en entrevue le libraire - revue les libraires

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PANTOUTE L I B R A I R I E juillet-aoĂ»t 2005 ‱ n o 29 le libraire journal de librairies indĂ©pendantes postes-publications 40034260 Le libraire d’un jour GÉRARD BOUCHARD GÉRARD BOUCHARD TOM GILLING TOM GILLING NOËL AUDET NOËL AUDET BIMESTRIEL GRATUIT Photo © Idra Labrie / Perspective Photo Jardinage, plein air et tourisme LE JARDIN DE BERTRAND DUMONT DÉCOUVRIR LES PARCS QUÉBÉCOIS Biographies AUJOURD’HUI, ON MANGE BIO Polars et thrillers ÉLÉMENTAIRE, MON CHER SHERLOCK Science-fiction et fantastique DES NOUVELLES DE L'IMAGINAIRE ALEC COVIN : L'OMBRE DES LOUPS Portrait d'Ă©diteur SCIENCES ET CULTURE : BOUILLON D'UN SUCCÈS LE JARDIN DE BERTRAND DUMONT DÉCOUVRIR LES PARCS QUÉBÉCOIS AUJOURD’HUI, ON MANGE BIO ÉLÉMENTAIRE, MON CHER SHERLOCK DES NOUVELLES DE L'IMAGINAIRE ALEC COVIN : L'OMBRE DES LOUPS SCIENCES ET CULTURE : BOUILLON D'UN SUCCÈS LE TOUR DU MONDE DE TARAS GRESCOE LE TOUR DU MONDE DE TARAS GRESCOE En entrevue

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Page 1: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

PANTOUTEL I B R A I R I E

juillet-aoĂ»t 2005 ‱ no 29

le librairej o u r n a l d e l i b r a i r i e s i n d Ă© p e n d a n t e s p o s t e s - p u b l i c a t i o n s 40034260

Le libraire d’un jour

GÉRARD BOUCHARDGÉRARD BOUCHARD

TOM GILLINGTOM GILLINGNOËL AUDETNOËL AUDET

BIMESTRIEL GRATUIT

Ph

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Jardinage, plein air et tourismeLE JARDIN DE BERTRAND DUMONTDÉCOUVRIR LES PARCS QUÉBÉCOIS

BiographiesAUJOURD’HUI, ON MANGE BIO

Polars et thrillersÉLÉMENTAIRE, MON CHER SHERLOCK

Science-fiction et fantastiqueDES NOUVELLES DE L'IMAGINAIREALEC COVIN : L'OMBRE DES LOUPS

Portrait d'éditeurSCIENCES ET CULTURE :BOUILLON D'UN SUCCÈS

LE JARDIN DE BERTRAND DUMONTDÉCOUVRIR LES PARCS QUÉBÉCOIS

AUJOURD’HUI, ON MANGE BIO

ÉLÉMENTAIRE, MON CHER SHERLOCK

DES NOUVELLES DE L'IMAGINAIREALEC COVIN : L'OMBRE DES LOUPS

SCIENCES ET CULTURE :BOUILLON D'UN SUCCÈS

LE TOUR DU MONDE DETARASGRESCOE

LE TOUR DU MONDE DETARASGRESCOE

En entrevue

Page 2: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

Collaborateurs et collaboratrices :– Librairie Pantoute : ISABELLE LEBLANC-BEAULIEU, YOHAN MARCOTTE, ANNIE MERCIER,

CHARLES QUIMPER, MÉLANIE QUIMPER, ÉRIC SIMARD, MATHIEU SIMARD, CHRISTIANVACHON

– Librairie ClĂ©ment Morin : RENÉ PAQUIN, JOHANNE VADEBONCOEUR, JACQUELINE CHAVIGNOT

– Librairie Les Bouquinistes : JACYNTHE DALLAIRE, MARIE-BELLE GIRARD, JOSIANERIVERIN-CLOUTÉE

– Librairie Monet : FRANÇOIS BOUTIN, SUSANE DUCHESNE, MATISSE GODIN-CONSTANT,ÉRIC LACASSE, YOLANDE LAVIGUEUR, BRIGITTE MOREAU, JEAN-PHILIPPE PAYETTE

Chroniqueurs : JOCELYN COULON, LAURENT LAPLANTE, ROBERT LÉVESQUE, ANTOINE TANGUAY

Collaborateurs spéciaux : PIERRE BLAIS, FRANCINE BORDELEAU, GENEVIÈVE THIBAULTCorrection et révision linguistique : YANN ROUSSET

Conception graphique et montage : KX3 COMMUNICATION inc.Photo (couverture) : IDRA LABRIE / PERSPECTIVE PHOTO

PublicitĂ© : HÉLÈNE SIMARDImpression : PUBLICATIONS LYSAR, courtierDate de publication : 20 juin 2005, volume 8 no 29Calendrier de publication : fĂ©vrier, avril, juin, septembre, octobre, dĂ©cembre.

Le Libraire n’est pas responsable des opinions Ă©mises par ses collaborateurs et chroniqueurs.

Volume 8, no 29Juillet-août 2005

Journal de librairies indépendantesLe Libraire est un journal bimestriel publié par leslibrairies Pantoute (Québec), Clément Morin (Trois-RiviÚres), Les Bouquinistes (Chicoutimi), Le Fureteur(Saint-Lambert), Monet (Montréal)

Une production deL’ASSOCIATION POUR LA PROMOTIONDE LA LIBRAIRIE INDÉPENDANTE (APPLI)Directeur de la publication : DENIS LEBRUNRĂ©dacteur en chef : STANLEY PÉANCoordonnatrice-rĂ©dactrice adjointe : HÉLÈNE SIMARDAssistant Ă  la rĂ©daction : ANTOINE TANGUAYÉdimestre : MATHIEU SIMARDWebmestre : DANIEL GRENIER

ComitĂ© de rĂ©daction : PASCALE RAUD (Pantoute), LINALESSARD (Les Bouquinistes), MICHÈLE ROY (Le Fureteur),JEAN MOREAU (ClĂ©ment Morin), ÉRIC BOUCHARD (Monet)

PROLOGUEÀ l’ordre du jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

LITTÉRATURE QUÉBÉCOISELa vie, en dĂ©pit de tout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7NoĂ«l Audet : Le vol arrĂȘtĂ© . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9

EN ÉTAT DE ROMANIrĂšne NĂ©mirovsky, Ă©crivaine de nulle part . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

LE LIBRAIRE D’UN JOURGĂ©rard Bouchard : La recherche du temps perdu . . . . . . . . . . . . . . 12

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRELes faussaires sont parmi nous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Tom Gilling : DĂ©fier la gravitĂ© . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

ESSAIS ET DOCUMENTSAh ! les journalistes ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

DANS LA POCHELectures de plage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

PORTRAIT D’ÉDITEURSciences et culture : Bouillon de poulet pour l’ñme... . . . . . . . . . 23

L’ÉDITION ET LES BEST-SELLERS :LE SUCCÈS EST DANS L’AIR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24 à 31

LE MONDE DU LIVREDon Quichotte ou l’édifice ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32

BIOGRAPHIESAujourd’hui, on mange bio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

POLARS ET THRILLERSSherlock Holmes: EnquĂȘte ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

SCIENCE-FICTION ET FANTASTIQUEDes nouvelles de l’imaginaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36Alec Covin : L’ombre des loups . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

JARDINAGEBertrand Dumont et l’horticulture Ă©cologique . . . . . . . . . . . . . . . . 39

TOURISMETaras Grescoe: C’est oĂč, le bout du monde ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

PLEIN AIRAux quatre coins du Québec... LA NATURE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

LITTÉRATURE JEUNESSEAbĂ©cĂ©daires : Nouvelle vague ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

BANDES DESSINÉESLa voix des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

ÉPILOGUEActivitĂ©s estivales et quelques rĂ©cents laurĂ©ats . . . . . . . . . . . . . . 52

Le Libraire286, rue Saint-Joseph EstQuĂ©bec (QuĂ©bec) G1K 3A9TĂ©l. : (418) 692-5421TĂ©lĂ©c. : (418) 692-1021Courriel : [email protected] : 1481-6342Envoi de poste publication : 40034260

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Le Libraire est subventionné par leConseil des Arts du Canada et la SODEC.

SOMMAIRE

le libraire

Le saviez-vous ? Il paraĂźt que la lecture, la littĂ©rature et, par extension, la culture seraient deretour au palmarĂšs des prioritĂ©s de nos dirigeants
 La nouvelle a de quoi rĂ©jouir, si bienque j’en oublie mon scepticisme usuel. D’ailleurs, lors de son discours prononcĂ© le jour del’ouverture de la Grande BibliothĂšque du QuĂ©bec, le premier ministre Charest ne tarissaitpas d’éloges sur les artisans de la culture quĂ©bĂ©coise, dont les Ă©crivaines et Ă©crivains, quiseraient au centre des prĂ©occupations du prĂ©sent gouvernement, et sur ce temple « oĂčde nombreux QuĂ©bĂ©cois et QuĂ©bĂ©coises viendra (sic) s’illuminer. »

Traitez-moi de naïf si le cƓur vous en dit, mais je joue le jeu.

J’accepte de croire que l’administration qui a inaugurĂ© le magnifique Ă©difice au coin deMaisonneuve et de Berri a vraiment la littĂ©rature et la culture Ă  cƓur.

Oublions qu’en deux ans l’actuel gouvernement a mis Ă  mal toute l’écologie du milieu culturelen gĂ©nĂ©ral et l’industrie du livre en particulier. Oublions que ces gens ont saignĂ© librairies,salons du livre,bibliothĂšques scolaires et publiques,que la ministre de la Culture n’a mĂȘme pasdaignĂ© rĂ©pondre Ă  la lettre que lui adressait en novembre dernier une coalition d’écrivains, delibraires et d’éditeurs, sur la nĂ©cessitĂ© de discipliner les pratiques commerciales dans le milieudu livre.Oublions que ce refus de faire montre d’une volontĂ© politique ferme dans ce domaineouvre grand la porte Ă  des transactions douteuses,comme la rĂ©cente et sauvage prise de con-trĂŽle par le groupe Renaud-Bray de Tome Un, librairie indĂ©pendante bien Ă©tablie de la rive sudde QuĂ©bec. Oublions qu’un tel geste confirme les craintes de tous et chacun sur les vellĂ©itĂ©sexpansionnistes de la chaĂźne de librairies, qui semble rĂ©solue Ă  s’accaparer le marchĂ© desventes institutionnelles hors MontrĂ©al. Oublions la quasi faillite du groupe Renaud-Bray en1996 et ses rĂ©percussions catastrophiques sur l’ensemble du milieu. Oublions aussi, tant qu’àfaire, que de telles pratiques vont Ă  l’encontre de la philosophie du Fonds de solidaritĂ© de laFTQ qui a sauvĂ© Renaud-Bray de la faillite en investissant massivement dans l’entreprise.

Des broutilles, tout ça ! En cette annĂ©e oĂč notre mĂ©tropole a Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e Capitale mondialedu livre, Jean Charest, dont on serait bien curieux de connaĂźtre les livres de chevet, l’a dĂ©clarĂ©avec toute la sincĂ©ritĂ© dont on le sait capable : la culture quĂ©bĂ©coise, notre littĂ©rature et sesartisans sont au centre de ses prĂ©occupations


Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, pas vrai ?

Il ne reste plus qu’à dĂ©cider du titre des livres que nous emmĂšnerons pour les vacances


Nos suggestions s’articulent selon les rubriques habituelles. D’abord, il y a les conseils de notre libraire d’un jour, l’historien, sociologue et romancier GĂ©rard Bouchard. Viennent aussinos rencontres avec des Ă©crivains et essayistes d’ici (NoĂ«l Audet, Alberto Manguel, TarasGrescoe) ou d’ailleurs (Tom Gilling, Alec Covin).Et puis, il y a notre dossier sur le best-seller,unenotion qui Ă  la fois sĂ©duit et inquiĂšte. Sans oublier les chroniques et articles sur les littĂ©raturesquĂ©bĂ©coise et Ă©trangĂšre, le polar, la science-fiction, le monde du livre et, belle saison oblige, lejardinage, la nature et autres plaisirs estivaux, sans oublier les recommandations de noslibraires partenaires.

Comme quoi, chez nous, lecture et littĂ©rature ont toujours Ă©tĂ© Ă  l’ordre du jour. Heureux desavoir que nous sommes dĂ©sormais dans l’air du temps


Stanley Péan, rédacteur en chef

À l’ordre du jour

Nous reconnaissons l’appui financier du gou-vernement du Canada par l’entremise duProgramme d’aide au dĂ©veloppement de l’in-dustrie de l’édition (PADIÉ) pour ce projet.

Prologue

le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2

Page 3: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

le libraire BOUQUINELittérature québécoise

Le serment d’Hippocrate Le Moyen Âge ne fut pas que l’affaire des chevaliers et desseigneurs ; les mĂ©decins et les universitaires ont aussi façonnĂ©cette Ă©poque...Montpellier,vers 1230.ÉlevĂ©e comme un garçon, lajeune Auralie bouleverse les conventions en entrant Ă  l’école demĂ©decine. Suivre son destin n’est pas aisĂ©, mais la belle Ă©tudiantetrouve le rĂ©confort dans ses jardins, oĂč elle cultive avec un Ă©galsavoir-faire plantes curatives et amour courtois
 Dans ce sixiĂšmeroman, Maryse Rouy s’attarde Ă  la domination masculine par lebiais du savoir mĂ©dical et des institutions universitaires.

NouveautĂ© LES JARDINS D’AURALIE,Maryse Rouy, QuĂ©bec AmĂ©rique, coll. Tous continents, 240 p., 24,95 $

Triade amoureuse L’Italie des annĂ©es 80, troublĂ©e par les Brigades rouges, lesgrĂšves et les attentats nĂ©ofascistes, reste cependant fidĂšle Ă elle-mĂȘme, avec ses paysages champĂȘtres et son soleil cares-sant. C’est dans ce dĂ©cor composĂ© d’extrĂȘmes que LouisLefebvre, aussi rĂ©putĂ© pour ses travaux en Ă©thologie que pourson Ɠuvre littĂ©raire (Le Collier d’Hurracan, Guanahani,Table rase),campe l’histoire de Jean-François, gĂ©nĂ©ticien quĂ©bĂ©cois en con-fĂ©rence Ă  Bologne qui, au hasard des trains, tente de trouver lessignes qui donneront Ă  un sens Ă  sa vie.

NouveautĂ© LE TROISIÈME ANGE À GAUCHE,Louis Lefebvre, BorĂ©al, 268 p., 22,95 $

Sur la lune en vĂ©lo « 5-Fu » est le nom de la chimiothĂ©rapie suivie par PierreGagnon. Son livre, dont la couverture est signĂ©e Rabagliati, estconstituĂ© de textes brefs, d’une longueur qui varie d’une seuleligne Ă  une vingtaine. Y sont rapportĂ©es les observations de l’au-teur, qui dĂ©peint avec malice et mesure l’expĂ©rience de son traite-ment contre le cancer. Les petits bonheurs prennent une gravitĂ©inouĂŻe (lire « Le rĂȘve du petit Simon ») ; les difficultĂ©s sontempreintes d’humour (voir « Lance et Neil »). Rares sont leslivres Ă  nous toucher par leur simplicitĂ©. 5-Fu est du nombre.

NouveautĂ© 5-FU, Pierre Gagnon, L’instant mĂȘme, 92 p., 14,95 $

Braveheart Dans ce troisiĂšme et avant-dernier tome d’une sĂ©rie dont lesdeux premiers volets (La VallĂ©e des larmes, La Saison des cor-beaux) se sont Ă©coulĂ©s Ă  plus de 100 000 exemplaires,Alexander Macdonald, petit-fils de Liam et de Caitlin, fuit la val-lĂ©e de son enfance. EnrĂŽlĂ© dans un rĂ©giment Ă©cossais alliĂ© auxAnglais dans la conquĂȘte de la Nouvelle-France, le jeunehomme s’éprend d’Isabelle Lacroix, fille de marchand. Mais leuramour est contrecarrĂ© par leurs allĂ©geances politiques : laguerre Ă©teindra-t-elle leur passion ? Les Sentiers de ronces,dernier volet de la sĂ©rie, est prĂ©vu pour septembre 2005.NouveautĂ©

LA TERRE DES CONQUÊTES : CƒUR DE GAËL (t. 3), Sonia Marmen,Éditions JCL, 580 p., 26,95 $

Presse, pouvoir et publicitĂ© DotĂ© de flair et de longs crocs, Michel Gagnon dirigeCommunimark PublicitĂ©, une agence qui a le vent en poupe. Letalent de navigateur de Gagnon lui permet de tirer le meilleurparti de Belleau, son directeur artistique, et des femmes de sonentourage : Louise, son Ă©pouse, Marie, la chercheuse, etMĂ©lanie, sa relationniste et amante Ă©pisodique. Lorsque d’im-portants contrats obtenus grĂące Ă  sa frĂ©quentation des milieuxmĂ©diatiques et politiques lui vaudront des ennuis, Gagnondevra revoir ses prioritĂ©s. Par le fondateur et ancien prĂ©sidentde Cossette Communication Marketing.NouveautĂ©

UN LOUP PARMI LES LOUPS, Claude Cossette, Septentrion, 397 p., 29,95 $

La Librairie du QuĂ©bec Ă  Paris : une dĂ©cennie, dĂ©jĂ  !Pour son dixiĂšme anniversaire, la Librairie du QuĂ©bec Ă  Paris, sise rue Gay-Lussac, aucƓur du quartier latin,a organisĂ© une semaine de festivitĂ©s (dĂ©bats,lectures,dĂ©dicaces),auxquelles le public Ă©tait chaleureusement conviĂ©. Afin de cĂ©lĂ©brer cet importantĂ©vĂ©nement parrainĂ© par Bernard Pivot,pas moins de dix QuĂ©bĂ©cois,certains dĂ©jĂ  con-nus en France,d’autres en passe de l’ĂȘtre,ont Ă©tĂ© invitĂ©s.C’est ainsi qu’on a notammentpu rencontrer les Ă©crivains Yves Beauchemin, Marie-Claire Blais, Denise Bombardier,Guillaume Vigneault et Bruno HĂ©bert, les auteurs pour la jeunesse Michel NoĂ«l et JuliePaquet,de mĂȘme que les essayistes Hubert Reeves et Laure Waridel.S’est joint Ă  cettebrochette le Français Jean-Paul Dubois, romancier (Une vie française,prix Femina 2004),qui connaĂźt bien la Belle Province. Depuis 1995, la Librairie du QuĂ©bec Ă  Paris constituele porte-Ă©tendard de l’édition quĂ©bĂ©coise et franco-canadienne ; l’ensemble dufonds Ă©ditorial quĂ©bĂ©cois y est en effet offert. En dix ans d’activitĂ©, le succĂšs de cetteentreprise gĂ©rĂ©e depuis cinq ans par les Ă©ditions Hurtubise HMH,de MontrĂ©al,a confir-mĂ© sa place dans le paysage de la librairie française. Lorsque vous passerez par Paris,n’oubliez pas d’ajouter cette adresse Ă  votre pĂ©riple !

Les goĂ»ts de DanyPreuve que notre littĂ©rature occupe de plus en plus de place dans l’Hexagone,l’heb-domadaire Livres Hebdo, qui s’adresse aux acteurs du livre francophone, livrait finmai un Ă©logieux portrait de Dany LaferriĂšre, le qualifiant d’ « immense lecteur et[d’]Ă©crivain plus complexe que son apparente dĂ©contraction ne le laisse croire ».Rappelons que l’auteur d’origine haĂŻtienne, installĂ© au QuĂ©bec depuis nombre d’an-nĂ©es, a mis le point final Ă  son « autobiographie amĂ©ricaine », une sĂ©rie de dixromans qui, dĂšs Comment faire l’amour avec un nĂšgre sans se fatiguer (1985), a con-quis la critique et le public. Quoique LaferriĂšre apporte ponctuellement des ajoutsĂ  son Ɠuvre (entre autres Le GoĂ»t des jeunes filles,1992,rĂ©Ă©ditĂ© en 2005),c’est sa car-riĂšre de cinĂ©aste qui occupe dorĂ©navant le plus clair de son temps (Comment con-quĂ©rir l’AmĂ©rique en une nuit, et bientĂŽt Ă  l’affiche Vite, je n’ai pas que ça Ă  faire). À sur-veiller,en fĂ©vrier 2006,l’adaptation,par Laurent Cantet (L’Emploi du temps,Ressourceshumaines), de La Chair du maĂźtre, devenu Vers le sud, qui mettra en vedette LouisePortal, Karen Young et Charlotte Rampling.

MontrĂ©al : Ă  nous deux ! 1984. Charles frise la vingtaine, mais rien ne le dĂ©coiffe. Pas detemps Ă  perdre avec l’école ! Au lieu de s’inscrire au cĂ©gep, ildĂ©barque Ă  MontrĂ©al pour Ă©crire : il sera Balzac ou rien. Ce se-cond volet de Charles le tĂ©mĂ©raire suit l’itinĂ©raire du jeunehomme de petits boulots en petits boulots, jusqu’à son entrĂ©etriomphale dans la presse
 au courrier du cƓur d’un journal Ă potins ! Par les yeux grands ouverts de Charles Thibodeau,YvesBeauchemin nous fait revisiter avec plaisir le QuĂ©bec des vingtderniĂšres annĂ©es.

NouveautĂ© UN SAUT DANS LE VIDE : CHARLES LE TÉMÉRAIRE (T. 2),Yves Beauchemin, Fides, 413 p., 24,95 $

Qui prend mari prend pays AprĂšs un premier Ă©pisode fort bien accueilli par le public,Nicole Fyfe-Martel raconte la suite de l’existence romancĂ©ed’HĂ©lĂšne de Champlain, nĂ©e BoullĂ©, dont l’histoire n’a conservĂ©que quelques lignes. Entre un mari qui a trois fois son Ăąge et unjeune amant, Ludovic, pelletier de son Ă©tat, la fougueuse HĂ©lĂšneparticipera Ă  la grande aventure qui verra l’ « Abitation » s’é-tendre peu Ă  peu jusqu’à devenir le QuĂ©bec.

Nouveauté

HÉLÈNE DE CHAMPLAIN. TOME II, Nicole Fyfe-Martel, Hurtubise HMH,coll. Roman historique, 692 p., 29,95 $

Du cuivre, de l’or et du hockey Il n’y a pas de lions dans les rĂ©cits de Jean O’Neil, grand explo-rateur de terres connues, qui ajoute un morceau de choix Ă  sonƓuvre avec Mon beau Far West. Suivant en auto la trajectoire deSamuel de Champlain vers les confins de la riviĂšre Outaouais, lenarrateur fait monter une auto-stoppeuse, MĂ©lodie. Les deuxcomplices nous prĂ©sentent une suite de tableaux sur les gensordinaires qui peuplent l’Abitibi-TĂ©miscamingue, illustres incon-nus et modestes cĂ©lĂ©britĂ©s confondus. Une Ă©criture d’une rarenoblesse, qui maĂźtrise un flot inouĂŻ de rĂ©fĂ©rences sans perdre devue la simplicitĂ© du rĂ©cit.NouveautĂ©

MON BEAU FAR WEST, Jean O’Neil, Libre Expression, 238 p., 24,95 $

3 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

L’idiot du village et la belle Ă©trangĂšre Nicole Houde s’est attirĂ© les Ă©loges dĂšs La Malentendue (1984),avec lequel elle raflait le Prix des Jeunes Ă©crivains du Journal deMontrĂ©al. Depuis, malgrĂ© un Prix du Gouverneur gĂ©nĂ©ralempochĂ© en 1995 pour Les Oiseaux de Saint-John Perse, l’écrivainesaguenĂ©enne reste Ă©trangement mĂ©connue du grand public.Avouons que les comparaisons avec Ducharme et Blais l’ontclassĂ©e d’emblĂ©e parmi les Ă©crivains dits littĂ©raires, ceux qui fontun peu peur.Pourtant, l’auteure raconte l’ñme humaine,ses dĂ©sirs,ses tourments, ses joies comme pas une. Voici votre chance dedĂ©couvrir une grande auteure de chez nous.

NouveautĂ©LA FIANCÉE DE GOD, Nicole Houde, La pleine lune, 144 p., 20,95 $

Page 4: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 4

Le mal de vivre

On aime rĂ©pĂ©ter que les livres deMarie-Claire Blais sont tĂ©nĂ©breux. Etce n’est certes pas Augustino et lechƓur de la destruction, troisiĂšmevolet de la trilogie entamĂ©e avecSoifs, qui dissipera cette idĂ©e reçue.Pourtant, je prĂ©fĂšre penser queMarie-Claire Blais Ă©crit des romansexigeants, comme l’est parfois la lit-tĂ©rature, mais ces exigences n’expri-ment rien d’autre que le refus de lafacilitĂ© qui prĂ©vaut dans trop dedomaines Ă  l’heure actuelle. Suitelogique des prĂ©cĂ©dents, le Blais nou-veau nous ramĂšne dans la mĂȘme Ăźledu golfe du Mexique que nousavions explorĂ©e dans Soifs et Dans lafoudre et la lumiĂšre. VĂ©ritable micro-cosme, l’üle est peuplĂ©e de person-nages forts et complexes, tous ettoutes en proie Ă  une certaineangoisse, un certain mal de vivre toutĂ  fait typique de notre monde endeuil de valeurs et de repĂšres. Ils sontlĂ©gion, les personnages : de Lazaro,ce fils d’islamiste dans les veines dequi la rage coule tel un poison, Ă Carlos, le dĂ©tenu qui rĂȘve de libertĂ© ;de Caroline, la photographe bour-geoise Ă  Charley, sa gouvernante « qui a moins de mots mais plus d’images » ; de MĂšre, la sagesse faitefemme, Ă  Adrien, vieux critique littĂ©raire aigri (devrions-nousd’ailleurs chercher le modĂšle de ceprotagoniste en notre rĂ©publiquedes lettres?). Au grĂ© d’une narrationsavamment orchestrĂ©e, le lecteur estconviĂ© Ă  butiner les pensĂ©es, Ă goĂ»ter dans le dĂ©tail et dans

La vie,en dépit de tout

l’ensemble le grondement de ce chƓur de la destructionau-dessus duquel s’élĂšve la voix d’Augustino, Ă©crivainpromĂ©thĂ©en, hĂ©raut plus que hĂ©ros de ce roman poly-phonique. Comme toujours chez Blais, et plus quejamais, l’écriture est dense, ciselĂ©e, sans compromis, lesouffle proprement inĂ©puisable. La romanciĂšre n’yraconte pas tant une histoire qu’elle inscrit ses person-nages dans la marche inexorable de l’Histoire. Onchercherait en vain la faille dans cet univers minutieuse-ment construit, Ă©tourdissant Ă  force de ressembler aunĂŽtre. Vraiment, cette femme mystĂ©rieuse Ă  qui l’on doittant de jalons incontournables de notre littĂ©rature vientencore une fois de signer une Ɠuvre qui mĂ©rite le statutde classique.

La soif de vivre

Allez savoir pourquoi, notre littĂ©rature est prodigue enpoĂštes au sort tragique, dont l’envol n’est pas sans rap-peler la figure d’Icare, brĂ»lĂ© pour s’ĂȘtre trop approchĂ© desa propre blessure incandescente. On pense Ă  Nelligan,certes, Ă  Saint-Denys Garneau aussi. Et puis on pense Ă Marie Uguay, plus proche de nous dans le temps, qui estpassĂ©e comme une Ă©toile filante dans le firmament denos lettres. EmportĂ©e en 1981 par le cancer Ă  l’ñge devingt-six ans, Uguay a de son vivant publiĂ© trois recueils(Signe et rumeur, L’Outre-vie et Autoportraits), qui ontacquis au fil du dernier quart de siĂšcle une importancecapitale dans l’histoire de la poĂ©sie d’ici. À ces Ɠuvresconnues et cĂ©lĂ©brĂ©es Ă  juste titre, les Ă©ditions du BorĂ©alont ajoutĂ© un grand nombre d’inĂ©dits (PoĂšmes en margeet PoĂšmes en prose), ainsi qu’une Ă©clairante prĂ©face deJacques Brault. En mĂȘme temps que cette intĂ©grale toutjuste intitulĂ©e PoĂšmes, on a Ă©galement fait paraĂźtre lejournal de la disparue, dont le texte dĂ©finitif a Ă©tĂ© Ă©tablipar StĂ©phan Kovacs, son compagnon. Dans les inĂ©ditscomme dans les Ɠuvres dĂ©jĂ  parues, on retrouve avecbonheur la Marie Uguay qu’on connaissait : chantre dela sensualitĂ© et des nourritures terrestres, poĂšte de laplĂ©nitude et de la beautĂ©. De prime abord, compte tenudu destin qui fut le sien, cela peut avoir un air de para-

Une chronique de Stanley PĂ©an

doxe. Le Journal rĂ©vĂšle une facette inĂ©dite del’écrivaine qui avait, dĂ©couvre-t-on, tĂątĂ© de la prose,jonglĂ© avec l’idĂ©e d’écrire un roman, mĂȘme si ses dis-positions naturelles la ramenaient invariablement Ă  lapoĂ©sie. La maladie l’aura emportĂ©e trop vite pourqu’elle puisse investir sa formidable sensibilitĂ© dansun univers romanesque. Quel dommage ! Mais quelgrand privilĂšge que celui d’entrer dans l’atelier, dansl’intimitĂ© de cette grande poĂ©tesse, habitĂ©e d’uneinassouvissable soif de vivre !

La rage

On ressent toujours une sorte de malaise Ă  l’idĂ©ed’encenser le travail de quelqu’un qu’on connaĂźt etapprĂ©cie dans la « vraie vie » –– d’autant plus que lesesprits chagrins sont toujours prompts Ă  chercher destraces de nĂ©potisme derriĂšre tout Ă©loge.Heureusement, les critiques positives recueillies parCassandre, la suite poĂ©tique aux Ă©chos mythologiquesqu’a signĂ©e Catherine Lalonde cet hiver, me gardentde tout soupçon. Je ne fais donc qu’ajouter ma voixaux louanges suscitĂ©es çà et lĂ  par l’ouvrage de lapoĂšte-chorĂ©graphe et danseuse, son deuxiĂšme aprĂšsune Ɠuvre de jeunesse dĂ©jĂ  ancienne (Jeux de brume)qui lui avait permis de remporter le concours CritĂšredu temps de ses Ă©tudes collĂ©giales. On a beaucoupparlĂ© du point de vue masculin privilĂ©giĂ© parCatherine Lalonde pour livrer ce chant d’amour et dedouleur, doublĂ© d’une mĂ©ditation implacable sur lerapport entre dominant et dominĂ©e qui afflige tropde relations amoureuses. Lalonde n’est certes pas lapremiĂšre femme Ă  revĂȘtir un masque masculin pourĂ©crire, peu s’en faut, mais elle le fait ici avec unevigueur Ă  donner froid dans le dos. Il y a beaucoup deviolence et de rage dans les pages de Cassandre, maisni l’une ni l’autre n’empĂȘchent l’émergence de labeautĂ©. Ce n’est pas rien : qu’on se le dise.

Littérature québécoise

Augustino et le chƓur de la destruction, Marie-Claire Blais,BorĂ©al, 305 p. 25,95 $

PoÚmes et Journal, Marie Uguay, Boréal, 216 et 326 p. 19,95 $ et 25,95 $Cassandre, Catherine Lalonde, Québec Amérique, 88 p. 16,95 $

« Mourir, cela n’est rien », chantait Brel. Mais aimer, dĂ©sirer, vivre, tout ça ne semble pasĂȘtre une sinĂ©cure non plus, Ă  en croire certains livres. Heureusement qu’au-delĂ  du voiledes tĂ©nĂšbres qui nous entourent, reste toujours la flamme vacillante de la beautĂ©. C’estce qu’on dĂ©couvre en tous cas Ă  lire Marie-Claire Blais et ses cadettes, Marie Uguay etCatherine Lalonde.

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5 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire CRAQUELittérature québécoise

Le Fou d’OmarAbla Farhoud, VLB Ă©diteur, 186 p., 19,95 $

Le Fou d’Omar est une ode Ă  la vie racontĂ©e par quatre voixd’hommes qui, tour Ă  tour, nous livrent leur chant intĂ©rieursans pudeur et avec beaucoup de sensibilitĂ©. Des hommesliĂ©s entre eux pour le meilleur et pour le pire. Le fou, le pĂšre,le frĂšre et le voisin nous parlent d’espoir, de douleur, dedĂ©tresse, de regrets, de bonheur, d’amour et de tout ce quifait de nous des ĂȘtres humains Ă  part entiĂšre. Tout tourneautour du fou complĂštement dĂ©muni et dĂ©semparĂ© Ă  lasuite du dĂ©cĂšs du pĂšre. Le roman est portĂ© par l’écriturehautement maĂźtrisĂ©e d’Abla Farhoud. Ses mots nous hap-pent, nous bousculent, nous hypnotisent, nous sub-juguent, nous heurtent, nous sĂ©duisent et toujours noustouchent profondĂ©ment. Une Ɠuvre rĂ©ussie, un bel hom-

mage aux hommes. ÉRIC SIMARD

Douce moitiéMatthieu Simard, Stanké, 212 p., 14,95 $

Un jour, comme ça, Julie signifie Ă  Matthieuqu’elle aimerait bien se faire demander enmariage
 Les questionnements fondamen-taux s’installent alors dans l’esprit du sympa-thique gars ordinaire, qui fera une vĂ©ritableanalyse de sa vie en couple. C’est dans unelangue moderne et vivante que le lecteur estentraĂźnĂ© Ă  la suite de ces deux MontrĂ©alais d’au-jourd’hui, qui ont le courage de prendre letemps de rĂ©flĂ©chir. Parions que nous n’en

sommes pas à la derniùre perle de Matthieu Simard. JOSIANE RIVERIN-CLOUTÉE

NOUVELLES ROMANS ESSAIS

La Trace de l’escargotBenoüt Bouthillette, Éditions JCL, coll. Couche-Tard, 364 p., 19,95$

Voici un polar iconoclaste aux rĂ©fĂ©rences alternatives etartistiques, vraiment anticonformiste tant par la forme etle style Ă©clatĂ©s que par les thĂšmes abordĂ©s. L’intrigue sesitue dans un MontrĂ©al alternatif, nocturne de surcroĂźt,oĂč un inspecteur hors norme enquĂȘte sur un meurtrieren sĂ©rie, qui Ă©labore ses crimes en s’inspirant d’Ɠuvresdu peintre Francis Bacon. BenoĂźt Bouthillette signe ici unroman fascinant, surprenant, qui traduit l’esthĂ©tique deBacon en fictions morbides. L’écriture est foisonnante, lelecteur doit s’adapter au fil des pages au rythme particulier du rĂ©cit pour en savourer toute la richesse.Écrit avec aplomb, La Trace de l’escargot risque de fairedu chemin. MARIE-BELLE GIRARD

SparadrapMarie-Chantal Gariépy, Marchand de Feuilles, 141 p., 17,95 $

Fugue Malrot en a marre d’exister. Et, depuis toujours, ellesouhaite exaucer son vƓu le plus cher : s’enlever la vie.Mais voilĂ , Ă  chaque tentative quelqu’un ou quelque chosel’en empĂȘche, et tout est Ă  recommencer. Face Ă  un psy-chiatre qui ne comprend rien Ă  son mal ni Ă  ses dĂ©sirs, faceĂ  l’incomprĂ©hension d’un systĂšme fait pour sauver Ă  toutprix, elle nous raconte son histoire. Le ton et le langageemployĂ©s pour aborder des thĂšmes tels que la mort parsuicide, la dĂ©pression et le manque de volontĂ© de vivretiennent par moment du burlesque, quelquefois au dĂ©tri-ment du rĂ©cit. Marie-Chantal GariĂ©py parvient nĂ©anmoinsĂ  livrer un petit roman tantĂŽt drĂŽle, parfois pathĂ©tique etsouvent distrayant CHARLES QUIMPER

Éric SimardPANTOUTE

Josiane Riverin-CloutéeLES BOUQUINISTES

Marie-Belle GirardLES BOUQUINISTES

Charles QuimperPANTOUTE

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 6

Littérature québécoise

Lorsque je rejoins NoĂ«l Audet au Boudoir,sur le Plateau Mont-Royal, il est dĂ©jĂ  attablĂ©en bonne compagnie. Le professeur de lit-tĂ©rature retraitĂ© de l’UQÀM discute avecd’anciens Ă©tudiants, et la conversation s’en-gage sur des sentiers qui vont de la com-mission Gomery Ă  l’environnementalistePierre Dansereau. Une belle entrĂ©e enmatiĂšre pour son neuviĂšme roman, Le Roides planeurs, dont l’histoire se tisse Ă  mĂȘmel’intrigue policiĂšre, la satire sociale, l’avenirde la planĂšte, le « journal asilaire et autresparoles envolĂ©es ».

Le planeur du roman, c’est Loubert, pro-fesseur de deltaplane. Un solitaire qui joueavec les frontiĂšres de la vie et de la mort, etqui inspire de la mĂ©fiance Ă  ceux qui l’obser-vent Ă  partir du plancher des vaches. Entredeux sauts de la falaise de l’anse du Diable,Loubert va tomber amoureux de MĂ©lissa, uneadolescente de 16 ans curieuse des abĂźmesqu’il survole. En vol, MĂ©lissa glisse de sonfourreau et s’écrase sur les rochers. Loubertsera accusĂ© de nĂ©gligence criminelle ; sonavocat plaidera la psychose pour lui Ă©viter laprison. Alors qu’il volait pour ĂȘtre libre, lepilote sera internĂ© neuf mois Ă  l’asile Saint-Jean de QuĂ©bec. Exclu du monde, il dĂ©couvri-ra le secret de son amoureuse et le vrai sens,ici-bas, du mot « Ă©vasion ».

Le Roi des planeurs, XYZ Ă©diteur, coll. Romanichels, 194 p., 23 $

Il y a quelques annĂ©es, NoĂ«l Audet signait le best-seller L’Ombre de l’éper-vier. Aujourd’hui, l’homme en est Ă  l’heure des bilans : que retiendra-t-onde notre passage sur terre ? Qu’avons-nous laissĂ© en partage Ă  ceux quihĂ©ritent de la planĂšte ? Premier tome d’une trilogie romanesque qui faitl’inventaire de l’aventure humaine, Le Roi des planeurs est Ă©crit sous lesigne du vent. Comme l’existence, le vent varie, vire de bord, devenant ainsil’ami ou l’adversaire de nos entreprises. Un souffle fort comme l’envie devivre, mais parfois destructeur.

Les testaments trahis

Le Roi des planeurs est dĂ©diĂ© Ă  la mĂ©moire de D.,« trop pressĂ©e de changer la vie ». À travers le personnage de MĂ©lissa, le roman mĂ©dite sur le sujettroublant du suicide des jeunes, leur dĂ©sarroi et l’ab-sence d’espoir, ces gangrĂšnes de la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©-coise contemporaine : « Les adolescents retournentcontre eux la violence de notre monde. Le pacte demort que MĂ©lissa contracte avec la sociĂ©tĂ© de La Rosenoire s’inspire d’un fait divers des annĂ©es 1960. J’aiconnu alors une jeune fille brillante, d’une luciditĂ©aiguĂ«, Ă  la pensĂ©e philosophique trĂšs dĂ©veloppĂ©e, quis’est jetĂ©e devant un train. On doit se demanderpourquoi les meilleurs deviennent les plus dĂ©s-espĂ©rĂ©s », s'interroge l’écrivain.

L’ancien professeur n’hĂ©site pas Ă  pointer du doigtnos dĂ©missions. Loubert est affligĂ© d’une mĂšre froideet absente, qui le larguera en temps opportun :« Cette mĂšre incarne une sociĂ©tĂ© laxiste, qui aban-donne ses enfants. Nulle part en Europe ou enAmĂ©rique, les parents n’ont renoncĂ© autant Ă  leur rĂŽlede transmetteurs qu’ici. Quand on n’apprend pas Ă  sebattre pour surmonter les obstacles, on perd le sensdes valeurs, et celui de la valeur de la vie », observe levieux sage.

