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Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire Fondements théoriques et pratiques 12 décembre 2012

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Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire

Fondements théoriques et pratiques

12 décembre 2012

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Rédaction

Brigitte Lavoie Conseillère clinique, Suicide Action Montréal Marie Lecavalier Adjointe à la direction des services à la clientèle, Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances Philippe Angers Coordonnateur clinique, Suicide Action Montréal Janie Houle Professeure-chercheuse, Université du Québec à Montréal Collaboration à la rédaction Josée Thiffault Formatrice-conseillère, Suicide Action Montréal Véronique Landry Coordonnatrice au partenariat et à la formation, Suicide Action Montréal Soutien à la révision Françoise Roy Consultante en prévention du suicide, Association québécoise de prévention du suicide Julie Lane Chercheuse, Centre de santé et de services sociaux – Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke Révision scientifique Janie Houle Professeure-chercheuse, Université du Québec à Montréal Révision bibliographique Karine Bélanger Bibliothécaire, Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances

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Révision linguistique Sarah Bernard Correctrice-réviseure Référence complète pour citation Lavoie, B., Lecavalier, M., Angers, P., Houle, J. (2012). Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire : Fondements théoriques et pratiques. Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances et Suicide Action Montréal. Droit d’auteur Il est interdit de modifier la Grille et les outils qui l’accompagnent sans une autorisation écrite des auteurs. © Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances et Suicide Action Montréal

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« L’idée du suicide se construit quand la douleur est jugée intolérable, interminable et inévitable. »

Chiles et Strosahl (2005)

« L’atteinte d’un résultat positif augmente quand le client perçoit que son intervenant entretient de l’espoir envers lui. »

Snyder, Ilardi, Michael et Cheavens (2000)

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Table des matières

Remerciements vi

Liste des acronymes vii

Introduction 1

Conditions d’utilisation et limites de l’outil .................................................................................... 1

Contexte d’origine 2

Principes directeurs 3

Élargir l’estimation du danger à d’autres facteurs que le COQ................................................ 4

Privilégier les facteurs proximaux, ceux les plus près du passage à l’acte .......................... 5

Situer sur un continuum les facteurs de risque et de protection ............................................ 6

Tenir compte des symptômes liés aux problèmes de santé mentale ..................................... 7

Favoriser le jugement clinique dans la prise de décision ......................................................... 8

Démarche de validation 9

Recension des écrits et des outils existants ............................................................................... 10

Échanges avec des chercheurs mandatés pour recenser les bonnes pratiques ............... 11

Consultations d’experts et groupes de discussion avec des professionnels .................... 12

Utilisation de vignettes cliniques et comparaison des cotes obtenues entre différents évaluateurs ......................................................................................................................... 13

Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire 14

Planification du suicide ...................................................................................................................... 14

Tentative de suicide ............................................................................................................................ 15

Capacité à espérer un changement ................................................................................................ 17

Usage de substances ......................................................................................................................... 18

Capacité à se contrôler ...................................................................................................................... 20

Présence de proches .......................................................................................................................... 22

Capacité à prendre soin de soi ........................................................................................................ 23

Estimation finale .................................................................................................................................. 24

Vue d’ensemble .................................................................................................................................... 25

Conclusion 26

Un travail de collaboration ................................................................................................................ 26

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Des partenaires pour prévenir le suicide ...................................................................................... 26

Références 27

Annexes : Diverses grilles d’évaluation en prévention du suicide 34

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Remerciements Le présent projet n’aurait pu voir le jour sans la participation de plusieurs acteurs qui ont su mettre à profit leurs talents et leurs connaissances dans un climat de générosité orienté vers l’atteinte d’un idéal commun, soit de mieux desservir les personnes en détresse suicidaire. Nous tenons à remercier chaleureusement nos deux établissements pour avoir cru au projet et mis en place les conditions gagnantes à ce partenariat réussi. Il est à ce titre important de souligner le soutien d’André Landry, directeur général de Suicide Action Montréal (SAM), et de France Lecompte, directrice des services à la clientèle au Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD), qui ont appuyé ce projet afin d’offrir à la clientèle des services de plus grande qualité. Pour SAM, nos remerciements s’adressent d’abord au comité interne : Philippe Angers et Yannick Arsenault, coordonnateurs des services à l’entourage et aux intervenants; Isabelle Bélanger et Melissa Lutchman, responsables du service d’intervention téléphonique; Valérie Briançon et Vanessa Legault, responsables de la formation des bénévoles; et Martine Grondin, formatrice aux intervenants. Votre engagement, votre savoir, votre créativité et votre ouverture d’esprit à remettre en question les acquis ont été le moteur de ce dépassement. Il faut également remercier tous les employés qui ont testé les premiers prototypes et formulé des critiques permettant des améliorations. Merci également aux bénévoles formateurs dont l’enthousiasme est toujours une source d’inspiration pour améliorer les pratiques. Un merci spécial doit être adressé aux formatrices-conseillères, Sharon Casey, Joanne Lemay et Josée Thiffault, qui ont mis les contenus à l’épreuve en les expérimentant auprès des intervenants du CDC-IUD et qui ont aidé à préciser les consignes d’utilisation des outils. Pour le CDC-IUD, un merci spécial à Danielle Duhamel, psychologue, qui a été une source d’inspiration; au D

r Richard Cloutier, médecin psychiatre à la Clinique Cormier-Lafontaine; à la D

re Marie-Ève Goyer, médecin au

Centre hospitalier universitaire de Montréal; à Marie-France Bastien, coordonnatrice de l’équipe de Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec (RISQ) et de l’infrastructure de recherche du CDC-IUD; à Michel Landry, codirecteur du RISQ et conseiller à la recherche au CDC-IUD; aux membres de l’équipe de l’Urgence-Toxicomanie et du service de désintoxication; ainsi qu’aux membres des groupes de discussion, qui n’ont jamais hésité à répondre à nos questions et à orienter notre réflexion. Vos commentaires ont été précieux. Merci à Karine Bélanger, bibliothécaire au CDC-IUD, pour la révision de la bibliographie; grâce à toi, les règles de l’art ont été respectées. Enfin, nous ne pouvons passer sous silence toutes ces personnes consultées au fil du projet : Brian Mishara, directeur du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie et professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM); Janie Houle, professeure-chercheuse à l’UQAM; Louise Nadeau, professeure à l’Université de Montréal; Sylvaine Raymond, psychologue; Françoise Roy, consultante pour l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS); Hélène Simoneau, chercheuse au CDC-IUD; les directeurs généraux des Centres de prévention du suicide; les superviseurs cliniques et les formateurs accrédités de l’AQPS dont les questions et commentaires nous ont toujours fait avancer. Merci à Johanne Archambault, directrice à la Direction de la coordination et des affaires académiques du Centre de santé et de services sociaux – Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke (CSSS-IUGS); Julie Gauthier, agente de recherche à la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS); Marthe Hamel, chef de service à la Direction générale de la santé publique du MSSS; et Julie Lane, chercheuse au CSSS-IUGS, pour la confiance qu’elles ont accordée à nos équipes de cliniciens et d’intervenants. La liste serait trop longue si nous énumérions toutes les personnes qui nous ont aidés; vous saurez vous reconnaître et nous tenons à vous assurer de notre reconnaissance. Nous espérons qu’en sachant mieux estimer et intervenir, nous contribuerons à cet effort collectif de prévenir le suicide.

