELLERS :LE SUCCĂS EST DANS LâAIR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24 Ă 31
LE MONDE DU LIVREDon Quichotte ou lâĂ©difice ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32
BIOGRAPHIESAujourdâhui, on mange bio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33
POLARS ET THRILLERSSherlock Holmes: EnquĂȘte ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
SCIENCE-FICTION ET FANTASTIQUEDes nouvelles de lâimaginaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36Alec Covin : Lâombre des loups . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
JARDINAGEBertrand Dumont et lâhorticulture Ă©cologique . . . . . . . . . . . . . . . . 39
TOURISMETaras Grescoe: Câest oĂč, le bout du monde ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
PLEIN AIRAux quatre coins du Québec... LA NATURE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
LITTĂRATURE JEUNESSEAbĂ©cĂ©daires : Nouvelle vague ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
BANDES DESSINĂESLa voix des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
ĂPILOGUEActivitĂ©s estivales et quelques rĂ©cents laurĂ©ats . . . . . . . . . . . . . . 52
Le Libraire286, rue Saint-Joseph EstQuébec (Québec) G1K 3A9Tél. : (418) 692-5421Téléc. : (418) 692-1021Courriel : [email protected] : 1481-6342Envoi de poste publication : 40034260
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Le Libraire est subventionné par leConseil des Arts du Canada et la SODEC.
SOMMAIRE
le libraire
Le saviez-vous ? Il paraĂźt que la lecture, la littĂ©rature et, par extension, la culture seraient deretour au palmarĂšs des prioritĂ©s de nos dirigeants⊠La nouvelle a de quoi rĂ©jouir, si bienque jâen oublie mon scepticisme usuel. Dâailleurs, lors de son discours prononcĂ© le jour delâouverture de la Grande BibliothĂšque du QuĂ©bec, le premier ministre Charest ne tarissaitpas dâĂ©loges sur les artisans de la culture quĂ©bĂ©coise, dont les Ă©crivaines et Ă©crivains, quiseraient au centre des prĂ©occupations du prĂ©sent gouvernement, et sur ce temple « oĂčde nombreux QuĂ©bĂ©cois et QuĂ©bĂ©coises viendra (sic) sâilluminer. »
Traitez-moi de naĂŻf si le cĆur vous en dit, mais je joue le jeu.
Jâaccepte de croire que lâadministration qui a inaugurĂ© le magnifique Ă©difice au coin deMaisonneuve et de Berri a vraiment la littĂ©rature et la culture Ă cĆur.
Oublions quâen deux ans lâactuel gouvernement a mis Ă mal toute lâĂ©cologie du milieu culturelen gĂ©nĂ©ral et lâindustrie du livre en particulier. Oublions que ces gens ont saignĂ© librairies,salons du livre,bibliothĂšques scolaires et publiques,que la ministre de la Culture nâa mĂȘme pasdaignĂ© rĂ©pondre Ă la lettre que lui adressait en novembre dernier une coalition dâĂ©crivains, delibraires et dâĂ©diteurs, sur la nĂ©cessitĂ© de discipliner les pratiques commerciales dans le milieudu livre.Oublions que ce refus de faire montre dâune volontĂ© politique ferme dans ce domaineouvre grand la porte Ă des transactions douteuses,comme la rĂ©cente et sauvage prise de con-trĂŽle par le groupe Renaud-Bray de Tome Un, librairie indĂ©pendante bien Ă©tablie de la rive sudde QuĂ©bec. Oublions quâun tel geste confirme les craintes de tous et chacun sur les vellĂ©itĂ©sexpansionnistes de la chaĂźne de librairies, qui semble rĂ©solue Ă sâaccaparer le marchĂ© desventes institutionnelles hors MontrĂ©al. Oublions la quasi faillite du groupe Renaud-Bray en1996 et ses rĂ©percussions catastrophiques sur lâensemble du milieu. Oublions aussi, tant quâĂ faire, que de telles pratiques vont Ă lâencontre de la philosophie du Fonds de solidaritĂ© de laFTQ qui a sauvĂ© Renaud-Bray de la faillite en investissant massivement dans lâentreprise.
Des broutilles, tout ça ! En cette annĂ©e oĂč notre mĂ©tropole a Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e Capitale mondialedu livre, Jean Charest, dont on serait bien curieux de connaĂźtre les livres de chevet, lâa dĂ©clarĂ©avec toute la sincĂ©ritĂ© dont on le sait capable : la culture quĂ©bĂ©coise, notre littĂ©rature et sesartisans sont au centre de ses prĂ©occupationsâŠ
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, pas vrai ?
Il ne reste plus quâĂ dĂ©cider du titre des livres que nous emmĂšnerons pour les vacancesâŠ
Nos suggestions sâarticulent selon les rubriques habituelles. Dâabord, il y a les conseils de notre libraire dâun jour, lâhistorien, sociologue et romancier GĂ©rard Bouchard. Viennent aussinos rencontres avec des Ă©crivains et essayistes dâici (NoĂ«l Audet, Alberto Manguel, TarasGrescoe) ou dâailleurs (Tom Gilling, Alec Covin).Et puis, il y a notre dossier sur le best-seller,unenotion qui Ă la fois sĂ©duit et inquiĂšte. Sans oublier les chroniques et articles sur les littĂ©raturesquĂ©bĂ©coise et Ă©trangĂšre, le polar, la science-fiction, le monde du livre et, belle saison oblige, lejardinage, la nature et autres plaisirs estivaux, sans oublier les recommandations de noslibraires partenaires.
Comme quoi, chez nous, lecture et littĂ©rature ont toujours Ă©tĂ© Ă lâordre du jour. Heureux desavoir que nous sommes dĂ©sormais dans lâair du tempsâŠ
Stanley Péan, rédacteur en chef
Ă lâordre du jour
Nous reconnaissons lâappui financier du gou-vernement du Canada par lâentremise duProgramme dâaide au dĂ©veloppement de lâin-dustrie de lâĂ©dition (PADIĂ) pour ce projet.
Prologue
le libraire âą JUILLET-AOĂT 2
le libraire BOUQUINELittérature québécoise
Le serment dâHippocrate Le Moyen Ăge ne fut pas que lâaffaire des chevaliers et desseigneurs ; les mĂ©decins et les universitaires ont aussi façonnĂ©cette Ă©poque...Montpellier,vers 1230.ĂlevĂ©e comme un garçon, lajeune Auralie bouleverse les conventions en entrant Ă lâĂ©cole demĂ©decine. Suivre son destin nâest pas aisĂ©, mais la belle Ă©tudiantetrouve le rĂ©confort dans ses jardins, oĂč elle cultive avec un Ă©galsavoir-faire plantes curatives et amour courtois⊠Dans ce sixiĂšmeroman, Maryse Rouy sâattarde Ă la domination masculine par lebiais du savoir mĂ©dical et des institutions universitaires.
NouveautĂ© LES JARDINS DâAURALIE,Maryse Rouy, QuĂ©bec AmĂ©rique, coll. Tous continents, 240 p., 24,95 $
Triade amoureuse LâItalie des annĂ©es 80, troublĂ©e par les Brigades rouges, lesgrĂšves et les attentats nĂ©ofascistes, reste cependant fidĂšle Ă elle-mĂȘme, avec ses paysages champĂȘtres et son soleil cares-sant. Câest dans ce dĂ©cor composĂ© dâextrĂȘmes que LouisLefebvre, aussi rĂ©putĂ© pour ses travaux en Ă©thologie que pourson Ćuvre littĂ©raire (Le Collier dâHurracan, Guanahani,Table rase),campe lâhistoire de Jean-François, gĂ©nĂ©ticien quĂ©bĂ©cois en con-fĂ©rence Ă Bologne qui, au hasard des trains, tente de trouver lessignes qui donneront Ă un sens Ă sa vie.
NouveautĂ© LE TROISIĂME ANGE Ă GAUCHE,Louis Lefebvre, BorĂ©al, 268 p., 22,95 $
Sur la lune en vĂ©lo « 5-Fu » est le nom de la chimiothĂ©rapie suivie par PierreGagnon. Son livre, dont la couverture est signĂ©e Rabagliati, estconstituĂ© de textes brefs, dâune longueur qui varie dâune seuleligne Ă une vingtaine. Y sont rapportĂ©es les observations de lâau-teur, qui dĂ©peint avec malice et mesure lâexpĂ©rience de son traite-ment contre le cancer. Les petits bonheurs prennent une gravitĂ©inouĂŻe (lire « Le rĂȘve du petit Simon ») ; les difficultĂ©s sontempreintes dâhumour (voir « Lance et Neil »). Rares sont leslivres Ă nous toucher par leur simplicitĂ©. 5-Fu est du nombre.
NouveautĂ© 5-FU, Pierre Gagnon, Lâinstant mĂȘme, 92 p., 14,95 $
Braveheart Dans ce troisiĂšme et avant-dernier tome dâune sĂ©rie dont lesdeux premiers volets (La VallĂ©e des larmes, La Saison des cor-beaux) se sont Ă©coulĂ©s Ă plus de 100 000 exemplaires,Alexander Macdonald, petit-fils de Liam et de Caitlin, fuit la val-lĂ©e de son enfance. EnrĂŽlĂ© dans un rĂ©giment Ă©cossais alliĂ© auxAnglais dans la conquĂȘte de la Nouvelle-France, le jeunehomme sâĂ©prend dâIsabelle Lacroix, fille de marchand. Mais leuramour est contrecarrĂ© par leurs allĂ©geances politiques : laguerre Ă©teindra-t-elle leur passion ? Les Sentiers de ronces,dernier volet de la sĂ©rie, est prĂ©vu pour septembre 2005.NouveautĂ©
LA TERRE DES CONQUĂTES : CĆUR DE GAĂL (t. 3), Sonia Marmen,Ăditions JCL, 580 p., 26,95 $
Presse, pouvoir et publicitĂ© DotĂ© de flair et de longs crocs, Michel Gagnon dirigeCommunimark PublicitĂ©, une agence qui a le vent en poupe. Letalent de navigateur de Gagnon lui permet de tirer le meilleurparti de Belleau, son directeur artistique, et des femmes de sonentourage : Louise, son Ă©pouse, Marie, la chercheuse, etMĂ©lanie, sa relationniste et amante Ă©pisodique. Lorsque dâim-portants contrats obtenus grĂące Ă sa frĂ©quentation des milieuxmĂ©diatiques et politiques lui vaudront des ennuis, Gagnondevra revoir ses prioritĂ©s. Par le fondateur et ancien prĂ©sidentde Cossette Communication Marketing.NouveautĂ©
UN LOUP PARMI LES LOUPS, Claude Cossette, Septentrion, 397 p., 29,95 $
La Librairie du QuĂ©bec Ă Paris : une dĂ©cennie, dĂ©jĂ !Pour son dixiĂšme anniversaire, la Librairie du QuĂ©bec Ă Paris, sise rue Gay-Lussac, aucĆur du quartier latin,a organisĂ© une semaine de festivitĂ©s (dĂ©bats,lectures,dĂ©dicaces),auxquelles le public Ă©tait chaleureusement conviĂ©. Afin de cĂ©lĂ©brer cet importantĂ©vĂ©nement parrainĂ© par Bernard Pivot,pas moins de dix QuĂ©bĂ©cois,certains dĂ©jĂ con-nus en France,dâautres en passe de lâĂȘtre,ont Ă©tĂ© invitĂ©s.Câest ainsi quâon a notammentpu rencontrer les Ă©crivains Yves Beauchemin, Marie-Claire Blais, Denise Bombardier,Guillaume Vigneault et Bruno HĂ©bert, les auteurs pour la jeunesse Michel NoĂ«l et JuliePaquet,de mĂȘme que les essayistes Hubert Reeves et Laure Waridel.Sâest joint Ă cettebrochette le Français Jean-Paul Dubois, romancier (Une vie française,prix Femina 2004),qui connaĂźt bien la Belle Province. Depuis 1995, la Librairie du QuĂ©bec Ă Paris constituele porte-Ă©tendard de lâĂ©dition quĂ©bĂ©coise et franco-canadienne ; lâensemble dufonds Ă©ditorial quĂ©bĂ©cois y est en effet offert. En dix ans dâactivitĂ©, le succĂšs de cetteentreprise gĂ©rĂ©e depuis cinq ans par les Ă©ditions Hurtubise HMH,de MontrĂ©al,a confir-mĂ© sa place dans le paysage de la librairie française. Lorsque vous passerez par Paris,nâoubliez pas dâajouter cette adresse Ă votre pĂ©riple !
Les goĂ»ts de DanyPreuve que notre littĂ©rature occupe de plus en plus de place dans lâHexagone,lâheb-domadaire Livres Hebdo, qui sâadresse aux acteurs du livre francophone, livrait finmai un Ă©logieux portrait de Dany LaferriĂšre, le qualifiant dâ « immense lecteur et[dâ]Ă©crivain plus complexe que son apparente dĂ©contraction ne le laisse croire ».Rappelons que lâauteur dâorigine haĂŻtienne, installĂ© au QuĂ©bec depuis nombre dâan-nĂ©es, a mis le point final Ă son « autobiographie amĂ©ricaine », une sĂ©rie de dixromans qui, dĂšs Comment faire lâamour avec un nĂšgre sans se fatiguer (1985), a con-quis la critique et le public. Quoique LaferriĂšre apporte ponctuellement des ajoutsĂ son Ćuvre (entre autres Le GoĂ»t des jeunes filles,1992,rĂ©Ă©ditĂ© en 2005),câest sa car-riĂšre de cinĂ©aste qui occupe dorĂ©navant le plus clair de son temps (Comment con-quĂ©rir lâAmĂ©rique en une nuit, et bientĂŽt Ă lâaffiche Vite, je nâai pas que ça Ă faire). Ă sur-veiller,en fĂ©vrier 2006,lâadaptation,par Laurent Cantet (LâEmploi du temps,Ressourceshumaines), de La Chair du maĂźtre, devenu Vers le sud, qui mettra en vedette LouisePortal, Karen Young et Charlotte Rampling.
MontrĂ©al : Ă nous deux ! 1984. Charles frise la vingtaine, mais rien ne le dĂ©coiffe. Pas detemps Ă perdre avec lâĂ©cole ! Au lieu de sâinscrire au cĂ©gep, ildĂ©barque Ă MontrĂ©al pour Ă©crire : il sera Balzac ou rien. Ce se-cond volet de Charles le tĂ©mĂ©raire suit lâitinĂ©raire du jeunehomme de petits boulots en petits boulots, jusquâĂ son entrĂ©etriomphale dans la presse⊠au courrier du cĆur dâun journal Ă potins ! Par les yeux grands ouverts de Charles Thibodeau,YvesBeauchemin nous fait revisiter avec plaisir le QuĂ©bec des vingtderniĂšres annĂ©es.
NouveautĂ© UN SAUT DANS LE VIDE : CHARLES LE TĂMĂRAIRE (T. 2),Yves Beauchemin, Fides, 413 p., 24,95 $
Qui prend mari prend pays AprĂšs un premier Ă©pisode fort bien accueilli par le public,Nicole Fyfe-Martel raconte la suite de lâexistence romancĂ©edâHĂ©lĂšne de Champlain, nĂ©e BoullĂ©, dont lâhistoire nâa conservĂ©que quelques lignes. Entre un mari qui a trois fois son Ăąge et unjeune amant, Ludovic, pelletier de son Ă©tat, la fougueuse HĂ©lĂšneparticipera Ă la grande aventure qui verra lâ « Abitation » sâĂ©-tendre peu Ă peu jusquâĂ devenir le QuĂ©bec.
Nouveauté
HĂLĂNE DE CHAMPLAIN. TOME II, Nicole Fyfe-Martel, Hurtubise HMH,coll. Roman historique, 692 p., 29,95 $
Du cuivre, de lâor et du hockey Il nây a pas de lions dans les rĂ©cits de Jean OâNeil, grand explo-rateur de terres connues, qui ajoute un morceau de choix Ă sonĆuvre avec Mon beau Far West. Suivant en auto la trajectoire deSamuel de Champlain vers les confins de la riviĂšre Outaouais, lenarrateur fait monter une auto-stoppeuse, MĂ©lodie. Les deuxcomplices nous prĂ©sentent une suite de tableaux sur les gensordinaires qui peuplent lâAbitibi-TĂ©miscamingue, illustres incon-nus et modestes cĂ©lĂ©britĂ©s confondus. Une Ă©criture dâune rarenoblesse, qui maĂźtrise un flot inouĂŻ de rĂ©fĂ©rences sans perdre devue la simplicitĂ© du rĂ©cit.NouveautĂ©
MON BEAU FAR WEST, Jean OâNeil, Libre Expression, 238 p., 24,95 $
3 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
Lâidiot du village et la belle Ă©trangĂšre Nicole Houde sâest attirĂ© les Ă©loges dĂšs La Malentendue (1984),avec lequel elle raflait le Prix des Jeunes Ă©crivains du Journal deMontrĂ©al. Depuis, malgrĂ© un Prix du Gouverneur gĂ©nĂ©ralempochĂ© en 1995 pour Les Oiseaux de Saint-John Perse, lâĂ©crivainesaguenĂ©enne reste Ă©trangement mĂ©connue du grand public.Avouons que les comparaisons avec Ducharme et Blais lâontclassĂ©e dâemblĂ©e parmi les Ă©crivains dits littĂ©raires, ceux qui fontun peu peur.Pourtant, lâauteure raconte lâĂąme humaine,ses dĂ©sirs,ses tourments, ses joies comme pas une. Voici votre chance dedĂ©couvrir une grande auteure de chez nous.
NouveautĂ©LA FIANCĂE DE GOD, Nicole Houde, La pleine lune, 144 p., 20,95 $
le libraire âą JUILLET-AOĂT 4
Le mal de vivre
On aime rĂ©pĂ©ter que les livres deMarie-Claire Blais sont tĂ©nĂ©breux. Etce nâest certes pas Augustino et lechĆur de la destruction, troisiĂšmevolet de la trilogie entamĂ©e avecSoifs, qui dissipera cette idĂ©e reçue.Pourtant, je prĂ©fĂšre penser queMarie-Claire Blais Ă©crit des romansexigeants, comme lâest parfois la lit-tĂ©rature, mais ces exigences nâexpri-ment rien dâautre que le refus de lafacilitĂ© qui prĂ©vaut dans trop dedomaines Ă lâheure actuelle. Suitelogique des prĂ©cĂ©dents, le Blais nou-veau nous ramĂšne dans la mĂȘme Ăźledu golfe du Mexique que nousavions explorĂ©e dans Soifs et Dans lafoudre et la lumiĂšre. VĂ©ritable micro-cosme, lâĂźle est peuplĂ©e de person-nages forts et complexes, tous ettoutes en proie Ă une certaineangoisse, un certain mal de vivre toutĂ fait typique de notre monde endeuil de valeurs et de repĂšres. Ils sontlĂ©gion, les personnages : de Lazaro,ce fils dâislamiste dans les veines dequi la rage coule tel un poison, Ă Carlos, le dĂ©tenu qui rĂȘve de libertĂ© ;de Caroline, la photographe bour-geoise Ă Charley, sa gouvernante « qui a moins de mots mais plus dâimages » ; de MĂšre, la sagesse faitefemme, Ă Adrien, vieux critique littĂ©raire aigri (devrions-nousdâailleurs chercher le modĂšle de ceprotagoniste en notre rĂ©publiquedes lettres?). Au grĂ© dâune narrationsavamment orchestrĂ©e, le lecteur estconviĂ© Ă butiner les pensĂ©es, Ă goĂ»ter dans le dĂ©tail et dans
La vie,en dépit de tout
lâensemble le grondement de ce chĆur de la destructionau-dessus duquel sâĂ©lĂšve la voix dâAugustino, Ă©crivainpromĂ©thĂ©en, hĂ©raut plus que hĂ©ros de ce roman poly-phonique. Comme toujours chez Blais, et plus quejamais, lâĂ©criture est dense, ciselĂ©e, sans compromis, lesouffle proprement inĂ©puisable. La romanciĂšre nâyraconte pas tant une histoire quâelle inscrit ses person-nages dans la marche inexorable de lâHistoire. Onchercherait en vain la faille dans cet univers minutieuse-ment construit, Ă©tourdissant Ă force de ressembler aunĂŽtre. Vraiment, cette femme mystĂ©rieuse Ă qui lâon doittant de jalons incontournables de notre littĂ©rature vientencore une fois de signer une Ćuvre qui mĂ©rite le statutde classique.
La soif de vivre
Allez savoir pourquoi, notre littĂ©rature est prodigue enpoĂštes au sort tragique, dont lâenvol nâest pas sans rap-peler la figure dâIcare, brĂ»lĂ© pour sâĂȘtre trop approchĂ© desa propre blessure incandescente. On pense Ă Nelligan,certes, Ă Saint-Denys Garneau aussi. Et puis on pense Ă Marie Uguay, plus proche de nous dans le temps, qui estpassĂ©e comme une Ă©toile filante dans le firmament denos lettres. EmportĂ©e en 1981 par le cancer Ă lâĂąge devingt-six ans, Uguay a de son vivant publiĂ© trois recueils(Signe et rumeur, LâOutre-vie et Autoportraits), qui ontacquis au fil du dernier quart de siĂšcle une importancecapitale dans lâhistoire de la poĂ©sie dâici. Ă ces Ćuvresconnues et cĂ©lĂ©brĂ©es Ă juste titre, les Ă©ditions du BorĂ©alont ajoutĂ© un grand nombre dâinĂ©dits (PoĂšmes en margeet PoĂšmes en prose), ainsi quâune Ă©clairante prĂ©face deJacques Brault. En mĂȘme temps que cette intĂ©grale toutjuste intitulĂ©e PoĂšmes, on a Ă©galement fait paraĂźtre lejournal de la disparue, dont le texte dĂ©finitif a Ă©tĂ© Ă©tablipar StĂ©phan Kovacs, son compagnon. Dans les inĂ©ditscomme dans les Ćuvres dĂ©jĂ parues, on retrouve avecbonheur la Marie Uguay quâon connaissait : chantre dela sensualitĂ© et des nourritures terrestres, poĂšte de laplĂ©nitude et de la beautĂ©. De prime abord, compte tenudu destin qui fut le sien, cela peut avoir un air de para-
Une chronique de Stanley PĂ©an
doxe. Le Journal rĂ©vĂšle une facette inĂ©dite delâĂ©crivaine qui avait, dĂ©couvre-t-on, tĂątĂ© de la prose,jonglĂ© avec lâidĂ©e dâĂ©crire un roman, mĂȘme si ses dis-positions naturelles la ramenaient invariablement Ă lapoĂ©sie. La maladie lâaura emportĂ©e trop vite pourquâelle puisse investir sa formidable sensibilitĂ© dansun univers romanesque. Quel dommage ! Mais quelgrand privilĂšge que celui dâentrer dans lâatelier, danslâintimitĂ© de cette grande poĂ©tesse, habitĂ©e dâuneinassouvissable soif de vivre !
La rage
On ressent toujours une sorte de malaise Ă lâidĂ©edâencenser le travail de quelquâun quâon connaĂźt etapprĂ©cie dans la « vraie vie » ââ dâautant plus que lesesprits chagrins sont toujours prompts Ă chercher destraces de nĂ©potisme derriĂšre tout Ă©loge.Heureusement, les critiques positives recueillies parCassandre, la suite poĂ©tique aux Ă©chos mythologiquesquâa signĂ©e Catherine Lalonde cet hiver, me gardentde tout soupçon. Je ne fais donc quâajouter ma voixaux louanges suscitĂ©es çà et lĂ par lâouvrage de lapoĂšte-chorĂ©graphe et danseuse, son deuxiĂšme aprĂšsune Ćuvre de jeunesse dĂ©jĂ ancienne (Jeux de brume)qui lui avait permis de remporter le concours CritĂšredu temps de ses Ă©tudes collĂ©giales. On a beaucoupparlĂ© du point de vue masculin privilĂ©giĂ© parCatherine Lalonde pour livrer ce chant dâamour et dedouleur, doublĂ© dâune mĂ©ditation implacable sur lerapport entre dominant et dominĂ©e qui afflige tropde relations amoureuses. Lalonde nâest certes pas lapremiĂšre femme Ă revĂȘtir un masque masculin pourĂ©crire, peu sâen faut, mais elle le fait ici avec unevigueur Ă donner froid dans le dos. Il y a beaucoup deviolence et de rage dans les pages de Cassandre, maisni lâune ni lâautre nâempĂȘchent lâĂ©mergence de labeautĂ©. Ce nâest pas rien : quâon se le dise.
Littérature québécoise
Augustino et le chĆur de la destruction, Marie-Claire Blais,BorĂ©al, 305 p. 25,95 $
PoÚmes et Journal, Marie Uguay, Boréal, 216 et 326 p. 19,95 $ et 25,95 $Cassandre, Catherine Lalonde, Québec Amérique, 88 p. 16,95 $
« Mourir, cela nâest rien », chantait Brel. Mais aimer, dĂ©sirer, vivre, tout ça ne semble pasĂȘtre une sinĂ©cure non plus, Ă en croire certains livres. Heureusement quâau-delĂ du voiledes tĂ©nĂšbres qui nous entourent, reste toujours la flamme vacillante de la beautĂ©. Câestce quâon dĂ©couvre en tous cas Ă lire Marie-Claire Blais et ses cadettes, Marie Uguay etCatherine Lalonde.
5 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire CRAQUELittérature québécoise
Le Fou dâOmarAbla Farhoud, VLB Ă©diteur, 186 p., 19,95 $
Le Fou dâOmar est une ode Ă la vie racontĂ©e par quatre voixdâhommes qui, tour Ă tour, nous livrent leur chant intĂ©rieursans pudeur et avec beaucoup de sensibilitĂ©. Des hommesliĂ©s entre eux pour le meilleur et pour le pire. Le fou, le pĂšre,le frĂšre et le voisin nous parlent dâespoir, de douleur, dedĂ©tresse, de regrets, de bonheur, dâamour et de tout ce quifait de nous des ĂȘtres humains Ă part entiĂšre. Tout tourneautour du fou complĂštement dĂ©muni et dĂ©semparĂ© Ă lasuite du dĂ©cĂšs du pĂšre. Le roman est portĂ© par lâĂ©criturehautement maĂźtrisĂ©e dâAbla Farhoud. Ses mots nous hap-pent, nous bousculent, nous hypnotisent, nous sub-juguent, nous heurtent, nous sĂ©duisent et toujours noustouchent profondĂ©ment. Une Ćuvre rĂ©ussie, un bel hom-
mage aux hommes. ĂRIC SIMARD
Douce moitiéMatthieu Simard, Stanké, 212 p., 14,95 $
Un jour, comme ça, Julie signifie Ă Matthieuquâelle aimerait bien se faire demander enmariage⊠Les questionnements fondamen-taux sâinstallent alors dans lâesprit du sympa-thique gars ordinaire, qui fera une vĂ©ritableanalyse de sa vie en couple. Câest dans unelangue moderne et vivante que le lecteur estentraĂźnĂ© Ă la suite de ces deux MontrĂ©alais dâau-jourdâhui, qui ont le courage de prendre letemps de rĂ©flĂ©chir. Parions que nous nâen
sommes pas Ă la derniĂšre perle de Matthieu Simard. JOSIANE RIVERIN-CLOUTĂE
NOUVELLES ROMANS ESSAIS
La Trace de lâescargotBenoĂźt Bouthillette, Ăditions JCL, coll. Couche-Tard, 364 p., 19,95$
Voici un polar iconoclaste aux rĂ©fĂ©rences alternatives etartistiques, vraiment anticonformiste tant par la forme etle style Ă©clatĂ©s que par les thĂšmes abordĂ©s. Lâintrigue sesitue dans un MontrĂ©al alternatif, nocturne de surcroĂźt,oĂč un inspecteur hors norme enquĂȘte sur un meurtrieren sĂ©rie, qui Ă©labore ses crimes en sâinspirant dâĆuvresdu peintre Francis Bacon. BenoĂźt Bouthillette signe ici unroman fascinant, surprenant, qui traduit lâesthĂ©tique deBacon en fictions morbides. LâĂ©criture est foisonnante, lelecteur doit sâadapter au fil des pages au rythme particulier du rĂ©cit pour en savourer toute la richesse.Ăcrit avec aplomb, La Trace de lâescargot risque de fairedu chemin. MARIE-BELLE GIRARD
SparadrapMarie-Chantal Gariépy, Marchand de Feuilles, 141 p., 17,95 $
Fugue Malrot en a marre dâexister. Et, depuis toujours, ellesouhaite exaucer son vĆu le plus cher : sâenlever la vie.Mais voilĂ , Ă chaque tentative quelquâun ou quelque choselâen empĂȘche, et tout est Ă recommencer. Face Ă un psy-chiatre qui ne comprend rien Ă son mal ni Ă ses dĂ©sirs, faceĂ lâincomprĂ©hension dâun systĂšme fait pour sauver Ă toutprix, elle nous raconte son histoire. Le ton et le langageemployĂ©s pour aborder des thĂšmes tels que la mort parsuicide, la dĂ©pression et le manque de volontĂ© de vivretiennent par moment du burlesque, quelquefois au dĂ©tri-ment du rĂ©cit. Marie-Chantal GariĂ©py parvient nĂ©anmoinsĂ livrer un petit roman tantĂŽt drĂŽle, parfois pathĂ©tique etsouvent distrayant CHARLES QUIMPER
Ăric SimardPANTOUTE
Josiane Riverin-CloutéeLES BOUQUINISTES
Marie-Belle GirardLES BOUQUINISTES
Charles QuimperPANTOUTE
le libraire âą JUILLET-AOĂT 6
Littérature québécoise
Lorsque je rejoins NoĂ«l Audet au Boudoir,sur le Plateau Mont-Royal, il est dĂ©jĂ attablĂ©en bonne compagnie. Le professeur de lit-tĂ©rature retraitĂ© de lâUQĂM discute avecdâanciens Ă©tudiants, et la conversation sâen-gage sur des sentiers qui vont de la com-mission Gomery Ă lâenvironnementalistePierre Dansereau. Une belle entrĂ©e enmatiĂšre pour son neuviĂšme roman, Le Roides planeurs, dont lâhistoire se tisse Ă mĂȘmelâintrigue policiĂšre, la satire sociale, lâavenirde la planĂšte, le « journal asilaire et autresparoles envolĂ©es ».
Le planeur du roman, câest Loubert, pro-fesseur de deltaplane. Un solitaire qui joueavec les frontiĂšres de la vie et de la mort, etqui inspire de la mĂ©fiance Ă ceux qui lâobser-vent Ă partir du plancher des vaches. Entredeux sauts de la falaise de lâanse du Diable,Loubert va tomber amoureux de MĂ©lissa, uneadolescente de 16 ans curieuse des abĂźmesquâil survole. En vol, MĂ©lissa glisse de sonfourreau et sâĂ©crase sur les rochers. Loubertsera accusĂ© de nĂ©gligence criminelle ; sonavocat plaidera la psychose pour lui Ă©viter laprison. Alors quâil volait pour ĂȘtre libre, lepilote sera internĂ© neuf mois Ă lâasile Saint-Jean de QuĂ©bec. Exclu du monde, il dĂ©couvri-ra le secret de son amoureuse et le vrai sens,ici-bas, du mot « Ă©vasion ».
Le Roi des planeurs, XYZ Ă©diteur, coll. Romanichels, 194 p., 23 $
Il y a quelques annĂ©es, NoĂ«l Audet signait le best-seller LâOmbre de lâĂ©per-vier. Aujourdâhui, lâhomme en est Ă lâheure des bilans : que retiendra-t-onde notre passage sur terre ? Quâavons-nous laissĂ© en partage Ă ceux quihĂ©ritent de la planĂšte ? Premier tome dâune trilogie romanesque qui faitlâinventaire de lâaventure humaine, Le Roi des planeurs est Ă©crit sous lesigne du vent. Comme lâexistence, le vent varie, vire de bord, devenant ainsilâami ou lâadversaire de nos entreprises. Un souffle fort comme lâenvie devivre, mais parfois destructeur.
Les testaments trahis
Le Roi des planeurs est dĂ©diĂ© Ă la mĂ©moire de D.,« trop pressĂ©e de changer la vie ». Ă travers le personnage de MĂ©lissa, le roman mĂ©dite sur le sujettroublant du suicide des jeunes, leur dĂ©sarroi et lâab-sence dâespoir, ces gangrĂšnes de la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©-coise contemporaine : « Les adolescents retournentcontre eux la violence de notre monde. Le pacte demort que MĂ©lissa contracte avec la sociĂ©tĂ© de La Rosenoire sâinspire dâun fait divers des annĂ©es 1960. Jâaiconnu alors une jeune fille brillante, dâune luciditĂ©aiguĂ«, Ă la pensĂ©e philosophique trĂšs dĂ©veloppĂ©e, quisâest jetĂ©e devant un train. On doit se demanderpourquoi les meilleurs deviennent les plus dĂ©s-espĂ©rĂ©s », s'interroge lâĂ©crivain.
Lâancien professeur nâhĂ©site pas Ă pointer du doigtnos dĂ©missions. Loubert est affligĂ© dâune mĂšre froideet absente, qui le larguera en temps opportun :« Cette mĂšre incarne une sociĂ©tĂ© laxiste, qui aban-donne ses enfants. Nulle part en Europe ou enAmĂ©rique, les parents nâont renoncĂ© autant Ă leur rĂŽlede transmetteurs quâici. Quand on nâapprend pas Ă sebattre pour surmonter les obstacles, on perd le sensdes valeurs, et celui de la valeur de la vie », observe levieux sage.
Audet s'inquiĂšte de nos dĂ©rives Ă©thiques : « Le scan-dale de la commission Gomery est emblĂ©matique :au QuĂ©bec, tant quâon ne se fait pas prendre, on nâestcoupable de rien », ironise-t-il. Il ne remet pas pourautant en question les acquis de la RĂ©volution tran-quille : « Ă lâĂ©poque duplessiste, les QuĂ©bĂ©coisvivaient une rĂ©pression politique et religieuse assezterrible. Je crois que lâĂglise nous a causĂ© du tort : ellevĂ©hiculait des valeurs morales, et non sociales, et nousavons encore de la difficultĂ© Ă devenir des citoyens »,dĂ©clare-t-il.
La cour des miracles
Sans doute parce quâil relĂšve d'une grave maladie (« aprĂšs le choc, jâai acceptĂ© ma situation mortelle.Jâai cru dĂ©passer la crainte de la mort »), lâĂ©crivainexplore ces thĂšmes graves avec une lĂ©gĂšretĂ© et ungoĂ»t du bonheur qui caractĂ©risent ceux qui ont le
sentiment de leur propre finitude. Lâinvention verbalede ce conteur colorĂ© a trouvĂ© à « lĂącher son fou »dans le huis clos asilaire que subira Loubert. Une vĂ©ri-table cour des miracles, oĂč les types sociaux prennentdes allures de fable carnavalesque : Ămile, le douxdĂ©pressif incapable dâagir, Poil-aux-doigts, lâexhibi-tionniste, Jack Pot, un justicier maĂźtre-du-monde,Pitre, le surveillant, etc. : « Câest lâhumour gaspĂ©sien,mon cĂŽtĂ© dĂ©linquant, contestataire, rigole le roman-cier. Mes fous reprĂ©sentent notre aliĂ©nation. » Eneffet, ce stendhalien promĂšne son miroir le long duchemin : « Le roman a une fonction de sĂ©ductionmais, pour susciter une prise de conscience, les gensdoivent sây reconnaĂźtre ».
DrĂŽle dâoiseau que NoĂ«l Audet, jamais lĂ oĂč on lâat-tendrait. Un moraliste doublĂ© dâun maĂźtre du romanqui pratique lâart de lâesquive et de la volte-face. Car silâoiseau est libre, il a dĂ©jĂ goĂ»tĂ© aux cages : « Quandjâai Ă©crit LâOmbre de lâĂ©pervier, je me suis arrangĂ© pourque ce roman ne puisse pas avoir de suite. Mais toussâattendaient Ă ce que je refasse quelque chose desemblable : cela se paie dâune maniĂšre ou dâuneautre », rĂ©sume sobrement celui qui a immortalisĂ© laGaspĂ©sie dans notre imaginaire collectif.
Bien dâautres aventures littĂ©raires ont succĂ©dĂ© Ă lâadapta-tion tĂ©lĂ©visĂ©e du best-seller, toutes sous les auspices de « lâĂ©chappĂ©e belle » et de la voltige, dont lâessai Ăcrire cequâil nous reste de libertĂ© (Trois-Pistoles, 2002), et ce quedâaucuns qualifient comme son chef-d'Ćuvre, FrontiĂšresou Tableaux dâAmĂ©rique (QuĂ©bec AmĂ©rique, 1998), unepromenade continentale Ă travers les destins de septMarie, inspirĂ©e de lâarchitecture des Tableaux dâune expo-sition de Moussorgski. Les lecteurs savent quâil existedeux espĂšces dâĂ©crivains : ceux qui, comme JacquesPoulin, replongent avec dĂ©lices dans les variations dâunmĂȘme livre cent fois rĂ©Ă©crit.NoĂ«l Audet, lui,se rĂ©clame delâĂ©cole littĂ©raire de GĂ©rard Bessette, cet autre oiseau rarequi ne craignait pas le concept de la table rase :« Chaque livre est le fruit des autres,et jâen conserve lâex-pĂ©rience. Mais ma motivation et le plaisir d'Ă©crire se trou-vent du cĂŽtĂ© de lâexploration, que ce soit celle desthĂšmes, des formes, des genres », dĂ©clare-t-il. Câest lĂ toute la force de lâart selon Audet, quand lâenvol delâimagination, comme une rĂ©demption, procure une « enivrante sensation d'apesanteur, oĂč le corps ne pĂšsepas plus que lâesprit ».
Par GeneviĂšve Thibault
Noël Audet
Le vol arrĂȘtĂ©
7 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire
CRAQUE le libraire BOUQUINEThéùtre et poésie
LâAdoption du systĂšme mĂ©triqueJacques Reda, Gallimard, coll. Blanche, 121 p., 20,95 $
Ces poĂšmes Ă©crits par le grand RĂ©da sont purs ravissements.Nous voilĂ devant la poĂ©sie dâun ciseleur silencieux taillant avec sa plume desobservations et des rĂ©flexions prises sur le fait et jointes Ă lâinhabituel,Ă des incongruitĂ©s magnifiques : « voyez, si je suis sourd, je demeure Ă lâaffĂ»t/De lâespace oĂč mon fil souple encore qui se balance/Mesure unemontagne et pĂšse un nuage, un oiseau./Je vais mâenraciner dans lesilence/Mais reverdir peut-ĂȘtre Ă la prochaine saison » (« Complaintedu vieux poteau »). Le tout est cadencĂ©, le titre en tĂ©moigne, par laprosodie française traditionnelle :cela donne un swing candide et syn-copĂ© au pessimisme enivrĂ© du poĂšte. LâAdoption du systĂšme mĂ©trique
est dâorfĂšvrerie faite,de beautĂ©s trouvĂ©es oĂč le regard porte. JEAN-PHILIPPE PAYETTE
Jeux en coulisseCritiquer nâest pas jouer. Tout discours sur lâart, Ă plus forte raisonlorsquâil est soumis Ă lâactualitĂ©, constitue un pĂ©rilleux exercice. Lejugement, la culture et le regard du critique sont alors contraints Ă une pression redoublĂ©e. Journaliste culturelle et critique de thĂ©Ăątre,Anne-Marie Cloutier a rencontrĂ© une vingtaine de personnalitĂ©sissues des milieux quĂ©bĂ©cois de la dramaturgie et de la critique. Sesentretiens rĂ©vĂšlent une communautĂ© de points de vue inespĂ©rĂ©e...