Audet s'inquiĂšte de nos dĂ©rives Ă©thiques : « Le scan-dale de la commission Gomery est emblĂ©matique :au QuĂ©bec, tant qu’on ne se fait pas prendre, on n’estcoupable de rien », ironise-t-il. Il ne remet pas pourautant en question les acquis de la RĂ©volution tran-quille : « À l’époque duplessiste, les QuĂ©bĂ©coisvivaient une rĂ©pression politique et religieuse assezterrible. Je crois que l’Église nous a causĂ© du tort : ellevĂ©hiculait des valeurs morales, et non sociales, et nousavons encore de la difficultĂ© Ă  devenir des citoyens »,dĂ©clare-t-il.

La cour des miracles

Sans doute parce qu’il relĂšve d'une grave maladie (« aprĂšs le choc, j’ai acceptĂ© ma situation mortelle.J’ai cru dĂ©passer la crainte de la mort »), l’écrivainexplore ces thĂšmes graves avec une lĂ©gĂšretĂ© et ungoĂ»t du bonheur qui caractĂ©risent ceux qui ont le

sentiment de leur propre finitude. L’invention verbalede ce conteur colorĂ© a trouvĂ© Ă  « lĂącher son fou »dans le huis clos asilaire que subira Loubert. Une vĂ©ri-table cour des miracles, oĂč les types sociaux prennentdes allures de fable carnavalesque : Émile, le douxdĂ©pressif incapable d’agir, Poil-aux-doigts, l’exhibi-tionniste, Jack Pot, un justicier maĂźtre-du-monde,Pitre, le surveillant, etc. : « C’est l’humour gaspĂ©sien,mon cĂŽtĂ© dĂ©linquant, contestataire, rigole le roman-cier. Mes fous reprĂ©sentent notre aliĂ©nation. » Eneffet, ce stendhalien promĂšne son miroir le long duchemin : « Le roman a une fonction de sĂ©ductionmais, pour susciter une prise de conscience, les gensdoivent s’y reconnaĂźtre ».

DrĂŽle d’oiseau que NoĂ«l Audet, jamais lĂ  oĂč on l’at-tendrait. Un moraliste doublĂ© d’un maĂźtre du romanqui pratique l’art de l’esquive et de la volte-face. Car sil’oiseau est libre, il a dĂ©jĂ  goĂ»tĂ© aux cages : « Quandj’ai Ă©crit L’Ombre de l’épervier, je me suis arrangĂ© pourque ce roman ne puisse pas avoir de suite. Mais touss’attendaient Ă  ce que je refasse quelque chose desemblable : cela se paie d’une maniĂšre ou d’uneautre », rĂ©sume sobrement celui qui a immortalisĂ© laGaspĂ©sie dans notre imaginaire collectif.

Bien d’autres aventures littĂ©raires ont succĂ©dĂ© Ă  l’adapta-tion tĂ©lĂ©visĂ©e du best-seller, toutes sous les auspices de « l’échappĂ©e belle » et de la voltige, dont l’essai Écrire cequ’il nous reste de libertĂ© (Trois-Pistoles, 2002), et ce qued’aucuns qualifient comme son chef-d'Ɠuvre, FrontiĂšresou Tableaux d’AmĂ©rique (QuĂ©bec AmĂ©rique, 1998), unepromenade continentale Ă  travers les destins de septMarie, inspirĂ©e de l’architecture des Tableaux d’une expo-sition de Moussorgski. Les lecteurs savent qu’il existedeux espĂšces d’écrivains : ceux qui, comme JacquesPoulin, replongent avec dĂ©lices dans les variations d’unmĂȘme livre cent fois rĂ©Ă©crit.NoĂ«l Audet, lui,se rĂ©clame del’école littĂ©raire de GĂ©rard Bessette, cet autre oiseau rarequi ne craignait pas le concept de la table rase :« Chaque livre est le fruit des autres,et j’en conserve l’ex-pĂ©rience. Mais ma motivation et le plaisir d'Ă©crire se trou-vent du cĂŽtĂ© de l’exploration, que ce soit celle desthĂšmes, des formes, des genres », dĂ©clare-t-il. C’est lĂ toute la force de l’art selon Audet, quand l’envol del’imagination, comme une rĂ©demption, procure une « enivrante sensation d'apesanteur, oĂč le corps ne pĂšsepas plus que l’esprit ».

Par GeneviĂšve Thibault

Noël Audet

Le vol arrĂȘtĂ©

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7 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire

CRAQUE le libraire BOUQUINEThéùtre et poésie

L’Adoption du systĂšme mĂ©triqueJacques Reda, Gallimard, coll. Blanche, 121 p., 20,95 $

Ces poĂšmes Ă©crits par le grand RĂ©da sont purs ravissements.Nous voilĂ devant la poĂ©sie d’un ciseleur silencieux taillant avec sa plume desobservations et des rĂ©flexions prises sur le fait et jointes Ă  l’inhabituel,Ă des incongruitĂ©s magnifiques : « voyez, si je suis sourd, je demeure Ă l’affĂ»t/De l’espace oĂč mon fil souple encore qui se balance/Mesure unemontagne et pĂšse un nuage, un oiseau./Je vais m’enraciner dans lesilence/Mais reverdir peut-ĂȘtre Ă  la prochaine saison » (« Complaintedu vieux poteau »). Le tout est cadencĂ©, le titre en tĂ©moigne, par laprosodie française traditionnelle :cela donne un swing candide et syn-copĂ© au pessimisme enivrĂ© du poĂšte. L’Adoption du systĂšme mĂ©trique

est d’orfĂšvrerie faite,de beautĂ©s trouvĂ©es oĂč le regard porte. JEAN-PHILIPPE PAYETTE

Jeux en coulisseCritiquer n’est pas jouer. Tout discours sur l’art, Ă  plus forte raisonlorsqu’il est soumis Ă  l’actualitĂ©, constitue un pĂ©rilleux exercice. Lejugement, la culture et le regard du critique sont alors contraints Ă une pression redoublĂ©e. Journaliste culturelle et critique de thĂ©Ăątre,Anne-Marie Cloutier a rencontrĂ© une vingtaine de personnalitĂ©sissues des milieux quĂ©bĂ©cois de la dramaturgie et de la critique. Sesentretiens rĂ©vĂšlent une communautĂ© de points de vue inespĂ©rĂ©e...

NouveautĂ©LE DÉPIT AMOUREUX. CRÉATEURS ET CRITIQUES AU THÉÂTRE

Anne-Marie Cloutier, Fides, 240 p., 24,95 $

Théùtre et poésie

Des ombres en formes d’oiseauxIsabelle Gaudet-Labine, Éditions du Noroüt, 98 p., 15,95 $

Ce recueil de poĂ©sie Ă©tonne certainement par la dĂ©couverte de cettenouvelle voix dĂ©jĂ  forte et ancrĂ©e,chez qui l’on peut dĂ©celer d’ores etdĂ©jĂ  l’investissement d'un langage qui lui est propre et l’importancede sa portĂ©e. Au fil des mots ensemencĂ©s, on lit la rencontreamoureuse,puis la rencontre avec soi-mĂȘme,amplifiĂ©e et neuve.LestranchĂ©es irriguĂ©es font place Ă  des chemins reconstituĂ©s, pleins denouveaux regards et d’autres possibilitĂ©s.Des brefs instants aux exha-lations personnelles et libres naĂźt la richesse d’une parole assumĂ©e.Laprofondeur et l’assurance de l’écriture Ă©manent Ă  chaque instant,satisfaisant le lecteur avide. AssurĂ©ment, la route est tracĂ©e : unepoĂšte qu’il faut connaĂźtre et dont on ne peut qu'espĂ©rer les prochainsmots. ISABELLE LEBLANC-BEAULIEU

Sur les cimes de l’espoirEn 1955, l’Hexagone publiait Ces Anges de sang. Fernand Ouellette adepuis multipliĂ© les oeuvres et les prix sans pour autant perdre le nordpoĂ©tique.Sa Chronique,dont nous Ă©voquons ici le premier volet,con-tiendra quelque 325 poĂšmes, tous Ă©crits entre 2003 et 2004.Inoubliable ? Le thĂšme du recueil est d’abord l’« inatteignable ».VĂ©ritablement libres, recourant parfois Ă  la rime, ses vers poursuiventl’idĂ©al hölderlinien et acceptent les limites du dire.

Nouveauté

L’INOUBLIABLE. CHRONIQUE I, Fernand Ouellette, Éditions de l’Hexagone,coll. L’appel des mots, 327 p., 27,95 $

La colĂšre du TemplePubliĂ© sur du papier recyclĂ©, Objectif ZĂ©ro manifeste d’emblĂ©e lesĂ©rieux de l’entreprise de son auteur,Mathieu LalibertĂ©.La conscienceplanĂ©taire est Ă  l’avant-plan de cette poĂ©sie qui mord : « Ma planĂštemĂšre s’écarte de son axe quand je la regarde danser ».La dispositiongraphique,sans ĂȘtre audacieuse,garde le lecteur en Ă©veil.« Tu es four-bu », constate l’auteur avec raison en fin de parcours. Si le lecteur estun brin fatiguĂ©, c’est qu’il s’est fait secouer avec brio : « Te sens-tuserein lorsque des loques mangent dans ta main ? »

NouveautĂ© OBJECTIF ZÉRO, Mathieu LalibertĂ©, Coronet liv, 119 p., 16,95 $La Nouvelle PoĂ©sie russeAnthologie, Collectif, Écrits des Forges/Autres Temps, 192 p., 15 $

Brillante idĂ©e qu’ont eue les Écrits des Forges et Autres Temps en publiant une anthologie de poĂ©sie russe contemporaine, rassemblant33 poĂštes sous la mĂȘme couverture.Longtemps Ă©touffĂ©es par le bĂąillondu communisme, ces voix se dĂ©voilent enfin en pleine lumiĂšre. DeEvgueni Bounimovitch (« depuis que la tsarine ma mĂ©moire metrahit/Ă©lisabeth je crois bien/nous a privĂ©s du droit Ă  la terre mon peu-ple et moi/ je suppose que les jardins/ ce n’est pas un sujet qu’il m’ap-partient de traiter ») en passant par Bakhyt Kejeev (« L’heure favoritedes non-voyants,c’est la nuit/ et leur bruit favori est vert tirant sur le bleu») ou MikhaĂŻl Gronas (« lĂ  je vais Ă©tablir la carte de tes rides et je/con-duirai un rĂ©giment de cils curieux de/haut en bas »),des ĂȘtres qui nous

parlent d’un pays Ă©tourdi par trop de changement,une poĂ©sie qui prend naissance Ă  mĂȘmeles ruines d’un empire dĂ©chu. CHARLES QUIMPER

Une grande voix s’est tueTriste nouvelle pour le monde de l’édition acadienne : GĂ©rald Leblanc, poĂšte(L’Éloge du chiac), directeur littĂ©raire (Éditions Perce-Neige) et parolier du groupe1755 s’est Ă©teint le lundi 30 mai des suites d’un cancer. Il avait 59 ans. Auteurd’une quinzaine d’ouvrages, l’écrivain de Moncton, au Nouveau-Brunswick, alargement contribuĂ© Ă  faire connaĂźtre la rĂ©alitĂ© acadienne contemporaine. Il futd’ailleurs l’un des premiers auteurs Ă  parler de Moncton dans ses poĂšmes et seschansons. LaurĂ©at du prix Pascal-Poirier 1993 pour l’ensemble de son Ɠuvre,GĂ©rard Leblanc, qui a publiĂ© son dernier livre en 2004 (Techgnose, Perce-Neige),travaillait Ă  plusieurs manuscrits lorsque la maladie l’a emportĂ©.

Jean-Philippe PayetteMONET

Charles QuimperPANTOUTE

Isabelle Leblanc-BeaulieuPANTOUTE

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 8

Parmi les grands romanciers
 certes,mais encore ? Français, russes, juifs ?Avec NĂ©mirovsky (nĂ©e Ă  Kiev en 1903), laquestion de l’identitĂ© de l’écrivain est aucƓur de l’Ɠuvre, ambigument, et lebiographe qui vient de se pencher surson parcours jusqu’à sa disparition dansun camp nazi Ă©crit : « L’intĂ©rĂȘt de l’Ɠu-vre ne se situe pas dans l’invention d’unnouveau style littĂ©raire mais dans le rap-port entre l’acte d’écrire et l’effort pourtrouver une identitĂ© d’écrivain ».

Alors que chez Sarraute,nĂ©e en Russie unan avant NĂ©mirovsky et Ă©migrĂ©e enFrance Ă  l’ñge de 8 ans oĂč elle Ă©crira uneoeuvre en français, cette question de l’identitĂ© ne s’est pas posĂ©e (Sarraute,c’est la littĂ©rature française !), chezNĂ©mirovsky, dont le parcours est pour-tant semblable, elle demeure ouverte :voilĂ  une Ɠuvre qui,sans innovation dansla forme, avec une plume inspirĂ©e, a par-fois Ă©galĂ© ses modĂšles (Flaubert,Huysmans,Maupassant,le Dorian Gray deWilde), mais dont l’inĂ©galitĂ© relĂšve d’uneirrĂ©solution identitaire.

Sarraute et NĂ©mirovsky, dans leurenfance, ont connu la France lors defrĂ©quents sĂ©jours, les deux ont eu uneĂ©ducation francophile et ont dĂ©vorĂ© la lit-tĂ©rature du pays de Montaigne, leursfamilles aisĂ©es (d’intellectuels pourSarraute, de financiers pour NĂ©mirovsky)ont fui la rĂ©volution bolchĂ©vique pourParis ;deux familles juives dont la judĂ©itĂ©passait au second plan.

Est-elle un Ă©crivaine française, la roman-ciĂšre de Suite française ? Elle n’en a jamaiseu la nationalitĂ© malgrĂ© sa demandepressante en 1938 alors qu’elle habitait lepays depuis dix-neuf ans et que,depuis la

Elle Ă©tait au bord de l’oubli, IrĂšne NĂ©mirovsky, quand le jury Renaudot considĂ©ra Suite française, son roman publiĂ© soixante ans aprĂšssa mort Ă  Auschwitz, comme le meilleur paru en France en 2004 ; roman magistral et inachevé  Maintenant reparaissent d’autrestitres et, revanche de la dĂ©portĂ©e, si l’Ɠuvre est inĂ©gale, la meilleure part la resitue parmi les grands romanciers de la premiĂšre moitiĂ©du XXe siĂšcle, entre Colette et Chardonne, Bove


IrĂšne NĂ©mirovsky,Ă©crivaine de nulle part

parution de son premier roman (David Golder, 1929), elleavait une notoriĂ©tĂ© dans le monde des lettres.Injuste et cruelrefus pour celle qui, le biographe en retrace la preuve dansun carnet qu’elle tint dĂšs l’ñge de 15 ans,aimait « la Franceplus que la Russie » et qui vĂ©cut comme les Français,Parisienne « entre la Sorbonne et le dancing ».

Une Ă©crivaine russe ? Elle n’a jamais Ă©crit un mot dans lalangue russe : seuls deux de ses dix-neuf romans sont d’in-spiration russe. Apolitique,elle ne s’est pas intĂ©ressĂ©e au sortde la Russie et de l’Union soviĂ©tique, mais elle avait uneadmiration pour Tchekhov,dont elle a Ă©crit une biographie,se reconnaissant au regard dĂ©licat de l’auteur de La Cerisaie.Enfin, c’est le trait le plus important de sa personnalitĂ©(sinon de son identitĂ©), elle n’a pas voulu ĂȘtre, malgrĂ©ses origines sĂ©mites, ce que l’on appelle « un Ă©crivainjuif ». En France, elle resta Ă©trangĂšre Ă  la communautĂ©juive. Dans David Golder, oĂč elle dĂ©crivait un financierjuif retors sous l’emprise de l’argent, elle heurta le lec-torat juif, qui vit lĂ  un livre Ă  l’odeur antisĂ©mite.NĂ©mirovsky, « non antisĂ©mite parce que juive », rĂ©pli-quait-elle, livrait une figure, selon elle vraie, caricaturaleaux yeux de plusieurs, d’un descendant du Shylock deShakespeare.

« L’amie juive »

À Paris, ses proches Ă©taient les Ă©crivains de droite quiallaient se compromettre avec les Allemands, JacquesChardonne, Paul Morand ; ces antisĂ©mites admiraientla plume Ă©lĂ©gante et le regard franc, critique et cruel, decette jeune femme sur ses coreligionnaires. À 32 ans, en1935, elle se convertit au catholicisme et n’hĂ©sitajamais Ă  envoyer des textes aux journaux de la collabo-ration dans lesquels, jusqu’au moment de son arresta-tion par la Gestapo en 1942, elle Ă©crivit abondamment.

Tchekhov avait lui aussi un Ă©diteur antisĂ©mite,Souvarine, et NĂ©mirovsky ne se gĂȘna pas pour afficherses affinitĂ©s avec la bourgeoisie littĂ©raire de droite, avecGrasset qui publia David Golder. Elle sera d’ailleurs unehabituĂ©e de Gringoire, et plus la situation devint grave,plus l’envahisseur allemand s’imposait, plus sa

Une chronique de Robert LĂ©vesque

situation en devint absolument paradoxale (« inquiĂ©-tante », Ă©crit le biographe Jonathan Weiss) puisque,Juive mariĂ©e Ă  un Juif, elle avait ses entrĂ©es dans lapresse anti-juive


Pour la droite française, dans les salons de la collabora-tion, NĂ©mirovsky Ă©tait vue (ou tolĂ©rĂ©e ?) comme « l’amie juive », ce qui dotait le collabo lettrĂ© d’un brinde bonne conscience
 mais ces collaborateurs ne levĂšrent pas le petit doigt, en 1942, lorsqu’elle futarrĂȘtĂ©e Ă  Issy-l’ÉvĂȘque oĂč, plongĂ©e alors dans le regret,elle se terrait avec son mari et ses filles. Weiss nousapprend que la femme de Morand, chargĂ©e par le maride NĂ©mirovsky de remettre aux autoritĂ©s allemandesune lettre de dĂ©tresse, ne le fit pas. Alors que le mari juifde Colette fut rapidement sorti de Drancy par l’inter-vention d’écrivains comme Cocteau


Reste l’Ɠuvre


À la sortie de David Golder, oĂč elle brossa un magistralportrait d’usurier Ă  la fois bourreau et victime, des critiques Ă©voquĂšrent Le PĂšre Goriot. La barre Ă©tait hauteau dĂ©part. Avec Le Bal, en 1930, l’autre thĂšme auto-biographique de son Ɠuvre, la dĂ©testation-rivalitĂ©entre fille et mĂšre, allait ĂȘtre portĂ© par un chef-d’Ɠuvre.Ces deux romans ont Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ©s en 1985 et 1986 chezGrasset dans la collection « Les Cahiers rouges ».

Dans la foulĂ©e du Renaudot 2004, Albin Michel (oĂč ellea publiĂ© huit de ses romans) ressort Le Vin de solitude,largement autobiographique, sur le dĂ©racinement et la solitude d’un farouche caractĂšre fĂ©minin ; JĂ©zabel, por-trait pathĂ©tique d’un personnage « trop femme pourĂȘtre mĂšre » ; Les Chiens et les Loups, l’histoire d’unamour sacrifiĂ© par une modeste femme qui prĂ©fĂšre fuirĂ  l’étranger pour ne pas compromettre l’avenir finan-cier de celui qu’elle aime depuis l’enfance mais qui, Juifcomme elle, appartient Ă  un monde au-dessus d’elle...

Écrivaine de nulle part, NĂ©mirovsky
 EmblĂ©matiquede ceux qui, ayant adoptĂ© une culture, se retrouveront,dans un moment crucial, seuls, face Ă  leur diffĂ©rence


En Ă©tat de roman*

IrÚne Némirovsky, une biographie, Jonathan Weiss, Le Félin, coll. Les marches du temps, 221 p., 37,50 $Suite française, Denoël, 343 p., 34,95 $

David Golder, Grasset, coll. Les cahiers rouges, 140 p., 13,95 $Le Bal, Grasset, coll. Les cahiers rouges, 140 p., 11,95 $

Chez Albin Michel : Le Vin de solitude, 337 p., 32,95 $, JĂ©zabel, 266 p., 30,95 $, Les Chiens et les Loups,335 p., 32,95 $, Les Feux de l’automne, 345 p., 32,95 $, La Vie de Tchekhov, 202 p., 28,95 $

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Quels souvenirs gardez-vous de vos premiĂšreslectures ?

Mes lectures de jeunesse se rĂ©sument simplement :Tintin, Spirou et une encyclopĂ©die pour la jeunesse.AprĂšs, j’ai dĂ©couvert, Ă  la bibliothĂšque de JonquiĂšre, lesromans de Jules Verne et une sĂ©rie de romans britan-niques pour la jeunesse (je crois qu’il devait y en avoir unequinzaine) qui s’appelait « Les Biggles »,et dont tous leshĂ©ros Ă©taient des aviateurs pendant la Seconde Guerremondiale.

Parlons de l’époque oĂč les goĂ»ts du lecteur adolescentse mĂȘlaient Ă  ceux que l’on prescrivait Ă  l’école.

À l’époque du cours classique,soit entre 15 et 17 ans,onne nous permettait pas de lire grand-chose.Presque toutĂ©tait dĂ©fendu ou Ă  l’index, alors il fallait se procurer lesromans autrement. J’ai des souvenirs de DostoĂŻevski oude Gogol : Les Âmes mortes, en particulier. C’est un livrequi a meublĂ© mon imaginaire,tout comme les nouvellesde Tchekhov ou Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier. Etpuis, il y a bien entendu Maria Chapdelaine et Menaud,maĂźtre-draveur
 Un peu plus tard,j’ai Ă©tĂ© marquĂ© par leVoyage au bout de la nuit de CĂ©line,et aussi Mort Ă  crĂ©dit,un roman dont on parle moins,mais qui m’a dĂ©vastĂ©.

Qu’est-ce qui vous a tant marquĂ© dans ce dernier ?

Son Ă©criture et son univers,parce que CĂ©line a composĂ©une langue pour dĂ©crire ce sentiment que l’on Ă©prouveau bout de la dĂ©sespĂ©rance.Ce fut dĂ©vastateur,mĂȘme sije ne sais pas trop ce que j’aimais lĂ -dedans ; ce n’étaitpas dans ma nature,moi qui Ă©tais plutĂŽt gai et hyperactif.Mais lorsque j’y suis entrĂ©, j’ai eu de la difficultĂ© Ă  en sor-

tir. Encore une fois, j’ai prĂ©fĂ©rĂ©Mort Ă  crĂ©dit au Voyage
,qui estune sĂ©rie d’aperçus, tandis quedans Mort Ă  crĂ©dit, il y a lĂ  unabsolutisme de la duretĂ©,du dĂ©s-espoir et de la laideur
 Je pour-rais ajouter Ă  la liste Blaise Les Âmes mortes, Gogol, Flammarion, coll. GF, 478 p., 15,95 $

Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier, Le Livre de Poche, 306 p., 7,95 $Maria Chapdelaine, Louis HĂ©mon, Lux Éditeur, 177 p., 6,95 $

Menaud, maßtre-draveur, Félix-Antoine Savard, BibliothÚque québécoise, 162 p., 8,95 $Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit, Louis-Ferdinand Céline,

Folio/Plus et Folio, 558 p. et 628 p., 19,95 $ ch.L’Homme foudroyĂ© et Bourlinguer, Blaise Cendrars, Folio, 448 p. et 512 p., 15,95 $ ch.

Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy, BorĂ©al Compact, 414 p., 12,95 $La Maison Ă©trangĂšre, Élise Turcotte, LemĂ©ac, 221 p., 25,95 $

La Petite Fille qui aimait trop les allumettes, GaĂ©tan Soucy, BorĂ©al Compact, 184 p., 12,95 $À la recherche du temps perdu, Marcel Proust, Gallimard, coll. Quarto, 2408 p., 60 $

La majoritĂ© des romans de San-Antonio sont publiĂ©s en version de poche chez Fleuve Noir (env.10,95 $ ch.). L’intĂ©grale des Ɠuvres est offerte en 30 volumes chez Fleuve Noir (env. 60 $ ch.).

* Ce projet consiste en une banque de donnĂ©es informatisĂ©es qui permet la constructionautomatique des arbres gĂ©nĂ©alogiques des QuĂ©bĂ©cois, et ce, du XVIIe siĂšcle jusqu’à nos jours.

Consultez www.uqac.ca/balsac.

Bien qu’il ait d’abord Ă©tĂ© connu du grand public en tant que sociologue et historien,GĂ©rard Bouchard n’en trahit pas moins un amour bien sincĂšre des mots et des rĂ©cits.InspirĂ© par tous les contes recueillis auprĂšs des dĂ©tenteurs de notre patrimoine, l’actueldirecteur du projet Balsac*, Ă  l’UQAC, s’est lancĂ© dans l’aventure romanesque avecMistouk, et publiait rĂ©cemment sa suite, Pikauba (BorĂ©al, 2002 et 2005). Lecteur voracefĂ©ru des classiques, Bouchard est nĂ©anmoins toujours Ă  l’affĂ»t de la surprise qui surgitau dĂ©tour d’un rayon


Cendrars, chez qui j’allais chercher l’exotisme. Je songe Ă L’Homme foudroyĂ© et Bourlinguer, deux livres faussement auto-biographiques d’oĂč se dĂ©gageait une certaine vĂ©ritĂ©.Cendrars aĂ©crit cela,vieillissant,pendant la guerre,reclus Ă  Aix-en-Provence.Et puisque nous sommes dans les classiques, je ne peux paspasser Ă  cĂŽtĂ© de F.Scott Fitzgerald,de Hemingway ou Steinbeck.Plus tard, j’ai eu ma pĂ©riode Kerouac. Une pĂ©riode fiĂ©vreuse,d’ailleurs.Dans ma quarantaine.

Relisez-vous souvent les classiques de la littérature interna-tionale ?

En vieillissant,oui.Depuis une dizaine d’annĂ©es,je me suis remisĂ  lire DostoĂŻevski ou Tchekhov. Je suis retournĂ© chez Zola etFlaubert. J’ai ressenti le besoin de retrouver des souvenirs. Il y aun peu de nostalgie lĂ -dedans.Ça doit venir avec l’ñge


Qu’en est-il des Ɠuvres d’ici ?

Je pense Ă  Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, un roman quej’ai lu assez tĂŽt et qui m’a beaucoup marquĂ©. J’aimais la quoti-diennetĂ© d’un milieu ouvrier qui nous ressemblait, oĂč la vie n’était pas facile et oĂč il y avait une envie de s’en sortir mĂȘme sion n’y croyait pas vraiment.

Et qu’en est-il pour la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise actuelle ?

J’ai lu La Maison Ă©trangĂšre d’Élise Turcotte et j’ai beaucoup aimĂ©,tout comme La Petite Fille qui aimait trop les allumettes de GaĂ©tanSoucy. Je suis en train de lire Un jardin entourĂ© de murailles deRobert Lalonde. C’est trĂšs beau, l’admiration qu’il porte Ă Yourcenar
 Il faut dire que j’ai toujours trois ou quatre livres enmĂȘme temps.Par exemple,je suis en train de lire une biographiede Tourgueniev. J’aime beaucoup les biographies, mais pascelles sur des hommes politiques. Je prĂ©fĂšre la vie des peintres,des Ă©crivains ou des hommes de thĂ©Ăątre.

Il y a sĂ»rement des lectures qui ont accompagnĂ© votre par-cours universitaire et formĂ©,en quelque sorte,l’historien etle sociologue que vous ĂȘtes devenu.

Encore une fois, j’ai lu des classiques. Dans les annĂ©es 70, jeme suis intensĂ©ment mis Ă  la lecture des penseurs marxistes.Vraiment intensĂ©ment. Ce fut difficile, mais j’en suis sortiparce que j’entrais dans une sorte d’appauvrissement,d’assĂšchement de l’esprit et de l’imagination. D’un autrecĂŽtĂ©, j’ai aussi frĂ©quentĂ© auparavant Max Weber, qui a unepensĂ©e plus souple,plus sinueuse.J’ai trouvĂ© que c’était trĂšsriche, trĂšs humain et respectueux Ă  la fois. J’ai enjambĂ© tousles structuralistes : je ne me sentais pas Ă  l’aise et ça me lais-sait complĂštement froid. Je suis donc passĂ© d’un auteur Ă l’autre et quand j’avais l’impression que j’avais appris ce qu’ily avait Ă  apprendre et que j’entrevoyais les clĂŽtures, j’avaisenvie d’aller voir ailleurs.

Vous avez appliquĂ© le mĂȘme principe exploratoire auroman ?

Tout Ă  fait.Pendant quarante ans,j’ai lu presque tous les San-Antonio. Je les achetais par paquet, parfois une trentaine,chez des bouquinistes.Une fois par mois,dans une rage,j’enlisais deux ou trois,surtout en voyage.Chez San-Antonio,il n’ya pas que la folie, car FrĂ©dĂ©ric Dard avait une Ă©critureadmirable :une vie,un rythme.C’était un vrai littĂ©raire.Pourle reste,je m’amusais comme un fou,Ă©videmment.Dans mesdeux premiers romans, on peut trouver des petits bouts detruculence inspirĂ©s de San-Antonio


Et quels livres avez-vous envie de lire bientĂŽt ?

Proust. J’en ai lu un peu, mais pas sĂ©rieusement. Mon frĂšreLucien m’a offert l’intĂ©grale en cadeau.Un jour,je vais me prĂ©-cipiter lĂ -dedans et je ne voudrai pas lire autre chose ; c’estpour ça que j’attends un peu.Je vais prendre,un jour,un bainde Proust.

Propos recueillis par Antoine Tanguay

Le Libraire d’un jour

GĂ©rard Bouchard

La recherche du temps perdu

9 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

© Paul Cimon

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 10

Avec deux prix Man Booker en poche(Oscar et Lucinda, 1988, et VĂ©ritablehistoire du gang Kelly, 2001),l’Australien Peter Carey n’a plusbesoin de prĂ©sentation chez nos amisles Anglo-Saxons. De Londres Ă Melbourne en passant par New York,oĂč il habite aujourd’hui, on salue lafinesse de son art, qui consiste sou-vent Ă  repasser Ă  la moulinette lesĂ©vĂ©nements oubliĂ©s de l’histoire pouren extraire des romans au souffleĂ©pique — et tant pis pour la vĂ©racitĂ©des faits. Carey est romancier, pasl’historien. Comme dans VĂ©ritable his-toire du gang Kelly,basĂ© sur les exploitsvĂ©ridiques d’un Robin des Bois aupays des kangourous, c’est une pagedu cahier noir de son pays quel’écrivain rĂ©Ă©crit, s’inspirant du plusgrand canular littĂ©raire que l’Australieait connu. En 1944, les lecteurs dumagazine Angry Penguins (!) ontdĂ©couvert le talent d’un mĂ©caniciennommĂ© Ern Malley. Tous, Ă  com-mencer par son Ă©diteur, chantent seslouanges, jusqu’au jour oĂč l’onapprend que deux militaires tirent lesficelles derriĂšre Ern Malley, une pureinvention de leur cru. Changezquelques noms, ajoutez une saveurinternationale au complot et vousobtenez Ma vie d’imposteur, ou ce quiest arrivĂ© lorsque le poĂšte frustrĂ©Christopher Chubb a inventĂ© le gĂ©nialBob McCorkle, une Ă©toile filante fleu-rant le cambouis.

Vu cette fois à travers les yeux deSarah Wode-Douglass, directrice édi-toriale en mal de talents, le récitprend une tournure plus croustillantepuisque Carey ajoute la tragédie à la

Ma vie d’imposteur, Peter Carey, Plon, coll. Feux croisĂ©s, 267 p., 39,95 $La MystĂ©rieuse Flamme de la reine Loana, Umberto Eco, Grasset, 483 p., 36,95 $

Faussaires et romanciers ont plus en commun qu’ils ne veulent bien l’avouer, Ă  ceci prĂšsque les faussaires ne sont jamais bien vus en sociĂ©tĂ©, et que les romanciers, oui. Leromancier idĂ©al aurait tout du « bon » faussaire, de l’illusionniste aussi, avec quelquestours dans sa plume et une poignĂ©e de souvenirs en guise de carburant. À partir depresque rien, soit quelques simulacres et jeux d’identitĂ©, Peter Carey et Umberto Eco for-cent chacun Ă  leur maniĂšre une redĂ©finition de la frontiĂšre, fort contestĂ©e, qui sĂ©pare le« roman Ă  succĂšs » du « bon roman ».

Les faussaires sont parmi nous

farce. Wode-Douglass, voulant piĂ©ger un ancien ami,Chubb, est entraĂźnĂ©e dans une machine infernale l’accu-lant aux limites de sa raison. Alors que son amie est jugĂ©epour avoir publiĂ© les vers de McCorkle, considĂ©rĂ©s commeobscĂšnes (nous sommes au milieu du siĂšcle dernier, aprĂšstout), Chubb reçoit la visite d’un homme qui dit ĂȘtreMcCorkle. À partir de lĂ , les choses se compliquent. Avecun sens de la retenue et du dĂ©tail impressionnants, Careytisse entre les lignes une variation sur le mythe deFrankenstein qui heurte les fondements de la sphĂšre lit-tĂ©raire, mais qui demeure on ne peut plus actuelle. Peut-oncrĂ©er le gĂ©nie et donner naissance Ă  des phĂ©nomĂšnes ?Tout Ă  fait. Est-ce un crime pour autant ? Ce qui apparais-sait en 1944 comme un scandale est aujourd’hui monnaiecourante. En nous tendant le miroir de l’histoire, Careysouligne qu’il n’y a guĂšre de nouveau dans les rouages dela « machine littĂ©raire » moderne. Au passage, il signeaussi, faut-il le prĂ©ciser, un roman d’une rĂ©jouissanteimpertinence.

EcoĂŻste

Et puisqu’il est question de mythe littĂ©raire, la publicationde Ma vie d’imposteur a coĂŻncidĂ© avec celle de LaMystĂ©rieuse Flamme de la reine Loana, ouvrage richementillustrĂ©, Ă©difice romanesque prodigieux et pourtant fragilesignĂ© Umberto Eco. Comme Carey, Eco appartient Ă  lacatĂ©gorie des poids lourds. Or, il faut appliquer ici la cruelleloi du « deux poids, deux mesures » ; si l’un rĂ©colte leslouanges presque seulement chez les Anglo-Saxons,l’autre s’est imposĂ© comme le patriarche incontestĂ© del’intelligentsia littĂ©raire et bĂ©nĂ©ficie, en librairie, de toute lavisibilitĂ© qui lui est due. À titre d’exemple, demandez Ă votre libraire de comparer le nombre d’exemplaires desromans d’Eco et de Carey Ă  l’inventaire, juste pour leplaisir


Outre l’attention (un brin agaçante) dont fait preuve Eco,soulignons tout de mĂȘme la prĂ©sence, dans La MystĂ©rieuseFlamme
, d’un piĂšge habile. Un attrape-lecteur, si vousvoulez. Un tour de passe-passe orchestrĂ© par un Ă©crivaindont il paraĂźt toujours bien d’avoir lu la prose (et pas

seulement Le Nom de la rose), mais qui cache une bienmince ossature. Trop habituĂ© aux Ă©loges, Eco sembledevenu sourd Ă  l’argument selon lequel un livre rĂ©us-si daigne offrir un fil narratif solide, et pas seulementun prĂ©texte au verbiage. À ce mince fil tendu parl’écrivain italien, j’ai Ă©tĂ© maintes fois rĂ©duit Ă  l’état de

Une chronique d’Antoine Tanguay

funambule aux genoux chancelants sous le poids desdigressions et des rĂ©fĂ©rences. J’ai d’ailleurs plus d’unefois frĂŽlĂ© la chute. De quoi s’interroger, non sans un cer-tain sentiment de crainte et de culpabilitĂ© (vu la rĂ©pu-tation du bonhomme), sur la soliditĂ© des fondations del’édifice romanesque d’Eco1. Suis-je en train de com-mettre un sacrilĂšge ? Suis-je trop paresseux ?Comprenons-nous bien : La MystĂ©rieuse Flamme de lareine Loana n’a rien d’un canular ; il s’agit plutĂŽt d’uncube Rubik trop complexe pour la majoritĂ© deslecteurs.

Ainsi, l’histoire de Giambattista Bodoni, alias Yambo, unbouquiniste devenu amnĂ©sique au sortir d’un coma,plaira Ă  ceux que les Ă©ternels dĂ©bats sur la trace dusouvenir dans les mots et les images passionnent. Deretour chez les siens (qu’il ne reconnaĂźt pas), Yambo,dont la « mĂ©moire de papier » n’est traversĂ©e que defugaces rĂ©fĂ©rences Ă  un livre ou un autre, cherche dansla demeure familiale Ă  se refaire un passĂ© en feuilletantles illustrĂ©s de son enfance. Si l’on se lasse parfois durythme capricieux de la premiĂšre partie du roman, ilappartient cependant Ă  chacun de dĂ©cider s’ilfrĂ©quentera ou non les corridors tortueux et encom-brĂ©s de la mĂ©moire de Yambo. J’y ai dĂ©nichĂ© bien desmerveilles (l’objet Ă©ditĂ© par Eco lui-mĂȘme, soigneuse-ment publiĂ© par Grasset, est superbe) et quelquesdĂ©ceptions, comme autant de recoins laissĂ©s vides parun romancier et essayiste Ă  qui il importe plus de faireĂ©talage de sa connaissance que de son sens de l’hu-mour (dommage, car il peut ĂȘtre trĂšs drĂŽle, Umberto). Ily a un peu de Proust lĂ -dedans aussi, de la nostalgie Ă revendre et une finale Ă©blouissante. Un exercicepĂ©rilleux, donc, oĂč l’auteur du Pendule de Foucault secache Ă  peine. Une construction intimiste qui tient dumiracle, capable de s’écrouler Ă  tout moment, et quiparvient malgrĂ© tout Ă  nous entraĂźner dans ses mĂ©an-dres. Pour le meilleur et pour le pire. C’est peut-ĂȘtre ça,la mystĂ©rieuse flamme du roi Eco.

1 Il est tentant de faire comme Dominique Noguez, cetĂ©crivain qui a envoyĂ© Ă  plusieurs Ă©diteurs le manuscrit du Mrs.Dalloway de Virginia Woolf, rebaptisĂ© pour l’occasion MadameBeauchemin et signĂ© par une certaine Virginie Lalou. Tous ontrefusĂ©. Le mĂȘme stratagĂšme a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ© Ă  quelques occa-sions dans l’histoire de la littĂ©rature mondiale, questiond’ébranler quelques lettrĂ©s et de faire plaisir Ă  des auteurscomme Peter Carey. Sous une autre identitĂ©, Eco serait-il Eco ?La question est lancĂ©e.