Brigitte Lavoie Marie Lecavalier Conseillère clinique Adjointe à la direction des services à la clientèle SAM CDC-IUD

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Liste des acronymes AQPS Association québécoise de prévention du suicide CDC-IUD Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances CSSS Centre de santé et de services sociaux IUGS Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec NSPL National Suicide Prevention Lifeline RISQ Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec SAM Suicide Action Montréal UQAM Université du Québec à Montréal Notes Dans le présent document, la forme masculine est utilisée sans aucune discrimination et

uniquement dans le but d’alléger le texte.

Dans cette optique, la Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire est simplement nommée la Grille.

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Introduction Au Québec, une démarche d’amélioration des pratiques en prévention du suicide est en cours de réalisation depuis 2010. Ce projet national vise un rehaussement de la qualité et comporte plusieurs stratégies afin de réduire les décès par suicide. Parallèlement, Suicide Action Montréal et le Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances ont créé en 2009 la Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire. Cette Grille vise à soutenir le jugement clinique de l’intervenant pour estimer la dangerosité suicidaire, cibler des leviers d’intervention et prendre une décision afin d’assurer la sécurité de la personne. Elle facilite également l’instauration d’un langage commun entre les intervenants engagés auprès de la personne suicidaire et s’inscrit en cohérence avec les bonnes pratiques recommandées par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) (Lane, Archambault, Collins-Poulette et Camirand, 2010). Le présent document a été réalisé afin d’exposer les fondements théoriques et pratiques à la base de la Grille. Il s’adresse aux intervenants des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, aux équipes des centres de prévention du suicide, aux formateurs accrédités par l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), ainsi qu’à tous les professionnels (ex. : gestionnaires, superviseurs, chercheurs) intéressés à comprendre le raisonnement ayant soutenu les choix effectués. Certaines décisions ont été influencées par l’état des connaissances scientifiques et les savoirs d’expérience, tandis que d’autres ont été prises pour des questions d’ordre pratique. La première section expose le contexte existant au moment où cet outil a été créé. Les principes directeurs sont ensuite abordés, de même que les enjeux ayant marqué la démarche de validation. Enfin, la Grille est présentée, avec le raisonnement théorique ayant soutenu le choix des critères. Conditions d’utilisation et limites de l’outil

La Grille ne s’applique qu’aux personnes de 14 ans et plus. Elle ne doit pas être utilisée auprès des enfants. Il est également important de faire une mise en garde : l’utilisation de l’outil doit s’inscrire à l’intérieur d’une alliance thérapeutique et ne doit en aucun cas être administré uniquement comme un questionnaire, sans une intervention en simultanée. L’intervenant doit aider la personne suicidaire à retrouver l’espoir en même temps qu’il estime la dangerosité et intervenir sur les facteurs de protection. Aucun outil ne peut remplacer une formation pertinente, une supervision clinique continue et des protocoles sécuritaires qui permettent aux intervenants d’être proactifs dans les situations qui l’exigent. Afin d’assurer la qualité des interventions, il est essentiel de développer les compétences nécessaires à la bonne utilisation de la Grille. À cet effet, les intervenants reçoivent une formation de 21 heures. Cette formation, offerte par des formateurs accrédités par l’AQPS, est mise à jour de façon cohérente avec le Guide de bonnes pratiques du MSSS (Lane et al., 2010).

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Contexte d’origine Malgré les importantes avancées en matière de prévention, le suicide demeure un grave problème de santé publique au Québec. En 2009, 1068 décès par suicide ont été répertoriés dans la province, ce qui signifie que trois Québécois meurent chaque jour à la suite d’un geste suicidaire. Ces personnes souffrent très souvent de troubles mentaux, tels que la dépression, l’abus de substances et les troubles de la personnalité (Kim et al., 2003). En 2006, le Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD) a été confronté, sur une période de six mois, à quatre décès par suicide de personnes étant dans la phase active de leur suivi, ce qui représente un nombre anormalement élevé au CDC-IUD. L’étude des dossiers a permis de mettre en évidence que, dans les heures qui ont précédé le passage à l’acte, seuls les éléments de la planification du suicide étaient pris en compte, sans considérer l’influence des facteurs de risque et de protection.

Bien que les formations en prévention du suicide (dont celles offertes par Suicide Action Montréal et par l’Association québécoise de prévention du suicide) aient recommandé aux intervenants de considérer ces facteurs dans leur évaluation du risque de passage à l’acte, cette consigne était probablement oubliée en l’absence de formalisation au sein d’un outil d’estimation. Autre fait important, devant un tableau de consommation s’étant amélioré, les intervenants ne vérifiaient pas systématiquement les idées de suicide. Une profonde réflexion s’imposait donc quant à nos pratiques, et la recherche d’outils d’évaluation plus efficients apparaissait incontournable.

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Principes directeurs Les questions suivantes ont orienté la prise de décision tout au long de la démarche : Les choix effectués dans le développement de la Grille reflètent-ils l’état des

connaissances scientifiques et cliniques? L’outil est-il suffisamment concret et pratique pour que les intervenants l’utilisent? Permet-il de prendre des décisions et d’ajuster l’intensité des services qui doivent être

offerts en fonction du niveau de danger?

À l’intérieur de ces balises, cinq principes directeurs ont été définis :

1. Élargir l’estimation du danger à d’autres facteurs que le COQ (comment, où, quand);

2. Privilégier les facteurs proximaux, ceux les plus près du passage à l’acte;

3. Situer sur un continuum les facteurs de risque et de protection;

4. Tenir compte des symptômes liés aux problèmes de santé mentale;

5. Favoriser le jugement clinique dans la prise de décision.

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Élargir l’estimation du danger à d’autres facteurs que le COQ

Les termes employés pour décrire l’évaluation que l’on pose dans un contexte de suicidabilité sont nombreux (ex. : dangerosité, facteurs associés au suicide, facteurs de risque, potentiel suicidaire, présence d’idées suicidaires, risque suicidaire, urgence suicidaire). Cette diversité d’expressions complexifie le partage d’un langage commun entre les intervenants. Basée sur le COQ, la notion d’urgence suicidaire, soit la probabilité de passage à l’acte dans les 48 heures, est souvent statuée uniquement en fonction de la précision du plan suicidaire (Lane et Archambault, 2010). Certains intervenants ne modulent donc pas cette information en considérant la présence de facteurs associés au suicide ou de facteurs de protection (Lane et Archambault, 2010). Quant au concept de risque suicidaire, soit la probabilité qu’une personne se suicide à l’intérieur d’une période de deux ans (Daigle et Côté, 2003), il rend difficile la prise de décision à court terme, alors qu’il s’agit d’un enjeu de vie ou de mort. Comme il a été constaté, le fait que les facteurs de risque et de protection soient précisés en formation ne s’avère pas suffisant. Ce phénomène se comprend facilement, car le contact avec une personne suicidaire induit une pression importante. L’intervenant doit juger rapidement et convenablement de la situation tout en créant un lien de confiance. Dans ce contexte exigeant, il est normal que le clinicien ne puisse pas se rappeler des distinctions fines sur le plan théorique, de sorte que l’urgence, le risque et le potentiel deviennent synonymes. Il importait donc de choisir une expression directement en lien avec les actions à poser. L’expression « dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire » a été privilégiée pour deux raisons :

1. Le terme dangerosité est plus précis sur le plan sémantique : « Fait d’être dangereux, caractère de danger que présente quelque chose » (Le petit Larousse illustré, 2007, p. 327). Il est clair que cette définition représente ce dont il est question. En un seul et même outil, la Grille formalise donc l’urgence suicidaire, les facteurs associés au suicide et les facteurs de protection.

2. En utilisant le même terme (dangerosité), on simplifie la tâche de l’intervenant en lui

évitant d’avoir à apprendre deux langages différents. Au Québec, il existe en effet une loi qui permet exceptionnellement de protéger une personne contre son gré lorsqu’elle représente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, soit la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (L.R.Q., chapitre P-38.001). L’intervenant emploie donc le mot dangerosité dans des contextes où cette loi s’applique, mais également lorsqu’un danger grave plane sans qu’il ne soit circonscrit dans le temps.