NouveautĂ©LE DĂPIT AMOUREUX. CRĂATEURS ET CRITIQUES AU THĂĂTRE
Anne-Marie Cloutier, Fides, 240 p., 24,95 $
Théùtre et poésie
Des ombres en formes dâoiseauxIsabelle Gaudet-Labine, Ăditions du NoroĂźt, 98 p., 15,95 $
Ce recueil de poĂ©sie Ă©tonne certainement par la dĂ©couverte de cettenouvelle voix dĂ©jĂ forte et ancrĂ©e,chez qui lâon peut dĂ©celer dâores etdĂ©jĂ lâinvestissement d'un langage qui lui est propre et lâimportancede sa portĂ©e. Au fil des mots ensemencĂ©s, on lit la rencontreamoureuse,puis la rencontre avec soi-mĂȘme,amplifiĂ©e et neuve.LestranchĂ©es irriguĂ©es font place Ă des chemins reconstituĂ©s, pleins denouveaux regards et dâautres possibilitĂ©s.Des brefs instants aux exha-lations personnelles et libres naĂźt la richesse dâune parole assumĂ©e.Laprofondeur et lâassurance de lâĂ©criture Ă©manent Ă chaque instant,satisfaisant le lecteur avide. AssurĂ©ment, la route est tracĂ©e : unepoĂšte quâil faut connaĂźtre et dont on ne peut qu'espĂ©rer les prochainsmots. ISABELLE LEBLANC-BEAULIEU
Sur les cimes de lâespoirEn 1955, lâHexagone publiait Ces Anges de sang. Fernand Ouellette adepuis multipliĂ© les oeuvres et les prix sans pour autant perdre le nordpoĂ©tique.Sa Chronique,dont nous Ă©voquons ici le premier volet,con-tiendra quelque 325 poĂšmes, tous Ă©crits entre 2003 et 2004.Inoubliable ? Le thĂšme du recueil est dâabord lâ« inatteignable ».VĂ©ritablement libres, recourant parfois Ă la rime, ses vers poursuiventlâidĂ©al hölderlinien et acceptent les limites du dire.
Nouveauté
LâINOUBLIABLE. CHRONIQUE I, Fernand Ouellette, Ăditions de lâHexagone,coll. Lâappel des mots, 327 p., 27,95 $
La colĂšre du TemplePubliĂ© sur du papier recyclĂ©, Objectif ZĂ©ro manifeste dâemblĂ©e lesĂ©rieux de lâentreprise de son auteur,Mathieu LalibertĂ©.La conscienceplanĂ©taire est Ă lâavant-plan de cette poĂ©sie qui mord : « Ma planĂštemĂšre sâĂ©carte de son axe quand je la regarde danser ».La dispositiongraphique,sans ĂȘtre audacieuse,garde le lecteur en Ă©veil.« Tu es four-bu », constate lâauteur avec raison en fin de parcours. Si le lecteur estun brin fatiguĂ©, câest quâil sâest fait secouer avec brio : « Te sens-tuserein lorsque des loques mangent dans ta main ? »
NouveautĂ© OBJECTIF ZĂRO, Mathieu LalibertĂ©, Coronet liv, 119 p., 16,95 $La Nouvelle PoĂ©sie russeAnthologie, Collectif, Ăcrits des Forges/Autres Temps, 192 p., 15 $
Brillante idĂ©e quâont eue les Ăcrits des Forges et Autres Temps en publiant une anthologie de poĂ©sie russe contemporaine, rassemblant33 poĂštes sous la mĂȘme couverture.Longtemps Ă©touffĂ©es par le bĂąillondu communisme, ces voix se dĂ©voilent enfin en pleine lumiĂšre. DeEvgueni Bounimovitch (« depuis que la tsarine ma mĂ©moire metrahit/Ă©lisabeth je crois bien/nous a privĂ©s du droit Ă la terre mon peu-ple et moi/ je suppose que les jardins/ ce nâest pas un sujet quâil mâap-partient de traiter ») en passant par Bakhyt Kejeev (« Lâheure favoritedes non-voyants,câest la nuit/ et leur bruit favori est vert tirant sur le bleu») ou MikhaĂŻl Gronas (« lĂ je vais Ă©tablir la carte de tes rides et je/con-duirai un rĂ©giment de cils curieux de/haut en bas »),des ĂȘtres qui nous
parlent dâun pays Ă©tourdi par trop de changement,une poĂ©sie qui prend naissance Ă mĂȘmeles ruines dâun empire dĂ©chu. CHARLES QUIMPER
Une grande voix sâest tueTriste nouvelle pour le monde de lâĂ©dition acadienne : GĂ©rald Leblanc, poĂšte(LâĂloge du chiac), directeur littĂ©raire (Ăditions Perce-Neige) et parolier du groupe1755 sâest Ă©teint le lundi 30 mai des suites dâun cancer. Il avait 59 ans. Auteurdâune quinzaine dâouvrages, lâĂ©crivain de Moncton, au Nouveau-Brunswick, alargement contribuĂ© Ă faire connaĂźtre la rĂ©alitĂ© acadienne contemporaine. Il futdâailleurs lâun des premiers auteurs Ă parler de Moncton dans ses poĂšmes et seschansons. LaurĂ©at du prix Pascal-Poirier 1993 pour lâensemble de son Ćuvre,GĂ©rard Leblanc, qui a publiĂ© son dernier livre en 2004 (Techgnose, Perce-Neige),travaillait Ă plusieurs manuscrits lorsque la maladie lâa emportĂ©.
Jean-Philippe PayetteMONET
Charles QuimperPANTOUTE
Isabelle Leblanc-BeaulieuPANTOUTE
le libraire âą JUILLET-AOĂT 8
Parmi les grands romanciers⊠certes,mais encore ? Français, russes, juifs ?Avec NĂ©mirovsky (nĂ©e Ă Kiev en 1903), laquestion de lâidentitĂ© de lâĂ©crivain est aucĆur de lâĆuvre, ambigument, et lebiographe qui vient de se pencher surson parcours jusquâĂ sa disparition dansun camp nazi Ă©crit : « LâintĂ©rĂȘt de lâĆu-vre ne se situe pas dans lâinvention dâunnouveau style littĂ©raire mais dans le rap-port entre lâacte dâĂ©crire et lâeffort pourtrouver une identitĂ© dâĂ©crivain ».
Alors que chez Sarraute,nĂ©e en Russie unan avant NĂ©mirovsky et Ă©migrĂ©e enFrance Ă lâĂąge de 8 ans oĂč elle Ă©crira uneoeuvre en français, cette question de lâidentitĂ© ne sâest pas posĂ©e (Sarraute,câest la littĂ©rature française !), chezNĂ©mirovsky, dont le parcours est pour-tant semblable, elle demeure ouverte :voilĂ une Ćuvre qui,sans innovation dansla forme, avec une plume inspirĂ©e, a par-fois Ă©galĂ© ses modĂšles (Flaubert,Huysmans,Maupassant,le Dorian Gray deWilde), mais dont lâinĂ©galitĂ© relĂšve dâuneirrĂ©solution identitaire.
Sarraute et NĂ©mirovsky, dans leurenfance, ont connu la France lors defrĂ©quents sĂ©jours, les deux ont eu uneĂ©ducation francophile et ont dĂ©vorĂ© la lit-tĂ©rature du pays de Montaigne, leursfamilles aisĂ©es (dâintellectuels pourSarraute, de financiers pour NĂ©mirovsky)ont fui la rĂ©volution bolchĂ©vique pourParis ;deux familles juives dont la judĂ©itĂ©passait au second plan.
Est-elle un Ă©crivaine française, la roman-ciĂšre de Suite française ? Elle nâen a jamaiseu la nationalitĂ© malgrĂ© sa demandepressante en 1938 alors quâelle habitait lepays depuis dix-neuf ans et que,depuis la
Elle Ă©tait au bord de lâoubli, IrĂšne NĂ©mirovsky, quand le jury Renaudot considĂ©ra Suite française, son roman publiĂ© soixante ans aprĂšssa mort Ă Auschwitz, comme le meilleur paru en France en 2004 ; roman magistral et inachevé⊠Maintenant reparaissent dâautrestitres et, revanche de la dĂ©portĂ©e, si lâĆuvre est inĂ©gale, la meilleure part la resitue parmi les grands romanciers de la premiĂšre moitiĂ©du XXe siĂšcle, entre Colette et Chardonne, BoveâŠ
IrĂšne NĂ©mirovsky,Ă©crivaine de nulle part
parution de son premier roman (David Golder, 1929), elleavait une notoriĂ©tĂ© dans le monde des lettres.Injuste et cruelrefus pour celle qui, le biographe en retrace la preuve dansun carnet quâelle tint dĂšs lâĂąge de 15 ans,aimait « la Franceplus que la Russie » et qui vĂ©cut comme les Français,Parisienne « entre la Sorbonne et le dancing ».
Une Ă©crivaine russe ? Elle nâa jamais Ă©crit un mot dans lalangue russe : seuls deux de ses dix-neuf romans sont dâin-spiration russe. Apolitique,elle ne sâest pas intĂ©ressĂ©e au sortde la Russie et de lâUnion soviĂ©tique, mais elle avait uneadmiration pour Tchekhov,dont elle a Ă©crit une biographie,se reconnaissant au regard dĂ©licat de lâauteur de La Cerisaie.Enfin, câest le trait le plus important de sa personnalitĂ©(sinon de son identitĂ©), elle nâa pas voulu ĂȘtre, malgrĂ©ses origines sĂ©mites, ce que lâon appelle « un Ă©crivainjuif ». En France, elle resta Ă©trangĂšre Ă la communautĂ©juive. Dans David Golder, oĂč elle dĂ©crivait un financierjuif retors sous lâemprise de lâargent, elle heurta le lec-torat juif, qui vit lĂ un livre Ă lâodeur antisĂ©mite.NĂ©mirovsky, « non antisĂ©mite parce que juive », rĂ©pli-quait-elle, livrait une figure, selon elle vraie, caricaturaleaux yeux de plusieurs, dâun descendant du Shylock deShakespeare.
« Lâamie juive »
Ă Paris, ses proches Ă©taient les Ă©crivains de droite quiallaient se compromettre avec les Allemands, JacquesChardonne, Paul Morand ; ces antisĂ©mites admiraientla plume Ă©lĂ©gante et le regard franc, critique et cruel, decette jeune femme sur ses coreligionnaires. Ă 32 ans, en1935, elle se convertit au catholicisme et nâhĂ©sitajamais Ă envoyer des textes aux journaux de la collabo-ration dans lesquels, jusquâau moment de son arresta-tion par la Gestapo en 1942, elle Ă©crivit abondamment.
Tchekhov avait lui aussi un Ă©diteur antisĂ©mite,Souvarine, et NĂ©mirovsky ne se gĂȘna pas pour afficherses affinitĂ©s avec la bourgeoisie littĂ©raire de droite, avecGrasset qui publia David Golder. Elle sera dâailleurs unehabituĂ©e de Gringoire, et plus la situation devint grave,plus lâenvahisseur allemand sâimposait, plus sa
Une chronique de Robert LĂ©vesque
situation en devint absolument paradoxale (« inquiĂ©-tante », Ă©crit le biographe Jonathan Weiss) puisque,Juive mariĂ©e Ă un Juif, elle avait ses entrĂ©es dans lapresse anti-juiveâŠ
Pour la droite française, dans les salons de la collabora-tion, NĂ©mirovsky Ă©tait vue (ou tolĂ©rĂ©e ?) comme « lâamie juive », ce qui dotait le collabo lettrĂ© dâun brinde bonne conscience⊠mais ces collaborateurs ne levĂšrent pas le petit doigt, en 1942, lorsquâelle futarrĂȘtĂ©e Ă Issy-lâĂvĂȘque oĂč, plongĂ©e alors dans le regret,elle se terrait avec son mari et ses filles. Weiss nousapprend que la femme de Morand, chargĂ©e par le maride NĂ©mirovsky de remettre aux autoritĂ©s allemandesune lettre de dĂ©tresse, ne le fit pas. Alors que le mari juifde Colette fut rapidement sorti de Drancy par lâinter-vention dâĂ©crivains comme CocteauâŠ
Reste lâĆuvreâŠ
Ă la sortie de David Golder, oĂč elle brossa un magistralportrait dâusurier Ă la fois bourreau et victime, des critiques Ă©voquĂšrent Le PĂšre Goriot. La barre Ă©tait hauteau dĂ©part. Avec Le Bal, en 1930, lâautre thĂšme auto-biographique de son Ćuvre, la dĂ©testation-rivalitĂ©entre fille et mĂšre, allait ĂȘtre portĂ© par un chef-dâĆuvre.Ces deux romans ont Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ©s en 1985 et 1986 chezGrasset dans la collection « Les Cahiers rouges ».
Dans la foulĂ©e du Renaudot 2004, Albin Michel (oĂč ellea publiĂ© huit de ses romans) ressort Le Vin de solitude,largement autobiographique, sur le dĂ©racinement et la solitude dâun farouche caractĂšre fĂ©minin ; JĂ©zabel, por-trait pathĂ©tique dâun personnage « trop femme pourĂȘtre mĂšre » ; Les Chiens et les Loups, lâhistoire dâunamour sacrifiĂ© par une modeste femme qui prĂ©fĂšre fuirĂ lâĂ©tranger pour ne pas compromettre lâavenir finan-cier de celui quâelle aime depuis lâenfance mais qui, Juifcomme elle, appartient Ă un monde au-dessus dâelle...
Ăcrivaine de nulle part, NĂ©mirovsky⊠EmblĂ©matiquede ceux qui, ayant adoptĂ© une culture, se retrouveront,dans un moment crucial, seuls, face Ă leur diffĂ©renceâŠ
En Ă©tat de roman*
IrÚne Némirovsky, une biographie, Jonathan Weiss, Le Félin, coll. Les marches du temps, 221 p., 37,50 $Suite française, Denoël, 343 p., 34,95 $
David Golder, Grasset, coll. Les cahiers rouges, 140 p., 13,95 $Le Bal, Grasset, coll. Les cahiers rouges, 140 p., 11,95 $
Chez Albin Michel : Le Vin de solitude, 337 p., 32,95 $, JĂ©zabel, 266 p., 30,95 $, Les Chiens et les Loups,335 p., 32,95 $, Les Feux de lâautomne, 345 p., 32,95 $, La Vie de Tchekhov, 202 p., 28,95 $
Quels souvenirs gardez-vous de vos premiĂšreslectures ?
Mes lectures de jeunesse se rĂ©sument simplement :Tintin, Spirou et une encyclopĂ©die pour la jeunesse.AprĂšs, jâai dĂ©couvert, Ă la bibliothĂšque de JonquiĂšre, lesromans de Jules Verne et une sĂ©rie de romans britan-niques pour la jeunesse (je crois quâil devait y en avoir unequinzaine) qui sâappelait « Les Biggles »,et dont tous leshĂ©ros Ă©taient des aviateurs pendant la Seconde Guerremondiale.
Parlons de lâĂ©poque oĂč les goĂ»ts du lecteur adolescentse mĂȘlaient Ă ceux que lâon prescrivait Ă lâĂ©cole.
Ă lâĂ©poque du cours classique,soit entre 15 et 17 ans,onne nous permettait pas de lire grand-chose.Presque toutĂ©tait dĂ©fendu ou Ă lâindex, alors il fallait se procurer lesromans autrement. Jâai des souvenirs de DostoĂŻevski oude Gogol : Les Ămes mortes, en particulier. Câest un livrequi a meublĂ© mon imaginaire,tout comme les nouvellesde Tchekhov ou Le Grand Meaulnes dâAlain-Fournier. Etpuis, il y a bien entendu Maria Chapdelaine et Menaud,maĂźtre-draveur⊠Un peu plus tard,jâai Ă©tĂ© marquĂ© par leVoyage au bout de la nuit de CĂ©line,et aussi Mort Ă crĂ©dit,un roman dont on parle moins,mais qui mâa dĂ©vastĂ©.
Quâest-ce qui vous a tant marquĂ© dans ce dernier ?
Son Ă©criture et son univers,parce que CĂ©line a composĂ©une langue pour dĂ©crire ce sentiment que lâon Ă©prouveau bout de la dĂ©sespĂ©rance.Ce fut dĂ©vastateur,mĂȘme sije ne sais pas trop ce que jâaimais lĂ -dedans ; ce nâĂ©taitpas dans ma nature,moi qui Ă©tais plutĂŽt gai et hyperactif.Mais lorsque jây suis entrĂ©, jâai eu de la difficultĂ© Ă en sor-
tir. Encore une fois, jâai prĂ©fĂ©rĂ©Mort Ă crĂ©dit au VoyageâŠ,qui estune sĂ©rie dâaperçus, tandis quedans Mort Ă crĂ©dit, il y a lĂ unabsolutisme de la duretĂ©,du dĂ©s-espoir et de la laideur⊠Je pour-rais ajouter Ă la liste Blaise Les Ămes mortes, Gogol, Flammarion, coll. GF, 478 p., 15,95 $
Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier, Le Livre de Poche, 306 p., 7,95 $Maria Chapdelaine, Louis HĂ©mon, Lux Ăditeur, 177 p., 6,95 $
Menaud, maßtre-draveur, Félix-Antoine Savard, BibliothÚque québécoise, 162 p., 8,95 $Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit, Louis-Ferdinand Céline,
Folio/Plus et Folio, 558 p. et 628 p., 19,95 $ ch.LâHomme foudroyĂ© et Bourlinguer, Blaise Cendrars, Folio, 448 p. et 512 p., 15,95 $ ch.
Bonheur dâoccasion, Gabrielle Roy, BorĂ©al Compact, 414 p., 12,95 $La Maison Ă©trangĂšre, Ălise Turcotte, LemĂ©ac, 221 p., 25,95 $
La Petite Fille qui aimait trop les allumettes, Gaétan Soucy, Boréal Compact, 184 p., 12,95 $à la recherche du temps perdu, Marcel Proust, Gallimard, coll. Quarto, 2408 p., 60 $
La majoritĂ© des romans de San-Antonio sont publiĂ©s en version de poche chez Fleuve Noir (env.10,95 $ ch.). LâintĂ©grale des Ćuvres est offerte en 30 volumes chez Fleuve Noir (env. 60 $ ch.).
* Ce projet consiste en une banque de donnĂ©es informatisĂ©es qui permet la constructionautomatique des arbres gĂ©nĂ©alogiques des QuĂ©bĂ©cois, et ce, du XVIIe siĂšcle jusquâĂ nos jours.
Consultez www.uqac.ca/balsac.
Bien quâil ait dâabord Ă©tĂ© connu du grand public en tant que sociologue et historien,GĂ©rard Bouchard nâen trahit pas moins un amour bien sincĂšre des mots et des rĂ©cits.InspirĂ© par tous les contes recueillis auprĂšs des dĂ©tenteurs de notre patrimoine, lâactueldirecteur du projet Balsac*, Ă lâUQAC, sâest lancĂ© dans lâaventure romanesque avecMistouk, et publiait rĂ©cemment sa suite, Pikauba (BorĂ©al, 2002 et 2005). Lecteur voracefĂ©ru des classiques, Bouchard est nĂ©anmoins toujours Ă lâaffĂ»t de la surprise qui surgitau dĂ©tour dâun rayonâŠ
Cendrars, chez qui jâallais chercher lâexotisme. Je songe Ă LâHomme foudroyĂ© et Bourlinguer, deux livres faussement auto-biographiques dâoĂč se dĂ©gageait une certaine vĂ©ritĂ©.Cendrars aĂ©crit cela,vieillissant,pendant la guerre,reclus Ă Aix-en-Provence.Et puisque nous sommes dans les classiques, je ne peux paspasser Ă cĂŽtĂ© de F.Scott Fitzgerald,de Hemingway ou Steinbeck.Plus tard, jâai eu ma pĂ©riode Kerouac. Une pĂ©riode fiĂ©vreuse,dâailleurs.Dans ma quarantaine.
Relisez-vous souvent les classiques de la littérature interna-tionale ?
En vieillissant,oui.Depuis une dizaine dâannĂ©es,je me suis remisĂ lire DostoĂŻevski ou Tchekhov. Je suis retournĂ© chez Zola etFlaubert. Jâai ressenti le besoin de retrouver des souvenirs. Il y aun peu de nostalgie lĂ -dedans.Ăa doit venir avec lâĂągeâŠ
Quâen est-il des Ćuvres dâici ?
Je pense Ă Bonheur dâoccasion de Gabrielle Roy, un roman quejâai lu assez tĂŽt et qui mâa beaucoup marquĂ©. Jâaimais la quoti-diennetĂ© dâun milieu ouvrier qui nous ressemblait, oĂč la vie nâĂ©tait pas facile et oĂč il y avait une envie de sâen sortir mĂȘme sion nây croyait pas vraiment.
Et quâen est-il pour la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise actuelle ?
Jâai lu La Maison Ă©trangĂšre dâĂlise Turcotte et jâai beaucoup aimĂ©,tout comme La Petite Fille qui aimait trop les allumettes de GaĂ©tanSoucy. Je suis en train de lire Un jardin entourĂ© de murailles deRobert Lalonde. Câest trĂšs beau, lâadmiration quâil porte Ă Yourcenar⊠Il faut dire que jâai toujours trois ou quatre livres enmĂȘme temps.Par exemple,je suis en train de lire une biographiede Tourgueniev. Jâaime beaucoup les biographies, mais pascelles sur des hommes politiques. Je prĂ©fĂšre la vie des peintres,des Ă©crivains ou des hommes de thĂ©Ăątre.
Il y a sĂ»rement des lectures qui ont accompagnĂ© votre par-cours universitaire et formĂ©,en quelque sorte,lâhistorien etle sociologue que vous ĂȘtes devenu.
Encore une fois, jâai lu des classiques. Dans les annĂ©es 70, jeme suis intensĂ©ment mis Ă la lecture des penseurs marxistes.Vraiment intensĂ©ment. Ce fut difficile, mais jâen suis sortiparce que jâentrais dans une sorte dâappauvrissement,dâassĂšchement de lâesprit et de lâimagination. Dâun autrecĂŽtĂ©, jâai aussi frĂ©quentĂ© auparavant Max Weber, qui a unepensĂ©e plus souple,plus sinueuse.Jâai trouvĂ© que câĂ©tait trĂšsriche, trĂšs humain et respectueux Ă la fois. Jâai enjambĂ© tousles structuralistes : je ne me sentais pas Ă lâaise et ça me lais-sait complĂštement froid. Je suis donc passĂ© dâun auteur Ă lâautre et quand jâavais lâimpression que jâavais appris ce quâily avait Ă apprendre et que jâentrevoyais les clĂŽtures, jâavaisenvie dâaller voir ailleurs.
Vous avez appliquĂ© le mĂȘme principe exploratoire auroman ?
Tout Ă fait.Pendant quarante ans,jâai lu presque tous les San-Antonio. Je les achetais par paquet, parfois une trentaine,chez des bouquinistes.Une fois par mois,dans une rage,jâenlisais deux ou trois,surtout en voyage.Chez San-Antonio,il nâya pas que la folie, car FrĂ©dĂ©ric Dard avait une Ă©critureadmirable :une vie,un rythme.CâĂ©tait un vrai littĂ©raire.Pourle reste,je mâamusais comme un fou,Ă©videmment.Dans mesdeux premiers romans, on peut trouver des petits bouts detruculence inspirĂ©s de San-AntonioâŠ
Et quels livres avez-vous envie de lire bientĂŽt ?
Proust. Jâen ai lu un peu, mais pas sĂ©rieusement. Mon frĂšreLucien mâa offert lâintĂ©grale en cadeau.Un jour,je vais me prĂ©-cipiter lĂ -dedans et je ne voudrai pas lire autre chose ; câestpour ça que jâattends un peu.Je vais prendre,un jour,un bainde Proust.
Propos recueillis par Antoine Tanguay
Le Libraire dâun jour
GĂ©rard Bouchard
La recherche du temps perdu
9 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
© Paul Cimon
le libraire âą JUILLET-AOĂT 10
Avec deux prix Man Booker en poche(Oscar et Lucinda, 1988, et VĂ©ritablehistoire du gang Kelly, 2001),lâAustralien Peter Carey nâa plusbesoin de prĂ©sentation chez nos amisles Anglo-Saxons. De Londres Ă Melbourne en passant par New York,oĂč il habite aujourdâhui, on salue lafinesse de son art, qui consiste sou-vent Ă repasser Ă la moulinette lesĂ©vĂ©nements oubliĂ©s de lâhistoire pouren extraire des romans au souffleĂ©pique â et tant pis pour la vĂ©racitĂ©des faits. Carey est romancier, paslâhistorien. Comme dans VĂ©ritable his-toire du gang Kelly,basĂ© sur les exploitsvĂ©ridiques dâun Robin des Bois aupays des kangourous, câest une pagedu cahier noir de son pays quelâĂ©crivain rĂ©Ă©crit, sâinspirant du plusgrand canular littĂ©raire que lâAustralieait connu. En 1944, les lecteurs dumagazine Angry Penguins (!) ontdĂ©couvert le talent dâun mĂ©caniciennommĂ© Ern Malley. Tous, Ă com-mencer par son Ă©diteur, chantent seslouanges, jusquâau jour oĂč lâonapprend que deux militaires tirent lesficelles derriĂšre Ern Malley, une pureinvention de leur cru. Changezquelques noms, ajoutez une saveurinternationale au complot et vousobtenez Ma vie dâimposteur, ou ce quiest arrivĂ© lorsque le poĂšte frustrĂ©Christopher Chubb a inventĂ© le gĂ©nialBob McCorkle, une Ă©toile filante fleu-rant le cambouis.
Vu cette fois à travers les yeux deSarah Wode-Douglass, directrice édi-toriale en mal de talents, le récitprend une tournure plus croustillantepuisque Carey ajoute la tragédie à la
Ma vie dâimposteur, Peter Carey, Plon, coll. Feux croisĂ©s, 267 p., 39,95 $La MystĂ©rieuse Flamme de la reine Loana, Umberto Eco, Grasset, 483 p., 36,95 $
Faussaires et romanciers ont plus en commun quâils ne veulent bien lâavouer, Ă ceci prĂšsque les faussaires ne sont jamais bien vus en sociĂ©tĂ©, et que les romanciers, oui. Leromancier idĂ©al aurait tout du « bon » faussaire, de lâillusionniste aussi, avec quelquestours dans sa plume et une poignĂ©e de souvenirs en guise de carburant. Ă partir depresque rien, soit quelques simulacres et jeux dâidentitĂ©, Peter Carey et Umberto Eco for-cent chacun Ă leur maniĂšre une redĂ©finition de la frontiĂšre, fort contestĂ©e, qui sĂ©pare le« roman Ă succĂšs » du « bon roman ».
Les faussaires sont parmi nous
farce. Wode-Douglass, voulant piĂ©ger un ancien ami,Chubb, est entraĂźnĂ©e dans une machine infernale lâaccu-lant aux limites de sa raison. Alors que son amie est jugĂ©epour avoir publiĂ© les vers de McCorkle, considĂ©rĂ©s commeobscĂšnes (nous sommes au milieu du siĂšcle dernier, aprĂšstout), Chubb reçoit la visite dâun homme qui dit ĂȘtreMcCorkle. Ă partir de lĂ , les choses se compliquent. Avecun sens de la retenue et du dĂ©tail impressionnants, Careytisse entre les lignes une variation sur le mythe deFrankenstein qui heurte les fondements de la sphĂšre lit-tĂ©raire, mais qui demeure on ne peut plus actuelle. Peut-oncrĂ©er le gĂ©nie et donner naissance Ă des phĂ©nomĂšnes ?Tout Ă fait. Est-ce un crime pour autant ? Ce qui apparais-sait en 1944 comme un scandale est aujourdâhui monnaiecourante. En nous tendant le miroir de lâhistoire, Careysouligne quâil nây a guĂšre de nouveau dans les rouages dela « machine littĂ©raire » moderne. Au passage, il signeaussi, faut-il le prĂ©ciser, un roman dâune rĂ©jouissanteimpertinence.
EcoĂŻste
Et puisquâil est question de mythe littĂ©raire, la publicationde Ma vie dâimposteur a coĂŻncidĂ© avec celle de LaMystĂ©rieuse Flamme de la reine Loana, ouvrage richementillustrĂ©, Ă©difice romanesque prodigieux et pourtant fragilesignĂ© Umberto Eco. Comme Carey, Eco appartient Ă lacatĂ©gorie des poids lourds. Or, il faut appliquer ici la cruelleloi du « deux poids, deux mesures » ; si lâun rĂ©colte leslouanges presque seulement chez les Anglo-Saxons,lâautre sâest imposĂ© comme le patriarche incontestĂ© delâintelligentsia littĂ©raire et bĂ©nĂ©ficie, en librairie, de toute lavisibilitĂ© qui lui est due. Ă titre dâexemple, demandez Ă votre libraire de comparer le nombre dâexemplaires desromans dâEco et de Carey Ă lâinventaire, juste pour leplaisirâŠ
Outre lâattention (un brin agaçante) dont fait preuve Eco,soulignons tout de mĂȘme la prĂ©sence, dans La MystĂ©rieuseFlammeâŠ, dâun piĂšge habile. Un attrape-lecteur, si vousvoulez. Un tour de passe-passe orchestrĂ© par un Ă©crivaindont il paraĂźt toujours bien dâavoir lu la prose (et pas
seulement Le Nom de la rose), mais qui cache une bienmince ossature. Trop habituĂ© aux Ă©loges, Eco sembledevenu sourd Ă lâargument selon lequel un livre rĂ©us-si daigne offrir un fil narratif solide, et pas seulementun prĂ©texte au verbiage. Ă ce mince fil tendu parlâĂ©crivain italien, jâai Ă©tĂ© maintes fois rĂ©duit Ă lâĂ©tat de
Une chronique dâAntoine Tanguay
funambule aux genoux chancelants sous le poids desdigressions et des rĂ©fĂ©rences. Jâai dâailleurs plus dâunefois frĂŽlĂ© la chute. De quoi sâinterroger, non sans un cer-tain sentiment de crainte et de culpabilitĂ© (vu la rĂ©pu-tation du bonhomme), sur la soliditĂ© des fondations delâĂ©difice romanesque dâEco1. Suis-je en train de com-mettre un sacrilĂšge ? Suis-je trop paresseux ?Comprenons-nous bien : La MystĂ©rieuse Flamme de lareine Loana nâa rien dâun canular ; il sâagit plutĂŽt dâuncube Rubik trop complexe pour la majoritĂ© deslecteurs.
Ainsi, lâhistoire de Giambattista Bodoni, alias Yambo, unbouquiniste devenu amnĂ©sique au sortir dâun coma,plaira Ă ceux que les Ă©ternels dĂ©bats sur la trace dusouvenir dans les mots et les images passionnent. Deretour chez les siens (quâil ne reconnaĂźt pas), Yambo,dont la « mĂ©moire de papier » nâest traversĂ©e que defugaces rĂ©fĂ©rences Ă un livre ou un autre, cherche dansla demeure familiale Ă se refaire un passĂ© en feuilletantles illustrĂ©s de son enfance. Si lâon se lasse parfois durythme capricieux de la premiĂšre partie du roman, ilappartient cependant Ă chacun de dĂ©cider sâilfrĂ©quentera ou non les corridors tortueux et encom-brĂ©s de la mĂ©moire de Yambo. Jây ai dĂ©nichĂ© bien desmerveilles (lâobjet Ă©ditĂ© par Eco lui-mĂȘme, soigneuse-ment publiĂ© par Grasset, est superbe) et quelquesdĂ©ceptions, comme autant de recoins laissĂ©s vides parun romancier et essayiste Ă qui il importe plus de faireĂ©talage de sa connaissance que de son sens de lâhu-mour (dommage, car il peut ĂȘtre trĂšs drĂŽle, Umberto). Ily a un peu de Proust lĂ -dedans aussi, de la nostalgie Ă revendre et une finale Ă©blouissante. Un exercicepĂ©rilleux, donc, oĂč lâauteur du Pendule de Foucault secache Ă peine. Une construction intimiste qui tient dumiracle, capable de sâĂ©crouler Ă tout moment, et quiparvient malgrĂ© tout Ă nous entraĂźner dans ses mĂ©an-dres. Pour le meilleur et pour le pire. Câest peut-ĂȘtre ça,la mystĂ©rieuse flamme du roi Eco.
1 Il est tentant de faire comme Dominique Noguez, cetĂ©crivain qui a envoyĂ© Ă plusieurs Ă©diteurs le manuscrit du Mrs.Dalloway de Virginia Woolf, rebaptisĂ© pour lâoccasion MadameBeauchemin et signĂ© par une certaine Virginie Lalou. Tous ontrefusĂ©. Le mĂȘme stratagĂšme a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ© Ă quelques occa-sions dans lâhistoire de la littĂ©rature mondiale, questiondâĂ©branler quelques lettrĂ©s et de faire plaisir Ă des auteurscomme Peter Carey. Sous une autre identitĂ©, Eco serait-il Eco ?La question est lancĂ©e.
Littérature étrangÚre
11 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire CRAQUELittérature étrangÚre
La Ballade dâIzaMagda SzabĂł, Ăditions Viviane Hamy, 262 p., 42,95 $
Hongrie, dĂ©but des annĂ©es 60. Etelka et Vince habitentDorozs, bourgade Ă©loignĂ©e de la capitale. Lors du dĂ©cĂšs deVince, Iza, leur fille unique, qui rĂ©side et travaille Ă Budapest, yamĂšne vivre sa mĂšre. SĂ»re dâelle, Iza vend la maison familialeet tout ce qui rattache la vieille femme Ă son passĂ© de provin-ciale. Malheureusement, Etelka ne sâadapte pas Ă sa nouvellevie et le fossĂ© infranchissable entre elle et sa fille aboutit Ă undĂ©sastre⊠Chronique de la sociĂ©tĂ© hongroise Ă une Ă©poqueoĂč la modernitĂ© bouscule les valeurs traditionnelles, ceroman dâune grande finesse psychologique laisse au lecteurun troublant sentiment dâimpuissance face Ă la dĂ©chĂ©ance et
Ă la dĂ©gradation de cette mĂšre dont la fille est devenue inconsciemment le bour-reau. En 2003, lâauteure a reçu le prix Femina Ă©tranger pour La Porte (Ăditions VivianeHamy). JOHANNE VADEBONCOEUR
Point mortClint Hutzulak, Alto, coll. Domaine canadien, 236 p., 23,95 $
Traduction du premier roman de Clint Hutzulak, Point mortraconte le retour de Stace dans la petite ville quâil a quittĂ©e ily a un an et demi, aprĂšs avoir tuĂ© un homme. Les retrouvaillesavec Lillis Rae, sa femme, qui ignore encore tout des raisonsde son dĂ©part, seront plus intenses que prĂ©vues. StacedĂ©cĂšde des suites dâune overdose le soir de son arrivĂ©e. Ămeerrante sans obole, il sera guidĂ© par le vieil Emmett dans unequĂȘte de vĂ©ritĂ©. Pour la premiĂšre et lâultime fois, il devra voirplus loin que « la terre sous ses pieds », rencontrer sa vic-time et revoir Lillis Rae. Un roman gris plutĂŽt que noir, entrela vie et la mort, entre les intentions et les gestes. LâĂ©rotique
tempĂ©rĂ©e qui termine ce voyage dâune conscience est dâune beautĂ© divine. MATHIEUSIMARD
Le Miroir fĂȘlĂ©Svetislav Basara, Les Allusifs, 111 p., 16,95 $
Un soir, Anan reçoit la visite du Saint-Esprit, qui lui confie quelâhomme ne descend pas du singe, mais bien du nĂ©ant. Anan selance alors dans lâĂ©criture dâun roman rocambolesque,tentant envain dâexpliquer Ă son entourage les vĂ©ritables origines delâhomme⊠DĂšs les premiĂšres phrases,le lecteur sait quâil vient deplonger dans une Ćuvre sortant de lâordinaire.Reposant sur unestructure narrative insolite dĂ©fiant la raison et lâordre Ă©tabli, lâhis-toire se balade au grĂ© des fantaisies de lâauteur. Svetislav Basaraest un magnifique clown tordu qui sâamuse Ă jongler avec lesgenres,Ă bafouer les rĂšgles du roman traditionnel et Ă malmenerle lecteur en le prenant constamment par surprise. Le Miroir fĂȘlĂ©
est un petit roman ahurissant, regorgeant dâoriginalitĂ© et parsemĂ© de petites perles lit-tĂ©raires.TrĂšs fort. CHARLES QUIMPER
AffinitĂ©sSarah Waters, DenoĂ«l & dâailleurs, 521 p., 39,95 $
Dans la prison pour femmes la plus sinistre de Londres,Margaret, dame patronnesse, rencontre SĂ©lina Dawes, unfascinant mĂ©dium Ă©crouĂ© pour meurtre. Celle-ci dĂ©voile peuĂ peu son histoire, sĂ©duisant et confondant Margaret, quipeine Ă discerner le vrai du faux. Ses propos nous conduisenthors des couloirs sordides des cellules glaciales, dans lessalons clos oĂč se tiennent les sĂ©ances de spiritisme. Cettefresque est une mine dâinformations sur le milieu carcĂ©ral delâĂ©poque victorienne. Lâambiance fantomatique colle Ă lâesprit du lecteur comme la brume sale des matins de
novembre jusquâĂ la finale, qui laisse pantois le plus incrĂ©dule des lecteurs. TrĂšs bienĂ©crit, troublant et passionnant. MĂLANIE QUIMPER
LâUsage de la photoAnnie Ernaux & Marc Marie, Gallimard, coll. Blanche,151 p., 26,50 $
En 2001 paraissait LĂ©gendes de Catherine M., dans lequel lephotographe Jacques Henric exposait des nus de sa com-pagne, Catherine Millet (La Vie sexuelle de Catherine M.).LâUsage de la photo, du couple Ernaux-Marie, circonscrit lâex-position de lâintimitĂ© Ă la trace de leurs vĂȘtements jetĂ©s parterre et Ă celle des objets esseulĂ©s de leurs veilles. De mars2003, date de leur rencontre, Ă janvier 2004, Ă partir desmĂȘmes photos, les amants reconstituent chacun pour soi lecasse-tĂȘte de leur relation. Au centre de ce dialogue de
sourds, le cancer du sein dâAnnie, dont elle dĂ©crit la quotidiennetĂ© du traitement. Lesremarques feutrĂ©es de lâĂ©crivaine sur le choc de la maladie donnent une force parti-culiĂšre Ă ses rĂ©flexions sur lâamour. Enfin, lâĂ©criture de Marc Marie, pour sa virtuositĂ©Ă passer dâune image Ă lâautre sans perdre le fil, nous fait espĂ©rer un roman. MATHIEUSIMARD
La GlaceVladimir Sorokine, Ăditions de lâOlivier, 312 p., 42.95 $
Ătrange roman. Les membres dâune secte martĂšlent le ster-num de blonds quâils kidnappent dans le but de dĂ©partir lespersonnes sensibles au langage du cĆur des « machines dechair » de la masse. Ils cueillent les promis, leur donnant lâaf-fection qui manque dans nos sociĂ©tĂ©s encadrĂ©es par desinfrastructures froides. Dans une frĂ©nĂ©sie sans dĂ©nouementrĂ©el, cette subtile critique, telle une fable, se clĂŽt en con-frontant Ă lâinnocence de lâenfance le ton de la sĂ©grĂ©gationentretenu par les personnages de la secte. YOHAN MARCOTTE
Le Roi de la pastĂšqueDaniel Wallace, Autrement, 229 p., 29,95 $
DeuxiĂšme roman de Daniel Wallace, qui nous avait donnĂ© lesublime Big Fish, Le Roi de la pastĂšque prend place dans unepetite ville du Sud des Ătats-Unis, oĂč Thomas tente de percerle mystĂšre entourant sa mĂšre, quâil nâa jamais connue. Câest Ă travers les divers tĂ©moignages des habitants de la villedâAshland que Thomas dĂ©couvrira qui Ă©tait sa mĂšre, donc quiil est, lui. La narration du roman Ă©tant assumĂ©e par plusieursindividus, le langage varie gentiment dâun court chapitre Ă lâautre. Il sâĂ©lĂšve et virevolte dâastucieuse façon en adoptantle caractĂšre de chaque personnage.Wallace nous fait le coup
encore une fois. Il parvient aisément à nous transporter, nous charmer et nous diver-tir avec un seul instrument : une histoire toute simple. CHARLES QUIMPER
La BlessureAnna Enquist, Actes Sud, 267 p., 39,95 $
Avec La Blessure, la NĂ©erlandaise Anna Enquist signe un spec-taculaire recueil. Dix nouvelles tragiques habitĂ©es de person-nages maudits par le sort. On y croise une adolescente quivivra une soirĂ©e inoubliable, un mĂ©decin qui ne mettra plusjamais les pieds sur un bateau, un couple qui aime les dĂ©cep-tions, un jeune pĂȘcheur effectuant sa derniĂšre sortie en merâŠFatalitĂ© du sort, bĂȘtise humaine, prĂ©caritĂ© mentale, perturba-tions domestiques, mĂ©prises tragiques, obsessions dĂ©vo-rantes, folie : voilĂ les Ă©lĂ©ments qui constituent lâessence deces nouvelles. La grande force dâAnna Enquist rĂ©side dâabordet avant tout dans la crĂ©ation de personnages. Au fil de la lec-ture, on sâaperçoit vite quâils sont bien plus que de simples
crĂ©atures littĂ©raires. En fait, on comprend que ce sont des ĂȘtres entiers et complexesqui vivent et respirent entre ces pages. CHARLES QUIMPER
MĂ©lanie QuimperPANTOUTE
Johanne VadeboncoeurCLĂMENT MORIN
Yohan MarcottePANTOUTE
Mathieu SimardPANTOUTE
Charles QuimperPANTOUTE
le libraire âą JUILLET-AOĂT 12
Le phĂ©nomĂšne de la traduction quĂ©bĂ©-coise du roman (Miles McGinty, 2001),jusquâici inĂ©dit en français, vaut qu'ons'y attarde. Câest Sophie Voillot (avecune sensibilitĂ© et un sens de la nuancequâon salue bien bas), qui a relevĂ© ledĂ©fi de rendre la finesse de langue deGilling pour la jeune maison dâĂ©ditionAlto.NĂ©e cet hiver grĂące aux bons soinsde son directeur littĂ©raire AntoineTanguay â que vous pouvez incidem-ment lire en ces pages â, Alto en estdĂ©jĂ Ă son troisiĂšme titre, aprĂšs Nikolskiet Point mort. Le premier, Nikolski, duQuĂ©bĂ©cois Nicolas Dickner,a causĂ© unevĂ©ritable commotion critique, fait lâunanimitĂ© auprĂšs des plus chipoteurs,et sâest trĂšs bien classĂ© dans les pal-marĂšs des meilleures ventes. Chez Alto,sise dans la Vieille Capitale,on a dĂ» prĂ©voirplusieurs rĂ©impressions : du jamais vudepuis longtemps dans lâĂ©dition d'iciâŠ
Or, les romans de Dickner et de Gillingappartiennent Ă la mĂȘme parentĂšle,celle de la fiction dĂ©bridĂ©e, de lâĂ©criturepicaresque, de lâimaginaire foisonnantoĂč lâaventure du rĂ©cit lâemporte surune structure habilement fignolĂ©e.Celle aussi du bonheur de lâaffabula-tion, de la lĂ©gende urbaine, de lâobses-sion encyclopĂ©dique et du mĂ©langedes genres. Bref, Miles et Isabel appar-tient Ă ce type littĂ©raire que les Anglo-saxons dĂ©nomment des narratives :« Je lis et relis Dickens, Sterne et DonQuichotte, nous Ă©crit Gilling dâAustralie.Jâadore aussi Peter Carey, un Ă©crivain
Mine de rien, les bons bouquins finissent par faire leur chemin. Rien, en effet,ne prĂ©destinait le roman de lâAustralien Tom Gilling, Miles et Isabel, « une variation sur le rĂȘve de voler », Ă devenir un best-seller traduit dans plusieurspays. Rien, sauf la plume aĂ©rienne de Gilling, son style Ă©tincelant, sa tendressepour ses personnages, teintĂ©e dâironie, et son dĂ©sir forcenĂ© de raconter deshistoires qui font dĂ©coller.
