eunice weiner - 51n4e, centre d'art, courtrai
DESCRIPTION
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CENTRE D'ART
COURTRAI, Belgique
Eunice WEINER UEM123
A PROPOS
Membres de 51N4E
En 1998, Johan Anrys, Freek Persyn et le maître-
architecte flamand Peter Swinnen fondent l'agence
internationale 51N4E, dénomination qui reprend
les coordonnées géographiques de Bruxelles.
Alors qu'ils n'ont encore à leur actif que quelques
réalisations, ils se voient pourtant décerner, à
l'unanimité du jury, le prix Maaskant récompensant
les jeunes architectes prometteurs. Cette
prestigieuse distinction va leur permettre d’élargir
leur champ d’intervention outre plusieurs
réalisations bruxelloises et de réaliser des projets à
l’échelle urbaine dans divers pays d’Europe
(Bordeaux : 50 000 logements, Istanbul : Faire la
ville, Tirana, Bruxelle : Métropole 2040).
Aujourd’hui, le groupe compte plus de vingt
employés et s’est récemment implantée en Albanie
en créant un bureau à Tirana en 2008.
Tirana Tower
Ce qui fait la notoriété de cette agence c’est sa
réponse particulière, et souvent originale, au projet
architectural et son approche spatiale qui tend à
surprendre l’utilisateur à première abord.
De cette recherche et au regard de leur production,
on remarque le fait que les projets n’ont pas d’unité
stylistique, particularité pourtant largement
représentée parmi les productions des architectes
contemporains. Mais pourtant une réelle
cohérence existe, celle de « placer le citoyen au
cœur du projet ». En effet, leur force réside dans
la capacité à remettre en question le
programme, la demande du client : ceux-ci
peuvent être reformulés, complétés, voir remis
en cause sans complexe.
Ainsi, le projet est poussé à ses limites dans le
but de modifier les comportements sociétaux et
de retisser un échange concret au sein de la
sphère du domaine public. C’est avec cette
méthodologie de travail et ce questionnement
systématique que la réponse à des
préoccupations urbaines et sociétales actuelles
est permise.
Cette position fondamentale se retrouve dans le
titre d’une de leurs dernières publications qui a
fait l’œuvre d’une exposition, rétrospective de
leurs travaux, au Palais des Beaux-arts à
Bruxelles : Double or Nothing, ou comment
« faire de chaque projet un vecteur des
transformations urbaines et sociales». En effet,
C’est de ce programme caché dont il est question,
« ce programme bis » qui va au-delà des signes
extérieurs esthétiques et qui devient un facteur de
rencontre.
BIOGRAPHIES
Première de couverture de Double or Nothing, 2011
> 1972, 1974 : naissances de Peter Swinnnen,
Johan Anrys et Freek Persyn.
> 1995 : Peter Swinnen est diplômé de l'école
d'architecture Saint-Luc de Bruxelles.
> 1997 : il obtient un Master of Architecture Design
de l'Architectural Association School de Londres.
Johan Anrys et Freek Persyn sont diplômés de
l'école d'architecture Saint-Luc.
> 1997-2003 : collaborations avec diverses
agences (Christian Kieckens, Eugeen Liebaut,
Xaveer de Geyter).
> 1998 : création de 51N4E Space Producers.
> 2001-2003 : premières réalisations.
> 2003 : lauréats du Rotterdam Maaskant Prize for
Young Architects.
> 2005 : développement en Albanie.
> 2010 : Peter Swinnen est nommé architecte
officiel du gouvernement flamand pour la période
2010-2015.
> 2011 : première exposition personnelle au palais
des Beaux-Arts de Bruxelles. Catalogue publié par
Architectural Association-BozarBooks.
CENTRE D’ART /
BUDAFABRICK
COURTRAi,Belgique
Programme:
exposition et installation,
45 atelier d’artistes
Dessin: 2005(concours) – 2007
Construction : 2010 – 2012
Surface : 4.240 m²
Prix : € 2.000.000
photo © Filip Dujardin
PRÉSENTATION ET
CONTEXTE
Courtrai est une ville médiévale au riche
patrimoine architectural mais également un des
pôles économique les plus importants de la
Flandre. Capitale mondiale du lin au 18e siècle,
Courtrai conserve encore cette réputation de ville
textile, mais désire développer son aspect culturel
en réinvestissant des lieux stratégiques oubliés.
Située sur le site retenu pour devenir le nouveau
cœur culturel de la ville, l’ultime usine textile
Desmet-Dejaeghere encore en activité de l’île de
Buda, s’est vue transformée en centre d’art
accueillant studio et salles d’exposition pour 45
artistes en résidence.
Cette île formée par deux bras de la Lys possède
une situation urbaine centrale idéale pour devenir
un pôle culturel dynamique, non loin du centre
historique et de la gare.
En face de l’eau et proche d’un axe routier reliant
la ville, l’usine était étrangement implantée au
centre d’un ensemble bâti formant ainsi une mixité
fonctionnelle. L’île présente également une variété
typologique avec des bâtiments de plusieurs
époques et de différents styles mais respectant un
gabarit propre à la rue et utilisant majoritairement
la brique rouge.