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Privilégier les facteurs proximaux, ceux les plus près du passage à l’acte

Il est possible de dénombrer plus de 75 facteurs associés au suicide (Lane et Archambault, 2010). Dans le cadre de l’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire, il s’avère impossible d’investiguer la présence de chacun d’eux (Wingate, Joiner, Walker, Rudd et Jobes, 2004). L’ensemble de ces éléments illustre la complexité du phénomène, mais rend difficile la prise de décision. Il importe donc que les intervenants se concentrent sur les facteurs les plus déterminants d’un éventuel passage à l’acte suicidaire (Wingate et al., 2004). Certains critères incontournables ont été établis, afin de faciliter la prise de décision concernant les actions à mettre en place à court terme (ex. : hospitaliser, offrir un suivi plus intense, adopter une attitude proactive). Les facteurs proximaux ont été privilégiés, soient ceux les plus près du passage à l’acte, mais également ceux pouvant servir de leviers pour travailler l’ambivalence pendant l’intervention. La Grille se compose ainsi de sept critères :

1. Planification du suicide;

2. Tentative de suicide;

3. Capacité à espérer un changement;

4. Usage de substances;

5. Capacité à se contrôler;

6. Présence de proches;

7. Capacité à prendre soin de soi.

Il est à noter que la Grille ne se veut pas un outil de détection, même s’il s’avère nécessaire de mieux repérer les personnes vulnérables au suicide. Des éléments augmentant la vulnérabilité peuvent être décelés pour diverses problématiques liées à la détresse suicidaire. Lorsqu’ils sont présents, l’intervenant doit être proactif en allant vérifier si la personne est suicidaire ou non. Permettant d’intensifier le repérage, ces « moments critiques » se trouvent en amont et justifient d’estimer la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire à l’aide de la Grille. Par exemple, devant un homme qui vit une rupture amoureuse, il est recommandé d’aller vérifier systématiquement s’il pense au suicide. De la même façon, si un professionnel du jeu pathologique assure un suivi avec une personne qui vient de perdre un important montant d’argent, il est nécessaire d’investiguer la présence d’idéations suicidaires. Également, les personnes présentant des symptômes de dépression doivent être mieux détectées et des traitements appropriés devraient leur être offerts.

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Situer sur un continuum les facteurs de risque et de protection

L’option d’utiliser un continuum plutôt qu’une cote statique pour estimer la dangerosité a rapidement été retenue. Différents éléments ont justifié cette décision. Le continuum permet d’appuyer l’idée que l’état de la personne peut changer pendant l’entrevue. Il favorise ainsi une lecture dynamique des enjeux et laisse place au jugement clinique. En évitant l’emploi d’un algorithme tellement difficile d’utilisation qu’il engendre des erreurs d’interprétation et des cotes erronées, la Grille demeure conviviale. Un outil performant, mais trop complexe, n’apporterait aucun avantage pour la prévention du suicide. Tout en recueillant l’information permettant de mieux estimer, il est essentiel de préserver la qualité du lien avec la personne, de valider sa souffrance, de faire grandir l’espoir et les raisons de vivre. Dans cette perspective, l’ambivalence est un concept-clé dans l’intervention auprès de la personne suicidaire. Sans la considérer de façon exclusive, l’approche orientée vers les solutions représente un modèle prometteur pour stimuler les facteurs de protection à la source de cette ambivalence (Fiske, 2008). Mishara (2003) émet d’ailleurs l’hypothèse que ces derniers ont probablement autant de poids, sinon plus, que les facteurs de risque. Le continuum de couleurs permet d’exposer les facteurs de protection à gauche (dans le vert et le jaune) et les facteurs de risque à droite (dans l’orange et le rouge). Le clinicien qui cote peut ainsi visualiser clairement ce qui protège la personne et ce qui la met en danger. Cette première lecture aide à dégager rapidement les enjeux les plus importants dans chaque situation.

Pas de planification Passage à l’acte imminent / en cours

Aucune tentative Tentative récente

Capable d’espérer Grand désespoir

Consomme peu ou pas Abus grave de substances

Contrôle Forte impulsivité

Présence d’un proche Seul- e et isolé- e

Prend soin de lui- d’elle Se laisse aller

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Tenir compte des symptômes liés aux problèmes de santé mentale

Les personnes décédées par suicide présentaient un trouble mental dans une proportion de 90 % (Arsenault-Lapierre, Kim et Turecki, 2004). Les problèmes les plus fréquemment associés à la mortalité par suicide chez la population adulte correspondent aux troubles affectifs (dépression majeure), à l’abus de substances et aux troubles de la personnalité limite et antisociale (Dumais et al., 2005). Bien que la grande majorité des gens atteints d’un trouble mental ne meurent pas par suicide, cette population mérite une attention particulière en raison de cette forte prévalence dans l’analyse des décès par suicide. Dans le contexte québécois de la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines (projet de loi 21), le diagnostic demeure un acte réservé à certains professionnels. Face à ce défi, les critères diagnostiques propres aux maladies mentales les plus associées au suicide ont été opérationnalisés à partir des comportements ou d’indicateurs observables et significatifs sur le plan clinique. La Grille ne requiert pas de travailler avec des diagnostics pour cibler les enjeux d’un passage à l’acte suicidaire et demeure accessible à toutes les personnes formées à son utilisation. Afin de guider le jugement de l’intervenant, la Grille est accompagnée d’une pondération, ce qui permet de nuancer les facteurs associés au suicide à l’intérieur de chacun des critères. À titre d’exemple, voici un des éléments de la pondération qui expose comment les symptômes neuro-végétatifs liés à la dépression sont gradués pour l’estimation :

Extrait du critère « Capacité à prendre soin de soi »

Répond bien à ses besoins,

fait des activités

qui apportent satisfaction

Répond à ses besoins

de base (dormir, manger,

se laver)

Répond peu à ses besoins

de base (ne dort pas bien,

ne mange pas bien)

Ne répond plus à ses

besoins de base (ne dort

plus, ne mange plus

depuis plusieurs jours)

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Favoriser le jugement clinique dans la prise de décision

En cours d’intervention, les cliniciens doivent prendre des décisions qui reposent sur une estimation de la dangerosité la plus juste possible. Cette évaluation oriente par la suite les interventions à mettre en place (ex. : contacter le 9-1-1, activer un suivi étroit, mobiliser un proche). Dans cette perspective, la Grille se veut un outil d’aide à la décision, à partir de quatre niveaux de dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire : Largement connu en circulation routière, le code de couleur « vert – jaune – rouge » s’avérait idéal pour graduer les différents éléments à estimer. Tant dans l’univers des dépendances que dans le milieu médical, cette convention universelle s’observe dans plusieurs instruments afin d’évaluer et de recommander des actions adaptées. L’originalité de la Grille est d’ajouter la couleur « orange », ce qui facilite l’identification et le suivi de certaines personnes plus vulnérables. En outre, une meilleure perception de cette clientèle aide les gestionnaires à bien évaluer le volume de personnes qui doivent bénéficier d’une offre de services plus intensive. Ce n’est pas lorsque la personne est en « rouge », soit en danger grave et imminent, que l’intervention s’avère plus difficile. Dans ces situations, la prise de décision est souvent faite avec assurance et rapidité. Par contre, certaines personnes suicidaires ne répondent pas aux critères justifiant une hospitalisation, une surveillance constante ou un arrêt d’agir, même si le tableau clinique s’avère inquiétant. Dans un contexte de danger grave à court terme, les cliniciens ont pourtant d’autres solutions de rechange : ils peuvent travailler davantage avec les proches, devancer un prochain rendez-vous, relancer la personne ou faire un suivi plus étroit. Ces actions doivent toutefois s’appuyer sur des procédures internes qui précisent les actions à poser pour assurer la sécurité. Malgré la complexité des situations où plane un danger de suicide à court terme, peu d’organisations disposent de protocoles spécifiques. Ce sont pourtant ces situations qui représentent le plus grand défi. Face à un danger de vie ou de mort, les organisations ont la responsabilité d’établir des lignes directrices qui encadrent la marche à suivre (ex. : incendies, attaques terroristes, violence, pandémie). La mise en place de protocoles diminue le risque d’erreurs et protège les employés et professionnels qui doivent poser des actions. Il est à noter qu’en plus d’être recommandée par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, la Grille répond aux normes d’Agrément Canada en ce qui a trait aux pratiques organisationnelles requises de gestion du risque suicidaire.