dâorigine australienne vivant Ă New York. » En misant surdes auteurs fascinĂ©s par les mythes fondateurs de leurs con-tinents respectifs, la direction littĂ©raire dâAlto a rassemblĂ©des imaginaires voisins : « Je me considĂšre comme unĂ©crivain australien issu de la tradition littĂ©raire britannique,poursuit Gilling (qui a vĂ©cu en Angleterre jusquâĂ lâĂąge de 20ans). Notre littĂ©rature exprime les paradoxes dâun paysdâhĂ©ritage europĂ©en mĂ©tissĂ© avec la culture de lâextrĂȘmepointe de lâAsie ; dâune population urbaine occupant unimmense continent presque dĂ©sert ; de blancs prospĂšrescĂŽtoyant un peuple aborigĂšne dĂ©cimĂ©. »
Le siĂšcle de tous les vertiges
« Elle pensa Ă toute la distance sur laquelle elle lâavaitportĂ© et l'appela Miles. » 1856 : nĂ©s le mĂȘme jour au tour-nant du XIXe siĂšcle, Miles et Isabel seront les enfants de larĂ©volution industrielle, obsĂ©dĂ©s par la locomotion, lâĂ©lec-tricitĂ© et les machines volantes. Tout les sĂ©pare, dont laclasse sociale, mais ils dĂ©fieront ensemble les conventionsde la gravitĂ© terrestre et celles de lâĂ©poque victorienne Ă son apogĂ©e : « Cette pĂ©riode prĂ©cĂšde â et prĂ©figure âles exploits des frĂšres Wright, soutient Gilling. Jâai vouluĂ©crire sur le mythe immĂ©morial du vol, en le situant dansun contexte scientifique plausible. LâĂ©popĂ©e desdĂ©veloppements aĂ©ronautiques, qui entrecoupeponctuellement lâintrigue, nâest pas toujours historique-ment exacte mais, mĂȘme transposĂ©e, elle reprend dâau-thentiques Ă©vĂ©nements de lâhistoire de lâaviation. »
Sous le signe de la prĂ©destination, Miles et Isabel font leursdĂ©buts dans un thĂ©Ăątre de Sydney, le Prince of Wales. ElizaMcGinty, une actrice outrageusement cĂ©libataire etenceinte, jouit dâun succĂšs de scandale en interprĂ©tant lerĂŽle dâHamlet. Elle accouche en pleine scĂšne et provoque lemĂȘme phĂ©nomĂšne chez Louisa Dowling, une femme debanquier venue lâapplaudir ce soir-lĂ .
Les destins spectaculaires des protagonistes se croiserontpar mille chemins de traverse. Ă 3 ans, Miles a dĂ©jĂ ratissĂ©lâAustralie en tournĂ©e, mais sa future carriĂšre prend vĂ©rita-blement son envol un soir oĂč sa mĂšre le surprend suspenduaux cintres de plafond du thĂ©Ăątre Royal Victoria.Isabel,quantĂ elle, nâaime pas les poupĂ©es : la petite entĂȘtĂ©e de 7 anssera la premiĂšre femme australienne Ă grimper dans unemontgolfiĂšre. Miles â devenu entre-temps l'assistant dumagicien Wolunsky, qui le fait lĂ©viter â rencontrera par lebiais d'un cirque ambulant lâex-propriĂ©taire de la mont-golfiĂšre,Tobias Smith,un aĂ©ronaute dĂ©chu,ivrogne et vision-naire. Ă 18 ans, tandis quâIsabel repousse tous les prĂ©ten-
dants et parcourt les routes dâAustralie, Miles devient lepropriĂ©taire du carnet oĂč Smith griffonnait ses plansd'engins volants. Puis, grĂące Ă un accident de bicyclette,les deux casse-cou se rencontrent, et lâĂ©lectricitĂ© sepropage. Miles trouve une confidente qui croit en sonrĂȘve de voler (« quelquâun a bien inventĂ© la machine Ă coudre », lui dira-t-elle), et une interlocutrice qui aimeavoir le dernier mot.Mais leurs amours seront contrariĂ©espar les conventions de lâĂ©poque. Miles fera lâessai de sonplanophore sur la plage de Coogee : les amoureuxfuiront ensemble et, passant lĂ par hasard, un pho-tographe ambulant immortalisera « sur la toile du ciel »leur entrĂ©e dans lâhistoire.
La fugue et le contrepoint
Au lecteur de dĂ©terminer la signification de cette « tachefloue dans le ciel ».Comment croire quâune intrigue aussicaptivante puisse finir dans la tragĂ©die ? « Miles et IsabelsâĂ©vanouissent dans lâhorizon, ils disparaissent aussi dansle rĂ©cit de lĂ©gende que le vieux Wolunsky raconte Ă leurpropos Ă la fin du roman. Cela fait rĂ©fĂ©rence Ă la maniĂšredont lâhistoire se mĂ©tamorphose et sâincorpore au mythe.Câest une conclusion en rĂ©sonance avec lâAustralie, unpays jeune, dont lâhistoire officielle demeure incomplĂšte,instable, et qui, par consĂ©quent, entretient des doutesquant Ă son identitĂ© et ses accomplissements »,expliqueTom Gilling.
On comprend pourquoi les hĂ©ros, dĂ©terminĂ©s Ă forgerleur propre destin, sont des fabulateurs hauts en couleur,Ă©pris des canulars ingĂ©nieux quâils inventent Ă lâenvi.Vouloir sa part dâhistoires, câest dĂ©mĂȘler lâĂ©cheveau delâexistence, et quâimporte si, au grĂ© des narrations dâuneplĂ©thore de savants scientistes ou de conteurs de foire,Balthazar le lĂ©vitateur devient Melchior lâĂ©lectricien.
On a comparĂ© la virtuositĂ© de Gilling Ă celle du romancieritalien Alessandro Barrico (Soie). Ils partagent le mĂȘmegoĂ»t pour lâoralitĂ©, le dialogue, les mĂ©andres palpitants etlâart de la digression. Au lecteur de prendre en marche ceconvoi disparate oĂč il sera aussi question de lâintroduc-tion des lapins en Australie, de la condition fĂ©minine(Isabel lit LâAssujettissement des femmes, de John StuartMill), du thĂ©Ăątre Ă©lisabĂ©thain, des tortues gĂ©antes et delâInstitut de mĂ©canique de Sydney. En rĂ©inventant par lemerveilleux une Ă©poque exaltante de lâhistoire de sonpays, Gilling nous rĂ©vĂšle la façon dont les fictions rĂ©gis-sent nos vies. Et finissent par nous Ă©lever au-dessus desobstacles.
Par GeneviĂšve Thibault
Littérature étrangÚre
Tom Gilling
Défier la gravité
Miles et Isabel, Alto, coll. Domaine Ă©tranger, 328 p., 23,95 $
© Philippa C.
13 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire BOUQUINELittérature étrangÚre
Pierre qui rouleâŠFaite, en 1996, Chevalier des Arts et des Lettres en France, lau-rĂ©ate du Prix du Gouverneur gĂ©nĂ©ral en 1997 pour TheUnderpainter (Le Peintre du lac, Albin Michel), lâOntarienne JaneUrquhart est considĂ©rĂ©e ici comme Ă lâĂ©tranger comme lâundes meilleurs Ă©crivains canadiens vivants. DĂšs sa sortie en2001, Les Amants de pierre recevait sa juste part dâĂ©loges. Ă tra-vers la vocation crĂ©atrice de Klara Becker, sculpteure qui doitabandonner au front de la PremiĂšre Guerre mondiale sonamoureux, nous assistons Ă lâhistoire puissante dâune exis-tence solidement affirmĂ©e. Un des grands romans de lâĂ©tĂ©.
Nouveauté
LES AMANTS DE PIERRE, Jane Urquhart, Fides, 482 p, 29,95 $
Rencontres, hasards et tondeuseLa Femme sur la plage avec un chien est le quatriĂšme recueil denouvelles du Britannique William Boyd. Ses neuf textes nouspromĂšnent en divers temps et espaces, de lâAngleterre rurale Ă Cape Cod,et du fond de la Russie aux plages de Normandie.Boydnâa pas son pareil pour dĂ©ployer toutes les possibilitĂ©s dâun petitdĂ©tail. On retiendra principalement « Le fantĂŽme dâun oiseau »,oĂč, par la lecture du rapport mĂ©dical rĂ©digĂ© par le mĂ©decin qui lesuit, on assiste jour aprĂšs jour au lent retour des souvenirs dâunjeune soldat retrouvĂ© aux portes de la mort, le 12 juin 1944. Parlâauteur de Ă livre ouvert. (Prix des lectrices de Elle 2003).
Nouveauté
LA FEMME SUR LA PLAGE AVEC UN CHIEN,William Boyd, Seuil, coll. Cadre vert, 197 p., 29,95 $
ShoukĂšt larozeLa dictature de Duvalier a fait gagner Ă lâAmĂ©rique ce quâelle aretirĂ© Ă HaĂŻti. Ces hommes et ces femmes, au passĂ© et aux talents divers, ont repris racine tout le long de cette bande deterre qui va de la Floride au QuĂ©bec. Lâun de ces exilĂ©s sâest faitcoiffeur Ă New York. Son bonheur tranquille cache sous leslambris dâune nouvelle vie une fausse image. En effet, le pĂšreBienaimĂ© est un ancien shoukĂšt laroze, nom crĂ©ole qui signifie« briseur de rosĂ©e », lâun de ces fiers-Ă -bras qui, aux aurores,sâemparaient des gens destinĂ©s Ă ĂȘtre torturĂ©s.
NouveautĂ© LE BRISEUR DE ROSĂE, Edwige Danticat, BorĂ©al, 278 p., 24,95 $
Sang de cochonOrpheline,une fille de ferme nâa pour compagnons que les cochons.Chaque semaine,elle tue un porc,fait quelques saucissons,les vend,mais nâarrive pas Ă joindre les deux bouts.Un jour,une Ferrari sâĂ©crasedans sa cour.Ă son bord,un homme Ă©vanoui,un sac plein dâargent.Plus rien ne sera pareil : Max est atteint dâun cancer, ses jours sontcomptĂ©s, et pourtant câest lui qui redonnera Ă Emma le goĂ»t devivre⊠LâAllemagne a craquĂ© pour cette deuxiĂšme Ćuvre deSchreiber,par ailleurs pigiste pour divers journaux.Les Amis dâEmmasera publiĂ© dans plusieurs pays et fera lâobjet dâun film.
NouveautĂ© LES AMIS DâEMMA, Claudia Schreiber, Nil Ăditions, 208 p., 27,95 $
Le pouvoir ? Il connaĂźt !John Edgar Hoover,directeur du FBI de 1924 Ă 1972,a projetĂ© surles Ătats-Unis une ombre menaçante comparable Ă celle duGrand Inquisiteur sur la sociĂ©tĂ© espagnole du XVIe siĂšcle.Malheureusement, les milliers de pages dâarchives accumulĂ©espar ce maniaque du secret ont disparu Ă sa mort. Le roman deMarc Dugain est le rĂ©cit de cette sombre chronique par lâamantde Hoover, Clyde Tolson. Par lâauteur de La Chambre des officiers(JC LattĂšs), portĂ© Ă lâĂ©cran par François Dupeyron.
NouveautĂ© LA MALĂDICTION DâEDGAR, Marc Dugain, Gallimard, 332 p., 32,95 $
Quelque part dans le tempsĂ lâĂąge de 36 ans, Henry rencontre la femme de sa vie, Claire,qui nâa que⊠6 ans. Ils sâunissent pourtant alors que ce dernieren a 31, et elle, 23. Comment une telle Ă©quation est-elle possi-ble ? Claire et Henry sâaiment, et iront de premiĂšres rencontresen sĂ©parations : Henry souffre dâune maladie gĂ©nĂ©tique trĂšsrare qui le propulse dans le temps sans avertissement. Unemagnifique histoire dâamour, trĂšs Ă©mouvante, qui traite defaçon inusitĂ©e des thĂšmes de lâattente et de lâabsence au seindâune relation amoureuse. Un projet dâadaptation au grandĂ©cran est en cours.
Nouveauté
LE TEMPS NâEST RIEN, Audrey Niffenegger, Ăditions Michel Lafon, 522 p., 29,95 $
Lâamour dure⊠99 ans ?« Vous ĂȘtes beau. â Je suis mariĂ© ». ArminĂ©, trente-sept ans,ArmĂ©nienne, Ă©crivaine. Manie : aime faire la roue en robe dusoir. Claudio, cinquante ans, Italien, avocat. Signe distinctif :bavardâŠmais bavard ! Les annĂ©es passent : il sâaiment. Sansjamais commettre dâadultĂšre. Sans se lier aux yeux du monde.Sophie Fontanel, journaliste Ă Elle et laurĂ©ate, en 1995, du prixdu Premier roman pour SacrĂ© Paul (NiL), rafraĂźchit ce schĂ©maarchi-connu par sa maĂźtrise du conte.
NouveautéSUBLIME AMOUR, Sophie Fontanel, Robert Laffont, 334 p., 27,95 $
Une Ă©toile de plus au firmament Les presses amĂ©ricaine et europĂ©enne francophone ont,avec raison,fait beaucoup decas de la mort du romancier Tristan Egolf qui, comme Hemingway avant lui, sâest tirĂ©une balle dans la tĂȘte. En effet, le 7 mai dernier, lâĂ©crivain de 33 ans, dĂ©pressif depuisdix-huit mois, a mis fin Ă ses jours dans sa ville natale de Lancaster, en Pennsylvanie.ConsidĂ©rĂ© comme lâun des plus grands espoirs de la littĂ©rature Ă©tasunienne,Egolf avaitsubi 70 refus dâĂ©diteurs avant de voir son premier roman, Le Seigneur des porcheries, letragique et dĂ©capant rĂ©cit dâun garçon de ferme du Midwest,enfin publiĂ© en 1998 parGallimard. LâĂ©crivain Patrick Modiano, qui le premier dĂ©tecta lâimmense potentiel delâĂ©crivain, a signĂ© un Ă©mouvant billet dans Les Inrockuptibles de mai. Militant pacifiste,Tristan Egolf avait publiĂ© en 2002 Jupons et violons (Gallimard). Lâan prochain devaitparaĂźtre sa troisiĂšme fiction, Kornwolf.
Un inĂ©dit de Dumas exhumĂ©Il ne cessera jamais de nous surprendre : lâun des plus grands feuilletonistes du XIXe siĂš-cle, Alexandre Dumas, quoiquâen rĂ©duit en poussiĂšres depuis des lustres, persiste etsigne⊠DĂ©but juin, les Ă©ditions PhĂ©bus publiaient Le Chevalier de Sainte-Hermine, uneĆuvre inĂ©dite jusquâici prĂ©servĂ©e Ă la BibliothĂšque nationale de France,et que seuls leschercheurs pouvaient consulter. Il sâagit cette fois de lâhistoire, dĂ©ployĂ©e sur 1000 pages,dâun chevalier dĂ©chirĂ© entre ses convictions royalistes et sa fascination pour NapolĂ©onBonaparte. Le premier tirage sâĂ©lĂšve Ă 20 000 exemplaires, et plusieurs contrats de tra-duction ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© conclus.
De chair, dâos et dâespritAuteur de Sous la peau (Seuil,2001),court roman atypique,MichelFaber a consacrĂ© un quart de siĂšcle Ă lâĂ©criture de La Rose pourpreet le Lys,une luxuriante fresque racontant les amours de Sugar,uneprostituĂ©e dotĂ©e de charmes hors du commun, dâun esprit etdâune plume alertes (une raretĂ© Ă Londres,en 1875),et de William,jeune hĂ©ritier dâune parfumerie prospĂšre tombĂ© fou amoureuxdâelle. Faber a su construire un rĂ©cit captivant sur un fond dedĂ©bauche des sens, de misĂšre humaine, de bourgeoisie dĂ©cli-nante et de rĂ©volution industrielle. Cette Ćuvre (dâune vie) subjugue par la variĂ©tĂ© de ses thĂšmes et le souci des dĂ©tails concernant des domaines tels que vĂȘtements et mobilier, mĆurssexuelles et conventions amoureuses, dĂ©couvertes mĂ©dicales,
rĂŽles de la femme et de lâhomme, abandon progressif de la religion au profit dâun nouveau dieu nommĂ© « travail ».Le tout est rĂ©digĂ© dans une langue vive,sans lourdeurs,et nous entraĂźne Ă la suite de personnages bien dĂ©finis,attachants,dont les destins croisĂ©srĂ©vĂšlent des combats personnels illustrant magnifiquement lâĂ©poque victorienne, auseuil dâune profonde mutation.Un best-seller international traduit en vingt-deux langues,qui se lit quasiment dâune traite, aussi incroyable que cela puisse paraĂźtre !
Nouveauté
LA ROSE POURPRE ET LE LYS, Michel Faber, Boréal, 1142 p., 34,95 $
Le vieil homme et la vierge« LâannĂ©e de mes quatre-vingt-dix ans, jâai voulu mâoffrir unefolle nuit dâamour avec une adolescente vierge. » Avouez quecomme incipit pour MĂ©moire de mes putains tristes, on ne pou-vait pas faire plus⊠aguichant. La sortie dâun nouvel ouvragedu Colombien GarcĂa Marquez, nĂ© en 1927, constitue toujoursun Ă©vĂ©nement en soi. En effet, depuis le trĂšs souvent citĂ© oudonnĂ© en exemple Cent ans de solitude (1967), saga familialequi le propulsa sur la scĂšne littĂ©raire mondiale, ce prix Nobelde littĂ©rature de 1982 a poursuivi une Ćuvre remarquable oĂčnouvelles, rĂ©cits et romans font bon mĂ©nage. Ce MĂ©moire enconstitue une nouvelle preuve.NouveautĂ©
MĂMOIRE DE MES PUTAINS TRISTES, Gabriel GarcĂa Marquez, Grasset, 129 p., 22,95 $
le libraire âą JUILLET-AOĂT 14
Une chronique de Jocelyn Coulon*
La « marchandisation » de lâinformation
Mario Cardinal pratique le journalisme depuis cinquanteans. Il a travaillĂ© dans les milieux de la presse Ă©crite et desmĂ©dias Ă©lectroniques, dont Radio-Canada. Câest donc Ă partir dâune vaste expĂ©rience et dâexemples bien con-nus, comme lâaffaire Normand Lester, la guerre contrelâIrak et lâattitude de la presse canadienne-anglaise faceau QuĂ©bec, quâil pose un regard acĂ©rĂ© sur les mĂ©dias, sesartisans comme ses propriĂ©taires. Les journalistes dâau-jourdâhui, Ă©crit lâauteur, maĂźtrisent mal la langue (ce quiest vrai), nâont pas toujours la compĂ©tence ou la passionnĂ©cessaires dans ce mĂ©tier (câest discutable), sont tropproches de leurs sources (vaste dĂ©bat), sont mus parleurs penchants idĂ©ologiques (normal, ce sont deshumains, pas des machines) et sont devenus destĂącherons de la dĂ©pĂȘche au dĂ©triment de la qualitĂ© delâinformation (câest un avis que dĂ©fendait dĂ©jĂ Zola) oudes porteurs de micro au service du divertissement (detout temps, les journaux ont Ă©tĂ© trĂšs people). Quant auxmĂ©dias, ils sont sous lâinfluence des puissances dâargent(rengaine entendue au XIXe siĂšcle) et, entre leurs mains,lâinformation est devenue une marchandise (va-t-onmener un jour un vĂ©ritable dĂ©bat sur ce poncif?).
Diantre ! le tableau nâest pas joli, mais est-ce la rĂ©alitĂ© ?Toute la rĂ©alitĂ© ? Je nâen crois rien, car, aprĂšs tout, si lesmĂ©dias, comme lâĂ©crit lâauteur, se « complaisent dans leshistoriettes de quartier » alors que « nous vivons surune planĂšte qui est en train de basculer dans une monstrueuse dialectique manichĂ©enne (âŠ) », câest, quâa-vant, il devait y avoir un paradis ou quelque chose demeilleur quâaujourdâhui.Les journalistes Ă©taient des hĂ©ros,les mĂ©dias, des redresseurs de torts au service de la veuveet de lâorphelin, lâinformation soupesĂ©e,analysĂ©e, le publicnombreux, Ă©duquĂ© et combatif. Nous aurions doncrĂ©gressĂ© par rapport Ă cet Ăąge Ă©dĂ©nique. Cette interprĂ©ta-tion du passĂ© et du prĂ©sent est caricaturale.
Mario Cardinal a voulu donner de la crédibilité à sonpamphlet en évoquantdes affaires connues. Il
Il ne faut pas toujours croire les journalistes, Mario Cardinal, Bayard Canada, 284 p., 25,95 $Le Journaliste et ses pouvoirs, Gérard Spitéri, PUF, 336p., 49,95 $
Ah ! les journalistes ! Ces « fouille-merde », ces « chiens galeux » ! Ils sont accusĂ©s detout. Pour les uns, ils nâen font jamais assez, ou sont Ă la solde des pouvoirs politiques,financiers ou culturels. Pour les autres, ils forcent le trait, manipulent lâopinion, avilissentla vie en sociĂ©tĂ©. Ignorants, arrogants, serviles, la litanie des Ă©pithĂštes lancĂ©es Ă leurĂ©gard est inĂ©puisable. Alors, il fait bon tirer dessus. Mario Cardinal nâa pas rĂ©sistĂ© Ă la tentation. Le Français GĂ©rard SpitĂ©ri sây est refusĂ©, prĂ©fĂ©rant livrer une analyse plus complexe et nĂ©cessairement plus subtile de leur travail.
Ah ! les journalistes !
mâest difficile de juger de lâexactitude de son argumen-taire Ă propos du traitement mĂ©diatique de la sĂ©rie LeCanada, une histoire populaire ou au sujet de lâaffaireNormand Lester.Mon sentiment,mais câest un sentiment,est quâil frappe fort et juste.Pourtant,mĂȘme lĂ , je ne peuxmâempĂȘcher de douter aprĂšs avoir lu son chapitre sur lesoi-disant « asservissement des mĂ©dias amĂ©ricains »pendant la guerre contre lâIrak en 2002-2003. Lâauteurcharge. Que les mĂ©dias aient Ă©tĂ© patriotes et aient faitpreuve dâun certain relĂąchement, je veux bien,mais que «la noirceur qui sâest abattue sur les rĂ©seaux amĂ©ricains detĂ©lĂ©vision pendant la guerre dâIrak » ait eu « des simili-tudes avec celle qui Ă©touffait la presse soviĂ©tique auxheures les plus sombres du rĂ©gime communiste », lĂ ,lâauteur pĂšte les plombs. Il en veut pour preuve lâabsencesur CNN, Fox News et MSNBC dâinformation Ă propos deplusieurs Ă©vĂ©nements pendant le dĂ©roulement quotidi-en de la guerre. Ă moins de jouir du don dâubiquitĂ©, per-sonne ne peut regarder ces trois chaĂźnes en mĂȘmetemps, toute la journĂ©e et pendant un an dâaffilĂ©e. Ainsi,ce que Mario Cardinal ne voit pas, nâentend pas ou ne litpas nâexiste pas. Or, pour avoir Ă©crit un livre sur la guerrecontre lâIrak, et, regardĂ© CNN et lu le New York Times et leWashington Post tous les jours pendant cette pĂ©riode, jepeux rĂ©futer bon nombre de ces affirmations.
Une exigence personnelle
Les mĂ©dias canadiens ont-ils fait mieux ? Globalementoui, Ă©crit Mario Cardinal, qui rend hommage aux ana-lystes de la chaĂźne RDI,dont jâĂ©tais,pour leur compĂ©tenceet leur neutralitĂ© remarquable. LĂ encore, jâai tiquĂ©. En cequi me concerne, compĂ©tent, peut-ĂȘtre, neutre, jamais.Tous les tĂ©lĂ©spectateurs de Radio-Canada et les lecteursde La Presse savaient que jâĂ©tais contre la guerre, et je neme gĂȘnais pas pour le dire. Mario Cardinal mâa-t-il bienĂ©coutĂ© et lu ?
Les mĂ©dias amĂ©ricains nâont pas Ă©tĂ© partiaux pendant laguerre, comme lâindique une Ă©tude publiĂ©e rĂ©cemmentpar le Projet pour lâexcellence en journalisme de lâuniver-
sitĂ© Columbia, oĂč sont analysĂ©s 2200 reportages diffusĂ©sĂ la tĂ©lĂ©vision, dans les journaux et sur les sites Internet.Les mĂ©dias ont louvoyĂ©, certes, comme on peut le fairelorsquâun pays est en guerre et que le traumatismetouche des journalistes qui sont aussi des hommes et desfemmes.Je nâexcuse rien :je tente simplement de mettreen contexte. Dâailleurs, le traitement de la guerre par lapresse française aurait dĂ» intĂ©resser Mario Cardinal. JâaiconservĂ© les pages Irak du Monde, du Figaro et deLibĂ©ration. Le parti pris anti-guerre Ă©tait tel quâil vaudraitbien une Ă©tude.Les mĂ©dias français,Ă lâinstar du New YorkTimes, se sont-ils excusĂ©s de leurs dĂ©rives ? Non, Ă©critGĂ©rard SpitĂ©ri, dans son ouvrage Le Journaliste et ses pou-voirs, car « cette dĂ©ontologie en acte est inconnue enFrance, oĂč lâon se bat moins pour lâexactitude des faitsque pour le poids des idĂ©es ».
Le livre de cet ancien rĂ©dacteur en chef des Nouvelles lit-tĂ©raires porte sur la presse Ă©crite et se veut historique,sociologique et factuel. Il nous rĂ©concilie avec la profes-sion. Rien ici de manichĂ©en. SpitĂ©ri expose et dĂ©crit lesforces et faiblesses des journalistes, les compromis quoti-diens avec la rĂ©alitĂ©, les marges de manĆuvre Ă©troitesdans lesquelles se dĂ©battent les grands groupes depresse. Lâauteur est formel : « La presse Ă©crite estgĂ©nĂ©ralement de meilleure qualitĂ© quâautrefois », etcâest pour cette raison quâelle est en mesure de retrouverune nouvelle vitalitĂ© face aux mĂ©dias Ă©lectroniques ensâengageant dans le journalisme dâopinion. Par ce terme,il faut entendre « des jugements Ă©clairĂ©s, des prises deposition affranchies des lieux communs comme des con-troverses artificielles,une qualitĂ© dâanalyse qui entraĂźne laconviction. » On est loin des imprĂ©cations et plus prochede lâespĂ©rance.
Je sors toutefois de la lecture de ces deux livres un peuinsatisfait. Je suis de ceux qui croient que lâinformationest une exigence personnelle de la part du lecteur, dutĂ©lĂ©spectateur. Aujourdâhui, le citoyen ne peut plus pren-dre prĂ©texte des conditions politiques et Ă©conomiquespour excuser son ignorance et son impuissance. La mul-tiplicitĂ© des sources, la facilitĂ© technique dây accĂ©der et lagratuitĂ© grandissante ouvrent des avenues de connais-sances inimaginables il y a quarante ou cent ans. Oui, lepublic a le droit Ă lâinformation, mais il a aussi un devoir,celui de sâinformer. Il aurait Ă©tĂ© intĂ©ressant de voir cetaspect de la circulation de lâinformation abordĂ© par lesdeux auteurs.
Essais et documents
15 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire BOUQUINEEssais et documents
RĂ©flexion ou consommation Line Beauchesne, professeure au dĂ©partement de criminologiede lâUniversitĂ© dâOttawa, signe avec Drogues, mythes et dĂ©pen-dance un prĂ©cieux guide destinĂ© aux parents. Davantage infor-mĂ©s, ceux-ci seront capables de mieux communiquer leursvaleurs Ă leurs enfants. Le livre commence par Ă©tablir les mĂ©ritesde la prĂ©vention, en expose les mĂ©thodes, pour enfin conseillerdirectement le lecteur. On note en ses pages un souci perma-nent de remettre les idĂ©es reçues Ă leur place.
NouveautĂ©DROGUES, MYTHES ET DĂPENDANCE. EN PARLER AVEC NOS ENFANTS,
Line Beauchesne, Bayard Canada, 100 p., 14,95 $
La goutte qui fait dĂ©border Ăcologiste et journaliste rĂ©putĂ© du Royaume-Uni, Mark Lynassuit pour nous dans MarĂ©e Montante les traces tangibles durĂ©chauffement climatique. En 2002, revoyant pour une Ă©niĂšmefois une photo dâun glacier pĂ©ruvien prise par son pĂšre vingt ansauparavant, le reporter a lâidĂ©e dâaller au mĂȘme endroit. Le constat est alarmant (voir www.marklynas.org). Un tĂ©moignageĂ mettre de toute urgence dans les mains de qui doute encorede la prĂ©caritĂ© de notre condition.
NouveautĂ©MARĂE MONTANTE, Mark Lynas, Au diable vauvert, 363 p., 42,95 $
Faire vite et bienLe Point de bascule a sans contredit reprĂ©sentĂ© lâun desouvrages les plus utiles jamais Ă©crits pour qui sâintĂ©resse auxquestions de marketing et de leadership. Journaliste au NewYorker, Malcolm Gladwell, toujours aussi bien documentĂ©, nousmontre dans Intuition comment parvenir à « rĂ©flĂ©chir sans ypenser ». Ne dit-on pas que les improvisations les plus rĂ©ussiessont les mieux prĂ©parĂ©es ? Ă lâaide dâexemples tirĂ©s de milieuxaussi diffĂ©rents que le sport, la musique classique, la publicitĂ©ou la thĂ©rapie de couple, il nous prouve que les meilleures dĂ©ci-sions sont souvent les plus rapides.
NouveautéINTUITION, Malcolm Gladwell, Transcontinental, coll. Revue Commerce, 243 p., 27,95 $
« Just do it »La physique en arrivera-t-elle un jour Ă nous proposer unethĂ©orie expliquant tout, si simple Ă comprendre quâon pourralâarborer sur un tee-shirt ? Journaliste et vulgarisateur scien-tifique, Dan Falk raconte avec rigueur et clartĂ© la quĂȘte dâabsoludes philosophes et des scientifiques dĂ©sireux de donner unerĂ©ponse Ă toutes les questions soulevĂ©es par lâUnivers. DepuislâAntiquitĂ©, ils sont nombreux Ă avoir tentĂ© de faire entrer lâin-finiment grand dans lâinfiniment petit⊠Prix de lâAssociationcanadienne des Ă©crivains scientifiques.
NouveautĂ© TOUT LâUNIVERS SUR UN TEE-SHIRT, Dan Falk, Fides, 252 p., 24,95 $
NouveautĂ©ZĂRO TOXIQUE : POURQUOI ET COMMENT SE PROTĂGER,
Marc Geet Ăthier, TrĂ©carrĂ©, 287 p., 19,95 $
Tous au chimique !De nos jours, 7 dĂ©cĂšs sur 10 auraient pour cause une maladiechronique. Parmi ces maux, un grand nombre serait imputable Ă la pollution de nos propres corps. La procĂ©dure canadienne nechange pourtant pas : avant de sâassurer des dangers Ă longterme, on lance les produits, quitte Ă les retirer du marchĂ© ensuite.Marc Geet Ăthier ne souhaite pas seulement sonner lâalarme : sonouvrage, tout en prĂ©sentant un portrait de la situation, proposedes solutions. Pour chaque sphĂšre dâactivitĂ© ou de consommation(aliments, entretien domestique, transports), des mesuresprĂ©cises sont dĂ©crites.
On ne naĂźt pas femme⊠Depuis 1975, les Ăditions du remue-mĂ©nage alimentent la rĂ©flexionsur la condition fĂ©minine.Anne-Marie Sicotte vient dây faire paraĂźtreune biographie solidement documentĂ©e, qui ravive le souvenir despremiers pas du fĂ©minisme au QuĂ©bec. Marie Lacoste GĂ©rin-LajoienaĂźt Ă MontrĂ©al en 1867 dans un milieu aisĂ©. Ă une Ă©poque oĂč lesrĂŽles sociaux relĂšvent dâune vision Ă courte vue, elle travaillera Ă garantir aux jeunes femmes lâaccĂšs Ă une Ă©ducation digne de cenom, rĂ©digeant Ă leur intention un TraitĂ© du droit usuel qui feraĂ©cole. Un ouvrage essentiel qui Ă©claire les enjeux du fĂ©minisme.
NouveautĂ© MARIE GĂRIN-LAJOIE. CONQUĂRANTE DE LA LIBERTĂ, Anne-Marie Sicotte,Ăditions du remue-mĂ©nage, 503 p., 34,95 $
le libraire âą JUILLET-AOĂT 16
le libraire CRAQUEEssais et documents
TraitĂ© dâathĂ©ologieMichel Onfray, Grasset, 282 p., 32,95$
« Le XXIe siĂšcle sera religieux ou ne sera pas », disait Malrauxet, tristement, nous ne pouvons pour le moment lui donnertort. Avec son TraitĂ© dâathĂ©ologie, le philosophe Michel Onfraysâattaque Ă cette recrudescence de la religion et aux con-sĂ©quences de celle-ci. Il nous propose une historiographierigoureuse de lâathĂ©isme, qui force un certain recul face auxmonothĂ©ismes et Ă leurs pratiques passĂ©es et prĂ©sentes.Reprenant certains abus des religions du Livre, Onfray justifiele recours Ă lâathĂ©isme pour combattre la pulsion de mort
quâelles appellent, les tyrannies et servitudes quâelles imposent et les dĂ©sirs irrĂ©elsquâelles suggĂšrent. Ainsi, il nous rappelle quâĂ trop vouloir profiter dâun « arriĂšre-monde » hypothĂ©tique, nous oublions trop souvent de profiter du momentprĂ©sent. MATISSE CONSTANT
Dans la TaniĂšre du loupTraudl Junge, JC LattĂšs, 307 p., 34,95 $
On rĂȘve souvent dâĂȘtre un petit oiseau pour pouvoir Ă©pier lesgens Ă leur insu.Traudl Junge, en devenant la secrĂ©taire de Hitleren 1942, a un peu jouĂ© ce rĂŽle malgrĂ© elle. La position quâelleoccupait auprĂšs du chancelier du IIIe Reich lui a permis dâĂȘtre untĂ©moin plus que privilĂ©giĂ© de ce qui se passait Ă lâintĂ©rieur dubunker. GrĂące Ă elle, nous franchissons les murs bĂ©tonnĂ©squâaucun historien nâavait pu pĂ©nĂ©trer de cette maniĂšre. Fineobservatrice, elle dĂ©peint le quotidien de Hitler, dâEva Braun etde toute cette faune qui gravitait autour des deux personnages.
