ghada zgolli cours

13/04/23 hatchuel/gdo/3 1

Chap 3

Epistémologie de l’action

Armand Hatchuel, cours Epistemologie et méthodes qualitatives, DEA GDO-MOPP, nanterre


Préalables : l’action comme opérateur universel

1) La naissance de l’action : le « sujet autonome». •L’action dans les sociétés premières : le mythe de l ’éternel retour

•L’action dans les sociétes antiques : la naissance de la raison ; la réduction en art

•La renaissance et l’action efficace : naissance de la science occidentale

•Les lumières : l’action du sujet autonome

2) L’action transformatrice• L’action politique : rapports de force et/ou adhésion

• L’action de l’entrepreneur : une action subversive

• Max weber et la rationalisation des sociétés

3) Les théories de l’action rationnelle et les sciences de gestion

4) Epistémologie de l’action et théorie de l’action concevable : subjectivations et rationalisations


Prealables : l’action comme opérateur universel

• L’observation : une métaphore à transformer en concept universel : conditionnement réciproque

• L’action une notion abstraite devenue inévitable : universel constitutionnel de la causalité . Peut-on s’en passer ?

• Epistémologie = pas seulement ce qu’est action « bonne » mais comment s’opère la formation du concept ? Généalogie de l’action

• Formes syntaxiques du causalisme :

• action comme flux sans repères et sans sujet : Héraclite, Tao...

• Sujet (action), sans conséquences : art pour l’art...

• Sujet (action) monde (effet)…: conséquentialisme

• SujetA (action) SujetB (réception, réaction)…: conditionnement

• Sujet A (action) Sujet A : auto-intervention


1. La naissance de l’action


L’action dans les sociétés premières

• Action : rituels (le reste est « profane »)

• tout est symbole : rite pour lui même, maintient le sujet, le groupe et le monde

•seul le sacré est réel (Eliade)

• le mythe est le récit passé, présent et futur (au delà)

• sujet =collectif sous conditions

• pas de « temps », pas de « tradition »

• pas d’évènement : réminiscences

• pas de connaissance, mais une reconnaissance du monde : le conditionnement réciproque a eu lieu une fois pour toutes : révélation

Le mythe de l’éternel retour


L’action dans la société antique grecque• Les demi-dieux : entre mythe et raison (Vernant) : titans (demiurgoi)

• La cité est une oeuvre des dieux : acro-polis

• l’action est à la fois « logos » discours, « nomos » (règle,loi), « cairos »(occasion)

• Xénophon « Oikos nomos »

• naissance de la philosophie et de la réthorique

• praxis (sur la polis), poiesis (monde)

La Tradition de la Rome impériale• L’action est un nomos ordonnateur du monde :droit

• « la réduction en art »

• L’histoire est une mémoire volontaire de l’action : triomphe, « Res gestea »

• L’ ad-ministrum

• la connaissance est une techné


La Renaissance : l’action efficace

• Architecture, proportion et mesures L ’observation est guidée par le désir de se dépasser (Brunelleschi) ou de reproduire la nature : « la Perspective »

• l’action du marchand : un lien nouveau entre action et connaissance

• L’action des princes : Machiavel

• Découverte de l’action des forces invisibles : la pression atmosphérique


• kant : Autonomie de la volonté/réforme religieuse/code civil

• l’esprit des Lois 1748

• Le contrat social 1762

• L’Economie politique Smith 1776.

• Les mathématiques du vote (Condorcet) 1785.

• La connaissance s’organise en projet autonome et en disciplines : les académies royales de la Science

Les Lumières : l’action du sujet autonome


2. L’action transformatrice


L’action politique :

- L ’action comme « influence » sur les autres : deux modèles de conditionnement réciproque

• le rapport de forces

• le rapport d’adhésion» expression de la volonté du Peuple ( et/ou contestation de l’ordre établi) :

- Le retour du « sujet collectif »: Naissance d’un nouveau paradigme naturaliste : Hegel et la dialectique historique


• une nouvelle forme de l’action marchande :rapport d ’échange vs rapports de subordination/cooperation

• une histoire collective sans collectif de référence

• Risque, subversion, compétition (H.vérin)

• La recherche des connaissances necessaires

• l’entreprise : un monde où «observation » et action se renforcent mutuellement

L’action de l’entrepreneur

Rockefeller

Graham Bell

•«batisseurs d’empires»


L’action Scientifique

• les académies scientifiques env. 1650 ;

• La recherche technique : 1750.