Absence d’indice

de danger

Indices de danger (faible)

Danger grave à

court terme

Danger grave et

imminent

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Démarche de validation La validité prédictive des instruments d’évaluation du risque suicidaire est difficile à établir et la démarche scientifique nécessaire pose des problèmes éthiques importants (Mishara et Weisstub, 2005). En effet, cette démarche impliquerait d’administrer l’instrument à des personnes à risque, puis d’attendre sans intervenir qu’elles posent un geste suicidaire. Des solutions de remplacement méthodologiques permettent néanmoins de s’assurer de la rigueur scientifique d’un instrument. Afin qu’un outil d’évaluation clinique respecte une certaine rigueur scientifique, il est nécessaire de : s’assurer que les éléments retenus reflètent l’état des connaissances scientifiques;

soumettre l’outil à un minutieux examen par des experts et des utilisateurs;

réussir des tests de fidélité interjuges, c’est-à-dire s’assurer que deux évaluateurs

indépendants parviennent à une cote identique.

Au cours de la démarche de validation de la Grille, Suicide Action Montréal (SAM) et le Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD) ont procédé à quatre étapes successives :

1. Recension des écrits et des outils existants;

2. Échanges avec des chercheurs mandatés pour recenser les bonnes pratiques;

3. Consultations d’experts et groupes de discussion avec des professionnels;

4. Utilisation de vignettes cliniques et comparaison des cotes obtenues entre différents évaluateurs.

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Recension des écrits et des outils existants

Ayant été mandatée pour réaliser une recension des écrits sur la toxicomanie et la sphère suicidaire, Danielle Duhamel, psychologue à la Clinique Cormier-Lafontaine, a posé en 2007 un premier jalon au projet. Cette recension étant étroitement liée à la démarche de création de la Grille, il est fortement suggéré de consulter le document Toxicomanie et phénomènes suicidaires : Savoir pour mieux intervenir (Duhamel, 2007), disponible sur commande au CDC-IUD. En complément de cette base de travail, un inventaire des instruments d’évaluation existants en prévention du suicide a été rassemblé. En annexe, il est d’ailleurs possible de consulter les principaux outils recensés. Au terme de l’analyse, comme ces derniers étaient incomplets en regard de l’état des connaissances ou, à l’opposé, surchargés et d’utilisation peu conviviale, il est vite apparu que le développement d’un nouvel outil s’imposait. À la même époque, le National Suicide Prevention Lifeline (NSPL) publiait ses conclusions quant aux différents facteurs devant être intégrés à tout outil visant l’évaluation du risque suicidaire (NSPL, 2007). Relié à plus de 150 centres de crise aux États-Unis, le NSPL est doté de structures lui permettant d’établir et de recommander des normes de qualité, basées sur des données probantes. La principale recommandation du NSPL est que chaque client doit être questionné sur ses intentions suicidaires à l’aide de trois questions :

1. Envisagez-vous de vous suicider?

2. Avez-vous pensé au suicide au cours des deux derniers mois?

3. Avez-vous déjà tenté de vous enlever la vie? Dans l’affirmative, il est impératif de procéder à une évaluation complète avec la personne. Leurs lignes directrices proposent l’investigation de variables précises regroupées en quatre catégories (le désir de se suicider, l’intention suicidaire, la capacité à se donner la mort et les facteurs de protection). Il est possible pour chaque organisme d’utiliser son propre instrument d’évaluation, à la condition que chacun des principes de base et des sous-composantes soient évalués. La version initiale de la Grille intégrait déjà la majorité des variables recommandées et les quelques variables manquantes ont été ajoutées. Dans sa version actuelle, la Grille répond donc aux critères de qualité et de rigueur scientifique établis par le NSPL (2007).

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Échanges avec des chercheurs mandatés pour recenser les bonnes pratiques

En 2006, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) mandate le Centre de santé et de services sociaux – Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke (CSSS-IUGS) afin de procéder à une large consultation dans les CSSS du Québec. Cette analyse des besoins révèle que certains CSSS n’utilisent pas d’outil standardisé pour évaluer la personne suicidaire, alors que d’autres utilisent un outil de manière non systématique (Lane et Archambault, 2010). Il est même possible d’observer une diversité de façons d’évaluer au sein d’un même établissement, ce qui ne favorise pas l’instauration d’un langage commun. Après avoir pris connaissance des travaux de SAM et du CDC-IUD, le MSSS a considéré que la Grille venait répondre à ce problème. La Grille a donc été recommandée comme outil d’évaluation dans le Guide des bonnes pratiques en prévention du suicide (Lane et al., 2010). De façon parallèle, le MSSS a décidé de privilégier l’utilisation de l’approche orientée vers les solutions dans l’intervention auprès des personnes suicidaires. Cette décision a été motivée, notamment, par les résultats d’une recension des écrits empiriques faisant état des effets positifs obtenus par cette approche clinique (Trepper, Dolan, McCollum et Nelson, 2006). Cependant, sans la considérer de façon exclusive, l’approche orientée vers les solutions offre des moyens pour travailler l’ambivalence, les raisons de vivre et un avenir qui vaut la peine de rester en vie (Fiske, 2008; Sharry, Darmody et Madden, 2002). S’appuyant sur un ensemble de postulats selon lesquels toute personne dispose de ressources et de forces lui permettant de surmonter les difficultés qu’elle éprouve, l’approche orientée vers les solutions favorise une intervention concrète, par l’utilisation d’échelles et de plans d’action. SAM avait depuis 1999 fait le choix de l’utiliser puisqu’elle semblait mieux répondre aux besoins des hommes, qui représentent près de 80 % des personnes qui meurent par suicide (Gagné, Légaré, Perron et St-Laurent, 2011). Bien qu’il ne soit pas obligatoire d’intervenir avec cette approche clinique, la Grille est cependant plus performante et l’intervention est plus fluide lorsqu’elles sont utilisées ensemble.