Littérature étrangÚre

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11 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire CRAQUELittérature étrangÚre

La Ballade d’IzaMagda Szabó, Éditions Viviane Hamy, 262 p., 42,95 $

Hongrie, dĂ©but des annĂ©es 60. Etelka et Vince habitentDorozs, bourgade Ă©loignĂ©e de la capitale. Lors du dĂ©cĂšs deVince, Iza, leur fille unique, qui rĂ©side et travaille Ă  Budapest, yamĂšne vivre sa mĂšre. SĂ»re d’elle, Iza vend la maison familialeet tout ce qui rattache la vieille femme Ă  son passĂ© de provin-ciale. Malheureusement, Etelka ne s’adapte pas Ă  sa nouvellevie et le fossĂ© infranchissable entre elle et sa fille aboutit Ă  undĂ©sastre
 Chronique de la sociĂ©tĂ© hongroise Ă  une Ă©poqueoĂč la modernitĂ© bouscule les valeurs traditionnelles, ceroman d’une grande finesse psychologique laisse au lecteurun troublant sentiment d’impuissance face Ă  la dĂ©chĂ©ance et

Ă  la dĂ©gradation de cette mĂšre dont la fille est devenue inconsciemment le bour-reau. En 2003, l’auteure a reçu le prix Femina Ă©tranger pour La Porte (Éditions VivianeHamy). JOHANNE VADEBONCOEUR

Point mortClint Hutzulak, Alto, coll. Domaine canadien, 236 p., 23,95 $

Traduction du premier roman de Clint Hutzulak, Point mortraconte le retour de Stace dans la petite ville qu’il a quittĂ©e ily a un an et demi, aprĂšs avoir tuĂ© un homme. Les retrouvaillesavec Lillis Rae, sa femme, qui ignore encore tout des raisonsde son dĂ©part, seront plus intenses que prĂ©vues. StacedĂ©cĂšde des suites d’une overdose le soir de son arrivĂ©e. Âmeerrante sans obole, il sera guidĂ© par le vieil Emmett dans unequĂȘte de vĂ©ritĂ©. Pour la premiĂšre et l’ultime fois, il devra voirplus loin que « la terre sous ses pieds », rencontrer sa vic-time et revoir Lillis Rae. Un roman gris plutĂŽt que noir, entrela vie et la mort, entre les intentions et les gestes. L’érotique

tempĂ©rĂ©e qui termine ce voyage d’une conscience est d’une beautĂ© divine. MATHIEUSIMARD

Le Miroir fĂȘlĂ©Svetislav Basara, Les Allusifs, 111 p., 16,95 $

Un soir, Anan reçoit la visite du Saint-Esprit, qui lui confie quel’homme ne descend pas du singe, mais bien du nĂ©ant. Anan selance alors dans l’écriture d’un roman rocambolesque,tentant envain d’expliquer Ă  son entourage les vĂ©ritables origines del’homme
 DĂšs les premiĂšres phrases,le lecteur sait qu’il vient deplonger dans une Ɠuvre sortant de l’ordinaire.Reposant sur unestructure narrative insolite dĂ©fiant la raison et l’ordre Ă©tabli, l’his-toire se balade au grĂ© des fantaisies de l’auteur. Svetislav Basaraest un magnifique clown tordu qui s’amuse Ă  jongler avec lesgenres,Ă  bafouer les rĂšgles du roman traditionnel et Ă  malmenerle lecteur en le prenant constamment par surprise. Le Miroir fĂȘlĂ©

est un petit roman ahurissant, regorgeant d’originalitĂ© et parsemĂ© de petites perles lit-tĂ©raires.TrĂšs fort. CHARLES QUIMPER

AffinitĂ©sSarah Waters, DenoĂ«l & d’ailleurs, 521 p., 39,95 $

Dans la prison pour femmes la plus sinistre de Londres,Margaret, dame patronnesse, rencontre SĂ©lina Dawes, unfascinant mĂ©dium Ă©crouĂ© pour meurtre. Celle-ci dĂ©voile peuĂ  peu son histoire, sĂ©duisant et confondant Margaret, quipeine Ă  discerner le vrai du faux. Ses propos nous conduisenthors des couloirs sordides des cellules glaciales, dans lessalons clos oĂč se tiennent les sĂ©ances de spiritisme. Cettefresque est une mine d’informations sur le milieu carcĂ©ral del’époque victorienne. L’ambiance fantomatique colle Ă  l’esprit du lecteur comme la brume sale des matins de

novembre jusqu’à la finale, qui laisse pantois le plus incrĂ©dule des lecteurs. TrĂšs bienĂ©crit, troublant et passionnant. MÉLANIE QUIMPER

L’Usage de la photoAnnie Ernaux & Marc Marie, Gallimard, coll. Blanche,151 p., 26,50 $

En 2001 paraissait LĂ©gendes de Catherine M., dans lequel lephotographe Jacques Henric exposait des nus de sa com-pagne, Catherine Millet (La Vie sexuelle de Catherine M.).L’Usage de la photo, du couple Ernaux-Marie, circonscrit l’ex-position de l’intimitĂ© Ă  la trace de leurs vĂȘtements jetĂ©s parterre et Ă  celle des objets esseulĂ©s de leurs veilles. De mars2003, date de leur rencontre, Ă  janvier 2004, Ă  partir desmĂȘmes photos, les amants reconstituent chacun pour soi lecasse-tĂȘte de leur relation. Au centre de ce dialogue de

sourds, le cancer du sein d’Annie, dont elle dĂ©crit la quotidiennetĂ© du traitement. Lesremarques feutrĂ©es de l’écrivaine sur le choc de la maladie donnent une force parti-culiĂšre Ă  ses rĂ©flexions sur l’amour. Enfin, l’écriture de Marc Marie, pour sa virtuositĂ©Ă  passer d’une image Ă  l’autre sans perdre le fil, nous fait espĂ©rer un roman. MATHIEUSIMARD

La GlaceVladimir Sorokine, Éditions de l’Olivier, 312 p., 42.95 $

Étrange roman. Les membres d’une secte martĂšlent le ster-num de blonds qu’ils kidnappent dans le but de dĂ©partir lespersonnes sensibles au langage du cƓur des « machines dechair » de la masse. Ils cueillent les promis, leur donnant l’af-fection qui manque dans nos sociĂ©tĂ©s encadrĂ©es par desinfrastructures froides. Dans une frĂ©nĂ©sie sans dĂ©nouementrĂ©el, cette subtile critique, telle une fable, se clĂŽt en con-frontant Ă  l’innocence de l’enfance le ton de la sĂ©grĂ©gationentretenu par les personnages de la secte. YOHAN MARCOTTE

Le Roi de la pastĂšqueDaniel Wallace, Autrement, 229 p., 29,95 $

DeuxiĂšme roman de Daniel Wallace, qui nous avait donnĂ© lesublime Big Fish, Le Roi de la pastĂšque prend place dans unepetite ville du Sud des États-Unis, oĂč Thomas tente de percerle mystĂšre entourant sa mĂšre, qu’il n’a jamais connue. C’est Ă travers les divers tĂ©moignages des habitants de la villed’Ashland que Thomas dĂ©couvrira qui Ă©tait sa mĂšre, donc quiil est, lui. La narration du roman Ă©tant assumĂ©e par plusieursindividus, le langage varie gentiment d’un court chapitre Ă l’autre. Il s’élĂšve et virevolte d’astucieuse façon en adoptantle caractĂšre de chaque personnage.Wallace nous fait le coup

encore une fois. Il parvient aisément à nous transporter, nous charmer et nous diver-tir avec un seul instrument : une histoire toute simple. CHARLES QUIMPER

La BlessureAnna Enquist, Actes Sud, 267 p., 39,95 $

Avec La Blessure, la NĂ©erlandaise Anna Enquist signe un spec-taculaire recueil. Dix nouvelles tragiques habitĂ©es de person-nages maudits par le sort. On y croise une adolescente quivivra une soirĂ©e inoubliable, un mĂ©decin qui ne mettra plusjamais les pieds sur un bateau, un couple qui aime les dĂ©cep-tions, un jeune pĂȘcheur effectuant sa derniĂšre sortie en mer
FatalitĂ© du sort, bĂȘtise humaine, prĂ©caritĂ© mentale, perturba-tions domestiques, mĂ©prises tragiques, obsessions dĂ©vo-rantes, folie : voilĂ  les Ă©lĂ©ments qui constituent l’essence deces nouvelles. La grande force d’Anna Enquist rĂ©side d’abordet avant tout dans la crĂ©ation de personnages. Au fil de la lec-ture, on s’aperçoit vite qu’ils sont bien plus que de simples

crĂ©atures littĂ©raires. En fait, on comprend que ce sont des ĂȘtres entiers et complexesqui vivent et respirent entre ces pages. CHARLES QUIMPER

MĂ©lanie QuimperPANTOUTE

Johanne VadeboncoeurCLÉMENT MORIN

Yohan MarcottePANTOUTE

Mathieu SimardPANTOUTE

Charles QuimperPANTOUTE

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 12

Le phĂ©nomĂšne de la traduction quĂ©bĂ©-coise du roman (Miles McGinty, 2001),jusqu’ici inĂ©dit en français, vaut qu'ons'y attarde. C’est Sophie Voillot (avecune sensibilitĂ© et un sens de la nuancequ’on salue bien bas), qui a relevĂ© ledĂ©fi de rendre la finesse de langue deGilling pour la jeune maison d’éditionAlto.NĂ©e cet hiver grĂące aux bons soinsde son directeur littĂ©raire AntoineTanguay — que vous pouvez incidem-ment lire en ces pages —, Alto en estdĂ©jĂ  Ă  son troisiĂšme titre, aprĂšs Nikolskiet Point mort. Le premier, Nikolski, duQuĂ©bĂ©cois Nicolas Dickner,a causĂ© unevĂ©ritable commotion critique, fait l’unanimitĂ© auprĂšs des plus chipoteurs,et s’est trĂšs bien classĂ© dans les pal-marĂšs des meilleures ventes. Chez Alto,sise dans la Vieille Capitale,on a dĂ» prĂ©voirplusieurs rĂ©impressions : du jamais vudepuis longtemps dans l’édition d'ici


Or, les romans de Dickner et de Gillingappartiennent Ă  la mĂȘme parentĂšle,celle de la fiction dĂ©bridĂ©e, de l’écriturepicaresque, de l’imaginaire foisonnantoĂč l’aventure du rĂ©cit l’emporte surune structure habilement fignolĂ©e.Celle aussi du bonheur de l’affabula-tion, de la lĂ©gende urbaine, de l’obses-sion encyclopĂ©dique et du mĂ©langedes genres. Bref, Miles et Isabel appar-tient Ă  ce type littĂ©raire que les Anglo-saxons dĂ©nomment des narratives :« Je lis et relis Dickens, Sterne et DonQuichotte, nous Ă©crit Gilling d’Australie.J’adore aussi Peter Carey, un Ă©crivain

Mine de rien, les bons bouquins finissent par faire leur chemin. Rien, en effet,ne prĂ©destinait le roman de l’Australien Tom Gilling, Miles et Isabel, « une variation sur le rĂȘve de voler », Ă  devenir un best-seller traduit dans plusieurspays. Rien, sauf la plume aĂ©rienne de Gilling, son style Ă©tincelant, sa tendressepour ses personnages, teintĂ©e d’ironie, et son dĂ©sir forcenĂ© de raconter deshistoires qui font dĂ©coller.

d’origine australienne vivant Ă  New York. » En misant surdes auteurs fascinĂ©s par les mythes fondateurs de leurs con-tinents respectifs, la direction littĂ©raire d’Alto a rassemblĂ©des imaginaires voisins : « Je me considĂšre comme unĂ©crivain australien issu de la tradition littĂ©raire britannique,poursuit Gilling (qui a vĂ©cu en Angleterre jusqu’à l’ñge de 20ans). Notre littĂ©rature exprime les paradoxes d’un paysd’hĂ©ritage europĂ©en mĂ©tissĂ© avec la culture de l’extrĂȘmepointe de l’Asie ; d’une population urbaine occupant unimmense continent presque dĂ©sert ; de blancs prospĂšrescĂŽtoyant un peuple aborigĂšne dĂ©cimĂ©. »

Le siĂšcle de tous les vertiges

« Elle pensa Ă  toute la distance sur laquelle elle l’avaitportĂ© et l'appela Miles. » 1856 : nĂ©s le mĂȘme jour au tour-nant du XIXe siĂšcle, Miles et Isabel seront les enfants de larĂ©volution industrielle, obsĂ©dĂ©s par la locomotion, l’élec-tricitĂ© et les machines volantes. Tout les sĂ©pare, dont laclasse sociale, mais ils dĂ©fieront ensemble les conventionsde la gravitĂ© terrestre et celles de l’époque victorienne Ă son apogĂ©e : « Cette pĂ©riode prĂ©cĂšde — et prĂ©figure —les exploits des frĂšres Wright, soutient Gilling. J’ai vouluĂ©crire sur le mythe immĂ©morial du vol, en le situant dansun contexte scientifique plausible. L’épopĂ©e desdĂ©veloppements aĂ©ronautiques, qui entrecoupeponctuellement l’intrigue, n’est pas toujours historique-ment exacte mais, mĂȘme transposĂ©e, elle reprend d’au-thentiques Ă©vĂ©nements de l’histoire de l’aviation. »

Sous le signe de la prĂ©destination, Miles et Isabel font leursdĂ©buts dans un thĂ©Ăątre de Sydney, le Prince of Wales. ElizaMcGinty, une actrice outrageusement cĂ©libataire etenceinte, jouit d’un succĂšs de scandale en interprĂ©tant lerĂŽle d’Hamlet. Elle accouche en pleine scĂšne et provoque lemĂȘme phĂ©nomĂšne chez Louisa Dowling, une femme debanquier venue l’applaudir ce soir-lĂ .

Les destins spectaculaires des protagonistes se croiserontpar mille chemins de traverse. À 3 ans, Miles a dĂ©jĂ  ratissĂ©l’Australie en tournĂ©e, mais sa future carriĂšre prend vĂ©rita-blement son envol un soir oĂč sa mĂšre le surprend suspenduaux cintres de plafond du thĂ©Ăątre Royal Victoria.Isabel,quantĂ  elle, n’aime pas les poupĂ©es : la petite entĂȘtĂ©e de 7 anssera la premiĂšre femme australienne Ă  grimper dans unemontgolfiĂšre. Miles — devenu entre-temps l'assistant dumagicien Wolunsky, qui le fait lĂ©viter — rencontrera par lebiais d'un cirque ambulant l’ex-propriĂ©taire de la mont-golfiĂšre,Tobias Smith,un aĂ©ronaute dĂ©chu,ivrogne et vision-naire. À 18 ans, tandis qu’Isabel repousse tous les prĂ©ten-

dants et parcourt les routes d’Australie, Miles devient lepropriĂ©taire du carnet oĂč Smith griffonnait ses plansd'engins volants. Puis, grĂące Ă  un accident de bicyclette,les deux casse-cou se rencontrent, et l’électricitĂ© sepropage. Miles trouve une confidente qui croit en sonrĂȘve de voler (« quelqu’un a bien inventĂ© la machine Ă coudre », lui dira-t-elle), et une interlocutrice qui aimeavoir le dernier mot.Mais leurs amours seront contrariĂ©espar les conventions de l’époque. Miles fera l’essai de sonplanophore sur la plage de Coogee : les amoureuxfuiront ensemble et, passant lĂ  par hasard, un pho-tographe ambulant immortalisera « sur la toile du ciel »leur entrĂ©e dans l’histoire.

La fugue et le contrepoint

Au lecteur de dĂ©terminer la signification de cette « tachefloue dans le ciel ».Comment croire qu’une intrigue aussicaptivante puisse finir dans la tragĂ©die ? « Miles et Isabels’évanouissent dans l’horizon, ils disparaissent aussi dansle rĂ©cit de lĂ©gende que le vieux Wolunsky raconte Ă  leurpropos Ă  la fin du roman. Cela fait rĂ©fĂ©rence Ă  la maniĂšredont l’histoire se mĂ©tamorphose et s’incorpore au mythe.C’est une conclusion en rĂ©sonance avec l’Australie, unpays jeune, dont l’histoire officielle demeure incomplĂšte,instable, et qui, par consĂ©quent, entretient des doutesquant Ă  son identitĂ© et ses accomplissements »,expliqueTom Gilling.

On comprend pourquoi les hĂ©ros, dĂ©terminĂ©s Ă  forgerleur propre destin, sont des fabulateurs hauts en couleur,Ă©pris des canulars ingĂ©nieux qu’ils inventent Ă  l’envi.Vouloir sa part d’histoires, c’est dĂ©mĂȘler l’écheveau del’existence, et qu’importe si, au grĂ© des narrations d’uneplĂ©thore de savants scientistes ou de conteurs de foire,Balthazar le lĂ©vitateur devient Melchior l’électricien.

On a comparĂ© la virtuositĂ© de Gilling Ă  celle du romancieritalien Alessandro Barrico (Soie). Ils partagent le mĂȘmegoĂ»t pour l’oralitĂ©, le dialogue, les mĂ©andres palpitants etl’art de la digression. Au lecteur de prendre en marche ceconvoi disparate oĂč il sera aussi question de l’introduc-tion des lapins en Australie, de la condition fĂ©minine(Isabel lit L’Assujettissement des femmes, de John StuartMill), du thĂ©Ăątre Ă©lisabĂ©thain, des tortues gĂ©antes et del’Institut de mĂ©canique de Sydney. En rĂ©inventant par lemerveilleux une Ă©poque exaltante de l’histoire de sonpays, Gilling nous rĂ©vĂšle la façon dont les fictions rĂ©gis-sent nos vies. Et finissent par nous Ă©lever au-dessus desobstacles.

Par GeneviĂšve Thibault

Littérature étrangÚre

Tom Gilling

Défier la gravité

Miles et Isabel, Alto, coll. Domaine Ă©tranger, 328 p., 23,95 $

© Philippa C.

Page 13: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

13 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire BOUQUINELittérature étrangÚre

Pierre qui roule
Faite, en 1996, Chevalier des Arts et des Lettres en France, lau-rĂ©ate du Prix du Gouverneur gĂ©nĂ©ral en 1997 pour TheUnderpainter (Le Peintre du lac, Albin Michel), l’Ontarienne JaneUrquhart est considĂ©rĂ©e ici comme Ă  l’étranger comme l’undes meilleurs Ă©crivains canadiens vivants. DĂšs sa sortie en2001, Les Amants de pierre recevait sa juste part d’éloges. À tra-vers la vocation crĂ©atrice de Klara Becker, sculpteure qui doitabandonner au front de la PremiĂšre Guerre mondiale sonamoureux, nous assistons Ă  l’histoire puissante d’une exis-tence solidement affirmĂ©e. Un des grands romans de l’étĂ©.

Nouveauté

LES AMANTS DE PIERRE, Jane Urquhart, Fides, 482 p, 29,95 $

Rencontres, hasards et tondeuseLa Femme sur la plage avec un chien est le quatriĂšme recueil denouvelles du Britannique William Boyd. Ses neuf textes nouspromĂšnent en divers temps et espaces, de l’Angleterre rurale Ă Cape Cod,et du fond de la Russie aux plages de Normandie.Boydn’a pas son pareil pour dĂ©ployer toutes les possibilitĂ©s d’un petitdĂ©tail. On retiendra principalement « Le fantĂŽme d’un oiseau »,oĂč, par la lecture du rapport mĂ©dical rĂ©digĂ© par le mĂ©decin qui lesuit, on assiste jour aprĂšs jour au lent retour des souvenirs d’unjeune soldat retrouvĂ© aux portes de la mort, le 12 juin 1944. Parl’auteur de À livre ouvert. (Prix des lectrices de Elle 2003).

Nouveauté

LA FEMME SUR LA PLAGE AVEC UN CHIEN,William Boyd, Seuil, coll. Cadre vert, 197 p., 29,95 $

ShoukĂšt larozeLa dictature de Duvalier a fait gagner Ă  l’AmĂ©rique ce qu’elle aretirĂ© Ă  HaĂŻti. Ces hommes et ces femmes, au passĂ© et aux talents divers, ont repris racine tout le long de cette bande deterre qui va de la Floride au QuĂ©bec. L’un de ces exilĂ©s s’est faitcoiffeur Ă  New York. Son bonheur tranquille cache sous leslambris d’une nouvelle vie une fausse image. En effet, le pĂšreBienaimĂ© est un ancien shoukĂšt laroze, nom crĂ©ole qui signifie« briseur de rosĂ©e », l’un de ces fiers-Ă -bras qui, aux aurores,s’emparaient des gens destinĂ©s Ă  ĂȘtre torturĂ©s.

NouveautĂ© LE BRISEUR DE ROSÉE, Edwige Danticat, BorĂ©al, 278 p., 24,95 $

Sang de cochonOrpheline,une fille de ferme n’a pour compagnons que les cochons.Chaque semaine,elle tue un porc,fait quelques saucissons,les vend,mais n’arrive pas Ă  joindre les deux bouts.Un jour,une Ferrari s’écrasedans sa cour.À son bord,un homme Ă©vanoui,un sac plein d’argent.Plus rien ne sera pareil : Max est atteint d’un cancer, ses jours sontcomptĂ©s, et pourtant c’est lui qui redonnera Ă  Emma le goĂ»t devivre
 L’Allemagne a craquĂ© pour cette deuxiĂšme Ɠuvre deSchreiber,par ailleurs pigiste pour divers journaux.Les Amis d’Emmasera publiĂ© dans plusieurs pays et fera l’objet d’un film.

NouveautĂ© LES AMIS D’EMMA, Claudia Schreiber, Nil Éditions, 208 p., 27,95 $

Le pouvoir ? Il connaĂźt !John Edgar Hoover,directeur du FBI de 1924 Ă  1972,a projetĂ© surles États-Unis une ombre menaçante comparable Ă  celle duGrand Inquisiteur sur la sociĂ©tĂ© espagnole du XVIe siĂšcle.Malheureusement, les milliers de pages d’archives accumulĂ©espar ce maniaque du secret ont disparu Ă  sa mort. Le roman deMarc Dugain est le rĂ©cit de cette sombre chronique par l’amantde Hoover, Clyde Tolson. Par l’auteur de La Chambre des officiers(JC LattĂšs), portĂ© Ă  l’écran par François Dupeyron.

NouveautĂ© LA MALÉDICTION D’EDGAR, Marc Dugain, Gallimard, 332 p., 32,95 $

Quelque part dans le tempsÀ l’ñge de 36 ans, Henry rencontre la femme de sa vie, Claire,qui n’a que
 6 ans. Ils s’unissent pourtant alors que ce dernieren a 31, et elle, 23. Comment une telle Ă©quation est-elle possi-ble ? Claire et Henry s’aiment, et iront de premiĂšres rencontresen sĂ©parations : Henry souffre d’une maladie gĂ©nĂ©tique trĂšsrare qui le propulse dans le temps sans avertissement. Unemagnifique histoire d’amour, trĂšs Ă©mouvante, qui traite defaçon inusitĂ©e des thĂšmes de l’attente et de l’absence au seind’une relation amoureuse. Un projet d’adaptation au grandĂ©cran est en cours.

Nouveauté

LE TEMPS N’EST RIEN, Audrey Niffenegger, Éditions Michel Lafon, 522 p., 29,95 $

L’amour dure
 99 ans ?« Vous ĂȘtes beau. – Je suis mariĂ© ». ArminĂ©, trente-sept ans,ArmĂ©nienne, Ă©crivaine. Manie : aime faire la roue en robe dusoir. Claudio, cinquante ans, Italien, avocat. Signe distinctif :bavard
mais bavard ! Les annĂ©es passent : il s’aiment. Sansjamais commettre d’adultĂšre. Sans se lier aux yeux du monde.Sophie Fontanel, journaliste Ă  Elle et laurĂ©ate, en 1995, du prixdu Premier roman pour SacrĂ© Paul (NiL), rafraĂźchit ce schĂ©maarchi-connu par sa maĂźtrise du conte.

NouveautéSUBLIME AMOUR, Sophie Fontanel, Robert Laffont, 334 p., 27,95 $

Une Ă©toile de plus au firmament Les presses amĂ©ricaine et europĂ©enne francophone ont,avec raison,fait beaucoup decas de la mort du romancier Tristan Egolf qui, comme Hemingway avant lui, s’est tirĂ©une balle dans la tĂȘte. En effet, le 7 mai dernier, l’écrivain de 33 ans, dĂ©pressif depuisdix-huit mois, a mis fin Ă  ses jours dans sa ville natale de Lancaster, en Pennsylvanie.ConsidĂ©rĂ© comme l’un des plus grands espoirs de la littĂ©rature Ă©tasunienne,Egolf avaitsubi 70 refus d’éditeurs avant de voir son premier roman, Le Seigneur des porcheries, letragique et dĂ©capant rĂ©cit d’un garçon de ferme du Midwest,enfin publiĂ© en 1998 parGallimard. L’écrivain Patrick Modiano, qui le premier dĂ©tecta l’immense potentiel del’écrivain, a signĂ© un Ă©mouvant billet dans Les Inrockuptibles de mai. Militant pacifiste,Tristan Egolf avait publiĂ© en 2002 Jupons et violons (Gallimard). L’an prochain devaitparaĂźtre sa troisiĂšme fiction, Kornwolf.

Un inĂ©dit de Dumas exhumĂ©Il ne cessera jamais de nous surprendre : l’un des plus grands feuilletonistes du XIXe siĂš-cle, Alexandre Dumas, quoiqu’en rĂ©duit en poussiĂšres depuis des lustres, persiste etsigne
 DĂ©but juin, les Ă©ditions PhĂ©bus publiaient Le Chevalier de Sainte-Hermine, uneƓuvre inĂ©dite jusqu’ici prĂ©servĂ©e Ă  la BibliothĂšque nationale de France,et que seuls leschercheurs pouvaient consulter. Il s’agit cette fois de l’histoire, dĂ©ployĂ©e sur 1000 pages,d’un chevalier dĂ©chirĂ© entre ses convictions royalistes et sa fascination pour NapolĂ©onBonaparte. Le premier tirage s’élĂšve Ă  20 000 exemplaires, et plusieurs contrats de tra-duction ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© conclus.

De chair, d’os et d’espritAuteur de Sous la peau (Seuil,2001),court roman atypique,MichelFaber a consacrĂ© un quart de siĂšcle Ă  l’écriture de La Rose pourpreet le Lys,une luxuriante fresque racontant les amours de Sugar,uneprostituĂ©e dotĂ©e de charmes hors du commun, d’un esprit etd’une plume alertes (une raretĂ© Ă  Londres,en 1875),et de William,jeune hĂ©ritier d’une parfumerie prospĂšre tombĂ© fou amoureuxd’elle. Faber a su construire un rĂ©cit captivant sur un fond dedĂ©bauche des sens, de misĂšre humaine, de bourgeoisie dĂ©cli-nante et de rĂ©volution industrielle. Cette Ɠuvre (d’une vie) subjugue par la variĂ©tĂ© de ses thĂšmes et le souci des dĂ©tails concernant des domaines tels que vĂȘtements et mobilier, mƓurssexuelles et conventions amoureuses, dĂ©couvertes mĂ©dicales,

rĂŽles de la femme et de l’homme, abandon progressif de la religion au profit d’un nouveau dieu nommĂ© « travail ».Le tout est rĂ©digĂ© dans une langue vive,sans lourdeurs,et nous entraĂźne Ă  la suite de personnages bien dĂ©finis,attachants,dont les destins croisĂ©srĂ©vĂšlent des combats personnels illustrant magnifiquement l’époque victorienne, auseuil d’une profonde mutation.Un best-seller international traduit en vingt-deux langues,qui se lit quasiment d’une traite, aussi incroyable que cela puisse paraĂźtre !

Nouveauté

LA ROSE POURPRE ET LE LYS, Michel Faber, Boréal, 1142 p., 34,95 $

Le vieil homme et la vierge« L’annĂ©e de mes quatre-vingt-dix ans, j’ai voulu m’offrir unefolle nuit d’amour avec une adolescente vierge. » Avouez quecomme incipit pour MĂ©moire de mes putains tristes, on ne pou-vait pas faire plus
 aguichant. La sortie d’un nouvel ouvragedu Colombien GarcĂ­a Marquez, nĂ© en 1927, constitue toujoursun Ă©vĂ©nement en soi. En effet, depuis le trĂšs souvent citĂ© oudonnĂ© en exemple Cent ans de solitude (1967), saga familialequi le propulsa sur la scĂšne littĂ©raire mondiale, ce prix Nobelde littĂ©rature de 1982 a poursuivi une Ɠuvre remarquable oĂčnouvelles, rĂ©cits et romans font bon mĂ©nage. Ce MĂ©moire enconstitue une nouvelle preuve.NouveautĂ©

MÉMOIRE DE MES PUTAINS TRISTES, Gabriel García Marquez, Grasset, 129 p., 22,95 $

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 14

Une chronique de Jocelyn Coulon*

La « marchandisation » de l’information

Mario Cardinal pratique le journalisme depuis cinquanteans. Il a travaillĂ© dans les milieux de la presse Ă©crite et desmĂ©dias Ă©lectroniques, dont Radio-Canada. C’est donc Ă partir d’une vaste expĂ©rience et d’exemples bien con-nus, comme l’affaire Normand Lester, la guerre contrel’Irak et l’attitude de la presse canadienne-anglaise faceau QuĂ©bec, qu’il pose un regard acĂ©rĂ© sur les mĂ©dias, sesartisans comme ses propriĂ©taires. Les journalistes d’au-jourd’hui, Ă©crit l’auteur, maĂźtrisent mal la langue (ce quiest vrai), n’ont pas toujours la compĂ©tence ou la passionnĂ©cessaires dans ce mĂ©tier (c’est discutable), sont tropproches de leurs sources (vaste dĂ©bat), sont mus parleurs penchants idĂ©ologiques (normal, ce sont deshumains, pas des machines) et sont devenus destĂącherons de la dĂ©pĂȘche au dĂ©triment de la qualitĂ© del’information (c’est un avis que dĂ©fendait dĂ©jĂ  Zola) oudes porteurs de micro au service du divertissement (detout temps, les journaux ont Ă©tĂ© trĂšs people). Quant auxmĂ©dias, ils sont sous l’influence des puissances d’argent(rengaine entendue au XIXe siĂšcle) et, entre leurs mains,l’information est devenue une marchandise (va-t-onmener un jour un vĂ©ritable dĂ©bat sur ce poncif?).

Diantre ! le tableau n’est pas joli, mais est-ce la rĂ©alitĂ© ?Toute la rĂ©alitĂ© ? Je n’en crois rien, car, aprĂšs tout, si lesmĂ©dias, comme l’écrit l’auteur, se « complaisent dans leshistoriettes de quartier » alors que « nous vivons surune planĂšte qui est en train de basculer dans une monstrueuse dialectique manichĂ©enne (
) », c’est, qu’a-vant, il devait y avoir un paradis ou quelque chose demeilleur qu’aujourd’hui.Les journalistes Ă©taient des hĂ©ros,les mĂ©dias, des redresseurs de torts au service de la veuveet de l’orphelin, l’information soupesĂ©e,analysĂ©e, le publicnombreux, Ă©duquĂ© et combatif. Nous aurions doncrĂ©gressĂ© par rapport Ă  cet Ăąge Ă©dĂ©nique. Cette interprĂ©ta-tion du passĂ© et du prĂ©sent est caricaturale.

Mario Cardinal a voulu donner de la crédibilité à sonpamphlet en évoquantdes affaires connues. Il

Il ne faut pas toujours croire les journalistes, Mario Cardinal, Bayard Canada, 284 p., 25,95 $Le Journaliste et ses pouvoirs, Gérard Spitéri, PUF, 336p., 49,95 $

Ah ! les journalistes ! Ces « fouille-merde », ces « chiens galeux » ! Ils sont accusĂ©s detout. Pour les uns, ils n’en font jamais assez, ou sont Ă  la solde des pouvoirs politiques,financiers ou culturels. Pour les autres, ils forcent le trait, manipulent l’opinion, avilissentla vie en sociĂ©tĂ©. Ignorants, arrogants, serviles, la litanie des Ă©pithĂštes lancĂ©es Ă  leurĂ©gard est inĂ©puisable. Alors, il fait bon tirer dessus. Mario Cardinal n’a pas rĂ©sistĂ© Ă  la tentation. Le Français GĂ©rard SpitĂ©ri s’y est refusĂ©, prĂ©fĂ©rant livrer une analyse plus complexe et nĂ©cessairement plus subtile de leur travail.

Ah ! les journalistes !

m’est difficile de juger de l’exactitude de son argumen-taire Ă  propos du traitement mĂ©diatique de la sĂ©rie LeCanada, une histoire populaire ou au sujet de l’affaireNormand Lester.Mon sentiment,mais c’est un sentiment,est qu’il frappe fort et juste.Pourtant,mĂȘme lĂ , je ne peuxm’empĂȘcher de douter aprĂšs avoir lu son chapitre sur lesoi-disant « asservissement des mĂ©dias amĂ©ricains »pendant la guerre contre l’Irak en 2002-2003. L’auteurcharge. Que les mĂ©dias aient Ă©tĂ© patriotes et aient faitpreuve d’un certain relĂąchement, je veux bien,mais que «la noirceur qui s’est abattue sur les rĂ©seaux amĂ©ricains detĂ©lĂ©vision pendant la guerre d’Irak » ait eu « des simili-tudes avec celle qui Ă©touffait la presse soviĂ©tique auxheures les plus sombres du rĂ©gime communiste », lĂ ,l’auteur pĂšte les plombs. Il en veut pour preuve l’absencesur CNN, Fox News et MSNBC d’information Ă  propos deplusieurs Ă©vĂ©nements pendant le dĂ©roulement quotidi-en de la guerre. À moins de jouir du don d’ubiquitĂ©, per-sonne ne peut regarder ces trois chaĂźnes en mĂȘmetemps, toute la journĂ©e et pendant un an d’affilĂ©e. Ainsi,ce que Mario Cardinal ne voit pas, n’entend pas ou ne litpas n’existe pas. Or, pour avoir Ă©crit un livre sur la guerrecontre l’Irak, et, regardĂ© CNN et lu le New York Times et leWashington Post tous les jours pendant cette pĂ©riode, jepeux rĂ©futer bon nombre de ces affirmations.

Une exigence personnelle

Les mĂ©dias canadiens ont-ils fait mieux ? Globalementoui, Ă©crit Mario Cardinal, qui rend hommage aux ana-lystes de la chaĂźne RDI,dont j’étais,pour leur compĂ©tenceet leur neutralitĂ© remarquable. LĂ  encore, j’ai tiquĂ©. En cequi me concerne, compĂ©tent, peut-ĂȘtre, neutre, jamais.Tous les tĂ©lĂ©spectateurs de Radio-Canada et les lecteursde La Presse savaient que j’étais contre la guerre, et je neme gĂȘnais pas pour le dire. Mario Cardinal m’a-t-il bienĂ©coutĂ© et lu ?

Les mĂ©dias amĂ©ricains n’ont pas Ă©tĂ© partiaux pendant laguerre, comme l’indique une Ă©tude publiĂ©e rĂ©cemmentpar le Projet pour l’excellence en journalisme de l’univer-

sitĂ© Columbia, oĂč sont analysĂ©s 2200 reportages diffusĂ©sĂ  la tĂ©lĂ©vision, dans les journaux et sur les sites Internet.Les mĂ©dias ont louvoyĂ©, certes, comme on peut le fairelorsqu’un pays est en guerre et que le traumatismetouche des journalistes qui sont aussi des hommes et desfemmes.Je n’excuse rien :je tente simplement de mettreen contexte. D’ailleurs, le traitement de la guerre par lapresse française aurait dĂ» intĂ©resser Mario Cardinal. J’aiconservĂ© les pages Irak du Monde, du Figaro et deLibĂ©ration. Le parti pris anti-guerre Ă©tait tel qu’il vaudraitbien une Ă©tude.Les mĂ©dias français,Ă  l’instar du New YorkTimes, se sont-ils excusĂ©s de leurs dĂ©rives ? Non, Ă©critGĂ©rard SpitĂ©ri, dans son ouvrage Le Journaliste et ses pou-voirs, car « cette dĂ©ontologie en acte est inconnue enFrance, oĂč l’on se bat moins pour l’exactitude des faitsque pour le poids des idĂ©es ».

Le livre de cet ancien rĂ©dacteur en chef des Nouvelles lit-tĂ©raires porte sur la presse Ă©crite et se veut historique,sociologique et factuel. Il nous rĂ©concilie avec la profes-sion. Rien ici de manichĂ©en. SpitĂ©ri expose et dĂ©crit lesforces et faiblesses des journalistes, les compromis quoti-diens avec la rĂ©alitĂ©, les marges de manƓuvre Ă©troitesdans lesquelles se dĂ©battent les grands groupes depresse. L’auteur est formel : « La presse Ă©crite estgĂ©nĂ©ralement de meilleure qualitĂ© qu’autrefois », etc’est pour cette raison qu’elle est en mesure de retrouverune nouvelle vitalitĂ© face aux mĂ©dias Ă©lectroniques ens’engageant dans le journalisme d’opinion. Par ce terme,il faut entendre « des jugements Ă©clairĂ©s, des prises deposition affranchies des lieux communs comme des con-troverses artificielles,une qualitĂ© d’analyse qui entraĂźne laconviction. » On est loin des imprĂ©cations et plus prochede l’espĂ©rance.

Je sors toutefois de la lecture de ces deux livres un peuinsatisfait. Je suis de ceux qui croient que l’informationest une exigence personnelle de la part du lecteur, dutĂ©lĂ©spectateur. Aujourd’hui, le citoyen ne peut plus pren-dre prĂ©texte des conditions politiques et Ă©conomiquespour excuser son ignorance et son impuissance. La mul-tiplicitĂ© des sources, la facilitĂ© technique d’y accĂ©der et lagratuitĂ© grandissante ouvrent des avenues de connais-sances inimaginables il y a quarante ou cent ans. Oui, lepublic a le droit Ă  l’information, mais il a aussi un devoir,celui de s’informer. Il aurait Ă©tĂ© intĂ©ressant de voir cetaspect de la circulation de l’information abordĂ© par lesdeux auteurs.

Essais et documents

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15 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire BOUQUINEEssais et documents

RĂ©flexion ou consommation Line Beauchesne, professeure au dĂ©partement de criminologiede l’UniversitĂ© d’Ottawa, signe avec Drogues, mythes et dĂ©pen-dance un prĂ©cieux guide destinĂ© aux parents. Davantage infor-mĂ©s, ceux-ci seront capables de mieux communiquer leursvaleurs Ă  leurs enfants. Le livre commence par Ă©tablir les mĂ©ritesde la prĂ©vention, en expose les mĂ©thodes, pour enfin conseillerdirectement le lecteur. On note en ses pages un souci perma-nent de remettre les idĂ©es reçues Ă  leur place.

NouveautĂ©DROGUES, MYTHES ET DÉPENDANCE. EN PARLER AVEC NOS ENFANTS,

Line Beauchesne, Bayard Canada, 100 p., 14,95 $

La goutte qui fait dĂ©border Écologiste et journaliste rĂ©putĂ© du Royaume-Uni, Mark Lynassuit pour nous dans MarĂ©e Montante les traces tangibles durĂ©chauffement climatique. En 2002, revoyant pour une Ă©niĂšmefois une photo d’un glacier pĂ©ruvien prise par son pĂšre vingt ansauparavant, le reporter a l’idĂ©e d’aller au mĂȘme endroit. Le constat est alarmant (voir www.marklynas.org). Un tĂ©moignageĂ  mettre de toute urgence dans les mains de qui doute encorede la prĂ©caritĂ© de notre condition.

NouveautĂ©MARÉE MONTANTE, Mark Lynas, Au diable vauvert, 363 p., 42,95 $

Faire vite et bienLe Point de bascule a sans contredit reprĂ©sentĂ© l’un desouvrages les plus utiles jamais Ă©crits pour qui s’intĂ©resse auxquestions de marketing et de leadership. Journaliste au NewYorker, Malcolm Gladwell, toujours aussi bien documentĂ©, nousmontre dans Intuition comment parvenir Ă  « rĂ©flĂ©chir sans ypenser ». Ne dit-on pas que les improvisations les plus rĂ©ussiessont les mieux prĂ©parĂ©es ? À l’aide d’exemples tirĂ©s de milieuxaussi diffĂ©rents que le sport, la musique classique, la publicitĂ©ou la thĂ©rapie de couple, il nous prouve que les meilleures dĂ©ci-sions sont souvent les plus rapides.

NouveautéINTUITION, Malcolm Gladwell, Transcontinental, coll. Revue Commerce, 243 p., 27,95 $

« Just do it »La physique en arrivera-t-elle un jour Ă  nous proposer unethĂ©orie expliquant tout, si simple Ă  comprendre qu’on pourral’arborer sur un tee-shirt ? Journaliste et vulgarisateur scien-tifique, Dan Falk raconte avec rigueur et clartĂ© la quĂȘte d’absoludes philosophes et des scientifiques dĂ©sireux de donner unerĂ©ponse Ă  toutes les questions soulevĂ©es par l’Univers. Depuisl’AntiquitĂ©, ils sont nombreux Ă  avoir tentĂ© de faire entrer l’in-finiment grand dans l’infiniment petit
 Prix de l’Associationcanadienne des Ă©crivains scientifiques.