• les laboratoires de recherche : pharmacie, chimie,…1830

• Claude Bernard «la méthode experimentale » (1867)

• Théorie des plans d’experience 1920


La croissance de l’action organisatrice

1830-1900

• les nouvelles administrations publiques : La Poste, la sécurité sociale, les impots

• Les hospices et hôpitaux

• Les armées coloniales

• les organismes internationaux


• des philosophies où l’action joue un rôle important mais selon des perspectives différentes :

•Le positivisme : Auguste Comte et Saint-Simon : le nouveau pouvoir spirituel : entrepreneurs, experts, savants…,

Le socialisme et le marxisme : L’action est celle du sujet opprimé et porteur d’histoire par ses luttes contre les nouveaux pouvoirs : patrons, juges,…

Le pragmatisme américain (1880) : Peirce, James, Dewey :

• L’action (l’experience) comme critère de la connaissance et de la vérité

• La croyance par le consensus des pairs

• Démocratie

La naissance des sciences sociales : économie, psychologie, sociologie, Gestion..


3. Les théories de l’action rationnelle :

quelle théorie pour les sciences de Gestion ?


Max Weber et la rationalisation du monde

moderne (1864-1920)

Une nouvelle théorie de l’action

• Traditionnelle

• Orientée par des valeurs

• Charismatique

• Rationalité fins-moyens

(zweckrationality)

Ancien monde « enchanté » est de moins en moins acceptable

Nouveau monde acceptable mais «désenchanté » ?


Les problèmes de l’approche weberienne• Les conditions de la rationalité fins-moyens ne sont pas discutées (calcul des chances) : connaissances necessaires pour établir les fins ? Les partager? Que faire quand elles evoluent ?

• Elle n’est pas perçue comme pouvant avoir une dimension mythique ou illusoire

• Comment les nouvelles organisations utilisent-elle la rationalité fins-moyens ? Pas de pensée de l’objet de gestion comme condition de la rationalité, de l’instrument ou de la machine

Weber a néanmoins raison : car progressivement les nouveaux managers et une large partie des sciences sociales vont se réclamer de cette rationalité : le paradigme de la décision (rational choice).


4. Une nouvelle critique :

De la théorie de l’action rationnelle à la théorie de l’action

concevable


• Rationalité limitée : H. Simon,

1947, Nobel 84

• Biais décisionnels observés

expérimentalement : Kahnemann and

Smith, Nobel 2002 :

Critique de la rationalité parfaite ou substantive

Critique de la bureaucratie

- Formes d’organisation : Mintzberg 1982

- Coordinations ?

- capacité d’adaptation ?


A) L’action rationnelle comme décision et sa critique

• aprés 1945, le paradigme de la décision rationnelle sert de paradigme à l’action rationnelle: il suffirait de bien choisir... Mais choisir quoi ?

• Les moyens: comment sont-ils connus, repérés, partagés ?

• Les fins : Qu’est-ce que décider sur les fins ? Une autre logique fins-moyens ? Comment choisir entre amputer et prendre le risque de la mort ? Est-ce un débat de moyens ou de fins ?

• Qui décide ? Pour qui ? Sur quelles bases ?

Organisation ? L’héritage fayol-taylor est réinterprété en théorie de l’Organisation où l’autorité et la stratégie sont fondées sur la rationalité des décisions : la bureaucratie


Les limites de la décision :

1) L’axiomatique de Savage pour la question de l’incertain

Espace {décisions Di}

{Ei} évènements aléatoires

Comment choisir entre des conséquences incertaines ?

La résolution de la décision suppose :

- Di parfaitement spécifiés

- Ei connus en probabilité

- indépendance Di/Ei : l’évènement ne modifie pas les décisions


Rationalité fins-moyens

Théorie de la décision

Économie mathématique et marchés parfaits

Algorithmique et organisations à contrôle central

Bases de connaissances et Intelligence artificielle

Feed back theory

(Cybernétique)

Théorie des systèmes

Théorie du chaos

Systèmes à agents intelligents (humains)

Choix

Apprentissage (reflexion)

action créatrice

2) Evolution des théories du choix rationnel


3) Évolution de la théorie de la Bureaucratie

Bureaucratie weberienne

Hiérarchie/ coordination

Staff/line

Divisions/ Matrices

R&D/Processus/ innovation

Ressources humaines

Agent économique

Agent qualifié/motivé

Agent créatif et historique

Collectifs créateurs ?


