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Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie Architecture moléculaire Semestre 1 Chapitre 5 Page 1 La structure d’une molécule permet d’en expliquer en grande partie les propriétés chimiques. Ceci est particulièrement important dans le cas des molécules biologiques. Une légère modification de la structure d’une grosse biomolécule peut la rendre totalement inutile pour cette cellule. Elle peut même transformer une cellule normale en cellule cancéreuse. De nombreuses méthodes permettent de déterminer la structure d’une molécule, mais il est intéressant de pouvoir prédire la structure approximative d’une molécule. La théorie de Lewis et la règle de l’octet rendent compte du nombre de liaisons dans la molécule, mais pas de la géométrie, ni des angles de liaison, ni du magnétisme, ni des énergies de liaison. Les règles de Gillespie, basées sur la répulsion des paires électroniques de valence (RPEV), ou méthode VSEPR valence shell electrons pairs repulsion rendent compte, en plus de la géométrie et des angles de liaison, en se référant au modèle de Lewis de la liaison covalente. Elles permettent de prédire la forme géométrique de molécules à atome central A formées de non-métaux. I] Principe des règles de Gillespie Le principe est que les diverses paires électroniques de la couche de valence d’un atome central A se repoussent entre elles : la géométrie de l’édifice sera celle pour laquelle les répulsions seront minimales, c'est-à-dire celle engendrant des distances maximales entre les doublets. Rappel : il existe deux types de doublets électroniques de la couche de valence : Les paires liantes, qui constituent des liaisons chimiques. Les paires non liantes, qui sont dans la couche externe mais qui ne constituent pas de liaisons chimiques. Les molécules à atomes central A sont notées où m est le nombre d’atomes X liés à A n le nombre de doublets non liants E de la couche de valence de l’atome central A. Une double ou triple liaison est décomptée comme une simple liaison dans cette théorie : c’est donc le nombre de direction de liaisons prévues par Lewis qui fixe la valeur de m. On suppose que les doublets liants et non liants de la couche externe évoluent à une même distance du noyau de l’atome central A ; ils se déplacent donc à la surface d’une sphère dont le centre est l’atome A (comparaison avec le globe terrestre). Les doublets se repoussent mutuellement et se localisent dans des positions qui minimisent les répulsions, c'est-à-dire le plus loin possible les unes des autres. II] Figure de répulsion et géométrie Un doublet liant (l) est partagé entre deux atomes (liaison covalente ou covalente polarisée) ; les électrons sont localisés entre les noyaux des deux atomes ; ils occupent moins d’espace que dans un doublet non liant (nl). La répulsion entre paires électroniques diminue selon nl-nl/nl-l/l-l.

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Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 1

La structure d’une molécule permet d’en expliquer en grande partie les propriétés

chimiques. Ceci est particulièrement important dans le cas des molécules biologiques. Une légère

modification de la structure d’une grosse biomolécule peut la rendre totalement inutile pour cette

cellule. Elle peut même transformer une cellule normale en cellule cancéreuse.

De nombreuses méthodes permettent de déterminer la structure d’une molécule, mais il est

intéressant de pouvoir prédire la structure approximative d’une molécule.

La théorie de Lewis et la règle de l’octet rendent compte du nombre de liaisons dans la

molécule, mais pas de la géométrie, ni des angles de liaison, ni du magnétisme, ni des énergies de

liaison.

Les règles de Gillespie, basées sur la répulsion des paires électroniques de valence (RPEV), ou

méthode VSEPR – valence shell electrons pairs repulsion – rendent compte, en plus de la géométrie

et des angles de liaison, en se référant au modèle de Lewis de la liaison covalente. Elles permettent

de prédire la forme géométrique de molécules à atome central A formées de non-métaux.

I] Principe des règles de Gillespie

Le principe est que les diverses paires électroniques de la couche de valence d’un atome

central A se repoussent entre elles : la géométrie de l’édifice sera celle pour laquelle les répulsions

seront minimales, c'est-à-dire celle engendrant des distances maximales entre les doublets.

Rappel : il existe deux types de doublets électroniques de la couche de valence :

Les paires liantes, qui constituent des liaisons chimiques.

Les paires non liantes, qui sont dans la couche externe mais qui ne constituent pas de

liaisons chimiques.