NouveautĂ© TOUT L’UNIVERS SUR UN TEE-SHIRT, Dan Falk, Fides, 252 p., 24,95 $

NouveautĂ©ZÉRO TOXIQUE : POURQUOI ET COMMENT SE PROTÉGER,

Marc Geet Éthier, TrĂ©carrĂ©, 287 p., 19,95 $

Tous au chimique !De nos jours, 7 dĂ©cĂšs sur 10 auraient pour cause une maladiechronique. Parmi ces maux, un grand nombre serait imputable Ă la pollution de nos propres corps. La procĂ©dure canadienne nechange pourtant pas : avant de s’assurer des dangers Ă  longterme, on lance les produits, quitte Ă  les retirer du marchĂ© ensuite.Marc Geet Éthier ne souhaite pas seulement sonner l’alarme : sonouvrage, tout en prĂ©sentant un portrait de la situation, proposedes solutions. Pour chaque sphĂšre d’activitĂ© ou de consommation(aliments, entretien domestique, transports), des mesuresprĂ©cises sont dĂ©crites.

On ne naĂźt pas femme
 Depuis 1975, les Éditions du remue-mĂ©nage alimentent la rĂ©flexionsur la condition fĂ©minine.Anne-Marie Sicotte vient d’y faire paraĂźtreune biographie solidement documentĂ©e, qui ravive le souvenir despremiers pas du fĂ©minisme au QuĂ©bec. Marie Lacoste GĂ©rin-LajoienaĂźt Ă  MontrĂ©al en 1867 dans un milieu aisĂ©. À une Ă©poque oĂč lesrĂŽles sociaux relĂšvent d’une vision Ă  courte vue, elle travaillera Ă garantir aux jeunes femmes l’accĂšs Ă  une Ă©ducation digne de cenom, rĂ©digeant Ă  leur intention un TraitĂ© du droit usuel qui feraĂ©cole. Un ouvrage essentiel qui Ă©claire les enjeux du fĂ©minisme.

NouveautĂ© MARIE GÉRIN-LAJOIE. CONQUÉRANTE DE LA LIBERTÉ, Anne-Marie Sicotte,Éditions du remue-mĂ©nage, 503 p., 34,95 $

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 16

le libraire CRAQUEEssais et documents

TraitĂ© d’athĂ©ologieMichel Onfray, Grasset, 282 p., 32,95$

« Le XXIe siĂšcle sera religieux ou ne sera pas », disait Malrauxet, tristement, nous ne pouvons pour le moment lui donnertort. Avec son TraitĂ© d’athĂ©ologie, le philosophe Michel Onfrays’attaque Ă  cette recrudescence de la religion et aux con-sĂ©quences de celle-ci. Il nous propose une historiographierigoureuse de l’athĂ©isme, qui force un certain recul face auxmonothĂ©ismes et Ă  leurs pratiques passĂ©es et prĂ©sentes.Reprenant certains abus des religions du Livre, Onfray justifiele recours Ă  l’athĂ©isme pour combattre la pulsion de mort

qu’elles appellent, les tyrannies et servitudes qu’elles imposent et les dĂ©sirs irrĂ©elsqu’elles suggĂšrent. Ainsi, il nous rappelle qu’à trop vouloir profiter d’un « arriĂšre-monde » hypothĂ©tique, nous oublions trop souvent de profiter du momentprĂ©sent. MATISSE CONSTANT

Dans la TaniĂšre du loupTraudl Junge, JC LattĂšs, 307 p., 34,95 $

On rĂȘve souvent d’ĂȘtre un petit oiseau pour pouvoir Ă©pier lesgens Ă  leur insu.Traudl Junge, en devenant la secrĂ©taire de Hitleren 1942, a un peu jouĂ© ce rĂŽle malgrĂ© elle. La position qu’elleoccupait auprĂšs du chancelier du IIIe Reich lui a permis d’ĂȘtre untĂ©moin plus que privilĂ©giĂ© de ce qui se passait Ă  l’intĂ©rieur dubunker. GrĂące Ă  elle, nous franchissons les murs bĂ©tonnĂ©squ’aucun historien n’avait pu pĂ©nĂ©trer de cette maniĂšre. Fineobservatrice, elle dĂ©peint le quotidien de Hitler, d’Eva Braun etde toute cette faune qui gravitait autour des deux personnages.

Elle croyait que ses anecdotes n’avaient aucun intĂ©rĂȘt alors qu’au contraire, ellesapportent un Ă©clairage nouveau et essentiel Ă  la comprĂ©hension de ce triste pan denotre histoire. Un document fascinant et effroyable. ÉRIC SIMARD

Il Ă©tait une fois... et pour toujoursAlison Lurie, Rivages, coll. Essais, 262 p., 39,95$

On connaĂźt Alison Lurie comme romanciĂšre, mais onignore qu’elle est une spĂ©cialiste de la littĂ©rature jeunesse.Cet essai ludique, intelligent et un tantinet psychanaly-tique le prouve hors de tout doute. En partant de sa pro-pre expĂ©rience, elle montre l’importance que peuventavoir certaines lectures dans la vie d’un jeune lecteur.Ainsi, elle nous invite dans l’univers de Hans ChristianAndersen, de Pinocchio, de Harry Potter, du magiciend’Oz, de Babar et de Louisa May Alcott, pour ne nommerque ceux-lĂ . Ses choix vont beaucoup vers la cultureanglo-saxonne, qui est un peu Ă©loignĂ©e de la nĂŽtre, maissa plume est si contagieuse et son regard si pertinent que

ça ne gĂąche en rien le plaisir qu’on a Ă  la lire. La preuve en est qu’elle m’a donnĂ© legoĂ»t de lire Les Quatre Filles du Docteur March ! ÉRIC SIMARD

Esquisses d’exilLe grain tombĂ© entre les meules (t. 2) : 1979-1994

Alexandre SoljĂ©nitsyne, Fayard, 702 p., 49,95 $Au fond d’une forĂȘt du Vermont, il y a Alexandre SoljĂ©nitsynel’exilĂ©. Il est un grain, broyĂ© par la meule soviĂ©tique, broyĂ©par la « tribu instruite » amĂ©ricaine. Trop paysan, troprusse, parlant trop de rigueur morale, de courage, l’écrivainbarbu dĂ©plaĂźt. On lui prĂ©fĂšre le dissident urbain Sakharov, lerĂ©formateur communiste Gorbatchev. Qu’on l'isole, il n’en acure : il peut dorĂ©navant Ă©crire son oeuvre Ă  sa guise. Lespages les plus belles, les plus tragiques de ces Esquisses d’ex-

il, il les rĂ©dige entre 1989 et 1994. Un dĂ©gel a lieu dans sa patrie. Les portes de la terrenatale s’ouvrent. À la frĂ©nĂ©sie du dĂ©part se substitue l’angoisse : la Russie n’est quechaos et il va Ă  sa rencontre. Mais le rĂ©cit de son installation, ce sera pour une autrefois. CHRISTIAN VACHON

L’Étrange Voyage de Rudolf Hess.Mai 1941

Martin Allen, Plon, 351 p., 43,95 $Martin Allen, historien britannique, nous dĂ©voile aprĂšsmaintes recherches des faits nouveaux sur l’un desĂ©vĂ©nements les plus curieux de cette pĂ©riode agitĂ©e del’histoire du XXe siĂšcle. Comment expliquer le mystĂ©rieuxvol vers l’Angleterre de Rudolf Hess, fidĂšle secondd’Adolf Hitler, qui fut arrĂȘtĂ© et passa le reste de sa vie enprison ? L’auteur nous explique tout ce qui a prĂ©cĂ©dĂ©cette curieuse traversĂ©e. Le rĂŽle des services secrets bri-tanniques Ă©tait d’une importance primordiale dans ledĂ©roulement de cette affaire ; leur tĂąche Ă©tait de fairecroire aux Allemands que l’Angleterre Ă©tait prĂȘte Ă  faire

la paix. Leur but : faire ouvrir un second front vers la Russie, afin que les naziscessent de les attaquer. Toutes ces nĂ©gociations secrĂštes Ă©taient inconnues encoreil n’y a pas longtemps : Ă  lire pour les amateurs d’histoire de la Seconde Guerremondiale. JEAN MOREAU

Jean MoreauCLÉMENT MORIN

Éric SimardPANTOUTE

Christian VachonPANTOUTE

Matisse ConstantMONET

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17 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

DANS LA POCHE

Douce TamiseMatthew Kneale, Pocket, 414 p., 12,95 $

Alors que le fleuve rĂ©pand le cholĂ©ra sur la capitale britanniquependant l’étĂ© 1849, la vie de l’ingĂ©nieur Joshua Jeavons bascule :son Ă©pouse, qui se refusait Ă  lui, s’est enfuie. La rumeur taxe ladisparue de libertinage, mais n’en croyant rien, Jeavons Ă©cumeles beaux quartiers. C’est pourtant dans les ruelles des bas-fondslondoniens qu’il retrouvera sa trace
 Cette fresque mariedrame conjugal et catastrophe mĂ©dicale avec habiletĂ©. NĂ© Ă Londres, Matthew Kneale est l’auteur de deux autres romans (Les Passagers anglaiset Cauchemar nippon). À l’automne 2006 paraĂźtront des nouvelles chez Belfond.

La Nostalgie de l’angeAlice Sebold, J’ai Lu, 349 p., 13,95 $

Susie Salmon a 14 ans lorsqu’elle est victime de la sauvage agres-sion d’un voisin. De l’au-delĂ , la jeune femme, narratrice de LaNostalgie de l’ange, assiste Ă  l’histoire de sa propre absence Ă  tra-vers la longue reconstruction de sa famille. Énorme succĂšs lors desa parution en 2002 aux États-Unis, The Lovely Bones trouvait l’an-nĂ©e suivante un semblable Ă©cho auprĂšs du public francophone.Alice Sebold est Ă©galement l’auteure de Lucky (Nil, 2005), un rĂ©citpoignant portant sur le viol qu’elle a elle-mĂȘme subi.

Le Dictateur et le hamacDaniel Pennac, Folio, 410 p., 15,95 $

Il y a un dictateur d’AmĂ©rique latine agoraphobe qui se fait rem-placer par un sosie, ce dernier cĂ©dant sa place Ă  un autre sosie,l’ombre du Dictateur de Chaplin qui plane au-dessus de ceshurluberlus, puis cet Ă©crivain français rĂ©putĂ©, qui se prĂ©lasse dansson hamac, en fait l’éloge et imagine cet abracadabrant rĂ©cit.L’auteur alterne entre l’histoire proprement dite et les souvenirsde voyages et de lectures. (Comme un roman, la sĂ©rie desMalaussĂšne), qui l’ont conduit jusqu’à la conception de ce livre iconoclaste etdĂ©routant.

NiagaraJane Urquhart, Points, 253 p., 12,95 $

On va aux chutes du Niagara en voyage de noces ou pour s’ynoyer. N’importe quel touriste vous le dira : nombreux sont lescorps d’intrĂ©pides acrobates ou de cƓurs malheureux Ă  s’ĂȘtre fra-cassĂ©s sur les rochers situĂ©s au pied de ces splendeurs naturelles.Si vous en doutez, allez donc faire un tour au musĂ©e de Niagara-Falls
 C’est cette vision noire que l’Ontarienne Jane Urquhartnous invite Ă  dĂ©couvrir par le truchement de personnages bigar-rĂ©s, au destin liĂ© au tourbillon de l’eau. Un roman fascinant honorĂ©du Prix du meilleur livre Ă©tranger 1992.

Le Milieu du jourYvon Rivard, Boréal Compact, 328 p., 15,95 $

Grand Prix du livre de MontrĂ©al 1996, Le Milieu du jour proposeune fine et originale lecture du sempiternel thĂšme du triangleamoureux. Yvon Rivard, dans ce roman « d’une rare intelligenceet d’une rare luciditĂ© » (Spirale), dresse avec sincĂ©ritĂ© le portraitd’un Ă©crivain dĂ©chirĂ© entre deux muses. LaurĂ©at du Prix duGouverneur gĂ©nĂ©ral 1986 pour Les Silences du corbeau, Rivard, quienseigne les lettres françaises et quĂ©bĂ©coises Ă  l’UniversitĂ© McGill,

vient de publier Le SiÚcle de Jeanne (Boréal).

Service clientĂšleBenoĂźt Duteurtre, Gallimard, coll., Folio, 109 p., 10,95 $

Ce bref opus se lit de maniĂšre aussi compulsive que les obses-sions modernes qu’il dĂ©crie : le temps (24 heures dans unejournĂ©e ne suffisent plus), l’appĂąt du gain (« money rules theworld ») et la vitesse (« farnienter » n’est plus bien vu). Muni deson portable, un homme fait la file Ă  l’épicerie, Ă  l’aĂ©roport, aupĂ©age routier, au service Ă  la clientĂšle
 L’attente Ă©quivalant Ă une « perte », l’auteur du Voyage en France (MĂ©dicis 2001) selivre ici Ă  une brillante satire de la sociĂ©tĂ© occidentale, dĂ©cidĂ©ment trop pressĂ©e.

Karen Blixen : Une odyssée africaineJean-Noël Liaut, Payot, coll. Petite BibliothÚque Payot, 230 p., 14,95 $

Auteure majeure du XXe siĂšcle, Karen Blixen (La Ferme africaine, LeDĂźner de Babette, Sept Contes gothiques) reste peu lue de nos jours— quoique Souvenirs d’Afrique, avec Meryl Streep et RobertRedford, l’ait fait connaĂźtre davantage. Et pourtant, sa vie a toutd’un roman qu’on prend plaisir Ă  dĂ©couvrir ici : nĂ©e au Danemark,elle Ă©migre au Kenya en 1914 avec un mari rustre,et rĂšgne sur uneplantation de cafĂ© arrachĂ©e aux Noirs,qu’elle frĂ©quente et protĂšge

pourtant assidĂ»ment. En outre, elle souffrira de la syphilis, ettombera follement amoureuse d’un aristocrate anglais.

Retour Ă  BridesheadEvelyn Waugh, Robert Laffont, coll. BibliothĂšque Pavillons, 607 p., 15,95 $

PubliĂ© en 1945, Retour Ă  Brideshead raconte les dĂ©boires d’unĂ©tudiant d’Oxford en visite Ă  la demeure familiale d’un amiexcentrique et fortunĂ©. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages(romans, nouvelles), dont les plus connus restent Grandeur etdĂ©cadence et Une poignĂ©e de cendres, l’Anglais Evelyn Waugh(1903-1966) a grandement contribuĂ© Ă  rĂ©pandre l’humourbritish, savoureux amalgame de sarcasme et d’ironie. MaĂźtre dela satire, l’auteur s’est joyeusement fait la main sur l’aristocratie et la politique bri-tannique, de mĂȘme que sur le judĂ©o-christianisme. So marvelous, dear !

VĂ©ritable Histoire du gang KellyPeter Carey, 10/18, 478 p., 18,95 $

Hommage inspirĂ© au plus controversĂ© hors-la-loi de l’Australie, cerĂ©cit galopant et adroit, au style truculent, offre une vision diffĂ©rentedu funeste destin de ce bandit qui, avant d’ĂȘtre pendu en 1880, atenu en Ă©chec la police pendant des annĂ©es. En vĂ©ritable virtuosecapable de jouer du farfelu (La Vie singuliĂšre de Tristan Smith) commedu tragique et du baroque (Jack Magg),Peter Carey s’est offert le luxede poser au-dessus de son foyer un deuxiĂšme prix Man Booker grĂące

Ă  la VĂ©ritable Histoire du gang Kelly.

PlutĂŽt mourirMarcello Fois, Points, 296 p., 14,95 $

Noires sont les intrigues de Marcello Fois et longs, les couteauxdes nuits de sa Sardaigne. L’auteur de Les Hordes du vent (Seuil,2005) raconte dans PlutĂŽt mourir une histoire glauque Ă  souhait,au dĂ©veloppement enrichi par un nombre impressionnant depersonnages. Dans la ville de Nuoro, en 1992, Ines Ledda, 12 ans,est la quatriĂšme petite fille Ă  disparaĂźtre depuis septembre 1989.Son cadavre, retrouvĂ© dans les bois, rĂ©vĂšle les signes d’un rĂ©centavortement. La corde de l’enquĂȘte, prodigieusement mĂȘlĂ©e, senoue peu Ă  peu : on est pris au collet !

Le Dernier AmiTahar Ben Jelloun, Points, 148 p., 9,95 $

Tahar Ben Jelloun n’est plus Ă  prĂ©senter, lui qui sait si justement ren-dre compte du paradoxe opposant la tradition et la modernitĂ© quianime sa patrie, le Maroc. Il en nourrit d’ailleurs son Ɠuvre foison-nante depuis Harrouda (1973),en passant par La Nuit sacrĂ©e (1987) ouLe Premier Amour est toujours le dernier (1995). Sur fond de jalousie etde trahison, Le Dernier Ami constitue, sur une trentaine d’annĂ©es, lerĂ©cit Ă  deux voix de l’amitiĂ© unissant Ali et Mamed,qui livrent chacun

leur version des faits.

La Dame Ă  la LicorneTracy Chevalier, Folio, 359 p., 14,95 $

La Jeune Fille Ă  la perle brodait allĂšgrement autour du peintre Vermeerune histoire d’amour et d’art. De regard et de tableau il est de nou-veau question dans La Dame Ă  la Licorne. Paris, 1490. Nicolas desInnocents est peintre. Il se voit confier par Jean Le Viste la rĂ©alisationde miniatures, qui serviront de modĂšles Ă  ses tapisseries. Le nobleseigneur a commandĂ© une reprĂ©sentation de la bataille de Nancymais, fascinĂ© par la fille de Le Viste et dĂ©tournĂ© de son premier objec-tif par son Ă©pouse, Nicolas peint plutĂŽt une femme et une licorne


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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 18

Selon Mathieu BĂ©liveau, fils du fondateur et aujour-d’hui prĂ©sident-directeur gĂ©nĂ©ral de la maison, lalongĂ©vitĂ© de l’entreprise n’a pas Ă  voir avec le succĂšsinstantanĂ© ou les opĂ©rations de marketing intempes-tives : « Je crois que ce qui rĂ©sume bien notre histoire,c’est que nous avons rĂ©ussi Ă  demeurer petits, maissolides. » En trois dĂ©cennies, on n’a pas oubliĂ© lesprincipes de Michel BĂ©liveau, un ingĂ©nieur de forma-tion, qui a toujours prĂ©fĂ©rĂ© se concentrer sur la publi-cation d’un nombre limitĂ© d’ouvrages s’adressant Ă des clientĂšles prĂ©cises, gages de qualitĂ© et de profes-sionnalisme : « Mon pĂšre a toujours considĂ©rĂ© sonentreprise comme quelque chose qui devait avanttout conserver une certaine stabilitĂ©.»

Il est vrai qu’avant de goĂ»ter au succĂšs des « Bouillonde poulet pour l’ñme » au milieu des annĂ©es 90,BĂ©liveau avait vĂ©cu bien d’autres aventures Ă©ditoriales,marquĂ©es par l’ambition de rĂ©concilier le savoir avec laproduction de livres accessibles. À ses dĂ©buts, la mai-son a surtout publiĂ© des notes de cours dans diffĂ©rentsdomaines des sciences pures, et ce, pour diverses insti-tutions d’enseignement. Puis l’achat, en 1980, deDiffusion Iris, et la crĂ©ation de la librairie qui porte lemĂȘme nom, ont permis d’accueillir dans son cataloguedes ouvrages Ă  caractĂšre religieux. Le fait de devenirleur propre distributeur a permis Ă  Sciences et culturede mieux envisager l’avenir, tout en dĂ©montrant uneferme volontĂ© de partir Ă  la recherche de nouveauxmarchĂ©s, notamment dans le domaine du dĂ©veloppe-ment de la personne. En 1991, une association avec lafondation Hazelden, un centre reconnu mondialementpour ses traitements de la toxicomanie et de l’al-coolisme, a confirmĂ© Ă  l’éditeur l’importance de misersur la volontĂ© d’allier mieux-ĂȘtre et rigueur scien-tifique. Ainsi, selon Mathieu BĂ©liveau, le succĂšs spec-taculaire de Vaincre la codĂ©pendance de MelodyBeattie a marquĂ© un point tournant encore plus

Bien qu’elles soient aujourd’hui surtout connues grĂące au succĂšs retentissant de leur col-lection « Bouillon de poulet », vendue Ă  plus de 500 000 exemplaires depuis son lance-ment en 1996, les Éditions Sciences et Culture offrent depuis trente ans bien d’autresdĂ©coctions faites de savoirs, d’un soupçon d’audace et de flair. Comme quoi les bonnesvieilles recettes peuvent aussi mener loin. Car dans la petite maison d’édition fondĂ©e parMichel BĂ©liveau en 1975, on n’a jamais perdu de vue plusieurs principes, dont l’idĂ©e selonlaquelle la taille d’une entreprise n’est nullement garante de la soliditĂ© de ses fondations.

important que l’arrivĂ©e de la sĂ©rie « Bouillon de poulet », puisque Sciences et culture s’est ensuiteassociĂ©e au Centre jeunesse de MontrĂ©al pour produireune collection de titres spĂ©cialisĂ©s en Ă©ducation.

Le secteur du dĂ©veloppement personnel a connu sonpremier vĂ©ritable essor avec la publication des livres deBeattie et, plus tard, de L’Insatisfaction chronique (LaurieAshner et Mitch Meyerson) et de Manger ses Ă©motions(Bill B.). Toutefois, il est vrai que l’annĂ©e 1996 est cellequi marqua l’entrĂ©e au catalogue des fameux « Bouillon de poulet pour l’ñme », mijotĂ©s par deuxAmĂ©ricains, Jack Canfield et Victor Hansen. Pour lapetite histoire, notons que le succĂšs de cette sĂ©rie nefut pas instantanĂ©, et qu’il aura fallu bien de la dĂ©termi-nation de la part des auteurs et des agents respon-sables de la commercialisation internationale pourqu’un vaste public apprĂ©cie enfin ces livres. Imaginez :le projet a Ă©tĂ© refusĂ© par plus d’une trentaine d’éditeurs amĂ©ricains... Au QuĂ©bec, ce ne fut pas vrai-ment plus facile : « Tout le monde a aussi refusĂ©,mĂȘme mon pĂšre. Les Éditions Du Roseau ont fait unepremiĂšre Ă©dition en changeant le titre et la couverture,puis elles ont dĂ©cidĂ© de ne pas continuer la sĂ©rie. Lesagents ont rappelĂ© mon pĂšre et rĂ©ussi Ă  le convaincre.De lĂ , tout a dĂ©collĂ©. Nous avons Ă©tĂ© l’un des premiersĂ©diteurs au monde Ă  dĂ©cider de ne rien changer auxtitres ni Ă  la couverture, ce qui explique en partiepourquoi la sĂ©rie marche si bien », explique BĂ©liveau.

Aujourd’hui, Sciences et Culture a publiĂ© trente volumes de cette sĂ©rie de textes destinĂ©s Ă  vous revigor-er l’ñme et traduits en plus de 36 langues. En anglais, onoffre dĂ©jĂ  80 titres, ce qui force Mathieu BĂ©liveau et sonĂ©quipe Ă  effectuer une certaine sĂ©lection : «Il y en a pour les chiens et les chats, pour ceuxqui voyagent, les Ă©tudiants, les jardiniers, lesparents... Si je voulais, je pourrais faire de la

traduction jusqu’à la fin des temps ! Je prĂ©fĂšre enĂ©diter seulement deux ou trois par annĂ©e et tenterde faire coĂŻncider la publication avec un Ă©vĂ©nementspĂ©cial. À la rentrĂ©e de septembre, par exemple,paraĂźtra Bouillon de poulet pour les professeurs, etBouillon de poulet pour l’ñme romantique sortira Ă  laprochaine Saint-Valentin... »

Avec Ă  son emploi une douzaine de personnesƓuvrant Ă  la publication d’une quinzaine delivres annuellement, Sciences et Culture estimeavoir atteint un bon rythme de croisiĂšre. Etcomme son pĂšre, Mathieu BĂ©liveau n’a pas l’inten-tion de changer la formule gagnante : « Jerecherche toujours un bon mĂ©lange entre des volumes plus grand public mais trĂšs sĂ©rieuxcomme ceux sur la dĂ©pendance, qui amĂšnent del’eau au moulin, et d’autres, beaucoup plus spĂ©-cialisĂ©s. Cependant, j’aimerais avoir plus d’auteursquĂ©bĂ©cois dans le secteur du dĂ©veloppement dela personne. Je vais donc tout faire pour aller Ă  leurrencontre et ainsi tenter d’équilibrer notre cata-logue. Ça nous permettrait aussi d’établir unedynamique entre auteurs et Ă©diteurs, que nousn’avons pas avec les auteurs Ă©trangers. »

Pas question donc, aux dires de BĂ©liveau, de « selancer dans le roman ou le livre de recettes ». Uneseule suffit (outre le bouillon de poulet) : cellereposant sur l’idĂ©e qu’il faut toujours s’assurerd’ĂȘtre bien solide avant de se lancer dans n’im-porte quelle entreprise. Une recette qui, Ă  trenteans bien sonnĂ©s, ne se dĂ©mode pas.

Par Antoine Tanguay

Portrait d’éditeur

Sciences et culture

Bouillon de poulet pour l’ñme de l’éditeur

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19 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

L’édition internationale s’est engagĂ©e dans une fĂ©roce course aux best-sellers. Del’Angleterre Ă  l’Allemagne en passant par l’Italie, le BrĂ©sil, les États-Unis, le Canadaet, oui, le QuĂ©bec (quoique dans une moindre mesure), les acteurs du monde dulivre sont dĂ©sormais sĂ©parĂ©s en deux camps.D’abord,il y a ces maisons d’édition quirecherchent le gain Ă  tout prix, qui prĂ©conisent un contenant attrayant dont l’histoire, bĂątie sur un canevas convenu, voire simplet mais efficace, a le mĂ©rite derĂ©pondre,selon un obscur calcul,aux attentes des lecteurs.Et puis,il y a ces tenantsde la vieille garde, ces Ă©diteurs qui privilĂ©gient un contenu plus riche au dĂ©trimentde ventes faramineuses,prĂ©fĂ©rant l’établissement d’une relation de confiance entreeux et l’auteur puis,si Dieu (ou l’industrie) le veut,entre l’écrivain et son public.

Tout le monde le lit

Vous me direz que tout est une question de goĂ»t et qu’il faut de tout pour satisfairetout le monde.Et vous aurez bien raison.Mais n’avez-vous pas remarquĂ©,ces temps-ci,que plusieurs personnes lisent le mĂȘme livre ? Au cafĂ© et au parc,en bus et en avion ?Puisqu’il faut bien citer un exemple, parlons du Da Vinci code de Dan Brown. Ici, l’idĂ©en’est pas de dĂ©terminer si ce roman est bon ou mauvais (tous les goĂ»ts sont dans lanature,dirai-je au risque de me rĂ©pĂ©ter),mais de souligner que ce thriller religieux a faitl’objet d’une mise en marchĂ© d’une ampleur inimaginable il y a quelques annĂ©es seule-ment (qui s’est soldĂ©e par des millions d’exemplaires Ă©coulĂ©s). Par ailleurs, de nombreux « produits dĂ©rivĂ©s » en sont inspirĂ©s :pensons Ă  ces ouvrages dĂ©mystifiantle mystĂšre au cƓur du rĂ©cit et autres fictions relevant du clone romanesque.

Au fil des pages qui suivent,vous dĂ©couvrirez que depuis les beaux jours du feuilleton,au XIXe siĂšcle,la finalitĂ© de l’édition a beaucoup changĂ©,au point de mettre en pĂ©ril uneforme d’expression fondamentale et nĂ©cessaire. Aujourd’hui, derriĂšre les diffĂ©rentesstratĂ©gies publicitaires Ă©laborĂ©es en fonction des caractĂ©ristiques du livre et de sonpublic cible, c’est finalement la dĂ©finition mĂȘme du livre et le traitement qu’on luirĂ©serve qui sont menacĂ©s. En effet, une Ɠuvre ayant requis un long investissementphysique et psychologique de la part de son crĂ©ateur (une raretĂ© dans notre sociĂ©tĂ©axĂ©e sur la performance et le profit), doit-elle ĂȘtre mise en marchĂ© comme des chaus-sures, un jean ou une voiture ? La rĂ©ponse est non. Certes, le livre est un produit, maisil est « culturel » ; sa conception n’a pas Ă©tĂ© faite en usine.

Le secret du succĂšs

Que ce soit au petit Ă©cran,dans les journaux ou Ă  la radio,il semble que seuls l’auditoire oule lectorat comptent de nos jours, et que tous les moyens sont bons pour les obtenir. Cequi nous ramĂšne Ă  la problĂ©matique des best-sellers,tantĂŽt des torchons,tantĂŽt des chefs-d’Ɠuvre, et Ă  l’éventualitĂ© qu’il existe bel et bien une recette du succĂšs. La crĂ©ation d’un livre-Ă©vĂ©nement relĂšve encore d’un mystĂšre (partiellement rĂ©solu) : il n’y apas de recette magique, le rĂ©sultat est alĂ©atoire (les Ă©diteurs sont parfois les premiers sur-pris), mais on sait que la concentration d’un certain nombre de facteurs transforment unsuccĂšs d’estime en blockbuster international. Si l’on revient Ă  la thĂ©orie des goĂ»ts, il seraitjuste de clamer qu’il existe autant de best-sellers que de lecteurs. Osons croire que la va-riĂ©tĂ©,l’une des plus grandes caractĂ©ristiques de la littĂ©rature,est lĂ  pour rester.

Dans la mesure, donc, oĂč nombre de lecteurs lisent le mĂȘme ouvrage, doit-on s’inquiĂ©ter ? Interrogeons-nous, tout au moins. Demandons-nous jusqu’oĂč nous mĂšnera la course aux best-sellers.Les standards dans le livre n’ont pas lieu d’ĂȘtre.Le mĂ©tis-sage de cultures musicales, la World Beat, d’accord, mais la World Fiction, non merci.L‘hĂ©gĂ©monie laisse peu de place aux nouvelles initiatives, presque condamnĂ©es d’avance par la prĂ©sence massive de best-sellers en librairie.Mais les signes sont lĂ .Dansn’importe quel domaine, la convergence est dangereuse : pensĂ©e et littĂ©rature seront-elles taxĂ©es un jour d’« uniques » ? Les Ă©diteurs du monde entier vont-ils adapter leurstactiques de promotion Ă  un marchĂ© ne carburant qu’aux meilleurs vendeurs ? EspĂ©ronsque non. C’est pourquoi, au-delĂ  du simple plaisir de la lecture, on doit s’attarder uninstant au livre lui-mĂȘme, Ă  ce qu’il recĂšle de trĂ©sors cachĂ©s. Évidemment, la part deschoses est plus difficile Ă  faire qu’au chapitre de l’alimentation oĂč, entre un hamburgerdoublement garni et une salade de thon,le tableau des calories parle pour nous.Bien sĂ»r,des Ă©carts occasionnels ne sont pas proscrits ; ils contribuent Ă  l’équilibre. MĂȘme chosepour la littĂ©rature, pensez variĂ©tĂ©, cultivez la curiositĂ©, laissez-vous happer par le livre del’heure.Mais le reste du temps,allez lire ailleurs.

HélÚne Simard, coordonnatrice-rédactrice adjointe

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Information ou loisir ?

À la fin du XIXe siĂšcle,acheter un livre est un luxe rĂ©servĂ© aux classes les mieux nanties.Lesrevenus d’une famille ouvriĂšre n’encouragent pas l’achat d’un produit comme le roman,considĂ©rĂ© comme Ă©tant exclusivement dĂ©diĂ© au loisir. Le temps de repos, susceptibled’ĂȘtre consacrĂ© Ă  la lecture, Ă©tait par ailleurs plutĂŽt rare : rappelons que la semaine de travail, au dĂ©but du XXe siĂšcle, s’étirait du lundi au samedi, Ă  raison de 10 heures Ă  12 heures par jour.Compromis Ă©conomique et idĂ©ologique :le feuilleton,que l’on retrou-ve bientĂŽt dans la plupart des journaux et des revues. Roman coupĂ© en Ă©pisodes, ilentraĂźne une rapide pĂ©nĂ©tration de la fiction dans les milieux populaires. Le pĂ©riodiquene coĂ»te pas cher ; il a, de plus, une valeur d’information qui vient Ă  bout des rĂ©ticencesdes hommes, moins portĂ©s Ă  lire : ils s’y tiennent au courant des affaires publiques
 etdu prix des objets de consommation. À cette Ă©poque, en France, le roman-feuilletonintĂ©resse d’abord les femmes, et sa prĂ©sentation en un chapitre Ă  la fois encourage sa lecture : « une livraison peut ĂȘtre rapidement lue, entre deux tĂąches mĂ©nagĂšres, et lesuspense narratif par lequel elle se termine brise quelque peu la monotonie de l’exis-tence » (Anne-Marie Thiesse, Le Roman du quotidien). Les Ă©pisodes, dĂ©coupĂ©s, sontcousus Ă  la main et les romans ainsi recomposĂ©s sont prĂȘtĂ©s Ă  l’entourage.

Au pays de l’Oncle Sam

Aux États-Unis, un plus grand bassin de population, doublĂ© de stratĂ©gies publicitairespersuasives, permettent dĂ©jĂ  aux ouvrages reliĂ©s d’atteindre des ventes impression-nantes. En 1895, le magazine The Bookman publie la premiĂšre liste des « meilleursvendeurs ». Le premier best-seller consacrĂ©, cette annĂ©e-lĂ , est Beside the Bonnie BrierBush, de l’Écossais Ian MacLaren. L’effet des listes sur les ventes est immĂ©diat : le livre estdĂ©jĂ  conçu et perçu comme un produit de consommation dont l’offre passe par le mĂȘmecanal que les autres... Ainsi, en 1897, The Honorable Peter Stirling de Paul Leceister FordconnaĂźt des ventes dĂ©cevantes
 jusqu’à ce que son Ă©diteur laisse entendre que le rĂ©citest inspirĂ© de la vie du prĂ©sident Cleveland.RĂ©sultat :228 000 copies vendues dans l’an-nĂ©e. Souhaitant rĂ©pĂ©ter les succĂšs des Ă©diteurs amĂ©ricains, l’industrie française appli-quera rapidement les mĂȘmes recettes.L’une de ces premiĂšres rĂ©ussites orchestrĂ©es est larĂ©Ă©dition,en 1921,de Maria Chapdelaine,premier titre de la collection « Les cahiers verts» de Grasset. Le tirage atteindra prĂšs de 170 000 exemplaires en deux ans.

Comme la dynamite, le best-seller naĂźt de façon accidentelle. Sonexplosion est liĂ©e Ă  l’élargissement du lectorat, et ne peut ĂȘtresĂ©parĂ©e de l’existence du roman tel que nous le connaissons. Unensemble de phĂ©nomĂšnes expliquent sa crĂ©ation, parmi lesquelsl’amĂ©lioration de l’éducation publique, la rĂ©duction du coĂ»t dupapier et le dĂ©veloppement de la presse d’information.

Par Mathieu Simard, librairie Pantoute

De la dĂ©finition d’un best-seller

Mais que dĂ©signe-t-on, aujourd’hui, par « best-seller » ?Parle-t-on d’un ouvrage produit selon des stratĂ©gies demise en marchĂ© Ă©prouvĂ©es,orientĂ© vers un public-cible ?Ou ne s’agit-il pas plutĂŽt d’un livre qui tombe Ă  point,satisfaisant les exigences de la critique et comblant lesattentes d’un large lectorat ? D’un cĂŽtĂ© il y aurait l’ « art » ; de l’autre, le « produit ». Le malaiseprovient d’une confusion dans la dĂ©finition de l’objet.Exemple de cette ambivalence, une citation de La Forcede l’ñge de Simone de Beauvoir (1960), tirĂ©e de l’article « Best-seller » de Pierre Nora (Encyclopedia Universalis) :« Le dernier best-seller amĂ©ricain, Babbit, nous parutlaborieusement plat ». Or Babbit, de Sinclair Lewis, prixNobel de littĂ©rature,est considĂ©rĂ© comme un classique.

En ce qui concerne exclusivement la fiction,le statut de « best-seller » demeure ambigu.Mais cette confusion est d’abord affaire de regard. Parler de best-seller, c’est, dans une certaine mesure,faire de l’histoire ou de la sociologie,quand ce n’est pas tout simplementen rester au niveau de la mise en marchĂ© : les maisons de distribution, parmi leurs listesde livres Ă  paraĂźtre, prĂ©sentent une colonne « best-sellers ». Il n’est pas question de « littĂ©rature », au sens oĂč l’on ne juge pas d’une qualitĂ©, pas plus qu’on n’interprĂšte uneƓuvre selon sa forme par rapport Ă  d’autres Ɠuvres.

La lecture « littĂ©raire » implique de s’intĂ©resser d’abord Ă  la façon dont c’est fait.La rĂ©us-site littĂ©raire Ă©voquĂ©e par la critique est comme un tour de magie dont on prend plaisirĂ  piger le truc. Cette visĂ©e de dĂ©codage n’exclut pas la foi en cette magie, qui reposed’abord sur l’identification Ă  un personnage, souvent une hĂ©roĂŻne (Les Filles de Caleb, LaCordonniĂšre, Madame Bovary, Anna KarĂ©nine), puis sur l’adhĂ©sion Ă  un contexte quiĂ©voque des traits sensibles de notre passĂ© ou de notre prĂ©sent : rapports entre leshommes et les femmes,difficultĂ© Ă  concilier les rĂŽles sociaux,affrontement avec le clergĂ©,certains milieux Ă©conomiques ou politiques, etc.

« Les best-sellers, Ă©crivait Denis Saint-Jacques dans Ces livres que vous avez aimĂ©s : Lesbest-sellers au QuĂ©bec de 1970 Ă  aujourd’hui (Nota bene,15 $),participent Ă  la constitutionde la culture commune ; ils offrent une scĂšne oĂč l’on peut jouer ou ĂȘtre jouĂ© ». Mais, endehors du marchĂ© français,qui demeure difficile d’accĂšs,on voit mal les possibilitĂ©s pourun best-seller quĂ©bĂ©cois d’atteindre les chiffres de vente des plus grosses pointures.L’Histoire de Pi, de Yann Martel, est une exception notable, mais il fut d’abord publiĂ© enanglais, et par un Ă©diteur Ă©tranger. L’Italien Umberto Eco, quant Ă  lui, reste l’un des raresnoms extĂ©rieurs au monde anglo-saxon Ă  jouer sur la scĂšne de ce qu’on appelle dĂ©sormais la World Fiction. Lueur d’espoir pour la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise, l’existence d’unroman populaire national, avec les Beauchemin, Tremblay, Cousture, Brouillet, et, plusrĂ©cemment, les Lacombe et Gill.À l’exemple de l’intĂ©rĂȘt notable des QuĂ©bĂ©cois pour leurpropre contenu tĂ©lĂ©visuel,notre production de best-sellers trouve son public.Et les listesdes meilleurs vendeurs nous offrent parfois quelques surprises,comme GaĂ©tan Soucy etGuillaume Vigneault.

Du feuilleton au best-seller

Classiques quĂ©bĂ©cois d’hier Ă  aujourd’hui

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 21

Jean Baril, directeur des communications et du marketing pour Libre expression,TrĂ©carrĂ©, StankĂ©, Logiques et Publistar — toutes propriĂ©tĂ© de Quebecor MĂ©dia —, ledit sans ambages : « Le livre est un produit. » Et Ă  ce titre, ilfaut prendre les moyens pour le vendre. Opinion que partageMichel BrĂ»lĂ©, controversĂ© patron des Intouchables, dont l’ap-proche s’apparente Ă  celle des gros Ă©diteurs Ă©tasuniens oufrançais. « Ça ne m’intĂ©resse pas de faire des livres qui ne sevendent pas », dit-il. Et d’ajouter : « Le livre, c’est une chosesacrĂ©e
 qu’il faut vendre ! Ce n’est pas l’argent qui m’intĂ©resse, mais le succĂšs. Je veux battre les AmĂ©ricains et lesEuropĂ©ens, je veux rivaliser avec eux, je veux bĂątir des carriĂšresinternationales pour les Ă©crivains quĂ©bĂ©cois. »

Le phĂ©nomĂšne des best-sellers internationaux n’a pas attendula mondialisation des marchĂ©s. Dans les annĂ©es 1970 triom-phent Erich Segal (Love Story), Colleen McCullough (Les Oiseauxse cachent pour mourir), Barbara Taylor Bradford (L’Espace d’unevie), Irwin Shaw (Les Jordache)
 Le roman quĂ©bĂ©cois de type best-seller — pensĂ© enfonction d’un grand public — n’apparaĂźt que la dĂ©cennie suivante, avec Le Matou,d’Yves Beauchemin, et Les Filles de Caleb, d’Arlette Cousture. Ces succĂšs inciterontĂ©crivains et Ă©diteurs d’ici Ă  investir dĂ©libĂ©rĂ©ment le crĂ©neau de la littĂ©rature de grandeconsommation. Au point oĂč « le QuĂ©bec a su dĂ©velopper une gĂ©nĂ©ration deromanciers grand public qui occupent une place de plus en plusimportante sur le marchĂ© quĂ©bĂ©cois », affirme Pierre Graveline,directeur du Groupe Ville-Marie LittĂ©rature, qui chapeaute notam-ment l’Hexagone et VLB Ă©diteur.