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Consultations d’experts et groupes de discussion avec des professionnels

Le premier prototype de la Grille a été produit à l’automne 2006. Cette version originale a été présentée en 2007 lors de l’Institut d’été du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie, ayant pour thème Suicide et alcool. Des partenaires provenant de différents milieux ont confirmé la pertinence d’un tel outil et ont fait la suggestion d’une diffusion plus large. Ces consultations ont motivé la poursuite du travail déjà amorcé. À ce moment de la démarche, un relevé de littérature ayant déjà été complété, des consultations formelles ont été organisées. Au cours de l’année 2007, deux groupes de discussion se sont tenus, réunissant 20 professionnels de la prévention du suicide, du champ des dépendances, de la psychiatrie ainsi que de la médecine des toxicomanies. Les objectifs poursuivis visaient à valider le choix des critères de la Grille, ainsi qu’à consolider les variables retenues dans la pondération. Au terme des échanges, les participants étaient d’accord avec le choix des sept critères. Aucun changement n’a été proposé en ce qui a trait à la planification suicidaire. Pour les tentatives antérieures, il a été suggéré d’approfondir l’investigation de la dernière tentative ainsi que de celle ayant été la plus grave. En outre, certains aspects liés à la désorganisation méritaient d’être mieux définis dans la pondération, notamment par une référence au fonctionnement de base de la personne. Cependant, tous recommandaient une présentation plus conviviale, car l’aspect psychométrique du prototype initial apparaissait trop lourd. Le changement le plus important instauré à la suite de la tenue de ces groupes de discussion auprès des professionnels a été de modifier la cotation statique proposée initialement en une estimation se présentant sur un continuum. Cette amélioration rendait possible un déplacement des cotes pendant l’intervention. Certaines variables ont dû être raffinées afin de rendre compte de cet aspect dynamique, dont « les raisons de vivre, la toxicomanie, le sentiment de contrôle, les pertes et la dépression ». Des critères ont également été renommés afin de permettre d’estimer l’état actuel de la personne tout en visant l’augmentation de ses capacités, comme « capacité à espérer un changement, à se contrôler, à prendre soin de soi ». En 2010 et 2011, la formation des formateurs accrédités par l’Association québécoise de prévention du suicide a eu comme effet d’intégrer d’autres nuances à l’intérieur de la pondération. Ces experts chevronnés en prévention du suicide ont confirmé la solidité de la Grille. Encore aujourd’hui, leurs commentaires et réflexions permettent de cerner les éléments de contenu qui mériteront un regard plus approfondi au cours des prochaines années.

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Utilisation de vignettes cliniques et comparaison des cotes obtenues entre différents évaluateurs

Afin de s’assurer que la pondération était suffisamment claire pour permettre à différents évaluateurs d’obtenir une cote identique concernant un cas donné, plus d’une dizaine de vignettes cliniques ont été conçues. Chacune de ces vignettes devait provenir d’une situation réelle, ne pas être un amalgame de plusieurs cas et être dénominalisée afin de protéger l’anonymat. Le processus de validation de la Grille à l’aide des vignettes cliniques consistait à réunir au moins 10 intervenants déjà formés à son utilisation. Puis, les consignes de l’exercice étaient présentées de la manière suivante : Bien que ce cas clinique soit tiré d’une situation réelle, cet exercice est fictif et sort

donc du contexte d’intervention; le but visé est de coter chacun des 7 critères, puis de déterminer une cote finale;

Ne cotez qu’à partir du texte de la vignette, du discours du client ou de faits observables;

Pour déterminer votre cote, référez-vous à la pondération;

Il est possible d’inscrire votre X entre 2 cases, sauf à l’estimation finale. En discussion plénière, l’animateur questionnait les évaluateurs sur les éléments ayant guidé leurs choix, puis il comptabilisait les cotes de chacun des critères ainsi que l’estimation finale. Lorsqu’une divergence significative entre vert-jaune et orange-rouge était observée au sein des membres du groupe, cela indiquait la nécessité d’ajuster les consignes d’utilisation de la Grille ou de préciser les renseignements contenus dans la vignette. Cette démarche rigoureuse et systématique a résulté en une amélioration significative de l’instrument, de sorte qu’il est désormais possible pour plusieurs intervenants différents de parvenir à la même estimation finale. À ce titre, la Grille soutient le développement d’un langage commun, le travail en collaboration et le partage du risque, lesquels sont des pratiques exemplaires en prévention du suicide.

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Grille d’estimation de la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire Planification du suicide

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Tentative de suicide en cours Préparatifs en vue de passer à l’acte Moyens accessibles pour se suicider ou tuer quelqu’un d’autre Planification pour se suicider ou tuer quelqu’un d’autre (moyen connu) Idées suicidaires (se suicider ou tuer quelqu’un d’autre) Avoir exprimé l’intention de mourir

Au Québec, les intervenants ont appris depuis plusieurs années à évaluer l’urgence suicidaire en posant des questions liées au COQ (comment, où, quand) et à l’accessibilité d’un moyen pour se suicider. Bien que la présence d’un plan défini soit associée à un risque accru de passage à l’acte, son absence ne doit pourtant pas être interprétée comme un indicateur d’une faible dangerosité. En effet, la planification d’un geste suicidaire peut s’effectuer en quelques minutes et plusieurs tentatives de suicide sont réalisées sans aucune planification (Dube, Kurt, Bair, Theobald et Williams, 2010; Jeon et al., 2010; Hall, Platt et Hall, 1999; Houle, 2005). Par exemple, une étude auprès de 100 patients ayant commis une tentative de suicide sévère indique que seulement 14 d’entre eux avaient planifié leur geste (Hall et al., 1999). Dans une étude québécoise réalisée auprès de 40 hommes admis à l’urgence après une tentative de suicide, 29 (73 %) rapportent avoir agi sous l’impulsion du moment et seulement 4 (10 %) ont choisi sciemment le moment de leur tentative (Houle, 2005). Face à une personne suicidaire, il est essentiel d’investiguer rapidement l’imminence du passage à l’acte. D’abord, il est impératif de vérifier si une tentative est en cours, auquel cas des secours doivent être offerts. Deuxièmement, il convient d’aborder l’intention suicidaire au début de l’exploration des critères d’estimation, tout en créant une bonne alliance thérapeutique. La vérification des préparatifs (ex. : achat du moyen, lettre, testament) représente aussi un élément important puisqu’ils peuvent être un indice comportemental de l’intention suicidaire. Cependant, il est important de poursuivre l’estimation en l’absence de ces indices, car une personne qui présente plusieurs facteurs de risque et peu de facteurs de protection pourrait être en danger en dépit d’une planification inexistante.

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Tentative de suicide

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Historique de tentatives de suicide Ambivalence à propos de vivre ou mourir

La tentative de suicide antérieure est le facteur de risque le plus important du décès par suicide (Brown, Beck, Steer et Grisham, 2000; Yoshimasu, Kiyohara et Miyashita, 2008). Une recension de 90 études longitudinales révèle que 15 % des personnes qui ont fait une tentative en commettront une autre dans l’année suivante (Owens, Horrocks et House, 2002). Le taux de décès par suicide chez cette population varie de 0,5 % à 2 % au cours de la première année et est supérieur à 5 % après neuf ans (Owens et al., 2002). Dans la première année suivant la tentative, le taux de suicide serait de 50 à 100 fois plus élevé que celui que l’on retrouve dans la population générale. Les premières semaines suivant le congé de l’urgence sont particulièrement à risque pour les récidives. Dans une étude réalisée en Angleterre, la dernière visite à l’urgence pour tentative de suicide s’était produite peu de temps avant le décès (médiane de 38 jours) (Gairin, House et Owen, 2003). Selon des données irlandaises, 45 % des récidives se produisent dans les trois premiers mois suivant la tentative de suicide (Perry et al., 2012). Dans une étude suédoise, tous les suicides ont été commis moins de quatre mois après le congé de l’hôpital à la suite de la tentative (Cedereke et Öjehagen, 2005). Au Royaume-Uni, 11 % des personnes qui ont fait une tentative de suicide, mais qui n’ont pas eu d’évaluation psychosociale à l’hôpital avant leur congé, ont récidivé dans les 100 jours, comparativement à 6 % des personnes qui ont été évaluées (Bergen, Hawton, Waters, Cooper et Kapur, 2010). En outre, plus une personne a commis de tentatives de suicide dans le passé, plus ses risques de récidiver rapidement sont élevés (Perry et al., 2012; Bergen et al., 2010) et plus la probabilité qu’elle meure par suicide est grande (Zahl et Hawton, 2004). Pour le National Suicide Prevention Lifeline (NSPL, 2007), la capacité à se donner la mort demeure un enjeu central dans le passage à l’acte suicidaire. Le fait qu’une personne ait déjà tenté de se suicider indique que ce geste fait partie de son répertoire de solutions et augmente sa capacité à le répéter dans un contexte similaire. Lorsque la tentative de suicide est devenue une stratégie privilégiée pour mettre fin à sa souffrance, la personne devient moins capable d’utiliser d’autres stratégies plus adaptées et moins dangereuses (Rudd, Mandrusiak et Joiner, 2006). La peur et la perspective de ressentir de la douleur physique protègent parfois du geste. Lorsqu’une personne fait une tentative, elle a pu apprivoiser et dépasser cette peur, ce qui la rend plus vulnérable. Une personne qui a pris des précautions pour éviter d’être secourue au moment de la tentative de suicide, de même qu’une personne qui est déçue ou fâchée d’être encore en vie est plus à risque de récidive et de décès par suicide (Wenzel et al., 2011). Dans l’intervention, il est nécessaire de vérifier si la personne qui vient de faire une tentative de suicide est heureuse d’être en vie ou si son désir de mourir est encore présent. Lorsqu’une personne a commis plusieurs tentatives de suicide antérieures, il importe d’explorer la plus récente ainsi