• L’action ne se réduit pas à une décision,

• Le sujet doit se construire comme sujet : il ne peut pas tout prendre en compte sur lui-même,

• Comment reconstruire une théorie de l’action et de la rationalité ?

•On va supposer que la rationalité fins-moyens est un mythe utile, mais que rien n’est donné :

• Théorie du choix rationnel à théorie de conception de l’action

• Rationalité limitée à rationalité expansible

Action concevable


1. L’action engage un processus de «mise en sujet», ou de «subjectification» (Foucault) : on retrouve la question de la «place» ; elle est par essence collective

2. L’action mobilise ou engage des processus de rationalisation :

Exemple : le marchand grec qui croit à Zeus ne veut pas tenir compte de l ’intervention divine quand il demande des gages !

Rationalisation = le sujet restreint, délimite, repère, un rapport sujet/monde ou un rapport sujet-sujet qu’il va prendre en compte = formation d’un objet de gestion

B) Epistémologie de l’action : une approche de l’action collective «concevable »


3. l’action engage un processus collectif de conditionnement réciproque donc de connaissance et de transformation

• L’action se rend elle-même possible en permettant par apprentissage l’évolution des rationalisations

• La rationalité ne précède pas l’action, elle peut en être l’idéal ou la conséquence (théorie des mythes rationnels)

le couple moyens-fins est un résultat possible et potentiel de ce processus collectif.


CONSEQUENCES : • L’action n’est pas en général l’adaptation des moyens aux fins (cas limite)

• L’action est un artefact collectif

• l’action (collective) est le processus par lequel un sujet/collectif peut « se concevoir » (se connaître, connaître le monde) comme sujet cherchant, seul ou avec d’autres, des « moyens » et des «fins».

•

•L’action est dépendante de l’épistémologie de l’observation

• l’observation est dépendante de l’épistémologie de l’action


• Est-ce un idéalisme de l’action ? Non, car rien n’impose que l ’on arrive à concevoir un triplet sujet-fins-moyens

• Est-ce un pragmatisme ? Non car le processus est autant le résultat des concepts d’action utilisés que des vérités disponibles de l’objet.

• C’est une théorie de l’action concevable

• donc « gérée », c’est à dire prise en charge,...: de la « res gestea » qui accomplit le sujet dans ses accomplissements...

• Elle n’est pas limitée en soi mais simplement localement, sinon elle est au contraire en expansion : nouvelles rationalisations, nouvelles subjectifications,


Thèse centrale : La recherche en Gestion a nécessairement pour cadre et horizon une théorie de l’action collective concevable (et non pas rationnelle ou sociale ou…).

• soit parce qu’elle veut comprendre les rationalisations et les subjectivations qui agissent dans les collectifs à étudier

• soit parce qu’elle doit se penser comme action transformatrice de collectifs

• soit parce qu’elle fait de l’action transformatrice, le mode de conditionnement/connaissance des systèmes humains


Exemple : que faire samedi soir ?

Aller au cinéma Organiser une petite fête sympa

• Comparer les deux épistémologies de l’action et de l’observation

Corollaire : imaginer la gestion d’une entreprise qui vous propose de vous aider à réaliser chacune de ces missions


IV. Epistemologie de l’action :

variété et génération des subjectivations et des rationalisations


L’action de l’artisan:

- subjectivations :

- métier (collectif)

- conditionnements / connaissances

- objets confinés

- apprentissages controlés

Objets de gestion, savoirs, règles de l’art, chef d’oeuvre

L ’expert et le système

Hatchuel et weil 1992 Economica


L’action du réparateur

• subjectivations :

• missions

• expériences/ situations

• conditionnements :

• domaine et moyens d’intervention

• raisonnements / stratégies

savoirs : enquête / inférence/ mémoire sélective

Objets de gestion : processus d’ observation / action


Exemple-limite : la parabole des explorateurs :• deux explorateurs se trouvent à l’orée d’un désert inconnu ; ils ne disposent que de vagues indications sur l’étendue et les ressources ? Que faire ? Il ne peuvent arrêter ni des fins précises, ni les moyens ?