Les molécules à atomes central A sont notées 𝐴𝑋𝑚𝐸𝑛

où m est le nombre d’atomes X liés à A

n le nombre de doublets non liants E de la couche de valence de l’atome central A.

Une double ou triple liaison est décomptée comme une simple liaison dans cette théorie :

c’est donc le nombre de direction de liaisons prévues par Lewis qui fixe la valeur de m.

On suppose que les doublets liants et non liants de la couche externe évoluent à une même

distance du noyau de l’atome central A ; ils se déplacent donc à la surface d’une sphère dont le

centre est l’atome A (comparaison avec le globe terrestre).

Les doublets se repoussent mutuellement et se localisent dans des positions qui minimisent

les répulsions, c'est-à-dire le plus loin possible les unes des autres.

II] Figure de répulsion et géométrie

Un doublet liant (l) est partagé entre deux atomes (liaison covalente ou covalente polarisée) ;

les électrons sont localisés entre les noyaux des deux atomes ; ils occupent moins d’espace que dans

un doublet non liant (nl).

La répulsion entre paires électroniques diminue selon nl-nl/nl-l/l-l.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 2

II-/ Type AX2, linéaire

II-/ Type AX3, triangle équilatéral

A/ AX3

Molécule triangulaire plane.

Si les trois atomes X sont identiques, les angles de liaison sont égaux.

Sinon, l’angle entre les liaisons peut évoluer en fonction de la multiplicité et de la longueur

des liaisons, et en fonction de l’électronégativité des atomes.

Exemple :

Une double ou une triple liaison a un effet de répulsion bien plus important qu’une liaison

simple, à cause de l’encombrement plus important de la liaison multiple les angles entre les

liaisons simples diminuent.

D’autres facteurs d’évolution de l’angle interviennent pour COCL2 :

Les doublets non liants de Cl se repoussent ouverture de l’angle ClCCl

𝑑𝐶𝑙−𝐶𝑙 > 𝑑𝐶=𝑂 et 𝑒. 𝑛.𝐶𝑙 > 𝑒. 𝑛𝐶 ⟹ fermeture de l’angle ClCCl

On voit la difficulté de prévision de l’évolution des angles de liaison !

B/ AX2E

Dans un triangle équilatéral, les sommets sont équivalents : la localisation des doublets liants

ou non-liants est indifférente. Pour passer de AX3 à AX2E, on peut enlever n’importe quel atome X.

On obtient une molécule coudée si l’on observe uniquement des liaisons qui s’établissent.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 3

L’angle XAX devient inférieur à 120° en raison de la présence du doublet non-liant sur A qui a

un effet répulsif plus important qu’on doublet liant.

II-/ type AX4, tétraèdre

A/ AX4

Les atomes X sont aux sommets d’une pyramide à base triangulaire ou tétraèdre. L’atome A

se situe au centre de ce tétraèdre.

Les 4 atomes X ont des positions équivalentes.

B/ AX3E

Dans un tétraèdre, les sommets sont équivalents : la localisation des doublets liants ou non

liants est équivalente dans toutes les directions.

En supposant le doublet non-liant en position verticale, on obtient un tétraèdre ou pyramide

à base triangulaire :

C/ AX2E2

En supposant le doublet non liant en position verticale et l’autre dirigé vers l’arrière, on

obtient une molécule dite « en V ».

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 4

Exemple : H20 𝛼 = 104,5°

II-/ Type AX5, bipyramide à base triangulaire ou trigonale

A/ AX5

Les 5 positions des atomes X ne sont pas équivalentes :

3 liaisons A-X sont dans un même plan, le plan équatorial (sur l’équateur), et font

entre elles des angles de 120°

2 liaisons A-X sont perpendiculaires au plan des 3 autres, en position axiale (pôles

nord et sud).

B/ AX4E

Dans une bipyramide trigonale, les doublets non liants, plus répulsifs que les liants, se

placent de façon à assurer l’angle le plus grand possible avec les directions adjacentes, donc en

position équatoriale. 𝛼 < 120° .

C/ AX3E2 et AX2E3

Les 2ème et 3ème doublets non liants se placent en position équatoriale.

On obtient respectivement des molécules « en T » et linéaire.

Exemple 𝐼3− : La représentation c) est la plus probable car les doublets non-liants sont en

position de répulsion minimale.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 5

II-/ Type AX6, octaèdre ou bipyramide à base carrée

A/ AX6

Les 6 atomes X ont des positions équivalentes, les liaisons A-X

font un angle de 90° ou 180° avec les autres.