Pierre Graveline est bien placĂ© pour en juger. L’Hexagone a unevocation « littĂ©raire » et VLB, qui publie une flopĂ©e de romanshistoriques, une vocation « populaire ». Certains des Ă©crivainsde la maison, comme Pauline Gill (La CordonniĂšre) et DianeLacombe (la trilogie de Mallaig), vivent maintenant de leur

plume. Un club sélect, auquel appartien-nent encore, par exemple, MichelTremblay, Marie Laberge et YannMartel.

Avec Life of Pi, laurĂ©at du Man Booker2002, Martel a signĂ© un livre « mil-lionnaire ». Prix prestigieux —beaucoup plus que le Goncourt —,le Booker constitue un sĂ©same royalpour la conquĂȘte de tout le marchĂ©anglophone et, rĂšgle gĂ©nĂ©rale, esttraduit en plusieurs langues. Au

QuĂ©bec, durant l’annĂ©e 2003-2004, L’Histoire de Pi a longue-ment rĂ©gnĂ© en premiĂšre place du palmarĂšs de Renaud-Bray,et somme toute rĂ©ussi une « performance » comparable Ă celle de Da Vinci code, de Dan Brown.

Ici, le palmarĂšs de Renaud-Bray, publiĂ©hebdomadairement dans divers jour-naux, tient lieu d’indicateur quasiment « officiel » des best-sellers, dans lamesure oĂč cette liste est Ă  toutes finsutiles la seule : « Les listes de best-sellers reflĂštent des tendances, maisleur fiabilitĂ© s’arrĂȘte lĂ , car elles se limi-tent aux seules ventes en librairie. Or,certains auteurs vendent beaucoupplus dans les grandes surfaces, les phar-

macies, etc. On restera donc circonspect dans l’interprĂ©tation de ces listes », ditChantal Savoie, professeure de littĂ©rature Ă  l’UniversitĂ© Laval. La fameuse liste deRenaud-Bray ne dit pas tout, les Ă©diteurs quĂ©bĂ©cois rĂ©vĂšlent les chiffres quilesarrangent et, ici, la dĂ©finition du best-seller est relativement Ă©lastique : Ă©tant donnĂ© la taille de notre marchĂ©, un livre devient un best-seller Ă compter de 5 000 exemplaires vendus, ou peut-ĂȘtre mĂȘme 4 000.

La diversité relative

Le best-seller se dĂ©cline en plusieurstypes.« Il n’y a pas un modĂšle unique »,remarque d’ailleurs Mme Savoie.« Mais nombre de best-sellers finissentpar se ressembler, mĂȘme si leursauteurs disent ne pas appliquer derecettes », poursuit-elle.

La littĂ©rature populaire quĂ©bĂ©coise(et Ă©trangĂšre) comporte certes despointures et des styles variables,avec par exemple les MarieLaberge, Micheline Lachance,Chrystine Brouillet, Diane Lacombe,Pauline Gill, Marc Fisher, DenisMonette (vedette des ÉditionsLogiques) ou encore MartheGagnon-Thibaudeau, aujourd’huidĂ©cĂ©dĂ©e, qui, avec 12 titres vendusau total Ă  prĂšs de 450 000 exem-plaires au QuĂ©bec et en France,alimente le fonds de commerce de

la maison JCL, de Chicoutimi. Mais ces auteurs utilisentquelques motifs rĂ©currents : l’histoire, la saga, la romance,le suspense, qui sont, les chiffres le dĂ©montrent, les genresclĂ©s de voĂ»te de la littĂ©rature populaire, parce qu’idĂ©ale-ment porteurs d’évasion et de divertissement (Da Vincicode, mĂȘlant polar historique et Ă©nigmes Ă  caractĂšre religieux, partait avec des con-ditions gagnantes). D’oĂč une impression Ă  la fois de dĂ©jĂ -lu et de nouveautĂ©.

De mĂȘme, les procĂ©dĂ©s narratifs sont similaires, la rĂšglenumĂ©ro 1 du best-seller, selon Mme Savoie, rĂ©sidant dansune trame qui permettra aux lecteurs de s’identifier aux per-sonnages. D’oĂč, puisque 80 % des lecteurs de fiction sontdes lectrices, une panoplie defemmes fortes dans la littĂ©rature,et en particulier dans le roman historique. A Ă©galement la cote lemodĂšle « David contre Goliath »,dĂ©clinĂ© en une multitude de vari-antes — John Grisham, Dan Brown,le QuĂ©bĂ©cois Jean-Jacques Pelletier,etc. —, et se rĂ©sumant en un hĂ©ros

solitaire dressĂ© contre une organisation ou un systĂšme, quiconteste l’autoritĂ©, qui traverse une sĂ©rie d’épreuves initia-tiques avant de triompher.

Toutefois, la littérature de type best-seller ne conduit pasforcément à un best-seller effectif, tandis que des livres

Par Francine Bordeleau

Faire de l’argent avec le livreLes mĂ©gasuccĂšs mondiaux façon Da Vinci code font rĂȘver Ă©crivains et Ă©diteurs d’ici. Ces derniers, inspirĂ©spar leurs confrĂšres Ă©trangers, affichent sans rougir leurs ambitions mercantiles. Depuis quelque temps,la course Ă  la rentabilitĂ© influence nettement le paysage Ă©ditorial. Sommes-nous en marche vers uneproduction dĂ©terminĂ©e par son seul potentiel de bĂ©nĂ©fices ?

L’édition quĂ©bĂ©coise Ă  l’heure du best-seller

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Si la tendance se maintient


Car pour l’auteur d’une incontournable Histoire de la lecture (Babel, Prix MĂ©dicis del’essai) et, plus rĂ©cemment, du Journal d’un lecteur et d’Un amant trĂšs vĂ©tilleux (ActesSud/LemĂ©ac), il faut de toute urgence rĂ©flĂ©chir Ă  la rĂ©elle valeur du travail desĂ©crivains et Ă  l’appui qui doit leur ĂȘtre accordĂ© : « Les dix derniĂšres annĂ©es, il estarrivĂ© Ă  l’édition et au marchĂ© du livre la chose la plus dĂ©sastreuse qui ait pu luiarriver : elle a Ă©tĂ© dĂ©couverte par les marchands, explique Manguel. Les compa-gnies internationales se sont rendu compte que le livre s’achetait et se vendait et,ainsi, que ça devait ĂȘtre un objet commercial comme un autre. Or, le livre n’est pasun objet comme un autre. [
] Le livre est avant tout un rĂ©ceptacle de mĂ©moire, unlieu de rĂ©flexion. En tant que tel, il ne produit pas de rendement Ă©conomique. Il sepeut que cela dĂ©clenche un rendement, mais c’est justement alĂ©atoire. Or, ceux quise sont penchĂ©s sur le livre en tant qu’objet commercial se sont dit que dans l’édition, comme dans la vente en librairie, on pourrait appliquer le mĂȘme systĂšmeque celui qui prĂ©vaut pour la vente de saucisses. Ainsi, vous proposer un produit quia une prĂ©sentation dĂ©terminĂ©e, une saveur au goĂ»t, comme la charcuterie dans lessupermarchĂ©s. »

Éditeur cherche best-seller

Alberto Manguel, qui possĂšde la nationalitĂ© canadienne depuis 1985 et vit actuelle-ment en France, avoue d’emblĂ©e son inquiĂ©tude et, en ne mĂąchant pas ses mots, selance sans hĂ©sitation dans ce qu’il conviendrait de nommer une « dĂ©fense et illustration du livre libre » : « La vision du monde de l’édition qu’ont les marchandsa plusieurs effets nĂ©fastes. Autrefois, l’éditeur se lançait dans l’aventure par amourdes livres et pour avoir un rĂŽle dans la crĂ©ation d’une Ɠuvre d’art ; il s’engageait Ă soutenir les Ă©crivains et Ă  publier leurs livres. Notez bien l’ordre des prioritĂ©s ! Caraujourd’hui, l’écrivain, pour les marchands, n’est que celui qui fabrique le livre,comme le cochon fournit la saucisse. Cela Ă©quivaut Ă  saigner entiĂšrement tout cequi constitue le geste littĂ©raire nĂ©cessitant, pour crĂ©er un chef-d’Ɠuvre, un longcheminement intellectuel, l’acceptation de l’échec et l’exploration littĂ©raire dans unclimat ouvert au dialogue et Ă  la rĂ©flexion. Le climat de la nouvelle industrie a dĂ©truit tout ça en entourant cette activitĂ© de rĂšgles qui appartiennent au commerceet non Ă  la littĂ©rature. On ne peut pas crĂ©er de best-sellers. Or, ces marchands,comme Random House rĂ©cemment, donnent des instructions aux Ă©diteurs pourfaire des best-sellers. C’est comme dire qu’il faut crĂ©er plus de gĂ©nies ! De plus, il ya souvent concurrence entre les maisons littĂ©raires au sein d’un mĂȘme groupe, sibien qu’on Ă©vite les risques et qu’on diminue le soutien aux projets d’écrivains endevenir. Il est facile de soutenir, par exemple, Joyce aprĂšs Ulysse, ou Flaubert aprĂšsMadame Bovary. Il Ă©tait plus difficile de soutenir le mĂȘme Flaubert lorsqu’il a Ă©crit

S’il existait une religion de la littĂ©rature et un paradis des saintes plumes, sis quelquepart au-dessus de nos tĂȘtes de lecteurs-disciples, Alberto Manguel mĂ©riterait d’ĂȘtrecanonisĂ© de son vivant. Du moins, son nom figurerait sans doute en tĂȘte de liste des Ă©luspotentiels au titre de patron des causes perdues, tant l’essayiste, romancier et surtoutl’amoureux Ă©perdu du livre et de la lecture, prĂȘche avec une ferveur contagieuse sonamour du livre bien fait.

Novembre, n’est-ce pas ? Donc, si vous ĂȘtes responsable d’une maison et quevous ne faites pas de best-sellers, vous serez virĂ©. On assiste prĂ©sentement Ă  uneautocensure qui ronge de façon infectieuse le monde de l’édition. Je connais desĂ©diteurs qui, maintenant, te disent, les larmes aux yeux, qu’ils ne peuvent pas publier un livre de poĂ©sie, d’histoire, ou qui a moins de cent pages. »

Du fric et des saucisses

RencontrĂ© lors de son passage au Festival Metropolis Bleu, qui se tenait Ă MontrĂ©al du 30 mars au 3 avril dernier, Alberto Manguel a Ă©tĂ© fidĂšle Ă  sa rĂ©puta-tion : l’homme de lettres, dont la bibliothĂšque personnelle (un ancien pres-bytĂšre, ce qui a de quoi rĂ©affirmer le caractĂšre sacrĂ© de sa passion) compte pasmoins de 30 000 ouvrages, a librement et tout haut rĂ©flĂ©chi aux dangers quimenacent l’édition française. Par ricochet, mais Ă  moindre Ă©chelle, il n’est pasexagĂ©rĂ© d’y voir des ressemblances avec l’édition au QuĂ©bec : « Comme dans lesbanques, oĂč l’on assiste Ă  un incessant mouvement des gĂ©rants pour ne pas avoirde rapport personnel avec le client, les grandes maisons d’édition dĂ©placent Ă leur guise les directeurs Ă©ditoriaux. C’est ne pas comprendre que la vraie relationentre ces derniers et les Ă©crivains est une relation aussi intime que celle d’un couple. On crĂ©e cette relation Ă  partir de confidences et mĂȘme d’amour. Il y uncertain Ă©rotisme dans cet Ă©change, parce que la crĂ©ation d’un Ɠuvre littĂ©rairenĂ©cessite une confiance totale. Il ne faut pas se demander si le directeur littĂ©rairene voudra pas de nous si notre Ɠuvre n’est pas commerciale, si elle est difficile ousi elle est un Ă©chec. Et sans oublier que, de plus en plus, les chaĂźnes de librairiesont le pouvoir de dicter ce que les Ă©diteurs doivent publier. »

Est-ce Ă  dire que l’édition n’est maintenant plus qu’une affaire d’argent ? « Danscet endroit malsain qu’est l’espace commercial, renchĂ©rit le penseur d’origineargentine, les agents ont acquis un rĂŽle qui n’est pas le leur. Alors qu’ils devaientfaciliter le rapport bureaucratique entre l’écrivain et l’éditeur et offrir un supportĂ  celui-ci de façon intime, voilĂ  qu’ils sont devenus les maĂźtres d’Ɠuvre qui exigent qu’un roman ait des caractĂ©ristiques prĂ©cises avant mĂȘme qu’il ne soitproposĂ© Ă  l’éditeur. De plus, celui qui distribue ces objets qu’on appelle “livres” etqui ne les ouvre gĂ©nĂ©ralement pas peut dire Ă  l’éditeur qu’il ne veut plus desaucisses de ce genre, sous prĂ©texte qu’il sait ce qui va se vendre. Les agents connaissent bien la vente, mais ne connaissent rien Ă  la littĂ©rature, et les voilĂ  quivendent des Da Vinci code comme on vend des jeux vidĂ©o. Et pourtant, il y a deslecteurs qui aiment la vraie littĂ©rature, mais ils ne reprĂ©sentent pas la majoritĂ©. Ilssont toutefois dans cette incertitude propre Ă  la littĂ©rature, par nature ambiguĂ«,non dĂ©finitive », conclut-il.

Par Antoine Tanguay

Alberto Manguel

Photo : © Simo NERI

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Des livres et des saucisses

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L’édition quĂ©bĂ©coiseĂ  l’heure du best-seller

Faire de l’argent littĂ©raires peuvent faire de gros succĂšs. Ainsi en est-il de La Petite fille qui aimaittrop les allumettes, de GaĂ©tan Soucy, ou encore d’Un dimanche Ă  la piscine Ă  Kigali,de Gil Courtemanche. « Ces deux livres, traduits en une vingtaine de langues, ontdonc aussi fait de belles percĂ©es Ă  l’international », dit Pascal Assathiany, patrondes Ă©ditions BorĂ©al. De « belles percĂ©es » en rien comparables, Ă©videmment, ausuccĂšs mondial de Da Vinci code et maintenant d’Anges et dĂ©mons, tous deuxpubliĂ©s chez Grasset. Avec ce livre, Ă©crit avant Da Vinci code et tirant sur lesmĂȘmes ficelles, Dan Brown n’avait qu’à surfer sur la vague de son succĂšs. Par sur-croĂźt, cette histoire de complot au Vatican a bĂ©nĂ©ficiĂ©, avec l’agonie et la morthypermĂ©diatisĂ©es de Jean-Paul II, d’une publicitĂ© gratuite extraordinaire. De cir-constances favorables, comme on dit.

Reste Ă  savoir comment un livre devient un succĂšs international. « Onchercherait vainement la recette », dit Pascal Assathiany. Il relĂšve toutefois desĂ©lĂ©ments « facilitants » qui ne tiennent pas toujours, loin s’en faut, Ă  la qualitĂ© lit-tĂ©raire. « Aujourd’hui, les best-sellers internationaux sont souvent des livresĂ©crits en anglais, qui viennent surtout de pays Ă  forte densitĂ©, et qui sont entre lesmains d’un Ă©diteur ayant des contacts internationaux », constate-t-il. Mais lebest-seller international connaĂźt aussi des configurations plus improbables, avecnotamment Fred Vargas (dont les premiers polars, dans les annĂ©es 90, avaientpourtant de petits tirages), Marc Levy, un illustre inconnu qui publiait Et si c’étaitvrai, ou encore Paulo Coehlo, auteur de Sur le bord de la riviĂšre Piedra, je me suisassise et j’ai pleurĂ© (calque de By Grand Station Central, I Sat Down and Wept,d’ Elizabeth Smart).

Le livre-événement

Cela Ă©tant, et bien que quelqu’un comme Pierre Gravelinefasse valoir que « publier un texte, c’est toujours ungrand coup de dĂ©s », certains succĂšs sont assez prĂ©vi-sibles. Ainsi, les gestionnaires de la maison LibreExpression ne craignaient sĂ»rement pas la faillitelorsqu’ils ont publiĂ©, l’automne dernier, Ma vie en trois

actes, de Janette Bertrand. En datedu mois de mai, assure Jean Baril,l’autobiographie de la femme laplus cĂ©lĂšbre du QuĂ©bec s’était vendue Ă  plus de 200 000exemplaires, et n’avait pas fini sa lancĂ©e.

La philosophie de M. Baril est simple : « Mes livres, jeveux les faire connaĂźtre et les vendre. Et pour faire de l’argent, il faut en dĂ©penser. » Donc investir dans la promotion. À cet Ă©gard, MichelBrĂ»lĂ© va plutĂŽt loin : vente Ă  0,99 $des 12 000 premiers exem-plaires de la sĂ©rie jeunesse« Amos Daragon », de BryanPerro (prĂšs d’une dizaine de titres

publiĂ©s Ă  ce jour), publicitĂ© au sortir du pont Jacques-Cartier et dans les abribus, sollicitation de manuscritsauprĂšs de personnalitĂ©s vedettes, comme Anne-Marie etJeannie Hilton. « Quand j’ai publiĂ© Le CƓur au beurre noir,on m’a traitĂ© de vautour. Mais je considĂšre avoir fait ungeste philanthropique, dans la mesure oĂč ce livre pourrainciter d’autres victimes d’inceste Ă  parler », dit l’éditeur.

La maison Libre Expression a quant Ă  elle « achetĂ© » l’histoire de NathalieSimard — qui sera Ă©crite par Michel Vastel — dĂšs avant la diffusion du

tĂ©moignage de l’ancienne enfant vedette par le rĂ©seauTVA. Le livre aura-t-il un succĂšs comparable Ă  Ma vie entrois actes ?

Le tĂ©moignage et l’autobiographie occupent en toutcas, avec le guide pratique et la psychologie populaire,un vaste pan de la planĂšte best-sellers. Et depuislongtemps. JosĂ©e di Stasio a remplacĂ© GermaineGloutnez et sƓur Berthe, la sexologue Jocelyne Roberta pris la succession du Dr Lionel Gendron, cĂ©lĂšbre dansles annĂ©es 70
 Et de son fief de Chicoutimi, Jean-Claude Larouche a fait un tabac, en 1985, avec Des fleurssur la neige, le tĂ©moignage d’une jeune femme sortiede nulle part, Élisa T..

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Un livre pour la gloire d’un Ă©diteur

En 1985, JCL, Ă©diteur rĂ©gional, est peu ou prou considĂ©rĂ© comme roupie de sanson-net par le milieu montrĂ©alais, lĂ  oĂč tout se passe. ParaĂźt donc Des fleurs sur la neige,tĂ©moignage d’une victime de violence paternelle, puis conjugale. « C’était gagnantparce que l’expĂ©rience d’Élisa T. avait Ă©tĂ© vĂ©cue en masse au QuĂ©bec », dit Jean-Claude Larouche. Selon lui, « ce sont le bouche Ă  oreille et les mĂ©dias qui ontfait le succĂšs du livre ». SuccĂšs ? Fin 2004, prĂšs de 173 000 exemplaires vendus,montrent les chiffres fournis par l’éditeur, sans compter une tĂ©lĂ©sĂ©rie, avec CĂ©lineDion dans le rĂŽle principal. « Pour Élisa T., cela reprĂ©sente sĂ»rement un quart de mil-lion en redevances », dit M. Larouche.

Tout phĂ©nomĂšne social est susceptible de fournir matiĂšre Ă  un livre. Et toute vedetteest susceptible d’ĂȘtre transformĂ©e en auteur. Une « tendance lourde », estime PierreGraveline, due autant aux Ă©diteurs qu’aux mĂ©dias. « Les Ă©diteurs fabriquent desauteurs avec des stars. Le phĂ©nomĂšne a toujours existĂ©, mais il s’intensifie aujour-d’hui parce que les mĂ©dias veulent du divertissement. Ils s’arrachent les stars quiĂ©crivent des livres, mais pas trop les Ă©crivains. Faut-il d’abord ĂȘtre connu pour publier ? La question se pose. »

Marketing 101

En 2002 — derniĂšres donnĂ©es disponibles—, le QuĂ©bec publiait 4 300 nou-veautĂ©s, dont environ 40 % de romans, par rapport Ă  un peu moins de 3 800 en1999. En fait, comme en Europe et aux États-Unis, le nombre de nouveautĂ©s

augmente d’annĂ©e en annĂ©e. « Il y a trop d’offre pour lademande. Cette orgie de titres qu’on publie, ça ne pourra pasdurer », dit Jean Baril. Mais aucun Ă©diteur ne semble disposĂ©Ă  mettre chez lui le couperet. À dĂ©faut de le faire, les Ă©diteursdoivent donc s’atteler Ă  la mise en marchĂ© de cette plĂ©thorede titres, afin d’en acheminer le plus possible vers les lecteurs.

« DiffĂ©rentes approches sont utilisĂ©es, en fonction des titres.Certains bĂ©nĂ©ficieront d’un plan de communication », dit M. Baril. Le matraquage publicitaire conduit-il au best-seller ?Paradoxalement, c’est pour le best-seller potentiel que l’édi-teur dĂ©ploie les grands moyens. « Chaque livre n’a pas droitau mĂȘme traitement : tout dĂ©pend de son genre et desbudgets. Les stratĂ©gies de promotion sont dĂ©terminĂ©es en

fonction des tirages », précise Simone Sauren, responsable des relations de presseau Groupe Ville-Marie Littérature.

« Pour le roman historique, on met beaucoup de moyens enbranle », ajoute-t-elle. Ce fut le cas pour Diane Lacombe,mĂȘme si en 2002, lorsque paraissait La ChĂątelaine de Mallaig,elle n’était qu’une inconnue, auteure d’un premier roman.« Les directeurs commerciaux nous avaient dĂ©conseillĂ© depublier ce roman, qui dĂ©tonnait complĂštement par rapport Ă la production quĂ©bĂ©coise, tient Ă  souligner son Ă©diteur PierreGraveline. Ici, le roman populaire qui marchait s’inscrivaitdans le terroir quĂ©bĂ©cois. Alors l’Écosse ? » Diana Gabaldon(traduite par Libre Expression), dont le succĂšs ici est dĂ»essentiellement au bouche Ă  oreille, avait tout de mĂȘmemontrĂ©, quelques annĂ©es auparavant, que l’Écosse pouvaitĂȘtre ‘‘vendeuse’’. Difficile de croire que la maison VLB n’a paspensĂ© Ă  Gabaldon. CoĂŻncidence ? Sonia Marmen amorçait en 2003, chez JCL, unesaga Ă©cossaise en trois tomes intitulĂ©e « CƓur de GaĂ«l » : 220 000 exemplairesvendus Ă  ce jour, affirme son Ă©diteur, principalement dans les rĂ©seaux QuĂ©bec Loisirset France Loisirs.

Les chiffres sont assez similaires pour les deux premiers tomes de la saga mĂ©diĂ©valede Diane Lacombe (le troisiĂšme, L’Hermine de Mallaig, est paru au printemps). Cegenre de livres, les reprĂ©sentants cherchent Ă  les placer dans les vitrines des librairies,font des piles, installent des panneaux
 La pub commence en somme dĂšs lalibrairie, la stratĂ©gie consistant Ă  attirer l’attention du lecteur et Ă  lui montrer que lelivre s’arrache
 mĂȘme si ce n’est pas encore tout Ă  fait vrai. Diane Lacombe a enoutre eu droit Ă  tous les Ă©gards. Pour souligner la fin de la trilogie Mallaig,VLB a rĂ©uniles trois volumes en coffret et lancĂ© un concours : « L’étĂ© Mallaig ». En juin 2006,deux personnes auront ainsi la chance de s’envoler pour l’Écosse en compagnie dela romanciĂšre. Valeur du prix : 6 000 $.

Reconnue comme peu efficace, la publicitĂ© dans les mĂ©dias Ă©crits constitue un Ă©lĂ©ment secondaire de la stratĂ©gie de promotion. « On annonce le livre ; c’est pourfaire plaisir Ă  l’auteur », dit Simone Sauren. En revanche, une entrevue avec l’auteur,publiĂ©e en une du cahier culturel du Journal de MontrĂ©al ou de La Presse, a gĂ©nĂ©rale-ment des effets immĂ©diats sur les ventes. Mais le pouvoir de la tĂ©lĂ© reste Ă  peu prĂšsinsurpassable. « On scrute les Ă©missions Ă  la loupe, prĂ©cise d’ailleurs Mme Sauren.IndĂ©niablement, la tĂ©lĂ© fait vendre. C’est numĂ©ro 1 pour les politiciens, les journa-listes ou les auteurs d’un livre polĂ©mique. »

Le bon produit au bon moment

En somme, plus un livre est vendeur, plus on lui consacrera d’efforts de promotion. Parailleurs, si les attachĂ©es de presse sollicitent la tĂ©lĂ©, l’inverse est aussi vrai. Un auteur qui sedouble d’une personnalitĂ© mĂ©diatique,façon Janette Bertrand ou Marie Laberge,contribueĂ  alimenter les cotes d’écoute ; et le passage Ă  la tĂ©lĂ© alimente Ă  son tour les ventes.

Certains auteurs, en outre, sont plus « sortables » que d’autres : en 2000, lorsqu’il publiait Carnets de naufrage, son premier roman publiĂ© au BorĂ©al, le jeune GuillaumeVigneault (fils de Gilles) Ă©tait la coqueluche des mĂ©dias. RafaĂ«lle Germain, elle aussi « fille de » (Francine Chaloult, relationniste pour certains titres de Libre Expression, etGeorges-HĂ©bert Germain, journaliste et auteur de CĂ©line Dion,ma vie, mon rĂȘve), a Ă©galement Ă©tĂ© beaucoup vue depuis l’automne dernier, alors qu’était publiĂ© Soutien-gorge rose etveston noir (Libre Expression).

« Avec RafaĂ«lle Germain,on savait qu’on rejoindrait la jeunegĂ©nĂ©ration de lecteurs », dit Jean Baril. Celui-ci est avanttout persuadĂ© que « chaque auteur a son lecteur ». Le travail de l’éditeur, c’est de faire le plein de ce lectorat en utilisant les stratĂ©gies adĂ©quates, qu’il s’agisse des mĂ©diasou des points de vente. À partir de lĂ , peut-on crĂ©er un best-seller ? « Ça prend des moyens, le sens de l’aventure, legoĂ»t du risque », rĂ©pond M. Baril.

« On essaie de fabriquer des succĂšs, mais on ne peut pasimposer un livre que le public n’aime pas, qu’il n’est pas prĂȘtĂ  recevoir », dit pour sa part Pascal Assathiany. « Le best-seller repose sur une convergence d’élĂ©ments »,ajoute-t-il.Le thĂšme,l’auteur lui-mĂȘme,la promotion, tout cela ensemble contribue Ă  crĂ©er un succĂšs, mais il y faut aussi unecoĂŻncidence avec l’imaginaire collectif.

« À un certain moment se produisent un engouement, un coup de cƓur quidemeurent un peu inexplicables », dit Chantal Savoie. Par ailleurs, dans la fabricationd’un succĂšs,la force du bouche Ă  oreille est grande.Une Marthe Gagnon-Thibaudeau n’ajamais vendu autrement ses livres, et c’est le cas de plusieurs auteurs de littĂ©rature populaire qui n’ont ni critiques ni entrevues dans les journaux.

« En tant qu’éditeur, on essaie de crĂ©er des tendances », dit Jean Baril. Mais celui-ci necroit pas que le dĂ©sir de rentabilitĂ© conduise Ă  une uniformisation de la littĂ©rature.« Tous les genres de livres vont demeurer »,affirme-t-il.« Les Ă©diteurs littĂ©raires ne sontsans doute pas menacĂ©s en soi, mais connaissent actuellement d’immenses problĂšmesde diffusion : peu de romans littĂ©raires se retrouvent en vitrine, ils sont peu enseignĂ©set Ă  terme, on peut se demander quelle place il restera pour les “ vrais ” Ă©crivains »,s’inquiĂšte quant Ă  lui Pierre Graveline.

Ce qui protĂšge encore la littĂ©rature, c’est tout de mĂȘme notre structure de diffusion, croitJean-Louis Fortin,directeur gĂ©nĂ©ral de l’Association nationale des Ă©diteurs de livres (ANEL).

« Le QuĂ©bec a conservĂ© un Ă©quilibre entre les chaĂźnes de librairieset les librairies indĂ©pendantes, et tant que ces derniĂšres serontprotĂ©gĂ©es,la diversitĂ© du livre sera assurĂ©e.L’actuelle loi du milieudu livre est une autre garantie de diversitĂ© »,estime M. Fortin.

« Le best-seller amĂšne de l’achalandage dans tous les types delibrairies et au bout du compte profite Ă  tout le monde, il sert lacause de tout le milieu. Il ne faut pas oublier, non plus, que le public attend le type de livres que font les Janette Bertrand,Nathalie Simard et Marie Laberge », ajoute Jean Baril. Eh oui ! Lepublic est avide de stars,de faits vĂ©cus,de sensationnalisme et degrandes histoires. La consolation, c’est sans doute que depuis lesannĂ©es 80, le best-seller d’ici a toujours fait une vive concurrenceau best-seller Ă©tranger.

le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 24

avec le livre (suite de la page 27)

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25 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

Je suis tentĂ©,par lĂąchetĂ© peut-ĂȘtre,de remonter en amontde la comparaison. Pourquoi, en effet, faudrait-il choisir ?Pourquoi pas un lieu oĂč le livre servira Ă  la recherche, Ă  laconsultation, au travail des spĂ©cialistes de tous poils, auressourcement des professionnels de la littĂ©rature, de lalibrairie,des bibliothĂšques municipales et scolaires ? Maispourquoi pas,en mĂȘme temps,une dĂ©localisation du livretelle que l’autonomie culturelle des rĂ©gions puisse conti-nuer Ă  se passer de la mĂ©tropole ?

L’argent,bien sĂ»r,Ă©lĂšve la voix.« Il faut choisir ! »,dit-il, luipour qui tout vaut pareil. « Optez ou pour le lieu ou pourla dĂ©localisation. Optez pour la recherche savante ou lafrĂ©quentation amicale du livre.Ne pas choisir,ce serait malgĂ©rer. » On voit le genre : dĂ©primant et trompeur. La ten-tation surgit de rĂ©pliquer vertement : pourquoi faudrait-ilchoisir entre deux investissements intelligents,alors que lasottise, commanditĂ©e ou non, obtient autant de finance-ments simultanĂ©s qu’elle le veut ?

Reste Ă  vĂ©rifier si nos gouvernants sont capables de ne paschoisir et de tenir autant Ă  une tĂȘte de rĂ©seau qu’à un vrairĂ©seau. Sont-ils capables de rĂ©pandre tous les livres, les

Deux Ă©vĂ©nements sont survenus rĂ©cemment qui, pour une rare fois, concernaient le livre.Dans le premier cas, le prĂ©sident vĂ©nĂ©zuĂ©lien Hugo Chavez annonçait la distribution Ă  sapopulation d’un million de copies du Don Quichotte de CervantĂšs ; dans le second, leQuĂ©bec inaugurait sa Grande BibliothĂšque au cƓur de MontrĂ©al. MatiĂšre Ă  dĂ©bat, on le voit.Qui a raison ? Celui qui rĂ©pand le chef-d’Ɠuvre ou celui qui invite Ă  le consulter?

Une chronique de Laurent Laplante

Le Monde du livre

Don Quichotteou l’édifice ?

savants et les humbles, les Ă©thĂ©rĂ©s et les populaires, lesuniques et les coups de cƓur battant Ă  l’infini ? HugoChavez,lui,va son chemin.Je le soupçonne mĂȘme de com-plots simultanĂ©s.Avec Don Quichotte, il rappelle Ă  son peu-ple qu’il ne faut pas cĂ©der,mĂȘme si les moulins Ă  vent sem-blent colossaux. Mais Chavez, intelligemment tortueux,demande aussi au Portugais JosĂ© Saramago, prix Nobel delittĂ©rature 1998,de prĂ©facer Don Quichotte ! Deux cultures,deux langues, deux genres littĂ©raires, un mĂȘme accĂšs Ă l’oxygĂšne.VoilĂ  l’illustre contemporain ouvrant la porte auclassique toujours Ă©voquĂ© et trop rarement lu.VoilĂ  l’auteurde La Caverne et de L’Aveuglement en compagnie du cheva-lier Ă  la triste figure.Pas un tri, mais une accolade entre hieret aujourd’hui, entre l’espagnol et le portugais, entre lemythe porteur et la rĂ©sistance aux pressions pĂ©troliĂšres.

Cela se passe loin du QuĂ©bec et de sa Grande BibliothĂšque ?Pas du tout.Plusieurs analystes quĂ©bĂ©cois,et des meilleurs,connaissent et frĂ©quentent CervantĂšs. Sans aucun doute,leurs livres sont dĂ©jĂ  disponibles Ă  la Grande BibliothĂšqueet ne demandent qu’un coup de pouce pour animer aussiles rĂ©gions. Des exemples ? Marc Chabot et son DonQuichotte ou l’enfance de l’art. Thierry Hentsch qui logedans Raconter et mourir un fascinant chapitre sur la « foliesinguliĂšre » de Don Quichotte.

Un peuple a besoin de mythes et de symboles, de lectureet de recherche, d’un lieu de recherche et d’innombrablesfoyers de conscience. À quand la distribution massive deL’Homme rapaillĂ©,de Menaud,maĂźtre-draveur ou,parce quecela aussi nous appartient, de L’OdyssĂ©e ?

Don Quichotte (deux tomes), CervantĂšs, Gallimard, coll. Folio Classique, 635 p. et 624 p., 10,75 $ ch.La Caverne et L’Aveuglement, JosĂ© Saramago, Points, 370p. et 366 p., 14, 95 $ et 13,95 $

Raconter et mourir, Thierry Hentsch, PUM, 432 p., 29,95 $L’Homme rapaillĂ©, Gaston Miron, Typo, 252 p., 12,95 $

Menaud, maĂźtre-draveur, FĂ©lix-Antoine Savard, BibliothĂšque quĂ©bĂ©coise, 162 p., 8,95 $L’OdyssĂ©e, HomĂšre, Flammarion, coll. GF-Flammarion, 380 p., 9,95 $

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Regardez-moi dans les yeux


Danielle Ouimet a faitbien des choses dans savie d’artiste. Dans Si c’é-tait Ă  refaire
, elle nousinvite dans son intimitĂ©,relatant autant ses succĂšset dĂ©boires profession-nels que ses relationsamoureuses, ses amitiĂ©s,sa vie familiale et tutti-quanti. Sur un ton quiprĂȘte Ă  la confidence,l’ac-trice-animatrice raconteses dĂ©buts dans le show-biz. AprĂšs avoir tĂątĂ© dumĂ©tier de mannequin, Danielle Ouimet, encoremineure et Ă  la suite d’un concours, devient hĂŽtesseau Canal Dix et rencontre Pierre Lalonde. En 1967, Ă l’aube de ses 21 ans,mĂšre d’un jeune garçon prĂ©nom-mĂ© Jean-François, elle songe Ă  devenir actrice, et lehasard l’amĂšne Ă  participer aux auditions pour le rĂŽle-titre dans ValĂ©rie, de Denis HĂ©roux. Ouimet gagnehaut la main, tourne le film « pour des peanuts », lescandale Ă©clate : tout le monde veut voir le corps nude l’ingĂ©nue et ValĂ©rie est vendu Ă  l’étranger, oĂč lesseins sur grand Ă©cran sont grandement apprĂ©ciĂ©s. LacĂ©lĂ©britĂ© est acquise,mais pas la notoriĂ©tĂ©.DĂ©vĂȘtue denouveau,elle tourne L’Initiation :nouveau succĂšs,maisla dĂ©sillusion fait son apparition. L’actrice veut dĂ©sor-mais qu’on la prenne au sĂ©rieux et devientchroniqueuse culturelle Ă  TĂ©lĂ©-MĂ©tropole pour Toutela ville en parle, avant de jouer la comĂ©dienne dansDominique et d’animer Bla Bla Bla. La vie artistique deDanielle Ouimet ressemble Ă©trangement Ă  sa vieamoureuse : les contrats sont parfois reluisants et, detemps Ă  autre, assez mĂ©diocres. Les hommes passentcomme des amants-amis (Michel Forget et PierrePĂ©ladeau), ou comme des dĂ©sespĂ©rĂ©s en quĂȘte deconquĂȘtes, qu’elle prĂ©fĂšre parfois ne pas nommer.DivisĂ©e par thĂšmes (amours, tĂ©lĂ©, cinĂ©ma, famille),cette autobiographie vaut le coup d’Ɠil, notammentpour mieux comprendre le monde de la tĂ©lĂ© et ducinĂ©ma quĂ©bĂ©cois des annĂ©es 70, si bien dĂ©peint parJean-Claude Lord dans Parlez-nous d’amour, et dĂ©critici avec luciditĂ©.

Le bon samaritain de la basse-ville

À QuĂ©bec, Gilles KĂšgle est connu comme Barabbas.Homme pieux en plus d’ĂȘtre infirmier de la rue, il seraitdu genre Ă  se faire crucifier pour sauver son prochainet sa vie, telle que la relate Anne-Marie Mottet, n’estque don de soi afin d’aider les plus dĂ©munis :un objec-tif devenu, au fil des annĂ©es, sa raison de vivre. GillesKĂšgle est nĂ© Ă  Trois-RiviĂšres au dĂ©but des annĂ©es 40.Enfant non dĂ©sirĂ©, il grandit avec un certain mal devivre avant de s’installer en septembre 1960,Ă  l’ñge de18 ans, dans un monastĂšre de QuĂ©bec. CloĂźtrĂ©, ilapprend Ă  mieux se connaĂźtre. SitĂŽt la vie monastique

Le nombre de biographies semble croĂźtre d’annĂ©e en annĂ©e. Plus besoind’ĂȘtre mort et cĂ©lĂšbre, ou d’avoir eu une vie remplie de faits hĂ©roĂŻques, non :il suffit avant tout d’ĂȘtre connu et d’ĂȘtre mĂ©diatisĂ©, et hop ! voilĂ  notre viecouchĂ©e sur papier. Voici des « bios » Ă©ditĂ©es ici, sur des gens d’ici, par desauteurs d’ici, pour des lecteurs d’ici. Oublions un instant Grace Kelly, JackieOnassis et Marilyn Monroe, et entrons dans les univers de RĂ©jane BougĂ©, LouisCyr, Gilles KĂšgle et Danielle Ouimet.

terminĂ©e, il retourne aux Ă©tudeset trouve un emploi d’infirmierauxiliaire. Les ennuis ne sont pasterminĂ©s pour autant : KĂšgleaccepte difficilement l’autoritĂ©,semet Ă  boire considĂ©rablementmais rĂ©ussit Ă  s’en sortir lorsqu’ilrencontre plus dĂ©muni que lui.Son salut, il le trouve dans le sou-tien apportĂ© aux dĂ©shĂ©ritĂ©s.Ainsise rĂ©sume sa vie.Puisque l’amourqu’il porte Ă  ses deux chats l’em-pĂȘche in extremis de se suicider, ilentreprend une quĂȘte auprĂšsdes personnes pauvres, maladeset ĂągĂ©es de la basse-ville, pratiquant son mĂ©tier dans desconditions prĂ©caires. Heureusement, la fondation portantson nom et ses bĂ©nĂ©voles lui viennent en aide. L’histoire esttouchante, remplie de bontĂ© et de modestie, car KĂšgle estun exemple Ă  suivre mĂȘme si, Ă©trangement, cette courtebiographie nous laisse croire que quelques zones d’ombressubsistent dans sa vie.Mais ça,ça ne nous regarde pas : l’em-pathie de l’homme transparaĂźt plus que jamais sous laplume d’Anne-Marie Mottet.