Le tissu urbain de l’île n’est pas homogène : il
présente plusieurs dents creuses marquées par
des friches, des parkings, et des terrains vagues
tandis que les rues sont bien tenues par un bâti
compact.
Mais il est visible que l’île se transforme en
devenant ce nouveau cœur culturel : la biennale à
lieue dans la Buda Tower, réhabilitation d’une
usine, et le centre d’art Budascoop est une
nouvelle construction.
Images google map du quartier
L’USINE AVANT
INTERVENTION
Image google street view de l’usine avant intervention
Cette usine textile comporte plusieurs corps de
bâtiments de différentes hauteurs et de différentes
modénatures mais possède tout de même une
homogénéité de part l’ensemble compact et le
même matériau utilisé.
En façade, trois entités se distinguent clairement
mais respectent un alignement sur rue et
l’utilisation de la brique rouge, tout comme le reste
de l’usine. Aucun élément ne perturbe cette
façade plate, rythmée uniquement par la
succession de fenêtres, rompue par la présence
de grandes doubles portes.
Le rapport à la rue est ainsi très frontal, ne laissant
qu’un trottoir arboré comme espace public devant
le bâtiment.
Cette accumulation de bâtiment, tend à faire
penser qu’au fil des années, des ajouts et des
transformations ont été réalisés dans le but
d’agrandir l’usine. Ainsi, la maison à deux pents
marquant une différence avec les autres bâtiments
aux toits plats ou en sheds plus récents donne
l’impression de faire partie du complexe industriel
alors qu’il ne s’agit que d’une maison individuelle.
LA RÉHABILITATION
Maquette du projet
En transformant l’usage de cette usine, les
architectes ont tenu à respecter ce patrimoine
architecturel et symbole économique de Courtrai.
En effet, leur concept architectural repose
notamment sur la conservation du bâtiment et de
ses multiples interventions que l’immeuble avait
subies au court des années, devenant alors une
énième modification.
Ainsi, répartis sur trois niveaux, le programme se
développe dans les espaces libres et généreux de
l’usine, conservant les qualités de l’édifice.
Toute fois, pour adapter le bâtiment à ses
nouveaux usages, ont été réalisées deux
interventions radicales.
La première se situe au cœur même de l’usine : un
vide de forme patagonique a été crée pour
apporter de la lumière naturelle aux nouveaux
aménagements. Cet espace abrite également un
escalier en béton et parement brique épousant la
forme de cet espace, devenu point central du
projet.
Entrée du centre d’art
La seconde intervention, seule visible depuis
l’extérieur, est l’édification d’un pavillon d’entré,
également pentagonal. Ce dispositif légèrement en
recul et de biais induit par sa forme, donne au
centre d’art une identité forte et marque la
différence au sein du quartier. Cette position est
d’autant plus radicale qu’elle ne sert que de
séquence comme une expérience scénographique,
car ce volume n’est pas couvert, repoussant ainsi
l’entrée conventionnelle au niveau de l’usine. Cette
structure autoporteuse est constituée de briques
jaunes plus claires, trouvées sur place, et
disposées selon un calepinage étudié alternant
brique vue de profil et vue de face. Ces décalages
ordonnés suggèrent des lignes verticales, rompant
le tracé très horizontal des briques des anciens
bâtiments.
Ce volume est totalement indépendant du reste du
projet et l’accès au musée se fait par trois porches
possibles, questionnant ainsi le prince de l’entrée.
La lumière naturelle zénithale constitue un élément
important dans ce projet marquant ainsi des
séquences de passage. Le pavillon d’entrée est
baigné de lumière n’étant qu’un paravent, ainsi que
la circulation verticale située dans ce vide crée
dans l’existant, grâce à une large verrière.
Les ateliers d’artistes bénéficient d’un important
apport de lumière, soit zénithale par les sheds ou
en haut jour. La structure en béton est conservée
et permet d’obtenir de vastes espaces d’exposition
tout en facilitant l’installation de structures
annexes.
INTERVENTIONS SUR
L’EXISTANT
Édification de forme évidée pentagonique
L’intervention visible depuis la rue est réalisée
d’une manière surprenante tant par sa modernité
que par sa délicatesse malgré une apparente
radicalité.
Si cette forme s’insert entre deux bâtiments à la
ressemblance appuyée, tel un monolithe venu de
nulle part, c’est pourtant avec justesse qu’elle
respecte et s’inscrit dans le contexte. En effet,
l’hypothèse émise plus haut sur le fait que la
maison a été raccordée par un petit édifice est
vérifiée, montrant maintenant un pignon aveugle
terminant nettement la maison et des fenêtres qui
se retournent au niveau de l’usine. L’implantation
en recul et de biais du pavillon, permet de mettre
en avant la beauté et la vraie forme des deux
bâtiments anciens, tout en préservant l’idée de
créer une continuité urbaine bâtie et de matériaux.
Les traces des anciennes structures sont
préservées, tenant a conserver les traces du
passé.