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que la plus sévère. Cela peut permettre de déceler des similitudes entre le contexte des passages à l’acte précédents et la situation actuelle (Shea, 2002). Plusieurs experts québécois observent des lacunes importantes en ce qui concerne la prise en charge et le suivi des personnes se présentant à l’urgence à la suite d’une tentative de suicide (Lessard, Trickey et Perron, 2002; Gagné et al., 2004; Potvin, 2004). Une étude exploratoire réalisée par la Direction de santé publique de Montréal montre que près du tiers des personnes admises à l’urgence à la suite d’une tentative ont obtenu leur congé sans avoir été dirigées vers un autre professionnel pour un suivi, et qu’une proportion similaire devaient téléphoner elles-mêmes à une ressource pour obtenir un rendez-vous (Houle et Poulin, 2009). Pourtant, l’état de désorganisation associé à la tentative de suicide requiert une vigilance accrue pour au moins huit semaines, le temps habituellement nécessaire pour que les mécanismes d’adaptation favorisent un retour à l’état d’équilibre.

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Capacité à espérer un changement

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Désespoir Souffrance psychologique Sentiment d’impasse Impuissance Avoir été touché par le suicide de quelqu’un d’autre Ambivalence à propos de vivre ou mourir Planification pour l’avenir Sentiment d’utilité Valeurs ou croyances bien ancrées

Le désespoir joue un rôle central dans la détresse suicidaire (Acosta et al., 2012; Klonsky, Kotov, Bakst, Rabinowitz et Bromet, 2012; Kuo, Gallo et Eaton, 2004; McMillan, Gilbody, Beresford et Neilly, 2007). On associe spontanément le désespoir avec la dépression, mais il ne lui est ni exclusif, ni équivalent (Duhamel, 2007). Selon Chiles et Strosahl (2005), l’idée du suicide se construit quand la douleur est jugée intolérable, interminable et inévitable. Pour Mann, Waternaux, Hass et Malone (1999), les personnes décédées par suicide se distinguent non pas par leur diagnostic, mais par la présence d’un grand désespoir. Les personnes suicidaires ont une vision défaitiste de l’avenir et portent un regard pessimiste sur les possibilités d’amélioration de leur situation actuelle (Chiles et Strosahl, 2005; Weishaar et Beck, 2003). Les tentatives infructueuses de se sortir d’une situation douloureuse entraînent progressivement un sentiment d’impasse. Le suicide apparaît alors comme la seule option possible (Maltsberger et Weinberg, 2005). Un autre aspect important concerne la notion de souffrance. Avec la détresse, l’intention de mourir émerge, le désespoir s’installe (Rudd, Joiner et Rajab, 2001) et la souffrance s’intensifie au fur et à mesure que le suicide est perçu comme la seule option. Shneidman (1998) parle aussi de douleur psychologique, la décrivant comme le sentiment d’être sans valeur, intensément honteux. On peut donc résumer l’expérience subjective de la personne suicidaire par la présence d’une douleur psychologique intense accompagnée d’un sentiment d’impasse, ce qui lui donne l’impression de se sentir piégée, sans espoir de s’en sortir. La personne suicidaire est susceptible de vivre un débat intérieur entre ses raisons de vivre et ses raisons de mourir (Harris, McLean, Sheffield et Jobes, 2010). Le fait d’avoir peu de raisons de vivre accroît la vulnérabilité aux idéations suicidaires (Britton et al., 2008; Zhang, Law et Yip, 2011) et au passage à l’acte suicidaire (Edelstein et al., 2009; Lizardi et al., 2007). Le fait d’avoir un projet, un sens du devoir ou une mission à réaliser protège contre le suicide. Au moment de la demande d’aide, la personne peut avoir perdu contact avec ses ressources et ce qui l’a gardée en vie jusqu’ici. Une bonne partie de l’intervention doit être consacrée à vérifier le poids et la force de ce qui maintient la personne en vie, mais surtout à faire grandir cette partie d’elle qui veut vivre.

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Usage de substances

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Actuellement intoxiqué Abus de substances

La relation entre les troubles liés à la consommation d’une substance et le suicide est très bien établie dans la littérature scientifique (Pompilil et al., 2012; Vijayakumar, Jumar et Vijayakumar, 2011; Wilcox, Conner et Caine, 2004). À titre d’exemple, le « taux annuel de suicide chez les alcooliques est d’environ 140 pour 100 000, alors qu’il est de 70 pour la population avec un diagnostic psychiatrique sans alcoolisme » (Elineau, 2008). Le risque de décès par suicide est 14 fois supérieur à celui de la population générale chez les consommateurs d’opiacés et 17 fois supérieur chez les polytoxicomanes. Les personnes qui consomment à la fois des drogues illicites et des sédatifs (somnifères) présenteraient un risque de suicide 40 fois plus élevé que la population générale (Delile, 2009, p. 58-59). Les études par autopsies psychologiques indiquent notamment que de 19 % à 63 % des personnes qui se sont enlevé la vie avaient un problème d’abus ou de dépendance à une substance psychoactive au moment du décès (Schneider, 2009). Selon l’Observatoire montréalais sur le suicide (déc. 2010), la cocaïne et l’alcool sont les deux produits les plus souvent décelés dans les décès par suicide. De plus, l’étude des dossiers du coroner révélait qu’une personne sur deux avait consommé de l’alcool avant de se suicider. Malgré ces évidences, il existe peu d’écrits établissant les liens précis entre les substances psychoactives et les conduites suicidaires. Une étude en cours au Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD) nous permettra bientôt de mieux les comprendre. Selon cette recherche, le nombre de substances aurait une plus grande incidence sur le risque suicidaire que le type de produit. En attendant, le relevé de littérature effectué par Duhamel (2007) met en lumière l’état des connaissances sur le sujet, le texte complet se retrouvant dans le cahier Toxicomanie et phénomènes suicidaires : Savoir pour mieux intervenir. Les substances psychoactives et les dangers de l’intoxication aiguë

Tous les produits dans la classe des dépresseurs du système nerveux central peuvent causer des intoxications aiguës qui ont le potentiel de causer la mort, comme l’alcool, les benzodiazépines, les barbituriques et le gammahydroxybutyrate de sodium (GHB). Certains produits utilisés de façon concomitante potentialisent les effets dépresseurs du système nerveux central, notamment sur le plan respiratoire (Léonard et Ben Amar, 2002). Faisant partie de la classe des analgésiques narcotiques, les opioïdes entraînent eux aussi des effets sur le système nerveux central, notamment sur la respiration.