Cyr,surhomme sympathique

Lorsqu’il est question d’aborder lavie incroyable de l’homme fortLouis Cyr, Paul Ohl est une vĂ©rita-ble encyclopĂ©die. PassionnĂ© parce QuĂ©bĂ©cois plus grand quenature, l’auteur a couchĂ© sur papier toutes les informations rel-atives Ă  la vie trĂ©pidante de celuiqui pouvait soulever plus de 4337livres avec son corps et 553 livresd’un seul doigt. Six cent trente-quatre pages plus tard, on restecoi devant l’histoire de Cyr, quicommence par un portrait du QuĂ©bec pauvre et clĂ©rical duXIXe siĂšcle, pour mieux se terminer par la gloire internationaleacquise par l’homme au dĂ©but du XXe siĂšcle. Ohl relate leschampionnats gagnĂ©s haut la main les uns aprĂšs les autres,auQuĂ©bec, aux États-Unis et en Angleterre. De Lowell auMassachusetts en passant par MontrĂ©al et Saint-Jean-de-Matha,Paul Ohl nous livre,avec Ă  l’appui de nombreux extraitsde journaux de l’époque, le parcours du surhomme qui, selon

le mythe, pesait plus de dix-huit livres Ă  la naissance. Carmythe il y a. DĂ©cĂ©dĂ© Ă  l’ñge de 48 ans en 1912, il restecĂ©lĂšbre notamment pour son tir des chevaux ; sa vie, elle,telle que mise en scĂšne par Ohl, est loin d’ĂȘtre tirĂ©e par lescheveux : elle demeure l’exemple d’une aventure surhu-maine,d’un tour de force passionnant

Histoires de vues

Dans Je ne me lĂšve jamais avant la fin du gĂ©nĂ©rique, auto-biographie prĂ©sentĂ©e sous forme de rĂ©cit, RĂ©jane BougĂ©,dĂ©jĂ  auteure de quatre livres,n’a pas la prĂ©tention de brillergrĂące au glamour de son parcours1, mais plutĂŽt de nousinviter Ă  partager son amour du cinĂ©ma. Elle retrace sonenfance,ses liens avec ses parents,ses premiĂšres amours etsa passion pour MontrĂ©al en nous entretenant des filmsqui l’ont marquĂ©e,se remĂ©morant ses visites dans les sallesobscures Ă  la recherche d’émotions cinĂ©matographiques.Ainsi, elle nous parle d’Hitchcock, de comĂ©dies musicales,de Jean-Pierre LĂ©aud et de Claude Chabrol,alternant DorisDay et Sandrine Kiberlain,s’abreuvant aussi bien au cinĂ©made Denis Villeneuve qu’à celui de Buñuel.On fredonne avecelle la chanson-thĂšme de L’EffrontĂ©e et on frissonne en sacompagnie en pensant aux scĂšnes de possession deL’Exorciste. La dame a du goĂ»tet semble curieuse de nature,puisqu’elle souligne autantles qualitĂ©s d’un Cronenbergque les « fausses » scĂšnes2

entre De Niro et Pacino dansHeat. Bien que ce recueil soitplutĂŽt anecdotique, on ne lereferme pas avant la fin deson « gĂ©nĂ©rique », quiregroupe chronologique-ment tous les titres mention-nĂ©s par l’auteure !

1. Bougé fut pendant quinze ans animatrice culturelle à la radio deRadio-Canada.

2. Dans le film Heat de Michael Mann, on misait beaucoup sur cettepremiĂšre rencontre au grand Ă©cran entre Robert De Niro et Al Pacino.Les deux comĂ©diens Ă©taient Ă  l’affiche du film Le Parrain 2, mais dansdes scĂšnes diffĂ©rentes. Dans Heat, on les retrouve face Ă  face Ă  deuxreprises. Mais hĂ©las, ils ne sont jamais cĂŽte Ă  cĂŽte, et grĂące au mon-tage,on peut facilement croire qu’ils ne se sont jamais rencontrĂ©s lorsdu tournage desdites scĂšnes, d’oĂč la dĂ©ception des fans des deuxcomĂ©diens italo-amĂ©ricains lors de la sortie du film.

Par Pierre Blais

Biographies

Aujourd’hui,on mange bio

Si c’était Ă  refaire
, Danielle Ouimet, Publistar, 527 p., 27,95 $Gilles KĂšgle, l’infirmier de la rue, Anne-Marie Mottet, BorĂ©al, 163 p., 19,95 $

Louis Cyr, une épopée légendaire, Paul Ohl, Libre Expression, 634 p., 36,95 $Je ne me lÚve jamais avant la fin du générique, Réjane Bougé, Québec Amérique, coll.

LittĂ©rature d’AmĂ©rique, 238 p., 19,95 $

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27 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire BOUQUINEPolars et thrillers

le libraire CRAQUEPolars et thrillers

Juste un regardHarlan Coben, Belfond, 394 p., 24,95 $

Une photo ancienne refait surface, et l’univers de Graces’écroule. Son mari disparaĂźt, les policiers sont sceptiques,elle doit donc le retrouver seule. DĂ©terminĂ©e Ă  dĂ©couvrir lavĂ©ritĂ© sur le passĂ© de celui qu’elle aime, Grace se retrouveau centre d’une vaste conspiration. TraquĂ©e, menacĂ©e,inquiĂšte pour la sĂ©curitĂ© de ses enfants, elle prend pleine-ment conscience que sa vie est une imposture. Coben estun excellent conteur. Toujours on se laisse prendre parl’ingĂ©niositĂ© de ses intrigues, son sens du drame, sa facultĂ©de crĂ©er des rebondissements. C’est ce qui justifie son suc-cĂšs et efface aux yeux du lecteur les lĂ©gĂšres imperfectionsdu style. Un roman parfait pour les vacances ou les heures

creuses des nuits d’insomnie. MÉLANIE QUIMPER

Le village des damnĂ©sDes frissons sur la plage, ça vous dit ? Les Enfants deDoodletown s’annonce comme une lecture estivale de pre-mier choix. AlertĂ© par des documents livrĂ©s dans uneenveloppe, Nicolas fait appel Ă  son vieil ami John pourenquĂȘter dans un village Ă©tasunien trĂšs bizarre : les habitantsvivent sans contact avec l’extĂ©rieur, n’ont pas de voitures et letaux de mortalitĂ© infantile est franchement inquiĂ©tant. Lesdeux dĂ©tectives rĂ©soudront-ils le mystĂšre ? Il s’agit d’undeuxiĂšme polar pour Annie Dufour, dont Cinq enlĂšvements,quatre cadavres, trois amours, deux bouledogues et une
(LemĂ©ac, 2002), avait connu un succĂšs d’estime.NouveautĂ©

LES ENFANTS DE DOODLETOWN, Annie Dufour, La courte Ă©chelle, 192 p., 23,95 $

Dette de sangWilliam Lashner, Éditions du Rocher, 534 p., 29,95 $

Un corps est retrouvĂ©, le crĂąne dĂ©foncĂ©, dans le port de laville. Victor Carl, un avocat paumĂ©, est chargĂ© de l’enquĂȘtepar la mĂšre du dĂ©funt, un petit truand sans envergure etsans le sou. Notre avocat, endettĂ© de toute part, se lancedans une aventure pleine de coups dans la gueule et demafioso sans scrupules. Toutes les rĂ©ponses de cette sor-dide histoire dorment depuis vingt ans, et les rĂ©veiller n’estpas toujours de bon augure. Entre son pĂšre mourant Ă l’hĂŽpital et sa course contre la montre, Carl finit par voir lalumiĂšre au bout du tunnel. Mais l’argent ne lui fera paslĂącher prise si facilement. JACYNTHE DALLAIRE

Le monde selon Peace« L’éventreur du Yorkshire » a baptisĂ© dans le sang et la peur

la lente ascension de Margaret Thatcher. « There is no suchthing as society », disait la dame
 S’inspirant d’une sĂ©rie demeurtres qui frappa de stupeur l’Angleterre des annĂ©es 70,David Peace est parvenu Ă  complĂ©ter une fresque solide, liantenquĂȘte policiĂšre et critique sociale. QuatriĂšme et derniervolet de cette suite vertigineuse inaugurĂ©e avec 1974, 1983prĂ©sente le point de vue de trois personnages : l’avocat JohnPiggott, le policier Maurice Jobson et le dĂ©lateur BJ. Chacund’entre eux jette sur cette histoire sa part de lumiĂšre. Chacun yapporte Ă©galement sa part d’ombre.NouveautĂ©

1983, David Peace, Rivages, coll. Thriller, 489 p., 39,95 $

La face cachĂ©e de la luneDans ce premier volet d’une nouvelle sĂ©rie de l’auteure deChĂšre voisine, FrĂ©dĂ©ric Fontaine fait son apparition. Ne croyantpas Ă  la culpabilitĂ© d’IrĂšne Pouliot, tombĂ©e sous le joug d’unmari machiavĂ©lique, le dĂ©tective fera tout pour redonner lalibertĂ© Ă  cette femme issue d’un milieu modeste, douĂ©e pourla peinture, et qui trouve son seul rĂ©confort dans le souvenirde sa fille
 Suspense psychologique brossant le portrait desmilieux carcĂ©raux fĂ©minins au QuĂ©bec dans les annĂ©es 70,Rouge secret, en s’attardant aux relations complexes unissantle bourreau et sa victime, devrait ĂȘtre l’un des grands succĂšsde l’étĂ© 2005.NouveautĂ©

ROUGE SECRET, Chrystine Brouillet, Boréal, 504 p., 25,95 $

Les nuits sont longues Ă  ÉdimbourgDix-huit ans plus tard, nous en sommes Ă  la quinziĂšmeenquĂȘte de John Rebus, la dixiĂšme Ă  ĂȘtre traduite en français.La Colline des chagrins pĂ©nĂštre plus avant dans les tĂ©nĂšbresdu mĂ©lancolique inspecteur d’Edimbourg. Flip Balfour a dis-paru : on a retrouvĂ© un petit cercueil contenant une poupĂ©e.Pendant ce temps, Siobhan Clark, jeune collĂšgue de Rebus,s’intĂ©resse Ă  Quizmaster, relation virtuelle de Flip.Tous les Ă©lĂ©-ments sont liĂ©s les uns aux autres. Comment ? Pourquoi ?

Nouveauté

LA COLLINE DES CHAGRINS, Ian Rankin, Éditions du Masque, 521 p., 32,95 $

Un polar quĂ©bĂ©cois au cinĂ©ma (enfin presque)Au moment de mettre sous presse, la rumeur courait que La Commanderie,roman policier d’AndrĂ© Jacques (QuĂ©bec AmĂ©rique, 2004) aurait de bonneschances d’ĂȘtre adaptĂ© au grand Ă©cran. En effet, la maison de productionCitĂ©-AmĂ©rique a manifestĂ© son intĂ©rĂȘt pour les aventures de l’antiquaireAlexandre Jobin, ex-officier des services de renseignements de l’armĂ©ecanadienne. Dans cette intrigue se dĂ©roulant Ă  MontrĂ©al, Ă  Paris et enSavoie, Jobin doit dĂ©mĂȘler une sombre affaire dans laquelle s’entremĂȘlentl’art, les sectes, les idĂ©es de l’extrĂȘme droite, la mafia russe et le trafic d’im-ages pornographiques 
 À suivre !

MĂ©lanie QuimperPANTOUTE

Jacynthe DallaireLes BOUQUINISTES

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 28

Foule sentimentale

La parution de la deuxiĂšme aventure deSherlock Holmes (Le Signe des quatre, 1890) inau-gure le phĂ©nomĂšne. Certains lecteurs, entraĂźnĂ©spar la narration du docteur Watson, iront jusqu’àdemander l’aide du dĂ©tective. Triomphe s’il enest, qui finit pourtant par ennuyer Arthur ConanDoyle. L’écrivain et mĂ©decin y perd un tempsqu’il souhaiterait consacrer Ă  une Ɠuvre Ă  sesyeux plus sĂ©rieuse. Aussi, Holmes disparaĂźt-ilavec son grand rival, James P. Moriarty, dans LeDernier ProblĂšme (1893).

On ne tue pas Bobby Ewing : encore moinsSherlock Holmes. Conan Doyle rĂ©siste auxprotestations jusqu’en 1901, annĂ©e oĂč il faitparaĂźtre Le Chien des Baskerville. Deux ans plustard, un Ă©diteur amĂ©ricain le convainc une foispour toutes de ressusciter le dĂ©tective. Le voicide retour pour trente-trois nouvelles aven-tures
 de la main de son crĂ©ateur. Car, sansmĂȘme Ă©voquer sa destinĂ©e au-delĂ  du livre (onne compte plus les adaptations pour le thĂ©Ăątre,le cinĂ©ma et la tĂ©lĂ©vision), Sherlock HolmesenquĂȘte encore et toujours.

Plaisir d’initiĂ©

L’automne dernier, les Ă©ditions L’Archipel fai-saient paraĂźtre Études en noir : Les DerniĂšresAventures de Sherlock Holmes. Traduction d’unrecueil de textes paru il y a dĂ©jĂ  vingt-trois ans,on n’y trouvait qu’une seule aventure digne dece nom, nouvelle dont la paternitĂ©, au demeu-rant, est douteuse. Dans l’avant-propos, ThierrySaint-Joanis, prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© SherlockHolmes de France, prĂ©tend que les Études en noiroffrent au cycle canonique « [
] ce que les bonusd’un DVD sont Ă  un classique du cinĂ©ma ». Pourles « holmĂ©siens » purs et durs, s’entend. Carsous ce commentaire enthousiaste, se cache laphrase qui tue. PiĂšce en un acte, anecdotes, pas-tiches et Ɠuvres de jeunesse de l’auteur : unensemble Ă  la qualitĂ© parfois discutable, malservi par un sous-titre trompeur. Un texte de cir-constance, destinĂ© Ă  recueillir des fonds pourl’UniversitĂ© d’Édimbourg, m’a quand mĂȘme ravi.On y retrouve en quatre pages ce qui fait lecharme de l’Ɠuvre originale. La recette ? Unesituation initiale confortable, happĂ©e par unerĂ©plique sĂšche, une part de raisonnementholmĂ©sien et une pincĂ©e de cette vieille amitiĂ©que lui porte son chroniqueur.

Sherlock et Mary

RĂ©Ă©dition de Sherlock Holmes et l’apicultrice(Ramsay, 1998), Sacrifier une reine de Laurie R.King est une belle rĂ©ussite. Nous sommes en1915. Orpheline placĂ©e sous la tutelle de sa

Sherlock Holmes n’est pas fait pour le quotidien, qu’il supporte embrouillĂ©par la drogue. Authentique passionnĂ©, il ne fonctionne qu’à plein rĂ©gime,enivrĂ© au parfum du mystĂšre. La passion, sa reprĂ©sentation du moins, ne s’em-barrasse guĂšre de la rĂ©alitĂ©. Elle l’embrase, plutĂŽt : c’est lĂ  la grande affairede la littĂ©rature et de ses personnages, coupables souvent d’avoir prĂ©fĂ©rĂ©l’absolu Ă  la mesure. S’identifiant Ă  ces ĂȘtres de papier, les lecteurs font parfoisbasculer le texte dans la marge. Les adorateurs de Sherlock Holmes, lecteurset auteurs, sont du nombre.

tante, Mary Russell passe l’étĂ© de ses 15 ans dans le Sussex.Au cours d’une de ses promenades, elle tombe littĂ©rale-ment sur Holmes, qui s’adonne Ă  l’apiculture pour occupersa retraite. Le dĂ©tective gagne ici un second souffle.Watson remplissait certes son rĂŽle de faire-valoir Ă  mer-veille, jouant fraternellement les employĂ©s dociles. Mais enMary Russell, Holmes trouve enfin une alliĂ©e dotĂ©e d’uncerveau capable de le confronter, cerveau dont le corps,pour paraphraser Holmes lui-mĂȘme, n’est toutefois pasqu’un appendice
 Nombre de pastiches, depuis main-tenant un siĂšcle, ont cherchĂ© Ă  normaliser les rapports deHolmes avec les femmes, mais sans pour autant dĂ©voilerun ressort important du roman. On trouve ici une tenta-tive cohĂ©rente d’attendrir le cĂ©libataire le plus endurci dela vieille Albion. À suivre dans le deuxiĂšme volet de la sĂ©rie,Le Cercle des hĂ©ritiĂšres (Michel Lafon, 2004), qui met enscĂšne une secte fĂ©ministe.

Adler
 Irene Adler

Intarissable sujet que l’impermĂ©abilitĂ© de Holmes auxcharmes des femmes ! Elle rĂ©siste Ă  toutes les intem-pĂ©ries
 mais se trouve fort Ă©branlĂ©e le jour oĂč le dĂ©tec-tive est roulĂ© dans la farine par l’ancienne flamme du roide BohĂšme, Irene Adler (Scandale en BohĂšme). On retrouvela belle cantatrice Ă  l’avant-plan dans Holmes contre l’irrĂ©-sistible Irene, quatriĂšme titre traduit en français d’une sĂ©rieinitiĂ©e en 1991 par Carole Nelson Douglas. PenelopeHuxleigh, la narratrice, y rapporte les exploits de son amieIrene, qui n’aime rien tant qu’épicer son bonheur conjugalavec son nouvel amour d’un petit mystĂšre Ă  rĂ©soudre.Succulent ! L’opposition entre la facĂ©tieuse et excessiveIrene et la discrĂšte et sage Penelope dĂ©place et condensela relation entre Watson et Holmes. La structure narrativeuse du meilleur de la tradition du palimpseste : le journalde Penelope fait lui-mĂȘme l’objet, dans l’Ɠuvre, d’uneĂ©tude par Fiona Witherspoon, universitaire de notretemps, membre de l’illustre SociĂ©tĂ© des amis d’Irene Adler.Puisqu’Irene a bel et bien existĂ©, Sherlock Holmes aussi !DĂšs lors, ne reste plus qu’à dĂ©mĂȘler le vrai du faux dans lesdĂ©tails divergents de leurs chroniques respectives. Maisnotre roman ? Prenant souche dans le passĂ© militaire dudocteur Watson, il fait montre d’une sĂ©duisante virtuositĂ©Ă  enchaĂźner l’univers fictionnel du limier de Baker Street Ă celui de l’enquĂȘteuse mondaine. On s’y moque notam-ment, dans une scĂšne irrĂ©sistible d’humour pour les ini-tiĂ©s, de la blessure Ă  l’épaule de Watson, qui passe, dans lasĂ©rie originale, Ă  la jambe


Sir Arthur dans la quatriĂšme dimension

Érotiques dĂ©bridĂ©s, polars gore, les pastiches de la sĂ©rieprennent souvent des formes ludiques ou lubriques.Dans L’Instinct de l’équarrisseur de Thomas Day, nousavons droit Ă  un piquant exercice de science-fiction quijoint les deux.

Holmes et Watson existent. Ils n’évoluent cependantpas Ă  Londres, mais Ă  Londen, dans un monde parallĂšleau nĂŽtre, d’oĂč ils ont contactĂ© Arthur Conan Doyle pourleur servir de chroniqueur. Dans cet univers Ă©trangecohabitent Humains et Worsh, une race Ă  l’apparenced’oursons, et une plĂ©thore de dĂ©mons assoiffĂ©s desang. L’Instinct de l’équarrisseur, d’abord paru en 2002aux Éditions MnĂ©mos, est sacrĂ©ment bien documentĂ© :le jeune Thomas Day y entremĂȘle anecdotes his-toriques et dĂ©tails littĂ©raires du seuil du XXe siĂšcle. Toutcela servi par une Ă©criture aux mĂ©taphores taquines,qui laisse ses personnages se rĂ©vĂ©ler par leurs paroleset leurs gestes.

Watson, insatiable goinfre qui dĂ©gaine ses deux Coltsplus vite que son ombre, apparaĂźt particuliĂšrementrelevĂ© dans le rĂŽle de l’inventeur brouillon. Holmes,quant Ă  lui, plus intoxiquĂ© que jamais, d’une cruautĂ©ravie et d’une sexualitĂ© dĂ©bridĂ©e, est l’assassin de lareine Epiphany 1Ăšre, appliquant une justice aussi impi-toyable qu’expĂ©ditive. Enfin, personnage central duroman, Conan Doyle, affublĂ© de sa morgue catholique,apporte ses compĂ©tences mĂ©dicales et un peu d’équili-bre Ă  un tandem dont l’efficacitĂ© est inversement pro-portionnelle au volume de scrupules.

Rares sont les ĂȘtres de fiction Ă  occuper autant de placeque Sherlock Holmes : pastiches, films, jeux vidĂ©os...jusqu’aux faits divers. On apprenait en effet que l’an-cien prĂ©sident de la Sherlock Holmes Society, dont lavente d’archives de Conan Doyle avait parfait le dĂ©sespoir, aurait, en avril 2004, maquillĂ© son suicide enmeurtre, s’inspirant d’une affaire de Holmes. Ilsouhaitait ainsi faire accuser un universitaire amĂ©ricainqu’il tenait pour responsable de la dispersion des documents. Un cas oĂč la passion holmĂ©sienne frĂŽle lapathologie. LumiĂšre froide issue du brouillard victorien,entre les crimes de Jack l’Éventreur et l’Ɠuvre de BramStoker, le dĂ©tective est un mythe moderne, alliage para-doxal d’infaillibilitĂ© et d’angoisse, en lequel nous trou-vons toujours un reflet.

Par Mathieu Simard, librairie pantoute

Polars et thrilllers

Sherlock Holmes

EnquĂȘte ouverte

Études en rouge, Arthur Conan Doyle, Librio, 126 p, 3,95 $Le Signe des quatre, Arthur Conan Doyle, Librio, 122 p., 4,95 $

Un Scandale en Bohùme, Arthur Conan Doyle, Librio, 123 p., 3,95 $Études en noir, Arthur Conan Doyle, L’Archipel, 283 p., 29,95 $Sacrifier une reine, Laurie R. King, Michel Lafon, 346 p., 24,95 $

Le Cercle des hĂ©ritiĂšres, Laurie R. King, Michel Lafon, 284 p., 24,95 $L’Instinct de l’équarisseur, Thomas Day, Folio, 432 p., 15,95 $

Holmes contre l’irrĂ©sistible Irene, Carole Nelson Douglas, Masques, coll. Labyrinthes, 496 p., 14,95 $Le Testament de Sherlock Holmes, Bob Garcia, Du Rocher, 410 p., 29,95 $

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Que dire du genre ?

Est-il difficile de trouver de bons auteurs de nou-velles ? C’est un travail d’écriture tellement dif-fĂ©rent du roman : l’auteur ne dispose pas de 200pages, mais tout au plus de 50. Il s’agit d’ĂȘtre effi-cace en peu de mots : crĂ©er un univers, faire croire Ă un personnage, monter une intrigue, parfois enmoins de 10 pages. Le style est souvent soit plussobre pour permettre plus d’efficacitĂ©, soit plus dĂ©li-rant, ce qui serait insupportable sur 300 pages. Lanouvelle impose Ă  la fois plus de contraintes, et per-met plus de libertĂ©. Paradoxe ? Il y a un avantageautre que le pur plaisir de lecture Ă  dĂ©vorer unrecueil de nouvelles. N’avez-vous jamais dĂ©couvertun auteur parce que vous aviez lu l’un de ses textesdans un recueil, dans un manuel scolaire ou dans unmagazine ? Le texte court permet de s’initier Ă l’Ɠuvre d’un Ă©crivain d’une façon plutĂŽt plaisante.

Quelques anthologies récentes

Pour illustrer Ă  quel point certains nouvellistes ontle talent au bout de leur plume, jetons un Ɠil surTracĂ©s du vertige : 30 nouvelles pour redĂ©finir l’imagi-naire de demain. Al Sarrantonio, Ă  la fois journaliste,Ă©diteur et Ă©crivain, a rĂ©uni en un seul volume plusde dĂ©tenteurs de prix prestigieux de SF que je n’enai jamais lus (Hugo, Nebula et bien d’autres). Il avaitdĂ©jĂ  frappĂ© fort dans 999 : Les maĂźtres du fantastique

La nouvelle est-elle un genre qui se perd ? Moins apprĂ©ciĂ©e que le roman, n’est-elle tout simplement pas moins facile d’accĂšs pour le lecteur non averti ? On aparfois cette impression, en librairie, lorsqu’on essaie de conseiller desrecueils de nouvelles : « Je ne sais pas, peut-ĂȘtre que j’aimerais mieux unroman
 ». La nouvelle semble plus obscure, voire plus hermĂ©tique. La SFcomme le fantastique n’échappent pas Ă  cette rĂšgle. Pourtant, de nombreuxrecueils sont publiĂ©s, et quantitĂ© d’auteurs sont rĂ©Ă©ditĂ©s chaque annĂ©e.

et de l’épouvante (Albin Michel), oĂč il avait rĂ©uni vingt-neufnouvelles inĂ©dites. Dans TracĂ©s du vertige, on trouve tousles Ă©crivains dont on ne saurait se passer en SF, tels DanSimmons, Ursula Le Guin, Michael Moorcock, StephenBaxter, Joe Hadelman, mais Ă©galement Joyce Carol Oates,que je ne m’attendais pas Ă  trouver ici. Un vrai moment debonheur pur : non seulement on lit de grands auteurs,mais en plus ce sont des nouvelles inĂ©dites, Ă©crites spĂ©-cialement pour cette occasion.

Plus underground, non pas par le sujet mais du fait de lanotoriĂ©tĂ© des auteurs, sans ĂȘtre de moindre qualitĂ©,Utopiae 2004 : Dix auteurs du monde entier prĂ©sente desnouvelles des quatre coins du globe. Les auteurs ne sontpas trĂšs connus, faute d’avoir Ă©tĂ© traduits. Pour quelquesĂ©crivains que Bruno della Chiesa est allĂ© chercher, il s’agitde leur tout premier texte. Certains sont d’une redoutableactualitĂ©. La nouvelle intitulĂ©e In « God we trust » est mal-heureusement d’une rĂ©alitĂ© dĂ©rangeante, et « Quand vien-dra l’apocalypse » est douloureusement chargĂ© de vĂ©ritĂ©.Alors, non, il n’y a pas qu’aux États-Unis, au Canada ou enFrance qu’on trouve de bons auteurs en littĂ©rature degenre : il y en a aussi en Bulgarie ou au Chili. Un recueilvraiment intĂ©ressant, qui montre les diffĂ©rences d’imagi-naire selon les cultures.

Une autre anthologie a retenu mon attention. Celle-ci, autitre intriguant de Vingt pas dans l’insolite, plonge dans desunivers Ă©tranges mais qui pourraient, selon toute vraisem-blance, ĂȘtre expliquĂ©s. D’ailleurs, il n’y a pas 20, mais 21nouvelles (mais d’oĂč vient cette derniĂšre ?). Inutile de prĂ©-

ciser que l’humour y est noir, le bizarre, la norme, et l’an-goisse, provoquĂ©e par l’absurde intense. Passons aux

vampires. Baisers de sangmontre les liens Ă©troitsqui existent entre lesvampires et l’érotisme. Sion a peur de ces crĂ©a-tures, il y a Ă©galement unesorte de fantasme rĂ©cur-rent, encore plus Ă©videntlorsqu’il s’agit de goulesou de succubes.L’ambiance du recueil estĂ©videmment sombre etmorbide, mais prouvequ’il y a d’autres auteursqu’Anne Rice dans legenre. Je terminerai par

Poppy Z. Brite, qui remet lecouvert avec Petite Cuisinedu diable. QualifiĂ© par l’au-teure elle-mĂȘme de « schi-zophrĂšne », ce recueil luiressemble Ă©videmment.

Quelques auteurs à découvrir

Sans m’étendre surtoutes les nouvelles fi-gurant dans les recueils(auquel cas je devraisdemander 10 pages pourpouvoir en parler), je vous sug-gĂ©rerais quelques lectures que j’aifaites au cours des derniers mois :Miroirs et fumĂ©es de Neil Gaiman (J’aiLu, coll. Fantastique, 14,95 $), Le VoyagegelĂ© de Philip K. Dick (Folio, coll. SF, 12,95 $), Nouvelles(t. 1, 2 et 3) de Richard Matheson (J’ai Lu, coll.Fantastique, 15,95 $ ch.), Les Passeurs de millĂ©naire, uncollectif (Livre de Poche, coll. SF, 14,95 $), ForĂȘts secrĂštesde Francis Berthelot (Le BĂ©lial,25,95 $),Dystopia (t.1 et 2)de Richard Christian Matheson (Flammarion, coll.Imagine, 22,95 $ et 26,95 $), FantĂŽmes et farfafouilles deFredric Brown (Folio, coll. SF, 13,95 $). Et bien entendu, lemaĂźtre incontestĂ© de la nouvelle,celui qui n’a Ă©crit que ça,et qui a dĂ©couvert de grands auteurs : Harlan Ellison.Essayez La Machine aux yeux bleus (Flammarion, coll.Imagine, 27,95 $) et DĂ©rapages (Folio, coll. SF, 17,95 $).

Alors, la nouvelle de SF/fantastique est-elle en perte devitesse ? Je ne crois pas. Elle est comme beaucoup dechoses : ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas partoutet tout le temps qu’elle n’existe pas. Elle est bien en vieet a un bel avenir devant elle.

Par Pascale Raud, librairie Pantoute

Science-fiction et fantastique

TracĂ©s du vertige : 30 nouvelles pour redĂ©finir l’imaginaire de demain, prĂ©sentĂ© par Al Sarrantonio,Flammarion, coll. Imagine, 590 p., 49,95 $

Utopiae 2004 : Dix auteurs du monde entier, prĂ©sentĂ©s par Bruno della Chiesa, L’Atalante, 164 p., 15,95 $Vingt pas dans l’insolite, une anthologie de Roland Lacourbe, L’Atalante, 586 p., 36,95 $

Baisers de sang : 20 histoires de vampires, présentées par Alain Pozzuoli,Les Belles Lettres, coll. Fantastique, 274 p., 40,95 $

Petite Cuisine du diable, Poppy Z. Brite, Au Diable Vauvert, 275 p., 38,95 $

29 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

Des nouvelles de l’imaginaire

Page 30: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 30

Stanley devient Ă©crivain Ă  cause de la peurque lui inspire une histoire de sa grand-mĂšre, Rose. Il cesse de l’ĂȘtre lorsqu’il endĂ©voile le contenu, un massacre mys-tĂ©rieux qui s’est dĂ©roulĂ© en 1933. Rose luiavait en outre dĂ©fendu de devenir « l’unde ces vauriens d’écrivaillons ». Pourquoicet interdit ?J’ai introduit ce prologue parce que jevoulais qu’il y ait un schĂ©ma de conte dansle roman. Dans un conte, il y a toujours untabou. C’est parce que Stanley transgressece tabou que les Loups se rĂ©veillent. Rose acessĂ© de vivre parce qu’elle a eu peur :Stanley Ă©crit des histoires de peur et en vitbien jusqu’à ce qu’il rĂ©vĂšle le secret. Un bonĂ©crivain de fantastique ne se contente pasde prendre les contes au sĂ©rieux : il lesprend au tragique. Il doit replonger sonlecteur dans la forĂȘt de son enfance. C’est lĂ qu’il retrouve cette vieille connaissance,le loup.

Le fondateur de la sociĂ©tĂ© secrĂšte est unancien gĂ©nĂ©ral sudiste, Fenryder. D’oĂčvient ce nom, et pourquoi la guerre deSĂ©cession ?L’un de mes thĂšmes favoris, avec la peur,c’est celui de la puissance. Je ne pouvais metourner que vers les États-Unis, la seulegrande puissance au monde. La guerre deSĂ©cession est une pĂ©riode pas trĂšs connueen Europe. En raison des camps qui s’yopposent, je voulais mettre en rapport cettepĂ©riode avec le mythe scandinave du RagnaRok1, le « crĂ©puscule des puissances », quise dĂ©clenche quand le loup Fenrir se libĂšre.Avec lui se dĂ©chaĂźnent les forces du chaos.C’est la fin du monde telle que la mytholo-gie scandinave pouvait la concevoir. LesLoups de Fenryder est une transposition par-

AprĂšs Jean-Christophe GrangĂ© et Maxime Chattam, un nouvel auteur françaissĂšme la terreur « Ă  l’amĂ©ricaine ». NĂ© en 1970, Alec Covin a, de son propre aveu,« [
] une culture suffisamment complĂšte, sinon variĂ©e, pour avoir toujours uneou deux sottises Ă  dire Ă  table ». On ne s’en plaindra pas. Cette Ă©rudition relevĂ©ed’humour noir s’ajoute Ă  un sens du suspense peu commun dans Les Loups deFenryder, premier tome d’une trilogie en cours d’écriture. Stanley Holder est unĂ©crivain Ă  la rĂ©putation Ă©tablie. À la sortie de son dernier roman, il n’accordequ’une seule entrevue. Une de trop. Les secrets qu’il livre provoquent indirecte-ment la mort de sa propre fille et le calvaire d’une famille, les Baldwin. Les Loupsdu gĂ©nĂ©ral Fenryder sont en chasse


tielle de ce mythe. Contrairement Ă  American Gods2 de NailGaiman, oĂč le lecteur doit possĂ©der une certaine culturemythologique pour comprendre les subtilitĂ©s du livre, j’aivoulu que ça reste discret. Fenryder est nommĂ© ainsi pourFenrir, l’écrivain Stanley Holder renvoie au dieu Hod.C’est undieu aveugle, qui est cause de la mort du dieu Balder
 lafamille Baldwin.Vous voyez ?

Le Da Vinci Code, Ă©crit par un AmĂ©ricain, Ă©voque certainessociĂ©tĂ©s secrĂštes europĂ©ennes. L’intrigue de fond de votreroman repose sur un cercle occulte amĂ©ricain. Se renvoie-t-on la balle ?La diffĂ©rence avec Dan Brown, c’est que je crois qu’il s’in-tĂ©resse aux sociĂ©tĂ©s secrĂštes quand elles sont religieuses.Moi, ce qui m’intĂ©resse, c’est la dimension politique. LasociĂ©tĂ© secrĂšte de Fenryder, sauf quelques citations de laBible par-ci par-lĂ , n’a rien de religieux. J’aime penser lasociĂ©tĂ© de Fenryder comme l’expression d’une pulsion demort de l’Occident. C’est un mĂ©lange de Ku Klux Klan, pourle politique, d’Al-Qaida, pour le terrorisme, et de GoldenDawn3 pour la magie. Mon roman fait l’histoire de l’un desLoups, Charlie McNeice. Fenryder est plutĂŽt une espĂšce dedrapeau idĂ©ologique : c’est le grand absent. Je le ferai inter-venir dans mon deuxiĂšme roman, mais dans le premier, ilplane comme une ombre gigantesque.

De la mĂȘme façon, les Loups de Fenryder renvoient Ă  leursvictimes leurs propres peurs, comme une ombre projetĂ©e.Effectivement. Je crois d’ailleurs que ça rejoint les deuxdimensions oniriques Ă  l’Ɠuvre dans ce roman. D’abord,c’est le principe mĂȘme du fantastique, cette capacitĂ© Ă cristalliser les peurs humaines. Les Loups de Fenryder nefont pas autre chose que l’écrivain pour ses lecteurs.L’autre dimension, c’est le rĂȘve amĂ©ricain. Qu’il s’agisse deJohnny Baldwin, l’acteur qui a quittĂ© Hollywood pour laLouisiane, ou de l’écrivain Stanley Holder, le rĂȘve amĂ©ricaintourne chaque fois au cauchemar. J’ai jouĂ© de façonironique avec ce cĂŽtĂ©-lĂ . Le bal de 1933, qui est Ă  l’originede l’histoire, est un Ă©vĂ©nement mondain rĂ©ussi
 jusqu’àce qu’il y ait le massacre.

Vous dĂ©placez certaines figures propres au roman commeau cinĂ©ma. Je pense Ă  Jaws, Ă  Freddy Krueger, tout commeĂ  H. P. Lovecraft.Je reprends certains schĂ©mas classiques tout en jouant aveceux.Mon requin, il apparaĂźt dans une piscine ! Dans la scĂšnede l’auto-stoppeuse, les rats ne surgissent pas d’une caveobscure comme on pourrait s’y attendre4. C’est mon cĂŽtĂ©hitchcockien. Vous vous rappelez cette scĂšne de La Mort auxtrousses (North by Northwest, 1959) ? Cary Grant attend unpersonnage en rase campagne et il se fait attaquer en pleinjour par un avion. Le spectateur s’attendrait plutĂŽt Ă  ce queça se passe dans une ville, de nuit, et que l’attaque vienne de

la route. Peu de gens ont remarquĂ© que la scĂšne princi-pale a lieu dans un « Bed and Breakfast ». J’y mets unefamille d’AmĂ©ricains qui ont pour clients un vieux coupled’Allemands et une famille de Français, qui ne sont pasatteints par les Ă©vĂ©nements fantastiques. Je voulais mon-trer, un peu ironiquement, ce qu’est un AmĂ©ricain aujour-d’hui. C’est celui qui dĂ©guste, contrairement Ă  l’EuropĂ©en,qui visite maintenant l’Histoire en touriste. Enfin, le pisto-let de Stanley Holder est un Sig Sauer Ă  sept coups,non unrevolver classique Ă  six coups. Cette septiĂšme balle, c’estun peu la dĂ©finition de mon fantastique.

1 L’Edda est la grande fresque mythologique scandinave.Alec Covinfait allusion Ă  la version composĂ©e par le poĂšte et chef politiqueislandais Snorri Sturluson (1179-1241) : L’Edda. RĂ©cits de mythologienordique, Gallimard, coll. L’Aube des peuples, 240 p., 32,95 $.

2 2001 ; en français : J’ai Lu, coll. Fantastique, 604 p., 16,95 $

3 FondĂ©e dans les annĂ©es 1880, la Golden Dawn est une sociĂ©tĂ© ini-tiatique britannique qui ajoutait aux tables tournantes bien envogue Ă  l’époque divers Ă©lĂ©ments de magie rituelle.

4 Allusion à la nouvelle « The Rats in the Wall » de Howard PhillipsLovecraft (1890-1937), parue dans le magazine Weird Tales de mars1924.On en retrouve une version française,« Les Rats sous les murs», dans Par-delà le mur du sommeil, H.P. Lovecraft, Folio, coll. SF,333 p., 12,50 $

Propos recueillis par Mathieu Simard

Science-fiction et fantastique

Alec Covin

L’ombre des loups

Les Loups de Fenryder, Plon, 435 p., 39,95 $

Page 31: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

31 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire BOUQUINECuisine

Mon royaume pour un biscuitÀ l’abricot, au fromage, Ă  la menthe, avec des zucchinisou du Grand Marnier : mĂȘme Garfield, le plus gour-mand des chats, n’aurait pu imaginer que ces dĂ©li-cieuses douceurs se dĂ©gustent en autant de variĂ©tĂ©s.Nul doute que les amateurs de biscuits aux pĂ©pites dechocolat tomberont en extase (culinaire) en concoctantces 101 Ă©tonnantes recettes. Notez que les mesuressont offertes dans les systĂšmes mĂ©trique et impĂ©rial : nemanque qu’un verre de lait !

NouveautĂ© LES BISCUITS AUX PÉPITES DE CHOCOLAT. 101 RECETTES ORIGINALES, Gwen Steege,Éditions AdA, 148 p., 14,95 $

Ma vie en barbecueLe temps oĂč les barbecues au propane menaient nosestomacs est rĂ©volu : les nouveaux gadgets d’intĂ©rieur(fumoir, rĂŽtissoire, gril encastrĂ© ou de table, Ăątre, poĂȘle)permettent dĂ©sormais de ne plus savourer cette cuisinefestive uniquement par temps clĂ©ment.. Chef incontestĂ©en la matiĂšre, Steven Raichlen suggĂšre 250 plats (de l’en-trĂ©e au dessert) franchement allĂ©chants. Photos superbeset moult explications Ă  l’appui : rien n’égale le fumet et legoĂ»t de la viande grillĂ©e ! Aussi disponible : Barbecue(Éditions de l’Homme).