Elle croyait que ses anecdotes nâavaient aucun intĂ©rĂȘt alors quâau contraire, ellesapportent un Ă©clairage nouveau et essentiel Ă la comprĂ©hension de ce triste pan denotre histoire. Un document fascinant et effroyable. ĂRIC SIMARD
Il Ă©tait une fois... et pour toujoursAlison Lurie, Rivages, coll. Essais, 262 p., 39,95$
On connaĂźt Alison Lurie comme romanciĂšre, mais onignore quâelle est une spĂ©cialiste de la littĂ©rature jeunesse.Cet essai ludique, intelligent et un tantinet psychanaly-tique le prouve hors de tout doute. En partant de sa pro-pre expĂ©rience, elle montre lâimportance que peuventavoir certaines lectures dans la vie dâun jeune lecteur.Ainsi, elle nous invite dans lâunivers de Hans ChristianAndersen, de Pinocchio, de Harry Potter, du magiciendâOz, de Babar et de Louisa May Alcott, pour ne nommerque ceux-lĂ . Ses choix vont beaucoup vers la cultureanglo-saxonne, qui est un peu Ă©loignĂ©e de la nĂŽtre, maissa plume est si contagieuse et son regard si pertinent que
ça ne gĂąche en rien le plaisir quâon a Ă la lire. La preuve en est quâelle mâa donnĂ© legoĂ»t de lire Les Quatre Filles du Docteur March ! ĂRIC SIMARD
Esquisses dâexilLe grain tombĂ© entre les meules (t. 2) : 1979-1994
Alexandre SoljĂ©nitsyne, Fayard, 702 p., 49,95 $Au fond dâune forĂȘt du Vermont, il y a Alexandre SoljĂ©nitsynelâexilĂ©. Il est un grain, broyĂ© par la meule soviĂ©tique, broyĂ©par la « tribu instruite » amĂ©ricaine. Trop paysan, troprusse, parlant trop de rigueur morale, de courage, lâĂ©crivainbarbu dĂ©plaĂźt. On lui prĂ©fĂšre le dissident urbain Sakharov, lerĂ©formateur communiste Gorbatchev. Quâon l'isole, il nâen acure : il peut dorĂ©navant Ă©crire son oeuvre Ă sa guise. Lespages les plus belles, les plus tragiques de ces Esquisses dâex-
il, il les rĂ©dige entre 1989 et 1994. Un dĂ©gel a lieu dans sa patrie. Les portes de la terrenatale sâouvrent. Ă la frĂ©nĂ©sie du dĂ©part se substitue lâangoisse : la Russie nâest quechaos et il va Ă sa rencontre. Mais le rĂ©cit de son installation, ce sera pour une autrefois. CHRISTIAN VACHON
LâĂtrange Voyage de Rudolf Hess.Mai 1941
Martin Allen, Plon, 351 p., 43,95 $Martin Allen, historien britannique, nous dĂ©voile aprĂšsmaintes recherches des faits nouveaux sur lâun desĂ©vĂ©nements les plus curieux de cette pĂ©riode agitĂ©e delâhistoire du XXe siĂšcle. Comment expliquer le mystĂ©rieuxvol vers lâAngleterre de Rudolf Hess, fidĂšle seconddâAdolf Hitler, qui fut arrĂȘtĂ© et passa le reste de sa vie enprison ? Lâauteur nous explique tout ce qui a prĂ©cĂ©dĂ©cette curieuse traversĂ©e. Le rĂŽle des services secrets bri-tanniques Ă©tait dâune importance primordiale dans ledĂ©roulement de cette affaire ; leur tĂąche Ă©tait de fairecroire aux Allemands que lâAngleterre Ă©tait prĂȘte Ă faire
la paix. Leur but : faire ouvrir un second front vers la Russie, afin que les naziscessent de les attaquer. Toutes ces nĂ©gociations secrĂštes Ă©taient inconnues encoreil nây a pas longtemps : Ă lire pour les amateurs dâhistoire de la Seconde Guerremondiale. JEAN MOREAU
Jean MoreauCLĂMENT MORIN
Ăric SimardPANTOUTE
Christian VachonPANTOUTE
Matisse ConstantMONET
17 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
DANS LA POCHE
Douce TamiseMatthew Kneale, Pocket, 414 p., 12,95 $
Alors que le fleuve rĂ©pand le cholĂ©ra sur la capitale britanniquependant lâĂ©tĂ© 1849, la vie de lâingĂ©nieur Joshua Jeavons bascule :son Ă©pouse, qui se refusait Ă lui, sâest enfuie. La rumeur taxe ladisparue de libertinage, mais nâen croyant rien, Jeavons Ă©cumeles beaux quartiers. Câest pourtant dans les ruelles des bas-fondslondoniens quâil retrouvera sa trace⊠Cette fresque mariedrame conjugal et catastrophe mĂ©dicale avec habiletĂ©. NĂ© Ă Londres, Matthew Kneale est lâauteur de deux autres romans (Les Passagers anglaiset Cauchemar nippon). Ă lâautomne 2006 paraĂźtront des nouvelles chez Belfond.
La Nostalgie de lâangeAlice Sebold, Jâai Lu, 349 p., 13,95 $
Susie Salmon a 14 ans lorsquâelle est victime de la sauvage agres-sion dâun voisin. De lâau-delĂ , la jeune femme, narratrice de LaNostalgie de lâange, assiste Ă lâhistoire de sa propre absence Ă tra-vers la longue reconstruction de sa famille. Ănorme succĂšs lors desa parution en 2002 aux Ătats-Unis, The Lovely Bones trouvait lâan-nĂ©e suivante un semblable Ă©cho auprĂšs du public francophone.Alice Sebold est Ă©galement lâauteure de Lucky (Nil, 2005), un rĂ©citpoignant portant sur le viol quâelle a elle-mĂȘme subi.
Le Dictateur et le hamacDaniel Pennac, Folio, 410 p., 15,95 $
Il y a un dictateur dâAmĂ©rique latine agoraphobe qui se fait rem-placer par un sosie, ce dernier cĂ©dant sa place Ă un autre sosie,lâombre du Dictateur de Chaplin qui plane au-dessus de ceshurluberlus, puis cet Ă©crivain français rĂ©putĂ©, qui se prĂ©lasse dansson hamac, en fait lâĂ©loge et imagine cet abracadabrant rĂ©cit.Lâauteur alterne entre lâhistoire proprement dite et les souvenirsde voyages et de lectures. (Comme un roman, la sĂ©rie desMalaussĂšne), qui lâont conduit jusquâĂ la conception de ce livre iconoclaste etdĂ©routant.
NiagaraJane Urquhart, Points, 253 p., 12,95 $
On va aux chutes du Niagara en voyage de noces ou pour sâynoyer. Nâimporte quel touriste vous le dira : nombreux sont lescorps dâintrĂ©pides acrobates ou de cĆurs malheureux Ă sâĂȘtre fra-cassĂ©s sur les rochers situĂ©s au pied de ces splendeurs naturelles.Si vous en doutez, allez donc faire un tour au musĂ©e de Niagara-Falls⊠Câest cette vision noire que lâOntarienne Jane Urquhartnous invite Ă dĂ©couvrir par le truchement de personnages bigar-rĂ©s, au destin liĂ© au tourbillon de lâeau. Un roman fascinant honorĂ©du Prix du meilleur livre Ă©tranger 1992.
Le Milieu du jourYvon Rivard, Boréal Compact, 328 p., 15,95 $
Grand Prix du livre de MontrĂ©al 1996, Le Milieu du jour proposeune fine et originale lecture du sempiternel thĂšme du triangleamoureux. Yvon Rivard, dans ce roman « dâune rare intelligenceet dâune rare luciditĂ© » (Spirale), dresse avec sincĂ©ritĂ© le portraitdâun Ă©crivain dĂ©chirĂ© entre deux muses. LaurĂ©at du Prix duGouverneur gĂ©nĂ©ral 1986 pour Les Silences du corbeau, Rivard, quienseigne les lettres françaises et quĂ©bĂ©coises Ă lâUniversitĂ© McGill,
vient de publier Le SiÚcle de Jeanne (Boréal).
Service clientĂšleBenoĂźt Duteurtre, Gallimard, coll., Folio, 109 p., 10,95 $
Ce bref opus se lit de maniĂšre aussi compulsive que les obses-sions modernes quâil dĂ©crie : le temps (24 heures dans unejournĂ©e ne suffisent plus), lâappĂąt du gain (« money rules theworld ») et la vitesse (« farnienter » nâest plus bien vu). Muni deson portable, un homme fait la file Ă lâĂ©picerie, Ă lâaĂ©roport, aupĂ©age routier, au service Ă la clientĂšle⊠Lâattente Ă©quivalant Ă une « perte », lâauteur du Voyage en France (MĂ©dicis 2001) selivre ici Ă une brillante satire de la sociĂ©tĂ© occidentale, dĂ©cidĂ©ment trop pressĂ©e.
Karen Blixen : Une odyssée africaineJean-Noël Liaut, Payot, coll. Petite BibliothÚque Payot, 230 p., 14,95 $
Auteure majeure du XXe siĂšcle, Karen Blixen (La Ferme africaine, LeDĂźner de Babette, Sept Contes gothiques) reste peu lue de nos joursâ quoique Souvenirs dâAfrique, avec Meryl Streep et RobertRedford, lâait fait connaĂźtre davantage. Et pourtant, sa vie a toutdâun roman quâon prend plaisir Ă dĂ©couvrir ici : nĂ©e au Danemark,elle Ă©migre au Kenya en 1914 avec un mari rustre,et rĂšgne sur uneplantation de cafĂ© arrachĂ©e aux Noirs,quâelle frĂ©quente et protĂšge
pourtant assidĂ»ment. En outre, elle souffrira de la syphilis, ettombera follement amoureuse dâun aristocrate anglais.
Retour Ă BridesheadEvelyn Waugh, Robert Laffont, coll. BibliothĂšque Pavillons, 607 p., 15,95 $
PubliĂ© en 1945, Retour Ă Brideshead raconte les dĂ©boires dâunĂ©tudiant dâOxford en visite Ă la demeure familiale dâun amiexcentrique et fortunĂ©. Auteur dâune quinzaine dâouvrages(romans, nouvelles), dont les plus connus restent Grandeur etdĂ©cadence et Une poignĂ©e de cendres, lâAnglais Evelyn Waugh(1903-1966) a grandement contribuĂ© Ă rĂ©pandre lâhumourbritish, savoureux amalgame de sarcasme et dâironie. MaĂźtre dela satire, lâauteur sâest joyeusement fait la main sur lâaristocratie et la politique bri-tannique, de mĂȘme que sur le judĂ©o-christianisme. So marvelous, dear !
VĂ©ritable Histoire du gang KellyPeter Carey, 10/18, 478 p., 18,95 $
Hommage inspirĂ© au plus controversĂ© hors-la-loi de lâAustralie, cerĂ©cit galopant et adroit, au style truculent, offre une vision diffĂ©rentedu funeste destin de ce bandit qui, avant dâĂȘtre pendu en 1880, atenu en Ă©chec la police pendant des annĂ©es. En vĂ©ritable virtuosecapable de jouer du farfelu (La Vie singuliĂšre de Tristan Smith) commedu tragique et du baroque (Jack Magg),Peter Carey sâest offert le luxede poser au-dessus de son foyer un deuxiĂšme prix Man Booker grĂące
Ă la VĂ©ritable Histoire du gang Kelly.
PlutĂŽt mourirMarcello Fois, Points, 296 p., 14,95 $
Noires sont les intrigues de Marcello Fois et longs, les couteauxdes nuits de sa Sardaigne. Lâauteur de Les Hordes du vent (Seuil,2005) raconte dans PlutĂŽt mourir une histoire glauque Ă souhait,au dĂ©veloppement enrichi par un nombre impressionnant depersonnages. Dans la ville de Nuoro, en 1992, Ines Ledda, 12 ans,est la quatriĂšme petite fille Ă disparaĂźtre depuis septembre 1989.Son cadavre, retrouvĂ© dans les bois, rĂ©vĂšle les signes dâun rĂ©centavortement. La corde de lâenquĂȘte, prodigieusement mĂȘlĂ©e, senoue peu Ă peu : on est pris au collet !
Le Dernier AmiTahar Ben Jelloun, Points, 148 p., 9,95 $
Tahar Ben Jelloun nâest plus Ă prĂ©senter, lui qui sait si justement ren-dre compte du paradoxe opposant la tradition et la modernitĂ© quianime sa patrie, le Maroc. Il en nourrit dâailleurs son Ćuvre foison-nante depuis Harrouda (1973),en passant par La Nuit sacrĂ©e (1987) ouLe Premier Amour est toujours le dernier (1995). Sur fond de jalousie etde trahison, Le Dernier Ami constitue, sur une trentaine dâannĂ©es, lerĂ©cit Ă deux voix de lâamitiĂ© unissant Ali et Mamed,qui livrent chacun
leur version des faits.
La Dame Ă la LicorneTracy Chevalier, Folio, 359 p., 14,95 $
La Jeune Fille Ă la perle brodait allĂšgrement autour du peintre Vermeerune histoire dâamour et dâart. De regard et de tableau il est de nou-veau question dans La Dame Ă la Licorne. Paris, 1490. Nicolas desInnocents est peintre. Il se voit confier par Jean Le Viste la rĂ©alisationde miniatures, qui serviront de modĂšles Ă ses tapisseries. Le nobleseigneur a commandĂ© une reprĂ©sentation de la bataille de Nancymais, fascinĂ© par la fille de Le Viste et dĂ©tournĂ© de son premier objec-tif par son Ă©pouse, Nicolas peint plutĂŽt une femme et une licorneâŠ
le libraire âą JUILLET-AOĂT 18
Selon Mathieu BĂ©liveau, fils du fondateur et aujour-dâhui prĂ©sident-directeur gĂ©nĂ©ral de la maison, lalongĂ©vitĂ© de lâentreprise nâa pas Ă voir avec le succĂšsinstantanĂ© ou les opĂ©rations de marketing intempes-tives : « Je crois que ce qui rĂ©sume bien notre histoire,câest que nous avons rĂ©ussi Ă demeurer petits, maissolides. » En trois dĂ©cennies, on nâa pas oubliĂ© lesprincipes de Michel BĂ©liveau, un ingĂ©nieur de forma-tion, qui a toujours prĂ©fĂ©rĂ© se concentrer sur la publi-cation dâun nombre limitĂ© dâouvrages sâadressant Ă des clientĂšles prĂ©cises, gages de qualitĂ© et de profes-sionnalisme : « Mon pĂšre a toujours considĂ©rĂ© sonentreprise comme quelque chose qui devait avanttout conserver une certaine stabilitĂ©.»
Il est vrai quâavant de goĂ»ter au succĂšs des « Bouillonde poulet pour lâĂąme » au milieu des annĂ©es 90,BĂ©liveau avait vĂ©cu bien dâautres aventures Ă©ditoriales,marquĂ©es par lâambition de rĂ©concilier le savoir avec laproduction de livres accessibles. Ă ses dĂ©buts, la mai-son a surtout publiĂ© des notes de cours dans diffĂ©rentsdomaines des sciences pures, et ce, pour diverses insti-tutions dâenseignement. Puis lâachat, en 1980, deDiffusion Iris, et la crĂ©ation de la librairie qui porte lemĂȘme nom, ont permis dâaccueillir dans son cataloguedes ouvrages Ă caractĂšre religieux. Le fait de devenirleur propre distributeur a permis Ă Sciences et culturede mieux envisager lâavenir, tout en dĂ©montrant uneferme volontĂ© de partir Ă la recherche de nouveauxmarchĂ©s, notamment dans le domaine du dĂ©veloppe-ment de la personne. En 1991, une association avec lafondation Hazelden, un centre reconnu mondialementpour ses traitements de la toxicomanie et de lâal-coolisme, a confirmĂ© Ă lâĂ©diteur lâimportance de misersur la volontĂ© dâallier mieux-ĂȘtre et rigueur scien-tifique. Ainsi, selon Mathieu BĂ©liveau, le succĂšs spec-taculaire de Vaincre la codĂ©pendance de MelodyBeattie a marquĂ© un point tournant encore plus
Bien quâelles soient aujourdâhui surtout connues grĂące au succĂšs retentissant de leur col-lection « Bouillon de poulet », vendue Ă plus de 500 000 exemplaires depuis son lance-ment en 1996, les Ăditions Sciences et Culture offrent depuis trente ans bien dâautresdĂ©coctions faites de savoirs, dâun soupçon dâaudace et de flair. Comme quoi les bonnesvieilles recettes peuvent aussi mener loin. Car dans la petite maison dâĂ©dition fondĂ©e parMichel BĂ©liveau en 1975, on nâa jamais perdu de vue plusieurs principes, dont lâidĂ©e selonlaquelle la taille dâune entreprise nâest nullement garante de la soliditĂ© de ses fondations.
important que lâarrivĂ©e de la sĂ©rie « Bouillon de poulet », puisque Sciences et culture sâest ensuiteassociĂ©e au Centre jeunesse de MontrĂ©al pour produireune collection de titres spĂ©cialisĂ©s en Ă©ducation.
Le secteur du dĂ©veloppement personnel a connu sonpremier vĂ©ritable essor avec la publication des livres deBeattie et, plus tard, de LâInsatisfaction chronique (LaurieAshner et Mitch Meyerson) et de Manger ses Ă©motions(Bill B.). Toutefois, il est vrai que lâannĂ©e 1996 est cellequi marqua lâentrĂ©e au catalogue des fameux « Bouillon de poulet pour lâĂąme », mijotĂ©s par deuxAmĂ©ricains, Jack Canfield et Victor Hansen. Pour lapetite histoire, notons que le succĂšs de cette sĂ©rie nefut pas instantanĂ©, et quâil aura fallu bien de la dĂ©termi-nation de la part des auteurs et des agents respon-sables de la commercialisation internationale pourquâun vaste public apprĂ©cie enfin ces livres. Imaginez :le projet a Ă©tĂ© refusĂ© par plus dâune trentaine dâĂ©diteurs amĂ©ricains... Au QuĂ©bec, ce ne fut pas vrai-ment plus facile : « Tout le monde a aussi refusĂ©,mĂȘme mon pĂšre. Les Ăditions Du Roseau ont fait unepremiĂšre Ă©dition en changeant le titre et la couverture,puis elles ont dĂ©cidĂ© de ne pas continuer la sĂ©rie. Lesagents ont rappelĂ© mon pĂšre et rĂ©ussi Ă le convaincre.De lĂ , tout a dĂ©collĂ©. Nous avons Ă©tĂ© lâun des premiersĂ©diteurs au monde Ă dĂ©cider de ne rien changer auxtitres ni Ă la couverture, ce qui explique en partiepourquoi la sĂ©rie marche si bien », explique BĂ©liveau.
Aujourdâhui, Sciences et Culture a publiĂ© trente volumes de cette sĂ©rie de textes destinĂ©s Ă vous revigor-er lâĂąme et traduits en plus de 36 langues. En anglais, onoffre dĂ©jĂ 80 titres, ce qui force Mathieu BĂ©liveau et sonĂ©quipe Ă effectuer une certaine sĂ©lection : «Il y en a pour les chiens et les chats, pour ceuxqui voyagent, les Ă©tudiants, les jardiniers, lesparents... Si je voulais, je pourrais faire de la
traduction jusquâĂ la fin des temps ! Je prĂ©fĂšre enĂ©diter seulement deux ou trois par annĂ©e et tenterde faire coĂŻncider la publication avec un Ă©vĂ©nementspĂ©cial. Ă la rentrĂ©e de septembre, par exemple,paraĂźtra Bouillon de poulet pour les professeurs, etBouillon de poulet pour lâĂąme romantique sortira Ă laprochaine Saint-Valentin... »
Avec Ă son emploi une douzaine de personnesĆuvrant Ă la publication dâune quinzaine delivres annuellement, Sciences et Culture estimeavoir atteint un bon rythme de croisiĂšre. Etcomme son pĂšre, Mathieu BĂ©liveau nâa pas lâinten-tion de changer la formule gagnante : « Jerecherche toujours un bon mĂ©lange entre des volumes plus grand public mais trĂšs sĂ©rieuxcomme ceux sur la dĂ©pendance, qui amĂšnent delâeau au moulin, et dâautres, beaucoup plus spĂ©-cialisĂ©s. Cependant, jâaimerais avoir plus dâauteursquĂ©bĂ©cois dans le secteur du dĂ©veloppement dela personne. Je vais donc tout faire pour aller Ă leurrencontre et ainsi tenter dâĂ©quilibrer notre cata-logue. Ăa nous permettrait aussi dâĂ©tablir unedynamique entre auteurs et Ă©diteurs, que nousnâavons pas avec les auteurs Ă©trangers. »
Pas question donc, aux dires de BĂ©liveau, de « selancer dans le roman ou le livre de recettes ». Uneseule suffit (outre le bouillon de poulet) : cellereposant sur lâidĂ©e quâil faut toujours sâassurerdâĂȘtre bien solide avant de se lancer dans nâim-porte quelle entreprise. Une recette qui, Ă trenteans bien sonnĂ©s, ne se dĂ©mode pas.
Par Antoine Tanguay
Portrait dâĂ©diteur
Sciences et culture
Bouillon de poulet pour lâĂąme de lâĂ©diteur
19 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
LâĂ©dition internationale sâest engagĂ©e dans une fĂ©roce course aux best-sellers. DelâAngleterre Ă lâAllemagne en passant par lâItalie, le BrĂ©sil, les Ătats-Unis, le Canadaet, oui, le QuĂ©bec (quoique dans une moindre mesure), les acteurs du monde dulivre sont dĂ©sormais sĂ©parĂ©s en deux camps.Dâabord,il y a ces maisons dâĂ©dition quirecherchent le gain Ă tout prix, qui prĂ©conisent un contenant attrayant dont lâhistoire, bĂątie sur un canevas convenu, voire simplet mais efficace, a le mĂ©rite derĂ©pondre,selon un obscur calcul,aux attentes des lecteurs.Et puis,il y a ces tenantsde la vieille garde, ces Ă©diteurs qui privilĂ©gient un contenu plus riche au dĂ©trimentde ventes faramineuses,prĂ©fĂ©rant lâĂ©tablissement dâune relation de confiance entreeux et lâauteur puis,si Dieu (ou lâindustrie) le veut,entre lâĂ©crivain et son public.
Tout le monde le lit
Vous me direz que tout est une question de goĂ»t et quâil faut de tout pour satisfairetout le monde.Et vous aurez bien raison.Mais nâavez-vous pas remarquĂ©,ces temps-ci,que plusieurs personnes lisent le mĂȘme livre ? Au cafĂ© et au parc,en bus et en avion ?Puisquâil faut bien citer un exemple, parlons du Da Vinci code de Dan Brown. Ici, lâidĂ©enâest pas de dĂ©terminer si ce roman est bon ou mauvais (tous les goĂ»ts sont dans lanature,dirai-je au risque de me rĂ©pĂ©ter),mais de souligner que ce thriller religieux a faitlâobjet dâune mise en marchĂ© dâune ampleur inimaginable il y a quelques annĂ©es seule-ment (qui sâest soldĂ©e par des millions dâexemplaires Ă©coulĂ©s). Par ailleurs, de nombreux « produits dĂ©rivĂ©s » en sont inspirĂ©s :pensons Ă ces ouvrages dĂ©mystifiantle mystĂšre au cĆur du rĂ©cit et autres fictions relevant du clone romanesque.
Au fil des pages qui suivent,vous dĂ©couvrirez que depuis les beaux jours du feuilleton,au XIXe siĂšcle,la finalitĂ© de lâĂ©dition a beaucoup changĂ©,au point de mettre en pĂ©ril uneforme dâexpression fondamentale et nĂ©cessaire. Aujourdâhui, derriĂšre les diffĂ©rentesstratĂ©gies publicitaires Ă©laborĂ©es en fonction des caractĂ©ristiques du livre et de sonpublic cible, câest finalement la dĂ©finition mĂȘme du livre et le traitement quâon luirĂ©serve qui sont menacĂ©s. En effet, une Ćuvre ayant requis un long investissementphysique et psychologique de la part de son crĂ©ateur (une raretĂ© dans notre sociĂ©tĂ©axĂ©e sur la performance et le profit), doit-elle ĂȘtre mise en marchĂ© comme des chaus-sures, un jean ou une voiture ? La rĂ©ponse est non. Certes, le livre est un produit, maisil est « culturel » ; sa conception nâa pas Ă©tĂ© faite en usine.
Le secret du succĂšs
Que ce soit au petit Ă©cran,dans les journaux ou Ă la radio,il semble que seuls lâauditoire oule lectorat comptent de nos jours, et que tous les moyens sont bons pour les obtenir. Cequi nous ramĂšne Ă la problĂ©matique des best-sellers,tantĂŽt des torchons,tantĂŽt des chefs-dâĆuvre, et Ă lâĂ©ventualitĂ© quâil existe bel et bien une recette du succĂšs. La crĂ©ation dâun livre-Ă©vĂ©nement relĂšve encore dâun mystĂšre (partiellement rĂ©solu) : il nây apas de recette magique, le rĂ©sultat est alĂ©atoire (les Ă©diteurs sont parfois les premiers sur-pris), mais on sait que la concentration dâun certain nombre de facteurs transforment unsuccĂšs dâestime en blockbuster international. Si lâon revient Ă la thĂ©orie des goĂ»ts, il seraitjuste de clamer quâil existe autant de best-sellers que de lecteurs. Osons croire que la va-riĂ©tĂ©,lâune des plus grandes caractĂ©ristiques de la littĂ©rature,est lĂ pour rester.
Dans la mesure, donc, oĂč nombre de lecteurs lisent le mĂȘme ouvrage, doit-on sâinquiĂ©ter ? Interrogeons-nous, tout au moins. Demandons-nous jusquâoĂč nous mĂšnera la course aux best-sellers.Les standards dans le livre nâont pas lieu dâĂȘtre.Le mĂ©tis-sage de cultures musicales, la World Beat, dâaccord, mais la World Fiction, non merci.LâhĂ©gĂ©monie laisse peu de place aux nouvelles initiatives, presque condamnĂ©es dâavance par la prĂ©sence massive de best-sellers en librairie.Mais les signes sont lĂ .Dansnâimporte quel domaine, la convergence est dangereuse : pensĂ©e et littĂ©rature seront-elles taxĂ©es un jour dâ« uniques » ? Les Ă©diteurs du monde entier vont-ils adapter leurstactiques de promotion Ă un marchĂ© ne carburant quâaux meilleurs vendeurs ? EspĂ©ronsque non. Câest pourquoi, au-delĂ du simple plaisir de la lecture, on doit sâattarder uninstant au livre lui-mĂȘme, Ă ce quâil recĂšle de trĂ©sors cachĂ©s. Ăvidemment, la part deschoses est plus difficile Ă faire quâau chapitre de lâalimentation oĂč, entre un hamburgerdoublement garni et une salade de thon,le tableau des calories parle pour nous.Bien sĂ»r,des Ă©carts occasionnels ne sont pas proscrits ; ils contribuent Ă lâĂ©quilibre. MĂȘme chosepour la littĂ©rature, pensez variĂ©tĂ©, cultivez la curiositĂ©, laissez-vous happer par le livre delâheure.Mais le reste du temps,allez lire ailleurs.
HélÚne Simard, coordonnatrice-rédactrice adjointe
Information ou loisir ?
Ă la fin du XIXe siĂšcle,acheter un livre est un luxe rĂ©servĂ© aux classes les mieux nanties.Lesrevenus dâune famille ouvriĂšre nâencouragent pas lâachat dâun produit comme le roman,considĂ©rĂ© comme Ă©tant exclusivement dĂ©diĂ© au loisir. Le temps de repos, susceptibledâĂȘtre consacrĂ© Ă la lecture, Ă©tait par ailleurs plutĂŽt rare : rappelons que la semaine de travail, au dĂ©but du XXe siĂšcle, sâĂ©tirait du lundi au samedi, Ă raison de 10 heures Ă 12 heures par jour.Compromis Ă©conomique et idĂ©ologique :le feuilleton,que lâon retrou-ve bientĂŽt dans la plupart des journaux et des revues. Roman coupĂ© en Ă©pisodes, ilentraĂźne une rapide pĂ©nĂ©tration de la fiction dans les milieux populaires. Le pĂ©riodiquene coĂ»te pas cher ; il a, de plus, une valeur dâinformation qui vient Ă bout des rĂ©ticencesdes hommes, moins portĂ©s Ă lire : ils sây tiennent au courant des affaires publiques⊠etdu prix des objets de consommation. Ă cette Ă©poque, en France, le roman-feuilletonintĂ©resse dâabord les femmes, et sa prĂ©sentation en un chapitre Ă la fois encourage sa lecture : « une livraison peut ĂȘtre rapidement lue, entre deux tĂąches mĂ©nagĂšres, et lesuspense narratif par lequel elle se termine brise quelque peu la monotonie de lâexis-tence » (Anne-Marie Thiesse, Le Roman du quotidien). Les Ă©pisodes, dĂ©coupĂ©s, sontcousus Ă la main et les romans ainsi recomposĂ©s sont prĂȘtĂ©s Ă lâentourage.
Au pays de lâOncle Sam
Aux Ătats-Unis, un plus grand bassin de population, doublĂ© de stratĂ©gies publicitairespersuasives, permettent dĂ©jĂ aux ouvrages reliĂ©s dâatteindre des ventes impression-nantes. En 1895, le magazine The Bookman publie la premiĂšre liste des « meilleursvendeurs ». Le premier best-seller consacrĂ©, cette annĂ©e-lĂ , est Beside the Bonnie BrierBush, de lâĂcossais Ian MacLaren. Lâeffet des listes sur les ventes est immĂ©diat : le livre estdĂ©jĂ conçu et perçu comme un produit de consommation dont lâoffre passe par le mĂȘmecanal que les autres... Ainsi, en 1897, The Honorable Peter Stirling de Paul Leceister FordconnaĂźt des ventes dĂ©cevantes⊠jusquâĂ ce que son Ă©diteur laisse entendre que le rĂ©citest inspirĂ© de la vie du prĂ©sident Cleveland.RĂ©sultat :228 000 copies vendues dans lâan-nĂ©e. Souhaitant rĂ©pĂ©ter les succĂšs des Ă©diteurs amĂ©ricains, lâindustrie française appli-quera rapidement les mĂȘmes recettes.Lâune de ces premiĂšres rĂ©ussites orchestrĂ©es est larĂ©Ă©dition,en 1921,de Maria Chapdelaine,premier titre de la collection « Les cahiers verts» de Grasset. Le tirage atteindra prĂšs de 170 000 exemplaires en deux ans.
Comme la dynamite, le best-seller naĂźt de façon accidentelle. Sonexplosion est liĂ©e Ă lâĂ©largissement du lectorat, et ne peut ĂȘtresĂ©parĂ©e de lâexistence du roman tel que nous le connaissons. Unensemble de phĂ©nomĂšnes expliquent sa crĂ©ation, parmi lesquelslâamĂ©lioration de lâĂ©ducation publique, la rĂ©duction du coĂ»t dupapier et le dĂ©veloppement de la presse dâinformation.
Par Mathieu Simard, librairie Pantoute
De la dĂ©finition dâun best-seller
Mais que dĂ©signe-t-on, aujourdâhui, par « best-seller » ?Parle-t-on dâun ouvrage produit selon des stratĂ©gies demise en marchĂ© Ă©prouvĂ©es,orientĂ© vers un public-cible ?Ou ne sâagit-il pas plutĂŽt dâun livre qui tombe Ă point,satisfaisant les exigences de la critique et comblant lesattentes dâun large lectorat ? Dâun cĂŽtĂ© il y aurait lâ « art » ; de lâautre, le « produit ». Le malaiseprovient dâune confusion dans la dĂ©finition de lâobjet.Exemple de cette ambivalence, une citation de La Forcede lâĂąge de Simone de Beauvoir (1960), tirĂ©e de lâarticle « Best-seller » de Pierre Nora (Encyclopedia Universalis) :« Le dernier best-seller amĂ©ricain, Babbit, nous parutlaborieusement plat ». Or Babbit, de Sinclair Lewis, prixNobel de littĂ©rature,est considĂ©rĂ© comme un classique.
En ce qui concerne exclusivement la fiction,le statut de « best-seller » demeure ambigu.Mais cette confusion est dâabord affaire de regard. Parler de best-seller, câest, dans une certaine mesure,faire de lâhistoire ou de la sociologie,quand ce nâest pas tout simplementen rester au niveau de la mise en marchĂ© : les maisons de distribution, parmi leurs listesde livres Ă paraĂźtre, prĂ©sentent une colonne « best-sellers ». Il nâest pas question de « littĂ©rature », au sens oĂč lâon ne juge pas dâune qualitĂ©, pas plus quâon nâinterprĂšte uneĆuvre selon sa forme par rapport Ă dâautres Ćuvres.
La lecture « littĂ©raire » implique de sâintĂ©resser dâabord Ă la façon dont câest fait.La rĂ©us-site littĂ©raire Ă©voquĂ©e par la critique est comme un tour de magie dont on prend plaisirĂ piger le truc. Cette visĂ©e de dĂ©codage nâexclut pas la foi en cette magie, qui reposedâabord sur lâidentification Ă un personnage, souvent une hĂ©roĂŻne (Les Filles de Caleb, LaCordonniĂšre, Madame Bovary, Anna KarĂ©nine), puis sur lâadhĂ©sion Ă un contexte quiĂ©voque des traits sensibles de notre passĂ© ou de notre prĂ©sent : rapports entre leshommes et les femmes,difficultĂ© Ă concilier les rĂŽles sociaux,affrontement avec le clergĂ©,certains milieux Ă©conomiques ou politiques, etc.
« Les best-sellers, Ă©crivait Denis Saint-Jacques dans Ces livres que vous avez aimĂ©s : Lesbest-sellers au QuĂ©bec de 1970 Ă aujourdâhui (Nota bene,15 $),participent Ă la constitutionde la culture commune ; ils offrent une scĂšne oĂč lâon peut jouer ou ĂȘtre jouĂ© ». Mais, endehors du marchĂ© français,qui demeure difficile dâaccĂšs,on voit mal les possibilitĂ©s pourun best-seller quĂ©bĂ©cois dâatteindre les chiffres de vente des plus grosses pointures.LâHistoire de Pi, de Yann Martel, est une exception notable, mais il fut dâabord publiĂ© enanglais, et par un Ă©diteur Ă©tranger. LâItalien Umberto Eco, quant Ă lui, reste lâun des raresnoms extĂ©rieurs au monde anglo-saxon Ă jouer sur la scĂšne de ce quâon appelle dĂ©sormais la World Fiction. Lueur dâespoir pour la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise, lâexistence dâunroman populaire national, avec les Beauchemin, Tremblay, Cousture, Brouillet, et, plusrĂ©cemment, les Lacombe et Gill.Ă lâexemple de lâintĂ©rĂȘt notable des QuĂ©bĂ©cois pour leurpropre contenu tĂ©lĂ©visuel,notre production de best-sellers trouve son public.Et les listesdes meilleurs vendeurs nous offrent parfois quelques surprises,comme GaĂ©tan Soucy etGuillaume Vigneault.
Du feuilleton au best-seller
Classiques quĂ©bĂ©cois dâhier Ă aujourdâhui
le libraire âą JUILLET-AOĂT 21
Jean Baril, directeur des communications et du marketing pour Libre expression,TrĂ©carrĂ©, StankĂ©, Logiques et Publistar â toutes propriĂ©tĂ© de Quebecor MĂ©dia â, ledit sans ambages : « Le livre est un produit. » Et Ă ce titre, ilfaut prendre les moyens pour le vendre. Opinion que partageMichel BrĂ»lĂ©, controversĂ© patron des Intouchables, dont lâap-proche sâapparente Ă celle des gros Ă©diteurs Ă©tasuniens oufrançais. « Ăa ne mâintĂ©resse pas de faire des livres qui ne sevendent pas », dit-il. Et dâajouter : « Le livre, câest une chosesacrĂ©e⊠quâil faut vendre ! Ce nâest pas lâargent qui mâintĂ©resse, mais le succĂšs. Je veux battre les AmĂ©ricains et lesEuropĂ©ens, je veux rivaliser avec eux, je veux bĂątir des carriĂšresinternationales pour les Ă©crivains quĂ©bĂ©cois. »
Le phĂ©nomĂšne des best-sellers internationaux nâa pas attendula mondialisation des marchĂ©s. Dans les annĂ©es 1970 triom-phent Erich Segal (Love Story), Colleen McCullough (Les Oiseauxse cachent pour mourir), Barbara Taylor Bradford (LâEspace dâunevie), Irwin Shaw (Les Jordache)⊠Le roman quĂ©bĂ©cois de type best-seller â pensĂ© enfonction dâun grand public â nâapparaĂźt que la dĂ©cennie suivante, avec Le Matou,dâYves Beauchemin, et Les Filles de Caleb, dâArlette Cousture. Ces succĂšs inciterontĂ©crivains et Ă©diteurs dâici Ă investir dĂ©libĂ©rĂ©ment le crĂ©neau de la littĂ©rature de grandeconsommation. Au point oĂč « le QuĂ©bec a su dĂ©velopper une gĂ©nĂ©ration deromanciers grand public qui occupent une place de plus en plusimportante sur le marchĂ© quĂ©bĂ©cois », affirme Pierre Graveline,directeur du Groupe Ville-Marie LittĂ©rature, qui chapeaute notam-ment lâHexagone et VLB Ă©diteur.
Pierre Graveline est bien placĂ© pour en juger. LâHexagone a unevocation « littĂ©raire » et VLB, qui publie une flopĂ©e de romanshistoriques, une vocation « populaire ». Certains des Ă©crivainsde la maison, comme Pauline Gill (La CordonniĂšre) et DianeLacombe (la trilogie de Mallaig), vivent maintenant de leur
plume. Un club sélect, auquel appartien-nent encore, par exemple, MichelTremblay, Marie Laberge et YannMartel.
Avec Life of Pi, laurĂ©at du Man Booker2002, Martel a signĂ© un livre « mil-lionnaire ». Prix prestigieux âbeaucoup plus que le Goncourt â,le Booker constitue un sĂ©same royalpour la conquĂȘte de tout le marchĂ©anglophone et, rĂšgle gĂ©nĂ©rale, esttraduit en plusieurs langues. Au
QuĂ©bec, durant lâannĂ©e 2003-2004, LâHistoire de Pi a longue-ment rĂ©gnĂ© en premiĂšre place du palmarĂšs de Renaud-Bray,et somme toute rĂ©ussi une « performance » comparable Ă celle de Da Vinci code, de Dan Brown.
Ici, le palmarĂšs de Renaud-Bray, publiĂ©hebdomadairement dans divers jour-naux, tient lieu dâindicateur quasiment « officiel » des best-sellers, dans lamesure oĂč cette liste est Ă toutes finsutiles la seule : « Les listes de best-sellers reflĂštent des tendances, maisleur fiabilitĂ© sâarrĂȘte lĂ , car elles se limi-tent aux seules ventes en librairie. Or,certains auteurs vendent beaucoupplus dans les grandes surfaces, les phar-
macies, etc. On restera donc circonspect dans lâinterprĂ©tation de ces listes », ditChantal Savoie, professeure de littĂ©rature Ă lâUniversitĂ© Laval. La fameuse liste deRenaud-Bray ne dit pas tout, les Ă©diteurs quĂ©bĂ©cois rĂ©vĂšlent les chiffres quilesarrangent et, ici, la dĂ©finition du best-seller est relativement Ă©lastique : Ă©tant donnĂ© la taille de notre marchĂ©, un livre devient un best-seller Ă compter de 5 000 exemplaires vendus, ou peut-ĂȘtre mĂȘme 4 000.