Pour les stimulants du système nerveux central, tels que la cocaïne et les amphétamines, l’intoxication aiguë peut entraîner un arrêt cardiaque. En outre, la descente rapide de

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l’euphorie causée par cette consommation peut induire temporairement une dépression de l’humeur, plaçant le consommateur dans un désespoir qui augmente le danger de passage à l’acte suicidaire. Les intervenants doivent prêter une attention particulière à l’état dépressif (down) suivant la consommation de stimulants, à une dégradation dans le profil (pattern) de consommation et à la rechute qui peuvent augmenter le danger. Une meilleure connaissance de l’effet des substances peut aussi prévenir des décès par overdose. En présence d’une intoxication aiguë ou d’une interaction dangereuse, il est impératif que des soins médicaux soient offerts. Les trajectoires de vie sont remplies d’adversité et de moments critiques à surveiller Dans le parcours des personnes dépendantes, l’expérience clinique permet de constater qu’il est très fréquent d’observer de l’isolement, de la honte et de la culpabilité liés à leur conduite. Dans la trajectoire de cette population, la recherche d’aide est un moment où l’espoir est permis. L’échec des tentatives de traitement peut induire un grand désespoir. Il en est de même avec la rechute, notamment lorsque celle-ci fait perdre des acquis (ex. : perte de son travail, rupture d’un lien significatif). Les chercheurs suggèrent que les toxicomanes auraient une manière de faire face au désespoir qui leur serait spécifique : dès son apparition, ils commencent à consommer. Le désespoir étant reconnu, mais immédiatement évacué, il est donc susceptible de réapparaître rapidement (Duhamel, 2007). Les toxicomanes qui amorcent un traitement vont perdre l’effet « protecteur » de la consommation. Ils peuvent alors ressentir douleur et désespoir de façon plus intense. Les intervenants qui travaillent auprès de la clientèle toxicomane doivent vérifier systématiquement les idées de suicide à l’évaluation, en cours de suivi et à la fin d’un traitement. En effet, ce n’est pas parce le tableau de consommation s’est amélioré que la personne n’est plus en danger. Également, il importe d’être vigilant à la fin d’une cure fermée car, en sortant d’un milieu protégé, la personne perd un encadrement qui la soutenait. Pour les intervenants qui travaillent avec tout type de clientèle, il faut vérifier plus systématiquement l’effet de la consommation sur les idées suicidaires. On augmente la probabilité d’obtenir des réponses plus justes en normalisant le fait de consommer pour engourdir la souffrance. Il ne s’agit pas ici de faire une évaluation de la gravité de la toxicomanie, mais plutôt de vérifier l’incidence de la consommation sur la probabilité d’un passage à l’acte suicidaire. À cet effet, l’usage de substances et la capacité à se contrôler doivent souvent être considérés simultanément.

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Capacité à se contrôler

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Perte de contact avec la réalité Agitation importante et rage Historique ou manifestation actuelle de violence envers autrui Changement d’humeur soudain et draconien Augmentation du niveau d’anxiété

La littérature scientifique démontre clairement un lien entre l’impulsivité, l’agressivité et le suicide (Dumais et al., 2005; Gvion et Apter, 2011; Turecki, 2005; Wu et al., 2009). Lors d’une crise aiguë assortie d’une intentionnalité élevée, la personne présente souvent une agitation importante qui témoigne d’un contrôle interne plus faible (Joiner, 2005). Il en serait de même avec les personnes aux prises avec une maladie mentale sévère et persistante, telle la schizophrénie (Hor et Taylor, 2010). La perte de contact avec la réalité, particulièrement en présence de voix mandatoires et impératives disant de se tuer ou de tuer quelqu’un, affaiblit gravement la capacité de la personne à se protéger d’un passage à l’acte. L’impulsivité augmente particulièrement le risque de suicide chez les jeunes adultes et les adolescents (Gorlyn, 2005; McGirr et al., 2008; Parellada et al., 2008). Les comparaisons selon le genre suggèrent que l’impulsivité serait davantage corrélée aux manifestations suicidaires des garçons que des filles (Chagnon, Houle et Renaud, 2002). Le caractère parfois impulsif des gestes suicidaires ne signifie pourtant pas qu’ils ne puissent être évités. Afin de juger de la présence d’agressivité, l’échelle d’observation des comportements agressifs (Kaision, Camus et Cossy, 2001) propose l’analyse de quatre dimensions :

1. Agressions verbales (crier, insulter, menacer d’agir avec violence…);

2. Agressions envers les objets (claquer la porte, frapper, lancer ou casser des objets…);

3. Autoagressions physiques (se griffer, se frapper, se cogner, se couper, s’automutiler…);

4. Hétéroagressivité physique (bousculer, frapper, donner des coups, attaquer…).

L’intervenant doit poser un jugement clinique en fonction de l’état actuel au moment de l’entretien, mais aussi tenir compte des gestes antérieurs où la personne rapporte que, malgré son désir de se contrôler, elle n’a pas été en mesure de le faire. La perte de contrôle peut survenir lorsqu’elle ressent des émotions intenses et envahissantes (colère, peur…), en raison d’une agitation importante ou parce que son état mental se trouve altéré par l’alcool ou les drogues.

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Il est également utile de demander à la personne d’évaluer sa capacité à contenir son envie de passer à l’acte. Le contrôle est une variable subjective tout comme la douleur physique. Dans ce contexte, une question d’échelle de 1 à 10 peut permettre de vérifier à quel point la personne perçoit qu’elle aura la capacité de se contrôler face à un geste suicidaire, tout en cherchant avec elle ce qui peut être mis en place pour augmenter son contrôle.

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Présence de proches

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Sentiment d’isolement intolérable Perception d’être un fardeau pour les autres Réseau de soutien social Soutien dans l’immédiat

La disponibilité de soutien social dans l’entourage, de même que le sentiment d’être connecté à autrui sont des facteurs de protection importants des tentatives de suicide et des suicides complétés (Czyz, Liu et King, 2012; Fässberg et al., 2012; Houle, Mishara et Chagnon, 2005; Poudel-Tandukar et al., 2011; You, Van Orden et Conner, 2011). Les personnes qui vivent seules présentent un risque plus élevé de décès par suicide (Kan, Ho, Dong et Dunn, 2007; Silventoinen, Moustgaard, Peltonen et Martikainen, 2012; Sinclair, Harriss, Baldwin et King, 2005). D’ailleurs, les personnes qui s’enlèvent la vie étaient la plupart du temps seules lorsqu’elles sont passées à l’acte (Bureau du coroner, 2003). Les personnes suicidaires se perçoivent souvent comme étant inadéquates et ont le sentiment d’être un fardeau pour leur entourage (Stellrecht et al., 2006). Elles peuvent également développer une hypersensibilité au regard des autres, ressentir un sentiment intense de honte, ce qui les amène à s’isoler socialement. Elles ont l’impression que cet état est permanent et la solitude devient alors intolérable. Les proches (famille, amis, collègues, connaissances) constituent de précieux alliés en prévention du suicide. Ils sont des raisons de vivre, des intermédiaires souvent essentiels entre la personne en détresse et les services d’aide, ainsi qu’une source de soutien déterminante (Mishara et Houle, 2008). Concrètement, les proches peuvent sécuriser l’environnement (ex. : retirer l’arme à feu ou la corde), superviser la prise de la médication, accompagner à un rendez-vous médical, divertir la personne, lui donner le sentiment qu’elle est importante, etc. Dans l’accomplissement de leur rôle, les proches ont besoin d’éducation, d’information, de soutien et d’être impliqués dans les interventions et les suivis (Beautrais, 2004). Par des interventions appropriées, il est possible de diminuer la détresse des proches, d’améliorer leurs stratégies d’adaptation et de faire en sorte qu’ils communiquent de façon plus aidante avec la personne suicidaire, ce qui est susceptible de contribuer à prévenir les passages à l’acte suicidaire (Mishara, Houle et Lavoie, 2005).