Nouveauté

BARBECUE D’INTÉRIEUR, Steven Raichlen, Éditions de l’Homme, 484 p., 34,95 $

De la cave au cellier« Descendre dans une cave Ă  vin est encore le seul moyen quel’homme ait trouvĂ© pour remonter le temps ». Ce plaisant apho-risme donne le ton de l’ouvrage de GuĂ©naĂ«l Revel, prĂ©sident del’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels.Passons par-dessus le lexique du vin. Tout le reste de l’ouvrageest un dĂ©lice : Revel passe au crible tous les types de celliers etde caves, guide le choix des vins qui en constitueront le stock etpropose, enfin, un bref historique du doux nectar.

NouveautĂ© L’ESSENTIEL DES CAVES ET DES CELLIERS, GuĂ©naĂ«l Revel, Les 400 coups, 137 p., 17,95 $

le libraire CRAQUELivres pratiques

Les Oiseaux gourmandsJean LĂ©veillĂ©, Éditions de l’Homme, 177 p., 29,95 $

Les ornithologues amateurs sont de plus en plus nombreuxde nos jours, et quantitĂ© de guides les informent sur les caractĂ©ristiques des oiseaux : taille, plumage, prĂ©sence auQuĂ©bec ou en AmĂ©rique du Nord. Jean LĂ©veillĂ©, lui, s’in-tĂ©resse plus particuliĂšrement au comportement de la gentailĂ©e ; il nous a donnĂ© l’annĂ©e derniĂšre Les Oiseaux etl’amour et, ce printemps, un livre sur le comportement desoiseaux, fruit de ses observations de volatiles familiers

(moineau,gros-bec errant,bernache du Canada) ou exotiques (urubu,hĂ©ron garde-bƓufs,coquette huppe-col). ConstituĂ© d’une trentaine de chapitres illustrĂ©s des photographiesde l’auteur, ce livre se parcourt non comme un manuel technique, mais plutĂŽt comme unlong poĂšme dans une langue fleurie
 JACQUELINE CHAVIGNOT

Guide du mosaĂŻsteSarah Kelly, Eyrolles, 320 p., 65 $

Ce Guide du mosaĂŻste reprĂ©sente le juste milieu entre lathĂ©orie et la pratique. Il permet d'acquĂ©rir l’essentiel destechniques de mosaĂŻque tout en abordant des tech-niques particuliĂšres et plus complexes.On y retrouve desconseils sur le choix des outils, des matĂ©riaux, descouleurs et sur la composition de motifs pour assurer lesuccĂšs de votre crĂ©ation. Les trente projets prĂ©sentĂ©svous aideront Ă  progresser Ă  votre rythme, Ă©tape parĂ©tape.De plus, les rĂ©alisations requiĂšrent des techniques

diffĂ©rentes basĂ©es sur des Ɠuvres d’artistes, ces derniĂšres Ă©tant prĂ©sentĂ©es comme dessources d’inspiration et des pistes crĂ©atives.Ce livre a pour but de vous donner les moyensde rĂ©aliser vos propres chefs-d’Ɠuvre. ANNIE MERCIER

Annie MercierPANTOUTE

Jacqueline ChavignotCLÉMENT MORIN

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 32

On ne prĂ©sente plus Bertrand Dumont. CeQuĂ©bĂ©cois d’adoption, professionnel de l’horticul-ture, a signĂ© plus de quinze livres et a Ă©tĂ©chroniqueur pour une multitude de mĂ©dias.Photographe exceptionnel, il a marquĂ© de sarigueur et de sa compĂ©tence la revue Fleurs,planteset jardins durant les dix ans oĂč il l’a dirigĂ©e.Il lançaitce printemps une toute nouvelle maison d’éditionconsacrĂ©e exclusivement Ă  l’horticulture, BertrandDumont Éditeur, avec quatre livres, dont deuxsignĂ©s de sa main : Les Niches Ă©cologiques desvivaces et plantes herbacĂ©es et Les NichesĂ©cologiques des arbres, arbustes et conifĂšres (446 p.et 414 p., 39,95 $ ch.).BĂątis sur le mĂȘme modĂšle,ces deux titres prĂ©sentent plus de 4000 vĂ©gĂ©taux,ce qui en fait de vĂ©ritables dictionnaires. À chaquenotice s’ajoutent des renseignements sur la rĂ©sis-tance aux chevreuils et aux rongeurs,sur l’attirancedes papillons et oiseaux, sur la rĂ©sistance aux mal-adies et insectes, ou sur les propriĂ©tĂ©s allergĂšnes.Mais l’originalitĂ© de ces deux « bibles » repose surle systĂšme de classement des vĂ©gĂ©taux par nichesĂ©cologiques, qui mettent en Ă©vidence les besoinsen lumiĂšre et la qualitĂ© du sol. Un parti pris que M.Dumont explique :« Les plus rĂ©centes recherchesont montrĂ© que, dans un jardin, quand on installeune plante dans un milieu qui ressemble Ă  celuidans lequel elle pousse naturellement,la plante estpeu sensible aux attaques des prĂ©dateurs (insecteset maladies). Dans de bonnes conditions, elle opti-

L’annĂ©e 2005 est faste pour les amateurs d’horticulture et de jardinage. Pas moins d’unevingtaine de nouveautĂ©s, toutes plus intĂ©ressantes les unes que les autres, ont envahi lestablettes des librairies. Hasard ou air du temps, prĂšs de la moitiĂ© de ces livres proposent desmĂ©thodes Ă©cologiques pour jardiner. Mais cette annĂ©e est aussi celle de Bertrand Dumont,puisqu’il publie Ă  lui seul (comme auteur ou Ă©diteur ) pas moins de 6 nouveautĂ©s.

mise le rĂ©seau d’entraide que la nature lui procure.L’amĂ©nagement paysager par niches Ă©cologiques est basĂ© sur leshabitudes gagnantes de la terre. »

ComplĂ©ment idĂ©al Ă  ces deux ouvrages, L’Art d’amĂ©nager desĂ©cosystĂšmes de Michel Renaud (352 p., 39,95 $), dĂ©crit la thĂ©oriequi sous-tend ce parti pris Ă©cologique. BourrĂ© de trucs et de con-seils, ce livre prĂ©sente une façon de jardiner diffĂ©rente, qui s’aidede la nature plutĂŽt que de la combattre.MĂȘme pour un dĂ©butant,les explications sont claires. Renaud nous apprend Ă  mieux con-naĂźtre notre environnement pour ĂȘtre en mesure de bien l’amĂ©-nager sans peine, sans pesticides, sans engrais chimiques
 etsans acharnement thĂ©rapeutique.

Plantes dĂ©coratives pour patio et balcon, d’HĂ©lĂšne Baril (192 p.,27,95 $), s’adresse aux citadins qui dĂ©sirent mettrent en valeurpetits espaces, balcons ou terrasses, grĂące Ă  des associations flo-rales originales. L’auteure suggĂšre des arrangements spectacu-laires rĂ©alisĂ©s avec une cinquantaine de plantes qui se cultiventparfaitement en jardiniĂšres.Les photographies, pour la plupart deBertrand Dumont, sont superbes.Ce dernier raconte que, pour lui,les clichĂ©s sont primordiaux dans les livres d’horticulture : « LaqualitĂ© doit ĂȘtre parfaite. Le fait que je possĂšde (par le biais d’uneautre compagnie,Horti MĂ©dia) plus de 100 000 photos ayant pourthĂšme le jardinage facilite le travail des auteurs. Cela me permetaussi de travailler avec des auteurs qui n’ont pas de compĂ©tencesen photographie. »

Enfin, le Guide des jardins à visiter au Québec de Julie Boudreau(220 p., 24,95 $) est,selon moi,le livre le plus complet sur le sujet.

Abondamment illustrĂ©, on y retrouve la description dequatre-vingts jardins ouverts au public. J’y ai revu mesespaces verts prĂ©fĂ©rĂ©s (La petite Ă©cole, Sculptures enjardins), et j’en ai dĂ©couvert plein d’autres Ă  visiter. C’estĂ©galement un trĂšs bel objet, comme tous les livres deBertrand Dumont.D’ailleurs,pour l’éditeur, l’objet-livre doitĂȘtre tout aussi bien pensĂ© que le texte :couverture,reliure,papier et format sont adaptĂ©s Ă  l’utilisation habituelle quel’on fait des livres de jardinage : « Comme nous publionsdans le domaine du jardinage (qui, rappelons-le, a pourfinalitĂ© la beautĂ©), le contenant est aussi important que lecontenu. Une trĂšs grande importance est accordĂ©e Ă toutes les Ă©tapes de la production. Les livres doivent ĂȘtrede vrais guides que les lecteurs peuvent emmener aujardin ou Ă  la jardinerie. D’ici quelques annĂ©es, au premiercoup d’Ɠil, les gens devraient (du moins,je l’espĂšre) recon-naĂźtre tout de suite les livres publiĂ©s par Bertrand DumontÉditeur. » Bref, Bertrand Dumont ne s’est pas lancĂ© pas enĂ©dition les yeux fermĂ©s. Et si on se fie Ă  cette premiĂšrefournĂ©e, sa maison est vouĂ©e Ă  un bel avenir


Par Denis LeBrun

Jardinage

Bertrand Dumont et l’horticulture Ă©cologique

Le Guide pratique du jardinage Ă©cologique de François GariĂ©py (Éditions Michel Quintin,184 p., 24,95 $) s’adresse Ă  tout jardinier amateur qui veut se lancer dans le jardinage

Ă©cologique Ă  partir de bonnes bases. Bien conçu, il dĂ©crit simplement (photographies Ă  l’ap-pui) les gestes Ă  poser dans un jardin : le meilleur guide qu’un dĂ©butant puisse se procurer.

50 plantes utiles de François GariĂ©py (Éditions Michel Quintin, 136 p., 24,95 $). ComplĂ©mentdu prĂ©cĂ©dent ouvrage, ce guide dĂ©crit la culture et les propriĂ©tĂ©s d’une cinquantaine de

plantes. Utile pour préparer vos insecticides naturels, vos tisanes et vos pots-pourris !

Solutions Ă©cologiques en horticulture de E. Smeeters, A. Daniel et A. Djotni (Broquet,198 p., 22,95 $) est le livre qu’il vous faut pour contrĂŽler les ravageurs, les mauvaises herbes

et les maladies dans votre jardin, tout en respectant l’environnement.On y apprend aussi Ă  reconnaĂźtre nos alliĂ©s.

Les HĂ©mĂ©rocalles de RĂ©jean D. Millette (Éditions de l’Homme, 352 p., 29,95 $) nous prĂ©senteles principaux cultivars de cette plante de plus en plus populaire, des conseils de culture et

des suggestions, le tout abondamment illustrĂ©. Difficile de faire mieux, tout comme Les Lilaset Les Hostas, publiĂ© dans la mĂȘme collection.

Le Guide des fleurs parfaites d’Albert Mondor (Éditions de l’Homme, 447 p., 39,95$).Par « fleurs parfaites », l’auteur entend des plantes faciles Ă  cultiver, rĂ©sistantes aux

maladies, et des fleurs impressionnantes Ă  floraison abondante.Un livre trĂšs bien illustrĂ© : les choix d’un vĂ©ritable connaisseur.

Le Guide des arbres,arbustes et conifÚres pour le Québec, de Bertrand Dumont (Broquet,632 p.,39,95 $).Un guide exhaustif et bien illustré :une référence pour tous les végétaux ligneux.

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33 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

Respirer par le nezLe stress et l’anxiĂ©tĂ© constituent sans nul doute des flĂ©aux. Onsubit tous du stress (80 % de la population, disent les statis-tiques) mais, chez certains sujets, cet Ă©tat mental mĂšne Ă l’épuisement professionnel ou Ă  la dĂ©pression. SpĂ©cialiste dustress, la QuĂ©bĂ©coise Louise Lacourse suggĂšre une panoplie demĂ©thodes simples et efficaces qui permettent d’amĂ©liorer notrequalitĂ© de vie. D’autres aspects importants du contrĂŽle du stresssont Ă©galement abordĂ©s, dont la gestion du temps et lazoothĂ©rapie.

NouveautĂ© ON SE CALME
 L’ART DE DÉSAMORCER LE STRESS ET L’ANXIÉTÉ,Louise Lacourse & Linda Bertrand (collab.), Un monde diffĂ©rent, 240 p., 22,95 $

Au-delĂ  du rĂ©elL’intelligence du corps va de pair avec la vie spirituelle ; la prisede conscience de notre essence permet de rejoindre l’universal-itĂ©. En quinze chapitres, Le Livre des secrets explique commentaccĂ©der Ă  la connaissance suprĂȘme, Ă  « devenir rĂ©el ». Auteurd’une vingtaine de best-sellers, Deepak Chopra dirige un centreen Californie, oĂč il livre un enseignement basĂ© sur les traditionshindouistes et les Ă©vidences scientifiques modernes.

NouveautĂ©LE LIVRE DES SECRETS, Deepak Chopra, Guy TrĂ©daniel Éditeur, 296 p., 43,95 $

Interdit d’asservirSexologue et communicatrice rĂ©putĂ©e, Jocelyne Robert estd’abord connue pour ses publications portant sur la sexualitĂ©des enfants et des adolescents. Le Sexe en mal d’amour a unevisĂ©e plus large : il dĂ©nonce la fausse libertĂ© sexuelle qui sĂ©vitde nos jours et touche tous les Ăąges de la vie. Pour la justesse deson ton, son agrĂ©able tour d’esprit, son appel Ă  la jouissancelibrement consentie et assumĂ©e, on ne saurait se priver de celivre qui s’ouvre sur une jolie lĂ©gende amĂ©rindienne : « Le bon-heur se cache dans un petit pois [
]. Si on l’ignore, on perd Ă coup sĂ»r le petit pois et
 le bonheur ».NouveautĂ©

LE SEXE EN MAL D’AMOUR, Jocelyne Robert, Éditions de l’Homme, 221 p., 24,95 $

« Samuel, lĂąche ta sƓur ! »Pour qui a les nerfs un peu fragiles, voyager avec des enfants estcomme faire du bungee. À la diffĂ©rence notable que la tensionne se relĂąche jamais ! Isabelle Chagnon et Lio Kiefer, globe-trotters Ă©mĂ©rites, ont tout prĂ©vu pour vous faciliter la vie. Ceuxqui s’accommodent dĂ©jĂ  fort bien des sorties familiales aurontĂ©galement avantage Ă  consulter ce guide : prĂ©paration du voyage, quoi faire en cas de maladie, conseils pour survivre Ă  lagare, Ă  l’aĂ©roport, Ă  l’hĂŽtel
 et quelques petites phrases pourpermettre Ă  vos bouts de choux de se dĂ©brouiller en anglaiscomme en espagnol.

NouveautéVOYAGER AVEC DES ENFANTS, Isabelle Chagnon & Lio Kiefer, Ulysse, 253 p., 24,95 $

le libraire BOUQUINETourisme et nature

Des vacances brillantesL’étĂ© ramĂšne le farniente : baignade en mer, randonnĂ©e Ă  vĂ©lo,biĂšre et saucisses sur feu de camp
 Dans Soleil, sable et science,Raynald Pepin raconte la premiĂšre journĂ©e de vacances d’unefamille bien sympathique. GrĂące Ă  plusieurs expĂ©riences d’ordrechimique, biologique, physique, gĂ©ologique ou astronomique,l’ancien chroniqueur de QuĂ©bec Science dĂ©montre que bronzeridiot est impossible : toute action provoque une rĂ©action, et viceversa. DrĂŽle et instructif : petits comme grands y trouvent leurcompte ! NouveautĂ©

SOLEIL, SABLE ET SCIENCE, Raynald Pepin, MultiMondes, 224 p., 29,95 $

le libraire BOUQUINECroissance personnelle

Un lac, deux Ă©crivains(Re)dĂ©couvrez le majestueux lac Saint-Jean par le biais de sessites enchanteurs, de sa VĂ©loroute et de ses auberges, mais aussigrĂące aux Ă©crivains et aux musiciens du coin. Pendant vingt et unjours, le couple DubĂ©-ParĂ© (Un Ă©tĂ© en Provence) a humĂ©, touchĂ©,goĂ»tĂ© une rĂ©gion qu’ils nous invitent Ă  parcourir Ă  travers leurregard et une liste d’attractions incontournables. Il rĂ©sulte de leurpĂ©riple un guide original alliant habilement littĂ©rature ettourisme.

NouveautĂ©LE TOUR DU LAC EN 21 JOURS. À LA DÉCOUVERTE DU LAC-SAINT-JEAN,

Danielle Dubé & Yvon Paré, XYZ éditeur, 248 p., 20 $

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Destination monde

Taras Grescoe n’a rien d’un anthropologue oud’un philosophe cherchant Ă  dĂ©finir ce curieuxinstinct qui pousse ses compatriotes Ă  s’entass-er comme des sardines devant les attraitstouristiques des quatre coins du globe, mais iln’en demeure pas moins un fin observateur dela gent vagabonde. Maniaque des guides devoyage et des anecdotes sur l’histoire dutourisme mondial, l’auteur de SacrĂ© Blues, un «portrait iconoclaste du QuĂ©bec » (VLB, 2002) avolontairement rejoint les sentiers battus etparcouru Ă  pied, en autobus, en train ou enavion un itinĂ©raire qui l’a menĂ© d’un bout dumonde Ă  l’autre, soit de la pointe de CaboFisterra, en Espagne, Ă  l’üle Tianya Haijao, enChine. « Tout a commencĂ© par l’idĂ©e d’écrire unguide sur les guides touristiques. Le projet aĂ©voluĂ© avec le temps, et j’y ai ajoutĂ© l’envie dedĂ©crire le tourisme de masse tel qu’il est aujour-d’hui, Ă  l’heure oĂč 700 millions de gens bougentun peu partout dans le monde. [
] Je voulaisprendre le temps de faire ce que font beaucoupde gens avec leur sac Ă  dos, moi qui n’étais pasun voyageur naĂŻf, car j’avais dĂ©jĂ  derriĂšre moibeaucoup d’annĂ©es d’écriture sur le voyage »,raconte Grescoe.

Sur les traces de Compostelle

Si les voyages forment la jeunesse, celui qu’arĂ©alisĂ© Grescoe a plutĂŽt formĂ© son idĂ©e sur lesinstincts qui nous poussent Ă  nous agglutinercomme des moutons dans des endroits oĂč,espĂ©rons-nous, nous rencontrerons le mystĂšre

AprĂšs avoir lu Un voyage parmi les touristes, on se demande si Taras Grescoeest allĂ© au bout du monde ou au bout de lui-mĂȘme. En s’arrĂȘtant dans lesendroits les plus frĂ©quentĂ©s par une faune touristique parfois surrĂ©elle, par-fois franchement imbĂ©cile, ce globe-trotter impĂ©nitent en a probablementdavantage appris sur l’ĂȘtre humain que sur les lieux que des milliers decurieux en mal d’exotisme continuent Ă  visiter chaque annĂ©e.

de l’inconnu et le confort de notre foyer tout Ă  lafois. D’un point de vue personnel, le pĂ©riple del’écrivain a donnĂ© lieu Ă  un profond question-nement sur ses convictions de voyageur, sur sa soif defugue. Il en a rapportĂ© quelques considĂ©rations mor-dantes sur les touristes, mais aussi sur lui-mĂȘme : « Avant,j’avais l’impression que je ne serais jamais en place bienlongtemps. Ce qui a changĂ©, toutefois, c’est qu’aprĂšs neufmois, j’étais vraiment fatiguĂ© de changer d’hĂŽtel tous lestrois jours, de dĂźner seul dans les villes que j’ai aimĂ©es. Cen’était plus une vie pour moi : j’ai dĂ©couvert qu’il me fal-lait un pied-Ă -terre. »

Au dĂ©part, le voyage s’annonçait prometteur. Grescoeavait choisi d’arpenter, sans s’inspirer de la prose d’un cer-tain Ă©crivain brĂ©silien, le chemin de Compostelle, leCamino. Mais rapidement, le caractĂšre folklorique de sonentreprise a laissĂ© place Ă  la dure rĂ©alitĂ© des pĂšlerins destemps modernes. On ne s’attaque plus au Camino au nomde la foi, mais bien pour le simple plaisir de le parcourir etde s’arrĂȘter dans des haltes amĂ©nagĂ©es spĂ©cialementpour les vigoureux marcheurs. Sur la route, Grescoe sesouvient d’avoir rencontrĂ© des personnes fort agrĂ©ables etd’autres, beaucoup moins. Une fois en France, il a dĂ©laissĂ©la marche Ă  pied pour goĂ»ter au plaisir interdit de l’auto-car climatisĂ© et aux joies prĂ©programmĂ©es du voyageorganisĂ©. Le choc est de taille et le kilomĂ©trage parcouru, Ă l’avenant. Tout en digressant sur l’histoire du tourisme demasse et sur l’entreprise d’un de ses plus dignes fonda-teurs,Thomas Cook, l’auteur dĂ©couvre Ă  un rythme effrĂ©nĂ©les charmes de Paris, puis ceux de la Suisse, tout ensavourant au cours des escales les pitreries destinĂ©es Ă divertir les voyageurs pressĂ©s. À peine s’est-il remis duvoisinage parfois insupportable de ses congĂ©nĂšres qu’ils’embarque pour la GrĂšce et l’Italie, oĂč il dĂ©couvre unetout autre forme de tourisme, prĂ©fĂ©rĂ©e cette fois par uneclientĂšle plus jeune et, disons-le, plus intĂ©ressĂ©e Ă  goĂ»ter Ă l’alcool du pays qu’au rĂ©cit des grands moments de l’his-toire locale. Avec le recul, cette expĂ©rience demeure assezreprĂ©sentative de l’état du tourisme mondial : « AprĂšs le11 septembre, le dĂ©sir d’ĂȘtre protĂ©gĂ©, de voyager dans unebulle touristique a augmentĂ©, et le tourisme connaĂźt unepopularitĂ© croissante. Par contre, on assiste Ă  une haussedu tourisme de la dĂ©bauche. » En d’autres termes,l’Ailleurs c’est bien, mais avec l’option « bar ouvert », c’estmieux.Toute ressemblance avec certains forfaits offerts denos jours ne serait que fortuite.

Le bout du monde

Avant d’atteindre, un peu extĂ©nuĂ©, la Chine aprĂšs avoirfrĂ©quentĂ© les plus sordides attractions sexuelles deThaĂŻlande, expĂ©rience dont il tire d’ailleurs quelques

pages marquantes, Grescoe aura goĂ»tĂ© Ă  toutes lesmaniĂšres possibles de voir le monde. Il s’estimeheureux d’avoir rĂ©alisĂ© l’expĂ©rience, mĂȘme s’il avoueavoir pris plaisir Ă  Ă©corcher au passage nos travers devoyageurs : « J’ai rencontrĂ© assez de gens intĂ©ressantset intelligents pour affirmer qu’il y a un avenir pour letourisme. Et malgrĂ© tous les prĂ©jugĂ©s que l’on peutavoir sur les diffĂ©rentes nationalitĂ©s, il y a toujoursquelques personnes qui viennent nous contredire. »

Sorte de condensĂ© de l’art du voyage du XIXe siĂšcle Ă nos jours vu Ă  travers la lorgnette d’un bourlingueuravisĂ©, Un voyage parmi les touristes donne Ă  rĂ©flĂ©chir surnotre maniĂšre d’envisager le tourisme contemporainet, surtout, d’aborder l’Autre : « Il n’a jamais Ă©tĂ© aussifacile de voyager. Or, on voit de moins en moins de vĂ©ri-tables contacts entre les voyageurs et les habitants [
]Je comprends la peur de l’Autre, mais je ne comprendspas pourquoi certaines personnes dĂ©sirent rester enpetit groupe en Ă©vitant de parler aux gens qui habitentl’endroit que l’on visite. Il faut savoir prendre une dis-tance vis-Ă -vis le discours des agences de voyages »,affirme Grescoe.

C’est, enfin, dans les derniĂšres pages que l’on sert sansdoute la plus prĂ©cieuse des leçons : « Bien voyager neveut pas dire aller plus loin, mais y aller mieux ».Aujourd’hui, Grescoe, qui prĂ©pare un autre livre sur lesvoyages et leurs relations avec la consommation desubstances euphorisantes, se dit content d’accumulerles kilomĂštres, tout en ajoutant qu’au fond, il est tou-jours bon de s’en aller en sachant qu’un jour, nousretournons Ă  la maison, lĂ  oĂč il fait bon vivre.

Par Antoine Tanguay

Tourisme

Taras Grescoe

C’est oĂč,le bout du monde ?

Un voyage parmi les touristes, VLB Ă©diteur, 410 p., 29,95 $

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Cap sur les parcs

Vous avez envie de passervos vacances dans les plusbeaux sites naturels quĂ©bĂ©-cois ? C’est la chance quevous offrent nos vingt-deuxparcs nationaux. Ces zonesĂ©cologiques protĂ©gĂ©es, quimettent en vedette la fauneet la flore, prennent le visagede leur rĂ©gion : monta-gneux, forestiers, marĂ©ca-geux ou marins. Pour faire ladĂ©couverte de ces coins deparadis, feuilletez Les Parcsnationaux du QuĂ©bec. Ce livrerend hommage Ă  la magnifi-cence et aux particularitĂ©s dechaque parc en plus deraconter son histoire. Comme il estagrĂ©able de revisiter en images lesparcs dĂ©jĂ  connus comme le Bic oucelui de la GaspĂ©sie, d’en dĂ©couvrird’autres (Plaisance, en Abitibi) et,enfin, d’en apprendre sur les projetsfuturs, dont deux parcs pour le NordquĂ©bĂ©cois ! La passion Ă©vidente pourla nature des photographes d’EnviroFoto nous est transmise par la beautĂ©et la fragilitĂ© pures des paysages choi-sis. Si ce livre a pour mission de nousfaire rĂȘver de chez nous, le pari estgagnĂ© : vous succomberez ! AprĂšsquelques pages, vous serez Ă©pous-touflĂ©s par autant de splendeur etgrandira en vous l’envie d’enfiler vosbottines pour aller Ă  la rencontre deces lieux sauvages et majestueux.

La nature quĂ©bĂ©coise est gĂ©nĂ©reuse et colorĂ©e. Elle est reconnue dans le monde entierpour la spectaculaire diversitĂ© de ses panoramas avec les montagnes, les forĂȘts, lesplages et les millions de lacs et de riviĂšres qui composent ses paysages. Comme unimmense terrain de jeux, le QuĂ©bec est l’endroit idĂ©al pour profiter des joies du grandair. La preuve en est que l’écotourisme prend de plus en plus de place dans le cƓur desQuĂ©bĂ©cois, par souci de prĂ©server leurs espaces naturels, mais aussi grĂące Ă  la variĂ©tĂ©des attraits et des activitĂ©s qu’offre notre vaste territoire. Pourquoi aller conquĂ©rir laforĂȘt tropicale ou traverser le dĂ©sert du Sahara quand il y a autant de belles chosesautour de chez soi ?

Pour maximiser le temps passĂ© Ă  profiter de ceslieux exceptionnels et ne rien manquer desendroits frĂ©quentĂ©s, QuĂ©bec Nature prĂ©sente nosdix-neuf belles rĂ©gions et plus de trois cents desti-nations nature. De l’ascension d’un mont Ă  labalade en vĂ©lo jusqu’à la visite d’un jardin ou d’unvignoble en passant par l’escalade et le parapente,il y en a pour tous les goĂ»ts ! La rubrique « Coups de cƓur » propose des activitĂ©s incon-tournables tandis que « En un clin d’Ɠil » fournitles renseignements essentiels Ă  une rĂ©alisationsans tracas de votre aventure : accĂšs, tarifs, servi-ces offerts et divertissements dans les environs.Pour vous donner l’occasion de pousser encoreplus loin la conquĂȘte des lieux, une capsulerecense plusieurs autres activitĂ©s de plein air Ă faire dans la rĂ©gion choisie, outre les attractionsnature majeures comme les parcs et les rĂ©serves,ce qui permet de sortir des sentiers battus. Voustrouverez mĂȘme des idĂ©es originales pour occu-

per les jours de pluie. Ce guide indispensable, au formatparfait pour vous accompagner, est Ă  laisser dans la boĂźteĂ  gants de votre voiture ou dans votre sac d’expĂ©dition.IdĂ©al pour les excursions imprĂ©vues ; tournez les pages Ă l’aveuglette et partez Ă  l’aventure ! Peu importe la direc-tion, l’enchantement est garanti.

Au fil de l’eau

Avec ses 80 000 km2 delacs et de riviĂšres et unimposant fleuve, leQuĂ©bec est le royaumedes amoureux de plaisirsaquatiques et nautiques.PlongĂ©e sous-marine ?Planche Ă  voile ? Tout yest possible. Mais le plusextraordinaire moyen dedĂ©couvrir les richesses duSaint-Laurent, ses rĂ©cifscĂŽtiers, ses oiseaux marins,ses phoques et mĂȘme sesbaleines est, sans con-teste, le kayak. Plus qu’unloisir, le kayak est une

relaxation : on glisse dans un silence feutrĂ© sur l’eaulimpide en contemplant le paysage. La sensation de li-bertĂ© qu’il procure est sĂ»rement le secret de ce nou-veau « chouchou » des amateurs de plein air. À la suitede l’engouement marquĂ© pour cette embarcation, unguide trĂšs complet sur le sujet paraĂźt aux Éditions del’Homme cet Ă©tĂ©, Le Kayak de mer au QuĂ©bec. YvesOuellet nous y fait dĂ©couvrir les plus ravissants par-cours classiques et sites d’exploration comme le fjorddu Saguenay et le parc de l’Archipel-de-Mingan, enplus de prĂ©senter des circuits pour les kayakistes con-firmĂ©s. Pour les plus curieux, il relate l’histoire du kayak,en explique les techniques et prĂ©sente les pionniers decette discipline. Le kayak offre une nouvelle possibilitĂ©Ă  tous ceux qui ontdĂ©jĂ  fait le tour duQuĂ©bec par la terre dele faire par la mer, enlogeant le littoral debaie en baie, d’üle enĂźle, de plage en plage.

Si vous ĂȘtes Ă  contre-courant des tendances,pourquoi ne pas voir leQuĂ©bec comme lescoureurs des bois, enpagayant ? Le Guidedes parcours canota-

bles du QuĂ©bec estparfait pour prĂ©-parer votre itinĂ©-raire de canot-camping, que ce soit sur la rĂ©putĂ©eet sublime riviĂšre Bonaventure ou ailleurs. Des ren-seignements prĂ©cieux sont donnĂ©s par l’intermĂ©-diaire de deux cents fiches, qui mentionnent leniveau de difficultĂ© du cours d’eau, la possibilitĂ© degĂźte ou de campement sur le trajet, le temps decanotage par section, et mĂȘme la qualitĂ© despaysages Ă  admirer. Cette quatriĂšme version con-solidĂ©e du guide Ă©tait fortement attendue cettesaison, et avec raison, puisqu’il est la source d’in-formation principale pour les passionnĂ©s de canotou de kayak de riviĂšre. Il est l’alliĂ© parfait pourdompter les vagues et arriver Ă  bon port en solo,en duo ou en famille.

Bonnes vacances chez vous !

Par Annie Mercier, librairie Pantoute

Plein air

Aux quatre coins du Québec
 LA NATURE

Les Parcs nationaux du QuĂ©bec, Enviro Foto, GID, 239 p., 69,95 $ QuĂ©bec Nature, StĂ©phane Champagne & Marie-France LĂ©tourneau, Michel Quintin Éditeur, 319 p., 34,95 $

Le Kayak de mer au QuĂ©bec, Yvan Ouellet (texte) & Alain Dumas (photographies), Éditions de l’Homme, 303 p., 39,95 $Guide des parcours canotables du QuĂ©bec, FĂ©dĂ©ration quĂ©bĂ©coise du canot et kayak, Broquet, 455 p., 49,95 $

35 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

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36 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

le libraire CRAQUE

À la dĂ©couverte du Saint-LaurentJean GagnĂ©, Éditions de l’Homme, 331 p., 39,95 $

Comme QuĂ©bĂ©cois, nous sommes tous trĂšs attachĂ©s aufleuve Saint-Laurent, mais le connaissons-nous vraiment ?Jean GagnĂ© nous fait dĂ©couvrir de trĂšs belle façon le fleuvesous diffĂ©rents aspects de sa vie. Il aborde dans son livre lecĂŽtĂ© historique de cette voie de navigation essentielle Ă  lacolonisation de la Nouvelle-France, les Ăźles qui se trouventsur son parcours, les affluents qui la nourrissent, les diversvillages qui la bordent. À la fin de chaque chapitre, GagnĂ©nous donne des adresses et des numĂ©ros de tĂ©lĂ©phoned’organismes rattachĂ©s de prĂšs Ă  la vie du fleuve, Ă  sa floreainsi qu’à la vie des hommes, dont il est Ă©galement ques-tion. Voici un trĂšs beau livre richement illustrĂ© et chargĂ©

d’informations pertinentes sur l’un des plus beaux fleuves du monde. JEAN MOREAU

Les Ponts couverts au QuébecQuébec, Gérald Arbour, Fernand Caron & Jean Lefrançois,

Les Publications du QuĂ©bec, 216 p., 34,95 $Depuis une dizaine d’annĂ©es, les Publications du QuĂ©becexploitent les multiples trĂ©sors patrimoniaux que recĂšlentles Archives nationales. Les populaires livres de la collec-tion « Aux limites de la mĂ©moire » en sont la preuve.Mais Ă  partir d’aujourd’hui,il faudra ajouter Ă  cette liste unnouveau titre : Les Ponts couverts au QuĂ©bec. Écrit par un

trio d’auteurs passionnĂ©s,cet ouvrage est remarquable par la richesse de son iconographieet la prĂ©cision de ses informations historiques. Des ingĂ©nieurs cĂ©lĂšbres aux techniques deconstruction privilĂ©giĂ©es, de la fonction « coloniale » de ces ponts Ă  leur valeur patrimo-niale, Les Ponts couverts au QuĂ©bec rĂ©vĂšle une dimension de notre histoire encore peuexplorĂ©e. Un pont de ce genre existe toujours dans votre coin de pays ? Prenez le temps,aprĂšs avoir lu ce livre,d’en observer tous les dĂ©tails :coup de foudre assurĂ© ! RENÉ PAQUIN

Beaux livres

Jean MoreauCLÉMENT MORIN

RenĂ© PaquinCLÉMENT MORIN

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 37

Heureusement, depuis quelque temps, certains Ă©di-teurs ont dĂ©cidĂ© de prendre les choses en mains enactualisant ce genre qui, on l’a vu, tombait endĂ©suĂ©tude, et ce, malgrĂ© certains efforts louables,mais pas toujours concluants d’autres Ă©diteurs d’iciet d’ailleurs. Ainsi, on tente maintenant de combin-er la qualitĂ© de l’illustration (car l’attrait visuel, on lesait, est trĂšs important) Ă  une certaine recherchedans le texte : que ce soit par le ton, la musicalitĂ©des mots et un certain esprit ludique — outil cru-cial pour faciliter l’apprentissage et pour favoriserune forme de complicitĂ© entre l’enfant et l’adulte.

Au cours des derniers mois, on a pu voir arriver enlibrairie une avalanche de ce nouveau typed’abĂ©cĂ©daires, qui se rapprochent tantĂŽt de l’al-bum de fiction, tantĂŽt du recueil de poĂ©sies ou decomptines, et mĂȘme du livre d’art ! Tous ont encommun la qualitĂ© exceptionnelle des illustrations,doublĂ©e du simple plaisir de jouer avec les mots etles sonoritĂ©s. Dans L’Autruche auto-stoppeuse, l’au-teur nous prĂ©sente Ă  chaque page un animal dontla posture rappelle la forme de la lettre qu’ilreprĂ©sente, ce qui entraĂźne des situations pour lemoins farfelues. Le texte, teintĂ© d’humour parfoisabsurde, nous permet de rencontrer un kangouroukaratĂ©ka, un hibou hypocondriaque ou encore unyack yougoslave ! Plus prĂšs de chez nous, aux Ă©di-tions Les 400 coups, le dernier album de PierrePratt, Le Jour ou ZoĂ© zozota, nous emmĂšne en 26

Qui n’a jamais vu ou tenu entre ses mains l’un de ces vieux abĂ©cĂ©daires, quiprennent souvent la forme d’un livre cartonnĂ©, Ă  la reliure fragile, aux illustra-tions tristes Ă  faire pleurer une hyĂšne (!), et oĂč l’enseignement de l’alphabetse rĂ©sume Ă  illustrer (maladroitement) un objet dont le nom commence par lalettre que l’on veut prĂ©senter (par exemple : « P » pour « pomme ») ? Eton reste toujours Ă©tonnĂ©s, aprĂšs tant d’annĂ©es d’édition jeunesse, de voir quece mĂȘme genre de produit continue d’ĂȘtre publiĂ© !

illustrations pour autant de lettres dans despetits moments qui peuvent paraĂźtre anodinspour certains, mais qui peuvent aussi revĂȘtir unegrande importance dans la vie des personnagesqui y sont prĂ©sentĂ©s. Et on reste figĂ©s devant cetalbum empreint de poĂ©sie autant visuelle quetextuelle. Bref, Le Jour
 reprĂ©sente un beau moment Ă partager entre l’adulte et l’enfant. Enfin, avec Territoires,l’auteure, Édith Dufaux, Ă©rige l’abĂ©cĂ©daire au rang de vĂ©ri-table livre d’art. Dans cet album d’une rare qualitĂ©, auxillustrations magnifiques, chaque lettre renvoie Ă  un terri-toire, un espace imaginaire oĂč se dĂ©roulent des actions etdes situations improbables, voire oniriques. Difficile de nepas se laisser imprĂ©gner de cet univers poĂ©tique oĂč letexte s’entremĂȘle avec la poĂ©sie, l’humour et le fantas-tique. Autre fait Ă  observer dans cet album, c’est quechaque illustration renvoie elle-mĂȘme Ă  la lettre de l’al-phabet Ă  laquelle elle se rattache (« B » pour « baie »,« L » pour « labyrinthe », etc.). D’autant plus que, pourcouronner le tout, une superbe affiche est offerte avecTerritoires, nous prĂ©sentant, d’un seul coup d’Ɠil, tous lesunivers qui font partie du livre.

Et voilĂ  ! La table est mise pour vous laisser partir Ă  ladĂ©couverte de ces « nouveaux mondes » ! Bien sĂ»r, cene sont lĂ  que trois exemples puisĂ©s parmi les meilleurstitres de la production rĂ©cente, mais ils peuvent nousservir de points de repĂšres pour explorer ces abĂ©cĂ©-daires « nouvelle vague ». Sans perdre de vue le man-dat premier de l’abĂ©cĂ©daire, L’Autruche auto-stoppeuse,Le Jour oĂč ZoĂ© zozota et Territoires nous dĂ©montrentqu’il est possible de plaire autant Ă  l’adulte qu’à l’en-fant, et que l’apprentissage de l’alphabet ne devrait pasĂȘtre triste et contraignant.

Par François Boutin, librairie Monet

Littérature jeunesse

Abécédaires :

Nouvelle vague !

L’Autruche auto-stoppeuse, Simon Kohn, Éditions Thierry Magnier, 64 p., 23,95 $ (Ă  partir de 5 ans)Le Jour ou ZoĂ© zozota, Pierre Pratt, Les 400 coups, 54 p., 14,95 $ (Ă  partir de 5 ans)

Territoires : Les 26 lettres de l’alphabet, Édith Dufaux, L’Inventaire, 60 p., 45,95 $ (à partir de 6 ans)

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le libraire BOUQUINELittérature jeunesse

Fraises Ă  la folieLes jumeaux Marie et Mario Maribelle adorent les sucreries.Nos deux gourmands trouvent leur bonheur au dĂ©pan-neur, oĂč leur argent de poche est troquĂ© contre jujubes etbonbons Ă  saveur de fraise. Un jour, une visite chez le den-tiste s’impose : leurs dents ne sont pas belles Ă  voir ! Alorsqu’ils croyaient devoir avaler du brocoli jusqu’à la fin deleur vie, les petits sortiront ravis de leur expĂ©rience grĂące Ă l’arme secrĂšte de M. Lecroc
 PortĂ©e par une belle musica-

litĂ©, cette histoire toute mignonne traite efficacement du refus etde la peur d’aller chez le dentiste. De 3 Ă  8 ans.