La diversité relative
Le best-seller se dĂ©cline en plusieurstypes.« Il nây a pas un modĂšle unique »,remarque dâailleurs Mme Savoie.« Mais nombre de best-sellers finissentpar se ressembler, mĂȘme si leursauteurs disent ne pas appliquer derecettes », poursuit-elle.
La littĂ©rature populaire quĂ©bĂ©coise(et Ă©trangĂšre) comporte certes despointures et des styles variables,avec par exemple les MarieLaberge, Micheline Lachance,Chrystine Brouillet, Diane Lacombe,Pauline Gill, Marc Fisher, DenisMonette (vedette des ĂditionsLogiques) ou encore MartheGagnon-Thibaudeau, aujourdâhuidĂ©cĂ©dĂ©e, qui, avec 12 titres vendusau total Ă prĂšs de 450 000 exem-plaires au QuĂ©bec et en France,alimente le fonds de commerce de
la maison JCL, de Chicoutimi. Mais ces auteurs utilisentquelques motifs rĂ©currents : lâhistoire, la saga, la romance,le suspense, qui sont, les chiffres le dĂ©montrent, les genresclĂ©s de voĂ»te de la littĂ©rature populaire, parce quâidĂ©ale-ment porteurs dâĂ©vasion et de divertissement (Da Vincicode, mĂȘlant polar historique et Ă©nigmes Ă caractĂšre religieux, partait avec des con-ditions gagnantes). DâoĂč une impression Ă la fois de dĂ©jĂ -lu et de nouveautĂ©.
De mĂȘme, les procĂ©dĂ©s narratifs sont similaires, la rĂšglenumĂ©ro 1 du best-seller, selon Mme Savoie, rĂ©sidant dansune trame qui permettra aux lecteurs de sâidentifier aux per-sonnages. DâoĂč, puisque 80 % des lecteurs de fiction sontdes lectrices, une panoplie defemmes fortes dans la littĂ©rature,et en particulier dans le roman historique. A Ă©galement la cote lemodĂšle « David contre Goliath »,dĂ©clinĂ© en une multitude de vari-antes â John Grisham, Dan Brown,le QuĂ©bĂ©cois Jean-Jacques Pelletier,etc. â, et se rĂ©sumant en un hĂ©ros
solitaire dressĂ© contre une organisation ou un systĂšme, quiconteste lâautoritĂ©, qui traverse une sĂ©rie dâĂ©preuves initia-tiques avant de triompher.
Toutefois, la littérature de type best-seller ne conduit pasforcément à un best-seller effectif, tandis que des livres
Par Francine Bordeleau
Faire de lâargent avec le livreLes mĂ©gasuccĂšs mondiaux façon Da Vinci code font rĂȘver Ă©crivains et Ă©diteurs dâici. Ces derniers, inspirĂ©spar leurs confrĂšres Ă©trangers, affichent sans rougir leurs ambitions mercantiles. Depuis quelque temps,la course Ă la rentabilitĂ© influence nettement le paysage Ă©ditorial. Sommes-nous en marche vers uneproduction dĂ©terminĂ©e par son seul potentiel de bĂ©nĂ©fices ?
LâĂ©dition quĂ©bĂ©coise Ă lâheure du best-seller
(suite en page 30)
Si la tendance se maintientâŠ
Car pour lâauteur dâune incontournable Histoire de la lecture (Babel, Prix MĂ©dicis delâessai) et, plus rĂ©cemment, du Journal dâun lecteur et dâUn amant trĂšs vĂ©tilleux (ActesSud/LemĂ©ac), il faut de toute urgence rĂ©flĂ©chir Ă la rĂ©elle valeur du travail desĂ©crivains et Ă lâappui qui doit leur ĂȘtre accordĂ© : « Les dix derniĂšres annĂ©es, il estarrivĂ© Ă lâĂ©dition et au marchĂ© du livre la chose la plus dĂ©sastreuse qui ait pu luiarriver : elle a Ă©tĂ© dĂ©couverte par les marchands, explique Manguel. Les compa-gnies internationales se sont rendu compte que le livre sâachetait et se vendait et,ainsi, que ça devait ĂȘtre un objet commercial comme un autre. Or, le livre nâest pasun objet comme un autre. [âŠ] Le livre est avant tout un rĂ©ceptacle de mĂ©moire, unlieu de rĂ©flexion. En tant que tel, il ne produit pas de rendement Ă©conomique. Il sepeut que cela dĂ©clenche un rendement, mais câest justement alĂ©atoire. Or, ceux quise sont penchĂ©s sur le livre en tant quâobjet commercial se sont dit que dans lâĂ©dition, comme dans la vente en librairie, on pourrait appliquer le mĂȘme systĂšmeque celui qui prĂ©vaut pour la vente de saucisses. Ainsi, vous proposer un produit quia une prĂ©sentation dĂ©terminĂ©e, une saveur au goĂ»t, comme la charcuterie dans lessupermarchĂ©s. »
Ăditeur cherche best-seller
Alberto Manguel, qui possĂšde la nationalitĂ© canadienne depuis 1985 et vit actuelle-ment en France, avoue dâemblĂ©e son inquiĂ©tude et, en ne mĂąchant pas ses mots, selance sans hĂ©sitation dans ce quâil conviendrait de nommer une « dĂ©fense et illustration du livre libre » : « La vision du monde de lâĂ©dition quâont les marchandsa plusieurs effets nĂ©fastes. Autrefois, lâĂ©diteur se lançait dans lâaventure par amourdes livres et pour avoir un rĂŽle dans la crĂ©ation dâune Ćuvre dâart ; il sâengageait Ă soutenir les Ă©crivains et Ă publier leurs livres. Notez bien lâordre des prioritĂ©s ! Caraujourdâhui, lâĂ©crivain, pour les marchands, nâest que celui qui fabrique le livre,comme le cochon fournit la saucisse. Cela Ă©quivaut Ă saigner entiĂšrement tout cequi constitue le geste littĂ©raire nĂ©cessitant, pour crĂ©er un chef-dâĆuvre, un longcheminement intellectuel, lâacceptation de lâĂ©chec et lâexploration littĂ©raire dans unclimat ouvert au dialogue et Ă la rĂ©flexion. Le climat de la nouvelle industrie a dĂ©truit tout ça en entourant cette activitĂ© de rĂšgles qui appartiennent au commerceet non Ă la littĂ©rature. On ne peut pas crĂ©er de best-sellers. Or, ces marchands,comme Random House rĂ©cemment, donnent des instructions aux Ă©diteurs pourfaire des best-sellers. Câest comme dire quâil faut crĂ©er plus de gĂ©nies ! De plus, il ya souvent concurrence entre les maisons littĂ©raires au sein dâun mĂȘme groupe, sibien quâon Ă©vite les risques et quâon diminue le soutien aux projets dâĂ©crivains endevenir. Il est facile de soutenir, par exemple, Joyce aprĂšs Ulysse, ou Flaubert aprĂšsMadame Bovary. Il Ă©tait plus difficile de soutenir le mĂȘme Flaubert lorsquâil a Ă©crit
Sâil existait une religion de la littĂ©rature et un paradis des saintes plumes, sis quelquepart au-dessus de nos tĂȘtes de lecteurs-disciples, Alberto Manguel mĂ©riterait dâĂȘtrecanonisĂ© de son vivant. Du moins, son nom figurerait sans doute en tĂȘte de liste des Ă©luspotentiels au titre de patron des causes perdues, tant lâessayiste, romancier et surtoutlâamoureux Ă©perdu du livre et de la lecture, prĂȘche avec une ferveur contagieuse sonamour du livre bien fait.
Novembre, nâest-ce pas ? Donc, si vous ĂȘtes responsable dâune maison et quevous ne faites pas de best-sellers, vous serez virĂ©. On assiste prĂ©sentement Ă uneautocensure qui ronge de façon infectieuse le monde de lâĂ©dition. Je connais desĂ©diteurs qui, maintenant, te disent, les larmes aux yeux, quâils ne peuvent pas publier un livre de poĂ©sie, dâhistoire, ou qui a moins de cent pages. »
Du fric et des saucisses
RencontrĂ© lors de son passage au Festival Metropolis Bleu, qui se tenait Ă MontrĂ©al du 30 mars au 3 avril dernier, Alberto Manguel a Ă©tĂ© fidĂšle Ă sa rĂ©puta-tion : lâhomme de lettres, dont la bibliothĂšque personnelle (un ancien pres-bytĂšre, ce qui a de quoi rĂ©affirmer le caractĂšre sacrĂ© de sa passion) compte pasmoins de 30 000 ouvrages, a librement et tout haut rĂ©flĂ©chi aux dangers quimenacent lâĂ©dition française. Par ricochet, mais Ă moindre Ă©chelle, il nâest pasexagĂ©rĂ© dây voir des ressemblances avec lâĂ©dition au QuĂ©bec : « Comme dans lesbanques, oĂč lâon assiste Ă un incessant mouvement des gĂ©rants pour ne pas avoirde rapport personnel avec le client, les grandes maisons dâĂ©dition dĂ©placent Ă leur guise les directeurs Ă©ditoriaux. Câest ne pas comprendre que la vraie relationentre ces derniers et les Ă©crivains est une relation aussi intime que celle dâun couple. On crĂ©e cette relation Ă partir de confidences et mĂȘme dâamour. Il y uncertain Ă©rotisme dans cet Ă©change, parce que la crĂ©ation dâun Ćuvre littĂ©rairenĂ©cessite une confiance totale. Il ne faut pas se demander si le directeur littĂ©rairene voudra pas de nous si notre Ćuvre nâest pas commerciale, si elle est difficile ousi elle est un Ă©chec. Et sans oublier que, de plus en plus, les chaĂźnes de librairiesont le pouvoir de dicter ce que les Ă©diteurs doivent publier. »
Est-ce Ă dire que lâĂ©dition nâest maintenant plus quâune affaire dâargent ? « Danscet endroit malsain quâest lâespace commercial, renchĂ©rit le penseur dâorigineargentine, les agents ont acquis un rĂŽle qui nâest pas le leur. Alors quâils devaientfaciliter le rapport bureaucratique entre lâĂ©crivain et lâĂ©diteur et offrir un supportĂ celui-ci de façon intime, voilĂ quâils sont devenus les maĂźtres dâĆuvre qui exigent quâun roman ait des caractĂ©ristiques prĂ©cises avant mĂȘme quâil ne soitproposĂ© Ă lâĂ©diteur. De plus, celui qui distribue ces objets quâon appelle âlivresâ etqui ne les ouvre gĂ©nĂ©ralement pas peut dire Ă lâĂ©diteur quâil ne veut plus desaucisses de ce genre, sous prĂ©texte quâil sait ce qui va se vendre. Les agents connaissent bien la vente, mais ne connaissent rien Ă la littĂ©rature, et les voilĂ quivendent des Da Vinci code comme on vend des jeux vidĂ©o. Et pourtant, il y a deslecteurs qui aiment la vraie littĂ©rature, mais ils ne reprĂ©sentent pas la majoritĂ©. Ilssont toutefois dans cette incertitude propre Ă la littĂ©rature, par nature ambiguĂ«,non dĂ©finitive », conclut-il.
Par Antoine Tanguay
Alberto Manguel
Photo : © Simo NERI
le libraire âą JUILLET-AOĂT 22
Des livres et des saucisses
23 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
LâĂ©dition quĂ©bĂ©coiseĂ lâheure du best-seller
Faire de lâargent littĂ©raires peuvent faire de gros succĂšs. Ainsi en est-il de La Petite fille qui aimaittrop les allumettes, de GaĂ©tan Soucy, ou encore dâUn dimanche Ă la piscine Ă Kigali,de Gil Courtemanche. « Ces deux livres, traduits en une vingtaine de langues, ontdonc aussi fait de belles percĂ©es Ă lâinternational », dit Pascal Assathiany, patrondes Ă©ditions BorĂ©al. De « belles percĂ©es » en rien comparables, Ă©videmment, ausuccĂšs mondial de Da Vinci code et maintenant dâAnges et dĂ©mons, tous deuxpubliĂ©s chez Grasset. Avec ce livre, Ă©crit avant Da Vinci code et tirant sur lesmĂȘmes ficelles, Dan Brown nâavait quâĂ surfer sur la vague de son succĂšs. Par sur-croĂźt, cette histoire de complot au Vatican a bĂ©nĂ©ficiĂ©, avec lâagonie et la morthypermĂ©diatisĂ©es de Jean-Paul II, dâune publicitĂ© gratuite extraordinaire. De cir-constances favorables, comme on dit.
Reste Ă savoir comment un livre devient un succĂšs international. « Onchercherait vainement la recette », dit Pascal Assathiany. Il relĂšve toutefois desĂ©lĂ©ments « facilitants » qui ne tiennent pas toujours, loin sâen faut, Ă la qualitĂ© lit-tĂ©raire. « Aujourdâhui, les best-sellers internationaux sont souvent des livresĂ©crits en anglais, qui viennent surtout de pays Ă forte densitĂ©, et qui sont entre lesmains dâun Ă©diteur ayant des contacts internationaux », constate-t-il. Mais lebest-seller international connaĂźt aussi des configurations plus improbables, avecnotamment Fred Vargas (dont les premiers polars, dans les annĂ©es 90, avaientpourtant de petits tirages), Marc Levy, un illustre inconnu qui publiait Et si câĂ©taitvrai, ou encore Paulo Coehlo, auteur de Sur le bord de la riviĂšre Piedra, je me suisassise et jâai pleurĂ© (calque de By Grand Station Central, I Sat Down and Wept,dâ Elizabeth Smart).
Le livre-événement
Cela Ă©tant, et bien que quelquâun comme Pierre Gravelinefasse valoir que « publier un texte, câest toujours ungrand coup de dĂ©s », certains succĂšs sont assez prĂ©vi-sibles. Ainsi, les gestionnaires de la maison LibreExpression ne craignaient sĂ»rement pas la faillitelorsquâils ont publiĂ©, lâautomne dernier, Ma vie en trois
actes, de Janette Bertrand. En datedu mois de mai, assure Jean Baril,lâautobiographie de la femme laplus cĂ©lĂšbre du QuĂ©bec sâĂ©tait vendue Ă plus de 200 000exemplaires, et nâavait pas fini sa lancĂ©e.
La philosophie de M. Baril est simple : « Mes livres, jeveux les faire connaĂźtre et les vendre. Et pour faire de lâargent, il faut en dĂ©penser. » Donc investir dans la promotion. Ă cet Ă©gard, MichelBrĂ»lĂ© va plutĂŽt loin : vente Ă 0,99 $des 12 000 premiers exem-plaires de la sĂ©rie jeunesse« Amos Daragon », de BryanPerro (prĂšs dâune dizaine de titres
publiĂ©s Ă ce jour), publicitĂ© au sortir du pont Jacques-Cartier et dans les abribus, sollicitation de manuscritsauprĂšs de personnalitĂ©s vedettes, comme Anne-Marie etJeannie Hilton. « Quand jâai publiĂ© Le CĆur au beurre noir,on mâa traitĂ© de vautour. Mais je considĂšre avoir fait ungeste philanthropique, dans la mesure oĂč ce livre pourrainciter dâautres victimes dâinceste Ă parler », dit lâĂ©diteur.
La maison Libre Expression a quant Ă elle « achetĂ© » lâhistoire de NathalieSimard â qui sera Ă©crite par Michel Vastel â dĂšs avant la diffusion du
tĂ©moignage de lâancienne enfant vedette par le rĂ©seauTVA. Le livre aura-t-il un succĂšs comparable Ă Ma vie entrois actes ?
Le tĂ©moignage et lâautobiographie occupent en toutcas, avec le guide pratique et la psychologie populaire,un vaste pan de la planĂšte best-sellers. Et depuislongtemps. JosĂ©e di Stasio a remplacĂ© GermaineGloutnez et sĆur Berthe, la sexologue Jocelyne Roberta pris la succession du Dr Lionel Gendron, cĂ©lĂšbre dansles annĂ©es 70⊠Et de son fief de Chicoutimi, Jean-Claude Larouche a fait un tabac, en 1985, avec Des fleurssur la neige, le tĂ©moignage dâune jeune femme sortiede nulle part, Ălisa T..
Un livre pour la gloire dâun Ă©diteur
En 1985, JCL, Ă©diteur rĂ©gional, est peu ou prou considĂ©rĂ© comme roupie de sanson-net par le milieu montrĂ©alais, lĂ oĂč tout se passe. ParaĂźt donc Des fleurs sur la neige,tĂ©moignage dâune victime de violence paternelle, puis conjugale. « CâĂ©tait gagnantparce que lâexpĂ©rience dâĂlisa T. avait Ă©tĂ© vĂ©cue en masse au QuĂ©bec », dit Jean-Claude Larouche. Selon lui, « ce sont le bouche Ă oreille et les mĂ©dias qui ontfait le succĂšs du livre ». SuccĂšs ? Fin 2004, prĂšs de 173 000 exemplaires vendus,montrent les chiffres fournis par lâĂ©diteur, sans compter une tĂ©lĂ©sĂ©rie, avec CĂ©lineDion dans le rĂŽle principal. « Pour Ălisa T., cela reprĂ©sente sĂ»rement un quart de mil-lion en redevances », dit M. Larouche.
Tout phĂ©nomĂšne social est susceptible de fournir matiĂšre Ă un livre. Et toute vedetteest susceptible dâĂȘtre transformĂ©e en auteur. Une « tendance lourde », estime PierreGraveline, due autant aux Ă©diteurs quâaux mĂ©dias. « Les Ă©diteurs fabriquent desauteurs avec des stars. Le phĂ©nomĂšne a toujours existĂ©, mais il sâintensifie aujour-dâhui parce que les mĂ©dias veulent du divertissement. Ils sâarrachent les stars quiĂ©crivent des livres, mais pas trop les Ă©crivains. Faut-il dâabord ĂȘtre connu pour publier ? La question se pose. »
Marketing 101
En 2002 â derniĂšres donnĂ©es disponiblesâ, le QuĂ©bec publiait 4 300 nou-veautĂ©s, dont environ 40 % de romans, par rapport Ă un peu moins de 3 800 en1999. En fait, comme en Europe et aux Ătats-Unis, le nombre de nouveautĂ©s
augmente dâannĂ©e en annĂ©e. « Il y a trop dâoffre pour lademande. Cette orgie de titres quâon publie, ça ne pourra pasdurer », dit Jean Baril. Mais aucun Ă©diteur ne semble disposĂ©Ă mettre chez lui le couperet. Ă dĂ©faut de le faire, les Ă©diteursdoivent donc sâatteler Ă la mise en marchĂ© de cette plĂ©thorede titres, afin dâen acheminer le plus possible vers les lecteurs.
« DiffĂ©rentes approches sont utilisĂ©es, en fonction des titres.Certains bĂ©nĂ©ficieront dâun plan de communication », dit M. Baril. Le matraquage publicitaire conduit-il au best-seller ?Paradoxalement, câest pour le best-seller potentiel que lâĂ©di-teur dĂ©ploie les grands moyens. « Chaque livre nâa pas droitau mĂȘme traitement : tout dĂ©pend de son genre et desbudgets. Les stratĂ©gies de promotion sont dĂ©terminĂ©es en
fonction des tirages », précise Simone Sauren, responsable des relations de presseau Groupe Ville-Marie Littérature.
« Pour le roman historique, on met beaucoup de moyens enbranle », ajoute-t-elle. Ce fut le cas pour Diane Lacombe,mĂȘme si en 2002, lorsque paraissait La ChĂątelaine de Mallaig,elle nâĂ©tait quâune inconnue, auteure dâun premier roman.« Les directeurs commerciaux nous avaient dĂ©conseillĂ© depublier ce roman, qui dĂ©tonnait complĂštement par rapport Ă la production quĂ©bĂ©coise, tient Ă souligner son Ă©diteur PierreGraveline. Ici, le roman populaire qui marchait sâinscrivaitdans le terroir quĂ©bĂ©cois. Alors lâĂcosse ? » Diana Gabaldon(traduite par Libre Expression), dont le succĂšs ici est dĂ»essentiellement au bouche Ă oreille, avait tout de mĂȘmemontrĂ©, quelques annĂ©es auparavant, que lâĂcosse pouvaitĂȘtre ââvendeuseââ. Difficile de croire que la maison VLB nâa paspensĂ© Ă Gabaldon. CoĂŻncidence ? Sonia Marmen amorçait en 2003, chez JCL, unesaga Ă©cossaise en trois tomes intitulĂ©e « CĆur de GaĂ«l » : 220 000 exemplairesvendus Ă ce jour, affirme son Ă©diteur, principalement dans les rĂ©seaux QuĂ©bec Loisirset France Loisirs.
Les chiffres sont assez similaires pour les deux premiers tomes de la saga mĂ©diĂ©valede Diane Lacombe (le troisiĂšme, LâHermine de Mallaig, est paru au printemps). Cegenre de livres, les reprĂ©sentants cherchent Ă les placer dans les vitrines des librairies,font des piles, installent des panneaux⊠La pub commence en somme dĂšs lalibrairie, la stratĂ©gie consistant Ă attirer lâattention du lecteur et Ă lui montrer que lelivre sâarrache⊠mĂȘme si ce nâest pas encore tout Ă fait vrai. Diane Lacombe a enoutre eu droit Ă tous les Ă©gards. Pour souligner la fin de la trilogie Mallaig,VLB a rĂ©uniles trois volumes en coffret et lancĂ© un concours : « LâĂ©tĂ© Mallaig ». En juin 2006,deux personnes auront ainsi la chance de sâenvoler pour lâĂcosse en compagnie dela romanciĂšre. Valeur du prix : 6 000 $.
Reconnue comme peu efficace, la publicitĂ© dans les mĂ©dias Ă©crits constitue un Ă©lĂ©ment secondaire de la stratĂ©gie de promotion. « On annonce le livre ; câest pourfaire plaisir Ă lâauteur », dit Simone Sauren. En revanche, une entrevue avec lâauteur,publiĂ©e en une du cahier culturel du Journal de MontrĂ©al ou de La Presse, a gĂ©nĂ©rale-ment des effets immĂ©diats sur les ventes. Mais le pouvoir de la tĂ©lĂ© reste Ă peu prĂšsinsurpassable. « On scrute les Ă©missions Ă la loupe, prĂ©cise dâailleurs Mme Sauren.IndĂ©niablement, la tĂ©lĂ© fait vendre. Câest numĂ©ro 1 pour les politiciens, les journa-listes ou les auteurs dâun livre polĂ©mique. »
Le bon produit au bon moment
En somme, plus un livre est vendeur, plus on lui consacrera dâefforts de promotion. Parailleurs, si les attachĂ©es de presse sollicitent la tĂ©lĂ©, lâinverse est aussi vrai. Un auteur qui sedouble dâune personnalitĂ© mĂ©diatique,façon Janette Bertrand ou Marie Laberge,contribueĂ alimenter les cotes dâĂ©coute ; et le passage Ă la tĂ©lĂ© alimente Ă son tour les ventes.
Certains auteurs, en outre, sont plus « sortables » que dâautres : en 2000, lorsquâil publiait Carnets de naufrage, son premier roman publiĂ© au BorĂ©al, le jeune GuillaumeVigneault (fils de Gilles) Ă©tait la coqueluche des mĂ©dias. RafaĂ«lle Germain, elle aussi « fille de » (Francine Chaloult, relationniste pour certains titres de Libre Expression, etGeorges-HĂ©bert Germain, journaliste et auteur de CĂ©line Dion,ma vie, mon rĂȘve), a Ă©galement Ă©tĂ© beaucoup vue depuis lâautomne dernier, alors quâĂ©tait publiĂ© Soutien-gorge rose etveston noir (Libre Expression).
« Avec RafaĂ«lle Germain,on savait quâon rejoindrait la jeunegĂ©nĂ©ration de lecteurs », dit Jean Baril. Celui-ci est avanttout persuadĂ© que « chaque auteur a son lecteur ». Le travail de lâĂ©diteur, câest de faire le plein de ce lectorat en utilisant les stratĂ©gies adĂ©quates, quâil sâagisse des mĂ©diasou des points de vente. Ă partir de lĂ , peut-on crĂ©er un best-seller ? « Ăa prend des moyens, le sens de lâaventure, legoĂ»t du risque », rĂ©pond M. Baril.
« On essaie de fabriquer des succĂšs, mais on ne peut pasimposer un livre que le public nâaime pas, quâil nâest pas prĂȘtĂ recevoir », dit pour sa part Pascal Assathiany. « Le best-seller repose sur une convergence dâĂ©lĂ©ments »,ajoute-t-il.Le thĂšme,lâauteur lui-mĂȘme,la promotion, tout cela ensemble contribue Ă crĂ©er un succĂšs, mais il y faut aussi unecoĂŻncidence avec lâimaginaire collectif.
« Ă un certain moment se produisent un engouement, un coup de cĆur quidemeurent un peu inexplicables », dit Chantal Savoie. Par ailleurs, dans la fabricationdâun succĂšs,la force du bouche Ă oreille est grande.Une Marthe Gagnon-Thibaudeau nâajamais vendu autrement ses livres, et câest le cas de plusieurs auteurs de littĂ©rature populaire qui nâont ni critiques ni entrevues dans les journaux.
« En tant quâĂ©diteur, on essaie de crĂ©er des tendances », dit Jean Baril. Mais celui-ci necroit pas que le dĂ©sir de rentabilitĂ© conduise Ă une uniformisation de la littĂ©rature.« Tous les genres de livres vont demeurer »,affirme-t-il.« Les Ă©diteurs littĂ©raires ne sontsans doute pas menacĂ©s en soi, mais connaissent actuellement dâimmenses problĂšmesde diffusion : peu de romans littĂ©raires se retrouvent en vitrine, ils sont peu enseignĂ©set Ă terme, on peut se demander quelle place il restera pour les â vrais â Ă©crivains »,sâinquiĂšte quant Ă lui Pierre Graveline.
Ce qui protĂšge encore la littĂ©rature, câest tout de mĂȘme notre structure de diffusion, croitJean-Louis Fortin,directeur gĂ©nĂ©ral de lâAssociation nationale des Ă©diteurs de livres (ANEL).
« Le QuĂ©bec a conservĂ© un Ă©quilibre entre les chaĂźnes de librairieset les librairies indĂ©pendantes, et tant que ces derniĂšres serontprotĂ©gĂ©es,la diversitĂ© du livre sera assurĂ©e.Lâactuelle loi du milieudu livre est une autre garantie de diversitĂ© »,estime M. Fortin.
« Le best-seller amĂšne de lâachalandage dans tous les types delibrairies et au bout du compte profite Ă tout le monde, il sert lacause de tout le milieu. Il ne faut pas oublier, non plus, que le public attend le type de livres que font les Janette Bertrand,Nathalie Simard et Marie Laberge », ajoute Jean Baril. Eh oui ! Lepublic est avide de stars,de faits vĂ©cus,de sensationnalisme et degrandes histoires. La consolation, câest sans doute que depuis lesannĂ©es 80, le best-seller dâici a toujours fait une vive concurrenceau best-seller Ă©tranger.
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avec le livre (suite de la page 27)
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Je suis tentĂ©,par lĂąchetĂ© peut-ĂȘtre,de remonter en amontde la comparaison. Pourquoi, en effet, faudrait-il choisir ?Pourquoi pas un lieu oĂč le livre servira Ă la recherche, Ă laconsultation, au travail des spĂ©cialistes de tous poils, auressourcement des professionnels de la littĂ©rature, de lalibrairie,des bibliothĂšques municipales et scolaires ? Maispourquoi pas,en mĂȘme temps,une dĂ©localisation du livretelle que lâautonomie culturelle des rĂ©gions puisse conti-nuer Ă se passer de la mĂ©tropole ?
Lâargent,bien sĂ»r,Ă©lĂšve la voix.« Il faut choisir ! »,dit-il, luipour qui tout vaut pareil. « Optez ou pour le lieu ou pourla dĂ©localisation. Optez pour la recherche savante ou lafrĂ©quentation amicale du livre.Ne pas choisir,ce serait malgĂ©rer. » On voit le genre : dĂ©primant et trompeur. La ten-tation surgit de rĂ©pliquer vertement : pourquoi faudrait-ilchoisir entre deux investissements intelligents,alors que lasottise, commanditĂ©e ou non, obtient autant de finance-ments simultanĂ©s quâelle le veut ?
Reste Ă vĂ©rifier si nos gouvernants sont capables de ne paschoisir et de tenir autant Ă une tĂȘte de rĂ©seau quâĂ un vrairĂ©seau. Sont-ils capables de rĂ©pandre tous les livres, les
Deux Ă©vĂ©nements sont survenus rĂ©cemment qui, pour une rare fois, concernaient le livre.Dans le premier cas, le prĂ©sident vĂ©nĂ©zuĂ©lien Hugo Chavez annonçait la distribution Ă sapopulation dâun million de copies du Don Quichotte de CervantĂšs ; dans le second, leQuĂ©bec inaugurait sa Grande BibliothĂšque au cĆur de MontrĂ©al. MatiĂšre Ă dĂ©bat, on le voit.Qui a raison ? Celui qui rĂ©pand le chef-dâĆuvre ou celui qui invite Ă le consulter?
Une chronique de Laurent Laplante
Le Monde du livre
Don Quichotteou lâĂ©difice ?
savants et les humbles, les Ă©thĂ©rĂ©s et les populaires, lesuniques et les coups de cĆur battant Ă lâinfini ? HugoChavez,lui,va son chemin.Je le soupçonne mĂȘme de com-plots simultanĂ©s.Avec Don Quichotte, il rappelle Ă son peu-ple quâil ne faut pas cĂ©der,mĂȘme si les moulins Ă vent sem-blent colossaux. Mais Chavez, intelligemment tortueux,demande aussi au Portugais JosĂ© Saramago, prix Nobel delittĂ©rature 1998,de prĂ©facer Don Quichotte ! Deux cultures,deux langues, deux genres littĂ©raires, un mĂȘme accĂšs Ă lâoxygĂšne.VoilĂ lâillustre contemporain ouvrant la porte auclassique toujours Ă©voquĂ© et trop rarement lu.VoilĂ lâauteurde La Caverne et de LâAveuglement en compagnie du cheva-lier Ă la triste figure.Pas un tri, mais une accolade entre hieret aujourdâhui, entre lâespagnol et le portugais, entre lemythe porteur et la rĂ©sistance aux pressions pĂ©troliĂšres.
Cela se passe loin du QuĂ©bec et de sa Grande BibliothĂšque ?Pas du tout.Plusieurs analystes quĂ©bĂ©cois,et des meilleurs,connaissent et frĂ©quentent CervantĂšs. Sans aucun doute,leurs livres sont dĂ©jĂ disponibles Ă la Grande BibliothĂšqueet ne demandent quâun coup de pouce pour animer aussiles rĂ©gions. Des exemples ? Marc Chabot et son DonQuichotte ou lâenfance de lâart. Thierry Hentsch qui logedans Raconter et mourir un fascinant chapitre sur la « foliesinguliĂšre » de Don Quichotte.
Un peuple a besoin de mythes et de symboles, de lectureet de recherche, dâun lieu de recherche et dâinnombrablesfoyers de conscience. Ă quand la distribution massive deLâHomme rapaillĂ©,de Menaud,maĂźtre-draveur ou,parce quecela aussi nous appartient, de LâOdyssĂ©e ?
Don Quichotte (deux tomes), CervantĂšs, Gallimard, coll. Folio Classique, 635 p. et 624 p., 10,75 $ ch.La Caverne et LâAveuglement, JosĂ© Saramago, Points, 370p. et 366 p., 14, 95 $ et 13,95 $
Raconter et mourir, Thierry Hentsch, PUM, 432 p., 29,95 $LâHomme rapaillĂ©, Gaston Miron, Typo, 252 p., 12,95 $
Menaud, maĂźtre-draveur, FĂ©lix-Antoine Savard, BibliothĂšque quĂ©bĂ©coise, 162 p., 8,95 $LâOdyssĂ©e, HomĂšre, Flammarion, coll. GF-Flammarion, 380 p., 9,95 $
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Regardez-moi dans les yeuxâŠ
Danielle Ouimet a faitbien des choses dans savie dâartiste. Dans Si câĂ©-tait Ă refaireâŠ, elle nousinvite dans son intimitĂ©,relatant autant ses succĂšset dĂ©boires profession-nels que ses relationsamoureuses, ses amitiĂ©s,sa vie familiale et tutti-quanti. Sur un ton quiprĂȘte Ă la confidence,lâac-trice-animatrice raconteses dĂ©buts dans le show-biz. AprĂšs avoir tĂątĂ© dumĂ©tier de mannequin, Danielle Ouimet, encoremineure et Ă la suite dâun concours, devient hĂŽtesseau Canal Dix et rencontre Pierre Lalonde. En 1967, Ă lâaube de ses 21 ans,mĂšre dâun jeune garçon prĂ©nom-mĂ© Jean-François, elle songe Ă devenir actrice, et lehasard lâamĂšne Ă participer aux auditions pour le rĂŽle-titre dans ValĂ©rie, de Denis HĂ©roux. Ouimet gagnehaut la main, tourne le film « pour des peanuts », lescandale Ă©clate : tout le monde veut voir le corps nude lâingĂ©nue et ValĂ©rie est vendu Ă lâĂ©tranger, oĂč lesseins sur grand Ă©cran sont grandement apprĂ©ciĂ©s. LacĂ©lĂ©britĂ© est acquise,mais pas la notoriĂ©tĂ©.DĂ©vĂȘtue denouveau,elle tourne LâInitiation :nouveau succĂšs,maisla dĂ©sillusion fait son apparition. Lâactrice veut dĂ©sor-mais quâon la prenne au sĂ©rieux et devientchroniqueuse culturelle Ă TĂ©lĂ©-MĂ©tropole pour Toutela ville en parle, avant de jouer la comĂ©dienne dansDominique et dâanimer Bla Bla Bla. La vie artistique deDanielle Ouimet ressemble Ă©trangement Ă sa vieamoureuse : les contrats sont parfois reluisants et, detemps Ă autre, assez mĂ©diocres. Les hommes passentcomme des amants-amis (Michel Forget et PierrePĂ©ladeau), ou comme des dĂ©sespĂ©rĂ©s en quĂȘte deconquĂȘtes, quâelle prĂ©fĂšre parfois ne pas nommer.DivisĂ©e par thĂšmes (amours, tĂ©lĂ©, cinĂ©ma, famille),cette autobiographie vaut le coup dâĆil, notammentpour mieux comprendre le monde de la tĂ©lĂ© et ducinĂ©ma quĂ©bĂ©cois des annĂ©es 70, si bien dĂ©peint parJean-Claude Lord dans Parlez-nous dâamour, et dĂ©critici avec luciditĂ©.
Le bon samaritain de la basse-ville
Ă QuĂ©bec, Gilles KĂšgle est connu comme Barabbas.Homme pieux en plus dâĂȘtre infirmier de la rue, il seraitdu genre Ă se faire crucifier pour sauver son prochainet sa vie, telle que la relate Anne-Marie Mottet, nâestque don de soi afin dâaider les plus dĂ©munis :un objec-tif devenu, au fil des annĂ©es, sa raison de vivre. GillesKĂšgle est nĂ© Ă Trois-RiviĂšres au dĂ©but des annĂ©es 40.Enfant non dĂ©sirĂ©, il grandit avec un certain mal devivre avant de sâinstaller en septembre 1960,Ă lâĂąge de18 ans, dans un monastĂšre de QuĂ©bec. CloĂźtrĂ©, ilapprend Ă mieux se connaĂźtre. SitĂŽt la vie monastique
Le nombre de biographies semble croĂźtre dâannĂ©e en annĂ©e. Plus besoindâĂȘtre mort et cĂ©lĂšbre, ou dâavoir eu une vie remplie de faits hĂ©roĂŻques, non :il suffit avant tout dâĂȘtre connu et dâĂȘtre mĂ©diatisĂ©, et hop ! voilĂ notre viecouchĂ©e sur papier. Voici des « bios » Ă©ditĂ©es ici, sur des gens dâici, par desauteurs dâici, pour des lecteurs dâici. Oublions un instant Grace Kelly, JackieOnassis et Marilyn Monroe, et entrons dans les univers de RĂ©jane BougĂ©, LouisCyr, Gilles KĂšgle et Danielle Ouimet.
terminĂ©e, il retourne aux Ă©tudeset trouve un emploi dâinfirmierauxiliaire. Les ennuis ne sont pasterminĂ©s pour autant : KĂšgleaccepte difficilement lâautoritĂ©,semet Ă boire considĂ©rablementmais rĂ©ussit Ă sâen sortir lorsquâilrencontre plus dĂ©muni que lui.Son salut, il le trouve dans le sou-tien apportĂ© aux dĂ©shĂ©ritĂ©s.Ainsise rĂ©sume sa vie.Puisque lâamourquâil porte Ă ses deux chats lâem-pĂȘche in extremis de se suicider, ilentreprend une quĂȘte auprĂšsdes personnes pauvres, maladeset ĂągĂ©es de la basse-ville, pratiquant son mĂ©tier dans desconditions prĂ©caires. Heureusement, la fondation portantson nom et ses bĂ©nĂ©voles lui viennent en aide. Lâhistoire esttouchante, remplie de bontĂ© et de modestie, car KĂšgle estun exemple Ă suivre mĂȘme si, Ă©trangement, cette courtebiographie nous laisse croire que quelques zones dâombressubsistent dans sa vie.Mais ça,ça ne nous regarde pas : lâem-pathie de lâhomme transparaĂźt plus que jamais sous laplume dâAnne-Marie Mottet.
Cyr,surhomme sympathique
Lorsquâil est question dâaborder lavie incroyable de lâhomme fortLouis Cyr, Paul Ohl est une vĂ©rita-ble encyclopĂ©die. PassionnĂ© parce QuĂ©bĂ©cois plus grand quenature, lâauteur a couchĂ© sur papier toutes les informations rel-atives Ă la vie trĂ©pidante de celuiqui pouvait soulever plus de 4337livres avec son corps et 553 livresdâun seul doigt. Six cent trente-quatre pages plus tard, on restecoi devant lâhistoire de Cyr, quicommence par un portrait du QuĂ©bec pauvre et clĂ©rical duXIXe siĂšcle, pour mieux se terminer par la gloire internationaleacquise par lâhomme au dĂ©but du XXe siĂšcle. Ohl relate leschampionnats gagnĂ©s haut la main les uns aprĂšs les autres,auQuĂ©bec, aux Ătats-Unis et en Angleterre. De Lowell auMassachusetts en passant par MontrĂ©al et Saint-Jean-de-Matha,Paul Ohl nous livre,avec Ă lâappui de nombreux extraitsde journaux de lâĂ©poque, le parcours du surhomme qui, selon
le mythe, pesait plus de dix-huit livres Ă la naissance. Carmythe il y a. DĂ©cĂ©dĂ© Ă lâĂąge de 48 ans en 1912, il restecĂ©lĂšbre notamment pour son tir des chevaux ; sa vie, elle,telle que mise en scĂšne par Ohl, est loin dâĂȘtre tirĂ©e par lescheveux : elle demeure lâexemple dâune aventure surhu-maine,dâun tour de force passionnant
Histoires de vues
Dans Je ne me lĂšve jamais avant la fin du gĂ©nĂ©rique, auto-biographie prĂ©sentĂ©e sous forme de rĂ©cit, RĂ©jane BougĂ©,dĂ©jĂ auteure de quatre livres,nâa pas la prĂ©tention de brillergrĂące au glamour de son parcours1, mais plutĂŽt de nousinviter Ă partager son amour du cinĂ©ma. Elle retrace sonenfance,ses liens avec ses parents,ses premiĂšres amours etsa passion pour MontrĂ©al en nous entretenant des filmsqui lâont marquĂ©e,se remĂ©morant ses visites dans les sallesobscures Ă la recherche dâĂ©motions cinĂ©matographiques.Ainsi, elle nous parle dâHitchcock, de comĂ©dies musicales,de Jean-Pierre LĂ©aud et de Claude Chabrol,alternant DorisDay et Sandrine Kiberlain,sâabreuvant aussi bien au cinĂ©made Denis Villeneuve quâĂ celui de Buñuel.On fredonne avecelle la chanson-thĂšme de LâEffrontĂ©e et on frissonne en sacompagnie en pensant aux scĂšnes de possession deLâExorciste. La dame a du goĂ»tet semble curieuse de nature,puisquâelle souligne autantles qualitĂ©s dâun Cronenbergque les « fausses » scĂšnes2
entre De Niro et Pacino dansHeat. Bien que ce recueil soitplutĂŽt anecdotique, on ne lereferme pas avant la fin deson « gĂ©nĂ©rique », quiregroupe chronologique-ment tous les titres mention-nĂ©s par lâauteure !