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Capacité à prendre soin de soi

Variables du NSPL (2007) liées au critère

Manque de sommeil Engagement avec l’intervenant

Parmi les symptômes les plus souvent observés peu de temps avant un décès par suicide, plusieurs experts mentionnent les symptômes neuro-végétatifs, tels qu’un dérèglement du sommeil, de l’appétit et du niveau d’énergie (McGirr et al., 2007; Cavanagh, Carson, Sharpe et Lawrie, 2003; Sabo, Reynolds, Kupfer et Berman, 1990). Par conséquent, on devrait prêter une attention particulière aux personnes qui vivent de l’insomnie ou de l’hypersomnie, une perte d’appétit, un manque d’énergie ou un désinvestissement des activités courantes. Ces changements contribuent à l’aggravation du risque de suicide en altérant le jugement, la capacité à envisager des solutions et à s’engager dans des activités qui pourraient améliorer l’état général. L’adhésion au traitement (pharmacologique ou psychothérapeutique) est un facteur déterminant du rétablissement des personnes atteintes de troubles mentaux (Akerblad, Bengtsson, von Knorring et Ekselius, 2006; Lesage, Bernèche et Bordeleau, 2010), tout comme l’alliance thérapeutique (De Bolle, Johnson et De Fruyt, 2010; Garcia-Ribera et Bulbena, 2011; Gaudiano et Miller, 2006). Il est nécessaire d’amener les personnes à risque de suicide à accepter l’aide requise pour assurer leur sécurité, ainsi que les soins appropriés à leur condition. Plus une personne présente une symptomatologie sévère, moins elle a d’énergie pour prendre soin d’elle et de capacité à se mobiliser dans l’action. Le défi consiste pour l’intervenant à adapter ses décisions au niveau de sévérité des symptômes.

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Estimation finale

Afin de prendre des décisions adaptées au danger réel de passage à l’acte, un certain consensus se dégage au sujet d’estimer de façon simultanée la planification suicidaire, et la présence de facteurs associés au suicide et de facteurs de protection (Lane et al., 2010). Cette estimation s’avère plus précise à la suite de l’investigation des sept critères de la Grille et doit toujours s’inscrire à l’intérieur d’une structure d’intervention globale. En regard des bonnes pratiques en prévention du suicide, il est possible de juger du niveau de dangerosité à l’issue de ces étapes cruciales :

Explorer les critères d’estimation de la dangerosité;

Travailler l’ambivalence et le repositionnement;

Convenir d’un plan d’action. Avant l’étape de l’estimation finale, il faut donc déterminer ce que la personne est capable de faire pour :

raviver ou préserver la partie d’elle-même qui veut vivre;

se protéger face à ses idées suicidaires;

réaliser le plus petit pas à faire pour rester en vie. En tenant compte de ces éléments, une cote est déterminée selon quatre niveaux de dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire : Cette décision oriente les actions à mettre en place pour assurer la sécurité de la personne en considérant l’application des protocoles et lois en vigueur, dont la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (L.R.Q., chapitre P-38.001), ainsi que pour faciliter l’accès aux services et suivis requis.

Absence d’indice

de danger

Indices de danger (faible)

Danger grave à

court terme

Danger grave et

imminent

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Vue d’ensemble

Créée par Suicide Action Montréal et le Centre Dollard Cormier – Institut universitaire sur les dépendances, la Grille formalise, à l’intérieur d’un même outil, les éléments liés à la planification du suicide, ainsi qu’aux facteurs de risque et de protection. Elle vise à soutenir le jugement clinique pour estimer la dangerosité d’un passage à l’acte suicidaire, cibler rapidement des leviers d’intervention incontournables et prendre des décisions. La synthèse des sept critères, liée au plan d’action convenu pour assurer la sécurité, permet de préciser l’estimation finale. La Grille ne s’applique qu’aux personnes de 14 ans et plus. Son utilisation s’inscrit à l’intérieur d’une alliance thérapeutique et ne doit en aucun cas être administrée comme un questionnaire. L’intervenant doit aider la personne suicidaire à retrouver l’espoir en même temps qu’il estime la dangerosité.

Peut être utilisée de façon

ponctuelle et en suivi. Permet une lecture rapide

et dynamique des éléments de danger et de protection.

Offre une attention

particulière aux troubles mentaux et à l’abus de substances.

Favorise le recours à des

leviers d’intervention et permet de mesurer l’effet immédiat sur la personne.

Oriente les actions à poser

en facilitant la création de protocoles harmonisés pour assurer la sécurité (en cohérence avec le projet de loi P-38).

© Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances et Suicide Action Montréal

La Grille est indissociable de la pondération qui précise les variables permettant de coter. Dispensée par les formateurs accrédités par l’Association québécoise de prévention du suicide, la formation Intervenir auprès de la personne suicidaire à l’aide des bonnes pratiques est nécessaire pour l’utiliser de façon appropriée.

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Conclusion Un travail de collaboration

Plusieurs années de partenariat soutenu ont mené à la création de la Grille et de la pondération, mais aussi au développement d’outils complémentaires qui facilitent son utilisation. Suicide Action Montréal (SAM) a répertorié des questions qui guident l’estimation, en cohérence avec l’approche orientée vers les solutions, puis a réalisé un protocole précisant la conduite à tenir pour assurer la sécurité. Le Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD) a personnalisé ce protocole en l’adaptant à sa structure de soins. Aujourd’hui, les employés et bénévoles de SAM et du CDC-IUD profitent de formations et de supervision clinique qui leur permettent d’utiliser quotidiennement l’ensemble de ces outils. Afin de rester « vivant », tout instrument de travail doit être révisé régulièrement pour s’enrichir de données appuyées par les connaissances scientifiques et les savoirs d’expérience. Dans cet esprit, un comité de suivi est actuellement en place pour apporter les ajustements permettant aux intervenants de prendre de meilleures décisions, d’offrir des services en intensité suffisante et de prêter attention à ce qui peut vraiment faire une différence pour la personne suicidaire et son entourage. Des partenaires pour prévenir le suicide

Conscients des défis liés aux problèmes de comorbidité, les organisations qui souhaitent atteindre une plus grande efficience ont avantage à créer des ponts entre les domaines traditionnels de la santé mentale, des dépendances et de la prévention du suicide. Le projet de déploiement de la Grille met également en lumière le besoin de nourrir une collaboration étroite entre la recherche et les milieux de pratique. Un avenir prometteur se dessine en une plus grande intégration des services et un partage continu de nos expertises respectives. De 1999 à 2008, les taux ajustés de suicide au Québec indiquent une diminution en moyenne de 4 % par année (Gagné et al., 2010), ce qui renforce l’idée qu’il est possible de prévenir le suicide. Avec la ferme volonté de poursuivre cette réduction des décès, les efforts investis par SAM et le CDC-IUD, de même que l’énergie déployée par tous les partenaires, en valent assurément la peine.

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Annexes : Diverses grilles d’évaluation en prévention du suicide

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