•Sur quoi agissent-ils ? Quel est l’objet à gérer ?

ils vont agir pour rendre l’action collective possible donc pour se construire comme sujet explorant : par exemple : ils retiennent deux missions de 24 heures dans deux directions opposées avec une règle d’alerte ou de secours.


28/11/2004 hatchuel/gdo/3 35

Naturalismescience des organisations

Épistémologie de l’observation

Causalismescience de l’organisation

Épistémologie de l’action

Approche classique

Recherche Recherche en Gestionen Gestion

28/11/2004 hatchuel/GDO-mopp/chap2 34

Méthodologies qualitatives

Modèle classique (Mode 1)

• Question /littérature : Q

• type de données : D

• base d’enquête

• type de données:

• questionnaire

• monographie/entretiens

• analyse de contenu : interprétation de D/Q

• conclusion

Modèle alternatif (Mode 2)

• Question/litérature + histoire et problématisation d’un concept (terrain) : C

• type de place du chercheur et de son évolution : P

• modèle de conditionnement réciproque: A et ses effets (données créées) : réactions du terrain

• Conclusion : mise en relation de C, P, A :

• histoire

• analyse de contenu

• effets provoqués

• Revision de C ?

Modèle classique

• Le chercheur cherche la meilleure façon de répondre à Q (par ex un instrument)

• le chercheur fournit aux acteurs les moyens d’une action rationnelle (weber type 4)

Modèle alternatif

• Partant de Q, le chercheur conçoit une classe d’actions à partir d’hypothèses de subjectivations et de rationalisations

• l’interaction entre le chercheur et son terrain conduit à la mise à l’épreuve de ces hypothèses

• cette épreuve produit la revision conceptuelle



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Approche classique


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Modèle classique (Mode 1)

• Question /littérature : Q

• type de données : D

• base d’enquête

• type de données:

• questionnaire

• monographie/entretiens

• analyse de contenu : interprétation de D/Q

• conclusion

Modèle alternatif (Mode 2)

• Question/litérature + histoire et problématisation d’un concept (terrain) : C

• type de place du chercheur et de son évolution : P

• modèle de conditionnement réciproque: A et ses effets (données créées) : réactions du terrain

• Conclusion : mise en relation de C, P, A :

• histoire

• analyse de contenu

• effets provoqués

• Revision de C ?

Modèle classique

• Le chercheur cherche la meilleure façon de répondre à Q (par ex un instrument)

• le chercheur fournit aux acteurs les moyens d’une action rationnelle (weber type 4)

Modèle alternatif

• Partant de Q, le chercheur conçoit une classe d’actions à partir d’hypothèses de subjectivations et de rationalisations

• l’interaction entre le chercheur et son terrain conduit à la mise à l’épreuve de ces hypothèses

• cette épreuve produit la revision conceptuelle


Épistémologie de l’observation et de l’action

sont reliées

Épist

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Approche classique



Conclusions :• La théorie de l’action concevable est « symétrique» de la théorie de la connaissance comme conditionnement réciproque

• la connaissance des SH n’est possible que parce qu’ il y a une action concevable repérable par le chercheur

• l’apprentissage n’est possible que parce que l ’action conçue peut être révisée par ses propres effets

• La révision peut porter aussi bien sur le processus de subjectivation que sur celui des rationalisations

• La théorie de l ’action concevable retrouve les modèles classiques de la rationalité comme cas restrictifs

En Gestion le causalisme naïf : « instrument donne résultat » est un cas extrême ou limite :

le plus souvent l’instrument est simplement la trace historique de processus collectifs de subjectivations/ rationalisations qu’il faut retrouver…


• attente

• compréhension de l’île/conditionnement de soi

• Vendredi = perturbation

• Education de vendredi/colonisation

• retour à la civilisation.

Robinson Crusoe 1718 D.Defoe


• collectif hétérogène

• conquête de l’île par un processus de conditionnement créateur

• opposition : avec le modèle du révolutionnaire qui veut changer le monde et échoue

J. Verne, « l’ile mystérieuse » 1876


Et le Robinson de Michel Tournier ? (1967)


Annexe : « évolution de la cybernétique »


Une théorie de l’action concevable

tradition

leader

valeurs

Action « gérée »

Rationalité fins-moyens

subjectivations(Sujet/Sujet), (sujet/autrui),

(sujet/monde) : RELATIONS

Rationalisations ?

Conditionnements réciproques

- connaissances

- prescription

SAVOIRS

Action concevable ?

?

Formes historiques