1. Bougé fut pendant quinze ans animatrice culturelle à la radio deRadio-Canada.
2. Dans le film Heat de Michael Mann, on misait beaucoup sur cettepremiĂšre rencontre au grand Ă©cran entre Robert De Niro et Al Pacino.Les deux comĂ©diens Ă©taient Ă lâaffiche du film Le Parrain 2, mais dansdes scĂšnes diffĂ©rentes. Dans Heat, on les retrouve face Ă face Ă deuxreprises. Mais hĂ©las, ils ne sont jamais cĂŽte Ă cĂŽte, et grĂące au mon-tage,on peut facilement croire quâils ne se sont jamais rencontrĂ©s lorsdu tournage desdites scĂšnes, dâoĂč la dĂ©ception des fans des deuxcomĂ©diens italo-amĂ©ricains lors de la sortie du film.
Par Pierre Blais
Biographies
Aujourdâhui,on mange bio
Si câĂ©tait Ă refaireâŠ, Danielle Ouimet, Publistar, 527 p., 27,95 $Gilles KĂšgle, lâinfirmier de la rue, Anne-Marie Mottet, BorĂ©al, 163 p., 19,95 $
Louis Cyr, une épopée légendaire, Paul Ohl, Libre Expression, 634 p., 36,95 $Je ne me lÚve jamais avant la fin du générique, Réjane Bougé, Québec Amérique, coll.
LittĂ©rature dâAmĂ©rique, 238 p., 19,95 $
27 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire BOUQUINEPolars et thrillers
le libraire CRAQUEPolars et thrillers
Juste un regardHarlan Coben, Belfond, 394 p., 24,95 $
Une photo ancienne refait surface, et lâunivers de GracesâĂ©croule. Son mari disparaĂźt, les policiers sont sceptiques,elle doit donc le retrouver seule. DĂ©terminĂ©e Ă dĂ©couvrir lavĂ©ritĂ© sur le passĂ© de celui quâelle aime, Grace se retrouveau centre dâune vaste conspiration. TraquĂ©e, menacĂ©e,inquiĂšte pour la sĂ©curitĂ© de ses enfants, elle prend pleine-ment conscience que sa vie est une imposture. Coben estun excellent conteur. Toujours on se laisse prendre parlâingĂ©niositĂ© de ses intrigues, son sens du drame, sa facultĂ©de crĂ©er des rebondissements. Câest ce qui justifie son suc-cĂšs et efface aux yeux du lecteur les lĂ©gĂšres imperfectionsdu style. Un roman parfait pour les vacances ou les heures
creuses des nuits dâinsomnie. MĂLANIE QUIMPER
Le village des damnĂ©sDes frissons sur la plage, ça vous dit ? Les Enfants deDoodletown sâannonce comme une lecture estivale de pre-mier choix. AlertĂ© par des documents livrĂ©s dans uneenveloppe, Nicolas fait appel Ă son vieil ami John pourenquĂȘter dans un village Ă©tasunien trĂšs bizarre : les habitantsvivent sans contact avec lâextĂ©rieur, nâont pas de voitures et letaux de mortalitĂ© infantile est franchement inquiĂ©tant. Lesdeux dĂ©tectives rĂ©soudront-ils le mystĂšre ? Il sâagit dâundeuxiĂšme polar pour Annie Dufour, dont Cinq enlĂšvements,quatre cadavres, trois amours, deux bouledogues et uneâŠ(LemĂ©ac, 2002), avait connu un succĂšs dâestime.NouveautĂ©
LES ENFANTS DE DOODLETOWN, Annie Dufour, La courte Ă©chelle, 192 p., 23,95 $
Dette de sangWilliam Lashner, Ăditions du Rocher, 534 p., 29,95 $
Un corps est retrouvĂ©, le crĂąne dĂ©foncĂ©, dans le port de laville. Victor Carl, un avocat paumĂ©, est chargĂ© de lâenquĂȘtepar la mĂšre du dĂ©funt, un petit truand sans envergure etsans le sou. Notre avocat, endettĂ© de toute part, se lancedans une aventure pleine de coups dans la gueule et demafioso sans scrupules. Toutes les rĂ©ponses de cette sor-dide histoire dorment depuis vingt ans, et les rĂ©veiller nâestpas toujours de bon augure. Entre son pĂšre mourant Ă lâhĂŽpital et sa course contre la montre, Carl finit par voir lalumiĂšre au bout du tunnel. Mais lâargent ne lui fera paslĂącher prise si facilement. JACYNTHE DALLAIRE
Le monde selon Peace« LâĂ©ventreur du Yorkshire » a baptisĂ© dans le sang et la peur
la lente ascension de Margaret Thatcher. « There is no suchthing as society », disait la dame⊠Sâinspirant dâune sĂ©rie demeurtres qui frappa de stupeur lâAngleterre des annĂ©es 70,David Peace est parvenu Ă complĂ©ter une fresque solide, liantenquĂȘte policiĂšre et critique sociale. QuatriĂšme et derniervolet de cette suite vertigineuse inaugurĂ©e avec 1974, 1983prĂ©sente le point de vue de trois personnages : lâavocat JohnPiggott, le policier Maurice Jobson et le dĂ©lateur BJ. Chacundâentre eux jette sur cette histoire sa part de lumiĂšre. Chacun yapporte Ă©galement sa part dâombre.NouveautĂ©
1983, David Peace, Rivages, coll. Thriller, 489 p., 39,95 $
La face cachĂ©e de la luneDans ce premier volet dâune nouvelle sĂ©rie de lâauteure deChĂšre voisine, FrĂ©dĂ©ric Fontaine fait son apparition. Ne croyantpas Ă la culpabilitĂ© dâIrĂšne Pouliot, tombĂ©e sous le joug dâunmari machiavĂ©lique, le dĂ©tective fera tout pour redonner lalibertĂ© Ă cette femme issue dâun milieu modeste, douĂ©e pourla peinture, et qui trouve son seul rĂ©confort dans le souvenirde sa fille⊠Suspense psychologique brossant le portrait desmilieux carcĂ©raux fĂ©minins au QuĂ©bec dans les annĂ©es 70,Rouge secret, en sâattardant aux relations complexes unissantle bourreau et sa victime, devrait ĂȘtre lâun des grands succĂšsde lâĂ©tĂ© 2005.NouveautĂ©
ROUGE SECRET, Chrystine Brouillet, Boréal, 504 p., 25,95 $
Les nuits sont longues Ă ĂdimbourgDix-huit ans plus tard, nous en sommes Ă la quinziĂšmeenquĂȘte de John Rebus, la dixiĂšme Ă ĂȘtre traduite en français.La Colline des chagrins pĂ©nĂštre plus avant dans les tĂ©nĂšbresdu mĂ©lancolique inspecteur dâEdimbourg. Flip Balfour a dis-paru : on a retrouvĂ© un petit cercueil contenant une poupĂ©e.Pendant ce temps, Siobhan Clark, jeune collĂšgue de Rebus,sâintĂ©resse Ă Quizmaster, relation virtuelle de Flip.Tous les Ă©lĂ©-ments sont liĂ©s les uns aux autres. Comment ? Pourquoi ?
Nouveauté
LA COLLINE DES CHAGRINS, Ian Rankin, Ăditions du Masque, 521 p., 32,95 $
Un polar quĂ©bĂ©cois au cinĂ©ma (enfin presque)Au moment de mettre sous presse, la rumeur courait que La Commanderie,roman policier dâAndrĂ© Jacques (QuĂ©bec AmĂ©rique, 2004) aurait de bonneschances dâĂȘtre adaptĂ© au grand Ă©cran. En effet, la maison de productionCitĂ©-AmĂ©rique a manifestĂ© son intĂ©rĂȘt pour les aventures de lâantiquaireAlexandre Jobin, ex-officier des services de renseignements de lâarmĂ©ecanadienne. Dans cette intrigue se dĂ©roulant Ă MontrĂ©al, Ă Paris et enSavoie, Jobin doit dĂ©mĂȘler une sombre affaire dans laquelle sâentremĂȘlentlâart, les sectes, les idĂ©es de lâextrĂȘme droite, la mafia russe et le trafic dâim-ages pornographiques ⊠à suivre !
MĂ©lanie QuimperPANTOUTE
Jacynthe DallaireLes BOUQUINISTES
le libraire âą JUILLET-AOĂT 28
Foule sentimentale
La parution de la deuxiĂšme aventure deSherlock Holmes (Le Signe des quatre, 1890) inau-gure le phĂ©nomĂšne. Certains lecteurs, entraĂźnĂ©spar la narration du docteur Watson, iront jusquâĂ demander lâaide du dĂ©tective. Triomphe sâil enest, qui finit pourtant par ennuyer Arthur ConanDoyle. LâĂ©crivain et mĂ©decin y perd un tempsquâil souhaiterait consacrer Ă une Ćuvre Ă sesyeux plus sĂ©rieuse. Aussi, Holmes disparaĂźt-ilavec son grand rival, James P. Moriarty, dans LeDernier ProblĂšme (1893).
On ne tue pas Bobby Ewing : encore moinsSherlock Holmes. Conan Doyle rĂ©siste auxprotestations jusquâen 1901, annĂ©e oĂč il faitparaĂźtre Le Chien des Baskerville. Deux ans plustard, un Ă©diteur amĂ©ricain le convainc une foispour toutes de ressusciter le dĂ©tective. Le voicide retour pour trente-trois nouvelles aven-tures⊠de la main de son crĂ©ateur. Car, sansmĂȘme Ă©voquer sa destinĂ©e au-delĂ du livre (onne compte plus les adaptations pour le thĂ©Ăątre,le cinĂ©ma et la tĂ©lĂ©vision), Sherlock HolmesenquĂȘte encore et toujours.
Plaisir dâinitiĂ©
Lâautomne dernier, les Ă©ditions LâArchipel fai-saient paraĂźtre Ătudes en noir : Les DerniĂšresAventures de Sherlock Holmes. Traduction dâunrecueil de textes paru il y a dĂ©jĂ vingt-trois ans,on nây trouvait quâune seule aventure digne dece nom, nouvelle dont la paternitĂ©, au demeu-rant, est douteuse. Dans lâavant-propos, ThierrySaint-Joanis, prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© SherlockHolmes de France, prĂ©tend que les Ătudes en noiroffrent au cycle canonique « [âŠ] ce que les bonusdâun DVD sont Ă un classique du cinĂ©ma ». Pourles « holmĂ©siens » purs et durs, sâentend. Carsous ce commentaire enthousiaste, se cache laphrase qui tue. PiĂšce en un acte, anecdotes, pas-tiches et Ćuvres de jeunesse de lâauteur : unensemble Ă la qualitĂ© parfois discutable, malservi par un sous-titre trompeur. Un texte de cir-constance, destinĂ© Ă recueillir des fonds pourlâUniversitĂ© dâĂdimbourg, mâa quand mĂȘme ravi.On y retrouve en quatre pages ce qui fait lecharme de lâĆuvre originale. La recette ? Unesituation initiale confortable, happĂ©e par unerĂ©plique sĂšche, une part de raisonnementholmĂ©sien et une pincĂ©e de cette vieille amitiĂ©que lui porte son chroniqueur.
Sherlock et Mary
RĂ©Ă©dition de Sherlock Holmes et lâapicultrice(Ramsay, 1998), Sacrifier une reine de Laurie R.King est une belle rĂ©ussite. Nous sommes en1915. Orpheline placĂ©e sous la tutelle de sa
Sherlock Holmes nâest pas fait pour le quotidien, quâil supporte embrouillĂ©par la drogue. Authentique passionnĂ©, il ne fonctionne quâĂ plein rĂ©gime,enivrĂ© au parfum du mystĂšre. La passion, sa reprĂ©sentation du moins, ne sâem-barrasse guĂšre de la rĂ©alitĂ©. Elle lâembrase, plutĂŽt : câest lĂ la grande affairede la littĂ©rature et de ses personnages, coupables souvent dâavoir prĂ©fĂ©rĂ©lâabsolu Ă la mesure. Sâidentifiant Ă ces ĂȘtres de papier, les lecteurs font parfoisbasculer le texte dans la marge. Les adorateurs de Sherlock Holmes, lecteurset auteurs, sont du nombre.
tante, Mary Russell passe lâĂ©tĂ© de ses 15 ans dans le Sussex.Au cours dâune de ses promenades, elle tombe littĂ©rale-ment sur Holmes, qui sâadonne Ă lâapiculture pour occupersa retraite. Le dĂ©tective gagne ici un second souffle.Watson remplissait certes son rĂŽle de faire-valoir Ă mer-veille, jouant fraternellement les employĂ©s dociles. Mais enMary Russell, Holmes trouve enfin une alliĂ©e dotĂ©e dâuncerveau capable de le confronter, cerveau dont le corps,pour paraphraser Holmes lui-mĂȘme, nâest toutefois pasquâun appendice⊠Nombre de pastiches, depuis main-tenant un siĂšcle, ont cherchĂ© Ă normaliser les rapports deHolmes avec les femmes, mais sans pour autant dĂ©voilerun ressort important du roman. On trouve ici une tenta-tive cohĂ©rente dâattendrir le cĂ©libataire le plus endurci dela vieille Albion. Ă suivre dans le deuxiĂšme volet de la sĂ©rie,Le Cercle des hĂ©ritiĂšres (Michel Lafon, 2004), qui met enscĂšne une secte fĂ©ministe.
Adler⊠Irene Adler
Intarissable sujet que lâimpermĂ©abilitĂ© de Holmes auxcharmes des femmes ! Elle rĂ©siste Ă toutes les intem-pĂ©ries⊠mais se trouve fort Ă©branlĂ©e le jour oĂč le dĂ©tec-tive est roulĂ© dans la farine par lâancienne flamme du roide BohĂšme, Irene Adler (Scandale en BohĂšme). On retrouvela belle cantatrice Ă lâavant-plan dans Holmes contre lâirrĂ©-sistible Irene, quatriĂšme titre traduit en français dâune sĂ©rieinitiĂ©e en 1991 par Carole Nelson Douglas. PenelopeHuxleigh, la narratrice, y rapporte les exploits de son amieIrene, qui nâaime rien tant quâĂ©picer son bonheur conjugalavec son nouvel amour dâun petit mystĂšre Ă rĂ©soudre.Succulent ! Lâopposition entre la facĂ©tieuse et excessiveIrene et la discrĂšte et sage Penelope dĂ©place et condensela relation entre Watson et Holmes. La structure narrativeuse du meilleur de la tradition du palimpseste : le journalde Penelope fait lui-mĂȘme lâobjet, dans lâĆuvre, dâuneĂ©tude par Fiona Witherspoon, universitaire de notretemps, membre de lâillustre SociĂ©tĂ© des amis dâIrene Adler.PuisquâIrene a bel et bien existĂ©, Sherlock Holmes aussi !DĂšs lors, ne reste plus quâĂ dĂ©mĂȘler le vrai du faux dans lesdĂ©tails divergents de leurs chroniques respectives. Maisnotre roman ? Prenant souche dans le passĂ© militaire dudocteur Watson, il fait montre dâune sĂ©duisante virtuositĂ©Ă enchaĂźner lâunivers fictionnel du limier de Baker Street Ă celui de lâenquĂȘteuse mondaine. On sây moque notam-ment, dans une scĂšne irrĂ©sistible dâhumour pour les ini-tiĂ©s, de la blessure Ă lâĂ©paule de Watson, qui passe, dans lasĂ©rie originale, Ă la jambeâŠ
Sir Arthur dans la quatriĂšme dimension
Ărotiques dĂ©bridĂ©s, polars gore, les pastiches de la sĂ©rieprennent souvent des formes ludiques ou lubriques.Dans LâInstinct de lâĂ©quarrisseur de Thomas Day, nousavons droit Ă un piquant exercice de science-fiction quijoint les deux.
Holmes et Watson existent. Ils nâĂ©voluent cependantpas Ă Londres, mais Ă Londen, dans un monde parallĂšleau nĂŽtre, dâoĂč ils ont contactĂ© Arthur Conan Doyle pourleur servir de chroniqueur. Dans cet univers Ă©trangecohabitent Humains et Worsh, une race Ă lâapparencedâoursons, et une plĂ©thore de dĂ©mons assoiffĂ©s desang. LâInstinct de lâĂ©quarrisseur, dâabord paru en 2002aux Ăditions MnĂ©mos, est sacrĂ©ment bien documentĂ© :le jeune Thomas Day y entremĂȘle anecdotes his-toriques et dĂ©tails littĂ©raires du seuil du XXe siĂšcle. Toutcela servi par une Ă©criture aux mĂ©taphores taquines,qui laisse ses personnages se rĂ©vĂ©ler par leurs paroleset leurs gestes.
Watson, insatiable goinfre qui dĂ©gaine ses deux Coltsplus vite que son ombre, apparaĂźt particuliĂšrementrelevĂ© dans le rĂŽle de lâinventeur brouillon. Holmes,quant Ă lui, plus intoxiquĂ© que jamais, dâune cruautĂ©ravie et dâune sexualitĂ© dĂ©bridĂ©e, est lâassassin de lareine Epiphany 1Ăšre, appliquant une justice aussi impi-toyable quâexpĂ©ditive. Enfin, personnage central duroman, Conan Doyle, affublĂ© de sa morgue catholique,apporte ses compĂ©tences mĂ©dicales et un peu dâĂ©quili-bre Ă un tandem dont lâefficacitĂ© est inversement pro-portionnelle au volume de scrupules.
Rares sont les ĂȘtres de fiction Ă occuper autant de placeque Sherlock Holmes : pastiches, films, jeux vidĂ©os...jusquâaux faits divers. On apprenait en effet que lâan-cien prĂ©sident de la Sherlock Holmes Society, dont lavente dâarchives de Conan Doyle avait parfait le dĂ©sespoir, aurait, en avril 2004, maquillĂ© son suicide enmeurtre, sâinspirant dâune affaire de Holmes. Ilsouhaitait ainsi faire accuser un universitaire amĂ©ricainquâil tenait pour responsable de la dispersion des documents. Un cas oĂč la passion holmĂ©sienne frĂŽle lapathologie. LumiĂšre froide issue du brouillard victorien,entre les crimes de Jack lâĂventreur et lâĆuvre de BramStoker, le dĂ©tective est un mythe moderne, alliage para-doxal dâinfaillibilitĂ© et dâangoisse, en lequel nous trou-vons toujours un reflet.
Par Mathieu Simard, librairie pantoute
Polars et thrilllers
Sherlock Holmes
EnquĂȘte ouverte
Ătudes en rouge, Arthur Conan Doyle, Librio, 126 p, 3,95 $Le Signe des quatre, Arthur Conan Doyle, Librio, 122 p., 4,95 $
Un Scandale en BohĂšme, Arthur Conan Doyle, Librio, 123 p., 3,95 $Ătudes en noir, Arthur Conan Doyle, LâArchipel, 283 p., 29,95 $Sacrifier une reine, Laurie R. King, Michel Lafon, 346 p., 24,95 $
Le Cercle des hĂ©ritiĂšres, Laurie R. King, Michel Lafon, 284 p., 24,95 $LâInstinct de lâĂ©quarisseur, Thomas Day, Folio, 432 p., 15,95 $
Holmes contre lâirrĂ©sistible Irene, Carole Nelson Douglas, Masques, coll. Labyrinthes, 496 p., 14,95 $Le Testament de Sherlock Holmes, Bob Garcia, Du Rocher, 410 p., 29,95 $
Que dire du genre ?
Est-il difficile de trouver de bons auteurs de nou-velles ? Câest un travail dâĂ©criture tellement dif-fĂ©rent du roman : lâauteur ne dispose pas de 200pages, mais tout au plus de 50. Il sâagit dâĂȘtre effi-cace en peu de mots : crĂ©er un univers, faire croire Ă un personnage, monter une intrigue, parfois enmoins de 10 pages. Le style est souvent soit plussobre pour permettre plus dâefficacitĂ©, soit plus dĂ©li-rant, ce qui serait insupportable sur 300 pages. Lanouvelle impose Ă la fois plus de contraintes, et per-met plus de libertĂ©. Paradoxe ? Il y a un avantageautre que le pur plaisir de lecture Ă dĂ©vorer unrecueil de nouvelles. Nâavez-vous jamais dĂ©couvertun auteur parce que vous aviez lu lâun de ses textesdans un recueil, dans un manuel scolaire ou dans unmagazine ? Le texte court permet de sâinitier Ă lâĆuvre dâun Ă©crivain dâune façon plutĂŽt plaisante.
Quelques anthologies récentes
Pour illustrer Ă quel point certains nouvellistes ontle talent au bout de leur plume, jetons un Ćil surTracĂ©s du vertige : 30 nouvelles pour redĂ©finir lâimagi-naire de demain. Al Sarrantonio, Ă la fois journaliste,Ă©diteur et Ă©crivain, a rĂ©uni en un seul volume plusde dĂ©tenteurs de prix prestigieux de SF que je nâenai jamais lus (Hugo, Nebula et bien dâautres). Il avaitdĂ©jĂ frappĂ© fort dans 999 : Les maĂźtres du fantastique
La nouvelle est-elle un genre qui se perd ? Moins apprĂ©ciĂ©e que le roman, nâest-elle tout simplement pas moins facile dâaccĂšs pour le lecteur non averti ? On aparfois cette impression, en librairie, lorsquâon essaie de conseiller desrecueils de nouvelles : « Je ne sais pas, peut-ĂȘtre que jâaimerais mieux unroman⊠». La nouvelle semble plus obscure, voire plus hermĂ©tique. La SFcomme le fantastique nâĂ©chappent pas Ă cette rĂšgle. Pourtant, de nombreuxrecueils sont publiĂ©s, et quantitĂ© dâauteurs sont rĂ©Ă©ditĂ©s chaque annĂ©e.
et de lâĂ©pouvante (Albin Michel), oĂč il avait rĂ©uni vingt-neufnouvelles inĂ©dites. Dans TracĂ©s du vertige, on trouve tousles Ă©crivains dont on ne saurait se passer en SF, tels DanSimmons, Ursula Le Guin, Michael Moorcock, StephenBaxter, Joe Hadelman, mais Ă©galement Joyce Carol Oates,que je ne mâattendais pas Ă trouver ici. Un vrai moment debonheur pur : non seulement on lit de grands auteurs,mais en plus ce sont des nouvelles inĂ©dites, Ă©crites spĂ©-cialement pour cette occasion.
Plus underground, non pas par le sujet mais du fait de lanotoriĂ©tĂ© des auteurs, sans ĂȘtre de moindre qualitĂ©,Utopiae 2004 : Dix auteurs du monde entier prĂ©sente desnouvelles des quatre coins du globe. Les auteurs ne sontpas trĂšs connus, faute dâavoir Ă©tĂ© traduits. Pour quelquesĂ©crivains que Bruno della Chiesa est allĂ© chercher, il sâagitde leur tout premier texte. Certains sont dâune redoutableactualitĂ©. La nouvelle intitulĂ©e In « God we trust » est mal-heureusement dâune rĂ©alitĂ© dĂ©rangeante, et « Quand vien-dra lâapocalypse » est douloureusement chargĂ© de vĂ©ritĂ©.Alors, non, il nây a pas quâaux Ătats-Unis, au Canada ou enFrance quâon trouve de bons auteurs en littĂ©rature degenre : il y en a aussi en Bulgarie ou au Chili. Un recueilvraiment intĂ©ressant, qui montre les diffĂ©rences dâimagi-naire selon les cultures.
Une autre anthologie a retenu mon attention. Celle-ci, autitre intriguant de Vingt pas dans lâinsolite, plonge dans desunivers Ă©tranges mais qui pourraient, selon toute vraisem-blance, ĂȘtre expliquĂ©s. Dâailleurs, il nây a pas 20, mais 21nouvelles (mais dâoĂč vient cette derniĂšre ?). Inutile de prĂ©-
ciser que lâhumour y est noir, le bizarre, la norme, et lâan-goisse, provoquĂ©e par lâabsurde intense. Passons aux
vampires. Baisers de sangmontre les liens Ă©troitsqui existent entre lesvampires et lâĂ©rotisme. Sion a peur de ces crĂ©a-tures, il y a Ă©galement unesorte de fantasme rĂ©cur-rent, encore plus Ă©videntlorsquâil sâagit de goulesou de succubes.Lâambiance du recueil estĂ©videmment sombre etmorbide, mais prouvequâil y a dâautres auteursquâAnne Rice dans legenre. Je terminerai par
Poppy Z. Brite, qui remet lecouvert avec Petite Cuisinedu diable. QualifiĂ© par lâau-teure elle-mĂȘme de « schi-zophrĂšne », ce recueil luiressemble Ă©videmment.
Quelques auteurs à découvrir
Sans mâĂ©tendre surtoutes les nouvelles fi-gurant dans les recueils(auquel cas je devraisdemander 10 pages pourpouvoir en parler), je vous sug-gĂ©rerais quelques lectures que jâaifaites au cours des derniers mois :Miroirs et fumĂ©es de Neil Gaiman (JâaiLu, coll. Fantastique, 14,95 $), Le VoyagegelĂ© de Philip K. Dick (Folio, coll. SF, 12,95 $), Nouvelles(t. 1, 2 et 3) de Richard Matheson (Jâai Lu, coll.Fantastique, 15,95 $ ch.), Les Passeurs de millĂ©naire, uncollectif (Livre de Poche, coll. SF, 14,95 $), ForĂȘts secrĂštesde Francis Berthelot (Le BĂ©lial,25,95 $),Dystopia (t.1 et 2)de Richard Christian Matheson (Flammarion, coll.Imagine, 22,95 $ et 26,95 $), FantĂŽmes et farfafouilles deFredric Brown (Folio, coll. SF, 13,95 $). Et bien entendu, lemaĂźtre incontestĂ© de la nouvelle,celui qui nâa Ă©crit que ça,et qui a dĂ©couvert de grands auteurs : Harlan Ellison.Essayez La Machine aux yeux bleus (Flammarion, coll.Imagine, 27,95 $) et DĂ©rapages (Folio, coll. SF, 17,95 $).
Alors, la nouvelle de SF/fantastique est-elle en perte devitesse ? Je ne crois pas. Elle est comme beaucoup dechoses : ce nâest pas parce quâon nâen parle pas partoutet tout le temps quâelle nâexiste pas. Elle est bien en vieet a un bel avenir devant elle.
Par Pascale Raud, librairie Pantoute
Science-fiction et fantastique
TracĂ©s du vertige : 30 nouvelles pour redĂ©finir lâimaginaire de demain, prĂ©sentĂ© par Al Sarrantonio,Flammarion, coll. Imagine, 590 p., 49,95 $
Utopiae 2004 : Dix auteurs du monde entier, prĂ©sentĂ©s par Bruno della Chiesa, LâAtalante, 164 p., 15,95 $Vingt pas dans lâinsolite, une anthologie de Roland Lacourbe, LâAtalante, 586 p., 36,95 $
Baisers de sang : 20 histoires de vampires, présentées par Alain Pozzuoli,Les Belles Lettres, coll. Fantastique, 274 p., 40,95 $
Petite Cuisine du diable, Poppy Z. Brite, Au Diable Vauvert, 275 p., 38,95 $
29 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
Des nouvelles de lâimaginaire
le libraire âą JUILLET-AOĂT 30
Stanley devient Ă©crivain Ă cause de la peurque lui inspire une histoire de sa grand-mĂšre, Rose. Il cesse de lâĂȘtre lorsquâil endĂ©voile le contenu, un massacre mys-tĂ©rieux qui sâest dĂ©roulĂ© en 1933. Rose luiavait en outre dĂ©fendu de devenir « lâunde ces vauriens dâĂ©crivaillons ». Pourquoicet interdit ?Jâai introduit ce prologue parce que jevoulais quâil y ait un schĂ©ma de conte dansle roman. Dans un conte, il y a toujours untabou. Câest parce que Stanley transgressece tabou que les Loups se rĂ©veillent. Rose acessĂ© de vivre parce quâelle a eu peur :Stanley Ă©crit des histoires de peur et en vitbien jusquâĂ ce quâil rĂ©vĂšle le secret. Un bonĂ©crivain de fantastique ne se contente pasde prendre les contes au sĂ©rieux : il lesprend au tragique. Il doit replonger sonlecteur dans la forĂȘt de son enfance. Câest lĂ quâil retrouve cette vieille connaissance,le loup.
Le fondateur de la sociĂ©tĂ© secrĂšte est unancien gĂ©nĂ©ral sudiste, Fenryder. DâoĂčvient ce nom, et pourquoi la guerre deSĂ©cession ?Lâun de mes thĂšmes favoris, avec la peur,câest celui de la puissance. Je ne pouvais metourner que vers les Ătats-Unis, la seulegrande puissance au monde. La guerre deSĂ©cession est une pĂ©riode pas trĂšs connueen Europe. En raison des camps qui sâyopposent, je voulais mettre en rapport cettepĂ©riode avec le mythe scandinave du RagnaRok1, le « crĂ©puscule des puissances », quise dĂ©clenche quand le loup Fenrir se libĂšre.Avec lui se dĂ©chaĂźnent les forces du chaos.Câest la fin du monde telle que la mytholo-gie scandinave pouvait la concevoir. LesLoups de Fenryder est une transposition par-
AprĂšs Jean-Christophe GrangĂ© et Maxime Chattam, un nouvel auteur françaissĂšme la terreur « Ă lâamĂ©ricaine ». NĂ© en 1970, Alec Covin a, de son propre aveu,« [âŠ] une culture suffisamment complĂšte, sinon variĂ©e, pour avoir toujours uneou deux sottises Ă dire Ă table ». On ne sâen plaindra pas. Cette Ă©rudition relevĂ©edâhumour noir sâajoute Ă un sens du suspense peu commun dans Les Loups deFenryder, premier tome dâune trilogie en cours dâĂ©criture. Stanley Holder est unĂ©crivain Ă la rĂ©putation Ă©tablie. Ă la sortie de son dernier roman, il nâaccordequâune seule entrevue. Une de trop. Les secrets quâil livre provoquent indirecte-ment la mort de sa propre fille et le calvaire dâune famille, les Baldwin. Les Loupsdu gĂ©nĂ©ral Fenryder sont en chasseâŠ
tielle de ce mythe. Contrairement Ă American Gods2 de NailGaiman, oĂč le lecteur doit possĂ©der une certaine culturemythologique pour comprendre les subtilitĂ©s du livre, jâaivoulu que ça reste discret. Fenryder est nommĂ© ainsi pourFenrir, lâĂ©crivain Stanley Holder renvoie au dieu Hod.Câest undieu aveugle, qui est cause de la mort du dieu Balder⊠lafamille Baldwin.Vous voyez ?
Le Da Vinci Code, Ă©crit par un AmĂ©ricain, Ă©voque certainessociĂ©tĂ©s secrĂštes europĂ©ennes. Lâintrigue de fond de votreroman repose sur un cercle occulte amĂ©ricain. Se renvoie-t-on la balle ?La diffĂ©rence avec Dan Brown, câest que je crois quâil sâin-tĂ©resse aux sociĂ©tĂ©s secrĂštes quand elles sont religieuses.Moi, ce qui mâintĂ©resse, câest la dimension politique. LasociĂ©tĂ© secrĂšte de Fenryder, sauf quelques citations de laBible par-ci par-lĂ , nâa rien de religieux. Jâaime penser lasociĂ©tĂ© de Fenryder comme lâexpression dâune pulsion demort de lâOccident. Câest un mĂ©lange de Ku Klux Klan, pourle politique, dâAl-Qaida, pour le terrorisme, et de GoldenDawn3 pour la magie. Mon roman fait lâhistoire de lâun desLoups, Charlie McNeice. Fenryder est plutĂŽt une espĂšce dedrapeau idĂ©ologique : câest le grand absent. Je le ferai inter-venir dans mon deuxiĂšme roman, mais dans le premier, ilplane comme une ombre gigantesque.
De la mĂȘme façon, les Loups de Fenryder renvoient Ă leursvictimes leurs propres peurs, comme une ombre projetĂ©e.Effectivement. Je crois dâailleurs que ça rejoint les deuxdimensions oniriques Ă lâĆuvre dans ce roman. Dâabord,câest le principe mĂȘme du fantastique, cette capacitĂ© Ă cristalliser les peurs humaines. Les Loups de Fenryder nefont pas autre chose que lâĂ©crivain pour ses lecteurs.Lâautre dimension, câest le rĂȘve amĂ©ricain. Quâil sâagisse deJohnny Baldwin, lâacteur qui a quittĂ© Hollywood pour laLouisiane, ou de lâĂ©crivain Stanley Holder, le rĂȘve amĂ©ricaintourne chaque fois au cauchemar. Jâai jouĂ© de façonironique avec ce cĂŽtĂ©-lĂ . Le bal de 1933, qui est Ă lâoriginede lâhistoire, est un Ă©vĂ©nement mondain rĂ©ussi⊠jusquâĂ ce quâil y ait le massacre.
Vous dĂ©placez certaines figures propres au roman commeau cinĂ©ma. Je pense Ă Jaws, Ă Freddy Krueger, tout commeĂ H. P. Lovecraft.Je reprends certains schĂ©mas classiques tout en jouant aveceux.Mon requin, il apparaĂźt dans une piscine ! Dans la scĂšnede lâauto-stoppeuse, les rats ne surgissent pas dâune caveobscure comme on pourrait sây attendre4. Câest mon cĂŽtĂ©hitchcockien. Vous vous rappelez cette scĂšne de La Mort auxtrousses (North by Northwest, 1959) ? Cary Grant attend unpersonnage en rase campagne et il se fait attaquer en pleinjour par un avion. Le spectateur sâattendrait plutĂŽt Ă ce queça se passe dans une ville, de nuit, et que lâattaque vienne de
la route. Peu de gens ont remarquĂ© que la scĂšne princi-pale a lieu dans un « Bed and Breakfast ». Jây mets unefamille dâAmĂ©ricains qui ont pour clients un vieux coupledâAllemands et une famille de Français, qui ne sont pasatteints par les Ă©vĂ©nements fantastiques. Je voulais mon-trer, un peu ironiquement, ce quâest un AmĂ©ricain aujour-dâhui. Câest celui qui dĂ©guste, contrairement Ă lâEuropĂ©en,qui visite maintenant lâHistoire en touriste. Enfin, le pisto-let de Stanley Holder est un Sig Sauer Ă sept coups,non unrevolver classique Ă six coups. Cette septiĂšme balle, câestun peu la dĂ©finition de mon fantastique.
1 LâEdda est la grande fresque mythologique scandinave.Alec Covinfait allusion Ă la version composĂ©e par le poĂšte et chef politiqueislandais Snorri Sturluson (1179-1241) : LâEdda. RĂ©cits de mythologienordique, Gallimard, coll. LâAube des peuples, 240 p., 32,95 $.
2 2001 ; en français : Jâai Lu, coll. Fantastique, 604 p., 16,95 $
3 FondĂ©e dans les annĂ©es 1880, la Golden Dawn est une sociĂ©tĂ© ini-tiatique britannique qui ajoutait aux tables tournantes bien envogue Ă lâĂ©poque divers Ă©lĂ©ments de magie rituelle.
4 Allusion à la nouvelle « The Rats in the Wall » de Howard PhillipsLovecraft (1890-1937), parue dans le magazine Weird Tales de mars1924.On en retrouve une version française,« Les Rats sous les murs», dans Par-delà le mur du sommeil, H.P. Lovecraft, Folio, coll. SF,333 p., 12,50 $
Propos recueillis par Mathieu Simard
Science-fiction et fantastique
Alec Covin
Lâombre des loups
Les Loups de Fenryder, Plon, 435 p., 39,95 $
31 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire BOUQUINECuisine
Mon royaume pour un biscuitĂ lâabricot, au fromage, Ă la menthe, avec des zucchinisou du Grand Marnier : mĂȘme Garfield, le plus gour-mand des chats, nâaurait pu imaginer que ces dĂ©li-cieuses douceurs se dĂ©gustent en autant de variĂ©tĂ©s.Nul doute que les amateurs de biscuits aux pĂ©pites dechocolat tomberont en extase (culinaire) en concoctantces 101 Ă©tonnantes recettes. Notez que les mesuressont offertes dans les systĂšmes mĂ©trique et impĂ©rial : nemanque quâun verre de lait !
NouveautĂ© LES BISCUITS AUX PĂPITES DE CHOCOLAT. 101 RECETTES ORIGINALES, Gwen Steege,Ăditions AdA, 148 p., 14,95 $
Ma vie en barbecueLe temps oĂč les barbecues au propane menaient nosestomacs est rĂ©volu : les nouveaux gadgets dâintĂ©rieur(fumoir, rĂŽtissoire, gril encastrĂ© ou de table, Ăątre, poĂȘle)permettent dĂ©sormais de ne plus savourer cette cuisinefestive uniquement par temps clĂ©ment.. Chef incontestĂ©en la matiĂšre, Steven Raichlen suggĂšre 250 plats (de lâen-trĂ©e au dessert) franchement allĂ©chants. Photos superbeset moult explications Ă lâappui : rien nâĂ©gale le fumet et legoĂ»t de la viande grillĂ©e ! Aussi disponible : Barbecue(Ăditions de lâHomme).
Nouveauté
BARBECUE DâINTĂRIEUR, Steven Raichlen, Ăditions de lâHomme, 484 p., 34,95 $
De la cave au cellier« Descendre dans une cave Ă vin est encore le seul moyen quelâhomme ait trouvĂ© pour remonter le temps ». Ce plaisant apho-risme donne le ton de lâouvrage de GuĂ©naĂ«l Revel, prĂ©sident delâAssociation Canadienne des Sommeliers Professionnels.Passons par-dessus le lexique du vin. Tout le reste de lâouvrageest un dĂ©lice : Revel passe au crible tous les types de celliers etde caves, guide le choix des vins qui en constitueront le stock etpropose, enfin, un bref historique du doux nectar.