Nouveauté

DRÔLE DE FRAISE !, Louise Gagnon (texte) & Jean Morin (ill.), Le Raton Laveur, 24 p., 7,95 $

Travailleurs en herbeRĂ©putĂ© pour ses guides sur les carriĂšres, Septembre Éditeurreste fidĂšle Ă  sa mission en proposant un ouvrage divisĂ© enquatorze grands secteurs, qui prĂ©sente quelque trois centsmĂ©tiers et professions. Du monde de la construction Ă  celui del’édition en passant par l’industrie du tourisme et de l’aĂ©rospa-tiale, les tĂąches de chacun sont expliquĂ©es grĂące aux illustra-tions et au style concis privilĂ©giant l’action : « Le chauffeur detaxi retire les bagages de sa voiture », « Le fromager s’assureque l’égouttage se dĂ©roule bien ». DĂšs 9 ans.

NouveautĂ© DICTIONNAIRE ILLUSTRÉ DU MONDE DU TRAVAIL,Denis Pelletier, Septembre Éditeur, 96 p., 29,95$

Faire d’une pierre deux coupsLe courageux petit Loli est bien dĂ©cidĂ© Ă  conquĂ©rir Odipo, uneĂźle qu’on dit peuplĂ©e d’animaux fabuleux et cruels. Lors de sonexploration, le garçonnet dĂ©couvrira bien quelques crĂ©aturesmenaçantes, mais aussi plusieurs autres, trĂšs gentilles ou trĂšsdrĂŽles
 L’originalitĂ© de cette histoire Ă©crite et illustrĂ©e parCaroline Merola tient dans son concept tĂȘte-bĂȘche, prĂ©sentĂ©sous un jour neuf. Puisqu’il faut lire jusqu’à la derniĂšre pagepuis tourner le livre en sens inverse pour en connaĂźtre la fin.Un album colorĂ© et surprenant qui plaira aux petits et auxgrands. DĂšs 4 ans.

Nouveauté

L’ÎLE AUX MONSTRES, Caroline Merola, La courte Ă©chelle, 32 p., 15,95 $

Coucou, c’est moi !Edgar vit dans une horloge avec ses parents. Il rĂȘve des’élever vers le ciel comme les hirondelles. Mais les coucousde bois ne volent pas. AprĂšs s’ĂȘtre Ă©crasĂ© au sol, Edgar partdonc, Ă  l’insu de ses pĂšre et mĂšre, dĂ©couvrir le monde Ă  pied.De ses explorations, le petiot ramĂšnera une patte cassĂ©e, unbec Ă©brĂ©chĂ© et des couleurs dĂ©lavĂ©es sous l’averse, mais qu’àcela ne tienne : il se sera fait plusieurs amis ! Dans la mĂȘmesĂ©rie : Les Amours des monsieur Edgar. DĂšs 5 ans.

NouveautĂ© L’ENFANCE DE MONSIEUR EDGAR, Christiane Duchesne (texte) & Pierre M. Trudeau (ill.),Les 400 coups, coll. Les petits albums, 32 p., 8,95 $

Des romans qui n’ont pas pris une rideLa mĂ©tamorphose valait le coup d’ĂȘtre mentionnĂ©e :les Ă©ditions de La courte Ă©chelleremettent en circulation 32 titres sĂ©lectionnĂ©s parmi la populaire collection « Roman+ » (64 titres,950 000 exemplaires Ă©coulĂ©s),qui seront maintenant regroupĂ©ssous le vocable dans la collection « Ado ». La refonte de cette collection lancĂ©e il y aquinze ans est justifiĂ©e par plusieurs raisons,dont un aspect visuel correspondant davan-tage au goĂ»t des adolescents d’aujourd’hui et une volontĂ© de rĂ©pondre plus spĂ©ci-fiquement Ă  leurs besoins en la scindant en trois catĂ©gories soit « Ado » (12 Ă  14 ans),« Ado+ » (14 Ă  16 ans) et « Jeune adulte » (16 Ă  18 ans).Par ricochet,La courte Ă©chellesouhaite renouveler le lectorat.À ce jour,32 titres ont Ă©tĂ© rĂ©imprimĂ©s,dont plusieurs clas-siques,notamment la sĂ©rie des « Inactifs » de Denis CĂŽtĂ©,Comme une peau de chagrinde Sonia Sarfati, la sĂ©rie « LĂ©a » de Marie-Francine HĂ©bert et Un jeu dangereux deChrystine Brouillet.Chaque roman se vend 12,95 $.

Ces chanteurs qui Ă©crivent
PĂšre Ă  cinq reprises, Paul McCartney deviendra sous peu auteur de livres pour lajeunesse.Dans le sillage de la chanteuse Madonna,dont le cinquiĂšme album illustrĂ©vient de paraĂźtre (BĂŽta de Carats,Scholastic), l’ex-Beatles prend la plume,avec la colla-boration de Philip Ardagh (la sĂ©rie « Eddie Dickens »,Albin Michel),pour High in theClouds : An Urban Furry Tail.PubliĂ© par le groupe Penguin Young Readers,ce livre,quimettra en scĂšne un Ă©cureuil et une grenouille,est prĂ©vu pour octobre 2005.Aucunetraduction française n’est annoncĂ©e pour le moment.

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 39

le libraire CRAQUELittérature jeunesse

Ma premiĂšre folieJohanne Mercier, Reynald Cantin & HĂ©lĂšne Vachon,

Éditions Fou-Lire, coll. Le Trio rigolo, 128 p., 8,95 $Ma premiĂšre folie prĂ©sente trois courtes histoires sur un thĂšmeracontĂ©es par trois auteurs bien connus des jeunes. On yretrouve DaphnĂ©, Laurence et Yo qui, Ă  tour de rĂŽle, nous fontdĂ©couvrir leurs premiĂšres expĂ©riences sur un ton humoris-tique. Les 10 ans et plus s’amuseront bien en compagnie deDaphnĂ© et de sa tante un peu envahissante, de Yo en routepour un camp d’étĂ© qui s’annonce plutĂŽt moche, mais qui luirĂ©serve un incident faisant frissonner les plus courageux, et deLaurence,qui croit avoir rencontrĂ© l’amour de sa vie.La formulegagnante Ă  laquelle s’ajouteront d’autres titres dans la veine

des « pires » situations (Mon pire prof, Mon pire party, Ma pire gaffe) ne manquera pasde captiver les lecteurs par sa fraßcheur et sa fantaisie. SUSANE DUCHESNE

Bob et CieDelphine Durand, Le Rouergue, 64 p., 27,75 $

Bob et cie est un petit album de philosophie tout Ă fait irrĂ©sistible, un clin d’Ɠil intelligent sur le com-mencement du monde, oĂč sont personnifiĂ©s tousles grands Ă©lĂ©ments constituants. Au dĂ©but, il y a lenĂ©ant, incarnĂ© par le Grand Vide, qui attend tout lemonde : l’eau, la terre, le soleil et Bob l’humain,Ă©videmment, qui se donne de plus en plus d’im-portance jusqu’à ce que Dieu, « qui passait par lĂ 

», en profite pour revendiquer son statut de crĂ©ateur. Et l’Histoire avec un grand Hs’invente au fur et Ă  mesure ! Lisez cet album avec vos enfants, c’est une occasion enor pour les faire rĂ©flĂ©chir sur les grandes questions existentielles
 Vous serez hilaresdu dĂ©but jusqu’à la fin avec, en prime, le sentiment de faire quelque chose d’essen-tiel et de gratuit. BRIGITTE MOREAU

Lulu et le loup bleuDaniel Picouly (texte) & Frédéric Pillot (ill.),

Magnard, 32 p., 26,50 $Une autre aventure de l’attachante LuluVroumette. Lors d’une promenade en forĂȘt, ellefait la rencontre d’un grand loup bleu bien mal-heureux. Avec son air gentil et inoffensif, Loup-Bleu ne fait peur Ă  personne ! Tous les habitantsde la forĂȘt rigolent sur son passage : mais que sepasse-t-il donc ? Le loup bĂ©gaie ! Pas trĂšssĂ©rieux au moment de pousser un cri terrifiant


Lulu aidera son ami le loup Ă  gagner le respect des autres animaux, mais comment? Superbe texte teintĂ© d’humour et magnifiquement illustrĂ©. ANNIE MERCIER

La Face cachée de LunaJulie Anne Peters, Milan, coll. Macadam, 369 p., 19,95 $

Deux enfants grandissent dans une famille ordinaire, maisle garçon est en rĂ©alitĂ© une fille ! Sa sƓur Regan peine Ă assumer sa propre identitĂ© avec ce frĂšre Ă  l’étroit dans soncorps de gars. La nuit, il s’en libĂšre pour devenir Luna, unefille qui n’a d’autre miroir que Regan pour exprimer sesimpossibles rĂȘves et la lourdeur du rĂŽle imposĂ© par les cel-lules parentale et sociale. Au fil d’efficaces retours en arriĂšre,le lecteur comprend le scaphandre psychologique danslequel les parents sont enfermĂ©s : impossible d’accepter unfils transsexuel. Le drame est digne des tragĂ©dies classiques

avec cet archétype de la lune qui doit disparaßtre pour se retrouver dans toute sarondeur, sa lumiÚre, sa vie. Ne vous privez pas de vivre ce roman trÚs dense, qui nouséclabousse de superbes vérités. YOLANDE LAVIGUEUR

L’Oeil d’Otolep :Les Mondes d’Ewilan (t. 2)Pierre Bottero, Rageot Éditeur, 334 p. 24,95 $

Ce deuxiĂšme tome de la seconde trilogie consacrĂ©e auxaventures d’Ewilan nous ramĂšne en Gwendalavir. Ewilanest de retour Ă  l’AcadĂ©mie pour devenir l’une desSentinelles qui protĂ©gera l’Empire. Elle a maintenant 16ans, ses sentiments envers Salim sont troublĂ©s par l’ap-parition de Liven, et elle est remise des mauvais traite-ments que lui a fait subir Elea Ril’ Morienval. Une nouvellemission l’appelle : avec ses compagnons, elle traverse lesmontagnes, le dĂ©sert d’Orou et la Mer des Brumes pouraller reconduire le jeune Illian Ă  ses parents. Cependant,

une menace plane sur les habitants de Gwendalavir et Ewilan est particuliĂšrementen danger... On referme le livre Ă©mus et impatients d’en connaĂźtre la suite. Si vosados n’ont pas encore lu les livres de Pierre Bottero, courez leur acheter le premiertome, D’un monde Ă  l’autre. MÉLANIE QUIMPER

le librairej o u r n a l d e l i b r a i r i e s i n d Ă© p e n d a n t e s

LE LIBRAIRE recherche un journaliste (contractuel) connaissant trÚs bien la littérature québécoise.

Tùches : entrevues avec des auteur(e)s d'ici / possibilité de rédaction d'articles.

CompĂ©tences requises : niveau collĂ©gial ou universitaire, 2 ans d'expĂ©riencecomme rĂ©dacteur ou journaliste (milieu littĂ©raire de prĂ©fĂ©rence), intĂ©rĂȘt marquĂ© pour la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise, bonne connaissance de la librairie (un atout), excellente maitrise du français, ponctualitĂ©, autonomie, grandedisponibilitĂ© et capacitĂ© Ă  travailler sous pression et Ă  distance.

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JOURNAL LE LIBRAIRE a/s HélÚne Simard286, rue Saint-Joseph Est, Québec QC G1K 3A9

Brigitte MoreauMONET

Suzanne DuchesneMONET

Annie MercierPANTOUTE

MĂ©lanie QuimperPANTOUTE

Yolande LavigueurMONET

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le libraire CRAQUEBandes dessinées

le libraire BOUQUINEBandes dessinées

Le Pays tout en haut :Le Trio Bonaventure (t. 2)

Edith & Corcal, Delcourt, coll. Delcourt jeunesse, 32 p., 15,95 $Voici la suite trĂšs attendue (et rĂ©ussie !) du « TrioBonaventure », dont le premier tome, La Maison Jaune,a dĂ©jĂ  remportĂ© une ribambelle de rĂ©compenses. Pource second album, Baltus, BĂ©nigne et BarnabĂ© dĂ©cou-vrent que l’immeuble dans lequel ils habitent fut con-struit sur l’emplacement d’une forĂȘt magique oĂč vivaitautrefois le mythique peuple des Lupins. Avec l’aide dela concierge et de ses secrets, les trois frĂšres et sƓurs,revĂȘtus de l’uniforme des croisĂ©s, montent Ă  l’assaut del’escalier sans fin menant Ă  la vĂ©ritĂ©. Les auteurs Edith et

Corcal nous montrent une fois de plus jusqu’oĂč l’imaginaire dĂ©bridĂ© de trois enfantspeut mener. Et c’est avec beaucoup de plaisir que nous nous laissons entraĂźner dansce Pays tout en haut ! ÉRIC LACASSE

La Femme de trente ansAĂŻe ! Mademoiselle a trente ans : l’ñge des grandesquestions. DĂ©mystification en rĂšgle des malheurs etangoisses de la maturitĂ©, Candeur et dĂ©cadence s’ouvrepar cette cruelle comparaison entre la valeur ajoutĂ©esur le marchĂ© de la sĂ©duction de l’homme vieillissantet celle, Ă©branlĂ©e, de la femme avançant en
 expĂ©ri-ence. Pour cette nouvelle dissection Ă  vif d’une cĂ©li-bataire bonne vivante, le trait d’Eva Rollin est d’unerĂ©jouissante prĂ©cision. Hormones et humour au ren-dez-vous !

Nouveauté

MADEMOISELLE (t. 2) CANDEUR ET DÉCADENCE, Eva Rollin, Marchand de feuilles,coll. Bonzaï, 181 p., 19,95 $

La Musique de Marie (t. 2)Usamaru Furuya, Casterman, coll. Sakka, 248 p., 20,95 $

Dans le premier tome de La Musique de Marie, on explo-rait des Ăźles paradisiaques dans lesquelles la notion de « mal » n’existait pas. Cependant, cette paix ambiantecachait en rĂ©alitĂ© une sombre machination
 Pour queplus jamais les ĂȘtres humains ne s’entredĂ©chirent, lesAnciens avaient mis en place une religion offrant unbonheur mĂ©canisĂ© : tous entendaient la musique deMarie et Ă©taient heureux. Un monde parfait. Mais lesAnciens avaient aussi prĂ©vu que tous les cinquante ansserait donnĂ© Ă  un individu le choix de garder, ou non,son peuple dans cette pacifique lĂ©thargie. Tourner la clĂ©qui redĂ©marrera la boĂźte Ă  musique pour un autre demi-

siĂšcle ? KaĂŻ devra dĂ©cider. En deux tomes seulement, une fable d’anticipation totale-ment maĂźtrisĂ©e. ÉRIC LACASSE

Ulice le lapinReutimann & Omond, Éditions Paquet, 32 p., 20,95 $

Ulice le lapin entreprend un jour de faire pousser dansson jardin plein de bonnes choses, comme des « tarto-carotiers » ! Mais rien ne pousse par manque d’eau.Son voisin lui suggĂšre alors d’aller au marchĂ© s’acheterde petits nuages qu’il pourra suspendre au-dessus deson jardin. Ce qu’il fait. Mais, sur le chemin du retour,Ulice fait la rencontre d’une brochette de personnagesauxquels il viendra en aide grĂące ses petits nuages,dans une odyssĂ©e magnifique portant sur l’idĂ©e dupartage. Cette bande dessinĂ©e pour les premierslecteurs est aussi entiĂšrement muette, mais les imagesqu’elle contient demandent Ă  ĂȘtre explorĂ©es avec leplus grand soin. Un album plein de saveurs ! ÉRIC LACASSE

Poulet aux prunesMarjane Satrapi, L’Association, coll. Ciboulette, 88 p., 26,95 $

Devançant par une voix l’extraordinaire MariĂ©e par correspondance d’Alex Kalesniko, cet atypique rĂ©cit Ă tiroirs a Ă©tĂ© Ă©lu album de l’annĂ©e Ă  AngoulĂȘme ! On yapprend d’emblĂ©e que le personnage principal, un musi-cien irascible, mourra dans sept jours. L’histoire sera donccelle de ses derniĂšres heures et rĂ©flexions, au traversdesquelles nous revivrons les Ă©vĂšnements du passĂ© de cetĂȘtre complexe et Ă©perdument passionnĂ©, qui l’ont amenĂ©Ă  se laisser mourir... L’imagerie de l’auteur — reprĂ©senta-tions sobres et aplats noirs — est dĂ©pouillĂ©e mais Ă©loquente. Satrapi, qui prouve une fois de plus ses talentsde conteuse dans ce dĂ©paysant tableau des mƓurs iraniennes — oĂč la boulette d’opium remplace avantageusement le ritalin, confirme son statut de star dela bande dessinĂ©e ! ERIC BOUCHARD

3500 fois SpirouL’hebdomadaire de BD franco-belgeSpirou, fondĂ© il y a 67 ans,a fracassĂ© unrecord de longĂ©vitĂ© dans l’histoire de lapresse le 11 mai dernier, alors que sor-tait en kiosque le 3500e numĂ©ro.ApprĂ©ciĂ© d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre, lemagazine est connu pour les auteurs derenom qui signent des planches en sespages, et les crĂ©ateurs de talent qu’il acontribuĂ© Ă  faire dĂ©couvrir au fil dutemps. Une opĂ©ration promotionnelled’envergure accompagnait l’évĂ©nement.

Cap sur Michel RisqueLes anciens lecteurs de Croc auront droit Ă  une belle surprisecet Ă©tĂ© : la rĂ©impression, aux Éditions de La PastĂšque, de lapremiĂšre aventure rocambolesque de Michel Risque, LeSavon malĂ©fique, suivie dans un avenir proche de MichelRisque en vacances et de Cap sur Poupoune (dessin :Jacques Godbout ; scĂ©nario : Pierre Fournier). Paruesd’abord dans les pages du magazine d’humour quĂ©bĂ©cois,les pĂ©ripĂ©ties de Risque seront dorĂ©navant publiĂ©es Ă  LaPastĂšque,et totaliseront 14 albums.Qui ne se souvient pasdu naĂŻf Risque, parodie des hĂ©ros virils Ă  grosse mĂąchoirecarrĂ©e dans le style James Bond et Bob Morane, de la rondelettePoupoune,son grand amour,ou du rouquin Red Ketchup,le violent agent du F.B.I. ?La renaissance de ce hĂ©ros constitue un Ă©vĂ©nement BD de taille !

BrĂšves de BDPlutĂŽt discret avant son grand retour avec MĂ©moire morte, LeDessin et La 2 333e dimension, qui ont confirmĂ© sa positionde fabuliste d’avant-garde, Marc-Antoine Mathieu estaujourd’hui au sommet de sa forme. L’Ascension et autres rĂ©-cits (qui comprend une histoire d’abord publiĂ©e chezAutrement) est son premier recueil d’histoires brĂšves. En 5pages comme en 100, le crĂ©ateur, depuis toujours attirĂ© parles expĂ©rimentations formelles au parfum onirique,surprend et dĂ©montre que son imaginaire ne s’épuise nulle-ment. Du bonbon pour les amateurs de noir et blanc quiaiment mettre au dĂ©fi leur esprit cartĂ©sien.

Nouveauté

L’ASCENSION ET AUTRES RÉCITS, Marc-Antoine Mathieu, Delcourt, 58 p. À paraütre prochainement.

Des anges dans nos campagnesDe 1958 Ă  2004, des Cantons-de-l’Est Ă  l’Île d’OrlĂ©ans en passant par MontrĂ©al, Jean-Louis Tripp nous prĂ©sente le des-tin de personnages attachants, qui doivent composer avec lesvicissitudes de l’amour et du temps qui passe. Heureusement,des anges veillent sur eux.Tripp (Le Nouveau Jean-Claude), quiconnaĂźt le QuĂ©bec puisqu’il y a sĂ©journĂ© en 2004, livre unalbum atypique dans sa forme (Paroles d’anges ne contient,ironiquement, aucun dialogue), mais aussi fort rĂ©ussi dansson ton, rempli de tendresse et d’amertume. Un bel hom-mage au QuĂ©bec de la part d’un bĂ©dĂ©iste nĂ© de l’autre cĂŽtĂ©de l’Atlantique.

Nouveauté

PAROLES D’ANGES, Jean-Louis Tripp & Alexandra Carrasco, GlĂ©nat,coll. La loge noire, 56 p., 21,95 $

Éric LacasseMONET

Eric BouchardMONET

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le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 41

Et pourtant, la critique sur la BD Ă©vacue trop sou-vent cette dimension du mĂ©dium. Les images seprĂȘteraient-elles mal au discours ? Pourtant, his-toire de l’art, graphisme, publicitĂ© et psychologies’en chargent depuis un bon siĂšcle. Quand on saitqu’un cinquiĂšme de la population quĂ©bĂ©coise estanalphabĂšte fonctionnelle, doit-on s’inquiĂ©terdavantage de sa proportion d’anicĂŽnĂštes1, quiempirera sans doute aprĂšs que l’on ait sabrĂ© dansces matiĂšres scolaires superflues que sont lescours d’arts ? Pourtant, dans un univers oĂč cha-cun est bombardĂ© d’images, ne devrait-on passonger Ă  dĂ©velopper le sens critique des popula-tions ? Refaisons nos classes en compagnie dequelques auteurs classiques


Traits d’esprit

On connaĂźt la ligne claire d’HergĂ©, ce traithomogĂšne cernant toute forme sur un mĂȘmeplan en deux dimensions, ou encore la lignecrade de Reiser ! On connaĂźt aussi le style atomede l’école de Marcinelle (Franquin, Tillieux), untrait dynamique cĂ©lĂ©brant le culte futuriste desannĂ©es 50. En somme, il y a autant de types de traitsque d’écritures ; Jean-ClaudeForest, reconnu Ă  juste titrecomme l’un des grands cal-ligraphes de la profession, vientde faire l’objet d’une Ă©logieusemonographie2. Car non seule-ment cet Ă©crivain inventif auxscĂ©narios surrĂ©alistes est l’insti-gateur de la BD adulte(Barbarella, 1962), mais ilreprĂ©sente aussi l’un despinceaux les plus Ă©nergiques !Avec son rĂ©alisme stylisĂ©, ses

À lire les journaux culturels, on croirait que le mĂ©dium n’a d’importance que pour lethĂ©Ăątre ou la littĂ©rature, oĂč on se fait un devoir de traiter de mise en scĂšne ou de style.Mais pour les mĂ©diums de narration visuelle tels le cinĂ©ma ou la bande dessinĂ©e, on seborne souvent Ă  rĂ©sumer une histoire, sans une ligne sur l’approche visuelle. Il est vraiqu’au cinĂ©ma, l’esthĂ©tique « rĂ©aliste » est devenue la norme : films en noir et blanc oumuets jugĂ©s dĂ©passĂ©s, cinĂ©ma d’animation confinĂ© au public jeunesse, etc. En cela, labande dessinĂ©e exprime pleinement sa diversitĂ© : hormis les innombrables sĂ©ries d’ac-tion au dessin formatĂ© singeant le cinĂ©ma amĂ©ricain, la variĂ©tĂ© des styles graphiquess’avĂšre infinie !

pleins et dĂ©liĂ©s d’une grande beautĂ© plastique et sontraitement des phylactĂšres, parfaitement intĂ©grĂ©s auxcompositions des cases, ce prĂ©curseur connaĂźt actuelle-ment une importante reconnaissance, avec les rĂ©Ă©di-tions posthumes de ses Ɠuvres chez Casterman et Ă L’Association, ces derniers nous offrant la version dĂ©fini-tive de sa libre adaptation de L’Île mystĂ©rieuse de JulesVerne3.

Couleur jazz

Chaque case de Loustal est un tableau, une photo, unarrĂȘt du temps, immanquablement ancrĂ© dans la plage,le silence, les femmes, la musique, l’incommunicabilitĂ©et les grosses voitures amĂ©ricaines, ce dont la couver-ture de La Nuit de l’alligator4 est une parfaite synthĂšse !Cette compilation d’histoires courtes, rĂ©alisĂ©es surl’ensemble de la carriĂšre de l’auteur, nous offre unepalette de styles excessivement variĂ©s, allant du noir etblanc hachurĂ© Ă  l’aquarelle dĂ©lavĂ©e, puis au style plusdirect adoptĂ© ces derniĂšres annĂ©es, formes brutes cer-clĂ©es d’un trait vif et Ă©pais. Et toujours chez Loustal,cette inimitable qualitĂ© de lumiĂšre et d’ambiance, tou-jours ce mariage inusitĂ© de l’image silencieuse et dutexte off, offrant deux vues dĂ©calĂ©es du mĂȘme instant,

se mariant en uneétonnante palette desens. La majorité destextes sont signésParingaux, ce quinous rappelle legénial Barney et lanote bleue5.

L’as de l’ellipse

L’indispensable collection « Classiques » deCasterman s’enrichit de l’édition intĂ©grale des troistomes du QuĂ©quette blues de Baru6. Cette premiĂšreƓuvre de l’auteur, introuvable depuis des annĂ©es,livre le rĂ©cit Ă©mouvant et partiellement auto-biographique de la vie quotidienne d’adolescentsissus de la classe ouvriĂšre française dans les annĂ©es50. L’inimitable style de Baru (et ses tronchesmĂ©morables !), est renforcĂ© par de fortes qualitĂ©snarratives : l’auteur fait partie de ceux qui font tra-vailler le lecteur par des ellipses brutales etmaĂźtrisĂ©es. Ce dispositif s’é-tait avĂ©rĂ© particuliĂšrementefficace dans le magnifiqueChemin de l’AmĂ©rique7, fulgu-rante ascension d’un boxeuralgĂ©rien dĂ©chirĂ© entre laFrance et son pays lors de laguerre d’indĂ©pendance.

Par Eric Bouchard, librairie Monet

Bandes dessinées

Pour aller plus loin :Lire la bande dessinée, Benoßt Peeters,

Flammarion, coll. Champs, 194 p., 13,95 $

1. CalquĂ© sur « analphabĂšte » : ne sachant pas lire les images.2. L’Art de Jean-Claude Forest, Philippe LefĂšvre-Vakana,

Éditions de l’An 2, 163 p., 59,95 $3. MystĂ©rieuse matin, midi et soir, Jean-Claude Forest,

L’Association, coll. Éperluette, 68 p., 29,95 $4. La Nuit de l’alligator, Loustal, Paringaux & Villard, Casterman, 110 p., 31,95 $

5. Barney et la note bleue, Loustal & Paringaux, Casterman, 88 p., 27,95 $6. Quéquette blues, Baru, Casterman, coll. Classiques, 152 p., 39,95 $

7. Le Chemin de l’AmĂ©rique, Baru, Casterman, 47 p., 15,95 $

La voix des images

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Bibliothùque de Jean-Baptiste-DubergerBibliothùque Émile-NelliganBibliothùque Gabrielle-RoyBibliothùque de Grand-MùreBibliothùque de Greenfield ParkBibliothùque J.P.DawsonBibliothùque de JonquiùreBibliothùque de KirklandBibliothùque de La BaieBibliothùque de La PrairieBibliothùque Laure-ConanBibliothùque Les SaulesBibliothùque de l’Île-BizardBibliothùque de l’Île-des-SƓursBibliothùque de Longueuil

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TĂ©l.: (450) 435-6060 ‱ Fax: (450) 437-3132site Internet: www.librairieste-thĂ©rĂšse.qc.cacourriel: livres@librairieste-thĂ©rĂšse.qc.ca

825, rue St-Laurent OuestLongueuil, QC, J4K 2V1

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Sept-Îles, QC TĂ©l.: (418) 968-8881

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BibliothÚque de VarennesBibliothÚque de VerdunBibliothÚque du Vieux-QuébecBibliothÚques de la Ville de Montréal(succursales Ahuntsic,Cartierville,Salaberry,etc.)BibliothÚques de la Ville de Trois-RiviÚresCRSBP (à travers la province)

Institutions scolairesCollĂšge d’AlmaCollĂšge de ChicoutimiCollĂšge de JonquiĂšreCollĂšge Saint-FĂ©licienCollĂšge des JĂ©suitesLycĂ©e du SaguenayUniversitĂ© du QuĂ©bec Ă  Chicoutimi

Commissions scolairesCommission scolaire de JonquiĂšreCommission scolaire des Rives-du-SaguenayCommission scolaire de la Baie-James

AutresThĂ©Ăątres,boutiques et galeries d’art,salles de spectacle,cafĂ©s,restaurants,musĂ©es,SAQ,Alcan,gouvernement duQuĂ©bec,Maisons de la culture,etc.

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COLLÈGE JEAN-DE-BRÉBEUF

5625, avenue DecellesMontréal (Québec)

Tél. : (514) 342-3665Téléc. : (514) 342-0118

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LIBRAIRIE DU CENTRE DU QUÉBEC287, rue Lindsay

Drummondville (Québec) J2B 1G2Tél. : (819) 478-1395

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Centre commercial Le Village2, chemin de l'Équerre

Baie Saint-Paul (Québec) G3Z 2Y5Tél. : (418) 435-5432

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La Galerie du livre inc.769, 3e Avenue

Val-d’Or (QuĂ©bec) J9P 1S8TĂ©l. : (819) 824-3808

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Page 44: En entrevue le libraire - Revue Les libraires

44 le libraire ‱ JUILLET-AOÛT 2005

Ă©pilogueLes Correspondances d’EastmanParrainĂ©e par Louise Portal, la troisiĂšme Ă©dition des Correspondances d’Eastman sedĂ©roulera du 18 au 21 aoĂ»t prochains. Le thĂšme de cette annĂ©e est le rĂȘve. Outre lepopulaire circuit des « Chambres d’écriture », vous pourrez profiter des nom-breuses lectures-spectacles, des cafĂ©s et des pique-niques littĂ©raires. Une soixantained’écrivains, de comĂ©diens et de musiciens y prendront part. Le calendrier completdes activitĂ©s est disponible depuis le 6 juin au www.lescorrespondances .ca.

Les Bouquinistes du Saint-LaurentLe rendez-vous estival par excellence pour les lecteurs ! InspirĂ©e par le 100e anniver-saire de naissance de Jean-Paul Sartre, la 14e tournĂ©e des Bouquinistes du Saint-Laurent prendra cette annĂ©e l’itinĂ©raire suivant : MontrĂ©al (du 16 juin au 10 juillet,Quai du Vieux Port), QuĂ©bec (du 15 juillet au 7 aoĂ»t, terrasse Dufferin), Gatineau (du19 au 22 aoĂ»t, Place de la Francophonie) et Ottawa (du 26 au 29 aoĂ»t, canal Rideau,prĂšs des Ă©cluses). Le romancier Dany LaferriĂšre a acceptĂ© la prĂ©sidence d’honneurde l’évĂ©nement, qui regroupe libraires et antiquaires du livre. Pour dĂ©couvrir deslivres du monde d’hier et d’aujourd’hui ! Infos : [email protected]

La Promenade des Ă©crivainsDepuis six ans, La Promenade des Ă©crivains offre aux visiteurs fĂ©rus de littĂ©ratureune balade sur les pas des auteurs ayant dĂ©crit la ville de QuĂ©bec. Deux itinĂ©rairessont dĂ©sormais proposĂ©s : « Histoires d’arbres, de ruelles et de montagnes » et « QuĂ©bec, ville verticale ». PlacĂ©e sous la houlette de l’écrivain et professeur de littĂ©rature Marc Rochette, l’équipe des Promenades
 est complĂ©tĂ©e par ArleenThibault, auteure et conteuse, de mĂȘme que par Julie Lebrun, membre du Cercle desConteurs de QuĂ©bec. CoĂ»t d’une promenade : 15 $par personne (Ă©tudiant : 8 $).DĂ©parts : mercredi Ă  18 h et samedi Ă  11 h. Pour les groupes de 5 Ă  15 personnes,des promenades supplĂ©mentaires peuvent ĂȘtre organisĂ©es sur rĂ©servation, tous lesjours de la semaine, de 10 h Ă  18 h. Information et rĂ©servations : (418) 264-2772 /[email protected] / www.promenade-ecrivains.qc.ca

Camp littĂ©raire FĂ©lix : dernier appel !Les poĂštes et romanciers en herbe ou ayant un projet en chantier doivent se hĂąter pourprofiter des ateliers d’écriture du Camp littĂ©raire FĂ©lix qui,depuis sa fondation en 1990,est« vouĂ© au dĂ©veloppement d’une relĂšve littĂ©raire quĂ©bĂ©coise et francophone ».Pas moinsde six formations animĂ©es par des auteurs chevronnĂ©s, entre autres Normand deBellefeuille,Yolande Villemaire,Yvon ParĂ© et Aude, sont offertes cette annĂ©e Ă  l’HĂŽtel de laPlage, Ă  Notre-Dame-du-Portage, non loin de RiviĂšre-du-Loup. Les ateliers dĂ©butent auxalentours du 20 aoĂ»t, et se poursuivent jusqu’à fin octobre. Exceptionnellement, un sep-tiĂšme atelier est donnĂ© Ă  JonquiĂšre par Jean Pierre Girard. Les durĂ©es varient (entre 2 et 5 jours) et les coĂ»ts, qui comprennent l’hĂ©bergement, les repas et les ateliers,vont de 400 $ Ă  1000 $. Infos : formulaire en librairie, (418) 856-5353 ou surwww.pages.globetrotter.net/camplitterairefelix

BD MontrĂ©al : pour les auteurs et pour le rire !Le Salon du livre de MontrĂ©al (SLM) et le festival Juste pour rire lancent BDMontrĂ©al. Du 14 au 24 juillet, un immense chapiteau abritera une quarantaine destands d’éditeurs quĂ©bĂ©cois, belges, français et canadiens. Seront donc offerts auxbĂ©dĂ©philes de nombreux albums, en plus d’ateliers et de dĂ©dicaces, de rencontres etde confĂ©rences. La crĂšme des bĂ©dĂ©istes quĂ©bĂ©cois sera prĂ©sente, de mĂȘme que laplupart des Ă©diteurs quĂ©bĂ©cois et Ă©trangers possĂ©dant un fonds en bande dessinĂ©e.La directrice du SLM, Mme Francine Bois, et Mme Luce Rozon, vice-prĂ©sidente duFestival, se disent trĂšs heureuses de cette association. La premiĂšre Ă©dition est placĂ©esous la prĂ©sidence d’honneur du QuĂ©bĂ©cois Jean-Paul Eid, collaborateur au dĂ©funtmagazine Croc, crĂ©ateur de JĂ©rĂŽme Bigras, ce banlieusard qui ne se sĂ©pare jamais desa tondeuse Ă  gazon et, plus rĂ©cemment, auteur de Scaphandre 8 et Le NaufragĂ© deMemoria (Mille-Îles/400 coups). C’est un rendez-vous !

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Socadis, distributeur de livres pour le Canada, est Ă  la recherche d’un(e)agent(e) administratif(ive) aux ventes et approvisionnements. La personnedevra en autre planifier les promotions, les achats et gĂ©rer les communica-tion avec les Ă©diteurs.

Les compétences requises sont ; minimum secondaire V, le CEGEP est unatout, connaßtre le marché du livre et les programmes Ms-Excel et Outlook.

Si l’offre vous intĂ©resse, veuillez nous faire parvenir votre C.V. par tĂ©lĂ©copieur au 514 331-8202, avant le 30 juin 2005.

ErratumDans le numĂ©ro d’avril 2005


Âź Le commentaire de CĂ©line Bouchard sur Va je ne sais oĂč, chercher je ne sais quoi, unrecueil de contes russes publiĂ© aux Éditions Jacques Grancher, aurait dĂ» ĂȘtre classĂ© en lit-tĂ©rature Ă©trangĂšre, non pas en littĂ©rature jeunesse.Âź Les textes de l’album pour la jeunesse intitulĂ© Poil de serpent, dent d’araignĂ©e (Prix duGouverneur gĂ©nĂ©ral 1997, illustrations de StĂ©phane Poulin), sont de Danielle Marcotte, etnon de Dominique Demers. Nos excuses Ă  l’auteure et aux Ă©ditions Les 400 coups.

QuĂ©bĂ©cois et canadiens :Gilles Pellerin, Prix de crĂ©ation littĂ©raire 2005 Ville de QuĂ©bec/Salon international du livre deQuĂ©bec, littĂ©rature adulte pour Ï (i trĂ©ma) (L’instant mĂȘme).Jean Lemieux, Prix de crĂ©ation littĂ©raire 2005 Ville de QuĂ©bec/Salon international du livre deQuĂ©bec, littĂ©rature jeunesse pour Le Fil de la vie (La courte Ă©chelle).François Avard, Grand Prix littĂ©raire Archambault pour Pour de vrai (Libre Expression).StĂ©phane Dompierre, Grand Prix de la relĂšve littĂ©raire Archambault pour Un petit pas pourl’homme (QuĂ©bec AmĂ©rique).Anique Poitras, Prix Chronos Vacances pour Isidor Suzor (Dominique et compagnie).Anne Villeneuve, Prix Illustration jeunesse catĂ©gorie album (Salon du livre de Trois-RiviĂšres)pour Me voilĂ  ! Mon album de bĂ©bĂ© (Hurtubise HMH).StĂ©phane Poulin, Prix de l’illustration Elizabeth Mazrik-Cleaver pour Un chant de NoĂ«l(Dominique et compagnie).Micheline Lachance, Grand Prix du livre de la MontĂ©rĂ©gie (1er prix) pour Lady Cartier (QuĂ©becAmĂ©rique).Lise Blouin Prix Prince-Maurice du roman d’amour pour L’Or des fous (Triptyque).HĂ©lĂšne Vachon, Prix Communications et SociĂ©tĂ© pour L’Oiseau de passage (Dominique etcompagnie).Lucie Papineau & Marisol Sarrazin, Prix Communications et SociĂ©tĂ© pour PĂ©pin le pingouin(Dominique et compagnie).Antonio d’Alfonso, Prix Trillium 2004 pour Un vendredi du mois d’aoĂ»t (LemĂ©ac).Pierre HĂ©bert, Prix Gabrielle-Roy pour Censure et littĂ©rature au QuĂ©bec (Fides).Kim DorĂ©, Prix Émile-Nelligan pour Le Rayonnement des corps noirs (PoĂštes de brousse).Jean-Paul Eid,Prix BĂ©dĂ©lys QuĂ©bec pour L’AbĂźme :Les NaufragĂ©s de Memoria (t.2) (Les 400 coups).Festival international de poĂ©sie de Trois-RiviĂšres, Prix Hector-Fabre, pour sa contribution aurayonnement international de la Mauricie.

Étrangers :

Marjane Satrapi, Prix du meilleur album du Festival international de la bande dessinĂ©ed’AngoulĂȘme pour Poulet aux prunes (L’Association).Georges Wolinski, Grand Prix d’AngoulĂȘme pour l’ensemble de son Ɠuvre.Michel Winock, Prix Montaigne pour La France et les Juifs : De 1789 Ă  nos jours (Seuil).Philippe Geluck, Prix de l’AcadĂ©mie Alphonse-Allais pour la sĂ©rie « Le Chat » (Casterman).Amos Oz, Prix Goethe pour l’ensemble de son Ɠuvre (Gallimard).Guibert, Lefevre & Lemercier, Prix BĂ©dĂ©lys d’Or pour Le Photographe (Dupuis).JoĂ«l Egloff, Prix du livre Inter, pour L’Étourdissement (Buchet-Chastel).

Jean Barbe, Prix des libraires du QuĂ©bec volet « QuĂ©bec »pour Comment devenir un monstre (LemĂ©ac).Carlos Ruiz ZafĂłn,Prix des libraires du QuĂ©bec volet « Hors QuĂ©bec »pour L’Ombre du vent (Grasset).

Les lauréats

Les rendez-vous