Une requalification du sol pavé du trottoir assure
ainsi une continuité de l’espace public dans le
pavillon et autour, comme s’il « s’infiltrait » jusque
dans le musée. Par cette succession de porche,
l’intimité et la privatisation du lieu est tempérée,
bien que l’adjonction pousse à l’intrigue.
entrée au musée
Pavillon ouvert
Volume indépendant
Vide creusé dans l’usine
Pour ce qui est des interventions au sein de
l’usine, les architectes ont voulu préserver un
maximum l’âme de l’usine. Les espaces généreux
offerts par les longs plateaux, ainsi que les
matériaux bruts et la structure sont alors conservés
ainsi que toutes les marques d’interventions
passées.
Le vide pentagonal crée découle même de
l’imbrication des bâtiments, ne modifiant que de
façon minime la structure initiale.
En remplissage de la structure béton conservée,
les parois ajoutées ou refaites se distinguent par
leur couleur plus claire et par leur calepinage
différent de celui existant.
Les piliers et les poteaux de la structure existante
ont été peints en blanc créant des cadrages blancs
autour des briques. Et dans un souci de luminosité,
des pans entiers ont été également peints en blanc
pour accentuer l’apport de lumière.
Bien que visible, l’escalier hélicoïdal se veut discret
et reprenant les même matériaux que les murs sur
lesquels il s’appuie. Seule la dernière volée se
démarque en étant en bois.
Ce vide dessert d’une manière très ample et claire
les différents ateliers d’artistes permettant une
visibilité et une compréhension des espaces. Un
toit terrasse est également crée, permettant aux
visiteurs de découvrir une vue sur l’île de Buda.
En effet, la volonté des architectes n’est pas de
créer un nouvel espace à regarder, mais que leur
bâtiment soit un outil permettant de regarder, tant
les œuvres que la ville.
LE PROGRAMME BIS
Atelier ouvert sur e vide
Si 51N4E a voulu traiter cette réhabilitation de la
manière la plus fine possible en ne réalisant que
peu de transformations, celles-ci sont maitrisées et
radicales. Par cette vision claire de la spatialité, les
architectes offrent un édifice interrogateur qui
permet de répondre à une autre logique : celle
d’intervenir à l’échelle de l’île et même de la ville.
Le centre d’art, ou Budafabriek, « est le premier
atelier artistico-économique de Flandre ». Il
rassemble des entrepreneurs, des étudiants, des
artistes et des citoyens actifs qui peuvent y
travaillent chaque jour à la conception de projets.
En proposant des découpeuses laser et des
imprimantes 3D, ce entre devient un labo hight-
tech accessible à autre public. Et les productions
font l’objet d’expositions en plus des travaux des
artistes résidents.
Le centre d’art est devenu plus que ça et obtient
un rayon d’impact sur toute une région.
OBSERVATION PERSONNELLE
Vue depuis le toit terrasse
C’est la justesse du projet qui m’a plu.
La réponse évidente.
Il y a une certaine retenue dans le projet qui
confère une force à leurs interventions.
L’agence est connue pour surprendre les usagers,
à interroger leur quotidien, leur perception du
dedans/ dehors, du rapport avec l’espace...
ici, l’entrée à la Budafabriek se fait par un volume
pentagonique évidé dérangeant les conventions
architecturale et urbaine classique. L’approche se
fait par la modification des habitudes mais marque
la surprise toute en finesse car celle-ci se veut en
retrait, comme au service du centre d’art. Il ne
s’agit pas d’une fantaisie architecturale hors
contexte, mais a pour but d’interpeller pour appeler
le visiteur sans qu’il ne soit coupé du style
architectural de l’usine par cette adjonction
moderne. Comme le dit les architectes, il ne s’agit
que de la « surface immergée de l’iceberg ».
Cette simple paroi en brique détachée du reste des
bâtiments peut même être jugée comme inutile au
vu de son absence de toiture, d’entrée directe au
musée et de sa pluralité de percements. En effet,
l’accès aurait pu se faire directement dans l’usine.
Mais l’importance de la marque moderne visible
depuis l’extérieur se révèle être importante pour
revitaliser un édifice. C’est elle qui attire.
Bien que le matériau soit le même, le changement
de couleur est profitable à cette intervention. Il suit
effectivement la logique de démarcation des
interventions passées, mais confère également
une légèreté et une chaleur dénotant avec le
contexte.
Les transformations faites dans l’usine paraissent
simples et claires, en mettant uniquement les
matériaux bruts en œuvre pour offrir lumière et
espace.
Ses deux formes qui marquent principalement le
travail de 51N4E, l’une due par le creusement et
l’autre par édification, sont deux interventions
minimums, mais crée un maximum de
transformations, à la fois spatiale que
comportementale.
« L’architecture sert à produire des situations
spécifiques, des situations qui ne sont pas
possibles si l'architecture n'est pas là. »
Freek Persyn
Plan du RdC
coupe
Plan masse de l’usine avant intervention
BIBLIOGRAPHIE
>AMC hors-série, terre cuite / céramique 2013,
p18-21
>d’A n°202, septembre 2011
>www.archdaily.com
>www.51n4e.com
>photo © Filip Dujardin