B/ AX5E

Les sommets étant équivalents, le doublet non-liant se place n’importe où.

C/ AX4E2

Le deuxième doublet non-liant se place le plus loin possible du premier, donc

diamétralement opposé.

La molécule est dite « plan-carré » et les 4 atomes X ont des positions parfaitement

équivalentes.

Exemple XeF4 : deux possibilités pour placer les doublets non liants : a) et b). la

représentation b) est plus probable car les doublets non-liants sont en position de répulsion

minimale. On obtient une structure plan-carré si l’on ne regarde que la représentation des liaisons.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 6

D/ AX3E3

Le 3ème doublet non-liant se place à 90° des deux autres, qui sont diamétralement opposés (2

nl en axial + un nl en équatorial ou 2 nl en équatorial + un nl en axial).

On obtient une molécule « en T ».

E/ AX2E4

Le 4ème doublet non-liant va se placer le plus loin possible des autres doublets non liants : on

obtient une molécule linéaire.

III] Evolution des angles de liaison

Si les groupes liés à l’atome central sont de natures différentes, ou si des doublets non-liants

sont attachés à l’atome central, les environnements électroniques sont déformés par rapport aux

structures symétriques.

Les angles de liaison XAX dans les structures AX3, AX4, AX5, AX6 peuvent alors augmenter ou

diminuer.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 7

III-/ Influence d’un doublet non-liant

On a déjà vu qu’un doublet liant (l) occupe moins d’espace qu’un doublet non liant (nl) et

que la répulsion entre paires électroniques diminue selon nl-nl / nl-l / l-l.

La présence d’un doublet non liant entraîne donc une diminution des angles de liaison en

raison de la diminution de l’espace disponible pour les paires liantes.

III-/ Taille de l’atome

Pour les structures de type AX3 ou AX4 plus l’atome central A est gros (tous facteurs égaux

par ailleurs), plus la longueur de la liaison AX augmente et plus l’angle de liaison diminue en raison

de la diminution de la répulsion entre atomes X (ce qui suppose évidemment que l’on ait au moins un

doublet non-liant).

III-/ Influence de la différence d’électronégativité

Pour les structures type AX3 ou AX4 :

Pour un atome A donné, plus X est électronégatif, plus l’angle de liaison diminue.

En effet, X attire le nuage électronique vers lui, donc vers l’extérieur de la molécule ;

l’encombrement électronique diminue au niveau de A. la répulsion entre les paires liantes diminue et

l’angle de liaison également.

Exemple : H2O et F2O

𝑒. 𝑛.𝐹 > 𝑒. 𝑛.𝐻. Donc diminue de H2O à F2O.

F plus gros que H : 𝑑𝑂−𝐹 > 𝑑𝑂−𝐻. Donc diminue, malgré la répulsion entre paires non-

liantes de F qui aurait tendance à augmenter .

Pour un atome X donné, plus A est électronégatif, plus l’angle de liaison augmente.

En effet, A attire le nuage électronique vers lui, donc vers l’intérieur de la molécule ;

l’encombrement électronique augmente au niveau de A. la répulsion entre les paires liantes

augmente et l’angle de liaison également.

Exemple : H2O et H2S

𝑒. 𝑛.𝑂 > 𝑒. 𝑛.𝑆 : le doublet dans OH est plus près de O que de S dans SH. Donc diminue de

H2O à H2S.

O plus petit que S : 𝑑𝑂−𝐻 < 𝑑𝑆−𝐻. Donc diminue de H2O à H2S.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 8

Les doublets liants se repoussent plus dans H2O que dans H2S HSH < HOH < 109°28’

III-/ Influence des liaisons multiples

Quand il y a une double ou une triple liaison, l’effet de répulsion est plus important qu’avec

une liaison simple, à cause de l’encombrement plus important de ces liaisons : les angles des autres

liaisons diminuent.

IV] Molécules à plusieurs atomes centraux

En découpant, de façon fictive, une molécule à plusieurs atomes centraux en plusieurs

molécules à un atome central, on peut appliquer la théorie de Gillespie et prévoir la forme de ces

molécules.

Géométrie des molécules / Théorie de Gillespie

Architecture moléculaire – Semestre 1 – Chapitre 5 Page 9