NouveautĂ© LâESSENTIEL DES CAVES ET DES CELLIERS, GuĂ©naĂ«l Revel, Les 400 coups, 137 p., 17,95 $
le libraire CRAQUELivres pratiques
Les Oiseaux gourmandsJean LĂ©veillĂ©, Ăditions de lâHomme, 177 p., 29,95 $
Les ornithologues amateurs sont de plus en plus nombreuxde nos jours, et quantitĂ© de guides les informent sur les caractĂ©ristiques des oiseaux : taille, plumage, prĂ©sence auQuĂ©bec ou en AmĂ©rique du Nord. Jean LĂ©veillĂ©, lui, sâin-tĂ©resse plus particuliĂšrement au comportement de la gentailĂ©e ; il nous a donnĂ© lâannĂ©e derniĂšre Les Oiseaux etlâamour et, ce printemps, un livre sur le comportement desoiseaux, fruit de ses observations de volatiles familiers
(moineau,gros-bec errant,bernache du Canada) ou exotiques (urubu,hĂ©ron garde-bĆufs,coquette huppe-col). ConstituĂ© dâune trentaine de chapitres illustrĂ©s des photographiesde lâauteur, ce livre se parcourt non comme un manuel technique, mais plutĂŽt comme unlong poĂšme dans une langue fleurie⊠JACQUELINE CHAVIGNOT
Guide du mosaĂŻsteSarah Kelly, Eyrolles, 320 p., 65 $
Ce Guide du mosaĂŻste reprĂ©sente le juste milieu entre lathĂ©orie et la pratique. Il permet d'acquĂ©rir lâessentiel destechniques de mosaĂŻque tout en abordant des tech-niques particuliĂšres et plus complexes.On y retrouve desconseils sur le choix des outils, des matĂ©riaux, descouleurs et sur la composition de motifs pour assurer lesuccĂšs de votre crĂ©ation. Les trente projets prĂ©sentĂ©svous aideront Ă progresser Ă votre rythme, Ă©tape parĂ©tape.De plus, les rĂ©alisations requiĂšrent des techniques
diffĂ©rentes basĂ©es sur des Ćuvres dâartistes, ces derniĂšres Ă©tant prĂ©sentĂ©es comme dessources dâinspiration et des pistes crĂ©atives.Ce livre a pour but de vous donner les moyensde rĂ©aliser vos propres chefs-dâĆuvre. ANNIE MERCIER
Annie MercierPANTOUTE
Jacqueline ChavignotCLĂMENT MORIN
le libraire âą JUILLET-AOĂT 32
On ne prĂ©sente plus Bertrand Dumont. CeQuĂ©bĂ©cois dâadoption, professionnel de lâhorticul-ture, a signĂ© plus de quinze livres et a Ă©tĂ©chroniqueur pour une multitude de mĂ©dias.Photographe exceptionnel, il a marquĂ© de sarigueur et de sa compĂ©tence la revue Fleurs,planteset jardins durant les dix ans oĂč il lâa dirigĂ©e.Il lançaitce printemps une toute nouvelle maison dâĂ©ditionconsacrĂ©e exclusivement Ă lâhorticulture, BertrandDumont Ăditeur, avec quatre livres, dont deuxsignĂ©s de sa main : Les Niches Ă©cologiques desvivaces et plantes herbacĂ©es et Les NichesĂ©cologiques des arbres, arbustes et conifĂšres (446 p.et 414 p., 39,95 $ ch.).BĂątis sur le mĂȘme modĂšle,ces deux titres prĂ©sentent plus de 4000 vĂ©gĂ©taux,ce qui en fait de vĂ©ritables dictionnaires. Ă chaquenotice sâajoutent des renseignements sur la rĂ©sis-tance aux chevreuils et aux rongeurs,sur lâattirancedes papillons et oiseaux, sur la rĂ©sistance aux mal-adies et insectes, ou sur les propriĂ©tĂ©s allergĂšnes.Mais lâoriginalitĂ© de ces deux « bibles » repose surle systĂšme de classement des vĂ©gĂ©taux par nichesĂ©cologiques, qui mettent en Ă©vidence les besoinsen lumiĂšre et la qualitĂ© du sol. Un parti pris que M.Dumont explique :« Les plus rĂ©centes recherchesont montrĂ© que, dans un jardin, quand on installeune plante dans un milieu qui ressemble Ă celuidans lequel elle pousse naturellement,la plante estpeu sensible aux attaques des prĂ©dateurs (insecteset maladies). Dans de bonnes conditions, elle opti-
LâannĂ©e 2005 est faste pour les amateurs dâhorticulture et de jardinage. Pas moins dâunevingtaine de nouveautĂ©s, toutes plus intĂ©ressantes les unes que les autres, ont envahi lestablettes des librairies. Hasard ou air du temps, prĂšs de la moitiĂ© de ces livres proposent desmĂ©thodes Ă©cologiques pour jardiner. Mais cette annĂ©e est aussi celle de Bertrand Dumont,puisquâil publie Ă lui seul (comme auteur ou Ă©diteur ) pas moins de 6 nouveautĂ©s.
mise le rĂ©seau dâentraide que la nature lui procure.LâamĂ©nagement paysager par niches Ă©cologiques est basĂ© sur leshabitudes gagnantes de la terre. »
ComplĂ©ment idĂ©al Ă ces deux ouvrages, LâArt dâamĂ©nager desĂ©cosystĂšmes de Michel Renaud (352 p., 39,95 $), dĂ©crit la thĂ©oriequi sous-tend ce parti pris Ă©cologique. BourrĂ© de trucs et de con-seils, ce livre prĂ©sente une façon de jardiner diffĂ©rente, qui sâaidede la nature plutĂŽt que de la combattre.MĂȘme pour un dĂ©butant,les explications sont claires. Renaud nous apprend Ă mieux con-naĂźtre notre environnement pour ĂȘtre en mesure de bien lâamĂ©-nager sans peine, sans pesticides, sans engrais chimiques⊠etsans acharnement thĂ©rapeutique.
Plantes dĂ©coratives pour patio et balcon, dâHĂ©lĂšne Baril (192 p.,27,95 $), sâadresse aux citadins qui dĂ©sirent mettrent en valeurpetits espaces, balcons ou terrasses, grĂące Ă des associations flo-rales originales. Lâauteure suggĂšre des arrangements spectacu-laires rĂ©alisĂ©s avec une cinquantaine de plantes qui se cultiventparfaitement en jardiniĂšres.Les photographies, pour la plupart deBertrand Dumont, sont superbes.Ce dernier raconte que, pour lui,les clichĂ©s sont primordiaux dans les livres dâhorticulture : « LaqualitĂ© doit ĂȘtre parfaite. Le fait que je possĂšde (par le biais dâuneautre compagnie,Horti MĂ©dia) plus de 100 000 photos ayant pourthĂšme le jardinage facilite le travail des auteurs. Cela me permetaussi de travailler avec des auteurs qui nâont pas de compĂ©tencesen photographie. »
Enfin, le Guide des jardins à visiter au Québec de Julie Boudreau(220 p., 24,95 $) est,selon moi,le livre le plus complet sur le sujet.
Abondamment illustrĂ©, on y retrouve la description dequatre-vingts jardins ouverts au public. Jây ai revu mesespaces verts prĂ©fĂ©rĂ©s (La petite Ă©cole, Sculptures enjardins), et jâen ai dĂ©couvert plein dâautres Ă visiter. CâestĂ©galement un trĂšs bel objet, comme tous les livres deBertrand Dumont.Dâailleurs,pour lâĂ©diteur, lâobjet-livre doitĂȘtre tout aussi bien pensĂ© que le texte :couverture,reliure,papier et format sont adaptĂ©s Ă lâutilisation habituelle quelâon fait des livres de jardinage : « Comme nous publionsdans le domaine du jardinage (qui, rappelons-le, a pourfinalitĂ© la beautĂ©), le contenant est aussi important que lecontenu. Une trĂšs grande importance est accordĂ©e Ă toutes les Ă©tapes de la production. Les livres doivent ĂȘtrede vrais guides que les lecteurs peuvent emmener aujardin ou Ă la jardinerie. Dâici quelques annĂ©es, au premiercoup dâĆil, les gens devraient (du moins,je lâespĂšre) recon-naĂźtre tout de suite les livres publiĂ©s par Bertrand DumontĂditeur. » Bref, Bertrand Dumont ne sâest pas lancĂ© pas enĂ©dition les yeux fermĂ©s. Et si on se fie Ă cette premiĂšrefournĂ©e, sa maison est vouĂ©e Ă un bel avenirâŠ
Par Denis LeBrun
Jardinage
Bertrand Dumont et lâhorticulture Ă©cologique
Le Guide pratique du jardinage Ă©cologique de François GariĂ©py (Ăditions Michel Quintin,184 p., 24,95 $) sâadresse Ă tout jardinier amateur qui veut se lancer dans le jardinage
Ă©cologique Ă partir de bonnes bases. Bien conçu, il dĂ©crit simplement (photographies Ă lâap-pui) les gestes Ă poser dans un jardin : le meilleur guide quâun dĂ©butant puisse se procurer.
50 plantes utiles de François GariĂ©py (Ăditions Michel Quintin, 136 p., 24,95 $). ComplĂ©mentdu prĂ©cĂ©dent ouvrage, ce guide dĂ©crit la culture et les propriĂ©tĂ©s dâune cinquantaine de
plantes. Utile pour préparer vos insecticides naturels, vos tisanes et vos pots-pourris !
Solutions Ă©cologiques en horticulture de E. Smeeters, A. Daniel et A. Djotni (Broquet,198 p., 22,95 $) est le livre quâil vous faut pour contrĂŽler les ravageurs, les mauvaises herbes
et les maladies dans votre jardin, tout en respectant lâenvironnement.On y apprend aussi Ă reconnaĂźtre nos alliĂ©s.
Les HĂ©mĂ©rocalles de RĂ©jean D. Millette (Ăditions de lâHomme, 352 p., 29,95 $) nous prĂ©senteles principaux cultivars de cette plante de plus en plus populaire, des conseils de culture et
des suggestions, le tout abondamment illustrĂ©. Difficile de faire mieux, tout comme Les Lilaset Les Hostas, publiĂ© dans la mĂȘme collection.
Le Guide des fleurs parfaites dâAlbert Mondor (Ăditions de lâHomme, 447 p., 39,95$).Par « fleurs parfaites », lâauteur entend des plantes faciles Ă cultiver, rĂ©sistantes aux
maladies, et des fleurs impressionnantes Ă floraison abondante.Un livre trĂšs bien illustrĂ© : les choix dâun vĂ©ritable connaisseur.
Le Guide des arbres,arbustes et conifÚres pour le Québec, de Bertrand Dumont (Broquet,632 p.,39,95 $).Un guide exhaustif et bien illustré :une référence pour tous les végétaux ligneux.
33 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
Respirer par le nezLe stress et lâanxiĂ©tĂ© constituent sans nul doute des flĂ©aux. Onsubit tous du stress (80 % de la population, disent les statis-tiques) mais, chez certains sujets, cet Ă©tat mental mĂšne Ă lâĂ©puisement professionnel ou Ă la dĂ©pression. SpĂ©cialiste dustress, la QuĂ©bĂ©coise Louise Lacourse suggĂšre une panoplie demĂ©thodes simples et efficaces qui permettent dâamĂ©liorer notrequalitĂ© de vie. Dâautres aspects importants du contrĂŽle du stresssont Ă©galement abordĂ©s, dont la gestion du temps et lazoothĂ©rapie.
NouveautĂ© ON SE CALME⊠LâART DE DĂSAMORCER LE STRESS ET LâANXIĂTĂ,Louise Lacourse & Linda Bertrand (collab.), Un monde diffĂ©rent, 240 p., 22,95 $
Au-delĂ du rĂ©elLâintelligence du corps va de pair avec la vie spirituelle ; la prisede conscience de notre essence permet de rejoindre lâuniversal-itĂ©. En quinze chapitres, Le Livre des secrets explique commentaccĂ©der Ă la connaissance suprĂȘme, à « devenir rĂ©el ». Auteurdâune vingtaine de best-sellers, Deepak Chopra dirige un centreen Californie, oĂč il livre un enseignement basĂ© sur les traditionshindouistes et les Ă©vidences scientifiques modernes.
NouveautĂ©LE LIVRE DES SECRETS, Deepak Chopra, Guy TrĂ©daniel Ăditeur, 296 p., 43,95 $
Interdit dâasservirSexologue et communicatrice rĂ©putĂ©e, Jocelyne Robert estdâabord connue pour ses publications portant sur la sexualitĂ©des enfants et des adolescents. Le Sexe en mal dâamour a unevisĂ©e plus large : il dĂ©nonce la fausse libertĂ© sexuelle qui sĂ©vitde nos jours et touche tous les Ăąges de la vie. Pour la justesse deson ton, son agrĂ©able tour dâesprit, son appel Ă la jouissancelibrement consentie et assumĂ©e, on ne saurait se priver de celivre qui sâouvre sur une jolie lĂ©gende amĂ©rindienne : « Le bon-heur se cache dans un petit pois [âŠ]. Si on lâignore, on perd Ă coup sĂ»r le petit pois et⊠le bonheur ».NouveautĂ©
LE SEXE EN MAL DâAMOUR, Jocelyne Robert, Ăditions de lâHomme, 221 p., 24,95 $
« Samuel, lĂąche ta sĆur ! »Pour qui a les nerfs un peu fragiles, voyager avec des enfants estcomme faire du bungee. Ă la diffĂ©rence notable que la tensionne se relĂąche jamais ! Isabelle Chagnon et Lio Kiefer, globe-trotters Ă©mĂ©rites, ont tout prĂ©vu pour vous faciliter la vie. Ceuxqui sâaccommodent dĂ©jĂ fort bien des sorties familiales aurontĂ©galement avantage Ă consulter ce guide : prĂ©paration du voyage, quoi faire en cas de maladie, conseils pour survivre Ă lagare, Ă lâaĂ©roport, Ă lâhĂŽtel⊠et quelques petites phrases pourpermettre Ă vos bouts de choux de se dĂ©brouiller en anglaiscomme en espagnol.
NouveautéVOYAGER AVEC DES ENFANTS, Isabelle Chagnon & Lio Kiefer, Ulysse, 253 p., 24,95 $
le libraire BOUQUINETourisme et nature
Des vacances brillantesLâĂ©tĂ© ramĂšne le farniente : baignade en mer, randonnĂ©e Ă vĂ©lo,biĂšre et saucisses sur feu de camp⊠Dans Soleil, sable et science,Raynald Pepin raconte la premiĂšre journĂ©e de vacances dâunefamille bien sympathique. GrĂące Ă plusieurs expĂ©riences dâordrechimique, biologique, physique, gĂ©ologique ou astronomique,lâancien chroniqueur de QuĂ©bec Science dĂ©montre que bronzeridiot est impossible : toute action provoque une rĂ©action, et viceversa. DrĂŽle et instructif : petits comme grands y trouvent leurcompte ! NouveautĂ©
SOLEIL, SABLE ET SCIENCE, Raynald Pepin, MultiMondes, 224 p., 29,95 $
le libraire BOUQUINECroissance personnelle
Un lac, deux Ă©crivains(Re)dĂ©couvrez le majestueux lac Saint-Jean par le biais de sessites enchanteurs, de sa VĂ©loroute et de ses auberges, mais aussigrĂące aux Ă©crivains et aux musiciens du coin. Pendant vingt et unjours, le couple DubĂ©-ParĂ© (Un Ă©tĂ© en Provence) a humĂ©, touchĂ©,goĂ»tĂ© une rĂ©gion quâils nous invitent Ă parcourir Ă travers leurregard et une liste dâattractions incontournables. Il rĂ©sulte de leurpĂ©riple un guide original alliant habilement littĂ©rature ettourisme.
NouveautĂ©LE TOUR DU LAC EN 21 JOURS. Ă LA DĂCOUVERTE DU LAC-SAINT-JEAN,
Danielle Dubé & Yvon Paré, XYZ éditeur, 248 p., 20 $
le libraire âą JUILLET-AOĂT 34
Destination monde
Taras Grescoe nâa rien dâun anthropologue oudâun philosophe cherchant Ă dĂ©finir ce curieuxinstinct qui pousse ses compatriotes Ă sâentass-er comme des sardines devant les attraitstouristiques des quatre coins du globe, mais ilnâen demeure pas moins un fin observateur dela gent vagabonde. Maniaque des guides devoyage et des anecdotes sur lâhistoire dutourisme mondial, lâauteur de SacrĂ© Blues, un «portrait iconoclaste du QuĂ©bec » (VLB, 2002) avolontairement rejoint les sentiers battus etparcouru Ă pied, en autobus, en train ou enavion un itinĂ©raire qui lâa menĂ© dâun bout dumonde Ă lâautre, soit de la pointe de CaboFisterra, en Espagne, Ă lâĂźle Tianya Haijao, enChine. « Tout a commencĂ© par lâidĂ©e dâĂ©crire unguide sur les guides touristiques. Le projet aĂ©voluĂ© avec le temps, et jây ai ajoutĂ© lâenvie dedĂ©crire le tourisme de masse tel quâil est aujour-dâhui, Ă lâheure oĂč 700 millions de gens bougentun peu partout dans le monde. [âŠ] Je voulaisprendre le temps de faire ce que font beaucoupde gens avec leur sac Ă dos, moi qui nâĂ©tais pasun voyageur naĂŻf, car jâavais dĂ©jĂ derriĂšre moibeaucoup dâannĂ©es dâĂ©criture sur le voyage »,raconte Grescoe.
Sur les traces de Compostelle
Si les voyages forment la jeunesse, celui quâarĂ©alisĂ© Grescoe a plutĂŽt formĂ© son idĂ©e sur lesinstincts qui nous poussent Ă nous agglutinercomme des moutons dans des endroits oĂč,espĂ©rons-nous, nous rencontrerons le mystĂšre
AprĂšs avoir lu Un voyage parmi les touristes, on se demande si Taras Grescoeest allĂ© au bout du monde ou au bout de lui-mĂȘme. En sâarrĂȘtant dans lesendroits les plus frĂ©quentĂ©s par une faune touristique parfois surrĂ©elle, par-fois franchement imbĂ©cile, ce globe-trotter impĂ©nitent en a probablementdavantage appris sur lâĂȘtre humain que sur les lieux que des milliers decurieux en mal dâexotisme continuent Ă visiter chaque annĂ©e.
de lâinconnu et le confort de notre foyer tout Ă lafois. Dâun point de vue personnel, le pĂ©riple delâĂ©crivain a donnĂ© lieu Ă un profond question-nement sur ses convictions de voyageur, sur sa soif defugue. Il en a rapportĂ© quelques considĂ©rations mor-dantes sur les touristes, mais aussi sur lui-mĂȘme : « Avant,jâavais lâimpression que je ne serais jamais en place bienlongtemps. Ce qui a changĂ©, toutefois, câest quâaprĂšs neufmois, jâĂ©tais vraiment fatiguĂ© de changer dâhĂŽtel tous lestrois jours, de dĂźner seul dans les villes que jâai aimĂ©es. CenâĂ©tait plus une vie pour moi : jâai dĂ©couvert quâil me fal-lait un pied-Ă -terre. »
Au dĂ©part, le voyage sâannonçait prometteur. Grescoeavait choisi dâarpenter, sans sâinspirer de la prose dâun cer-tain Ă©crivain brĂ©silien, le chemin de Compostelle, leCamino. Mais rapidement, le caractĂšre folklorique de sonentreprise a laissĂ© place Ă la dure rĂ©alitĂ© des pĂšlerins destemps modernes. On ne sâattaque plus au Camino au nomde la foi, mais bien pour le simple plaisir de le parcourir etde sâarrĂȘter dans des haltes amĂ©nagĂ©es spĂ©cialementpour les vigoureux marcheurs. Sur la route, Grescoe sesouvient dâavoir rencontrĂ© des personnes fort agrĂ©ables etdâautres, beaucoup moins. Une fois en France, il a dĂ©laissĂ©la marche Ă pied pour goĂ»ter au plaisir interdit de lâauto-car climatisĂ© et aux joies prĂ©programmĂ©es du voyageorganisĂ©. Le choc est de taille et le kilomĂ©trage parcouru, Ă lâavenant. Tout en digressant sur lâhistoire du tourisme demasse et sur lâentreprise dâun de ses plus dignes fonda-teurs,Thomas Cook, lâauteur dĂ©couvre Ă un rythme effrĂ©nĂ©les charmes de Paris, puis ceux de la Suisse, tout ensavourant au cours des escales les pitreries destinĂ©es Ă divertir les voyageurs pressĂ©s. Ă peine sâest-il remis duvoisinage parfois insupportable de ses congĂ©nĂšres quâilsâembarque pour la GrĂšce et lâItalie, oĂč il dĂ©couvre unetout autre forme de tourisme, prĂ©fĂ©rĂ©e cette fois par uneclientĂšle plus jeune et, disons-le, plus intĂ©ressĂ©e Ă goĂ»ter Ă lâalcool du pays quâau rĂ©cit des grands moments de lâhis-toire locale. Avec le recul, cette expĂ©rience demeure assezreprĂ©sentative de lâĂ©tat du tourisme mondial : « AprĂšs le11 septembre, le dĂ©sir dâĂȘtre protĂ©gĂ©, de voyager dans unebulle touristique a augmentĂ©, et le tourisme connaĂźt unepopularitĂ© croissante. Par contre, on assiste Ă une haussedu tourisme de la dĂ©bauche. » En dâautres termes,lâAilleurs câest bien, mais avec lâoption « bar ouvert », câestmieux.Toute ressemblance avec certains forfaits offerts denos jours ne serait que fortuite.
Le bout du monde
Avant dâatteindre, un peu extĂ©nuĂ©, la Chine aprĂšs avoirfrĂ©quentĂ© les plus sordides attractions sexuelles deThaĂŻlande, expĂ©rience dont il tire dâailleurs quelques
pages marquantes, Grescoe aura goĂ»tĂ© Ă toutes lesmaniĂšres possibles de voir le monde. Il sâestimeheureux dâavoir rĂ©alisĂ© lâexpĂ©rience, mĂȘme sâil avoueavoir pris plaisir Ă Ă©corcher au passage nos travers devoyageurs : « Jâai rencontrĂ© assez de gens intĂ©ressantset intelligents pour affirmer quâil y a un avenir pour letourisme. Et malgrĂ© tous les prĂ©jugĂ©s que lâon peutavoir sur les diffĂ©rentes nationalitĂ©s, il y a toujoursquelques personnes qui viennent nous contredire. »
Sorte de condensĂ© de lâart du voyage du XIXe siĂšcle Ă nos jours vu Ă travers la lorgnette dâun bourlingueuravisĂ©, Un voyage parmi les touristes donne Ă rĂ©flĂ©chir surnotre maniĂšre dâenvisager le tourisme contemporainet, surtout, dâaborder lâAutre : « Il nâa jamais Ă©tĂ© aussifacile de voyager. Or, on voit de moins en moins de vĂ©ri-tables contacts entre les voyageurs et les habitants [âŠ]Je comprends la peur de lâAutre, mais je ne comprendspas pourquoi certaines personnes dĂ©sirent rester enpetit groupe en Ă©vitant de parler aux gens qui habitentlâendroit que lâon visite. Il faut savoir prendre une dis-tance vis-Ă -vis le discours des agences de voyages »,affirme Grescoe.
Câest, enfin, dans les derniĂšres pages que lâon sert sansdoute la plus prĂ©cieuse des leçons : « Bien voyager neveut pas dire aller plus loin, mais y aller mieux ».Aujourdâhui, Grescoe, qui prĂ©pare un autre livre sur lesvoyages et leurs relations avec la consommation desubstances euphorisantes, se dit content dâaccumulerles kilomĂštres, tout en ajoutant quâau fond, il est tou-jours bon de sâen aller en sachant quâun jour, nousretournons Ă la maison, lĂ oĂč il fait bon vivre.
Par Antoine Tanguay
Tourisme
Taras Grescoe
Câest oĂč,le bout du monde ?
Un voyage parmi les touristes, VLB Ă©diteur, 410 p., 29,95 $
Cap sur les parcs
Vous avez envie de passervos vacances dans les plusbeaux sites naturels quĂ©bĂ©-cois ? Câest la chance quevous offrent nos vingt-deuxparcs nationaux. Ces zonesĂ©cologiques protĂ©gĂ©es, quimettent en vedette la fauneet la flore, prennent le visagede leur rĂ©gion : monta-gneux, forestiers, marĂ©ca-geux ou marins. Pour faire ladĂ©couverte de ces coins deparadis, feuilletez Les Parcsnationaux du QuĂ©bec. Ce livrerend hommage Ă la magnifi-cence et aux particularitĂ©s dechaque parc en plus deraconter son histoire. Comme il estagrĂ©able de revisiter en images lesparcs dĂ©jĂ connus comme le Bic oucelui de la GaspĂ©sie, dâen dĂ©couvrirdâautres (Plaisance, en Abitibi) et,enfin, dâen apprendre sur les projetsfuturs, dont deux parcs pour le NordquĂ©bĂ©cois ! La passion Ă©vidente pourla nature des photographes dâEnviroFoto nous est transmise par la beautĂ©et la fragilitĂ© pures des paysages choi-sis. Si ce livre a pour mission de nousfaire rĂȘver de chez nous, le pari estgagnĂ© : vous succomberez ! AprĂšsquelques pages, vous serez Ă©pous-touflĂ©s par autant de splendeur etgrandira en vous lâenvie dâenfiler vosbottines pour aller Ă la rencontre deces lieux sauvages et majestueux.
La nature quĂ©bĂ©coise est gĂ©nĂ©reuse et colorĂ©e. Elle est reconnue dans le monde entierpour la spectaculaire diversitĂ© de ses panoramas avec les montagnes, les forĂȘts, lesplages et les millions de lacs et de riviĂšres qui composent ses paysages. Comme unimmense terrain de jeux, le QuĂ©bec est lâendroit idĂ©al pour profiter des joies du grandair. La preuve en est que lâĂ©cotourisme prend de plus en plus de place dans le cĆur desQuĂ©bĂ©cois, par souci de prĂ©server leurs espaces naturels, mais aussi grĂące Ă la variĂ©tĂ©des attraits et des activitĂ©s quâoffre notre vaste territoire. Pourquoi aller conquĂ©rir laforĂȘt tropicale ou traverser le dĂ©sert du Sahara quand il y a autant de belles chosesautour de chez soi ?
Pour maximiser le temps passĂ© Ă profiter de ceslieux exceptionnels et ne rien manquer desendroits frĂ©quentĂ©s, QuĂ©bec Nature prĂ©sente nosdix-neuf belles rĂ©gions et plus de trois cents desti-nations nature. De lâascension dâun mont Ă labalade en vĂ©lo jusquâĂ la visite dâun jardin ou dâunvignoble en passant par lâescalade et le parapente,il y en a pour tous les goĂ»ts ! La rubrique « Coups de cĆur » propose des activitĂ©s incon-tournables tandis que « En un clin dâĆil » fournitles renseignements essentiels Ă une rĂ©alisationsans tracas de votre aventure : accĂšs, tarifs, servi-ces offerts et divertissements dans les environs.Pour vous donner lâoccasion de pousser encoreplus loin la conquĂȘte des lieux, une capsulerecense plusieurs autres activitĂ©s de plein air Ă faire dans la rĂ©gion choisie, outre les attractionsnature majeures comme les parcs et les rĂ©serves,ce qui permet de sortir des sentiers battus. Voustrouverez mĂȘme des idĂ©es originales pour occu-
per les jours de pluie. Ce guide indispensable, au formatparfait pour vous accompagner, est Ă laisser dans la boĂźteĂ gants de votre voiture ou dans votre sac dâexpĂ©dition.IdĂ©al pour les excursions imprĂ©vues ; tournez les pages Ă lâaveuglette et partez Ă lâaventure ! Peu importe la direc-tion, lâenchantement est garanti.
Au fil de lâeau
Avec ses 80 000 km2 delacs et de riviĂšres et unimposant fleuve, leQuĂ©bec est le royaumedes amoureux de plaisirsaquatiques et nautiques.PlongĂ©e sous-marine ?Planche Ă voile ? Tout yest possible. Mais le plusextraordinaire moyen dedĂ©couvrir les richesses duSaint-Laurent, ses rĂ©cifscĂŽtiers, ses oiseaux marins,ses phoques et mĂȘme sesbaleines est, sans con-teste, le kayak. Plus quâunloisir, le kayak est une
relaxation : on glisse dans un silence feutrĂ© sur lâeaulimpide en contemplant le paysage. La sensation de li-bertĂ© quâil procure est sĂ»rement le secret de ce nou-veau « chouchou » des amateurs de plein air. Ă la suitede lâengouement marquĂ© pour cette embarcation, unguide trĂšs complet sur le sujet paraĂźt aux Ăditions delâHomme cet Ă©tĂ©, Le Kayak de mer au QuĂ©bec. YvesOuellet nous y fait dĂ©couvrir les plus ravissants par-cours classiques et sites dâexploration comme le fjorddu Saguenay et le parc de lâArchipel-de-Mingan, enplus de prĂ©senter des circuits pour les kayakistes con-firmĂ©s. Pour les plus curieux, il relate lâhistoire du kayak,en explique les techniques et prĂ©sente les pionniers decette discipline. Le kayak offre une nouvelle possibilitĂ©Ă tous ceux qui ontdĂ©jĂ fait le tour duQuĂ©bec par la terre dele faire par la mer, enlogeant le littoral debaie en baie, dâĂźle enĂźle, de plage en plage.
Si vous ĂȘtes Ă contre-courant des tendances,pourquoi ne pas voir leQuĂ©bec comme lescoureurs des bois, enpagayant ? Le Guidedes parcours canota-
bles du QuĂ©bec estparfait pour prĂ©-parer votre itinĂ©-raire de canot-camping, que ce soit sur la rĂ©putĂ©eet sublime riviĂšre Bonaventure ou ailleurs. Des ren-seignements prĂ©cieux sont donnĂ©s par lâintermĂ©-diaire de deux cents fiches, qui mentionnent leniveau de difficultĂ© du cours dâeau, la possibilitĂ© degĂźte ou de campement sur le trajet, le temps decanotage par section, et mĂȘme la qualitĂ© despaysages Ă admirer. Cette quatriĂšme version con-solidĂ©e du guide Ă©tait fortement attendue cettesaison, et avec raison, puisquâil est la source dâin-formation principale pour les passionnĂ©s de canotou de kayak de riviĂšre. Il est lâalliĂ© parfait pourdompter les vagues et arriver Ă bon port en solo,en duo ou en famille.
Bonnes vacances chez vous !
Par Annie Mercier, librairie Pantoute
Plein air
Aux quatre coins du Québec⊠LA NATURE
Les Parcs nationaux du QuĂ©bec, Enviro Foto, GID, 239 p., 69,95 $ QuĂ©bec Nature, StĂ©phane Champagne & Marie-France LĂ©tourneau, Michel Quintin Ăditeur, 319 p., 34,95 $
Le Kayak de mer au QuĂ©bec, Yvan Ouellet (texte) & Alain Dumas (photographies), Ăditions de lâHomme, 303 p., 39,95 $Guide des parcours canotables du QuĂ©bec, FĂ©dĂ©ration quĂ©bĂ©coise du canot et kayak, Broquet, 455 p., 49,95 $
35 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
36 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire CRAQUE
Ă la dĂ©couverte du Saint-LaurentJean GagnĂ©, Ăditions de lâHomme, 331 p., 39,95 $
Comme QuĂ©bĂ©cois, nous sommes tous trĂšs attachĂ©s aufleuve Saint-Laurent, mais le connaissons-nous vraiment ?Jean GagnĂ© nous fait dĂ©couvrir de trĂšs belle façon le fleuvesous diffĂ©rents aspects de sa vie. Il aborde dans son livre lecĂŽtĂ© historique de cette voie de navigation essentielle Ă lacolonisation de la Nouvelle-France, les Ăźles qui se trouventsur son parcours, les affluents qui la nourrissent, les diversvillages qui la bordent. Ă la fin de chaque chapitre, GagnĂ©nous donne des adresses et des numĂ©ros de tĂ©lĂ©phonedâorganismes rattachĂ©s de prĂšs Ă la vie du fleuve, Ă sa floreainsi quâĂ la vie des hommes, dont il est Ă©galement ques-tion. Voici un trĂšs beau livre richement illustrĂ© et chargĂ©
dâinformations pertinentes sur lâun des plus beaux fleuves du monde. JEAN MOREAU
Les Ponts couverts au QuébecQuébec, Gérald Arbour, Fernand Caron & Jean Lefrançois,
Les Publications du QuĂ©bec, 216 p., 34,95 $Depuis une dizaine dâannĂ©es, les Publications du QuĂ©becexploitent les multiples trĂ©sors patrimoniaux que recĂšlentles Archives nationales. Les populaires livres de la collec-tion « Aux limites de la mĂ©moire » en sont la preuve.Mais Ă partir dâaujourdâhui,il faudra ajouter Ă cette liste unnouveau titre : Les Ponts couverts au QuĂ©bec. Ăcrit par un
trio dâauteurs passionnĂ©s,cet ouvrage est remarquable par la richesse de son iconographieet la prĂ©cision de ses informations historiques. Des ingĂ©nieurs cĂ©lĂšbres aux techniques deconstruction privilĂ©giĂ©es, de la fonction « coloniale » de ces ponts Ă leur valeur patrimo-niale, Les Ponts couverts au QuĂ©bec rĂ©vĂšle une dimension de notre histoire encore peuexplorĂ©e. Un pont de ce genre existe toujours dans votre coin de pays ? Prenez le temps,aprĂšs avoir lu ce livre,dâen observer tous les dĂ©tails :coup de foudre assurĂ© ! RENĂ PAQUIN
Beaux livres
Jean MoreauCLĂMENT MORIN
RenĂ© PaquinCLĂMENT MORIN
le libraire âą JUILLET-AOĂT 37
Heureusement, depuis quelque temps, certains Ă©di-teurs ont dĂ©cidĂ© de prendre les choses en mains enactualisant ce genre qui, on lâa vu, tombait endĂ©suĂ©tude, et ce, malgrĂ© certains efforts louables,mais pas toujours concluants dâautres Ă©diteurs dâiciet dâailleurs. Ainsi, on tente maintenant de combin-er la qualitĂ© de lâillustration (car lâattrait visuel, on lesait, est trĂšs important) Ă une certaine recherchedans le texte : que ce soit par le ton, la musicalitĂ©des mots et un certain esprit ludique â outil cru-cial pour faciliter lâapprentissage et pour favoriserune forme de complicitĂ© entre lâenfant et lâadulte.
Au cours des derniers mois, on a pu voir arriver enlibrairie une avalanche de ce nouveau typedâabĂ©cĂ©daires, qui se rapprochent tantĂŽt de lâal-bum de fiction, tantĂŽt du recueil de poĂ©sies ou decomptines, et mĂȘme du livre dâart ! Tous ont encommun la qualitĂ© exceptionnelle des illustrations,doublĂ©e du simple plaisir de jouer avec les mots etles sonoritĂ©s. Dans LâAutruche auto-stoppeuse, lâau-teur nous prĂ©sente Ă chaque page un animal dontla posture rappelle la forme de la lettre quâilreprĂ©sente, ce qui entraĂźne des situations pour lemoins farfelues. Le texte, teintĂ© dâhumour parfoisabsurde, nous permet de rencontrer un kangouroukaratĂ©ka, un hibou hypocondriaque ou encore unyack yougoslave ! Plus prĂšs de chez nous, aux Ă©di-tions Les 400 coups, le dernier album de PierrePratt, Le Jour ou ZoĂ© zozota, nous emmĂšne en 26
Qui nâa jamais vu ou tenu entre ses mains lâun de ces vieux abĂ©cĂ©daires, quiprennent souvent la forme dâun livre cartonnĂ©, Ă la reliure fragile, aux illustra-tions tristes Ă faire pleurer une hyĂšne (!), et oĂč lâenseignement de lâalphabetse rĂ©sume Ă illustrer (maladroitement) un objet dont le nom commence par lalettre que lâon veut prĂ©senter (par exemple : « P » pour « pomme ») ? Eton reste toujours Ă©tonnĂ©s, aprĂšs tant dâannĂ©es dâĂ©dition jeunesse, de voir quece mĂȘme genre de produit continue dâĂȘtre publiĂ© !
illustrations pour autant de lettres dans despetits moments qui peuvent paraĂźtre anodinspour certains, mais qui peuvent aussi revĂȘtir unegrande importance dans la vie des personnagesqui y sont prĂ©sentĂ©s. Et on reste figĂ©s devant cetalbum empreint de poĂ©sie autant visuelle quetextuelle. Bref, Le Jour⊠reprĂ©sente un beau moment Ă partager entre lâadulte et lâenfant. Enfin, avec Territoires,lâauteure, Ădith Dufaux, Ă©rige lâabĂ©cĂ©daire au rang de vĂ©ri-table livre dâart. Dans cet album dâune rare qualitĂ©, auxillustrations magnifiques, chaque lettre renvoie Ă un terri-toire, un espace imaginaire oĂč se dĂ©roulent des actions etdes situations improbables, voire oniriques. Difficile de nepas se laisser imprĂ©gner de cet univers poĂ©tique oĂč letexte sâentremĂȘle avec la poĂ©sie, lâhumour et le fantas-tique. Autre fait Ă observer dans cet album, câest quechaque illustration renvoie elle-mĂȘme Ă la lettre de lâal-phabet Ă laquelle elle se rattache (« B » pour « baie »,« L » pour « labyrinthe », etc.). Dâautant plus que, pourcouronner le tout, une superbe affiche est offerte avecTerritoires, nous prĂ©sentant, dâun seul coup dâĆil, tous lesunivers qui font partie du livre.
Et voilĂ ! La table est mise pour vous laisser partir Ă ladĂ©couverte de ces « nouveaux mondes » ! Bien sĂ»r, cene sont lĂ que trois exemples puisĂ©s parmi les meilleurstitres de la production rĂ©cente, mais ils peuvent nousservir de points de repĂšres pour explorer ces abĂ©cĂ©-daires « nouvelle vague ». Sans perdre de vue le man-dat premier de lâabĂ©cĂ©daire, LâAutruche auto-stoppeuse,Le Jour oĂč ZoĂ© zozota et Territoires nous dĂ©montrentquâil est possible de plaire autant Ă lâadulte quâĂ lâen-fant, et que lâapprentissage de lâalphabet ne devrait pasĂȘtre triste et contraignant.
Par François Boutin, librairie Monet
Littérature jeunesse
Abécédaires :
Nouvelle vague !
LâAutruche auto-stoppeuse, Simon Kohn, Ăditions Thierry Magnier, 64 p., 23,95 $ (Ă partir de 5 ans)Le Jour ou ZoĂ© zozota, Pierre Pratt, Les 400 coups, 54 p., 14,95 $ (Ă partir de 5 ans)
Territoires : Les 26 lettres de lâalphabet, Ădith Dufaux, LâInventaire, 60 p., 45,95 $ (Ă partir de 6 ans)
38 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire BOUQUINELittérature jeunesse
Fraises Ă la folieLes jumeaux Marie et Mario Maribelle adorent les sucreries.Nos deux gourmands trouvent leur bonheur au dĂ©pan-neur, oĂč leur argent de poche est troquĂ© contre jujubes etbonbons Ă saveur de fraise. Un jour, une visite chez le den-tiste sâimpose : leurs dents ne sont pas belles Ă voir ! Alorsquâils croyaient devoir avaler du brocoli jusquâĂ la fin deleur vie, les petits sortiront ravis de leur expĂ©rience grĂące Ă lâarme secrĂšte de M. Lecroc⊠PortĂ©e par une belle musica-
litĂ©, cette histoire toute mignonne traite efficacement du refus etde la peur dâaller chez le dentiste. De 3 Ă 8 ans.
Nouveauté
DRĂLE DE FRAISE !, Louise Gagnon (texte) & Jean Morin (ill.), Le Raton Laveur, 24 p., 7,95 $
Travailleurs en herbeRĂ©putĂ© pour ses guides sur les carriĂšres, Septembre Ăditeurreste fidĂšle Ă sa mission en proposant un ouvrage divisĂ© enquatorze grands secteurs, qui prĂ©sente quelque trois centsmĂ©tiers et professions. Du monde de la construction Ă celui delâĂ©dition en passant par lâindustrie du tourisme et de lâaĂ©rospa-tiale, les tĂąches de chacun sont expliquĂ©es grĂące aux illustra-tions et au style concis privilĂ©giant lâaction : « Le chauffeur detaxi retire les bagages de sa voiture », « Le fromager sâassureque lâĂ©gouttage se dĂ©roule bien ». DĂšs 9 ans.
NouveautĂ© DICTIONNAIRE ILLUSTRĂ DU MONDE DU TRAVAIL,Denis Pelletier, Septembre Ăditeur, 96 p., 29,95$
Faire dâune pierre deux coupsLe courageux petit Loli est bien dĂ©cidĂ© Ă conquĂ©rir Odipo, uneĂźle quâon dit peuplĂ©e dâanimaux fabuleux et cruels. Lors de sonexploration, le garçonnet dĂ©couvrira bien quelques crĂ©aturesmenaçantes, mais aussi plusieurs autres, trĂšs gentilles ou trĂšsdrĂŽles⊠LâoriginalitĂ© de cette histoire Ă©crite et illustrĂ©e parCaroline Merola tient dans son concept tĂȘte-bĂȘche, prĂ©sentĂ©sous un jour neuf. Puisquâil faut lire jusquâĂ la derniĂšre pagepuis tourner le livre en sens inverse pour en connaĂźtre la fin.Un album colorĂ© et surprenant qui plaira aux petits et auxgrands. DĂšs 4 ans.
Nouveauté
LâĂLE AUX MONSTRES, Caroline Merola, La courte Ă©chelle, 32 p., 15,95 $
Coucou, câest moi !Edgar vit dans une horloge avec ses parents. Il rĂȘve desâĂ©lever vers le ciel comme les hirondelles. Mais les coucousde bois ne volent pas. AprĂšs sâĂȘtre Ă©crasĂ© au sol, Edgar partdonc, Ă lâinsu de ses pĂšre et mĂšre, dĂ©couvrir le monde Ă pied.De ses explorations, le petiot ramĂšnera une patte cassĂ©e, unbec Ă©brĂ©chĂ© et des couleurs dĂ©lavĂ©es sous lâaverse, mais quâĂ cela ne tienne : il se sera fait plusieurs amis ! Dans la mĂȘmesĂ©rie : Les Amours des monsieur Edgar. DĂšs 5 ans.
NouveautĂ© LâENFANCE DE MONSIEUR EDGAR, Christiane Duchesne (texte) & Pierre M. Trudeau (ill.),Les 400 coups, coll. Les petits albums, 32 p., 8,95 $
Des romans qui nâont pas pris une rideLa mĂ©tamorphose valait le coup dâĂȘtre mentionnĂ©e :les Ă©ditions de La courte Ă©chelleremettent en circulation 32 titres sĂ©lectionnĂ©s parmi la populaire collection « Roman+ » (64 titres,950 000 exemplaires Ă©coulĂ©s),qui seront maintenant regroupĂ©ssous le vocable dans la collection « Ado ». La refonte de cette collection lancĂ©e il y aquinze ans est justifiĂ©e par plusieurs raisons,dont un aspect visuel correspondant davan-tage au goĂ»t des adolescents dâaujourdâhui et une volontĂ© de rĂ©pondre plus spĂ©ci-fiquement Ă leurs besoins en la scindant en trois catĂ©gories soit « Ado » (12 Ă 14 ans),« Ado+ » (14 Ă 16 ans) et « Jeune adulte » (16 Ă 18 ans).Par ricochet,La courte Ă©chellesouhaite renouveler le lectorat.Ă ce jour,32 titres ont Ă©tĂ© rĂ©imprimĂ©s,dont plusieurs clas-siques,notamment la sĂ©rie des « Inactifs » de Denis CĂŽtĂ©,Comme une peau de chagrinde Sonia Sarfati, la sĂ©rie « LĂ©a » de Marie-Francine HĂ©bert et Un jeu dangereux deChrystine Brouillet.Chaque roman se vend 12,95 $.
Ces chanteurs qui Ă©criventâŠPĂšre Ă cinq reprises, Paul McCartney deviendra sous peu auteur de livres pour lajeunesse.Dans le sillage de la chanteuse Madonna,dont le cinquiĂšme album illustrĂ©vient de paraĂźtre (BĂŽta de Carats,Scholastic), lâex-Beatles prend la plume,avec la colla-boration de Philip Ardagh (la sĂ©rie « Eddie Dickens »,Albin Michel),pour High in theClouds : An Urban Furry Tail.PubliĂ© par le groupe Penguin Young Readers,ce livre,quimettra en scĂšne un Ă©cureuil et une grenouille,est prĂ©vu pour octobre 2005.Aucunetraduction française nâest annoncĂ©e pour le moment.
le libraire âą JUILLET-AOĂT 39
le libraire CRAQUELittérature jeunesse
Ma premiĂšre folieJohanne Mercier, Reynald Cantin & HĂ©lĂšne Vachon,
Ăditions Fou-Lire, coll. Le Trio rigolo, 128 p., 8,95 $Ma premiĂšre folie prĂ©sente trois courtes histoires sur un thĂšmeracontĂ©es par trois auteurs bien connus des jeunes. On yretrouve DaphnĂ©, Laurence et Yo qui, Ă tour de rĂŽle, nous fontdĂ©couvrir leurs premiĂšres expĂ©riences sur un ton humoris-tique. Les 10 ans et plus sâamuseront bien en compagnie deDaphnĂ© et de sa tante un peu envahissante, de Yo en routepour un camp dâĂ©tĂ© qui sâannonce plutĂŽt moche, mais qui luirĂ©serve un incident faisant frissonner les plus courageux, et deLaurence,qui croit avoir rencontrĂ© lâamour de sa vie.La formulegagnante Ă laquelle sâajouteront dâautres titres dans la veine
des « pires » situations (Mon pire prof, Mon pire party, Ma pire gaffe) ne manquera pasde captiver les lecteurs par sa fraßcheur et sa fantaisie. SUSANE DUCHESNE
Bob et CieDelphine Durand, Le Rouergue, 64 p., 27,75 $
Bob et cie est un petit album de philosophie tout Ă fait irrĂ©sistible, un clin dâĆil intelligent sur le com-mencement du monde, oĂč sont personnifiĂ©s tousles grands Ă©lĂ©ments constituants. Au dĂ©but, il y a lenĂ©ant, incarnĂ© par le Grand Vide, qui attend tout lemonde : lâeau, la terre, le soleil et Bob lâhumain,Ă©videmment, qui se donne de plus en plus dâim-portance jusquâĂ ce que Dieu, « qui passait par lĂ
», en profite pour revendiquer son statut de crĂ©ateur. Et lâHistoire avec un grand Hsâinvente au fur et Ă mesure ! Lisez cet album avec vos enfants, câest une occasion enor pour les faire rĂ©flĂ©chir sur les grandes questions existentielles⊠Vous serez hilaresdu dĂ©but jusquâĂ la fin avec, en prime, le sentiment de faire quelque chose dâessen-tiel et de gratuit. BRIGITTE MOREAU
Lulu et le loup bleuDaniel Picouly (texte) & Frédéric Pillot (ill.),
Magnard, 32 p., 26,50 $Une autre aventure de lâattachante LuluVroumette. Lors dâune promenade en forĂȘt, ellefait la rencontre dâun grand loup bleu bien mal-heureux. Avec son air gentil et inoffensif, Loup-Bleu ne fait peur Ă personne ! Tous les habitantsde la forĂȘt rigolent sur son passage : mais que sepasse-t-il donc ? Le loup bĂ©gaie ! Pas trĂšssĂ©rieux au moment de pousser un cri terrifiantâŠ
Lulu aidera son ami le loup Ă gagner le respect des autres animaux, mais comment? Superbe texte teintĂ© dâhumour et magnifiquement illustrĂ©. ANNIE MERCIER
La Face cachée de LunaJulie Anne Peters, Milan, coll. Macadam, 369 p., 19,95 $
Deux enfants grandissent dans une famille ordinaire, maisle garçon est en rĂ©alitĂ© une fille ! Sa sĆur Regan peine Ă assumer sa propre identitĂ© avec ce frĂšre Ă lâĂ©troit dans soncorps de gars. La nuit, il sâen libĂšre pour devenir Luna, unefille qui nâa dâautre miroir que Regan pour exprimer sesimpossibles rĂȘves et la lourdeur du rĂŽle imposĂ© par les cel-lules parentale et sociale. Au fil dâefficaces retours en arriĂšre,le lecteur comprend le scaphandre psychologique danslequel les parents sont enfermĂ©s : impossible dâaccepter unfils transsexuel. Le drame est digne des tragĂ©dies classiques
avec cet archétype de la lune qui doit disparaßtre pour se retrouver dans toute sarondeur, sa lumiÚre, sa vie. Ne vous privez pas de vivre ce roman trÚs dense, qui nouséclabousse de superbes vérités. YOLANDE LAVIGUEUR
LâOeil dâOtolep :Les Mondes dâEwilan (t. 2)Pierre Bottero, Rageot Ăditeur, 334 p. 24,95 $
Ce deuxiĂšme tome de la seconde trilogie consacrĂ©e auxaventures dâEwilan nous ramĂšne en Gwendalavir. Ewilanest de retour Ă lâAcadĂ©mie pour devenir lâune desSentinelles qui protĂ©gera lâEmpire. Elle a maintenant 16ans, ses sentiments envers Salim sont troublĂ©s par lâap-parition de Liven, et elle est remise des mauvais traite-ments que lui a fait subir Elea Rilâ Morienval. Une nouvellemission lâappelle : avec ses compagnons, elle traverse lesmontagnes, le dĂ©sert dâOrou et la Mer des Brumes pouraller reconduire le jeune Illian Ă ses parents. Cependant,
une menace plane sur les habitants de Gwendalavir et Ewilan est particuliĂšrementen danger... On referme le livre Ă©mus et impatients dâen connaĂźtre la suite. Si vosados nâont pas encore lu les livres de Pierre Bottero, courez leur acheter le premiertome, Dâun monde Ă lâautre. MĂLANIE QUIMPER
le librairej o u r n a l d e l i b r a i r i e s i n d Ă© p e n d a n t e s
LE LIBRAIRE recherche un journaliste (contractuel) connaissant trÚs bien la littérature québécoise.
Tùches : entrevues avec des auteur(e)s d'ici / possibilité de rédaction d'articles.
CompĂ©tences requises : niveau collĂ©gial ou universitaire, 2 ans d'expĂ©riencecomme rĂ©dacteur ou journaliste (milieu littĂ©raire de prĂ©fĂ©rence), intĂ©rĂȘt marquĂ© pour la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise, bonne connaissance de la librairie (un atout), excellente maitrise du français, ponctualitĂ©, autonomie, grandedisponibilitĂ© et capacitĂ© Ă travailler sous pression et Ă distance.
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Seuls les candidats retenus seront contactés.
JOURNAL LE LIBRAIRE a/s HélÚne Simard286, rue Saint-Joseph Est, Québec QC G1K 3A9
Brigitte MoreauMONET
Suzanne DuchesneMONET
Annie MercierPANTOUTE
MĂ©lanie QuimperPANTOUTE
Yolande LavigueurMONET
40 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
le libraire CRAQUEBandes dessinées
le libraire BOUQUINEBandes dessinées
Le Pays tout en haut :Le Trio Bonaventure (t. 2)
Edith & Corcal, Delcourt, coll. Delcourt jeunesse, 32 p., 15,95 $Voici la suite trĂšs attendue (et rĂ©ussie !) du « TrioBonaventure », dont le premier tome, La Maison Jaune,a dĂ©jĂ remportĂ© une ribambelle de rĂ©compenses. Pource second album, Baltus, BĂ©nigne et BarnabĂ© dĂ©cou-vrent que lâimmeuble dans lequel ils habitent fut con-struit sur lâemplacement dâune forĂȘt magique oĂč vivaitautrefois le mythique peuple des Lupins. Avec lâaide dela concierge et de ses secrets, les trois frĂšres et sĆurs,revĂȘtus de lâuniforme des croisĂ©s, montent Ă lâassaut delâescalier sans fin menant Ă la vĂ©ritĂ©. Les auteurs Edith et
Corcal nous montrent une fois de plus jusquâoĂč lâimaginaire dĂ©bridĂ© de trois enfantspeut mener. Et câest avec beaucoup de plaisir que nous nous laissons entraĂźner dansce Pays tout en haut ! ĂRIC LACASSE
La Femme de trente ansAĂŻe ! Mademoiselle a trente ans : lâĂąge des grandesquestions. DĂ©mystification en rĂšgle des malheurs etangoisses de la maturitĂ©, Candeur et dĂ©cadence sâouvrepar cette cruelle comparaison entre la valeur ajoutĂ©esur le marchĂ© de la sĂ©duction de lâhomme vieillissantet celle, Ă©branlĂ©e, de la femme avançant en⊠expĂ©ri-ence. Pour cette nouvelle dissection Ă vif dâune cĂ©li-bataire bonne vivante, le trait dâEva Rollin est dâunerĂ©jouissante prĂ©cision. Hormones et humour au ren-dez-vous !
Nouveauté
MADEMOISELLE (t. 2) CANDEUR ET DĂCADENCE, Eva Rollin, Marchand de feuilles,coll. BonzaĂŻ, 181 p., 19,95 $
La Musique de Marie (t. 2)Usamaru Furuya, Casterman, coll. Sakka, 248 p., 20,95 $
Dans le premier tome de La Musique de Marie, on explo-rait des Ăźles paradisiaques dans lesquelles la notion de « mal » nâexistait pas. Cependant, cette paix ambiantecachait en rĂ©alitĂ© une sombre machination⊠Pour queplus jamais les ĂȘtres humains ne sâentredĂ©chirent, lesAnciens avaient mis en place une religion offrant unbonheur mĂ©canisĂ© : tous entendaient la musique deMarie et Ă©taient heureux. Un monde parfait. Mais lesAnciens avaient aussi prĂ©vu que tous les cinquante ansserait donnĂ© Ă un individu le choix de garder, ou non,son peuple dans cette pacifique lĂ©thargie. Tourner la clĂ©qui redĂ©marrera la boĂźte Ă musique pour un autre demi-
siĂšcle ? KaĂŻ devra dĂ©cider. En deux tomes seulement, une fable dâanticipation totale-ment maĂźtrisĂ©e. ĂRIC LACASSE
Ulice le lapinReutimann & Omond, Ăditions Paquet, 32 p., 20,95 $
Ulice le lapin entreprend un jour de faire pousser dansson jardin plein de bonnes choses, comme des « tarto-carotiers » ! Mais rien ne pousse par manque dâeau.Son voisin lui suggĂšre alors dâaller au marchĂ© sâacheterde petits nuages quâil pourra suspendre au-dessus deson jardin. Ce quâil fait. Mais, sur le chemin du retour,Ulice fait la rencontre dâune brochette de personnagesauxquels il viendra en aide grĂące ses petits nuages,dans une odyssĂ©e magnifique portant sur lâidĂ©e dupartage. Cette bande dessinĂ©e pour les premierslecteurs est aussi entiĂšrement muette, mais les imagesquâelle contient demandent Ă ĂȘtre explorĂ©es avec leplus grand soin. Un album plein de saveurs ! ĂRIC LACASSE
Poulet aux prunesMarjane Satrapi, LâAssociation, coll. Ciboulette, 88 p., 26,95 $
Devançant par une voix lâextraordinaire MariĂ©e par correspondance dâAlex Kalesniko, cet atypique rĂ©cit Ă tiroirs a Ă©tĂ© Ă©lu album de lâannĂ©e Ă AngoulĂȘme ! On yapprend dâemblĂ©e que le personnage principal, un musi-cien irascible, mourra dans sept jours. Lâhistoire sera donccelle de ses derniĂšres heures et rĂ©flexions, au traversdesquelles nous revivrons les Ă©vĂšnements du passĂ© de cetĂȘtre complexe et Ă©perdument passionnĂ©, qui lâont amenĂ©Ă se laisser mourir... Lâimagerie de lâauteur â reprĂ©senta-tions sobres et aplats noirs â est dĂ©pouillĂ©e mais Ă©loquente. Satrapi, qui prouve une fois de plus ses talentsde conteuse dans ce dĂ©paysant tableau des mĆurs iraniennes â oĂč la boulette dâopium remplace avantageusement le ritalin, confirme son statut de star dela bande dessinĂ©e ! ERIC BOUCHARD
3500 fois SpirouLâhebdomadaire de BD franco-belgeSpirou, fondĂ© il y a 67 ans,a fracassĂ© unrecord de longĂ©vitĂ© dans lâhistoire de lapresse le 11 mai dernier, alors que sor-tait en kiosque le 3500e numĂ©ro.ApprĂ©ciĂ© dâune gĂ©nĂ©ration Ă lâautre, lemagazine est connu pour les auteurs derenom qui signent des planches en sespages, et les crĂ©ateurs de talent quâil acontribuĂ© Ă faire dĂ©couvrir au fil dutemps. Une opĂ©ration promotionnelledâenvergure accompagnait lâĂ©vĂ©nement.
Cap sur Michel RisqueLes anciens lecteurs de Croc auront droit Ă une belle surprisecet Ă©tĂ© : la rĂ©impression, aux Ăditions de La PastĂšque, de lapremiĂšre aventure rocambolesque de Michel Risque, LeSavon malĂ©fique, suivie dans un avenir proche de MichelRisque en vacances et de Cap sur Poupoune (dessin :Jacques Godbout ; scĂ©nario : Pierre Fournier). Paruesdâabord dans les pages du magazine dâhumour quĂ©bĂ©cois,les pĂ©ripĂ©ties de Risque seront dorĂ©navant publiĂ©es Ă LaPastĂšque,et totaliseront 14 albums.Qui ne se souvient pasdu naĂŻf Risque, parodie des hĂ©ros virils Ă grosse mĂąchoirecarrĂ©e dans le style James Bond et Bob Morane, de la rondelettePoupoune,son grand amour,ou du rouquin Red Ketchup,le violent agent du F.B.I. ?La renaissance de ce hĂ©ros constitue un Ă©vĂ©nement BD de taille !
BrĂšves de BDPlutĂŽt discret avant son grand retour avec MĂ©moire morte, LeDessin et La 2 333e dimension, qui ont confirmĂ© sa positionde fabuliste dâavant-garde, Marc-Antoine Mathieu estaujourdâhui au sommet de sa forme. LâAscension et autres rĂ©-cits (qui comprend une histoire dâabord publiĂ©e chezAutrement) est son premier recueil dâhistoires brĂšves. En 5pages comme en 100, le crĂ©ateur, depuis toujours attirĂ© parles expĂ©rimentations formelles au parfum onirique,surprend et dĂ©montre que son imaginaire ne sâĂ©puise nulle-ment. Du bonbon pour les amateurs de noir et blanc quiaiment mettre au dĂ©fi leur esprit cartĂ©sien.
Nouveauté
LâASCENSION ET AUTRES RĂCITS, Marc-Antoine Mathieu, Delcourt, 58 p. Ă paraĂźtre prochainement.
Des anges dans nos campagnesDe 1958 Ă 2004, des Cantons-de-lâEst Ă lâĂle dâOrlĂ©ans en passant par MontrĂ©al, Jean-Louis Tripp nous prĂ©sente le des-tin de personnages attachants, qui doivent composer avec lesvicissitudes de lâamour et du temps qui passe. Heureusement,des anges veillent sur eux.Tripp (Le Nouveau Jean-Claude), quiconnaĂźt le QuĂ©bec puisquâil y a sĂ©journĂ© en 2004, livre unalbum atypique dans sa forme (Paroles dâanges ne contient,ironiquement, aucun dialogue), mais aussi fort rĂ©ussi dansson ton, rempli de tendresse et dâamertume. Un bel hom-mage au QuĂ©bec de la part dâun bĂ©dĂ©iste nĂ© de lâautre cĂŽtĂ©de lâAtlantique.
Nouveauté
PAROLES DâANGES, Jean-Louis Tripp & Alexandra Carrasco, GlĂ©nat,coll. La loge noire, 56 p., 21,95 $
Ăric LacasseMONET
Eric BouchardMONET
le libraire âą JUILLET-AOĂT 41
Et pourtant, la critique sur la BD Ă©vacue trop sou-vent cette dimension du mĂ©dium. Les images seprĂȘteraient-elles mal au discours ? Pourtant, his-toire de lâart, graphisme, publicitĂ© et psychologiesâen chargent depuis un bon siĂšcle. Quand on saitquâun cinquiĂšme de la population quĂ©bĂ©coise estanalphabĂšte fonctionnelle, doit-on sâinquiĂ©terdavantage de sa proportion dâanicĂŽnĂštes1, quiempirera sans doute aprĂšs que lâon ait sabrĂ© dansces matiĂšres scolaires superflues que sont lescours dâarts ? Pourtant, dans un univers oĂč cha-cun est bombardĂ© dâimages, ne devrait-on passonger Ă dĂ©velopper le sens critique des popula-tions ? Refaisons nos classes en compagnie dequelques auteurs classiquesâŠ
Traits dâesprit
On connaĂźt la ligne claire dâHergĂ©, ce traithomogĂšne cernant toute forme sur un mĂȘmeplan en deux dimensions, ou encore la lignecrade de Reiser ! On connaĂźt aussi le style atomede lâĂ©cole de Marcinelle (Franquin, Tillieux), untrait dynamique cĂ©lĂ©brant le culte futuriste desannĂ©es 50. En somme, il y a autant de types de traitsque dâĂ©critures ; Jean-ClaudeForest, reconnu Ă juste titrecomme lâun des grands cal-ligraphes de la profession, vientde faire lâobjet dâune Ă©logieusemonographie2. Car non seule-ment cet Ă©crivain inventif auxscĂ©narios surrĂ©alistes est lâinsti-gateur de la BD adulte(Barbarella, 1962), mais ilreprĂ©sente aussi lâun despinceaux les plus Ă©nergiques !Avec son rĂ©alisme stylisĂ©, ses
Ă lire les journaux culturels, on croirait que le mĂ©dium nâa dâimportance que pour lethĂ©Ăątre ou la littĂ©rature, oĂč on se fait un devoir de traiter de mise en scĂšne ou de style.Mais pour les mĂ©diums de narration visuelle tels le cinĂ©ma ou la bande dessinĂ©e, on seborne souvent Ă rĂ©sumer une histoire, sans une ligne sur lâapproche visuelle. Il est vraiquâau cinĂ©ma, lâesthĂ©tique « rĂ©aliste » est devenue la norme : films en noir et blanc oumuets jugĂ©s dĂ©passĂ©s, cinĂ©ma dâanimation confinĂ© au public jeunesse, etc. En cela, labande dessinĂ©e exprime pleinement sa diversitĂ© : hormis les innombrables sĂ©ries dâac-tion au dessin formatĂ© singeant le cinĂ©ma amĂ©ricain, la variĂ©tĂ© des styles graphiquessâavĂšre infinie !
pleins et dĂ©liĂ©s dâune grande beautĂ© plastique et sontraitement des phylactĂšres, parfaitement intĂ©grĂ©s auxcompositions des cases, ce prĂ©curseur connaĂźt actuelle-ment une importante reconnaissance, avec les rĂ©Ă©di-tions posthumes de ses Ćuvres chez Casterman et Ă LâAssociation, ces derniers nous offrant la version dĂ©fini-tive de sa libre adaptation de LâĂle mystĂ©rieuse de JulesVerne3.
Couleur jazz
Chaque case de Loustal est un tableau, une photo, unarrĂȘt du temps, immanquablement ancrĂ© dans la plage,le silence, les femmes, la musique, lâincommunicabilitĂ©et les grosses voitures amĂ©ricaines, ce dont la couver-ture de La Nuit de lâalligator4 est une parfaite synthĂšse !Cette compilation dâhistoires courtes, rĂ©alisĂ©es surlâensemble de la carriĂšre de lâauteur, nous offre unepalette de styles excessivement variĂ©s, allant du noir etblanc hachurĂ© Ă lâaquarelle dĂ©lavĂ©e, puis au style plusdirect adoptĂ© ces derniĂšres annĂ©es, formes brutes cer-clĂ©es dâun trait vif et Ă©pais. Et toujours chez Loustal,cette inimitable qualitĂ© de lumiĂšre et dâambiance, tou-jours ce mariage inusitĂ© de lâimage silencieuse et dutexte off, offrant deux vues dĂ©calĂ©es du mĂȘme instant,
se mariant en uneétonnante palette desens. La majorité destextes sont signésParingaux, ce quinous rappelle legénial Barney et lanote bleue5.
Lâas de lâellipse
Lâindispensable collection « Classiques » deCasterman sâenrichit de lâĂ©dition intĂ©grale des troistomes du QuĂ©quette blues de Baru6. Cette premiĂšreĆuvre de lâauteur, introuvable depuis des annĂ©es,livre le rĂ©cit Ă©mouvant et partiellement auto-biographique de la vie quotidienne dâadolescentsissus de la classe ouvriĂšre française dans les annĂ©es50. Lâinimitable style de Baru (et ses tronchesmĂ©morables !), est renforcĂ© par de fortes qualitĂ©snarratives : lâauteur fait partie de ceux qui font tra-vailler le lecteur par des ellipses brutales etmaĂźtrisĂ©es. Ce dispositif sâĂ©-tait avĂ©rĂ© particuliĂšrementefficace dans le magnifiqueChemin de lâAmĂ©rique7, fulgu-rante ascension dâun boxeuralgĂ©rien dĂ©chirĂ© entre laFrance et son pays lors de laguerre dâindĂ©pendance.
Par Eric Bouchard, librairie Monet
Bandes dessinées
Pour aller plus loin :Lire la bande dessinée, Benoßt Peeters,
Flammarion, coll. Champs, 194 p., 13,95 $
1. CalquĂ© sur « analphabĂšte » : ne sachant pas lire les images.2. LâArt de Jean-Claude Forest, Philippe LefĂšvre-Vakana,
Ăditions de lâAn 2, 163 p., 59,95 $3. MystĂ©rieuse matin, midi et soir, Jean-Claude Forest,
LâAssociation, coll. Ăperluette, 68 p., 29,95 $4. La Nuit de lâalligator, Loustal, Paringaux & Villard, Casterman, 110 p., 31,95 $
5. Barney et la note bleue, Loustal & Paringaux, Casterman, 88 p., 27,95 $6. Quéquette blues, Baru, Casterman, coll. Classiques, 152 p., 39,95 $
7. Le Chemin de lâAmĂ©rique, Baru, Casterman, 47 p., 15,95 $
La voix des images
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BibliothÚque de VarennesBibliothÚque de VerdunBibliothÚque du Vieux-QuébecBibliothÚques de la Ville de Montréal(succursales Ahuntsic,Cartierville,Salaberry,etc.)BibliothÚques de la Ville de Trois-RiviÚresCRSBP (à travers la province)
Institutions scolairesCollĂšge dâAlmaCollĂšge de ChicoutimiCollĂšge de JonquiĂšreCollĂšge Saint-FĂ©licienCollĂšge des JĂ©suitesLycĂ©e du SaguenayUniversitĂ© du QuĂ©bec Ă Chicoutimi
Commissions scolairesCommission scolaire de JonquiĂšreCommission scolaire des Rives-du-SaguenayCommission scolaire de la Baie-James
AutresThĂ©Ăątres,boutiques et galeries dâart,salles de spectacle,cafĂ©s,restaurants,musĂ©es,SAQ,Alcan,gouvernement duQuĂ©bec,Maisons de la culture,etc.
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COLLĂGE FRANĂOIS-XAVIER-
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Québec (Québec) G1S 4S3Tél. : (418) 681-8134
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J2G 3N1Tél. : (4185) 372-8895Téléc. : (450) 672-4511
COLLĂGE JEAN-DE-BRĂBEUF
5625, avenue DecellesMontréal (Québec)
Tél. : (514) 342-3665Téléc. : (514) 342-0118
LIBRAIRIE DU CENTRE DU QUĂBEC287, rue Lindsay
Drummondville (Québec) J2B 1G2Tél. : (819) 478-1395
Téléc. : (819) 478-1398
Centre commercial Le Village2, chemin de l'Ăquerre
Baie Saint-Paul (Québec) G3Z 2Y5Tél. : (418) 435-5432
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Val-dâOr (QuĂ©bec) J9P 1S8TĂ©l. : (819) 824-3808
Téléc. : (819) 824-3322
Vous dĂ©sirez distribuer le libraire ?Vous ĂȘtes propriĂ©taire ou gĂ©rant(e) dâune librairie et vous aimeriez que votre clientĂšle puisse
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Au plaisir de vous compter parmi nous !
21, rue Saint-PierreRimouski (Québec) G5L 1T2
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44 le libraire âą JUILLET-AOĂT 2005
Ă©pilogueLes Correspondances dâEastmanParrainĂ©e par Louise Portal, la troisiĂšme Ă©dition des Correspondances dâEastman sedĂ©roulera du 18 au 21 aoĂ»t prochains. Le thĂšme de cette annĂ©e est le rĂȘve. Outre lepopulaire circuit des « Chambres dâĂ©criture », vous pourrez profiter des nom-breuses lectures-spectacles, des cafĂ©s et des pique-niques littĂ©raires. Une soixantainedâĂ©crivains, de comĂ©diens et de musiciens y prendront part. Le calendrier completdes activitĂ©s est disponible depuis le 6 juin au www.lescorrespondances .ca.
Les Bouquinistes du Saint-LaurentLe rendez-vous estival par excellence pour les lecteurs ! InspirĂ©e par le 100e anniver-saire de naissance de Jean-Paul Sartre, la 14e tournĂ©e des Bouquinistes du Saint-Laurent prendra cette annĂ©e lâitinĂ©raire suivant : MontrĂ©al (du 16 juin au 10 juillet,Quai du Vieux Port), QuĂ©bec (du 15 juillet au 7 aoĂ»t, terrasse Dufferin), Gatineau (du19 au 22 aoĂ»t, Place de la Francophonie) et Ottawa (du 26 au 29 aoĂ»t, canal Rideau,prĂšs des Ă©cluses). Le romancier Dany LaferriĂšre a acceptĂ© la prĂ©sidence dâhonneurde lâĂ©vĂ©nement, qui regroupe libraires et antiquaires du livre. Pour dĂ©couvrir deslivres du monde dâhier et dâaujourdâhui ! Infos : [email protected]
La Promenade des Ă©crivainsDepuis six ans, La Promenade des Ă©crivains offre aux visiteurs fĂ©rus de littĂ©ratureune balade sur les pas des auteurs ayant dĂ©crit la ville de QuĂ©bec. Deux itinĂ©rairessont dĂ©sormais proposĂ©s : « Histoires dâarbres, de ruelles et de montagnes » et « QuĂ©bec, ville verticale ». PlacĂ©e sous la houlette de lâĂ©crivain et professeur de littĂ©rature Marc Rochette, lâĂ©quipe des Promenades⊠est complĂ©tĂ©e par ArleenThibault, auteure et conteuse, de mĂȘme que par Julie Lebrun, membre du Cercle desConteurs de QuĂ©bec. CoĂ»t dâune promenade : 15 $par personne (Ă©tudiant : 8 $).DĂ©parts : mercredi Ă 18 h et samedi Ă 11 h. Pour les groupes de 5 Ă 15 personnes,des promenades supplĂ©mentaires peuvent ĂȘtre organisĂ©es sur rĂ©servation, tous lesjours de la semaine, de 10 h Ă 18 h. Information et rĂ©servations : (418) 264-2772 /[email protected] / www.promenade-ecrivains.qc.ca
Camp littĂ©raire FĂ©lix : dernier appel !Les poĂštes et romanciers en herbe ou ayant un projet en chantier doivent se hĂąter pourprofiter des ateliers dâĂ©criture du Camp littĂ©raire FĂ©lix qui,depuis sa fondation en 1990,est« vouĂ© au dĂ©veloppement dâune relĂšve littĂ©raire quĂ©bĂ©coise et francophone ».Pas moinsde six formations animĂ©es par des auteurs chevronnĂ©s, entre autres Normand deBellefeuille,Yolande Villemaire,Yvon ParĂ© et Aude, sont offertes cette annĂ©e Ă lâHĂŽtel de laPlage, Ă Notre-Dame-du-Portage, non loin de RiviĂšre-du-Loup. Les ateliers dĂ©butent auxalentours du 20 aoĂ»t, et se poursuivent jusquâĂ fin octobre. Exceptionnellement, un sep-tiĂšme atelier est donnĂ© Ă JonquiĂšre par Jean Pierre Girard. Les durĂ©es varient (entre 2 et 5 jours) et les coĂ»ts, qui comprennent lâhĂ©bergement, les repas et les ateliers,vont de 400 $ Ă 1000 $. Infos : formulaire en librairie, (418) 856-5353 ou surwww.pages.globetrotter.net/camplitterairefelix
BD MontrĂ©al : pour les auteurs et pour le rire !Le Salon du livre de MontrĂ©al (SLM) et le festival Juste pour rire lancent BDMontrĂ©al. Du 14 au 24 juillet, un immense chapiteau abritera une quarantaine destands dâĂ©diteurs quĂ©bĂ©cois, belges, français et canadiens. Seront donc offerts auxbĂ©dĂ©philes de nombreux albums, en plus dâateliers et de dĂ©dicaces, de rencontres etde confĂ©rences. La crĂšme des bĂ©dĂ©istes quĂ©bĂ©cois sera prĂ©sente, de mĂȘme que laplupart des Ă©diteurs quĂ©bĂ©cois et Ă©trangers possĂ©dant un fonds en bande dessinĂ©e.La directrice du SLM, Mme Francine Bois, et Mme Luce Rozon, vice-prĂ©sidente duFestival, se disent trĂšs heureuses de cette association. La premiĂšre Ă©dition est placĂ©esous la prĂ©sidence dâhonneur du QuĂ©bĂ©cois Jean-Paul Eid, collaborateur au dĂ©funtmagazine Croc, crĂ©ateur de JĂ©rĂŽme Bigras, ce banlieusard qui ne se sĂ©pare jamais desa tondeuse Ă gazon et, plus rĂ©cemment, auteur de Scaphandre 8 et Le NaufragĂ© deMemoria (Mille-Ăles/400 coups). Câest un rendez-vous !
Socadis, 420, rue Stinson, Saint-Laurent, Qc, H4N 3L7
Socadis, distributeur de livres pour le Canada, est Ă la recherche dâun(e)agent(e) administratif(ive) aux ventes et approvisionnements. La personnedevra en autre planifier les promotions, les achats et gĂ©rer les communica-tion avec les Ă©diteurs.
Les compétences requises sont ; minimum secondaire V, le CEGEP est unatout, connaßtre le marché du livre et les programmes Ms-Excel et Outlook.
Si lâoffre vous intĂ©resse, veuillez nous faire parvenir votre C.V. par tĂ©lĂ©copieur au 514 331-8202, avant le 30 juin 2005.
ErratumDans le numĂ©ro dâavril 2005âŠ
Âź Le commentaire de CĂ©line Bouchard sur Va je ne sais oĂč, chercher je ne sais quoi, unrecueil de contes russes publiĂ© aux Ăditions Jacques Grancher, aurait dĂ» ĂȘtre classĂ© en lit-tĂ©rature Ă©trangĂšre, non pas en littĂ©rature jeunesse.Âź Les textes de lâalbum pour la jeunesse intitulĂ© Poil de serpent, dent dâaraignĂ©e (Prix duGouverneur gĂ©nĂ©ral 1997, illustrations de StĂ©phane Poulin), sont de Danielle Marcotte, etnon de Dominique Demers. Nos excuses Ă lâauteure et aux Ă©ditions Les 400 coups.
QuĂ©bĂ©cois et canadiens :Gilles Pellerin, Prix de crĂ©ation littĂ©raire 2005 Ville de QuĂ©bec/Salon international du livre deQuĂ©bec, littĂ©rature adulte pour Ă (i trĂ©ma) (Lâinstant mĂȘme).Jean Lemieux, Prix de crĂ©ation littĂ©raire 2005 Ville de QuĂ©bec/Salon international du livre deQuĂ©bec, littĂ©rature jeunesse pour Le Fil de la vie (La courte Ă©chelle).François Avard, Grand Prix littĂ©raire Archambault pour Pour de vrai (Libre Expression).StĂ©phane Dompierre, Grand Prix de la relĂšve littĂ©raire Archambault pour Un petit pas pourlâhomme (QuĂ©bec AmĂ©rique).Anique Poitras, Prix Chronos Vacances pour Isidor Suzor (Dominique et compagnie).Anne Villeneuve, Prix Illustration jeunesse catĂ©gorie album (Salon du livre de Trois-RiviĂšres)pour Me voilĂ ! Mon album de bĂ©bĂ© (Hurtubise HMH).StĂ©phane Poulin, Prix de lâillustration Elizabeth Mazrik-Cleaver pour Un chant de NoĂ«l(Dominique et compagnie).Micheline Lachance, Grand Prix du livre de la MontĂ©rĂ©gie (1er prix) pour Lady Cartier (QuĂ©becAmĂ©rique).Lise Blouin Prix Prince-Maurice du roman dâamour pour LâOr des fous (Triptyque).HĂ©lĂšne Vachon, Prix Communications et SociĂ©tĂ© pour LâOiseau de passage (Dominique etcompagnie).Lucie Papineau & Marisol Sarrazin, Prix Communications et SociĂ©tĂ© pour PĂ©pin le pingouin(Dominique et compagnie).Antonio dâAlfonso, Prix Trillium 2004 pour Un vendredi du mois dâaoĂ»t (LemĂ©ac).Pierre HĂ©bert, Prix Gabrielle-Roy pour Censure et littĂ©rature au QuĂ©bec (Fides).Kim DorĂ©, Prix Ămile-Nelligan pour Le Rayonnement des corps noirs (PoĂštes de brousse).Jean-Paul Eid,Prix BĂ©dĂ©lys QuĂ©bec pour LâAbĂźme :Les NaufragĂ©s de Memoria (t.2) (Les 400 coups).Festival international de poĂ©sie de Trois-RiviĂšres, Prix Hector-Fabre, pour sa contribution aurayonnement international de la Mauricie.
Ătrangers :
Marjane Satrapi, Prix du meilleur album du Festival international de la bande dessinĂ©edâAngoulĂȘme pour Poulet aux prunes (LâAssociation).Georges Wolinski, Grand Prix dâAngoulĂȘme pour lâensemble de son Ćuvre.Michel Winock, Prix Montaigne pour La France et les Juifs : De 1789 Ă nos jours (Seuil).Philippe Geluck, Prix de lâAcadĂ©mie Alphonse-Allais pour la sĂ©rie « Le Chat » (Casterman).Amos Oz, Prix Goethe pour lâensemble de son Ćuvre (Gallimard).Guibert, Lefevre & Lemercier, Prix BĂ©dĂ©lys dâOr pour Le Photographe (Dupuis).JoĂ«l Egloff, Prix du livre Inter, pour LâĂtourdissement (Buchet-Chastel).
Jean Barbe, Prix des libraires du QuĂ©bec volet « QuĂ©bec »pour Comment devenir un monstre (LemĂ©ac).Carlos Ruiz ZafĂłn,Prix des libraires du QuĂ©bec volet « Hors QuĂ©bec »pour LâOmbre du vent (Grasset).
Les lauréats
Les rendez-vous